M. le président. L'amendement n° I-247, présenté par MM. Adnot, Masson, Türk, Darniche et Bernard-Reymond, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 14

a) Après les mots :

« année précédente »

Insérer les mots :

ainsi que des prélèvements de nature fiscale et des contributions exceptionnelles

b) Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette réduction ne peut excéder une somme égale à 50 % du montant de cotisation résultant de l'application de l'article 885 V ou, s'il est supérieur, au montant de l'impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du tarif fixé à l'article 885 U.

II- La perte de recettes éventuelle pour l'État résultant du I est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. 

III. – Alinéas 15 à 23

Supprimer ces alinéas.

IV. - Alinéa 24

Remplacer les mots :

y compris celles mentionnées au 5° du II, ainsi que tous les revenus sont déterminés

par les mots :

déterminées

V. - Alinéa 25

a) Au début

Insérer les mots :

Pour l'application du premier alinéa,

b) Après le mot :

fortune

Insérer les mots :

du redevable

VI. - En conséquence, alinéa 24

Faire précéder cet alinéa de la mention :

II. -

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-385, présenté par M. Delahaye et Mme Létard, est ainsi libellé :

Alinéas 19 à 21

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. L’article 9 du projet de loi de finances pour 2013 prévoit la restauration d’un barème progressif pour l’ISF, avec, en contrepartie, un plafonnement de cet impôt à 75 % des revenus du contribuable.

Monsieur le ministre délégué, si votre objectif est louable, votre dispositif pénalisera toute une partie d’actionnaires familiaux qui ont organisé la détention et la gestion de leur patrimoine autour de holdings animatrices et de sociétés familiales de gestion mobilière, notamment celles qui ont opté pour l’impôt sur les sociétés.

Or ces structures ne peuvent être regardées systématiquement comme fictives ! En effet, il s’agit d’outils juridiques favorisant le réinvestissement des liquidités dégagées par une entreprise A dans une entreprise B et permettant aussi la gestion et la transmission du patrimoine familial.

L’objet de cet amendement est simple : par la suppression de trois alinéas de l’article 9,…

M. Philippe Marini. Rien que ça !

M. Vincent Delahaye. … nous proposons de sortir du calcul du plafonnement, d’une part, les sommes détenues par les holdings qui n’ont pas été distribuées et que les actionnaires n’ont pas à leur disposition, puisqu’ils ne peuvent décider de leur distribution,…

M. Vincent Delahaye. … et, d’autre part, les plus-values latentes, dont il est tout de même assez aberrant de tenir compte puisque, par définition, ces plus-values ne sont pas encore réalisées.

Monsieur le ministre, si mon amendement ne recueille pas un avis favorable du Gouvernement et n’est pas adopté, que se passera-t-il pour le contribuable imposé avec un plafonnement ayant intégré des plus-values latentes qui ne se vérifient pas ? Le constat que la plus-value latente dont on a tenu compte l’année N n’existe plus l’année N+1 lui permettra-t-il d’être remboursé ?

M. Philippe Marini. Bonne question !

M. Gérard Longuet. Très bien !

M. le président. L'amendement n° I-58, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 19 et 20

Supprimer ces alinéas.

II. - En conséquence, alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Là encore, il ne s’agit que de supprimer quelques petits alinéas, mais des alinéas loin d’être anodins, comme le remarquait, à l’instant, notre collègue Vincent Delahaye !

Cet amendement vise à supprimer la prise en compte d’une catégorie de prétendus « revenus » que l’article 9 prévoit d’intégrer dans le calcul du plafonnement de l’ISF.

Il est déjà anormal de prendre en compte des revenus virtuels, comme les revenus capitalisés des contrats d’assurance-vie, dans le calcul du plafonnement, alors même que la valeur de rachat des bons ou des contrats de capitalisation est susceptible de baisser et que racheter ses parts signifie, dans les premières années, subir une fiscalité alourdie.

Mais il est profondément choquant d’intégrer, dans ce calcul, des « revenus » que, dans d’assez nombreux cas, le contribuable n’aura pas la liberté de décider de percevoir ou non ! Tel est, par exemple, le cas du « bénéfice distribuable » d’une société holding. De fait, les critères proposés pour bénéficier de ce dernier – avoir détenu, avec son cercle familial élargi, plus de 25 % des droits dans les bénéfices à un moment quelconque des cinq dernières années – ne sont pas des critères de contrôle de la société.

En pratique, la mesure introduite par le Gouvernement concernera de très nombreux actionnaires minoritaires ne maîtrisant pas la décision de percevoir ou non le « bénéfice distribuable » !

Dès lors, on pourrait à bon droit s’interroger, rue de Montpensier...

À cet égard, on peut rappeler que, dans le commentaire de sa décision n° 2012-654 DC du 9 août dernier, le Conseil constitutionnel, évoquant l’ancien plafonnement dit « Rocard », a souligné que ce mécanisme « permettait de s’assurer que l’acquittement de l’ISF, ajouté à celui de l’impôt sur le revenu ainsi que des prélèvements sociaux, n’excédait pas une fraction du revenu disponible du contribuable ». « Disponible », monsieur le ministre… Or, dans de nombreux cas, le revenu distribuable des sociétés visées dans le mécanisme proposé ne sera précisément pas « disponible » pour le redevable. Le « nouveau plafonnement » n’offrira donc pas les mêmes garanties que l’ancien.

De plus, cette mesure est mauvaise sur le plan économique, puisqu’elle constituera une incitation très forte à se faire verser la quasi-totalité du revenu distribuable afin de pouvoir acquitter son impôt. Ainsi, tandis qu’aujourd’hui les holdings de tête servent souvent à financer les sociétés les moins rentables d’un groupe familial, grâce aux bénéfices des sociétés les plus performantes, elles risquent de perdre ce rôle à l’avenir, au détriment de l’activité, et sans doute aussi de l’emploi.

Monsieur le ministre, il serait plus sage de supprimer ce dispositif, la notion d’abus de droit devant permettre à l’administration fiscale de surmonter les montages réalisés pour se soustraire à l’impôt.

J’espère que vous serez sensible à ces arguments techniques et de bon sens !

M. le président. Les amendements nos I-34 rectifié et I-118 sont identiques.

L'amendement n° I-34 rectifié est présenté par MM. Doligé, P. André et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Charon, Cléach, Cornu et Couderc, Mme Deroche, MM. P. Dominati et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grignon et Houel, Mlle Joissains, MM. Lefèvre, de Legge, P. Leroy, du Luart et Pointereau, Mme Sittler et M. Trillard.

L'amendement n° I-118 est présenté par Mme Des Esgaulx.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 19, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce bénéfice peut être réduit à hauteur des sommes que les porteurs de parts s'engagent à investir dans des actifs professionnels au sens des articles 885 N à 885 R, avant la fin de la quatrième année suivant celle du dépôt de la déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Ces amendements ne sont pas soutenus.

Les amendements nos I-35 rectifié et I-119 sont identiques.

L'amendement n° I-35 rectifié est présenté par MM. Doligé, P. André et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Charon, Cléach, Cornu et Couderc, Mme Deroche, MM. P. Dominati et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grignon et Houel, Mlle Joissains, MM. Lefèvre, de Legge, P. Leroy, du Luart et Pointereau, Mme Sittler et M. Trillard.

L'amendement n° I-119 est présenté par Mme Des Esgaulx.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Après l'alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret précise les modalités de l'engagement d'investir prévu au 4° du II et de son suivi. En cas de non-respect de l'engagement, les sommes non réinvesties sont rapportées à l'impôt sur la fortune de la cinquième année suivant celle de l'engagement initial. Le montant des droits éludés est majoré d'une pénalité égale à 10 %. »

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Ces amendements ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur les neuf amendements restant en discussion ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission, qui a examiné tous ces amendements hier matin, a considéré que, dans la rédaction actuelle du projet de loi de finances, l’ISF rapportera 4 milliards d’euros en 2013. Le dispositif prévu à l’article 9 doit rapporter 1 milliard sur ces 4 milliards d’euros, soit une recette déjà importante.

Quels sont les termes du débat ? Je les résumerai en une question : faut-il demander à l’ISF de rapporter plus ou de rapporter moins ? À cet égard, les amendements qui viennent de nous être présentés se répartissent en deux catégories.

Les auteurs des amendements de la première catégorie estiment qu’il serait bon de demander un peu plus à cet impôt, en réintégrant dans son assiette des contribuables dont le patrimoine dépasse, par exemple, 800 000 euros.

Tel est l’objet des amendements nos I-153 et I-336, ainsi que de leurs variantes consistant à revenir au barème en vigueur soit en 1997, soit en 1982.

Le Gouvernement a essayé de trouver un équilibre dans le dispositif, dont je vous rappelle qu’il a été réactualisé en juillet dernier, avec des bases d’ISF renouvelées et améliorées. Si l’article 9 du projet de loi de finances pour 2013 conduit à chercher des ressources supplémentaires dans l’ISF, d’autres dispositions du texte visent à frapper le patrimoine, la rente, les intérêts d’emprunt ou encore les plus-values.

Autrement dit, dans sa recherche de recettes nouvelles et de rendement fiscal, le Gouvernement a essayé de trouver un équilibre entre différents dispositifs : l’ISF, la taxation des plus-values et du patrimoine d’une façon générale, un certain nombre de mesures complémentaires… Aujourd'hui, il est opportun de s’en tenir à l’équilibre qui a été arrêté en ce sens.

La commission, qui a émis un avis défavorable sur les quatre amendements, est également défavorable aux amendements de la seconde catégorie, qui visent à restreindre le champ d’application de l’ISF. Je pense notamment aux amendements nos I-57 et I-58, défendus par Philippe Marini, qui tendent à retirer de l’assiette de l’ISF un certain nombre d’éléments de patrimoine, ou à l’amendement n° I-385 de M. Delahaye, dont l’adoption aurait pour effet de retirer deux types de revenus du calcul du plafonnement de l’ISF.

Je crains que nos collègues ne fassent fausse route par rapport à l’ambition qui est aujourd'hui clairement la nôtre : faire en sorte que nos concitoyens les plus aisés soient sollicités un peu plus et améliorer leur contribution à l’effort de redressement collectif que nous devons entreprendre, à travers l’impôt frappant leur patrimoine.

Quant à l’amendement n° I -291 rectifié de notre collègue Richard Yung, qui porte sur le plafonnement de la réduction d’ISF-PME applicable aux fonds de capital-investissement, la commission des finances, quelque peu circonspecte à l’égard de ces questions de plafond, a estimé qu’il était opportun de solliciter l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de M. Foucaud et de M. Placé qui tendent à rétablir le seuil d’assujettissement à 800 000 euros.

Je vous rappelle que le Gouvernement propose d’instaurer un seuil de déclenchement à 1 300 000 euros : dès lors que ce seuil serait franchi, le contribuable serait taxé sur la fraction du patrimoine supérieure à 800 000 euros. Rendre éligibles à l’ISF les patrimoines compris entre 800 000 euros et 1,3 million d’euros ne nous semble pas être forcément une bonne chose. En revanche, en maintenant ce seuil d’entrée dans l’ISF, le Gouvernement a pris une décision équilibrée.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n°I-154, lequel revient à restaurer le taux marginal à 1,8 %. Ce taux fut établi à une époque où le loyer de l’argent n’avait rien à voir avec ce qu’il est aujourd'hui. Du reste, il me semble que le maintien du taux de 1,5 %, que propose le Gouvernement, légitime peut-être davantage l’ISF que ne le ferait un taux marginal tel que vous l’envisagez. On ne peut tout de même pas faire comme si les conditions économiques étaient, en 2012, les mêmes qu’en 1988 !

Il faut savoir s’adapter à la réalité économique sans rien renier du principe qui guide l’action publique : utiliser l’ISF pour faire contribuer le capital détenu au financement des services publics et des politiques publiques.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° I-57 présenté par Philippe Marini. En effet, la nouvelle rédaction du code général des impôts que le Gouvernement propose a pour objet de clarifier l’intégration, dans le patrimoine taxable à l’ISF, de la part non professionnelle des titres, ce qui évitera au redevable de procéder à une valorisation de cette dernière au 1er janvier de l’année d’imposition. Il me semble qu’il s’agit plutôt d’une mesure de simplification.

M. Philippe Marini. Vous êtes trop modeste !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. A contrario, monsieur Marini, la mesure que vous suggérez serait inutilement complexe.

S’agissant de l’amendement n° I-291 rectifié, je crains, monsieur Yung, que nos analyses ne diffèrent !

Vous souhaitez aligner sur le plafond d’exonération prévu pour l’ISF-PME celui qui est consenti aux FCPI ou aux FIP. Or, les activités de risque financés par ces deux dispositifs ne sont pas identiques, ni même comparables, loin s’en faut !

Il me paraît légitime que le dispositif finançant des risques supérieurs – les investissements directs – bénéficie d’un avantage fiscal supplémentaire…

M. Gérard Longuet. De quels risques supérieurs parlez-vous?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … par rapport aux investissements réalisés via des fonds, intermédiation qui, on le sait, élimine une part notable de risques.

Par conséquent, monsieur Yung, si vous ne retiriez pas votre amendement, le Gouvernement appellerait le Sénat à le rejeter, afin de maintenir la justification même de l’ISF-PME, que le Gouvernement a décidé de conserver : le financement d’une activité plus risquée que celle qui financée via des fonds.

Enfin, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° I-58 de M. Marini et n° I-385 de M. Delahaye, qui visent à la prise en compte de revenus capitalisés. En effet, notre objectif est de lutter clairement contre certaines pratiques d’optimisation fiscale que l’on a pu constater ces dernières années. Ce système nous paraît plus juste que le « plafonnement du plafonnement » qui fut instauré, en 1995-1996, par le gouvernement d’Alain Juppé, et dont beaucoup ont estimé qu’il avait été à l’origine d’un exil fiscal sans précédent jusqu’alors.

Je rappelle que seuls sont concernés par cet élargissement de la base « revenus » les bénéfices des sociétés patrimoniales, à l’exception donc des bénéfices des sociétés d’exploitation. On sait à quels excès les avantages fiscaux dérogatoires ont pu conduire la gestion de sociétés patrimoniales : nous avons tous en tête des exemples extrêmement célèbres, dont la justice peut, à l’occasion, être saisie.

Enfin, monsieur Marini, les plus-values latentes ont toujours été taxées à l’impôt de solidarité sur la fortune, il ne s’agit donc pas d’une nouveauté.

M. Gérard Longuet. C’est une des absurdités de l’ISF !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Elles sont calculées sur la base de la valeur vénale, c’est la raison pour laquelle certains, dont je suis, considèrent que l’ISF est un bon impôt et d’autres estiment qu’il devrait être supprimé.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement ne fait que rétablir une disposition qui a toujours existé. D’ailleurs, la partie de l’article visée par votre amendement ne mentionne que le plafonnement et non l’assiette au titre des plus-values latentes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements qu’il demande au Sénat de rejeter.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-153.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Placé, les amendements nos I-336, I-217 et I-218 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Vincent Placé. Je retire les amendements nos I-217 et I-218, monsieur le président, mais je maintiens l’amendement n° I-336.

M. le président. Les amendements nos I-217 et I-218 sont retirés.

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° I-336.

M. Gérard Longuet. Je ne voterai pas l’amendement de M. Placé, mais je saisis cette occasion pour répondre à notre excellent collègue.

M. Placé affiche ses convictions européennes, et je lui en suis reconnaissant car je les partage. Je me permets cependant de lui objecter qu’on ne trouve d’ISF dans aucun autre pays important de l’Union européenne. Il n’y a donc aucune incompatibilité entre le fait d’être européen et de ne pas avoir d’ISF !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Si ! Il y a un impôt sur le patrimoine au Danemark, aux Pays-Bas ! L’Espagne l’a rétabli…

M. Gérard Longuet. Nous entrerons à un autre moment dans ce débat !

Je me résume. Article premier : l’Europe, dans son immense majorité récuse l’ISF. Article deux : pendant les dix ans où nous avons été au pouvoir, nous n’avons pas supprimé l’ISF, c’est une erreur, mais nous en avons diminué le montant de manière significative par le biais de dispositions que vous venez de supprimer.

À tout pécheur miséricorde : nous n’avions fait qu’une partie du chemin, mais vous nous privez de ce chemin que nous avions parcouru !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-336.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-154.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote sur l’amendement n° I-57.

M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, sur cette question, les enjeux, loin d’être purement techniques, sont vraiment économiques : ils concernent plus spécialement le monde de la petite et moyenne entreprise.

Derrière cette nouvelle rédaction proposée pour l’article 885 O ter du code général des impôts se cache une innovation qui va durcir sensiblement le régime d’exonération du patrimoine professionnel.

Cette mesure peut en effet avoir des conséquences très significatives pour de nombreux dirigeants de PME qui, par précaution, « laissent » dans leur entreprise les bénéfices dont ils n’ont pas besoin pour vivre afin de pouvoir faire face aux aléas économiques.

Cette disposition concerne directement une population de plusieurs dizaines de milliers de personnes disséminées sur l’ensemble du territoire, constituée pour l’essentiel de patrons de PME. Elle fait disparaître toute incitation à conserver les bénéfices en réserve et pousse à les distribuer, ce qui va clairement à l’encontre des objectifs qu’affiche le Gouvernement.

Le nouveau dispositif méconnaît la structure de financement type des PME et ouvre à l’administration fiscale un nouveau « permis de redresser » : le passage à une réintégration des actifs eux-mêmes conduira à une augmentation quasi automatique de la fréquence des redressements. Il suffira désormais à l’administration de partir de la lecture directe des postes de l’actif sur les liasses fiscales pour pouvoir faire une notification, dès lors qu’elle estimera qu’un poste n’est pas indispensable à l’exploitation. La charge de la preuve contraire incombera au chef d’entreprise.

Le régime actuel est moins automatique, parce qu’il nécessite de se livrer à une estimation de la valeur des actions, exercice plus complexe qui requiert davantage de nuances.

Il faudra s’attendre, mes chers collègues, à beaucoup d’erreurs et de contestations.

En pratique, dans les sociétés non financières, les redressements vont en effet porter typiquement sur deux types d’actifs.

En premier lieu, ils viseront la trésorerie jugée excédentaire. Du point de vue des chefs d’entreprise, le sujet est potentiellement explosif, tout d’abord parce que ces redressements signifieront que l’administration juge, à leur place, de la marge de sécurité qu’ils peuvent conserver pour faire face à une éventuelle baisse d’activité ;…

M. Gérard Longuet. Absolument !

M. Philippe Marini. … ensuite parce que l’accumulation de trésorerie pendant un certain temps, en période de crédit rare, est une condition nécessaire pour financer des projets de développement.

En second lieu, les redressements vont porter sur la détention de biens immobiliers non utiles à 100 % à l’exploitation de l’entreprise. Ce sujet est également très sensible pour tous les patrons de PME, car les biens immobiliers sont souvent les seuls investissements sur lesquels les banques acceptent d’accorder des crédits longs, lesquels servent en fait à sécuriser l’entreprise dans son ensemble.

Par ailleurs, beaucoup d’entrepreneurs ont des droits à pension modiques et considèrent que c’est la valeur de leur entreprise qui leur permettra de vivre une fois à la retraite. L’immobilier confère un socle tangible à cette valeur et la stabilise à travers les cycles économiques.

Enfin, même s’il est avéré que l’usage d’un actif est mixte, à la fois personnel et professionnel, le fait de le réintégrer dans l’assiette de l’impôt pour sa valeur brute sera perçu comme une iniquité, surtout si l’on tient compte du fait qu’un particulier peut, lui, déduire de sa base taxable à l’ISF l’emprunt contracté pour un achat immobilier.

Cette mesure est complètement démotivante : quelle justice y a-t-il à durcir la taxation annuelle des patrimoines professionnels des dirigeants qui restent à leur poste, alors qu’il vient d’être décidé d’alléger l’imposition des plus-values de ceux qui vendent leur entreprise ? Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous avez été sensibles à la situation des « pigeons » qui s’envolent, mais il faudrait également prendre soin de ceux qui restent ! (Sourires.)

La modification de l’article 885 O ter du code général des impôts introduite dans ce projet de loi de finances ne peut demeurer en l’état. Le Gouvernement lui-même – j’ai toujours soin de le protéger, monsieur le ministre ! – risque de s’exposer à un retour de flamme sur ce dossier : comme il n’y a eu aucune communication sur cette disposition, c’est à l’occasion des premiers redressements que sa véritable portée apparaîtra. Cela augure d’une vague de récriminations d’autant plus violente que le durcissement de l’ISF pour les biens professionnels sera perçu comme ayant été effectué à la sauvette.

En déposant cet amendement, mes chers collègues, j’aurai au moins essayé de contribuer à lever le voile sur cette mesure discrète !

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Je souhaiterais surtout répondre à M. le rapporteur général.

En admettant même que trouver 4 milliards d’euros soit un objectif utile et nécessaire,…

M. Richard Yung. Un peu, oui !

M. Francis Delattre. … vous manquez d’imagination par rapport à votre homologue de l’Assemblée nationale.

M. Francis Delattre. Plutôt que d’essayer d’intégrer dans la base imposable des recettes plus ou moins virtuelles, des recettes bien plus précises s’offraient à vous. M. Eckert, quant à lui, a proposé d’intégrer dans l’assiette, de façon intelligente, le business des œuvres d’art, plutôt que le fait de posséder quelques œuvres d’art.

M. Philippe Marini. Ce n’est pas une bonne idée !

M. Francis Delattre. Quand on voit le résultat des ventes de M. Bergé, on se rend compte qu’il existe là une matière fiscale réelle, monsieur le rapporteur général !

M. Philippe Marini. Il n’y a pas que Pierre Bergé !

M. Francis Delattre. Pour être équitable dans ma présentation des choses, je rappelle que la commission d’enquête dont M. Bocquet était rapporteur nous a permis de découvrir les « trusts Wildenstein » : on ne peut pas dire qu’il n’y ait pas, là aussi, quelque argument fiscal, et même moral, à intervenir !

Monsieur le rapporteur général, vous qui êtes si vigilant quant au maintien des équilibres, plutôt que de taxer une matière virtuelle, pourquoi ne pas déposer quelques amendements du même esprit que ceux qu’a défendus M. Eckert, afin que nous ayons un vrai débat sur cette question ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je voterai l’amendement n° I-57 de notre collègue Philippe Marini.

Qu’est-ce qu’un bien « non nécessaire » ? La responsabilité d’en décider incombe au chef d’entreprise.

Nous pourrions d’ailleurs peut-être trouver un compromis entre la position du Gouvernement et celle défendue par Philippe Marini.

Prenons l’exemple des comptes courants : un entrepreneur qui décide de ne pas prélever tous les profits qu’il pourrait dégager de l’exploitation de son entreprise laisse les sommes correspondantes sur des comptes courants ; si ceux-ci étaient bloqués, peut-être pourriez-vous accepter, monsieur le ministre, qu’ils soient exclus de l’assiette de l’ISF, car ils apportent une sécurité financière en garantissant la solvabilité de l’entreprise vis-à-vis de ses créanciers et, en particulier, des banques.

Encore une fois, mes chers collègues, qu’est-ce qu’un « bien non nécessaire à l’exploitation » ? Le fisc est incapable d’en donner la définition. Une entreprise confrontée à un marché en difficulté ou, au contraire, une entreprise en croissance, qui doit évoluer, qui a des ambitions d’acquisition, doit pouvoir conserver des marges de manœuvre. Si l’on considère qu’elle ne peut les mobiliser qu’au moment de la décision, elle va se retourner vers ses financeurs, ses banquiers, qui lui demanderont de quels actifs elle dispose.

Lorsqu’une entreprise accumule des actifs qui, sans être directement nécessaires à son exploitation, apportent un élément de stabilité dans le temps ou peuvent contribuer au financement de nouveaux développements créateurs de valeur ajoutée – je vous renvoie sur ce sujet au rapport Gallois, que vous avez eu raison de citer – ou permettant l’accès à des marchés nouveaux, je crois qu’il faut envisager d’exonérer ces biens. On pourrait introduire, comme condition, que ces biens soient « bloqués » dans l’entreprise pour une période de deux ans ou trois ans, par exemple.

En effet, si je reprends l’argument développé par mon collègue Francis Delattre, il serait tout à fait paradoxal qu’un chef d’entreprise qui consacre les sommes disponibles sur ses comptes courants à l’acquisition de biens de collection ne soit pas taxé à l’ISF, mais qu’il le soit s’il garde cet argent dans son entreprise pour sécuriser son développement et son avenir et contribuer ainsi au maintien de l’emploi ! J’espère que vous ne serez pas insensible à cet argument, madame Beaufils…