M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-405 vise à rabaisser, en 2014, de 19 % à 10 % le taux d’impôt sur les sociétés applicable aux entreprises qui cèdent des bureaux ou des commerces à des bailleurs sociaux en vue de leur transformation, pour au moins 80 %, en logements locatifs sociaux.

La commission des finances a trouvé l’idée tout à fait opportune, mais elle est néanmoins partagée vis-à-vis de cet amendement.

En effet, il a pour effet d’attribuer un avantage certain aux entreprises qui vendraient leurs immeubles à des bailleurs sociaux, ce qui est très incitatif et constitue une opportunité, mais il ne me semble pas l’assortir de beaucoup de contraintes quant à la nature de ces logements locatifs sociaux.

Nous nous sommes donc demandé si l’État ne risquait pas de payer trop cher cette incitation, mais seule la mise en œuvre de la mesure permettra de connaître vraiment son coût. Compte tenu du manque de perspective et de la difficulté à anticiper les effets, nous avons donc décidé de demander au Gouvernement de se positionner et nous nous rallierons à son avis.

M. Francis Delattre. C’est courageux !

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous avons déjà eu en partie ce débat à l’occasion de l’examen d’un de vos amendements, madame Lienemann, ainsi que de celui d’un amendement de M. Mézard.

J’ai pris l’engagement, au nom du Gouvernement, que la question du niveau d’incitation fiscale qu’il conviendrait de déployer pour encourager à la vente de locaux à des bailleurs sociaux serait traitée lorsque sera examiné le projet de loi de finances rectificative. Je suggère donc que l’ensemble des sujets liés à cette question soit renvoyés à ce dernier : plutôt que de voter des dispositions dans des lois successives sans que l’unité et la cohérence y trouvent forcément leur compte, je propose que nous examinions alors ensemble les sujets que vous avez évoqués.

Très loyalement, je m’engage en effet à ce que le Gouvernement travaille avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, de manière que l’on parvienne à une solution consensuelle, globale, bien calibrée et bien chiffrée. Cela assurera ensuite, notamment aux bailleurs sociaux, une visibilité qui permettra d’agir, dans la durée et sereinement, sans que le dispositif risque à nouveau d’être modifié par telle ou telle initiative ultérieure, qu’elle soit d’origine gouvernementale ou parlementaire.

Je vous propose de suivre cette méthode et vous demande donc de retirer votre amendement, convaincu que dans quelques semaines seulement nous pourrons régler ces questions ensemble.

M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° I-405 est-il maintenu ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je le retire, monsieur le président, mais j’insiste sur l’urgence, car, à la différence de mes autres amendements, qui visaient plutôt à prolonger des mesures existantes, celui-ci devait avoir un effet booster, très limité dans le temps, pour que le déstockage des bureaux vides intervienne rapidement, car la tentation de les garder à des fins spéculatives n’est pas secondaire. Pour autant, il faut en effet que le dispositif soit cohérent.

M. le président. L'amendement n° I-405 est retiré.

L'amendement n° I-88, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Baylet, Bertrand et Collombat, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 423-14 du code de la construction et de l'habitation est abrogé à compter du 31 décembre 2012.

II. - La perte de recettes résultant pour l’Agence nationale pour la rénovation urbaine du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un sujet que Marie-Noëlle Lienemann connaît bien : le prélèvement sur le potentiel financier des organismes d’HLM, dont nous avons déjà à plusieurs reprises demandé la suppression, raison pour laquelle mon amendement est à la fois d’appel et de rappel.

Mis en place dans la loi de finances initiale pour 2011, ce prélèvement est particulièrement pénalisant pour les organismes d’HLM, car il affecte leurs capacités d’investissement et constitue un frein à la réhabilitation et même à la construction de logements sociaux dans nombre de départements.

J’ai dit que c’était un amendement d’appel et de rappel, car il reprend un amendement que nous avions présenté et qui avait été adopté au mois de septembre lors de l’examen du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

Cependant, ce projet de loi, après la « censure » du Conseil constitutionnel du 24 octobre dernier, n’est pas encore adopté, et pour cause, puisqu’il doit revenir devant nous. Aussi, dans l’attente de son adoption, que nous espérons rapide, nous avons préféré déposer cet amendement et le présenter dans le projet de loi de finances pour 2013.

Il ne nous a pas échappé que la mission « Égalité des territoires, logement et ville », en deuxième partie, anticipait l’adoption de cette mesure. Nous nous en réjouissons, mais il nous a néanmoins semblé utile de faire une piqûre d’appel et de rappel…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un avis qui est implicitement favorable.

M. Philippe Marini. Implicitement !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nos collègues, qui ont déjà déposé des amendements identiques à plusieurs reprises et proposent de supprimer le prélèvement de 175 millions d’euros sur le potentiel financier des organismes d’HLM institué en 2011, ont en fait déjà obtenu satisfaction dans le cadre de la loi Duflot sur le logement social.

Certes, cette loi a rencontré quelques obstacles, mais elle a de nouveau été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale et le principe semble acquis puisque le projet de budget de la mission « Égalité des territoires, logement et ville » prend d’ores et déjà acte de la suppression du prélèvement sur le potentiel des organismes d’HLM.

Il n’est peut-être pas opportun d’utiliser plusieurs véhicules législatifs pour acter cette suppression dont l’initiative vous revient, mais, si vous souhaitez que nous nous fassions un peu plaisir en adoptant cet amendement aujourd'hui, nous pouvons tout à fait le faire : qui peut le plus peut le moins…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’ai aucune objection de fond à l’égard de cette disposition, identique à celle que Mme Duflot propose, au nom du Gouvernement, dans le nouveau projet de loi qui sera soumis au Parlement, le premier texte ayant été censuré dans les conditions que l’on sait. À la Haute Assemblée d’apprécier si elle doit être votée en loi de finances initiale ou s’il vaut mieux, pour la cohérence du projet de loi que Mme Duflot présentera également dans cette enceinte, laisser à celui-ci l’exclusivité de la mesure.

Sur le fond et comme ministre du budget, je n’ai pas d’appréciation et encore moins de jugements à porter, mais j’en appellerai donc peut-être à un souci de cohérence, qui conduirait à réserver l’adoption de la disposition jusqu’à l’examen du texte précisément dédié au logement social, ce qui, je le sais, est votre préoccupation.

Je m’en remets donc, monsieur le rapporteur général, à votre avis, tout en comprenant M. Mézard : il vaut mieux tenir que courir ! J’insiste cependant sur le fait que le projet de loi sur le logement social a été déposé, qu’il contient cette disposition qui avait déjà été adoptée et qui le sera, naturellement, de nouveau, et qu’il arrivera à bonne fin. Je n’ai aucune incertitude à cet égard et je laisse le Sénat apprécier ce qu’il convient de faire dès lors que toutes les assurances ont été données.

M. le président. Monsieur Mézard, M. le rapporteur général et M. le ministre sont implicitement favorables à votre amendement et vous demandent implicitement de le retirer : que faites-vous ? (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative que nous avons eu à voter sur sa proposition, le ministre avait indiqué tout l’intérêt qu’il portait à cette mesure en me disant qu’elle trouverait certainement mieux sa place dans le futur projet de loi sur le logement de Mme Duflot. Lors de l’examen de ce texte, j’ai présenté de nouveau mon amendement …et Mme la ministre a estimé qu’il serait bon de l’examiner dans le futur projet de loi de finances. (M. le ministre rit.)

M. Philippe Marini. C’est une réponse fréquemment faite par tous les ministres et dans tous les gouvernements !

M. Francis Delattre. Et demain on rase gratis !

M. Jacques Mézard. Le Sénat n’a pas suivi Mme la ministre. Aujourd'hui, je présente encore une fois mon amendement et vous me dites, monsieur le ministre, qu’il serait bon qu’il soit adopté dans le cadre du projet de loi de Mme Duflot qui va revenir devant nous.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il y est !

M. Jacques Mézard. L’intérêt d’avoir plusieurs véhicules législatifs tient à ce que certains de ces véhicules sont de plus en plus souvent en panne. Par conséquent, pour arriver au but, il est bon de pouvoir compter sur un véhicule solide. Cela étant, monsieur le ministre, je vais vous faire de nouveau confiance. J’espère ne pas avoir à revenir devant vous une cinquième fois, (Sourires.) lors du débat sur le projet de loi de finances rectificative, pour arriver enfin à faire entériner cette mesure utile à la construction des logements sociaux.

M. le président. L’amendement n° I-88 est retiré.

Articles additionnels après l'article 11
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Article 13

Article 12

I. – Le III de l’article 1011 bis du code général des impôts est ainsi modifié :

a) Le tableau du deuxième alinéa du a est remplacé par le tableau suivant :

 

« 

Taux d’émissionde dioxyde de carbone (en grammes par kilomètre)

Tarif de la taxe (en euros)

Année d’immatriculation

À partir de 2013

Taux ≤ 135

0

135 < taux ≤ 140

100

140 < taux ≤ 145

300

145 < taux ≤ 150

400

150 < taux ≤ 155

1 000

155 < taux ≤ 175

1 500

175 < taux ≤ 180

2 000

180 < taux ≤ 185

2 600

185 < taux ≤ 190

3 000

190 < taux ≤ 200

5 000

200 < taux

6 000

 » ;

 

b) Le tableau du deuxième alinéa du b est remplacé par le tableau suivant :

 

«

Puissance fiscale(en chevaux-vapeur)

Montant de la taxe (en euros)

Puissance fiscale ≤ 5

0

6 ≤ puissance fiscale ≤ 7

800

8 ≤ puissance fiscale ≤ 9

1 400

10 ≤ puissance fiscale ≤ 11

2 600

12 ≤ puissance fiscale ≤ 16

4 600

Puissance fiscale >16

6 000

 »

 

II. – Le I s’applique aux véhicules immatriculés à compter du 1er janvier 2013.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, sur l'article.

M. Philippe Marini. En cet instant, je voudrais attirer votre attention sur la situation de l’industrie automobile française et sur les risques liés au dispositif du malus tel qu’il nous est ici proposé.

Il est inutile, mes chers collègues, de rappeler les très graves difficultés que connaissent les marchés automobiles européens, dont les tendances sont de plus en plus inquiétantes : perte de 4 millions de voitures en cinq ans et effondrement des marchés d’Europe du Sud, sans compter les risques induits pour les sites industriels français.

Pour l’année 2013, nous pouvons nous attendre à une nouvelle phase de baisse des immatriculations tant sur le marché européen, profondément déprimé, que sur le marché domestique. Les constructeurs considèrent que les surcapacités européennes seraient de l’ordre de 20 %, ce qui entraîne un climat d’intense guerre des prix et une extrême sensibilité des consommateurs aux signaux qui leur sont adressés. Dans un tel contexte, mes chers collègues, j’estime que la forte hausse du malus automobile ici proposée tombe vraiment très mal. Elle peut même être considérée comme un signal fiscal dissuasif.

Nous connaissons tous les difficultés du groupe PSA et leurs effets sur l’emploi. Nous savons que la fabrication de certains véhicules ne permet de dégager que des marges très faibles. Les véhicules émettant moins de 155 grammes de dioxyde de carbone, au sens de l’article 12, correspondent au « cœur de gamme » de la production dudit groupe en France. Les ressauts de malus sur l’échelle des tranches, en particulier sur les tranches comprises entre 150 grammes et 155 grammes d’émission de dioxyde de carbone et entre 155 grammes et 175 grammes, peuvent avoir des conséquences économiques tout à fait significatives. Le présent projet de loi de finances prévoit cependant un quasi doublement du malus par rapport à l’année précédente, avec des ressauts, pour chacune des tranches citées, allant respectivement de 500 euros à 1 000 euros et de 750 euros à 1 500 euros.

Or ce sont bien ces deux tranches qui affectent le plus directement les véhicules produits sur les sites français qui se trouvent sur des segments extrêmement sensibles au signal-prix et sur lesquels les arbitrages des consommateurs, en vue de la décision finale d’achat, s’effectuent souvent à quelques centaines d’euros près.

Selon les constructeurs et les spécialistes, d’une manière générale, ce durcissement pourrait provoquer en 2013 la non-réalisation sur le marché français d’une vingtaine de milliers de ventes de véhicules particuliers – pour la majeure partie construits sur notre sol –, dont 7 000 compris dans les deux tranches les plus sensibles précitées.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, avant de voter l’amendement de suppression que M. de Montgolfier présentera au nom de notre groupe, je voulais vous livrer ces réflexions et, peut-être, faire infléchir le dispositif qui nous est proposé. Si nous n’y parvenions pas lors de l’examen du projet de loi de finances initiale, peut-être faudrait-il que ce dossier soit mieux traité dans le projet de loi de finances rectificative de fin d’année. Il pourrait s’agir, par exemple, de lisser la progression des malus affectant les tranches les plus sensibles. Il pourrait s’agir aussi de geler l’application du malus pendant une période d’observation au cours de l’année 2013, de manière à évaluer le coût réel des bonus annoncés au mois de juillet dernier, en particulier celui d’entre eux relatif aux véhicules purement électriques. En effet, la demande pour ce type de voiture est demeurée très faible : elle ne représente qu’environ 5 000 ventes sur les neuf premiers mois de l’année.

Mes chers collègues, je crois qu’il est utile de développer de manière cohérente notre approche tant fiscale qu’économique : il y va de la défense de l’emploi sur les sites français de l’industrie automobile. (Mme Sophie Primas applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-203 est présenté par MM. de Montgolfier, du Luart et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° I-283 est présenté par MM. Darniche, du Luart, de Legge, Türk, B. Fournier, Pierre et Retailleau.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l'amendement n° I-203.

M. Albéric de Montgolfier. Par cet amendement, le groupe UMP propose de supprimer non pas le malus automobile, mais le durcissement du barème, et d’en rester à l’actuel barème.

Le choix du Gouvernement en faveur d’un durcissement massif du malus applicable aux voitures particulières risque d’avoir une première conséquence désastreuse sur la production française. Je ne vais pas m’étendre longuement sur la crise automobile : nous savons tous à quel point les sites de production sont fragilisés. Aggraver brutalement le malus, dans les proportions indiquées à l’instant par M. Marini, ne peut donc que fragiliser encore plus notre industrie.

Mais ce choix entraîne également une seconde conséquence à l’encontre des familles, des ménages, des particuliers, en termes de pouvoir d’achat. Le durcissement du malus ne touche pas que les possesseurs de grosses cylindrées ou les conducteurs à fort pouvoir d’achat, mais affecte aussi le segment des classes moyennes. Mes chers collègues, je vous invite à vous reporter à la page 142 de l’excellent rapport général, où figure un tableau retraçant quelques exemples de véhicules concernés : Citroën C3, Renault Clio, Citroën C4, Peugeot 308, Peugeot 508… Ces voitures sont celles des classes moyennes et des familles, celles des déplacements quotidiens et professionnels. Ce sont surtout celles qui sont directement concernées par un malus pouvant s’élever à 1 000 euros, 2 000 euros, 3 000 euros voire 6 000 euros. Ce dispositif se révélerait donc extrêmement dangereux pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens et pour l’avenir de notre industrie automobile.

En revanche, et je pense que Philippe Marini a raison en nous invitant à la prudence, on ne peut encore aujourd’hui mesurer les effets bénéfiques du bonus. Il suffit pour s’en assurer de regarder les catégories de véhicules concernées : Peugeot Ion, Renault Zoé, Fisker Karma, Cecomp Bluecar, Citroën C-Zéro… (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) Vous trouverez cette liste dans le rapport général, je n’invente rien ! Il s’agit de voitures que l’on rencontre assez rarement en circulation. On peut légitimement s’interroger sur l’effet positif d’un bonus qui aurait dû faire augmenter la production et la vente de ces modèles encore peu répandus.

La solution de sagesse proposée par Philippe Marini, qui consiste à prendre un peu de temps afin d’évaluer plus finement les effets du bonus-malus avant d’aller plus loin, me paraît devoir être suivie. C’est la raison pour laquelle notre groupe propose la suppression de l’article 12.

M. Philippe Marini. Très bien !

M. le président. L'amendement n° I-283 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-203 ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je constate que le groupe UMP a de la suite dans les idées. (Marques d’approbation ironique sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini. Voilà qui est très juste !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous ne vous étonnerez pas, dans ces conditions, que le rapporteur général en ait tout autant sur la question de l’équilibre des finances publiques en 2013 !

M. Albéric de Montgolfier. C’est bien le moins !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Si nous adoptions l’amendement que M. de Montgolfier vient de présenter au nom du groupe UMP, nous perdrions une nouvelle recette évaluée entre 200 millions d’euros et 400 millions d’euros par an, ce qui grèverait d’autant le budget pour 2013. Cette raison à elle seule pourrait justifier l’avis défavorable de la commission.

Mais il y a plus grave. Il faut comprendre que le durcissement du malus est la contrepartie budgétaire du renforcement du bonus, adopté au mois de juillet dernier. La préoccupation du Gouvernement est de progressivement parvenir à équilibrer les revenus du malus avec les coûts du bonus. Or le différentiel entre ces deux dispositifs se traduit aujourd’hui par une charge considérable pour l’État de 1,5 milliard d’euros. Le durcissement du malus vise donc à soulager nos finances publiques.

Un dernier argument de poids : la suppression de l’article 12 reviendrait à supprimer tout bonnement le malus, puisque le code général des impôts a retenu la date du 31 décembre 2012 comme terme du barème actuellement en vigueur.

M. Albéric de Montgolfier. Il n’y a qu’à la proroger !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En réalité, le malus serait mis sous l’éteignoir.

M. Francis Delattre. Nous ne voulons pas aller jusque-là !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour toutes ces raisons, la commission demande le rejet de cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, le malus a été instauré en 2008, sur l’initiative, me semble t-il, du ministre chargé de ces questions à l’époque, M. Jean-Louis Borloo.

M. Philippe Marini. Tout à fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le coût de cette niche avait d’ailleurs été sous-estimé selon un facteur de trois, quatre ou cinq…

M. Philippe Marini. Effectivement, mais nous n’étions déjà pas très convaincus par les arguments avancés à l’époque.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le coût de ce dispositif est aujourd’hui de 1,5 milliard d’euros. Quand il fut présenté par M. Borloo, il n’était évalué qu’à quelques centaines de millions d’euros. J’en ai un souvenir précis.

Il est vrai que l’actuel leader d’une formation politique importante – en tout cas à l’Assemblée nationale –, quelles qu’aient été les fonctions qu’il ait pu exercer, n’a jamais su estimer le coût réel des dispositions qu’il proposait au Parlement. (« Des noms ! » sur les travées du groupe socialiste.) Celle-là en est un exemple assez évocateur.

M. Philippe Marini. Ne généralisez pas !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je crains bien d’avoir raison, monsieur Marini. Je maintiens mes propos et, si vous le souhaitez, je peux vous faire parvenir la liste des mesures en question. Vous pourrez constater que, dans l’exercice de chacune de ses fonctions ministérielles, M. Borloo aura coûté très, très cher à l’État !

Si cet amendement de suppression était adopté, il entraînerait la disparition du bonus-malus dont le terme était prévu initialement au 31 décembre 2012.

Ce n’est pas parce que la mesure Borloo s’est révélée beaucoup plus coûteuse que ne l’avait prévu son promoteur qu’il faut en contester le principe. Il ne me paraît pas souhaitable d’adopter un amendement de suppression pour abroger le dispositif.

Au demeurant, le Gouvernement propose d’améliorer le mécanisme, dont, encore une fois, il approuve le principe, dans le cadre de son plan de soutien à l’automobile française.

À cet égard, je m’inscris en faux contre ce qui vient d’être affirmé par certains sénateurs de l’opposition. Les dispositions proposées par le Gouvernement renforcent le secteur automobile français. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Francis Delattre. Pas du tout !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Aujourd'hui, les voitures qui sont vendues sur le marché français – d’ailleurs, ce sont également les moins polluantes ! – sont celles qui sortent des usines françaises.

Je crains donc que vous ne fassiez un contresens. Je peux très bien concevoir que l’on ait des doutes ou que l’on émette des critiques. Mais, là, il s’agit d’éléments factuels.

En outre, le Gouvernement a proposé un plan de soutien à la production de véhicules hybrides ou électriques. Il va de soi que le dispositif du bonus-malus s’inscrit parfaitement dans cette perspective.

Par conséquent, je demande résolument le rejet de cet amendement. Nous voulons le maintien d’une politique qui, bien que très coûteuse par rapport aux estimations initiales, reste, je le crois, bonne dans son principe. De plus, le bonus-malus est un élément essentiel de la politique de relance de l’industrie automobile voulue par les autorités françaises.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.

M. Christian Cambon. Je comprends bien que M. le rapporteur et M. le ministre délégué soient quelque peu gênés, puisqu’ils sont en train de s’attaquer aux propriétaires des véhicules dont nous discutons, c'est-à-dire, en l’occurrence, les Français des classes moyennes !

Le Gouvernement fait le choix d’augmenter massivement le malus applicable aux voitures particulières et aux véhicules professionnels. Nous contestons, pour notre part, non pas le dispositif dans son principe, mais son durcissement.

En abaissant les tranches, vous vous attaquez aux Français des classes moyennes et aux familles, dont les voitures de moyenne cylindrée seront désormais concernées par le malus.

Osez donc avouer à nos concitoyens ce que vous leur faites ! Ayez le courage de leur dire en face que, pour vous, on fait partie des classes favorisées quand on possède une Citroën C3, une Peugeot 308 ou une Clio !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais non ! La Clio est dans le bonus !

M. Christian Cambon. Pas du tout ! Lisez le tableau ; il est tout à fait clair ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

Par ailleurs, vos choix ont pour conséquence désastreuse de limiter la production française aux véhicules les plus modestes, alors que les plus grosses cylindrées représentent un marché à très forte valeur ajoutée et que la concurrence asiatique sur les petits modèles est malheureusement la plus forte.

Comme cela a été rappelé, le secteur de l’industrie automobile connaît une crise sans précédent. Les résultats obtenus entre le mois de juillet et le mois de septembre dernier en témoignent : les constructeurs automobiles ont fait état d’une baisse d’activité de 11,4 % par rapport à la même période en 2011.

Il ne saurait donc être question de donner le coup de grâce, avec cet article, à l’un des piliers de notre industrie et à tous les sous-traitants qui en dépendent !

Revenons-en à la question de la compétitivité.

Nous avons déjà eu dans cet hémicycle des débats sur le manque de compétitivité de notre pays, raison principale de son déficit commercial. Bien évidemment, cette discussion nous amène à réaliser quelques comparaisons avec notre partenaire d’outre-Rhin, dont la balance commerciale s’est, quant à elle, considérablement redressée en dix ans.

Or chacun peut constater que l’avantage concurrentiel de l’Allemagne en termes de compétitivité-coût est minime, le coût du travail y étant sensiblement identique à celui que nous connaissons en France.

Nous sommes donc tous arrivés à la conclusion que l’avantage concurrentiel ou comparatif de l’Allemagne, notamment dans le secteur automobile, tient au fait que l’industrie automobile allemande occupe un marché qui nous est de plus en plus étranger : celui du luxe. La valeur ajoutée de ses produits est supérieure à la nôtre. Ainsi, malgré des prix élevés, sa position dominante sur le marché de l’automobile haut de gamme lui assure des résultats tout à fait enviables, donc beaucoup de créations d’emplois.

En durcissant les tarifs du malus, l’article 12 va à l’encontre de la promotion de notre industrie automobile et de ses velléités sur le marché haut de gamme. Il ne suffit pas de jouer au mannequin en marinière pour promouvoir l’industrie française ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Car nos constructeurs vont mécaniquement s’orienter vers la production de véhicules plus modestes. Nous aurons ainsi affaibli notre industrie automobile. Et les pollutions atmosphériques resteront au niveau que l’on connaît. En effet, les Français qui en auront les moyens continueront d’acheter des grosses cylindrées, mais, du coup, exclusivement d’origine allemande.

C’est pourquoi notre groupe votera l’amendement de suppression présenté par notre collègue Albéric de Montgolfier.

Et si cet amendement n’est pas adopté, je défendrai dans quelques instants un amendement de repli visant à remédier à un autre problème suscité par cet article, lequel a plusieurs conséquences néfastes.

En l’occurrence, les véhicules particuliers de transport de personnes de huit places seront directement concernés par ce malus, alors qu’ils servent dans toutes nos communes – vous le savez, mes chers collègues – au transport collectif des enfants, des personnes âgées, des personnes handicapées, qui ont beaucoup de mal pour se déplacer et qui comptent bien souvent sur ces petits cars. Là, le malus sera considérablement augmenté.

Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer l’article 12.