Sommaire

Présidence de M. Thierry Foucaud

Secrétaire :

M. François Fortassin.

1. Procès-verbal

2. Démission et remplacement d'une sénatrice

3. Élection d'une présidente de groupe

4. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi

5. Demande d'avis sur des projets de nomination

6. Communication du Conseil constitutionnel

7. Décisions du conseil Constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

8. Renvoi pour avis

9. Retrait de questions orales

10. Création des emplois d'avenir. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage ; Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

Mme Isabelle Pasquet, MM. Robert Tropeano, Jean-Noël Cardoux, Ronan Kerdraon, Jean-François Husson, Hervé Marseille, Jean Desessard, Jean-Pierre Godefroy, Stéphane Mazars, Philippe Bas, Jean-Étienne Antoinette, Mme Chantal Jouanno, MM. Jacques-Bernard Magner, Serge Dassault, Mme Maryvonne Blondin, M. Alain Fouché, Mme Laurence Rossignol.

M. le ministre délégué.

11. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Vietnam

12. Création des emplois d'avenir. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (suite) : M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Clôture de la discussion générale.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

Article 1er

MM. Roland Courteau, Dominique Watrin, Mmes Colette Giudicelli, Sophie Primas, Gisèle Printz, MM. Didier Guillaume, Serge Larcher, Hervé Maurey, Alain Néri, Jacky Le Menn.

Amendement n° 68 de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, MM. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales ; le ministre. – Rejet.

Amendement n° 4 rectifié ter de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia, MM. le rapporteur, Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. – Rejet.

Amendement n° 89 rectifié de M. Robert Tropeano. – MM. Stéphane Mazars, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Amendement n° 103 rectifié de M. Philippe Dallier. – Mme Catherine Deroche, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendements identiques nos 12 rectifié de Mme Catherine Procaccia et 30 rectifié de M. Hervé Marseille. – Mme Catherine Procaccia, M. Hervé Marseille.

Amendement n° 91 rectifié de M. Robert Tropeano. – M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 90 rectifié de M. Stéphane Mazars. – M. Stéphane Mazars.

Amendement n° 85 rectifié de M. Philippe Dallier. – Mme Catherine Procaccia.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Catherine Procaccia. – Mme Catherine Procaccia.

MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Claude Lenoir, Michel Vergoz, Jean Desessard, Didier Guillaume. – Rejet des amendements nos 12 rectifié, 30 rectifié, 90 rectifié, 85 rectifié et 6 rectifié.

Amendement no 1 rectifié quater de M. Pierre Jarlier – M. Hervé Marseille, MM. le rapporteur, le ministre, Jean Desessard. – Réserve.

Amendement n° 3 de M. Serge Dassault. – M. Serge Dassault.

Amendement n° 28 rectifié ter de M. Hervé Marseille. – M. Hervé Marseille.

Amendement n° 104 rectifié de M. Jean-Noël Cardoux. – M. Jean-Noël Cardoux.

Amendement n° 92 rectifié de M. Stéphane Mazars. – M. Stéphane Mazars.

MM. le rapporteur, le ministre, Hervé Maurey, Serge Dassault, David Assouline, Jean-Pierre Godefroy, Mme la présidente de la commission. – Rejet des amendements nos 3, 28 rectifié ter et 104 rectifié ; retrait de l’amendement n° 92 rectifié.

Amendements identiques nos 16 rectifié bis de M. Jean-Léonce Dupont et 42 de M. Marc Daunis ; amendement no 1 rectifié quater (précédemment réservé) de M. Pierre Jarlier. – MM. Hervé Marseille, Didier Guillaume, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Godefroy. – Adoption des amendements nos 16 rectifié bis et 42, l’amendement no 1 rectifié quater devenant sans objet.

Amendement n° 45 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Amendement n° 31 rectifié de M. Hervé Marseille. – Retrait.

Amendement n° 46 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. – Retrait.

Amendement n° 29 rectifié de M. Hervé Marseille. – MM. Hervé Marseille, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement no 93 rectifié de M. Stéphane Mazars. – M. Jacques Mézard.

Amendement n° 60 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet.

Amendement n° 109 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 32 de M. Hervé Marseille. – M. Hervé Marseille.

Amendement n° 41 rectifié de M. Hervé Marseille. – M. Hervé Marseille.

MM. le rapporteur, le ministre, le ministre délégué, Mme Isabelle Pasquet, Alain Néri – Retrait de l’amendement n° 93 rectifié ; demande de vote par division de l’amendement no 60 ; adoption de la première partie de l’amendement n° 60.

Sous-amendement no 114 du Gouvernement à la seconde partie de l’amendement no 60. – M. le ministre délégué. – Adoption du sous-amendement no 114 et de la seconde partie de l’amendement no 60 modifiée ; adoption de l’ensemble de l’amendement n60 modifié.

Adoption de l’amendement no 109 ; rejet de l’amendement no 32.

MM. Hervé Marseille, le rapporteur, le ministre délégué. – Rejet de l’amendement no 41 rectifié bis.

Renvoi de la suite de la discussion.

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaire :

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 13 septembre 2012 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Démission et remplacement d'une sénatrice

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat une lettre lui annonçant qu’elle se démettait de son mandat de sénateur à compter du jeudi 19 septembre, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, elle a été remplacée par M. Pierre Laurent, dont le mandat de sénateur de Paris a commencé le jeudi 20 septembre, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à M. Pierre Laurent la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)

3

Élection d'une présidente de groupe

M. le président. J’ai le plaisir de vous informer que Mme Éliane Assassi a été élue présidente du groupe communiste républicain et citoyen.

Au nom du Sénat, je tiens à lui adresser nos plus vives félicitations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

4

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de deux projets de loi

M. le président. En application de l’article 45, deuxième alinéa, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour les examens du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire et du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale le 19 septembre 2012.

5

Demande d'avis sur des projets de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010 837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application des dispositions de la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel de la France, d’une part, et de l’article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, d’autre part, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’affaires culturelles sur le projet de nomination de Mme Marie-Christine Saragosse en tant que président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010 837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application des dispositions de l’article L. 1412-2 du code de la santé publique, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de santé publique sur le projet de nomination de M. Jean-Claude Ameisen en tant que président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires sociales.

Acte est donné de ces communications.

6

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. En application de l’article 61-1 de la Constitution, M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel à reçu plusieurs décisions de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité :

- le 13 septembre 2012, une décision du Conseil d’État portant sur les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 581-9, l’article L. 581-14-2, le premier alinéa de l’article L. 581-18 et l’article L. 120-1 du code de l’environnement (2012-282 QPC) ;

- le 14 septembre 2012, une décision du Conseil d’État portant sur les articles L. 341 1, L. 341-3, L. 341-6, L. 341-9, L. 341 10 et L. 341-13 du code de l’environnement (2012 283 QPC) ;

- le 19 septembre 2012, une décision de la Cour de cassation portant sur le premier alinéa de l’article 161-1 du code de procédure pénale (décision n° 5082 du 11 septembre 2012) (2012 284 QPC) ;

- le 20 septembre 2012, une décision du Conseil d’État portant sur les dispositions des articles 100 f et 100 s du code local des professions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut Rhin et de la Moselle (2012- 285 QPC).

Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

7

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 21 septembre 2012, les décisions du Conseil sur trois questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

- les dispositions de l’article 521-1 du code pénal (n° 2012-271 QPC) ;

- l’article 8-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 issu de la loi du 26 décembre 2011 (n° 2012-272 QPC) ;

- les articles L. 6362-5, L. 6362-7 et L. 6362-10 du code du travail (n° 2012-273 QPC).

Acte est donné de ces communications.

8

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d’avenir (n° 760, 2011-2012), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

9

Retrait de questions orales

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 40 de M. Joël Labbé est retirée, à la demande de son auteur, du rôle des questions orales et, par conséquent, de l’ordre du jour de la séance du 25 septembre 2012.

J’informe également le Sénat que la question orale n° 41 de M. Didier Guillaume est retirée de l’ordre du jour de la séance du 25 septembre, à la demande de son auteur.

10

 
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Discussion générale (suite)

Création des emplois d'avenir

Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d’avenir (projet n° 760, texte de la commission n° 769, rapport n° 768, avis n° 772).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, me voici devant vous pour vous présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi portant création des emplois d’avenir. Il a pour objet de traiter de la grande priorité de ce quinquennat, la jeunesse, en contribuant à répondre à une attente essentielle de cette dernière : l’accès à un emploi durable.

Le changement s’incarne donc aujourd’hui dans cette première mesure en faveur des jeunes. Nous ne sommes pas venus vous présenter un dispositif technique, qui serait déconnecté des réalités, nous venons vous proposer de mettre en œuvre concrètement le changement, en redonnant un espoir à une jeunesse trop longtemps laissée à l’abandon.

Comment peut-on vivre et se projeter dans l’avenir au sein d’une société dont la jeune génération serait condamnée à vivre moins bien que la précédente ?

Dans la crise que nous traversons, la situation de l’emploi est particulièrement difficile, vous le savez tous. Elle l’est encore plus pour les jeunes, et en particulier pour les moins qualifiés d’entre eux. Le taux de chômage des jeunes est aujourd’hui de 22 %, soit plus du double de la moyenne des actifs ; il dépasse 45 % pour les jeunes sans diplôme. L’accès à un emploi durable est, d’une manière générale, un parcours du combattant pour les jeunes, puisque seuls 60 % y parviennent dans les trois ans suivant leur sortie de l’école.

Mais, vous le vivez tous sur vos territoires, pour ceux qui n’ont pas de diplôme, c’est encore plus compliqué : ils ne sont que 30 % à trouver un emploi durable dans cette période de trois ans.

Cette situation est d’autant plus insupportable que le nombre de ces jeunes sortant de l’école sans aucun diplôme, s’il a été divisé par deux en deux décennies, entre 1980 et 2000, n’a pas cessé d’augmenter au cours des dix dernières années. Ce sont ainsi 120 000 qui arrivent, chaque année, sur le marché du travail sans les armes d’une qualification, en proie aux plus grandes difficultés.

Cette situation n’est évidemment pas acceptable et nous impose d’agir vite.

La réussite scolaire, la lutte contre le décrochage, la qualification du plus grand nombre de nos jeunes à l’école sont bien sûr les premières réponses à apporter, et le Gouvernement s’y emploie par ailleurs. L’alternance, pour acquérir un diplôme, est aussi une réponse à privilégier pour ceux qui y sont prêts. Là encore, le Gouvernement se mobilise, avec les outils existants.

Mais nous savons que cela ne suffit pas. Plus de 500 000 jeunes sans diplôme ont déjà quitté l’école, et ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en alternance. La moitié d’entre eux ne sont même pas inscrits à Pôle emploi, tellement ils sont éloignés du système. La plupart n’ont jamais connu autre chose que des petits boulots ponctuels en contrat à durée déterminée de quelques semaines, quelques mois dans le meilleur des cas. Tel est le triste bilan d’une politique qui a profondément échoué, en termes tant économiques qu’éducatifs.

Certains ont cru que la suppression massive de postes et de moyens à l’éducation nationale serait sans conséquences. Par un aveuglement idéologique, ils se sont persuadés que les dépenses en faveur de la jeunesse n’étaient qu’un coût, alors qu’elles représentent évidemment un investissement pour l’avenir.

On mesure aujourd’hui les conséquences de ces politiques. Pour ces jeunes, qui constituent dans beaucoup de nos quartiers le « noyau dur » du chômage, il faut développer de nouveaux outils : tel est le sens des emplois d’avenir, dont le Gouvernement vous propose aujourd’hui la création.

Ainsi, 100 000 de ces emplois seront déployés d’ici à la fin de l’année 2013 et 150 000 jeunes bénéficieront du dispositif en rythme de croisière, au cours de l’année suivante. Cela représente un investissement considérable : 2,3 milliards d’euros seront engagés au cours de l’année 2013, afin de financer, pour les trois ans à venir, les 100 000 premières entrées.

Le montant en crédits de paiement – il figurera dans le projet de loi de finances qui doit être adopté par le conseil des ministres à la fin de cette semaine –, s’élèvera à environ 500 millions d’euros pour 2013, car nous tablons sur une montée en charge progressive du dispositif au cours de l’année.

L’Assemblée nationale a souhaité que la mise en œuvre des emplois d’avenir puisse démarrer encore plus rapidement que prévu, et je disposerai des moyens budgétaires nécessaires pour que les premiers emplois d’avenir puissent être déployés à compter du début du mois de novembre.

Par ailleurs, nous prévoyons des crédits spécifiques pour renforcer les moyens d’accompagnement des missions locales, à hauteur de 30 millions d’euros pour la première année. En 2015, quand les 150 000 emplois d’avenir seront opérationnels, ils représenteront environ 1,5 milliard d’euros de crédits de paiement. Ces sommes importantes seront dégagées, en particulier, par le redéploiement des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires. Ainsi, cet argent, qui avait un effet négatif sur la création d’emplois, sera mobilisé pour créer ces 150 000 emplois d’avenir.

Ces emplois ne sont évidemment pas la seule réponse du Gouvernement au chômage des jeunes. Ils s’insèrent dans un dispositif global proposé par le Gouvernement, avec les partenaires sociaux, pour répondre à l’urgence sur le front de l’emploi. Vous en connaissez aujourd’hui les principaux contours, que je vous rappelle brièvement : les emplois d’avenir concerneront en priorité des jeunes sans qualification et les employeurs du secteur non marchand ; les contrats de génération ont quant à eux l’ambition de toucher tous les jeunes susceptibles d’être embauchés en contrat à durée indéterminée et tous les employeurs du privé.

Vous le savez, une négociation vient de s’ouvrir sur ce second type de contrat. Le document d’orientation, que nous avons remis aux partenaires sociaux, trace les grandes lignes du dispositif. L’objectif principal est de favoriser l’intégration des jeunes dans l’entreprise en contrat à durée indéterminée, sans pour autant pousser vers la porte les plus anciens, comme c’était souvent le cas auparavant.

À la différence des emplois d’avenir que nous avons souhaité cibler sur une population ayant peu de qualifications et se trouvant aujourd'hui au chômage, les contrats de génération concerneront potentiellement tous les jeunes à la recherche d’un emploi. Ils devraient favoriser l’intégration de ces jeunes dans l’entreprise, notamment par les liens qu’ils leur permettront de tisser avec les salariés seniors. Ils donneront lieu, à l’issue de la négociation nationale interprofessionnelle – qui devrait, de l’avis même des partenaires concernés, intervenir à la fin du mois d’octobre –, à un projet de loi que j’aurai le plaisir de venir vous présenter avant la fin de cette année.

Enfin, et c’est le troisième volet de cette bataille pour l’emploi, les partenaires sociaux viennent d’engager une négociation majeure sur le thème de la sécurisation de l’emploi, dont le Gouvernement a fixé les objectifs. Elle abordera quatre grandes questions. La première d’entre elles, c’est la lutte contre la précarité sur le marché du travail, problème qui frappe particulièrement les femmes et les jeunes. Nous attendons des propositions ambitieuses de la part des partenaires sociaux en la matière : ils devront notamment trouver des leviers pour que le contrat à durée indéterminée demeure ou, plus exactement, redevienne la forme normale d’embauche. Là encore, un projet de loi devra prolonger cet accord.

Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, nous débattons de la première mesure pour le redressement sur le front de l’emploi.

C’est à ces jeunes sans qualification – les 500 000 que j’ai déjà évoqués – que les emplois d’avenir doivent bénéficier en priorité. Nous ne souhaitons pas renoncer à leur donner accès à une qualification. Au contraire ! Il faut que tous ceux qui ont la possibilité d’entrer en alternance ou en formation qualifiante puissent le faire. Vous le savez, pour certains, ce n’est pas immédiatement possible, soit parce que leur expérience scolaire les a rendus rétifs, pour ne pas dire plus, à une reprise de formation à court terme, soit parce que des raisons sociales, familiales ou matérielles les conduisent à devoir travailler le plus rapidement possible. Dans un cas comme dans l’autre, le marché du travail ne leur ouvre que difficilement ses portes. De fait, nombre de ces jeunes cumulent les handicaps vis-à-vis des employeurs : ils n’ont pas de diplôme, pas d’expérience ; parfois, ils n’ont pas le bon patronyme ou la bonne adresse.

C’est pourquoi ils ont besoin d’un coup de pouce. L’État ne peut pas laisser s’installer le désespoir chez des jeunes à peine entrés dans la vie active, d’autant que ce désespoir devient souvent contagieux pour la famille et la société tout entière. Pour les jeunes femmes, les difficultés d’accès à l’emploi engendrent souvent une forme de retrait forcé du marché du travail, qui limite alors leurs perspectives d’accès à l’autonomie.

Un pays qui ne donne pas une chance à ses jeunes n’est pas sur la bonne voie.

Parfois aussi – nous le savons tous ici – le diplôme n’est pas une garantie absolue de trouver un emploi. Avec un CAP ou un BEP, soit du fait de leur inexpérience, soit parce que leur diplôme se révèle inadapté à la situation du marché du travail sur le territoire concerné, certains jeunes restent longtemps au chômage. Le projet de loi prévoit donc que les jeunes peu qualifiés seront éligibles aux emplois d’avenir lorsqu’ils rencontrent des difficultés particulières d’accès à l’emploi. Dans certaines zones dans lesquelles la situation de l’emploi est particulièrement difficile, des exceptions pourront être accordées pour les jeunes bacheliers.

Le Gouvernement n’avait pas souhaité aller au-delà afin de préserver le ciblage du dispositif. L'Assemblée nationale a ouvert la possibilité d’élargir, dans le décret, l’accès aux emplois d’avenir à des niveaux de qualification supérieurs. Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des affaires sociales a restreint cette faculté à l’outre-mer. La Haute Assemblée se prononcera. Un dialogue avec le Gouvernement aura très probablement lieu sur ce point et permettra de trouver l’équilibre nécessaire à la mise en œuvre des emplois d’avenir dans de bonnes conditions.

Nous voulons que les emplois d’avenir bénéficient aux jeunes, en priorité là où les problèmes sont les plus graves : dans les zones urbaines sensibles, où les jeunes se heurtent souvent à de nombreuses difficultés que les discriminations liées au lieu de résidence accentuent encore, dans les zones de revitalisation rurale, qui sont marquées par des départs massifs des jeunes, car l’offre d’emplois y est souvent restreinte. Les départements et collectivités d’outre-mer présentant un niveau de chômage des jeunes nettement supérieur à la moyenne nationale seront également privilégiés.

Les emplois d’avenir seront accessibles sur l’ensemble du territoire, mais nous ferons en sorte que les moyens soient plus largement mobilisés là où les besoins se font le plus fortement sentir.

Les employeurs d’emplois d’avenir se situeront d’abord et avant tout dans le secteur non marchand. Ces employeurs sont les mieux à même de créer à court terme les postes accessibles aux jeunes à qui nous nous adressons en évitant les effets d’aubaine. Beaucoup sont positionnés sur des activités qui auront des besoins de recrutement importants dans les années à venir, ce qui favorisera la poursuite de la carrière des jeunes passés par l’emploi d’avenir.

Par ailleurs, pour des jeunes souvent éloignés de la réalité du travail, il est essentiel que l’emploi d’avenir offre une utilité sociale ou environnementale valorisante, un sens et une finalité motivants.

Cela ne signifie nullement que des entreprises du secteur marchand ne puissent créer de tels emplois. Nous ne souhaitons pas exclure de la dynamique des emplois d’avenir l’ensemble des entreprises privées car, dans des secteurs spécifiques, certaines pourront proposer des parcours intéressants pour les jeunes, sur des métiers d’avenir proches de ceux qui sont offerts dans le secteur non marchand. Il n’en demeure pas moins que ces emplois d’avenir sur des projets spécifiques au sein du secteur marchand seront l’exception : d’autres dispositifs – en particulier, les contrats de génération – seront mieux adaptés.

L’accompagnement professionnel et social des futurs bénéficiaires de ces emplois d’avenir sera, à l’évidence, l’une des clefs du succès de ce dispositif.

Les textes réglementaires, les circulaires et les consignes que nous donnerons aux organismes dits « prescripteurs » viendront naturellement préciser ces différents aspects décisifs. Les missions locales seront en première ligne pour la prescription des emplois d’avenir et le suivi des jeunes. Sur ce dernier point, elles sont déjà compétentes. Les emplois d’avenir viendront enrichir la palette des solutions qu’elles pourront leur proposer. Pôle emploi, où une partie de ces jeunes sont aujourd'hui inscrits, et les organismes Cap emploi chargés de l’accompagnement des personnes handicapées seront aussi fortement mobilisés.

L’acquisition des gestes et des réflexes professionnels prend du temps. C’est pourquoi il est prévu que l’aide liée aux emplois d’avenir puisse être accordée sur une période longue, trois ans, afin d’offrir une véritable première expérience. À l’issue de cette période, le plus souvent, la structure qui aura recruté un emploi d’avenir saura si elle a la capacité de pérenniser cet emploi. Si le jeune doit rebondir ailleurs pour la suite de son parcours, il est souhaitable qu’il puisse le faire dès qu’il est prêt pour cela. L’emploi d’avenir aura ainsi joué son rôle de marchepied.

Il est probable que certains employeurs, et certains jeunes aussi, ne souhaiteront pas ou ne pourront pas d’emblée s’engager pour trois ans. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons la possibilité que l’emploi d’avenir commence sur une durée d’un an et puisse être renouvelé ensuite. Il faut avoir en tête que les jeunes sont extrêmement mobiles au début de leur vie professionnelle et il est normal qu’ils puissent expérimenter différents domaines professionnels.

Dans ses engagements, qui conditionneront l’attribution ou non d’un emploi d’avenir, l’employeur devra décrire précisément le contenu de la période passée en emploi d’avenir. Plusieurs objectifs sont liés à ces conditions. Il faut tout d’abord que le jeune exerce un véritable emploi, ce qui implique qu’il ait un rôle défini dans l’organisation. Il faut ensuite qu’il bénéficie d’un encadrement. Nous ne souhaitons pas qu’il soit livré à lui-même, ce qui limiterait ses possibilités d’apprentissage.

Par ailleurs, l’employeur devra préciser les formations qui seront mobilisées et les compétences qui seront acquises. Thierry Repentin y reviendra plus longuement dans un instant, mais je tiens à affirmer ici avec force que cette dimension de la formation est absolument décisive dans la réussite globale et individuelle des emplois d’avenir. Elle est essentielle et devra être exemplaire pour la réussite de ce dispositif.

Le non-respect par l’employeur de ses engagements sera sanctionné. L’employeur devra reverser la totalité des aides perçues.

L’emploi d’avenir aura une durée de trois ans et, par principe, sera conclu à temps plein, ce qui permettra aux jeunes d’acquérir une expérience professionnelle la plus proche des conditions de droit commun du marché du travail. Des dérogations seront toutefois possibles, uniquement lorsque la situation du jeune ou de l’employeur le justifiera. Notre idée est que l’emploi d’avenir ne soit pas un carcan rigide, mais qu’il puisse s’adapter aux besoins concrets de la situation de travail du jeune concerné.

L’article 2 du titre Ier précise les modalités des emplois d’avenir dans le cadre spécifique de l’éducation nationale.

L’allongement de la durée d’études nécessaire pour se présenter aux concours d’enseignant a restreint le vivier des candidats aux concours, à la fois numériquement, par la diminution du nombre des postes offerts aux concours dans l’éducation nationale, et socialement. En effet, pour de nombreux étudiants d’origine modeste, il est, hélas ! très difficile, pour ne pas dire impossible, d’aller jusqu’au master. Les emplois d’avenir professeur seront donc réservés aux boursiers et leur permettront d’avoir accès à un emploi dans un établissement scolaire au cours de leurs études, ce qui leur offrira à la fois un complément de ressources et une préparation à leurs futures fonctions d’enseignant.

Là encore, priorité sera donnée aux étudiants issus des zones urbaines sensibles, des zones de revitalisation rurale et des outre-mer ou y ayant effectué une partie de leurs études. Il est en effet primordial que le métier d’enseignant puisse représenter une perspective de promotion sociale pour les jeunes issus de ces territoires.

Comme pour les emplois d’avenir de l’article 1er, l’aide sera accordée pour une durée maximale de 36 mois. Le bénéficiaire s’engagera à se présenter à un concours de recrutement des corps enseignants de l’éducation nationale. Les conditions d’emploi devront naturellement être compatibles avec la poursuite des études.

L’article 2 bis comporte des dispositions importantes permettant de modifier le décret relatif à l’égalité professionnelle. Ces dispositions sont issues de la volonté exprimée par les partenaires sociaux lors de la grande conférence sociale et ouvrent la voie à une meilleure application – ce n’était pas difficile... – des obligations des entreprises sur ce sujet essentiel de l’égalité professionnelle et de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Les dispositions législatives contenues dans la suite du texte concernent des enjeux plus circonscrits et partagent l’objectif de régler des situations d’urgence.

Le deuxième titre du projet de loi regroupe des dispositions relatives au service public de l’emploi visant à répondre à plusieurs de ces urgences. Il s’agit tout d’abord de permettre la dématérialisation du processus de prescription des emplois d’avenir et des autres contrats aidés. Cette dématérialisation du circuit des demandes d’aides entre les prescripteurs et l’agence de services et de paiement entraînera des gains d’efficacité très importants. Elle nécessite, pour être mise en œuvre, la modification du terme « convention », présent à de très nombreuses reprises dans les textes législatifs. Prévoir un système de signature électronique pour chaque employeur et chaque bénéficiaire aurait en effet été trop lourd.

Le titre II prévoit également les dispositions nécessaires à la mise en œuvre des emplois d’avenir et des emplois d’avenir professeur en outre-mer.

L’article 5 insère une disposition visant à maintenir le recouvrement par Pôle emploi des contributions et versements effectués au titre du contrat de sécurisation professionnelle.

L’article 6 vise à sécuriser le système de retraite complémentaire des agents de Pôle emploi.

Enfin, le troisième et dernier titre du projet de loi transpose dans le code du travail applicable à Mayotte, suivant des modalités particulières, les dispositions du texte relatives aux emplois d’avenir et à la dématérialisation des prescriptions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif fixé par le Président de la République est que les emplois d’avenir puissent entrer en vigueur aussi rapidement que possible compte tenu de la gravité de la situation du marché du travail.

Cela nous a conduits, cela vous a conduits à travailler vite. Au cours de l’été, le texte élaboré avec l’appui de mon administration a été soumis au Conseil d’État avant d’être présenté au Parlement une première fois voilà deux semaines. Je souhaite vous remercier de votre très forte implication et de votre grande mobilisation pour que ce texte puisse être examiné très rapidement. Je salue le travail que vos commissions des affaires sociales et de la culture ont effectué dans des délais courts, j’en ai bien conscience. J’adresse des remerciements tout particuliers à Mmes les présidentes de ces deux commissions, ainsi qu’à M. le rapporteur et Mme la rapporteur pour avis.

Certains élus de l’opposition, à l’Assemblée nationale comme ici même – ils auront évidemment l’occasion de s’en expliquer –, ont d’ores et déjà indiqué qu’ils voteraient ou qu’ils pourraient voter ce projet de loi,…

M. Michel Sapin, ministre. … parce qu’ils partagent l’idée qu’il faut tendre la main aux jeunes sans qualification.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Les élus locaux de tous bords, confrontés quotidiennement à ces jeunes qui s’enfoncent dans l’isolement, la marginalisation et la désespérance, sauront, j’en suis sûr, nous accompagner pour mettre en œuvre les emplois d’avenir avec rapidité et ampleur.

Le texte répond à des urgences immédiates sur le front de l’emploi. Il porte pleinement, je le crois profondément, l’intérêt général, pour redonner un espoir aux jeunes de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte donc sur votre soutien, à gauche évidemment, mais aussi au-delà des clivages partisans. La jeunesse de notre pays attend, elle a besoin de nous ; il faut savoir répondre présent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la jeunesse est la priorité du Président de la République. Il en a fait l’axe majeur de son quinquennat, un engagement primordial devant les Français, et cela nous oblige.

Au-delà de l’exercice démocratique élémentaire qu’est la tenue des promesses de campagne, je veux vous dire ici combien la bataille pour l’emploi et la priorité accordée à la jeunesse sont étroitement liées.

Nous avons cette responsabilité, immense, de donner une place à nos enfants et de permettre à la société française de réussir là où elle échoue depuis de trop nombreuses années.

Force est de constater qu’avoir moins de trente ans dans notre pays est très souvent, trop souvent un handicap. Pour trouver un emploi, pour créer son activité, pour accéder à un logement, c’est bien souvent la double peine : pas assez de garanties, pas assez d’expérience. Les jeunes actifs se retrouvent ainsi ballotés d’une précarité à l’autre : de revenus irréguliers en retours chez leurs parents, de contrats précaires en hébergements divers.

Ce qui est le lot commun de toute une génération vire au cauchemar pour les plus de 120 000 jeunes sortant chaque année du système scolaire sans diplôme ni qualification : dans un marché du travail très attaché à la reconnaissance académique des compétences, ils sont véritablement la variable d’ajustement des effectifs et les premières victimes de la précarité. Quand l’économie va bien, ils sont intérimaires ou en CDD ; quand elle va mal, ils sont les premiers à subir les fins de contrat et le chômage. Pour eux, l’emploi est durablement émietté.

Avec les contrats de génération, dont la préparation est en cours, les emplois d’avenir doivent nous permettre de rompre avec ce mal français. Représentant bien plus que de simples contrats aidés, ils sont la clef qui ouvrira la porte de l’emploi durable pour ceux devant qui elle reste insupportablement fermée, ceux qui n’ont ni le sésame du diplôme, ni le mot de passe du réseau familial, ni l’atout de l’origine sociale, culturelle ou géographique attendue.

En s’adressant prioritairement aux jeunes peu qualifiés, les emplois d’avenir leur donnent ce dont ils manquent : d’une part, une expérience professionnelle réussie, inscrite dans la durée ; d’autre part, un parcours d’accès vers une qualification reconnue.

Cet objectif de qualification pour chaque jeune est au cœur même des emplois d’avenir. Sans être une garantie, le diplôme reste néanmoins un précieux atout pour entrer sur le marché du travail, puisque le taux de chômage des non-diplômés ou diplômés du seul brevet des collèges est 4,5 fois plus élevé que celui des diplômés du supérieur.

Au cours des dix dernières années, la situation s’est encore aggravée. Ainsi, 40 % des jeunes sans diplôme sortis du système scolaire en 2007 étaient au chômage trois ans plus tard : c’est sept points de plus que pour leurs congénères sortis sans diplôme du système scolaire en 2004.

L’inscription du projet de loi portant création des emplois d’avenir à l’ordre du jour du Parlement en tout début de législature vient démontrer l’engagement du Gouvernement à mener la bataille de l’emploi sur tous les fronts, avec des solutions de court terme, à l’instar de celles qui sont proposées dans ce texte, et des solutions plus structurelles d’amélioration à moyen terme de la situation, comme le montre le dialogue en cours avec les partenaires sociaux.

En ce qui concerne la bataille de court terme, je vois dans les emplois d’avenir une première opportunité de construire un droit d’accès pour chaque jeune, je pourrais presque dire un droit « opposable », à un premier niveau de qualification. J’en avais pris l’engagement le 10 juillet dernier, en conclusion de la table ronde que je présidais dans le cadre de la grande conférence sociale.

Premièrement, les emplois d’avenir ciblent les jeunes peu ou pas qualifiés, ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés à la fois vers l’emploi et vers la qualification. Je veux dire ici un mot sur la situation des jeunes des territoires ruraux et urbains prioritaires : les emplois d’avenir seront accessibles à tous ceux qui rencontrent des difficultés d’accès à l’emploi dès lors qu’ils ont un diplôme de premier niveau.

Je ne prétends pas que cette disposition sera la réponse au chômage des jeunes des ZUS ou des ZRR. Mais c’est un sacré coup de pouce à ceux qui ont précisément le plus besoin d’expérience et de qualification. Ce sera pour eux un véritable marchepied vers le monde du travail et un déclencheur de qualification.

À cet effet, deuxièmement, les emplois d’avenir posent une exigence à l’égard des employeurs potentiels : pour obtenir l’aide envisagée, ces derniers doivent décrire la manière dont ils comptent accompagner et développer les compétences de chaque jeune durant l’emploi et, surtout, les actions qu’ils vont mettre en œuvre.

Sur ce point, le Gouvernement a souhaité – c’est là aussi un choix volontariste – que les emplois d’avenir ouvrent aux jeunes l’accès aux dispositifs de droit commun en matière de formation. Ils pourront ainsi bénéficier, comme n’importe quel salarié, du plan de formation, de la période de professionnalisation et du droit individuel à la formation. Cette inclusion des jeunes en emplois d’avenir aux dispositifs de droit commun est une manière d’éviter toute stigmatisation à leur endroit. Ce sont des salariés à part entière et méritant de développer leurs compétences comme les autres.

Troisièmement, selon le dispositif prévu, tout jeune qui ne restera pas chez son employeur au terme de l’emploi d’avenir pourra immédiatement accéder à une formation qualifiante ou à un contrat en alternance en rapport avec les compétences qu’il aura acquises.

Sur ces différents points, l’Assemblée nationale a déjà largement étoffé le texte.

Ainsi, elle a inclus dans les publics visés les jeunes de moins de trente ans en situation de handicap. Elle a ajouté aux structures éligibles à ces nouveaux contrats les structures d’insertion par l’activité économique. Elle a ouvert la possibilité d’aller au-delà de la durée maximale du contrat, fixée à trente-six mois, pour permettre au jeune de finaliser une formation. Elle a introduit la faculté de moduler le temps de travail hebdomadaire si l’action de formation le nécessite.

La commission des affaires sociales du Sénat, comme à son habitude et je n’en suis pas surpris, a largement contribué à améliorer la rédaction de certaines dispositions. À l’issue de ses travaux, c’est toujours la formation qui est au cœur du dispositif, et je l’en remercie. Cette formation permettra au jeune de rebondir si, toutefois, il n’était pas maintenu dans l’emploi au terme du contrat.

Pour ma part, j’ai également porté, au nom du Gouvernement, l’adossement de la concertation et de la contractualisation sur la formation des jeunes en emplois d’avenir au comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle, outil aux mains de chaque région. En effet, notre objectif est de faire en sorte que les acteurs territoriaux de la formation professionnelle et de l’emploi, au premier rang desquels figurent l’État, les régions et les partenaires sociaux, prennent chacun toute leur place dans le cadre d’une concertation annuelle pour l’identification des filières et secteurs porteurs dans leurs bassins de vie.

Je dois ajouter que nous entendons adapter le contenu formation des emplois d’avenir à la situation spécifique des jeunes qui seront recrutés en collectivités territoriales.

Bien entendu, il ne suffit pas de dire que la formation est essentielle pour qu’elle le soit. Contrairement à nos prédécesseurs, nous n’assimilons pas parole et mise en œuvre.

Nous déploierons donc une stratégie spécifique d’accompagnement des jeunes, des employeurs et des offreurs de formation.

En ce qui concerne l’accompagnement des premiers, nous devrons mobiliser l’ensemble des partenaires locaux, au premier rang desquels se trouvent les missions locales et Pôle emploi, susceptibles d’amener les jeunes à envisager sereinement l’action de qualification. Ce ne sera pas facile car nombre d’entre eux n’ont pas toujours une image très positive de la formation et sont souvent, avant tout, à la recherche de solutions de court terme.

L’accompagnement des employeurs est également un enjeu important, car nous visons essentiellement des structures du secteur non marchand, parfois de taille petite ou moyenne, n’ayant pas forcément l’habitude de mobiliser les dispositifs de formation de droit commun. Nous devrons les aider, en liaison avec les têtes de réseau et les partenaires institutionnels, à se familiariser avec ce pan de la gestion des ressources humaines.

Enfin, nous devrons aider les offreurs de formation à rendre l’offre plus lisible et toujours mieux adaptée. Ce sujet dépasse le cadre de la rédaction de la loi et demande un engagement sans faille des pouvoirs publics aux côtés des opérateurs et des financeurs.

C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà entamé, fidèles à une méthode de dialogue social et territorial portée par Michel Sapin et sans cesse mise en œuvre depuis l’élection présidentielle, une concertation avec les partenaires sociaux. L’objectif est que les branches principalement concernées par les emplois d’avenir fassent des jeunes ainsi concernés une cible prioritaire de la feuille de route de leurs organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, que ce soit durant l’emploi, via la période de professionnalisation, ou à l’issue de celui-ci, via le contrat de professionnalisation. Nous allons également discuter du sujet au niveau interprofessionnel avec le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Les régions sont d’ores et déjà nos interlocuteurs privilégiés. En effet, nous entendons capitaliser sur leurs expériences réussies en matière d’emplois tremplins, en particulier sur l’élaboration d’une offre de formation préqualifiante ou qualifiante. Celle-ci doit être organisée de manière suffisamment souple pour pouvoir être suivie par le jeune pendant son emploi, notamment s’il ne travaille pas à temps plein. Michel Sapin et moi-même avons déjà eu plusieurs réunions avec les présidents de région sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, grâce aux exigeantes conditions de pilotage que nous mettons en place, au dialogue engagé dès la grande conférence sociale de juillet dernier, l’accès à la qualification des jeunes constitue un volet consubstantiel aux emplois d’avenir. Soyez assurés de ma détermination à faire en sorte que cette obligation de formation liée à chaque emploi d’avenir soit effective et que tous ceux qui peuvent aider à sa mise en œuvre soient mobilisés.

Ce sera là une première traduction concrète du droit d’accès à la qualification pour tous, qui est une priorité de ma feuille de route, dans le cadre d’une politique de formation professionnelle attentive aux besoins de chacun, à ceux, dans ce cas précis, de la jeunesse de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi portant création des emplois d’avenir vise à répondre à un fléau dont souffre notre pays depuis maintenant une trentaine d’années : un taux de chômage des jeunes inacceptable, notamment pour les moins qualifiés.

La situation est particulièrement grave, nous le savons, dans certains quartiers de nos villes ainsi que dans nos départements et collectivités d’outre-mer : des jeunes qui ne sont ni dans l’emploi ni en formation se retrouvent le plus souvent livrés à eux-mêmes, avec toutes les conséquences que cela peut entraîner sur le plan social et surtout pour notre « vivre ensemble ». Je n’oublie pas non plus les difficultés rencontrées dans certaines zones rurales, que les jeunes quittent parce qu’ils ne parviennent pas à trouver du travail.

Face à cette situation, les pouvoirs publics, je le rappelle, ont déjà mis en place plusieurs outils qu’il est possible de mobiliser en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes. Je pense en particulier aux missions locales, spécialisées dans l’accompagnement des demandeurs d’emploi âgés de seize à vingt-cinq ans. Je pense aussi, bien sûr, aux formations en alternance, qui présentent de bons résultats pour l’accès à un emploi durable. Je pense également aux contrats aidés, qui peuvent être utiles pour permettre à un jeune d’acquérir une première expérience professionnelle.

Pourtant, force est de constater qu’il nous manque encore un dispositif adapté aux besoins des jeunes les moins qualifiés et les plus éloignés de l’emploi. Ces jeunes, dont le nombre peut être estimé autour de 500 000, sont en situation de « décrochage » scolaire, de sorte qu’il n’est pas toujours possible de les inscrire, à court terme, dans une formation en alternance. Ils sont, faut-il le rappeler, 120 000 à sortir chaque année du système scolaire sans formation ni qualification. Et les actuels contrats aidés, même s’ils sont utiles, sont d’une durée trop courte pour pouvoir jouer efficacement leur rôle de passerelle vers un emploi durable.

La création des emplois d’avenir a donc pour objectif de mettre à la disposition du service public de l’emploi un nouveau type de contrat destiné à ramener ses bénéficiaires vers l’emploi et la formation.

Par rapport aux actuels contrats aidés, l’emploi d’avenir présentera plusieurs atouts sur lesquels vous me permettrez d’insister : d’abord, les bénéficiaires seront recrutés en CDI ou en CDD d’une durée de trois ans. Le contrat pourra être d’une durée plus courte si cela est justifié au regard de la situation du jeune et de son parcours, mais sa durée ne sera jamais inférieure à un an. De cette manière, le travail d’insertion et de qualification auprès du jeune s’inscrira dans la durée, ce qui est évidemment une condition de son succès.

Ensuite, les jeunes travailleront, en principe, à temps plein, ce qui leur permettra d’acquérir plus rapidement de l’expérience et des compétences professionnelles. Le travail à temps partiel sera possible par exception, notamment si la situation du bénéficiaire le justifie.

Enfin – messieurs les ministres, vous avez beaucoup, et à juste raison, insisté sur cette dimension – la formation du bénéficiaire sera au cœur du dispositif : dès le stade du recrutement, l’employeur devra préciser quelles actions de formation seront réalisées et quelles qualifications ou compétences elles permettront d’acquérir. Chez son employeur, le jeune sera suivi par un tuteur qui pourra lui transmettre son savoir-faire. L’emploi d’avenir pourra être prolongé pour permettre à son titulaire d’achever une formation et le jeune pourra choisir la voie de l’alternance à l’issue de son contrat.

Le Gouvernement a déjà engagé des discussions avec les conseils régionaux, avec les organismes gestionnaires des fonds de la formation professionnelle et avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, pour déterminer comment ils pourront participer à l’effort de formation en direction des jeunes en emploi d’avenir.

Je me réjouis, par ailleurs, du choix qui a été fait de cibler le dispositif sur les jeunes les moins qualifiés, c’est-à-dire ceux dont le niveau de diplôme est au plus égal au baccalauréat. Les emplois d’avenir tirent la leçon des emplois jeunes que nous avions lancés il y a une quinzaine d’années et qui avaient concerné majoritairement, il faut s’en souvenir, des bacheliers et des diplômés de l’enseignement supérieur. Cette fois-ci, l’objectif est clairement de s’adresser aux jeunes faiblement qualifiés, qui sont les plus exposés au risque du chômage de longue durée.

Concernant les employeurs, le choix a été fait de privilégier le secteur non marchand. Il ne faut évidemment pas y voir un signe de défiance à l’égard des entreprises. Celles-ci ont un rôle essentiel et majeur à jouer pour l’insertion professionnelle des jeunes, notamment par le biais des formations en alternance. Cette mesure s’inscrit dans un ensemble. Et le succès du futur contrat de génération, qui fait actuellement l’objet d’une concertation entre les partenaires sociaux, reposera précisément en grande partie sur l’engagement des entreprises dans le dispositif.

Toutefois, compte tenu du public auquel s’adressent les emplois d’avenir, il me semble que les employeurs du secteur non marchand sont probablement les mieux placés pour les accueillir et leur apporter l’accompagnement et la formation dont ils ont besoin. Il est également important de confier aux jeunes des tâches valorisantes, ce qui sera le cas avec les métiers d’utilité sociale ou environnementale visés par le texte.

Vous l’avez compris, l’objectif des emplois d’avenir est, bien sûr, d’amener le plus grand nombre possible de jeunes dans l’emploi durable.

Une partie des postes initialement créés grâce à l’aide de l’État pourront être pérennisés, ce qui permettra alors au jeune de rester dans la structure qui l’a embauché. Le versement d’une aide pendant trois ans peut, en effet, soutenir la croissance de secteurs tels que l’aide à la personne, le tourisme ou encore le développement durable, et favoriser ainsi la création d’emplois stables.

Certains employeurs pourront utiliser les emplois d’avenir pour mettre en place une politique intelligente de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences : une association pourra, par exemple, recruter un jeune sans qualification pour le former et le préparer à occuper un poste qui sera libéré par le départ en retraite d’un salarié. L’emploi d’avenir aura alors joué un rôle de remise à niveau et de « sas » vers un emploi durable.

Certains jeunes seront, en revanche, contraints, à l’issue de leur contrat, de chercher du travail chez un autre employeur. Dans le cadre de ce système qui se veut souple, ils se verront alors remettre une attestation de compétences ou une attestation de formation et pourront s’engager, le cas échéant, dans une démarche de validation des acquis de l’expérience. Il appartiendra au référent chargé du suivi social et professionnel du jeune de travailler avec lui sur son projet professionnel et de l’accompagner dans ses démarches de recherche d’emploi. L’emploi d’avenir pourra alors fonctionner comme un véritable « tremplin » vers un autre poste de travail. Toutes les possibilités seront mobilisées : l’ensemble des secteurs marchands et non marchands seront, bien sûr, impliqués.

J’aimerais maintenant vous dire un mot des modifications qui ont été introduites à l’Assemblée nationale.

Le texte a été considérablement enrichi par nos collègues députés, qui ont d’abord veillé à mieux encadrer les possibilités de recours à un CDD de moins de trois ans ou au travail à temps partiel. Ils ont également, et à juste raison, renforcé le volet formation du texte tout en réaffirmant l’obligation d’un suivi personnalisé du jeune. Ils ont, en outre, ajouté des dispositions relatives aux personnes handicapées et souligné l’importance d’une répartition équilibrée des emplois d’avenir entre les hommes et les femmes. La commission des affaires sociales a approuvé sans réserve ces modifications.

Elle a souhaité, en revanche, revenir sur deux dispositions insérées par l’Assemblée nationale : en premier lieu, il ne nous a pas paru opportun d’autoriser l’embauche d’un jeune en ayant recours au CDD saisonnier. Le caractère discontinu du travail saisonnier ne permet pas de réaliser auprès du jeune un travail d’insertion et de qualification inscrit dans la durée. Le CDD saisonnier n’est donc pas, selon nous, un bon support juridique pour un emploi d’avenir. De plus, dans cette hypothèse, les effets d’aubaine seraient, à coup sûr, garantis ; en second lieu, nous avons décidé de réserver aux seuls départements et collectivités d’outre-mer la possibilité de recruter en emploi d’avenir des jeunes diplômés du supérieur.

L’Assemblée nationale avait souhaité étendre cette possibilité aux jeunes résidant dans les zones urbaines sensibles et dans les zones de revitalisation rurale, ce qui nous a semblé contraire à l’esprit du texte et porteur de risques de dérive. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu rappeler notre position. Ce qui nous a guidés, c’est, en effet, le souci de pouvoir faire bénéficier de ce dispositif en toute priorité les jeunes concernés et d’éviter les dérives observées dans le cadre des emplois jeunes. En effet, nous ne voulons pas que des diplômés prennent la place de jeunes sans qualification. Et nous pensons que les jeunes diplômés trouveront, avec le contrat de génération, entre autres, un dispositif plus adapté à leur profil.

Nous avons toutefois maintenu une exception pour les territoires ultra-marins afin de tenir compte de leur situation économique particulière et des difficultés qu’y rencontrent les jeunes diplômés pour trouver un emploi dans le secteur marchand.

J’en viens aux emplois d’avenir professeur, sur lesquels je ne m’attarderai pas dans la mesure où notre collègue Françoise Cartron va nous en parler dans un instant, au nom de la commission de la culture. J’indiquerai simplement que la commission des affaires sociales a approuvé cette déclinaison des emplois d’avenir au sein de l’éducation nationale, déclinaison qui vise à inciter un plus grand nombre d’étudiants boursiers à se présenter aux concours de recrutement des enseignants. Cette mesure constitue, par ailleurs, un véritable dispositif de promotion sociale destiné à la jeunesse la moins favorisée.

Pour terminer, je signalerai que le projet de loi comporte également trois mesures relatives au service public de l’emploi et une qui concerne l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Toutes ont reçu l’assentiment de notre commission.

Les deux premières sont de simplification administrative : il s’agit, d’une part, de faciliter la dématérialisation de la procédure de prescription des contrats aidés, d’autre part, de revoir les modalités de recouvrement des contributions versées par les employeurs au titre du contrat de sécurisation professionnelle.

La troisième mesure vise à préserver les droits à retraite complémentaire de certains salariés de Pôle emploi.

La dernière vise, enfin, à renforcer les obligations des entreprises en matière d’égalité salariale, en ouvrant la voie à de futures mesures réglementaires.

En conclusion, je voudrais rappeler, mes chers collègues, que le Président de la République, François Hollande, a décidé de placer son quinquennat sous le signe de la jeunesse. Il estime, à juste titre, que les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ne permettent pas d’asseoir les conditions de la confiance et nuisent au dynamisme de notre pays. Sans doute les emplois d’avenir ne suffiront-ils pas à dissiper toutes les inquiétudes, mais ils peuvent contribuer à redonner une espérance et une perspective à des jeunes et à leurs familles, qui n’en peuvent plus d’entendre s’accumuler les mauvaises nouvelles, après quatre années de crise !

Le succès des emplois d’avenir dépendra naturellement, c’est une évidence que de le rappeler, de la mobilisation de tous les acteurs concernés : l’État, qui sera le principal financeur, mais aussi le service public de l’emploi, les collectivités territoriales, le monde associatif, les structures d’insertion par l’activité économique, l’économie sociale et solidaire, les partenaires sociaux, sans oublier les organismes de formation.

En tant que parlementaires, il nous appartient, mes chers collègues, de donner le coup d’envoi à ce programme ambitieux. Il y a urgence à agir, ce qui explique que le projet de loi soit examiné par notre assemblée dès la session extraordinaire de septembre. Convaincu que la création des emplois d’avenir, et des emplois d’avenir professeur, améliorera les conditions de vie de milliers de nos concitoyens, je vous invite, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, à approuver le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi portant création des emplois d’avenir, adopté par l’Assemblée nationale. En effet, les articles 2, 2 bis A, 8 et 10, qui organisent le dispositif spécial des emplois d’avenir professeur, relèvent de son champ de compétences.

L’échec de la mastérisation, instaurée il y a trois ans, est aujourd’hui évident. La pénurie de candidats au métier d’enseignant, l’assèchement du vivier de recrutement et l’affaiblissement de la préparation à l’entrée dans le métier justifient la création des emplois d’avenir professeur.

En outre, l’allongement de la durée d’études requise pour se présenter aux concours risque de provoquer l’éviction de candidats issus des catégories sociales les plus défavorisées, alors même que nous constatons déjà une très forte homogénéité sociale du corps enseignant qui n’est pas satisfaisante. Ainsi, l’une des voies historiques de promotion sociale, dont nous sommes quelques-uns ici à pouvoir témoigner – je pense à l’espoir que suscitait la possibilité d’embrasser ce beau métier de professeur –, tend à se refermer.

Or, pour demeurer fidèle aux valeurs de la République, l’école ne peut pas réserver la profession d’enseignant à une élite sociale : elle doit ouvrir cette voie aux jeunes qui, aujourd’hui, y sont très peu représentés. En outre, les enfants de milieux défavorisés doivent pouvoir profiter de la présence, au sein de l’éducation nationale, de professeurs ayant connu durant leur parcours les mêmes difficultés qu’eux et susceptibles, de ce fait, de mieux les aider à les surmonter.

Il faut donc prendre des mesures d’urgence, avant même que ne s’ouvrent les débats sur le projet de « grande » loi de refondation de l’école. C’est le sens des emplois d’avenir professeur, qui contribueront à sécuriser les parcours universitaires des étudiants se destinant au professorat, à intensifier leur professionnalisation, mais aussi à préserver la diversité sociale du corps enseignant.

À la différence du dispositif général des emplois d’avenir, destiné à des jeunes pas ou peu qualifiés, les emplois d’avenir professeur s’adressent à des étudiants boursiers de l’enseignement supérieur inscrits en licence 2, licence 3 ou master 1.

Une priorité d’accès est accordée aux étudiants qui effectuent leurs études dans une académie ou dans une discipline en sous-effectif. Priorité est donc donnée à ceux qui ont, soit résidé dans une zone urbaine sensible, dans une zone de revitalisation rurale ou en outre-mer, soit étudié dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire.

Notre commission se félicite particulièrement de l’équilibre de traitement entre les zones urbaines et les zones rurales, ainsi qu’entre la métropole et l’outre-mer. Le ciblage des académies et des disciplines en sous-effectif est souhaitable. Cependant, la désaffection durable pour certaines zones d’affectation, telles que Lille et Créteil, ou de certaines matières d’enseignement, comme les mathématiques et les lettres, ne pourra pas être complètement corrigée par des contrats aidés, nous en avons pleinement conscience. Il faudrait pour cela repenser les modalités d’affectation des enseignants, qui constituent une contrainte structurelle forte.

Priorité d’accès ne veut pas dire recrutement au plus pressé et à l’aveugle : les étudiants seront recrutés après avis d’une commission chargée de vérifier leur aptitude. Pour des raisons d’organisation administrative et d’évaluation rationnelle des besoins, ces commissions devraient se mettre en place à l’échelon académique.

En revanche, le recrutement est du ressort de l’établissement. Pourront agir comme employeurs les collèges et les lycées publics, les établissements agricoles et les établissements d’enseignement privé sous contrat. Tous les types d’enseignement participant au service public de l’éducation sont couverts, hormis les établissements français à l’étranger, en raison de leur statut spécifique.

Les écoles primaires ne pourront pas recruter puisqu’elles ne possèdent pas la personnalité morale nécessaire pour contracter. Il est toutefois prévu que les étudiants recrutés dans un établissement pourront travailler dans des écoles primaires. Je souhaite que la possibilité d’affecter des emplois d’avenir professeur dans le premier degré soit pleinement utilisée. L’école maternelle et l’école élémentaire sont des priorités absolues du Gouvernement, et nous nous en félicitons.

Pour répondre par anticipation à certaines critiques, notre commission tient à affirmer clairement que les emplois d’avenir professeur ne constituent pas une forme de pré-recrutement au sens strict. Il ne faut pas passer de concours pour en bénéficier. Aucun statut particulier de droit public ne leur est attaché. Les étudiants sont recrutés sous contrat de travail. Ils ne bénéficient d’aucune voie spéciale d’accès aux concours de l’enseignement, qui demeurent obligatoires. De ce point de vue, il serait inexact d’alléguer une violation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et notamment du principe d’égal accès aux fonctions publiques, parfaitement respecté par le texte.

Les emplois d’avenir professeur sont une mesure d’accompagnement social, destinée à des étudiants défavorisés auxquels nous voulons donner toutes les chances de devenir professeur, alors que leurs familles et leur milieu social sont souvent éloignés du monde scolaire et universitaire. Le zonage relatif vise aussi à réparer, au nom de l’intérêt général, des inégalités territoriales qui sont devenues criantes au détriment des jeunes ruraux et des jeunes des quartiers sensibles. C’est donc une mesure visant à rétablir de l’égalité des chances là où elle n’existe plus. Pour préparer le redressement de l’école dans la justice, nous ne pouvions faire moins !

Aux termes de l’article 2, les emplois d’avenir professeur interviendront en « appui éducatif ». Il n’est donc pas question de confier à ces jeunes des responsabilités pleines et entières d’enseignement. Le texte ne permet en aucun cas de substituer des jeunes bénéficiant d’un emploi d’avenir à des enseignants titulaires.

En revanche, l’appui éducatif ne doit pas se restreindre uniquement à l’aide aux devoirs. Il ne faudrait pas cantonner les emplois d’avenir professeur à des activités de quasi-répétiteurs, assez peu formatrices en elles-mêmes. N’oublions pas les leçons des pédagogues des Lumières ! Ainsi Mme de Genlis, première femme à être nommée gouverneur, en 1782, disait : « L’autorité peut obtenir d’un enfant qu’il se tienne tranquille sur une chaise, et qu’il attache ses yeux sur un livre ; mais l’attention ne se commande point ; c’est la curiosité qui la donne, c’est le goût qui la fixe. »

La professionnalisation des futurs enseignants ne passe pas uniquement par la maîtrise d’outils didactiques et l’apprentissage de la gestion de la classe. Les emplois d’avenir professeur devraient permettre de donner à voir aux étudiants autre chose que la classe stricto sensu. Ainsi serait-il intéressant de les faire participer à l’élaboration de projets culturels, sportifs, artistiques, leur fournissant l’occasion de découvrir et d’appréhender l’enfant dans toute sa globalité.

Il aurait pu être envisagé de mettre les emplois d’avenir professeur au service de la refonte des rythmes scolaires, qui requiert de repenser l’aménagement du temps de l’enfant. À cet effet, les collectivités territoriales compétentes auraient pu devenir recruteurs d’emplois d’avenir professeur afin de confier à ces jeunes des tâches diversifiées, en complément des activités d’enseignement. À défaut, communes, départements et régions devront recourir aux emplois d’avenir généraux de l’article 1er pour assurer des missions périscolaires. Cela suppose alors de leur permettre de s’adresser à des jeunes plus qualifiés que la cible première et prioritaire du dispositif.

La refondation de l’école exige d’ouvrir davantage celle-ci sur l’extérieur, en vue d’assurer une prise en charge globale de l’enfant et de favoriser son épanouissement tant cognitif qu’affectif. À cet égard, nous ne pourrons faire l’économie d’une révision profonde des relations entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales.

Le chantier de la refondation est devant nous. Les emplois d’avenir professeur constituent une première pierre de la reconstruction de notre école, si malmenée ces dernières années, mais aussi un signe fort de confiance et d’espoir adressé à notre jeunesse.

Telles sont les considérations qui ont conduit la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à rendre un avis très favorable à l’adoption du projet de loi portant création des emplois d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis plusieurs années, sans doute même depuis plusieurs décennies, nous dressons un constat amer, celui de la dégradation continue des conditions de vie des jeunes.

Précarité économique, précarité sociale, précarité sanitaire et médicale, impossibilité d’accéder à un logement autonome et de qualité : dans la tête de nombreux jeunes et de l’immense majorité de la population, jeunesse rime avec « galère ». Et le fatalisme gagne les esprits, comme si, après tout, il fallait en passer par là pour avoir droit plus tard à un avenir plus radieux.

En réalité, au-delà de cette jeunesse qui se qualifie elle-même de « génération précaire », l’ensemble de la société est victime de mutations socio-économiques qui entraînent partout en Europe et dans le monde les mêmes conséquences : casse de l’emploi, extension de la précarité à des populations et à des secteurs jusqu’alors épargnés, augmentation massive du nombre de pauvres. À tel point qu’un Français sur deux interrogés sur ce sujet craint de devenir SDF !

Notre système social, malgré les différentes attaques dont il a fait l’objet, notamment sous les deux précédents gouvernements, joue encore son rôle de « filet social », et ce dans un contexte marqué par la dégradation des conditions de travail, fruit d’une politique insensée de flexibilité du travail.

On assiste également à un accroissement sans précédent des inégalités sociales et des richesses. Selon une étude de l’INSEE rendue publique au début du mois et restée trop confidentielle, le taux de pauvreté est passé de 13,5 % à 14,1 %. Or force est de constater que si les pauvres sont plus pauvres, les riches, eux, réussissent l’exploit en période de crise d’être à la fois plus nombreux et surtout… plus riches.

Depuis 2002, le cinquième le plus pauvre de la population a connu une réduction de son niveau de vie de 0,6 point, représentant au total 6 milliards d’euros. Mais, dans le même temps, le cinquième le plus riche a, quant à lui, profité d’une hausse de 1,3 point, soit 12 milliards d’euros de gains supplémentaires à se partager. Et comme, aux yeux de certains, cela ne suffit pas, au moment même où le nouveau gouvernement envisage de rehausser l’impôt des plus fortunés pour réguler cette distorsion inégalitaire des richesses, l’un d’entre eux, parmi les plus riches et possédant une fortune personnelle estimée selon le magazine Forbes à 41 milliards de dollars, annonce vouloir obtenir la nationalité d’un État pratiquant une fiscalité plus clémente.

Si certains ont les moyens d’organiser dans la légalité leur évasion fiscale, d’autres sont contraints à la survie. Disant cela, je pense notamment à celles et ceux qui sont licenciés pour motifs économiques alors que leur entreprise réalise des bénéfices redistribués sous forme de dividendes.

Je pense aussi, en venant au contenu de ce projet de loi, aux jeunes peu ou pas qualifiés qui, résidant dans les « mauvais » quartiers, n’ont pas la chance d’accéder à l’emploi. Alors que les jeunes devraient être considérés comme l’atout majeur de notre pays, qui profite d’ailleurs d’une natalité supérieure à la moyenne européenne, 22 % d’entre eux sont au chômage, le plus souvent non indemnisé. Ce taux atteint même 45 % pour les jeunes non diplômés.

Malgré cette situation dramatique tant pour les jeunes eux-mêmes que pour l’ensemble de la société, d’aucuns voudraient que les pouvoirs publics demeurent les « bras ballants », n’hésitant pas à dire, comme l’a fait le député UMP Jean-Frédéric Poisson à l’occasion de la défense de sa motion de rejet préalable, que les jeunes étaient victimes « d’une absence d’éducation au travail ». Voilà comment, en une phrase, sont évacuées à la fois la responsabilité des employeurs qui préfèrent licencier pour accroître les dividendes distribués aux actionnaires, la responsabilité des chefs d’entreprises qui, transformés en capitaines d’industrie financière, préfèrent délocaliser là où les salariés sont payés moins de 100 euros par mois, mais aussi la responsabilité des politiques menées par les gouvernements précédents, qui n’ont eu de cesse de réduire le pouvoir d’achat des salariés, en dépit du slogan affiché durant le précédent quinquennat.

M. Jean Desessard. Ça change !

Mme Isabelle Pasquet. Mais de quelle éducation parle-t-on, lorsque les jeunes dont il est question ici voient leurs parents trimer dans des emplois pénibles, réduisant leur espérance de vie en bonne santé, pour moins de 1 300 euros par mois ?

De quoi parle-t-on, quand on sait que les exonérations de cotisations sociales dites « Fillon » n’avaient pour but que d’encourager les employeurs à sous-payer leurs salariés ?

De quoi parle-t-on, quand les femmes continuent à percevoir, à qualification et mission égales, un salaire de 27 % inférieur à celui des hommes et qu’elles sont, en outre, les principales victimes des temps partiels contraints ?

Comment parler d’éducation au travail sans s’interroger sur le travail lui-même, notamment lorsqu’on sait que les règles de rentabilité imposées aux salariés – sans parler des produits néfastes auxquels ils peuvent être exposés – nuisent à leur santé ?

Au groupe communiste républicain et citoyen, nous sommes persuadés que, pour sortir durablement de la crise, il faut trouver des leviers jusqu’alors inexploités. Il faut inventer une fiscalité et un financement de la protection sociale qui soient modulés de telle sorte que l’effort pèse plus lourdement sur les entreprises qui choisissent de privilégier les actionnaires plutôt que d’investir dans les moyens de production, dans l’emploi et dans la formation.

Nous sommes favorables à la création d’un véritable parcours où le droit à l’emploi et le droit à la formation seraient garantis pour toutes et tous, où les salariés pourraient évoluer dans leur vie professionnelle sans craindre le chômage et la précarité.

Ces dispositifs novateurs passent naturellement par un renforcement des droits des salariés : parce qu’ils sont des acteurs majeurs de l’entreprise, ils doivent pouvoir participer à son contrôle et aux prises de décision stratégique.

Notre pays a besoin de ces outils nouveaux, tout comme il a besoin de répondre aux difficultés particulières que connaissent les jeunes. L’emploi est naturellement une donnée essentielle, tout comme l’est la question de la formation, y compris initiale. Personne ne peut se satisfaire du fait que, depuis 2000, le nombre de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme augmente, et cela de manière continue.

Il faut également tout faire pour garantir aux jeunes un accès aux soins. L’association ATD Quart Monde le soulignait dans une de ses revues : « On sait depuis longtemps que la santé est le résultat d’un processus cumulatif qui débute dès la gestation et se construit progressivement au cours de l’enfance et de l’adolescence. Plus l’enfant, puis l’adolescent, bénéficie de conditions favorables à son développement, meilleur sera son état de santé à l’âge adulte. À l’opposé, moins il fait l’objet de soins attentifs de la part de ses parents et/ou des dispositifs sociaux prévus pour faciliter sa future intégration dans la société, plus il se trouve dans une situation de vulnérabilité et plus les chances de voir sa santé ultérieure menacée sont grandes. »

Et cette association de préciser à juste titre que « la précarisation massive de l’emploi à laquelle on assiste depuis une dizaine d’années et la dégradation des conditions de vie, en particulier dans les zones périurbaines, créent un environnement quotidien peu favorable à l’épanouissement de la santé des individus et entraînent des comportements à risques, notamment chez les jeunes, qui sont autant de facteurs péjoratifs pour le maintien d’un bon état de santé ».

Pour résoudre les problèmes de logement, de santé, d’éducation, d’autonomie, la clef se trouve très largement dans l’emploi. Nos jeunes méritent que la société se mobilise pour eux ; afin qu’ils cessent de croire qu’ils sont des fardeaux, il faut qu’ensemble nous affirmions qu’ils sont notre chance. Ils ont besoin d’entrevoir enfin une lueur d’espoir, besoin de pouvoir se projeter dans une autre réalité que celle qu’ils subissent à l’heure actuelle.

Cet objectif à long terme ne doit toutefois pas nous interdire de répondre à l’urgence de la situation. À cet égard, je dois dire que je comprends peu les arguments de l’actuelle opposition.

Selon le député Jean-Frédéric Poisson, il serait « dangereux » de « préférer l’emploi public à ce moment de l’histoire de notre pays et de l’Europe, alors que nous avons urgemment besoin de réduire nos dépenses ». Et de préciser : « C’est dangereux parce que l’accroissement de la charge publique qui s’ensuivra et l’impact sur nos comptes sont insupportables pour le budget de l’État. »

Eh bien, mes chers collègues, ce que, pour ma part, je trouve dangereux, c’est de prôner l’austérité pour nos concitoyens plutôt que l’action susceptible de leur sortir la tête de l’eau. Ce que je trouve dangereux, c’est d’opposer l’équilibre des comptes publics à la réussite de nos jeunes, une posture d’autant plus injustifiable que, si les pouvoirs publics sont aujourd’hui contraints d’intervenir, c’est parce que les opérateurs privés ne jouent plus leur rôle depuis des années.

Répondre à l’urgence : tel est précisément l’objet de ce projet de loi, qui devrait permettre à 150 000 jeunes d’accéder à un premier emploi et de s’extraire ainsi de la spirale de précarité dans laquelle ils étaient enfermés.

Pour ce faire, le Gouvernement engage 2,3 milliards d’euros et dote les missions locales, dont on sait qu’elles jouent un rôle important, de 30 millions d’euros supplémentaires.

Cet effort financier témoigne d’un réel engagement de l’État, que nous ne pouvons qu’approuver. De même, nous apprécions que le Gouvernement ait fait le choix de mobiliser ces aides en direction des jeunes qui rencontrent le plus de difficultés, à savoir les moins qualifiés et ceux qui souffrent de leur localisation géographique, qu’il s’agisse des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale.

Le Gouvernement tire ainsi les conséquences des expériences passées. Les contrats uniques d’insertion s’étaient en effet révélés inefficaces en raison, notamment, d’un ciblage insuffisant. C’est en tout cas le constat que formulait la Cour des comptes en 2011, constat qui l’avait conduite à préconiser de cibler les contrats aidés sur les personnes les plus éloignées de l’emploi plutôt que de faire primer, comme c’était le cas dans le passé, le nombre sur la qualité.

Nous nous réjouissons aussi que, sur notre initiative notamment, la commission des affaires sociales ait supprimé la faculté, ouverte à l’Assemblée nationale, d’étendre les emplois d’avenir aux contrats saisonniers. Le maintien d’une telle mesure aurait été contraire à l’objet même de ce projet de loi et aux objectifs qu’il poursuit.

Enfin, nous saluons l’amendement déposé par le rapporteur qui a supprimé les agences d’intérim de la liste des structures pouvant être prescriptrices de ces emplois d’avenir. Les opérateurs de placement privés et, singulièrement, les agences d’intérim ont fait la preuve de leur inefficacité pour ce qui est de l’insertion durable dans l’emploi ainsi que pour l’accompagnement personnalisé et la formation. Or ce volet accompagnement et formation est à nos yeux essentiel.

L’Assemblée nationale a d’ailleurs apporté sur ce sujet des précisions utiles. Je pense en particulier à l’amendement qui, déposé et défendu par Marie-George Buffet, prévoit, d’une part, que la demande d’aide devra préciser les actions de formation qui seront engagées et, d’autre part, tend à renforcer le tutorat, passé d’optionnel à obligatoire. Le non-respect de ces obligations devrait entraîner le remboursement de la totalité des aides perçues.

Pour autant, nous considérons que le dispositif prévu peut et doit encore être amélioré.

Compte tenu de la situation particulière des jeunes concernés, dont certains sont depuis des années en rupture scolaire, il est illusoire de croire que la formation puisse se dérouler en dehors du temps de travail. Nous proposerons donc un amendement tendant à préciser que la formation se déroule pendant le temps de travail, tout comme le suivi personnalisé. Des responsables de missions locales nous ont, par exemple, alertés sur le fait que des jeunes recrutés sous la forme de CUI-CAE sont contraints de poser une demi-journée de congé pour voir leur conseiller. Autant dire que, dans bien des cas, ils ne le voient qu’une fois. Il convient donc d’éviter une telle situation.

Monsieur Sapin, vous avez affirmé, devant l’Assemblée nationale, puis tout à l’heure devant le Sénat, que l’aide pourrait être accordée sur « trois ans, le temps d’une vraie première expérience ». Nous partageons ce point de vue, raison pour laquelle nous aurions préféré qu’aucun contrat ne puisse être inférieur à trente-six mois, le jeune voulant bénéficier de mobilité ou changer de domaine demeurant naturellement libre de démissionner.

La solution retenue est celle de la clause de revoyure, inspirée par les emplois jeunes. Nous ne nous y opposerons pas, mais, dans la continuité de nos propositions, nous souhaitons que soient réclamées des contreparties supplémentaires à l’engagement de moyens publics.

Les aides financières et sociales consenties dans le cadre des emplois d’avenir doivent être modulées en fonction de la nature du contrat et de sa durée. Comme vous, messieurs les ministres, nous souhaitons que les CDI deviennent la norme et que les jeunes ne se trouvent plus dans une logique de succession des contrats de courte durée qui les empêchent de se projeter dans l’avenir. C’est pourquoi nous proposons que les aides publiques soient plus importantes pour les CDI que pour les CDD et que les contrats à temps partiel bénéficient d’une moindre participation de l’État que ceux à temps plein.

C’est d’autant plus important que la pérennité des contrats dans le temps constitue un gage de leur réussite. La Cour des comptes, dans son rapport d’octobre 2011, est d’ailleurs particulièrement claire à ce sujet : « Les contrats aidés de courte durée, qu’ils prennent place dans le secteur marchand ou non marchand, ne facilitent pas l’accès à l’emploi stable. » Il faut donc inciter les employeurs à privilégier les contrats les plus longs. C’est d’autant plus vrai que la durée de la formation et du suivi personnalisé est fonction de la durée du contrat.

Enfin, il nous paraît important de renforcer les dispositions permettant la pérennisation des emplois. Les emplois d’avenir ne peuvent pas être un contrat aidé supplémentaire venant s’insérer dans un parcours allant de petit contrat en petit contrat.

Naturellement, nous savons que tous les jeunes ne pourront pas poursuivre leur activité professionnelle au sein des structures qui les auront accueillies. Ces premiers contrats ne seront parfois que des tremplins, mais d’autres, notamment ceux qui correspondent à des emplois destinés à répondre à une utilité sociale ou ayant un fort potentiel en termes de création d’emplois, pourront être pérennisés. À cette fin, nous proposons que les jeunes recrutés sous la forme d’un emploi d’avenir puissent bénéficier, si la structure concernée procède à un ou des recrutements, d’une priorité d’embauche, un peu à l’image de ce qui se pratique dans le cadre des licenciements pour motif économique.

Par manque de temps et parce que je sais que ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin interviendra sur l’article 2, je n’aborderai pas la question des emplois d’avenir professeur, sinon pour dire que, selon nous, sur ce point aussi, des améliorations peuvent être apportées.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe CRC s’engage avec le Gouvernement dans une dynamique positive et constructive.

C’est pourquoi, malgré notre réticence face aux contrats unique d’insertion, qui sont accompagnés d’exonérations de cotisations sociales non compensées, nous ne voterons pas contre ce projet de loi. Toutefois, nous réservons notre vote en attendant de connaître le sort que le Gouvernement et la majorité sénatoriale réserveront à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’emploi est au cœur de notre contrat social et tout ce qui contribue à l’améliorer doit être particulièrement encouragé. Aussi, je me félicite de l’examen de ce projet de loi, qui vise à créer 150 000 emplois à l’horizon 2014.

Nous entendons, depuis quelques semaines, des détracteurs de ce texte prétendre que le dispositif ne s’attaquerait pas aux causes du mal. C’est très regrettable, car le problème auquel il tente de remédier mérite mieux que ces éternelles querelles partisanes.

Le Gouvernement et sa majorité se mobilisent pour relancer l’activité économique, si indispensable à la création d’emplois ; ils tentent d’arrêter l’hémorragie de la destruction d’emplois en permettant aux plus jeunes de ne pas perdre espoir et de s’insérer dans la vie active de notre pays.

Mes chers collègues, le chômage de nos jeunes atteint des sommets : 22,7 % chez les moins de vingt-cinq ans et même plus de 40 % pour les moins qualifiés ; des chiffres alarmants qui ne cessent de grossir. L’OCDE a d’ailleurs, à plusieurs reprises ces dernières années, alerté la France sur sa gestion de l’emploi des jeunes.

Dans ce contexte, il est important de trouver des mesures d’urgence pour ne pas laisser de côté tous ces jeunes en extrême difficulté et leur permettre d’accéder à l’emploi dans de bonnes conditions.

Dans son rapport sur la jeunesse publié le 10 septembre dernier, l’Union européenne en appelle à une orientation prioritaire des politiques en faveur des jeunes, notamment au regard de leur accès à l’emploi. C’est d’ailleurs parce qu’il avait une parfaite connaissance de la situation de notre jeunesse que François Hollande, candidat victorieux à l’élection présidentielle, avait fait d’une telle orientation sa priorité.

Aujourd’hui, aucune piste ne doit être écartée. Les emplois d’avenir sont, en ce sens, une excellente chose.

Le dispositif proposé présente plusieurs avantages. Je tiens à en rappeler quelques-uns.

Le premier de ces avantages résulte du fait que le dispositif offre une possibilité d’avenir à des dizaines de milliers de jeunes qui, confrontés à une réalité économique incertaine, ne peuvent compter sur les seuls effets de la croissance.

La crise a frappé les jeunes de plein fouet, en France comme partout dans le monde. On assiste à une forte augmentation du chômage de longue durée et, surtout, de l’inactivité : de plus en plus de jeunes ne sont ni à l’école, ni en formation, ni en emploi. Cette situation est d’autant plus grave que des études ont montré l’impact à long terme d’une période de crise sur les générations qui arrivent sur le marché de l’emploi lors d’un creux économique.

Le deuxième avantage des emplois d’avenir est qu’ils s’adressent aux jeunes les moins qualifiés On le sait, le risque de ne pas trouver un emploi est d’autant plus élevé que la qualification est faible. Vous l’avez rappelé, messieurs les ministres, environ 120 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme, et moins d’un tiers d’entre eux trouvent rapidement un emploi durable. Les autres alternent stages, missions d’intérim et périodes sans emploi ; ce sont les premières victimes du chômage. Il est évident que les emplois d’avenir doivent s’adresser avant tout à ces « laissés-pour-compte ». Ils leur offriront ainsi une première expérience professionnelle, sésame pour accéder au marché du travail.

Le troisième avantage des emplois d’avenir est qu’ils inciteront les employeurs à recourir en priorité à des contrats à durée indéterminée à plein temps, permettant ainsi une insertion durable des jeunes sur le marché du travail.

La précarisation des jeunes est une triste réalité : en 2011, les trois quarts des embauches étaient des CDD. Il s'agit d’un taux très élevé, d’autant que ces contrats durent en moyenne moins de six mois et qu’ils ne sont pas souvent renouvelés. Il est important de rappeler que, dans le cas des emplois d’avenir, même si l’employeur choisit de recourir à un CDD, la durée du contrat sera en principe de trois ans, délai qui offre au jeune une certaine stabilité dans son emploi et un passeport pour son insertion sur le marché du travail. Chacun le sait, les employeurs sont de plus en plus réticents à recruter une personne qui n’a pas travaillé depuis très longtemps ou qui n’a aucune expérience professionnelle.

Certes, les contrats d’avenir ne régleront pas tout ; telle n’est d’ailleurs pas leur ambition. Ils constituent néanmoins, en ce début de législature, un premier texte tendant à répondre à la situation de l’emploi. D’autres lui succéderont, qui accompagneront le redressement économique du pays. En attendant, les emplois d’avenir sont un espoir pour tous ces jeunes exclus du marché de l’emploi, et je ne doute pas que nos travaux dans cet hémicycle contribueront à améliorer encore le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Je tiens cependant à souligner l’importance du volet formation dans ce nouveau dispositif. Les jeunes concernés par les emplois d’avenir sont peu qualifiés, voire ne le sont pas. Il faut donc qu’ils bénéficient d’une formation de qualité et surtout qualifiante : c’est l’une des clefs de leur insertion professionnelle à l’expiration du contrat d’avenir. C’est la raison pour laquelle nous devons être extrêmement vigilants et exigeants sur le volet formation.

Enfin, je dirai un mot du dispositif d’emploi d’avenir professeur. Réservé aux étudiants boursiers, il vise en priorité les jeunes issus des zones urbaines sensibles ou ayant effectué leurs études dans des établissements implantés dans ces zones ou relevant de l’enseignement prioritaire. Favoriser la vocation d’enseignant chez les jeunes post-bacheliers à travers des co-enseignements et des co-interventions avec un enseignant titulaire me semble très positif. Ce dispositif répond à l’exigence de formation professionnelle et se rapproche de ce que l’on appelait, avant la suppression des IUFM, le tutorat pédagogique.

Ne pourrait-on s’interroger sur la pertinence de l’instauration d’un dispositif similaire pour les jeunes vivant dans les zones rurales ? Comment seront-ils intégrés dans la prochaine loi d’orientation sur l’école ? C’est une question que nous ne devons pas éluder.

Cela nous a amenés, plusieurs de mes collègues du RDSE et moi-même, à déposer des amendements. Nous proposerons notamment d’étendre le dispositif aux zones d’éducation prioritaire, qui cumulent, comme chacun sait, de nombreuses difficultés et dont beaucoup se trouvent hors des zones urbaines sensibles et des zones de revitalisation rurale.

Nous avons également déposé un amendement visant à rendre le contrat à durée déterminée d’insertion, le CDDI, éligible aux emplois d’avenir. Les travaux de l’Assemblée nationale ont permis d’ajouter les structures d’insertion par l’activité économique à la liste des employeurs visés par le dispositif, mais il n’est pas prévu que l’emploi d’avenir puisse prendre la forme d’un CDDI. Une telle mesure nous semblerait pourtant cohérente et efficace puisqu’elle permettrait d’employer des personnes en grande difficulté sociale dans des structures qui ont pour vocation de favoriser l’insertion. Ces entreprises, qui emploient près de 38 000 salariés et dont le chiffre d’affaires atteint environ 500 millions d’euros, constituent un magnifique outil de réinsertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi, et il ne faut jamais oublier que 30 % d’entre elles sont des jeunes. Élargir le dispositif des emplois d’avenir aux CDDI constituerait donc une véritable bouffée d’oxygène pour toutes ces entreprises asphyxiées par un financement public qui n’a pas évolué depuis 1999.

S’agissant des CDD saisonniers, la commission des affaires sociales a souhaité supprimer la disposition introduite à l’Assemblée nationale sur l’initiative conjointe de notre collègue radical de gauche Joël Giraud et du Gouvernement. Mes chers collègues, laissez-nous vous convaincre de l’intérêt de cette disposition, afin que vous apportiez votre soutien à notre amendement visant à revenir au texte voté par les députés. Il était prévu que les contrats saisonniers reconductibles trois années consécutives seraient éligibles au dispositif des emplois d’avenir. Cela permettrait de créer de nouveaux emplois sur des territoires où l’économie est totalement dépendante de la saisonnalité ; je pense notamment aux territoires de montagne. Or, nous le savons tous, la saisonnalité de l’économie engendre très souvent de la précarité. La possibilité de créer des emplois d’avenir sous la forme d’emplois saisonniers serait donc un moyen de rendre ces CDD saisonniers moins précaires et de les assortir de garanties, notamment par la mise en place de dispositifs de formation.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l’aurez compris : nous sommes nombreux, au sein du RDSE, à considérer que les emplois d’avenir sont une excellente initiative, qui viendra compléter utilement et rapidement le dispositif de lutte contre le chômage des jeunes. Nous pensons même que ce dispositif pourrait voir son champ d’application étendu ; tel est l’objet de la plupart de nos amendements.

Le chômage des jeunes constitue un drame humain auquel nous avons, mes chers collègues, l’impérieux devoir de répondre, au-delà des verrous idéologiques et des préjugés. En la matière, seuls le pragmatisme et l’efficacité doivent guider nos choix et donc nos votes : c’est pourquoi, à l’issue de nos travaux, les sénateurs du RDSE apporteront leur soutien aux contrats d’avenir, première mesure forte en faveur de l’emploi des jeunes. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui part d’une intention tout à fait louable, à laquelle aucun d’entre nous ne peut s’opposer : il s’agit de tendre la main à tous ces jeunes qui manquent de qualification et vivent dans des quartiers difficiles, afin de favoriser leur intégration.

Selon les chiffres que nous a fournis M. le ministre du travail, 500 000 jeunes rempliraient les conditions pour bénéficier d’un emploi d’avenir. Or l’objectif est de créer 150 000 emplois d’ici à 2015. Le dispositif trouve là l’une de ses limites : pourquoi créer seulement 150 000 emplois en trois ans ? Nous devrions aller beaucoup plus vite et déployer d’autres dispositifs.

Bien entendu, des contraintes financières limitent le nombre des emplois d’avenir. Cependant, ce choix est peut-être dû également à l’intégration des expériences tentées depuis trente ans par tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ainsi que par d’autres pays. Sans en faire une énumération exhaustive, je mentionnerai les travaux d’utilité collective, ou TUC, en 1984, les contrats emploi solidarité, ou CES, en 1989, les contrats d’insertion professionnelle, ou CIP, en 1993, les emplois jeunes en 1997 et le contrat première embauche, ou CPE, en 2006.

Vous le voyez, de nombreuses tentatives ont été faites, et chacun a pu constater la modestie de leurs effets, voire leur inefficacité. Or, bien souvent, cela tenait à la limitation de leur application aux seuls secteurs public ou associatif. Malheureusement, il en va de même avec les emplois d’avenir créés par le présent projet de loi. Les quelques tentatives d’ouverture du système aux entreprises, sous les gouvernements Balladur et Villepin, se sont, certes, toutes soldées par des échecs, mais ce fut en raison du refus des partenaires sociaux de participer à un tel système. Et encore les avantages accordés aux entreprises étaient-ils extrêmement limités, à l’instar de ceux qui existent pour les CIE, dans le cadre du contrat unique d’insertion.

Je pense que nous sommes là au cœur du problème : dans les conditions économiques actuelles, il aurait fallu frapper un grand coup, afin de créer un électrochoc…

Mme Christiane Demontès. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. Ronan Kerdraon. Vous avez eu dix ans pour le faire !

M. Jean-Noël Cardoux. … en proposant les contrats d’avenir aux petites entreprises plutôt qu’aux collectivités locales. En effet, chacun sait que nous devons réduire les dépenses publiques, y compris celles des collectivités locales, et faire des économies d’échelle. Or le dispositif que vous proposez entraînera des charges supplémentaires pour les collectivités.

En outre, on peut se demander ce qui se passera à l’expiration des contrats d’avenir. Tout le monde sera d'accord pour dire que ces contrats doivent être pérennisés : c’est l’objectif même du dispositif. Il ne s’agit pas seulement d’aider des jeunes pendant trois ans, mais aussi de leur permettre de trouver un emploi pérenne.

Prenons les deux cas de figure possibles.

Si le contrat n’est pas renouvelé par la collectivité ou l’association à l’issue des trois années, que se passera-t-il ? Le jeune, qui aura beaucoup espéré…

M. Ronan Kerdraon. Avec vous, il désespérait !

M. Jean-Noël Cardoux. … et beaucoup appris, ressentira de la frustration ; j’ai pu moi-même le constater lorsque je recevais, en ma qualité de maire, des jeunes que l’hôpital local avait embauchés en emploi jeune et qui me demandaient de leur trouver un poste dans la municipalité.

Les populations aussi peuvent ressentir une certaine frustration.

M. Ronan Kerdraon. C’est pour cela que vous n’avez rien fait ?

M. Jean-Noël Cardoux. En effet, on supprime du jour au lendemain un service qui a existé pendant trois ans.

Deuxième cas de figure : l’emploi est pérennisé, ce qui est évidemment tout à fait souhaitable.

Si c’est dans le secteur public qu’il l’est, cela entraîne de fait la création d’un poste de titulaire et donc des charges supplémentaires pour la collectivité, ainsi que, probablement, des impôts nouveaux.

Si l’emploi est pérennisé dans une entreprise, c’est une création immédiate de valeur ajoutée et une pierre apportée au développement économique, et cela, surtout, sans qu’aucun effort ne soit demandé au contribuable. De plus, dans cette hypothèse, le jeune aura beaucoup plus de chances d’obtenir une formation lui permettant, au cas où son contrat ne serait pas renouvelé pour des raisons d’équilibre économique, de trouver un autre emploi.

Monsieur le ministre, vous avez également détaillé le dispositif très dense d’accompagnement en matière de formation professionnelle continue. Cependant, je constate que les petites entreprises ne sont malheureusement pas prises en compte. Je citerai deux phrases de M. Alexis Govciyan, directeur de l’Institut supérieur des métiers, prononcées en juillet 2012 : « Plus l’entreprise est petite, plus l’absence du dirigeant ou d’un salarié perturbe, voire paralyse le fonctionnement de l’entreprise. » « Pour la formation, priorité est donnée à la formation en entreprise “sur le tas”. »

Il faudrait ouvrir les emplois d’avenir aux petites entreprises et trouver des solutions pour créer – j’ai moi-même conduit plusieurs expérimentations dans mon département, après négociation avec la région – des prestations de formation adaptées aux besoins des entreprises, et se déroulant à l’intérieur de celles-ci. Car les formations proposées ont bien souvent lieu à 20, 30 ou 40 kilomètres du lieu de travail, et ne correspondent pas toujours à la demande de l’entreprise.

M. Ronan Kerdraon. Vous avez eu dix ans pour agir !

M. Jean-Noël Cardoux. Ainsi, nous risquons fort de perdre aujourd'hui une formidable occasion de répondre au besoin de formation des petites et très petites entreprises. Il faudrait organiser « sur le tas » – pour reprendre l’expression de M. Govciyan – des formations pour les jeunes en emploi d’avenir, afin de rendre le dispositif plus efficace.

N’oublions pas que le budget annuel de la formation professionnelle continue, de l’ordre de 25 milliards d’euros voilà quelques années, est financé à hauteur de 40 % par les entreprises. Dès lors, une telle disposition aurait constitué un juste retour des choses pour ces dernières.

Toutefois, dans la mesure où nous n’avons pas encore examiné le projet de loi relatif au contrat de génération, attendons un peu avant de porter un jugement sur le dispositif.

M. Thierry Repentin, ministre. C’est un excellent texte !

M. Jean-Noël Cardoux. Je me pose néanmoins des questions sur le financement de cette mesure, monsieur le ministre. La somme de 2,5 milliards d’euros qui a été évoquée devait être initialement compensée par la suppression des exonérations de charges sociales sur les bas salaires. Or, si j’ai bien compris, vous avez renoncé à cette contrepartie. Mais votre position peut encore évoluer… Peut-être m’apporterez-vous des réponses sur ces points.

Le contrat de génération, qui, en soi, n’est pas une mauvaise mesure, aurait pu être supplanté par l’instauration de contrats d’avenir en entreprise financés par des redéploiements dans le domaine de la formation professionnelle.

Ce dispositif aurait constitué un signal en direction des petites entreprises, bien malmenées actuellement. Je ne reviendrai pas sur les différentes dispositions qui ont quelque peu ébranlé leur équilibre économique, qu’il s’agisse de la TVA ou de la suppression des exonérations de charges relatives aux heures supplémentaires.

M. Ronan Kerdraon. On va pleurer !

M. Jean-Noël Cardoux. J’ai entendu les membres du Gouvernement soutenir qu’il fallait redonner de la compétitivité à l’économie française. Or l’ouverture des contrats d’avenir aux petites entreprises aurait été de nature à rassurer ces dernières et le Gouvernement aurait ainsi démontré qu’il était attentif à leurs préoccupations.

Monsieur le ministre, la question vous a été posée en commission des affaires sociales de savoir pourquoi les contrats d’avenir n’étaient pas ouverts à l’entreprise. J’ai écouté attentivement votre réponse, que vous avez d’ailleurs réitérée ici même voilà quelques instants. Vous nous avez dit en substance que l’insertion des jeunes au service des autres dans le secteur public devait leur permettre de retrouver une dignité. C’est vrai : être considéré comme entrant dans la vie active est effectivement de nature à redonner dignité et confiance en lui à un jeune.

Mais pourquoi ne serait-ce vrai que si l’activité en question se déroule dans le service public ? Monsieur le ministre, considérez-vous comme honteux le fait d’occuper un emploi dans une petite entreprise ?

M. Ronan Kerdraon. C’est un peu caricatural !

M. Jean-Noël Cardoux. Pour ma part, j’estime que participer au développement économique de son pays en consacrant son temps et son énergie au service d’une petite entreprise est tout autant susceptible de redonner confiance et dignité aux jeunes marginalisés que d’exercer une activité dans le secteur public.

Alors, monsieur le ministre, ouvrez le dispositif aux petites entreprises, et nous vous suivrons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Marseille applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est la traduction législative d’un engagement de campagne du Président de la République en faveur des jeunes. Il s’adresse aux jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans n’ayant pas ou peu de formation et qui ne trouvent pas de travail. Il résulte d’un constat accablant, que vous avez rappelé, monsieur le ministre : à l’heure actuelle, les jeunes pensent qu’ils vivront moins bien que leurs parents. Or un pays qui ne donne pas toute sa place à sa jeunesse obère son avenir.

C’est cette profonde conviction qui avait conduit François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, à prendre l’engagement suivant lors de son discours du Bourget: « C’est pour la jeunesse de notre pays que je veux présider la France. Je veux redonner confiance à la jeunesse ! »

Chers collègues de l’opposition, vous avez parlé de précipitation et, dans le même temps, justifié de dix ans d’inaction. Mais vous devez être bien sourds pour ne pas percevoir l’amplification de l’urgence sociale dans notre pays. De fait, l’urgence du présent projet de loi est patente.

Les élus socialistes, conscients de la situation de l’emploi, en particulier de celle des jeunes, se félicitent que le Gouvernement tienne la promesse faite par le chef de l’État. Eh oui, le changement, c’est maintenant ! Ils se félicitent également du volontarisme politique ainsi manifesté.

Je veux saluer le travail réalisé par le rapporteur, Claude Jeannerot, qui, avec la présidente de la commission des affaires sociales, a su mobiliser pleinement les membres de celle-ci.

Le texte que nous examinons est emblématique de la politique voulue par la nouvelle majorité présidentielle. En effet, nous avons érigé la lutte contre le chômage, en particulier celui des jeunes, au rang d’impérieuse nécessité, de priorité nationale, que personne, dans cet hémicycle, ne peut contester. Il y va de l’avenir de notre société.

Car la réalité est cruelle : notre pays a atteint la barre des 3 millions de chômeurs, soit près de 10 % de la population active. Cette aggravation du chômage n’est malheureusement pas une surprise : messieurs les ministres, vos prédécesseurs, vous ont légué une véritable bombe sociale à retardement. Et n’oublions pas les licenciements retardés au cours de la campagne présidentielle.

Cette bombe sociale est la résultante de cinq années d’inertie des gouvernements Raffarin et Villepin et des cinq dernières années de désengagement coupable de la part de l’État.

M. Philippe Bas. C’est faux !

M. Ronan Kerdraon. L’an dernier, dans son rapport sur la mission « Travail et emploi », notre collègue François Patriat a pu ainsi faire le constat d’une action publique « qui se désengage des politiques actives de l’emploi et de lutte contre le chômage ».

Lors de mes permanences, de mes échanges avec nos concitoyens, j’ai pu mesurer à quel point il est difficile d’être jeune par les temps qui courent.

Selon Pierre Bourdieu, « la jeunesse n’est qu’un mot ». Malheureusement, aujourd'hui, elle souffre de maux, et les chiffres sont terrifiants. Le chômage des moins de vingt-cinq ans s’est envolé : il concerne, en moyenne, 25,7 % de cette population, et, plus précisément, près de 45 % des jeunes sans diplôme et près de 75 % de ceux qui résident dans nos départements d’outre-mer. Un tel constat est inacceptable, intolérable ! Mais il n’est pas le fruit du hasard, n’est-ce pas mes chers collègues de l’opposition ?

Les jeunes sont les premières victimes de la crise que nous traversons et de la précarisation accrue du marché du travail. C’est sur leurs épaules que repose la flexibilité : la moitié des salariés embauchés en CDD, en stage ou en apprentissage a moins de vingt-neuf ans, alors que la moitié des salariés recrutés en CDI a plus de quarante-trois ans.

Les jeunes servent aussi de variables d’ajustement des effectifs en période de crise ; une sorte de surplus ! C’est ainsi que, chez les jeunes, la proportion d’intérimaires est plus de deux fois supérieure à ce qu’elle est dans l’ensemble de la population active occupée. Et encore, tous ne sont pas logés à la même enseigne : les peu ou pas diplômés, auxquels s’adresse le dispositif que nous étudions, rencontrent le plus de difficultés. Ce sont eux, mes chers collègues, qui grossissent les cohortes des chômeurs. On n’est finalement pas très éloigné de la fameuse « armée de réserve » de travailleurs dont parlait Karl Marx !

Ce sont aussi les jeunes qui subissent l’essentiel de la précarité.

Bien évidemment, cette situation a de fortes répercussions sur leur vie quotidienne. À l’évidence, leurs difficultés d’insertion ne favorisent pas leur autonomie, tant financière que résidentielle.

Sur le plan des revenus, 17 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-neuf ans vit en dessous du seuil de pauvreté, contre13 % dans l’ensemble de la population. En 2008, plus d’un pauvre sur deux avait moins de trente-cinq ans.

En raison de cette précarité, les intéressés doivent faire face à des formes de dépendance très souvent mal vécues. Il faut d’ailleurs rappeler que, contrairement à un cliché en vogue, le fameux « effet Tanguy », ce sont bien les jeunes les moins diplômés, issus de milieux modestes, qui se trouvent confrontés à cette situation. De surcroît, les liens de solidarité familiale sont de plus en plus fragiles du fait de la crise.

Alors est-il étonnant de voir les banlieues s’enflammer ? Est-il surprenant que les jeunes se détournent des urnes ?

De sensible, le décalage entre le discours officiel de la République tenu pendant le dernier quinquennat sur l’égalité et l’investissement dans la jeunesse et la réalité à laquelle celle-ci est confrontée est devenu abyssal. Logiquement, la majeure partie des jeunes sont désabusés. En témoignent les enquêtes d’opinion qui montrent leur pessimisme quant à leur avenir.

Et pourtant, le chômage des jeunes n’est pas une fatalité : plusieurs de nos voisins européens affichent des taux de chômage inférieurs aux nôtres.

La crise n’explique sans doute pas tout. Le chômage des jeunes résulte de plusieurs facteurs, au premier rang desquels figure, bien entendu, l’école : comme cela a été rappelé précédemment, 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Or le quinquennat de Nicolas Sarkozy a plongé l’éducation nationale dans une crise sans précédent. En supprimant 93 000 postes, il a amputé l’école de la République de ses moyens humains, de ses forces vives.

M. Jean-François Husson. Les élèves sont moins nombreux !

M. Ronan Kerdraon. Mais c’est tout simplement parce que les enfants âgés de deux à trois ans ne sont plus scolarisés !

En tout cas, l’école n’a pas pu remplir efficacement ses missions.

En raison des coupes sombres pratiquées dans les différents budgets du ministère, le nombre de candidats au métier d’enseignant s’est également réduit considérablement au cours du précédent quinquennat.

Nous, à gauche, rejetons cette politique et refusons la fatalité de l’échec scolaire. C’est pourquoi nous approuvons le choix du Gouvernement de faire de l’éducation nationale l’une de ses priorités. C’est aussi pourquoi nous considérons que les emplois d’avenir professeur, réservés aux étudiants boursiers, constituent l’une des étapes vers la refondation de l’école publique. Mais il faudra également revenir sur la réforme de la mastérisation décidée en 2008.

L’accompagnement est aussi un facteur décisif en matière de chômage des jeunes. Je veux souligner à cet égard le rôle important du réseau des missions locales, la mobilisation et le professionnalisme de ses conseillers. Or, là encore, les dotations de l’État n’ont pas progressé depuis 2010 alors que le nombre de jeunes en contact avec le réseau n’a eu de cesse d’augmenter d’année en année, comme l’a remarqué notre collègue François Patriat. C’est pourquoi nous nous réjouissons du renforcement annoncé par le Gouvernement, et confirmé par M. le ministre, des moyens d’accompagnement des missions locales, à hauteur de 30 millions d’euros pour la première année.

La difficile adéquation des offres et des demandes d’emplois est un troisième facteur. Rapprocher l’offre de la demande d’emplois est un casse-tête auquel tous les gouvernements se sont heurtés depuis trente ans. Le nombre d’emplois non pourvus en France est estimé entre 300 000 et 500 000 : une aberration maintes fois dénoncée !

Pour résoudre cette inadéquation, nombre de dispositifs ont été imaginés au cours des dernières des années, mais sans véritable succès. La faute en revient essentiellement au faible niveau de qualification des chômeurs susceptibles de pourvoir les postes disponibles, parfois, à l’absence de mobilité des personnes à la recherche d’un emploi et, surtout, aux misérables moyens accordés aux acteurs du service public de l’emploi, qui peuvent parfois mal connaître les besoins de recrutement des entreprises.

Depuis 2008, faute de moyens humains suffisants, Pôle emploi a laissé en jachère la prospection des offres d’emplois pour assurer l’inscription des chômeurs. Bien sûr, une fois encore, nous nous félicitons que, cet été, aussitôt constitué, le Gouvernement ait créé 2 000 postes à Pôle emploi. Mais prenons garde : si la jeunesse actuelle n’est pas encore une « génération sacrifiée », c’est bien une « génération précaire ».

Oui, il est urgent de prendre la question de l’emploi des jeunes à bras-le-corps ! Oui, il est urgent de leur offrir autre chose que de belles paroles, des propos lénifiants ! Léo Lagrange disait : « Aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin ; ouvrons-leur toutes les routes. » Mes chers collègues, c’est à cela que le Gouvernement nous invite.

Depuis dix ans, la situation n’a pas cessé de s’aggraver. Pourtant, plus de quatre-vingts dispositifs ont été expérimentés : CIVIS, CUI, CIE, CAE… Ces contrats n’ont jamais réellement abouti.

M. Philippe Bas. Les emplois d’avenir sont des CUI !

M. Ronan Kerdraon. Dans son rapport de 2011 consacré aux contrats aidés, la Cour des comptes observe que, lorsqu’ils ne sont pas ciblés, ces contrats génèrent des effets d’aubaine inutile et coûteux.

Notre majorité a tiré les leçons de cette situation. Elle a fait le choix d’agir, non le choix de l’agitation !

Le programme des emplois-jeunes avait été qualifié de « réussite indéniable » dans un rapport du Commissariat général du Plan en 2001. Souvenons-nous qu’il a permis, d’après les auteurs de cette étude, de « réaliser en peu de temps ce que les programmes antérieurs » n’avaient pas réussi à faire : la création nette d’emplois. C’est ainsi que 310 000 postes ont vu le jour, répondant à une demande sociale réelle.

Messieurs les ministres, avec les membres de mon groupe, nous sommes impatients de voter le texte que vous nous proposez, un texte enrichi grâce aux amendements de nos collègues députés et à ceux que nous vous présenterons. Ne pas voter ce projet de loi serait décevoir une jeunesse dont Victor Hugo disait qu’elle reste « le sourire de l’avenir devant un inconnu qui est lui-même ».

Je vous renvoie en conclusion à un auteur bien connu, François Mitterrand, qui affirmait à juste titre : « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 29 août dernier, le Gouvernement engageait la procédure accélérée sur le projet de loi portant création des emplois d’avenir, dans l’objectif de « proposer des solutions d’emploi » et d’ouvrir « l’accès à une qualification aux jeunes peu ou pas qualifiés qui ne parviennent pas à trouver le chemin de l’insertion professionnelle ».

Un tel objectif me semble louable et incontestable au vu des difficultés toujours plus nombreuses que le public concerné rencontre. D’ailleurs, le problème n’est pas récent ; c’est le produit d’un système éducatif qui apparaît à bout de souffle sur certains points.

M. Philippe Bas. Très bien !

M. Jean-François Husson. Je ne puis donc que souscrire à la volonté de mettre fin à une situation qui n’est pas normale et que je qualifierai même d’exceptionnelle : un jeune sur quatre est au chômage et l’âge moyen du premier CDI est de vingt-huit ans !

Ici, l’exigence transcende largement les clivages et les sensibilités politiques : trouver le chemin de l’emploi et de la qualification professionnelle est aujourd'hui un enjeu fondamental pour notre société.

Toutefois, je m’étonne que le Gouvernement utilise la procédure accélérée, sachant que la situation n’est pas nouvelle, même si elle s’est dégradée, et que des dispositifs existent en la matière depuis vingt ans ; sans en établir la liste exhaustive, je rappellerai simplement que les contrats d’apprentissage ont permis à de nombreux jeunes d’acquérir une expérience professionnelle et d’avoir accès à une formation.

Mme Christiane Demontès. L’apprentissage existe depuis 1920 !

M. Jean-François Husson. Les contrats uniques d’insertion, d'ailleurs dans leur double déclinaison de « contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement vers l’emploi », ou CIE-CAE, ainsi que les contrats d’insertion dans la vie sociale, ou CIVIS, ont tenté d’apporter une solution pour un retour à l’emploi.

De nombreux contrats aidés ont également permis d’accompagner ces personnes en difficulté, même si, je vous l’accorde, la multiplicité des dispositifs n’a pas évité la dégradation de la situation de l’emploi.

Mais cette réalité est aussi liée à une conjoncture économique très défavorable, qui s’est aggravée ces dernières années.

Pour en revenir à la création des contrats d’avenir, je regrette aussi que ce texte ne s’inscrive pas dans un grand plan en faveur de l’emploi et de la formation.

M. Michel Sapin, ministre. Cela va venir !

M. Jean-François Husson. Il eût fallu aujourd’hui afficher et porter une autre ambition, une ambition plus grande.

Néanmoins, le nouveau dispositif des emplois d’avenir appelle un certain nombre d’observations à prendre en compte.

Tout d’abord, le texte législatif concerne les jeunes peu ou pas diplômés, âgés de seize ans à vingt-cinq ans, voire à trente ans pour les personnes souffrant d’un handicap, et élisant notamment domicile dans les zones urbaines ou rurales les plus marquées par le chômage.

À mon sens, cette seule terminologie ne permet pas de garantir l’égalité de traitement des situations sur l’ensemble du territoire français, un principe qui, je vous le rappelle, est à la fois l’un des piliers de la Constitution et le nom de l’un des ministères de la République, celui dit de « l’égalité des territoires ».

Garantir la formation et donc, à terme, l’insertion professionnelle aux seuls résidents des zones urbaines serait une faute. Ce n’est en tout cas pas acceptable.

Il est indispensable, me semble-t-il, de porter à la connaissance des élus l’état de la situation par bassin de vie et par bassin d’emploi. Ces données plus précises permettraient d’agir au plus près des besoins des jeunes en grande difficulté d’accès à l’emploi. Je le répète – c’est un principe auquel je suis très attaché –, chaque jeune, où qu’il se trouve sur le territoire de la République, doit avoir accès à ces emplois d’avenir dès lors qu’il entre dans la « cible fixée ».

M. Michel Sapin, ministre. C’est le cas ! Vous êtes satisfait !

M. Jean-François Husson. Ensuite, l’objectif des emplois d’avenir est de proposer un accès à une formation qualifiante et à un emploi durable à des jeunes dont la rupture professionnelle est due le plus souvent à un échec scolaire, puis à un phénomène dit de « décrochage ». Que ces jeunes soient, pour certains d’entre eux, responsables de la situation ou non, ils sont en grande difficulté, et nous ne pouvons pas les laisser sur le bord du chemin.

Leur intégration professionnelle doit désormais être pérenne. Il ne s’agit pas de créer un énième dispositif débouchant sur une précarité dans l’emploi ainsi créé. La réussite du dispositif ne sera effective que si et seulement si l’emploi est durable. Il est dès lors nécessaire de tout mettre en œuvre pour garantir un accès au marché du travail qui ne soit pas un simple palliatif à la situation de détresse subie par ces jeunes. Ce texte doit dépasser l’étape du simple souhait ; à défaut, nous porterions collectivement une responsabilité toute particulière.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur un point : l’application d’un tel dispositif ne sera un succès que si le Gouvernement met parallèlement tout en œuvre pour corriger les faiblesses du système éducatif, placé sous la responsabilité de l’État.

En effet, le projet de loi doit non seulement s’attacher à l’objectif d’insertion des jeunes sortis du système éducatif, mais aussi, et peut-être surtout, remédier aux failles de la formation initiale. Il est indispensable d’agir tant sur les conséquences que sur les causes de l’échec de l’intégration professionnelle de nos jeunes concitoyens qui sont aujourd’hui sans diplôme. C’est d’ailleurs ce que préconise la Cour des comptes ; dans un rapport du 12 mai 2010 intitulé L’Éducation nationale face à l’objectif de la réussite de tous les élèves, elle pointe un certain nombre de failles et de faiblesses du système scolaire français.

Enfin, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint – on mène une politique de rigueur sans prononcer le mot –, le financement d’un tel dispositif mobilise des fonds importants. Il est donc nécessaire de faire des choix et d’opérer des transferts de ressources pour compenser cette dépense nouvelle dans le respect des restrictions budgétaires annoncées par le Gouvernement. Or ce point n’est pas précisé dans le projet de loi.

Pour conclure, messieurs les ministres, je vous demande d’associer les élus que nous sommes, membres de la représentation nationale, au sein des différents comités régionaux de suivi et d’évaluation. C’est une question de respect et d’engagement réciproque.

Les jeunes méritent notre attention et notre soutien. C’est pourquoi, à l’ouverture de ce débat, j’ai choisi en conscience de m’engager à voter en faveur de la création des emplois d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. François Trucy applaudit également.)

M. Jacky Le Menn. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui est un plan d’urgence.

Est-il urgent et nécessaire ? Très certainement. Sera-t-il efficace ? Sur ce point, nous sommes plus réservés. (M. Roland Courteau s’exclame ironiquement.) Nous attendrons vos réponses pour nous déterminer.

Nous partageons évidemment le constat. La situation de l’emploi est extrêmement préoccupante et ne cesse de se dégrader. Les chiffres ont déjà été rappelés. Deux barres symboliques, celle des 10 % de la population active sans emploi et celle des 3 millions de chômeurs, ont été franchies en 2012.

En particulier, le chômage des jeunes est alarmant. Encore une fois, les chiffres sont connus : 22,5 % des jeunes actifs âgés de seize ans à vingt-cinq ans se trouvent au chômage. C’est deux fois plus que la moyenne nationale. Ce taux grimpe à 45 % pour les jeunes qui ne sont pas diplômés du tout.

Dans la masse des demandeurs d’emploi, on identifie donc une population spécifique qui court un risque particulier, celui de la désocialisation.

Certains de ces jeunes sont à ce point coupés du monde du travail que, bien souvent, ils ne figurent même pas dans les statistiques de Pôle emploi. Beaucoup rejoignent alors l’économie souterraine. Même en période de reprise économique, ces jeunes ne se réinsèrent pas sur le marché du travail.

Dans ces conditions, il est nécessaire de développer des outils spécifiques de retour à l’emploi pour les publics concernés. Vous nous en proposez deux : l’emploi d’avenir et le contrat de génération. Aujourd'hui, il n’est question que du premier.

L’emploi d’avenir est une formule qui – d’autres l’ont déjà noté avant moi – n’a absolument rien de nouveau. Il s'agit d’un contrat aidé comme on en signe depuis des décennies maintenant. C’est même la simple modulation d’un contrat aidé qui existe déjà : le contrat unique d’insertion, ou CUI. En effet, il sera conclu sous la forme d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi ou d’un contrat initiative emploi, les deux formes du CUI.

L’emploi d’avenir est donc un CUI particulier. De ce point de vue, l’heure du changement n’est pas encore arrivée…

Pour mémoire, je rappelle que le CUI a été créé par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, un texte que l’actuelle majorité n’avait pas cru devoir voter et dont elle fait aujourd’hui le cadre juridique de sa réforme emblématique de l’emploi.

M. Philippe Bas. Très juste !

M. Hervé Marseille. Le bon sens ne s’arrête donc pas aux alternances !

Si l’emploi d’avenir correspond à une formule éprouvée, qu’est-ce qui le différencie des contrats aidés actuels et des anciens emplois-jeunes ?

Pour ce qui concerne les actuels contrats aidés, la différence tient à la durée minimale de l’aide d’État. Celle-ci sera sensiblement inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui mensuellement, mais elle sera versée pour une durée minimale de douze mois et maximale de trente-six mois. Alors que la durée moyenne des contrats d’accompagnement dans l’emploi était, au premier semestre de 2012, de sept mois, la durée minimale de l’emploi d’avenir sera donc d’un an.

Nous saluons cette différence, d’autant que les CAE actuels sont conclus en CDD, et presque toujours à temps partiel, et que les emplois d’avenir seront prioritairement à temps plein et pourront être conclus en CDI.

Ainsi les publics concernés pourront-ils bénéficier d’une expérience professionnelle de base et d’une activité minimale, ce qui est nécessaire dans le cadre d’une démarche d’insertion ou de réinsertion dans l’emploi.

En outre, quel est l’apport des emplois d’avenir en comparaison avec les anciens emplois-jeunes ? Uniquement le public ciblé. En effet, du point de vue du montant de l’aide mensuelle d’État et de la durée des contrats, l’emploi d’avenir peut apparaître comme un « sous-emploi-jeune », car l’aide accordée pour les emplois-jeunes était supérieure et le contrat pouvait être conclu pour cinq ans.

Toutefois, les emplois-jeunes se sont révélés trop largement ouverts et ont surtout bénéficié à des jeunes diplômés qui en avaient moins besoin. L’emploi d’avenir tirerait donc les leçons de l’expérience des emplois-jeunes.

En fait, c’est dans le ciblage que réside la variable-clé, celle sur laquelle il ne faut pas se tromper. Et c’est justement là, à notre avis, que le bât blesse.

À nos yeux, le ciblage du dispositif est à revoir, et à double titre, tant pour les employés que pour les employeurs, et tant pour les publics bénéficiaires que pour les personnes morales cosignataires.

Pour ce qui est des publics bénéficiaires, le ciblage actuel nous paraît insuffisamment clair. Nous risquons de nous heurter une nouvelle fois aux écueils du passé.

L’emploi d’avenir est en effet réservé aux jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans. Dont acte. L’Assemblée nationale a précisé que ces jeunes pourraient avoir vingt-cinq ans révolus, et ainsi en bénéficier jusqu’à l’âge maximal de vingt-huit ans. Admettons. Les emplois seront réservés à des jeunes sans qualification ou peu qualifiés. Ce sont eux qu’il faut aider !

Toutefois, c’est ensuite que les choses se gâtent : vous superposez au ciblage national que je viens d’évoquer un ciblage territorial. L’emploi d’avenir sera « destiné en priorité » aux jeunes résidant en zones urbaines sensibles, ou ZUS, en zones de revitalisation rurale, ou ZRR, dans les DOM et dans tous les « territoires où les jeunes connaissent des difficultés d’accès à l’emploi ». Nous craignons que cela ne soit peu lisible et créateur d’iniquités.

Comme le soulignait notre collègue Francis Vercamer à l’Assemblée nationale, on ne sait pas si le contrat d’avenir est centré sur les difficultés des jeunes ou sur celles des territoires. Il s’agit soit d’une aide statutaire en fonction de l’âge et de la qualification de la personne sur tout le territoire national, soit d’une aide territoriale. Mais il nous semble compliqué qu’il s’agisse des deux à la fois.

De plus, le projet de loi est totalement muet sur la ventilation territoriale des emplois d’avenir. Il est question de « priorité », ce qui est assez flou. La décision sera-t-elle discrétionnaire ? Refusera-t-on un emploi d’avenir à un jeune remplissant toutes les conditions mais ne résidant pas dans la ZUS ou la ZRR voisine ? Serait-ce juste ?

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il faut faire un choix. Afin de rendre le dispositif pleinement efficace et équitable, il convient de le concentrer sur les publics qui en ont le plus besoin, et ce sans discrimination territoriale. Nous vous proposerons un amendement en ce sens.

L’autre ciblage, celui des employeurs, est lui aussi extrêmement problématique, car en dépend la dynamique économique de l’aide. Pour que les emplois que vous entendez créer puissent réellement être « d’avenir », il ne faut pas se tromper d’employeur.

Les contrats ne seront proprement « d’avenir » que dans deux cas de figure : si l’emploi aidé débouche sur un emploi pérenne ou s’il aide le jeune à préparer son avenir. Ce sont les deux interprétations possibles du terme « avenir », l’une étant plus forte que l’autre.

Les emplois d’avenir créeront-il des emplois pérennes ?

Disons-le franchement : à l’exception du domaine de l’enseignement, dont je dirai un mot tout à l’heure, on ne créera pas d’emplois pérennes dans le secteur public, ni dans le secteur associatif. C’est pourtant là qu’il est prévu d’instituer l’essentiel des emplois d’avenir…

Si le projet de loi n’exclut pas complètement le secteur marchand, il a été clairement annoncé que des emplois d’avenir n’y seraient conclus que marginalement. Dans quelles proportions ? Nous posons la question car c’est un nouveau mystère : nous ne sommes pas plus renseignés sur le sujet que sur la répartition territoriale des contrats.

Nous n’avons donc aucune indication quant à la ventilation de ces contrats, qu’elle soit territoriale ou sectorielle. Pourtant, c’est une information déterminante.

La même incertitude touche un autre élément-clé du dispositif : le montant de l’aide financière, qui ne figure pas dans le projet de loi. Elle représenterait, nous dit-on, 75 % du salaire brut dans le secteur non marchand, contre 35 % dans le secteur marchand. Un tel écart est de nature à rendre effective la concentration du dispositif sur le secteur non marchand.

Le paradoxe est tout de même frappant. À l’heure où il n’est question que de réduire les effectifs des administrations, vous cherchez à créer de l’emploi public, notamment dans les collectivités territoriales, qui doivent pourtant faire face à un contexte extrêmement difficile.

En outre, connaissant l’état du secteur associatif, comment croire une seconde qu’il sera en mesure d’embaucher et de maintenir dans l’emploi ?

Il n’est pas même certain que les secteurs social, solidaire et associatif eux-mêmes profitent du dispositif. En effet, par quel curieux amalgame leur réserve-t-on les personnes les moins qualifiées ? Comme s’ils n’avaient pas eux aussi besoin de personnels formés ! Comme si les métiers de l’assistance n’étaient pas de véritables métiers ! Quand on connaît ces secteurs, on sait que c’est tout le contraire. Il est donc pour le moins embarrassant de les voir ainsi quelque peu déconsidérés.

Dans leur configuration actuelle, les emplois d’avenir ne pourront pas déboucher sur des emplois pérennes : c’est de la dépense publique pour de l’emploi temporaire, du keynésianisme sans multiplicateur.

Il faut rompre avec une telle logique dépassée : avec plus de 3 millions de chômeurs et un endettement endémique, on ne peut plus colmater les brèches via l’emploi public et parapublic.

À nos yeux, le principal problème posé par les emplois d’avenir est donc leur ciblage sur le secteur non marchand. Pour que ces emplois puissent avoir une chance de mériter leur intitulé, c’est au contraire dans le secteur marchand, c’est-à-dire dans le secteur productif, qu’il faudrait les créer. Je pense plus précisément aux petites entreprises qui en ont besoin, et elles sont nombreuses ! Elles seraient, elles, en mesure d’offrir des emplois pérennes.

Bien entendu, pour que cela soit possible, l’aide accordée dans le secteur privé devra être équivalente à celle qui est accordée dans le secteur public ou, en tout cas, bien supérieure à ce qui est prévu. Nous défendrons tout à l’heure des amendements en ce sens.

Le dispositif des emplois d’avenir s’articulerait ainsi parfaitement avec ce que nous voyons se dessiner des contrats de génération : les deux types de contrats seraient orientés vers le secteur productif, le premier étant plus adapté aux petites entreprises tandis que le second est conçu pour les grandes.

Même dans les cas où l’emploi d’avenir ne déboucherait pas sur un emploi pérenne, une réorientation du dispositif sur les PME donnerait beaucoup plus sûrement aux jeunes en bénéficiant un horizon, un avenir au sens plus large.

Car c’est en entreprise, et non pas dans une collectivité territoriale ou une association, que l’on apprend ou que l’on réapprend le mieux à travailler.

Évidemment, à ce stade de l’analyse, c’est la question centrale de la formation qui se trouve posée.

Nous nous réjouissons que le volet formation du projet de loi ait été renforcé à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion notamment de nos collègues du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mais nous pouvons et nous devons aller plus loin. Par exemple, il importe de systématiser la validation des acquis de l’expérience à l’issue du contrat. En effet, un employeur recherche une personne expérimentée dont le niveau de savoir a été formellement validé : une expérience qui n’a pas été validée réduit très fortement les chances d’insertion professionnelle du demandeur d’emploi.

Il convient aussi de mieux anticiper le bilan de fin de contrat ou de permettre une certification des compétences acquises au répertoire national des certifications professionnelles. Nous présenterons tout à l’heure plusieurs amendements s’inscrivant dans cette perspective.

En résumé, des emplois d’avenir centrés sur les publics qui en ont le plus besoin, sans condition de territorialité, beaucoup plus largement ouverts aux PME et avec un volet formation renforcé constitueraient bien plus qu’un plan d’urgence ponctuel et platonique.

L’emploi d’avenir mériterait alors son nom, en tant que mesure d’activation de l’emploi. D’ailleurs, ces contrats ressembleraient fort aux emplois francs que nous proposons nous-mêmes de longue date pour les PME.

Nous sommes favorables aux emplois d’avenir professeur, qui constituent une modalité particulière du dispositif.

À nos yeux, l’enseignement est le seul domaine d’activité publique pour lequel la configuration actuelle du contrat d’avenir se justifie, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, dans l’éducation, l’emploi d’avenir est susceptible de déboucher sur un emploi pérenne, d’autant qu’un plan important de recrutement d’enseignants a été annoncé.

Ensuite, les jeunes connaissant bien les quartiers pour en être issus qui seront affectés dans des établissements difficiles seront, nous n’en doutons pas, un facteur d’apaisement. Ils sont les mieux à même de s’adresser aux élèves de ces établissements, en particulier aux plus perturbateurs. À cet égard, on pourrait parler d’un « effet grand-frère ».

Enfin, pour les jeunes qui aspirent à devenir professeurs, une telle expérience professionnelle en établissement constituera un important test de vocation.

Messieurs les ministres, à mon sens, le présent projet de loi met en place un outil spécifique pour un public spécifique : il s’agit de mener moins une politique de l’emploi qu’une politique sociale de l’emploi.

Mes chers collègues, je crois que nous en conviendrons tous sur ces travées : une politique de l’emploi digne de ce nom ne peut pas se résumer à ces emplois d’avenir, qui concerneront 150 000 jeunes dans un premier temps et 300 000 d’entre eux au maximum pendant le quinquennat.

Si le dispositif est efficace et profite réellement aux jeunes les plus éloignés de l’emploi, beaucoup d’entre eux ne figurent pas dans les statistiques de Pôle emploi aujourd’hui ; de sorte que, en étant optimiste, on peut évaluer le nombre de futurs bénéficiaires du dispositif à 100 000, sur les 3 millions de chômeurs qui sont actuellement recensés !

Pour les autres, c’est-à-dire 97 % de l’effectif global, une véritable politique de l’emploi est nécessaire. Or, dans le monde d’aujourd’hui, une véritable politique de l’emploi est une politique de compétitivité. Nous espérons que le Gouvernement a l’intention d’en mener une !

Certains signaux sont pourtant d’ores et déjà inquiétants, à commencer par l’abandon de la TVA compétitivité et l’alourdissement annoncé de la pression fiscale. Ce n’est pas ainsi que nous regagnerons des parts de marché, que nous éviterons les délocalisations et que nous redresserons notre balance commerciale ! (M. Roland Courteau s’exclame.)

M. Philippe Bas. Excellent !

M. Hervé Marseille. Monsieur le ministre, allez-vous vous attaquer à la question centrale du coût du travail, assouplir les 35 heures et flexibiliser l’emploi public ? Allez-vous lutter contre le déficit et la dette publics ? Allez-vous mettre en place un small business act à la française, rapprocher la formation des besoins productifs et favoriser le développement de ce tissu de moyennes entreprises qui nous fait si cruellement défaut ? Allez-vous resserrer les liens entre politiques de l’emploi, suivi des demandeurs et bassins d’emploi ? Autant de questions auxquelles les 97 % de chômeurs qui ne seront pas concernés par les emplois d’avenir attendent des réponses ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, la jeunesse est la priorité du Président de la République et du Gouvernement. M. le ministre du travail l’a d’ailleurs rappelé.

Depuis longtemps déjà, la situation de notre jeunesse est le miroir grossissant de la situation que connaissent un nombre croissant de nos concitoyens, entre précarisation et mal-être social.

Comme l’ont rappelé les orateurs qui m’ont précédé, la situation vécue par les chômeurs est insupportable, en particulier lorsque les chômeurs sont des jeunes au seuil de leur vie d’adulte.

L’âge moyen du premier CDI est de vingt-huit ans. Mais, comme toutes les moyennes, ce chiffre masque des disparités criantes.

Pour les jeunes qui vivent dans les lieux où se concentrent les difficultés, c’est « adieu au CDI » et « petits boulots toute la vie » ! Le « métro, boulot, dodo » des années soixante-dix est remplacé aujourd’hui par « précarité, impayés, anxiété » !

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jean Desessard. Avec des jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans sans diplôme, sans emploi et sans formation et un taux de chômage supérieur à 25 % pour ceux qui résident en ZUS, on ne peut que convenir de l’urgence d’agir.

Monsieur le ministre, avec la création des emplois d’avenir, un signe est donné !

Sans-doute nous, écologistes, n’aimons-nous pas traiter la question de l’emploi simplement par des catégorisations, avec des publics cibles. Pour nous, le problème du chômage touche toute la société, et chacun est concerné, quels que soient son âge, son sexe, son diplôme et son lieu de vie.

Mais nous savons aussi qu’une attention spécifique doit être portée à des situations particulières.

Aujourd’hui, l’urgence est bien d’offrir des perspectives à des jeunes sans qualification et de créer des conditions favorables à leur entrée dans la vie professionnelle.

C’est pourquoi je veux en finir avec le suspense. Le groupe des sénateurs écologistes est favorable à votre dispositif ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste. – MM. les ministres sourient.) Il y est même – je reprends les termes de Mme la rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication – « très favorable » ! (Mêmes mouvements.)

Mais nous sommes également exigeants et soucieux que ce dispositif s’inscrive dans une politique de l’emploi globale et cohérente.

D’ailleurs, la France n’est pas un cas isolé. D’autres pays connaissent des difficultés économiques et d’accès à l’emploi. Aujourd’hui, en Grèce et en Espagne, 50 % des jeunes sont sans emploi !

Le problème n’est donc pas simplement franco-français. Il interroge tout autant notre structure économique que notre capacité à accompagner les jeunes dans leur développement individuel et social.

Des réticences ont été exprimées, certains craignant que les emplois d’avenir ne soient qu’un palliatif temporaire.

Pourtant, l’objectif de faire de ce dispositif une réussite étant largement partagé, la mobilisation du plus grand nombre a déjà permis d’apporter des améliorations au projet de loi.

À cet égard, je salue l’adoption par l’Assemblée nationale de plusieurs amendements défendus par le groupe écologiste. Je remercie MM. les ministres de les avoir acceptés.

Ces amendements ont manifesté notre attachement à deux priorités : promouvoir la formation selon un parcours individualisé et encourager le pari de s’engager avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

D’une part, nous voulons aider les jeunes à être acteurs de leur vie et coauteurs de leur devenir en leur assurant une formation qualifiante.

D’autre part; nous voulons enclencher une dynamique de création d’emplois nouveaux en orientant les choix économiques vers un modèle porteur de valeurs d’utilité sociale et environnementale, soucieux d’un développement territorialisé répondant aux besoins des personnes.

Pourquoi la formation est-elle si importante ? Selon les études, 84 % des bénéficiaires des CUI ayant suivi une formation trouvent un emploi à l’expiration du contrat, contre 72 % de ceux qui n’en ont pas suivi.

Dans ce dispositif, la formation acquise se veut qualifiante. Comme vous le savez, nous ne sommes pas particulièrement obsédés par l’acquisition de diplômes. Mais, dans notre pays, le diplôme reste le sésame indispensable dans la sélection à l’embauche.

À cet égard, nous aurions beaucoup à apprendre de pays qui misent davantage sur la créativité et le développement des compétences en situation. Observons par exemple ce qui se pratique au Québec.

En attendant, l’acquisition d’une qualification apparaît comme un élément pivot d’une sécurité sociale professionnelle. C’est donc bien le parcours individualisé du jeune dans son emploi qui doit être la priorité.

Car songez que l’échec scolaire est pour un jeune une quadruple peine !

Premièrement, l’absence de qualification ou de diplôme crée un plafond de verre qui empêche toute progression sociale, et ce tout au long de la vie. Deuxièmement, c’est dévalorisant et cela développe le sentiment d’être rejeté. Troisièmement, cela accentue les difficultés d’insertion dans le monde du travail. Et, quatrièmement, ceux qui en sont victimes s’emmerdent pendant les meilleures années de leur vie ! (Mouvements divers.)

Les emplois d’avenir doivent pouvoir aider les jeunes concernés à retrouver l’estime d’eux-mêmes et à reprendre confiance en leurs capacités individuelles et collectives.

Le succès du dispositif dépendra de la mise en place d’un accompagnement adapté, qu’il faudra concevoir de manière globale. Les questions de mobilité et de logement sont parmi celles qui peuvent affecter la possibilité de bénéficier du dispositif. L’emploi n’est pas forcément en face de chez soi et la contrainte de la mobilité est particulièrement vive en milieu rural. Le parcours individualisé devra en tenir compte.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous avez parfaitement raison.

M. Jean Desessard. Le dispositif des emplois d’avenir est un levier pour la socialisation et l’émancipation des jeunes. L’objectif est de créer les conditions d’une expérience professionnelle réussie permettant de leur redonner confiance.

Dans ces conditions, peut-on parler d’un objectif de création d’emplois ?

Il y a au moins une certitude : pour enclencher la dynamique de création d’emplois, il faudra compléter ces mesures par d’autres réformes, plus structurelles, des politiques économiques et de l’emploi. M. le ministre l’a d’ailleurs souligné.

Pour nous, les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent être des partenaires essentiels dans la conduite du dispositif.

En effet, les secteurs qui sont privilégiés dans le présent de loi selon l’exposé des motifs – je pense aux filières vertes, aux secteurs social et médico-social et aux métiers de l’aide aux personnes – concernent l’économie sociale et solidaire, une filière d’avenir. Vous l’aurez d’ailleurs noté, je n’ai pas la même définition de la notion de « filière d’avenir » qu’un membre du Gouvernement, pour ne pas citer M. Montebourg…

Selon l’Union de syndicats et de groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, plus de 600 000 postes seraient à pourvoir d’ici à dix ans dans ce secteur. Nous voulons donc que l’ensemble des acteurs de l’économie solidaire et sociale soient associés au dispositif.

C’est pourquoi nous proposons un élargissement des mesures aux sociétés coopératives et participatives, c’est-à-dire les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, et les sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, qui inventent chaque jour de nouvelles manières d’agir pour répondre aux besoins des territoires et de leurs habitants.

Les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont moteurs de l’innovation sociale. Pourtant, ils sont en difficulté depuis plusieurs années ; je pense notamment aux associations. Les emplois d’avenir participeront de leur revitalisation. Ils permettront aussi de faire vivre des projets portés depuis longtemps mais ne disposant pas des moyens humains nécessaires.

La pérennisation de l’emploi passera donc par le renforcement de ces acteurs. Nous attendons avec impatience la future loi-cadre de l’économie sociale et solidaire. Je crois qu’elle est prévue pour le premier semestre de l’année 2013. (M. le ministre s’exclame.) Vous le confirmez, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne sais pas.

M. Jean Desessard. Peut-être suis-je un peu optimiste… (Sourires.)

Nous accueillons favorablement – je dirais même « très favorablement », madame Cartron – la proposition relative aux emplois d’avenir professeur.

Nous souhaitons que soit engagée une refonte globale du projet éducatif de notre société, dont la formation des professeurs est un élément essentiel.

On ne peut que rappeler ici les effets négatifs de la mastérisation, démarche qui s’est traduite, entre autres, par l’éviction des étudiants issus des milieux les plus modestes. Nous le savons, ces étudiants sont moins nombreux dans les cursus longs, notamment pour des raisons financières. La mastérisation a aggravé la crise de recrutement que connaît l’éducation nationale, et plus particulièrement dans certaines filières et académies.

Il nous faut revoir en profondeur la formation pour inclure toutes les catégories de la population et redynamiser le recrutement.

À l’avenir, il convient de laisser plus de temps à la formation en alternance réellement professionnelle et d’éviter qu’elle ne soit qu’une logique de pur bachotage pour préparer aux concours.

Pour la future loi, le groupe écologiste insiste sur le nécessaire suivi, dans chaque établissement, des acquis pratiques de ces jeunes étudiants professeurs. Afin que ces emplois débouchent sur de réelles vocations d’enseignants, et non sur de simples objectifs chiffrés, ils devront faire l’objet d’un suivi précis tout au long de leur mise en œuvre, pour un retour d’expérience critique et utile.

Nous devons faire de ces emplois une expérience positive d’entrée dans le métier. Ce sera une manière pour ces étudiants de concilier un emploi rémunéré avec leurs études, au lieu d’exercer un emploi sans rapport avec leur formation et inadapté à leurs contraintes universitaires. Mais cela ne remplacera ni une réforme de la formation au métier d’enseignant ni l’assurance de conditions d’étude décentes.

La mastérisation a, certes, aggravé les difficultés que connaît l’éducation nationale pour recruter ses futurs enseignants. Mais ce n’est pas la seule explication. Le moral des candidats au professorat est au plus bas. Faire de longues études et ne pas être préparé à l’enseignement, aux méthodes pédagogiques, au travail avec l’ensemble des partenaires de l’école, parents d’élèves, élus, associations éducatives, faire de longues études et se confronter à des classes surchargées sans pouvoir passer du temps auprès de chaque élève, faire de longues études et se voir sans cesse dévalorisé, que ce soit par le gel salarial ou par les récentes accusations – les enseignants seraient des « privilégiés » ne « sachant pas » faire leur métier –, ce n’est pas motivant, c’est sûr !

Quand, en plus, l’école est incitée à se transformer en usine à faire de bons employés et la mise en concurrence des personnels et des établissements devient la norme, il n’est guère étonnant que la profession, pourtant tournée vers la jeunesse et vers le citoyen de demain, ne fasse plus rêver !

Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une telle situation. Gageons que le dispositif des emplois d’avenir professeur, avec les enseignements que nous en tirerons, enclenchera une dynamique de refonte positive.

Monsieur le ministre, le groupe écologiste approuve donc la démarche. Ce texte offrira aux jeunes concernés l’accès à la fois à une expérience professionnelle et à une formation qualifiante nécessaires pour reprendre confiance et sortir d’un parcours jusqu’alors chaotique. Il permettra de redynamiser le secteur associatif, le secteur de l’économie sociale et solidaire et le secteur de l’insertion, à qui nous faisons confiance pour accompagner au mieux ces nouveaux emplois. Enfin, il donnera à des étudiants de toutes origines sociales la chance d’accéder au métier de professeur.

Je terminerai en formulant deux observations.

Premièrement, lorsque je travaillais avec des chômeurs, organisais des marches contre le chômage et participais aux mouvements de chômeurs, on me disait que l’augmentation du nombre de chômeurs allait mener à une explosion sociale. Ce à quoi je répondais que, dans notre pays, il y aurait non pas une explosion, mais une implosion sociale ! Car la société retourne contre elle-même la violence qui ne peut pas s’exprimer vers l’extérieur ! Je pense aux violences conjugales, aux violences de quartier, à l’usage de médicaments, à tous les actes d’incivilité et à tous les gestes et les comportements qu’on ne comprend pas. C’est cela, l’implosion sociale !

Par conséquent, développer l’activité pour les jeunes sans emploi et sans qualification, c’est bon non seulement pour l’emploi, mais aussi pour la formation de ces jeunes, pour le bien-être social et pour le « mieux vivre ensemble ».

Deuxièmement, lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi, je me suis interrogé. Peut-on vraiment qualifier d’emplois d’avenir des emplois de trois ans dont on ne sait pas s’ils seront reconduits au-delà ? Après avoir essayé de comprendre votre idée, je l’ai quelque peu transformée et j’en ai tiré une conclusion : c’est une première mesure qui permet de donner à ceux qui n’ont pas eu de chance une vision optimiste de l’avenir, car, loin de se contenter de subir les choses, on veut les changer. Cet objectif, nous le partageons ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Merci d’avoir levé le suspense ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si le projet de loi que nous examinons ne prétend pas résoudre le problème de l’emploi des jeunes dans son ensemble, il est assurément un élément déterminant d’une vaste politique publique de l’emploi, qui sera notamment complétée ultérieurement, je pense, par le contrat de génération. Il est aujourd’hui essentiel de discuter d’un texte consacré prioritairement aux jeunes qui cumulent des difficultés.

Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le taux de chômage des jeunes est de 22,7 %, soit plus du double de celui que l’on observe dans la population globale. Si l’on s’intéresse particulièrement aux zones urbaines sensibles, ce sont alors 45 % des jeunes qui sont au chômage. Le constat est alarmant et justifie pleinement que l’on s’attache d’abord à ces jeunes sans qualification et issus des territoires fragiles, qui sont les plus exposés aux effets de la crise, à la précarité, à l’instabilité et au manque d’autonomie.

N’oublions pas non plus que l’échec scolaire d’un élève est un échec pour notre système éducatif et qu’il est alors du devoir de la République d’accompagner ces jeunes et de leur offrir des moyens d’insertion sociale et professionnelle. À mon sens, il est question non pas de donner une « seconde chance » à ces jeunes, mais de réparer l’absence de « première chance » !

Nous avons déjà expérimenté nombre de dispositifs destinés à accompagner les jeunes en difficulté vers l’emploi : contrats emplois-jeunes, contrats d’insertion dans la vie sociale, contrats aidés, contrats de professionnalisation. Certains ont été des réussites. Par exemple, dans les dix-huit mois suivant la fin d’un contrat emploi-jeune, seuls 1,6 % des bénéficiaires étaient au chômage. Mais ces dispositifs, aux succès inégaux, ont souvent été utilisés par les plus diplômés.

Pour préserver la philosophie des emplois d’avenir, nous devons nous garder de les étendre aux jeunes diplômés pour l’instant. Dans le texte initial, les emplois d’avenir étaient réservés aux jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans titulaires au maximum d’un baccalauréat. Jamais une politique de l’emploi n’avait ciblé aussi précisément ce public. Cela me semble très positif, car ces jeunes non qualifiés ou peu qualifiés rencontrent des difficultés spécifiques qui nécessitent des réponses spécifiques. Je n’ignore évidemment pas la gravité du problème de l’entrée dans l’emploi des jeunes diplômés. Mais il sera traité ultérieurement par d’autres moyens plus adaptés. D’ailleurs, la commission a, dans sa grande sagesse, prévu une clause de revoyure au bout d’un an pour s’adapter le cas échéant à la situation.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais insister sur la logique du système que nous mettons en place. Il va à rebours de la situation habituelle de l’entrée des jeunes dans l’emploi.

Les employeurs, quels qu’ils soient, ne « bénéficieront pas » du savoir pré-acquis par le jeune, mais ils s’engageront à transmettre le savoir, à donner l’envie et à permettre le retour à l’employabilité. C’est une autre philosophie, une autre approche. La formation est bien l’élément déterminant du dispositif, puisque tout emploi d’avenir devra comprendre une formation correspondant aux qualifications du poste et un tutorat, ainsi que la possibilité, et c’est très important, de voir les compétences acquises reconnues à l’issue du contrat.

L’objectif principal est donc de donner à ces jeunes une véritable qualification leur permettant l’accès non seulement à l’emploi, mais également à la validation des acquis de l’expérience, à la préparation de diplômes ou de concours.

En l’occurrence, l’intelligence de la démarche est de tenir compte des fortes disparités qui existent en la matière sur le territoire national. Sont visés ici, de manière prioritaire mais non exclusive, des territoires où se cumulent déjà toutes les difficultés sociales et économiques.

Il faut également, me semble-t-il, être très sensible à la reconnaissance du problème spécifique de l’emploi des jeunes handicapés, peu ou pas qualifiés, qui pourront avoir accès à ce dispositif jusqu’à l’âge de trente ans.

Pour ma part, je vois donc dans ce projet de loi une véritable occasion de donner à ceux qui se sont perdus dans le système à un moment donné de leur jeune vie la possibilité d’accéder à une formation et à une qualification les conduisant vers des emplois durables. Les emplois d’avenir seront créés dans des secteurs à fort potentiel de création d’emplois. C’est donc bien dans une démarche de long terme qu’ils s’inscrivent.

À l’évidence, les jeunes concernés trouveront mieux leur place dans un tel type de contrat, au lieu d’enchaîner divers contrats précaires et inscriptions à Pôle emploi sans perspective d’avenir. Et encore : quand ils sont inscrits ! Car certains disparaissent totalement, perdus, désocialisés.

Messieurs les ministres, vous aurez compris notre soutien à la démarche, qui illustre la volonté du Gouvernement de rénover profondément les politiques de l’emploi en France. On voit, par exemple, tout l’intérêt du dispositif pour renforcer le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Je vous ferai simplement part de quelques réflexions.

Prenons le cas des potentiels employeurs. Les secteurs délimités recouvrent des domaines où le besoin d’emploi sera constant, voire en augmentation. La loi pourrait être plus précise sur ce point. Elle vise notamment les « activités présentant un caractère d’utilité environnementale ». Qu’entend-on véritablement par là ? Une telle notion vise-t-elle aussi bien un emploi de jardinier qu’un emploi dans les secteurs éolien, hydrolien, ou encore dans le démantèlement d’une centrale nucléaire ?

Si c’est le cas – j’avance sur la pointe des pieds, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté dans mon propos –, il peut être regrettable que le secteur marchand soit marginal.

M. Philippe Bas. En effet, c’est regrettable !

M. Michel Sapin, ministre. Le secteur marchand est possible !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est effectivement possible ; je le souligne.

D’ailleurs, les taux d’aide de l’État sont fixés par le projet de loi. Je comprends parfaitement le souci du Gouvernement de ne pas créer d’effet d’aubaine en fournissant une main-d’œuvre à bon marché pour des entreprises qui n’en ont pas besoin, comme la grande distribution.

Reste qu’il y a un gisement important d’emplois environnementaux – j’insiste bien sur la spécificité – dans le secteur marchand. Je pense par exemple au secteur du bâtiment – le Gouvernement prévoit la construction de 500 000 logements par an –, mais aussi à quantité d’emplois qui seront créés pour le développement des parcs éolien et hydrolien : charpentiers, chaudronniers, soudeurs, mécaniciens, électriciens, électroniciens... Nous trouverons très rarement de tels emplois dans les collectivités territoriales. Pourtant, ils sont porteurs et accessibles à des jeunes non diplômés, susceptibles de promotion sociale.

M. Philippe Bas. Vous avez raison !

M. Jean-Pierre Godefroy. En outre, ils présentent directement, selon les termes du projet de loi, un caractère « d’utilité environnementale », tout en participant à la réindustrialisation de notre pays.

M. Michel Sapin, ministre. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, à l’instar de nombre de mes collègues, je trouve inacceptable qu’un contrat saisonnier puisse être associé à un contrat d’avenir. Cela va directement à l’encontre de l’esprit de la loi, qui est de faire sortir les jeunes concernés de la précarité et de leur donner accès à des emplois pérennes.

On peut aussi regretter – certes, c’est un débat que nous avons de manière régulière, pas seulement sur ce texte – que les emplois d’avenir aient juridiquement la forme de contrats uniques d’insertion.

M. Michel Sapin, ministre. Qu’importe le flacon ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela aura pour effet de ne pas voir les publics concernés comptabilisés dans les effectifs de l’entreprise et d’exonérer ainsi l’employeur de certaines obligations.

De surcroît, cela empêche l’inspection du travail de vérifier que les emplois d’avenir ne viennent pas se substituer à des emplois qui auraient été créés de toute façon. Sans doute sait-on que ce fut parfois le cas dans d’autres dispositifs... J’ai donc déposé un amendement d’appel en ce sens, ce qui nous permettra de discuter de la question.

En tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les accidents du travail et maladies professionnelles, ou AT-MP, je note avec satisfaction que les cotisations patronales afférentes à cette branche ne feront pas l’objet d’une exonération. Voilà qui me renvoie à mon propos précédent sur les effectifs, les cotisations étant tout de même fonction de ces derniers.

J’en ai terminé avec ces quelques remarques destinées à ouvrir le débat.

Le texte prévoit très justement un suivi personnalisé professionnel et, le cas échéant, social du bénéficiaire du contrat d’avenir. Cet aspect est en effet crucial. Si des jeunes sont en difficulté aujourd’hui, c’est qu’ils ont manqué d’accompagnement auparavant. Il faut donc s’interroger sur la capacité des accompagnants à accomplir leur mission. Nous connaissons notamment les difficultés rencontrées par Pôle emploi. J’insiste d’ailleurs sur l’importance, au sein du dispositif, des maisons de l’emploi et de la formation, qui ont été fort maltraitées par le gouvernement précédent.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. De la même manière, nous savons que nombre de départements, notamment ceux dont la population est particulièrement défavorisée, sont déjà débordés par l’ampleur des problèmes sociaux qu’ils ont à traiter. La question des contrats d’avenir ne peut donc pas être détachée de celle des moyens affectés à la mise en œuvre des politiques d’emploi.

Mes chers collègues, vous aurez compris notre soutien militant à l’effort remarquable opéré en direction de ceux qui ont été laissés de côté. Ce texte, qui traite le problème de l’emploi des jeunes sous l’angle des contextes sociaux et géographiques, ouvrira de véritables perspectives, en France, à 150 000 jeunes d’ici à 2014. Pour ma part, je ne fais pas partie de ceux qui boudent 150 000 emplois ! Bien sûr, cela ne règle pas le problème du chômage, mais demandez donc aux jeunes s’ils ne sont pas preneurs d’une telle mesure !

Les emplois d’avenir donneront aux jeunes déscolarisés de façon précoce de l’espoir et la possibilité de construire des projets d’avenir – ils en manquent aujourd’hui cruellement –, donc un projet de vie. Et c’est essentiel pour eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le présent projet de loi portant création des emplois d’avenir vient répondre à une attente essentielle des Français et à une priorité absolue de la nouvelle majorité parlementaire : l’avenir de la jeunesse.

Le devenir des jeunes a d’ailleurs été une priorité affichée par le candidat François Hollande. Il convient donc aujourd’hui de donner à ces derniers les moyens de notre ambition politique. Mes chers collègues, permettez-moi de citer à cet égard Georges Bernanos, qui écrivait : « Quand la jeunesse a froid, le reste du monde claque des dents. »

À l’inverse, redonner espoir à notre jeunesse, lui permettre d’accéder au marché de l’emploi, de prendre toute sa place et ses responsabilités, c’est sans aucun doute redonner confiance à l’ensemble de notre société. Il y a urgence, car la situation est critique. Comme cela a été dit, le taux de chômage des jeunes est supérieur à 15 % depuis plus de trente ans. Des mécanismes pour favoriser leur insertion dans l’emploi ont pourtant été mis en place par tous les gouvernements qui se sont succédé, avec des succès inégaux.

Du gouvernement Barre au gouvernement Fillon, des stages offerts aux jeunes en échange d’exonérations de charges sociales au contrat unique d’insertion, de nombreux dispositifs ont ainsi vu le jour. Pour autant, a-t-on tout essayé ? Assurément non ! À chaque crise, de nouvelles propositions, qui répondent au mieux à la situation du moment en matière de chômage et de précarité, sont à inventer ou réinventer.

Aujourd’hui, ne rien tenter d’ambitieux serait renoncer, pour le Gouvernement et sa majorité, à une promesse électorale de changement et, surtout, faire preuve d’une irresponsabilité coupable, dont nous serions, les uns et les autres, comptables, tant les chiffres sont éloquents et le constat sans appel. Le taux de chômage des jeunes atteint aujourd’hui 22 % ; il monte à 40 % parmi les jeunes sortis du système scolaire sans formation ou diplôme. À l’évidence, la hausse du chômage, qui frappe de plein fouet la jeunesse, est le produit de plusieurs facteurs, tant structurels que conjoncturels.

L’avenir de la jeunesse passe par un accès à l’éducation, à une formation adaptée pour chacun, à la santé, au logement et à un emploi durable. Il nous incombe de travailler ensemble pour apporter de nouvelles réponses dans chacun de ces domaines, en prenant en compte leurs évidentes interdépendances.

Toutes ces questions ne peuvent donc pas être traitées avec précipitation, de par la rigueur qu’elles imposent, les enjeux qu’elles représentent et les conséquences qu’elles emportent. Elles méritent un travail rigoureux s’inscrivant dans la durée et fondé notamment sur une concertation avec les partenaires sociaux.

Il n’en reste pas moins que des mesures d’urgence s’imposent aujourd’hui en matière d’emploi pour les jeunes les plus en détresse. Cette loi sera également un signal politique fort adressé à tous, jeunes et moins jeunes.

Avec une croissance en berne qui ne laisse présager aucune amélioration rapide en matière d’emploi, le dispositif des emplois d’avenir constitue bien une solution d’urgence pour ralentir ou, formons-en le vœu, endiguer l’augmentation continue du nombre de jeunes chômeurs. L’Observatoire français des conjonctures économiques l’a récemment rappelé, l’économie continuera de détruire des emplois tant que l’augmentation du PIB n’atteindra pas 1,5 %.

Dans ce contexte, le dispositif proposé par le Gouvernement constitue une bonne mesure de traitement social du chômage des jeunes peu ou pas qualifiés. Elle est nécessaire, même si elle n’est bien évidemment pas suffisante. D’autres mesures d’accompagnement et de renforcement devront suivre, nous l’avons tous rappelé. D’ailleurs, elles ont déjà été annoncées.

Contrairement au contrat unique d’insertion, qui proposait une perspective d’emploi assez courte, et dont l’expérimentation dans les collectivités locales a été trop peu généralisée, ce dispositif inscrit l’accès à l’emploi sur le long terme. C’est fondamental. Surtout, cela permet de tenir compte de la situation présente.

Contrairement aux emplois-jeunes, qui ont d’abord bénéficié à de jeunes diplômés au détriment des moins qualifiés, le dispositif des emplois d’avenir s’adresse en priorité à ceux qui sont sans diplôme ni qualification. C’est important, car cela prend en compte la situation actuelle. Rappelons en effet que 120 000 jeunes quittent chaque année l’école sans aucun diplôme.

M. Stéphane Mazars. Et seulement près de 30 % d’entre eux trouvent rapidement un emploi stable. Ces chiffres ne sont plus acceptables !

Toutefois, la mise en place des emplois d’avenir soulève quelques interrogations, à propos desquelles le Gouvernement pourra certainement nous rassurer. Ainsi, ces emplois s’adressent principalement aux employeurs que sont les associations et les collectivités territoriales. Or la tenue des états généraux de la démocratie territoriale, dont l’initiative revient au président de notre Haute Assemblée, a mis en exergue la fragilité et l’incertitude budgétaires rencontrées justement par nos collectivités. Aussi convient-il de s’interroger sur l’effectivité et le niveau du recours à ces emplois par celles-ci. Je rappelle également que certains jeunes ayant réussi un concours de la fonction publique territoriale n’ont toujours pas reçu d’affectation à ce jour.

J’en viens à l’exigence de formation. Le dispositif des emplois d’avenir concerne par principe des temps pleins, en CDI ou CDD sur une période de trois ans. L’issue des contrats à durée déterminée doit dès lors être envisagée, afin que chaque emploi ouvre véritablement sur une insertion durable au sein du marché de l’emploi. L’avenir du jeune devra donc être lié à une formation effective et de qualité, objectif qui ne sera atteint que par un accompagnement encadré et personnalisé de tous les bénéficiaires du dispositif.

Pour ce faire, monsieur le ministre, votre texte prévoit une sélection des employeurs en fonction, justement, de la formation offerte et du suivi assuré par les missions locales. Le rétablissement de 2 000 postes à Pôle emploi constitue à cet égard une mesure nécessaire. D’autres dispositions doivent suivre, afin d’assurer aux jeunes une préparation à la sortie du dispositif en cas de non-pérennisation de l’emploi après trois ans de contrat à durée déterminée.

Nul doute que ce texte soit perfectible. Je ne reviendrai donc pas sur la présentation faite par mon collègue Robert Tropeano de quelques-uns des amendements que nous avons déposés avec par plusieurs des membres du groupe RDSE.

Parce que notre République, celle-là même que les radicaux ont fondée, celle-là même qui a inscrit au fronton de nos institutions les mots « égalité » et « fraternité », ne peut laisser aucun de ses enfants sur le côté sans lui tendre la main et lui proposer des solutions concrètes pour accéder à l’emploi et à une vie meilleure, parce que la jeunesse de France, sans exclusive, doit être la force dynamique, inventive et constructive dont notre pays a plus que jamais besoin, les radicaux de gauche et la majorité des membres du RDSE apporteront leur soutien au présent projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous faisons tous le même constat : dans notre pays, le chômage des jeunes est chronique et anormalement élevé. Nous sommes aussi tous convaincus de la nécessité d’une action puissante consacrée à ce qui doit être la priorité absolue de nos politiques publiques. Et nous sommes tous conscients, notamment en examinant, non loin de chez nous, les résultats obtenus par des pays de référence, comme l’Allemagne, que le chômage des jeunes n’est pas une fatalité.

Ni la droite ni la gauche n’ayant jusqu’à présent brillé dans ce domaine, nous pouvons aborder ce débat de bonne foi, avec une humilité partagée, qui ne doit pas atténuer notre égale volonté de changer le cours des choses.

Je crains malheureusement que, par leur classicisme et la modestie des moyens que vous leur consacrez, vos propositions ne nous conduisent pas très loin. Je le déplore sincèrement, compte tenu de la gravité des enjeux. Si du moins les « emplois d’avenir », si mal nommés, n’étaient pas présentés comme une innovation majeure de la politique de l’emploi, nous pourrions les considérer pour ce qu’ils sont : un instrument supplémentaire, un outil d’appoint destiné à ne pas laisser en déshérence des jeunes sans qualification que notre système scolaire n’a pas su préparer à l’emploi.

Mais, et notre collègue Jean-François Husson l’a rappelé tout à l’heure, la panoplie est déjà très riche en la matière. À vrai dire, ce qui a manqué par le passé, c’est moins un traitement social qu’une évolution profonde de notre appareil de formation et de nos mécanismes d’entrée dans la vie active.

Or le texte que nous examinons aujourd’hui se borne à prolonger une longue tradition de politique de traitement social du chômage. Il vise à aménager le régime des contrats uniques d’insertion créé par la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion. Les emplois d’avenir rentreront dans ce moule : tous seront des contrats uniques d’insertion. Mes chers collègues, vous n’en vouliez pas – M. Marseille l’a rappelé tout à l’heure –, mais vous êtes aujourd’hui satisfaits de les trouver pour y greffer une variante des emplois-jeunes, ce qui prouve que l’outil n’était pas si mauvais !

Le Gouvernement a annoncé son intention de compléter ce volet de traitement social par un « contrat de génération », dont les termes feront l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux. Nous en débattrons le moment venu et nous évaluerons les précautions que vous prendrez pour éviter les effets d’aubaine sur lesquels Martine Aubry vous a justement alertés.

Il ne manquera plus alors que le principal. D’abord, une réforme en profondeur de l’éducation nationale, permettant d’orienter résolument les jeunes vers un métier. (Mme Michèle André proteste.). Ensuite, la prévention précoce des sorties sans qualification du système scolaire, qui concerne 120 000 jeunes par an. Enfin, une incitation puissante à l’embauche des jeunes par les entreprises, incitation assortie d’une simplification des règles du contrat de travail, car – nous devons tous en être conscients – la solution au chômage des jeunes viendra principalement de l’emploi dans le secteur privé.

Surtout, il manque une action résolue de traitement économique du chômage par une politique, à laquelle vous tournez malheureusement le dos. Elle consisterait, premièrement, à poursuivre la réforme du financement de la sécurité sociale pour qu’il ne pénalise plus l’emploi, deuxièmement, à mettre en place de nouveaux instruments de sauvegarde de l’emploi tournés vers la compétitivité de nos entreprises, et troisièmement, bien sûr, à cesser le matraquage fiscal des entreprises commencé à l’occasion du collectif budgétaire de juillet et dont vous annoncez l’amplification en loi de finances pour 2013. En agissant ainsi, vous pesez lourdement sur les prix de revient des produits français et vous pénalisez l’économie et l’emploi.

M. Michel Vergoz. Où étiez-vous hier ?

Mme Maryvonne Blondin. Et avant-hier ?

M. Philippe Bas. Ces éléments de contexte étant rappelés, j’ai conscience que la crise économique et financière que nous traversons ne facilite pas les choses. Elle rend encore plus nécessaire de tendre la main aux jeunes les plus en difficulté sans attendre la mise en œuvre et la réalisation d’un certain nombre de changements structurels que j’appelle de mes vœux.

« Nous sommes devant une crise d’une gravité exceptionnelle, une crise longue, qui dure depuis maintenant plus de quatre ans et aucune des grandes puissances économiques, même les émergentes, n’est épargnée. » Ces mots sont ceux du Président de la République à Châlons-en-Champagne, messieurs les ministres, et ils vous dispensent d’accabler vos prédécesseurs au moment où vous semblez tant peiner à trouver des voies nouvelles pour sortir de cette « crise longue ».

De notre côté, nous examinerons votre projet de loi dans l’esprit d’une opposition constructive. Mon vote dépendra de vos réponses et de l’accueil que vous réserverez à nos amendements.

Si vous imaginez que vos emplois d’avenir apporteront une contribution décisive aux problèmes du chômage des jeunes sans qualification, de mon point de vue, vous n’agissez ni assez vite ni assez fort. (M. Michel Vergoz rit.)

Vous avez voulu inscrire vos emplois d’avenir dans la postérité des emplois-jeunes ; ils n’en sont en fait que la miniaturisation.

Miniaturisation d’abord par la restriction des publics visés : il faut une faible qualification, ne pas avoir plus de vingt-cinq ans, connaître des difficultés particulières d’insertion avec, il est vrai, un accès plus ouvert dans certaines parties du territoire. Il n’est plus question en principe de prendre des bacheliers. Dommage pour ceux d’entre eux, nombreux aujourd’hui, qui piétinent aux portes de l’emploi et qui auraient apprécié d’être eux aussi aidés !

Miniaturisation ensuite par la nature du contrat proposé et par les aides à l’employeur : trois ans maximum au lieu de cinq pour les emplois-jeunes, une prise en charge de 75 % du salaire au lieu de 80 % pour les emplois-jeunes.

Et miniaturisation surtout en raison de la modestie du dispositif : votre projet initial prévoyait de créer « 300 000 emplois d’avenir à temps plein ». En janvier dernier, le candidat François Hollande n’évoquait plus que « dans un premier temps, 150 000 emplois d’avenir », soit deux fois moins que prévu. Et voici que, dans ce que vous présentez pourtant comme une réponse urgente au problème de l’emploi des jeunes, vous n’entendez consacrer à cette politique que 500 millions d’euros en 2013.

Si l’on divise cette somme par le coût annuel d’un emploi d’avenir pour l’État, c’est-à-dire douze fois 75 % du SMIC brut mensuel, soit 12 828 euros, cela fait 39 000 emplois en année pleine !

Certes, il faut tenir compte de la montée en régime progressive du dispositif : vous nous dites qu’il y a urgence, mais, en même temps, vous prévoyez une progression d’une telle lenteur que nous ne pouvons que douter des moyens que vous vous donnez. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Qu’avez-vous fait pendant dix ans ? (M. Michel Vergoz renchérit.)

M. Philippe Bas. Au demeurant, quand vous annoncez que vous allez mobiliser au total 2,3 milliards d’euros en trois ans, nous devenons encore plus dubitatifs, car, cette fois, la montée en régime du dispositif sera largement achevée. Or, pour une seule année, avec 150 000 emplois d’avenir, il faudrait déjà plus de 1,9 milliard d’euros. Avec les crédits que vous annoncez, à supposer que vous soyez réellement capables de les mobiliser durablement dans la situation actuelle des finances publiques, vous ne pourrez avoir au même moment dans le dispositif que 60 000 jeunes en moyenne chaque année pendant trois ans.

Le Président de la République affirme que son devoir est de « dire la vérité aux Français » ; c’est aussi le vôtre. Car 60 000 jeunes, c’est déjà ça, mais cela ne fait pas 300 000, ni même 150 000 !

Mais je m’inquiète encore. Je crains que vous n’ayez même pas les moyens d’atteindre de tels chiffres revus à la baisse. Vous allez d’ailleurs être poussés à redéployer les crédits de la politique de l’emploi au détriment d’autres emplois aidés dont l’utilité n’est plus à démontrer dans cette période de crise.

Ils sont 520 000 aujourd’hui à bénéficier de ces contrats. Beaucoup sont des adultes chômeurs de longue durée, souvent chargés de famille. Entre les différentes souffrances sociales, nous ne devons pas avoir la fraternité sélective, à deux vitesses. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul ! Puisque vous avez été capables de prendre l’engagement de consacrer 2,3 milliards d’euros en trois ans à vos nouveaux emplois-jeunes, nous avons besoin d’entendre un autre engagement : celui de sanctuariser les crédits consacrés aux contrats proposés aux chômeurs de longue durée, afin d’éviter un effet d’éviction que les partenaires sociaux, en particulier la CFDT, n’ont pas manqué de relever.

M. Michel Sapin, ministre. Eux, ils m’écoutent !

M. Philippe Bas. Un autre effet d’éviction pourrait d’ailleurs toucher de nombreux demandeurs d’emploi qui n’ont pas forcément accès aujourd’hui à des emplois aidés. Vous connaissez aussi bien que moi les difficultés financières des collectivités territoriales, des hôpitaux, des établissements médicosociaux, comme d’ailleurs des associations d’aide à domicile. Certains ne trouveront d’ailleurs même pas dans leur budget les moyens de payer les 25 % restant à leur charge dans la rémunération des jeunes.

N’ayez pas la naïveté de penser que, dans la situation actuelle, les institutions publiques à but non lucratif n’auront pas la tentation très forte de ne recruter les jeunes sans qualification – nous voulons tous les aider – qu’en les substituant à d’autres recrutements. Je ne trouve pas dans votre texte de garantie suffisante pour prévenir ce risque, que Force ouvrière a très justement pointé.

Voilà, messieurs les ministres, ce que je tenais à vous dire. Nous aurions aimé voir le Gouvernement innover réellement. Nous constatons qu’il fait du neuf avec du vieux. (M. Gisèle Printz s’exclame.) Et le projet de loi s’est réduit comme une peau de chagrin.

Les emplois-jeunes version 2012 ne sont pas à la hauteur des attentes que vous avez suscitées. Vous devez le réaliser, les demi-mesures déçoivent les Français qui vous ont fait confiance et confirment les autres dans leur scepticisme. Ne croyez pas en être quittes avec l’augmentation de dix-huit centimes de l’heure des travailleurs payés au SMIC ou avec la baisse temporaire du prix de l’essence de trois ou quatre centimes.

Nous comprenons bien sûr aussi le bénéfice immédiat dont pourront tirer de l’ouverture de ces emplois dédiés les jeunes sans qualification et l’espoir qu’ils peuvent susciter chez eux. Pour autant, nous ne sommes pas dupes des faiblesses, des lacunes et des imprécisions du dispositif. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)

J’attends donc de ce débat qu’il lève les ambiguïtés de votre projet de loi, qu’il permette de l’amender utilement et qu’il apporte des réponses claires aux nombreuses questions que nous vous posons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Quinze ans ! Fallait-il attendre quinze ans après le lancement des emplois jeunes, qui avaient pourtant fait leur preuve comme tremplin ou comme sas d’insertion, pour retrouver un dispositif aussi sérieux de mise à l’emploi durable de notre jeunesse en péril ?

Sans doute fut-ce le temps nécessaire à l’alternance... Hélas ! Les générations ont pendant ce temps été sacrifiées.

Face aux difficultés d’insertion et d’accès à l’emploi d’une part croissante de la jeunesse – environ 60 % des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans dans les outre-mer sont au chômage –, aucun dispositif de soutien n’avait été aussi loin depuis les emplois-jeunes.

Entre-temps, les dispositifs tels que les CAE ou les CUI n’ont guère laissé d’autres perspectives que celle des petits boulots et des emplois précaires, spirale infernale d’autant plus marquée par le durcissement des critères d’éligibilité et l’exclusion de fait des publics les plus prioritaires.

Les difficultés d’accès à l’emploi, nous les connaissons. Bien sûr, la crise économique ne nous est pas étrangère, mais arrive au premier plan le faible niveau de qualification.

Les chiffres en outre-mer sont encore plus catastrophiques que ceux de l’Hexagone.

À la sortie du système éducatif en outre-mer, le taux des sans diplôme varie de 36 % pour la Martinique à 58 % pour la Guyane. Il faut donc saluer le projet de loi. C’est une mobilisation urgente et massive du Gouvernement en faveur d’un tel public.

Le texte restaure les notions de valeur du travail, d’effort, de dignité et de progrès associées au travail et combat auprès des jeunes cette « culture » du non-travail, d’argent facile, de débrouillardise. Il crée une dynamique d’insertion et d’utilité économique, sociale et psychologique : produire, se former, découvrir le monde du travail, respecter les horaires.

Il convient aussi de souligner dans ce projet de loi la durée de l’aide, trois ans, qui donne au jeune le temps de la construction d’un projet ou d’un parcours, ainsi que l’obligation de formation faite aux employeurs et, enfin, dans ce contexte de crise économique, la priorité donnée aux jeunes les plus en difficulté et aux territoires les plus touchés par le chômage et les problématiques d’insertion.

Je souhaiterais ici insister sur les valeurs ajoutées, à conforter, de ce projet de loi, mais également alerter sur les limites d’un dispositif qui, s’il devait rester isolé, se révélerait bien insuffisant, notamment pour relever les graves défis posés dans certains territoires sinistrés, tels que les zones urbaines sensibles, certaines zones rurales et les outre-mer.

Des points essentiels en particulier doivent être soulignés et confortés.

En tout premier lieu, je voudrais mentionner l’absence de référence à un zonage dans l’application du dispositif aux régions et collectivités d’outre-mer. Il s’agit là d’une marque de lucidité, de reconnaissance d’un principe de réalité trop souvent mis à mal, qui préserve en amont d’adaptations anachroniques les territoires ayant fait le choix de l’identité législative.

De même, il convient de souligner la création des emplois d’avenir professeur, innovation qui restaure, dans le cadre de la réforme de la mastérisation, la possibilité d’une diversité des origines sociales dans l’accès aux fonctions d’enseignement, fierté de la République des écoles.

Cela doit permettre non seulement d’accroître localement les chances de combler le déficit d’enseignants, le cas échéant, mais également de donner aux plus modestes l’accompagnement financier nécessaire pour relancer l’ascenseur social, la mobilité et la mixité, à l’endroit où la République doit assurer ses missions d’intégration dès le plus jeune âge.

Et j’insiste vraiment sur ce point, car les emplois d’avenir professeur pourraient apporter une réponse intéressante non seulement à la problématique de la vocation des jeunes pour les métiers de l’enseignement, mais aussi à celle du recrutement des enseignants dans certains territoires.

Plus concrètement, en outre-mer, et notamment en Guyane ou encore à Mayotte, la mobilité des enseignants venant de métropole a un coût élevé pour l’État, non seulement un coût financier, mais aussi un coût social et éducatif, celui de l’adaptation, celui du choc des cultures, celui des barrières linguistiques.

Imaginons déjà toute une génération de jeunes étudiants, qui, grâce aux emplois de professeur, n’abandonnerait plus sa formation initiale au niveau bac plus deux, faute de moyens financiers et de débouchés, mais serait à même de la poursuivre jusqu’au master et de renouveler ainsi la capacité du territoire à produire ses éducateurs et ses cadres, afin d’assurer aux jeunes générations la transmission des savoirs et des perspectives concrètes d’avenir dans la société.

L’expérience d’ailleurs mériterait d’être tentée pour d’autres métiers, comme les filières paramédicales. Par exemple, pour la Guyane, on sait que le taux de couverture par les professionnels de santé est particulièrement insuffisant.

Enfin, je tiens à noter dans le dispositif général l’intégration pour les outre-mer des bacheliers en rupture de formation supérieure et autres jeunes ayant atteint le niveau IV de qualification, mais ne l’ayant pas dépassé. Sont ainsi prises en compte l’insuffisance des capacités d’accueil ou tout simplement l’absence de structures alternatives, relevant par exemple de la formation continue. La mesure est décisive pour une catégorie de jeunes risquant de demeurer « orpheline » de tout dispositif d’insertion sociale et professionnelle.

Il reste toutefois important de contribuer à identifier ce qui pourrait apparaître comme les limites les plus criantes du dispositif. Les limites que je voudrais souligner ne font pourtant qu’appeler à la poursuite et à l’amélioration de la démarche, qui devrait s’adosser à deux vecteurs de réussite insuffisamment garantis à ce jour.

Premier vecteur, la formation du jeune au-delà de l’emploi obtenu. Une telle obligation pour l’employeur est renvoyée par la loi aux instances qui gèrent la formation aujourd’hui, c’est-à-dire Pôle emploi, la mission locale et la région, instances qui n’ont pas partout la même efficacité, en raison de niveaux différents de structuration et parce qu’elles ne bénéficient pas du même environnement économique.

Second vecteur, le tissu économique capable d’accueillir le jeune. Quelle formation pour quel métier ? Quel débouché après trois ans d’emplois d’avenir ? Un dispositif porté essentiellement par le monde associatif et dont le potentiel économique reste émergent pourra-t-il pérenniser les emplois créés ?

En fait, ce qui manque, c’est le travail de structuration de filières et de groupements d’intérêt, dont la formidable évolution du monde associatif, que j’évoquais à l’instant et qui s’adapte en fait à nos fortes mutations sociales et comportementales, plaçant chaque jour davantage l’aide à la personne, le loisir, le sport et la culture au cœur de l’activité marchande.

De même, il convient de reconnaître certains métiers dont l’utilité sociale est avérée, mais dont le statut n’est pas précisé, et de conforter des niches d’activités pouvant à terme se financer sans subvention dès lors que l’offre répond à une demande, donc à un marché...

Outre son effet mécanique sur l’emploi durant une période déterminée, le dispositif des emplois d’avenir peut être un véritable outil de développement territorial, sous trois conditions : d’abord, ces emplois doivent produire les qualifications dont les territoires ont réellement besoin ; ensuite, les besoins doivent à terme intégrer le marché ; enfin, le marché doit être supporté par un tissu économique lui-même consolidé. En d’autres termes, au-delà de tels instruments pour l’emploi, nous devons désormais nous mobiliser pour mettre en place les conditions économiques de nos territoires. Ce travail reste à faire dans certains territoires, ceux-là même qui sont visés par le texte. Le législateur peut y contribuer.

Votons donc ce texte, mais soyons conscients de devoir élargir le champ de nos travaux, s’agissant des politiques publiques de l’emploi. Votons ce texte afin de donner des perspectives à notre jeunesse en proie à tous les maux, à toutes les difficultés, à toutes les formes de délinquance, à la marginalisation et à la pauvreté. Par le biais des emplois d’avenir, donnons-leur de l’espoir. Il y va de notre responsabilité politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous débattons d’un projet de loi sur lequel nous avons de vrais clivages politiques, des clivages « normaux ». Néanmoins, soyons attentifs à garder un peu de mesure dans nos propos, car nos discussions renvoient non à des chiffres ou des éléments techniques, mais à des réalités humaines, comme cela a été rappelé par les différents orateurs.

Aussi, le texte qui nous est soumis est bien un projet d’intérêt général, et nous aurions aimé qu’il soit un peu moins bâclé en commission.

Sur le fond, le projet de loi repose sur deux constats que, paradoxalement, nous partageons.

Premier constat, porté par la droite ces derniers mois, il existe un problème de coût du travail, tout particulièrement pour les jeunes non qualifiés.

Deuxième constat que nous partageons, il est préférable que ces jeunes aient une activité au lieu de rester au chômage ou dans l’inactivité.

Si nous partageons ces constats, nous devrions pouvoir nous entendre, notamment pour trouver des réponses structurelles. Je ne reviendrai pas sur les problèmes de financement de votre politique, puisqu’ils ont déjà été évoqués, ni sur l’ambition de ce texte par rapport au nombre de jeunes aujourd’hui sans activité, sujet abordé par mon collègue Philippe Bas.

Je voudrais surtout revenir sur les principes que vous portez.

Nous pourrions voter ce texte sous deux conditions : la première est que tout soit réellement tenté pour ces jeunes ; la seconde est que ce projet de loi soit ciblé sur les jeunes les plus concernés par le risque de relégation sociale.

Première condition, la plus importante, est de tout tenter pour les jeunes. Cela signifie ne pas exclure d’emblée le secteur marchand. Nous sommes intervenus à de nombreuses reprises sur ce point important.

J’ai entendu quelques-unes de vos déclarations, monsieur le ministre. Vous considérez qu’un jeune retrouve plus facilement sa dignité en travaillant dans le secteur public. Je vous invite à plus de considération pour les entreprises et les entrepreneurs, qui créent 80 % des emplois. Il faut éviter d’opposer les entreprises à la société ou à l’intérêt général.

Vous affirmez que l’ouverture d’un tel dispositif aux entreprises créerait des effets d’aubaine. Ayant été à la tête d’établissements publics, je ne suis pas certaine que ce ne sera pas également le cas dans le secteur public, notamment dans les établissements publics à caractère industriel et commercial, les EPIC. Au passage, vous avez réussi à créer quelque chose que même la droite n’aurait pas osé porter : des CDD de trois ans dans la fonction publique !

M. Michel Sapin, ministre. Et les CAE, ces CDD de six mois ?

Mme Chantal Jouanno. Rassurez-vous, monsieur le ministre, vous aurez le temps de répondre tout à l’heure !

M. Michel Sapin, ministre. J’interviens maintenant, parce que vos propos sont inexacts !

Mme Chantal Jouanno. Très concrètement, si vous vouliez vraiment « tout tenter » pour ces jeunes, pourquoi ne pas avoir combiné ce dispositif avec l’apprentissage, qui, lui, offre un emploi durable dans huit cas sur dix ?

Pourquoi ne pas avoir ouvert ce dispositif de manière très encadrée sur des secteurs ciblés qui connaissent aujourd’hui des difficultés de recrutement tels que les métiers de bouche, l’hôtellerie ou l’environnement, comme l’a évoqué à juste titre M. Godefroy ? D’ailleurs, c’est presque une erreur de dire encore aujourd’hui que le secteur de l’environnement n’entre pas dans une logique marchande. Cela signifierait que celui-ci reste toujours en marge des secteurs productifs et de la croissance.

De plus, pourquoi ne pas avoir associé les représentants des entreprises pour identifier les secteurs porteurs d’emploi et les formations d’avenir, comme le préconisait en 2000 notre collègue Alain Gournac dans un rapport d’information sur le bilan des emplois-jeunes ?

Deuxième condition, nous voulons que ce texte soit beaucoup plus ciblé sur la prévention de la relégation sociale.

Comme je vous l’indiquais, nous partageons le constat que l’activité est toujours préférable à l’inactivité ou à l’assistanat. Dans ces conditions, il faudrait cibler non seulement les jeunes sans formation, mais aussi, et d’abord, ceux qui sont éloignés de toute activité depuis plus d’un an, comme l’a dit Philippe Bas. À ce propos, le dispositif combine une logique territoriale et une logique sociale, et je ne suis pas certaine que cela puisse fonctionner.

Par conséquent, il faudrait donner la priorité non pas aux jeunes issus de certains territoires, mais aux jeunes qui sont dans l’inactivité depuis plus d’un an.

Autre proposition : puisque vous avez légalement ouvert ce dispositif aux entreprises d’insertion, pourquoi leur fermer les financements ? Pourquoi le CDD d’insertion n’est-il pas une forme du contrat d’avenir ? Ces structures ont une réelle expérience pour repérer les jeunes qui en ont le plus besoin et pour les accompagner dans une réinsertion non seulement professionnelle, mais aussi sociale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ne croyez-vous pas que ces entreprises ont plus d’expérience que les EPIC pour accompagner ces jeunes ? Donnez-leur les moyens d’ouvrir complètement leurs portes aux jeunes !

M. Michel Sapin, ministre. C’est ce que nous faisons !

Mme Chantal Jouanno. Comme je vous le disais, le CDD d’insertion pourrait devenir une forme du contrat d’avenir.

M. Ronan Kerdraon. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

Mme Chantal Jouanno. Vous êtes là pour améliorer les choses, alors profitez-en ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Ronan Kerdraon. Par rapport à ce que vous avez fait ?

Mme Chantal Jouanno. Je n’ose croire que vous faites montre de suspicion envers ces entreprises du seul fait de leur appartenance au secteur marchand. (Mêmes mouvements.)

Je ne suis pas sûre que les ricanements soient de circonstance face à la réalité humaine dont nous parlons.

Mme Christiane Demontès. Nous connaissons parfaitement la réalité !

M. Ronan Kerdraon. Dix ans d’inaction !

Mme Chantal Jouanno. Simplement, ne fermez pas la porte, surtout au Sénat.

Nous vous demandons d’aller beaucoup plus loin dans la réflexion et d’effectuer un réel travail structurel sur les raisons d’un tel échec. Je veux juste rassurer M. Kerdraon : les difficultés n’ont pas commencé en 2007 et – M. Desessard l’a très bien rappelé tout à l’heure – ne concernent pas seulement la France.

Au lieu de s’opposer les uns aux autres, il vaudrait mieux travailler ensemble ; ce serait sans doute plus utile pour les jeunes auxquels nous parlons. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)

Pour terminer, messieurs les ministres, permettez-moi de regretter que nous soyons si peu nombreux pour discuter de cette question ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean-François Husson applaudit également.)

Mme Christiane Demontès. Vous n’êtes effectivement pas très nombreux !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les dix années qui viennent de s’écouler ont plongé l’éducation nationale dans une double crise.

Crise de fonctionnement tout d’abord : avec la suppression de 80 000 postes en cinq ans, avec une telle privation de moyens humains, notre école, l’école de la République, à laquelle nous sommes tous très attachés, n’a plus véritablement les moyens de remplir ses missions d’éducation et d’instruction.

Crise de vocation ensuite : pour la première fois, le nombre de candidats pour le métier d’enseignant a considérablement diminué, et, lors de la session 2012 de recrutements, tous les postes offerts n’ont pas été pourvus.

Face à la crise de fonctionnement de notre école, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a apporté une première réponse, avec les nouveaux moyens mis en place dans le cadre du collectif budgétaire du mois de juillet 2012. Je le rappelle, 1 000 postes ont été créés à l’école primaire, 280 postes redéployés dans le secondaire, 1 000 nouveaux conseillers d’éducation ont été recrutés et 2 000 postes d’assistants d’éducation ont été créés. Les 12 000 contrats aidés qui arrivaient à échéance ont été reconduits et 500 nouveaux postes d’assistants chargés de prévention et de sécurité ont été mis en place.

Nous pouvons désormais avoir pour objectifs la reconquête de 60 000 postes d’enseignants supprimés et le remplacement de tous les départs à la retraite.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jacques-Bernard Magner. Nous sommes maintenant dans un nouveau contexte. Le classement de l’éducation nationale en ministère prioritaire par la volonté du Président de la République, François Hollande, et du gouvernement de Jean-Marc Ayrault va redonner à l’école les moyens qu’elle mérite. Les métiers de l’éducation vont redevenir accessibles à ceux qui en ont la vocation. Nous leur donnerons enfin un accompagnement pédagogique et financier pour accéder aux concours ouvrant la voie à ces métiers, alors qu’ils n’osaient même pas l’envisager auparavant.

Je veux rendre hommage au Gouvernement et au ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, d’avoir su, dans le cadre global des emplois d’avenir, ouvrir cette nouvelle voie pour alimenter dès maintenant les filières de recrutement des enseignants qui devront enseigner dans quelques années.

C’est une preuve de la volonté de la majorité présidentielle d’aller vite pour tenir ses engagements sur l’augmentation du nombre d’enseignants. En effet, il ne servirait à rien d’ouvrir des postes au concours si le nombre de candidats restait aussi faible que ce que nous pouvions malheureusement constater ces dernières années.

La réduction du nombre de postes mis au concours par le précédent gouvernement et la mastérisation, aux conséquences sociales catastrophiques – je pense en particulier aux conditions déplorables d’entrée dans le métier qui en résultent –, ont conduit à une diminution de moitié du nombre d’inscrits aux concours de professeurs des écoles entre 2008 et 2012 et à une baisse de 40 % d’inscrits au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, le CAPES, sur la même période.

M. Ronan Kerdraon. Triste bilan !

M. Jacques-Bernard Magner. On voit bien que la réforme de la mastérisation, en application de laquelle les enseignants sont recrutés parmi les titulaires d’un master, a abouti à la réduction du nombre de candidats dans certaines matières et à l’éviction des jeunes des catégories sociales les plus modestes. Les étudiants boursiers, qui sont 44 % en licence, ne sont plus que 33 % en master alors que leurs résultats sont bons.

Il faut donc nous soucier des effets désastreux de la mastérisation sur le vivier des candidats issus de milieux modestes, pour lesquels on compte moitié moins d’étudiants en master qu’en licence.

Par ailleurs, et les statistiques le montrent, les enfants de cadres réussissent trois à quatre fois plus fréquemment que les enfants d’employés ou d’ouvriers les études longues à l’université. On ne peut pas continuer à accepter un tel décalage entre la réalité de notre société, sa diversité, qui en fait sa richesse, et la composition sociologique du corps professoral, qui est chargé de son enseignement, de son éducation et de ses formations.

Du reste, même sous le précédent quinquennat, des rapports préconisant l’adoption de mesures en faveur d’un recrutement diversifié des enseignants ont été publiés, à commencer par celui de la commission sur la condition enseignante, installée par Xavier Darcos, rapport qui préconisait la création d’instituts de préparation à l’enseignement secondaire, ou IPES, pour les jeunes issus de catégories sociales défavorisées. Dommage qu’on en soit resté aux constats et aux déclarations d’intention !

Mes chers collègues, le métier d’enseignant a longtemps porté la marque du pacte républicain entre l’école et la nation. Il est grand temps de créer les conditions d’un contrat moral refondé, lien essentiel entre la République et sa jeunesse.

Face à une telle situation, le Gouvernement a décidé d’agir rapidement, conformément au mandat qui lui a été confié.

Comme je l’ai rappelé, plusieurs mesures ont déjà été adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012 que nous avons voté au mois de juillet dernier. C’était une première étape nécessaire. Aujourd’hui, nous travaillons à la mise en place d’une autre avancée importante, la création des emplois d’avenir professeur prévus par l’article 2 du présent projet de loi. Ces emplois constituent l’un des piliers de la refondation de l’école publique, chantier qui passe également par la redynamisation du recrutement dans l’enseignement.

Nous pouvons nous réjouir que le Gouvernement ait fait le choix de consacrer une part importante des emplois d’avenir, 18 000 sur un total de 150 000, au pré-recrutement des enseignants, permettant ainsi de préserver le rôle de promotion sociale et républicaine des concours de l’enseignement.

Les emplois d’avenir professeur permettront d’accompagner dans leur formation des jeunes issus des zones urbaines sensibles souhaitant se consacrer au métier d’enseignant. Ils permettront également de prévenir le risque d’éviction des étudiants modestes des concours de l’enseignement.

Ainsi, l’année prochaine, pour 6 000 jeunes auxquels il faut offrir un avenir, l’enseignement sera une solution.

Notre rapporteur a très bien présenté le dispositif emplois d’avenir professeur, ciblé et rigoureusement encadré, qui nous est proposé. La mesure bénéficiera aux étudiants boursiers âgés de moins de vingt-cinq ans – la limite d’âge est repoussée à trente ans pour des jeunes en situation de handicap – et s’adressera en priorité aux jeunes issus des zones urbaines sensibles, des zones d’éducation prioritaires ou ayant poursuivi leurs études dans les établissements des quartiers concernés. On peut se féliciter que les zones de revitalisation rurale soient également prises en compte par le dispositif.

Ces jeunes devront s’engager à parfaire leur formation dans un établissement d’enseignement supérieur et à se présenter à l’un des concours de recrutement des corps d’enseignants de l’éducation nationale.

D’une part, la durée de trois ans prévue pour le contrat est importante, car elle constitue un temps d’accompagnement suffisamment long pour inciter les jeunes des milieux modestes à concrétiser leur vocation. C’est là une véritable différence avec les bourses de mastérisation que le précédent gouvernement avait mises en place et qui étaient seulement versées pendant la première année de master. (M. le ministre acquiesce.)

M. Jacques-Bernard Magner. D’autre part, le cadre d’emploi prévu par ces contrats se traduira par une préparation à l’entrée dans le monde enseignant qui sera réellement progressive, contrairement à la situation actuelle d’affectation directe en milieu professionnel après la réussite au concours.

Mes chers collègues, vous le savez, l’immersion brutale dans des milieux scolaires difficiles, dans lesquels les enseignants expérimentés ont parfois renoncé à travailler et où les personnels affectés sont généralement de jeunes débutants, engendre aujourd’hui des situations terribles pour les enseignants et les élèves. Ce sont des souffrances qu’il faut à tout prix éviter.

Grâce à cette nouvelle approche de la formation, faite de sensibilisation, d’observation puis de participation aux tâches d’enseignement, pendant trois ans, les élèves enseignants pourront acquérir des gestes professionnels de plus en plus élaborés.

Bien sûr, ces étudiants ne se verront pas confier des classes. La première année, ils assumeront des tâches péri-éducatives, par exemple de surveillance, puis des missions pédagogiques en co-intervention avec le titulaire de la classe. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)

Autre élément nouveau et déterminant, les jeunes seront rémunérés. Ils percevront une rémunération complémentaire leur permettant de disposer, au total, de 900 euros environ par mois. Cette rétribution permettra d’ouvrir le métier d’enseignant à des jeunes qui, malgré de bons résultats scolaires, n’auraient peut-être pas envisagé des études aussi longues et coûteuses.

En leur temps, les écoles normales d’instituteurs avaient permis d’ouvrir aux enfants du peuple l’accès aux métiers de l’enseignement, en assurant d’abord la gratuité des études jusqu’au baccalauréat,…

M. Jacques-Bernard Magner. … puis la rémunération de la formation professionnelle.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jacques-Bernard Magner. Il est bon d’y revenir, d’une certaine manière.

Au reste, le dispositif ne préjuge évidemment en rien de ce qui sera décidé ultérieurement à l’occasion du débat sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école en matière de pré-recrutement et de formation initiale des enseignants. Je rappelle qu’un groupe de travail sénatorial se penchera sur le sujet dès le 3 octobre prochain. Il a été créé sur l’initiative de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui m’a fait l’honneur de me désigner pour en animer les travaux.

Mes chers collègues, pour conclure, je vous rappelle que le Président de la République a fait de la jeunesse la priorité de son quinquennat. Les emplois d’avenir professeur apportent une réponse à la désespérance des jeunes des zones urbaines sensibles et des zones de revitalisation rurale. Ils représentent une nouvelle richesse pour l’école, car la société ne peut pas tolérer que des talents soient gaspillés : il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les emplois d’avenir ont pour objet, paraît-il, de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes sans qualification et sans emploi. Je pense que l’objectif est bon, mais que vous vous y prenez mal. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. M. Dassault va nous donner des leçons à présent !

M. Serge Dassault. Il faut le noter, ce type de dispositifs ont déjà été utilisés par de nombreux gouvernements, de gauche comme de droite, sous diverses appellations : emplois jeunes, emplois aidés, contrat unique d’insertion… Chacun a pu constater leur efficacité très relative pour l’emploi non marchand, en dépit d’un coût très élevé.

Messieurs les ministres, depuis une dizaine d’années, chaque gouvernement, de gauche comme de droite, reprend l’idée des contrats aidés avec le même enthousiasme que vous : « Cela va marcher, on va résoudre définitivement le problème du chômage des jeunes. » Il n’en a rien été : chaque fois, ces contrats ont fini par être supprimés avant d’être remplacés par d’autres, qui ne se sont pas révélés plus efficaces.

Pour 2012, le précédent gouvernement prévoyait plusieurs centaines de contrats non marchands, avec une enveloppe de près de 2 milliards d’euros. Or les prévisions de succès sont très mauvaises, car le taux d’insertion durable à l’issue des CUI-CAE ne s’élevait qu’à 27 %. À quoi bon dépenser de l’argent pour rien quand on n’en a plus ?

Vous spécifiez que ces emplois seront non marchands. Pourquoi ? Pour éviter, dites-vous, des effets d’aubaine et des activités lucratives. Je pense ces contrats n’auront pas plus de succès que les anciens.

Vous prévoyez des CDD de trois ans – c’est long – et des CDI. Mais comment pourrez-vous créer des CDI de trois ans ? Normalement, un CDI n’a pas de limite.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très juste, monsieur Dassault ! À votre grand regret, d’ailleurs…

M. Serge Dassault. Et que se passera-t-il au cours de ces trois longues années si les jeunes n’accomplissent pas correctement leur travail ou leur formation ? Vous les garderez ? Vous les licencierez ? Qu’en ferez-vous ?

Vous devriez savoir qu’aucune entreprise n’a jamais embauché un salarié pour rien, même contre des subventions ; c’est ridicule ! Seuls les emplois marchands peuvent former les jeunes. De fait, ces emplois s’inscrivent dans le cadre d’activités professionnelles. Au terme du contrat, les entreprises peuvent embaucher ces jeunes, ce qui n’est pas le cas du secteur non marchand.

En effet, il me paraît normal que ces dispositifs puissent également être utilisés dans le secteur marchand, comme l’étaient les contrats aidés. Ces derniers offraient les deux possibilités. Pourquoi ne consacrez-vous pas ces contrats d’avenir à la fois aux emplois marchands et non marchands, en fonction des possibilités et des nécessités ? Force est de constater que seules les activités lucratives permettent d’offrir aux jeunes une véritable compétence professionnelle. Or c’est l’objectif que vous visez, un objectif que ni les associations ni les collectivités locales ne pourront atteindre.

Je ne suis pas opposé aux emplois d’avenir professeur ; au contraire, je considère même qu’il s’agit d’une excellente idée. Mais j’observe que le dispositif ne s’adresse pas uniquement aux jeunes non qualifiés.

Bref, en fermant la porte aux emplois marchands, vous condamnez les contrats d’avenir à une efficacité réduite pour les jeunes.

De surcroît, ce que vous nommez les contrats de génération n’auront pas la moindre efficacité pour les emplois marchands. Cela ne signifie rien. Ces contrats aidés coûteront encore plus cher ! Comment ferez-vous ?

Aussi, il serait utile de savoir, et vous vous gardez bien d’en parler, combien ces emplois d’avenir coûteront à notre budget et comment ils seront financés.

M. Michel Vergoz. Vous n’écoutez pas !

M. Serge Dassault. C’est tout de même extraordinaire : vous nous demandez, à nous parlementaires, d’adopter de nouveaux textes législatifs sans nous indiquer combien coûteront les mesures que vous prévoyez. Or le budget a été voté, et de semblables projets de loi ne font que créer des dépenses supplémentaires.

Il ne devrait pas être permis au Gouvernement de présenter un projet de loi sans en indiquer le coût, surtout compte tenu de la situation financière critique face à laquelle nous nous trouvons. On parle de 1,5 milliard d’euros à 2 milliards d’euros par an, soit près de 6 milliards d’euros sur trois ans : comment financerez-vous ces dépenses ?

M. Michel Vergoz. On achètera un Rafale de moins, voilà tout !

M. Serge Dassault. Vous allez encore creuser le déficit budgétaire !

Au fond, comme je le demande depuis longtemps, le Gouvernement devrait, à l’instar des parlementaires, être contraint d’appliquer l’article 40 de la Constitution à chaque projet de loi, ce qui l’empêcherait d’augmenter les dépenses déjà votées sans proposer un financement crédible via des économies.

Mme Christiane Demontès. Et la défiscalisation des heures supplémentaires, elle était financée ?

M. Serge Dassault. Les parlementaires sont soumis à une telle règle lorsqu’ils présentent des propositions de loi. Le Gouvernement devrait y être également astreint pour les projets de loi ! Ce serait à la fois plus normal et plus sérieux.

Vous le savez bien, il est très dangereux d’augmenter encore nos dépenses alors que l’on devrait faire des économies. Nous ne pouvons plus rien financer sans emprunter de nouveau, ce qui serait suicidaire !

En réalité, le véritable enjeu serait d’éviter qu’une partie de nos jeunes ne se retrouve chaque année, à la sortie du collège, du lycée, voire quelquefois de l’université sans aucune formation professionnelle. Ces jeunes traînent dans leur quartier, et ils y font souvent des bêtises au lieu de travailler. Voilà plus de dix ans que l’on parle de ce problème ! Tous les anciens ministres de l’éducation nationale le connaissent bien. Pourtant, rien n’a jamais été fait pour lutter contre le fléau. Chaque année, environ 150 000 jeunes quittent l’école sans la moindre formation professionnelle.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Voilà des années que nous le disons, et vous semblez le découvrir !

M. Serge Dassault. Chers collègues de la majorité, votre enthousiasme est désarmant : « Tout va s’arranger ». On a déjà entendu ce discours trois ou quatre fois. Les précédents gouvernements ont toujours dit la même chose : « Cela va marcher ». Cela ne marche pas !

En réalité, c’est l’éducation nationale qui est responsable de la situation.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Le précédent gouvernement a supprimé tant de postes d’enseignants !

M. Serge Dassault. Mais on n’en parle pas ! Voilà bien longtemps que l’on ambitionne d’enseigner à tous les enfants le même « socle de connaissances ». C’est ce que plusieurs ministres de l’éducation nationale m’ont affirmé. Or un grand nombre d’enfants ne s’intéressent pas du tout à ces enseignements ! Ce qu’ils souhaitent, c’est suivre une formation professionnelle. Le grand responsable du problème, c’est le collège unique, qui a été institué voilà bien plus de dix ans !

Il faudrait supprimer le collège unique. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.) Ce serait plus utile que de consacrer de l’argent à de nouveaux contrats. Il serait tout à fait préférable de distinguer deux filières d’enseignement, à l’image du système qui existe dans bien d’autres pays : l’une pour préparer des diplômes à l’université et dans les grandes écoles, pour ceux qui le peuvent ; l’autre pour apprendre un métier, à partir de quatorze ans, et non de seize ans, dans le cadre de l’apprentissage et de l’alternance. Un examen à la sortie de la sixième devrait opérer la sélection et jouer le rôle que remplissait auparavant le certificat d’études, qui a malheureusement été supprimé.

En effet, c’est uniquement en développant l’apprentissage et l’alternance que vous réussirez à réduire le nombre de jeunes sortant du système scolaire sans la moindre formation. Ces jeunes seraient embauchés dans les entreprises.

Mme Gisèle Printz. À quatorze ans !

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre du travail, voilà pourquoi je vous propose d’ouvrir les contrats d’avenir à l’apprentissage, pour que le dispositif aide les chefs d’entreprise à embaucher des apprentis.

En effet, aujourd’hui, il est regrettable que les patrons n’aient pas suffisamment recours à l’apprentissage pour des raisons de coût. Ainsi employés, les contrats d’avenir permettraient aux apprentis d’acquérir véritablement les bases d’un métier pour, ensuite, de gagner leur vie.

Dès lors, les contrats d’avenir pourraient se révéler très utiles pour financer ces contrats d’apprentissage et permettre ce que vous souhaitez, ce que nous souhaitons tous : la diminution du chômage des jeunes. Ainsi, vous ferez œuvre utile. (M. Ronan Kerdraon s’exclame.)

M. le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage a annoncé qu’il accorderait 30 millions d’euros aux missions locales, qui agissent dans ce sens. Je suis heureux de l’apprendre.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, je suis le seul orateur à n’avoir que cinq minutes. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. C’est le règlement, mon cher collègue. (Sourires.)

Mme Christiane Demontès. Voyez donc cela avec votre groupe !

M. Ronan Kerdraon. On va faire une quête de minutes pour vous, monsieur Dassault !

M. Serge Dassault. Quoi qu’il en soit, laissez-moi finir !

Je propose deux amendements, monsieur le ministre. Le premier concerne les activités marchandes, seules capables de procurer des emplois durables ; l’autre vise à développer en priorité l’apprentissage pour les contrats d’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui rejoint le fil rouge de la campagne de François Hollande, la jeunesse, dont il a fait sa première priorité. « Cette jeunesse qui doit retrouver confiance en elle, trouver toute sa place dans son propre pays », selon les propres mots du Président de la République.

Comment atteindre cet objectif ? Il s’agit, en premier lieu, de proposer à ces jeunes une fenêtre d’entrée dans la vie professionnelle, une première expérience associée à une formation. Je parle d’une véritable formation, qui n’a rien à voir avec celle qui avait été promise aux auxiliaires de vie scolaire, les AVS.

Que les jeunes Français aient un avenir plus sombre et un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents est inacceptable pour les uns et pour les autres.

Il nous faut absolument redonner un espoir à nos jeunes, qui représentent notre avenir. Et cet espoir passe par l’emploi. Les jeunes auront ainsi la possibilité de se projeter, de pouvoir accéder plus facilement à un logement autonome et de voir l’horizon s’éclaircir, tout en étant accompagnés dans leur parcours professionnel.

Les chiffres et les études sont en effet alarmants et donnent le vertige. Nous en avons déjà cité plusieurs, mais le dernier constat dressé par l’Organisation internationale du travail, l’OIT, dans un rapport du 22 mai, est sombre : dans le monde, plus de 75 millions de jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont au chômage, soit une augmentation de plus de 4 millions depuis le début de la crise en 2007. Et c’est dans les économies développées et dans l’Union européenne que l’on observe l’augmentation la plus importante de ce taux de chômage.

Au fond, l’objectif de ces emplois d’avenir est simple : donner enfin une première expérience professionnelle solide à une partie de cette jeunesse, qui est aujourd’hui dans la situation la plus critique. « Vous avez le droit d’être exigeants », disait Jean Jaurès en s’adressant à la jeunesse. À nous, législateurs, d’être à la hauteur de cette exigence légitime.

Ce texte parle d’emplois, certes, mais il s’inscrit également au cœur de l’ambition républicaine. Car il exprime la volonté de justice et d’égalité sur notre territoire.

J’ai pour ma part été particulièrement attentive aux dispositions de l’article 2 du texte, qui a pour objet de faciliter l’accès au métier d’enseignant des jeunes lestés par les déterminismes sociaux ou économiques.

Les emplois d’avenir professeur permettront donc d’accompagner des jeunes qui, souhaitant poursuivre des études et se destiner aux métiers de l’enseignement, ne peuvent plus le faire faute de moyens.

C’est une mesure novatrice, qui vise à la fois à diversifier l’origine sociale du corps enseignant et à enrayer la désaffection à l’égard des concours de recrutement.

La première vertu de cet article est de créer un vivier de futurs enseignants. Il permet de rompre avec l’engrenage dont l’éducation nationale était prisonnière depuis une dizaine d’années, et qui a vu, au terme de coupes budgétaires dramatiques, la disparition de près de 90 000 postes d’enseignants.

L’autre exigence du dispositif répond à une forte ambition républicaine : mettre fin à l’exclusion dont sont victimes les jeunes issus de familles modestes, défavorisés face à l’enseignement supérieur.

Dans ses Regards sur l’éducation 2012, l’OCDE engage les gouvernements à faire des efforts pour « inciter les meilleurs talents académiques à devenir enseignants », considérant que « la qualité des enseignants est le facteur le plus déterminant de la performance des élèves ». Ce projet de loi leur permettra donc de se rendre compte de la réalité du métier d’enseignant, tandis que l’on a pu mesurer à l’inverse les dégâts provoqués par la suppression de la formation parmi les jeunes professeurs.

L’emploi d’avenir professeur devrait ainsi encourager les vocations chez les jeunes qui, malgré de bons résultats scolaires et universitaires, n’auraient peut-être jamais envisagé sans cela des études longues trop chères pour eux.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

Mme Maryvonne Blondin. Cette mesure remet en marche l’ascenseur social ! Elle va d’abord permettre aux étudiants les plus modestes d’entrer progressivement dans le métier, en leur offrant un véritable projet professionnalisant, une véritable formation et une aide financière. Voilà une première réponse, concrète, à une angoisse profonde que partagent bon nombre de jeunes, mais aussi leurs familles.

La réforme de la mastérisation, mal pensée et trop hâtive, a en effet entraîné l’éviction des jeunes des catégories sociales les plus modestes, comme l’a exposé tout à l’heure notre collègue Jacques-Bernard Magner.

M. Roland Courteau. Avec talent !

Mme Maryvonne Blondin. Le corps professoral est devenu trop homogène : il n’est plus à l’image de la société ! Or il doit véritablement y avoir adéquation entre la composition sociologique du professorat et celle de la nation. Il convient également de masculiniser le corps enseignant, qui ne peut être composé majoritairement des seules filles de cadres supérieurs ou d’enseignants.

Enfin, ce dispositif revêt un aspect solennel non négligeable et repose sur un acte fort : le contrat. Par ce dernier, les parties s’obligent. C’est un engagement réciproque de responsabilité entre la République et ses jeunes. La confiance est au centre de ce rapport, à l’opposé de ce qui avait cours ces dernières années, des relations fondées sur la défiance et la méfiance.

Les jeunes doivent être considérés non pas comme un problème à résoudre, mais avant tout comme un atout !

Car, à défaut d’offrir des perspectives d’emploi durables à sa jeunesse, ce que propose en l’occurrence le Gouvernement, l’Europe risquerait « non seulement de voir une génération perdue, sacrifiée, mais aussi de mettre en péril sa stabilité politique, sa cohésion, sa justice et sa paix sociales ». Ce sont les termes d’un rapport du Conseil de l’Europe consacré au chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans en Europe, qui a fait l’objet d’une résolution et d’une recommandation adressée au Comité des ministres, adoptées au mois de juin dernier.

Faute de tels investissements et de telles initiatives, nous condamnerions notre propre avenir, et le vers d’Alfred de Musset prendrait tout son sens : « Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. »

Voilà pourquoi c’est avec beaucoup d’enthousiasme et de responsabilité que le groupe socialiste défendra et votera ce premier texte d’une série de dispositifs en faveur de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, le texte que nous examinons a, me semble-t-il, avant tout pour mission de favoriser des solutions d’insertion pour les jeunes pas ou peu qualifiés, qui sont les premières victimes du chômage.

La durée effective des contrats sera d’un à trois ans, et leur prise en charge sera assurée par l’État à hauteur de 75 %.

Certes, plusieurs questions se posent, notamment celle du financement au-delà de cette durée et de la continuité de ces emplois sous forme de contrats à durée indéterminée.

Ces emplois concernent, entre autres, le secteur du tourisme ou des services à la personne, des activités pour l’exercice desquelles les besoins et le potentiel de création d’emplois varient considérablement d’une zone à l’autre.

Pour ma part, je trouve très intéressant qu’une telle disposition ait été élargie aux zones rurales : comme de nombreux parlementaires ou maires, je vois chaque jour venir dans ma permanence des jeunes qui habitent la campagne et sont sans espoir de trouver un emploi.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé le renforcement de Pôle emploi. Je souhaite toutefois que cela ne se fasse pas au détriment de la ruralité. J’habite un département, la Vienne, qui est proche du vôtre. Je constate que les efforts sont aujourd’hui davantage dirigés vers la capitale régionale que vers les petites villes, qui appartiennent au monde rural. Je vous demande simplement d’être vigilants sur ce point.

M. Michel Sapin, ministre. Nous serons vigilants à Argenton-sur-Creuse et à Montmorillon ! (Sourires.)

M. Alain Fouché. Toutefois, avec la logique des zones prioritaires apparaît le risque d’exclure du dispositif des jeunes sans qualification dont le seul tort serait de ne pas être domiciliés dans ces zones. Il faut veiller à ce que la répartition soit équitable.

De manière générale, je pense aussi qu’il faudrait prévoir de vraies mesures pour la formation professionnelle. À l’instar des contrats d’apprentissage, elles permettraient d’offrir une réelle expérience aux jeunes.

La bataille contre le chômage doit être l’affaire de tous, et je ne veux pas, pour ma part, pour telle ou telle raison, et surtout pas par idéologie, combattre un texte qui permettra de créer des emplois pour une partie de la population qui en a le plus besoin, et qui donnera à certains jeunes une première expérience dans la vie active.

Comme je l’ai indiqué à mes amis, à titre personnel, je voterai ce projet de loi.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Alain Fouché. J’estime que, si ce texte ne résout pas structurellement toutes les difficultés d’emploi auxquelles sont confrontés les jeunes, il va dans la bonne direction.

Certes, les contrats arriveront à échéance au bout de trois ans. Ils auront donc une durée plus courte que les emplois-jeunes, dont tous les élus, je le rappelle, ont très largement profité. Seule une partie de ces emplois seront pérennisés, mais ce sera déjà, me semble-t-il, un premier point positif.

Je voterai ces dispositions parce qu’elles me semblent susceptibles d’encourager l’insertion ou la réinsertion des jeunes sur le marché du travail. Dans la période très difficile que nous traversons actuellement, on ne peut pas s’en priver. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cet après-midi a été riche en questionnements et en échanges. Se sont succédé des interrogations de bonne foi, des questions légitimes et des remarques plus pernicieuses.

Je voudrais d’abord saluer ceux de nos collègues de l’opposition qui, dans une démarche pragmatique et honnête, ont annoncé aujourd’hui qu’ils voteraient le texte.

Et comme je suis la dernière oratrice inscrite dans cette discussion générale, je voudrais répondre à un certain nombre de questions qui ont été posées.

Peut-être convient-il d’abord de rappeler en préambule le caractère exceptionnel du dispositif, en raison de la profondeur de la crise et du taux de chômage qui frappe la jeunesse en France, plus particulièrement les jeunes sans qualification. Ce dispositif, nous le voulons temporaire.

Nos collègues de l’opposition, qui étaient encore aux affaires voilà quelques mois et qui reprochent aujourd’hui à ce dispositif de ne pas frapper assez vite et assez fort, auraient pu mettre à profit leur temps de parole pour nous expliquer comment ils ont fait, pendant dix ans, pour laisser filer ainsi le chômage des jeunes et nous léguer une situation aussi douloureuse. Ils auraient pu aussi nous expliquer pourquoi, entre les emplois-jeunes de 1997 et les emplois d’avenir de 2012, il y a un grand blanc, un grand vide dans les politiques de l’emploi en faveur de la jeunesse.

L’opposition de 1997 n’aimait pas les emplois-jeunes ; l’opposition de 2012 n’aimera pas les emplois d’avenir. Telle pourrait être la conclusion de l’après-midi !

Car, pour notre part, nous n’avons pas eu le loisir d’aimer ou de ne pas aimer une quelconque politique de l’emploi en direction des jeunes au cours de ces dix années, tout simplement car il n’y en a pas eu ! Peut-être aurions-nous pu, nous aussi, voter des dispositifs.

Mme Chantal Jouanno. Regardez ce qui se passe en Europe !

Mme Laurence Rossignol. Plusieurs questions ont été posées.

La première concerne le ciblage. Un de nos collègues a demandé s’il s’agit d’un dispositif en faveur des territoires ou en faveur des jeunes. Quel est le critère : les difficultés du territoire ou les difficultés des jeunes ? Malheureusement, c’est souvent la même chose et il est bien rare que des jeunes aillent bien dans un territoire qui va mal ou qu’un territoire aille bien quand les jeunes qui y résident vont mal. Donc, ne nous inquiétons pas, tout le territoire est concerné par le dispositif des emplois d’avenir. Simplement, des zones prioritaires seront corrigées, bénéficieront d’un volume d’emplois d’avenir supérieur.

Deuxième question : les emplois d’avenir devraient-ils être ouverts au secteur marchand ou privé ? Il y a d’ailleurs une ambiguïté entre « marchand » et « privé » puisque, je le rappelle, il y a des activités marchandes dans le secteur associatif et dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

La question de l’ouverture au secteur privé, qui a été défendue cet après-midi par plusieurs de nos collègues, singulièrement par Serge Dassault, est une proposition récurrente, traditionnelle : c’est celle de la réduction de la masse salariale, de la réduction du coût du travail et des exonérations des charges sociales, qui – pardonnez-nous ! – n’est pas non plus, si l’on doit faire l’évaluation de nos originalités et de nos innovations respectives, un registre de propositions extrêmement modernes. Il a été maintes fois tenté, maintes fois expérimenté, avec des résultats assez peu probants.

Troisième question : les emplois seront-ils pérennes ? La question est chaque fois posée. Honnêtement, il n’est pas possible, me semble-t-il, de répondre à cette question, nous n’en savons rien.

Je voudrais en cet instant faire partager à notre assemblée mon expérience d’élue d’une région, qui a mis en place en 2004 – il y a maintenant huit ans – un dispositif, si ce n’est identique, du moins similaire, voisin, de soutien à la création d’emplois dans le secteur associatif. Il a permis, dans une région de 2 millions d’habitants, de créer 1 500 emplois dans le secteur associatif, avec un taux d’aide à l’emploi qui se situait entre 60 % et 75 % d’un SMIC avec les charges ; 1 500 emplois en Picardie, si j’ai bien calculé, cela fera avec les emplois d’avenir au moins 5 000 emplois, je dis « au moins » parce que 5 000, c’est le ratio strict et comme la Picardie est une région en grande difficulté, nous pensons avoir un peu plus.

Dans ce dispositif, nous n’avions mis aucune condition d’employabilité. Qu’avons-nous constaté au bout de huit ans avec un peu de recul ? Premièrement, la très grande majorité des bénéficiaires étaient des jeunes diplômés bac+2 ou bac+3 ou des jeunes ayant des brevets d’État dans le secteur sportif. Deuxièmement, comme dans le dispositif des emplois d’avenir, les conventions portaient non pas sur le contrat de travail, mais sur la création de l’emploi. Donc, les conventions étaient signées pour trois ans et dans ces conventions sur une même durée de trois ans se succédaient plusieurs salariés soit en CDD, soit qui partaient parce qu’ils avaient trouvé un emploi ailleurs et avaient ce pied à l’étrier que l’on attendait.

J’en ai déduit plusieurs choses par rapport aux amendements que nous examinerons tout à l’heure, c’est qu’il faut de la souplesse dans un tel dispositif. (M. le ministre opine.) La rigidité, c’est très probablement la mort du dispositif.

De nombreux amendements de protection à l’égard des salariés ont été déposés, mais ces amendements peuvent être contre-productifs pour la réussite de notre dispositif.

En effet, il faut avoir en tête que nous allons demander au secteur associatif et aux collectivités locales d’embaucher des jeunes en grande difficulté, parfois déscolarisés depuis longtemps, exclus du monde du travail depuis toujours, qui ont décroché. La remise au travail de ces jeunes demandera aux employeurs beaucoup d’énergie et une grande capacité d’adaptation. Il faut avoir cela en tête car la réussite du dispositif ne repose pas simplement sur l’offre que fera le Gouvernement, elle reposera aussi sur la demande qui émanera des territoires et des employeurs potentiels.

Je prendrai un exemple s’agissant de la question de la souplesse. On parle beaucoup de contrat de travail à temps plein ou à temps partiel très élevé. Dans ma région, nous avons développé grâce aux emplois tremplins ou solidaires – appelons-les ainsi – beaucoup de périscolaire dans le milieu rural. Les petites communes n’ont pas les moyens de mettre en place elles-mêmes du périscolaire et ces emplois-là leur ont permis l’accueil des enfants le matin et le soir. Bien entendu, ces emplois n’étaient pas à temps plein et il a fallu corriger le dispositif pour que l’adaptation soit possible.

En conclusion, je dirai trois choses.

Le dispositif exige beaucoup d’adaptabilité des pouvoirs publics, il faut donc un cadre législatif le plus souple possible, qui puisse être régulièrement réajusté, éventuellement par voie réglementaire.

Il faut évaluer tout le temps les dispositifs de ce type, il faut être pragmatique.

Première question que l’on se posera dans quelques mois : ce dispositif a-t-il profité également aux filles et aux garçons ? Tous les dispositifs qui sont généralistes peuvent soit corriger les inégalités, soit les accroître (M. le ministre opine.), cela dépend de l’attention que l’on y porte. Je suggère cela comme premier critère d’évaluation.

Deuxième question, – on n’en a pas parlé cet après-midi, mais on en a beaucoup parlé à l’Assemblée nationale et ici entre collègues – la place des jeunes un peu plus qualifiés que les moins qualifiés, je n’ose pas les appeler les jeunes vraiment qualifiés parce qu’il y a des jeunes bacheliers qui, pour autant, ne trouvent pas leur place dans le monde du travail.

Le projet de loi avait été modifié à l’Assemblée nationale, un amendement ici vise à le rapprocher du texte initial. Peut-être pourrions-nous un peu desserrer l’étau, messieurs les ministres. Desserrer l’étau, cela signifie assouplir l’ouverture à des jeunes bacheliers, par exemple, et peut-être aussi permettre des systèmes de primes, afin que des associations ou des collectivités qui embaucheront un jeune non qualifié puissent embaucher un jeune un peu plus qualifié avec lui. Cela fera deux embauches et, en même temps, cela permettra de soutenir le moins qualifié car il faudra de l’encadrement au côté des jeunes les moins qualifiés.

Enfin, il faut faire de la formation des employeurs. Beaucoup d’associations sont devenues primo-employeurs grâce à ces dispositifs de soutien. J’espère que ce sera le cas pour grand nombre d’entre elles. Or on ne s’improvise pas employeur. Les régions, en particulier, sont prêtes, avec l’État, à mettre en place des procédures de formation des néo-employeurs que fera naître ce dispositif.

Par ailleurs, je m’interroge : le Président de la République a dit, voilà quelques jours, lors de la conférence environnementale que le dispositif des emplois d’avenir serait également dévolu à la transition environnementale. Messieurs les ministres, pourriez-vous nous dire plus précisément sous quelle forme ? En effet, si j’associe jeunes non qualifiés et transition environnementale, dans la mesure où la transition environnementale ne consiste pas simplement à ramasser les papiers gras dans les forêts ou à nettoyer les berges des rivières, mais est tout un dispositif sur la transition énergétique, on a là un gros effort de formation à faire, voire on doit recourir à des jeunes déjà un peu formés.

Pour conclure, je voudrais mettre l’éclairage sur la cohérence de ce texte avec l’ensemble de la politique du Gouvernement (M. Jean-François Husson sourit.), en particulier avec celle qui est menée en faveur du redressement productif et de la réindustrialisation de la France.

Pour être moi-même élue d’une région en grande souffrance de désindustrialisation, il est clair que la pérennisation de l’emploi des jeunes, en particulier des jeunes les moins qualifiés, dépend en grande partie de la réussite de notre politique en matière de redressement industriel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’apporterai simplement quelques éléments de réponse à certains d’entre vous sur le volet qui me concerne sur la formation mise en place dans le cadre du dispositif des emplois d’avenir. Au préalable, je veux bien sûr remercier les rapporteurs Mme Cartron et M. Jeannerot pour l’excellence de leur analyse, qui confirme le travail effectué par la Haute Assemblée et me donne un peu de nostalgie, mais j’y reviens avec plaisir aujourd’hui pour ce premier texte.

M. Ronan Kerdraon. Ce n’est pas long !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ce n’est pas long, effectivement. Peut-être un jour, d’ailleurs, aurai-je le plaisir de vous rejoindre de nouveau… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Je remercie les intervenants qui ont insisté sur cet aspect de la formation, je pense à Isabelle Pasquet, Ronan Kerdraon, Robert Tropeano, Jean Desessard et Jean-Pierre Godefroy. En effet, ils ont souligné aussi la coproduction entre les différents groupes durant le travail entre le Gouvernement et le Parlement, à l’Assemblée nationale mais également au sein de la commission des affaires sociales du Sénat, pour conforter – je l’ai bien noté –, préciser les modalités d’application du volet formation, sans aller – c’est très important – jusqu’à le corseter, à le préciser à un niveau tel qu’il pourrait être rédhibitoire pour d’éventuels employeurs.

Si j’insiste sur ce point, c’est parce que – plusieurs d’entre vous l’ont dit – ce qui est important dans ce texte en matière de formation, c’est l’individualisation de la solution qui sera apportée à chacun des bénéficiaires de l’emploi d’avenir (Mme Maryvonne Blondin opine.), car chaque bénéficiaire est un profil particulier compte tenu de son parcours et de l’emploi qu’il aura la responsabilité d’assumer. J’insiste sur cette dimension car certains amendements, notamment à l’Assemblée nationale, visaient à introduire l’idée qu’il y a une solution en termes de formation, un volume de formation qui doit être le même pour chacun. Cela ne fonctionne pas ainsi (M. Jean Desessard applaudit.), vous le savez.

Chaque cas devra faire l’objet d’un descriptif dans la demande d’agrément qui sera signée par le représentant de l’État dans le département, afin d’être sûr que le volet formation correspondra effectivement à ce qui est nécessaire pour que le jeune assume pleinement l’emploi qui lui sera confié durant cette période de trois ans.

Je vous remercie pour cette analyse que nous partageons, au risque d’exclure des jeunes ou d’éloigner des employeurs potentiels, d’ailleurs Laurence Rossignol y a fait référence voilà quelques instants.

La formation – comme l’a dit Jean Desessard – doit aussi prendre en compte ce que l’on appelle les « services annexes à la formation », la mobilité, le logement. Effectivement, on va aussi trouver des solutions propres à chaque individu pour les services dits « annexes » et qui sont pourtant au cœur même du fait que l’on accède ou non à l’offre de formation. Dans ce cadre-là, nous comptons énormément sur chacune des régions de France, pour qu’elles adaptent elles-mêmes leur carte de formation, pour tenir compte du fait qu’arrive dans un mois, grâce au Parlement et au Gouvernement, un nouveau type de contrat aidé, l’emploi d’avenir, qui nécessite que soit affinée l’offre de formation aujourd’hui disponible dans chaque région.

Sur ce point, je fais écho notamment aux préoccupations de MM. Jean-Étienne Antoinette et Stéphane Mazars, nous devons nous situer effectivement dans un cadre de formation individualisée. C’est, me semble-t-il, fondamental, non seulement pour la réussite du dispositif, mais aussi et surtout pour la réussite, dans une démarche de réinsertion professionnelle, voire pour beaucoup d’entre eux, d’insertion professionnelle, des 150 000 bénéficiaires, des jeunes qui sont ciblés, – je le dis également à Chantal Jouanno – les moins armés.

Effectivement, ce qui différencie aussi ce système par rapport au système antérieur, c’est que nous souhaitons qu’il concerne les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Vous avez dit : Peut-être vous rejoindrai-je si nous avons la certitude, au cours du débat, que nous allons vers celles et ceux qui sont durablement éloignés de l’emploi, de plus d’un an par exemple. Nous sommes dans le cœur de cette cible car les 150 000 jeunes ciblés sont ceux qui n’ont aucune formation ou ont très peu de formation. Donc, par définition, en période de crise tout particulièrement, ce sont celles et ceux qui restent sur le bord du chemin, l’absence de diplôme et de qualification étant rédhibitoire, vous le savez, pour l’accès au travail.

M. Philippe Bas, à la tribune, nous a fait un cours sur la compétitivité, sur ce qu’il fallait faire dans tous les domaines pour revenir à une économie très performante. Monsieur le sénateur, vous avez été sceptique en disant : « l’emploi d’avenir, cela ne va pas nous mener très loin », j’ai repris votre expression.

À la place où nous sommes les uns ou les autres, où nous avons été, monsieur Philippe Bas, il faut faire preuve d’humilité. Se fixer comme objectif d’insérer professionnellement 150 000 emplois d’avenir sur les 150 000 qui sont la cible potentielle dans notre pays, c’est déjà un pas en avant, sur lequel, selon moi, vous pourriez nous retrouver. En effet, même si je ne sais pas si on va aller très loin, il me semble que l’on ira plus loin que par le passé, notamment avec des dispositifs qui ont été créés mais jamais appliqués – vous voyez à quoi je fais référence... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Même si je suis sensible à vos applaudissements, nous devons, je le répète, faire preuve d’humilité. Quoi qu’il en soit, nous ferons cette fois-ci un pas concret dont bénéficieront 150 000 jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans.

Aussi, je vous invite à dépasser les clivages politiques, qui ont été évoqués notamment par Mme Jouanno. En effet, vous pourrez avoir la fierté de dire à ces jeunes qui, à Paris, dans la Manche – peut-être dans votre canton de Saint-Pois, monsieur Bas ! –, dans le département de la Vienne, viendront vous voir dans votre permanence accompagnés de leurs parents que vous avez contribué à faire en sorte que la République leur mette le pied à l’étrier en leur permettant d’avoir pendant trois ans un salaire et une formation.

D’ailleurs, permettez-moi de revenir sur la question de la formation, notamment en écho aux propos de M. Marseille qui a souligné que les emplois d’avenir étaient peu différents des contrats proposés par le passé.

Outre le fait que le ciblage des jeunes est plus exigeant qu’il ne l’était par le passé, compte tenu du fait qu’il s’agit de jeunes sans formation, le dispositif prévoit – c’est, à ma connaissance, la première fois ! – une obligation de mettre en place, dès la signature du contrat de travail, un plan et une action de formation.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous pouvez retourner les termes de ce débat dans tous les sens, vous allez contribuer, et ce, je l’espère, sur le plus grand nombre possible de travées, à mettre en œuvre une obligation de formation pendant un temps de travail. Vous pouvez me contredire, mais c’est, à ma connaissance, la première fois, je le répète, qu’une obligation de formation est inscrite dans un contrat de travail.

Par ailleurs, je veux dire à M. Marseille et à d’autres sénateurs que toutes les formes de formation et de reconnaissance de qualification seront possibles : la VAE, la validation des acquis de l’expérience, mais pas seulement. Tous les outils spécifiques qui existent aujourd’hui et qui sont proposés par les différents organismes de formation, lesquels concourent à améliorer la qualification professionnelle de nos concitoyens, seront mobilisés.

On a beaucoup parlé de la compétitivité de l’économie française, mais la formation en est un élément essentiel en ce qu’elle permet à des entreprises de s’installer sur le territoire national ou de s’y développer.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, j’espère que vous serez, aux côtés de MM. Husson et Fouché, plus nombreux, à l’issue de ce débat, à voter en faveur de ce texte pour ne pas ajouter au regret de ne pas avoir proposé vous-mêmes, par le passé, un contrat de travail assorti d’une formation celui de manquer aujourd'hui la session de rattrapage que nous vous offrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jean Desessard et François Fortassin applaudissent également.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Discussion générale (suite)

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Vietnam

M. le président. Mes chers collègues, j’ai l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une importante délégation de l’Assemblée nationale du Vietnam, conduite par son vice-président M. Huynh Ngoc Son et constituée de membres de la commission de la défense et de la sécurité. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que MM. les ministres se lèvent.)

Cette délégation est reçue au Sénat par notre groupe d’amitié présidé par notre collègue Christian Poncelet ; elle est accompagnée par notre collègue Christiane Kammermann.

Nous formons le vœu que votre visite au Sénat contribue au renforcement des liens d’amitié qui unissent nos deux pays et nous vous souhaitons de fructueux échanges ainsi qu’un excellent séjour parmi nous. (Applaudissements.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Discussion générale (suite)

Création des emplois d'avenir

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d’avenir.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Article 1er (début)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Après les précisions que vient d’apporter Thierry Repentin sur la formation, un sujet absolument décisif sur lequel nous reviendrons, je tiens à verser quelques éléments au débat qui va bien sûr se poursuivre – vous en avez l’habitude, mesdames, messieurs les sénateurs ! – avec la discussion des articles et des amendements. Je n’ai donc pas la prétention de répondre précisément à toutes les questions qui m’ont été posées par les uns et les autres.

Je tiens tout d’abord à remercier les sénateurs et sénatrices, très nombreux, qui se sont exprimés favorablement, voire très favorablement, en faveur de ce texte et ceux qui l’ont soutenu, certains appelant à des améliorations supplémentaires, que le débat saura apporter. Par ailleurs, je tiens également à saluer ceux qui, dans l’opposition, ont dès maintenant apporté leur soutien à ce projet de loi. Cela prouve bien que, lorsqu’on regarde les réalités en face, on peut appuyer des propositions avancées par des personnes qui n’appartiennent pas au même camp politique. (M. Serge Dassault s’exclame.)

Beaucoup d’entre vous ont dit que le constat est partagé. Ce constat, vous le connaissez : 500 000 jeunes sans formation, sans emploi, souvent d’ailleurs depuis très longtemps.

Vous le savez, il y a deux chiffres extrêmement frappants, que j’avais d’ailleurs cités ici même lors d’une réponse à une question d’actualité au Gouvernement.

Au-delà des 3 millions de chômeurs que notre pays compte aujourd'hui – nombre qu’il a malheureusement déjà connu –, ce sont 500 000 jeunes qui sont sans emploi et sans formation. Jamais nous n’avons connu une telle situation ! Certes, nous convergeons sur le constat, mais reconnaissons aussi tous ensemble que jamais autant de jeunes ne se sont retrouvés dans une telle situation.

Par ailleurs, jamais notre pays n’a connu autant de chômeurs de très longue durée : non pas d’une durée d’un an, madame Jouanno – même si c’est déjà très long pour beaucoup d’entre eux, notamment pour les jeunes ! –, mais de plus de trois ans, parmi lesquels une proportion très importante de jeunes qui n’ont jamais eu d’emploi.

Oui, nous convergeons sur le constat, qui n’est pas nouveau, que les jeunes rencontrent des difficultés pour accéder à l’emploi. Certains d’entre vous ont décrit les différents dispositifs proposés jusqu’à présent, et je partage avec eux l’idée que les uns et les autres ont cherché à répondre au problème de l’emploi des jeunes. Toutefois, force est de constater que, après les dix années que nous venons de connaître – pardonnez-moi de le dire, mais je ne cherche pas du tout à polémiquer –, jamais nous n’avons connu une situation aussi critique pour les jeunes.

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !

M. Michel Sapin, ministre. C’est un constat d’échec tant d’un point de vue économique dans la mesure où les entreprises n’ont pas actuellement la capacité d’offrir suffisamment d’emplois à ces jeunes sans formation que d’un point de vue éducatif même s’il s’agit non pas d’un échec de l’éducation nationale en tant que telle, mais d’un échec des politiques de l’éducation nationale, le nombre de jeunes sans formation n’ayant cessé d’augmenter depuis dix ans. Je ne veux pas polémiquer ici, mais les chiffres sont là.

Alors que le nombre de jeunes sortant du dispositif n’a cessé de diminuer au cours des vingt années précédentes, durant lesquelles la gauche n’a pas été seule au pouvoir, celui-ci n’a cessé d’augmenter pendant ces dix dernières années. Sans vouloir rechercher une polémique pour la polémique, ce n’est pas le fruit du hasard ! Peut-être pouvez-vous nous rejoindre là aussi sur ce constat.

Au-delà de ce constat, nous convergeons aussi sur les objectifs : nous voulons, les uns et les autres, quelle que soit notre appartenance politique, faire en sorte que ces jeunes trouvent un emploi que les responsabilités soient collectives ou individuelles. En effet, je ne suis pas de ceux qui considèrent qu’ils n’y sont pour rien ou que c’est toujours la faute d’autrui ; il y a aussi des jeunes qui se sont mis dans cette situation. Même s’ils peuvent être responsables de cette situation, nous devons, à un moment donné, leur offrir des solutions.

Après avoir établi ce constat des responsabilités, y compris politiques, et au vu de la situation actuelle, on peut se demander si le dispositif proposé apporte les réponses adéquates.

À ceux qui me demandent si nous répondons au chômage des jeunes avec les 150 000 emplois d’avenir, je leur dis : évidemment non ! (Mme Maryvonne Blondin opine.) À ceux qui voudraient caricaturer cette mesure au motif que nous n’allons pas répondre au chômage des jeunes, je dis : j’ai la préoccupation d’y répondre. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai expliqué dès le début de mon intervention que l’on ne peut comprendre l’action gouvernementale que si l’on prend en considération les deux dispositifs que nous sommes en train d’élaborer : d’un côté, les emplois d’avenir et, de l’autre, le contrat de génération.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est qu’en prenant en compte ces deux éléments, j’allais dire ces deux piliers de la politique en faveur des jeunes et de l’insertion des jeunes dans l’emploi que l’on peut comprendre l’équilibre de notre politique, y compris au sein du texte qui vous est présenté aujourd’hui, lequel ne cherche pas à répondre à tous les problèmes de ceux qui ont un faible niveau de qualification, voire un niveau supérieur, et qui n’arrivent pas à entrer dans le monde du travail. Un autre texte permettra d’apporter des réponses. Aucune réponse n’est absolue, nous le savons bien, et, de ce point de vue, la modestie est plutôt de mise.

Toutefois, certaines réponses sont plus efficaces que d’autres, et nous avons la prétention, en tout cas la volonté, de considérer que l’efficacité des réponses que nous voulons apporter, y compris au travers des emplois d’avenir, est supérieure à celle des mesures antérieures.

Avant d’aborder les questions qui vont vraiment nous préoccuper durant tout ce débat, permettez-moi de lever deux ambiguïtés.

Tout d’abord, M. Bas a démontré par une règle de trois que nous n’aurions pas les moyens de mener notre politique. Mais la règle de trois ne s’applique pas exactement de cette manière. Vous avez, je ne dirai pas dénoncé, mais critiqué la montée en puissance du dispositif ou, à tout le moins, ironisé sur ce point. Sachez que, dans la loi de finances pour 2012, l’ancienne majorité avait voté 490 000 emplois aidés sans prévoir les crédits correspondants, voulant même que plus de 250 000 emplois aidés – largement plus ! – soient mis en place durant les trois premiers mois de cette année. Or que fait-on ? On diminue la durée du contrat ! Ainsi, madame Jouanno, la durée des CAE, les contrats d’accompagnement dans l’emploi, des contrats à durée déterminée, auxquels recourent aussi les collectivités locales, est passée d’une moyenne affichée de neuf mois à une moyenne de six mois,…

M. Michel Sapin, ministre. … voire de trois mois au début de cette année ! Un contrat pour les mois de janvier, février et mars ! Même pas avril ! Et pourquoi donc ?... Je n’en ai pas compris la raison. Là aussi, c’est une règle de trois, monsieur Bas ! (M. Philippe Bas s’exclame.)

Toutefois, la question étant sérieuse, je vais vous rassurer sur deux points avec le sérieux qui convient.

Nous mettrons en place l’année prochaine – mais, si vous en êtes d’accord, le dispositif pourra être enclenché dès la fin de cette année – 100 000 emplois d’avenir, qui seront complétés par 50 000 emplois supplémentaires l’année suivante. Quel que soit le rythme, nous aurons les crédits pour y faire face. Je dis bien : quel que soit le rythme.

Si ces emplois d’avenir sont un grand succès, ce que nous souhaitons, et si, dès la fin de cette année ou dès le premier trimestre de l’année prochaine, le rythme est très rapide, tant mieux, car cela signifiera que de nombreux jeunes seront sortis de la situation insupportable dans laquelle ils sont aujourd'hui. Plus tôt ce sera, mieux ce sera ! Les crédits ne constitueront jamais un obstacle.

L’emploi est une priorité. Quand le niveau de chômage est tel, notamment chez les jeunes, cette priorité, on ne la choisit même pas, comme ce pourrait être le cas pour ce qui concerne l’éducation nationale ou la sécurité, elle s’impose à nous comme une évidence, comme une exigence.

D’ailleurs, lorsque nous débattrons ensemble ici du budget de l’emploi pour l’année prochaine, vous constaterez que ce budget est naturellement en hausse. Je ne fais pas partie des ministres qui considèrent qu’un bon budget est forcément un budget en hausse. Mais il en sera ainsi pour honorer, au niveau qui conviendra, les emplois d’avenir qui seront créés.

Vous m’avez également demandé, monsieur Bas, si ce dispositif sera mis en place au détriment des autres dispositifs d’aide à l’emploi. La réponse est non. Nous aurons l’année prochaine le même nombre de CAE, que nous répartirons mieux tout au long de l’année ! Nous ne les mettrons pas tous en place dès le premier trimestre et pour des durées très courtes ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Nous aurons les moyens nécessaires pour mettre en œuvre les CAE ou les CIE, les contrats initiative-emploi, ou encore tout autre type de contrat aidé, car nous n’allons pas, dans la période actuelle et eu égard à la situation de chômage que nous connaissons, diminuer les possibilités qui sont les nôtres d’offrir des emplois, dont la durée est parfois trop courte. J’y insiste, nous allons allonger la durée moyenne de ces contrats par rapport à ce que nous avons connu cette année. En effet, pour un adulte en situation de très grande difficulté, trois mois ou six mois, c’est très peu pour s’insérer dans le monde du travail.

J’espère vous avoir rassuré, monsieur Bas : la montée en puissance des emplois d’avenir ne se fera au détriment d’aucune autre politique en faveur de l’emploi.

Permettez-moi d’aborder la question de la durée des contrats, avant de revenir au problème du ciblage, en ce qui concerne tant les publics que les territoires ou les employeurs.

Je vous en prie, ne confondez pas la durée de l’aide et celle du contrat. Soyons clairs : nous créons non pas des contrats d’une durée de trois ans, mais la possibilité pour l’État d’apporter une aide, pendant trois ans, à des contrats dont nous souhaitons qu’ils soient, le plus souvent, à durée indéterminée. Il est possible d’apporter une aide pendant trois ans à un contrat à durée indéterminée. La durée de l’aide n’emporte pas la durée du contrat. Nous souhaitons que les contrats soient le plus long possible et, s’ils ont le choix, les comités de pilotage territoriaux avantageront bien entendu les propositions qui seront faites en contrat à durée indéterminée, auxquels nous apporterons une aide pendant trois ans au maximum.

Telle est la réalité de notre projet et je refuse la caricature qui revient à dire que nous avons inventé le contrat à durée indéterminée de trois ans. J’ai entendu ce type d’accusations, qui ne correspondent pas à notre ambition. Même si je comprends que l’on se pose ce genre de questions, il faut que tout soit clair dans l’esprit des uns et des autres.

J’en viens maintenant à la question dite du ciblage, que nous aurons à approfondir lors de notre débat. Il faut bien se rendre compte que 500 000 jeunes sortent du système scolaire sans emploi ni formation. C’est la première fois qu’une telle situation se présente en France et c’est à eux qu’il faut apporter une réponse !

Alors, bien sûr, aucun dispositif ne doit être trop rigide, ainsi que le faisait remarquer Mme Laurence Rossignol. Une trop grande rigidité nous empêcherait de bien nous adapter à la réalité. Nous ouvrons donc un certain nombre de possibilités à des jeunes peu formés, mais qui ont amorcé une formation. En revanche, plus nous élargirons le dispositif, moins nous toucherons notre cible.

Mme Christiane Demontès et M. Ronan Kerdraon. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. Il nous faut donc faire attention, en restant équilibrés. Le débat permettra de trouver une solution. Le devenir de la loi dépendra aussi des orientations que le Gouvernement donnera aux préfets de région et de département. Il reviendra aux comités de pilotage de faire ces choix, tout en ayant à l’esprit la situation de ces 500 000 jeunes.

J’ai également été interrogé sur le ciblage territorial. J’entends parfois dire – cela a été le cas encore aujourd’hui, mais j’espère qu’à force de me répéter j’arriverai à vous convaincre – que le dispositif sera réservé à certaines zones du territoire. C’est faux ! Tout le territoire français est concerné, mais nous établissons une priorité sur les zones où il y a le plus de besoins. La moindre des choses est quand même de faire en sorte que les territoires comptant le plus de jeunes sans emploi ni formation soient bénéficiaires de moyens en priorité. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

M. Jean-Étienne Antoinette, sénateur de Guyane, signalait à juste titre la situation, non seulement de ce territoire, mais également de tout l’outre-mer. Les taux de chômage parmi les jeunes, notamment sans formation, y sont considérables. Il est donc normal que ces territoires soient prioritaires.

Nous souhaitons également que les zones urbaines sensibles, les ZUS, bénéficient d’une priorité. J’ai rencontré, il y a quelques jours, le maire d’Amiens pour parler des emplois d’avenir. Je prends cet exemple à dessein, eu égard aux événements, condamnables par définition, qui s’y sont déroulés l’été dernier, dans un quartier où, me disait-il, 57 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont au chômage. Est-ce anormal de concentrer et de « prioriser » nos moyens sur des situations de cette nature ? À l’évidence, non ! La logique nous impose de le faire. Mais cela ne veut pas dire non plus qu’il n’y aura aucun moyen ailleurs. Nous pouvons également trouver, dans d’autres parties du territoire, des situations auxquelles les comités de pilotage auront à cœur de répondre.

De grâce, ne confondons pas priorité et exclusivité ! Tout le territoire français est concerné, avec néanmoins certaines priorités. C’est justement le rôle du politique de reconnaître que certains territoires ou certaines populations sont prioritaires, le tout dans le respect de l’égalité de traitement tout à fait normale et légitime dans le cadre de notre Constitution, laquelle considère que le principe d’égalité est non seulement formel, mais qu’il doit également être réel. Or certains territoires, plus en difficulté, ont besoin de davantage d’aide. Telle est d’ailleurs la règle pour tous les mécanismes d’aménagement du territoire.

Enfin, on nous demande souvent pourquoi nous avons ciblé le dispositif sur le secteur que l’on appelle non lucratif, déjà distingué dans le cadre des CAE et des CIE. Je comprends cette interrogation.

En préambule, je répète que ce secteur ne doit pas être assimilé au secteur public. J’ai trop souvent entendu dire que les emplois d’avenir étaient destinés à ce dernier. Les collectivités locales sont, certes, dans le secteur public, mais d’autres structures, telles que les associations, sont concernées. Ne venez pas me dire qu’il s’agit, dans ce cas, du secteur public, car vous risqueriez de vexer beaucoup d’acteurs de ce milieu. Mme Jouanno le connaît bien, car elle a été ministre d’un secteur où le mouvement associatif est décisif.

Il en va de même pour l’économie sociale et solidaire, encore qu’on puisse trouver, dans ce domaine, des organismes qui s’inscrivent dans la concurrence et qui sont à but lucratif.

M. Jean-François Husson. Il n’y a pas de honte !

M. Michel Sapin, ministre. Il n’y pas de bons et de mauvais, si je puis dire.

Pour quelle raison avons-nous fait cela ? Ces 500 000 jeunes, pourquoi se trouvent-ils dans une telle situation ? Monsieur Dassault, le mieux serait évidemment qu’une entreprise les accueille à bras ouverts, en leur disant : « Viens ! Je n’attendais que toi ! » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Mme Sophie Primas et M. Jean-François Husson s’exclament.)

M. Michel Sapin, ministre. Pourquoi y a-t-il des offres d’apprentissage qui ne sont pas pourvues, y compris dans les zones en question ? La raison, que nous pouvons parfaitement partager, est très simple : ces jeunes sont justement trop éloignés et inadaptés par rapport au monde des entreprises privées lucratives – dans ma bouche, ce n’est pas un gros mot ! –, dont les dirigeants réclament de la productivité, de la compétitivité, afin de gagner de l’argent, ce qui est normal. Le chef d’entreprise n’embauche pas un salarié pour le plaisir d’embaucher, mais parce qu’il pense que celui-ci sera productif. Tout cela est parfaitement légitime. Il n’y a pas à discuter ni à critiquer un tel comportement. (M. Jean-François Husson s’exclame.) Seulement, ils sont les premiers à nous dire – vous en avez certainement rencontré autour de vous – qu’ils ont des postes libres, mais qu’ils ne peuvent pas les offrir à certains jeunes qu’ils rencontrent, parce que ceux-ci sont trop éloignés du monde du travail.

L’objectif est justement de faire en sorte que ces jeunes, grâce à notre dispositif, soient formés, ramenés vers l’emploi et réinsérés.

Aussi, je souhaite de tout mon cœur que le plus possible de ces titulaires d’emplois d’avenir, au bout d’un an parce qu’ils auront réappris la discipline du travail ou au bout de deux ans parce qu’ils auront commencé à acquérir une formation, réclament de l’alternance pour apprendre et pour se confronter à la réalité de l’entreprise. Cela voudra dire qu’ils sont revenus vers le monde de l’emploi, y compris dans le secteur privé lucratif, grâce à cet « étrier », ce « coup de pouce » que constitue le dispositif que nous vous proposons d’adopter. Ils pourront ainsi revenir dans la vraie vie, dirais-je.

Pour l’instant, ils sont dans une autre vie et ils sont considérés comme tels par beaucoup trop de gens. Il faut qu’ils reviennent vers nous ! Tel est l’objectif de ce texte !

Nous avons les moyens, nous faisons des choix, nous fixons des priorités, mais en aucun cas nous n’imposons des exclusions, qui seraient fondées soit sur le niveau de qualification – les plus qualifiés pourront bénéficier du contrat de génération –, soit sur l’origine territoriale – tous les territoires seront en mesure d’en profiter –, ou encore sur le secteur économique – le secteur privé lucratif sera concerné par le contrat de génération.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que le jour où vous voudrez en discuter ici, nous nous rappellerons ce que nous avons dit aujourd’hui sur les emplois d’avenir. Peut-être comprendrez-vous, à ce moment-là, que l’on peut avoir une logique, construire un projet pour les jeunes, être dans le concret, dans le précis, dans l’efficace. Nous souhaitons avancer dans cette direction, avec votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. J’informe les membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons à dix-neuf heures trente pour examiner les amendements.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d’avenir.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

EMPLOIS D’AVENIR

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« Emploi d’avenir

« Sous-section 1

« Dispositions générales

« Art. L. 5134-110. – I. – L’emploi d’avenir a pour objet de faciliter l’insertion professionnelle et l’accès à la qualification des jeunes sans emploi âgés de seize à vingt-cinq ans au moment de la signature du contrat de travail soit sans qualification, soit peu qualifiés et rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi, par leur recrutement dans des activités présentant un caractère d’utilité sociale ou environnementale ou ayant un fort potentiel de création d’emplois. Les personnes bénéficiant de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et remplissant ces conditions peuvent accéder à un emploi d’avenir lorsqu’elles sont âgées de moins de trente ans.

« II. – L’emploi d’avenir est destiné en priorité aux jeunes mentionnés au I du présent article qui résident soit dans les zones urbaines sensibles au sens de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ou les zones de revitalisation rurale au sens de l’article 1465 A du code général des impôts, soit dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d’accès à l’emploi.

« III. – (Supprimé)

« Art. L. 5134-111. – (Non modifié) L’aide relative à l’emploi d’avenir peut être attribuée aux employeurs suivants :

« 1° Les organismes de droit privé à but non lucratif ;

« 2° Les collectivités territoriales et leurs groupements ;

« 3° Les autres personnes morales de droit public, à l’exception de l’État ;

« 4° Les groupements d’employeurs mentionnés à l’article L. 1253-1 qui organisent des parcours d’insertion et de qualification ;

« 5° Les structures d’insertion par l’activité économique mentionnées à l’article L. 5132-4.

« Par exception, lorsqu’ils ne relèvent pas d’une des catégories mentionnées aux 1° à 5° du présent article, les employeurs relevant de l’article L. 5422-13 et des 3° et 4° de l’article L. 5424-1 sont éligibles à l’aide relative aux emplois d’avenir s’ils remplissent les conditions fixées par décret en Conseil d’État relatives à leur secteur d’activité et au parcours d’insertion et de qualification proposé au futur bénéficiaire.

« Les particuliers employeurs ne sont pas éligibles à l’aide attribuée au titre d’un emploi d’avenir.

« Pour être éligible à une aide relative à l’emploi d’avenir, l’employeur doit pouvoir justifier de sa capacité, notamment financière, à maintenir l’emploi au moins le temps de son versement.

« Art. L. 5134-112. – L’emploi d’avenir est conclu sous la forme, selon le cas, d’un contrat d’accompagnement dans l’emploi régi par la section 2 du présent chapitre ou d’un contrat initiative-emploi régi par la section 5 du même chapitre. Les dispositions relatives à ces contrats s’appliquent à l’emploi d’avenir, sous réserve des dispositions spécifiques prévues par la présente section.

« Un suivi personnalisé professionnel et, le cas échéant, social du bénéficiaire d’un emploi d’avenir est assuré par l’une des personnes mentionnées à l’article L. 5134-19-1. Un bilan relatif au projet professionnel du bénéficiaire et à la suite donnée à l’emploi d’avenir est notamment réalisé deux mois avant l’échéance de l’aide relative à l’emploi d’avenir.

« Sous-section 2

« Aide à l’insertion professionnelle

« Art. L. 5134-113 A. – (Supprimé)

« Art. L. 5134-113. – (Non modifié) L’aide relative à l’emploi d’avenir est accordée pour une durée minimale de douze mois et pour une durée maximale de trente-six mois, sans pouvoir excéder le terme du contrat de travail.

« Lorsque l’aide a été initialement accordée pour une durée inférieure à trente-six mois, elle peut être prolongée jusqu’à cette durée maximale.

« À titre dérogatoire, afin de permettre au bénéficiaire d’achever une action de formation professionnelle, une prolongation de l’aide au-delà de la durée maximale de trente-six mois peut être autorisée par les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1. La durée de la prolongation ne peut excéder le terme de l’action concernée.

« Art. L. 5134-113-1. – (Suppression maintenue)

« Art. L. 5134-113-2. – (Supprimé)

« Art. L. 5134-114. – La demande d’aide relative à l’emploi d’avenir décrit le contenu du poste proposé, sa position dans l’organisation de la structure employant le bénéficiaire de l’emploi d’avenir, les conditions d’encadrement et de tutorat ainsi que la qualification ou les compétences dont l’acquisition est visée pendant la période en emploi d’avenir. Elle indique obligatoirement les actions de formation, réalisées pendant le temps de travail ou en dehors de celui-ci, qui concourent à l’acquisition de cette qualification ou de ces compétences et les moyens à mobiliser pour y parvenir. Elle précise les modalités d’organisation du temps de travail envisagées afin de permettre la réalisation des actions de formation.

« La demande d’aide décrit également les possibilités de pérennisation des activités et les dispositions de nature à assurer la professionnalisation des emplois.

« En cas de non-respect des engagements de l’employeur, notamment en matière de formation, le remboursement de la totalité des aides publiques perçues est dû à l’État. 

« Sous-section 3

« Contrat de travail

« Art. L. 5134-115. – Le contrat de travail associé à un emploi d’avenir peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée.

« Lorsqu’il est à durée déterminée, il est conclu pour une durée de trente-six mois.

« En cas de circonstances particulières liées soit à la situation ou au parcours du bénéficiaire, soit au projet associé à l’emploi, il peut être conclu initialement pour une durée inférieure, qui ne peut être inférieure à douze mois.

« S’il a été initialement conclu pour une durée inférieure à trente-six mois, il peut être prolongé jusqu’à cette durée maximale.

« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1243-1, il peut être rompu à l’expiration de chacune des périodes annuelles de son exécution à l’initiative du salarié, moyennant le respect d’un préavis de deux semaines, ou de l’employeur, s’il justifie d’une cause réelle et sérieuse, moyennant le respect d’un préavis d’un mois et de la procédure prévue à l’article L. 1232-2.

« Dans le cas prévu au dernier alinéa de l’article L. 5134-113, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1 peuvent autoriser une prolongation du contrat au-delà de la durée maximale de trente-six mois, sans que cette prolongation puisse excéder le terme de l’action de formation concernée.

« Art. L. 5134-116. – Le bénéficiaire d’un emploi d’avenir occupe un emploi à temps plein. 

« Toutefois, lorsque le parcours ou la situation du bénéficiaire le justifient, notamment pour faciliter le suivi d’une action de formation, ou lorsque la nature de l’emploi ou le volume de l’activité ne permettent pas l’emploi d’un salarié à temps complet, la durée hebdomadaire de travail peut être fixée à temps partiel, avec l’accord du salarié, sur autorisation des personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1. Elle ne peut alors être inférieure à la moitié de la durée hebdomadaire de travail à temps plein. Dès lors que les conditions rendent possible une augmentation de la durée hebdomadaire de travail, le contrat ainsi que la demande associée peuvent être modifiés en ce sens avec l’accord des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°.

« Sous-section 3 bis

« Reconnaissance des compétences acquises

« Art. L. 5134-116-1. – (Non modifié) Les compétences acquises dans le cadre de l’emploi d’avenir sont reconnues par une attestation de formation, une attestation d’expérience professionnelle ou une validation des acquis de l’expérience prévue à l’article L. 6411-1.

« La présentation à un examen pour acquérir un diplôme ou à un concours doit être favorisée pendant ou à l’issue de l’emploi d’avenir.

« À l’issue de son emploi d’avenir, le bénéficiaire qui souhaite aboutir dans son parcours d’accès à la qualification peut prétendre aux contrats de travail mentionnés au livre II et au chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie, ainsi qu’aux actions de formation mentionnées à l’article L. 6313-1, selon des modalités définies dans le cadre d’une concertation annuelle du comité de coordination régional de l’emploi et de la formation professionnelle.

« Sous-section 4

« Dispositions d’application

« Art. L. 5134-117 A. – (Supprimé)

« Art. L. 5134-117 B. – (Supprimé)

« Art. L. 5134-117. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section, notamment les niveaux de qualification et les critères d’appréciation des difficultés particulières d’accès à l’emploi mentionnés au I de l’article L. 5134-110, qui peuvent différer selon que les jeunes résident ou non dans des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale ou dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon.

« Dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, des niveaux de qualification supérieurs au baccalauréat peuvent être pris en compte, à titre exceptionnel, pour les jeunes confrontés à des difficultés particulières d’insertion professionnelle.

« Art. L. 5134-117-1 (nouveau). – Les dispositions prises pour l’application de la présente section comportent :

« 1° Des mesures de nature à favoriser une répartition équilibrée des femmes et des hommes par secteur d’activité ;

« 2° Des dispositions particulières applicables aux emplois d’avenir créés dans le secteur de l’aide aux personnes handicapées, de nature à favoriser l’amélioration de la qualité de vie de ces personnes ;

« 3° Les adaptations nécessaires pour tenir compte de la situation particulière des collectivités territoriales d’outre-mer entrant dans son champ d’application. »

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir sur l’article 1er car il contient le cœur du dispositif proposé aux jeunes sans emploi ni qualification, qui sont condamnés à une marginalité sociale certaine, si nous n’agissons pas.

Je tiens à souligner que le taux de pauvreté des jeunes âgés de vingt ans à trente ans a doublé depuis 1970. Le chômage de masse qui frappe en priorité les jeunes depuis trente ans est véritablement un désastre générationnel.

Je veux aussi évoquer la dimension « pouvoir d’achat », qui est prise en compte dans ce projet de loi. En effet, l’ensemble des emplois qui seront créés redistribueront du pouvoir d'achat et participeront donc à la dynamique de la sphère économique.

Cela étant, si tous les jeunes connaissent l’allongement de cet embouteillage au démarrage de leur vie professionnelle, certains, avec la crise, n’ont même plus la chance de pouvoir la démarrer.

Il était donc essentiel que ces emplois dits « emplois d’avenir » s’adressent à celles et à ceux qui n’atteignent même pas une existence statistique, aux non qualifiés ou peu qualifiés, qui sont de plus en plus nombreux à ne même plus faire la démarche de se faire recenser dans les dispositifs existants. Seuls la moitié des 470 000 jeunes sans qualification ni emploi sont inscrits à Pôle emploi ! Les autres, cela a déjà été souligné, sont sortis des écrans radar de la société.

L’emploi d’avenir est aussi une chance, un tremplin pour remonter dans l’ascenseur social en se constituant une véritable expérience professionnelle. Pour ce faire et pour atteindre l’un ou l’autre de ces deux objectifs – la pérennisation ou la qualification –, le dispositif proposé ne tombe pas dans le travers de vouloir reproduire ce qui a marché. La situation a beaucoup changé : les jeunes de 2012 ne sont pas ceux de 1997 ; le marché de l’emploi n’est plus structuré de la même manière, avec l’explosion des temps partiels et l’apparition de nouveaux emplois, emplois technologiques, emplois liés à la gestion du développement durable, emplois de la société de services...

C’est pourquoi j’apprécie que l’emploi d’avenir ait été élaboré comme un dispositif adapté, ajusté de la manière la plus adéquate pour l’employeur et l’employé, en tenant compte, par exemple, de la capacité et du besoin d’un tutorat.

Au plus près des distorsions françaises, ce texte a aussi privilégié une approche territoriale qui nous est chère au Sénat. Priorité est ainsi donnée aux jeunes des zones urbaines sensibles, des zones de revitalisation rurale et de l’outre-mer. Remarquons qu’il s’agit d’un zonage à caractère prioritaire, mais non exclusif.

Ciblage du public, ciblage géographique, accompagnement des jeunes bénéficiaires avec suivi social personnalisé, obligation ou faculté d’un tutorat, sélection des structures titulaires de l’aide et des organismes de suivi, reconnaissance des connaissances et de l’expérience acquises, ce dispositif est précis, complet, structurant et a fait l’objet d’un examen de financement minutieux.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Oui !

M. Roland Courteau. Alors, ne tardons pas ! Je me réjouis que la date d’entrée en vigueur des emplois d’avenir ait été avancée au 1er novembre 2012. Notre jeunesse ne peut plus attendre.

De grâce, que l’on ne me dise pas que les dépenses envers la jeunesse constituent uniquement un coût. Monsieur le ministre, vous avez eu raison de le préciser : nous affirmons au contraire qu’elles constituent un bel investissement sur l’avenir.

Oui, nous sommes soumis à l’urgence d’une situation dont nous venons d’hériter : réparer ce qui a été détruit, reconstruire la cohésion sociale, et cela passe par la lutte contre le chômage.

Aujourd'hui est enfin venu le temps de la mobilisation. En effet, s’il est un domaine où le mot « urgence » s’impose, c’est bien en matière d’emploi et de lutte contre le chômage. C’est là la bataille prioritaire avec la nécessité de prendre non seulement des mesures d’urgence, comme nous le faisons aujourd'hui avec les emplois d’avenir et bientôt avec les contrats de génération, mais aussi des mesures plus structurelles, par l’engagement de réformes de fond de relance de l’emploi.

Bref, aujourd'hui, il s’agit notamment d’envoyer un signal à la jeunesse pour lui dire qu’elle a un avenir et que celui-ci se trouve dans l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme ma collègue Isabelle Pasquet, je considère que, face à la situation dramatique subie par les jeunes de notre pays, il fallait que le Gouvernement agisse promptement. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, modifié d’abord par l'Assemblée nationale, puis par la commission des affaires sociales du Sénat, nous semble amélioré par rapport à sa version initiale.

Ainsi, le volet formation a été renforcé. Cependant, les nouvelles dispositions n’ont pas encore suffisamment de force contraignante pour les employeurs, c’est-à-dire qu’elles ne garantissent pas encore suffisamment leur pleine application. Cela résulte sans doute du fait que les engagements en la matière, comme la pérennisation des contrats, concernent exclusivement la demande d’aide, comme si l’engagement de la structure d’accueil ne valait que pour l’État, au motif que celui-ci finance.

Messieurs les ministres, pour que ces droits soient pleinement opposables aux bénéficiaires des emplois d’avenir, sans doute aurait-il été souhaitable que les engagements de l’employeur figurent non seulement sur la demande d’aide – ce qui est légitime –, mais également sur le contrat de travail qui lie l’employeur au salarié ainsi recruté, ce dernier ne pouvant, en cas de contestation, que se prévaloir de son contrat de travail.

Cela est d’autant plus important que, en raison de la dématérialisation de la procédure de demande d’aide, il semble que, contrairement aux anciens contrats uniques d’insertion, les CUI, les bénéficiaires des emplois d’avenir ne soient pas appelés à signer la demande d’aide. Aussi serait-il utile que les décrets d’application prévoient les modalités d’information des jeunes recrutés quant à l’existence de leurs droits, par exemple en prévoyant, lors de la signature du contrat, un livret d’information.

Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée d’aborder cette question, pour vous interroger, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, sur les conséquences d’un amendement du rapporteur, adopté en commission des affaires sociales, qui tend à supprimer l’obligation d’information des institutions représentatives du personnel sur un sujet pourtant fondamental, « l’exécution de ces contrats, notamment quant aux obligations de formation ».

Si j’ai bien compris, cet amendement de suppression ne serait que formel (M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social opine.), dans la mesure où le code du travail prévoit déjà une disposition similaire. (M. le ministre opine de nouveau.) Or il me semble que cette réponse n’est que partielle et je crains qu’en l’état actuel du droit les dispositions déjà en vigueur ne correspondent pas tout à fait à celles que prévoyait l’alinéa supprimé. En effet, l’article L. 2323-48 du code du travail prévoit effectivement une information des comités d’entreprises et, le cas échéant, des délégués du personnel sur « la conclusion des conventions ouvrant droit à des contrats initiative-emploi [et] à des contrats d’accompagnement dans l’emploi ».

Or le projet de loi prévoyait que l’information portait également sur l’exécution des obligations de formations, ce qui n’est pas le cas dans l’article L. 2323-48. Ce volet formation constitue pourtant une priorité pour notre groupe et une véritable chance pour les bénéficiaires. C’est pourquoi nous considérons que l’information des institutions représentatives du personnel sur l’état d’avancement des actions de formations mises en œuvre est encore légitime.

Messieurs les ministres, je vous poserai une dernière question relative à l’intégration des emplois d’avenir dans l’effectif de la structure d’accueil. À l’heure actuelle, ils en sont exclus, comme l’ensemble des CUI d’ailleurs. Or, au mois d’octobre dernier, le tribunal d’instance de Marseille a rendu une décision contraire au projet de loi, puisqu’il considère que « les salariés en contrats aidés devaient être comptabilisés dans les effectifs des entreprises, ce qui leur donne accès au droit fondamental à une représentation syndicale et à une représentation du personnel ». Le tribunal d’instance a considéré que l’article L. 1111-3 du code du travail, qui exclut les salariés en contrats aidés des effectifs, était contraire au droit européen, plus précisément à la directive du 11 mars 2002 établissant « un cadre général relatif à l’information et à la consultation du travailleur ». Une telle disposition prive « le salarié titulaire d’un contrat aidé [...] du droit de bénéficier d’institutions représentatives du personnel. [Cela] n’est pas conforme au droit communautaire qui détermine une protection minimale à laquelle les États ne peuvent déroger qu’en adoptant des mesures nationales plus favorables aux travailleurs ».

Messieurs les ministres, au regard de cette décision et de sa portée concrète pour les salariés, ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable de revenir sur cette situation ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Giudicelli, sur l'article.

Mme Colette Giudicelli. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la situation du chômage des jeunes est très préoccupante.

Près de 120 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire « sans diplôme », 40 000 jeunes par an décident d’interrompre leurs études sans un niveau de qualification reconnu.

Bien évidemment, nous souhaitons tous aussi trouver des solutions pour notre jeunesse dont l’insertion professionnelle est de plus en plus difficile.

Cependant, messieurs les ministres, nous divergeons sur la méthode et les moyens pour y parvenir. La recette de l’emploi aidé n’est pas la bonne solution pour les jeunes sans formation.

La liste est très longue des dispositifs qui ont échoué ou qui n’ont pas vraiment permis d’insérer les jeunes dans l’emploi. Chacun se souvient des travaux d’utilité collective, les TUC, de 1984, des contrats emploi solidarité, les CES, des contrats emploi consolidé, les CEC, des contrats d’accompagnement dans l’emploi, les CAE, des nouveaux contrats initiative emploi, les CIE, des contrats uniques d’insertion, les CUI, des contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS ; j’en ai certainement oublié. Aujourd’hui, vous nous proposez les emplois d’avenir.

Tous ces emplois aidés qui ont été fort coûteux n’ont jamais vraiment réussi à répondre au problème du chômage des jeunes sans qualification. Procurer une occupation à des jeunes pendant quelques années ne suffit pas. Il faut leur donner une véritable formation qui leur permette d’aller sur le marché de l’emploi trouver un vrai travail.

Dans tous les cas, c’est le développement de l’apprentissage qui devrait être la priorité nationale. Plus de deux tiers des jeunes apprentis décrochent un emploi à l’issue de leur contrat d’apprentissage, près de 90 % au bout de trois ans. L’Allemagne compte 1,6 million d’apprentis, contre 425 000 environ en France !

Au cours des dernières années, les différents gouvernements ont favorisé cette logique de formation et d’insertion professionnelle par alternance au titre desquelles figurent justement les contrats d’apprentissage, mais aussi les contrats de professionnalisation.

Même si je reconnais que le volet formation de ces contrats d’avenir a été amélioré par nos collègues de l'Assemblée nationale, j’ai quelques interrogations concernant ce nouveau dispositif.

Messieurs les ministres, dans un contexte budgétaire extrêmement préoccupant, est-il raisonnable de mobiliser plus de 1,8 milliard d’euros par an ?

Mme Colette Giudicelli. En effet, le coût représentera 1,5 milliard d’euros pour l’État – 75 % du SMIC – et c’est entre 300 millions d'euros et 400 millions d'euros que vous demanderez aux collectivités ou associations.

Sur ce sujet, messieurs les ministres, pouvez-vous nous apporter des précisions sur le coût global de ce dispositif ?

Je m’interroge également sur la fin du contrat. Que se passera-t-il au bout de trois ans ? Que deviendront ces jeunes ?

On nous cite souvent le succès de l’ancien dispositif des emplois jeunes : 60 % de ceux qui avaient un emploi jeune sont restés chez leur employeur à l’issue du contrat. Il s’agit d’un très mauvais exemple, car c’est oublier que 40 % des bénéficiaires étaient des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur. Pour les employeurs, une fois encore, la charge de ces contrats pèsera sur les collectivités ou les associations, générant pour elles des frais de personnel supplémentaires. (M. Jean-Pierre Godefroy hoche la tête.)

Je ne vois pas comment les associations ou les collectivités territoriales pourront financièrement pérenniser ces emplois à l’issue des contrats de trois ans. Par ailleurs, un vrai travail ne saurait être exclusivement un emploi public.

Une autre de mes interrogations porte sur la discrimination territoriale que vous souhaitez mettre en place. L’article 1er du projet de loi accorde une importance essentielle aux territoires. Vous avez décidé de donner la priorité aux jeunes résidant dans certains d’entre eux. L’extension du dispositif aux zones de revitalisation rurale ne règle pas tout.

Messieurs les ministres, vous avez décidé de créer 150 000 emplois d’avenir, alors que la cible du dispositif comprend potentiellement 470 000 jeunes peu ou pas qualifiés.

Ce sont ces territoires prioritaires qui vont consommer la quasi-totalité des moyens.

Certes, les jeunes des quartiers sensibles doivent être accompagnés, mais c’est la situation sociale de chaque jeune concerné qui doit être l’unique critère.

Je ne comprends pas que l’ensemble des jeunes Français en situation de précarité ne puisse pas accéder au dispositif prévu et que vous fixiez comme priorité ceux qui vivent dans les zones défavorisées. (M. le ministre lève les bras au ciel.)

Pour l’ensemble de ces raisons, je ne voterai pas ce projet de loi.

M. Michel Sapin, ministre. Si vous écoutiez ce que l’on dit…

M. Roland Courteau. Notre collègue n’a rien écouté !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.

Mme Sophie Primas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma prise de parole ira dans le sens de celle de ma collègue précédente.

Il est évident que l’insertion professionnelle des jeunes peu ou pas qualifiés est devenue bien difficile dans un contexte de crise économique qui les touche en priorité. La situation de ces jeunes, que nous connaissons tous, eux qui, comme on le dit dans ma banlieue parisienne, « tiennent les murs » tant l’inactivité est importante, est particulièrement préoccupante.

L’objectif fixé par le Gouvernement pour l’insertion des jeunes sans qualification est donc louable et rassemble, nous l’avons dit, toutes les travées de notre hémicycle.

En ce sens, d’ailleurs, je voudrais rappeler que le choix du précédent gouvernement avait été de conduire une politique sans précédent en faveur de l’apprentissage et de la formation en alternance, véritables voies de succès pour une insertion pérenne. Les investissements d’avenir en faveur du développement et de l’extension des établissements, la promotion de l’apprentissage vont porter leurs fruits dans les années à venir. Il aurait d’ailleurs fallu continuer ces efforts en allégeant en particulier les contraintes administratives, souvent trop lourdes pour les entreprises.

Si le dispositif proposé aujourd’hui va dans le sens de la bataille que tout gouvernement doit mener contre ce fléau qu’est l’éloignement des jeunes de l’activité professionnelle, il est en décalage avec la réalité de l’emploi en France.

Ces emplois dits « d’avenir », annoncés quelque peu en urgence, manifestement pour répondre à l’inquiétude grandissante des Français, sont bien sûr insuffisants, vous l’avez dit vous-même tout à l’heure, monsieur le ministre. Je crains que les contrats de génération, que vous nous avez annoncés en complément, ne suffisent pas.

Je regrette que le budget important engagé pour ces emplois conduise à ne créer majoritairement que des contrats temporaires dans un cadre restreint, empêchant la plupart du temps les jeunes concernés de déboucher sur des emplois pérennes.

Il s’agira principalement d’emplois créés dans le secteur public ou le secteur associatif, tous deux soumis à une politique de réduction des dépenses publiques, et dont plusieurs études, menées ici même, au Sénat, ont montré qu’ils ne permettaient pas un taux d’insertion comparable à celui qui existe dans le secteur privé.

Certes, le secteur public et le secteur associatif peuvent être un vivier pour trois ans, mais, in fine, l’objectif primordial doit être de pérenniser les emplois créés et non de précariser à retardement.

Dans les conditions économiques actuelles, nous aurions préféré que vous puissiez proposer de tels contrats avant tout aux entreprises, notamment aux TPE et aux PME (M. Didier Guillaume s’exclame.), quitte à prioriser, en accord avec les organisations professionnelles, les secteurs d’activité en tension dans lesquels l’éloignement des jeunes au travail peut être plus facilement comblé.

Plus grave pour moi, monsieur le ministre, est le fait que ce dispositif me semble inéquitable et inexplicable. Comment expliquer aux jeunes en grande difficulté de ma vallée de Seine industrielle, qui n’auraient pas la chance – quel paradoxe ! – d’habiter dans les quartiers sensibles, qu’ils sont écartés de ce dispositif ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Sapin, ministre. Il faut arrêter !

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Roland Courteau. Vous n’avez rien écouté, ma chère collègue !

Mme Sophie Primas. Pourquoi ajouter à l’injustice sociale une injustice territoriale ?

M. Michel Sapin, ministre. Vous êtes autiste !

Mme Sophie Primas. Merci, monsieur le ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Vous n’écoutez rien !

Mme Sophie Primas. Je lis le texte, monsieur le ministre !

M. Michel Sapin, ministre. Vous lisez mal !

Mme Sophie Primas. En son article 1er, le dispositif vise explicitement, en priorité,…

M. Michel Sapin, ministre. Ah ! « En priorité » !

Mme Sophie Primas. … les jeunes résidant en ZUS, en ZRR ou dans l’outre-mer.

M. Roland Courteau. Cela n’exclut pas les autres !

Mme Sophie Primas. Par conséquent, les jeunes issus de bassins d’emploi en très grande difficulté ou éloignés gravement de l’emploi mais ne résidant pas sur « le bon territoire » seront non prioritaires, donc probablement exclus.

Mme Sophie Primas. Ce n’est pas acceptable. Le dispositif doit concerner chaque jeune en difficulté. Ce qu’il faut viser, c’est non pas le territoire, mais la personne.

M. Didier Guillaume. Exactement !

Mme Sophie Primas. Notre groupe demande donc la suppression de cet article pour ces deux raisons majeures. À défaut, nous proposerons des amendements pour tenter de rétablir en particulier l’égalité de traitement de tous les jeunes,…

Mme Christiane Demontès. Vous n’avez rien fait dans ce domaine !

Mme Sophie Primas. … principe essentiel de notre Constitution et auquel, j’en suis certaine, monsieur le ministre, vous serez sensible, attentif et ouvert.

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l’article.

Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, tout au long de sa campagne présidentielle, François Hollande a fait de la jeunesse « la grande cause » de son quinquennat. La création de 150 000 emplois d’avenir est bien un engagement fort du programme présidentiel, destiné aux jeunes, issus en particulier des quartiers sensibles. Ceux-ci ont en effet un besoin urgent d’une première expérience professionnelle sur une durée longue.

Moi qui suis élue d’un territoire industriel, la Moselle, particulièrement frappé par la crise économique et sociale, je peux vous dire combien un tel dispositif est attendu et urgent, afin que ces générations ne désespèrent pas de la République.

Mon intervention portera sur deux points : l’intérêt du dispositif, en ayant bien présent à l’esprit l’expérience positive des emplois jeunes de la période 1997-2002, et le rôle que peuvent jouer les établissements publics de coopération intercommunale dans la mise en œuvre pratique des emplois d’avenir.

Outre la formation ainsi obtenue, l’expérience professionnelle acquise dans la durée favorise l’accès des jeunes à un emploi à l’issue du programme. Nous devons particulièrement veiller à offrir autant de possibilités d’emploi pour les filles que pour les garçons et appliquer les règles de l’égalité salariale entre hommes et femmes.

Il faut mettre un terme à un faux procès, souvent entendu sur les travées de l’opposition, niant la création d’emplois lors de la mise en place des emplois jeunes. En 2006, les statistiques établies par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, dépendant du ministère de l’emploi, confirment que les emplois jeunes ont permis la création de 310 000 postes entre 1997 et 2002. De plus, les trois quarts des bénéficiaires ont occupé un poste immédiatement après leur sortie du dispositif.

Cette mise au point, qui me tenait à cœur, étant faite, je voulais attirer l’attention du Gouvernement sur le rôle que pourraient jouer, dans la mise en œuvre des emplois d’avenir, les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.

Ces établissements sont bien entendu éligibles en tant qu’employeurs, comme le prévoit le projet de loi au 2° du nouvel article L. 5134-111 du code du travail, qui vise les « collectivités territoriales et leurs groupements ».

Les EPCI, dont une des missions prioritaires est le développement économique et l’aménagement du territoire, peuvent donc être au cœur du dispositif. En outre, les communautés d’agglomération ont, parmi les blocs de compétences obligatoires prévues par la loi, la faculté de choisir la politique de la ville. J’ajoute que la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a instauré l’obligation, pour les EPCI, d’établir un schéma de mutualisation des services entre la communauté et les communes adhérentes. La mise en œuvre du dispositif pourrait, dans un certain nombre de cas, notamment pour des communautés de communes regroupant de petites communes, être un élément de ces schémas en cours d’élaboration.

Monsieur le ministre, en liaison avec votre collègue en charge des collectivités territoriales, pourquoi ne pas engager une concertation à ce sujet avec les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France et l’Assemblée des communautés de France, afin d’encourager le recours aux emplois d’avenir ? Nous savons bien, nous, sénatrices et sénateurs, quelles peuvent être les difficultés concrètes des petites communes, quelle que soit leur bonne volonté, elles qui disposent de moyens humains et budgétaires insuffisants, notamment dans l’encadrement ou encore pour la gestion des ressources humaines.

À mon sens, il est de notre rôle, au sein de la Haute Assemblée, issue des collectivités territoriales, de nous faire le relais de ces aspects pratiques, rencontrés sur le terrain, dans le souci de la réussite de cet enjeu majeur qu’est l’emploi des jeunes et, au-delà, leur insertion dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, les emplois d’avenir sont un dispositif indispensable pour remettre les jeunes sur le chemin de l’emploi et, par conséquent, sur le chemin de la République.

C’est bien du pacte républicain qu’il s’agit et c’est la raison pour laquelle j’interviens sur l’article 1er, qui est le cœur d’un projet de loi que je soutiens avec enthousiasme.

Oui, mes chers collègues, ce texte est une avancée majeure sur le front de l’emploi des jeunes. Son objectif est bien de remettre des dizaines de milliers de jeunes sur les rails de l’emploi et, au-delà-même, j’y insiste, sur le chemin de la République.

Vous l’avez toutes et tous dit au cours de la discussion générale, les chiffres sont éloquents : plus d’un jeune sur deux sans diplôme ne travaille pas. Ces jeunes sont sans horizon, en dehors de la société. Nombre d’entre eux se sentent marginalisés. Ils ont le sentiment d’être laissés de côté par ceux-là mêmes qu’ils accusent de ne s’occuper que de leur propre personne.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Didier Guillaume. Ces jeunes-là, ceux qui doutent de leur avenir comme de leur présent, la société ne doit pas les oublier.

Je soutiens ce texte, car il permettra à ces jeunes de retrouver le chemin de la société. Il ne suffit pas de dire que la République ne laisse aucun de ses enfants sur le côté de la route. La République doit aussi trouver les moyens de créer une harmonie entre les générations. Et ce texte y contribue.

Je ne parle pas seulement de perspectives professionnelles. En effet, comment rêver à une vie meilleure quand on est inactif, comment acquérir la maturité et devenir un adulte sans cette première étape de l’emploi, de l’autonomie financière et, donc, de l’autonomie par rapport aux parents ?

En réalité, la problématique que nous abordons ne concerne pas seulement les jeunes, elle nous concerne tous, les familles, la société. Le chômage des jeunes est une menace très sérieuse pour la cohésion de notre République, pour l’harmonie de notre nation.

Aussi devons-nous répondre à cette question : quelle place voulons-nous accorder aux jeunes dans une société marquée par une crise économique terrible, d’une extrême gravité, qui écrase tout sur son passage ? Même les plus forts souffrent, la finance, les entreprises, les États. Alors, les jeunes, surtout ceux qui sont sans diplôme ni formation, se sentent mis, de fait, au ban de la société.

Les emplois d’avenir, monsieur le ministre, sont un outil nécessaire pour lutter contre ce fléau qu’est le chômage des jeunes.

Cela a été dit, le Président de la République a fait de la jeunesse l’un des thèmes fondateurs de son action. Les contrats de génération, qui seront mis en place dans les semaines à venir au sein des entreprises, sont, comme les emplois d’avenir, au cœur des dispositifs destinés à améliorer la situation des jeunes.

Plus de 700 000 jeunes n’ont ni emploi ni formation. En privilégiant le contrat à durée indéterminée ou le contrat à durée déterminée de trente-six mois, les emplois d’avenir réinsèrent durablement les jeunes dans le monde du travail.

Dans le projet de loi, l’accent est mis sur la formation. Tout est mis en œuvre pour favoriser l’acquisition d’une formation, élément essentiel. La convention passée entre l’employeur et le jeune est un gage de sérieux.

J’entends les critiques visant le coût de la mesure : 500 millions d’euros en 2013, 1,5 milliard d’euros par an dès que les 150 000 emplois seront pourvus. À titre comparatif, je voudrais simplement dire que le bouclier fiscal a représenté un manque à gagner de 2,5 milliards d’euros entre 2007 et 2011 et a mis de nombreux jeunes au chômage.

M. Jean Besson. Tout à fait !

M. Roland Courteau. Et voilà !

M. Didier Guillaume. J’entends les critiques sur des emplois gadgets, des emplois publics au rabais.

Mme Sophie Primas. Ma collègue n’a rien dit de tel !

M. Didier Guillaume. Attention, mes chers collègues, au dénigrement, au fait de considérer qu’il y a des degrés dans la qualité des emplois. Non !

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Didier Guillaume. Tout jeune reprenant une activité ou acquérant un premier emploi, fût-il un emploi d’avenir, est un jeune qui réussit. Cet emploi est une première victoire.

Pour combattre le chômage, nous faisons le choix d’investir sur notre jeunesse, parce que nous croyons en ses talents et que toutes les solutions sont à expérimenter pour les faire émerger.

La France est diverse, les territoires sont divers, mais la jeunesse est la même.

Mes chers collègues, je veux avoir une pensée pour les jeunes qui vivent dans les zones rurales, que l’on pourrait qualifier, au même titre que les ZUS, de « sensibles » : en termes de perspectives d’emplois, la situation y est la même. Bien souvent éloignés des services publics, de l’accès au haut débit, ils se sentent touchés par la double peine.

Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir fait en sorte que le projet de loi s’adresse aussi bien aux jeunes des zones urbaines sensibles qu’à ceux de la ruralité. Il est indispensable que la réponse apportée concerne cette France diverse et l'ensemble des jeunes, qu’ils habitent en ville ou en zone rurale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, on entendra des critiques. Sur les travées de l’opposition, certains vont voter le texte ; d’autres, peut-être, ne le voteront pas. Alors, à ceux qui ne veulent pas voter pour les emplois d’avenir, je demande de voter contre le chômage ! Quant aux membres de la majorité, qui va voter pour les emplois d’avenir, ils auront fait un pas important pour rendre le moral et remettre le pied à l’étrier à la France des jeunes qui se sent délaissée ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher, sur l’article.

M. Serge Larcher. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai beaucoup entendu de critiques au sujet du projet de loi relatif aux emplois d’avenir que nous évoquons aujourd’hui. Tout texte est critiquable, et celui-ci comporte évidemment des aspects qui peuvent être améliorés. Pour le cas d’espèce, ce qui me gêne dans le discours de certains, c’est le caractère strictement idéologique de leur opposition.

Si je les entends bien, l’emploi d’avenir ne serait pas acceptable parce que le rôle de l’État n’est pas de subventionner l’emploi. Si je les entends encore, l’État n’en aurait pas les moyens. Si je les entends, enfin, ces emplois iraient à l’encontre d’un nécessaire mouvement de réduction des effectifs des collectivités publiques.

Je souhaite ici analyser très sereinement ces trois arguments.

Sur le premier point, au sujet du rôle de l’État en matière de financement de ces emplois, je considère qu’il s’agit d’une nécessité.

Certes, dans un monde parfait, la création d’emplois n’a pas besoin d’être encouragée et procède simplement de la rencontre d’un besoin et d’une offre. Mais, en l’occurrence, nous ne sommes pas dans un monde parfait, nous sommes dans un monde en crise. Oui, en crise, et gravement en crise !

Quand près de 500 000 jeunes sont sans emploi et sans formation, il n’est plus temps de se demander si l’État doit agir, il doit agir et il est temps d’agir !

Je le dis avec d’autant plus de conviction que la situation est encore plus dramatique dans les régions d’outre-mer où plus de la moitié des jeunes sont au chômage et parmi eux, 41 % n’ont aucune qualification.

Dans une telle période, l’intervention de l’État en faveur de l’emploi n’est donc pas seulement une option : elle procède d’une nécessité, voire d’une obligation.

Sur le deuxième point, au sujet du coût du dispositif, ce débat dépasse toute logique strictement budgétaire. En fait, la véritable question consiste à se demander quel est le coût du défaut de formation et de l’inactivité chronique d’une partie de la jeunesse. Et au-delà du coût économique de prise en charge de l’exclusion, je parle du coût social et sociétal.

Un pays peut-il espérer se développer durablement en laissant sur le bord de la route une partie de ceux qui devraient justement construire son avenir ? Le coût de l’inactivité, c’est parfois la désespérance, la drogue, la violence. C’est une charge ô combien plus lourde pour notre société que les moyens que mobilisera l’État sur ces emplois d’avenir !

Pour finir, j’aimerais évoquer l’apparente contradiction qui consisterait à vouloir mettre en place d’un tel dispositif dans une période où il y aurait nécessité à réduire les effectifs des collectivités publiques.

L’argument est intéressant, mais ceux qui en usent feignent d’ignorer que cette même période est celle du papy-boom, où le rythme des départs à la retraite est élevé.

Pour ma part, je vois dans les emplois d’avenir une opportunité pour former ceux qui, demain, devront occuper une partie des emplois qui se libèrent. Pour les collectivités territoriales, l’intérêt du dispositif est de pouvoir former progressivement, selon une logique de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, les futurs professionnels du service public. Il ne s’agit pas simplement de créer un effet d’aubaine et d’occuper des jeunes durant trois ans, puis de s’en débarrasser. Il s’agit de les préparer à prendre véritablement et efficacement leur place dans la société.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, il me semble donc, chers collègues, que l’enjeu est bel et bien d’améliorer le dispositif qui est une chance pour notre jeunesse, et notamment celle des outre-mer. Nous voterons donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.

M. Hervé Maurey. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais dire quelques mots sur cet article 1er.

Tout d’abord, sur la forme, j’observe que l’on nous soumet à nouveau un texte selon la procédure accélérée. J’en suis d’autant plus étonné que le ministre M. Sapin avait indiqué à l’Assemblée nationale que ce texte n’était pas urgent. Selon ses propres termes, il n’y avait pas « d’urgence immédiate » à propos de ces emplois, « leur élaboration demande[ra] du temps – nous discuterons notamment des crédits à leur consacrer au moment du débat budgétaire ».

J’observe aussi que, au cours de cette session extraordinaire, nous examinons deux textes selon la procédure accélérée. Et je me demande s’il faut y voir l’amélioration des conditions de travail du Parlement qui nous avait été promise par la majorité et par le Gouvernement ! (Mme Sophie Primas applaudit.) Face à ces deux textes dont nous débattons dans l’urgence, j’ai vraiment le sentiment que l’on est passé de la léthargie de juillet à l’emballement de septembre !

Je voudrais également regretter que ce projet de loi, comme celui sur le logement, aborde la problématique de manière séquencée. On n’arrive pas, avec ce gouvernement, à avoir des textes qui abordent globalement les choses ! C’était vrai de la discussion du projet de loi sur le logement où l’on ne nous a parlé que de logement social ! Et c’est vrai avec l’examen de ce texte, qui aborde uniquement la question du traitement social du chômage chez les jeunes. (M. Jean-Pierre Godefroy hoche la tête.)

Sur le fond, il faut bien évidemment se préoccuper du chômage ! Bien sûr, c’est une priorité ! Bien sûr, nous avons 3 millions de chômeurs ! Bien sûr, la question de l’emploi des jeunes est encore plus préoccupante puisque 470 000 jeunes sont sans emploi, puisque le chômage des jeunes a augmenté très fortement en un an, progressant de 7 % ! Que le Gouvernement s’attaque à cette problématique, c’est donc très bien !

Le problème, c’est que, selon moi, ce qui nous est proposé n’est pas à la hauteur de la situation. En effet, face à ce drame de l’emploi des jeunes, que nous propose le Gouvernement ? Il nous propose, finalement, de réinventer les emplois jeunes de 1997 (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.), mais en moins bien ! (Même mouvement.)

M. Hervé Maurey. Ces emplois sont moins nombreux, ils se limiteront à 150 000, contre 800 000 ! Ils seront moins aidés puisque la prise en charge par l’État se réduira de 80 % à 75 %. La durée de ces emplois sera plus courte, ramenée de cinq ans à trois ans. Et, en plus, ils ne concerneront que certains territoires.

Le pire, c’est que le Gouvernement ne semble pas se rendre compte qu’en réalité la situation a fondamentalement changé en quinze ans. (M. David Assouline s’exclame.) En effet, les emplois jeunes ont été un relatif succès dans la mesure où 60 % des emplois jeunes ont, de fait, été pérennisés, mais la situation a fondamentalement changé. Aujourd’hui, la différence fondamentale par rapport à celle que nous connaissions il y a quinze ans, c’est que les collectivités locales ne sont absolument pas en situation de pérenniser ces emplois.

M. Alain Néri. De la faute à qui ?

M. Didier Guillaume. Vous les avez saignées !

M. Hervé Maurey. On sait très bien que, demain, les collectivités locales dont les dotations stagnent, qui devraient limiter le nombre de leurs emplois, ne pourront pas pérenniser ces emplois. Ce que l’on promet à ces jeunes, c’est donc un emploi parking !

Et c’est d’autant plus préoccupant – nous y reviendrons à l’occasion de l’examen des amendements présentés par notre groupe – qu’il n’y a même pas de réelles garanties sur la formation de ces jeunes dans le cadre de ces emplois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je comprends que vous soyez gênés, mes chers collègues ! Mais j’en appelle à Mme la présidente, ayez la courtoisie de me laisser parler !

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur Maurey, et vous seul !

M. Hervé Maurey. Merci, madame la présidente. Je comprends que mes propos dérangent, mais notre assemblée est habituellement plus courtoise que ce soir !

Il est donc tout à fait regrettable que ces emplois soient essentiellement tournés vers le secteur public et pas davantage vers le secteur marchand, lequel n’est concerné qu’à la marge. Sur ce sujet aussi, nous avons déposé des amendements.

Et il est tout à fait incompréhensible que, dans le cadre d’emplois qui iraient vers le secteur marchand, c’est-à-dire vers les entreprises, les aides n’atteignent pas 75 % mais se limitent à 30 à 35 %, ce qui montre, là encore, une méfiance vis-à-vis des entreprises.

Que recouvre aujourd’hui la question de l’emploi des jeunes ? Elle englobe un problème de formation, un problème d’inadéquation entre l’offre et la demande. Des problèmes auxquels, malheureusement, ce texte ne répond pas. Et elle recouvre aussi le problème du coût du travail.

Précisément, sur la question du coût du travail, on se réjouit que le Président de la République ait découvert l’existence d’un problème de compétitivité dans notre pays ! Mais on aimerait bien voir enfin des actes et des propositions concrètes pour y remédier. Pour le moment, nous en sommes au stade de la découverte du problème de compétitivité, mais les actes ne sont pas en conformité avec cette découverte. En effet, les seuls actes pris par le Gouvernement ont eu pour conséquence d’aggraver les charges des entreprises, avec la suppression de la TVA anti-délocalisations, avec la suppression de l’exonération des charges sociales sur les heures supplémentaires et avec les nouvelles impositions sur les entreprises prévues par le projet de loi de finances.

J’attends vraiment de la part du Gouvernement et de la part de la majorité que l’on aborde ce problème au fond et de manière structurelle ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et sur plusieurs travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, sur l’article.

M. Alain Néri. J’ai écouté avec beaucoup d’attention, mais aussi avec beaucoup de courage tout ce que vient de nous dire notre collègue Maurey. Car il y a quand même dans votre propos, monsieur Maurey, un tissu de contradictions peu banal ! Vous comparez les contrats d’avenir avec les contrats jeunes. Eh bien, écoutez, s’ils ont le même succès que les contrats jeunes, ce sera une réussite…

M. Hervé Maurey. Pas sûr !

M. Alain Néri. … puisque, vous l’avez dit vous-même, 70 % des contrats jeunes ont été pérennisés !

Vous nous dites aussi que les collectivités ne pourront pas financer ces contrats. Je ne voudrais pas être désagréable avec vous, mais permettez-moi tout même de vous rappeler que c’est vous qui êtes responsables de l’étranglement des collectivités locales, de la perte de leur autonomie financière, en particulier ! Ce n’est quand même pas nous qui avons supprimé la taxe professionnelle ! (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Je crois que, dans ce domaine, il faut se rappeler qu’avec les emplois jeunes nous avions rendu l’espoir non seulement aux jeunes, mais aussi aux parents et même aux grands-parents ! (Mme Gisèle Printz et M. Didier Guillaume applaudissent.)

Monsieur Maurey, je ne voudrais pas être cruel avec vous en ce début de soirée, mais puisque vous osez critiquer les mesures proposées aujourd’hui, c’est l’occasion pour moi de vous faire un petit rappel historique. Il vous renvoie quelques années en arrière, à l’époque où vous étiez aux responsabilités. Pourriez-vous nous parler du CPE, s’il vous plaît ? (Rires sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Effectivement, avec le CPE, vous avez eu un véritable succès ! Jamais il n’y a eu autant de personnes dans la rue que contre le CPE ! (Mme Sophie Primas s’exclame.)

M. Jean Besson. M. Assouline s’en souvient !

M. Alain Néri. Au début, c’étaient les jeunes. Mais leurs parents et grands-parents avaient bien compris la supercherie ! Et je suis mesuré dans mes propos quand je parle de supercherie ! Monsieur Maurey, face à un tel bilan, face à une telle situation catastrophique, faites-nous confiance pour redresser les choses ! Mais vous le savez, pour cela, il nous faudra beaucoup de courage, beaucoup d’audace ! En effet, l’héritage que vous nous laissez, à votre place, je n’oserais pas en parler ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Christine Blandin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.

M. Jacky Le Menn. Je crois que vous l’avez tous bien compris, ces contrats d’avenir signent la rencontre d’un besoin et d’une volonté.

Le besoin, nous le connaissons. Je ne pense pas que quiconque dans cette assemblée remette en cause ce que tout le monde a constaté. La volonté, c’est le fait pour ce gouvernement de ne pas rester les bras ballants face à ce drame immense, la situation de nos jeunes concitoyens sans travail, leur désespérance, ressentie sur l’ensemble du territoire, de ne pouvoir – qu’on le déplore ou non – trouver un travail sans diplôme, sans parler d’autres éléments extrêmement discriminants.

Certaines interventions précédentes ont été un amoncellement de contrevérités ou de questions sur lesquelles le ministre a déjà répondu cet après-midi dans le cadre de la discussion générale.

M. Didier Guillaume. Il a très bien répondu !

M. Roland Courteau. Ils n’ont pas écouté !

M. Jacky Le Menn. Le ministre a, en effet, très bien répondu.

En ce qui concerne la question du financement, il s’agit d’un financement pendant trois ans. Mais les contrats à durée indéterminée peuvent aller au-delà de trois ans. Les choses sont claires. À entendre certains collègues de la minorité, on a l’impression qu’au bout de trois ans tout va s’arrêter. Non ! Tel n’est pas le cas !

Le ministre M. Repentin a très longuement explicité au cours de la discussion générale les différents éléments de l’ensemble du système de formation. Le tutorat, qui sera en accompagnement, est un point fort sur lequel il faut insister, car il a fait ses preuves dans le passé et il les fait encore, ici ou là, dans l’Hexagone. Le tutorat offre une possibilité de redonner le punch et la capacité d’aller vers un véritable emploi aux jeunes en difficulté pour des raisons diverses – dont l’origine est parfois dans la société, parfois dans le système scolaire, autre dossier sur lequel se penche le Gouvernement. 

Autre contrevérité : on laisse entendre que ce dispositif concerne uniquement certains territoires. Or il a vocation à s’appliquer sur l’ensemble de notre pays.

Il est cependant vrai que la priorité est donnée à certains territoires, notamment en outre-mer, car ils connaissent un niveau très élevé de déshérence en matière d’emploi des jeunes sans qualification.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Jacky Le Menn. Je souhaite que l’ensemble de la représentation nationale, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, fasse bloc et corps pour aider nos jeunes en difficulté,…

M. Jacky Le Menn. … en ayant conscience que ce dispositif constitue l’un des éléments d’un plan d’ensemble qui a été récemment explicité par le chef du Gouvernement. D’autres mesures viendront par la suite, parmi lesquelles figurera le contrat de génération.

Ce dispositif n’est qu’un élément d’une stratégie globale de lutte contre le chômage. Je m’étonne et déplore donc que la minorité ne saisisse pas cette occasion qui lui est offerte de faire amende honorable eu égard à la politique menée avant que François Hollande soit élu Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. L’amendement n° 68, présenté par Mme Procaccia, MM. Cardoux et Milon, Mme Debré, M. Lorrain, Mme Deroche, M. Laménie, Mmes Jouanno, Bouchart et Bruguière, MM. Dériot, Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Kammermann, MM. Pinton, Savary, Cambon, J. Gautier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Je n’étais pas en séance cet après-midi, car je participais aux états généraux des collectivités. Ne nous reprochez donc pas, mes chers collègues, de ne pas avoir entendu les propos de MM. les ministres ! Il existe d’autres priorités, qui sont aussi celles du président du Sénat.

Jusqu’à présent, aucun membre du groupe UMP du Sénat n’a nié le fait que la situation de l’emploi des jeunes peu ou pas qualifiés était alarmante. Nous partageons ce constat, tout comme la volonté d’agir. Nous considérons cependant que le dispositif des emplois d’avenir que vous proposez est un acte de communication, dans la mesure où ces formules d’aide à l’emploi existent d’ores et déjà.

La formule du contrat aidé a été éprouvée de nombreuses fois, par la gauche et par la précédente majorité.

Nous pourrions souscrire à cette formule – même s’il s’agit selon nous d’une solution ponctuelle et de faible ampleur ! – si elle ne présentait pas un certain nombre de défauts que nous jugeons majeurs.

Comme l’a dénoncé ma collègue Chantal Jouanno cet après-midi, avec l’emploi d’avenir, vous accomplissez l’exploit de créer un CDD de trois ans,…

M. Michel Sapin, ministre. Oh !

Mme Catherine Procaccia. … ce que la droite n’aurait jamais osé faire !

M. Michel Sapin, ministre. Et les CAE ? Ce sont des CDD de six mois !

Mme Catherine Procaccia. Il faut certes créer des CDI ; mais combien de ces contrats seront-ils proposés ? Nous ferons le bilan. À mon avis, on comptera surtout des CDD.

Il est surprenant que vous mettiez en place des CDD de trois ans, alors que la durée de tels contrats, selon le droit du travail, ne peut excéder deux ans. Il est tout de même étonnant que vous ne respectiez pas cette règle !

Même si vous espérez le contraire, messieurs les ministres, ce dispositif, au lieu de déboucher sur des emplois stables, ne créera que des emplois précaires. Or nous souhaitons tous que soient créés des emplois pérennes. Encore faudrait-il, pour cela, favoriser le secteur marchand et l’économique, seuls secteurs qui créent réellement des richesses.

Nous reprochons par ailleurs à ce dispositif son ciblage vers un certain nombre de zones, telles que les ZUS, les ZRR et les territoires d’outre-mer.

J’évoquerai simplement les zones urbaines. Dans le cadre du vaste programme national de rénovation urbaine que nous avons mis en œuvre, nous avons déplacé des populations. Comment annoncer à certains jeunes qu’ils ne seront pas prioritaires, car ils habitent 500 mètres plus loin de leur ancien domicile ? Que répondront les maires, ici présents, aux jeunes de leurs communes qui viendront leur demander de l’aide pour bénéficier d’un emploi d’avenir ? Leur diront-ils « non » ou « peut-être, si les emplois réservés aux zones prioritaires ne sont pas pourvus » ?

Si ce dispositif n’est pas grandement amélioré, mon groupe ne le votera pas. (Mme Sophie Primas et M. Serge Dassault applaudissent.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement radical, puisqu’il vise à supprimer l’article 1er du projet de loi, repose sur de faux attendus. Vous semblez confondre, en particulier, exclusivité et priorité.

Je tiens à réaffirmer ici avec force, à l’appui des propos tenus cet après-midi par MM. les ministres, que tous les jeunes pourront bénéficier du dispositif des emplois d’avenir. Pour cette raison essentielle, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon, Savary, Cambon et Dallier, Mme Primas et M. Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase :

Remplacer le nombre :

seize

par le nombre :

dix-huit

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Nous avons déjà eu cette discussion en commission avec M. le ministre du travail.

M. Michel Sapin, ministre. Et je vous ai répondu !

Mme Catherine Procaccia. Il nous semblait bizarre que ce dispositif concerne des jeunes âgés de seize à dix-huit ans.

Les emplois d’avenir concernent en effet, prioritairement, des jeunes ayant connu des problèmes d’insertion ou plusieurs années de galère. Comment considérer qu’à seize ou dix-sept ans, on est déjà exclu du système scolaire ou du marché de l’emploi ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Christiane Demontès. Vous ne connaissez pas la situation des jeunes ?

Mme Catherine Procaccia. Il existe d’autres façons de résoudre le problème, et en tout premier lieu l’enseignement. Il faudrait d’abord faire en sorte que ces jeunes ne quittent pas le système scolaire. L’apprentissage est une autre de ces solutions.

Vous avez reconnu en commission, monsieur le ministre du travail, que l’âge de seize ans n’était pas opportun, mais vous nous avez expliqué qu’il s’agissait de faire bénéficier des emplois d’avenir des jeunes âgés de dix-sept ou dix-sept ans et demi. Je vous ai bien écouté, et je rectifie mon amendement afin de remplacer le mot : « seize » par le mot : « dix-sept », et non plus par le mot : « dix-huit ». En effet, entre seize et dix-sept ans, lorsqu’un jeune a quitté le système scolaire, il y a peut-être d’autres voies à explorer que les emplois d’avenir.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mmes Procaccia, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon, Savary, Cambon et Dallier, Mme Primas et M. Mayet, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase :

Remplacer le nombre :

seize

par le nombre :

dix-sept

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous souhaitons tous, mes chers collègues, que les mineurs âgés de seize à dix-sept ans bénéficient d’une formation en alternance ou restent intégrés dans le système scolaire. C’est une exigence à laquelle nous souscrivons tous.

Il nous faut malheureusement être réalistes : un certain nombre de jeunes « décrochent » du système scolaire, ne suivent pas de formation en alternance, ne bénéficient ni d’un emploi ni d’une formation, et sont demandeurs d’emploi. Pour ceux-là, l’emploi d’avenir est tout à fait adapté. Il doit leur permettre, le cas échéant, de s’orienter soit vers un processus qualifiant, soit vers l’alternance, et donc de trouver un débouché leur permettant d’échapper au chômage.

C’est pourquoi nous ne pouvons pas vous suivre, madame Procaccia. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 89 rectifié, présenté par MM. Tropeano, Mazars, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

peu qualifiés

par les mots :

ayant acquis un niveau de qualification V ou IV

La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Cet amendement vise à préciser les niveaux de qualification du public concerné, et donc le champ d’application du dispositif. Aux termes de l’article 1er, ce public est composé de jeunes peu qualifiés.

D’après les informations fournies par le Gouvernement à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, ces jeunes peu qualifiés relèvent d’une qualification de niveau V, qui correspond aux diplômes du CAP ou du BEP, ou de niveau IV, qui correspond au baccalauréat.

Il s’agit donc de préciser quel est le public concerné par le dispositif des emplois d’avenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les précisions proposées et qui semblent éclairer le texte relèvent du domaine réglementaire et n’ont donc pas à figurer dans la loi. Aussi, j’invite notre collègue à retirer son amendement ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je confirme les propos du rapporteur. Les dispositions relatives aux niveaux de qualification sont exclusivement d’ordre réglementaire.

Il serait inédit d’inscrire dans la loi de telles précisions, mais également inopportun. Des problèmes pourraient en outre se poser ultérieurement, en cas de modification des classifications par décret.

Mme la présidente. Monsieur Mazars, l’amendement n° 89 rectifié est-il maintenu ?

M. Stéphane Mazars. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 89 rectifié est retiré.

L’amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Dallier et Lefèvre et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 6, dernière phrase

Supprimer les mots :

et remplissant ces conditions

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à élargir l’éligibilité aux emplois d’avenir pour les personnes handicapées, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé devenant, en soi, le motif d’accès à ce dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement est généreux puisqu’il tend à prévoir que toutes les personnes handicapées, sans condition d’âge ni de niveau de diplôme, puissent accéder aux emplois d’avenir.

Je tiens à rappeler simplement que ces emplois sont conçus pour des jeunes sans qualification. On ne saurait donc les rendre accessibles à l’ensemble des personnes handicapées sans changer la nature du dispositif. Bien que votre objectif mérite d’être partagé, madame la sénatrice, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Les dispositions de ce projet de loi ne concernent pas l’ensemble des classes d’âge, mais seulement les jeunes.

L’Assemblée nationale a judicieusement reporté à trente ans l’âge limite pour les handicapés souhaitant bénéficier d’un emploi d’avenir, afin de tenir compte des retards de scolarité, d’insertion et de professionnalisation habituellement liés aux situations de handicap. Des précisions homothétiques existent d’ailleurs dans des textes portant création d’autres dispositifs en faveur des jeunes.

Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. Madame Deroche, l’amendement n° 103 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Deroche. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 103 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 12 rectifié est présenté par Mmes Procaccia, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon, Pinton, Savary, Cambon et Dallier, Mme Primas et M. Mayet.

L’amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l’Union Centriste et Républicaine.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l’amendement n° 12 rectifié.

Mme Catherine Procaccia. Je l’ai déjà dit, et je le répète, les jeunes peu ou pas qualifiés ne vivent pas tous dans les ZUS ou les autres territoires défavorisés. Si tel était le cas, et si la situation géographique était le seul critère permettant d’accéder au dispositif, il serait aisé de recenser les personnes concernées et sans doute plus facile de régler le problème.

Quelle différence y a-t-il, qu’ils habitent une ZUS, un quartier voisin ou la ville d’à-côté, entre jeunes peu ou pas qualifiés ? Je suis élue d’un département qui compte vingt-trois ZUS, où vit à peu près 10 % de la population. Comment les associations, les collectivités, les maires vont-ils pouvoir expliquer que certains jeunes sont éligibles et prioritaires, mais que d’autres, pourtant confrontés aux mêmes difficultés, ne le sont pas ?

La différenciation géographique me paraît purement théorique, en particulier dans une ville qui compte une ZUS ou encore sur le territoire d’une agglomération où il y a plusieurs de ces zones.

Le repérage des jeunes en difficulté inconnus des services publics de l’emploi, inconnus des missions locales pour l’emploi, est un enjeu important. Regrettant que le dispositif soit limité géographiquement, nous souhaitons, puisque l’article 1er n’a pas été supprimé, que l’alinéa 7 le soit.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l'amendement n° 30 rectifié.

M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet de supprimer toute priorité territoriale dans l'attribution des emplois d'avenir.

Ces emplois sont réservés aux jeunes de seize à vingt-cinq ans peu ou pas formés, mais, dans son état actuel, le texte institue, à côté de cette règle générale, une priorité en faveur des jeunes résidents de certains territoires identifiés. À nos yeux, il crée ainsi une ambiguïté et une double condition. Nous l’avons dit dans la discussion générale, nous nous interrogeons sur la future répartition des contrats entre les jeunes issus de ces territoires et les autres.

Nous considérons que le ciblage territorial est un élément superfétatoire, raison pour laquelle nous proposons sa suppression.

Mme la présidente. L'amendement n° 91 rectifié, présenté par MM. Tropeano, Mazars, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - L'emploi d'avenir est destiné en priorité aux jeunes mentionnés au I du présent article qui résident dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d'accès à l'emploi.

II. - En conséquence, alinéa 50

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 5134-117. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section, notamment les niveaux de qualification et les critères d’appréciation des difficultés particulières d’accès à l’emploi mentionnés au I de l’article L. 5134-110.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Le projet de loi prévoit que les emplois d’avenir s’adresseront en priorité aux jeunes vivant dans les zones urbaines sensibles, dans les zones de revitalisation rurale, dans les départements d’outre-mer ou dans les territoires où ils connaissent des difficultés particulières d’accès à l’emploi.

Si nous sommes tous d’accord sur la nécessité d’adopter des mesures d’urgence – et les emplois d’avenir en font partie – afin de ne pas laisser de côté tous ces jeunes en extrême difficulté et de leur permettre de trouver enfin un emploi, il est pour nous essentiel de n’exclure personne.

Dans cet amendement, nous proposions donc de supprimer les références aux ZUS, aux ZRR et à l’outre-mer pour ne conserver que la notion de « territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d’accès à l’emploi ».

En fait, messieurs les ministres, nous craignions de grandes distorsions, qui seraient injustifiées, à l’intérieur d’un même département, mais nous avons écouté vos explications, s’agissant notamment de la latitude qu’auront les préfets de prendre en compte l’ensemble de nos territoires sans oublier quiconque, et ces explications nous ont rassurés.

Nous retirons donc notre amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 91 rectifié est retiré.

L'amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Mazars, Tropeano, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« II. - L'emploi d'avenir est destiné en priorité aux jeunes mentionnés au I du présent article qui :

« - soit résident dans les zones urbaines sensibles au sens de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, les zones de revitalisation rurale au sens de l'article 1465 A du code général des impôts, dans les départements d'outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, ou dans les territoires dans lesquels les jeunes connaissent des difficultés particulières d'accès à l'emploi,

« - soit ont effectué pendant une durée minimale leurs études secondaires dans un établissement relevant d’une zone d'éducation prioritaire.

II. - En conséquence, alinéa 50

Après les mots :

à Saint-Martin

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou qu’ils ont effectué ou non leurs études secondaires dans un établissement relevant d’une zone d'éducation prioritaire.

La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Cet amendement a trait lui aussi au champ d’application du dispositif.

Il nous a semblé que les emplois d’avenir devaient s’adresser prioritairement, non seulement aux jeunes vivant en ZUS, en ZRR – ajout dû à l’Assemblée nationale – et outre-mer, mais également – ils avaient été oubliés - aux jeunes ayant effectué une partie de leur scolarité dans des zones d'éducation prioritaire, lesquelles accueillent des élèves dont l’environnement socio-économique est particulièrement défavorisé et méritent de ce fait une mention explicite.

Mme la présidente. L'amendement n° 84, présenté par M. Fontaine, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

départements d'outre-mer,

insérer les mots :

pour les jeunes âgés de moins de trente ans

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 85 rectifié, présenté par M. Dallier, Mme Procaccia, M. Lefèvre et Mme Deroche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots : 

Saint-Pierre-et-Miquelon,

insérer les mots :

soit dans la région Île-de-France,

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement vise à étendre le dispositif à l’Île-de-France, région qui compte le plus grand nombre de ZUS. Dans mon département, je l’ai dit, ces zones représentent 10 % des habitants.

Le dispositif a été étendu à l’outre-mer, avec justesse puisque l’accès à l’emploi y est particulièrement difficile. Mais on sait aussi qu’il y a beaucoup plus de jeunes en difficulté dans le 93 ou dans le 94 qu’ailleurs. Nous suggérons donc d’étendre le dispositif à l’Île-de-France sans distinction de zones, ce qui réglera déjà bon nombre de problèmes.

Mme la présidente. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain, Milon, Pinton, Savary, Cambon et Dallier, Mme Primas et M. Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

, soit à tout jeune qui rencontre des difficultés d’insertion professionnelle proposées par les missions pour l’emploi, Pôle emploi ou une association d’insertion

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Au cours des travaux de la commission, il nous a bien été dit que le repérage des jeunes en difficulté serait effectué par Pôle emploi et, surtout, par les missions locales pour l’emploi, puisque les futurs emplois d’avenir s’adresseront aux jeunes qui rencontrent des difficultés d’insertion professionnelle.

Dans le même esprit que nos autres amendements sur ce thème, nous proposons ici d’étendre le dispositif à tous les jeunes qui seront repérés par les missions locales pour l’emploi ou encore par les associations d’insertion, et cela en dehors de tout critère géographique, étant précisé que je parle bien là de priorité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Contrairement à ce qui est affirmé par les auteurs des amendements identiques nos 12 rectifié et 30 rectifié, aucun jeune en difficulté n’est exclu du dispositif,…

Mme Catherine Procaccia. Mais il n’est pas prioritaire !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. … comme nous n’allons cesser de le redire ce soir.

Il est simplement question de faire porter l’effort, par priorité – je reprends les termes mêmes du texte –, sur les parties de notre territoire qui concentrent le plus de problèmes économiques et sociaux, soit les ZUS, les ZRR et les collectivités et départements d’outre-mer. C’est une mesure de bon sens et de bonne gestion, car ce sont dans ces territoires que se concentrent les besoins les plus importants.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

L’amendement n° 90 rectifié est un peu différent. Il a pour objet de modifier la définition du public prioritaire pour l’accès aux emplois d’avenir afin d’y intégrer les jeunes qui ont étudié un certain temps dans une zone d’éducation prioritaire.

À l’évidence, cette condition supplémentaire compliquerait singulièrement la mise en œuvre du dispositif.

De plus, ce serait une forme de stigmatisation du jeune venant d’une ZEP, qui serait en somme définitivement catalogué comme tel. Je pense que le fait d’avoir étudié dans une telle zone ne peut pas constituer un critère. En revanche, le fait de l’avoir quittée pour une zone qui devient prioritaire relève d’une approche beaucoup plus dynamique.

Nous ne sommes donc pas favorables à cet amendement.

Les auteurs de l’amendement n° 85 rectifié proposent de faire de toute l’Île-de-France une zone prioritaire.

Chacun comprendra ici qu’il n’est pas question, en raison de la configuration même de cette région, qui comprend des quartiers privilégiés et des zones très avantagées, de considérer l’Île-de-France dans sa globalité comme une seule et même zone prioritaire pour l’accès aux emplois d’avenir.

L’avis est donc défavorable.

Enfin, il nous semble que l’amendement n° 6 rectifié est satisfait. En effet – et cela va revenir comme une antienne tout au long de la soirée –, tout jeune sans emploi et faiblement qualifié rencontrant des difficultés particulières d’accès à l’emploi pourra être recruté en emploi d’avenir quel que soit son lieu d’implantation.

Il y a simplement, je le répète, un effort particulier en direction des ZUS, des ZRR et de l’outre-mer, où le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé.

Je demande donc le retrait de cet amendement, sur lequel la commission émettra sinon un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Tout a été dit sur le sujet, mais, comme j’ai l’impression que certains continuent à répéter les arguments qui leur ont été préparés sans avoir entendu les nôtres,…

M. Roland Courteau. Ils n’écoutent pas !

M. Michel Sapin, ministre. … je vais redire, de manière solennelle à défaut de pouvoir être définitive, madame Procaccia, que tout le territoire français est concerné par les emplois d’avenir.

Je rappelle cependant trois chiffres : en France, le taux de chômage des jeunes est de 22 % ; dans les ZUS, il est supérieur à 50 % ; outre-mer, il est de près de 60 %...

Entre un taux de 22 % en moyenne nationale et des taux de 50 % ou de 60 %, je vois pour ma part une différence, qui traduit la concentration des difficultés que rencontrent les jeunes sur certains territoires. Dès lors, qu’il soit écrit dans le texte que les emplois d’avenir, qui s’adressent à tous les jeunes sur l’ensemble du territoire, sont prioritairement affectés dans les zones qui comptent le plus de jeunes en difficulté me paraît d’une logique accessible à tous et à toutes !

Il ne sert donc à rien de répéter, prise de parole après prise de parole, que certains jeunes sont exclus, car aucun ne l’est ! Vous devriez plutôt participer avec nous à cet effort en faveur de populations, de quartiers, de zones aussi bien urbaines que rurales – souvent situées dans les îles, mais pas nécessairement partout en Île-de-France (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) – en grande difficulté.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. D’ailleurs, vous avez mené de nombreuses politiques d’aménagement du territoire fondées sur le même principe. Prenez les zones franches : ce n’est pas nous qui les avons inventées, tout de même ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Et, dans une zone franche urbaine, suivant que l’on habite ou non du bon côté de la rue, on bénéficie d’aides ou pas ! Voilà un dispositif qui excluait des gens, dont des jeunes, et c’est vous qui l’avez instauré ! (Protestations sur les mêmes travées.) Et vous voudriez imputer à cette majorité les défauts de vos propres dispositifs ? Non, nous avons progressé, nous avons tiré des enseignements de l’intelligence collective, et c'est pourquoi nous proposons un dispositif qui vaut pour tous, avec seulement quelques priorités. C’est tout de même simple ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Le Gouvernement émet donc le même avis que la commission sur ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je m’exprime sans notes, avec la sincérité d’un élu local qui essaie de s’adapter aux textes proposés.

Les lois sont bavardes. Pourquoi préciser dans un projet de loi que la priorité est donnée à certaines catégories de jeunes ? Cela va de soi ! Si vous inscrivez cette priorité dans la loi, cela aura des conséquences. Je représente un territoire rural, divisé en bassins de vie relativement larges. À l’intérieur de ceux-ci, certains cantons sont classés en ZRR, tandis que d’autres ne le sont pas. Il nous faudra donc expliquer – car il y aura évidemment un problème de crédits, ne nous faisons aucune illusion – que certains jeunes du territoire seront considérés comme prioritaires, alors que d’autres attendront.

Puisque nous sommes d'accord pour estimer que certains jeunes méritent plus que d’autres d’être aidés, pourquoi le dire dans la loi ? Il va de soi que, lorsque l’on ouvre un guichet, tous ceux qui se présentent n’ont pas droit aux dispositifs proposés. On fixe un certain nombre de critères, l’ancienneté, la qualification, l’âge ou le milieu social, par exemple. Pourquoi voulez-vous inscrire dans la loi des critères géographiques ?

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que votre intervention était surprenante – je ne dirais pas déplacée. Ce n’est pas la peine de sortir de vos gonds…

M. Michel Sapin, ministre. Je peux le faire !

M. Jean-Claude Lenoir. … pour insinuer que nous n’avons rien compris ou que nous lisons des papiers écrits à l’avance. Non, monsieur le ministre, je ne lis pas de papier, je suis un élu local et je vous dis exactement ce que je pense.

Les amendements proposés – certains ont malheureusement été retirés, alors qu’ils étaient de bon sens et avaient été déposés par des membres d’un groupe appartenant à la majorité sénatoriale – tendant tous à rappeler que, comme vous l’avez déclaré vous-même, tous les jeunes sont concernés par le dispositif. Pourquoi donc flécher des priorités ?

Je m’adresse à la majorité sénatoriale : il faut faire preuve d’un peu de bon sens, de pragmatisme, et voter les amendements en discussion. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergoz, pour explication de vote.

M. Michel Vergoz. Il est très difficile, pour nous autres Domiens, de ne pas prendre la parole alors que, depuis le début de la semaine, nous entendons certains de nos collègues se déclarer outrés de l’existence d’un ciblage territorial. L’un de nos collègues a même dénoncé un « générateur d’iniquités » ; vous l’avez rappelé, monsieur Marseille, avant d’ajouter qu’il ne fallait pas discriminer.

Madame Procaccia, je pensais que nous avions obtenu toutes les réponses que nous désirions mardi 18 septembre, lors de l’audition des ministres par la commission des affaires sociales, au sein de laquelle vous siégez. Mais je constate que vous jouez la montre, en revenant sans cesse sur ce sujet. (M. Jean-Claude Lenoir proteste.)

Je voudrais être clair. Je tiens d'abord à saluer le rapporteur et le Gouvernement, qui ont pris en compte les réalités ultramarines, c'est-à-dire les spécificités de ces territoires. Je vous regarde dans les yeux, chers collègues : il est temps de rappeler le fondement de cette prise en compte des spécificités des outre-mer.

Il sera dit dans cet hémicycle, comme à l’Assemblée nationale, que nous disposons d’outils législatifs qui ne datent pas d’hier, puisqu’ils remontent à la Constitution de 1958, dont l’article 73 dispose – tendez un peu l’oreille, madame Procaccia – que la République peut prendre en compte les particularités de ses départements et régions d’outre-mer.

D'autre part, la cour de justice des Communautés européennes a affirmé en 1978, dans son arrêt Hansen, que les départements d’outre-mer faisaient partie intégrante de la République française. Il a ensuite fallu attendre le traité d’Amsterdam, en 1997, pour qu’un pas décisif soit accompli, pour qu’il soit enfin affirmé au plus niveau européen que nous pouvons bénéficier de mesures d’adaptation compte tenu de nos particularités.

Ce débat est donc derrière nous ! Cessez de nous montrer du doigt ! Je me sens culpabilisé dans cet hémicycle. C'est pourquoi nous répéterons, chaque fois que ce sera nécessaire, que nous ne demandons la charité à personne. La République a prévu des outils législatifs permettant des adaptations du droit commun et même des dérogations dans les outre-mer.

Je suis heureux qu’un gouvernement – notre gouvernement – ait agi en amont, en prévoyant non pas une loi spécifique pour les outre-mer, mais une prise en compte de leurs spécificités dans la loi de la République. Monsieur le ministre, cela nous honore et c’est un changement par rapport à ce que nous avons vécu ces dernières années !

J’aimerais emporter votre adhésion, madame Procaccia. Je ne prendrai pour seul exemple qu’une triste spécificité de ces territoires dans lesquels vous êtes la bienvenue, dans lesquels vous êtes chez vous : les outre-mer. Car, oui, dans ces territoires, le chômage des jeunes de quinze à vingt-cinq ans atteint 60 %, contre 22,7 % en métropole.

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas le cas dans tous les départements !

M. Michel Vergoz. Et je vous épargne les taux d’exclusion et le nombre de bénéficiaires du RSA…

Mes chers collègues, j’estime que ce projet de loi constitue une avancée. Le Gouvernement ne tend pas la main aux outre-mer, mais fait simplement son devoir. M. le ministre l’a répété mille fois, madame Procaccia, le cœur de cible, ce sont nos 500 000 jeunes sans qualification, et nous savons où ils se trouvent. Nous irons donc à leur rencontre. Vous savez mieux que moi qu’il n’y aura pas d’emploi pour tout le monde. Il ne sera pas facile de choisir les bénéficiaires, alors entreprenons ce travail ensemble.

Je terminerai en anticipant : notre responsabilité sera de mettre en œuvre un pilotage local sans anicroches, et c’est un enjeu majeur. Ce ne sera pas chose aisée dans la mesure où 80 % des contrats aidés ont été « grillés », si je puis dire, juste avant la campagne présidentielle… Madame Procaccia, dans votre région comme dans la mienne, c’est le même grand chantier qu’il nous faut ouvrir ensemble ; je souhaite que nous réussissions, car il y va de l’intérêt de notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne comptais pas m’exprimer, madame la présidente,…

Mme la présidente. Vous n’y êtes en rien obligé, mon cher collègue… (Rires.)

M. Jean Desessard. … et je vais donc à mon tour parler sans notes.

Lors de son intervention, M. Lenoir m’a regardé comme s’il souhaitait susciter mon adhésion.

M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes le maillon faible de la majorité sénatoriale ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Autant vous le dire tout de suite, cher collègue : je n’ai pas vocation à me dissocier systématiquement de mes amis socialistes. (Rires et applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.) Je vais vous montrer que c’est par conviction que j’adhère au présent projet de loi.

Certes, j’ai déclaré tout à l'heure que l’on ne pouvait pas résoudre le problème du chômage en l’abordant uniquement par catégories, puisque tout le monde est touché. Quelles que soient les caractéristiques de ceux qui le connaissent, le chômage est toujours intolérable.

Qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un tout jeune ou d’un quinquagénaire qui doit nourrir sa famille, quels que soient ses diplômes et quelle que soit sa localisation sur le territoire, le chômage pour lui, pour elle, est également intolérable.

Quelles sont les fonctions des contrats d’avenir ? La première est de favoriser l’emploi, par deux moyens : d'une part, des personnes seront embauchées ; d'autre part, le secteur associatif sera vitalisé, ce qui permettra de lancer des projets pérennes.

Ces contrats constituent également – c’est leur deuxième fonction – un moyen de s’adresser à un public ayant connu l’échec scolaire, difficilement intégrable et à l’employabilité limitée. Il faut que ces jeunes acquièrent des compétences et jouissent d’une certaine reconnaissance en se sentant utiles dans un métier. Il est donc important de cibler un public particulier.

Enfin, la troisième fonction des contrats d’avenir est de contribuer au mieux être et au mieux vivre ensemble. Peut-on accepter que certains quartiers comportent 50 % de jeunes désœuvrés, en échec scolaire et sans perspective d’avenir ? Ce sont autant de foyers de tensions sociales extrêmement importantes, ce sont des lieux d’incivilités où bientôt il ne fera plus bon vivre si l’on ne change rien.

Oui, il faut s’attaquer au problème du chômage pour toutes les catégories, mais il est également urgent de cibler un public sans formation ; c’est une nécessité. C’est donc en accord total avec le Gouvernement que je voterai contre l’amendement de Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Il faut revenir à l’origine de ce projet de loi.

Le point de départ est un constat : le chômage a augmenté comme jamais dans notre pays, les jeunes au chômage n’ont jamais été aussi nombreux et ceux qui habitent dans les quartiers difficiles n’ont jamais été aussi en difficulté.

Face à cette situation, le Gouvernement et la majorité veulent prendre le taureau par les cornes. L’idée est simple : il s’agit de remettre les jeunes sur le chemin de la République, de la sociabilité, de l’emploi. Or nous savons bien que ces jeunes – nous les connaissons tous, qu’ils habitent dans la Drôme, l’Orne ou les Yvelines – ne peuvent pas immédiatement trouver un emploi dans le secteur marchand ; c’est impossible parce qu’ils sont cassés, ayant été complètement exclus.

Il faut donc trouver un moyen de résoudre ce problème. Le système des emplois d’avenir est simple : il s’agit de remettre le pied à l’étrier à tous les jeunes sans formation, avec une spécificité pour les départements et régions d’outre-mer. Pour ce faire, nous devons leur trouver un emploi dans le secteur non marchand, emploi associé à une formation. C’est le cas dans notre dispositif.

Pourquoi regardons-nous d'abord dans certains quartiers ? Cela me semble évident. D'ailleurs, si vous avez créé les ZUS et l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et mis en œuvre la politique de la ville, c’est bien parce qu’il y a un problème ! Durant la précédente mandature, vous n’avez pas cessé, certes sans grand succès, de mettre en exergue la politique de la ville. Ce n’est pas nous qui avons évoqué la discrimination positive, une expression que je rejette, d’ailleurs : c’est vous !

Nous voyons bien, mes chers collègues – appelons un chat un chat –, que, s’il y a des jeunes en difficulté dans les cantons ruraux de la Drôme, ils sont beaucoup moins nombreux que dans certains territoires urbains. Je pense à ces barres d’immeubles où aucun jeune ne travaille et à ces quartiers où le chômage des jeunes atteint 60 %.

Ce projet de loi est équilibré. D’une part, nous traiterons le problème de ces ghettos en embauchant prioritairement des jeunes issus des quartiers en difficulté, là où la détresse est terrible, ainsi que les actualités nous le rappellent quotidiennement, et, d'autre part, comme il ne faut pas faire de discrimination ni de ségrégation – M. le ministre l’a bien dit lors de la discussion générale –, nous agirons également en faveur des jeunes des zones rurales et des petites villes, car on y rencontre la même désespérance.

Je le répète, il y a tout de même beaucoup plus de jeunes en difficulté dans les zones urbaines que dans les zones rurales, et c'est la raison pour laquelle nous soutenons le Gouvernement dans sa volonté de s’occuper en priorité des quartiers difficiles, afin de les « désengorger », tout en aidant les jeunes sur l’ensemble de notre territoire. Telle est la philosophie du projet de loi.

De plus, la plupart des jeunes des quartiers difficiles sortent du système scolaire sans formation ; ils doivent donc être privilégiés. Nous pouvons tous, me semble-t-il, partager ce point de vue.

La priorité doit être accordée aux résidents des zones urbaines sensibles, des zones difficiles, qui connaissent la plus grande détresse. Parallèlement, les jeunes des départements ruraux doivent aussi avoir voix au chapitre.

Si nous parvenons à leur remettre le pied à l’étrier, ces 150 000 jeunes retrouveront alors espoir.

Aujourd’hui, non seulement les jeunes ne vont pas voter, mais encore ils nous reprochent, à nous, les vieux,…

M. Jean-Claude Lenoir. Parlez pour vous !

M. Didier Guillaume. … de ne nous occuper que de nous, et pas d’eux. Il faut changer tout cela ! Les jeunes ont été trop souvent laissés au bord de la route, montrés du doigt, stigmatisés pour peu qu’ils vivent dans des quartiers différents, qu’ils portent des noms différents.

À nous de faire en sorte que la République s’occupe de tous ses enfants. Tel est l’enjeu des emplois d’avenir. C’est l’une des pièces de la mécanique que le Gouvernement met en mouvement. Viendront ultérieurement les contrats de génération. Et nous espérons également que la situation progressera grâce au redressement productif.

En l’espèce, il s’agit d’une mesure d’urgence destinée à permettre à nos jeunes de retrouver leur dignité en accédant à l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié et 30 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote sur l'amendement n° 90 rectifié. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, j’ai le droit de m’exprimer !

M. Jean-Claude Lenoir. Une telle attitude n’est pas tolérable !

Mme la présidente. Vous avez la parole, ma chère collègue, et vous seule.

Mme Catherine Procaccia. Je tiens à soutenir cet amendement, qui va dans le sens de ceux que nous avons défendus.

J’ai entendu dire tout à l’heure - était-ce M. le rapporteur ou M. le ministre ? - que l’on était en train de stigmatiser les jeunes qui avaient habité dans certains territoires. Je trouve cela scandaleux ! Il est tout aussi stigmatisant de n’être embauché que précisément parce que l’on habite dans tel territoire. L’argument ne me semble donc pas bon.

Je voterai cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 90 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Claude Lenoir. Quel dommage !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 85 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Madame Procaccia, l’amendement n° 6 rectifié est-il maintenu ?

Mme Catherine Procaccia. J’ai bien compris que tout le territoire serait concerné, mais avec certaines priorités, que, pour ma part, je ne souhaite pas voir retenir en l’état. Si les jeunes ont des difficultés, ce sont tous les jeunes qui sont concernés.

L’amendement que j’ai présenté serait satisfait, me dit-on pour que je le retire. Ce ne serait le cas que si certaines précisions étaient apportées. Je n’ai qu’une confiance moyenne en l’application que peuvent faire les administrations, quelles qu’elles soient – missions locales pour l’emploi ou autres –, de textes imprécis. Si ce n’est pas écrit dans la loi, ce ne sera pas forcément appliqué.

Pour cette raison, je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 18, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« III. - L'emploi d'avenir s'adresse enfin aux demandeurs d'emploi âgés de plus de 50 ans sans emploi depuis au moins trois ans.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié quater est présenté par MM. Jarlier, Dubois, Zocchetto et Détraigne, Mme Létard, M. Marseille et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Kaltenbach.

L'amendement n° 43 est présenté par Mme Lienemann.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10

Après les mots :

but non lucratif

insérer les mots :

et les organismes d’habitations à loyer modéré visés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation

La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quater.

M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet d’ouvrir aux organismes d’HLM le dispositif des emplois d’avenir.

Depuis 1998, les organismes d’HLM interviennent dans la mise en œuvre des programmes d’emplois aidés. Ils l’ont d’ailleurs fait avec un succès remarqué dans le cadre du programme « Nouveaux services - emplois-jeunes » de 1998.

Le public visé par les contrats d’avenir concerne prioritairement les jeunes des zones urbaines sensibles où les bailleurs sociaux sont des acteurs très actifs, aux côtés des collectivités locales, dans la mise en œuvre des politiques de développement social.

En qualité d’employeurs assurant une mission d’intérêt général, les organismes d'HLM peuvent et souhaitent contribuer à la mise en œuvre de ce programme d’insertion, tant parce que ces jeunes habitent souvent leur patrimoine que parce qu’ils peuvent leur offrir des emplois ouvrant sur de véritables parcours professionnels.

Il est donc nécessaire de permettre à l’ensemble des organismes d’HLM, qui font tous le même métier, de contribuer à la mise en œuvre de ce programme quel que soit leur statut – office public de l’habitat, entreprises sociales pour l’habitat, sociétés coopératives – et ce dans les mêmes conditions. Or, si le texte actuel est adapté aux offices publics, il ne convient pas nécessairement aux sociétés anonymes d’HLM, organismes de droit privé assurant une mission d’intérêt général et n’appartenant pas au secteur marchand.

Aussi le présent amendement vise-t-il à ouvrir les contrats d'avenir à tous les organismes dans des conditions identiques. 

Mme la présidente. L’amendement n° 2 n’est pas soutenu, non plus que l’amendement n° 43.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 rectifié quater ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les organismes d’HLM peuvent employer des jeunes au titre des emplois d’avenir.

Il semble a priori satisfait, puisque les sociétés d’HLM font partie des organismes privés à but non lucratif.

Sur le fond, la commission des affaires sociales est évidemment favorable à la participation des organismes d’HLM au dispositif des emplois d’avenir. Néanmoins, elle souhaite interroger le Gouvernement afin qu’il confirme cette analyse juridique.

Je vous fais remarquer, mes chers collègues, qu’ultérieurement nous examinerons un amendement n° 42, qui vise à étendre encore un peu plus le dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Tout comme la commission, le Gouvernement considère que les organismes d’HLM sont concernés par le dispositif.

Je vois bien qu’il y a une réelle différence entre les organismes à caractère public – ceux-là le sont à l’évidence – et ceux qui seraient de statut privé, mais il s’agit ici d’organismes sans but lucratif. En effet, lorsque des organismes du type société anonyme réintègrent leurs bénéfices dans leur capital afin de réaliser ultérieurement des opérations de construction, ils ne cherchent pas à gagner de l’argent et sont donc, pour le Gouvernement, concernés.

Je comprends néanmoins la nécessité de lever une ambiguïté en tant que de besoin.

L’amendement n° 42, que nous allons examiner plus tard et dont l’objet est un peu plus large, concerne notamment les sociétés d’économie mixte, les SEM. Aussi, madame la présidente, je demande la réserve du vote de l’amendement n° 1 rectifié quater jusqu’à l’issue de l’examen de l’amendement n° 42. M. Marseille pouvant alors comparer ce dernier avec son propre amendement, il s’apercevra que l’amendement n° 42 lui donnera satisfaction en introduisant une précision plus large que celle qu’il propose lui-même.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suis satisfait que cette proposition soit retenue. Cependant, il semblerait que les logements HLM ne soient pas également répartis sur le territoire, et je m’en inquiète. Les villes de Neuilly-sur-Seine ou de Saint-Maur-des-Fossés auront peut-être plus de difficultés que d’autres pour recourir aux contrats d’avenir… (Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. Michel Sapin, ministre. C’est de la stigmatisation !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de réserve du vote de l’amendement n° 1 rectifié quater jusqu’à l’issue de l’examen de l’amendement n° 42 ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. Il n’y a pas d’opposition ?...

La réserve est ordonnée.

Je suis maintenant saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les employeurs du secteur marchand ;

La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, contrairement à ce que vous pouvez croire, je partage votre point de vue : il est urgent de mettre fin au chômage des jeunes. D’ailleurs, dans ma commune, Corbeil-Essonnes, je mets tout en œuvre en ce sens. À cette fin, j’ai créé une mission locale qui permet chaque année à 500 jeunes de retrouver du travail en leur assurant une formation, un suivi. Annuellement, plus de 700 à 800 jeunes ont recours à cette mission parce qu’ils sortent du collège, du lycée, voire de l’université sans rien savoir faire.

D’ailleurs, même si ce n’est pas le sujet aujourd’hui, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez convaincre votre collègue chargé de l’éducation nationale de modifier la formation des jeunes, de changer le dispositif du collège unique et de revenir sur cette idée de donner à tous le même enseignement.

Les enfants n’ont pas tous les aptitudes nécessaires et l’enseignement n’est lui-même pas adapté face à ces différences, ce qui explique que certains n’écoutent pas les professeurs et ne vont même plus en cours, tout cela pour sortir du système scolaire en ne sachant strictement rien faire. Et on nous les envoie après pour trouver du travail… Que de temps perdu ! Si ces jeunes avaient été plus tôt orientés vers l’entreprise et mis au travail, on n’aurait pas à s’en occuper et le taux de chômage serait moins élevé.

En réalité, c’est un problème de gouvernement. Il faudrait que le ministre chargé de l’éducation nationale s’occupe aussi de ce problème et ne laisse pas 150 000 jeunes quitter chaque année le système scolaire sans aucune formation professionnelle. Et cela fait dix ans que cela dure ! Et cela ne fait que s’aggraver chaque année ! Et tout le monde s’en moque ! Rien n’est fait, alors qu’il est indispensable de changer la formation élémentaire peut-être même dès le primaire, monsieur le ministre.

Mais l’urgence est aussi à la résorption des déficits. Dois-je vous le rappeler, mes chers collègues, nous avons pour fonction de gérer le budget, lequel est aujourd’hui en faillite ; il n’est donc plus possible d’augmenter les dépenses. Or, généralement, les mesures qui nous sont soumises, indépendamment de leur finalité positive et de leur intelligence, conduiront à une hausse des dépenses de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros. En l’espèce, le financement des emplois d’avenir serait compensé par les économies réalisées en matière d’heures supplémentaires. Mais il aurait fallu dédier ces économies à la réduction du déficit budgétaire.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous étiez d’accord pour supprimer l’exonération des heures supplémentaires ?

M. Serge Dassault. Si l’objectif des 3 % de déficit n’est pas respecté et si, corrélativement, la note de notre pays est dégradée et les taux d’intérêt auxquels nous empruntons sont relevés, toutes les dispositions adoptées ne serviront à rien. L’urgence est de parvenir à l’équilibre budgétaire et à la réduction des dépenses. Le Gouvernement en a décidé autrement et préfère dépenser pour les emplois d’avenir ce qu’il pourrait affecter à la réduction des déficits. Soit ! Mais je regrette que nous n’ayons pas de philosophie commune sur ces questions, mes chers collègues.

M. David Assouline. Il faudrait acheter des Rafale ?...

M. Serge Dassault. Pour rendre plus efficace le présent projet de loi, je propose d’étendre le dispositif des emplois d’avenir au secteur marchand. Il s’agit d’une simple ouverture, comme en matière de contrats aidés, et non d’une obligation. Si, grâce à cette disposition, plus de jeunes trouvent du travail, pourquoi s’en priver ?

Je propose donc simplement d’accroître l’efficacité de ce projet de loi, pour faire en sorte qu’encore plus de jeunes travaillent. Car le problème est bien là !

Pourquoi ne leur laissez-vous pas cette possibilité ? Je sais que cette proposition a été rejetée à l’Assemblée nationale, où des députés l’avaient défendue. Toutefois, entre nous, pourquoi ne pas étendre ce dispositif aux emplois marchands, pour augmenter son efficacité, comme vous cherchez tous à le faire, pour que la réussite de la formation professionnelle soit maximale ?

Cette mesure ne vous coûterait rien. Il est possible qu’elle n’ait aucun effet, mais il est possible aussi qu’elle serve à quelque chose et que ceux qui en auront bénéficié trouvent du travail. Or, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, notre objectif à tous est que le maximum de jeunes retrouvent du travail. Non seulement je suis d'accord avec vous sur ce point, mais je vous propose d’augmenter encore l’efficacité de ce dispositif avec cet amendement ! (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)

Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié ter, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14 :

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Les employeurs relevant des articles L. 2143-6 et L. 5422-13 et des 3° et 4° de l'article L. 5424-1.

La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. L’objet de cet amendement est d’ouvrir le dispositif des emplois d’avenir autant aux PME qu’au secteur non marchand.

En effet, comme nous l’avons expliqué au cours de la discussion générale, à nos yeux, la principale limite du dispositif proposé est son ciblage sur le secteur non marchand. Alors que l’heure et l’urgence sont à la réduction des effectifs de la fonction publique, il est proposé de résorber le chômage des jeunes en créant de l’emploi public et parapublic ! Cette incohérence est évidemment d’autant plus problématique que ni le secteur public ni le secteur associatif ne seront en mesure de pérenniser ces emplois, alors que le secteur marchand, en particulier les PME, le pourrait.

Même les emplois d’avenir qui ne déboucheraient pas, dans les PME, sur des emplois pérennes seraient bien plus profitables pour leurs jeunes bénéficiaires, car le secteur marchand est bien davantage indiqué que le secteur non marchand pour former au monde du travail.

L’objet de cet amendement est donc de réorienter le dispositif vers les PME. Les emplois d’avenir compléteraient ainsi de manière pertinente les futurs contrats de génération, ces derniers étant certainement mieux adaptés pour les grandes entreprises.

Mme la présidente. L'amendement n° 104 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Bouchart et Bruguière, MM. Cambon et Carle, Mme Cayeux, MM. César, Cornu, Couderc et Dallier, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Doligé, Duvernois, Fouché, J.P. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Fontaine, Hérisson et Houel, Mme Hummel, Mlle Joissains, Mmes Jouanno, Kammermann et Lamure, MM. Legendre, de Legge, Lenoir, P. Leroy, du Luart, Mayet, Milon, Laménie, Longuet, Lorrain, Pierre, Pinton et Pointereau, Mmes Primas et Procaccia, MM. de Raincourt, Revet et Savary, Mme Sittler, M. Lefèvre et Mme Farreyrol, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Les entreprises, individuelles ou sociétés, dont l’effectif salarié est inférieur ou égal à 50 personnes à raison de deux emplois d’avenir par tranche de dix salariés. Dans ce cas, le financement est assuré par redéploiement des sommes affectées à la formation professionnelle continue des entreprises dans des conditions fixées par décret. »

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Je ne reprendrai pas les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale et que la présentation de cet amendement recouperait pour certains.

Je reviendrai néanmoins sur la définition du secteur public, puisque M. le ministre a abordé ce problème dans sa réponse aux orateurs, en nous affirmant, et je ne conteste pas ce point, que le dispositif concernait non seulement les collectivités publiques, mais aussi tout le secteur à but non lucratif. Or, si l’on examine ce dernier de plus près, on se rend compte qu’il s’agit essentiellement d’associations, qui interviennent dans différents domaines mais qui sont financées à 90 %, voire plus, par l’État et les collectivités, régions, départements ou communes. En assimilant le secteur non lucratif au secteur public, nous ne sommes donc pas loin de rendre compte de la réalité.

Je le répète, si l’on veut pérenniser les emplois d’avenir créés dans le secteur public, les conséquences seront lourdes pour les collectivités, surtout compte tenu des difficultés que celles-ci connaissent actuellement, mais aussi pour l’État, par le biais des subventions versées. Cela se traduira forcément par une pression fiscale supplémentaire sur le contribuable, local et national, avec un effet négatif sur l’économie de notre pays. En revanche, si des emplois d’avenir créés dans des petites entreprises sont pérennisés, cela produira de la valeur ajoutée et de la richesse et contribuera au développement économique de notre pays.

L’amendement que je présente a la particularité de viser certaines entreprises, celles qui comptent moins de cinquante salariés. En effet, on sait très bien que, dans notre pays, c’est dans le tissu formé par ces petites entreprises que se créent la richesse et l’innovation.

Je propose de limiter le nombre des emplois d’avenir par tranche de l’effectif total, parce que, dans ces entreprises où l’équilibre des relations de travail est fragile, il faut permettre au personnel en place d’intégrer ces jeunes, qui ne doivent donc pas être trop nombreux.

Je préconise également un redéploiement de crédits. Comme, je l’ai signalé lors de la discussion générale, à peu près 25 milliards d'euros, issus de différentes sources de financement, sont attribués chaque année à la formation professionnelle ; redéployer une partie de ces sommes pour faire de la formation à l’intérieur des PME, au profit des emplois d’avenir, serait positif, me semble-t-il.

Pour conclure, je constate avec satisfaction que nos collègues du groupe RDSE sont sur la même longueur d’onde que moi, puisqu’ils présentent un amendement dont l’objet est d’ouvrir les emplois d’avenir aux TPE, en soulignant à juste titre – ils me pardonneront, je l’espère, d’anticiper leurs propos – que le savoir-faire et la transmission des connaissances sont au cœur des petites et très petites entreprises.

Mme la présidente. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Mazars, Tropeano, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les entreprises de moins de onze salariés

II. - En conséquence, alinéa 15

Remplacer les références :

1° à 5°

par les références :

1° à 6°

La parole est à M. Stéphane Mazars.

M. Stéphane Mazars. Notre collègue a en effet quelque peu anticipé sur la présentation de mon amendement, qui, par sa philosophie, tend à se rapprocher du précédent.

M. Jean-Claude Lenoir. Intéressant !

M. Stéphane Mazars. On le sait, cela a été souligné cette après-midi, ce dispositif s’adresse d'abord au secteur non marchand ; on parle ainsi des collectivités ou des associations à but non lucratif.

Il est vrai que le secteur marchand peut faire peur. On peut craindre un effet d’aubaine, et il faut donc être prudent. Toutefois, au sein du secteur marchand, on trouve de très petites entreprises, comme celle qui comptent moins de onze salariés. Vous le voyez, mes chers collègues, je place le curseur plus bas que ne le faisait à l’instant M. Cardoux.

Ces entreprises, que nous connaissons bien dans nos départements ruraux, notamment dans nos ZRR, ont parfois des difficultés à recruter de la main-d’œuvre, alors que, nous le savons, elles disposent d’un savoir-faire et présentent un potentiel économique important. Pour transmettre ces savoir-faire, elles doivent offrir une véritable formation, qui s’inscrit dans la durée.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que, dans la liste des employeurs potentiels au titre de ces contrats d’avenir, soient inscrites les très petites entreprises de moins de onze salariés. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous l’aurez compris, tous ces amendements ont pour point commun de viser une ouverture complète des emplois d’avenir au secteur marchand.

J’évoquerai tout d'abord l'amendement n° 3, présenté par M. Serge Dassault. Cette proposition entre en contradiction avec la philosophie même du dispositif, qui privilégie les emplois du secteur non marchand ; telle est l’ambition que nous lui donnons.

Pour autant, mes chers collègues, je vous rappelle que les entreprises privées ne sont pas exclues : nous avons prévu qu’elles puissent recruter un jeune en emploi d’avenir, en particulier si elles présentent un parcours d’insertion et de qualification jugé satisfaisant pour le jeune concerné.

Surtout, n’oublions pas que ce dispositif prend son sens dans un ensemble plus large de mesures d’aides à l’emploi. Le secteur marchand participe déjà à l’insertion professionnelle des jeunes par le biais des formations en alternance. Et, comme l’a indiqué tout à l'heure M. le ministre, dans quelques semaines nous aurons à décider ici de l’avenir d’un nouveau dispositif, à savoir le contrat de génération, qui, lui, par définition, s’adressera par priorité au secteur marchand.

Cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi je serai conduit à émettre un avis défavorable.

J’en viens à l'amendement n° 28 rectifié ter, qui a strictement le même objet que le précédent, à savoir ouvrir les emplois d’avenir aux entreprises, plus spécifiquement aux PME. Vous l’avez compris, tel n’est pas notre choix. La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

L'amendement n° 104 rectifié, dans la lignée des précédents, tend à ouvrir l’accès aux emplois d’avenir aux employeurs du secteur marchand, mais cette fois en ciblant les PME de moins de cinquante salariés. Naturellement, monsieur Cardoux, par cohérence avec les positions que je viens de rappeler, je vous demande de le retirer, sinon j’émettrai un avis défavorable.

Enfin, monsieur Mazars, vous venez de nous présenter un amendement qui vise plus spécifiquement les très petites entreprises. Pour les mêmes raisons, que je ne rappellerai pas, nous ne vous suivrons pas sur ce terrain.

Je le répète, ce dispositif s’inscrit dans un ensemble de mesures plus large, dans lequel le secteur marchand trouvera sa place. Il faut en ternir compte. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pourquoi portez-vous ces amendements ? Parce que vous considérez que ce sont dans les entreprises, en particulier dans les plus petites d’entre elles, que nombre de jeunes trouveront à la fois l’accompagnement et le transfert de compétences qui leur sont nécessaires. Je n’ai jamais dit ou pensé le contraire ! Toutefois, nous constatons que les jeunes auxquels nous nous adressons justement aujourd'hui n’arrivent pas à trouver un débouché professionnel dans ces entreprises, que ce soit directement ou en alternance, parce qu’ils sont trop éloignés de l’emploi pour cela. D’où ce dispositif particulier.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui souhaitez aujourd’hui, et je ne vous suivrai pas sur ce point, ouvrir ce dispositif à l’ensemble des entreprises privées, tout particulièrement aux plus petites d’entre elles, ou plutôt l’élargir encore plus - aujourd'hui, il n'y a pas un mur entre le public et le privé : nous avons laissé la possibilité d’une exception - vous allez adorer demain le contrat de génération ! (Sourires.) En effet, celui-ci est complètement fait pour cela.

M. Michel Sapin, ministre. Vous me direz que nous aurions dû présenter les deux dispositifs ensemble et que cela aurait été plus clair. Certes, mais nous, voyez-vous, nous avons un peu de considération pour les partenaires sociaux.

M. Hervé Maurey. Et pas pour le Parlement ?

M. Michel Sapin, ministre. Lorsqu’il s'agit du secteur privé, certaines concertations sont nécessaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous n’allez pas, ici, critiquer la loi qui porte le nom du président Larcher ? (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Non, puisque nous l’avons votée !

M. Michel Sapin, ministre. Cette loi, qui a été intégrée dans le code du travail à l’article L.1, rend obligatoire la saisine des partenaires sociaux, à juste titre d'ailleurs, lorsque des dispositions portant sur les relations de travail concernent principalement, pour ne pas dire exclusivement, le secteur privé. Il était donc indispensable de procéder à des concertations, et c’est ce que nous avons fait.

Mme Catherine Procaccia. Dans ce cas, il fallait attendre pour les emplois d’avenir !

M. Michel Sapin, ministre. La même semaine où nous présentions le projet de loi sur les emplois d’avenir, je saisissais les partenaires sociaux pour négocier sur ce contrat de génération.

Tous les souhaits que vous exprimez aujourd’hui en faveur de l’emploi des jeunes dans les entreprises privées seront donc pleinement satisfaits par le contrat de génération. Ayez seulement quelques semaines de patience, le temps que les partenaires sociaux négocient, que nous concevions un projet de loi, que nous le déposions sur le bureau de l’une ou l’autre assemblée, et vous pourrez en débattre.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements, en demandant à leurs auteurs de faire preuve d’un peu de patience. En effet, pour notre part nous faisons confiance au dialogue social pour aider le législateur à trouver le meilleur dispositif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je n’ai pas bien compris l’argumentation de M. le ministre…

M. David Assouline. Cela ne nous étonne pas !

M. Hervé Maurey. Excusez-moi, monsieur Assouline, mais je n’ai pas votre intelligence !

M. le ministre donne finalement raison aux auteurs des amendements qui viennent d’être présentés : il reconnaît que c’est dans le secteur privé que l’on crée des emplois et que l’on offre les meilleurs parcours de formation, mais il affirme que les entreprises ne doivent pas être ouvertes à ces jeunes, parce que ceux-ci ne peuvent y accéder. Ce raisonnement ne tient pas la route ! C’est précisément parce que les jeunes visés ici ont des difficultés à accéder à ces entreprises qu’il faut « mettre le paquet » pour qu’ils puissent le faire.

Son second argument consiste à dire que les contrats de génération traiteront ce problème. Toutefois, comme je le soulignais dans mon intervention tout à l'heure, il est regrettable que le Gouvernement n’avance que par petits pas, en n’apportant chaque fois qu’un morceau du puzzle. Il a fait la même chose avec le logement et il recommence ici ! Il serait tout de même préférable d’avoir une vision globale des propositions du Gouvernement en matière d’emploi.

Pour ma part, je voterai les amendements qui ont été présentés parce que je considère que c’est dans les entreprises que les emplois d’avenir ont une chance d’être pérennisés.

Je vous le répète, les collectivités territoriales, qui ont été capables d’assurer la pérennisation des emplois jeunes, ne pourront malheureusement pas le faire cette fois-ci pour les emplois d’avenir.

M. Didier Guillaume. Bien sûr que si !

M. Hervé Maurey. Tout à l’heure, M. Néri a prétendu que, si les collectivités territoriales n’étaient plus en mesure de créer des emplois, c’était par notre faute.

J’espère que, dans trois ans, grâce à lui et aux autres parlementaires de la majorité, les dotations aux collectivités territoriales auront de nouveau augmenté ! J’attends d’ailleurs avec impatience les mesures du projet de loi de finances pour 2013 dans ce domaine. Je suis certain qu’après nous avoir beaucoup reproché de geler les dotations, l’actuelle majorité va les dégeler, ce qui permettra peut-être de pérenniser les emplois d’avenir…

Pour l’heure, je pense que seules les entreprises pourront faire de ces contrats autre chose que des « emplois parking » et des voies sans issue.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote.

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, il est un peu difficile de vous suivre, car vous êtes à la fois pour et contre ma proposition…

Le contrat de génération ? Peut-être. Je ne sais pas ce que c’est, ni à quoi ça sert, ni la forme qu’il aura.

M. David Assouline. Lisez Le Figaro ! C’est expliqué.

M. Serge Dassault. Aujourd’hui, nous vous faisons une proposition simple : permettre aux entreprises d’embaucher des jeunes au titre des contrats d’avenir. Les entreprises le feront ou ne le feront pas, mais elles en auront la possibilité.

Si les contrats de génération favorisent aussi l’accès des jeunes à l’emploi, tant mieux ! Mais pourquoi ne pas prévoir dès aujourd’hui que les contrats d’avenir seront aussi ouverts au secteur marchand ? Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Cela ne changera rien !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est déjà prévu !

M. Serge Dassault. Si l’on crée plus tard des contrats de génération qui apportent quelque chose de plus, ce sera une bonne chose.

Mais, aujourd’hui, comprenez que seules les entreprises peuvent former correctement des jeunes à un métier et à une profession ! Les associations et les municipalités, qui sont très différentes, ne le peuvent pas.

Laissez donc la possibilité aux entreprises d’utiliser ces contrats d’avenir ! Je ne comprends pas pourquoi vous y êtes opposés pour ces contrats, alors que vous y êtes favorables pour les contrats de génération.

Vous avez dit tout à l’heure que nous pouvions avoir les mêmes idées. Eh bien, vous avez une occasion de le prouver !

Pour moi, je suis prêt à voter vos propositions si elles me paraissent aller dans le bon sens. Mais vous, peut-être pourriez-vous aussi de temps en temps accepter l’un de nos amendements ! Je dis « de temps en temps », car l’expérience prouve que cela ne se produira pas souvent…

Je sais que mon amendement ne sera pas adopté, puisque nous sommes aujourd’hui minoritaires. Tant pis ! Je le maintiens néanmoins pour qu’il soit clair que vous refusez aux entreprises l’accès aux contrats d’avenir !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je pensais que M. le ministre avait été clair et pédagogique, mais M. Maurey nous a fait part de son incompréhension, feinte ou réelle, d’ailleurs.

Monsieur Maurey, soit vous n’avez pas compris le dispositif que nous proposons soit vous ne connaissez pas suffisamment le monde de l’entreprise, dont par ailleurs vous vantez beaucoup les mérites.

M. Hervé Maurey. Je suis chef d’entreprise !

M. David Assouline. Notre dispositif est ciblé – même si quelques petites ouvertures existent – sur les jeunes qui, au moins depuis dix ans, sont entre 150 000 et 170 000, selon les estimations, à sortir chaque année du système scolaire sans aucune qualification ni aucun diplôme.

M. Didier Guillaume. Ils ne peuvent pas travailler dans une entreprise !

M. David Assouline. Or aucun des dispositifs que nous avons imaginés, les uns et les autres, n’offre de solution pour ces jeunes.

En effet, même si nous connaissions une période de croissance – j’espère que ce sera le cas bientôt –, pensez-vous sérieusement que les entreprises, les PME ou M. Dassault, par exemple, embaucheraient ces jeunes-là, qui n’ont aucune qualification, aucun diplôme ? Pensez-vous sérieusement que des entreprises seraient prêtes à assurer leur formation ?

Non ! Vous savez que les entreprises recruteront ceux qui sont déjà diplômés, qui ont des qualifications et qui aujourd’hui n’ont pas de travail. Pas une entreprise ne préférera embaucher un jeune sans qualification !

Avec 150 000 nouveaux jeunes dans cette situation tous les ans, cela finit par faire beaucoup : aujourd’hui, ils sont plus de 1 million.

Bien sûr, on peut être cynique et regarder ailleurs. On peut penser que c’est irrattrapable, que, pour ces jeunes, c’est fini, qu’ils sont condamnés à rester au bas des immeubles de leurs cités. Et on se débrouillera pour éviter l’explosion en faisant de l’assistanat. Mais ces jeunes seront sacrifiés.

Nous, nous avons décidé d’imaginer un dispositif qui leur soit principalement dédié. Ensuite, les contrats de génération viendront compléter, pour tous les autres jeunes, et avec l’aide de la croissance,…

M. Serge Dassault. Il n’y aura pas de croissance !

M. David Assouline. … le dispositif d’aide à l’insertion dans l’emploi.

M. Michel Sapin, ministre. C’est exactement cela !

M. David Assouline. Chers collègues de l’opposition, si vous connaissez les entreprises, vous savez bien que les choses se passeront comme je le dis, mais cela ne vous dissuade pas de chercher à diluer le dispositif, comme on l’a souvent fait avec les emplois aidés.

Pour sa part, le Gouvernement agit avec méthode pour les jeunes sans qualification, pour les seniors qui perdent leur emploi trop tôt, pour tous les autres, pour l’emploi en général, pour la croissance et pour l’économie du pays.

Face à ce dispositif global de lutte contre le chômage, vous cherchez à noyer le poisson et critiquez, non sans faire preuve d’un certain cynisme, une mesure que vous savez par ailleurs absolument nécessaire et populaire.

D’ailleurs, certains parmi vous n’ont pas voulu céder à l’idéologie…

Mme Sophie Primas. Nous ne faisons pas de l’idéologie !

M. David Assouline. … et ont reconnu que ce dispositif était bon et qu’ils l’utiliseraient dans leur collectivité locale !

M. Jean-Claude Lenoir. C’est nul !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Chers collègues de l’opposition, il faut présenter le débat dans les termes où il se pose !

Vous prétendez que les emplois d’avenir ne seraient pas ouverts au secteur marchand. Mais si ! Les emplois d’avenir sont accessibles au secteur marchand. C’est si vrai que le Gouvernement a même fixé le niveau de l’aide : elle sera de 35 % dans ce secteur.

À la vérité, ce que vous nous proposez revient à accorder au secteur marchand une aide de 75 %, équivalente à celle qui est prévue pour le secteur non marchand.

Autrement dit, vous proposez de créer des emplois qui coûteront aux chefs d’entreprise environ 358 euros par mois !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le dispositif actuel est donc bien ouvert aux entreprises ; seulement, il leur coûtera un peu plus cher que cela !

Lorsque les jeunes qui sont aujourd’hui laissés sur le carreau cherchent un travail, les entreprises ne les recrutent pas, parce qu’ils ne sont pas immédiatement opérationnels – c’est un choix logique du point de vue de l’entreprise. Tout l’enjeu consiste à les rendre progressivement opérationnels, non pas pour les maintenir dans ces emplois qu’ils occuperont dans un premier temps, mais pour les rendre employables ensuite par les entreprises.

M. Michel Sapin, ministre. Il a raison !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nos collègues proposent d’étendre l’aide au taux de 75 % aux entreprises de moins de cinquante ou de quinze salariés. Croyez-vous qu’il soit avisé d’introduire, à l’intérieur du secteur marchand, une distinction selon le nombre des employés ?

Avec ce système, une entreprise de vingt-cinq salariés n’obtiendrait qu’une aide au taux de 35 %, alors qu’une autre, qui en aurait moins de vingt, pourrait obtenir une aide au taux de 75 %, et ce pour un salarié effectuant le même travail, dans la même spécialité ? Je ne suis pas sûr que, du point de vue de l’économie libérale, ce soit une bonne formule…

Ne dites donc pas que les contrats d’avenir sont fermés au secteur marchand : ils lui sont ouverts, mais avec une aide au taux de 35 %.

Ne dites pas non plus qu’il s’agit d’ « emplois parking ». Le projet de loi vise, au contraire, à former des jeunes qui, parfois, ne sont même plus inscrits à Pôle Emploi et qui ont disparu dans la nature, pour les remettre au travail. Un moment d’adaptation leur est nécessaire, pour lequel les collectivités territoriales, le secteur associatif et l’économie sociale et solidaire sont bien adaptés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean Desessard. Bravo ! Voilà qui est argumenté !

M. Serge Dassault. Je demande la parole.

Mme la présidente. Monsieur Dassault, vous vous êtes déjà exprimé en explication de vote.

M. Serge Dassault. Je souhaite simplement poser une question, madame la présidente.

Mme la présidente. Pour la clarté de notre débat, monsieur Dassault, je vous donne la parole.

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, consentez-vous à ouvrir le dispositif au secteur marchand si nous acceptons que l’aide y soit limitée à 35 % ?

M. Michel Sapin, ministre. C’est déjà le cas !

M. Serge Dassault. Nous, cela nous va !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous vous répétons que c’est déjà le cas !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Cardoux, l’amendement n° 104 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Noël Cardoux. J’ai écouté avec attention les propos des uns et des autres et je ne veux pas allonger ce débat sur les taux de 75 et de 35 %.

Je ne sais d’ailleurs pas d’où vient ce montant de 35 %, sinon des contrats d’insertion par l’activité économique dans le cadre d’un CUI. Je pense que c’est à cela que nos collègues ont fait référence.

M. le ministre nous parle des contrats de génération. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une proposition dont nous ne connaissons actuellement ni le financement ni la forme définitive.

Si les informations qui nous sont parvenues sont exactes, l’avantage dont bénéficieront les entreprises sera une simple exonération de charges sociales.

Pour le moment, je ne sais pas de quoi il s’agira, mais je suppose que l’avantage pour les entreprises sera bien moins significatif que cette fameuse aide, tant critiquée, de 75 %.

Je regrette moi aussi que nous n’ayons pas profité de cette discussion sur les aides à la création d’emplois en faveur des jeunes en difficulté pour organiser un débat général sur les dispositifs dans le secteur public et dans le secteur marchand, en consultant les partenaires sociaux. Nous aurions ainsi pu nous déterminer en connaissance de cause.

Pour ma part, ne pouvant me contenter d’un débat futur sur les contrats de génération, je maintiens mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Il est bien écrit dans le rapport que les entreprises privées, par exception, pourront conclure ce type de contrats.

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui !

M. Hervé Maurey. Oui, « par exception » !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les entreprises ne sont donc pas exclues de l’accès à ces contrats ; elles pourront y recourir en bénéficiant d’une aide représentant 35 % du SMIC.

Chers collègues de l’opposition, vous réclamez que ce taux soit porté au niveau du droit commun prévu pour le secteur non marchand, c’est-à-dire à 75 % du SMIC.

En fin de compte, vous réclamez que le secteur marchand soit traité de la même manière que le secteur non marchand, avec une aide portée de 35 % à 75 %.

Or, comme l’ont expliqué M. le ministre, M. le rapporteur et M. Jean-Pierre Godefroy, il s’agit, avec les emplois d’avenir, de privilégier le secteur non marchand, pour lequel la participation de l’État est fixée à 75 % du salaire.

Si des entreprises privées souhaitent conclure des contrats de ce type, elles pourront le faire avec une aide fixée à 35 % du SMIC.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Monsieur Mazars, l’amendement n° 92 rectifié est-il maintenu ?

M. Stéphane Mazars. Les signataires de cet amendement feront montre de patience, comme M. le ministre les y a invités, et attendront avec confiance le contrat de génération.

J’espère qu’il permettra aux très petites entreprises, qui représentent un maillage important sur notre territoire, de recruter à des conditions favorables pour elles-mêmes et favorables surtout à l’emploi dans notre pays.

Je retire l’amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 16 rectifié bis est présenté par MM. J.L. Dupont, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine.

L'amendement n° 42 est présenté par M. Daunis et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Après l’alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public.

II. - Alinéa 15

Remplacer les références :

1° à 5°

par les références :

1° à 6°

La parole est à M. Hervé Marseille, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié bis.

M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet d’ouvrir les emplois d’avenir aux entreprises publiques locales, qu’il s’agisse de sociétés d’économie mixte, de sociétés publiques locales ou de sociétés publiques locales d’aménagement.

En leur qualité d’entreprises dédiées à l’intérêt général et majoritairement, voire exclusivement, contrôlées par des collectivités locales, elles ont toute leur place ici et doivent pouvoir prendre une part active dans l’intervention des collectivités en vue de résorber l’emploi précaire des jeunes et de promouvoir leur insertion professionnelle.

Il convient de rendre accessible à l’ensemble des outils des collectivités locales un dispositif qui leur est lui-même accessible.

Par ailleurs, un tel amendement s’inscrit parfaitement dans la continuité de la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes, dont l’une des dispositions avait conduit au recrutement de plus de 2 000 emplois-jeunes par les sociétés d’économie mixte.

Enfin, un tel amendement permettra de mettre en adéquation le dispositif des contrats d’avenir avec les bénéficiaires éligibles aux contrats emplois-jeunes définis à l’article L. 5134-3 du code du travail et ainsi de compléter la palette des contrats aidés définis par ce code.

Madame la présidente, M. le ministre avait souhaité la réserve du vote de l’amendement n° 1 rectifié quater que j’ai défendu tout à l’heure jusqu’à l’issue de la présentation de l’amendement n° 42.

Mme la présidente. Effectivement !

M. Hervé Marseille. J’estime qu’il peut en effet être satisfait par cet amendement, qui remplit pleinement les conditions requises.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour défendre l’amendement n° 42.

M. Didier Guillaume. Il est défendu !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous avez compris la logique de ces amendements, qui visent à élargir aux employeurs du service public le bénéfice des emplois d’avenir.

Nous sommes convenus que le Gouvernement nous éclairerait sur les dispositions juridiques particulières de cet élargissement, afin que nous soyons absolument sûrs de notre choix et certains de n’oublier, dans le ciblage, aucun des employeurs potentiels.

J’en profite pour rassurer ceux qui nous écoutent : les HLM sont bien compris dans cet amendement élargi.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Bien évidemment, je ne suis pas opposé à ces amendements identiques. Cependant, je m’interroge.

En élargissant ainsi le dispositif aux SEM, SPL et SPLA, sommes-nous sûrs de ne pas l’ouvrir du même coup à certaines grosses entreprises du secteur marchand qui opèrent sous l’un de ces statuts ? Je ne veux pas citer de noms, mais nous savons bien qu’elles existent !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Profitant de la question de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, je souhaite également interroger à nouveau M. le ministre.

L’élargissement prévu dans ces amendements nous permet-il d’atteindre notre cible avec certitude et tout l’encadrement souhaitable ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Première question posée par les uns et par les autres : ces amendements répondent-ils à la préoccupation exprimée et permettent-ils de couvrir tous les organismes d’HLM, qu’il s’agisse d’établissements publics ou d’organismes de droit privé ?

Quelqu’un est ici bien placé pour le savoir - même s’il s’occupe aujourd’hui de formation professionnelle et non de logements, ce qui n’est nullement une manière d’être décalé et encore moins invisible (Sourires.) -, le secteur HLM, dans toute sa diversité, est aujourd’hui prêt à accueillir les jeunes dont nous parlons.

Un type d’activité m’a été cité, que je crois très important : celui des économies d’énergie, pour aider à lutter contre le gaspillage et établir des diagnostics, et ainsi permettre d’améliorer considérablement le bien-être des locataires mais aussi d’accroître leur pouvoir d’achat.

Pour répondre à la question, oui, ces amendements couvrent l’ensemble du secteur HLM.

Comme vient de le signaler M. Godefroy, cet élargissement présente un inconvénient : on risque de couvrir aussi d’autres organismes privés gérant d’autres types de services publics que celui-ci.

Je rappelle toutefois que, dans chaque département, ce dispositif permettra au comité de pilotage de faire les choix nécessaires, sous l’autorité du préfet et sur mes instructions.

Nous avons certes des priorités, quant aux jeunes que nous ciblons, quant au type d’employeur, d’activités et de territoires concernés, mais aucune de ces priorités n’est exclusive. Il en est toujours ainsi. Un pilotage fin devra par conséquent être mis en œuvre.

Autant je donnerai des instructions pour faciliter l’accès des jeunes à des emplois d’avenir au sein d’organismes d’HLM, quel que soit le statut de ces derniers, autant je suis réservé pour d’autres domaines. Je pense ici aux services d’eau ou d’assainissement, par exemple, encore que leurs propositions puissent être intéressantes pour permettre à ces jeunes d’acquérir la formation nécessaire tout en garantissant l’encadrement indispensable au travail collectif.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié bis et 42.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 1 rectifié quater, précédemment réservé, n’a plus objet.

M. Hervé Marseille. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 45, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° les sociétés coopératives et participatives telles qu'elles sont définies à l'article 1er de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et dans la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Les Nations unies ont proclamé 2012 « Année internationale des coopératives ». C’est une reconnaissance de la participation majeure de cette forme d’organisation dans le champ économique, de son efficacité et de sa pertinence, encore plus en temps de crise.

En France, les cent premières entreprises coopératives ont réalisé en 2010 un chiffre d’affaires cumulé de 188 milliards d’euros, filiales comprises, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2008. Le nombre d’emplois y a augmenté dans les mêmes proportions, et ce dans un contexte de crise.

D’ailleurs, il est à noter que le taux de pérennité à trois ans des SCOP est égal à 71 %, contre 66 % pour l’ensemble des entreprises françaises, selon les chiffres de l’INSEE.

Les sociétés coopératives et participatives investissent dans des projets viables et durables, orientés vers le bien commun, et non vers le seul profit d’actionnaires. Elles sont au service d’un projet collectif. Par leur activité, les sociétés coopératives, les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont pleinement en phase avec la société d’aujourd’hui et de demain.

Certes, présentes sur l’économie de marché et exposées à la concurrence, les sociétés coopératives sont confrontées à l’impératif de profitabilité, mais ce qui les distingue est l’utilisation de leurs profits en priorité pour les salariés et la pérennité de l’entreprise.

Les filières vertes, par exemple, parce qu’elles sont nouvelles, offrent des activités nouvelles, dans les secteurs de la recherche et de la construction. Les entreprises sociales et solidaires sont pleinement engagées dans ces démarches d’innovation. Elles expérimentent même des projets de recherche et développement, ce qui pose parfois des difficultés de financement.

Nous voulons donc élargir le champ des contrats d’avenir aux sociétés coopératives et participatives pour leur permettre de recruter ces jeunes en contrats d’avenir, pour développer les activités de demain et donc permettre la pérennisation de leur emploi, certes dans un secteur marchand, mais avec une finalité de bien public et d’intérêt collectif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Ouvrir l’accès aux emplois d’avenir à toutes les coopératives, comme le propose notre collègue Jean Desessard, poserait très certainement un problème dans la mesure où certaines d’entre elles sont des entreprises strictement commerciales : par exemple, je citerai les centres Leclerc, mais aussi les mutuelles, les institutions financières comme le Crédit coopératif, les banques populaires ou le Crédit mutuel.

L’adoption de cet amendement élargirait la liste des employeurs éligibles pour y inclure, de fait, de nombreuses entreprises du secteur marchand et créerait donc – nous en revenons au débat précédent – une différence de traitement par rapport aux entreprises concurrentes ayant le statut de société commerciale.

Autrement dit, j’invite mon collègue et ami Jean Desessard à retirer son amendement, faute de quoi nous émettrons un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le rapporteur a tout dit. Cependant, pour rester positif, monsieur Desessard, j’ajouterai que les coopératives, telles que vous les avez décrites et dans les termes que vous avez employés, sont aujourd’hui concernées par le projet de loi en sa rédaction actuelle. Non seulement elles pourront mais elles devront pouvoir accueillir des jeunes au titre des emplois d’avenir.

Toutefois, en élargissant plus, on risque de donner le sentiment que d’autres ayant acquis, au hasard d’une histoire familiale par exemple, une forme de statut de coopérative pourront aussi bénéficier du dispositif, ce qui, en l’occurrence, ne paraît pas légitime. Je ne reprendrai pas les noms de telle ou telle enseigne de grande distribution ou d’autres qui ont été cités et qui ne sont pas la cible privilégiée de ces emplois d’avenir.

Cela dit, je veux vraiment vous rassurer sur le fond : compte tenu de la façon dont vous les avez décrites et dans l’esprit dans lequel vous l’avez fait, elles seront évidemment « bénéficiaires » du dispositif permettant d’accueillir des emplois d’avenir.

Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 45 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 45 est retiré.

M. Jean-Claude Lenoir. M. Jean Desessard est solidaire ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Il y a des « amicales pressions » ! Vous avez connu cela, monsieur Lenoir ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer le mot :

qualification

par les mots :

formation qualifiante

La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié est retiré.

L'amendement n° 46, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Aïchi, Ango Ela, Benbassa, Blandin, Bouchoux et Lipietz et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À titre dérogatoire, deux ou plusieurs communes de moins de 3 500 habitants peuvent s'associer pour bénéficier des aides relatives aux emplois d'avenir pour un même salarié. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Les collectivités territoriales seront partenaires du dispositif des emplois d’avenir. Plusieurs d’entre elles ont déjà fait part de leur motivation pour en être les moteurs. Les possibilités sont nombreuses : gestion des espaces verts, missions favorisant l’intergénérationnel, valorisation de sites touristiques ou patrimoniaux, conduite de campagnes de « prévention santé ».

Assortis d’une obligation de formation qualifiante, ces emplois permettront d’éviter les écueils de certains contrats aidés, difficiles à valoriser par les jeunes à l’issue de leurs missions.

Les zones de revitalisation rurale ont été ciblées comme prioritaires pour la mise en œuvre des emplois d’avenir. Pourtant, de nombreuses collectivités qui pourraient être mobilisées, en particulier dans les zones rurales peu denses, auront sans doute des difficultés à réunir les conditions nécessaires pour privilégier à la fois le temps plein, la longue durée et la formation.

Les groupements d’employeurs auxquelles ces communes ont accès et qui pourraient être le cadre de ces recrutements ne sont malheureusement pas adaptés. En effet, ces groupements ne peuvent pas être constitués de plus de 50 % de collectivités territoriales. Il faut donc proposer une modalité particulière de regroupement dans le cadre de ce dispositif des emplois d’avenir.

En facilitant la collaboration entre collectivités de moins de 3 500 habitants pour la création d’emplois d’avenir, nous souhaitons, par là même, permettre à ces collectivités d’avoir une action efficace dans la lutte pour le développement et le maintien de compétences sur le territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Effectivement, cet amendement est sous-tendu par une idée dictée par le bon sens. À plusieurs communes, on le sait bien, il est sans doute plus facile d’offrir un emploi d’avenir.

Néanmoins, il serait très difficile, dans cette configuration, de déterminer qui serait l’employeur. Le texte a naturellement prévu que les groupements de communes pourraient embaucher un emploi d’avenir sans qu’il soit nécessaire de prendre d’autres initiatives.

Les communes peuvent aussi adhérer à un groupement d’employeurs, sous réserve que ce groupement ne compte pas dans ses membres plus de 50 % de collectivités locales, ce qui n’est pas impossible. Quoi qu’il en soit, il existe des solutions pour permettre ce type de regroupement.

Sur cet amendement, tel qu’il est libellé, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement partage votre volonté, monsieur Desessard. Dans plusieurs zones de notre territoire, on trouve en effet des communes de petite taille qui ne peuvent pas employer quelqu’un à plein temps, mais qui pourraient très bien accueillir sur leur territoire ou sous leur autorité des emplois d’avenir.

L’objet de cet amendement est tout à fait légitime. Simplement, sa formulation soulève un certain nombre de difficultés. Les jeunes concernés, éloignés de l’emploi et sans formation, se retrouveront avec deux employeurs sans grande capacité d’encadrement et devront donc aller de l’une à l’autre commune, alors même qu’ils n’ont pas beaucoup d’autonomie.

Pour répondre à votre préoccupation, il faut trouver un employeur ayant une capacité d’encadrement supérieure : ce peut être un syndicat de communes, une communauté de communes, éventuellement des centres de gestion départementaux. Toutes ces structures pourront parfaitement accueillir des emplois d’avenir et les mettre ensuite à disposition des petites communes, tout en proposant un encadrement, un suivi et une formation.

M. Alain Néri. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Les employeurs devront en effet s’acquitter d’un certain nombre d’obligations. Il paraît difficile de demander à de très petites communes d’y satisfaire.

Par conséquent, si le Gouvernement partage votre préoccupation, monsieur Desessard, il estime que le dispositif proposé par cet amendement n’est pas le mieux adapté au public ciblé.

Mme Catherine Procaccia. L'amendement est très bon, mais il ne faut surtout pas l’adopter !

Mme la présidente. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. Je répugne à avoir l’air défavorable ! (Sourires.)

Mme la présidente. Le Gouvernement en demande donc sans doute le retrait…

M. Jean Desessard. Précisément, je retire l’amendement, madame la présidente ! (Marques de déception sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Vous êtes trop solidaire du Gouvernement : résistez ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 46 est retiré.

L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'aide relative à l'emploi d'avenir représente 75 % de la rémunération brute attribuée au bénéficiaire d'un emploi d'avenir.

La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Il s’agit d’introduire dans le texte une indication qui nous paraît indispensable, à savoir le montant de l’aide attribuée aux employeurs signataires d’un contrat d’avenir, sans différence suivant que ceux-ci appartiennent au secteur marchand ou au secteur non marchand. C’est une question que nous avons longuement évoquée ce soir !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous en revenons au débat précédent. Il s’agit de proposer un taux de prise en charge de 75 %, qu’il s’agisse du secteur marchand ou du secteur non marchand.

Une telle proposition ne correspond pas à l’esprit du projet de loi. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 44 est présenté par M. Patriat.

L'amendement n° 93 rectifié est présenté par MM. Mazars, Tropeano, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 18 et 19

Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 5134-112. - L'emploi d'avenir est conclu sous la forme soit :

« 1° d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi régi par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ;

« 2° d'un contrat initiative-emploi régi par les dispositions de la section 5 du même chapitre ;

« 3° d'un contrat à durée déterminée d’insertion tel que défini à l'article L. 5132-5 lorsqu’il s’agit d’un employeur mentionné aux 1° et 2° de l’article L. 5132-4.

« Les dispositions relatives aux contrats mentionnés aux 1° et 2° du présent article s'appliquent à l'emploi d'avenir, sous réserve des dispositions spécifiques prévues à la présente section.

« Les dispositions relatives aux contrats mentionnés au 3° du présent article s’appliquent à l’emploi d’avenir, selon les dispositions de la section 5 du chapitre II du présent titre.

L’amendement n° 44 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 93 rectifié.

M. Jacques Mézard. Mon collègue Robert Tropeano est intervenu dans la discussion générale pour évoquer la nécessité de rendre le contrat à durée déterminée d’insertion éligible aux emplois d’avenir.

En introduisant l’alinéa 14 de l’article 1er, l’Assemblée nationale a autorisé « les structures d’insertion par l’activité économique mentionnées à l’article L. 5132-4 » du code du travail à recourir aux emplois d’avenir. Ces structures, dont le concept a été développé dans les années soixante-dix sur l’initiative de travailleurs sociaux, permettent à des personnes sans emploi et qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles particulières – près de 30 % d’entre elles sont des jeunes – de bénéficier de contrats de travail, afin de faciliter leur insertion professionnelle. Nombre d’entre nous ont fait l’expérience de ces structures, notamment au sein de collectivités qui mettent en œuvre des PLIE, ou plans locaux pour l’insertion et l’emploi.

Il est donc tout à fait légitime d’inscrire ces structures d’insertion dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Par un accompagnement social et professionnel adapté et une formation sur mesure, elles permettent à ces personnes éloignées de l’emploi non seulement de retrouver des habitudes professionnelles et de la confiance en soi, mais aussi de se former à un métier, d’acquérir un certain savoir-faire et de résoudre notamment des problèmes de logement et de santé, qui sont autant de freins, nous le savons tous, à l’insertion sociale. Elles constituent aujourd’hui encore l’un des principaux instruments de lutte contre les exclusions et un véritable tremplin vers l’emploi.

Les personnes recrutées par ces structures bénéficient d’un contrat à durée déterminée d’insertion. Pour autant, le projet de loi ne prévoit pas que l’emploi d’avenir puisse être conclu sous cette forme. À nos yeux, une telle mesure serait pourtant une véritable bouffée d’oxygène pour toutes ces entreprises, asphyxiées par un financement public qui n’a pas évolué depuis 1999.

Mme la présidente. L'amendement n° 19, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :

Alinéa 18, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il peut également être conclu sous la forme d'un contrat en alternance si celui-ci est à durée indéterminée.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 60, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David et MM. Watrin et Fischer, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 19, première phrase

Après les mots :

assuré

insérer les mots :

pendant le temps de travail

II. – Alinéa 28, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou en dehors de celui-ci

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement prévoit que le suivi personnalisé et la formation professionnelle mentionnés dans le projet de loi seront accomplis pendant le temps de travail et non en dehors, comme cela est actuellement rendu possible.

En effet, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi précise que la formation professionnelle peut être réalisée pendant le temps de travail, mais également en dehors.

Or nous craignons que les employeurs n’aient tendance, pour des raisons diverses, à privilégier cette dernière possibilité, voire, dans certains cas, à se désintéresser totalement de la formation au motif que, s’effectuant hors du temps de travail, elle relèverait plus de la volonté du bénéficiaire de l’emploi d’avenir que de la responsabilité de l’employeur.

Nous avons d’ailleurs l’expérience des CUI-CAE et CUI-CIE précédemment mis en œuvre. Pour 60 % d’entre eux, ces contrats n’ont pas été assortis de la formation pourtant obligatoire prévue par la loi.

Une étude de la DARES parue en 2009 révèle à ce sujet que seulement « 36 % des salariés en CAV, contrat d’avenir, et 35 % de ceux en CAE, contrat d’accompagnement dans l’emploi, sortis en 2007 déclarent avoir suivi au moins une formation au cours de leur contrat ».

Pourtant, l’une des conditions de la réussite des emplois d’avenir, qui doivent permettre un accès durable à l’emploi, est précisément le suivi d’une véritable formation professionnelle, couplé à un accompagnement personnalisé qui pourrait être comparé à un travail de dentelle, tant celui-ci doit tenir compte des spécificités et des situations personnelles de chaque bénéficiaire.

Rappelons-le, ces jeunes n’ont jamais connu, pour la majorité d’entre eux, de véritable insertion professionnelle et sont peu ou pas qualifiés. Ils ont donc besoin d’un dispositif qui leur soit pleinement adapté.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous préférons que la formation ait lieu pendant le temps de travail.

Une telle proposition est par ailleurs de nature à favoriser la signature de contrats à temps plein. On le sait, les employeurs prennent trop souvent prétexte de l’obligation de formation pour limiter la durée hebdomadaire de travail à 25 ou 26 heures, avançant l’idée que le temps restant devrait permettre la réalisation de l’accompagnement personnalisé ou des actions de formation.

Au-delà de l’inefficacité de cette mesure, on l’a vu, en matière de mise en place concrète de périodes de formation, celle-ci a pour effet évident de réduire la rémunération perçue par le bénéficiaire des contrats aidés. Les emplois d’avenir doivent rompre avec ce mécanisme.

Compte tenu de l’importance des financements publics engagés par l’État et de la faible part de salaire supportée par les employeurs recourant à de tels contrats, le groupe CRC considère que la formation professionnelle comme le suivi personnalisé doivent être réalisés pendant le temps de travail et non en dehors.

Mme la présidente. L'amendement n° 109, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 19, première phrase

Remplacer les mots :

à l’article L. 5134-19-1

par les mots :

aux 1° et 2° de l’article L. 5134-19-1

La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 32, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Alinéa 19, seconde phrase

Remplacer les mots :

à la suite donnée à l'emploi d'avenir est notamment réalisé deux mois avant l'échéance de l'aide relative à l'emploi d'avenir

par les mots:

un bilan d'activité et de compétence sont réalisés chaque trimestre, ainsi qu'un dernier inventaire des acquis dans les quatre mois précédant l'échéance de celui-ci

La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Cet amendement a pour objet de fixer des bilans réguliers d’activité au cours de l’exécution du contrat, ainsi qu’une ultime évaluation des acquis sur l’ensemble de la période, quatre mois avant son échéance.

Un accompagnement digne de ce nom suppose en effet des bilans réguliers d’activité, afin d’identifier des pistes d’amélioration et d’orienter ainsi le travail à réaliser pour progresser.

Pour ce faire, cet amendement prévoit qu’un bilan d’activité et de compétence est réalisé chaque trimestre au cours de la période d’exécution du contrat conclu au titre de l’emploi d’avenir.

De plus, une ultime évaluation des acquis de l’ensemble de la période devra être effectuée quatre mois, et non deux mois, avant l’échéance du contrat. En effet, les bénéficiaires d’un emploi d’avenir auront besoin de ce temps pour préparer l’ « après-contrat », notamment en termes de formation.

Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Alinéa 19, seconde phrase

Remplacer les mots :

deux mois

par les mots :

quatre mois

La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. L’objet de cet amendement est de prévoir un délai de quatre mois, au lieu de deux mois, pour réaliser le bilan du projet professionnel du bénéficiaire de l’emploi d’avenir et examiner la suite donnée à cet emploi, avant l’expiration de l’aide, ce afin d’effectuer un véritable bilan en profondeur.

Ce délai de quatre mois offrira l’occasion à l’employeur et au jeune de prendre la pleine mesure de ce qui a été fait et des possibilités de poursuite, avec, notamment, la signature d’un contrat de professionnalisation.

Il permettra également de donner le temps nécessaire pour remplir toutes les formalités afférentes à un autre dispositif de formation, choix de la formation, de l’organisme et de l’entreprise, par exemple.

Autrement dit, je le répète, les jeunes bénéficiaires d’un emploi d’avenir auront besoin de ce temps pour préparer l’après-contrat, notamment en termes de formation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 93 rectifié, 60, 32 et 41 rectifié ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. L’amendement n° 93 rectifié vise à autoriser le recrutement de jeunes sous la forme d’emplois d’avenir, en utilisant une formule bien connue du secteur de l’insertion par l’activité économique, à savoir le CDDI, le contrat à durée déterminée d’insertion.

Une telle hypothèse soulève bien évidemment une difficulté, puisque ce type de contrat peut être conclu pour une durée de seulement quatre mois, ce qui est trop court pour mener le travail que nous souhaitons faire au travers des emplois d’avenir. Par ailleurs, on observerait alors un effet de substitution.

En réalité, messieurs les ministres, cet amendement pose la question du financement du secteur de l’insertion par l’activité économique. C’est la revalorisation de l’aide au poste qui est ici en cause. Il serait en effet souhaitable que nous puissions apporter à ce secteur, qui fait beaucoup pour l’emploi, les assurances nécessaires.

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, car un tel dispositif, vous l’avez compris, mes chers collègues, n’a pas sa place dans le cadre des emplois d’avenir.

J’en viens à l’amendement n° 60, dont les deux parties feront l’objet d’un avis distinct, madame la présidente.

Dans son II, l'amendement prévoit que la formation, dont nous avons prévu qu’elle puisse s’effectuer en dehors du temps de travail, se déroule obligatoirement pendant le temps de travail. La commission estime qu’une telle mesure introduirait une rigidité excessive. En effet, un jeune qui occuperait un emploi d’avenir à temps partiel et qui aurait pour projet de passer son permis de conduire serait obligé, dans l’hypothèse défendue par Mme Pasquet, de le préparer et de le passer uniquement pendant le temps de formation, alors qu’il pourrait utilement utiliser son temps libre.

La commission est donc défavorable à la deuxième partie de l’amendement.

En revanche, la commission est favorable à la première partie. Il lui semble raisonnable, en effet, que le suivi du jeune se déroule pendant le temps de travail.

Aussi, si le groupe CRC accepte de rectifier son amendement en en supprimant le II, alors la commission émettra un avis favorable.

L'amendement n° 32, quant à lui, a pour objet de fixer des bilans réguliers d’activité au cours de l'exécution du contrat. Dans la mesure où le service public de l'emploi assurera un suivi personnalisé, il ne serait pas raisonnable, nous semble-t-il, que la loi détermine la fréquence selon laquelle ces bilans devront être réalisés ; laissons aux agents de Pôle emploi et des missions locales le soin d’apprécier les besoins de chacun et d'organiser ces bilans en fonction des nécessités.

La commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 41 rectifié vise à ce que le bilan relatif au projet professionnel du jeune soit réalisé non pas deux mois avant l'échéance du contrat, mais quatre mois avant. Pour une raison de bon sens, il nous paraît préférable, de surcroît si ce contrat ne dure qu'un an, que ce bilan soit dressé au plus près de son terme. L’objectif est de pouvoir disposer d’un maximum de recul sur la situation du jeune.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Mme la présidente, je laisserai à mon collègue Thierry Repentin, ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage, le soin d'exprimer l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 60, 32 et 41 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 109, le Gouvernement ne voit que des avantages aux précisions que souhaite apporter la commission.

L'amendement n° 93 rectifié, quant à lui, traduit une double inquiétude, compréhensible, des entreprises d’insertion.

Leur première préoccupation porte sur le dispositif d'aide dit « au poste ». Comme cela a été signalé, ce dispositif n'a pas été modifié depuis de nombreuses années. De fait, année après année, l'incitation diminue. C’est pourquoi nous avons chargé l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales d’une mission conjointe afin d’analyser l'ensemble de ce dispositif et son évolution. Cette mission a d’ailleurs commencé ses travaux. À son terme, c'est-à-dire d'ici à la fin de l'année, une réforme sera proposée tendant à prendre en compte les préoccupations des organismes concernés.

Mais les entreprises d’insertion nourrissent une seconde préoccupation : elles se demandent si elles vont pouvoir bénéficier des emplois d'avenir ou, plus exactement, si elles pourront accueillir les jeunes visés par ce dispositif. S'agissant d'entités de droit privé qui œuvrent souvent dans le secteur lucratif, les emplois d’avenir qu’elles accueilleraient à ce titre seraient aidés à hauteur d’environ 35 %. Or cela leur poserait un problème dans la mesure où elles seraient amenées à accueillir à la fois un public de tous âges dont les emplois sont aidés, eux, à hauteur d’environ 50 % et des jeunes de moins de vingt-cinq ans, dont les emplois seraient aidés dans la proportion que je viens d’indiquer, soit largement inférieure.

Le Gouvernement a entendu cette préoccupation. Puisque la loi nous offre la liberté d’aider ces emplois dans une fourchette comprise entre un minimum de 30 % et un maximum de 95 %, nous donnerons des instructions de manière à définir une cote bien taillée, si je puis dire, qui soit aussi bien adaptée que possible aux entreprises en question.

En résumé, pour répondre à la double préoccupation exprimée par les entreprises d’insertion, nous sommes en train d’établir un diagnostic qui nous conduira à formuler des propositions d'évolution. Je le répète, ces entreprises pourront accueillir des emplois d'avenir et, comme vous l'avez dit vous-même, monsieur Mézard, les conditions de mise en œuvre de ces emplois seront telles que ceux-ci ne feront pas concurrence aux autres dispositifs. Ainsi, les réserves de ces entreprises seront totalement levées et elles pourront accueillir dans de bonnes conditions les jeunes occupant ces emplois d'avenir.

Sous le bénéfice de ces explications, peut-être cet amendement pourrait-il être retiré par ses auteurs.

Mme la présidente. Monsieur Mézard, l'amendement n° 93 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 93 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre délégué, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 60, 32 et 41 rectifié.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Madame Pasquet, par votre amendement n° 60, vous demandez que le suivi du jeune, mais aussi sa formation, se déroule pendant le temps de travail.

Votre première proposition ne soulève aucune difficulté, puisque les entretiens qu’aura le jeune avec l'organisme chargé de son suivi, souvent la mission locale, seront réalisés durant le temps de travail.

Votre seconde proposition, qui porte sur la formation, est, elle, un peu plus complexe. En effet, certaines actions de formation auront vocation à se dérouler dans leur quasi-totalité pendant le temps de travail du jeune occupant un emploi d'avenir. Très clairement, c'est la logique du dispositif tel que nous le portons. C'est d'ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a fait adopter à l'Assemblée nationale, par voie d’amendement, une disposition selon laquelle l'employeur précise « les modalités d’organisation du temps de travail envisagées afin de permettre la réalisation des actions de formation ». L’objet est bien de prévoir l’organisation des actions de formation pendant le temps de travail.

Pour autant, on ne peut pas exclure que certaines formations puissent se dérouler en dehors du temps de travail. À cet égard, l'exemple du permis de conduire, qu’a cité M. le rapporteur, est pertinent.

Cela étant, madame Pasquet, le Gouvernement accepterait d’émettre un avis favorable sur votre amendement si vous rectifiiez son I en ajoutant le mot « prioritairement » avant les mots « pendant le temps de travail ». Ce faisant, nous répondrions à votre souhait que les actions de formation se déroulent pendant le temps de travail, mais uniquement de façon prioritaire. (Marques dubitatives sur les travées du groupe CRC.)

Les amendements nos 32 et 41 rectifié présentés par M. Marseille ont respectivement pour objet de prévoir que le suivi personnalisé auquel il est fait référence prendra la forme d'un bilan d'activité et de compétences réalisé trimestriellement et quatre mois avant l’expiration de l’aide relative à l’emploi d’avenir.

D’une part, cette disposition est d’ordre non pas législatif, mais réglementaire. D’autre part, pour des raisons identiques à celles qu'a développées M. le rapporteur, il nous semble plus pertinent que l'évaluation ait lieu non pas quatre mois, mais deux mois avant la fin du contrat. Cela permettra de mieux évaluer les actions de formation, dont certaines ne seront d’ailleurs pas achevées.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Madame Pasquet, que pensez-vous de la suggestion de M. le ministre ?

Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, je demande qu’il soit procédé à un vote par division sur cet amendement de manière à distinguer la partie portant sur les actions de formation de la partie portant sur les actions de suivi, cette dernière ne soulevant apparemment aucun problème.

S’agissant de la formation, j'entends M. le ministre délégué. Cependant, même si nous savons l'esprit dans lequel seront conduites ces actions de formation, nos interrogations demeurent. Nous considérons que l’ajout du mot « prioritairement » ne donne pas au dispositif un caractère suffisamment contraignant. Nous persistons à considérer que les actions de formation doivent avoir lieu pendant le temps de travail. Qui déciderait sinon de cette priorité, et selon quels critères ? Autant d’inconnues qui demeurent, monsieur le ministre délégué.

Pour reprendre l'exemple du permis de conduire, nous savons que son obtention nécessite environ une quarantaine d'heures de formation. Pour ma part, je considère que le temps de préparation nécessaire, réparti sur quelques mois, peut très bien être pris sur le temps de travail.

Mme la présidente. Nous procéderons donc à un vote par division des I et II de l’amendement, qui restent inchangés.

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. Avec la formation, nous abordons là l'un des volets les plus importants de ce texte. Le sujet est particulièrement délicat en raison du public concerné, à savoir des jeunes qui ont connu l'échec scolaire et l’échec au-delà, des jeunes qu’il est toujours très difficile de réinsérer dans un système de formation.

Dans nos communes, nous avons tous fait l'expérience des travaux d'utilité collective, les TUC, quand ceux-ci ont été créés voilà quelques années. Nous avons pu constater que, si les jeunes étaient souvent contents de trouver une activité, ils étaient néanmoins nombreux à nous dire, notamment ceux qui étaient les plus en difficulté, qu’ils préféraient accomplir les nombreux travaux qui leur étaient confiés dans nos communes plutôt que de suivre des actions de formation.

Aussi, si ces actions ne se déroulent pas pendant le temps de travail, il peut être difficile d’inciter ces jeunes à se former en dehors et de leur faire comprendre l'intérêt qu’ils y trouveront, alors même que la formation est essentielle pour eux.

Ne serait-ce que pour cette raison, il est important que la formation ait lieu pendant le temps de travail.

En outre, il est nécessaire qu'un bilan de ces actions de formation soit dressé. Un certain nombre de ces jeunes pourront obtenir des diplômes sanctionnant leur qualification.

Je souhaiterais cependant que cette qualification puisse être reconnue par la validation des acquis de l'expérience, que nous avons portée et qui représente une avancée incontestable.

Monsieur le ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage, puisse ce texte être l’occasion de rappeler l'importance de la validation des acquis de l'expérience. Nous devons offrir à ces jeunes un tremplin et leur reconnaître une qualification non seulement par un diplôme, mais également par ce système de validation.

Monsieur le ministre délégué, je pense que vous pourriez me donner satisfaction sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais faire écho à la remarque que vient de formuler M. Néri et attirer votre attention sur un point : en l’occurrence, la formation hors du temps de travail n'est pas la norme, puisque, s’agissant majoritairement de contrats de travail à temps plein et à durée indéterminée, celle-ci aura lieu le plus souvent pendant le temps de travail.

Cependant, dans un souci de souplesse au bénéfice tant des jeunes – pour leur apporter un vrai service – que des employeurs, n’excluons pas la possibilité d’engager des actions de formation pendant le temps libre. Je pense là aux quelques contrats qui pourraient être conclus sur la base d’un temps partiel. C'est pourquoi la formulation qu’a proposée Thierry Repentin – « prioritairement pendant le temps de travail » – me plaît bien.

Mme la présidente. Nous allons donc procéder au vote par division.

Je mets aux voix le I de l’amendement n° 60.

(Le I de l’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix le II de l’amendement n° 60.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je propose de sous-amender l’amendement n° 60, afin d’insérer le mot « prioritairement » après le mot « réalisées ».

Nous devons impérativement donner de la souplesse au dispositif, afin d’individualiser et de diversifier au maximum l’offre de formation pour les bénéficiaires des emplois d’avenir. Par exemple, si des jeunes souhaitent participer aux ateliers de pédagogie personnalisés en dehors de leur temps de travail, ils doivent pouvoir le faire.

Par ailleurs, vous le savez, un candidat au permis de conduire ne choisit pas le jour et l’heure de sa convocation à l’examen ; or, dans sa rédaction actuelle, le dispositif exclurait qu’il puisse s’y présenter en dehors du temps de travail.

J’ajoute que nous avons demandé aux régions d’adapter leur carte des formations pour tenir compte des emplois d’avenir qui seront créés dans les prochains mois : il ne faut pas que les jeunes qui bénéficieront de ces emplois soient empêchés de suivre une formation parce qu’elle serait organisée en dehors du temps de travail.

Par conséquent, s’il me semble important d’indiquer que les formations devront être suivies prioritairement pendant le temps de travail, il convient néanmoins de ne pas « corseter » le dispositif.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 114, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :

Alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

après le mot :

réalisées

insérer le mot :

prioritairement

Je le mets aux voix.

Mme Annie David. Le groupe CRC s’abstient.

M. Jean Desessard. Le groupe écologiste également.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix, ainsi modifié, le II de l'amendement n° 60.

(Le II de l’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de l'amendement n° 60, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Marseille, pour explication de vote sur l’amendement n° 41 rectifié.

M. Hervé Marseille. J’ai entendu les préoccupations exprimées par M. le ministre. L’importance de la formation dans le dispositif de ce texte m’amène à rectifier l’amendement afin de porter à trois mois le délai prévu.

En effet, il faut du temps pour traiter les dossiers, rencontrer les jeunes concernés, permettre un bon suivi par Pôle emploi ou les missions locales. La question du calendrier est donc extrêmement importante : il faut laisser du temps au temps !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. Marseille et Amoudry, Mme Dini, MM. Roche, Vanlerenberghe, Pozzo di Borgo, Zocchetto et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, et ainsi libellé :

Alinéa 19, seconde phrase

Remplacer les mots :

deux mois

par les mots :

trois mois

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Nous connaissons bien les contraintes existant en matière de formation, mais je maintiens mon avis défavorable : il faut réaliser le bilan au plus près de la fin du contrat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le Gouvernement émet le même avis. J’indique à M. Néri que la reconnaissance de la formation au titre de la VAE est bien prévue dans le texte.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création des emplois d'avenir
Discussion générale

13

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 25 septembre 2012 :

À neuf heures trente-cinq :

1. Questions orales.

À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant création des emplois d’avenir (n° 760, 2011-2012) ;

Rapport de M. Claude Jeannerot, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 768, 2011-2012) ;

Texte de la commission (n° 769, 2011-2012) ;

Avis de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 772, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 25 septembre 2012, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART