M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le pouvoir d'achat !

M. Serge Dassault. … le déficit budgétaire de 20 milliards d’euros, ce qui est tout de même important pour vous.

En augmentant la TVA et en limitant les réductions de taux, vous pouvez obtenir non pas 20 milliards d’euros, mais peut-être 25 milliards d’euros ou 30 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Et avec les 21 milliards d’euros récupérés grâce à l’abrogation des 35 heures, vous aurez plus de 50 milliards d’euros de recettes supplémentaires ! Vous serez ainsi sauvés ; nous serons tous sauvés. Et nous pourrons travailler tous ensemble, ce qui évitera à notre pays de tomber dans une crise financière ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Cela vaudrait tout de même la peine d’y réfléchir !

Pour un État comme pour une entreprise, il y a deux manières de gérer. La première consiste à envisager la situation avec optimisme et à se persuader qu’on va gagner ; cela peut très mal finir. La seconde consiste à faire preuve de plus de pessimisme, à envisager le cas de figure le moins favorable ; et quand cela va mieux que prévu, on a gagné ! Pour une entreprise, il vaut mieux anticiper des recettes dues aux commandes faibles et avoir une bonne surprise plutôt que miser sur des recettes trop ambitieuses et devoir ensuite en subir les conséquences financières… C’est comme ça. Il faut considérer le cas de figure dans lequel on dispose de la plus faible somme d’argent.

Vous pouvez toujours arguer que tout est de la faute des gouvernements précédents, qui n’ont pas fait les réformes nécessaires. D’ailleurs, c’est en partie vrai ; je suis d'accord avec vous. Si vos prédécesseurs avaient supprimé l’ISF, les investisseurs partis en Belgique et en Grande-Bretagne – ils sont plus de 100 000 – seraient restés en France et investiraient aujourd'hui chez nous, contribuant ainsi à la croissance de notre pays. S’ils avaient supprimé les 35 heures, on n’aurait pas dépensé 20 milliards d’euros par an, soit 200 milliards d’euros en dix ans, pour ne pas travailler. Et s’ils avaient augmenté la TVA, nous serions déjà à l’équilibre budgétaire. Bref, personne n’a fait ce qu’il fallait.

Mais, à présent, c’est vous qui êtes aux manettes. C’est donc à vous de diriger le pays, quelles que soient les erreurs commises par vos prédécesseurs.

Reconnaissez que, depuis six mois, vous avez créé un sacré paquet d’impôts supplémentaires ! Vous avez aussi augmenté les dépenses ; les gens que vous avez recrutés sont peut-être très intéressants, mais vous n’avez pas de quoi les payer. Dans une entreprise comme dans un État, on fait avec l’argent que l’on a, pas avec celui que l’on n’a pas !

« Le déclin n’est pas le destin de la France », déclarait tout à l’heure notre collègue François Rebsamen. Mais je crains que, avec un tel budget, notre pays ne soit voué au déclin.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous sur le même bateau, et il est en train de couler.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il faut écoper, alors ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Serge Dassault. Mobilisons tous les moyens pour éviter le pire. Faisons les réformes qui s’imposent, même si elles ne nous plaisent pas ; c’est nécessaire ! Ne vous cramponnez pas à une idéologie qui n’a jamais marché, dans aucun pays. Construisons un nouveau projet de loi de finances pour 2013 et prévoyons les réformes indispensables. Et oublions qui est de gauche et qui est de droite ; tout cela est dépassé. Nous ne devons penser qu’à l’avenir de la France et à celui de nos enfants, pour nous sauver du déclin et redresser notre économie. Ensemble ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Discussion générale (suite)

8

Nomination d’un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée, et je proclame Mme Gisèle Printz membre suppléant du Conseil national du bruit.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

 
Dossier législatif : projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques
Discussion générale (suite)

Programmation et gouvernance des finances publiques

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (texte de la commission n° 116, rapport n° 115).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques
Article 1er

M. François Marc, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la CMP, commission mixte paritaire, s’est réunie le jeudi 8 novembre 2012, et elle a établi le texte commun qui vous est proposé aujourd'hui.

La CMP a confirmé l’économie générale du texte, qu’aucune des deux assemblées n’avait d’ailleurs remise en cause et que je rappelle en quelques mots.

Le projet de loi organique prévoit que les lois de programmation des finances publiques devront fixer un objectif de solde structurel à moyen terme et la trajectoire année par année pour y parvenir.

Ce faisant, nous transposons en droit interne la règle qui figure à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. D’ailleurs, c’est la même, ou presque, que celle du volet dit « préventif » du pacte de stabilité et de croissance.

Pour assurer la cohérence entre cette trajectoire et les lois financières annuelles, un article liminaire figurera avant la première partie des lois de finances.

Pour vérifier que nous respectons bien la trajectoire, nous créons le Haut Conseil des finances publiques, qui sera notre « conseil budgétaire indépendant », pour reprendre la terminologie du droit communautaire. Le Haut Conseil donnera des avis sur le cadrage macroéconomique des textes financiers au moment de leur examen par le Parlement. Il analysera aussi les résultats de l’exécution.

Dans sa décision du 9 août 2012 sur le TSCG, le Conseil constitutionnel a annoncé qu’il tiendra compte des avis du Haut Conseil lorsqu’il aura à apprécier la sincérité des lois financières.

Au-delà de la règle du TSCG, le présent projet de loi organique codifie le contenu de nos actuelles lois de programmation des finances publiques et du rapport qui leur est annexé.

Je voudrais d’abord insister sur le fait que les apports du Sénat au fonctionnement du cœur du dispositif organique ont été maintenus.

Le Gouvernement devra, comme le proposait la commission des finances, expliquer dans le rapport annexé aux lois de programmation ses prévisions relatives à la croissance, mais aussi au niveau du produit intérieur brut potentiel, qui est la variable essentielle pour calculer le solde structurel. Afin d’encourager la convergence des méthodes, il devra expliquer ses différences d’approche avec la Commission européenne.

Le Haut Conseil, pour sa part, devra explicitement se prononcer sur les hypothèses de PIB potentiel, comme l’avait également souhaité la commission des finances du Sénat. Il devra motiver ses avis. Et lorsqu’il se prononcera sur les hypothèses macroéconomiques, il devra exprimer son avis en tenant compte du consensus des conjoncturistes ; c’est ce que nous avions préconisé. Ainsi, tout biais optimiste dans les avis du Haut Conseil devra être pleinement assumé.

Enfin, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet et du groupe socialiste, les règles du jeu ont été établies de manière claire, et nous avons éliminé le risque que le Haut Conseil des finances publiques puisse, en faisant varier dans le temps ses hypothèses de PIB potentiel, dicter au Parlement le montant des mesures d’ajustement qui doivent être prises chaque année. Eu égard à la rédaction que nous avons retenue à l’article 16, le rôle du Haut Conseil consistera clairement à apprécier si, oui ou non, l’exécution au titre d’une année donnée est conforme aux engagements politiques pour cette même année.

Les dispositions que nous avions introduites à l’article 15 pour assurer l’indépendance du Haut Conseil ont été maintenues, et même complétées par le dispositif issu de la proposition du président Marini et consistant à prévoir pour le Haut Conseil un budget propre inscrit à la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Les propositions visant à systématiser l’intervention du Haut Conseil ont également, moyennant quelques ajustements rédactionnels, été conservées.

De la même manière, nous avons préservé l’essentiel des apports de la commission des affaires sociales du Sénat. En particulier, comme les collectifs budgétaires, les collectifs sociaux devront comporter un article liminaire retraçant leur incidence sur la trajectoire de solde structurel. Par ailleurs, l’information du Parlement sur les régimes sociaux hors champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera très utilement accrue.

Grâce aux initiatives de Jean-Yves Leconte et Jean Arthuis, l’information du Parlement sera améliorée dans le domaine du hors bilan de l’État, en particulier en matière de partenariats public-privé et de baux administratifs emphytéotiques. Ce sont sans doute les premières pierres d’un chantier plus ambitieux.

Je dois aussi signaler que certains apports du Sénat n’ont pas été retenus par la CMP. C’est la règle du jeu…

Ainsi, le souhait de la commission des finances de prévoir un avis du Haut Conseil des finances publiques sur l’ensemble des textes européens ayant une incidence budgétaire, souhait qui avait pour finalité de rendre ces documents plus visibles dans le débat politique national, n’a pas été accepté.

Je vais conclure mon intervention en abordant deux sujets, qui, bien qu’assez éloignés de l’objet essentiel du projet de loi organique, sont ceux auxquels la CMP a consacré le plus de temps.

D’abord, je voudrais évoquer les conditions de nomination des membres du Haut Conseil des finances publiques. Nous avions souhaité que les membres nommés par la Cour des comptes soient désignés auprès audition conjointe par les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées. Après avoir envisagé de supprimer cette formalité, nous l’avons finalement étendue, par souci de cohérence, au membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental, le CESE. Nous devrons donc procéder tous les deux ans et demi soit à cinq auditions, les années où le membre nommé par le CESE est renouvelé, soit à quatre auditions.

Un autre aspect du projet de loi organique sera peut-être amené à prospérer : l’obligation, édictée par une règle de niveau organique, de respecter strictement la parité entre les femmes et les hommes lors des nominations au sein du Haut Conseil des finances publiques.

Sur le principe, cette obligation, qui avait été introduite par le Sénat sur l’initiative du groupe écologiste, n’est pas totalement nouvelle. La loi organique du 22 juillet 2010 relative à l’application de l’article 65 de la Constitution, c'est-à-dire au Conseil supérieur de la magistrature, dispose que les nominations par différentes autorités « concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée des hommes et des femmes ».

Pour le Haut Conseil des finances publiques, nous avons souhaité aller plus loin, et assurer une parité totale au sein des personnalités désignées, c’est-à-dire neuf des onze membres du Haut Conseil.

Puisque le dispositif adopté par le Sénat présentait des difficultés pratiques et que plusieurs sénateurs, notamment Marie-France Beaufils, avaient désiré que je me penche sur la question avant la tenue de la commission mixte paritaire, j’ai formulé une proposition, qui a été retenue.

Pour les membres issus de la Cour des comptes, la solution est simple puisque tous les trente mois, le Premier président de la Cour doit en renouveler deux. Il faudra qu’il désigne à chaque fois un homme et une femme.

Pour les membres nommés par le Parlement, la situation est plus compliquée, car chaque autorité de désignation, à savoir le président et les présidents des commissions des finances de chaque assemblée, ne désigne qu’un seul membre. Il nous a paru d’emblée nécessaire d’exclure l’obligation pour ces autorités de s’entendre entre elles.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui !

M. François Marc, rapporteur. Cela aurait limité leur pouvoir de nomination et aurait comporté des risques de blocage.

Nous nous sommes donc inspirés du dispositif déjà prévu pour déterminer ceux des membres désignés en 2013 qui exerceront un mandat de trente mois et ceux qui pourront faire un mandat de cinq ans : le tirage au sort. Nous avons suggéré que ce système soit étendu aux membres désignés par le Parlement.

Un tirage au sort désignera les deux autorités parlementaires qui nommeront d’abord une femme et les deux autorités qui nommeront d’abord un homme. À l’expiration de ces mandats, ces autorités ou leurs successeurs devront désigner une personnalité de l’autre sexe. Ainsi, les équilibres seront totalement respectés.

Le président du CESE se verra appliquer un régime de même esprit. Un tirage au sort lui indiquera s’il doit désigner en 2013 un homme ou une femme. Puis il devra choisir en alternance un homme ou une femme.

Ce dispositif peut ne pas paraître très simple de prime abord, mais, en réalité, il n’est pas compliqué à mettre en œuvre. Il assure qu’un nombre équivalent de femmes et d’hommes seront, dans la durée, nommés au Haut Conseil des finances publiques, ce qui est l’objectif premier de la parité.

M. François Marc, rapporteur. Nous sommes donc parvenus à une solution innovante, qui, je l’espère, fera école dans d’autres organismes composés de membres dont le mandat n’est pas renouvelable.

Ayant présenté la teneur des travaux de la commission mixte paritaire et ayant souligné les apports du Sénat, en particulier les avancées obtenues dans le domaine du fonctionnement du Haut Conseil, je pense au respect de la parité, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire aboutit à un compromis auquel le Gouvernement apporte son soutien.

En effet, ces travaux ont certes modifié le chapitre Ier mais dans un sens qui paraît tout à fait satisfaisant, qu’il s’agisse de l’obligation faite dans le rapport annexé à la loi de programmation relative au montant et à la date d’échéance des engagements financiers significatifs de l’État en cours et n’ayant pas d’implications immédiates dans le solde structurel – nous avons eu ce débat sur l’initiative, notamment, de Jean Arthuis –, ou encore de l’obligation, également issue des travaux du Sénat, d’intégrer dans les lois de finances, les lois de finances rectificatives ou les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale un article retraçant l’approche de toutes les administrations publiques.

Nous approuvons également le mode de composition du Haut Conseil des finances publiques, que M. le rapporteur vient d’évoquer. Le Gouvernement ne méconnaît pas les difficultés pratiques auxquelles les uns et les autres seront confrontés, mais il ne doute pas que ces difficultés seront surmontées et qu’un progrès incontestable pourra être enregistré en matière de parité. Là encore, c’est sur l’initiative du Sénat que la chose fut faite ; je souhaitais le signaler en cet instant.

Enfin, pour ce qui concerne la procédure régissant les interventions et son statut budgétaire, la commission mixte paritaire a choisi d’imposer que l’avis du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques soit rendu avant l’adoption du projet de loi.

Elle a également préféré supprimer l’article 13 bis, qui tendait à imposer la consultation du Haut Conseil sur les projets de documents adressés aux institutions européennes.

Suivant une proposition du président de la commission des finances du Sénat, la CMP a finalement choisi d’écrire que les crédits nécessaires au fonctionnement de ce Haut Conseil sont regroupés au sein d’un programme spécifique de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». C’est un bon compromis, me semble-t-il, entre la volonté du Sénat et celle du Gouvernement. Au nom de celui-ci, je veux vous faire part de ma satisfaction.

Enfin, la disposition relative à l’information du Parlement sur les formes d’endettement caché de l’État a également été retenue. C’est une bonne chose. Je fais de nouveau référence à Jean Arthuis.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement appelle la Haute Assemblée à se prononcer favorablement sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire, une instance dont tous les parlementaires connaissent l’importance et l’utilité, une instance qui, très régulièrement, produit des conclusions que le Gouvernement est heureux d’approuver. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du projet de loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.

Ce projet de loi organique obéit, comme nous l’avions indiqué en première lecture, à un principe fort simple : il ne s’agit ni plus ni moins que de traduire dans notre droit budgétaire, ou plutôt dans ce qu’il en restera après l’adoption d’un pareil texte, les obligations imputables à la France en vertu du traité budgétaire européen dit « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » au sein de l’Union économique et monétaire.

Sans vouloir aller plus loin dans la démonstration, je ne peux cependant manquer de souligner la cohérence de la position de notre groupe parlementaire, opposé au TSCG dès sa signature, au nom de la France, par Nicolas Sarkozy au mois de mars de cette année, traité qui a été ratifié, à la virgule près, avant le vote du présent projet de loi organique. Naturellement, nous ne pouvons que nous opposer à ce dernier.

Ce texte ressemble fortement à la « règle d’or » budgétaire que Nicolas Sarkozy voulait imposer, il fut un temps, et que combattit alors l’ensemble de la gauche parlementaire encore à ce moment dans l’opposition.

Je ne sais s’il suffit d’un retour aux affaires du pays pour que le réalisme et le pragmatisme l’emportent à chaque fois sur les convictions et les principes, mais, force est de le constater, l’on peut s’interroger sur la cohérence politique de certaines positions…

Hélas ! ce n’est pas parce que François Hollande est devenu Président de la République que le mode de construction européenne qui déroule sous nos yeux son long cortège de plans d’austérité, de reculs des acquis sociaux, de mises en cause des avancées démocratiques, sociales, et économiques conquises par les peuples s’est infléchi.

Qu’est devenue l’Europe unie, ce beau, ce grand projet ? Une zone de paix, nous diraient les jurés du prix Nobel.

Mais ce serait oublier un peu vite que la Yougoslavie s’est déchirée sous nos yeux, avec la bénédiction, hélas, de l’un des principaux acteurs de la construction européenne, à savoir la République fédérale d’Allemagne, qui espérait, avec la partition de cet État, pouvoir transformer la Slovénie et la Croatie en arrière-cour de son économie, comme elle l’a fait, d’ailleurs, avec la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie ou la Pologne.

Certes, l’Europe est la première zone économique du monde, mais, bien plus que d’autres, elle fait face ces dernières années au développement de la pauvreté de sa population la plus modeste et à un très sérieux ralentissement de l’activité économique.

Dans ce contexte, plutôt que de solidarité entre les États, c’est de concurrence et d’animosité que se nourrit la construction européenne.

Je pense à la Grande-Bretagne, véritable passager clandestin abritant dans sa capitale la City, lieu où se pratique avec le plus de vigueur la spéculation contre l’euro lui-même, lieu où l’on fait monter les enchères sur les dettes souveraines.

Je pense encore à des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche attachés au secret bancaire, qui a fait la fortune, si l’on peut dire, de leur économie.

Je pense enfin à certains pays du Sud – la Grèce, le Portugal, l’Espagne – saignés aux quatre veines par les plans d’austérité qui leur sont imposés.

Les gouvernants européens ne semblent pas avoir réussi à se mettre d’accord sur le budget communautaire ; c’est d’ailleurs mal parti pour le pacte de croissance. Tout se déroule dans une sorte de sauve-qui-peut général où chacun essaie de tirer les marrons du feu sans penser forcément aux conséquences de ses actes sur les autres.

Objet d’une énième cure d’austérité, la Grèce semble totalement incapable de faire face aux engagements qui lui ont été fixés. L’explication est assez simple : à vouloir réduire coûte que coûte les salaires, les traitements, les pensions et les retraites de la population, à vouloir ponctionner dans les prestations sociales et à vouloir, dans le même temps, augmenter la fiscalité indirecte sous toutes ses formes, on aboutit à la plus évidente crise de débouchés et à la plus forte récession que l’on pouvait attendre.

De même, la flexibilisation accrue du marché du travail a assuré la progression du taux de chômage plus sûrement que celle des offres d’emplois disponibles.

Mes chers collègues, il faudra bien que l’on nous explique un jour en quoi la facilité laissée aux entreprises pour licencier du personnel peut constituer un facteur de croissance économique et de réduction des déficits publics ! Apparemment, si l’on sait licencier en Grèce, en Espagne et au Portugal sans aucune limite, on a beaucoup plus de mal à réembaucher ensuite…

C’est donc pour que la France participe au mieux à cet équipage brinquebalant de l’Union européenne, dans lequel la Banque centrale ne peut même pas refinancer les États souverains, n’est même pas capable de respecter sa raison d’être, à savoir protéger la monnaie unique, que nous sommes aujourd’hui invités à voter le présent projet de loi organique.

Passons sur la mise en place, par ce texte, du Haut Conseil des finances publiques.

C’est évident, l’existence de cet organisme sera source de conflits avec la représentation nationale au sujet des droits et devoirs des uns et des autres. Indépendamment de ce fait, nous devons nous interroger sur l’apport réel de la création du Haut Conseil.

De notre point de vue, pour reprendre les termes d’un journal économique, le Haut Conseil sera le « chien de garde » de l’orthodoxie budgétaire plus encore qu’un outil d’évaluation objective des politiques publiques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, mais un chien de garde paritaire ! (Sourires.)

M. Thierry Foucaud. Mettant la France en demeure de participer à une aventure politique dans une période pour le moins critique, marquée par une austérité tous azimuts qui contamine l’ensemble des politiques publiques européennes, le texte place notre pouvoir budgétaire sous le regard d’une autorité indépendante qui aura tôt fait d’aller au-delà de ses prérogatives, excluant par là même tout contrôle populaire et citoyen sur l’utilisation de l’argent dans notre pays.

Il n’y a, dans cette affaire, aucune avancée de la démocratie sociale, aucune avancée des libertés fondamentales, aucune prise en compte des aspirations des populations. Il n’y a qu’une soumission sans cesse renforcée à la seule loi des marchés financiers, puisque toutes les politiques budgétaires devront conduire à la réduction des déficits, à celle des dettes publiques et au règlement subséquent des intérêts qui les grèvent.

Quand donc la Banque centrale européenne décidera-t-elle, par principe, de consacrer un certain volume de création monétaire annuelle au financement des politiques publiques des différents pays de la zone euro ?

Imaginez, mes chers collègues, que la BCE prête, tous les ans, 50 milliards d’euros au taux d’intérêt de 1 % à la France : que ne pourrions-nous faire et de quel poids serions-nous libérés !

Pour l’ensemble de ces raisons, vous comprendrez aisément que nous confirmions la position que nous avons adoptée lors de la première lecture en votant contre le projet de loi organique créant la prétendue « règle d’or » budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. François Marc, rapporteur. La parité aurait pu vous faire changer d’avis…

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est parvenue à un accord le 8 novembre dernier. Voilà une bonne nouvelle !

Je remarque que cette CMP a souvent retenu la rédaction proposée par le Sénat, moyennant quelques modifications. Il faut dire que, grâce, en particulier, à la vigilance du rapporteur général, le Sénat a réalisé un excellent travail sur ce texte. Nous nous en félicitons !

Le présent projet de loi organique est relativement consensuel. Je pense que personne ne conteste la nécessité de gérer les deniers publics de façon responsable. Nous ne pouvons pas continuer à faire peser sur nos enfants et petits-enfants un endettement déraisonnable que nous sommes incapables de maîtriser.

Certes, des positions divergentes, notamment au sein de mon groupe, le RDSE, se sont exprimées sur ce texte puisqu’il résulte du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, qui a déchaîné des passions dans les deux assemblées.

Pour ma part, je considère que ce texte est plutôt une avancée. Ainsi, il renforce la logique pluriannuelle de la gestion des finances publiques et, par voie de conséquence, la visibilité sur l’action du Gouvernement, ce qui ne peut être qu’une bonne chose tant pour nos concitoyens que pour nos entreprises.

Un seul point me chagrine quelque peu dans ce projet de loi organique : la création du Haut Conseil des finances publiques.

Je ne conteste pas la nécessité de disposer d’évaluations indépendantes des prévisions macroéconomiques qui sous-tendent les lois de finances ; je pense que cela constituera un véritable progrès et renforcera l’information et les prérogatives du Parlement. Cependant, je m’interroge sur le choix de créer une haute autorité supplémentaire, surtout en cette période de restriction budgétaire.

En outre, rien ne garantit que ce Haut Conseil adossé à la Cour des comptes et composé en partie de magistrats de cette institution soit à même de réaliser de telles évaluations, véritablement fiables.

Cela étant, je pense que la CMP a bien fait de retenir les modifications introduites sur l’initiative de notre rapporteur général qui a déposé des amendements tendant à préciser les modalités de fonctionnement de ce Haut Conseil, comme il vous l’a lui-même indiqué voilà quelques minutes.

Par ailleurs, si le quorum qui doit être réuni pour les réunions de cette instance a été réduit sur proposition de l’Assemblée nationale, l’article 15 bis, introduit par notre commission des finances et qui vise à garantir l’autonomie budgétaire du Haut Conseil, a été également maintenu par la CMP en échange de quelques modifications.

Enfin, tout comme dans cet hémicycle, de longs débats ont, semble-t-il, animé la CMP à propos de la proposition de nos collègues écologistes d’introduire la parité au sein du Haut Conseil des finances publiques. Grâce aux suggestions des deux rapporteurs généraux de l’Assemblée nationale et du Sénat, la CMP est parvenue à une rédaction plus consensuelle de l’article en cause et qui devrait en garantir l’applicabilité.

Si les discussions se sont beaucoup concentrées sur le Haut Conseil, il est à noter que le présent projet de loi organique introduit également d’autres changements importants, notamment le « pilotage structurel » des finances publiques, c’est-à-dire des règles plus pertinentes économiquement et plus souples que celles qui prévalaient jusqu’à maintenant.

Pour toutes ces raisons, le vote du RDSE sur ce texte sera conforme à celui qu’il avait émis lors de la première lecture et à celui sur le TSCG : la majorité des membres du groupe votera en faveur de ce projet de loi organique et trois de nos collègues ne l’approuveront pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur applaudissent également.)