Sommaire

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

Secrétaires :

M. Marc Daunis, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Remplacement de sénateurs nommés au Gouvernement

4. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

5. Demande d'avis sur un projet de nomination

6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

7. Publication du rapport d’une commission d’enquête

8. Candidatures à un organisme extraparlementaire

9. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de Constitutionnalité

10. Renvoi pour avis

11. Questions orales

fermerture du site de l'établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre à bergerac

Question de M. Bernard Cazeau. – MM. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense ; Bernard Cazeau.

conséquences de l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile sur la santé des riverains exposés aux champs électromagnétiques

Question de Mme Françoise Laborde. – Mmes Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie ; Françoise Laborde.

maintien de l'activité cardiologique de rythmologie interventionnelle au centre hospitalier de castres mazamet

Question de Mme Jacqueline Alquier. – Mmes Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie ; Jacqueline Alquier.

caducité imminente des autorisations d'ouverture de projets d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Question de M. Georges Labazée. – Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie ; M. Georges Labazée.

départ de plusieurs grandes écoles et centres de recherche du sud des hauts-de-seine pour le plateau de saclay

Question de M. Philippe Kaltenbach. – Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement ; M. Philippe Kaltenbach.

réhabilitation de la ligne de chemin de fer saint-brieuc-auray

Question de M. Michel Le Scouarnec. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Michel Le Scouarnec.

inquiétude concernant la paralysie de la filière éolienne

Question de M. François Patriat. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; François Patriat.

modalités d’élaboration des zones de développement de l’éolien

Question de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Jean-Claude Lenoir.

problè mes rencontrés par les caisses d'allocations familiales

Question de M. Christian Favier. – Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; M. Christian Favier.

modalités de vote pour la répartition du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales

Question de M. Yves Daudigny. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Yves Daudigny.

réponse aux inquiétudes des financements bancaires pour les collectivités locales

Question de M. Marcel Rainaud. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Marcel Rainaud.

application de la taxe locale sur la publicité extérieure

Question de M. Yves Détraigne. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Yves Détraigne.

gestion du personnel au sein de l'entreprise la poste

Question de M. Dominique Watrin. – MM. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Dominique Watrin.

perspectives de la décentralisation des enseignements artistiques

Question de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mmes Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication ; Catherine Morin-Desailly.

situation du service départemental d'incendie et de secours de guyane

Question de M. Georges Patient. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Georges Patient.

avenir des politiques de contrôles routiers

Question de M. Alain Fouché. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Alain Fouché.

stationnement des véhicules des personnes handicapées sur le domaine public

Question de M. Philippe Bas. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Philippe Bas.

réglementation sur le cumul des mandats

Question de M. Jean Louis Masson. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Jean Louis Masson.

avenir de l'entreprise bopack basée à bazouges-sur-le-loir

Question de M. Jean Desessard. – MM. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif ; Jean Desessard.

avenir de la société altis basée à corbeil-essonnes

Question de M. Michel Berson. – MM. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif ; Michel Berson.

12. Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire

13. Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

14. Candidatures à des commissions

15. Candidatures à une commission sénatoriale et à deux délégations sénatoriales

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

16. Nomination de membres de commissions

17. Nomination d’un membre d'une commission sénatoriale et de deux membres de délégations sénatoriales

18. Loi de finances rectificative pour 2012. – Discussion d'un projet de loi

Discussion générale : MM. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances.

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Philippe Marini, président de la commission des finances.

Mme la présidente.

MM. Jean-Vincent Placé, Jean Louis Masson, Jean Arthuis, Thierry Foucaud, Yvon Collin, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. François Rebsamen, Mmes Fabienne Keller, Aline Archimbaud, Aymeri de Montesquiou, Mme Michèle André, MM. Dominique Watrin, Christian Bourquin, Philippe Dominati, Mmes Corinne Bouchoux, Christiane Demontès, MM. Serge Dassault, Georges Patient, Louis Nègre, Jean-Pierre Caffet, Pierre Charon, Claude Haut, Robert del Picchia, David Assouline, Mmes Élisabeth Lamure, Claudine Lepage, MM. Christophe-André Frassa, Jacques-Bernard Magner.

M. le ministre délégué.

Clôture de la discussion générale.

M. le président de la commission.

19. Communication d’un avis sur un projet de nomination

20. Candidature à une délégation sénatoriale

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

21. Nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale

22. Communication du Conseil constitutionnel

23. Loi de finances rectificative pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Question préalable

Motion no 1 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, Jean Germain, François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Mme Marie-France Beaufils, M. Philippe Marini. – Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 150 de M. Jean Arthuis. – MM. Jean Arthuis, Richard Yung, François Marc, rapporteur général ; Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. – Rejet par scrutin public.

première partie

Article 1er

M. Philippe Marini, président de la commission des finances ; Mmes Fabienne Keller, Isabelle Pasquet, MM. Albéric de Montgolfier, Richard Yung, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jacques Gillot, Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Jean-Pierre Caffet.

Renvoi de la suite de la discussion.

24. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Marc Daunis,

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean François-Poncet, qui fut sénateur du Lot-et-Garonne de 1983 à 2011.

3

Remplacement de sénateurs nommés au Gouvernement

M. le président. Conformément à l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la Constitution, le président du Sénat a pris acte de la cessation, à la date du samedi 21 juillet 2012 à minuit, des mandats sénatoriaux de :

- Mme Hélène Conway-Mouret, nommée ministre déléguée chargée des Français de l’étranger ;

- Mme Anne-Marie Escoffier, nommée ministre déléguée chargée de la décentralisation ;

- M. Thierry Repentin, nommé ministre délégué chargé de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Conformément aux articles L.O. 179, L.O. 319 et L.O. 320 du code électoral, M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur, a fait connaître à M. le président du Sénat qu’à compter du dimanche 22 juillet 2012, à zéro heure, ces ministres sont respectivement remplacés par :

- Mme Kalliopi Ango Ela, en qualité de sénateur représentant les Français établis hors de France ;

- M. Stéphane Mazars, en qualité de sénateur de l’Aveyron ;

- M. André Vairetto, en qualité de sénateur de la Savoie.

Je leur souhaite, au nom du Sénat tout entier, une cordiale bienvenue.

4

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel, actuellement en cours d’examen.

Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

5

Demande d'avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application de l’article 3 de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 et de l’article 2 du décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004, M. le Premier ministre, par lettre en date du 20 juillet 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de transports sur le projet de nomination de M. Philippe Duron en tant que président du conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

6

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le premier ministre le rapport évaluant les effets de l’exercice des compétences décentralisées sur le fonctionnement du système éducatif et sur la qualité du service rendu aux usagers, établi en application de l’article L. 211-1 du code de l’éducation.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

7

Publication du rapport d’une commission d’enquête

M. le président. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours nets pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, créée le 17 janvier 2012 à l’initiative du groupe communiste, républicain et citoyen, en application de l’article 6 bis du Règlement du Sénat.

En conséquence, ce rapport a été imprimé sous le n° 673 et mis en distribution aujourd’hui.

8

Candidatures à un organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de la montagne en qualité de membres titulaires.

La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose les candidatures de MM. Jackie Pierre et André Vairetto.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Bernadette Bourzai.

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Vial.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

9

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de Constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 20 juillet, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2012-263 QPC, 2012-266 QPC et 2012-267 QPC).

Acte est donné de ces communications.

10

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (n° 687, 2011-2012), dont la commission des finances est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

11

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

fermerture du site de l'établissement spécialisé du commissariat de l'armée de terre à bergerac

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 1633, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation de l’Établissement spécialisé du commissariat de l’armée de terre, l’ESCAT, qui est basé à Bergerac et dont la principale activité consiste à réceptionner, à stocker et à distribuer des effets d’habillement au profit des personnels de l’armée de terre.

À l’origine, le site représentait 21 hectares, dont le bâtiment d’exploitation couvrait une superficie de 90 000 mètres carrés.

Voilà quelques années, ce site a bénéficié de l’installation d’une chaîne de distribution totalement neuve dans le cadre d’un plan d’investissement de 2 millions d’euros, avec une vingtaine de recrutements effectués à la clé.

Pourtant, en 2009, dans le cadre de la restructuration des missions de défense nationale, la fermeture du site de Bergerac a été annoncée pour 2014. L’établissement employait alors 124 personnes, dont 113 agents civils et 11 militaires. Son activité est aujourd’hui en cours de relocalisation sur le site de Châtres, dans l’Aube.

Quatre ans plus tard, il reste 43 employés, aux côtés de 18 militaires. Une partie du matériel a été enlevée, alors que les conditions de stockage, en termes tant de normes de sécurité que de volume, restent optimales.

Cette décision a été mal vécue par la population bergeracoise. La disparition d’un tel site sur ce territoire, où les activités industrielles ont toujours été essentielles pour le dynamisme économique, constitue en effet une préoccupation quotidienne pour les habitants et les élus.

Pis, le choix du précédent gouvernement est venu s’ajouter au démantèlement de la Société nationale des poudres et des explosifs, la SNPE, à l’abandon du fret ferroviaire, notamment pour le transport de bois, à la fermeture programmée du centre de Météo-France, aux suppressions de postes à l’éducation nationale ou encore à la réorganisation du réseau départemental du Trésor public et de La Poste.

Ce projet de fermeture du site de Bergerac fait l’objet d’un plan local de redynamisation, ou PLR, doté d’un fonds de 6 millions d’euros, initié par l’État. Ce plan prévoit notamment d’orienter la reconversion du site vers le développement d’une offre touristique et de loisirs intégrant la création d’un parc aquatique.

Le jeudi 5 avril 2012, M. Jérôme Cahuzac, devenu depuis ministre délégué chargé du budget, avait annoncé à Bergerac un moratoire sur la fermeture des sites militaro-industriels du pays. Cette position avait d’ailleurs été également exprimée par l’actuel président de la République au mois de septembre 2011. Concrètement, au vu de la situation actuelle, la mise en œuvre d’un moratoire permettrait de geler la procédure en cours et de réexaminer la situation et l’avenir de l’établissement.

C’est en ce sens, monsieur le ministre, que je vous demande de réfléchir sur le report de la fermeture du site.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le sénateur, je comprends votre préoccupation.

La fermeture de l’ESCAT de Bergerac a été décidée en 2009 par le précédent gouvernement. Il s’agissait de prendre en compte la baisse des besoins en soutien habillement, campement, couchage et ameublement liée aux dissolutions et aux restructurations des formations de l’armée de terre. Ce mouvement est d’ailleurs à peu près identique dans les autres armées. La fermeture s’effectuera au profit du site de Châtres, dans l’Aube.

Il m’est difficile de vous accorder le moratoire complémentaire que vous sollicitez.

En effet, il a été décidé que la cessation de l’activité de l’ESCAT de Bergerac ne serait effective qu’à partir de 2014. Mais 70 % des stocks ont déjà été transférés à Châtres. En outre, du point de vue des infrastructures, l’ESCAT de Bergerac ne correspond plus aux normes d’un établissement logistique moderne en termes de stockage.

Il est donc nécessaire de poursuivre dans la voie d’une gestion concertée jusqu’en 2014, mais il ne me paraît pas possible de remettre en cause le moratoire au-delà de cette date.

En revanche, la situation des 43 employés qui sont toujours présents dans l’ESCAT de Bergerac et les conditions de leur reclassement feront l’objet d’une attention toute particulière de la part du Gouvernement.

Je veillerai personnellement à la mise en œuvre du plan local de redynamisation signé le 4 mai dernier par le président du conseil régional d’Aquitaine, le président du conseil général de Dordogne et le maire de Bergerac. L’État y participera financièrement à hauteur de 1,5 million d’euros, ce qui n’est pas négligeable. Cela permettra, je l’espère, que la mutation du site puisse s’opérer dans les meilleures conditions pour la commune de Bergerac et les personnels concernés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse et je prends acte de votre position, même si je regrette que le problème ne puisse pas être réexaminé, comme cela avait été évoqué précédemment. Il est vrai que les périodes de campagne électorale sont souvent propices aux promesses…

Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte pour attirer l’attention du Gouvernement sur les séquelles économiques et sociales de telles décisions pour le territoire bergeracois, où le taux de chômage atteint 11 %, contre 10 % en moyenne dans l’ensemble de la région Aquitaine. De plus, la population est vieillissante et subit durement les effets des restructurations de l’industrie militaire. Je pense, par exemple, à la SNPE.

Dans ces conditions, Eurenco, seule entreprise relevant de votre domaine de compétences à rester sur notre territoire, aura sans doute besoin de toute la sollicitude de l’État pour pouvoir créer des emplois et compenser ainsi quelque peu les décisions malheureuses du précédent gouvernement.

conséquences de l'implantation des antennes relais de téléphonie mobile sur la santé des riverains exposés aux champs électromagnétiques

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 31, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le déploiement des réseaux de téléphonie mobile a engendré la dissémination d’une multitude d’antennes relais sur l’ensemble du territoire. Ce phénomène s’est aggravé avec l’introduction d’un quatrième opérateur sur le marché, et il s’accentuera avec le passage progressif à la téléphonie mobile de quatrième génération.

Une telle situation soulève de vives inquiétudes auprès d’un nombre de plus en plus important de riverains vivant à proximité de ces antennes ou dans des lieux prévus pour leur installation. C’est notamment le cas dans mon département, en Haute-Garonne, à Balma, à Mondonville ou encore à Launac, où la mobilisation des populations est très forte.

Or, depuis plusieurs années, les travaux scientifiques relatifs aux conséquences de l’exposition à long terme aux champs électromagnétiques sur la santé humaine progressent. Voilà plus d’un an, l’Organisation mondiale pour la santé adoptait une classification en 2B, c’est-à-dire possiblement cancérigène, pour les radiofréquences et leurs applications.

Certains experts dénoncent les effets aggravants de l’exposition électromagnétique sur des maladies neurodégénératives du système nerveux central comme la sclérose en plaques, la maladie d’Alzheimer, l’électro-hypersensibilité, ou encore sur la fragmentation de l’ADN des spermatozoïdes. Ils affirment que la moelle épinière serait particulièrement exposée aux dysfonctionnements. En mai dernier, l’académie américaine de médecine environnementale tirait la sonnette d’alarme, nous alertant sur les effets sanitaires « significatifs mais peu connus des champs électromagnétiques et radiofréquences sur la santé humaine ».

Alors que le précédent gouvernement s’est distingué par son immobilisme, les seuls mécanismes de concertation mis en place entre les communes et les opérateurs téléphoniques n’apportent pas de réponse à l’inquiétude des riverains. Pis, depuis l’arrêt du Conseil d’État du 26 octobre 2011 limitant les pouvoirs des maires en matière d’implantation des antennes relais, ces craintes sont renforcées. Outre les critiques sur les risques sanitaires et les seuils d’exposition aux champs électromagnétiques engendrés par ces antennes, les collectifs de riverains dénoncent des problèmes de gouvernance dans la réglementation du secteur dans son ensemble et plus particulièrement le manque de concertation et d’information objective pour les populations.

Face à ce constat, et afin de protéger la population exposée, parfois même surexposée, j’estime qu’il relève de la responsabilité de la nouvelle majorité gouvernementale d’appliquer de toute urgence le principe constitutionnel de précaution aux questions relatives à l’exposition aux champs électromagnétiques. Plusieurs États dans le monde, comme le Chili ou certains pays membres de l’Union européenne, ont déjà fait le choix d’abaisser les seuils en question, au motif de ce principe de précaution.

C’est pourquoi, afin de répondre aux nombreuses inquiétudes soulevées, je vous demande, madame la ministre, de lancer une double réflexion, en lien avec des autorités scientifiques indépendantes, d’une part, sur la nécessaire révision à la baisse des seuils techniques d’émission des antennes relais qui avaient été fixés par le décret n° 2002-775 du 3 mai 2002, et, d’autre part, sur la refonte complète des mécanismes de gouvernance relatifs à l’implantation et à la réglementation des antennes relais.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence ce matin de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, qui est retenue par ses fonctions à l’étranger.

Madame la sénatrice, comme vous l’avez très précisément souligné, un certain nombre d’interrogations sur les effets sanitaires des radiofréquences ont émergé. Les travaux sur cette question le confirment : ces interrogations sont légitimes. En tant que ministre des affaires sociales et de la santé, Mme Touraine est particulièrement attentive aux recherches et à l’avancée des connaissances sur les effets sanitaires des radiofréquences.

Le décret du 3 mai 2002 est venu transposer en droit national la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 12 juillet 1999 relative à l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Ce décret fixe les valeurs limites d’exposition du public aux champs électromagnétiques des installations telles que les antennes relais. Il se fonde sur les travaux de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants, commission non gouvernementale composée d’experts indépendants. Ainsi, le plafond des seuils d’émission des antennes relais est aujourd’hui de 61 volts par mètre.

La grande majorité des pays membres de l’Union européenne applique la recommandation du 12 juillet 1999 que je viens de citer. Cette recommandation est ainsi suivie de deux manières : onze pays l’ont intégrée dans la réglementation nationale, sept pays l’ont traduite sous forme de simple recommandation.

Toutefois, certains États membres ont effectivement adopté des approches différentes, avec par exemple l’introduction de limites plus restrictives dans ce que l’on appelle les « lieux de vie ». C’est notamment le cas de la Belgique, de l’Italie, du Luxembourg et de plusieurs pays de l’Est. Ces États suivent l’application d’un principe de précaution face à d’éventuels risques sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétiques, et leurs valeurs limites d’exposition ont été, dans la majeure partie des cas, fixées de manière arbitraire. Les positions ne sont donc pas figées.

Une étude, commandée par le gouvernement précédent et visant à évaluer la sensibilité des patients par rapport à leur exposition aux champs électromagnétiques ainsi que leur état de santé et leur qualité de vie, a débuté au mois de février 2012. Nous devons soutenir toute initiative visant à développer et à approfondir les informations dont nous disposons quant aux effets des rayons électromagnétiques. Mais nous regrettons aussi fortement que cette étude, financée par l’État dans le cadre d’un programme hospitalier national, n’ait fait l’objet d’aucune concertation préalable à sa mise en œuvre avec les acteurs concernés, pourtant nombreux et très engagés. Les associations ont ainsi été laissées de côté, alors qu’elles avaient toute légitimité à être auditionnées.

La ministre des affaires sociales et de la santé a donc décidé de se saisir de ce dossier, comme vous en avez exprimé le souhait. Une première phase de concertation a eu lieu la semaine dernière : le cabinet de la ministre a reçu l’ensemble des associations de patients qui l’avaient saisie.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse qui est assez complète et même encourageante puisqu’une concertation a déjà eu lieu la semaine dernière. Sachez que vous répondez par mon intermédiaire à tous nos concitoyens inquiets. Je le répète, la santé publique doit être une priorité. Il faut veiller à ce que les intérêts personnels ne priment pas sur l’intérêt collectif.

Je n’ai pas mis l’accent sur les zones rurales, où les fréquences d’émission sont plus fortes ; il faut peut-être plus d’antennes, moins puissantes. Bien sûr, je n’entrerai pas dans la technique pure, les normes, les seuils, les autorités chargées de ce dossier… Je me demande toutefois si, pour toutes ces raisons, il ne faudrait pas décider d’un moratoire.

maintien de l'activité cardiologique de rythmologie interventionnelle au centre hospitalier de castres mazamet

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, auteur de la question n° 19, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Jacqueline Alquier. Cette question concerne le centre hospitalier intercommunal, ou CHIC, de Castres Mazamet.

Le futur schéma régional d’organisation des soins évoque la suppression de l’autorisation d’activité de rythmologie interventionnelle pour centraliser ces prises en charge au centre hospitalier d’Albi.

Or le CHIC Castres Mazamet assure en Midi-Pyrénées la deuxième activité publique de cardiologie conventionnelle puisque, outre la population du Tarn Sud, elle couvre une partie de la Haute-Garonne et de l’Hérault.

La décision envisagée serait lourde de conséquences, aussi bien pour l’établissement en termes d’activité que pour la population en termes d’offre de soins et de sécurité sanitaire.

La suppression de cette activité entraînerait inévitablement le départ de médecins cardiologues qui ne pourraient être remplacés, l’établissement perdant de son attractivité dans un contexte où le recrutement de médecins est déjà très compliqué.

Ainsi, la suppression de l’autorisation d’activité de rythmologie interventionnelle entraînerait à court ou à moyen terme la fermeture de l’unité de soins intensifs de cardiologie, non sans conséquences sur la prise en charge des patients quand on sait que la rapidité d’intervention est vitale dans ces pathologies.

J’attire également votre attention sur les dépenses supplémentaires, au détriment de la sécurité sociale, induites par la mise en place de transports sanitaires par des ambulanciers privés vers le nord du Tarn.

Qui plus est, une salle opératoire est aujourd’hui dédiée à la cardiologie interventionnelle au sein d’un établissement tout neuf, ultramoderne, non encore inauguré, qui a ouvert ses portes en janvier 2011 après un investissement de 175 millions d’euros : la communauté médicale comme les usagers ne comprendraient pas que cette activité ne soit pas maintenue.

Par ailleurs, en lien avec ce point, se pose la question du financement du déménagement des hôpitaux de Castres et de Mazamet fusionnés dans cet établissement intercommunal.

En effet, ce déménagement, réalisé à cheval sur les années 2010 et 2011 n’a pour le moment pas fait l’objet d’un soutien financier, pourtant habituel pour des opérations exceptionnelles qui, par définition, ne sont pas prises en compte dans la rémunération à l’activité.

Des conséquences financières significatives sont d’ores et déjà à déplorer puisqu’on observe un déficit sur les années 2010 et 2011, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Madame la ministre, je vous demande donc de nous rassurer sur le maintien de l’activité de rythmologie et sur le financement du déménagement, qui constituent deux décisions importantes pour la pérennité d’un équipement vital pour mon département.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Madame la sénatrice, en matière d’accès à l’offre de soins, le gouvernement précédent nous a effectivement laissé une situation catastrophique, notamment en milieu rural. Vos inquiétudes sont parfaitement légitimes et nous les partageons.

Pour enrayer la désertification médicale, le Président de la République s’est notamment engagé à ce que chacun puisse accéder à des soins urgents – c’est le cas de la cardiologie – dans un délai de trente minutes.

Nous avons d’ores et déjà commencé à mettre en œuvre la concrétisation de cet engagement. Les agences régionales de santé ont reçu l’instruction de poser un diagnostic et d’identifier les solutions permettant d’y répondre.

Concernant la situation du centre hospitalier de Castres Mazamet, la question du maintien de son activité « cardiologie de rythmologie interventionnelle » a retenu toute l’attention de la ministre des affaires sociales et de la santé.

L’agence régionale de santé de Midi-Pyrénées envisageait le transfert de cette activité. Cette décision aurait entraîné le départ des médecins cardiologues, ainsi que la fermeture de l’unité de soins intensifs de cardiologie de cet hôpital. Or l’offre de soins dans le Tarn, département rural, est déjà confrontée à la désertification médicale et nécessite le maintien de cette activité.

De plus, le centre hospitalier intercommunal de Castres Mazamet est un établissement neuf, ultramoderne. Ce sont 175 millions d’euros qui ont été investis, et la communauté médicale ainsi que les usagers n’auraient pas compris une telle décision.

Je vous rassure donc : l’ARS de Midi-Pyrénées a décidé de confirmer le maintien de cette activité, vitale pour une offre de soins équilibrée.

Vous avez également interrogé Mme Touraine à propos du financement du déménagement de l’hôpital réalisé entre 2010 et 2011. L’hôpital de Castres Mazamet a déjà bénéficié d’aides considérables. En effet, il perçoit au total 8,4 millions d’euros par an, ce qui permet de couvrir 70 % du coût d’opération hors équipements, alors que les aides prévues dans les plans successifs sont normalement limitées à 50 %.

Nous avons bien entendu votre demande d’aide ponctuelle, mais je serai sur ce point moins réconfortante : étant donné les chiffres que nous venons d’évoquer, l’ARS Midi-Pyrénées a souhaité privilégier d’autres projets, également indispensables au maintien d’une offre de qualité sur l’ensemble de votre territoire.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Madame la ministre, nos inquiétudes étaient donc légitimes.

Vous nous avez tout à fait rassurés concernant l’activité cardiologique de rythmologie interventionnelle sur notre secteur, et je vous en remercie.

S’agissant du financement du déménagement, et compte tenu du caractère mitigé de votre réponse, nous resterons attentifs à ce que le traitement soit parfaitement équitable d’un établissement à un autre, et nous vous interpellerons vraisemblablement de nouveau sur cette question.

caducité imminente des autorisations d'ouverture de projets d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, auteur de la question n° 20, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

M. Georges Labazée. Madame la ministre, l’ouverture des établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, est soumise à la double autorisation, ou double signature, du directeur des agences régionales de santé et du président du conseil général. Ce dispositif est également valable pour les extensions de places de soins dans des établissements existants.

Dans les Pyrénées-Atlantiques comme en Aquitaine, et partout ailleurs en France, les collectivités et organismes porteurs de projets ont été invités à répondre à des appels d’offres lancés par les agences régionales de santé, les ARS, et les conseils généraux à partir des schémas régionaux et départementaux pour les personnes âgées – dans mon département, il s’agit du schéma de l’autonomie.

Malheureusement, faute de moyens nouveaux octroyés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, ou CNSA, des opérations majeures et considérées comme prioritaires par l’ARS et le conseil général n’ont pas reçu à ce jour de réponse positive. Elles sont pourtant situées dans des zones déficitaires, comme l’ARS l’a d’ailleurs parfaitement admis, y compris par écrit.

Les collectivités telles que Lembeye, Lagor et Navarrenx, malgré un avis favorable du comité régional de l’organisation sociale et médico-sociale, ou CROSMS, vont perdre leur autorisation d’ouverture. Or, on le sait, ces collectivités ont investi plusieurs milliers d’euros en études d’ingénierie. La situation est donc devenue insoutenable pour les promoteurs publics.

Comment expliquer cet état de fait ?

La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi Bachelot, a limité à deux ans la validité des autorisations précitées. De ce fait, cette loi a « organisé » la caducité de ces projets. La situation doit être la même dans d’autres départements.

C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir consentir une dérogation pour éviter que cette caducité ne pénalise les collectivités locales concernées en leur imposant de nouvelles études coûteuses et, surtout, en reléguant dans le fonds du classement régional ces projets, ce qui constitue une injustice supplémentaire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, vous m’alertez à très juste titre sur une question qui, vous le reconnaissez, ne concerne pas seulement votre département et les projets de Navarrenx, Lembeye et Lagor. Je sais que le territoire du Béarn-Soule est placé à l’avant-dernier rang pour les places d’hébergement permanent.

Sur l’ensemble de nos territoires, de nombreux projets de création ou d’extension substantielle d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes verront, faute de financements mobilisables, « tomber » d’ici à la fin de l’année l’avis d’autorisation d’ouverture qui leur était accordée par le CROSMS, sous réserve de la disponibilité des crédits de financement.

Les projets qui ont recueilli un avis favorable du CROSMS mais dont le financement n’est pas assuré sont inscrits sur une liste de projets en attente de financement, pour une durée maximale de trois ans. C’est l’application de la réglementation qui préexistait à la loi HPST. Je suis tout à fait consciente de la situation, et j’ai d’ailleurs été saisie de ce type de dossiers dès mon arrivée au ministère.

Vous l’avez justement rappelé, la loi HPST a modifié le régime de l’autorisation pour ces établissements et a introduit une procédure d’appel à projets préalable à sa délivrance. La décision d’autorisation est rendue après classement des projets par une commission de sélection des appels à projets auprès de chaque autorité. Dans ce nouveau cadre, le financement est alors garanti.

À terme donc, il n’y aura plus de listes de projets en souffrance pour lesquels des porteurs de projets et des élus auraient investi et qui ne pourraient aboutir.

Ce changement, qui redonne l’initiative aux autorités publiques, vise à organiser de façon plus efficace et juste la sélection des projets par les décideurs afin de répondre à des besoins médico-sociaux définis de façon collective et concertée.

S’agissant de l’aide de l’État que vous appelez de vos vœux et de ma capacité à mobiliser la réserve nationale, nous sommes contraints de faire face à une situation très désagréable héritée du gouvernement précédent, des engagements ayant été pris au-delà de ce que permet la tradition républicaine et au-delà de ce que devait couvrir la réserve nationale.

Face à une longue liste de projets très hétéroclites pour lesquels les notifications de crédits n’ont pas été encore faites, je devrai rendre un arbitrage impartial en vertu de deux règles : conserver l’engagement là où son retrait risquerait de mettre en jeu la réalisation même du projet et là où les besoins sont réels, et le retirer lorsque le projet n’est pas suffisamment construit ou risque l’illégalité en raison de l’absence de recours à la procédure d’appel à projets.

Votre département n’a pas été délaissé et un projet identifié par l’ARS et bien placé sera soutenu : celui d’Hendaye. Je peux vous confirmer aujourd’hui que dix places supplémentaires d’hébergement seront financées à Hendaye.

Concernant les trois projets évoqués de Navarrenx, Lagor et Lembeye, où les besoins, je n’en doute pas, existent, je ne peux revenir sur la règle fixée de l’appel à projets : il s’agit de la loi, et y déroger dans votre territoire ou pour un établissement m’amènerait à y déroger pour tous, ce qui n’est pas mon choix.

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Madame la ministre, j’ai bien entendu vos explications. Nous aurons sans doute l’occasion de reparler de la loi HPST, voire de l’amender. Il paraît indispensable que soient précisés les orientations de la CNSA pour les deux ou trois années à venir et les moyens qui y seront affectés, ainsi que la manière dont nous pourrons faire face aux besoins très urgents de création d’EHPAD dans les zones déficitaires. Nous devons disposer de ces informations avant le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui se tiendra au Sénat à l’automne.

départ de plusieurs grandes écoles et centres de recherche du sud des hauts-de-seine pour le plateau de saclay

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, auteur de la question n° 1636, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.

M. Philippe Kaltenbach. Madame la ministre, parmi les multiples volets du dossier du Grand Paris dont vous êtes chargée, celui de l’aménagement du plateau de Saclay est tout particulièrement sujet à discussion.

En effet, l’ancien président de la République, en visite sur ce site le 24 septembre 2010, avait confirmé son intention d’en faire, à tout prix pourrait-on dire, un pôle scientifique et technologique de classe mondiale, une Silicon Valley francilienne. Pour concrétiser rapidement son projet, M. Sarkozy s’est fortement impliqué dans la « délocalisation » vers le plateau de Saclay de plusieurs grandes écoles et centres de recherches franciliens.

Beaucoup de ces établissements sont implantés depuis de très nombreuses années dans le sud des Hauts-de-Seine. Ils y ont jusqu’ici poursuivi sans difficulté leur expansion. C’est notamment le cas de l’École normale supérieure et de la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry, ou encore du centre de recherche et développement d’EDF à Clamart, qui compte plus de 1 000 salariés.

Les élus locaux de ces territoires n’ont pas manqué de dénoncer une méthode absurde consistant à déshabiller Pierre, le sud des Hauts-de-Seine, pour habiller Paul, c'est-à-dire les terres, aujourd’hui encore agricoles, de Saclay, et ce par le seul fait du prince.

Alors que la priorité reste aujourd’hui de limiter les déplacements pendulaires des Franciliens, quelle cohérence y a-t-il à implanter des milliers d’emplois dans une zone encore très peu dotée en logements et en transports ? Le projet de liaison rapide avec le plateau de Saclay, inclus dans celui du Grand Paris Express, continue de faire largement débat tant sur les importants financements qu’il va mobiliser que sur la forme qu’il prendra.

Ce projet, même s’il venait à se concrétiser, ne verrait pas le jour avant quinze ou vingt ans, créant jusqu’à cette échéance de nouveaux déplacements sur un réseau de transports, essentiellement routier, qui est largement saturé aux heures de pointe et inadapté à un nouvel afflux de voyageurs.

Je rappelle pour mémoire que figure parmi les objectifs du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, le développement prioritaire de la métropole dense parisienne. En effet, nos territoires sont aujourd’hui particulièrement dynamiques en termes d’aménagement de transports et de construction de logements. Pour le sud des Hauts-de-Seine, deux tramways desserviront prochainement ce secteur, le tramway T6, qui sera livré en 2014, et le tramway T11, qui reliera, à l’échéance 2018-2019, Antony-la Croix de Berny au centre de Clamart.

Madame la ministre, je souhaiterais connaître le sort que le Gouvernement entend réserver au plateau de Saclay dans le cadre du projet du Grand Paris. Ce sort conditionne aussi fortement l’avenir de nombreux autres territoires, dont le sud des Hauts-de-Seine. Comptez-vous revenir sur les décisions prises de façon précipitée qui vont, sous prétexte de renforcer le dynamisme d’un territoire en devenir, amputer celui de ses voisins par le départ de plusieurs établissements de renom ? Ces derniers ont pourtant largement, grâce à l’ensemble des outils de communication modernes, les possibilités de collaborer étroitement in situ avec le campus de Saclay.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, un certain nombre d’acteurs se sont impliqués depuis plusieurs années dans le projet de création d’un pôle scientifique de niveau mondial sur le territoire compris entre Massy et Saint-Quentin-en-Yvelines.

Ce projet fait aujourd’hui l’objet d’une opération d’intérêt national sur les secteurs stratégiques du plateau de Saclay, de la Minière et du plateau de Satory. La loi relative au Grand Paris du 3 juin 2010 a créé un établissement public, compétent en matière d’aménagement, de développement économique et de valorisation scientifique et chargé, sur le plan opérationnel, de l’implantation cohérente d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

J’ai bien conscience que le départ annoncé de certaines grandes écoles et centres de recherches franciliens vers Saclay constitue pour votre commune, et sans doute pour d’autres, une mauvaise nouvelle. Il est évident pour moi que ces déménagements ne devront pas se faire au détriment de vos territoires ou de leurs projets d’aménagement. Néanmoins, il ne m’appartient pas, et vous le savez, de revenir sur les décisions d’implantation prises par les écoles que vous avez mentionnées ou par le centre de recherche et développement d’EDF.

S’il n’est pas envisageable de revenir sur un processus déjà largement engagé, il m’appartient en revanche de l’accompagner et de créer les conditions favorables pour qu’un projet équilibré voie le jour. C’est pour cela que je peux vous assurer de ma vigilance sur trois points.

Je souhaite d’abord que la création d’un tel pôle scientifique en Île-de-France bénéficie à tout le territoire. Ses retombées scientifiques, l’effet d’entraînement sur l’économie et sur l’emploi devront rayonner sur toute la région. Plutôt qu’une concentration des moyens sur un territoire, je souhaite que le pôle scientifique de Saclay soit l’une des pièces maîtresses pour faire du Grand Paris un projet d’aménagement partagé par tous les Franciliens.

C’est pourquoi je veillerai également à ce que l’aménagement de cette vallée scientifique ne devienne pas le prétexte ou le vecteur d’opérations immobilières spéculatives au profit de quelques promoteurs peu vertueux.

Ensuite, et vous vous en doutez, je serai particulièrement attentive aux enjeux écologiques. La préservation des terres agricoles de Saclay est un préalable au développement du projet. La loi a déjà sanctuarisé 2 300 hectares de terres agricoles. Plus largement, j’imposerai une articulation cohérente du projet avec les orientations du SDRIF actuellement en discussion.

Enfin, l’association de toutes les collectivités concernées à ce projet, y compris celles qui sont concernées par un déménagement, sera déterminante pour la réussite du projet : je l’ai déjà dit, il nous faut, ensemble, penser les complémentarités, les équilibres sociaux, culturels, urbains, écologiques, dans une métropole solidaire et innovante. C’est ce défi, au cœur de l’égalité des territoires, que, ensemble, nous pourrons relever. Monsieur le sénateur, je compte sur vous.

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je note que vous serez extrêmement vigilante sur ce dossier. Je remarque également que le Gouvernement adopte une attitude différente, ce qui est normal compte tenu du changement de majorité ! Pendant plusieurs années, les décisions ont été imposées, notamment aux universités et aux centres de recherche.

Au sujet d’EDF, je rappelle pour mémoire que le centre de recherche de Clamart avait engagé un projet de reconstruction du site qui, du jour au lendemain, a été abandonné au profit de Saclay, et que les travaux de rénovation du centre de formation des Mureaux ont dû s’arrêter le jour où, suivant les recommandations du Gouvernement, l’entreprise a décidé de déplacer son centre de formation, là aussi à Saclay.

À chaque fois, on travaille dans la précipitation, rien n’est organisé et on joue les territoires les uns contre les autres.

De tels procédés sont inacceptables et entraînent de grandes contradictions et des difficultés dans la gestion de nos territoires.

J’ajoute que je suis extrêmement satisfait de votre volonté de préserver les terres agricoles de Saclay, qui, chacun le sait, sont très bonnes. Il faut en effet maintenir une agriculture de proximité en Île-de-France.

Madame la ministre, tout cela nécessite d’être redéfini, et je fais confiance au Gouvernement pour engager une réflexion permettant d’associer véritablement l’ensemble des élus, non seulement ceux de Saclay, qui sont directement concernés, mais également ceux des territoires situés aux alentours, ce qui se passe à Saclay ayant bien sûr des conséquences sur les territoires voisins, que ce soit en termes d’aménagement, de développement économique, de recherche scientifique ou de transports en commun.

À cet égard, nous devons nous atteler à nouveau au dossier du Grand Paris ; en effet, il faut quand même reconnaître que la ligne reliant l’aéroport d’Orly à la Défense via Versailles desservirait peu d’activités et peu d’habitants, malgré les coûts très importants que sa réalisation engendrerait. Une vraie réflexion doit être menée à ce sujet ; nous aurions intérêt à y associer l’ensemble des élus.

En tout état de cause, je suis satisfait de la manière dont le nouveau gouvernement appréhende ce dossier, et je vous en remercie.

réhabilitation de la ligne de chemin de fer saint-brieuc-auray

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 1629, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le ministre, les transports constituent une composante essentielle des politiques publiques dans l’aménagement et l’organisation d’un territoire.

À cet égard, la région Bretagne semble subir, depuis quelques années, un phénomène de « périphérisation ». En effet, la bande littorale bénéficie d’infrastructures routières et ferroviaires importantes, dont la modernisation est déjà programmée, avec le projet Bretagne Grande Vitesse, ou « BGV ».

À ce titre, le développement du rail a d’abord été pensé pour aller de la pointe bretonne – autrement dit, du Finistère – vers Rennes et pour concerner les littoraux nord et sud.

Or, pour que les enjeux de la BGV profitent à l’ensemble des Bretons, notamment aux habitants du centre de la Bretagne, il est impératif de réinvestir des lignes transversales, pour la plupart délaissées.

La réhabilitation de la ligne ferroviaire Saint-Brieuc–Auray, qui passe par Quintin, Loudéac, Pontivy, Pluvigner, s’inscrirait dans cette démarche, en apportant une réponse pertinente aux évolutions du territoire.

Avec l’éclatement des lieux de vie entre des zones d’habitat de plus en plus diffuses et des zones d’emplois de plus en plus concentrées, de nombreuses personnes sont contraintes d’utiliser leur véhicule pour se rendre à leur travail, ou tout simplement pour rechercher un emploi.

Par exemple, selon l’INSEE, le Pays du Centre Bretagne accueille quotidiennement près de 7 000 salariés venant de l’extérieur, et le bassin de Pontivy-Loudéac est le premier en termes d’emploi agroalimentaire, ce qui occasionne un flux quotidien de véhicules très important.

De plus, l’axe ferroviaire Saint-Brieuc-Auray, tout en permettant aux habitants du centre de la Bretagne d’accéder facilement aux gares TGV, procurerait une alternative efficace au pic de fréquentation touristique estivale et développerait ainsi de nouvelles offres de découvertes.

D’un point de vue économique, cette ligne présenterait un circuit fret alternatif nord-sud intrarégional. Brest et Lorient étant les principales portes d’entrée de la Bretagne en matière de marchandises, la ligne de rail nord-sud permettrait de contourner la gare de Rennes, en situation de saturation, pour approvisionner les gros centres agroalimentaires de la façade nord.

En outre, alors que les besoins en déplacement ne cessent de croître, les moyens de transports doivent s’adapter à une demande forte tout en répondant aux enjeux environnementaux. Si le transport routier concentre les principaux griefs avec l’augmentation du coût de l’énergie et le rejet de CO2, le rail représente une véritable alternative à ces inconvénients.

À cet égard, la ligne Saint-Brieuc–Auray doit impérativement être dédiée à la fois au transport de marchandises et à celui de voyageurs.

Monsieur le ministre, vous le comprenez, les enjeux sont multiples et plaident tous en faveur de la réhabilitation de cette ligne ferroviaire.

La rénovation de la ligne nord-sud est essentielle, tant pour permettre le développement économique de l’ensemble des territoires concernés que pour répondre aux besoins des habitants et pour anticiper l’arrivée des voyageurs, et surtout des nouvelles populations, dont l’INSEE estime à près de 1 million l’afflux dans les quinze prochaines années.

Pour Auray et son pays, au carrefour entre terre et mer, ce réseau serait en parfaite cohérence avec le pôle d’échange multimodal retenu dans le cadre du contrat de projets État-région. Le renforcement de l’intermodalité et de l’écomobilité s’inscrit pleinement dans cette politique de développement local durable.

Monsieur le ministre, le service public de transport est important. Dans ces conditions, quels sont vos engagements pour soutenir et pour accompagner ce projet utile et fédérateur pour toute la région Bretagne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question concernant l’aménagement de la ligne ferroviaire nord-sud de la Bretagne, entre Saint-Brieuc et Auray. Elle met en exergue les enjeux, qu’ils soient industriels, environnementaux ou économiques, que peuvent représenter le transport et l’irrigation de nos régions par les projets d’infrastructures.

Vous le savez, cet aménagement de la ligne ferroviaire nord-sud est inscrit au contrat de projets État-région 2007-2013, pour un montant de 4 millions d’euros. Les études réalisées dans ce cadre ont notamment mis en évidence l’intérêt de travaux de remise en état de la partie sud, la seule sur laquelle des trains circulent actuellement. Réseau Ferré de France réalise actuellement ces travaux – il s’agit du remplacement de la voie et du confortement de deux ouvrages d’art – qui permettront de pérenniser le trafic de fret entre Saint-Gérand et Auray, section sur laquelle circulent environ deux trains par semaine.

Cette opération répond à la préoccupation partagée non seulement par l’État et par Réseau Ferré de France, mais aussi par les acteurs locaux, notamment ceux de la région Bretagne : pérenniser l’activité de fret sur cette section de ligne qu’utilisent en particulier les entreprises agro-alimentaires et favoriser une connexion ferroviaire du port de Lorient au centre de la Bretagne.

S’agissant de l’activité de transport de voyageurs, la section Auray-Pontivy n’est plus utilisée depuis 1951. Devant le double constat d’une très mauvaise fréquentation de la ligne ferroviaire réservée aux voyageurs et d’une mauvaise connexion de cette ligne avec l’urbanisation, la région Bretagne, qui est autorité organisatrice des transports régionaux, a mis en place et maintiendra, à notre demande, une desserte routière entre Saint-Brieuc, Lorient et Vannes, en développant significativement l’offre de services ; elle a confirmé cet engagement. Cette offre se couplera par ailleurs aux dessertes TGV et aux liaisons départementales.

Les investissements sur la ligne ferroviaire Auray-Saint-Brieuc répondent à une préoccupation liée aux activités de fret, dont vous soulignez à juste titre l’importance. Ils permettent aussi de prévoir les conditions de la pérennité de cette ligne ferroviaire.

En effet, le fret, qui a connu un recul significatif, est au cœur de nos préoccupations, d’autant que les objectifs qui avaient été fixés dans le cadre du Grenelle de l’environnement ont été abandonnés. Or, lorsqu’existent une activité économique et une demande particulière des industriels en faveur du développement du fret, il est important que nous puissions accompagner ces logiques d’aménagement du territoire.

Vous l’aurez compris, monsieur le sénateur, si nous devons tenir compte des fortes contraintes budgétaires qui sont les nôtres aujourd’hui, le développement des modes alternatifs à la route est au cœur des orientations de notre politique de transport, laquelle doit à la fois contribuer pleinement à la transition écologique et répondre au mieux aux besoins de nos concitoyens dans leurs déplacements quotidiens.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse, positive en ce qui concerne le fret, lequel connaît des progrès rapides ; vous avez, sur ce point, évoqué le contrat de projets État-région 2007-2013.

En revanche, s’agissant des voyageurs, ce n’est pas demain, me semble-t-il, que nous aurons satisfaction ! Pourtant, les acteurs locaux, en particulier les conseillers de développement et les élus du Pays d’Auray, sont demandeurs.

Ce projet, à l’instar de celui qui concerne le fret, mobilise les acteurs de toute la Bretagne, comme vecteur d’aménagement du territoire face aux problématiques d’engorgement des zones urbaines et littorales.

Les pôles éducatifs de Pontivy, Loudéac, Merdrignac et Locminé génèrent des flux d’élèves et d’étudiants qui pourraient trouver dans le rail une réponse alternative pour leurs déplacements. Il en va de même pour les salariés.

D’ailleurs, la création d’un hôpital situé entre Pontivy et Loudéac, à moins d’un kilomètre de la ligne ferroviaire, devrait être un élément structurant pour la Bretagne intérieure et une occasion historique d’aménager l’ensemble du territoire, et pas seulement le littoral.

Une politique audacieuse et ambitieuse en faveur des territoires ne saurait s’appuyer sur une réduction budgétaire pour exclure des projets adaptés et pertinents.

C’est justement l’investissement dans de nouvelles opportunités d’aménagement, en concertation avec les acteurs locaux, qui permettra à la Bretagne centre de se développer.

La revitalisation de la ligne Saint-Brieuc–Auray ne constitue pas un retour au passé : au contraire, elle répond à des enjeux de croissance actuels et futurs.

Monsieur le ministre, je suis certain que, dans les prochaines années, vous saurez écouter attentivement les attentes des élus locaux comme de la population concernant l’avenir de leur territoire. Dans le contexte actuel d’augmentation des besoins de déplacement, il me semble également indispensable de donner les moyens nécessaires au service public de transport des voyageurs.

inquiétude concernant la paralysie de la filière éolienne

M. le président. La parole est à M. François Patriat, auteur de la question n° 1628, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, ma question, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, concerne un sujet dont l’importance ne vous a pas échappé.

Dans son édition du samedi 21 juillet, un journal du soir titrait : « Les énergies vertes marquent le pas en France. Les filières renouvelables doivent être consolidées, pour atteindre l’objectif de 23 % de la consommation en 2020. »

Ma question porte sur les difficultés que rencontre aujourd'hui le développement de la filière éolienne, laquelle se trouve pratiquement paralysée.

La situation est préoccupante : après une chute de 30 % entre 2010 et 2011 de la puissance installée sur le territoire, la baisse continue en 2012. Nous sommes ainsi passés de 1 000 mégawatts à 750 mégawatts par an. Or la filière est essentielle pour la diversification énergétique et la réindustrialisation de nos territoires. Il n’y aura pas de mixte énergétique sans une part importante d’éolien, les limites de la puissance hydraulique, celles de l’énergie produite à partir du bois, ainsi que celles du solaire étant aujourd'hui bien connues.

Si nous poursuivons nos efforts, la filière devrait représenter 60 000 emplois en 2020, dont 5 000 en Bourgogne – on en compte aujourd'hui déjà près de 1 000 dans cette région.

Elle a besoin d’un cadre réglementaire et financier stable.

Aujourd’hui, en raison d’une question de procédure relative à l’arrêté tarifaire applicable au secteur de l’éolien, force est de constater que les investissements et les financements dans ce secteur sont en suspens. Cette situation est dramatique pour les acteurs de la filière éolienne. Un certain nombre d’entreprises sont en grande fragilité. Le Conseil d’État a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel sur les questions soulevées le 15 mai dernier.

Or les délais requis pour qu’une réponse soit apportée à ce recours sont incompatibles avec la survie des entreprises concernées. Attendre sans mettre en place des mesures transitoires reviendrait à accepter que de très nombreux emplois de ce secteur soient menacés au cours de l’été.

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous demande de nous faire connaître les mesures d’urgence que le Gouvernement compte prendre pour préserver le secteur éolien et pour assurer la poursuite de son essor. En particulier, dans quels délais le Gouvernement envisage-t-il de publier un nouvel arrêté tarifaire – cette publication est urgente – et de confirmer que le niveau de tarif actuel sera préservé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui rencontre actuellement, avec M. le Premier ministre, les organisations non gouvernementales, dans le cadre de la préparation de la conférence environnementale. Mme Batho m’a demandé de bien vouloir vous communiquer un certain nombre d’éléments de réponse.

Votre préoccupation est légitime : votre question met en exergue l’urgence du lancement de la transition énergétique, engagement que le Président de la République a pris avec force devant les Français. En particulier, ce dernier a souhaité que les énergies renouvelables soient massivement développées et qu’elles puissent bénéficier d’un cadre clair et stable pour la durée du quinquennat, afin de donner à ces filières la visibilité nécessaire et d’inscrire leur développement dans la durée.

Le débat national et citoyen sur la transition énergétique sera lancé à l’automne prochain, à l’issue de la conférence environnementale qui se tiendra au mois de septembre. Il aboutira à une loi de programmation pour la transition énergétique dès 2013.

Ce débat doit permettre de lancer une grande politique de sobriété et d’efficacité énergétiques et de réunir les conditions du développement massif des énergies renouvelables, sur lequel le Président de la République s’est engagé en fixant un objectif très ambitieux : celui de réduire la part de la production d’électricité d’origine nucléaire en France de 75 % à 50 % à l’horizon 2025.

Dans ce cadre, monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’importance de la filière éolienne terrestre pour la diversification de notre bouquet énergétique et la réindustrialisation de nos territoires.

Le développement de cette énergie constitue l’une des clés de la réussite de la transition énergétique et écologique : d’ores et déjà compétitive d’un point de vue économique – ce point est essentiel –, l’énergie éolienne est également dotée de l’un des plus forts potentiels de développement, à court et moyen terme, dans notre pays. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, nous avons donc besoin de la filière éolienne pour réussir la transition énergétique.

Cependant, et vous le relevez à juste titre, cette filière est aujourd’hui en difficulté. Vous le savez, les règles régissant l’implantation d’éoliennes ont été fixées à la suite du Grenelle de l’environnement, au terme de débats vifs et parfois controversés. Comme le rappelle l’article auquel vous faites référence, il en est résulté un ralentissement du développement de la filière sur nos territoires, qui a pris du retard vis-à-vis des objectifs fixés par le « paquet énergie-climat » européen et repris par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Permettez-moi de rappeler ces objectifs : l’éolien terrestre doit atteindre une puissance installée de 19 000 mégawattheures à l’horizon 2020. Or, à la fin de mars 2012, seule une capacité de 6 870 mégawattheures seulement était raccordée au réseau. Le ralentissement du rythme d’installation de nouvelles capacités de production n’est pas satisfaisant, car il a des conséquences sur l’industrialisation des territoires, notamment dans votre région, monsieur le sénateur.

Le mandat donné au Président de la République par les Français est clair : opérer le redressement industriel du pays et diversifier notre bouquet énergétique. Concernant la filière éolienne, deux leviers d’actions sont d’ores et déjà identifiés : la planification régionale, d’une part, déjà engagée avec les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, et les schémas régionaux éoliens qu’il s’agira de conforter et, d’autre part, un cadre réglementaire prenant en compte les enjeux environnementaux et paysagers.

Lors du débat sur la transition énergétique, il nous faudra réexaminer la réglementation ainsi que les problèmes d’acceptabilité locale. Il s’agira également de lever l’incertitude juridique qui freine actuellement le développement de la filière et d’adapter les systèmes de soutien tarifaire dans les différentes filières pour rendre possible l’essor des technologies, au moindre coût et dans la durée.

Vous m’interrogez également, monsieur le sénateur, sur le contentieux introduit par l’association Vent de colère contre le tarif d’achat de l’électricité éolienne, qui préoccupe à juste titre les entreprises du secteur. Le Conseil d’État a décidé de ne pas trancher sur la nature des dispositifs de soutien et de procéder à un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne. Vous avez raison de souligner que cette procédure prendra du temps et qu’elle inquiète la filière, soumise à une incertitude qui complique encore les projets d’investissement dans les éoliennes, avec le blocage des financements par les banques.

Au nom de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, je tiens donc à rassurer les professionnels de la filière en rappelant que nous veillerons à ce que les contrats d’achat existants ne soient pas remis en cause au titre de l’arrêté en vigueur et à ce que le cadre juridique soit conforté, afin de ne pas fragiliser le développement des nouveaux projets.

Je réaffirme donc aujourd’hui le soutien du Gouvernement au développement de la filière éolienne terrestre et son ambition d’en faire un acteur essentiel de la réussite de la transition énergétique voulue par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. La Bourgogne est exemplaire dans ce domaine, puisqu’elle fait partie des sept régions qui ont déjà approuvé leur schéma du climat, de l’air et de l’énergie.

L’urgence prioritaire, vous l’avez dit, consiste à sécuriser le tarif d’achat de l’électricité éolienne terrestre. Cependant, quand on sait qu’il s’écoule près de dix ans entre le dépôt d’un dossier et l’installation d’une éolienne, il serait souhaitable d’assouplir le carcan administratif décourageant, avec ses zones de développement de l’éolien, ou ZDE, ses permis de construire éoliens, ses schémas régionaux éoliens, ou SRE, ses installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE. Il faudrait aussi supprimer la règle des cinq mâts minimum, car certains petits projets sont tout à fait viables, et réduire le nombre des recours abusifs, puisque 80 % des recours sont rejetés.

Il conviendrait également d’améliorer l’équilibre économique des projets, de faire évoluer les règles de balisage des éoliennes, pour améliorer leur acceptabilité, et de créer des centres français d’expertise et d’innovation sur l’éolien, afin de favoriser l’éclosion de clusters.

Il me semble également souhaitable de substituer les schémas régionaux éoliens aux zones de développement de l’éolien, parfois sources de conflits d’intérêts pour les élus communautaires, et de corréler le tarif de rachat aux prix de marché, ce qui permettrait à l’énergie éolienne de devenir plus rapidement compétitive.

Enfin, monsieur le ministre, nous devons offrir un cadre juridique adapté à l’éolien participatif et citoyen qui tend à se développer, non seulement en Bourgogne, mais aussi dans l’ensemble de notre pays.

L’amélioration des délais de raccordement et l’appui aux plans de formations régionaux afin d’améliorer la compétence des salariés sont autant de pistes sur lesquelles le Gouvernement devrait travailler dans l’urgence pour accélérer le développement acceptable de l’énergie éolienne sur notre territoire.

modalités d’élaboration des zones de développement de l’éolien

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 13, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre délégué, ma question prolonge le débat que vient d’ouvrir mon collègue François Patriat, mais sur un autre registre.

Comme vous le savez, la loi du 10 février 2000 définit la procédure permettant l’implantation d’éoliennes sur notre territoire, notamment avec la création de zones de développement de l’éolien. Cette création est décidée soit sur l’initiative de communes, soit sur l’initiative d’un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI : c’est ce dernier cas qui m’amène à vous interroger.

Que se passe-t-il concrètement ? Les conseils municipaux doivent se prononcer sur l’initiative prise par un EPCI en vue de la création d’une zone de développement de l’éolien. Je ne souhaite pas aborder la question de fond qui a été soulevée par mon collègue François Patriat, à savoir s’il faut encourager ou non le développement de cette énergie, même si j’ai mes convictions sur ce point. J’insiste sur le fait que, lorsqu’un conseil municipal est amené à donner son accord, l’implantation future des éoliennes n’est pas encore connue précisément.

Sur l’initiative d’associations manifestement hostiles au développement de l’éolien, des procédures pénales sont engagées et des plaintes pour prise illégale d’intérêt visent des conseillers municipaux, voire des maires, qui ont participé à un vote sur la création d’une zone de développement de l’éolien. Or, au moment où la question a été posée devant le conseil municipal, il était impossible de savoir à quel endroit précis une éolienne serait implantée. En l’occurrence, ces conseillers municipaux ont participé au vote en toute bonne foi. Dans une phase ultérieure, lorsqu’il s’est agi d’accorder un permis de construire, les élus propriétaires des terrains concernés se sont retirés de la salle du conseil et n’ont pas participé à la délibération, pour éviter précisément de s’exposer à tout soupçon de prise illégale d’intérêt.

Aujourd’hui, dans le département de l’Orne, un certain nombre d’élus vivent une situation embarrassante. Des maires ont été entendus encadrés par des gendarmes : on leur a demandé des explications parce qu’ils avaient participé à la séance au cours de laquelle la création d’une zone de développement de l’éolien avait recueilli l’accord de leur conseil municipal.

Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous m’indiquiez les mesures que le Gouvernement compte prendre pour modifier la législation et la réglementation actuelles, afin d’éviter que des élus de bonne foi ne se retrouvent dans une telle situation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Lenoir, je vous prie à nouveau de bien vouloir excuser l’absence de Mme Delphine Batho pour les raisons que je viens d’indiquer à votre collègue François Patriat.

Je reconnais bien dans votre question l’expertise qui est la vôtre en matière d’énergie, ainsi que votre engagement dans la vie de votre département. Je saisis cette occasion pour saluer celles et ceux qui s’impliquent dans la vie quotidienne des territoires en assumant des responsabilités et en exerçant des mandats locaux, tâche dont la difficulté est grande, particulièrement dans les petites communes rurales. Vous m’interrogez sur la spécificité de la réglementation entourant l’implantation d’éoliennes sur nos territoires, dans votre département comme ailleurs en France.

Comme vous le mentionnez très justement, l’article 10-1 de la loi du 10 février 2000 prévoit que la création des zones de développement de l’éolien, ou ZDE, est proposée par la ou les communes dont le territoire est compris dans le périmètre déterminé. La délibération des conseils municipaux concernés doit notamment être fournie dans le dossier de demande de création.

L’implantation en ZDE constitue aujourd’hui une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier de l’obligation d’achat. La création préalable d’une ZDE est donc un élément clé pour la viabilité d’un projet éolien terrestre, bien que cette création ne préjuge en rien – vous l’avez souligné dans votre question, monsieur le sénateur – de l’implantation effective future d’éoliennes.

Vous avez également raison en affirmant que des membres de conseils municipaux, notamment en zone rurale, peuvent être propriétaires de terrains potentiellement inclus dans le périmètre de la ZDE demandée. La question de la légalité des délibérations auxquelles aurait pris part un élu local intéressé est alors légitime.

Cela étant, les règles relatives à la participation d’un élu intéressé à l’une des délibérations concourant à la création de la ZDE ne présentent pas de spécificité au regard du droit commun, même si de nombreux recours que l’on peut parfois qualifier d’abusifs – M. Patriat l’a souligné – sont intentés contre ces décisions de création. Il faut donc recourir aux deux conditions traditionnellement retenues par la jurisprudence et par les textes pour déterminer dans quelle mesure la participation d’un élu à une séance du conseil municipal est susceptible d’entacher d’illégalité la délibération : ces conditions sont l’intérêt personnel de l’élu, d’une part, et son influence sur le sens de la délibération, d’autre part.

Je ne vois pas de raison de ne pas appliquer ces règles générales aux délibérations préliminaires à la création d’un parc éolien. Pour répondre à votre question, il convient dès lors de procéder à une analyse au cas par cas.

Concernant la première condition, à savoir l’intérêt personnel de l’élu, la seule circonstance que des conseillers municipaux soient propriétaires de parcelles situées à l’intérieur d’une ZDE ne suffit pas a priori à les considérer comme personnellement intéressés. En effet, au stade de la création de la ZDE, leur intérêt particulier n’est, en général, pas distinct de l’intérêt général des autres habitants de la commune susceptible d’accueillir un parc éolien.

Pour autant, il arrive souvent que, derrière un projet de ZDE, se cache en fait un projet unique de parc éolien avec un opérateur déjà identifié. Dans un tel cas, si les conseillers propriétaires des terrains sont les seuls intéressés, l’analyse peut être différente. Mais telle n’est pas la situation que vous avez évoquée dans votre question, monsieur le sénateur.

Dans l’hypothèse où la condition d’intérêt serait remplie, la participation du conseiller municipal intéressé entacherait d’illégalité la délibération uniquement si sa présence lors de la séance ou des travaux préparatoires a pu avoir une influence sur le vote. La présidence d’un maire intéressé peut, à ce titre, être considérée comme entraînant une présomption d’influence. Mais la seule présence au cours du vote d’un conseiller municipal intéressé ne peut suffire à établir l’illégalité de la délibération se prononçant sur la création de la ZDE. Là encore, chaque cas d’espèce doit être apprécié sereinement et souverainement par la justice : les comptes rendus des débats peuvent notamment éclairer d’un jour particulier tel ou tel dossier.

Plus généralement, la question que vous soulevez est révélatrice de la complexité du cadre législatif et réglementaire qui entoure le développement de l’éolien en France.

En tant qu’énergie renouvelable parmi les moins coûteuses, la filière éolienne doit constituer le socle qui nous permettra d’atteindre les objectifs ambitieux de développement des énergies renouvelables et de réussir la transition énergétique.

Compte tenu du retard pris par rapport aux objectifs fixés par le « paquet énergie-climat » et le Grenelle de l’environnement – je vous rappelle que nous n’avons pour l’instant accompli que le tiers de l’effort à consentir d’ici à 2020 –, il est urgent de réexaminer la réglementation et les problèmes d’acceptabilité locale liés au développement de l’éolien, en étudiant notamment les pistes suggérées par François Patriat. Nous le ferons lors du débat sur la transition énergétique qui sera lancé à l’automne prochain, au terme de la conférence environnementale. Nous vous remercions par avance de bien vouloir vous associer à ce débat sur la nécessaire simplification qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.

L’éolien doit se développer dans les meilleures conditions de sécurité juridique, qu’il s’agisse du développement des projets ou de la situation des élus qui, dans ce domaine comme dans tous les autres, prennent leurs responsabilités et répondent aux attentes de nos concitoyens ainsi qu’aux orientations politiques fixées par le Gouvernement : il est donc important que nous puissions sécuriser leur intervention dans la vie publique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, j’ai été particulièrement sensible aux propos que vous venez de tenir. Ceux-ci ne me surprennent pas : nous nous sommes connus dans une autre assemblée et j’apprécie votre courtoisie. Vous avez eu des mots particulièrement chaleureux pour l’action des élus locaux sur nos territoires ruraux. Ces élus sont tout à fait exemplaires et je suis sûr qu’ils apprécieront l’échange auquel nous participons l’un et l’autre.

Comme vous le soulignez, dans un territoire rural, on s’aperçoit que la plupart des élus siégeant dans un conseil municipal peuvent être concernés par un projet de zone de développement de l’éolien. J’ai remarqué, pour l’avoir recensé, que, dans la majeure partie des communes, les deux tiers des conseillers municipaux sont propriétaires de parcelles susceptibles d’être concernées par l’implantation d’une zone de développement de l’éolien. Certains ne participent pas à la séance du conseil municipal consacrée à la décision d’implanter une telle zone, mais il se pose alors un problème de quorum. On nous répond que l’affaire peut-être renvoyée à la fois suivante, mais ces façons d’agir ne sont guère rationnelles.

Vous avez évoqué des questions réglementaires et législatives liées au développement de l’éolien. Saisissant l’occasion qui m’est donnée par cette question orale et sachant que vous transmettrez mes observations à votre collègue Mme Delphine Batho, je me permets de souligner qu’il est nécessaire d’entreprendre une réforme des conditions dans lesquelles l’éolien est implanté.

Aujourd'hui, il existe un schéma régional éolien – celui de la Bourgogne a été évoqué tout à l’heure – qui est déjà un dispositif assez lourd, auquel il convient d’ajouter les zones de développement de l’éolien. Enfin, il faut compter avec les IPCE, les installations classées pour la protection de l’environnement. L’ensemble de ce système est extrêmement lourd.

Pour ma part, j’ai le sentiment que tout ce qui concerne la zone de développement de l’éolien est superfétatoire. En disant cela, je ne cherche nullement à favoriser le développement de l’éolien ou, au contraire, à le freiner. Je dis simplement que notre arsenal juridique comprend déjà des outils permettant de vérifier que l’implantation des éoliennes peut être assurée sans préjudice pour les populations. Sans influencer d’une façon ou d’une autre le développement de la filière éolienne, un vaste chantier est ouvert.

Je terminerai en ayant une pensée pour les élus, pour les maires qui sont entendus, encadrés par des gendarmes, ceux-ci n’étant d’ailleurs pas en cause. Les problèmes posés sur nos territoires sont évidemment très lourds. J’exprime ici très vivement le souhait, monsieur le ministre, que le cas de ces élus, de ces maires soit étudié avec beaucoup d’attention. Vous avez dit qu’ils le seraient au cas par cas. J’insiste pour que l’incertitude juridique qui pèse sur eux, le pénal étant aujourd'hui au centre du débat, puisse être levée.

problèmes rencontrés par les caisses d'allocations familiales

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, auteur de la question n° 24, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille.

M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la situation très dégradée du fonctionnement de plusieurs caisses d’allocations familiales.

Cette question, madame la ministre, je l’ai déjà posée au gouvernement précédent, qui n’a pas daigné me répondre. Je sais que vous n’êtes nullement responsable de cette situation. Cependant, vous êtes aujourd’hui en charge de ces politiques publiques et c’est donc naturellement que j’attire votre attention sur la dégradation des conditions d’accueil des allocataires de la branche famille de la sécurité sociale.

En effet, dans de nombreuses caisses, l’ensemble des structures n’assurent plus tous les jours l’accueil du public, ni la réception des appels téléphoniques, ni celle du courrier, au prétexte d’assurer prioritairement le traitement du paiement du revenu de solidarité active, le RSA, et des allocations.

Loin d’être isolée, cette situation semble s’être étendue et devient récurrente. Ainsi, ces derniers mois, les caisses de la Loire, de l’Essonne et du Val-de-Marne ont interrompu l’accueil des allocataires pendant de longues périodes pour résorber le retard pris dans le traitement des dossiers, sans d'ailleurs y parvenir complètement.

Les conseils d’administration des caisses font état de difficultés chroniques liées à la diminution des effectifs imposée par la convention d’objectifs et de gestion signée avec l’État en 2009, alors que la charge de travail s’est considérablement alourdie du fait de la crise.

En effet, il semble que pour faire face à la mise en place du RSA, s’il avait été convenu de recruter 1 200 agents supplémentaires, il était aussi prévu de les supprimer après l’afflux des premiers dossiers d’inscription, comme si, cette période passée, il n’y aurait plus besoin de moyens supplémentaires pour gérer ces nouvelles missions.

D’ores et déjà, il semblerait que 1 000 emplois aient été supprimés.

Cette situation engendre, vous vous en doutez, de nombreuses tensions dans les caisses et le développement d’un sentiment d’exaspération et de colère : d’une part chez les personnels, qui ont l’obligation, dans ces circonstances, d’effectuer des heures supplémentaires et d’assumer parfois de lourdes charges de travail dans un climat de tension ; d’autre part chez les usagers, qui voient l’instruction de leurs dossiers retardée et les temps d’attente aux guichets s’allonger, sans compter les erreurs et les contentieux qui risquent de se multiplier.

Dans ces conditions, je vous demande, madame la ministre, quelles dispositions d’urgence vous comptez prendre pour attribuer au réseau des caisses d’allocations familiales les moyens d’assurer la continuité du service public aujourd’hui mise à mal et d’inscrire dans le cadre de la future convention d’objectifs les moyens nécessaires pour répondre à cet objectif de qualité, au plus près des besoins et des attentes des allocataires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur Favier, vous faites état des problèmes rencontrés par certaines caisses d’allocations familiales et des conséquences qu’ils peuvent avoir sur l’accueil du public.

Je tiens tout d’abord à rappeler la vocation de ces caisses d’allocations familiales, qui ont un rôle essentiel dans l’accueil des allocataires, souvent en grande difficulté. Je suis d’accord avec vous, nous devons permettre à ces structures et aux agents qui les animent d’accomplir leur mission, qui est, comme vous l’avez souligné, une mission de service public.

Depuis 2009, les CAF doivent faire face à une charge de travail accrue, parce qu’elles prennent en charge des missions nouvelles, comme le RSA ou le RSA jeunes, et parce que la crise a accru mécaniquement le volume de demandes qui leur sont adressées. Chaque année, les CAF traitent plus de 80 millions de pièces administratives, reçoivent près de 20 millions de visites et répondent à des millions d’appels téléphoniques.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre hommage aux agents, qui font preuve d’un grand sens du service public pour faire face aux demandes qui leur sont adressées en grand nombre.

Cette charge de travail a contraint certaines CAF à prendre des mesures comme la fermeture temporaire des points d’accueil ou des lignes téléphoniques. Ces mesures, qui ne devaient être qu’exceptionnelles, se sont réitérées depuis 2009, même si, en 2011, elles ont été moins fréquentes que lors des deux années précédentes.

Ces situations ne peuvent nous satisfaire. Elles ne sont pas acceptables pour les usagers qui, le cas échéant, ne peuvent pas accéder à leurs droits dans de bonnes conditions. Elles ne sont pas non plus acceptables pour les agents dont les conditions de travail sont dégradées et qui souffrent de ne pouvoir apporter aux familles l’accompagnement dont elles ont besoin.

Il nous faut trouver des solutions. Pour cela, nous fixerons des exigences et des objectifs, en étroite collaboration avec les acteurs, dont l’expérience est reconnue. C’est tout le sens de la future convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, que nous négocierons dès la rentrée et qui déterminera les moyens mis à la disposition des CAF. Parmi les objectifs que nous fixerons, soyez assuré, monsieur le sénateur, que figureront l’accès aux droits et la qualité du service.

Sans attendre la future convention d’objectifs et de gestion, des mesures ont déjà été mises en œuvre pour lutter contre la dégradation des conditions d’accueil dans les CAF.

Tout d’abord, les gestionnaires et le conseil d’administration de la CNAF, où siègent notamment les partenaires sociaux et les associations familiales, ont cherché à apporter des solutions. En particulier, ils ont décidé de mutualiser les plateaux téléphoniques. Cela semble envisageable dans la mesure où, en 2011, les fermetures d’accueils téléphoniques ont baissé, en nombre d’heures, de 70 % par rapport à 2010.

Ensuite, le rapport de l’IGAS sur la convention d’objectifs et de gestion de la période 2009-2012 fera sans nul doute le bilan de l’atelier de régulation des charges, qui permet qu’une CAF puisse aider une autre CAF à traiter ses dossiers. En fonction de ce qu’indiquera ce bilan, nous déciderons s’il faut ou non renforcer cette mesure.

Enfin, ne nous leurrons pas, dans un contexte budgétaire contraint, les solutions sont aussi à chercher du côté de la mutualisation des moyens mis à la disposition des CAF. Elles sont également à rechercher du côté de la simplification des procédures administratives. Un énorme chantier est à mener pour simplifier ces procédures administratives.

J’y tiens tout particulièrement. En effet, c’est non seulement une mesure de bonne gestion, car les agents de la branche famille doivent pouvoir se concentrer sur leur mission d’accueil et d’accompagnement sans avoir à porter la charge de procédures aujourd'hui bien trop lourdes, mais c’est aussi et surtout une mesure d’égalité, dans la mesure où il n’est pas acceptable que certaines familles vulnérables soient découragées d’accéder à leurs droits par une complexité excessive des démarches.

Travailler ensemble, associer les intelligences, promouvoir les bonnes pratiques : c’est ainsi que l’on garantira le bon accueil du public et les bonnes conditions de travail des agents, dans une logique de responsabilité budgétaire.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, de votre reconnaissance des difficultés rencontrées par les caisses d’allocations familiales et des premières mesures d’urgence que vous entendez prendre pour essayer d’y remédier.

Je voudrais insister sur le fait que la politique de réduction des moyens qui a été systématiquement poursuivie au cours des dernières années a abouti à la dégradation continue du service rendu aux usagers. Ce n’est évidemment pas acceptable. Les fermetures à répétition des caisses d’allocations familiales n’ont pas permis de résorber le retard pris. Dans mon département, le Val-de-Marne, où 76 000 dossiers étaient en souffrance, les trois semaines de fermeture de la caisse d’allocations familiales de Champigny-sur-Marne ont permis le rattrapage de 30 000 dossiers, mais il en reste encore plus de 45 000. Les personnes excédées qui se sont précipitées lors de la réouverture des portes de la caisse d’allocations familiales ont dû attendre des heures et des heures pour faire valoir leurs droits. Ce n’est pas acceptable. Ceux-ci sont pourtant vitaux pour nombre de ces personnes en termes de pouvoir d’achat, qu’il s’agisse du calcul de l’aide personnalisée au logement, l’APL, ou de toute autre mesure.

Je n’accepte pas le discours qui a prévalu jusqu’à présent, visant à stigmatiser en permanence les allocataires pour les traiter de « consommateurs ». Hier, hasard du calendrier, lors de la présentation du rapport d’activité de la caisse d’allocations familiales du Val-de-Marne, le directeur a évoqué les allocataires qui seraient devenus des « consommateurs de service public ». Il n’est pas acceptable de stigmatiser ainsi les usagers et de leur faire porter la responsabilité de difficultés qui sont le résultat d’une politique de réduction du personnel dans le Val-de-Marne – baisse de 4 % des effectifs –, alors que l’activité est en hausse constante, en particulier s'agissant des populations qui rencontrent le plus de difficultés et qui ont le plus besoin d’aide.

Nous ne pouvons pas simplement nous réfugier derrière les plateformes téléphoniques pour obtenir une amélioration. Elles ne sont qu’un élément. Il faut maintenir la possibilité d’un accueil physique des allocataires qui en ont besoin, en particulier de ceux qui doivent être reçus en urgence.

Nous serons extrêmement attentifs à la future convention d’objectifs qui sera passée avec la Caisse nationale des allocations familiales, ainsi qu’aux moyens qui lui seront donnés pour faire en sorte que cette mission de service public essentielle à nos concitoyens soit bien assurée.

modalités de vote pour la répartition du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question n° 26, adressée à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Yves Daudigny. Madame la ministre déléguée, ma question concerne les modalités de vote pour la répartition du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

Ce mécanisme de péréquation horizontale pour le secteur communal a été institué par l’article 144 de la loi de finances initiale pour 2012. Il comporte trois modalités de répartition différentes : la répartition de droit commun pour laquelle aucune délibération n’est nécessaire ; la répartition dérogatoire en fonction du coefficient d’intégration fiscale, pour laquelle une majorité des deux tiers de l’organe délibérant doit être réunie ; enfin, la répartition dérogatoire libre, pour laquelle l’unanimité de l’organe délibérant est requise.

S’agissant de ce dernier mode de répartition, l’exigence d’unanimité est de nature à doter chaque conseiller communautaire, et par extension chaque commune membre de l’établissement intercommunal, d’un droit de veto totalement contraire, à mon sens, à l’esprit du fonctionnement des intercommunalités.

Cette disposition semble d’autant plus surprenante que le mode de décision est beaucoup plus souple et que l’unanimité n’est pas requise s’agissant, par exemple, de prises de compétences intercommunales pouvant priver, même contre leur gré, une ou plusieurs communes de l’exercice de pans entiers de leur activité dans des domaines aussi importants que l’économie, l’urbanisme, la voirie ou les solidarités.

Cette exigence d’unanimité semble ainsi sclérosante et de nature à empêcher toute compensation horizontale spécifique au bénéfice d’une ou de plusieurs communes défavorisées ou subissant certaines nuisances, au travers de projets économiques d’importance.

Le texte actuel prévoit que les ressources de ce Fonds passeront de 150 millions d’euros en 2012 à 780 millions d’euros en 2015. L’enjeu de cette répartition est donc important.

Nous connaissons ce réflexe « NIMBY » – not in my backyard –, prévalant à l’égard de tout projet économique d’importance lancé sur des territoires ayant fait le choix de la solidarité fiscale, et le risque qu’il s’en trouve renforcé.

Madame la ministre, ne vous paraît-il pas opportun, dans ces conditions, d’envisager un assouplissement relatif des modalités de dévolution ?

M. le président. Madame la ministre déléguée à la décentralisation, je profite de votre première intervention en qualité de membre du Gouvernement pour vous accueillir officiellement au Sénat et vous souhaiter la bienvenue dans cette maison que vous connaissez bien.

Vous avez la parole

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Merci, monsieur le président !

Monsieur le sénateur, je voudrais répondre précisément à la question que vous avez posée, non sans avoir, au préalable, évoqué le contexte général dans lequel nous nous trouvons et que vous avez d’ailleurs rappelé.

L’article 144 de la loi de finances pour 2012 a fixé les conditions d’existence du FPIC. La loi prévoit que son montant devra progressivement passer de 150 millions d’euros pour l’année 2012 à environ 1 milliard d’euros à l’horizon 2016. Ce montant explique et justifie pleinement l’importance que l’on accorde à ce Fonds, dont le rôle consiste notamment à être le garant de la solidarité entre les collectivités territoriales et à aider les plus fragiles d’entre elles, dans le contexte économique et financier que nous connaissons.

Le Gouvernement a été sollicité pour remettre un rapport au Parlement avant le 1er octobre 2012. Nos services y travaillent actuellement.

Des premiers constats que l’on a pu relever, il apparaît très clairement que le Fonds répond à son objectif de péréquation de manière globalement satisfaisante, même si les conditions des reversements pourraient faire l’objet de corrections.

Par ailleurs, vous le savez, un groupe de travail spécifique a été constitué au sein du Comité des finances locales. Il est chargé de porter une réflexion sur l’éventuelle révision des conditions de reversement de ce Fonds. Le Comité des finances locales et son groupe de travail se réunissent justement demain. Nous disposerons alors de quelques premières informations.

Vous posez également, monsieur le sénateur, une question particulière sur la règle de l’unanimité requise pour décider des conditions dans lesquelles est fixée la répartition dérogatoire libre de la péréquation horizontale.

La proposition que vous faites à ce propos nous paraît tout à fait intéressante, car elle correspond à la vocation première de ce Fonds, qui se voulait un dispositif plus souple. Le recours à la majorité qualifiée devait laisser les intercommunalités libres de procéder comme elles le souhaitent à la répartition des prélèvements et des reversements entre les EPCI et les communes elles-mêmes. Votre proposition reviendrait donc à respecter la logique de ce Fonds, qui voulait reconnaître le rôle et la responsabilité des collectivités territoriales.

Je rappelle que la solution choisie à l’époque pouvait être considérée comme intermédiaire. Elle visait à éviter d’effrayer des collectivités qui entraient au sein d’un nouveau dispositif.

Je suis donc tout à fait prête, monsieur le sénateur, à partir des réflexions qui sont en cours, à revenir sur le dispositif que vous avez évoqué.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, particulièrement porteuse d’espoirs pour l’avenir.

Vous l’avez compris, ma question est fondée sur une expérience vécue au sein d’une communauté de communes. Pour reprendre une expression utilisée dans tous les domaines, on pourrait dire que, en l’occurrence, « trop de démocratie tue la démocratie ». Il est bien évident que ce droit de veto paraît excessif, parce que la motivation d’un vote négatif peut être de tout ordre : partisan, politique, personnel, ou encore lié à une situation communale. Elle peut être, en tout cas, très éloignée de l’intérêt général.

Une majorité plus large que 51 % semble pouvoir être requise sans qu’il soit nécessaire d’aller jusqu’à l’unanimité, laquelle peut aller à l’encontre d’une expression très largement dominante au sein d’une intercommunalité.

Madame la ministre, je vous remercie donc, encore une fois, des éléments de réponse que vous avez bien voulu apporter à ma question.

réponse aux inquiétudes des financements bancaires pour les collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 27, adressée à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Marcel Rainaud. Madame la ministre déléguée, de nombreux élus locaux m’ont alerté sur la remise en cause des capacités d’investissement de leurs collectivités en raison des difficultés qu’elles rencontrent pour obtenir de la part des établissements bancaires des prêts ou des lignes de trésorerie. L’année 2012 est celle des incertitudes pour les élus locaux de tous les échelons.

Dans la mesure où les collectivités locales impulsent une dynamique économique dans les territoires et représentent 45 % du chiffre d’affaires des entreprises partenaires, la baisse des investissements aura une incidence forte en matière d’emplois. Rappelons-nous que un milliard d’euros d’investissement représentent 7 500 emplois directs.

Alors que les collectivités devraient créer de nouvelles infrastructures ou procéder au renouvellement des anciennes en vue d’améliorer la vie de la population, elles n’en ont pas, ou n’en ont plus les moyens.

À cet égard, je veux évoquer la situation du syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières de l’Aude, créé lorsque j’étais président du conseil général, au lendemain des inondations meurtrières de 1999. Il regroupe les 438 communes du département, organisées autour de 18 syndicats de bassin. Aujourd’hui, sa responsabilité est grande, puisqu’il mène le plan d’action de prévention des inondations, le PAPI, indispensable pour la mise en sécurité de nos communes face à la montée des eaux.

Or, à ce jour, un problème se pose, lié à l’accès à l’emprunt des maîtres d’ouvrage. Sur une enveloppe de 80 millions d’euros, 45 millions sont d’ores et déjà engagés et 35 millions sont en attente, parce que les syndicats de bassin n’obtiennent ni ligne de trésorerie ni prêt de la part des organismes bancaires.

La conséquence est, au mieux, un décalage dans le temps et, au pire, l’abandon des projets et la baisse de l’enveloppe pour le PAPI à venir. Ce n’est là qu’un cas particulier, mais le constat est général et la situation préoccupante.

La Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale se sont mobilisées, mais ces initiatives répondent, sur le fond comme sur la forme, à une situation d’urgence et non au besoin de pérennité de l’investissement des collectivités.

Face à des banques craintives, une agence, ou une banque publique de financement serait la solution. Elle permettrait de concrétiser la volonté politique propre des collectivités en leur offrant des solutions de financement.

Madame la ministre, j’aimerais connaître les dispositions que le Gouvernement entend prendre sur la question de l’agence de financement des investissements publics et, si elle devait voir le jour, savoir quand elle sera mise en place.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous venez d’exprimer votre inquiétude quant aux difficultés auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales. Vous avez cité, spécifiquement, le cas du syndicat mixte des milieux aquatiques et des rivières de l’Aude, que vous connaissez bien, et sur lequel vous avez cité des chiffres qui, effectivement, sont inquiétants.

Je voudrais vous dire combien, au cours des dernières semaines, voire des derniers jours, le Gouvernement s’est mobilisé sur ce problème de l’accès au crédit des collectivités locales, et ce dans un double objectif : d’une part, répondre aux problèmes les plus urgents qui lui ont été signalés – un certain nombre de collectivités territoriales se trouvaient en effet dans une grande difficulté ; d’autre part, rechercher un mode de financement durable et sécurisé, ces deux qualificatifs nous semblant essentiels.

S’agissant du premier point, je peux dire que deux dispositions ont immédiatement été prises à la suite de la révocation par Dexia des lignes de trésorerie de plusieurs collectivités.

D’une part, la Banque postale a fait passer de 2 milliards à 4 milliards d’euros l’enveloppe des crédits de court terme et a engagé, pour 2012, une enveloppe de crédits de long terme d’un montant de 2 milliards d’euros. D’autre part, la Caisse des dépôts et consignations devrait mettre à disposition un montant de 3 milliards d’euros, sur une enveloppe de 5 milliards d’euros ouverte pour 2012.

On le sait, si elles ont opportunément permis de soulager les collectivités en difficulté, ces deux dispositions ne répondent pas aux conditions préalablement évoquées de durabilité et de sécurisation pour financer des investissements à un coût raisonnable.

Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, et nous le savons bien, les collectivités territoriales couvrent plus de 70 % des investissements nécessaires sur notre territoire.

J’en viens au deuxième point, portant sur les solutions à venir pour un financement durable et sécurisé.

Au-delà des initiatives particulières prises par les grandes collectivités, qui peuvent émettre directement sur les marchés financiers, il est nécessaire de travailler dès maintenant à la mise en œuvre de la banque de développement local, issue du rapprochement de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations. Nous y travaillons.

Vous avez également évoqué l’agence de financement des collectivités territoriales, dont plusieurs associations d’élus demandent la création.

Aujourd’hui, les promoteurs de ce dispositif comme le Gouvernement s’accordent à reconnaître que ce projet ne peut pas se traduire par une garantie de l’État sur l’agence et sur les prêts qu’elle accorderait aux collectivités locales. Or, à ce jour, la création d’un établissement public de cette nature n’est pas accompagnée de la certitude que serait écartée l’hypothèse d’une garantie implicite de l’État. C’est pourquoi nous travaillons main dans la main avec les promoteurs de cette agence, afin de trouver une solution efficiente et très rapidement opérante. Évidemment, nous le ferons dans le prolongement de la réflexion qui a également été conduite par la Cour des comptes, laquelle recommandait, dans son dernier avis sur le financement de l’économie, de permettre aux collectivités territoriales de disposer de plusieurs outils de financement pour leurs investissements. C’est tout le travail que nous sommes en train de conduire ensemble. Personnellement, je le conduis auprès de Marylise Lebranchu, dans le cadre de la délégation qui m’a été accordée par le Président de la République et le Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rainaud.

M. Marcel Rainaud. Madame la ministre, les collectivités ont trop souvent souffert du discours du gouvernement précédent. Elles étaient vues comme des entités dispendieuses et irresponsables. Votre réponse témoigne de votre volonté de considérer les élus locaux comme des élus responsables, même si je dois vous dire que, à cet égard, je demeurerai attentif. En tout cas, voir s’établir une confiance réciproque entre l’État et les collectivités, c’est aussi cela, le changement, et je vous en remercie !

application de la taxe locale sur la publicité extérieure

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 14, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre délégué, j’ai souhaité, ce matin, attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés qu’éprouvent de nombreuses communes concernant les dispositions relatives à la taxe locale sur la publicité extérieure, la TLPE, telles qu’elles résultent de la loi de modernisation de l’économie et de ses textes d’application.

Ce nouveau dispositif, qui élargit la taxation à tous les supports publicitaires, prévoit l’application de tarifs de droit commun et met en place, pour les communes qui taxaient déjà la publicité avant la mise en œuvre de ce dispositif, une période transitoire pendant laquelle les taux évoluent annuellement pour n’atteindre les tarifs de droit commun qu’en 2014.

Toutefois, les termes de la loi ne fixant pas clairement les conditions d’application de cette taxe à tous les dispositifs publicitaires pendant la période transitoire, il semblerait que de nombreuses collectivités aient fait le choix de ne pas l’appliquer aux enseignes.

Or, dans son arrêt Société Kiloutou contre commune de Sélestat en date du 4 octobre 2011, la Cour de cassation n’a pas retenu cette interprétation et a précisé que les enseignes devaient se voir appliquer le tarif transitoire au même titre que les autres supports taxables, contrairement à l’interprétation généralement retenue. Ce même arrêt enjoint à la ville de Sélestat de rembourser du trop-perçu les contribuables concernés.

Cette jurisprudence étant de nature à poser de sérieuses difficultés financières aux collectivités concernées, je vous serais reconnaissant de bien vouloir préciser les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour clarifier la situation.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, la TLPE a été introduite par l’article 171 de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, par la voie d’un amendement d’initiative sénatoriale.

Comme vous l’avez indiqué, cette taxe s’est substituée aux dispositifs locaux existant, à savoir la taxe sur la publicité frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses, la taxe communale sur les emplacements publicitaires fixes et la taxe sur les véhicules publicitaires.

Deux situations coexistent désormais : d’une part, la loi a créé des tarifs de droit commun qui s’appliquent dans les communes qui n’avaient pas institué l’une des trois anciennes taxes sur la publicité. De l’autre, pour les communes qui avaient mis en œuvre, avant 2008, la taxe sur les emplacements publicitaires fixes ou la taxe sur les affiches, réclames et enseignes lumineuses, le législateur a retenu le principe d’une période de transition.

En conséquence, dans le cadre des dispositions prévues par l’article L.2333-16 du code général des collectivités territoriales, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de voirie, ou comportant une zone d’aménagement concertée sur leur territoire, étaient invités à mettre en œuvre un mécanisme de convergence progressive des tarifs applicables en 2008 avec les tarifs de droit commun, sur une période de cinq ans, soit entre 2009 et 2013.

Ce dispositif de lissage des évolutions tarifaires avait pour but d’atténuer l’impact de la TLPE dans les communes qui relèvent de l’ancien régime de taxation frappant la totalité des supports publicitaires.

Dans son arrêt Société Kiloutou contre commune de Sélestat du 4 octobre 2011, que vous avez mentionné, la Cour de cassation a constaté que la commune requérante taxait déjà la publicité en 2008 et devait logiquement faire application du tarif de référence progressif dans les conditions prévues à l’article que je viens de citer. S’appuyant sur les dispositions commentées précédemment, cet arrêt a simplement tiré les conséquences de l’absence de distinction opérée par la loi entre les différents supports publicitaires.

Dans le souci de dissiper toute ambiguïté vis-à-vis des collectivités bénéficiaires de ce dispositif, la circulaire du 24 septembre 2008 a rapidement précisé les modalités d’application des dispositions transitoires en matière de taxes locales sur la publicité extérieure.

Concernant le périmètre des supports publicitaires visés pendant la période transitoire, il est clairement précisé, au 2 du A du chapitre VII, que « les dispositions transitoires doivent être considérées comme applicables à toutes les catégories de supports », c'est-à-dire tant les enseignes que les pré-enseignes ou les dispositifs publicitaires.

Compte tenu de la diffusion très rapide de cette circulaire – moins de deux mois après l’introduction de la TLPE dans la législation – le nombre de collectivités locales concernées ne saurait être que très limité. Dans ces conditions, le Gouvernement ne prévoit pas d’adopter des mesures particulières à la suite de cette jurisprudence, qui a confirmé l’interprétation que l’administration faisait de la loi depuis son origine.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions concernant la circulaire du 24 septembre 2008. De fait, sur le terrain, je constate que ce texte reste relativement ignoré d’un certain nombre de collectivités.

J’espère que la publicité donnée à votre intervention permettra de rattraper le temps perdu. Certes, je crains que cette solution ne pose des problèmes financiers à certaines collectivités, mais je n’en suis pas moins satisfait de vous entendre rappeler cette disposition qui, je l’ai constaté, a été perdue de vue par un certain nombre de collectivités.

gestion du personnel au sein de l'entreprise la poste

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, auteur de la question n° 25, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre délégué, la déréglementation européenne des services postaux et la mise en concurrence des opérateurs européens plutôt que leur coopération ont engendré la suppression de 300 000 emplois en Europe. En France, La Poste bat des records dramatiques en la matière : 80 000 emplois supprimés depuis 2002 dont près de 7 000 au cours du seul premier semestre 2011, cela représente un emploi sacrifié en moyenne toutes les heures, c’est-à-dire le plus grand plan de casse sociale de notre pays.

Pour justifier la réduction drastique des effectifs, la direction de l’entreprise invoque régulièrement la baisse du trafic de courrier. Pourtant, le groupe La Poste a enregistré un bon résultat en 2011 : son chiffre d’affaires a dépassé 21 milliards d’euros. Le secteur du courrier affiche même une stabilisation, alors que la diminution des volumes reste toujours nettement inférieure aux prévisions annoncées.

Cette course effrénée vers la rentabilité provoque de gravissimes dommages collatéraux. Ainsi, le syndicat professionnel des médecins de prévention de La Poste, qui représente la moitié de ces derniers, a fait part de ses inquiétudes à Jean-Paul Bailly, en dénonçant « des méthodes de management de La Poste » qui « créent des inaptes physiques ou psychologiques ».

Se heurtant à un déni constant de la part de la direction du groupe, ce syndicat dénonce régulièrement des suicides ou des tentatives de suicide, un mal-être au travail qui touche tous les niveaux opérationnels de l’entreprise et une explosion patente du nombre d’arrêts-maladie.

Au service courrier, la mise en place du plan de restructuration appelé « Facteurs d’avenir » a modifié le système de distribution. Le principe de « sécabilité » des tournées y érige désormais la flexibilité et l’auto-remplacement en mode de gestion du personnel.

Tous les dix-huit mois, dans chaque bureau de poste, les effectifs sont recalculés – à la baisse – en fonction de la diminution du volume de courrier attendu, de paramètres techniques mais aussi de normes de cadences qui déshumanisent le service rendu.

Toujours d’après les rapports médicaux, on remarque, subséquemment, une dégradation considérable de la santé physique – 60 000 postiers sont atteints d’affections péri-articulaires – et mentale des agents de ce service, qui voient les effectifs diminuer pour une charge de travail constante.

Monsieur le ministre, à mon sens, La Poste est devenue une bombe à retardement. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. En outre, il convient de souligner que l’État est l’actionnaire principal du groupe, qui lui est lié à la fois par un contrat de plan et par un contrat de service public.

Au regard de cette situation, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour placer de nouveau l’humain au centre des objectifs du groupe La Poste et pour soumettre ce dernier aux exigences de qualité de service public et de travail exprimées par les personnels et les usagers ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, je vais reprendre un certain nombre des chiffres que vous venez de citer, en les complétant par d’autres.

Selon l’Observatoire de la vie au travail, 65 % des Français se disaient stressés au travail en 2010, contre 55 % en 2009 ; 24 % des hommes et 37 % des femmes évoquent un mal-être en parlant de leur travail, selon les enquêtes menées dans le cadre de l’étude épidémiologique Samothrace.

En réalité, dans les entreprises qui sont sujettes à des transformations majeures, les risques psychosociaux doivent être considérés avec le plus grand sérieux. De fait, on connaît la chaîne des conséquences qui peuvent s’enclencher dans les grands services publics ayant subi des changements importants ; la perte de reconnaissance, la perte de sens du métier que l’on exerçait auparavant, auxquelles s’ajoute parfois la perte d’estime de soi, peuvent entraîner de la souffrance au travail et engendrer la multiplication des risques psychosociaux.

Dans certains cas, cette souffrance au travail peut conduire aux tragédies qu’ont connues par le passé un certain nombre de grandes entreprises. Il s’agit donc de rester particulièrement attentif à la conduite du changement dans ces situations : le Gouvernement entend l’être tout particulièrement. C’est donc à l’aune de cette réalité sociale que nous observons les évolutions en cours à La Poste.

Comme vous le savez, la poursuite de la dynamique d’adaptation de La Poste à son environnement et au service de ses clients est indispensable : c’est même une des conditions de la pérennité du groupe, de son développement et, partant, de l’emploi et de la qualité de vie au travail de ses personnels.

Dans ce contexte, l’État veille et veillera tout particulièrement à ce que l’amélioration des conditions de travail des postiers et la prise en compte des personnes dans la conduite du changement constituent des objectifs à part entière de La Poste.

À cet égard, la Poste a récemment lancé plusieurs initiatives.

En 2010, le groupe a mis en œuvre un plan « Santé Sécurité au travail » pour la période 2010-2013, lequel est notamment axé sur le renforcement de la prévention des accidents du travail – accidents de circulation, chutes, accidents de manutention – et des troubles musculo-squelettiques, ainsi que sur une plus grande sensibilisation des managers aux problématiques de santé et de sécurité. Par ailleurs, les conditions de travail se sont améliorées, les accidents de travail avec arrêt, pour ne citer que cet indicateur, ayant reculé de 22 % en 2011. C’est évidemment une évolution positive.

Au printemps 2012, La Poste a pris de nouvelles initiatives, notamment en lançant un grand dialogue national et local associant l’ensemble des postiers, au sujet de la vie au travail. Ces dernières semaines, chaque postier a ainsi eu l’occasion d’indiquer directement les améliorations qu’il souhaitait voir apporter à son cadre de travail.

À ces travaux de concertation, s’ajoute la création d’une commission présidée par Jean Kaspar. Composée de représentants des organisations syndicales, d’experts externes et des dirigeants de La Poste, cette commission devra notamment formuler des recommandations au sujet de la prise en compte des personnes dans la conduite du changement au sein du groupe.

En outre, il convient de mentionner la création d’une fonction de médiation de la vie au travail auprès du président de La Poste.

Enfin, 1 000 recrutements supplémentaires seront réalisés en 2012.

Ces initiatives vont dans le bon sens dès lors qu’elles tendent à prendre en charge sérieusement les demandes des personnels, les inquiétudes de ces derniers en matière de changement et les risques psychosociaux qu’induisent les processus liés aux évolutions majeures qui se produisent au sein de grandes entreprises publiques comme La Poste.

S’agissant plus particulièrement du projet « Facteurs d’avenir », je souligne que l’objectif visé est de garantir que les tournées soient assurées quotidiennement par des professionnels grâce à l’organisation de remplacements au sein d’équipes de facteurs à la fois plus autonomes et plus solidaires. C’est cette continuité du service qui a permis l’augmentation du taux de couverture quotidienne des tournées constatée en 2011. Cette évolution explique sans doute également le record de la qualité du service public du courrier. Nous devons bien sûr nous en féliciter.

La mise en œuvre du projet « Facteurs d’avenir » sur l’ensemble du territoire national s’est d’ailleurs accompagnée d’un investissement inédit consacré à l’amélioration des matériels et des conditions de travail. De surcroît, elle s’est appuyée sur une conduite du changement qui a permis la signature de près de 1 800 accords locaux avec les organisations syndicales, au sein des sites réorganisés.

Au demeurant, je le dis et je le répète, au-delà de ces progrès et même si La Poste a exprimé le souci de mieux associer les personnels aux différentes initiatives, à celles des commissions notamment, nous veillerons à ce que la réorganisation du service postal n’altère pas les conditions de travail des facteurs et ne multiplie pas les risques psychosociaux.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Monsieur le ministre, je prends acte de votre réponse et je vous en remercie. J’y ai relevé que vous souhaitiez accorder une attention particulière, dans le dossier de la santé au travail, au risque psychosocial, notamment au sein de l’entreprise La Poste. (M. le ministre délégué acquiesce.)

En ce qui me concerne, j’ai engagé, au niveau de mon département, un travail de concertation avec les syndicats de La Poste, et ce sont eux qui m’ont alerté sur ces problèmes. Je suis également en contact avec la direction départementale de La Poste. Je crois que ces échanges sont fructueux et, en tant que futur rapporteur de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2013, je souhaite donner une dimension nationale à ces sujets.

Monsieur le ministre, vous avez raison de dire que La Poste doit évoluer, et personne ne le conteste. Il reste qu’un problème subsiste, qui touche à l’organisation même du travail. La Poste a certes mis en place des commissions, elle réunit des instances, mais, en général, elle refuse d’évoquer ces enjeux d’organisation du travail, notamment pour ce qui concerne les facteurs.

À ce titre, je vous signale, car cela me paraît important pour l’avenir, qu’un certain nombre de jugements ont été récemment rendus qui condamnaient La Poste. J’ajoute que, le 25 juin 2012, Le Parisien, qui n’est pas un journal révolutionnaire, a publié un article dénonçant le travail dissimulé à La Poste et le non-paiement d’heures supplémentaires.

Il y a donc un réel problème, que l’on ne peut pas masquer, et l’État doit prendre toute sa responsabilité. Je pense qu’il en a les moyens : il existe un contrat de service public qui lie La Poste à l’État ; il me semble que celui-ci a, en particulier, les moyens de faire un peu mieux respecter les personnels et la santé au travail.

N’oublions pas non plus que l’État a apporté des fonds importants dans le cadre de la recapitalisation de 2009 et que 600 millions d’euros doivent encore être versés. Les discours catastrophistes que nous avaient, à l’époque, tenus les dirigeants de La Poste sont aujourd’hui démentis par les faits puisque ces mêmes dirigeants annoncent aujourd'hui 478 millions d’euros de bénéfices en 2011, au lieu des 343 millions attendus.

Les moyens existent donc pour permettre à l’État non seulement d’être vigilant mais encore de prendre les mesures nécessaires afin que soient assurés à la fois un meilleur service public et un plus grand respect de la qualité du travail dans cette entreprise.

perspectives de la décentralisation des enseignements artistiques

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 1617, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, au moment même où se déroule le festival d’Avignon et alors que onze associations d’élus viennent de présenter leur déclaration solennelle pour « une République culturelle décentralisée », je souhaite attirer votre attention sur le sujet précis de la décentralisation des enseignements artistiques.

Le volet « enseignements artistiques » de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004, prévoyait, en ses articles 101 et 102, une clarification de la répartition des compétences entre collectivités publiques, ainsi qu’un transfert de crédits budgétaires afin de rééquilibrer la charge financière supportée par ces dernières, notamment les communes et, le cas échéant, les intercommunalités.

Si cette loi n’opérait pas stricto sensu un transfert de compétences, elle permettait de définir les rôles respectifs des communes, départements, régions et de l’État dans un objectif louable de plus grande efficacité et de plus grande cohésion territoriale. Cela répondait aussi au souhait de favoriser la démocratisation de ces établissements et leur ouverture sur la diversité des publics et des pratiques artistiques.

En juillet 2008, constatant que la loi n’était toujours pas appliquée, j’ai rédigé, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, un rapport où j’identifiais les blocages et formulais vingt propositions, articulées autour de trois grands objectifs : définir une méthodologie pour sortir de l’impasse, mettre en œuvre la réforme avec pragmatisme, consolider la rénovation des enseignements artistiques.

J’ai d’ailleurs traduit ces préconisations dans une proposition de loi visant à préciser la loi de 2004 ; la Haute Assemblée n’en a malheureusement pas encore débattu.

Souhaitant poursuivre la réflexion, j’ai, ici même, lancé un débat avec votre prédécesseur sur ce sujet, le 29 octobre 2009.

Enfin, deux ans plus tard, pour finir de rassurer les régions – qui, je dois le dire, ont eu sur ce dossier une position changeante –, j’ai de nouveau réalisé un travail d’auditions et dressé un nouveau bilan à partir des régions ayant appliqué la réforme, Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes. Il s’avère que, dans ces régions pilotes, l’expérimentation est très positive et n’a pas entraîné le surcoût imaginé.

La plupart des acteurs que j’ai rencontrés tout au long de ces années demandent donc maintenant, démonstration faite, une mise en œuvre rapide de la loi.

Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez a annoncé, d’une part, son souhait d’approfondir la décentralisation et, d’autre part, un plan d’éducation artistique et culturelle. Il me semble donc que la mise en œuvre de la décentralisation des enseignements artistiques pourrait utilement constituer une première action concrète en ce sens. Une telle action donnerait corps et cohérence à l’ambition d’une éducation artistique et culturelle de la maternelle à l’université, qui s’inscrirait ainsi dans un continuum de l’apprentissage artistique.

Je souhaiterais que vous me précisiez les ambitions du Gouvernement sur le sujet et les mesures que vous comptez prendre pour clore ce dossier « par le haut ».

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, tout d’abord, je vous félicite pour le travail que vous avez accompli au service des enseignements artistiques spécialisés dans l’ensemble de nos collectivités.

Vous le savez, je souhaite mettre en œuvre un nouveau partenariat entre l’État et les collectivités locales en matière culturelle dans le cadre de l’acte III de la décentralisation annoncé par le Premier ministre. Il s’agira de mieux définir le rôle de chaque échelon et de viser à une cohérence accrue des politiques portées par chacun.

L’article 101 de la loi de 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales avait précisément pour objectif de favoriser le développement d’un enseignement artistique spécialisé mieux réparti et mieux coordonné sur l’ensemble du territoire. Il visait également à améliorer les formations professionnalisantes par la création du cycle d’enseignement professionnel initial, le CEPI, et du diplôme national d’orientation professionnelle, le DNOP, dont l’organisation et le financement devaient être assurés par les régions.

Cette réforme n’a pas abouti, vous l’avez dit. Deux régions – Nord-Pas-de-Calais et Poitou-Charentes – l’ont mise en place, les autres disant qu’elles n’avaient pas reçu les compensations financières nécessaires pour assumer ces nouvelles missions.

Le travail réalisé par ces deux régions est encourageant. Mais je veux sortir de l’impasse que nous connaissons depuis 2004. C’est la raison pour laquelle je compte m’appuyer sur les résultats du dialogue que j’ai renoué avec le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, le CCTDC, au sein duquel un groupe de travail est spécifiquement consacré aux enseignements artistiques.

L’ensemble des associations d’élus ont fait part de leur accord sur une modification de l’article 101 de la loi de 2004 sur les points suivants : la région ne serait plus chargée d’organiser et de financer le CEPI, mais pourrait participer au financement des établissements ; une commission régionale des enseignements artistiques serait créée, pour conforter l’approche territoriale ; l’accès du plus grand nombre aux pratiques artistiques serait affirmé et inscrit dans la loi ; le cycle d’enseignement professionnel initial serait dénommé « cycle d’orientation professionnelle », destiné à des jeunes qui souhaitent rejoindre l’enseignement supérieur.

Vous l’avez dit, des positions divergentes ont été exprimées s’agissant de la collectivité destinataire du transfert des crédits de fonctionnement. La loi de 2004 prévoit en effet que ces crédits transitent par les régions ou par les départements. Le dialogue entre l’État et les associations d’élus devrait nous permettre de préciser les modalités d’organisation des CEPI, de définir le fonctionnement de la commission régionale des enseignements artistiques et de spécifier les objectifs des cursus d’études.

Une réflexion sur la procédure de classement par l’État des établissements, confiée à l’Inspection de la création artistique de la Direction générale de la création artistique, la DGCA, va être amorcée très rapidement. L’originalité du projet de chaque conservatoire et la valorisation des pratiques amateurs devront être mieux prises en compte, mais aussi, ce qui est également important à mes yeux, l’ouverture des conservatoires à l’ensemble de la population : il n’est pas normal que, dans certains de nos conservatoires, les parents soient obligés de faire la queue pendant des heures pour pouvoir inscrire leurs enfants dans les disciplines artistiques. Le libre accès à l’enseignement de ces disciplines doit faire partie des droits offerts à chacun de nos concitoyens.

Par ailleurs, l’offre doit être plus équilibrée entre les différents domaines du spectacle vivant.

L’évaluation de l’État pourrait se concentrer sur l’expertise qualitative et sur l’étendue des enseignements artistiques offerts, concourant ainsi à assurer l’égalité des territoires sous ces deux aspects. Les collectivités auraient la charge d’organiser l’offre territoriale, leur objectif prioritaire étant alors de permettre l’égal accès des élèves au service public de l’enseignement artistique.

C’est de ce scénario que je souhaite débattre avec le CCTDC.

Dans l’attente des conclusions de ce dialogue, je vous annonce que je prolongerai de deux années les classements des conservatoires dont le terme est fixé aujourd’hui au 11 octobre 2013. Cette proposition a d’ailleurs reçu un avis favorable des associations d’élus siégeant au CCTDC.

Les conservatoires ont un rôle essentiel à jouer pour la politique de démocratisation de l’accès aux pratiques culturelles qui est portée le Gouvernement. Cela passe par une ouverture plus large des établissements aux amateurs et par une valorisation des pratiques amateurs. Il s’agit de diversifier les publics et d’apporter des réponses différenciées en fonction des besoins des populations. Les enseignements artistiques doivent ainsi s’inscrire dans la réflexion engagée pour développer une politique d’éducation artistique et culturelle ambitieuse, prenant en compte à la fois ce qui se passe pendant le temps scolaire mais aussi en dehors de celui-ci.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions. Vous avez raison de vouloir vous appuyer sur le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, qui, je le rappelle, n’avait pas été réuni pendant des années et qui l’a été à la suite de la préconisation inscrite dans mon rapport, précisément pour qu’il débatte de cette question. C’est bien dans cette instance que nous avons pu avancer sur ce sujet.

Je reviens un instant sur le rôle des régions.

Vous avez rappelé, madame la ministre, comme je l’avais fait moi-même, que deux régions pilotes ont mené avec succès la réforme, et cela sans surcoût avéré, et vous avez ajouté que les autres régions avaient dit ne pas avoir disposé des compensations nécessaires pour mettre en œuvre la réforme.

En vérité, cette réforme, elles n’ont pas souhaité la mettre en œuvre et elles n’ont donc pas demandé le transfert de crédits : on ne pouvait pas définir les compensations nécessaires puisque le coût n’avait pas été évalué. Je l’ai évalué dans mon rapport. Dès lors, les régions peuvent être tout à fait rassurées : il n’y a absolument aucun surcoût. Je tiens tous les chiffres à votre disposition, madame la ministre.

Appuyons-nous sur les régions pilotes et sur l’expérimentation – c’est ce qu’a encore redit récemment le président de l’Observatoire des politiques culturelles de Grenoble – et soyons pragmatiques. On ne peut plus différer la mise en œuvre d’une loi attendue par tous. Car il s’agit d’ouvrir nos conservatoires au plus grand nombre, aux pratiques amateurs comme aux pratiques professionnelles. C’est, me semble-t-il, l’enjeu de cette réforme, un enjeu que nous partageons. Mais les régions auront un rôle à jouer ; sinon, nous régresserons par rapport à tout le travail qui a été accompli, gouvernement après gouvernement, pour mettre en œuvre cette vraie démocratisation de l’enseignement artistique.

situation du service départemental d'incendie et de secours de guyane

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 21, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à plusieurs reprises, les autorités locales unanimes ont alerté les responsables de la sécurité civile sur la situation très préoccupante du service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, de Guyane et sur la nécessité de le mettre rapidement au même niveau opérationnel que tous les autres SDIS français.

À ce jour, aucune réaction : la fracture s’intensifie et même les drames successifs dans les sites d’orpaillage – pour ne citer que les cas les plus retentissants – ne semblent pas convaincre ces responsables de l’urgente nécessité d’une décision de leur part. Les Guyanais seraient-ils des citoyens de seconde zone, n’ayant pas droit à l’égalité en matière de secours et, plus généralement, en matière de sécurité, monsieur le ministre de l’intérieur ?

Sinon, comment expliquer que, dans ce département, fleuron de l’activité spatiale – qui est également une source de risques majeurs –, grand comme un cinquième de la France, autrement dit de la taille du Portugal, le SDIS ne dispose d’aucuns moyens aériens pour assurer les secours d’urgence ? C’est d’autant plus inconcevable que plus de 10 % de la population vit dans des zones enclavées et ne bénéficie pas des premiers secours, faute de centre d’incendie et de secours.

Qu’en est-il de l’engagement de l’ancien Président de la République de mettre à la disposition des sapeurs-pompiers de Guyane un vecteur aérien, engagement pris lors de son voyage en Guyane de janvier 2012, durant lequel une fusillade entre deux bandes rivales de garimpeiros a fait neuf morts, dont l’un est toujours au fond d’un puits parce qu’on n’a tout simplement pas pu l’en extraire ?

Monsieur le ministre, comment rester indifférent face aux demandes pressantes de ce SDIS pour avoir un dispositif radio qui soit en mesure de couvrir la totalité de la Guyane quand on sait que le réseau radio dont il dispose actuellement ne couvre que partiellement la zone littorale et nullement la zone intérieure, qui représente pourtant 90 % du territoire ?

Comment demander à ce SDIS d’être totalement opérationnel quand on connaît l’insuffisance de ses finances, la dégradation des conditions de formation et de vie en caserne de ses agents ?

Monsieur le ministre, cette situation quasi apocalyptique n’est pas digne d’un centre de secours de la République. Je sais que votre gouvernement, tout récemment installé, a hérité d’un lourd passif dans beaucoup de domaines, dont celui-ci ; mais il s’agit là de sécurité et ce dossier doit être traité dans l’immédiat.

Monsieur le ministre, j’aimerais vivement connaître les mesures qui vont être prises pour améliorer la situation du SDIS de Guyane et l’aider à rattraper son retard. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Patient, vous avez évoqué les neufs morts qu’a faits, le 21 janvier dernier, la fusillade de Dorlin. Je voudrais, pour ma part, avoir une pensée pour les deux militaires tués à Dorlin à la fin du mois de juin, ainsi que pour les gendarmes blessés le même jour, à qui j’ai récemment rendu visite à l’hôpital Percy.

Je tiens d’ailleurs à saluer le courage et le dévouement dont font preuve les agents de l’opération Harpie et les membres des forces de l’ordre engagés en Guyane pour récupérer du terrain. Vous savez mieux que quiconque, monsieur le sénateur, que les militaires, les gendarmes et les policiers font un travail difficile pour que la loi de la République s’impose dans ce département comme partout ailleurs sur le territoire français.

Concernant le SDIS de Guyane, sachez que j’ai parfaitement conscience des difficultés qu’il rencontre. Toutefois, je veux aussi souligner les efforts que l’État a d’ores et déjà engagés.

Il est vrai que ce service connaît d’importants problèmes financiers, qui résultent notamment du difficile recouvrement des contributions dues par les communes guyanaises. Les procédures de mandatement engagées par l’État et le SDIS ont été peu efficaces : les communes concernées sont très endettées et ne peuvent tout simplement pas payer.

Nous avons donc, avec le plan de restructuration financière des communes de Guyane conduit sous l’impulsion du préfet et du ministère des outre-mer, cherché à améliorer la situation de ces communes, notamment vis-à-vis du SDIS. En contrepartie d’une meilleure gestion, les communes concernées ont bénéficié de prêts de l’Agence française de développement. Ces plans, dont l’initiative revient à l’État, ont permis de réduire l’endettement des communes et d’améliorer progressivement les finances du SDIS.

L’État a également aidé directement ce service, par une subvention du fonds d’aide à l’investissement des SDIS, qui s’élève à un peu plus de 1,5 million d’euros sur les quatre derniers exercices.

En ce qui concerne l’affectation d’un hélicoptère de la sécurité civile au SDIS de Guyane, je tiens à rétablir les faits. La Guyane n’est pas dépourvue d’appareils de secours ; elle en compte même une proportion élevée rapportée au nombre de ses habitants puisque onze hélicoptères sont consacrés de façon permanente à ces missions. De plus, le SDIS dispose de crédits pris sur la ligne budgétaire de la direction de la sécurité civile pour répondre à des besoins ponctuels, mais je n’ignore pas les difficultés que pose leur mise en œuvre. J

Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je vous invite à prendre, si vous le souhaitez, l’attache de mon cabinet afin que nous puissions examiner de plus près ces sujets que vous connaissez parfaitement.

Enfin, vous évoquez la mise en place d’un dispositif de radiocommunication. Des études ont bien été réalisées par les services de l’État : elles montrent qu’il serait aussi coûteux de déployer le dispositif ANTARES – adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours – sur le seul département de la Guyane, dont vous venez de souligner l’étendue, que sur l’ensemble du territoire métropolitain. Puisqu’il est hors de question de laisser ce département en difficulté, ces études ont également défini d’autres pistes, plus réalistes, telles que l’hébergement par un autre réseau ou la mise en synergie avec les réseaux des autres administrations.

En tout cas, monsieur le sénateur, je souhaite que la Guyane, comme l’ensemble du territoire, bénéficie de dispositifs d’incendie et de secours performants.

S’il y a un département que j’aurai l’occasion de visiter assez rapidement, c’est bien le vôtre, monsieur le sénateur, tant les défis en matière de sécurité, de missions pour le SDIS et, évidemment, d’immigration, sont essentiels. Je le ferai, bien entendu, en lien avec mon collègue Victorin Lurel.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu et je sais que vous serez attentif aux outre-mer en général et à la Guyane en particulier. Vous n’ignorez pas que les outre-mer ont massivement voté pour un changement de politique, envoyant de la sorte un message clair. Nos attentes sont donc évidemment à la hauteur de ce message.

Je sais que vous avez fort à faire durant cette mandature, dans bien des domaines et dans bien des lieux. Néanmoins, la situation de la Guyane oblige qu’on y prête une attention particulière, car il s’agit en l’occurrence de secours à apporter et de sécurité à restaurer. Ce sont des questions prioritaires, monsieur le ministre, et vous en avez très certainement conscience, vous qui, depuis votre nomination, avez eu à intervenir sur des événements tragiques provoqués par l’insécurité endémique qui sévit sur ce territoire.

Je compte donc sur vous pour que vous apportiez dans des délais rapides des réponses positives et concrètes sur les points que nous venons d’évoquer.

Je tiens également à vous rappeler que, l’année dernière, j’avais accompagné une délégation du SDIS au ministère de l’intérieur pour une séance de travail sur ces sujets. Des promesses avaient alors été faites, mais elles sont restées vaines. Je vous remercie donc par avance d’être plus que votre prédécesseur à l’écoute des demandes des Guyanais en matière de sécurité. Encore une fois, monsieur le ministre, je compte sur vous.

avenir des politiques de contrôles routiers

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1624, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, ma question concerne l’avenir de la politique en matière de contrôles de vitesse sur les routes françaises.

Depuis longtemps, je lutte avec nombre de mes collègues, de tous horizons, pour que cesse cette politique du chiffre instaurée, voilà plusieurs années, avec la mise en place des radars automatiques et aujourd’hui amplifiée, sans concertation, à la demande de votre prédécesseur, par le retrait des panneaux les annonçant.

À l’heure où la grande majorité des pays européens et américains procèdent à leur démontage, le seul pays au monde où ils sont en constante augmentation, c’est la France. On peut donc se poser certaines questions sur les raisons de cette situation : qualité du réseau routier ? Insuffisance des forces de l’ordre ? Besoin de rentrées d’argent.

Certes, nous constatons depuis l’apparition des premiers radars automatiques, en 2002, une diminution moyenne de la vitesse de 10 kilomètres heure. Toutefois, les premières causes de mortalité sur nos routes restent bien la vitesse excessive, la drogue et l’alcool.

Nous sommes tous partisans de sanctionner plus sévèrement les conducteurs qui roulent manifestement trop vite ou prennent le volant sous l’emprise de drogues ou d’alcool. Mais il faut cesser le matraquage des auteurs de ces petites infractions que sont les légers excès de vitesse, car il pénalise toujours les plus vulnérables et les moins aisés de nos compatriotes, qui ne peuvent racheter des points comme le font illégalement les plus riches.

J’ai fait voter, voilà quelques mois, des mesures permettant de récupérer plus rapidement les points ainsi perdus. C’est une avancée pour les travailleurs qui, à la suite d’une perte de points, ont le choix entre perdre leur emploi ou continuer de conduire, mais sans permis. Plus de 450 000 étaient dans ce dernier cas en 2011, selon les sources de votre ministère.

J’attire également votre attention, monsieur le ministre, sur les obstacles administratifs afférents à la contestation d’une contravention : il s’agit d’un véritable parcours du combattant ! En cas de contestation, l’administration se contente en effet de faire parvenir au contrevenant la majoration de l’amende par lettre recommandée. Si celui-ci ne peut prouver qu’il n’était pas au volant, ce qui est souvent le cas, l’amende peut s’élever à plus de 500 euros. Le citoyen doit pouvoir être entendu et se défendre.

Monsieur le ministre, même si ce n’est pas vous qui êtes à l’origine de cette politique, je souhaiterais savoir quelles décisions le Gouvernement envisage de prendre s’agissant des petits excès de vitesse non accidentogènes et de la possibilité de contester, deux points qui préoccupent un grand nombre de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur Fouché, je suis heureux de pouvoir vous répondre, même si je crains de ne pas aller tout à fait dans votre sens.

Vous avez rappelé la baisse régulière de la mortalité sur les routes françaises depuis 1971 et les bons résultats en termes de sécurité routière.

La politique du contrôle automatisé, mise en place notamment à partir de 2002, sous l’impulsion du président Jacques Chirac, a donné très rapidement des résultats très nets, dès l’année 2003.

Le parc de radars automatiques en France est constitué aujourd’hui de 3 800 équipements, avec un objectif de fin d’année situé légèrement en dessous de 4 100, là où la Grande-Bretagne en compte plus de 7 000.

Le maillage territorial de ces équipements me semble, à ce stade, être proche de l’optimum. Ainsi, à compter de 2013, le volume global du parc sera maintenu autour de 4 200 équipements, avec pour objectif d’assurer à la fois le renouvellement des systèmes les plus anciens et l’adaptation continue du parc aux enjeux de sécurité routière.

Par ailleurs, s’agissant de vos interrogations sur les sanctions des petits excès de vitesse – un sujet bien connu des élus locaux que nous sommes, souvent interpellés sur cette question –, je tiens à vous dire qu’il n’y a pas, de mon point de vue de « petites infractions » sur les routes lorsque des vies sont en jeu. J’insiste sur le fait que tout allégement des sanctions entraînerait nécessairement une augmentation de la vitesse moyenne sur nos routes et, par voie de conséquence, de l’accidentalité et de la mortalité. N’oublions pas qu’une relation scientifiquement établie existe entre la vitesse et la gravité des accidents : 1 % de vitesse en plus, c’est 4 % de morts en plus.

Pour ce motif, il ne semble pas raisonnable de modifier les sanctions prévues pour ces infractions.

Vous attirez également mon attention sur les difficultés que rencontreraient nos concitoyens pour contester une infraction. C’est peut-être le cas, et je suis tout disposé à discuter de ce sujet avec vous. Je crois cependant que les possibilités offertes à chacun sont précises et clairement présentées dans l’avis de contravention. Si le véhicule a été prêté, volé ou détruit, il suffit, sans consignation, de désigner le conducteur ou d’envoyer les justificatifs ad hoc pour que les poursuites soient arrêtées. Les autres cas de contestation demandent la consignation du montant de l’amende pour être prises en compte. Pour mémoire, dans le cas des dépassements de moins de 20 kilomètres heure constatés hors agglomération, le montant à consigner est de 68 euros. Après délibération du tribunal de proximité compétent, si celui qui conteste obtient gain de cause, le montant est systématiquement reversé à l’intéressé.

J’entends évidemment certains de vos arguments, monsieur le sénateur. J’imagine que M. Péchenard, le nouveau délégué interministériel à la sécurité routière, est prêt à rencontrer les élus et à travailler avec eux sur ces questions. De mon côté, je le suis également.

Je crois toutefois que, si nous relâchions un tant soit peu l’effort, nous enverrions un très mauvais signal. Les cas que vous évoquez ne sont évidemment pas directement liés aux incidents et accidents dramatiques de ces dernières heures, mais je vous signale tout de même que je me suis rendu hier sur les lieux de l’accident qui s’est produit dans le XIXe arrondissement de Paris et que j’ai pu malheureusement constater les drames qu’un chauffard sous l’emprise de l’alcool ou du cannabis pouvait provoquer.

Le message général doit donc être correctement pesé et, en la matière, la fermeté est une nécessité. Le nombre de morts sur les routes a baissé parce que la sécurité routière est devenue une priorité. Elle doit le rester.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Je me permets de revenir très brièvement sur les petits excès de vitesse. Pour les chauffards, tout le monde est d’accord, mais ce sont les plus petits qui font toujours les frais de la politique mise en place et les Français ont l’impression d’un véritable matraquage fiscal.

Sur les possibilités de contestation, il y a du flou. Je suis prêt à me rapprocher du délégué interministériel à la sécurité routière, mais, d’une manière générale, les choses ne se passent pas très bien. Les gens rencontrent des difficultés pour contester et ils finissent par payer des amendes très fortes devant le tribunal. Il faut donc, me semble-t-il, examiner cette question de près. Vous vous êtes montré ouvert au dialogue, monsieur le ministre : je vous en remercie et je me rapprocherai donc de votre ministère et du délégué.

stationnement des véhicules des personnes handicapées sur le domaine public

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 7, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est d’ores et déjà devenue l’une des grandes lois de la République. Elle prévoit le principe de l’accessibilité pour tous. S’agissant du transport en véhicule automobile, cette accessibilité peut notamment se faire grâce à la carte de stationnement, qui est attribuée par la commission des droits et de l’autonomie de nos maisons départementales des personnes handicapées aux personnes affectées d’un handicap suffisamment important.

Nous avons naturellement, dans nos communes, de nombreuses places de stationnement réservées aux personnes handicapées, mais il arrive aussi qu’une personne handicapée doive stationner en dehors de ces places réservées, soit sur une place libre de droit, soit sur une place soumise au paiement d’une redevance. Dans ce dernier cas, que cette place soit utilisée parce qu’elle est plus proche du lieu où se rend la personne handicapée ou parce qu’il n’y a pas d’autre place disponible, la personne handicapée va devoir se déplacer jusqu’à la borne la plus proche de son véhicule pour pouvoir prendre un ticket et acquitter la redevance.

Un certain nombre de communes ont décidé d’exonérer les personnes handicapées de cette redevance. Je constate toutefois que ce n’est pas le cas partout, il s’en faut. De nombreuses personnes handicapées ne bénéficient dès lors pas pleinement de ce principe d’accessibilité généralisée.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures vous comptez prendre pour permettre la généralisation de l’exonération de la redevance en faveur des personnes handicapées titulaires de la carte délivrée par la maison départementale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la possibilité de généraliser à tout le territoire les exemptions de redevance de stationnement dont bénéficient les personnes handicapées dans certaines villes.

Comme vous l’avez rappelé, l’arrêt et le stationnement des véhicules sur le territoire de la commune relèvent de la compétence du maire et de son conseil municipal. Il en va de même pour la définition du montant des droits de stationnement qui peuvent être exigés.

Vous le savez, car vous connaissez parfaitement ce sujet, la réglementation du stationnement payant peut tenir compte de la différence de situation existant entre les usagers. La jurisprudence a ainsi confirmé que certains usagers peuvent bénéficier d’un tarif préférentiel ou être dispensés du paiement du droit de stationnement lorsqu’une différence de situation le justifie. Certaines communes ont donc mis en place des exemptions pour les personnes handicapées, une initiative qu’il convient de saluer. Toutefois, cette compétence reste strictement communale et ne pourrait être étendue sans modification législative.

Je ne peux qu’encourager toutes les communes à suivre cet exemple, mais je ne peux les y obliger si elles ne le souhaitent pas. Ce serait méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales. Or je connais l’attachement de la Haute Assemblée au strict respect de ce principe.

Par ailleurs, ce domaine doit continuer à relever de la compétence de la commune : qui mieux que le maire peut apprécier les besoins exprimés localement par l’ensemble des usagers ?

Cependant, avec ma collègue Marie-Arlette Carlotti, chargée, au sein du Gouvernement, des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, nous restons ouverts à toute modification législative, et ce en lien avec les sénateurs qui suivent ces questions, en vue de pouvoir étendre progressivement cette possibilité à tous nos concitoyens handicapés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir rappelé que l’exonération de la redevance pour les personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement ne contrevient nullement au principe d’égalité puisque la différence de situation entre la personne handicapée et celle qui ne l’est pas justifie une différence de traitement.

Dès lors, je regrette que nous n’ayons pas encore pris l’initiative de généraliser cette pratique au niveau national, maintenant ainsi, de fait, une certaine inégalité puisque, selon la commune dans laquelle les personnes handicapées se trouvent, elles sont soumises à un régime différent. Je suis d’ailleurs certain que les maires de nos communes et leurs conseils municipaux ne verraient pas d’un mauvais œil que l’application de ce principe d’égalité à toute personne handicapée vivant en France puisse se faire dans de bonnes conditions.

J’ai compris que le Gouvernement n’était pas a priori hostile à une modification législative. Je serai satisfait s’il la propose, mais, dans le cas contraire, des parlementaires ne manqueront pas de le faire.

réglementation sur le cumul des mandats

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 10, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, le cumul de mandats et son corollaire, l’absentéisme parlementaire, sont deux particularités bien françaises qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Il est donc urgent de légiférer et, à cet égard, on ne peut que suivre ce qu’indiquait Édouard Balladur dans Le Figaro du 7 mai 2010 : « Il n’y a pas d’enthousiasme dans la classe politique, ni à droite ni à gauche, pour prohiber le cumul. Si on veut progresser, il ne faut pas se référer à la bonne volonté, il faut que la loi intervienne. »

Avant l’élection présidentielle, le parti socialiste s’était engagé à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, quelle qu’elle soit. Deux propositions de loi avaient même été déposées à titre de confirmation par les groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

La majorité de gauche contrôlant dorénavant l’Élysée, l’Assemblée nationale et le Sénat, le Gouvernement n’a aucune excuse pour ne pas respecter les engagements qui ont été pris. C’est pourtant ce vers quoi on risque de s’acheminer, certains responsables se montrant de plus en plus évasifs à ce sujet. On dit même que le Gouvernement pourrait se contenter d’une loi édulcorée, qui ne concernerait que les très grands exécutifs. Ce serait un reniement des engagements pris avant les élections, car la plupart des cumulards pourraient alors continuer à profiter de leur pratique abusive.

En effet, sans être un grand exécutif, l’exercice d’un mandat de maire d’une ville de taille moyenne entraîne en cascade de multiples autres attributions au sein des intercommunalités, des hôpitaux publics, des offices d’HLM… Un temps considérable est ainsi absorbé au détriment du travail parlementaire. Comment les intéressés peuvent-ils ensuite faire hypocritement semblant de s’étonner de l’absentéisme parlementaire ?

Pour vous convaincre que celui-ci est réel, monsieur le ministre, il vous suffit de compter le nombre de sénateurs présents dans cet hémicycle au moment où je vous parle : nous sommes moins de 10 sénateurs en séance sur un total de 348 ! C’est bien la preuve de la pertinence de mon propos !

Je suis également indigné que, dans Le Figaro du 9 juillet 2012, certains parlementaires aient prétendu que seuls les cumulards d’un exécutif local étaient de bons sénateurs, les autres n’étant que des « élus hors-sol, coupés de la gestion quotidienne des collectivités ».

Ainsi, ayant refusé en 2001 de cumuler une fonction exécutive locale avec mon mandat de sénateur, je serais donc un élu hors-sol et serais, de ce fait, coupé de la gestion quotidienne des réalités. Pourtant, lors des élections sénatoriales de 2011, sans l’investiture d’aucun parti politique, j’ai très largement devancé les deux autres listes de droite qui avaient, elles, obtenu une investiture et étaient conduites par des « super-cumulards ».

Étant conseiller général depuis trente ans, les réalités du terrain, je les connais, et je n’ai pas besoin pour cela d’être président du conseil général. Je dirais même mieux : c’est parce que je ne préside pas un exécutif local que j’ai le temps de m’occuper des problèmes de terrain !

De même, on peut être au contact des réalités quotidiennes en tant que simple conseiller municipal, sans être obligatoirement maire.

Il est donc tout à fait mensonger de prétendre que les parlementaires qui refusent de cumuler une fonction exécutive locale seraient coupés des réalités.

En fait, ceux qui défendent les cumuls abusifs ne cherchent qu’à continuer à profiter du système.

Monsieur le ministre, ma question est simple : le Gouvernement est-il, oui ou non, décidé à respecter les engagements pris, c’est-à-dire à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, quelle qu’elle soit, j’y insiste ?

Même si la coalition des parlementaires cumulards conduit à un blocage, le Président de la République a les moyens de tenir ses engagements en organisant un référendum. Je suis sûr que nos concitoyens désavoueraient massivement le combat d’arrière-garde conduit par les profiteurs du système.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, on sent le vécu dans votre question ! Je suis d’ailleurs heureux de vous répondre en présence de M. Arnaud Montebourg, qui a longtemps mené ce combat.

Vous m’interrogez sur la politique que conduira le Gouvernement en matière de non-cumul des mandats. Elle est claire : c’est celle que le Premier ministre a définie dans son discours de politique générale et qu’il a réaffirmée devant la Haute Assemblée, mais je ne suis pas sûr que ç’ait été le passage de son discours le plus applaudi ici : « Pour permettre aux parlementaires de se consacrer pleinement à l’exercice de leur mandat et, conformément aux engagements du Président de la République, il sera mis fin au cumul entre un mandat de parlementaire et l’exercice de fonctions exécutives locales. » Il n’y a donc pas de place pour des stades intermédiaires.

Monsieur Masson, vous semblez douter de notre volonté de mettre fin au cumul des mandats. Pourtant, nous avons déjà montré l’exemple : aucun membre du Gouvernement n’exerce plus de fonctions dans un exécutif local.

Vous m’avez interrogé sur le calendrier. Là aussi, le Premier ministre a été clair : « Cette réforme sera applicable avant 2014. » En tout cas, elle sera applicable lors des élections municipales de 2014.

Quant aux modalités exactes du texte, je ne veux pas anticiper sur les travaux de la Commission chargée de la rénovation et de la déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin. Le Président de la République a en effet souhaité que la réforme de la législation sur le cumul des mandats entre dans le champ de travail de cette commission, dont les conclusions seront rendues publiques en novembre prochain.

Je comprends votre impatience, monsieur le sénateur, mais les modalités de mise en œuvre de cette réforme méritent réflexion. En tout cas, ne doutez pas de la volonté du Gouvernement d’appliquer la règle de non-cumul des mandats et de respecter le calendrier prévu.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Croisons les doigts pour que ce problème soit réglé une fois pour toutes dans l’intérêt de la moralisation de la vie politique.

Comme l’avait fort bien souligné M. Balladur, le vrai problème est que l’on demande de légiférer à ceux qui sont les premiers intéressés à la perpétuation du système. Dans ces conditions, il est évident qu’il y en aura toujours, à droite comme à gauche – ce n’est pas une question de couleur politique –, qui traîneront des pieds et qui trouveront des arguments pour essayer de bloquer une évolution. Mais je suis persuadé que nos concitoyens en sont assez de cette situation.

Le Gouvernement doit prendre de nombreuses décisions difficiles en matière économique, financière et fiscale, qui ne sont pas toutes susceptibles de faire l’unanimité. Or, s’il y en a une qui pourrait recevoir une approbation très large, voire massive de l’opinion publique, c’est bien celle du non-cumul des mandats. En cette matière au moins, le Gouvernement pourrait, à coup sûr, satisfaire nos concitoyens, et sans que cela coûte quoi que ce soit. Au contraire, cette décision serait même de nature à nous permettre de réaliser des économies. J’espère que le Gouvernement saisira cette opportunité.

avenir de l'entreprise bopack basée à bazouges-sur-le-loir

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la question n° 39, adressée à M. le ministre du redressement productif.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre du redressement productif, je veux attirer votre attention sur une situation absurde : celle d’une entreprise qui licencie ses employés alors qu’elle est rentable économiquement. Il s’agit de l’entreprise Bopack, basée à Bazouges-sur-le-Loir, en pleine campagne sarthoise, dont les employés ont appris la cessation d’activité et la fermeture programmée le 26 avril dernier.

Installée depuis 1966, cette entreprise fabrique des étiquettes commerciales, principalement pour des entreprises agroalimentaires locales. Et vous savez que, aux yeux d’un écologiste, l’étiquetage et la traçabilité des produits alimentaires sont essentiels !

Dans les années 2000, face à un nombre important de commandes, l’entreprise a réalisé de nombreuses embauches, fonctionnant de jour comme de nuit, selon le système des 3x8. Florissante, elle a été rachetée en 2009 par le groupe Autajon, leader européen du packaging, avec un chiffre d’affaires de 405 millions d’euros en 2011, et dont le PDG, Gérard Autajon, figure au 352rang dans le classement des 500 plus grandes fortunes de France réalisé par le magazine Challenges. Cela laissait présager de très beaux jours à Bopack, d’autant que nombre de clients de cette entreprise sont encore – mais pas pour longtemps ! – des clients de proximité.

Toutefois, les trente-six employés ont eu la désagréable surprise d’apprendre la fermeture du site, une fermeture annoncée comme « irrévocable », alors que celui-ci semblait toujours jouir d’une bonne santé économique. Il semble incohérent qu’un groupe achète une entreprise, puis la ferme quelques années après, alors même que celle-ci est rentable !

Bien entendu, certains penseront qu’il s’agit d’une stratégie du groupe Autajon pour éliminer la concurrence. Toutefois, ce n’est pas simplement qu’une usine qu’on ferme : ce sont surtout des emplois qui sont supprimés, des hommes et des familles qui vont souffrir.

J’ai pu moi-même voir sur place, en juin dernier, le combat que mènent ces salariés pour ne pas perdre leur emploi, ainsi que la surdité des dirigeants à leur demande de transparence des comptes. Les trente-six employés, âgés de 28 à 57 ans, qui ont vu supprimer leur emploi ont été formés à l’activité très spécifique de l’imprimerie, et certains d’entre eux totalisaient trente ans d’ancienneté.

Dans sa grande « générosité », la direction a octroyé à chacun d’entre eux une prime légale de licenciement, calculée en fonction de l’ancienneté. Je peux citer le cas d’un employé âgé de 36 ans qui a travaillé à Bopack pendant dix ans – dont quatre en tant qu’intérimaire, ce qui a son importance puisque les années d’intérim ne sont pas prises en compte dans le calcul de la prime – pour un salaire net de 1 400 euros par mois. Père de trois enfants à charge, devant rembourser le crédit consenti pour l’achat de sa maison, il se retrouve au chômage sans perspective de reconversion, avec une prime de seulement 2 200 euros ! Quelles sont les perspectives d’avenir dans la région pour ce jeune père de famille qui, il y a peu, travaillait dans une entreprise non seulement rentable mais aussi utile localement puisqu’elle contribuait à l’activité économique de la zone rurale dans laquelle elle était implantée ?

Monsieur le ministre, je sais que vous suivez de nombreux dossiers, dont certains sont très lourds, mais je souhaite vous demander ce que vous comptez faire pour Bopack et ses trente-six employés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Desessard, je vous remercie de vous préoccuper de la situation de l’entreprise Bopack, installée à Bazouges-sur-le-Loir, dans la Sarthe.

Vous l’avez dit, cette entreprise opère dans le domaine de l’impression d’étiquettes adhésives pour le secteur agroalimentaire. La fermeture du site de Bazouges a été annoncée aux trente-six salariés au printemps 2012. D’après les informations que l’entreprise a communiquées à ses salariés, cette fermeture fait suite à une dégradation continue des résultats de l’ensemble des implantations hexagonales de Bopack depuis 2007.

Cette annonce a surpris dans la mesure où Bopack avait été rachetée par le groupe Autajon en 2009. Nul ne s’attendait donc à ce qu’il y ait si vite des dégâts. Malheureusement, nous n’avons pris en charge ce dossier qu’une fois les annonces faites, ce qui soulève le problème de la réversibilité des décisions des entreprises. C’est pourquoi la mobilisation du territoire, des salariés et des élus est un point important.

Nous avons examiné les mesures sociales prévues par Bopack. Celles-ci ne dépassent pas les obligations posées par le cadre juridique actuel : l’entreprise a ainsi refusé d’octroyer la prime supra-conventionnelle de 60 000 euros réclamée par ses salariés. Comme cette entreprise compte moins de cinquante salariés, elle n’a pas l’obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi comportant des mesures d’envergure.

Je rappelle également que le groupe Autajon, propriétaire de l’entreprise, est néanmoins soumis à une obligation de revitalisation du site. Nous travaillons d'ailleurs, M. Michel Sapin, ministre en charge du travail et du dialogue social, et moi-même, à renforcer cette obligation afin qu’elle ne demeure pas virtuelle mais se traduise dans les faits. Il ne suffit pas de mandater un cabinet, qui se contentera de réaliser des entretiens personnalisés, sans plus réapparaître au bout de quelques mois, ou de financer avec de l’argent public des cellules de reclassement dont les résultats laissent toujours à désirer.

C'est une des raisons pour lesquelles le commissaire au redressement productif a demandé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, d’accompagner au mieux les trente-six salariés et leurs familles. Deux salariés ont accepté un reclassement interne sur le site de Saumur ; une formation longue a été prise en charge par l’entreprise ; cinq départs volontaires ont été actés pour des embauches en CDI rapides. Restent donc vingt-huit salariés pour lesquels aucune solution n’a encore été trouvée.

Michel Sapin et moi-même avons donc demandé à nos services d’assurer un suivi particulier de cette affaire. Il s’agit d’accompagner ce plan social qui a été décidé avant que nous puissions intervenir. Nous devons faire en sorte que les salariés licenciés ne soient pas abandonnés à eux-mêmes ; c’est la préoccupation du Gouvernement. Le commissaire au redressement productif suit de près de ce dossier, et il me rendra compte de l’évolution de la situation de chacun des vingt-huit salariés aujourd'hui sans emploi.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces explications.

Il est difficile de ne pas penser que la lente dégradation économique due à des locations abusives de machines non utilisées a été organisée par le groupe Autajon afin de provoquer la faillite de Bopack, qui était, avant son rachat, un concurrent des autres entreprises du groupe. Il s’agit certainement d’une manipulation ayant consisté à racheter une entreprise florissante pour la condamner afin que les autres entreprises du groupe conservent leur place sur le marché.

Monsieur le ministre, j’approuve les termes que vous avez employés pour décrire la situation. On sent que vous êtes réellement motivé, et on peut donc espérer un certain nombre de résultats. Sachez en tout cas que vous pouvez compter sur l’ensemble des sénatrices et sénateurs pour vous aider à empêcher de tels agissements, qui condamnent des ouvriers au chômage alors qu’il serait utile qu’une activité économique subsiste dans le territoire. On ne peut pas laisser se mettre en place un jeu de Monopoly social ; il nous faut réagir de manière ferme. Vous pouvez donc compter sur nous, monsieur le ministre, pour soutenir les projets de loi que vous présenterez afin de maintenir l’emploi dans les secteurs ruraux.

avenir de la société altis basée à corbeil-essonnes

M. le président. La parole est à M. Michel Berson, auteur de la question n° 1, adressée à M. le ministre du redressement productif.

M. Michel Berson. Ma question, monsieur le ministre, concerne l’avenir de la société Altis, implantée à Corbeil-Essonnes et spécialisée dans la fabrication de composants semi-conducteurs.

Altis était l’un des fleurons de l’industrie française avant que ses actionnaires – IBM, Siemens, puis Infineon – n’abandonnent leur outil industriel au profit d’une logique libérale purement financière. Depuis, se sont succédé plusieurs plans sociaux, dont le plus important, décidé il y a deux ans, a réduit à 900 le nombre de salariés de l’entreprise.

Aujourd’hui, Altis doit faire face à une double crise : une crise cyclique des composants électroniques, qui se traduit par une réduction sensible des commandes, et une crise de compétitivité, dans la mesure où ses concurrents supportent des coûts de production très inférieurs aux siens. À deux reprises en six mois, les salariés d’Altis ont été mis au chômage partiel avec obligation de liquider les congés et les jours de RTT disponibles.

Monsieur le ministre, vous comprendrez que l’inquiétude des salariés et de leurs familles, des syndicats et des élus locaux soit grande ! Ils s’interrogent sur la stratégie industrielle et même sur la pérennité de l’entreprise. Les nouveaux actionnaires avaient pris des engagements. L’entreprise a certes été recapitalisée, et le fonds stratégique d’investissement, le FSI, qui devait prendre une participation dans le capital, a finalement souscrit 20 millions d’euros d’obligations convertibles.

Mais qu’en est-il du plan d’investissement dans la recherche et développement qui devait permettre à l’entreprise de retrouver le « top niveau » du haut de gamme, le seul créneau qu’elle soit susceptible d’occuper de manière rentable ?

Et surtout, que sont devenues les belles promesses qu’avait faites M. Estrosi, ex-ministre de l’industrie ? Il semble bien qu’elles n’aient jamais été tenues...

Pourquoi la société Altis n’a-t-elle pu bénéficier du grand emprunt finançant les investissements d’avenir ? L’enjeu est pourtant de taille : de la survie de cette société dépendent plusieurs centaines d’emplois hautement qualifiés, le devenir d’un site industriel important de l’Essonne et la première ressource fiscale de ce département. L’enjeu revêt même une dimension nationale : il y va en effet de la revitalisation de notre filière électronique à travers l’avenir de cette entreprise de taille intermédiaire qui, contrairement à son concurrent direct, fabrique en France et non en Asie.

Ma question est donc très simple, monsieur le ministre : quelles sont les perspectives industrielles de la société Altis et quels sont les soutiens que le Gouvernement entend apporter à cette entreprise mais aussi, au-delà, à la filière électronique, pour relever le défi du redressement industriel de notre pays ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Berson, je suis heureux de vous retrouver dans cette enceinte et je vous remercie de m’avoir interrogé sur l’avenir de la filière électronique des semi-conducteurs.

Ces derniers mois, la France a connu quelques déconvenues ; je pense notamment aux difficultés de Technicolor et à l’impossibilité de trouver un repreneur à Freescale dans la région de Toulouse. Du reste, même si la France est particulièrement touchée, c’est l’Europe en général qui rencontre des difficultés sur le front des semi-conducteurs.

Néanmoins, il existe des tentatives de reprise en main de ce secteur ; on peut en citer plusieurs en France, dont certaines qui ont réussi. Il n’y a donc pas de fatalité qui condamnerait les entreprises du secteur à être éliminées par des entreprises issues d’autres continents.

Altis a été créée dans le cadre d’un projet de reprise par Yazid Sabeg, le fonds qatari Diar et le FSI, d’une usine de semi-conducteurs installée à Corbeil-Essonnes et appartenant à Infineon et IBM. Ce projet supposait la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi et d’un plan de redressement de la compétitivité. Sur les 1 300 emplois que comptait initialement l’usine, 900 ont été maintenus.

À travers votre question, monsieur le sénateur, vous vous faites l’écho de l’inquiétude des salariés de l’entreprise, qui constatent une baisse d’activité et la mise en place de mesures de chômage partiel. De fait, l’activité d’Altis a été pénalisée à la fin de l’année 2011 par deux événements. D’une part, la société a été victime, en septembre 2011, d’une importante inondation due à la rupture d’une canalisation ; celle-ci a entraîné une coupure de courant sur le site, avec un impact financier significatif, mais qui fera l’objet d’une indemnisation dans le cadre du contrat d’assurance du site. D’autre part, l’environnement de marché de la société a été défavorable, notamment en raison du report de commandes de ST Microelectronics – c’est un effet de la crise du marché des semi-conducteurs –, de la baisse des volumes de commandes d’Infineon et de la hausse du coût des matières premières.

L’exercice 2011 a également été marqué par l’acquisition de la société malaisienne Symmid, au début du mois de juillet ; cette acquisition pourrait permettre à Altis de renforcer ses capacités de design et de se rapprocher du marché asiatique.

La trésorerie de la société s’élevait à environ 80 millions d'euros à la fin de l’année 2011. Le comité d’entreprise extraordinaire du 8 juin 2012 a constaté l’absence de besoin de recapitalisation pour 2012. Cependant, pour cette même année, l’activité devrait rester en deçà des estimations initiales.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que le ministère dont j’ai la charge suit l’évolution de la situation d’Altis et des autres sociétés fragilisées par le contexte mondial et européen. Lorsque nous évoquons le maintien de l’emploi, ce n’est pas pour nous une clause de style : c’est la première préoccupation du Gouvernement.

Comme vous le savez, la décision du FSI d’investir dans Altis a été prise sous le précédent gouvernement. Aujourd’hui, mon action à la tête du ministère du redressement productif vise à ce que l’ensemble des outils dont dispose l’État, et en particulier le FSI, puissent peser de tout leur poids pour garantir le bon fonctionnement d’Altis et le maintien des emplois associés. Je connais l’importance de cette société pour le département de l’Essonne et je suis particulièrement vigilant quant aux évolutions de ce dossier. Je souhaite d'ailleurs que nous en reparlions avec l’ensemble des partenaires de l’entreprise, et je serais particulièrement heureux que les élus et les organisations syndicales veuillent bien s’associer à ce tour de table.

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Monsieur le ministre, à travers votre personne, je veux remercier le Gouvernement, qui, aujourd’hui, est beaucoup plus que mobilisé pour défendre notre appareil productif.

Vous avez souligné à juste titre que le secteur des semi-conducteurs était, à l’heure actuelle, en très grande difficulté et que vous exerciez votre vigilance en vue d’intervenir chaque fois que cela est possible.

Vous avez parlé du FSI. Je pense que sa présence au sein du son conseil d’administration de cette entreprise est une bonne chose. Encore faudrait-il, peut-être, que le FSI soit davantage présent et qu’il puisse, lui aussi, exercer sa vigilance.

Vous avez mentionné le report des commandes de ST Microelectronics, entreprise fortement soutenue par le Gouvernement. J’ai rappelé les promesses de l’ancien gouvernement. Peut-être conviendrait-il d’examiner les choses d’un peu plus près pour voir si un soutien plus fort, comparable à celui dont bénéficie ST Microelectronics, serait possible pour Altis.

Enfin, je note, pour m’en réjouir, votre invitation à une réunion de travail avec les partenaires sociaux. Dans les tout prochains jours, je ne manquerai pas de prendre contact avec votre cabinet, afin que nous puissions effectivement faire le point sur l’avenir de cette société qui, vous l’avez constaté, suscite beaucoup d’inquiétudes non seulement chez les salariés, bien sûr, mais également chez les élus, qui se battent chaque jour pour défendre leur territoire et les industries qui y sont installées.

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Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les éventuelles dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Anziani, Mmes Christiane Demontès, Éliane Assassi, MM. Jean-Jacques Hyest, François Pillet et Yves Détraigne

Suppléants : M. Nicolas Alfonsi, Mme Esther Benbassa, M. Philippe Kaltenbach, Mme Virginie Klès, M. André Reichardt, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le Président du Sénat en aura été informé.

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Nomination de membres d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que plusieurs commissions ont proposé des candidats pour siéger en qualité de membres titulaires au sein d’un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Jackie Pierre, André Vairetto, Mme Bernadette Bourzai et M. Jean-Pierre Vial, membres du Conseil supérieur de la montagne.

14

candidatures à des commissions

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission des affaires économiques à la place laissée vacante par M. Thierry Repentin, dont le mandat de sénateur a cessé,

- à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire en remplacement de M. Marc Daunis, démissionnaire.

J’informe le Sénat que le Groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé.

J’informe le Sénat que le Groupe écologiste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à la place laissée vacante par Mme Hélène Conway-Mouret, dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

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Candidatures à une commission sénatoriale et à deux délégations sénatoriales

M. le président. J’informe le Sénat que le Groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé.

J’informe le Sénat que le Groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à l’outre-mer à la place laissée vacante par de M. Thierry Repentin, dont le mandat de sénateur a cessé.

J’informe le Sénat que le Groupe du Rassemblement démocratique et social européen a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation à la place laissée vacante par de Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures ont été affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

16

Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que :

- le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire ;

- le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire ;

- le groupe écologiste a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Marc Dallais membre de la commission des affaires économiques, à la place laissée vacante par M. Thierry Repentin, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- M. André Vairetto membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de M. Marc Daunis, démissionnaire ;

- M. Stéphane Mazars membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- Mme Kalliopi Ango Ela membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par Mme Hélène Conway-Mouret, dont le mandat de sénateur a cessé.

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Nomination d’un membre d'une commission sénatoriale et de deux membres de délégations sénatoriales

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Stéphane Mazars membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- M. Gilbert Roger membre de délégation sénatoriale à l’outre-mer, à la place laissée vacante par M. Thierry Repentin, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- M. Stéphane Mazars membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé.

18

Loi de finances rectificative pour 2012

Discussion d'un projet de loi

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 687, rapport n° 689, avis nos 691 et 690).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué, dont je salue la première intervention au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, même si j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant vous à des titres divers, c’est effectivement la première fois que je m’adresse depuis cette tribune à la Haute Assemblée. J’éprouve donc aujourd’hui un sentiment particulier. J’espère que celui-ci me vaudra de l’indulgence sur l’ensemble des travées.

Mme Nathalie Goulet et M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas sûr ! (Sourires.)

M. Albéric de Montgolfier. N’y comptez pas trop ! (Sourires)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Merci de ces encouragements ! Fort de vos réactions, que je prends comme autant de signes de sympathie, je rappelle qu’un projet de loi de finances rectificative présenté par le Gouvernement à la suite d’élections générales, est plus qu’une tradition : c’est presque une obligation politique.

Que les électeurs aient décidé de maintenir la majorité en place quand son mandat doit être renouvelé ou d’en changer, comme ce fut le cas voilà quelques semaines, tout nouveau gouvernement présente une loi de finances rectificative, soit pour amplifier ou infléchir la politique menée jusqu’alors, soit, s’il y a changement, pour proposer des modifications, tout en s’inscrivant dans une certaine continuité eu égard à la parole donnée par notre pays dans le concert des nations.

Nous prendrons en compte la nécessité de faire prévaloir, dans les sacrifices demandés, ce que d’aucuns appellent, fort à propos, un effort juste.

Cette tradition, qui est aussi une nécessité, ne surprendra donc personne. Elle rencontre une réalité budgétaire que vous avez déjà pu connaître puisque vous avez eu ces dernières semaines non seulement à examiner la loi de règlement, mais aussi à donner votre avis sur les orientations pluriannuelles des finances publiques. J’en dirai néanmoins quelques mots.

Cette réalité budgétaire est d'abord un objet de satisfaction pour celles et ceux qui en portent la responsabilité. En effet, jamais dans l’histoire de notre pays le déficit public et le déficit budgétaire ne furent réduits dans les proportions que l’on a pu observer à la fin de l’année 2011 : près de 1,9 point de PIB pour le premier et près de 59 milliards d'euros pour le second. Convenons que ces deux diminutions sont historiques, mais aussi qu’elles répondent à une réalité qui ne l’était pas moins, à savoir l’importance prise l’année précédente à la fois par le déficit public et par le déficit budgétaire. Une ampleur a répondu à une autre.

En effet, si le déficit public fut réduit de 1,9 % en 2011, ce fut d'abord – la Cour des comptes comme la loi de règlement ont apporté à cet égard des éléments d’appréciation objectifs – pour des raisons conjoncturelles ou exceptionnelles, et bien peu pour des motifs structurels. Il en fut de même de la diminution de 59 milliards d'euros du déficit du budget de l’État.

La réduction de 1,9 point de PIB du déficit public s’explique pour 0,8 point pour des raisons exceptionnelles, pour un demi-point de PIB pour des causes conjoncturelles et pour 0,8 point pour des motifs structurels. Ce dernier élément est incontestable ; il a été établi par la Cour des comptes et la loi de règlement en a fait état.

Toutefois, cette réduction du déficit public structurel s’explique exclusivement par une augmentation des prélèvements obligatoires. La majorité précédente, quoi qu’elle ait affirmé, a augmenté les impôts : il est temps d’appeler un chat un chat ! Ce qui était communément désigné sous le vocable de « réduction de la dépense fiscale » et qui n’était donc pas assumé comme une hausse d’impôts fut, en réalité, un accroissement des prélèvements fiscaux. Entre 2007 et 2011, ces derniers ont augmenté de près de 1,5 % du PIB, c'est-à-dire de 30 milliards d'euros. Il faut mettre cette augmentation en rapport avec l’engagement de celui qui, brillamment élu Président de la République en 2007, avait promis cette année-là de baisser les impôts de 4 points de PIB, soit 80 milliards d'euros…

M. Albéric de Montgolfier. Il y a eu la crise !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Entre une réduction de 80 milliards d'euros et une augmentation de 30 milliards d'euros, il y a donc un écart de 110 milliards d'euros. On peut en comprendre les raisons conjoncturelles. On peut aussi, par souci de lucidité, estimer que cette promesse fut inconsidérée ou que les politiques publiques mises en œuvre ne furent pas cohérentes avec elle. Quoi qu'il en soit, l’écart est incontestable.

D'ailleurs, cette augmentation d’impôts de 30 milliards d'euros a eu lieu, pour l’essentiel, pendant les deux dernières années de la mandature précédente. Cela peut laisser perplexes ceux qui estiment qu’un effort doit être plutôt demandé en début qu’en fin de mandat, mais la responsabilité d’un tel choix incombe à ceux qui l’ont fait, et non aux autres.

Il reste que ces augmentations d’impôts ont permis une réduction structurelle du déficit de 0,8 point de PIB. Quant à la baisse de la dépense publique, dont il nous fut dit continûment pendant cinq ans qu’elle était l’objet de soins attentifs de la part du Gouvernement, elle n’a pas contribué à la baisse du déficit en 2011.

En effet, la Cour des comptes estime dans son rapport que, l’an dernier, l’évolution de la dépense publique a contribué défavorablement à celle du déficit, pour 0,2 point de PIB. La dépense publique, loin d’avoir été tenue, comme les pouvoirs publics s’étaient engagés à le faire, a progressé.

Dans la réduction du déficit de 1,9 point de PIB, qui, je le répète, est historique, seul 0,8 point tient à une réforme ou à des décisions structurelles relatives aux recettes. La contribution des dépenses a été négative. Pour le reste, il faut invoquer des causes conjoncturelles ou exceptionnelles, en particulier la fin du plan de relance, pour 0,4 point de PIB, l’achèvement de la réforme de la taxe professionnelle ou l’aboutissement de la budgétisation de certains crédits militaires. Par définition, ces mesures ne se répéteront pas. Ni en 2012, ni en 2013, ni davantage les années suivantes nous ne reverrons ces diminutions de dépenses, qui n’étaient que conjoncturelles.

On pourrait réaliser un raisonnement analogue en matière de déficit budgétaire. La diminution de 59 milliards d'euros tient, pour l’essentiel, à des mesures conjoncturelles ou exceptionnelles. La Cour des comptes n’identifie qu’une réduction structurelle de 14 milliards d'euros pour le budget de l’État. Et encore, elle précise que, sur cette somme, 4 milliards d'euros viennent du remboursement par le secteur automobile des prêts accordés par l’État. Demeurent, en vérité, 10 milliards d'euros d’effort structurel, ce qui correspond, mesdames, messieurs les sénateurs, à la croissance spontanée des recettes fiscales de l’État... Cette dernière remarque en dit long sur ce que fut l’effort lié à des décisions voulues, présentées et assumées par les pouvoirs publics en matière de réduction du déficit budgétaire !

Telle est la réalité des finances publiques à la fin de 2011. Chacun peut l’assumer ou la critiquer en conscience, mais c’est la base sur laquelle le débat, fructueux je l’espère, doit se construire pour 2012. En effet, la France a donné sa parole qu’elle afficherait à la fin de cette année un déficit public de 4,5 % du PIB. Tout fut fait consciemment et délibérément par ceux qui avaient la charge du pays il y a encore quelques semaines, je le crois, pour que ce déficit fût respecté. Or il se trouve que l’analyse de la Cour des comptes et celle des services du ministère de l’économie et des finances convergent pour indiquer que, toutes choses égales par ailleurs, la France ne pourrait respecter l’objectif sur lequel elle s’est engagée.

Cette situation s’explique par la conjoncture : la croissance n’est pas celle qui fut espérée, même s’il est vrai que, avec le temps et après quelques lois de finances rectificatives, elle fut en définitive prudemment estimée à 0,5 % du PIB. Elle s’explique également par une prévision budgétaire audacieuse, certains diraient même imprudente.

M. Albéric de Montgolfier. C’est toujours le cas !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Chacun sait ce qu’il en est de la conjoncture : 0,1 point de croissance en moins fait perdre plusieurs milliards d'euros de recettes au pays. L’expérience a malheureusement été vécue par tous les gouvernements de la République depuis toujours.

Toutefois, il est possible d’apprécier différemment la sous-estimation de certaines recettes. Je pense à l’impôt sur les sociétés, dont le produit fut objectivement surestimé, pour des raisons conjoncturelles bien sûr, mais aussi pour des motifs tenant à la commodité. Le précédent gouvernement prévoyait que l’assiette sur laquelle est assis l’impôt sur les sociétés progresserait de 5,2 %. De fait, cette hausse ne fut que de 2 %...

Reconnaissons que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, des voix se sont élevées pour indiquer que cette estimation était largement exagérée, pour appeler à une plus grande prudence, pour suggérer une croissance du bénéfice fiscal qui serait plutôt de 2,5 % ou de 3 % que de 5,2 %. Ces avertissements ne furent pas écoutés par le gouvernement de l’époque, qui préféra en rester à sa prévision.

Au regard d’une telle prévision, la surestimation des recettes au titre de l’impôt sur les sociétés fut donc d’un peu moins de 3 milliards d'euros, une somme qui, aujourd'hui, manque dans les comptes de l’État. On peut formuler la même remarque pour la TVA, dont les recettes ont été surestimées de 1,4 milliard d’euros. La conjoncture est, hélas ! responsable de cette situation pour 0,4 milliard d'euros. Toutefois, pour 1 milliard d’euros, c’est le gouvernement précédent qui – passez-moi l’expression, mesdames, messieurs les sénateurs – s’en est chargé.

En effet, quand la prévision fut formulée, toutes les restitutions n’avaient pas été effectuées et chacun savait que cette surestimation d’un milliard d’euros serait avérée en cours d’année. Nous y sommes ! On compte également 1 milliard d'euros en moins pour les cotisations sociales et un autre pour les collectivités locales.

La Cour des comptes a estimé que le manque de recettes dû tant à l’évolution conjoncturelle qu’à des prévisions audacieuses, pour ne pas dire irréfléchies, se situait entre 7 milliards et 10 milliards d'euros. Le Gouvernement retient le chiffre de 7,1 milliards d'euros et vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, un plan de recettes complémentaires de 7,2 milliards d'euros sans lequel la France ne pourrait tenir sa parole.

Le présent collectif budgétaire est donc de nature traditionnelle, puisqu’il coïncide avec une alternance politique. De surcroît, il a pour fonction première de permettre à notre pays de respecter la parole donnée en son nom par d’autres que ceux qui occupent aujourd’hui les plus hautes responsabilités. En effet, la France, comme tout grand pays, se doit de respecter les engagements pris.

À cet égard, un fait doit être relevé. Dans les années ou les mois précédant l’élection présidentielle de 2007, le Président de la République, parlant au nom de la France, s’était engagé devant le concert des nations, plus particulièrement au sein de la zone euro, à respecter une certaine trajectoire en matière de finances publiques. Or la parole de la France fut reprise par son successeur, qui s’était invité à l’Eurogroupe – ce fut d’ailleurs une première sans suite. Il avait alors indiqué qu’ayant été élu pour mener à bien un programme, il réaliserait celui-ci plus qu’il ne respecterait la parole de la France.

Selon moi, ce jour là, la France a commis une erreur au sein de la zone euro. Une telle attitude n’a pas contribué à crédibiliser la parole des pouvoirs publics de notre pays, quels qu’ils soient.

Nous assistons aujourd’hui à une rupture. En effet, en dépit de l’alternance politique voulue par les Français, le Président de la République a décidé que la parole donnée au nom de la France par d’autres que lui serait respectée. Pour ce faire, mesdames, messieurs les sénateurs, il vous est proposé un projet de loi de finances rectificative afin de dégager les recettes qui manquent.

À cette période de l’année, au regard de l’exécution budgétaire déjà engagée, la présentation d’un plan d’économies d’une ampleur telle – plus de 7 milliards d’euros – peut permettre à certaines personnes, peu averties de la difficulté de modifier une exécution budgétaire à mi-année, de se livrer à quelques effets oratoires, attitude qui est bien éloignée du sérieux nécessaire en la matière.

L’année dernière, le gouvernement précédent, confronté à des difficultés de même nature – le redressement obligatoire des finances publiques eu égard à l’engagement pris –, fut à l’initiative de deux plans de redressement, dénommés, selon la loi du genre, les « plans Fillon I et Fillon II », qui comportaient quasiment exclusivement des recettes supplémentaires et aucune économie pour l’année en cours ; seul le second plan prévoyait quelques économies pour l’année future. Outre 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires en année pleine, il visait 1 milliard d’euros d’économies en matière de dépenses pour l’année suivante. Je le sais, il est de bon ton pour certains responsables politiques et pour certains élus de reprocher au gouvernement en place de ne pas proposer des économies significatives en cours d’année. Ce rappel historique prouve que la difficulté d’effectuer de telles économies fut déjà rencontrée par d’autres gouvernements que celui auquel j’appartiens.

M. Francis Delattre. Vous avez été élus pour être meilleurs !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’ailleurs, je comprends les modalités qui ont assorti les mesures d’économie alors proposées au Parlement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dommage que vous n’ayez pas voté le plan Fillon !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quoi qu’il en soit, des économies sont aujourd'hui proposées.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même si tel n’est pas forcément l’usage lors d’une alternance politique, le gel de crédits à hauteur de 5,4 milliards d’euros décidé par le gouvernement précédent…

M. Alain Gournac. Il avait bien fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … est maintenu par le gouvernement actuel, en dépit de la chaleur estivale. C’est vous dire notre mérite ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout n’a donc pas été si mal fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De surcroît, le Gouvernement a également proposé un surgel de 1,5 milliard d’euros supplémentaires. Notre mérite n’en est donc que plus grand, car nous avançons dans l’été ! (Sourires.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelle prétention !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Une telle décision ne fut pas prise l’année dernière par le gouvernement précédent, avec l’approbation, je l’imagine, de la majorité de l’époque.

Comme chacun le sait, lorsqu’un gel ou un surgel de crédits est décidé, tous les ministères sont sollicités ; en l’espèce, ils le seront à concurrence des sommes que je viens d’indiquer.

Peut-on espérer de cette disposition des économies supplémentaires nettes en fin d’année ? Nous ne serons en mesure de faire le point qu’à ce moment-là, une fois honorés tous les engagements souscrits par l’État.

Là encore, prenons l’exemple des années précédentes, car le gel de crédits n’est pas une technique très originale, les différents gouvernements s’y étant prêtés depuis quelques années de manière judicieuse, même si, en fin d’exercice, le résultat fut parfois décevant pour les défenseurs de cette ligne de conduite.

En 2009 et en 2010, en dépit du gel de crédits d’un niveau comparable à celui que je viens d’évoquer – de l’ordre de 5 milliards à 7 milliards d’euros –, les économies réelles effectuées en fin d’année, une fois apurées les différentes lignes budgétaires que l’État se devait d’honorer, furent nulles.

L’année dernière, au prix d’une précaution supplémentaire, les économies sèches réalisées pour la première fois en fin d’exercice se sont élevées à 200 millions d’euros.

J’entends déjà les reproches qui seront faits au Gouvernement quant à l’insuffisance des économies envisagées. Si je me suis permis ce court rappel historique, c’est parce que j’ose espérer un peu d’indulgence, sinon de compréhension, de la part de ceux qui estiment qu’il faudrait d’ores et déjà faire dès ce mois de juillet 1 milliard, 2 milliards ou 3 milliards d’euros d’économies, voire davantage, ceux-là mêmes qui n’ont pas été en mesure d’obtenir plus de 200 millions d’euros d’économies l’année dernière.

Nous nous efforcerons donc de dégager des économies. Mais l’effort demandé à nos concitoyens cette année est tel qu’ils ne pourront l’accepter qu’à la condition d’obtenir l’engagement des pouvoirs publics que ces derniers feront tout pour que chaque euro dépensé le soit à bon escient et, surtout, faute d’autre solution. C’est probablement l’année prochaine, lors de l’examen du projet de loi de règlement, que nous devrons solder collectivement l’année 2012.

Cette année sera rude pour certains et difficile pour tous. Le plan proposé par le Gouvernement prévoit des recettes supplémentaires de 2,7 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux contributions déjà demandées par le biais des plans Fillon I et Fillon II.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est la facilité !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’entends déjà ce que certains diront : lever des recettes supplémentaires relèverait d’une facilité condamnable. Mais, cette année, les prélèvements obligatoires augmenteront de 1,1 point de PIB, soit d’un peu plus de 20 milliards d’euros.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Attendez de nous entendre ! Ne faites pas les questions et les réponses !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement auquel j’appartiens propose au Parlement de voter 7,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires sur ce 1,1 point de PIB. Cela signifie que, sur cette hausse, 15 milliards d’euros d’impôts ont déjà été décidés par le gouvernement précédent et votés par l’ancienne majorité. Bref, cette année, un tiers de l’augmentation des prélèvements obligatoires résultera d’une demande au Parlement du gouvernement actuel, tandis que les deux autres tiers tiennent à la décision du gouvernement précédent et de la majorité précédente.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Finalement, l’actuelle majorité demandera moitié moins que la précédente. J’attends de la part des parlementaires de l’opposition…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Justement, attendez monsieur le ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … qu’ils émettent à l’égard du Gouvernement auquel j’appartiens la moitié des critiques qu’ils ont pu asséner au gouvernement précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.) Il me semble que, parfois, arithmétique et bonne foi doivent se côtoyer…

En tout cas, j’espère que les chiffres que j’ai fournis ne seront pas contestés. À défaut, j’en viendrai à citer la loi de règlement et le rapport de la Cour des comptes, qui ne sont remis en cause par personne.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous faites les questions et les réponses, le débat est inutile !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En revanche, on peut débattre des mesures proposées dans le présent projet de loi de finances rectificative. En l’espèce, l’alternance prend tout son sens, dans la mesure où les dispositions soumises au Parlement ne se situent pas, c’est évident, dans la ligne de celles qu’avait suggérées le précédent gouvernement. Toutefois, pour certaines d’entre elles, l’on peut noter une certaine continuité.

Ainsi, la taxe sur les transactions financières, dont le doublement du taux est proposé au Parlement, conserve la même assiette que celle qu’a retenue la précédente majorité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais elle est beaucoup trop petite !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De surcroît, afin que les engagements du gouvernement précédent soutenus par certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, soient respectés, il vous est proposé de doubler le taux de cette taxe, dont le rendement ne s’est pas révélé à la hauteur des espérances affichées.

M. Francis Delattre. Parlez du gouvernement actuel !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’espère que cette proposition ne soulèvera pas trop d’opposition, sinon chacun conviendra que cette opposition est purement politique.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Parlez-nous de vos projets et laissez l’opposition s’exprimer !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous nous inscrivons dans la continuité également lorsqu’il s’agit d’avancer au profit de l’État la perception de la surtaxe au titre de l’impôt sur les sociétés. L’assiette tout comme le taux, votés par la majorité précédente, demeureront les mêmes. Je peux comprendre la critique selon laquelle versée en 2012, cette surtaxe ne pourra pas l’être en 2013. Mais l’objet même de cet impôt, à savoir garantir le rétablissement des finances publiques, pourrait faire consensus.

D’autres dispositions, bien évidemment, s’inscrivent en rupture avec celles qu’a adoptées la majorité précédente.

M. Roger Karoutchi. Sinon, pourquoi les proposer ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Qui pourrait s’en indigner d’ailleurs ? L’alternance politique assez nette, voulue à deux reprises par les Français, lors des élections présidentielle et législatives, et peut-être plus nettement d’ailleurs, selon certains, lors de la deuxième échéance (M. Roger Karoutchi fait un signe dubitatif.), imposait une autre politique. Si la politique menée jusqu’alors avait satisfait une majorité de nos concitoyens, le vote émis aurait été différent.

Je citerai, d’abord, les mesures relatives aux heures supplémentaires. D’ores et déjà, je devine riche et intense le débat qui se déroulera dans cet hémicycle (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Francis Delattre. Quel progrès ! Ça, c’est une rupture !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces mesures ne constituent pas une réelle surprise, car, sans discontinuer, pendant cinq ans, l’opposition de l’époque, à laquelle j’appartenais, s’est élevée contre les allégements sociaux attachés aux heures supplémentaires. Comme nous l’avions alors souligné, si de tels allégements n’étaient pas contestables en soi, le contexte économique ne s’y prêtait absolument pas. En période de plein emploi et de croissance économique affirmée, ce n’est pas un mauvais principe que de permettre à certains de tirer des avantages d’un travail supplémentaire qui leur serait demandé, voire imposé par l’employeur, car c’est souvent ainsi que les choses se passent. D’ailleurs, en droit du travail, ces heures ne sont pas négociables par le salarié. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais, en période de stagnation ou, pis, de récession, subventionner des heures supplémentaires revient à détruire de l’emploi. (Protestations sur les travées de l'UMP. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous livrer à cet égard une comparaison que je crois édifiante. L’Allemagne, elle, a mené une politique rigoureusement inverse à celle de la France. Elle a décidé de mettre en œuvre la politique du Kurzarbeit, du travail réduit. Que les distingués germanistes qui siègent au sein de cette assemblée me permettent cette traduction, moi qui ne suis pas germanophile…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Germanophone, voulez-vous dire ! Mais vous êtes certainement germanophile !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous remercie d’avoir apporté cette correction, monsieur le président de la commission des finances.

Donc, germanophile, je suis ; germanophone, je ne suis pas. J’espère que le compte rendu aura bien noté cette précision dont je vous sais gré, monsieur le président de la commission des finances. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

La politique menée en Allemagne fut rigoureusement adverse de la politique menée en France. En Allemagne, le chômage a baissé ; en France, il a augmenté, touchant un million supplémentaire de nos concitoyens. Il ne me semble pas que ce résultat puisse aller au crédit des politiques économiques de la précédente majorité et du précédent gouvernement. Je comprends que ceux qui ont soutenu ce dernier continuent à soutenir les dispositions qu’ils ont votées, mais les faits sont là et ils sont têtus : un million de chômeurs en plus, c’est au moins la marque sinon le témoignage que les politiques économiques ne furent pas adaptées à la dureté des temps.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dans six mois, on fera votre bilan ! Ne soyez pas trop fiers !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’Allemagne, elle, avait su s’adapter. D’autres l’avaient fait moins bien. Sachons tirer les leçons des différences notables entre nos deux pays !

Il est une autre mesure dont l’abolition va être proposée par le Gouvernement. C’est, bien sûr, cette augmentation de la TVA qui a reçu tant de noms : « TVA Sarkozy », « TVA sociale », « TVA anti-délocalisation », « TVA emploi », « TVA compétitivité », « TVA je-ne-sais-quoi » !

La majorité dont je suis l’émanation n’a en tout cas jamais pensé que cette mesure permettrait de traiter la vraie – et difficile – question de la compétitivité des entreprises en France, et cela pour une raison assez simple à propos de laquelle il me semble, là encore, que la bonne foi pourrait tenter de rejoindre l’arithmétique.

Une baisse de 2 % s’appliquant au seul coût du travail, alors que celui-ci ne compte que pour 20 % à 40 % dans le prix du produit fini, signifie en effet au total une baisse du prix du produit fini de 0,4 % à 0,8 %, en une seule fois, de surcroît.

M. Francis Delattre. L’Allemagne l’a fait !

M. Charles Revet. Que proposez-vous ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comment espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, un gain de compétitivité sur les prix en faisant baisser en une fois ceux-ci de 0,4 % à 0,8 %, c'est-à-dire bien moins que ce que les simples progrès de la productivité permettent dans des pays comme l’Allemagne ?

M. Alain Fauconnier. Excellent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Et je ne parle même pas de pays situés dans d’autres zones que l’Europe…

Comment peut-on imaginer que cette mesure aurait pu par elle-même améliorer la compétitivité de nos entreprises !

En revanche, il est sûr – en tout cas je le crois, même si je sais que cette appréciation peut-être contestée par certains –que la hausse de la TVA aurait conduit à une baisse du pouvoir d’achat. Dès lors que c’est ce qu’estiment en conscience ceux qui émanent de la nouvelle majorité, que l’on sait que la consommation des ménages est la contrepartie de près de 60 % de la croissance économique, que l’on constate que cette dernière est particulièrement faible cette année, il est légitime de revenir sur une mesure qui l’aurait compromise davantage alors que le pays en a, évidemment, besoin.

M. Jacques-Bernard Magner. C’est évident !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il vous sera donc proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur une politique publique dont nous ne pensons pas qu’elle aurait amené les résultats que ses promoteurs avaient pu en espérer,…

M. Jacques-Bernard Magner. Elle est dangereuse !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Augmentons donc la CSG ! Tout va bien…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … mais nous aurons ce débat, car ne croyez pas, les uns et les autres, que la question de la compétitivité des entreprises sera épuisée pour autant : pas plus que tout autre collectif budgétaire présenté au milieu de l’été, le présent collectif ne résume la politique du Gouvernement et moins encore ses ambitions pour la mandature.

Nos institutions sont en effet ainsi faites : pendant les cinq à venir, le pays aura une majorité solide…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et un gouvernement qui émanera de celle-ci, sous la direction d’un Président de la République élu pour cinq ans, dont chacun sait – la Constitution y a pourvu – qu’il est inexpugnable du palais de l’Élysée. Je crois qu’admettre cette situation relève de la sagesse la plus élémentaire, mais, naturellement, cela ne signifie pas que l’opposition doive faire preuve de silence, de modestie…

M. Roger Karoutchi. À qui le dites-vous !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et, surtout, d’absence de conscience au regard des mesures déjà prises. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Francis Delattre. Rassurez-vous !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me permets de le dire pour n’être en rien accusé de croire que, dès lors que les Français se sont prononcés à la majorité, la totalité du pays adhérerait aux vues que nous défendons.

Certaines des dispositions qui vous seront proposées à l’occasion de ce projet de loi de finances s’inscrivent donc, pour partie, dans une certaine continuité – je suppose qu’elles rencontreront peu d’opposition –, d’autres, dans une franche rupture. À celles-ci, certains s’opposeront.

Je pense, par exemple, à l’impôt de solidarité sur la fortune. Dès lors qu’il faut redresser les finances publiques tout en ménageant autant que faire se peut, je l’ai dit, la consommation des ménages, il convient de solliciter ceux d’entre eux qui, en dépit de cette sollicitation, ne modifieront pas sensiblement – à supposer même qu’ils la modifient – leur consommation et d’épargner les autres afin que la consommation ne pâtisse pas de dispositions pour autant nécessaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons poursuivre le débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que les uns et les autres émettront un vote en conscience, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cette assemblée. J’espère que le débat parlementaire continuera ainsi à éclairer le débat public, car c’est après tout le rôle de chacune des deux chambres de notre Parlement.

En conclusion, je dirai simplement à tous que personne ne doit se méprendre : il s’agit bien, avec ce projet de loi de finances rectificative, de veiller à ce que la France respecte sa parole et d’indiquer à nos partenaires, à nos alliés, à nos amis – je pense, une fois encore, à nos amis Allemands – que notre pays est engagé dans une trajectoire de correction de ses finances publiques absolument nécessaire.

Ce faisant, la France retrouvera peut-être une voix plus forte que celle qu’elle a pu avoir et pourra donc faire prévaloir davantage les vues originales qui sont les siennes. Depuis la Révolution, notre pays a en effet une originalité à défendre, générations après générations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit donc bien de renouer, en Europe et en France, avec une prospérité qui semble nous fuir et de garantir, à nos enfants et à nos petits-enfants, le destin que, historiquement, il nous appartient de leur garantir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que M. le ministre vient de nous présenter répond à une double nécessité.

La première, vous l’avez indiqué avec beaucoup de conviction, monsieur le ministre, c’est de conforter la place de la France en Europe.

La seconde, c’est de tenir sans délai les engagements pris devant les Français dans le cadre des élections présidentielles.

S’agissant de la première nécessité, rappelez-vous, chers collègues, les mois qui ont précédé l’élection présidentielle. Politiquement, la France était considérée comme n’ayant plus de rôle spécifique puisqu’elle se contentait de relayer les exigences allemandes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Économiquement, le risque était que l’Europe se coupe en deux, l’enjeu pour la France étant de savoir si elle basculerait plutôt du côté sud ou du côté nord.

M. Roger Karoutchi. Maintenant, c’est fait : c’est le sud !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aujourd’hui, la situation a changé. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On voit le résultat : il y a le feu !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Politiquement, la France a retrouvé une voix mieux affirmée, qui a permis de redonner de l’unité à la zone euro en mettant fin aux dialogues de sourds.

Économiquement, les évolutions sont à double tranchant. Ce qui est positif, c’est que la France n’a pas rejoint les pays qui connaissent des difficultés de financement.

Un sénateur de l’UMP. Pour l’instant !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce qui est inquiétant, c’est le fait que nous nous financions à des taux négatifs alors que l’Espagne et l’Italie se débattent pour conserver des conditions de financement soutenables. Cela montre que les investisseurs ne croient plus aujourd'hui en l’unité de la zone euro.

L’accueil favorable réservé, pendant quelques jours, aux décisions prises au Conseil des 28 et 29 juin montre que l’espoir subsiste, mais la confiance ne reviendra pas tant que rien de tangible ne pourra être constaté.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, notre gouvernement doit poursuivre son travail de persuasion,…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … de conviction, pour faire avancer les idées que nous défendons et qui donneront une perspective à la zone euro : union bancaire, licence bancaire au Fonds européen de stabilité financière, le FESF, et au MES, le mécanisme européen de stabilité, lorsqu’il sera en mesure de voir le jour, augmentation de la taille des dispositifs de stabilité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cependant – et j’en reviens à ce projet de loi de finances rectificative –, la France ne pourra pas être un moteur et nos partenaires ne pourront pas faire confiance à nos solutions si par ailleurs nous ne montrons pas notre capacité à garder notre maison en ordre. C’est la bonne gestion de notre pays qui assurera notre crédibilité en Europe.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette loi de finances rectificative est le premier exemple de la manière dont le Gouvernement et la majorité qui le soutient veulent désormais conduire notre pays.

M. Henri de Raincourt. Eh bien, ce n’est pas rassurant !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Lucidité, réalisme et transparence, voilà les premières qualités que je trouve à ce collectif budgétaire.

L’objectif est de respecter en 2012 la trajectoire des finances publiques, c'est-à-dire de ramener le déficit à 4,5 % du produit intérieur brut en fin d’année.

Pour cela, il ne faut pas habiller un peu, comme l’avait fait le gouvernement précédent, les chiffres pour donner le sentiment que l’objectif sera atteint. Il faut, au contraire, faire en sorte de réussir même si de mauvaises nouvelles devaient survenir.

C’est pourquoi il était important que le Gouvernement révise à la baisse son hypothèse de croissance, corrige en conséquence les prévisions de recettes et évalue l’ampleur des risques de dérapage sur les dépenses.

En matière de prévision de recettes, il n’est pas déplacé de penser que le Gouvernement précédent n’a pas tiré les conséquences dans le premier collectif budgétaire de 2012 de toutes les informations dont il disposait. Quoi qu’il en soit, le tir est rectifié ici. Les moins-values de recettes sont évaluées à 7,1 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques.

Aux effets de la conjoncture et aux erreurs de prévision, il faut ajouter les conséquences de la condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne du régime fiscal des OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

Nous devrons rembourser environ 5 milliards d’euros, dont 1,5 milliard dès cette année. Aurions-nous pu arrêter le compteur plus tôt ? La question mérite d’être posée. Nous avons en tout cas le sentiment que des informations auraient pu être exploitées bien avant.

Pour les dépenses, le dérapage potentiel est estimé à environ 2 milliards d’euros.

Au total, c’est bien une dizaine de milliards d’euros – soit plus d’un demi-point de PIB – qu’il faut trouver pour que notre déficit de 2012 soit bien de 4,5 % du produit intérieur brut en fin d’année, et non de 5 %.

Comment cet objectif va-t-il être atteint ?

En dépenses, le choix du Gouvernement est de respecter les règles sur la base desquelles a été construite la loi de finances pour 2012. La plus importante est celle selon laquelle les dépenses de l’État autres que la charge de la dette et les pensions doivent être stabilisées en valeur. Pour la tenir, et donc pour faire face aux risques de dérapage, le Gouvernement accroît de 1,5 milliard d’euros le montant des crédits mis en réserve. Souvenons-nous qu’il y a seulement quatre mois la précédente ministre du budget expliquait que les risques de dérapage étaient si réduits que l’on pouvait se permettre d’annuler des crédits mis en réserve dès le début de l’année...

Le nouveau gouvernement corrige le tir et fait heureusement preuve, en la matière, de plus de prudence.

Ces règles sont strictes, mais leur respect est essentiel, notamment parce que la pression à la hausse des dépenses est importante et que les motifs de dépenses exceptionnelles surgissent sans cesse. Le versement en mars 2012, en dehors de la norme de dépense, de deux tranches de capital au lieu d’une au mécanisme européen de stabilité est, à cet égard, un bon exemple.

En recettes, nous évoquerons longuement dans la discussion des articles les différentes mesures qui figurent dans ce collectif budgétaire et je reviendrai dans quelques instants sur leur logique.

Je veux juste rappeler à ce stade que ces mesures vont rapporter 7,3 milliards d’euros au titre de 2012, dont 5,7 milliards d’euros pour l’État et 1,6 milliard d’euros pour la sécurité sociale. En 2013, ces mesures rapporteront 4,4 milliards d’euros en plus, ce qui nous procurera une base de départ de 11,7 milliards d’euros pour l’année.

Au total, les mesures du projet de loi de finances rectificative permettront de stabiliser le déficit « maastrichtien », qui est celui qui intéresse nos partenaires et les observateurs, et donc de contenir son dérapage. Son montant devrait même être réduit de 500 millions d’euros.

Le déficit budgétaire, celui que nous votons à l’article d’équilibre, sera réduit de manière plus importante, de 3,7 milliards d’euros, pour atteindre 81,1 milliards d’euros.

Mes chers collègues, rappelez-vous l’examen du premier collectif budgétaire. Nous avions dénoncé un dérapage de plusieurs milliards d'euros, le déficit budgétaire ayant été porté à 84 milliards d'euros, contre 78 milliards d'euros dans la loi de finances initiale.

Ce qui m’a frappé dans ce collectif budgétaire, c’est que nous commençons à ressentir les effets budgétaires des dispositifs de stabilité mis en place dans la zone euro.

D’abord, le rapport du Gouvernement sur les orientations des finances publiques nous a montré la semaine dernière que notre dette publique de 2012 – 89,4 points de PIB – incluait d’ores et déjà pour 2,4 points de PIB les garanties apportées aux dispositifs de stabilité.

Ensuite, le dividende que la Banque de France verse à l’État pourrait être réduit, puisqu’elle rembourse désormais à la Grèce les revenus que lui procurent les titres grecs qu’elle détient. En outre, il se pourrait qu’Eurostat analyse ces remboursements comme des dépenses, qui viendraient peser sur notre déficit public.

Enfin, la baisse des taux d’intérêt de nos prêts bilatéraux à la Grèce réduit de 300 millions d'euros nos recettes non fiscales.

Nous reviendrons sur ces sujets lors de la discussion de l’article 17.

Au total et en résumé, n’en doutons pas, mes chers collègues, ce collectif budgétaire atteint son premier objectif : il permet de tenir le cap budgétaire et conforte notre crédibilité en Europe.

Il faut maintenant examiner le second objectif de ce projet de loi de finances rectificative. Répond-il aux autres attentes exprimées par les Français ? Permet-il, pour reprendre la thématique de la campagne électorale, « le redressement dans la justice » ? La réponse est oui.

Pour les membres de la majorité sénatoriale que nous sommes, il y a une vraie satisfaction à voir figurer dans un texte transmis par l’Assemblée nationale, aux quatre premiers articles, un ensemble de mesures que nous avions votées en vain ces derniers mois, sur l’initiative des différents groupes, socialiste, CRC, RDSE et écologiste. Je pense à la suppression du régime d’exonération des heures supplémentaires, dans son volet tant fiscal que social, au retour – partiel, certes – sur les allégements de droits de mutation issus de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi « TEPA », au rétablissement de l’ancien barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, à la suppression de la TVA sociale.

Le message est clair : une page est tournée. Désormais, l’action publique encouragera l’emploi plutôt que l’aubaine, le travail plutôt que la rente, l’innovation plutôt que la baisse des salaires.

M. Henri de Raincourt. Vous rêvez !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La fiscalité jouera un rôle important dans la remise en ordre de nos priorités et le Gouvernement nous annonce pour l’automne deux chantiers essentiels : d’une part, l’amélioration de la progressivité de la fiscalité des revenus, qu’il s’agisse de ceux du travail ou de ceux du patrimoine ; d’autre part, la refonte de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Je salue sa décision d’engager sans attendre ces réformes, là où d’autres auraient pu s’abriter derrière l’ampleur de la « marche budgétaire » à franchir pour les repousser à plus tard.

D’ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative envoie des premiers signaux. Avec la taxe sur les dividendes, nous aurons désormais un impôt sur les sociétés différencié selon que les bénéfices sont réinvestis plutôt que distribués. Les possibilités de se livrer à des montages optimisants pour réduire son impôt sur les sociétés sont réduites. Le secteur financier, en particulier bancaire, est mis à contribution en raison de sa situation spécifique dans l’économie, puisqu’il est à la fois essentiel pour l’alimentation des entreprises en crédit et à la source des excès qui ont provoqué la crise dont nous ne sommes toujours pas sortis. En conséquence, ce secteur est taxé par le canal de la taxe sur les transactions financières, qui est doublée, et par celui de la taxe de risque systémique, dont l’assiette reflète les actifs pondérés par les risques.

Du côté des dépenses, il faut saluer la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre ses engagements malgré les difficultés budgétaires et à toujours gager les dépenses supplémentaires par des annulations ou des redéploiements, et ce quel que soit leur montant, même limité.

C’est ainsi que le coût des créations de postes dans l’enseignement scolaire – 90 millions d'euros – est gagé à due concurrence par des annulations. La hausse du SMIC – 100 millions d'euros – ou la suppression du droit acquitté par les bénéficiaires de l’aide médicale d’État seront financées par des redéploiements.

Le second objectif de ce collectif budgétaire – répondre aux attentes des Français – est donc aussi atteint.

Mes chers collègues, il est un domaine des finances publiques qui n’a pas été évoqué jusqu’à présent et dont la commission des finances a souhaité enrichir le texte adopté par l’Assemblée nationale, il s’agit des finances locales. Cela ne surprendra personne au Sénat.

Je vous proposerai plusieurs amendements visant à résoudre des difficultés concrètes auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales, en particulier les intercommunalités qui doivent gérer en même temps les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Je vous soumettrai surtout un amendement tendant à rendre opérationnel le processus de révision des valeurs locatives professionnelles engagé en 2010, qui est aujourd’hui interrompu, car des modifications législatives sont nécessaires pour traduire les enseignements de la phase d’expérimentation.

Mes chers collègues, je n’ai pas besoin de vous expliquer l’enjeu de ce dispositif, vous le connaissez tous : si les valeurs locatives professionnelles ne correspondent pas mieux à la réalité des capacités contributives, nous serons mis en grande difficulté non seulement pour redonner de l’autonomie fiscale aux collectivités, en particulier sur les taux, mais aussi pour permettre la montée en puissance des mécanismes de péréquation justes et incontestés. Or, le processus enclenché en 2010 est en panne. Les acteurs concernés avaient joué le jeu, mais aujourd'hui, faute de perspective, ils sont en train de se démobiliser. Il faut donc leur envoyer un signal et c’est ce à quoi nous nous attelons avec cet amendement.

J’ai le sentiment que, si nous ne relançons pas dès cet été le processus de révision de valeurs locatives professionnelles, nous courrons un risque très important d’ensablement. Pierre Jarlier, co-rapporteur de la mission d’information sur la révision des valeurs locatives professionnelles et commerciales, partage ce point de vue, tout comme la commission des finances, dans sa quasi-unanimité, qui a évoqué ce sujet hier.

Mes chers collègues, j’en viens à ma conclusion. Ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est le premier texte budgétaire qui suit l’élection présidentielle. Il semble intéressant de comparer la démarche que nous menons aujourd'hui à celle qui prévalait voilà dix ans comme à celle qui a été engagée il y a cinq ans.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui nous avait été présenté après l’élection présidentielle de 2002 nous appelait à réduire les impôts, en particulier l’impôt le plus juste, l’impôt progressif, l’impôt sur le revenu. Francis Mer était alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On nous promettait un choc de croissance : en libérant les initiatives et les énergies des investisseurs par une baisse d’impôt sur le revenu, on allait créer de la croissance. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Or nous avons bien vu que le résultat n’était pas à la hauteur des annonces.

Le même constat peut être dressé concernant le projet de loi de finances rectificative pour 2007 qui nous a été soumis voilà cinq ans, avec le fameux paquet fiscal.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un autre paquet fiscal que vous nous présentez ! On passe d’un paquet fiscal à un autre !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certains nous l’ont présenté comme un cocktail gagnant, qui allait générer de la croissance, créer de l’initiative et permettre de redresser les finances publiques.

Vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, en matière d’endettement, la situation de la France est aujourd'hui catastrophique : le déficit budgétaire est considérable et les objectifs annoncés n’ont en rien été atteints. Il est donc important qu’une page soit aujourd'hui tournée, qu’une nouvelle politique soit mise en œuvre, c’est celle que vous venez de nous présenter.

Nous sommes nombreux à partager cette volonté d’un redressement dans la justice. Je pense très sincèrement que ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 contribuera à cette action. C'est la raison pour laquelle nous apporterons notre vif soutien au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Annie David applaudit également.)

(Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales est saisie pour avis de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui, dans le domaine social comme dans le champ du budget de l’État, répond à deux objectifs. Il s’agit, d’une part, d’enrayer la détérioration des comptes publics afin de respecter les objectifs de réduction des déficits et de retour à l’équilibre et, d’autre part, de mettre en œuvre les orientations et priorités du nouveau Gouvernement en imprimant les premières inflexions en matière de répartition de l’effort contributif, de moyens des politiques publiques et de protection sociale.

Lors du débat sur les orientations des finances publiques la semaine dernière, j’ai détaillé la situation et les perspectives des finances sociales.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur ce sujet, mais rappellerai simplement que, avec une croissance à l’arrêt, les recettes de la sécurité sociale ont fléchi. Sans mesure correctrice, le déficit du régime général pour 2012 s’alourdirait de 2 milliards d’euros par rapport au montant de la loi de financement de la sécurité sociale. Il serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d’euros, un niveau qui aurait donc été atteint ou dépassé pour la quatrième année consécutive.

J’ai également évoqué la semaine dernière les projections à moyen terme réalisées par la Cour des comptes dans le cadre de son audit. Elles divergent très nettement de la trajectoire de retour à l’équilibre présentée par l’ancien gouvernement. Au contraire, elles soulignent une tendance au maintien durable des déficits à un niveau très élevé.

Il est donc nécessaire d’infléchir cette tendance rapidement. C’est ce que propose ce collectif budgétaire, qui ne se résume pas, toutefois, à dégager des recettes supplémentaires. En effet, il traduit aussi de nouvelles orientations pour notre système de protection sociale, avec l’objectif d’une plus grande équité, tant dans son financement que dans les garanties apportées à nos concitoyens.

J’évoquerai, tout d’abord, l’article 1er, qui revient sur le mécanisme de la TVA dite « sociale », voté il y a quatre mois.

La commission des affaires sociales s’était opposée à cette mesure pour des raisons de méthode comme pour des raisons de fond.

Sur le plan de la méthode, nous l’avions jugée pour le moins improvisée quelques semaines avant l’élection présidentielle, alors que le gouvernement en avait clairement écarté le principe dès le début de la législature. Était-il raisonnable de vouloir traiter cette question en dehors d’une réflexion plus globale sur le financement de notre protection sociale ? Avait-on réellement et soigneusement évalué toutes les incidences macro-économiques d’un éventuel basculement vers la TVA ?

De ce point de vue, nous approuvons la méthode retenue à l’issue de la grande conférence sociale, visant à saisir le Haut conseil du financement de la protection sociale en vue d’une éventuelle réforme en 2013.

En ce qui concerne le fond, l’impact de la mesure proposée par le précédent gouvernement sur la compétitivité des entreprises françaises nous avait paru bien hypothétique. On ne constate aucun consensus des économistes sur le sujet et les rapports qui avaient été remis au gouvernement en 2007 ne l’avaient visiblement pas convaincu.

La commission des affaires sociales considère également que ce transfert de cotisations patronales sur les ménages se traduirait inévitablement par une ponction immédiate sur le pouvoir d’achat, ponction non seulement malvenue en cette période de croissance à l’arrêt, mais surtout extrêmement injuste, puisqu’elle frapperait proportionnellement davantage les ménages les plus modestes, ceux qui consomment l’intégralité de leurs revenus.

En cohérence avec la position que nous avions affirmée voilà quatre mois, nous approuvons donc l’abrogation du relèvement programmé de la TVA, le maintien du mode actuel de calcul des cotisations d’allocations familiales en vigueur et la confirmation du relèvement de 2 points du prélèvement social sur les revenus du capital. Celui-ci se traduira par un surcroît annuel de ressources de 2,6 milliards d’euros.

S’agissant du régime des heures supplémentaires, la commission des affaires sociales n’était directement concernée que par les exonérations de cotisations sociales mises en place par la loi TEPA. Les dispositions de l’article 2 du projet de loi rejoignent celles que le Sénat avait adoptées dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur notre proposition.

Ces exonérations représentent un coût élevé pour les finances publiques. Les évaluations menées, aussi bien par le Conseil des prélèvements obligatoires que par l’Inspection des finances, dans le cadre de leurs travaux sur les niches sociales, ont abouti à des conclusions très réservées.

Ces instances ont relevé les deux principales limites du dispositif : son effet « ambigu » sur l’emploi, puisqu’il décourage certaines embauches ; un effet d’aubaine, également, dans la mesure où les avantages fiscaux et sociaux auraient incité les entreprises à officialiser des heures supplémentaires jusqu’alors sous-déclarées, voire à déclarer comme rétribuant des heures supplémentaires des rémunérations jusque-là attribuées sous d’autres formes. Un rapport bipartisan de l’Assemblée nationale, adopté en juin 2011, établissait le même constat.

Certes, le recours aux heures supplémentaires peut répondre à une nécessité pour les entreprises, mais leur subventionnement à une telle hauteur est-il réellement justifié ?

Le Gouvernement ne le pense pas, sauf pour les très petites entreprises, celles de moins de vingt salariés, qui continueront de bénéficier de l’exonération de cotisations patronales de 1,5 euro par heure.

Je relève que la compensation par l’État de ces exonérations sociales sera supprimée. L’opération sera donc neutre pour la sécurité sociale, le surcroît de recettes revenant à l’État. Il faudra néanmoins maintenir une compensation pour les exonérations subsistant au profit des très petites entreprises. Nous avons bien noté l’engagement du Gouvernement de proposer un nouveau mécanisme de compensation dans les textes financiers pour 2013.

La commission des affaires sociales se félicite également de ce que l’article 2 prévoie l’apurement de la dette contractée par l’État à l’égard de la sécurité sociale au titre de la compensation des années 2010 et 2011. Elle vous proposera, par amendement, une rédaction plus explicite sur ce point.

Le projet de loi prévoit également la réduction de plusieurs niches sociales, notamment sur les stock-options et attributions gratuites d’actions, ainsi que sur les avantages accessoires aux salaires entrant dans le champ du forfait social.

Depuis plusieurs années, l’assiette dudit forfait évolue de manière particulièrement dynamique, beaucoup plus rapidement que la masse salariale. L’écart de prélèvement entre les différentes formes de rémunérations favorise très certainement un effet de substitution au détriment des salaires, soumis aux cotisations patronales de sécurité sociale.

Ici encore, la Cour des comptes, comme l’Inspection des finances, a proposé de réduire ces niches sociales.

S’agissant du forfait social, la Cour des comptes suggérait de porter son taux à 19 %, soit à peu près l’équivalent des cotisations patronales d’assurance maladie et d’allocations familiales, qui, à la différence des cotisations d’assurance vieillesse ou d’assurance chômage, n’entraînent pas de contrepartie individuelle en termes de droits à revenus supplémentaires.

Suivant un raisonnement du même type, l’article 27 du projet de loi prévoit de retenir un taux de 20 %. Celui-ci permettrait une plus juste participation au financement de la sécurité sociale des éléments de rémunération soumis au forfait social, sans menacer l’attractivité de ces dispositifs, qui continueront de bénéficier d’un taux global de prélèvement très inférieur à celui qui est opéré sur les salaires.

Je souligne que ces mesures reprennent pour partie celles votées par le Sénat dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans la même logique, la commission des affaires sociales vous proposera un amendement portant sur l’assujettissement des indemnités de rupture les plus élevées, parfois qualifiées de « parachutes dorés », que le Sénat avait également adopté en novembre dernier.

Les dispositions du projet de loi auront un impact financier très sensible, y compris dès l’année 2012. Au total, elles représentent, pour la sécurité sociale, environ 1,5 milliard d’euros de recettes supplémentaires pour 2012, et 5,5 milliards d’euros par an à compter de 2013.

L’essentiel des ressources ira à la branche vieillesse, pour un montant d’environ 4,5 milliards d’euros par an, soit une contribution significative à la réduction de son déficit.

La branche famille bénéficiera d’un surcroît de recettes de 400 millions d’euros par an, qui couvrira la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.

Comme je l’ai indiqué lors du débat d’orientation sur les finances publiques, ces mesures permettront, si elles sont adoptées, d’amorcer un redressement des finances sociales, en faisant porter l’effort sur des revenus trop peu sollicités jusqu’ici, qu’il s’agisse des revenus du capital ou de ceux qui bénéficient de niches de plus en plus difficiles à justifier dans le contexte financier actuel.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Annie David. Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Enfin, la commission des affaires sociales a approuvé l’article 29 sur l’aide médicale d’État, l’AME.

En 2010, le Sénat avait rejeté l’instauration du droit de timbre à la charge des bénéficiaires de l’AME et la procédure d’agrément préalable pour les soins coûteux et non urgents. Il avait adopté un amendement de suppression de la commission des affaires sociales, présenté par le rapporteur pour avis de la mission « Santé », à l’époque notre collègue Alain Milon.

Notre argument était précisément celui qu’invoque le Gouvernement à l’appui de cet article 29, à savoir que ces mesures conduisent à retarder des soins qui seront, en tout état de cause, réalisés, ce délai pouvant avoir des conséquences préjudiciables tant sur l’état de santé du patient que sur le coût définitif des prises en charge. Il s’agit donc d’un véritable problème de santé publique.

Les mesures adoptées sur proposition du gouvernement précédent témoignent d’une suspicion, qui nous paraît injustifiée, à l’encontre des bénéficiaires du dispositif, mais aussi des médecins qui prescrivent des soins lourds. Or un rapport de l’Assemblée nationale de juin 2011 a relativisé la croissance des dépenses d’AME et a largement démontré que celle-ci résultait de facteurs assez bien identifiés – nous y reviendrons certainement dans le débat –, notamment du mode de facturation à l’État par les hôpitaux.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012. Elle a émis un avis favorable sur ce texte, sous réserve de l’adoption des deux amendements qu’elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2012, que l’Assemblée nationale vient d’adopter, car plusieurs dispositions concernent son champ de compétences.

Tout d’abord, la commission de la culture se réjouit vivement de la reconstitution, en faveur du spectacle vivant, de l’intégralité des crédits d’intervention prévus en loi de finances initiale pour 2012.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. C’est une excellente nouvelle pour ce secteur. Ainsi, 23,5 millions d’euros seront rapidement débloqués, comme nous l’a confirmé Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, à l’occasion de son audition devant notre commission, le mercredi 18 juillet dernier.

Ces crédits apporteront une bouffée d’oxygène très attendue par de nombreux lieux et compagnies, dont les marges artistiques ont été rognées ces dernières années, les installant, pour beaucoup d’entre eux, dans une grande fragilité. Cela a encore été confirmé récemment par les professionnels que la délégation de notre commission, qui s’est rendue en Avignon, a rencontrés.

Par ailleurs, la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des articles dont elle s’est saisie. Il s’agit de mesures d’urgence bienvenues, dans l’attente de la construction à long terme de nouvelles politiques en faveur de l’éducation et de la culture.

Nous nous réjouissons tout particulièrement de l’article 23 du projet de loi, qui rehausse le plafond des autorisations d’emploi de la mission « Enseignement scolaire », conformément aux engagements du Président de la République.

Les moyens humains dévolus à ladite mission seront ainsi renforcés, avec 1 524 équivalents temps plein, ou ETP, annuels travaillés, dont 1 000 professeurs des écoles, sans parler des personnels non enseignants.

M. Claude Domeizel. Très bien !

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. Ainsi, 100 conseillers principaux d’éducation, 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés, qui accompagnent les enfants en situation de handicap, 2 000 assistants d’éducation et 500 agents de prévention et de sécurité scolaire seront recrutés. Tous ces personnels sont indispensables à la réussite de notre jeunesse.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. L’enseignement agricole, particulièrement touché par les suppressions de postes, n’a pas été oublié.

Il s’agit là d’un message de confiance et d’espoir adressé aux équipes enseignantes, si malmenées ces dernières années.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. Ces recrutements permettront aussi des aménagements de service pour les enseignants stagiaires, en attendant la si nécessaire réforme de la formation des enseignants.

Je me félicite aujourd’hui de ces corrections, qui témoignent de la volonté du Gouvernement de concilier la responsabilité budgétaire et l’ambition éducative retrouvée.

Après plusieurs années de fragilisation du primaire, en particulier de l’école maternelle, l’accent mis sur ce segment essentiel du système éducatif est particulièrement bienvenu. De même, je salue les mesures destinées à modifier aussi rapidement que possible le déroulement de l’année de stage des futurs enseignants. Ainsi, ils se verront octroyer des décharges de service afin de leur permettre de poursuivre leur formation au métier d’enseignant.

Ce projet de loi de finances rectificative répond aux besoins les plus criants, de sorte que la rentrée scolaire de 2012, préparée par l’ancien gouvernement, se passe le moins mal possible, surtout là où il y a le plus de souffrances et de difficultés. De nouveaux enseignants seront devant les élèves à la rentrée, au grand soulagement des parents. Ainsi, nous éviterons que certaines classes à faibles effectifs soient fermées en zone rurale et nous permettrons de nouveau à des enfants de trois ans de trouver le chemin de l’école maternelle, notamment dans les zones dites « sensibles ».

Nous commençons à réparer les dégâts, que nous avons tous identifiés et subis sur nos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.

En commission, certains de nos collègues se sont exprimés sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires prévue par l’article 2 du projet de loi. Nous ne nous sommes pas saisis de cet article, parce qu’il appelle une réflexion globale.

Néanmoins, sur ce point, soyons clairs : d’une part, les heures supplémentaires des enseignants ne s’appliquent ni au primaire ni à la maternelle, secteurs de l’éducation que le ministre a déclaré prioritaires, à notre grande satisfaction ; d’autre part, cette mesure, utilisée abondamment par le précédent gouvernement, a sans doute empêché la création de postes de titulaires, dans une période où l’emploi est en forte crise. Rendez-vous compte : il s’agissait d’un budget de 1,3 milliard d’euros, soit l’équivalent de la totalité des crédits consacrés aux remplacements dans toutes nos écoles, ou de la totalité du budget alloué à l’enseignement agricole.

M. Claude Domeizel. Bonne remarque !

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. Cela méritait donc rectification. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

L’article 24 du projet de loi, quant à lui, vise à ramener de 7 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux filières les plus fragiles de la culture et dont l’accès est le plus difficile pour certains publics.

Il s’agit, en premier lieu, des livres, imprimés comme numériques, pour un coût fiscal annuel évalué à 50 millions d’euros, et, en second lieu, du secteur du spectacle vivant, nos collègues députés lui ayant étendu cette disposition en adoptant un amendement du groupe socialiste.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. Là aussi, nous ne pouvons que soutenir ces mesures puisque le Sénat s’était farouchement opposé à l’adoption de l’article 13 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, qui avait procédé à la hausse du taux de TVA.

Par ailleurs, l’article 30 du projet de loi tend à supprimer la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, créée en 2007. Je vous rappelle que nous avons dénoncé, chaque année, une telle mesure au coût exponentiel, qui présente, en outre, d’importants inconvénients.

Si cette mesure de gratuité pouvait apparaître comme égalitaire, elle a induit des effets pervers, créant des inégalités entre élèves français et étrangers ou entre élèves français et ressortissants de l’Union européenne. (Murmures désapprobateurs sur les travées de l’UMP.)

M. Marc Daunis. Elle avait été prise en vue des élections !

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. De plus, elle a abouti à tendre fortement la capacité d’accueil des élèves étrangers résidents et de pays tiers. Enfin, elle a ouvert la voie à un désengagement potentiel des entreprises prenant en charge les frais de scolarité des enfants de leurs cadres expatriés.

Soulignons que la nouvelle mesure ne doit pas pénaliser les familles les moins aisées, qui resteront éligibles aux bourses scolaires, attribuées sous conditions de ressources. Il y a donc là une justice.

J’évoquerai, pour finir, l’article 30 bis, qui vise à reporter de quelques mois la date effective du passage des universités d’Antilles-Guyane et de la Réunion aux responsabilités et compétences élargies, en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Il s’agit de faire coïncider le transfert des crédits de masse salariale avec l’année budgétaire et civile. La commission de la culture soutient cette mesure de sécurisation de la rémunération des personnels des universités concernées.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous confirme donc que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de ces articles. Je le répète, ces mesures d’urgence montrent que le Gouvernement a choisi de faire de l’éducation et de la culture l’une de ses priorités, ce que nous attendions depuis fort longtemps Aussi, nous le soutenons dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, pendant que nous délibérons sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, ce nouveau « paquet fiscal »,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … la conjoncture des marchés est de nouveau en train de s’emballer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien pour cela qu’il faut vraiment changer de politique !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La lecture des taux d’aujourd’hui montre que l’Italie emprunte, à dix ans, à 6,44 %, l’Espagne, à 7,59 %, encore un peu plus haut qu’hier,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui gagne dans l’affaire ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que la France, par rapport à l’Allemagne, est atteinte par un spread, une différence positive de plus de 1 %.

Si je dis cela, c’est parce que, parmi les nombreuses écritures de ce projet de loi de finances rectificative, figure une économie de constatation de 700 millions d’euros sur les charges d’intérêt, grâce à une combinaison de facteurs très particulière, qui a prévalu au cours des derniers mois.

Nous le savons, vous le savez, monsieur le ministre, la situation est extrêmement fragile…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et nous devons être particulièrement sérieux dans notre gestion budgétaire afin de suivre le chemin de convergence, conformément aux engagements que nous avons pris au sein de l’Union européenne et qui se traduiront, n’en déplaise à certains, par la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le fameux TSCG, qu’il avait été question, un jour, de renégocier. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Promesses électorales !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le respect de notre trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire a manifestement guidé l’action du précédent gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il parle au nom de l’UMP !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Que fait le nouveau gouvernement, celui que vous représentez, ici, au Sénat ? Soit dit en passant, nous vous accueillons bien volontiers pour cette première discussion budgétaire (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) et non sans un certain plaisir, monsieur l’ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous vous y ferez !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En réalité, le gouvernement que vous représentez ne fait, vous nous l’avez dit tout à l’heure, que s’inspirer de la démarche de ses prédécesseurs.

Au début de l’année, le gouvernement Fillon a effectué un premier ajustement, dans le cadre du premier collectif budgétaire. Il s’agissait d’une correction de 2 milliards d’euros, dont 1,2 milliard d’annulations de crédits et 800 millions d’euros de mesures sur les recettes. L’effort avait alors été équilibré, je le rappelle, entre dépenses et recettes.

Je soulignerai, enfin, au titre de mon introduction, que l’hypothèse de croissance initiale de 0,7 %, retenue par le précédent gouvernement pour 2012, était parfaitement en ligne avec le consensus des conjoncturistes de l’époque. À la vérité, le nouveau gouvernement fait la même chose : il s’inspire dudit consensus et révise le taux de croissance à 0,3 %. Si la majorité n’avait pas changé, il est très vraisemblable que l’on aurait agi strictement de la même manière.

M. François Rebsamen. Verba volant !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’en viens au chapitre des prévisions de recettes. Je voudrais, à cet égard, rappeler ce que dit la Cour des comptes, dont l’audit, monsieur le ministre, est une arme à double tranchant pour le Gouvernement.

La Cour des comptes souligne que les risques de dépassement, en ce qui concerne les dépenses sur 2012, peuvent être estimés à un niveau compris entre 1,2 milliard et 2 milliards d’euros, sur un total de 275 milliards d’euros de dépenses hors dette et pensions. La Cour ajoute : « Un tel niveau de risque ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d’année, à l’occasion des exercices précédents. » C’est manifestement un bon point pour vos prédécesseurs.

Vous avez souligné que vous mainteniez, voire que vous augmentiez la réserve de précaution. Or j’ai bien souvent, dans le passé, entendu vos amis critiquer cet instrument pourtant nécessaire et utile à la gestion budgétaire.

M. Roger Karoutchi. C’est sûr !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, mettons un terme au fréquent procès d’intention, d’après lequel le gouvernement Fillon n’aurait pas pris les mesures qui s’imposaient sur les recettes. Celui-ci a fait son devoir et son possible. Il faut, je crois, lui en donner acte.

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, non, non !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au titre du cadrage budgétaire, je retiendrai, pour ma part, un chiffre, qui figure dans l’excellent rapport de notre collègue François Marc, publié à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques : celui selon lequel l’action discrétionnaire du précédent gouvernement a contribué à réduire le déficit public dans son ensemble d’environ 1,5 point de PIB.

M. David Assouline. M. le ministre l’a dit !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je me permets de vous renvoyer à cet excellent développement.

Monsieur le ministre, j’en viens maintenant à un autre point. On aimerait être certain que votre présentation du solde budgétaire soit animée d’un réel souci de sincérité,…

M. Didier Guillaume. C’est le cas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … qu’elle ne soit pas affectée ni entachée d’approximations, et qu’elle ne fasse pas l’objet de tours de passe-passe,…

M. David Assouline. Vous étiez maître en la matière !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … finalement assez semblables à ceux que vous reprochez à vos prédécesseurs. (Protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Marc Daunis. Parole d’expert !

M. Alain Fauconnier. Relevez les tapis !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Gardez votre calme, mes chers collègues !

Je vous donnerai quelques petits exemples,…

M. Roger Karoutchi. Oui, attaquez ! (MM. Jean Bizet et Albéric de Montgolfier renchérissent)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … pour montrer combien peut être grande la tentation du window dressing dans les comptes publics.

M. David Assouline. Vous êtes professeur en tours de passe-passe !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le paquet fiscal de 7,2 milliards d’euros compense, certes, des moins-values fiscales de 7,1 milliards d’euros. Mais vous ne précisez pas que, dans le second montant, se trouve une baisse de recettes de 1 milliard d’euros au titre des droits de mutation des collectivités territoriales.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout ne concerne pas l’État. Cela arrange quelque peu la présentation de l’oublier.

Bien sûr, en face des recettes fiscales nouvelles se trouvent quelques dépenses nouvelles, notamment l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.

M. David Assouline. Êtes-vous contre ?

M. Christian Bourquin. Ne la regrettons pas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Au terme de notre débat, si le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est voté sans modifications, les recettes nettes de l’État seront tout de même en baisse de 1,4 milliard d’euros.

Vous insistez sur l’amélioration du solde budgétaire de 3,7 milliards d’euros. À mon avis, le solde significatif est celui qui ne tient pas compte de la suppression du prêt bilatéral de 4,3 milliards d’euros à la Grèce, car on le remplace purement et simplement par une opération initiée par le Fonds européen de solidarité financière, garantie par l’État, faisant l’objet d’un accroissement des engagements hors bilan de l’État.

En comptabilité nationale, le solde est non pas de 3,7 milliards d’euros, mais de 500 millions d’euros, seul montant cohérent avec nos engagements européens et susceptible d’être retenu par Eurostat.

Pour conclure sur les questions strictement budgétaires avant d’aborder la fiscalité, je voudrais signaler un point, qui, à mon avis, sera omniprésent dans tous les débats des mois à venir. C’est celui qui concerne l’évolution de la masse salariale et des effectifs de la fonction publique.

Tout le monde le sait, monsieur le ministre, l’équation est impossible à tenir. On ne peut à la fois stabiliser les effectifs, la masse salariale, et le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Vous ne semblez pas partager ce point de vue : à vous de démontrer votre thèse par des arguments chiffrés.

S’agissant des subterfuges qui ne manqueront certainement pas d’être utilisés pour sortir d’une telle contradiction, le Gouvernement montre dès maintenant le bout de son nez puisqu’il prévoit la création de 1 524 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dans l’éducation nationale. J’ai entendu notre collègue rapporteur pour avis de la commission de la culture s’en féliciter. (Mme le rapporteur pour avis de la commission de la culture le confirme.) À cela, il faut ajouter plusieurs milliers de postes contractuels, notamment d’assistants d’éducation.

M. David Assouline. S’agissant des handicapés, vous êtes contre ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Or ces postes sont financés pour une bonne part par les crédits d’intervention du titre VI.

M. David Assouline. C’est normal : il ne s’agit pas de fonctionnaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela signifie que les crédits de masse salariale ne représentent pas la totalité de l’effort.

C’est là que vous montrez le bout de votre nez : vous vous arrangez avec les normes que vous édictez ou proclamez, tout en les aménageant, bien entendu, dans le sens qui vous arrange. Le point de fuite que constitue le financement par les crédits d’intervention du titre VI des dépenses de personnel est, à mon avis, tout à fait préoccupant. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mes chers collègues, venons-en au fond des choses.

M. David Assouline. Vous ne parliez que de la forme jusqu’à présent ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mon groupe estime, et je partage cette conviction, que vous vous apprêtez à faire subir à notre pays un quadruple choc anti-compétitivité,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour en parler !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. ... dans le cadre de ce qui s’apparente non à une réforme fiscale, mais à une revanche fiscale, à un règlement de compte idéologique ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. David Assouline. Procureur et non président de commission !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le Président de la République a ramené le pacte de croissance de Bruxelles tel un trophée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, qu’avez-vous ramené ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pourtant, seule une très faible part de cet argent destiné à améliorer la conjoncture sera investie dans notre pays au cours des prochains mois, ce qui va contrarier vos projets. Dans le même temps, vous portez un coup d’arrêt brutal aux efforts d’allégement du coût du travail.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Défendez plutôt votre bilan en matière d’emploi !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le coût du travail sera donc immédiatement renchéri.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est sûr, les gens gagnent beaucoup trop !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous avez bien tort de ne pas laisser produire ses effets, au moins à titre expérimental, à la petite initiative du mois de mars dernier relative à la TVA et à la réduction des charges de la branche famille sur les entreprises. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. Michel Vergoz. Elle coûte 11 milliards d’euros !

M. David Assouline. Supportés par les classes moyennes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la réduction du pouvoir d’achat ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous avez eu tort ! Il eût mieux valu adopter une attitude empirique : si vous aviez laissé faire cette petite expérimentation, vous auriez toujours eu la possibilité de dire, en cas de problème, que ce n’était pas de votre faute, et cela vous aurait permis, au moins, d’en observer les résultats économiques. Nous aurions alors pu discuter de choses réelles et non de supputations d’économistes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlez des salaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De la même façon, mes chers collègues de la majorité, vous vous apprêtez à fragiliser le financement de l’économie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec vous, on en a vu d’autres !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes, nous sommes favorables aux mesures anti-abus en matière de fiscalité. Nous questionnerons, cependant, le Gouvernement sur ce sujet dans le cours de la discussion. En effet, chacun le sait, les entreprises en difficulté et les restructurations d’entreprises représentent de grands enjeux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Si vous aggravez ces difficultés en imposant aux entreprises des pénalisations fiscales, il ne faudra pas s’étonner de l’augmentation des échecs en la matière, voire des procédures collectives.

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. Il fallait oser !

M. Michel Vergoz. Quel cynisme !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous vous questionnerons sur ce sujet, monsieur le ministre, et j’espère que nous pourrons établir un dialogue.

M. Claude Domeizel. Qui ça, nous ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les mesures relatives aux banques et aux entreprises sont un très mauvais signal pour le financement de l’économie.

La charge fiscale des entreprises s’accroît de 3 milliards d’euros, dans un contexte de croissance atone et de chute de la production industrielle. Ce n’est pas ainsi que l’on améliorera un tant soit peu la compétitivité des entreprises ; bien au contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour en parler !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Par ailleurs, les décisions prises au détriment des banques et de l’épargne salariale cumuleront leurs effets avec le durcissement de la normalisation comptable internationale pour les banques et les assurances, et avec la mise en œuvre des accords dits de « Bâle III » et de la réforme réglementaire « solvabilité II », ce qui pénalisera encore davantage les financements longs, ainsi que les financements en fonds propres.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est surréaliste !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, quels véhicules financiers comportent dans leurs actifs 60 % d’actions – très largement françaises –, si ce ne sont les fonds d’épargne retraite, c’est-à-dire les PERP et les PERCO issus de la loi Fillon de 2004 ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’en pense la commission des finances ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La commission des finances, ma chère collègue, est partagée, car elle comporte une majorité et une opposition.

J’espère que vos réminiscences staliniennes ne vous empêcheront pas de respecter l’opposition ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.) À moins que vous ne souhaitiez l’éliminer des photographies ? Nous faisons partie de cette assemblée ; nous représentons même presque la moitié de ses membres ! (Vives exclamations sur l’ensemble des travées.) Souffrez que l’opposition s’exprime ! Ce serait beaucoup plus naturel et logique ! (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Encore quelques mots, mes chers collègues, avant de conclure mon propos.

L’amputation du pouvoir d’achat des ménages, du fait de la suppression brutale du dispositif relatif à l’exonération des heures supplémentaires, fait peser sur la conjoncture un nouvel effet dépressif.

M. Christian Bourquin. Où sont les tours de passe-passe que vous annonciez ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je commente le projet de loi de finances rectificative, mon cher collègue ... Vous ne m’avez pas bien écouté : je les ai évoqués dans la première partie de mon exposé, à propos de certains artifices de présentation. (Brouhaha sur l’ensemble des travées.)

Madame la présidente, puis-je reprendre le cours de mon propos et le terminer ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de laisser s’exprimer M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous remercie, madame la présidente !

Je conclurai donc mon intervention, je le répète, en évoquant l’amputation du pouvoir d’achat des ménages par la mesure extrêmement brutale visant à supprimer, d’un seul coup, les exonérations fiscales et les déductions de charges sociales au titre des heures supplémentaires.

Les personnes concernées sont au nombre de 9 millions. Le gain qu’elles percevaient depuis 2007 s’établit en moyenne, selon la direction générale du Trésor, à plus de 400 euros.

M. Michel Vergoz. Ce n’était pas le treizième mois ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cette perte de pouvoir d’achat concernera plus particulièrement certaines branches de l’économie, comme le bâtiment et les travaux publics, secteur qui souffre, par ailleurs, de la diminution des commandes publiques et de problèmes de financement liés à la baisse des investissements des collectivités territoriales (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.). Vous ne me direz pas le contraire ! Elle concernera aussi les secteurs du transport routier et de l’hôtellerie-restauration, qu’il est question, paraît-il, de pénaliser. J’ajoute à cette liste le cas des professeurs de l’enseignement secondaire, qui n’ont pas bénéficié de la bienveillance de notre collègue rapporteur pour avis de la commission de la culture. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

La hausse drastique du forfait social est une très mauvaise mesure pour le financement de l’économie : elle tend à réduire les ressources de près de 10 millions de salariés et de retraités, et à frapper une épargne majoritairement investie en actions. C’est un mauvais coup porté à l’investissement long qui intervient au moment où les problèmes de financement des retraites imposent de favoriser, ou tout au moins d’utiliser, des investissements alternatifs, en particulier l’épargne retraite.

D’autres collègues insisteront, enfin, sur le risque d’une fiscalité patrimoniale confiscatoire. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Il y a cependant un point, monsieur le ministre, sur lequel je suivrai le Gouvernement : lorsqu’il reprend un amendement que j’avais moi-même formulé lors de la discussion budgétaire, à la fin de l’année dernière. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Je demande à mes collègues représentant les Français établis hors de France de bien vouloir m’en excuser : je suis, à titre personnel, favorable à l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine pour ce qui concerne les revenus immobiliers des non-résidents.

M. François Rebsamen. Gauchiste ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En l’occurrence, je le répète, l’actuel gouvernement a repris un de mes amendements. Or, à la différence de certains, je n’ai pas changé d’avis depuis le 6 mai : je défends les mêmes points de vue ! Du côté gauche de l’hémicycle, en revanche, quelques-uns me semblent avoir fait évoluer un peu leur langage.

S’agissant de l’ISF, vous savez que nous contestons l’absence de plafonnement du dispositif, en particulier la méthode consistant à recréer une charge permanente en la qualifiant d’exceptionnelle et de temporaire. En l’occurrence, mes chers collègues, on peut parler de tour de passe-passe !

On nous présente, en effet, une mesure « exceptionnelle » pour l’année 2012, qui revient à recréer, dans une très large mesure, l’ISF qui existait avant la réforme de 2011.

Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu’il y ait d’incertitude sur ce point, à moins que vous ne nous disiez le contraire, ce que certains accueilleraient d’ailleurs favorablement...

J’ai le sentiment que vous souhaitez bien en rester aux taux du barème de l’ISF tels qu’ils existaient jusqu’à la réforme de 2011. Est-ce bien le cas ? Or vous présentez le produit fiscal supplémentaire qui en découlera comme le résultat d’une surtaxe exceptionnelle et particulière à l’année 2012.

Nous considérons, pour notre part, qu’il s’agit d’une présentation fallacieuse, simplement destinée à éviter de rétablir un plafonnement. Vous évitez d’aborder une question – pourtant traitée en son temps, par le gouvernement Rocard ! –, que vous réglez ensuite en travestissant et en vilipendant le dispositif du bouclier fiscal.

Il importe, dans ce pays – et c’est une question de droit ! –, que l’on ne puisse pas demander à des sujets fiscaux, en opérant un cumul des fiscalités, de payer plus, et même bien plus, que leurs revenus disponibles. (M. Serge Dassault applaudit.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est extraordinaire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un point de principe, auquel nous sommes particulièrement attachés.

Mes chers collègues, j’en ai terminé. L’ensemble de cette assemblée est donc satisfaite : ceux de ses membres qui ont la bonté de me soutenir, et les autres, heureux que je m’arrête de parler ! Je souhaite que notre discussion se déroule dans le bon ordre et qu’elle nous permette d’approfondir les convictions des uns et des autres. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, vint-huit orateurs sont inscrits dans la suite de la discussion générale, ce qui traduit l’intérêt de notre assemblée pour ce débat. J’appelle néanmoins votre attention sur le nécessaire respect du temps de parole qui vous est imparti. Je fais ce rappel sans beaucoup d’espoir, mais je souhaite cependant qu’il puisse être entendu.

La parole est à M. Jean-Vincent Placé, premier orateur inscrit, qui, je l’espère, donnera l’exemple.

M. Jean-Vincent Placé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler, avant d’entrer dans le vif de mon propos, que je fus l’un des premiers sénateurs à souhaiter que la commission des finances de la Haute Assemblée soit présidée par un membre de l’opposition. C’est une bonne chose, et je ne le regrette pas.

J’ai même plaisir, monsieur le président de la commission des finances, à souligner régulièrement votre talent et vos compétences en matière financière, même si nous ne partageons ni les mêmes opinions ni les mêmes orientations.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous remercie, mon cher collègue !

M. Jean-Vincent Placé. Vous avez eu le souci d’exposer un point de vue qui n’est pas – c’est le moins que l’on puisse dire – tout à fait celui de la majorité de la commission des finances, mais c’est la loi du genre.

Je vous le dis donc très sincèrement, monsieur le président de la commission des finances, votre intelligence ne vous autorise pas à être injurieux.

Le mot « stalinien » veut dire quelque chose dans ce pays !

Un sénateur de l’UMP. À une certaine époque, certains trouvaient cela très bien !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’ai parlé de « réminiscences » staliniennes...

M. Jean-Vincent Placé. Mme Borvo n’est aucunement stalinienne, non plus qu’aucun membre du groupe CRC ! Il est scandaleux de tenir de tels propos ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Je trouve tout à fait honteux qu’une personne de votre haute éducation, et possédant vos qualités de langage, se permette de tels propos. Je tenais à vous le dire, en toute sérénité, devant cette assemblée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Je n’accuse pas la droite populaire d’être vichyste ou hitlérienne ! Le mot « stalinien », je le répète, signifie quelque chose ! Il faut faire attention aux mots que l’on emploie. Cela n’a pas été le cas au cours de la précédente mandature, et on a vu ce qui est advenu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Là, c’est vous qui devez faire attention !

M. Jean-Vincent Placé. Madame la présidente, j’espère que ce petit propos liminaire, qui me tenait à cœur, ne sera pas décompté de mon temps de parole.

Mes chers collègues, par ce collectif budgétaire, il a fallu répondre à l’urgence. Sous la mandature précédente, en effet, la dette de la France a augmenté de 50 % et les inégalités sociales ont été délibérément amplifiées.

L’urgence, aujourd’hui, est donc de relever les finances publiques et de rétablir l’équité sociale : c’est le redressement dans la justice.

De ce point de vue, ce projet de loi de finances rectificative ne manque pas d’ambition pour mobiliser les 7 milliards d’euros qui manquaient au budget établi par le gouvernement précédent.

Des mesures comme la TVA sociale ou l’exonération sociale des heures supplémentaires, à la fois coûteuses et inefficaces, sont abrogées.

Dans le même temps, de nouvelles recettes sont prélevées : certaines sur les ménages les plus aisés, au moyen, par exemple, du renforcement de la fiscalité sur la fortune, les successions ou les stock-options, d’autres sur les entreprises les plus rentables, au moyen, par exemple, de taxes exceptionnelles ou de dispositions visant à contrarier l’optimisation fiscale.

Les écologistes approuvent pleinement toutes ces mesures, car, pour beaucoup d’entre elles, nous les réclamions aussi depuis longtemps.

Pour autant, nous sommes convaincus que cette démarche, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffira pas à nous extraire de la crise multidimensionnelle dans laquelle notre société se fourvoie aujourd’hui.

Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises à cette tribune, notre modèle de développement se heurte aujourd’hui aux limites physiques de la planète, qu’il a voulu trop longtemps ignorer. Prendre en compte ces contraintes n’est désormais plus une option ; si l’on veut vraiment sortir de la crise, c’est une nécessité.

Changer de paradigme n’est évidemment pas chose aisée : c’est un processus complexe et transversal, qui nécessite l’adhésion et l’implication des autorités publiques comme des citoyens. Toutefois, en matière budgétaire, il existe d’assez grandes marges de manœuvre.

Au-delà de l’important chantier de la contribution climat-énergie, dont nous aurons à parler dès la conférence environnementale de septembre, il existe de multiples moyens par lesquels la fiscalité peut favoriser la transition écologique.

Pour commencer, il faut supprimer les niches fiscales qui subventionnent la destruction de l’environnement, dont les associations spécialisées évaluent le coût à plusieurs dizaines de milliards d’euros.

La remise en cause de ces niches ne présente que des avantages. Comme mes collègues écologistes l’expliqueront tout à l’heure dans la suite de la discussion générale puis dans la discussion des articles, elle permet d’endiguer la pollution et la dégradation du climat, de préserver notre santé et de nous éloigner de l’impasse énergétique qui nous menace.

Du point de vue comptable, cette suppression permet, bien sûr, de dégager des recettes substantielles, mais aussi de réaliser des économies considérables. Songez, mes chers collègues, que, selon une évaluation récente du Commissariat général au développement durable, le coût sanitaire et social des pathologies respiratoires et cardiovasculaires liées à la pollution de l’air s’élève à 20 ou à 30 milliards d’euros par an !

Enfin, je tiens à souligner que la transition écologique constitue également une aubaine sur le plan économique. En effet, le changement de modèle que nous appelons de nos vœux et la transition énergétique sont créateurs d’emplois.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Jean-Vincent Placé. Comme l’ont montré plusieurs études fondées sur les évaluations de la Commission européenne et de la Confédération européenne des syndicats, la transition écologique pourrait créer en France près d’un million d’emplois net, soit bien plus qu’une simple relance keynésienne.

La raison en est, au fond, assez simple : alors que l’augmentation de la productivité du travail s’est appuyée jusqu’alors sur davantage de capital, c’est-à-dire sur plus de machines, et sur davantage de nature, c’est-à-dire sur plus de ressources ou de pollution, dans un contexte de crise financière et environnementale pérenne, la transition écologique impulse l’effet inverse.

Autrement dit, une moindre mobilisation de la nature et du capital, faisant baisser la productivité apparente, augmente le besoin en emplois.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Jean-Vincent Placé. Par exemple, l’exploitation d’un hectare en agriculture biologique nécessite 20 % de main-d’œuvre en plus que son exploitation en agriculture classique, du fait du plus grand nombre d’opérations à mener et de leur caractère moins mécanique. Entre une agriculture intensive en machines et en produits phytosanitaires et une agriculture saine et intensive en emplois, le choix devrait être assez simple !

De même, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, isoler un logement crée, pour la même valeur ajoutée économique, plus de quatre fois plus d’emplois en France que l’importation de gaz.

En effet, une autre caractéristique des emplois créés par la transition énergétique est qu’ils sont le plus souvent liés au territoire, par conséquent non délocalisables.

Enfin, le modèle écologique est intrinsèquement lié à la réduction du temps de travail, qui va dans le sens de l’histoire de l’humanité. Par exemple, un salarié qui se rend en voiture à son travail effectue, en réalité, une tâche non payée ; lorsqu’il prend les transports en commun, il gagne non pas en salaire, mais en temps libre.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’écologie n’est pas l’ennemie de l’emploi. Bien au contraire : l’écologie, c’est la réponse sociale.

La difficulté réside aujourd’hui dans la transition elle-même. En l’occurrence, la suppression des niches fiscales anti-écologiques nécessite du doigté et de la progressivité. Mais ne rien faire, continuer à soutenir un modèle et des filières condamnés, ce n’est à coup sûr pas la solution d’avenir.

C’est dans cet esprit que les sénateurs écologistes présenteront tout à l’heure un certain nombre d’amendements. Leur sort est prévisible mais, en les défendant, nous voulons attirer l’attention du Gouvernement et de nos concitoyens sur des questions qui nous importent particulièrement.

Nous espérons qu’au cours du quinquennat qui commence et dès l’examen de la loi de finances initiale pour 2013, nous pourrons avoir à leur sujet un dialogue avéré et fructueux. Ainsi, nous ferons en sorte, que, dès demain, l’écologie, ce soit maintenant ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Placé, pour votre exemplarité dans le respect du temps de parole.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative soulève trois questions qui, à mon sens, méritent réflexion : je pense aux suppressions de la TVA sociale, dite « TVA anti-délocalisations », de la défiscalisation des heures supplémentaires et de la franchise de 30 euros pour l’accès à l’aide médicale de l’État, l’AME.

Pour ce qui concerne d’abord la TVA sociale, je vous rappelle que j’en ai toujours défendu l’idée, y compris lorsque le gouvernement Fillon, pendant des années, a prétendu que c’était une erreur et qu’il ne fallait surtout pas la mettre en place. Il aurait certainement bien mieux fait de l’instaurer dès son entrée en fonction, au lieu de faire voter la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat ! (M. Jean Arthuis applaudit.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean Louis Masson. En effet, la TVA sociale permet de rétablir la compétitivité des produits nationaux par rapport aux produits importés.

Remplacer, à terme, la TVA sociale par un supplément de CSG va tout simplement plomber nos activités économiques, sans pour autant régler le problème des distorsions de compétitivité entre les importations et les exportations.

L’augmentation de la CSG frappera les revenus liés aux activités de production en France, c’est-à-dire le pouvoir d’achat des ouvriers qui fabriquent français, sans toucher les produits importés.

Si donc le gouvernement Fillon a fait une erreur profonde en s’obstinant à ne rien vouloir savoir, c’est une erreur encore plus profonde, après qu’il a fini par comprendre la nécessité d’agir, de vouloir maintenant revenir en arrière.

La suppression de la TVA sociale est, à mon sens, un mauvais coup pour la France, qui s’ajoute à l’erreur du précédent gouvernement de ne pas l’avoir instaurée plus tôt.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Louis Masson. S’agissant, ensuite, de la défiscalisation des heures supplémentaires, qu’on nous propose de supprimer, il s’agit d’un faux problème.

À la vérité, il y a eu deux erreurs successives. La première a consisté à mettre en place les 35 heures. La seconde a été commise par le gouvernement Fillon qui, au lieu d’avoir le courage de supprimer ce dispositif, a décidé de défiscaliser les heures supplémentaires, ce qui revenait à faire payer par le budget de l’État les conséquences des 35 heures. (M. Jean Arthuis opine.)

En raison de cela, je prétends que le gouvernement Fillon est tout aussi responsable que Mme Aubry.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est le redresseur de torts en chef !

M. Jean Louis Masson. En somme, des deux gouvernements en cause, le premier a pris une très mauvaise mesure, le second a essayé d’apporter une solution qui n’en était absolument pas une.

Pour ma part, je crois que le fond du problème de la compétitivité réside dans les 35 heures. (M. Francis Delattre opine.) Il me paraît complètement aberrant d’avoir voulu effacer la réforme Aubry en instaurant une défiscalisation des heures supplémentaires, ce qui revient in fine à faire supporter les conséquences des 35 heures par le budget de l’État. Il aurait été plus courageux de supprimer purement et simplement ce dispositif.

Annuler la défiscalisation revient donc à supprimer une erreur. Mais j’aurais bien aimé que l’on supprime également l’autre erreur, c’est-à-dire que l’on pose de nouveau le problème des 35 heures ! (M. le président de la commission des finances acquiesce.)

En un temps où nous avons l’obligation d’équilibrer nos comptes, il y avait certainement mieux à faire que de mettre en place une défiscalisation qui coûte énormément au budget de l’État. Sa suppression constitue une demi-avancée, mais qui ne règle pas le problème de fond de la compétitivité, c’est-à-dire celui des 35 heures.

S’agissant, enfin, de l’AME, je rappelle qu’elle a été créée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, la CMU, afin d’assurer une couverture maladie aux citoyens étrangers en situation irrégulière.

Les bénéficiaires de l’AME étaient au nombre de 220 000 en 2012. Le coût de ce dispositif pour la collectivité est considérable et, surtout, ne cesse d’augmenter : il est passé de 75 millions d’euros en 2000 à 588 millions d’euros en 2011.

En fait, les bénéficiaires de l’AME usent et abusent d’un système qui est sans équivalent dans les pays voisins. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Afin d’éviter la gabegie, l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne ont au moins eu le bon sens de limiter la prise en charge gratuite aux soins les plus urgents.

En période de déficit budgétaire, il n’est vraiment pas souhaitable de supprimer le droit annuel très modique de 30 euros demandé aux bénéficiaires de l’AME.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean Louis Masson. Pis, il est incohérent de vouloir accorder la gratuité totale de la couverture médicale à des personnes entrées clandestinement sur le territoire national alors que les Français ou les étrangers séjournant de manière régulière en France supportent, eux, une franchise médicale de 50 euros dans le cadre de la CMU.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un problème de santé publique !

M. Jean Louis Masson. Cette incohérence est, à mon sens, un véritable encouragement pour l’immigration illégale !

Je pense donc que la moindre des choses serait, non seulement de ne pas supprimer la franchise de 30 euros demandée aux étrangers illégaux, mais même de la porter à 50 euros, c’est-à-dire exactement au niveau de la franchise payée par les Français ou les étrangers en situation régulière démunis lorsqu’ils bénéficient de la CMU.

M. Christian Bourquin. Quelle humanité !

M. Jean Louis Masson. Comment justifier que des étrangers en situation irrégulière soient mieux traités que des étrangers en situation régulière et, a fortiori, que…

Mme Éliane Assassi. Réactionnaire !

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, est-il au moins permis de terminer ?

Mme la présidente. Mon cher collègue, il vous faut conclure.

M. Jean Louis Masson. Chacun a le droit de s’exprimer à cette tribune, du moins je l’espère !

Pour ma part, je considère que réserver un traitement de faveur aux personnes en situation irrégulière constitue un appel d’air pour l’immigration et une aberration complète !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La santé publique, ce n’est pas votre problème !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis. (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)

M. Jean Arthuis. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, au lendemain d’une alternance, la présentation au Parlement d’un projet de loi de finances rectificative est un événement attendu.

Le projet de loi de finances rectificative exprime la vision, l’ambition, les mesures que le Gouvernement et sa majorité entendent mettre en œuvre.

Messieurs les ministres, convenez que votre texte est assez classique. Bien sûr que la parole de la France sera tenue ! Et l’objectif de ramener le déficit public à 4,5 % du produit intérieur brut devrait être respecté ; on ne pourra que s’en réjouir.

Mais, sur le fond, que faites-vous ? Vous confirmez les hausses d’impôts décidées par la précédente majorité et vous annulez les baisses d’impôts.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Caffet. Sur l’ISF, c’est vrai !

M. Jean Arthuis. En fait, votre collectif budgétaire est largement une œuvre de détricotage.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste ! C’est une œuvre de revanche !

M. Jean Arthuis. Messieurs les ministres, mes chers collègues, le plus préoccupant à mes yeux est que l’on ne réponde pas à l’exigence de compétitivité !

Car les vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est l’emploi et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Or, dans ce projet de loi de finances rectificative, vous faites disparaître la seule mesure qui pouvait constituer une esquisse de solution, certes marginale.

Avouons d’ailleurs que les conditions d’adoption du dispositif, voté à la fin d’une législature pour entrer en vigueur au début de la suivante, étaient inouïes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’était juste de l’affichage !

M. Jean Arthuis. J’adresserai donc un reproche à la précédente majorité : si peu, si tard pour instituer une TVA sociale !

Je sais bien que le Gouvernement respecte les paroles du candidat François Hollande. Tandis que nous votions de telles dispositions, le candidat à la présidence de la République fustigeait la TVA sociale, qu’il qualifiait de « faute économique » et de « faute sociale », « dans une période où la consommation se porte très mal ».

Mme Christiane Demontès. Il avait raison !

M. Jean Arthuis. Et il ajoutait : « Comment imaginer que quelques points de moins de cotisations patronales pourraient d’un seul coup améliorer nos échanges extérieurs ? »

Et il est vrai que nos échanges extérieurs constituent une préoccupation. En 2011, nous avions 70 milliards d’euros de déficit extérieur. En d’autres termes, nous, Français, consommons 70 milliards d’euros de plus que ce que nous produisons.

M. Jean-Pierre Chevènement. Notre balance commerciale était à l’équilibre en 2003 !

M. François Rebsamen. Merci, monsieur Chevènement !

M. Jean Arthuis. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. La dégradation régulière de notre balance commerciale est une vraie préoccupation, qui marque notre déficit de compétitivité.

M. Jean-Pierre Chevènement. Qu’est devenue notre compétitivité ?

M. Jean Arthuis. Que peut-on faire pour améliorer la compétitivité ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, qu’avez-vous fait ?

M. Jean Arthuis. Quel nouvel électrochoc allons-nous devoir attendre ?

L’annonce de 8 000 suppressions d’emplois chez Peugeot, la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois ne sont-ils pas des électrochocs majeurs qui doivent nous amener à réviser nos positions ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce qu’il n’y en avait pas voilà deux ans ?

M. Jean Arthuis. À défaut, nous serons les observateurs d’un déclin industriel programmé.

Puis-je rappeler que nous avons perdu pratiquement 600 000 emplois industriels entre 2000 et maintenant ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà le bilan de dix ans de droite au pouvoir !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On pourra bientôt faire le bilan de la gauche au pouvoir !

M. Jean Arthuis. En 2000, la valeur ajoutée industrielle représentait 24 % du produit intérieur brut, contre moins de 14 % aujourd'hui.

Mme Christiane Demontès. C’est l’échec de la droite !

M. Jean Arthuis. Devons-nous rester passifs face à une telle programmation du déclin industriel ? (Exclamations sur plusieurs travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Certainement pas !

Mes chers collègues, dans l’actualité récente, il y a une bonne et une mauvaise nouvelles.

La bonne nouvelle, c’est que le Président de la République, sa majorité et les partenaires sociaux commencent à considérer que le coût du travail constitue bien une difficulté. Certes, le coût du travail n’est pas à lui seul le facteur déterminant.

M. Jean Arthuis. Il y a l’investissement, l’innovation, le soutien aux petites et moyennes entreprises… Tout cela est vrai.

Mais le coût du travail constitue une vraie difficulté. Et, lors de la conférence sociale qui s’est tenue au Palais d’Iéna au début du mois de juillet, le Président de la République a déclaré que nous devions trouver les nouveaux modes de financement et les nouvelles organisations de notre modèle social.

Et je crois aujourd'hui pouvoir dire qu’il y a consensus sur la nécessité d’alléger les charges patronales. Mais deux questions se posent. Dans quelles proportions devrons-nous les alléger ? Et par quelles ressources devrons-nous assurer le financement de la protection sociale ?

Je considère que l’unité de compte n’est pas la dizaine de milliards d’euros. Si nous voulons modifier de manière significative la compétitivité, ce sont 40 milliards à 50 milliards d’euros d’allégements qui doivent être décidés et pour lesquels nous devons trouver un autre financement.

La CSG semble avoir les faveurs de certains, notamment des partenaires sociaux. M. Michel Sapin, le ministre du travail, a, avec adresse, affirmé que la CSG avait surgi dans le débat sur l’initiative des partenaires sociaux, et non du Gouvernement. (M. François Trucy sourit.) Je salue son habileté.

Ayant dit cela, pensons-nous que la CSG peut suffire à elle seule ? Un point de CSG, cela représente 10 milliards d’euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et tout le monde le paie !

M. Jean Arthuis. Qui peut imaginer que l’on puisse augmenter de 4 % ou 5 % la CSG ?

M. Jean Arthuis. D’autant que, selon le ministre chargé des personnes âgées, il faudra augmenter la CSG pour financer la dépendance…

Par conséquent, envisager de financer l’allégement des cotisations patronales par un supplément de CSG, c’est, à mon avis, une pure illusion.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean Arthuis. Dans ces conditions, nous devons nous préparer et préparer l’opinion publique à sortir des procès en sorcellerie, des tabous et des conventions de langage qui ont affecté jusqu’à présent le débat sur la « TVA sociale », ou « TVA anti-délocalisation », ou « TVA emploi ».

M. Jean-Pierre Caffet. TVA tout court !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « TVA antisociale » !

M. Jean Arthuis. Mes chers collègues, à l’heure de la mondialisation, en faisant du salaire l’assiette des cotisations, nous perpétuons en quelque sorte des droits de douane que paieraient les seules entreprises employant et produisant en France, en en exonérant tous ceux qui vont produire ailleurs pour approvisionner par importation le marché national. Pensez-vous que ce soit là justice ? Certainement pas ! C’est une manière d’organiser assez méthodiquement la délocalisation des activités et des emplois.

Nous devons donc réagir. J’entends dire que la TVA sociale serait injuste. Cependant, mes chers collègues, y a-t-il pire injustice que la difficulté, sinon l’impossibilité d’accéder à un emploi ? Le vrai pouvoir d'achat, ce n’est pas la distribution par un État qui doit emprunter à la mesure de ce qu’il distribue. Le vrai pouvoir d'achat, c’est la contrepartie des créations de richesses ; c’est la contrepartie de l’emploi et du travail !

M. François Rebsamen. Il y a eu un million de chômeurs de plus grâce à vous !

M. Jean Arthuis. Par conséquent, je souhaite que nous puissions réaliser une avancée décisive dans le débat, afin de sortir de l’illusion et du déni de réalité.

Reconnaissons qu’il faut aller de l’avant. Ne nous en tenons pas à des conventions de langage qui nous enferment dans une programmation du déclin industriel, en contradiction avec la volonté proclamée d’inverser la tendance.

J’observe que tous les États dont les niveaux de dépenses publiques sont supérieurs à 55 % du PIB pratiquent des taux de TVA de 25 %, à l’exception d’un seul : la France. Si nous devons bouger en matière de TVA, ne le faisons pas à moitié. L’heure n’est plus aux demi-mesures ! Il s’agit, si nous avons une conviction, d’aller jusqu’au bout et d’oser mettre en œuvre cette réforme.

M. François Rebsamen. Il fallait le faire avant !

M. Jean Arthuis. Cela nous appelle naturellement à la pédagogie.

J’entendais tout à l’heure M. le ministre Jérôme Cahuzac nous expliquer que l’emploi représentait seulement 20 % des charges d’exploitation. Mais, monsieur le ministre du budget, que font les entreprises ? Leur valeur ajoutée, c’est le travail. Ce sont les salaires et les charges sociales. Mais les entreprises transforment des approvisionnements, des prestations extérieures qui sont des facturations de travail, donc de charges sociales.

Je voudrais que l’on sorte de l’argument consistant à laisser croire que les charges sociales pèsent finalement très peu dans la valeur ajoutée. C’est faux. À mon sens, nous devons sortir de cette dialectique. Si nous voulons retrouver de la compétitivité à l’exportation, abaissons les charges sociales.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons aussi des charges financières, des profits ! Il y a bien d’autres sujets qui concernent les entreprises !

M. Jean Arthuis. Ma conviction est que l’abaissement du prix hors taxe du fait de l’allégement des charges sociales n’entraînera pas, en dépit d’une augmentation du taux de TVA, un prix toutes taxes comprises plus important pour le consommateur français. Nous serons plus compétitifs à l’exportation. Sans doute les produits importés seront plus chers. Mais n’est-ce pas notre objectif, mes chers collègues, que de redonner de la compétitivité au travail en France ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour nous, l’objectif, c’est de donner de bons salaires à ceux qui travaillent !

M. Jean Arthuis. Si vous choisissez la CSG, Zlatan Ibrahimovic pourra dormir tranquille (Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.), puisque tout impôt sur le revenu est pris en charge par son employeur.

En revanche, si nous augmentions la TVA, il paierait sensiblement plus cher lorsqu’il achète des produits en provenance de l’étranger,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Assimiler la situation de cette personne à celle de nos concitoyens, c’est carrément honteux !

M. Jean Arthuis. … puisqu’il s’agit d’importations.

M. André Reichardt. Très bien !

M. Jean Arthuis. Telles sont, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler pour tenter de vous faire partager une conviction. Nous devons aussi sereinement et volontairement que possible sortir ensemble de ce déclin programmé qui apparaîtrait inexorable et qui désespère nos concitoyens. Cessons de croire que tout va s’arranger et que nous pourrons camper dans l’attentisme. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, les 28 et 29 juin derniers, vous avez participé à un sommet des chefs d’État et de gouvernement européens. Du fait de la communication flambante qui en a suivi,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est trop facile !

M. Jean Arthuis. … on a eu l’impression que tous les problèmes avaient été réglés.

Mais, comme le rappelait voilà un instant M. le président de la commission des finances, la conjoncture risque de nous faire subir un été qui pourrait être meurtrier.

Sachons réagir. Si l’Europe en est là, c’est parce qu’elle est en déficit de gouvernance et qu’elle n’assume pas le partage de souveraineté qu’elle a choisi en optant pour la monnaie unique.

J’attends de la zone euro qu’elle soit à la hauteur. Voilà peut-être trop d’occasions manquées dans ce collectif budgétaire !

C'est la raison pour laquelle, messieurs les ministres, le groupe de l’Union centriste et républicaine n’endossera pas la responsabilité de voter en faveur d’un pareil acte de renoncement économique et social. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je viens d’écouter attentivement M. Jean Arthuis.

Auparavant, j’avais écouté M. le président de la commission des finances. Je note d’ailleurs qu’il s’est exprimé non pas au nom de la commission, mais comme un porte-parole du groupe UMP (Mme Michèle André s’exclame.) ; cela me pose tout de même un problème, monsieur le rapporteur général.

Permettez-moi donc de vous faire un petit rappel, monsieur le président de la commission des finances.

Au printemps dernier, lors du scrutin présidentiel et des élections législatives, les Françaises et les Français ont clairement manifesté leur souhait d’un changement de politique pour notre pays.

Ce changement de politique avait été préparé par quelques succès antérieurs des forces de gauche, notamment lors des sénatoriales de l’automne 2011,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a encore une opposition et il faut l’écouter !

M. Thierry Foucaud. … tandis que montait un profond sentiment de rejet des choix politiques mis en œuvre dans notre pays depuis 2002.

L’aspiration au changement que les électrices et électeurs ont manifestée s’est d’abord forgée sur le rejet net et massif de la politique développée par l’ancien gouvernement.

M. Francis Delattre. La preuve : la moitié au moins des députés communistes sortants ont été battus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Occupez-vous de vos affaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous vous occupez bien des nôtres !

M. Thierry Foucaud. Cette politique était ressentie comme profondément injuste, car destinée aux plus aisés (M. Francis Delattre s’exclame.) et aux plus grandes entreprises, au détriment de l’intérêt général et du progrès économique et social de notre pays.

Le bilan fiscal du second mandat de Jacques Chirac n’était déjà pas exceptionnel. Il était marqué par une réduction de l’imposition des plus aisés, par la naissance du bouclier fiscal et par le développement continu des niches fiscales.

Celui du quinquennat de Nicolas Sarkozy a, au-delà de la volonté de « décomplexer » la droite, constitué le point culminant en la matière.

Dans un premier temps, le bouclier fiscal s’est sérieusement renforcé. Il est très vite apparu que les principaux bénéficiaires de la mesure étaient d’abord les plus riches. (M. le président de la commission des finances et M. Francis Delattre ainsi que M. David Assouline s’exclament.)

Les attaques menées contre l’ISF furent au cœur de la démarche fiscale de l’ancienne équipe gouvernementale. L’adoption du dispositif ISF-PME fut sans doute la plus dispendieuse des mesures d’aide à l’investissement dans les entreprises – on se demande d’ailleurs bien pourquoi les seuls assujettis à l’ISF ont eu droit à un tel traitement de faveur – avant la définition d’un nouveau tarif aboutissant à un véritable cadeau fiscal de plus de 2,3 milliards d’euros pour 600 000 contribuables. Cela a représenté une baisse d’impôts de près de 4 000 euros en moyenne : qui dit mieux ?

La fiscalité du patrimoine fut d’ailleurs largement allégée, dans l’élan de la mal nommée – ou trop bien nommée, peut-être – loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, avec la réduction des droits de transmission, certes sur les successions mais surtout sur les donations, autrement plus rentables pour les plus hauts patrimoines et revenus. Cette loi visait dans tous les cas à préserver l’intégrité des patrimoines, des richesses et des fortunes accumulés, et ce même si cette accumulation avait bien plus à voir avec le travail des autres qu’avec le mérite des détenteurs comme des héritiers...

Monsieur le président de la commission des finances, à cet égard, je ne vous ai pas beaucoup entendu parler des ouvriers, des salariés et des fonctionnaires dans votre exposé liminaire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. J’ai parlé des salaires de la fonction publique !

Mme Éliane Assassi. Pour dire qu’il fallait les supprimer !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je me suis inquiété de la masse salariale !

M. Thierry Foucaud. Le crédit d’impôt recherche, le CIR, trouva une nouvelle vigueur sous le précédent quinquennat, lui aussi, avec une « réforme » qui a fait passer son « rythme de croisière » à une dépense fiscale de 5 ou 6 milliards d’euros par an, sans qu’il soit permis, réellement, de mesurer à quel point cette dépense a conduit à la moindre hausse des dépenses de recherche développement dans nos entreprises ou favorisé l’emploi de nos jeunes ingénieurs et doctorants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les entreprises sont des rentières !

M. Thierry Foucaud. À quoi sert le CIR quand PSA maintient son intention de supprimer un emploi sur six en France, et son usine d’Aulnay ?

À quoi sert le CIR quand le même groupe commande à l’étranger les pièces que la société TRW, située dans les Vosges, aujourd’hui en redressement judiciaire, lui fournissait jusqu’alors ?

La suppression de la taxe professionnelle, autre point de bilan, a créé autant d’incertitude juridique pour les collectivités locales que d’incertitude financière pour leurs ressources sans faciliter la création d’emplois dans le secteur marchand. Ici même, l’ancien président de la commission des finances et son actuel président nous affirmaient que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement,…

M. François Rebsamen. Cent millions d’euros !

M. Thierry Foucaud. … nous renouerions avec la croissance et l’emploi ! Mais, tout à l'heure, M. le ministre chargé du budget et M. le rapporteur général de la commission des finances ont retracé le nombre d’emplois perdus dans notre pays.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On verra le résultat dans quelques mois !

M. Thierry Foucaud. Autant la taxe professionnelle a été supprimée, autant le chômage a progressé, puisque nous avons atteint, en ce printemps 2012, le seuil des trois millions de chômeurs de catégorie A !

Le bilan fiscal du quinquennat comprend aussi cette hérésie économique et sociale, pour ne pas dire cette stupidité, que constitue l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

De 2007 à 2012, nous aurions donc eu des effets d’aubaine pour les patrons, puis l’atteinte sur les droits à la retraite, l’attaque contre le pouvoir d’achat des fonctionnaires et nous avons fini avec la TVA dite sociale, monsieur Arthuis, et le gel du barème de l’impôt sur le revenu qui a rendu imposables des salariés plus que modestes.

Avec le gel du barème, le smicard célibataire devient imposable et perd souvent, par la même occasion, le plein bénéfice – si l’on peut dire – du plafonnement de ses impôts locaux.

L’affaire des heures supplémentaires est connue de tous et alimente encore le débat : voilà un dispositif dont on peine à trouver trace dans une quelconque relance de l’activité, que nombre d’entreprises semblent bel et bien avoir utilisé pour développer un peu plus la flexibilité des horaires (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe CRC.), dont beaucoup se sont servis pour se dispenser d’une véritable négociation sur les salaires…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Une aubaine !

M. Thierry Foucaud. … et que certains voudraient encore maintenir.

Pour faire bonne mesure, ce dispositif aurait entraîné la suppression de 80 000 à 90 000 emplois.

Pour conclure, si l’on peut dire, le quinquennat précédent s’est achevé par l’instauration de la TVA sociale. (M. Francis Delattre s’exclame.) Une mesure de fond, visant à financer notre protection sociale au travers de la taxation de la consommation populaire, a bel et bien été conçue. Elle constitue le meilleur résumé du quinquennat Sarkozy : alléger encore et toujours la contribution des entreprises – comprendre : au bénéfice de la rémunération du capital, prédatrice de la compétitivité retrouvée – au financement de la protection sociale.

Alors, mes chers collègues, il est temps de ne pas faire la même chose et de passer à autre chose.

Le présent collectif budgétaire est l’occasion, pour la représentation nationale, d’analyser les mesures fiscales mises en œuvre depuis dix ans, de solder les comptes et de constater, notamment, cette véritable explosion de la dette publique qui est allée de pair avec la croissance des avantages fiscaux consentis aux plus aisés et aux plus grands groupes : 600 milliards de plus en cinq ans !

Les 1 313 milliards d’euros cumulés de la dette de l’État font le bonheur de bien des spéculateurs !

Solder les comptes, oui, et définir, d’ores et déjà, les nouvelles priorités de l’action publique et les nouveaux usages de l’outil budgétaire.

Notre démarche, en la matière, est claire. Notre groupe entend apporter sa contribution aux changements en cours, en rendant plus efficace ce projet de loi de finances rectificative.

Nous estimons pour notre part que, à l’instar des dispositions votées et des choix opérés cet automne par la majorité sénatoriale lors de la discussion de la loi de finances pour 2012, le présent collectif budgétaire doit constituer une sorte de « manifeste » politique de la nouvelle majorité parlementaire.

La majorité de gauche du Sénat avait, alors, dégagé 30 milliards de ressources nouvelles, tirées d’une plus juste imposition des hauts patrimoines comme des entreprises. Je crois qu’il y avait et qu’il y a toujours, dans le travail alors accompli, du « grain à moudre » pour ce qui nous occupe aujourd’hui.

Ce projet de loi contient un certain nombre de mesures, au demeurant perfectibles ; c’est le sens du travail que nous pouvons mener, au travers des amendements, sur le texte lui-même, qui trace d’ores et déjà de nouvelles perspectives.

Le tout porte sur 7 milliards d’euros de recettes nouvelles, en net. Nous pourrions faire mieux, pensons-nous, mes chers collègues.

Nous souhaitons dès maintenant libérer la future loi de finances de quelques-unes des contraintes posées par la « revue de détail » du passé qu’elle risque fort d’incarner.

Des mesures essentielles de cadrage, portant sur l’imposition des revenus, des patrimoines et des entreprises, visant notamment le retour à l’égalité de traitement entre grands groupes formés à l’optimisation et parfois à l’évasion fiscale et PME respectueuses des règles du jeu, peuvent être prises dès maintenant.

Certains de nos amendements, portant sur l’impôt de solidarité sur la fortune, sur les modalités de l’impôt sur les sociétés, sur l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et son application, participent de cette démarche et de celle qui sous-tendra fondamentalement le projet de loi de finances pour 2013.

L’activité parlementaire la plus récente, notamment le fort intéressant rapport de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale – selon lequel l’État perdrait 40 à 50 milliards d'euros par an –, les éléments que nous ont fourni les rapports commandés à la Cour des comptes, l’évaluation du dispositif des heures supplémentaire, du crédit d’impôt recherche ont d’ores et déjà largement pourvu notre assemblée des outils de mesure et des propositions les plus susceptibles de répondre aux questions qui nous sont posées.

Justice fiscale, équilibre de notre système de prélèvements obligatoires, efficacité économique de nos choix fiscaux, valorisation et appui des comportements économiques responsables, pénalisation des attitudes parasitaires et du gaspillage des deniers publics : voilà ce qui doit nous guider dès maintenant.

Le changement, c’est maintenant.

Et le changement, c’est ici, dans le cadre de nos débats, sur la base de la discussion libre et ouverte, de l’exposé des propositions et des idées, que nous pouvons lui donner corps, dès ce collectif budgétaire.

Si nous souhaitons, mes chers collègues, parvenir avec ce texte à réduire le plus possible le déficit budgétaire de l’État, ce n’est pas seulement parce qu’il nous faudrait répondre ainsi à quelque contrainte extérieure. C’est également parce que nous estimons que ce n’est pas aux comptes publics de porter éternellement tout le poids du soutien à l’économie, qui s’est par trop souvent traduit, pendant une bonne quarantaine d’années, à la fois par une austérité généralisée pesant sur le plus grand nombre et par une longue série d’adaptations successives de notre législation fiscale.

Des inégalités de traitement entre entreprises, des inégalités sociales de plus en plus insupportables sont le produit de ces choix antérieurs, source de profonds et graves handicaps pour le pays tout entier.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Foucaud.

M. Thierry Foucaud. J’en ai fini, madame la présidente.

C’est pour y remédier, autant que faire se peut, que notre groupe participera à la discussion de ce collectif budgétaire.

Il y a, dans notre pays, mes chers collègues, des attentes sociales, des inquiétudes, des aspirations jusqu’ici réprimées qu’il nous faut entendre, prendre en compte et que nous devons traduire dans notre travail législatif.

Quatre millions de chômeurs, plus d’un million de mal-logés, des millions de salariés peu ou mal rémunérés, des parents inquiets pour le devenir professionnel de leurs enfants encore scolarisés, des élus locaux courageux mais par trop démunis pour répondre aux attentes sociales de leurs administrés, tous attendent des signes forts de la nouvelle majorité parlementaire, dans sa pluralité et sa diversité.

Et c’est à la lumière des avancées réalisées quant au contenu du texte issu des travaux du Sénat, qui, nous n’en doutons aucunement, seront précis, sérieux et argumentés, que nous apporterons un soutien vigilant au présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste et sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, messieurs les ministres, à l’occasion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012, je me réjouis pour ma part des grandes orientations retenues par le nouveau Gouvernement, qui met la justice fiscale au centre de sa stratégie de redressement des comptes publics ; toutefois, je ne peux que constater également que la situation économique, tout comme celle de nos finances publiques, est tout aussi délicate qu’il y a quelques mois.

En effet, mes chers collègues, nous vivons des instants difficiles et le risque de l’emballement de la dette nous oblige plus que jamais à ériger en priorité absolue l’assainissement de nos comptes publics et le retour à l’équilibre pour l’horizon 2017. La réduction du déficit est primordiale. C’est désormais une question qui touche au fondement même de notre souveraineté.

Au regard du contenu du présent texte, je voudrais insister principalement, messieurs les ministres, sur trois sujets qui tiennent à cœur aussi bien aux membres du RDSE qu’aux radicaux de gauche, ma famille politique : il s’agit d’abord de l’abrogation de la TVA sociale, ensuite de la taxe sur les transactions financières et, enfin, de la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.

Je tiens tout d’abord à souligner l’importance de l’article 1er, qui vise à abroger la TVA sociale.

Cette mesure qui nous avait été présentée, souvenons-nous-en, comme un tournant décisif en faveur de la compétitivité et de l’emploi aurait eu, en réalité, un impact très limité, pour ne pas dire nul, sur la compétitivité de nos entreprises. En effet, comme de très nombreux économistes l’ont souligné, les 13,2 milliards d’euros de baisse de cotisations familiales, dont, il faut le rappeler, seulement un quart concernait le secteur industriel, n’étaient pas en mesure d’exercer un quelconque effet positif sur notre compétitivité.

M. Yvon Collin. D’ailleurs, le coût du travail, certes élevé dans notre pays, n’est pas la principale cause de notre retard sur ce plan ; c’est la compétitivité hors prix qui nous fait défaut et qu’il faut encourager en soutenant d’abord et avant tout l’innovation si nous souhaitons un jour, monsieur le ministre, jouer à armes égales avec des pays comme l’Allemagne. Je rappelle ici, mes chers collègues, que les exportations de l’Allemagne continuent de prospérer tandis que notre déficit commercial bat chaque année de nouveaux et tristes records puisqu’il s’élevait à près de 70 milliards d’euros pour l’année 2011.

Mais la baisse des charges sociales compensées par une hausse de la TVA et de la taxation des produits du capital ne constituait ni une TVA compétitivité ni une TVA anti-délocalisation. Car la répercussion de cette mesure sur les prix des produits français, censés baisser par rapport à ceux des produits importés, était incertaine quant à ses effets, et ce pour plusieurs raisons.

Et d’abord parce que les entreprises auraient très bien pu augmenter leurs marges plutôt que de répercuter cette diminution du coût de production sur le prix des produits.

Même si elle s’était réalisée, cette baisse des prix aurait été minime, de l’ordre de 0,4 % à 0,8 %. Il semble donc bien difficile, avec toute la bonne volonté du monde, de croire qu’une telle mesure aurait permis de lutter contre les délocalisations.

Enfin, nous savons bien que les produits importés ne peuvent pas parfaitement, monsieur le ministre, se substituer aux produits français.

L’accroissement de 1,6 point du taux normal de TVA aurait donc conduit à une augmentation considérable du coût du panier des ménages, en particulier des plus modestes.

Il était par conséquent essentiel d’abroger cette mesure avant même son entrée en vigueur, afin de ne pas affecter davantage le pouvoir d’achat des ménages, déjà en berne. Les derniers chiffres de l’INSEE font état d’un recul de 0,1 % en 2011 et prévoient pour 2012 la plus forte chute du pouvoir d’achat depuis 1984, de l’ordre de 1,2 %. C’est précisément cette chute que nous devons enrayer avec ce premier train de mesures, et tel est bien votre objectif, monsieur le ministre.

Quant au prétendu « matraquage des classes moyennes » évoquées comme un slogan par nos collègues de l’opposition, faut-il leur rappeler que les mesures qu’ils ont soutenues et adoptées, à commencer par cette TVA sociale, ont ou auraient eu sur les ménages de notre pays un impact beaucoup plus grave, en particulier sur les plus modestes ? Or ces derniers ne sont pas touchés par les dispositions du présent collectif, et nous nous vous en donnons acte, monsieur le ministre.

Cependant, qu’il me soit permis de vous suggérer, pour couper court à toute critique, d’être plus précis sur la définition de la notion de « classes moyennes ». Qui sont les Français et les ménages qui en font partie et combien sont-ils ? En effet, le flou sur cette notion profite toujours à l’opposant.

Je voudrais à présent revenir sur la taxe sur les transactions financières adoptée sous la précédente législature et dont le présent projet de loi de finances rectificative prévoit de doubler le taux.

Comme vous le savez, mes chers collègues, je suis un défenseur de la première heure d’une telle taxation puisque j’avais déposé, avec les membres de mon groupe, une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, texte que mon groupe avait fait inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée il y a déjà plus de deux ans, le 23 juin 2010.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Yvon Collin. Merci, monsieur le rapporteur général !

Plus récemment, la nouvelle majorité sénatoriale à laquelle j’appartiens avait introduit dans le projet de loi de finances pour 2012 une autre taxe sur les transactions financières, plus ambitieuse que celle qui avait été finalement retenue par le gouvernement Fillon avec le soutien de sa majorité à l’Assemblée nationale, devenue depuis l’opposition.

Et puisque ce collectif budgétaire ne remet pas en cause cette version de la taxe sur les transactions financières, je tiens à réitérer les inquiétudes formulées par notre excellent rapporteur général de l’époque Nicole Bricq, qui est désormais une non moins excellente ministre. Elle soulignait que le dispositif « peu ambitieux » de la taxe française, lequel ne visait que les transactions sur actions, était « le plus petit commun dénominateur entre tous les États membres » et pourrait bien se révéler « contre-productif ».

En effet, plutôt que de suivre la proposition de la Commission européenne, les États membres pourraient bien se contenter d’une taxe « a minima », sur le modèle du fameux « droit de timbre britannique », mais dans une version affaiblie, comme celle qui a été adoptée par la France, dont « le seul but serait le rendement budgétaire au détriment d’objectifs de régulation ».

C’est pourquoi, monsieur le ministre, il me paraît essentiel de ne pas perdre de vue l’objectif d’instaurer une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse et véritablement efficace, avec une assiette large et un taux faible. C’est ce type de taxe que nous devons mettre en place en France et dans les autres pays européens pour dissuader la spéculation et stabiliser les marchés financiers. C’est dans cet esprit que plusieurs membres de mon groupe et moi-même vous proposerons un amendement sur cette question.

Enfin, je dirai quelques mots de l’esprit des articles 11 à 15, dont l’objet est de lutter contre les pratiques abusives d’optimisation fiscale de certaines grandes entreprises qui ont pour conséquence directe des pertes de recettes non négligeables pour l’État.

Le dernier rapport de la Cour des comptes souligne le risque important de moins-values en recettes lié à la faiblesse du produit de l’impôt sur les sociétés. La crise explique certainement en partie ce faible rendement, mais son effet est aggravé par le comportement de certaines entreprises qui « contournent » la loi pour réduire le montant de l’impôt dû. Cela n’est plus acceptable ! Et il nous appartient, en tant que parlementaires, de réagir et d’y mettre un terme. Les mesures proposées par le Gouvernement, dont certaines ont été remaniées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale pour renforcer leur sécurité juridique et accroître leur portée, vont dans le bon sens.

Il faudra cependant poursuivre cet effort, au regard notamment des travaux de notre commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, à laquelle j’appartiens, et qui vient tout juste, aujourd'hui même, de rendre public son rapport, dont il convient de saluer la qualité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif budgétaire constitue, dans l’ensemble, un bon « début » sur le chemin du redressement de nos finances publiques. Même si, selon nous, le projet de loi de finances rectificative peut encore être amélioré par les travaux du Sénat, et je pense à certains de nos amendements, la grande majorité des membres du RDSE apportera son soutien à ce texte. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, je regrette que M. le ministre du budget s’absente juste au moment où l’opposition vient à parler. Mais c’est bien sûr un hasard…

Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui revêt une importance toute particulière.

Premier grand projet de loi du quinquennat de François Hollande, il est, dans le contexte de grave crise que nous connaissons, le texte qui met en œuvre les premières mesures budgétaires et fiscales décidées par la nouvelle majorité présidentielle et parlementaire.

Il va donner le « la » du quinquennat. Eh bien, force est de constater que ce « la » est dissonant. La gamme de mesures proposée par le nouveau chef d’orchestre Ayrault est en disharmonie totale avec les belles paroles du compositeur Hollande pendant la campagne électorale. Gageons que cette mise en musique quelque peu disharmonieuse ne saurait trouver grâce aux oreilles du public le plus averti.

Le changement de tonalité date du 14 juillet dernier, lorsque le Président de la République a pour la première fois clairement parlé des efforts que devront supporter les Français.

Il avait pourtant fondé toute sa campagne sur un leitmotiv, celui de la justice fiscale, et il avait fait croire aux Français que seuls la finance et ceux qu’il appelle « les riches » seraient davantage mis à contribution.

Mais la réalité est tout autre.

La réforme fiscale que vous proposez, monsieur le ministre, impactera fortement le pouvoir d’achat des classes moyennes et même des classes populaires, avec la suppression des exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires, la remise en cause de la participation via la hausse du forfait social ou encore la baisse de la franchise d’impôts sur les successions.

Vous stigmatisiez Nicolas Sarkozy en le qualifiant de président des riches, mais François Hollande, c’est le président des impôts, et des impôts pour tous ! (M. Jacques-Bernard Magner s’exclame.)

Mme Françoise Cartron. C’est caricatural !

M. David Assouline. Vingt-cinq nouvelles taxes créées sous Sarkozy !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’impôt est le seul moyen que vous avez trouvé pour réduire nos déficits. C’est la solution de facilité ! Le vrai courage aurait résidé dans les coupes budgétaires, les réductions de dépenses, les économies.

Certes, vous prévoyez qu’en 2017 l’effort aura porté à hauteur de 50 % sur les dépenses et 50 % sur les recettes.

M. David Assouline. La droite, c’est la taxe !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais comment vous croire, monsieur le ministre ? En effet, jusqu’en 2014, il n’y a pratiquement aucune économie de dépenses ! Et, en 2012, vous portez atteinte au pouvoir d’achat des ménages et à la compétitivité des entreprises en prévoyant d’augmenter comme jamais le niveau de leur taxation.

Monsieur le ministre, que ferez-vous en 2013 lorsqu’il s’agira de trouver plus de 30 milliards d’euros ? Et, question primordiale, la trajectoire de ce collectif sera-t-elle poursuivie l’année prochaine ?

Je ne parle même pas de nos compatriotes les plus fortunés, qui, sans plus aucun système de plafonnement, vont se voir pour certains taxés de manière totalement confiscatoire, au-delà de leurs revenus disponibles, c’est-à-dire à plus de 100 % ! Cela soulève immanquablement un problème de constitutionnalité.

Le niveau des prélèvements obligatoires en 2013 atteindra plus de 46 % du PIB, un record ! Nous serons à plus de dix points au-dessus du niveau de prélèvements des Allemands ! Alors quid de la convergence fiscale franco-allemande ? Il faudra bien répondre à cette question et, de mon point de vue, il y a urgence.

L’effort sur les dépenses ne sera engagé qu’à partir de 2014. Pourquoi donc attendre, monsieur le ministre ? La dégradation de la conjoncture économique dans les prochaines années n’est pas une hypothèse irréaliste. La Cour des comptes, dirigée par le socialiste Didier Migaud, vous l’a portant clairement indiqué : l’effort doit porter autant sur la dépense que sur la recette.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas le cas ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Non, ce n’est pas le cas !

Non seulement vous n’en tenez pas compte, mais, mieux encore, vous augmentez certaines dépenses !

Vos premières semaines d’exercice du pouvoir me font penser à la fable La cigale et la fourmi de La Fontaine : vous dépensez, ne faites aucune économie, en nous disant qu’il sera toujours temps d’en faire plus tard, à partir de 2014.

Mme Françoise Cartron. On fait les économies que vous n’avez pas su faire !

M. David Assouline. Six cents milliards d’euros de dette en plus sous Sarkozy !

M. Jean-Pierre Caffet. Et avec vous, c’est la fable Le loup et l’agneau ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. J’ai bien peur que, si la crise dure encore quelques années, les Français ne se trouvent fort dépourvus ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Vous proposez la hausse du SMIC, de l’allocation de rentrée scolaire, des effectifs de la justice, de l’intérieur et de l’éducation nationale, avec la création des premiers postes dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Vous souhaitez procéder à des extensions incompréhensibles de niches fiscales avec la réduction de la TVA sur le livre et le spectacle vivant. (Même mouvement.)

M. David Assouline. Pour vous, l’exception culturelle, c’est une niche ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. À cette liste non exhaustive, nous pouvons ajouter par exemple les 30 millions d’euros attribués au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, qui n’en a vraiment pas besoin, le recrutement de personnel pour Pôle emploi ou les 150 000 emplois d’avenir, qui, à eux seuls, vont coûter plus de l milliard d’euros, selon certains chiffrages.

Et pourtant, vous affirmez, monsieur le ministre, que vous allez respecter les normes « zéro volume » et « zéro valeur ». C’est de l’affichage !

Vous proposez des équations insolubles : maintien de la masse salariale, maintien des effectifs, maintien du pouvoir d’achat des fonctionnaires (Mme Christiane Demontès s’exclame.) ; François Marc, notre rapporteur général, l’a réaffirmé dans la présentation de son rapport en commission. Là encore, j’aimerais que vous m’expliquiez comment vous allez procéder.

Le Premier président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud, a pourtant clairement insisté sur ce point lors de son audition en commission des finances le 4 juillet dernier : soit on maintient le point d’indice et on baisse les effectifs, soit on maintient les effectifs et on touche à l’avancement des fonctionnaires. C’est lui qui l’a dit !

Quant à baisser la TVA dans certains secteurs, c’est ouvrir la boîte de Pandore ! Expliquez-moi en quoi le secteur du livre ou celui du spectacle vivant ont une utilité économique supérieure à ceux de l’hôtellerie-restauration ou du bâtiment, dont vous souhaitez augmenter le taux de TVA dans les prochains mois. (M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.) Même si les montants en jeu ne sont pas les mêmes, c’est une question de principe !

La réponse est claire : vous voulez privilégier votre électorat !

M. Joël Billard. Voilà ! La malice !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Fonctionnaires, artistes, enseignants, intellectuels de gauche : quand il s’agit de leur faire plaisir, la discipline budgétaire s’évapore ! (M. David Assouline proteste.)

Mme Christiane Demontès. Et vous, qu’avez-vous fait pendant ces dix dernières années ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En tout cas, l’idéologie prime la responsabilité et l’intérêt général.

Ce début de quinquennat me fait penser au début des années Mitterrand. Cela a duré deux ans avant le tournant de la rigueur. Mais, dans le contexte de crise actuel, tout va beaucoup plus vite, les mesures ne peuvent attendre ; aussi, j’ai bien peur que le tournant de la rigueur ne se répète, et ce dès le budget de cet automne.

M. David Assouline. Nous devons trouver 33 milliards d’euros !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Supprimer l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, c’est inciter au renoncement à ces heures supplémentaires et c’est donc un retour aux 35 heures que nous avions cherché à assouplir. Vous ne démordez toujours pas de votre idée de partage du travail, qui, nous l’avons constaté, ne fonctionne pourtant pas, ni en France, ni ailleurs. Personne n’applique un tel système !

Mme Christiane Demontès. Travailler plus pour gagner plus, cela a drôlement bien fonctionné…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est également encore par pure idéologie que, dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinons, vous détricotez ce qu’a fait le précédent gouvernement, même si vous reconnaissez qu’il fallait le faire !

Nous allions baisser les charges sur les entreprises à partir du 1er octobre. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Ils allaient le faire…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous supprimez cette mesure tout en reconnaissant, pour la première fois, que la compétitivité est liée au coût du travail.

François Hollande prône davantage de soutien à la croissance quand il est hors de France, mais le gouvernement qu’il a nommé renonce à des mesures qui indéniablement vont dans ce sens.

Vos premières semaines de pilotage de nos finances publiques et vos premières mesures me font penser à une course automobile : François Hollande serait le patron de l’écurie France, avec Jean-Marc Ayrault comme pilote dans une dure compétition internationale.

La voiture grecque serait au bord de la sortie de route – disons les choses clairement ! –, la voiture espagnole est en feu, au propre comme au figuré, et la voiture italienne est en très grande difficulté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Germain. Fillon dans le fossé !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Notre principal concurrent serait la voiture allemande, plus puissante, mieux réglée mécaniquement et plus légère,…

M. David Assouline. Et la prime à la casse ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … la voiture française étant, elle, alourdie par le poids de ses charges sociales et de ses prélèvements obligatoires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

La ligne d’arrivée est connue : c’est l’équilibre des comptes publics. La question est la suivante : toutes les voitures réussiront-elles à la franchir, et ce dans les temps impartis ? (M. François Rebsamen s’exclame.)

M. Jean Germain. Avec Fillon, on a vu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quant aux étapes de la course, elles sont connues : 4,4 % de déficit public en 2012, 3 % en 2013, une ligne d’arrivée qui devrait être franchie en 2017 – pour notre part, nous avions d'ailleurs préféré 2016.

Ces étapes sont spécifiées par le règlement de course,…

M. David Assouline. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … en l’occurrence la loi de programmation des finances publiques, conformément au souhait de la « fédération automobile internationale », située à Bruxelles.

Mais le problème spécifique de la voiture française, c’est qu’elle a un nouveau pilote, qui suit les indications parfois contradictoires de son patron d’écurie, lequel semble ne pas avoir de stratégie très claire. Dès le début de son parcours, le pilote a adopté un style de conduite pour le moins erratique, fait de virages, de zigzags, de reculs (M. François Rebsamen s’exclame.), voire de contresens et de sens interdits. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Les commissaires de la course, que sont la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et la Commission européenne, ont beau agiter le drapeau et lui indiquer la bonne route, rien n’y fait : le pilote ne la suit pas. Le doute s’installe maintenant sur la capacité de ce dernier à franchir les étapes dans le temps imparti et les agences de notation, en gendarmes vigilants, pourraient le rappeler sévèrement à l’ordre s’il prenait trop de sens interdits ou de contresens dangereux !

D'ailleurs, les reculs sont extrêmement nombreux.

Le candidat François Hollande nous avait bien promis de mettre l’Allemagne au pas de la France, de renégocier le traité budgétaire. Au final, le Président de la République, une fois élu, a rapidement reculé sur les eurobonds. On n’en parle plus !

M. David Assouline. Et les europrojects ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a en outre accepté d’adopter le pacte budgétaire européen contenant la règle d’or. Pourtant, la proposition n° 11 du programme présidentiel spécifiait explicitement : «Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 […] ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était vite dit !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le Président de la République a beau se défendre en prétendant avoir relancé la politique de croissance en Europe, la réalité est bien moins triomphale.

Les quelque 55 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés à des mesures destinées à dynamiser la croissance – sur les 120 milliards d’euros, en fait déjà décidés depuis six mois ; tous ceux qui suivent les affaires européennes le savent – seront vraisemblablement saupoudrés sur l’ensemble de l’Union européenne et la France ne devrait quasiment rien récupérer au final.

Ces 55 milliards d’euros sont aussi à mettre en regard des 39 milliards d’euros du plan de relance français de 2009. À l’époque, la gauche avait pourtant jugé ce montant bien trop faible pour permettre un redémarrage de la croissance. Il représentait quand même 2 % du PIB, soit le double du total des mesures annoncées par l’Union européenne dans le pacte de croissance.

Alors que le projet de loi de finances rectificative devrait décliner le programme fiscal de François Hollande, force est de constater que l’exercice de la réalité a déjà obligé ce dernier à reculer sur un certain nombre des promesses les plus emblématiques de sa campagne.

Ces mesures, comme la taxation à 75 % des ménages les plus fortunés, sont repoussées à l’automne, voire à plus tard encore – je pense en particulier au doublement du plafond du livret A, qui ne bénéficierait qu’aux 9 % de détenteurs les plus fortunés. Certaines mesures sont même abandonnées : c’est notamment le cas de la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, permettez-moi de faire plusieurs remarques pour conclure.

Premièrement, si vous avez appelé au changement dans votre programme présidentiel, vous l’avez fait sur la base de mensonges. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Claude Frécon. C’est Nicolas Sarkozy qui a proféré des mensonges !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Avec ce collectif budgétaire, vous nous présentez la première facture. Je le dis très clairement aux Français : il y en aura d’autres ! En tout état de cause, celle-là est particulièrement salée pour les classes populaires et pour les classes moyennes.

M. François Rebsamen. Vous nous avez laissé une facture de 7 milliards d’euros !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Deuxièmement, ce collectif budgétaire comporte beaucoup de zones d’ombre. Certaines ont été levées lors de la discussion à l’Assemblée nationale, comme sur les heures supplémentaires.

Sur les cotisations sociales ou patronales, vos projets n’étaient vraiment pas clairs. Vous ne nous disiez pas la vérité !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vrai. La question de la date d’entrée en vigueur de la mesure et de son éventuelle rétroactivité en témoigne.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Néanmoins, d’autres zones d’ombre subsistent, que nous tâcherons de lever ici.

Troisièmement, en l’état, ce collectif budgétaire n’est franchement pas nécessaire.

M. Jean-Pierre Caffet. La France doit respecter ses engagements !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je le dis très clairement : il n’apporte rien aux conditions essentielles de l’équilibre financier. (MM. Jean-Claude Frécon et François Rebsamen s’exclament.) Au contraire, l’idéologie vous pousse à modifier cet équilibre sans en considérer les conséquences. Je répète ici ce que j’ai dit en commission des finances : l’étude d’impact de ce collectif budgétaire, c’est le degré zéro des études d’impact !

Quatrièmement, enfin, à un mécanisme vertueux de récompense et de partage que la précédente majorité avait instauré, vous avez préféré le matraquage fiscal. Vous découragez le mérite et l’effort. C’est un signal dévastateur envoyé aux marchés financiers (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et, surtout, à tous ceux qui pensent que la France a plutôt mieux résisté à la crise que les autres pays.

Vous êtes en train de sacrifier quatre ans d’efforts sur l’autel de votre idéologie ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Vincent Delahaye applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen. (Marques de satisfaction et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Le ton va changer !

M. David Assouline. Place aux propos véridiques ! Moins de mauvaise foi !

Mme Christiane Demontès. Enfin un peu de vrai !

M. François Rebsamen. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons à un débat quelque peu surprenant.

M. François Rebsamen. Voilà à peine plus de deux mois que le Président de la République a été élu et un mois que l’Assemblée nationale a été installée. Or ceux qui ont été au pouvoir pendant dix ans font déjà pleuvoir les critiques.

M. Francis Delattre. Pour la pluie, c’est François Hollande !

M. François Rebsamen. J’ai envie de leur dire : un peu de modestie !

M. Alain Gournac. Ça commence mal !

M. François Rebsamen. M. Marini avait pourtant bien commencé – la modestie n’est pas forcément dans ses habitudes –, avec un discours qui, au début, ne manquait pas de finesse. Toutefois, j’ai trouvé que la fin de son intervention était non seulement sentencieuse, mais aussi désobligeante pour l’une de nos collègues, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour laquelle nous avons beaucoup d’estime.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous ne pouvons pas toujours vous faire plaisir !

M. François Rebsamen. Par ailleurs, vous pourriez garder vos leçons, au moins pendant un temps !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est toute la considération que vous avez pour l’opposition !

M. François Rebsamen. C’est la moindre des choses quand on a gouverné pendant dix ans !

À cet égard, madame des Esgaulx, si nous sommes très contents que le ministre Vidalies puisse être présent parmi nous en cet instant, je regrette comme vous que le ministre du budget ait dû s’absenter. Sachez toutefois que son départ n’a rien à voir avec votre intervention !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais si ! Mais si !

M. François Rebsamen. Madame Des Esgaulx, vous ne pouvez pas dresser un tel constat en trois minutes !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En quinze, voulez-vous dire !

M. François Rebsamen. Vous oubliez un peu facilement le bilan que vous laissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C’est tout de même assez invraisemblable !

Quelle est la situation ? Le ministre du budget l’a tout à l'heure fort bien rappelée. Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, après dix ans de pouvoir, cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy, après un million de chômeurs supplémentaires, un déficit du commerce extérieur et des déficits budgétaires jamais atteints et des mesures d’injustice fiscale, vous venez, deux mois après les élections, nous donner des leçons et nous dire que nous faisons erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Un peu de patience ! Vous aurez le temps de porter jugement !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez cinq ans à votre disposition !

M. François Rebsamen. Soyez assurés que nous essayons de travailler calmement, en établissant des perspectives. Nous ne prenons pas de décisions à la hâte.

De votre côté, vous semblez avoir découvert la compétitivité trois mois avant l’élection présidentielle. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Sur la TVA, vous avez été jusqu’à prendre une mesure applicable en octobre prochain alors que vous étiez au pouvoir depuis dix ans et que vous avez débattu pendant cinq ans de l’opportunité d’une telle mesure !

M. Jacques Mézard. C’est vrai !

M. François Rebsamen. Comment osez-vous maintenant venir nous dire qu’il ne faut pas supprimer la TVA sociale ?

Eh bien, nous, nous allons la supprimer, car nous sommes favorables au pouvoir d’achat…

M. Francis Delattre. Les heures supplémentaires, ce n’est pas le pouvoir d’achat ?

M. François Rebsamen. … et, contrairement à vous, nous ne voulons pas que tous les Français soient taxés !

M. François Rebsamen. Effectivement !

Madame Des Esgaulx, contrairement à ce que vous avez affirmé, il faut bien aujourd'hui adopter une loi de finances rectificative, parce que vous nous avez laissé une facture. Nous devons trouver un peu plus de sept milliards d’euros…

M. François Rebsamen. … pour respecter les objectifs budgétaires qui avaient été fixés, soit un déficit public inférieur à 4,5 % du PIB.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous le savez : le non-respect de cet objectif est dû à la baisse du taux de croissance !

M. François Rebsamen. Avec vous, c’est toujours aux autres qu’incombe la faute ! En tout cas, telles n’étaient pas les prévisions.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le contexte s’est imposé à nous comme il s’imposera à vous !

M. François Rebsamen. Nous verrons ! Vous aurez le temps de critiquer !

M. Francis Delattre. Nous n’allons pas nous gêner !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous nous exerçons dès à présent !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un peu de modestie, monsieur Marini !

M. François Rebsamen. Pour le moment, accordez-nous ne serait-ce qu’un peu de crédit !

Certes, vous devez bientôt désigner vos représentants et, nous le savons bien, celui qui apparaîtra comme le meilleur opposant aura sûrement un peu plus de chances que les autres.

Pourtant, je ne vois pas de candidat ici ! En tout cas, je ne crois pas, madame Des Esgaulx, que vous soyez candidate !

M. François Rebsamen. Je ne sais si c’est un bien ou un mal pour l’UMP ; c’est un autre sujet ! (M. Alain Gournac s’exclame.)

M. François Rebsamen. Toujours est-il que votre manière de vous comporter, après deux mois, en fait après un mois de véritable exercice du pouvoir, n’est tout simplement pas correcte ! Prenez les choses calmement ! Un peu de modestie !

M. Francis Delattre. Nous sommes d’accord sur la modestie !

M. François Rebsamen. Votre bilan, après dix ans de pouvoir – cinq ans de présidence Chirac et cinq ans de présidence Sarkozy –, devrait vous y inciter !

M. Philippe Bas. Dites-nous plutôt ce que vous allez faire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On verra comment la France se porte dans six mois !

M. François Rebsamen. Alors même que, comme Jean-Pierre Chevènement l’a rappelé tout à l'heure, les finances étaient à l’équilibre en 2001–2002,…

M. Francis Delattre. Quel équilibre ?

M. François Rebsamen. … vous nous laissez aujourd'hui une situation catastrophique et vous venez donner des leçons ! C’est quand même incroyable ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Pour notre part, et comme l’indique l’intitulé de ce projet de loi de finances « rectificative », nous allons « rectifier », c’est-à-dire corriger, modifier, amender (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Alain Gournac s’exclament.) : en un mot, « redresser ».

Ce redressement, nous voulons le porter.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est le redressement productif !

M. François Rebsamen. Il portera d’abord sur la justice en matière de charge fiscale, qui doit être justement répartie…

M. François Rebsamen. … entre ceux qui, pendant cinq ans, ont reçu beaucoup d’avantages de votre part et ceux qui, dans le même temps, n’ont rien vu en termes de pouvoir d’achat.

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. François Rebsamen. Telle est la justice fiscale que nous voulons réinstaurer.

Le redressement ne peut s’accomplir sans le retour à l’équilibre budgétaire, la réduction des déficits et le recours à des recettes nouvelles.

En effet, cela a été rappelé, nous devons trouver 7 milliards d’euros pour respecter les engagements qui avaient été pris par le gouvernement Fillon.

En la matière, nous ferons preuve de justice.

Ainsi, nous instaurerons, en 2012, une contribution exceptionnelle sur les ménages ayant un patrimoine de plus de 1,3 million d’euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Exceptionnelle ? Cette contribution durera !

M. François Rebsamen. Nous abaisserons à 100 000 euros l’abattement sur les donations et successions en ligne directe.

Nous doublerons le taux de la taxe sur les transactions financières, en la faisant passer à 0,2 %, tout en gardant la même assiette pour permettre d’avoir un rendement équivalant à ce qui était prévu.

Nous instaurerons une contribution exceptionnelle de 4 % sur la valeur des stocks de produits pétroliers, contribution que mes collègues de la majorité sénatoriale souhaitaient d'ailleurs établir depuis longtemps.

Finalement, nous sommes très heureux parce que nous voyons reprises l’essentiel des propositions en faveur de la justice que nous avions faites au mois de décembre dernier,…

M. François Rebsamen. … qui avaient effectivement été votées ici, et qui n’avaient alors bien évidemment pas été mises en œuvre, car il y avait un peu d’amnésie de votre part.

Quand vous voulez jouer les pompiers pyromanes, nous voulons le redressement et du pouvoir d’achat pour les Français ! (M. Francis Delattre s’exclame.)

Du pouvoir d’achat, vous n’en avez pas du tout distribué pendant cinq ans ; d'ailleurs, la consommation est en baisse. Au demeurant, la TVA que vous vouliez imposer aurait encore amputé le pouvoir d’achat : c’est un peu plus de 11 milliards d’euros qui auraient été prélevés sur l’ensemble des Français.

M. Alain Gournac. La CSG, c’est mieux !

M. François Rebsamen. Étant donné le temps qu’il vous a fallu pour la mettre en place, vous avez beau jeu aujourd'hui de nous reprocher sa suppression, vous qui ne l’avez même pas expérimentée !

Plusieurs sénateurs de l’UCR. Il n’a rien compris !

M. Alain Gournac. À l’école !

M. François Rebsamen. Nous appelons à la sérénité en la matière.

Nous voulons renforcer le pouvoir d’achat, et nous avons pris des mesures en ce sens.

Ainsi, je le rappelle, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, qui portera cette dernière à 356 euros pour un enfant de 6 à 10 ans, contre 284 euros précédemment, et à 375 euros pour un enfant de 11 à 14 ans, contre 300 euros. L’augmentation qui en résulte – vous aimez calculer, nous aussi ! – est toujours supérieure à 70 euros. Voilà qui accroît le pouvoir d’achat des Français !

Le Gouvernement a aussi procédé à la revalorisation du SMIC, ce qui n’avait jamais été fait, par un coup de pouce, certes léger, mais qui améliore concrètement le pouvoir d’achat des Français.

Il a publié un décret visant à l’encadrement des loyers lors de la relocation ou du renouvellement du bail, ce qui concerne 40 % de la population. Encore une mesure en faveur du pouvoir d’achat ! (M. Francis Delattre s’exclame.)

Aujourd’hui, avec l’abrogation de la « TVA compétitivité » et le rétablissement du taux réduit de TVA dans le secteur du livre, par exemple, nous avançons sur le terrain du pouvoir d’achat et de la justice fiscale et sociale.

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. Francis Delattre. C’est le grand bleu !

M. François Rebsamen. Ce choix de faire peser nos mesures sur les ménages les plus aisés, nous le faisons au nom de la justice,…

M. François Rebsamen. … parce que nous voulons et nous ferons en sorte que l’effort soit proportionnel à ce que gagne chacun.

Le redressement se fera dans la justice, pour mettre fin à tous les effets d’aubaine que vous avez créés. Je pense notamment à la gratuité instaurée en faveur des lycéens français scolarisés dans les établissements français à l’étranger : par une mesure électoraliste adoptée en 2007, vous aviez décidé de faire prendre en charge par l’État, à hauteur de quelque 35 millions d’euros par an, les frais de scolarité, quels que soient les revenus des familles. Nous, nous mettrons cette prise en charge sous condition de ressources, parce que nous voulons que cette mesure soit juste ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. François Rebsamen. Mes chers collègues, le redressement exige aussi l’exemplarité au plus niveau de l’État.

M. François Rebsamen. La décision, prise par le Président de la République et le Premier ministre, d’abaisser de 30 % leurs indemnités en est un signe… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’an prochain, ils n’auront plus qu’à payer !

M. François Rebsamen. En 2007, on a augmenté de 180 % les indemnités du Président de la République, aujourd’hui, on les baisse de 30 %,…

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. François Rebsamen. … la différence est là : nous donnons l’exemple à tous les niveaux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le temps des douces promesses de campagne,…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il y en a eu des deux côtés !

Mme Fabienne Keller. … le Gouvernement doit désormais faire face aux réalités.

Monsieur le ministre, vous nous présentez donc votre projet de loi de finances rectificative. Vous avez affirmé la volonté de réaliser des économies : nous en cherchons la trace dans ce texte, mais nous ne la trouvons pas ! (Mme Gisèle Printz s’exclame.)

M. Claude Domeizel. Vous n’avez pas suffisamment cherché !

Mme Fabienne Keller. Ce projet de loi de finances rectificative est ainsi centré exclusivement sur de nouvelles recettes fiscales.

Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat François Hollande promettait une réforme fiscale juste – notre collègue François Rebsamen vient de le rappeler –…

M. Jean-Pierre Sueur. Avec talent !

Mme Fabienne Keller. … une réforme qui toucherait uniquement « les plus privilégiés » d’entre nous. Au final, ce projet de loi de finances rectificative constitue surtout un coup de semonce pour les entreprises et les salariés, je vais m’employer à vous le démontrer.

Tout d’abord, dans la ligne de la brillante démonstration de Jean Arthuis, je voudrais rappeler que la « TVA compétitivité » répondait à deux défis majeurs pour la France : favoriser l’emploi et aider nos entreprises à être plus compétitives. Au moment où le chômage touche trois millions de personnes, ce dispositif devait permettre à 100 000 personnes de retrouver le chemin de l’emploi en trois ans.

Mme Fabienne Keller. Je vous rappelle le principe de cette mesure : basculer d’une fiscalité qui pèse sur l’emploi à un impôt, la TVA, qui porte également sur les produits importés.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. Seul le taux de TVA normal était augmenté, c’est-à-dire que la hausse ne portait pas, pour l’essentiel, sur les produits alimentaires ni sur les produits du quotidien.

En supprimant la TVA compétitivité sans proposer de véritable solution de rechange, le Gouvernement remet en cause un dispositif pourtant équilibré qui aurait permis d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. J’ai d’ailleurs été très étonnée par la démonstration de M. le ministre délégué chargé du budget, qui a fait rigoler les travées socialistes en évoquant un gain « d’à peine 0,4 % à 0,8 % du prix de revient ». Évidemment, ce changement paraît peu important, mais il représente une marge tout à fait significative pour un chef d’entreprise : comment accepter de voir traiter avec autant de mépris un effort sur le prix de revient ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La baisse des prix à la consommation n’est pas significative !

Mme Fabienne Keller. Que dire de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires ? Pendant toute la campagne présidentielle, l’actuel Président de la République n’a cessé de marteler que les efforts devraient être supportés par « les plus privilégiés ». Pourtant, les heures supplémentaires ne concernent pas le « monde de la finance », les « grands patrons » ni les « héritiers », mais bien les neuf millions de Français des classes moyennes, qui verront leur pouvoir d’achat amputé, je le rappelle, de 500 euros par an en moyenne.

M. François Rebsamen. Tout à l’heure, c’était 400 euros !

Mme Fabienne Keller. Au-delà des mots et des chiffres globaux, permettez-moi d’évoquer deux exemples concrets.

Voici la feuille de paie de Catherine, aide-soignante en maison de retraite à Strasbourg : au mois de juin 2012, elle a effectué deux astreintes du dimanche et ainsi perçu 103 euros au titre des heures supplémentaires. Elle ne fait pas partie des privilégiés, et pourtant le Gouvernement a décidé de baisser son pouvoir d’achat ! (Mme Christiane Demontès s’exclame.)

Voici également la fiche de paie de Thierry, ouvrier paysagiste chef d’équipe dans le Bas-Rhin : son entreprise a fait face en juin – c’est la saison ! – à un regain d’activité ponctuel combinée à une absence de personnel. Il est chef d’équipe et ne peut pas facilement être remplacé : il a donc perçu 570 euros pour ses heures supplémentaires.

M. François Rebsamen. Il fallait embaucher !

Mme Fabienne Keller. Il ne fait pas non plus partie des privilégiés, et pourtant c’est bien votre gouvernement qui baissera son pouvoir d’achat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il paiera plus d’impôt sur le revenu !

Mme Fabienne Keller. On ne peut pas embaucher n’importe qui pour le remplacer, monsieur le rapporteur général, parce qu’il possède des compétences qui exigent une formation, un savoir-faire et une expérience.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. En somme, vous avez voulu viser les « plus riches », mais ce sont les plus modestes qui seront touchés ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Christiane Demontès. Et les trois millions de chômeurs ! Et les bénéficiaires du RSA ?

Mme Fabienne Keller. Permettez-moi de rappeler que cette mesure avait aussi l’avantage de faciliter une certaine flexibilité au sein des entreprises, face à la fluctuation de l’activité et du personnel opérationnel.

Ce qui m’inquiète le plus, monsieur le ministre, c’est que votre gouvernement semble s’employer à enterrer toutes les mesures visant à instaurer plus de justice sociale que le précédent gouvernement avait mises en œuvre. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Les salariés sont victimes de ce qui ressemble à une « vengeance fiscale »... (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible !

Mme Fabienne Keller. Mais ce n’est pas tout, mes chers collègues ! D’autres prétendus privilégiés se verront encore taxés davantage : les salariés qui perçoivent les primes d’intéressement, de participation ou de dispositifs de retraite supplémentaire.

Permettez-moi de parler de l’intéressement. Vous savez que ce dispositif permet, après négociation entre les représentants du personnel et de la direction, de construire une convergence d’intérêts entre l’entreprise et les salariés pour la réussite de l’entreprise : si l’entreprise réussit, les salariés en bénéficient.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est chez les Bisounours !

Mme Fabienne Keller. En moyenne, 420 euros par salarié sont redistribués par les entreprises de plus de 50 salariés : 12,2 millions de Français en bénéficient. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

C’est un système « gagnant-gagnant » : gagnant pour le salarié qui bénéficie des fruits de son travail, gagnant pour l’entreprise qui peut ainsi fidéliser et motiver ses salariés. Avec l’augmentation du forfait social, vous instaurez un système « perdant-perdant » (M. François Rebsamen s’exclame.) : soit l’entreprise va mal et des salariés sont licenciés, soit l’entreprise va bien et les salariés sont taxés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec vous, les entreprises qui font des bénéfices licencient !

Mme Fabienne Keller. Le Gouvernement s’acharne à taxer les entreprises en abandonnant une redistribution juste des dividendes : ce sont bien les salariés qui en sont les victimes !

En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative représente 7,2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. J’ai tenté de vous démontrer qu’il ne s’agit pas, dans les faits, de viser les « plus privilégiés », mais qu’il s’agit surtout de taxer la fiche de paie des salariés. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)

M. François Rebsamen. Vous ne le croyez pas sincèrement !

Mme Fabienne Keller. Il y a moins de cent jours pourtant, c’était le temps de la campagne électorale et des promesses, marqué par le discours du Bourget et ce fameux « monde de la finance », qui « n’a pas de nom, pas de visage ». Il s’agissait alors de l’ériger en adversaire.

À la lumière des propositions concrètes du nouveau gouvernement, nous savons désormais quel est le véritable adversaire du Président de la République et du Gouvernement : il a bien un nom, il a des millions de visages, il produit la plupart des biens de notre pays, et pourtant il subit ce projet de loi de finances rectificative. Le véritable adversaire de François Hollande, c’est le monde des salariés et des travailleurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UCR. – Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas crédible, madame Keller !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame Borvo Cohen-Seat, ne soyez pas condescendante ! Respectez vos collègues ! C’est scandaleux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, membre de la commission des affaires sociales, c’est de ce point de vue que je souhaite apporter un éclairage écologiste à ce débat sur le projet de loi de finances rectificative.

Nous avons attendu longtemps, des années durant, un retour à ces deux objectifs de bon sens : rétablir une part de justice sociale dans le système fiscal, ce qui suppose donc de réduire les très grandes inégalités sociales qui se sont scandaleusement accrues en dix ans, et, en même temps, travailler à l’équilibre des finances publiques, dans le respect des générations futures.

Abrogation de la TVA sociale, limitation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires aux seules entreprises de moins de 20 salariés, taxations des revenus immobiliers des non-résidents mais provenant de source française, majoration du taux des contributions sociales sur les stock-options et les attributions gratuites d’action, majoration du forfait social : ces mesures, qui étaient des promesses de campagne du candidat François Hollande, amorcent une réforme du système fiscal qui le rendra plus juste.

Je me réjouis également de l’abrogation de certaines mesures iniques et contre-productives introduites lors du précédent quinquennat : je pense notamment à la réforme de l’aide médicale d’État, l’AME, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir au cours du débat.

Mais, comme nous sommes écologistes – et donc, exigeants –, nous avons fait le choix, sans que cela vienne trahir la confiance que nous portons au Gouvernement, de présenter quelques amendements en vue d’améliorer ce projet de loi de finances rectificative.

En matière de protection sociale, par exemple, nous comprenons bien que l’attention se porte prioritairement sur la recherche, dans l’urgence, de nouvelles sources de financement. Mais la nécessité de colmater les brèches ne doit pas nous couper d’une vision de long terme, sans laquelle nous irons d’urgence en urgence sans construire de perspective cohérente, sans chercher à prévenir les difficultés budgétaires de demain.

Il nous faut ainsi avoir conscience que le « trou » de la sécurité sociale n’est qu’une conséquence d’un problème bien plus vaste, celui, entre autres éléments, de l’épidémie de maladies chroniques, de maladies de civilisation causées par nos modes de vie. Si l’on se trompe de cause, on colmate, mais on ne résout rien !

Quel rapport avec le débat budgétaire, me direz-vous ? Il se trouve que notre système fiscal comporte encore une multitude de subventions, de niches fiscales, qui nuisent à la santé des Français et qui, in fine, pèsent sur nos finances sociales.

Par exemple, est-il admissible, aujourd’hui, que le diesel soit encore subventionné ? La taxe intérieure sur les produits pétroliers, moins lourde sur le gazole que sur l’essence, rapporte 36,5 % de moins aux caisses de l’État par litre de gazole consommé : cela représente au total un manque à gagner de près de 12 milliards d’euros par an, soit la niche la plus importante de notre système fiscal ! De plus, cette niche induit des centaines de millions d’euros de dépenses pour la sécurité sociale, en traitement des nombreuses maladies respiratoires de tous ordres, mais aussi en nombre de journées de travail perdues.

L’Organisation mondiale de la santé, vous le savez sans doute, a confirmé très récemment, le 12 juin dernier, au terme de longues expertises scientifiques, que les particules fines émises par les moteurs diesel sont cancérigènes, estimant le nombre des victimes à 42 000 par an rien qu’en France, puisque notre pays dispose du parc automobile le plus diésélisé du monde.

Une politique durable de financement de la protection sociale doit consister autant à trouver de nouvelles sources de financement qu’à éviter des coûts à venir. Elle doit s’attacher à prévenir les maladies et donc à intensifier les politiques de prévention : tel est le sens de l’un des amendements que mes collègues et moi-même défendrons.

Mais sur ce sujet comme sur d’autres, nous savons également que tous les problèmes ne peuvent être résolus par un projet de loi de finances rectificative, dont il est bon qu’il soit adopté dès l’arrivée du nouveau gouvernement, c’est-à-dire très rapidement. Aussi, notre vote favorable sera un vote de solidarité et d’encouragement, qui ne nous empêchera pas de rester des partenaires déterminés à ce que cette législature soit celle du bon sens en matière sanitaire, comme en matière financière ou environnementale. Rendez-vous à l’automne pour en tirer de plus amples conséquences pour les finances de la sécurité sociale comme sur les finances de l’État ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou. (M. Joël Bourdin applaudit.)

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, je m’adresserai à vous comme si vous cumuliez les responsabilités du budget et des finances. Vous avez trouvé une situation très difficile, dont vous n’êtes que peu responsable. En revanche, les solutions proposées sont de votre entière responsabilité. Faisons preuve d’optimisme, n’excluons pas que majorité et minorité s’accordent sur des solutions beaucoup plus techniques que politiques.

En cette période où l’intérêt du pays voudrait que nous oubliions les querelles politiciennes, la Cour des comptes peut devenir notre juge de paix,…

M. Aymeri de Montesquiou. … puisque vous y avez fait référence plusieurs fois dans votre discours. Elle a conclu son audit en exhortant le Gouvernement à réduire simultanément « non pas un, mais deux déficits : le déficit des comptes publics et le déficit de compétitivité ». Pouvez-vous ignorer ses préconisations ?

Pour réduire les déficits publics, vous connaissez les solutions, elles sont difficiles et le temps est compté. Il ne s’agit pas d’aménagement, de window dressing, il s’agit de mettre en œuvre le changement dont vous vous réclamez, de changer notre cadre économique, financier et social. Ayez à l’esprit ces paroles de Pierre Mendès France : « La seule question est de savoir si vous ferez prévaloir [ces vérités] aujourd’hui, dans un esprit de patriotisme désintéressé, ou bien si elles s’improviseront plus tard, après des souffrances nouvelles que nous pouvons éviter, que nous devons éviter. »

Mes professeurs de sciences économiques Piète et Marchal, l’un pro-keynésien et l’autre anti-keynésien, étaient néanmoins d’accord sur une chose : il fallait une répartition équilibrée du PIB entre l’État, les entreprises et les ménages. Or, votre État obèse phagocyte les deux autres acteurs. Votre projet de loi de finances rectificative accentue la charge démesurée supplémentaire qu’ils doivent supporter. Cela correspond-il à votre concept ?

Vous parlez de maîtrise des dépenses publiques, mais c’est insuffisant et vous le savez, monsieur le ministre. Vous devez faire des économies, réduire le train de vie de l’État. Vous avez ciblé trois ministères dans lesquels le nombre de fonctionnaires doit augmenter. Dans quels ministères supprimerez-vous les dizaines de milliers de fonctionnaires, puisque vous affirmez que leur nombre global sera maintenu ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. Aymeri de Montesquiou. Ayez à l’esprit ce principe repris à son compte par le président Mitterrand, alors que la croissance était très supérieure à celle d’aujourd’hui : « trop d’impôt tue l’impôt. »

M. Jean-Pierre Caffet. Tout à fait !

M. Aymeri de Montesquiou. Comment entreprises et ménages supporteront-ils la hausse des prélèvements obligatoires ? Avec un taux de 45 % du PIB, nous approchons déjà des records mondiaux !

Je vois dans beaucoup de mesures de ce projet de loi de finances rectificative un risque de stériliser notre économie. Vous taxez les plus aisés, avec raison ; c’est un principe de justice, même les conservateurs britanniques l’ont fait. Mais la contribution exceptionnelle sur la fortune créée par ce projet de loi, s’ajoutant à l’ISF, impôt ringard, frise l’impôt confiscatoire. Les seuls dont les revenus vont augmenter, finalement, ce sont les avocats fiscalistes. Ils ont peut-être même voté socialiste, car ils ne sauraient mordre la main qui va les nourrir…

M. Jean Arthuis. Ils sont à Londres !

M. Aymeri de Montesquiou. En Suède, pays qui a retrouvé l’équilibre budgétaire, un gouvernement socialiste a supprimé l’ISF et les droits de succession, estimant que tout le pays bénéficierait de la présence de créateurs, d’entrepreneurs, d’investisseurs, de citoyens riches.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Aymeri de Montesquiou. Vous taxez la participation et l’intéressement à l’entreprise, pourtant mesure de cohésion sociale. Vous remettez en cause le dispositif d’exonération des heures supplémentaires, seul aménagement à l’absurdité des 35 heures. Comment voulez-vous favoriser ainsi la production de richesses, a fortiori leur partage ?

Rien ne figure dans ce texte. Il existerait une solution plus douce, la diminution des dépenses fiscales. Un gisement : les niches fiscales, dont l’existence seule démontre combien notre fiscalité est lourde. Il faut agir fort et vite, soit en suivant la Cour des comptes, soit en les baissant de façon uniforme. Autrement, pour défendre chaque niche, on verra se dresser les lobbies les plus divers.

Un mot sur le climat anxiogène entretenu par les déclarations du Président de la République, le 14 juillet : l’accusation totalement erronée de « mensonge » à propos du groupe Peugeot renforce le « je n’aime pas les riches » du candidat Hollande. Le ton et les mots utilisés par le ministre Montebourg ont, eux aussi, meurtri les entrepreneurs, les dirigeants d’entreprise, les investisseurs. On se croirait revenu au temps de Jules Guesde !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Vous réalisez, monsieur le ministre, l’effet négatif d’une telle atmosphère de suspicion, d’accusation, de condamnation. Prenez plutôt exemple sur la retenue des dirigeants syndicaux qui, eux, ont bien compris la difficulté de la tâche et la bonne volonté du président Varin. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Si la famille Peugeot a touché 78 millions d’euros de dividendes, après deux années sans, elle en a, par le biais d’une augmentation de capital en mars dernier, investi 133 millions. Je ne suis pas leur défenseur, ils n’ont pas besoin de moi, mais, je le répète, ces déclarations blessent et inquiètent tous les entrepreneurs.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !

Un sénateur du groupe CRC. Plus que les licenciés ?

M. Aymeri de Montesquiou. Les 35 heures, le retour pour certains à la retraite à soixante ans, l’illisibilité du code général des impôts sans cesse modifié, l’instabilité juridique… Que pensent nos partenaires européens de ces spécificités françaises qui sont autant de handicaps à notre attractivité, à notre compétitivité, à notre crédibilité ?

La question centrale du coût du travail ne peut être esquivée. L’emploi ne se décrète pas, monsieur le ministre, pas plus que la croissance. Je reprends le chiffre du rapport Sartorius de 2011 : l’écart de compétitivité entre la France et l’Allemagne est de 38 % ! Le différentiel des charges se monte à 80 milliards d’euros ! Le coût horaire du travail est de 35 euros en France, 31 euros en Allemagne, 27 euros en Italie, 20 euros au Royaume-Uni et en Espagne. Croyez-vous vraiment que le coût du travail ne soit pas un problème, alors que tout prouve que le poids structurel des charges et des taxes, alourdi par ce projet de loi de finances rectificative, fera reculer notre compétitivité sans laquelle on ne peut équilibrer notre balance commerciale ?

M. David Assouline. Elle ne peut pas reculer, elle n’existe pas !

M. Aymeri de Montesquiou. Déjà, sous Laurent Fabius, Premier ministre, la holding de Renault, société d’État, avait été délocalisée aux Pays-Bas pour éviter la taxation.

L’abrogation de la TVA sociale, qui devait taxer les produits importés et relancer notre compétitivité, est purement idéologique. Cette mesure est l’exact contraire des recommandations de la Cour des comptes, de l’OCDE et de la Commission européenne.

Cette politique fiscale déconcerte nos partenaires. Elle va à l’encontre d’une convergence européenne. Le Gouvernement doit faire preuve de courage, je sais que c’est une qualité qui n’est pas étrangère à M. Cahuzac et qui ne vous est sans doute pas non plus étrangère, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, en prenant des mesures certes très difficiles, mais indispensables. Affranchissez-vous du dogmatisme, cela vous gagnera l’estime d’une partie de l’opposition qui refuse l’idéologie et choisit l’intérêt du pays.

M. François Trucy. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Le monde apparaît de plus en plus comme un marché ouvert non seulement aux capitaux mais aussi aux hommes, à leur talent, à leur intelligence. Ce que leur offre la France aujourd’hui ne peut qu’inciter certains de nos compatriotes à l’exil, les étrangers à ne pas s’installer dans notre pays. Rassurez tous ceux qui sont tentés par l’exode fiscal en supprimant cette taxation de 75 % au dessus du million d’euros de revenus.

Il y a quelques semaines, Le Point titrait « Fini de rire ». Il soulignait ainsi que le programme développé lors de la campagne électorale n’était pas sérieux face à une situation aussi préoccupante. Ce titre s’adressait aussi à l’opposition, qui devait renoncer à la liturgie convenue, « on s’oppose pour s’opposer ». Les politiques gagneraient en respectabilité en ayant une seule préoccupation : l’intérêt du pays.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, prendre le pouvoir est une chose, gouverner en est une autre. Ignorez ceux qui voudront vous rappeler des promesses étrangères à la réalité.

Afin de rapprocher dans une tentative d’œcuménisme majorité et opposition, avec pour seul objectif l’intérêt général, le radical que je suis citera Saint Augustin : « il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean Arthuis et Vincent Delahaye applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous ne pouvons pas ne pas avoir présente à l’esprit la situation économique de l’Espagne, qui emprunte à des taux importants, ainsi que l’annonce de la dégradation des notes allemande et néerlandaise. Ces faits, qui dépassent nos frontières, doivent apporter une profondeur supplémentaire à notre débat. J’entends par là que nous devons cesser de raisonner « hors-sol », car le désendettement est une problématique non pas franco-française, mais internationale et plus spécifiquement européenne.

Il serait illusoire de croire que nous sommes en mesure d’enrayer seuls la crise de la dette. Au niveau européen, la France a pris des engagements. Ils exercent certes une contrainte sur le pouvoir décisionnel national, mais ils confèrent aussi un rôle particulier à la France, qui se doit de respecter de façon exemplaire ses engagements. Comment oublier que le précédent président de la République, M. Cahuzac y a fait allusion, était allé annoncer lui-même qu’il ne respecterait pas les critères de Maastricht, considérant qu’il pouvait excéder les 3 % de déficit pourtant admis par tous, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives.

Plus que jamais, l’objectif de désendettement se conjugue avec les impératifs de discipline, de coopération et de solidarité avec nos partenaires, car la France ne peut pas se permettre d’agir seule. Elle est un pays de l’Union européenne, fière de l’être et responsable avec les autres pays, et peut-être même plus que ses partenaires, du bien-être des peuples de cet espace privilégié, car en paix depuis des décennies.

Dans ce contexte international et européen, malgré tous les sujets qui nous occupent, à juste titre d’ailleurs, reconnaissez, mes chers collègues, qu’il est un sujet qui tient une position centrale, en tout cas à nos yeux : celui de l’emploi. Je n’évoquerai que ce point, faisant miennes les positions du président de notre groupe, François Rebsamen, après les interventions du ministre chargé du budget et de notre rapporteur général, François Marc.

Un chiffre récent a pu nous surprendre : malgré la stagnation de l’activité, 18 300 postes, selon l’INSEE, ont été créés dans le secteur marchand au premier trimestre de 2012. Pourtant, nous savons tous que cette bonne nouvelle en cache de bien moins bonnes. Les marges des entreprises se sont réduites et elles risquent de chercher à les rétablir dans les mois qui viennent en ajustant leurs effectifs à la baisse, et ce d’autant que ce que l’on appelle des « plans sociaux », que l’on devrait peut-être qualifier de « plans de réduction d’effectifs », ont manifestement été retardés du fait des dernières élections. L’affaire PSA n’est-elle pas emblématique de cette situation ?

Avec plus de 4,9 millions d’inscrits à Pôle emploi, soit un actif sur six, et après un an de montée ininterrompue du chômage, c’est pourtant d’abord sur l’emploi que le nouveau gouvernement, celui que nous soutenons, sera jugé.

Le Président de la République s’est engagé à renforcer les moyens du service public de l’emploi, à hauteur de 1 500 à 2 000 postes en contrat à durée indéterminée – chiffres que vous nous préciserez, monsieur le ministre – : c’est indispensable pour désengorger une machine aujourd’hui asphyxiée, mais cela n’aura guère d’impact sur le niveau du chômage. En revanche, la suppression des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de vingt salariés, mises en place par la loi TEPA, n’est pas du tout anecdotique.

Durant les Trente Glorieuses, on n’avait pas besoin de subventionner les heures supplémentaires : les entreprises accordaient des heures lorsqu’elles en avaient besoin, parce que cela correspondait à la situation de l’époque, et qu’il fallait rapidement ajuster la qualité et la quantité de travail à la demande de production.

Mais dans la situation présente, alors que le chômage est massif, que les suppressions de postes se multiplient et que les capacités de production sont excédentaires au regard de la demande, la France était sans doute le seul pays au monde à avoir institué un système de destruction d’emplois financé par des fonds publics.

Les socialistes n’ont cessé de le dénoncer depuis 2007 : le dispositif sur les heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA, conduisait, pour les entreprises, à rendre les embauches plus chères que le recours aux heures supplémentaires. Nous l’avons déjà dit, et cela sera sans doute répété, ce dispositif freinait l’embauche en période de faible activité. En période de récession, il était une véritable machine à créer des chômeurs.

Pensons à ce qu’ont fait les entreprises allemandes dans le même temps : elles ont réduit le temps de travail pendant que passait l’orage, pour l’allonger une fois l’éclaircie venue.

Certains pays ont supprimé les cotisations appliquées au supplément de salaire offert par l’heure supplémentaire, au motif de l’égalité entre les droits sociaux représentés par une heure normale de travail et une heure supplémentaire. Le précédent gouvernement, au contraire, avait créé une profonde inégalité entre ces deux types d’heure. Les rares pays qui avaient fait de même pour la toute petite fraction de la rémunération procurée par les heures supplémentaires – je pense notamment à l’Italie – ont supprimé ce dispositif, du fait de la période de chômage qu’ils rencontrent actuellement.

De plus, ce mécanisme a démontré son inefficacité totale non seulement en matière d’emplois – il freinait l’embauche et favorisait le chômage – mais aussi en matière d’augmentation du pouvoir d’achat.

Dans la période de crise que nous traversons, ce sont d’abord les Français les plus modestes et, parmi eux, les intérimaires et les travailleurs employés en CDD, qui ont été les premiers à faire les frais de ce dispositif. Le gain de pouvoir d’achat représenté par cette mesure était très inégalement réparti : moins de 40 % de l’ensemble des salariés en ont bénéficié. De plus, les salariés n’avaient aucune prise sur le recours à cet outil : ils faisaient des heures supplémentaires au gré de l’employeur. Au total, le pouvoir d’achat par unité de consommation n’a augmenté que de 0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010. Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012.

Au regard du coût considérable qu’il représentait – 4 milliards d’euros, je le rappelle –, ce système était intenable. Ce sont autant de moyens qui auraient pu être utilisés pour soutenir vraiment l’emploi et le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français modestes, qui en sont privés, le gain de pouvoir d’achat obtenu par ceux qui ont un emploi étant compensé par la perte de pouvoir d’achat subie par ceux qui se retrouvent au chômage.

Il était donc juste, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement supprime ce dispositif.

Pour ce qui me concerne, je suis persuadée qu’il sera compris de tous les Français.

Je voudrais, à ce point de mon intervention, m’écarter quelque peu de mon propos. Mesdames, messieurs les sénateurs, qui a dit que les heures supplémentaires seraient supprimées ?

Mme Michèle André. À entendre certains d’entre vous, je pense notamment à l’intervention de M. le président de la commission des finances, mais aussi à celle de notre collègue Fabienne Keller, on a l’impression qu’il n’y aurait plus d’heures supplémentaires.

Vous avez évoqué la situation de l’aide-soignante, dont l’emploi requiert qu’elle effectue des heures de sujétion, l’amenant à travailler un dimanche.

Mme Christiane Demontès. Elle travaillait avant !

Mme Michèle André. Les heures supplémentaires existaient avant, et elles existeront après, évidemment !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, mais elle percevra moins !

Mme Michèle André. La seule différence est que ces heures seront imposables. Et alors ? Beaucoup de Français ont voté pour le président Hollande en connaissance de cause (M. Jacques-Bernard Magner opine.) : ils savaient qu’ils auraient un effort à faire ! Ils acceptaient ainsi d’y participer, soyons clairs !

Les heures supplémentaires seront donc toujours possibles. Ne faisons pas comme si elles étaient soudainement supprimées.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Payer des impôts quand on touche un salaire est normal !

Mme Michèle André. Voilà ! Quand on touche un salaire, on peut payer des impôts ! C’est d’ailleurs une façon de participer à l’effort pour tous. Je considère que cela sera compris.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette aide-soignante paiera des impôts si elle est imposable ! Si elle est seule avec deux enfants, elle n’en paiera pas.

Mme Michèle André. Ces heures supplémentaires représentent l’équivalent de 400 000 emplois à temps plein sur l’année. En les réduisant de moitié, on peut considérer que l’économie française pourrait créer quelque 200 000 emplois.

En ce qui concerne les emplois publics, le précédent gouvernement avait instauré, dès 2007, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire d’État partant à la retraite sur deux. Les 155 000 postes ainsi supprimés depuis cinq ans dans la fonction publique d’État ont pesé de façon non négligeable sur le marché du travail, et notamment, nous le savons bien, sur les jeunes diplômés. Le nouveau gouvernement est revenu sur cette règle, et c’est bien ainsi.

L’État s’est engagé à subventionner des emplois aidés destinés à certaines catégories de population : les jeunes, les seniors, les demandeurs d’emploi de longue durée, parmi lesquels figurent, nous le constatons, de nombreuses femmes. Ce système n’est certes pas la panacée mais, dans le contexte dégradé que nous connaissons, il pourrait être utile pour permettre à certains publics en difficulté de mettre le pied à l’étrier et d’éviter des situations d’exclusion difficilement réversibles.

Or le nombre de ces emplois reste encore inférieur, pour l’instant, à ce qu’il était en 2007, avant la crise. De plus, en raison – sans doute ! – des élections, les deux tiers de ceux qui étaient budgétés sur l’ensemble de l’année – soit 240 000 sur 350 000 – ont déjà été consommés au premier semestre. Nous remarquons qu’ils s’appliquaient néanmoins sur de très courtes durées. Leurs titulaires sont ceux qui, grosso modo, viendront grossir les bataillons des chômeurs en juin et juillet.

Le nouveau ministre du travail a donc annoncé qu’il reprendrait le dispositif. De nouveaux types de contrats aidés vont être mis en place. Ils sont destinés à aider les associations, ce qui évitera les effets d’aubaine. Ils seront également dirigés vers les publics fragiles que sont les espaces urbains et les grands espaces ruraux sensibles.

Le contrat de génération verra le jour en 2013, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

Je dirai, pour conclure, que les difficultés économiques et sociales sont là. Pour autant, il importe de veiller à la qualité des conditions de travail et au dialogue dans les services publics et les entreprises de notre pays. Nous ne pouvons notamment pas oublier les effets désastreux des suicides commis dans certaines grandes entreprises. Faisons attention aux salariés de notre pays, car c’est de l’énergie et de la confiance de celles et ceux qui travaillent que dépendra aussi, me semble-t-il, le redressement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un premier constat s’impose : le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis aujourd’hui est différent de ceux que le Sénat a eu à examiner ces dernières années.

En effet, pour les derniers gouvernements, tout devait être fait pour accorder des avantages sociaux et fiscaux à ceux qui se situent en haut de l’échelle sociale et, en premier lieu, aux privilégiés de l’argent.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr…

M. Dominique Watrin. Partant du postulat selon lequel l’enrichissement des riches fait ruisseler l’argent dans la société, jusque dans ses couches les plus démunies – quelle tromperie ! –, l’UMP a multiplié les mesures antisociales, en taxant les Français pour exonérer les riches. Voulez-vous, par exemple, que l’on aborde le sujet du bouclier fiscal, de l’allégement de l’ISF et de bien d’autres mesures encore ? Voulez-vous que l’on évoque l’instauration des franchises médicales, l’augmentation des forfaits, la taxation des accidentés du travail ou encore la surtaxe sur les complémentaires santé ?

Si cette politique était fondamentalement injuste, elle a également entraîné l’explosion du chômage. Elle a accru le déficit de la nation et creusé la dette de la sécurité sociale.

Voici le sens de mon propos : ceux qui, dans le passé, ont soutenu sans rechigner une telle politique sont mal placés pour se poser, aujourd’hui, en avocats du monde du travail.

Mme Annie David. Exactement !

M. Dominique Watrin. Venons-en à un point souvent mis en avant par l’opposition dans ce débat. Je veux bien sûr parler de la suppression des exonérations fiscales et sociales accordées au titre des heures supplémentaires, que la droite a votées dans le cadre de la loi TEPA. Pour quelle efficacité sociale ? Sur une échelle allant de 0 à 3, l’Inspection générale des finances a attribué à cette niche sociale particulièrement coûteuse la note de 1, une note, donc, en dessous de la moyenne.

En réalité, ce sont 100 000 emplois, cela a été dit, qui n’ont pas été créés à cause de cet effet d’aubaine. Les caisses de l’État et celles de la sécurité sociale déboursaient chaque année plus de 3 milliards d’euros pour se priver de créations d’emploi qui auraient rapporté des ressources fiscales et sociales, dont nous avons pourtant besoin.

Je ne parle même pas de la trappe à bas salaires que ces exonérations de cotisations patronales créent généralement, puisque, pour en bénéficier, les employeurs sont incités à sous-payer les salariés, avec les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation et par conséquent, au final, sur l’emploi.

Ce n’est certainement pas avec des mesures comme celles-ci, partielles, inefficaces et coûteuses pour le budget de l’État et de notre protection sociale, que l’on peut répondre à la question du pouvoir d’achat, qui reste posée au nouveau gouvernement, et que le groupe CRC n’éludera jamais.

Mes chers collègues, n’oublions pas que, en vingt-cinq ans, 10 % de plus de la richesse créée dans les entreprises ont été accaparés par les actionnaires, au détriment des salariés.

Pour l’heure, nous nous réjouissons d’un projet de loi de finances rectificative qui a le mérite de tourner la page du sarkozysme, de corriger les excès les plus criants, et d’engager les premières inflexions sur la répartition de l’effort contributif.

J’en veux pour preuve l’article 1er, ô combien symbolique, du présent projet de loi de finances rectificative : la suppression de TVA antisociale, qui était, ni plus ni moins, un hold-up d’un montant de 11 milliards d’euros, réalisé sur le dos des ménages.

M. Dominique Watrin. Le projet de loi de l’UMP était clair : réduire la part des entreprises dans le financement de la branche famille en ponctionnant les ménages.

Nous enregistrons avec satisfaction le fait que des mesures votées par la majorité sénatoriale, auxquelles le groupe CRC a apporté sa pierre, aient été reprises dans le présent projet de loi de finances rectificative. Je pense notamment au durcissement de la contribution des entreprises sur les stock-options, les parachutes dorés et les attributions gratuites d’actions. Nous proposerons d’ailleurs d’en faire de même pour les retraites chapeau, dont seule une poignée de personnes profitent.

Là encore, l’article 27 du présent texte, qui porte le forfait social de 8 % à 20 %, impose plus de justice. Nous apporterons d’autres pierres à cet édifice, afin de défendre, par exemple, les centres de santé en difficulté, de favoriser l’égalité salariale entre les hommes et les femmes dans les entreprises, et d’abroger la surtaxe sur les complémentaires santé. Nous y reviendrons si nécessaire.

Oui, nous demeurons convaincus qu’il est impératif d’élargir l’assiette du financement de la sécurité sociale dans le même esprit que celui qui a présidé à l’élaboration du programme du Conseil national de la Résistance, en partant des richesses produites au sein même de l’entreprise. Nous défendons d’ailleurs l’idée d’une cotisation sociale assise sur les masses financières qui se sont progressivement dirigées de la rémunération du travail à celle du capital. Avec cette solution, nous pourrions assurer la pérennité économique de notre système de protection sociale, tout en évitant de recourir au financement par l’impôt – je pense tout particulièrement à la CSG.

Nous tiendrons naturellement ce débat important à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour l’heure, il s’agit d’adopter un projet de loi de finances rectificative qui corrige les excès du précédent gouvernement et permet de dégager des ressources qui seront utiles à celles et ceux que la crise économique et financière continue de frapper. Nous répondrons présents, avec la volonté d’opérer au plus vite les changements nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste. – Mme Aline Archimbaud applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Bourquin.

M. Christian Bourquin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines seulement, lors de l’examen de la loi de règlement par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, le bilan de la situation de nos finances publiques a été dressé. Le diagnostic est sombre.

Un sénateur de l’UMP. Oh !

M. Christian Bourquin. En effet, les dettes accumulées par l’État, qui représentent 86 % de notre PIB, se rapprochent de la barre fatidique des 90 %, taux au-delà duquel les économistes sérieux s’accordent pour dire que le potentiel de croissance économique est fortement émoussé.

Monsieur le ministre, le Gouvernement hérite de surcroît d’une situation plus dégradée que celle qui avait été annoncée. Pour l’année 2012, il doit combler un manque à gagner en recettes et honorer les dépenses non financées inscrites dans le budget initial. Dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qu’elle a rendu au début du mois, la Cour des comptes – elle a beaucoup été évoquée – évalue le manque à gagner entre 6 milliards et 10 milliards d’euros et les dépenses non financées entre 1 milliard et 2 milliards d’euros.

C’est pourtant à partir de cette situation existante que le Gouvernement doit agir. Le recours à une simple intervention esthétique sur les comptes publics – M. le ministre chargé du budget le sait bien – ne suffira pas. L’état du malade requiert une opération lourde, suivie d’une période de rééducation que nous souhaitons tous, évidemment, la plus brève possible.

D’ores et déjà, je constate un changement de méthode dans la construction du collectif budgétaire qui nous est soumis aujourd’hui. Il témoigne de la volonté de prudence du Gouvernement et marque une nouvelle appréhension de ce que doit être le dialogue social.

Tout d’abord, il fait œuvre de sagesse en supprimant une disposition qui avait été créée par le gouvernement précédent alors même – ce point n’a pas été évoqué ici tout à l'heure – que ses propres experts l’avaient jugée aléatoire. Je veux parler de la « TVA sociale », qui aurait dû rester dans les cartons de la Fondation pour l’innovation politique après la publication d’un rapport dit « Besson » en 2007 et des analyses de la Direction générale du trésor et de la politique économique réalisées à la demande de la ministre de l’époque, Mme Lagarde. Le rapport soulignait le risque de voir les entreprises profiter de la mesure pour augmenter leurs marges et donc leurs prix ; les analyses alertaient les décideurs publics sur son effet inflationniste et le faible nombre de créations d’emplois que l’on pouvait en attendre.

Il est regrettable que le gouvernement Fillon ait inscrit envers et contre tous, des années après, cette mesure dans le projet de collectif budgétaire présenté à la mi-février 2012. Il le faisait au nom du courage, prétendiez-vous à l’époque, chers collègues de l’opposition. En réalité, il ne s’agissait là que d’un activisme électoral, d’un affichage déboussolé !

Ensuite, le gouvernement Ayrault rompt avec la frénésie de réformes en matière fiscale qui a marqué le précédent quinquennat. Je ne prendrai ici qu’un exemple, celui de la politique fiscale à destination des plus fortunés, lesquels ont alors fait l’objet d’un traitement de faveur ; vous le niez, sur les travées de la droite dans cet hémicycle, mais telle est bien la réalité, en raison du bouclier fiscal. En 2007, alors que ce dispositif était renforcé, des niches fiscales étaient également consolidées. Aussi, le Conseil des prélèvements obligatoires a relevé que le produit de l’impôt sur la fortune baissait régulièrement depuis 2007 tandis que le patrimoine de ceux qui y étaient assujettis augmentait !

On aurait pu penser que la décision brutale du précédent gouvernement de renoncer au bouclier fiscal procédait d’une prise de conscience, certes tardive, mais non moins salutaire. Il n’en a rien été, puisque cette suppression devait prendre effet non pas en 2012, mais l’année suivante.

En outre, cette décision était assortie d’une contrepartie : un allégement de l’impôt sur la fortune. Ce dernier est devenu particulièrement avantageux pour les patrimoines les plus importants. La simulation présentée dans le rapport du 26 octobre 2011 de la commission des finances du Sénat en atteste : toutes ces réformes et contre-réformes ont abouti au final à rendre l’impôt sur la fortune plus dégressif que jamais.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, de même que beaucoup d’autres, j’ai accueilli avec le plus grand soulagement l’engagement du Président de la République de stabiliser les règles budgétaires. C’est là un gage de lisibilité, donc d’honnêteté élémentaire de la part de l’État. Je m’en félicite d’autant plus que je sais votre volonté, monsieur le ministre, de faire tendre vos réformes vers plus de justice fiscale. Nous savons les Français très attachés à cette valeur de justice, comme ils l’ont manifesté lors des deux derniers scrutins nationaux. Nous devons être justes, pour eux !

Je tiens aussi à saluer le choix du Gouvernement de supprimer, dès le premier collectif budgétaire qu’il a proposé, le ticket d’accès aux soins dont s’acquittent les bénéficiaires de l’aide médicale d’État depuis l’année dernière. Ces derniers sont des patients dépourvus de titres de séjour. Or, nous le savons, – les avertissements des personnels hospitaliers tout comme ceux des auteurs du rapport commun à l’IGAS et à l’IGF rendu public en novembre 2011 ont été très clairs à cet égard – l’existence d’une somme à verser pour l’ouverture du droit à la gratuité de la prise en charge médicale conduit à des renoncements aux soins. Ces pratiques sont non seulement porteuses de risques en matière de santé publique, mais aussi plus coûteuses au final pour la sécurité sociale.

Je me réjouis également de voir notre dispositif d’aide médicale d’État revenir à l’esprit de la loi éclairée du 24 vendémiaire an II. (Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe UMP.)

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Très juste !

M. Christian Bourquin. C’était il y a deux cent dix-neuf ans ! Ce texte disposait que « tout malade, domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru […] ». En fait, nous voulons secourir des êtres humains ! Quoi de plus normal ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)

Pour conclure, je note avec satisfaction le rétablissement du « 1 % formation » versé par les collectivités locales au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, au sein duquel je me suis engagé durant plus de vingt ans. J’étais intervenu sur ce sujet à cette même tribune à la fin de novembre 2011, à l'occasion de la lecture du budget initial pour 2012, mais c’était peine perdue à l’époque, tant la notion de service public était étrangère à vos récents prédécesseurs, monsieur le ministre, voire honnie par eux.

Cette mesure de rétablissement du 1 % procède tout d’abord d’une bonne gestion publique : les collectivités, soucieuses de maintenir le droit à la formation de leurs fonctionnaires, car celle-ci est tout à fait nécessaire, s’apprêtaient à faire appel à des prestataires privés, qui pratiquent à l’évidence des prix bien plus élevés. Cette décision est aussi une mesure d’avenir, puisqu’elle permettra aux collectivités, le moment venu, de bien gérer les nouvelles compétences qui pourraient leur être conférées dès la fin de cette année. Enfin, elle touche, pour la fonction publique territoriale, 1,6 million d’agents. Elle est donc une respiration pour nos collectivités, monsieur le ministre.

Cette méthode de gouvernance et de discussion témoigne, je le répète, de la nouvelle pratique du dialogue social mise en œuvre par le Gouvernement. Celui-ci a su entendre une demande qui lui a été soumise lors de la grande conférence sociale organisée voilà deux semaines, et lui répondre rapidement.

Mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous ici, je suis conscient de la gravité de la situation, mais je crois aux effets d’une nouvelle gouvernance. C’est sur ce point que je voulais insister lors de cette intervention. Et c’est pourquoi j’apporterai, ainsi que la très grande majorité des membres du groupe RDSE, mon soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. Jean Besson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Madame la présidente, mes chers collègues, je suis gêné car je destinais mon propos à notre nouveau rapporteur général de la commission des finances, M. François Marc, qui examine pour la première fois un projet de loi de finances rectificative depuis qu’il a pris ses fonctions. Sans doute nous rejoindra-t-il plus tard…

Je suis également gêné vis-à-vis de vous, monsieur le ministre : en tant que parlementaire, c’est la première fois que, s'agissant d’une loi de finances, je n’ai pas l’occasion de m’adresser à un responsable de Bercy ! C’est tout à fait étonnant. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est le signe du peu de considération du Gouvernement pour le Sénat !

M. Philippe Dominati. L’examen du texte devait commencer par une intervention du ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici. Finalement, celui-ci n’était pas présent.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Des arbitrages budgétaires difficiles sont en cours.

M. Philippe Dominati. Du coup, le ministre délégué chargé du budget s’est exprimé à sa place, puis il est parti.

Or au Parlement l’usage veut que, quand ni le ministre de l’économie et des finances ni le ministre du budget ne sont présents, un membre du Gouvernement lié directement à l’économie et aux finances assiste à notre séance. Nous aurions pu entendre Mme Bricq, par exemple.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela nous ferait plaisir de la revoir !

M. Philippe Dominati. J’ai le sentiment que nous vivons une autre époque que lors de la précédente alternance politique.

M. Michel Delebarre. Venez-en au sujet !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le Sénat est maltraité depuis le début de la mandature !

M. David Assouline. Vous nous faites perdre du temps !

M. Philippe Dominati. Comment s’était passée alors la session extraordinaire ? D’une autre manière ! Nous avions examiné des sujets de fond, comme la réforme des universités,…

M. Philippe Dominati. … le service public minimum, la loi sur la récidive et la loi TEPA. Le Parlement avait eu l’occasion d’aborder des questions politiques importantes.

La présente session extraordinaire est presque vide. À l’ordre du jour n’est inscrite que la loi de finances rectificative, et personne ne s’intéresse à l’économie ! Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il déjà en vacances ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Un sénateur du groupe socialiste. Oh là là !

M. David Assouline. Personne ne croit que le Gouvernement est en vacances !

M. Philippe Dominati. Êtes-vous là pour expédier les affaires courantes ? L’économie intéresse-t-elle le Gouvernement ? J’aimerais avoir une réponse à ces questions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Les mesures emblématiques seront prises à l’automne, nous dites-vous. Soit ! Nous attendrons. Il n'y aura même pas de session extraordinaire au mois de septembre !

Je comprends la gêne du Gouvernement. Tout à l'heure, le ministre du budget avait presque l’air de s’excuser. Il disait que c’était le contexte international qui l’obligeait à présenter une loi de finances rectificative, car il fallait tenir la parole de la France... C’est à croire que ce texte composé d’une trentaine d’articles n'a pas de véritable inspirateur. Mais en réalité, il en a un : l’ancien Président de la République. (M. Henri de Raincourt opine.)

En effet, sur les quelque trente articles, sur les douze mesures de justice et les six qui concernent l’investissement, plus de vingt-deux sont destinés à corriger ou à modifier la politique menée par l’ancien Président de la République et son Gouvernement.

M. David Assouline. C’est cela, le changement !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils ont de la chance d’avoir Sarkozy !

M. Philippe Dominati. Vous n’avez pas d’inspiration. Vous n’avez pas de projet ! Nous attendrons donc l’automne.

La méthode est simple : pour trouver 7 milliards d'euros, vous augmentez d’autant les impôts. Vous prévoyez des dépenses supplémentaires et presque aucune économie, hormis l’abattement sur le salaire du Président de la République et du Premier ministre. Ces 7 milliards d'euros d’impôts deviendront 11 ou 13 lors du prochain projet de loi de finances. Où sont les engagements qui ont été pris ? En effet, monsieur Marc, votre prédécesseur Nicole Bricq et vous-même nous avez expliqué que l’effort serait partagé entre des économies et des recettes nouvelles. Or, dès ce premier projet de loi de finances rectificative, cet engagement n’est pas tenu ; il est bafoué ! Cette réalité est peut-être dure à entendre, mais elle est incontestable.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Caricature !

M. Philippe Dominati. Telle est votre méthode. Vous faites fi de la position de la Cour des comptes. Vous faites fi de la position de l’Inspection générale des finances. Vous faites fi de la position de la Commission européenne. Voilà la loi de finances rectificative que vous nous proposez !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est votre déficit !

M. Philippe Dominati. Avez-vous des cibles ? Il y en a une qui apparaît à l’évidence : le monde de l’économie réelle, celui de l’entreprise. Vous l’avez reconnu devant la commission des finances : quelque 42 % de l’effort seront supportés par l’entreprise, dont vous interpellez tous les acteurs, de la base jusqu’au sommet.

L’entreprise, c’est tout d'abord du capital, qui permet de mettre en œuvre des investissements et de réaliser des exportations. Or nombreuses sont les mesures de ce texte qui portent atteinte au capital.

L’entreprise, ce sont ensuite des cadres et des ouvriers. Or, on l’a vu pour les heures supplémentaires, on le voit à présent avec le forfait social, vous ne leur faites pas de cadeau, prétendument au nom d’une certaine compétitivité. Dans le monde de l’entreprise, celui de l’économie réelle, vous tapez à tous les étages ! Cela traduit votre absence de projet.

M. David Assouline. Et le vôtre ?

M. Philippe Dominati. Nous attendrons l’automne pour connaître votre projet. À l’occasion de l’alternance politique, vous auriez pu faire ce qu’on fait les socialistes dans d’autres pays – je pense à Tony Blair, à Gerhard Schröder –, c'est-à-dire une sorte de révolution intellectuelle d’inspiration libérale. On aurait pu imaginer que la gauche française se modernise. Or il n’en est rien ! Vous en êtes restés au colbertisme le plus élémentaire.

M. Philippe Dominati. On le voit dans le dossier PSA : au lieu d’aider une entreprise en difficulté, vous voulez imposer l’interventionnisme étatique.

M. David Assouline. N’importe quoi !

M. Philippe Dominati. Voilà une entreprise qui produit deux fois plus de véhicules sur le territoire national qu’elle n’en vend sur ledit territoire. Or, au lieu de l’aider, vous lui créez des problèmes !

On le voit également avec la création des nouveaux emplois publics, qui ne sont pas budgétés, comme l’a souligné le président de la commission des finances.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Dominati. Enfin, on le voit dans cette inscription symbolique dans la loi de finances du salaire du Président de la République et du Premier ministre, qui permettra de réaliser une économie de 96 000 euros, je crois. Mais pour atteindre cet objectif, le présent gouvernement compte cinq ministres de plus que le précédent !

Vous ne nous parlez pas du périmètre de l’État, qui reste identique et qui va même sans doute encore s’agrandir.

M. David Assouline. Quel mensonge !

M. Philippe Dominati. Pourtant, tout le monde le sait, les engagements de la France qu’évoquait tout à l'heure le ministre du budget consistent à faire en sorte que notre pays soit plus compétitif en ce qui concerne les prélèvements obligatoires.

Aux termes du rapport que nous avons rendu ce matin, la France est, en Europe, l’économie qui connaît les prélèvements obligatoires les plus élevés.

Vous pourriez faire un effort en matière de flexibilité du travail, car la compétitivité en dépend. Mais vous en êtes bien éloignés, allant jusqu’à refuser d’aborder le sujet.

Comme M. le président de la commission des finances, je vous suivrai cependant sur une mesure, et une seule, mais non des moindres, à savoir l’abrogation de la TVA sociale, à l’article 1er. Mes propos risquent néanmoins de choquer les membres de la majorité présidentielle, car, selon moi, cette mesure va dans le sens du libéralisme.

Je ne suis pas un dogmatique de la TVA sociale. Cette mesure a soulevé des problèmes sur toutes les travées. Elle a été étudiée lors de l’examen de cinq lois de finances sous l’ancienne majorité, sans être toutefois mise à l’ordre du jour. Pour ma part, je ne l’ai pas votée.

M. David Assouline. Vous avez dépassé votre temps de parole !

M. Philippe Dominati. Je ne suis pas le seul, mon cher collègue. Je constate que vous vous montrez bien rigoureux lorsque le propos vous gêne !

Certains ministres actuels ont eux-mêmes proposé la TVA sociale.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Notamment Manuel Valls !

M. Philippe Dominati. Même si le concept était et reste bon, puisqu’il s’est agi de trouver le moyen de diminuer le coût du travail, ce qui, on le comprend, a pu intéresser un certain nombre de mes collègues et de mes confrères, pour autant, alors que les prélèvements obligatoires ont été relevés de 2,5 %, je considère que la mesure proposée va dans le bon sens.

Parce que je suis favorable à une politique qui consiste à diminuer les prélèvements obligatoires et qui va dans le sens du libéralisme, ce mot que vous auriez tort de prendre pour une insulte, chers collègues de la majorité, je vous soutiendrai sur ce point, mais sur ce point seulement ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois articles de ce collectif budgétaire qui concernent la mission « Culture », mais qui sont d’intérêt général, je veux parler de l’éducation, de la scolarité des élèves français à l’étranger et de la TVA à 5,5 %.

Voyons, en premier lieu, l’éducation.

Pour nous, écologistes, la politique dite du « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux » n’a pas pris en compte la spécificité du service public important que constitue l’éducation nationale, elle qui est chargée de former les citoyens du monde de demain et de forger le « vivre ensemble » pour tous.

Depuis 2008, vous le savez, 70 600 postes ont été supprimés dans l’éducation. Les coupes budgétaires n’ont épargné ni les zones rurales ni les quartiers les plus sensibles. Manifestement, les recteurs ont aussi reçu la directive de fermer les établissements de petite taille, lesquels jouent pourtant un rôle fondamental dans l’animation des espaces isolés.

Par ailleurs, la fermeture de certaines classes a obligé des parents à scolariser leurs enfants d’âge voisin dans plusieurs écoles différentes.

À titre d’exemple, en Maine-et-Loire, quarante-quatre classes auraient dû être fermées si des mesures n’avaient pas été prises, ce dont nous nous réjouissons.

L’école ne peut constituer une simple variable d’ajustement budgétaire, sans que soit menée une réflexion sur l’échec scolaire, l’encadrement, les rythmes scolaires, les modalités des enseignements et les relations pédagogiques.

Le Président François Hollande a fait campagne sur l’importance de la jeunesse, d’ailleurs insuffisamment représentée dans cette enceinte. Nous, écologistes, appelons depuis longtemps à la prise en compte des générations futures. Nous ne pouvons donc que soutenir la démarche tendant au renforcement du rôle de la jeunesse. Nous partageons également le constat d’urgence suscité par la casse du système éducatif telle qu’elle a été mise en place et telle que nous la condamnons.

Pour les écologistes, une école tournée vers le futur doit être fondée sur quatre piliers fondamentaux : la famille et la place des parents, l’école et les institutions scolaires – rappelons le manque de 400 000 places en crèche relevé chaque année –, le tissu associatif et culturel, au premier rang duquel figure l’éducation populaire, enfin, les médias, les écrans et l’éducation à la culture qui vont de pair.

J’évoquerai, en deuxième lieu, la scolarité des élèves français à l’étranger.

Promesse médiatique de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, la prise en charge des frais de scolarité pour les lycéens français à l’étranger a été critiquée, depuis sa mise en place, tant pour son coût déraisonnable que pour la rupture d’égalité entre les élèves qu’elle engendre. Nous l’avons trop peu ici relevé, les sommes correspondantes ont été prélevées sur le budget de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et nous le regrettons vivement.

La couverture des frais de scolarité, outre d’autres effets pervers comme l’arrêt de la prise en charge par les entreprises privées, méritait-elle à ce point de mobiliser le budget social et la solidarité d’un État endetté ? Nous ne le pensons pas.

En troisième et dernier lieu, j’évoquerai l’abaissement du taux de TVA de 7 % à 5,5 % sur le livre et le spectacle vivant. Selon nous, cette mesure de bon sens est positive. Nous tenons particulièrement à rappeler notre attachement au prix unique du livre et à ce précieux maillon de la chaîne de la diffusion de la culture que sont les librairies.

Dans l’attente des propositions de la Commission européenne sur la TVA, travailler afin de rendre la culture accessible à tous et à toutes, à tous les niveaux – livres, livres numériques, spectacle vivant – est indispensable et correspond à un bien meilleur choix politique que le développement des niches et boucliers fiscaux, que nous sommes en train de supprimer, d’ailleurs.

Nous, écologistes, souhaitons étudier plus en profondeur, et aux côtés de la majorité, les taux de TVA appliqués à la culture. Nous nous attachons dès aujourd’hui à faire en sorte que le budget ainsi mobilisé soit redéployé au profit de l’accès de tous à la culture et du développement de la culture par et pour tous. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances rectificative me fournit l’occasion de dresser le bilan des choix effectués par la droite pendant dix ans et de rétablir la vérité sur la situation de notre pays. (Murmures sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. Henri de Raincourt. Ça démarre mal !

Mme Christiane Demontès. Attendez la suite !

Cela ne vous étonnera pas, j’axerai particulièrement mon intervention sur l’état des comptes sociaux et m’appuierai sur les derniers travaux de la Cour des comptes et de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

La situation générale de nos comptes sociaux est extrêmement dégradée. Après quatre années consécutives de déficits très élevés - je pense notamment au record de 28 milliards d’euros atteint en 2010 -, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s’est élevé à 20,8 milliards d’euros pour l’année 2011.

Toutes les branches sont dans le rouge. Le déficit s’établit à 8,6 milliards d’euros pour la branche maladie, à 2,6 milliards d’euros pour la branche famille, à 200 millions d’euros pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles et à 2,6 milliards d’euros pour la branche vieillesse, somme à laquelle il faut ajouter les 3,5 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse.

En élisant Président de la République François Mitterrand… (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Albéric de Montgolfier. Vous n’êtes plus en 1981 !

Mme Christiane Demontès. Vous ne commettez jamais de lapsus, chers collègues ?...

En élisant Président de la République François Hollande, la majorité des Français a choisi le changement.

M. Henri de Raincourt. À une petite majorité !

Mme Christiane Demontès. Ainsi que l’a annoncé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le redressement de notre pays est une impérieuse nécessité et il nous faut retrouver l’équilibre de nos comptes publics à l’horizon 2017.

Le présent projet de loi de finances rectificative constitue donc la première étape de la politique économique de redressement dans la justice et illustre cette volonté de changement tant attendue par nos concitoyens et exprimée par le Président de la République.

Ce collectif budgétaire impacte la structuration des recettes et des dépenses.

Pour le régime général de la sécurité sociale, plusieurs dispositions se traduiront par des ressources supplémentaires supérieures à 5 milliards d’euros en année pleine à compter de 2013 et à 1,5 milliard d’euros dès cette année.

La première mesure que je souhaite évoquer à mon tour tant elle est importante concerne l’abrogation du mécanisme de « TVA sociale ». Qu’elle soit dénommée par certains collègues siégeant à droite de cet hémicycle « TVA compétitivité » ou encore « TVA anti-délocalisation », toujours est-il que la hausse de 1,6 % du taux de TVA constituait un transfert des cotisations patronales à la branche famille sur les ménages.

Cette disposition aurait été préjudiciable au pouvoir d’achat des Français. Je pense notamment à nos concitoyens les plus fragiles, à ces ménages modestes peu évoqués sur vos travées, chers collègues de l’opposition,…

Mme Christiane Demontès. … à ceux qui ont du mal à « joindre les deux bouts », qui connaissent des fins de mois difficiles. Voilà ceux dont nous parlons ici.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Précisément ! Et pour qui étaient les heures supplémentaires ?

Mme Christiane Demontès. Mécaniquement, la consommation aurait diminué, avec le risque de contracter le peu de croissance qu’enregistre notre pays et d’accentuer les injustices.

En outre, nous le savons tous et M. Dominati l’a évoqué, l’« effet prix » aurait été totalement marginal et n’aurait pas modifié la compétitivité de nos entreprises.

Je veux rappeler en cet instant que, voilà quelques mois, la commission des affaires sociales, dont je suis membre, a reçu notre collègue Jean Arthuis, qui nous a expliqué, tout comme aujourd'hui, que, pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises, l’augmentation de la TVA devrait être bien supérieure à 1,6 %.

M. Jean Arthuis. Évidemment !

Mme Christiane Demontès. De notre point de vue, c’est donc tout logiquement qu’il est proposé d’abroger cette hausse de TVA tout comme son corollaire, à savoir la baisse des cotisations patronales au titre des allocations familiales.

Parce que la recherche d’une plus grande justice fiscale est au cœur des préoccupations du Gouvernement, la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, qui a pris effet le 1er janvier dernier pour les revenus du patrimoine et le 1er juillet pour les revenus dits « de placement », est conservée. Un rendement de 2,6 milliards d’euros en est attendu en année pleine et un montant représentant 0,3 point du prélèvement social sera affecté à la Caisse nationale d’allocations familiales.

Ce supplément annuel de recettes s’élèvera à 400 millions d’euros dès cette année 2012, soit un peu plus que le coût estimé de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire. Le reste, d’un montant évalué à 400 millions d’euros en 2012 et à 2,2 milliards d’euros par an dès 2013, ira à la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

D’autres dispositions contenues dans les articles 25, 26 et 27 du présent projet de loi visent à réduire les niches fiscales. Je n’insisterai pas sur ce point, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, l’ayant fort bien développé.

Au total, les recettes nouvelles s’élèveront à 5,5 milliards d’euros par an à compter de 2013, dont 4,5 milliards d’euros pour la branche vieillesse, et à 1,5 milliard d’euros dès cette année. Pour le régime général, elles s’ajoutent au relèvement progressif des cotisations d’assurance vieillesse.

Permettez-moi de conclure en mettant particulièrement l’accent sur la branche vieillesse. Étant la plus déficitaire, c’est vers elle que seront dirigées en priorité ces recettes nouvelles, lesquelles devraient permettre, à terme, de couvrir près de la moitié des besoins de financement de la branche.

Néanmoins, mes chers collègues, le déficit structurel ne sera pas résorbé. Souvenons-nous de la réforme des retraites de 2010, une réforme que nous avions dénoncée à l’époque, en raison de son caractère brutal et parce qu’elle avait été imposée sans concertation. Quel changement depuis la prise de fonctions de notre gouvernement ! (Mme Gisèle Printz et M. Jean Besson applaudissent.)

Cette réforme était aussi injuste : 90 % des mesures étaient financées par les revenus du travail ; la situation de certains salariés en a été dégradée. Je pense particulièrement aux femmes, singulièrement aux mères de famille, dont la vie professionnelle a été segmentée. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Cette réforme était également injuste pour tous ceux qui ont commencé à travailler tôt, pénalisés par l’augmentation de la durée de cotisation, injuste pour tous ceux qui connaissent des conditions de travail éprouvantes, voire pathogènes, la droite confondant sciemment pénibilité et invalidité.

Injuste, cette réforme est enfin d’une inefficacité désormais avérée : elle avait pour objet le retour à l’équilibre en 2018, or nous en sommes bien loin ! Pis, le déficit du FSV augmente du fait de la hausse du chômage. Sans changement, à l’échéance 2018, la branche vieillesse enregistrera toujours près de 10 milliards d’euros de déficit annuel, soit près de 90 milliards d’euros cumulés à l’horizon 2020.

Quel bilan, et quelle nécessité de réformer structurellement et justement !

En attendant les prochaines réformes structurelles, le texte que nous examinons aujourd’hui constitue une première étape dans l’entreprise de redressement de notre pays. Il marque la volonté du Gouvernement de faire face sans dogmatisme aux urgences, notamment en termes de redressement des comptes publics et sociaux. En visant notamment les revenus jusqu’alors peu ou pas sollicités, il revient à l’équité.

Ce texte marque aussi la volonté de renouer avec les principes de justice et de solidarité sans lesquels toute entreprise collective est vouée à l’échec.

Ce projet de loi de finances rectificative réoriente enfin notre système fiscal vers plus de justice et plus d’efficacité, et ce au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Parlez-nous de PSA !

M. Serge Dassault. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je vais changer de registre par rapport à ce que nous avons entendu jusqu’à présent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Nous avons l’habitude : nous sommes vaccinés !

M. Serge Dassault. Je ne mettrai pas en valeur le régime précédent ; je formulerai des remarques générales et, si on me le permet, je donnerai quelques conseils.

Le rétablissement rapide de notre équilibre budgétaire dépasse largement ce qui peut nous diviser, car cela concerne notre avenir et celui de tous les Français, quelle que soit leur appartenance politique.

M. Serge Dassault. Nous sommes tous solidaires.

C’est pourquoi je tiens à vous faire des propositions nouvelles. Elles visent à essayer d’éviter à la France la catastrophe financière qui nous menace et nous menacera de plus en plus, monsieur le ministre délégué, si vous continuez à augmenter nos dépenses et nos impôts, contre l’avis de Bruxelles et celui de la Cour des comptes, dont vous ne voulez malheureusement pas tenir compte.

La menace de voir notre notation diminuée et nos taux d’intérêts augmentés est réelle et doit absolument être prise en compte – ce n’est pas le cas ici - car on court aujourd’hui le risque d’une perte de confiance rapide de la part de nos investisseurs et des agences de notation, à la suite des décisions que nous prenons.

L’augmentation des taux d’intérêt qui s’ensuivrait mettrait en cause notre capacité de paiement. Ce serait aussi dramatique pour la France, pour l’Europe et pour l’euro que ça l’est pour l’Espagne actuellement.

Nous sommes sous haute surveillance et le moindre nouveau faux pas nous sera fatal.

M. Serge Dassault. Or, des faux pas, vous en faites beaucoup !

Croyez-vous qu’avoir institué l’impôt sur la fortune ait été bénéfique à notre économie ? Depuis trente ans, 90 milliards d’euros se sont évaporés, avec leurs propriétaires, pour être investis ailleurs. Ne pensez-vous pas que la faible croissance de notre économie en est la conséquence ? Pourquoi persister dans l’erreur et vouloir augmenter les taux de l’ISF que Nicolas Sarkozy était péniblement parvenu à réduire au bout de quatre ans ?

Et la situation ne va pas s’arranger avec vos projets d’augmentations de l’impôt sur le revenu ! Ces augmentations constitueront une véritable spoliation et accéléreront le processus de départ. Si vous maintenez votre projet d’instituer en 2013 une tranche d’impôt sur le revenu à 75 %, à laquelle il faut ajouter les 15 % de CSG, soit 90 %, vous arriverez en effet à une spoliation pure et simple de tous ceux qui font vivre notre économie par leur travail,…

M. Henri de Raincourt. C’est sûr !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Serge Dassault. … les grands cadres, les directeurs, les présidents, qui s’en iront.

Quant à ceux qui ont un patrimoine, ils devront en plus payer l’ISF. Mais avec quoi ? Ils n’auront plus d’argent ! C’est de l’imposition à 120 % ! Aucun gouvernement socialiste ne nous avait imposé cela.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ah, les méchants !

M. Serge Dassault. Si vous spoliez tous ceux qui créent de la richesse et des emplois, vous ne nourrirez pas la croissance tant attendue par notre Président. Au fond, vous êtes en train de tuer la poule aux œufs d or, car l’impôt tue l’impôt. C’est un principe universel.

Vous ne semblez pas non plus vous soucier, pas plus d’ailleurs que vos prédécesseurs, de la catastrophe financière que vous amplifiez en continuant à emprunter chaque année pour réduire les charges et les impôts des contribuables et des entreprises.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela faisait dix ans que la droite était au pouvoir !

M. Serge Dassault. C’est vrai, mais vous continuez, nous continuons !

Vous persistez ainsi à augmenter notre dette avec des emprunts de fonctionnement, ce qui est une erreur financière dramatique, car l’on ne pourra jamais les rembourser. Ces emprunts se renouvelleront chaque année, parce qu’il n’y a pas de limite !

Je peux citer des cas.

Les allégements de charges payées aux entreprises chaque année pour compenser les 35 heures représentent 21 milliards d’euros. On ne le dit jamais : les 35 heures coûtent plus de 20 milliards d’euros par an. On a donc dépensé depuis dix ans 200 milliards d’euros pour rien ! Il faudrait supprimer ces allégements en revenant aux 39 heures, d’une part, pour améliorer notre compétitivité, d’autre part, pour augmenter nos recettes de 21 milliards d’euros, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

Je pourrais aussi citer les allégements de TVA pour la restauration et pour les travaux de rénovation des habitations, qui devraient également être supprimés, ou encore les allégements de coût pour les emplois aidés, qui n’ont que peu d’efficacité, ce qui ne vous empêche pas de vouloir en créer d’autres, en dépensant donc de l’argent pour rien.

Tous ces allégements sont certes très agréables pour ceux qui en sont bénéficiaires, mais à partir du moment où l’État ne peut plus y faire face par des dépenses fiscales, mais est contraint à contracter des emprunts qu’il ne pourra jamais rembourser, il s’agit d’un véritable suicide collectif. Il faut donc les supprimer, au moins tant que l’équilibre budgétaire n’est pas atteint. Ensuite, on pourra y revenir.

Les impôts qui rapportent le plus sont ceux dont l’assiette est large et le taux faible, comme la TVA ; ils ne détruisent ni les emplois, ni la croissance. La TVA est l’impôt le mieux réparti, le plus efficace et le plus indolore, et il frappe toutes les importations. Augmenter le taux pour le passer de 19 % à 23 % rapporterait au budget, et à lui seul, 24 milliards d’euros non affectés – je ne parle plus de la TVA sociale – et réduirait d’autant nos déficits sans compromettre la croissance.

Au lieu de chercher à imposer davantage la classe moyenne et les plus ou moins riches, qui sont les moteurs de la croissance et des créations d’emplois, vous devriez donc abandonner les impôts destructeurs, porter la TVA à 23 % et supprimer les 35 heures. Vous gagneriez ainsi 45 milliards d’euros pour votre budget et reviendriez plus rapidement à l’équilibre budgétaire. C’est nécessaire, car l’échéance de 2017 est trop lointaine, il faut y arriver en 2014-2015.

Ce n’est pas en supprimant les riches que l’on enrichit un pays, mais en les multipliant, comme le fait la Chine.

Je le rappelle, on ne doit pas dépenser l’argent que l’on n’a pas, pour quelque raison que ce soit.

Il ne faut jamais faire des emprunts pour payer des dépenses de fonctionnement, car on ne peut pas les rembourser.

L’État ne doit pas payer des charges et des impôts à la place des entreprises et des contribuables avec de l’argent emprunté. C’est une erreur.

M. David Assouline. Votre temps de parole est dépassé. C’est bon : vous pourrez continuer dans Le Figaro !

M. Serge Dassault. Or c’est ce que tous les gouvernements ont fait depuis 1982, qu’ils soient de gauche ou de droite, et c’est la raison de notre endettement.

Puis il y a les contraintes sur les licenciements, que vous voulez encore aggraver, prétendument pour préserver l’emploi, alors qu’elles vont encore augmenter le chômage.

Être empêchée de licencier dissuade une entreprise d’embaucher, car aucune ne peut se permettre de garder un personnel surabondant si ses ventes baissent et qu’elle est en perte – c’est ce qui se passe chez Peugeot.

En tout cas, aucun chef d’entreprise n’a jamais eu l’idée saugrenue de licencier son personnel pour faire monter un cours de bourse. C’est de la stupidité !

M. David Assouline. Il en a encore pour combien de temps ?...

M. Serge Dassault. Seule la flexibilité permettra de favoriser l’emploi en France, car, dès que les chefs d’entreprise auront des commandes, ils augmenteront leurs effectifs.

Monsieur le ministre du budget, l’économie est régulée par des principes simples, certainement pas par une quelconque idéologie ou par des négociations avec qui que ce soit qui n’aboutiront à rien.

M. David Assouline. Le temps, c’est de l’argent aussi !

M. Serge Dassault. Il faut choisir entre l’égalitarisme, la morale et l’efficacité. Lorsque l’on est en faillite, on a besoin plus d’efficacité que de morale et d’égalitarisme. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)

Vous voulez pénaliser les entreprises qui appliquent des participations dérogatoires : vous allez tuer la participation, qui permet d’accorder à tout le personnel des éléments supplémentaires de rémunération. Ce n’est pas du socialisme. Socialistes, nous le sommes plus que vous !

Mme la présidente. Mon cher collègue, il vous faut conclure !

M. David Assouline. Depuis trois minutes déjà !

M. Serge Dassault. Je termine donc en rappelant que l’urgence absolue est l’équilibre budgétaire.

Avec mes propositions, vous résoudrez les problèmes, messieurs les ministres. Je doute que vous les mettiez en œuvre, mais il fallait que je les présente, car, si vous les appliquiez, la France ne serait plus menacée par des dégradations de sa notation et par des hausses des taux d’intérêt. Vous sauveriez la France, et c’est ce que je vous souhaite de parvenir à faire : majorité et opposition, nous devons travailler ensemble, pour le bien de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.–M. Jean Arthuis applaudit également)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, même s’il contient surtout des mesures d’urgence, envoie aux outre-mer un premier signal, que l’on peut qualifier de positif.

Il est en rupture avec le traitement budgétaire qui avait été jusqu’ici infligé aux territoires ultramarins par le précédent gouvernement, à savoir une diminution constante de l’effort total consenti par l’État en leur direction.

En effet, durant la période 2007-2012, les outre-mer ont été particulièrement pénalisés par la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales.

M. Henri de Raincourt. Ce n’était qu’un début !

M. Georges Patient. Les niches outre-mer ont été régulièrement stigmatisées, attaquées, rabotées, voire supprimées, à tel point qu’en 2012 ces dépenses ont encore diminué de 525 millions d’euros. Pourtant, l’essentiel du financement dans les outre-mer est assuré par ce dispositif, en raison de la frilosité connue des banques locales.

En conséquence, le niveau d’activité dans les outre-mer n’a cessé de chuter – moins 39 % durant cette même période – et les taux de chômage explosent partout. Aussi est-il bien que, dans ce projet de loi de finances rectificative, l’on n’ait pas touché à la défiscalisation outre-mer, comme on le faisait jusqu’alors.

M. Henri de Raincourt. Cela va venir !

M. Georges Patient. Le quatrième engagement de François Hollande pour les outre-mer, qui était « de maintenir le montant de la défiscalisation et d’instaurer des plafonds spécifiques pour les outre-mer afin de préserver l’attractivité de ce dispositif essentiel pour le financement des économies ultramarines », est ainsi respecté.

De manière générale, les outre-mer approuvent l’ensemble des mesures qui figurent dans ce projet de loi de finances rectificative. Ces dispositions doivent permettre au Gouvernement d’atteindre l’objectif fixé d’un déficit public de 4,5 points de PIB en 2012, tout en instaurant davantage de justice sociale dans notre système fiscal sans casser la croissance. C’est un objectif louable, et nous devons tous participer à cet effort de redressement.

Parmi les mesures de ce projet de loi de finances rectificative, je tiens néanmoins à accorder une mention toute particulière à certaines qui auront un impact très fort pour les outre-mer.

J’évoquerai, en premier lieu, la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire.

Plus du quart de la population ultramarine vivant en dessous du seuil de pauvreté, l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire sera bienvenue et bien accueillie dans ces territoires fortement marqués par la vie chère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Dans les mesures du changement pour la rentrée scolaire 2012, la situation des outre-mer n’a pas non plus été occultée. C’est une excellente chose, étant donné le retard enregistré par les académies ultramarines par rapport à celles de métropole. Les 1 000 nouveaux postes de professeur des écoles ont été répartis entre académies avec le souci de l’intérêt général et les outre-mer ont pu ainsi bénéficier de cinquante postes.

Autre mesure qui impacte fortement les outre-mer, la facilitation de l’accès aux soins des bénéficiaires de l’aide médicale d’État par la suppression du droit d’entrée de 30 euros.

Cette suppression est vivement critiquée par l’opposition,…

M. Georges Patient. … mais, avec un taux d’immigration irrégulière de plus 20 % dans mon département, la Guyane, je suis bien placé pour témoigner que ces 30 euros n’ont fait qu’entraîner un renoncement à l’accès aux soins, avec les conséquences bien connues que l’on sait : aggravation des pathologies et multiplication des risques de contagion ou de contamination pour la population entière.

Le Gouvernement a donc raison de supprimer ce droit d’entrée et j’en profite pour rappeler à mes collègues de l’opposition qui voudraient son maintien que la France ne s’arrête pas à l’Hexagone et qu’il faut de temps en temps penser à ces outre-mer, Mayotte et la Guyane notamment, où le taux d’immigration est très élevé.

De même, il nous faudra songer à réduire significativement le montant des taxes que doivent payer les étrangers lors de la délivrance ou du renouvellement d’un titre de séjour, montant qui a été augmenté de façon exorbitante par l’ancien gouvernement.

Je salue également la suppression de la « TVA sociale », mort-née dans l’Hexagone, mais que les outre-mer ont eu à connaître.

La TVA sociale a été instaurée par la loi Perben de 1994 dans les départements de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Le taux de TVA y avait été relevé de 7,5 % à 9,5 % et des exonérations de cotisations avaient été mises en place dans divers secteurs de l’économie.

Les effets ont surtout été négatifs. On a ainsi constaté une diminution du pouvoir d’achat, car la baisse des prix n’a pas compensé la hausse de la TVA, une relance de l’inflation et, surtout, un effet d’aubaine pour certaines entreprises qui ont profité de la baisse des cotisations pour augmenter leurs profits et non pour baisser leurs prix hors taxe, en particulier dans les secteurs où la concurrence économique est la moins forte.

Monsieur le ministre délégué, nous comprenons fort bien que certains sujets d’importance pour les outre-mer portés à la connaissance du Gouvernement n’aient pu être traités dans ce collectif budgétaire. Je veux parler des finances des collectivités locales, de la lutte contre la vie chère, de la relance de la production, de l’emploi, en particulier celui des jeunes, de la santé, du logement, de l’insécurité.

Il s’agit de questions sensibles, mais je sais qu’elles seront traitées dans le projet de loi de finances pour 2013, et j’insisterai pour qu’elles le soient. Je pense tout spécialement au réajustement des finances des collectivités locales, en particulier celles des communes de Guyane discriminées par le plafonnement de leur dotation superficiaire et du prélèvement opéré sur l’octroi de mer. D’ailleurs, une mission devrait être diligentée sur ce sujet trop souvent renvoyé aux calendes grecques.

Monsieur le ministre délégué, les outre-mer ont adhéré massivement au programme de François Hollande pour le changement. Aussi seront-ils très attentifs au respect des engagements pris, notamment les 30 engagements pour les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 s’inscrit dans un environnement particulièrement préoccupant, voire inquiétant.

M. Alain Néri. C’est l’héritage !

M. Louis Nègre. La notation de la France a été dégradée et les pays du Sud sont en soins palliatifs.

À ce jour, et à y regarder de près, la maison Europe est en feu. Dans ces conditions, nous nous garderons d’avoir une attitude manichéenne. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Nous sommes tous dans la même barque. Vous ne rencontrerez donc pas d’hostilité particulière de notre part quand vous appelez les compagnies pétrolières et le secteur bancaire à contribuer à la réduction du déficit de l’État.

Mais (Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées)…

M. Alain Néri. « Mais » ? Cela ne pouvait pas durer !

M. Louis Nègre. ... ceux qui, à gauche, sont animés par un parti pris purement idéologique font fausse route et amènent la France et les Français dans le mur.

M. Alain Néri. C’était déjà fait !

M. Louis Nègre. Ce n’est pas moi qui le dis, chers collègues de la majorité : je reprends les conclusions de la Cour des comptes, présidée par l’un des vôtres, le socialiste Didier Migaud. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est de moins en moins socialiste !

M. Louis Nègre. Dans son audit, la Cour des comptes a établi un constat éclairant. Didier Migaud a notamment déclaré devant la commission des finances que « l’exécution budgétaire 2011 est marquée par l’amélioration réelle et incontestable du solde budgétaire. Et ce, pour la première fois depuis 2007. ».

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il dit la vérité !

M. Louis Nègre. C’est cela, l’héritage !

M. Alain Néri. Qu’est-ce que cela aurait été, sinon !

M. Louis Nègre. Ainsi, contrairement à vos attentes, la Cour des comptes donne un satisfecit au gouvernement précédent...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas vrai ! Il n’y a aucun satisfecit !

M. Louis Nègre. ... et, surtout, invite instamment le gouvernement actuel à maîtriser les dépenses de l’État « en passant par des réformes structurelles », pour reprendre les termes exacts de la Cour, monsieur le rapporteur général.

Nous partageons pleinement cette vision des magistrats financiers, qui nous indiquent clairement la feuille de route à suivre. Malheureusement, le Gouvernement a choisi une route inverse.

Nous n’avons pas la même philosophie, c’est incontestable !

M. Alain Néri. C’est vrai !

M. Louis Nègre. Comme la Cour des comptes, nous voulons, nous, diminuer en priorité les dépenses, alors que vous, vous augmentez les impôts à travers 17 articles de ce projet de loi.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Quelles dépenses avez-vous réduites ?

M. Louis Nègre. En fait, c’est une attaque en règle contre les classes moyennes, par l’augmentation des droits de succession ou la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Cette dernière mesure concernera 9 millions de Français qui gagnent en moyenne 1 500 euros par mois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Si vous aviez augmenté le SMIC, on n’en serait pas là !

M. Louis Nègre. Ce sont eux, monsieur le ministre délégué, vos riches et vos milliardaires ?

Finalement, je suis mauvaise langue. En fait, vous êtes cohérents avec vous-mêmes,…

M. Louis Nègre. … puisque le Président de la République en personne déclarait naguère que la catégorie des riches commençait à 4 000 euros par mois…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je crois bien que c’était même 3 000 euros !

M. Louis Nègre. Après les hors-d’œuvre, cette année, avec 7,2 milliards d'euros d’impôts supplémentaires, on évoque désormais une nouvelle ponction en 2013 de 30 milliards d'euros sur les ménages et les entreprises.

En bref, vous réécrivez pour les contribuables français une formule célèbre : « Vous avez aimé 2012, vous adorerez 2013. »

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Louis Nègre. Cette politique, qui s’apparente à une véritable opération de démantèlement, nous la combattons vigoureusement. C’est une attaque contre la France qui travaille et contre les salariés. Cette politique matraque, à l’évidence, les classes moyennes. Elle accentue notre déficit de compétitivité, élément cardinal de toute politique économique digne de ce nom. Elle ponctionne le pouvoir d’achat des Français, elle dévalorise le travail et aggrave le chômage.

En conséquence, ma conclusion, triste, très triste, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je l’emprunte au journal Libération du 3 juillet dernier, qui titrait : « Budget : 2012, ça ira, 2013, bonjour les dégâts ! » (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Le changement, c’est maintenant !

M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous connaissons tous la situation de notre pays : une dette qui a explosé – 600 milliards d'euros de plus en cinq ans –, un chômage de masse – près de 10 % de la population active –, un déficit record de notre commerce extérieur – 70 milliards d'euros l’an dernier.

Bien sûr, il y a eu la crise, mais, à lire le rapport de la Cour des comptes, celle-ci n’a contribué que pour une part bien modeste à cette situation. En effet, depuis cinq ans, c’est l’ampleur du déficit structurel, c’est-à-dire le déficit que notre pays aurait connu en l’absence de crise, qui explique l’essentiel de la progression de la dette. Depuis 2007, ce déficit structurel n’a jamais été inférieur à 3,3 % du PIB, ce qui en dit long sur les efforts d’économie réalisés par le précédent gouvernement.

Il était donc temps d’engager le redressement de nos comptes publics.

C’est ce que fait le Gouvernement avec ce collectif budgétaire (Exclamations sur les travées de l'UMP.), en prenant les mesures qui permettent de ramener le déficit à 4,5 % du PIB, c’est-à-dire de respecter les engagements européens de la France. Madame Des Esgaulx, vous avez affirmé que ce collectif budgétaire ne servait à rien.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il sert votre idéologie !

M. Jean-Pierre Caffet. Reconnaissez qu’il sert au moins à cela, respecter les engagements européens de la France ! Ce n’est pas rien ! Au début d’un quinquennat, c’est certainement une nouveauté.

Ce collectif budgétaire engage le redressement des comptes publics avec la justice comme boussole, puisque ces mesures concernent principalement la rente ainsi que les plus gros patrimoines, en revenant, par exemple, sur la division par deux de l’ISF que l’ancienne majorité avait entérinée. Il le fait également avec le souci de ne pas aggraver la conjoncture économique de notre pays, déjà très dégradée, tant il est vrai qu’aucune mesure de politique économique n’est bonne ou mauvaise dans l’absolu ; tout dépend de la situation conjoncturelle dans laquelle on se trouve.

Justice, soutien à la croissance, cohérence : tels sont les objectifs que les deux premiers articles de ce texte symbolisent et sur lesquels je m’attarderai quelques instants.

L’article 1er supprime la TVA dite « sociale » et rend ainsi aux ménages 11 milliards d'euros de pouvoir d’achat, en année pleine. Cette suppression va dans le sens de la justice, puisque la TVA, en pesant surtout sur les ménages les plus modestes, est l’un des impôts les plus injustes.

C’est également une mesure d’efficacité économique, car, dans cette période où c’est justement la faiblesse du pouvoir d’achat de nos concitoyens qui obère la croissance, le transfert de charges d’un tel montant des entreprises vers les ménages était le plus sûr moyen de ralentir une activité déjà atone. C’est d’ailleurs l’argument principal qu’invoquaient nombre de dirigeants et de ministres de la précédente majorité. Chacun se souviendra des propos de MM. Copé, Baroin, Estrosi, Bertrand, voire de Mme Lagarde, mais sans doute étaient-ce là, pour reprendre l’expression du président de la commission des finances, de « vagues supputations d’économistes »…

L’article 2 revient, quant à lui, sur la défiscalisation et l’exonération de charges sociales des heures supplémentaires mises en œuvre par la loi TEPA de 2007. Dans la conjoncture actuelle, ce dispositif était tout simplement inepte. Subventionner les heures supplémentaires peut être utile en période de plein-emploi ou de pénurie de main-d’œuvre, mais n’a aucun sens dans un contexte de chômage de masse. D’ailleurs, aucun autre pays ne l’a fait. Et, pour reprendre l’exemple de l’Allemagne, devenu si cher à l’ancien Président, même si ce fut bien tardif, il faut souligner que ce pays encourageait financièrement la réduction du temps de travail et le Kurzarbeit, c’est-à-dire le chômage partiel permettant le maintien des salariés dans l’entreprise, pendant que la France consacrait chaque année près de 5 milliards d’euros financés par l’emprunt et la dette à une mesure empêchant la création d’emplois nouveaux ou, pis, détruisant des emplois existants.

Qu’on le veuille ou non, en période de sous-emploi, encourager les heures supplémentaires conduit à un effet de substitution, donc à une réduction de l’embauche, de l’ordre de 30 000 emplois selon l’OFCE et de 80 000 emplois selon l’INSEE.

Cela étant, j’entends les arguments sur le pouvoir d’achat additionnel individuel procuré par les heures supplémentaires. Force est de constater néanmoins que ces gains enregistrés par ceux qui ont un emploi et effectuent des heures supplémentaires sont annulés par les pertes de ceux qui se retrouvent au chômage ou n’accèdent pas au marché du travail en raison de ce même dispositif.

En outre, en rendant 11 milliards d'euros aux ménages par la suppression de la TVA sociale, nous faisons plus que compenser les 3 milliards d'euros consacrés à la défiscalisation et aux exonérations des heures supplémentaires pour les ménages.

Enfin, je rappelle les mesures favorables au pouvoir d’achat prises par ce gouvernement, comme le décret sur la modération de l’évolution des loyers, l’augmentation de 25 % des allocations de rentrée scolaire ou la réduction de la TVA sur le livre.

Mes chers collègues, ces deux mesures, comme d’autres que contient ce collectif budgétaire, ont été adoptées par la majorité sénatoriale au mois de février dernier. L’Assemblée nationale les avait supprimées. C’est pourquoi, l’alternance ayant été au rendez- vous, nous les revoterons non seulement avec conviction, mais aussi avec la certitude qu’elles entreront en vigueur et contribueront ainsi au redressement du pays dans la justice et la cohérence de la politique menée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Charon. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre Charon. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai abordé la lecture de ce projet de loi de finances rectificative sans idée préconçue. Certes, je n’escomptais pas y trouver de miracles, mais j’espérais, comme vous y invitait Jean-Claude Gaudin voilà quelques jours, découvrir un budget normal, un budget adapté aux enjeux, qui réduise la voilure de la dépense publique, comme l’exige la situation économique et comme devrait l’exiger toute bonne gestion soucieuse de ne pas faire peser son manque de courage politique sur les générations futures.

Eh bien non ! Le collectif budgétaire qui nous est présenté aujourd’hui cumule les non-sens, les effets de manche et les aberrations économiques.

Nous aurons le temps de revenir précisément sur chaque article dans les jours qui viennent, mais je tiens aujourd’hui à souligner le manque de cohérence globale de ce texte.

Je vois une seule direction claire dans ce projet de loi de finances rectificative, c’est l’acharnement à vouloir défaire et détricoter tout ce que le précédent gouvernement avait mis en œuvre pour soutenir l’activité économique dans un contexte de crise particulièrement dévastateur pour l’économie mondiale.

M. Jeanny Lorgeoux. Vous êtes bien dur, mon cher collègue !

M. Pierre Charon. Oui, pendant cinq ans, cher Jeanny Lorgeoux, Nicolas Sarkozy a préféré s’inspirer de l’exemple allemand, comme l’a rappelé Jean-Pierre Caffet, plutôt que de celui de vos camarades socialistes grecs ou espagnols, d’ailleurs battus depuis.

M. David Assouline. Il faudrait savoir : vous les citiez naguère en exemple !

M. Pierre Charon. Il a ainsi renforcé la compétitivité de nos entreprises, avec la mise en place d’une TVA anti-délocalisation ou la défiscalisation des heures supplémentaires. Autant de solutions dont le récent rapport de la Cour des comptes semble indiquer qu’elles vont dans le bon sens, celui d’une rationalisation de la dépense publique et d’un soulagement fiscal, quand le poids de l’impôt se fait pénalisant pour l’activité économique.

Tous les pays touchés par la crise ont compris que nos États ne pouvaient vivre indéfiniment au-dessus de leurs moyens et qu’il fallait accepter la règle d’or budgétaire. Le seul parti d’Europe qui refusa alors d’entendre cette réalité est le vôtre, monsieur le ministre délégué.

Aujourd’hui encore, l’idéologie vous aveugle et vous emmenez la France sur le chemin de la banqueroute. (Protestations sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

La rigueur, c’est être rigoureux avec la dépense et vigilant avec les impôts !

Ce projet de loi de finances rectificative consacre justement tout l’inverse, puisqu’il ne contient aucune réforme sur la dépense, et qu’il entraîne des augmentations d’impôts, plus ou moins déguisées, à hauteur de 7,2 milliards d’euros au total, qui pèseront durablement sur le pouvoir d’achat des Français.

Alors, en bon élève socialiste, vous allez certainement nous répondre que les riches paieront, ce que rappelait M. Dassault avec beaucoup d’humour. C’est bien le problème, avec votre obsession des riches : quand vous les aurez tous fait fuir, il faudra reporter la dépense sur d’autres contribuables.

M. Alain Néri. Ils sont déjà partis !

M. Pierre Charon. C’est d’ailleurs déjà le cas !

M. David Assouline. Tous les jours, il y a même des embouteillages !

M. Pierre Charon. Monsieur Assouline, je vous rappelle que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, prévue à l’article 2, va toucher près de 9 millions de salariés,…

M. Alain Néri. Même Johnny Hallyday n’est pas revenu !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Est-il riche ?

M. Pierre Charon. … qui vont perdre en moyenne 500 euros par an !

Il en va de même pour l’augmentation de la CSG ou le doublement du forfait social sur l’intéressement et la participation. Ces mesures constituent autant de flèches tirées sur la France qui travaille, et qui est aujourd’hui la seule source permettant de financer les dépenses de l’État.

Finalement, vous proposez aujourd’hui un audacieux « travailler plus pour gagner moins » ! Votre mépris pour l’argent gagné est d’un autre âge et ce projet de loi de finances rectificative en est malheureusement l’expression la plus archaïque. Vous en êtes sûrement conscients, car la communication de votre gouvernement joue le brouillage de pistes permanent. On souffle le chaud et le froid ; on est un jour en « réflexion intellectuelle », on passe par-dessus le Sénat le lendemain ; on rase gratis le lundi, mais, le mardi, c’est la fessée fiscale !

J’ai récemment eu le plaisir de revoir les documentaires télévisuels du commandant Cousteau sur les animaux marins, et votre gouvernement m’évoque un peu le poulpe, mou et tentaculaire, qui, devant une difficulté, envoie de l’encre pour mieux se dérober. (Murmures de désapprobation sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Pierre Charon. Alors, je vous en conjure, monsieur le ministre délégué, faites preuve de courage, affrontez la situation avec réalisme et sang-froid ! Nous avons compris que vous vouliez être le Gouvernement du changement, mais point n’est besoin de renverser la table et de démolir toutes les réussites de vos prédécesseurs !

Bien évidemment, vous pouvez compter sur moi et sur l’ensemble du groupe UMP pour ne pas vous laisser vous égarer dans vos dogmes. Nous commencerons donc par voter contre ce texte.

Pour finir, je vous rappellerai ce que disait le président Mao : « La bouse de vache est plus utile que les dogmes : on peut en faire de l’engrais. » (Sourires et applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. David Assouline. C’est un flop !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faudrait sans doute replacer la citation dans son contexte !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en tant que corapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement scolaire », je souhaite aborder un sujet peu évoqué aujourd’hui, pour me féliciter du choix fait par le nouveau gouvernement de placer l’éducation au premier rang de ses priorités.

Ce choix a été porté par le Président de la République tout au long de la campagne pour l’élection présidentielle et a été rappelé avec force par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, au début de ce mois.

Le Président de la République et le Gouvernement ont donc fait de la jeunesse et de l’éducation la priorité du nouveau quinquennat. C’est cette feuille de route qui commence, aujourd’hui, à être mise en œuvre.

Premier acte budgétaire du nouveau gouvernement, ce projet de loi de finances rectificative traduit un changement de cap. Il marque une première étape pour redonner au service public de l’éducation les moyens humains nécessaires à son développement. À terme, 60 000 postes seront créés dans l’éducation nationale, même si un plus grand nombre encore a été supprimé par la précédente majorité.

Il est vrai que la situation dont nous héritons est particulièrement grave, même catastrophique à bien des égards. Il y a urgence, en effet, pour que la rentrée de septembre s’effectue dans nos établissements scolaires dans des conditions à peu près normales. Il faut donc parer au plus pressé. Nous avons, en tant que législateurs, le devoir de consacrer l’égalité des chances de tous les enfants, à l’école, au collège et au lycée. Ce faisant, nous posons les bases les plus sûres pour construire un monde de justice et de fraternité.

Victor Hugo écrivait d’ailleurs dans Les Misérables : « L’égalité a un organe : l’instruction gratuite et obligatoire. »

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Claude Haut. Je rappellerai à cet égard une triste évidence, qui ne peut être contestée par personne : l’effort de financement global de l’éducation a été diminué de 1 point de PIB au cours des dix dernières années, ce qui a entraîné une dégradation de la position de la France dans les performances comparées des systèmes scolaires, telle qu’elle a été mesurée dans différentes enquêtes. Tout cela est, hélas, une réalité !

Il faut ajouter à tout ce qui précède, une réduction d’effectifs à contre-courant des vrais besoins éducatifs qui a, une fois de plus, lourdement pénalisé les zones les plus défavorisées de nos territoires.

Dès la rentrée 2012, il y aura donc 1 000 professeurs des écoles supplémentaires devant les élèves, 100 nouveaux conseillers principaux d’éducation présents dans les établissements scolaires, 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés en plus pour aider les élèves handicapés, mais également 2 000 nouveaux assistants d’éducation, qui assureront l’accompagnement des élèves, 500 agents supplémentaires chargés de la prévention et de la sécurité scolaire dans les établissements en difficulté. Qui peut nier que cela répond, aujourd’hui, à de vrais besoins ?

Trop longtemps sacrifié, l’enseignement technique agricole bénéficiera, lui aussi, de 50 emplois supplémentaires.

En outre, la mise en place de décharges provisoires de services au bénéfice des enseignants titulaires, nouvellement recrutés, demandera de mobiliser des moyens accrus, à hauteur de 1 628 postes. Le Gouvernement respectera ainsi sa promesse de rétablir la formation initiale des nouveaux enseignants.

Compte tenu de l’urgence budgétaire, les moyens nouveaux accordés au service public de l’éducation seront financés par des annulations de crédits des autres missions budgétaires d’un montant strictement équivalent, à hauteur de 89,5 millions d’euros.

À cet égard, il est nécessaire de rappeler quelques ordres de grandeur : 89,5 millions d’euros, c’est un peu plus d’un millième du déficit budgétaire de l’État en 2012. La politique menée est donc parfaitement soutenable sur le plan budgétaire. Il s’agit bien davantage d’une question de choix et de priorités, qui conduisent à une répartition des crédits plus juste et plus équitable.

M. Jean Besson. Très bien !

M. Claude Haut. Cette même volonté de justice et de redistribution a conduit le Gouvernement à revaloriser de 25 % l’allocation de rentrée scolaire, au profit de 3 millions de familles parmi les plus modestes. Comme l’ensemble des priorités gouvernementales, cette mesure est intégralement financée, grâce à l’affectation pérenne d’une partie des ressources issues de la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placement.

Enfin, je rappellerai l’effort réalisé en matière de formation initiale des enseignants, laquelle avait été supprimée pour des raisons purement comptables par le précédent gouvernement. L’enseignement, cela s’apprend, comme tout autre métier !

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’heure est à la réforme et à la justice. La place donnée à l’éducation nationale – ici, une place prioritaire - nous permet de mesurer comment un gouvernement prépare l’avenir de ses concitoyens. L’échec scolaire est encore massif. Trop d’élèves dans les milieux défavorisés restent au bord de la route, en raison des inégalités sociales et territoriales qui n’ont cessé de se creuser ces dernières années. La tâche est immense, le chantier ne fait que s’ouvrir.

Le Premier ministre ayant parlé de pacte générationnel, je suis très satisfait d’appartenir à cette majorité qui décide, enfin, de réduire la fracture scolaire et les inégalités sociales. C’est pourquoi le présent projet de loi de finances rectificative doit être soutenu et voté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Robert del Picchia. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que le premier des sénateurs représentant les Français de l’étranger à prendre la parole aujourd’hui aborde les questions qui les intéressent plus particulièrement, les autres points ayant été largement traités par les précédents orateurs.

J’évoquerai donc en premier lieu la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement français à l’étranger, la PEC, problème que vous connaissez bien. En second lieu, je parlerai de l’article 25 du projet de loi, c’est-à-dire des contributions sociales auxquelles vont être assujettis les non-résidents sur leurs revenus immobiliers.

En revanche, vous allez peut-être être surpris, heureusement surpris, je l’espère, que je ne parte pas en guerre contre la suppression de la PEC.

Pourtant, monsieur le ministre délégué, je suis un peu, sinon le père, du moins l’un des initiateurs de la PEC tant décriée. Mais j’assume, car je pense qu’il s’agissait d’une bonne idée. Faisons un peu d’histoire : l’initiative est née dans les années quatre-vingt-dix. À l’occasion d’un entretien avec le président de la commission des affaires culturelles, de l’enseignement et de l’audiovisuel de l’Assemblée des Français de l’étranger, nous cherchions, entre bons collègues, un moyen d’arriver à mettre en place, un jour, la gratuité de l’enseignement à l’étranger.

François Mitterrand l’avait suggéré dans sa campagne, mais l’idée avait été abandonnée, parce que la mesure coûtait trop cher. Cela étant, c’est une question de choix politique. Nous avions donc évoqué la possibilité de commencer par le haut de la pyramide, là où il y a moins d’élèves, et, petit à petit, de descendre vers le collège. Nous étions convenus d’adapter la mesure au budget disponible.

Pour la petite histoire, le collègue avec qui je discutais à l’époque était un sénateur socialiste. Il s’appelait, figurez-vous, Jean-Pierre Bayle, l’homonyme de notre président.

M. Henri de Raincourt. Il est à la Cour des comptes !

M. Robert del Picchia. Nous avons repris cette idée en 2007 et vous connaissez la suite. Mes chers collègues, nous n’en parlerions peut-être pas aujourd’hui si la crise financière n’était pas intervenue entre-temps.

Certes, nous pourrions ouvrir un long débat sur le sujet, mais je ne veux pas trop m’appesantir. Cette prise en charge, qui représente un peu plus de 30 millions d’euros, est envisageable sur le plan financier. En effet, il faut savoir que les bourses, elles, sont passées de 47 millions d’euros à 94 millions d’euros. Rappelons également qu’un élève en France coûte trois fois plus cher à la collectivité qu’un élève à l’étranger et que le budget alloué par l’État aux écoles privées en France est de 7 milliards d’euros.

À l’étranger, le coût de la gratuité totale, de la maternelle à la terminale, serait moins élevé que la seule augmentation de la prime de rentrée scolaire, je dis bien l’augmentation, dont le montant s’élève, vous le savez, à 372 millions d’euros.

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je respecte évidemment le processus démocratique national, qui a clairement désigné, lors des échéances électorales récentes, une nouvelle majorité, laquelle, je dois l’avouer, n’a jamais caché son opposition au dispositif et sa volonté de l’abroger, une fois aux affaires. C’est ce que vous vous apprêtez à faire au travers de ce projet de loi de finances rectificative.

M. Alain Néri. Nous maintenons les bourses !

M. Robert del Picchia. Les Français de l’étranger étaient prévenus. Ils ont voté, surtout aux législatives, pour vos candidats. Ils savaient donc ce qui les attendait.

M. Christian Cambon. Ça leur apprendra !

M. Robert del Picchia. Vous avez respecté vos engagements.

En revanche, je suis, comme beaucoup, y compris parmi les élus, des militants et sympathisants de votre majorité, monsieur le ministre délégué, assez surpris par la manière soudaine, pour ne pas dire brutale, avec laquelle il a été décidé de la suppression de cette aide dès le mois de septembre prochain, alors que des milliers de familles françaises de l’étranger ont déposé leurs dossiers au début de 2012. Certaines ont même reçu des lettres attestant que les commissions avaient accepté leur demande.

Vous choisissez la période des vacances scolaires pour faire voter cette suppression et bon nombre de familles ne seront pas prévenues, ou le seront juste avant la rentrée. Beaucoup d’entre elles, en particulier celles à revenus intermédiaires, vont se trouver dans des situations difficiles. Je parle à dessein de ces familles à revenus intermédiaires qui représentent la grande majorité des effectifs, car elles n’ont pas droit aux bourses scolaires, mais ont des difficultés pour payer les frais du lycée.

Aussi, à l’avenir, nous risquons de nous retrouver dans nos lycées, mes chers collègues, avec une population d’enfants de familles défavorisées, qui bénéficieront des bourses, d’enfants de familles françaises aisées ou très aisées et d’enfants de familles étrangères riches.

Monsieur Cahuzac, je m’adresse au ministre de la République que vous êtes, pour lui demander de respecter les principes républicains de continuité de l’État et du fonctionnement de l’administration, en reportant cette suppression à la prochaine rentrée scolaire et en attribuant cette aide, comme l’administration française s’y est engagée, pour la rentrée 2012-2013, au moins jusqu’au 1er janvier prochain, afin de laisser le temps aux familles de trouver l’argent nécessaire. Nous développerons notre position dans nos amendements.

Il est en outre étonnant que l’on n’ait pas pris la précaution de saisir l’Assemblée des Français de l’étranger sur les modalités de cette suppression, alors même qu’elle avait été consultée en 2007.

Quant à l'article 25, je développerai mon propos plus avant en présentant mon amendement, mais je profite de cette intervention pour regretter que les nouveaux députés de la majorité présidentielle n’aient pas pu faire comprendre au Gouvernement que les Français de l’étranger ne sont pas tous des exilés fiscaux, loin de là, ni des nantis par rapport à leurs compatriotes de France, et que certains considèrent l’assujettissement aux prélèvements sociaux comme un nouvel impôt. Si tel est le cas, dites-le tout simplement ! Mais, si c’est une nouvelle charge sociale, ces mêmes Français de l’étranger ne manqueront pas de demander à bénéficier de la carte Vitale…

Monsieur le ministre délégué, je vous rappelle qu’une pétition circule actuellement à l’étranger contre cette mesure : plus de 1 524 familles, dans 56 pays, l’ont déjà signée. Elle vous a été, me semble-t-il, adressée, sinon j’en ai ici un exemplaire à votre disposition.

Le précédent orateur a cité Victor Hugo,…

M. Robert del Picchia. … pour rendre hommage à l’instruction gratuite et obligatoire. On ne peut que regretter que Victor Hugo ne siège plus sur ces travées. Pour avoir vécu assez souvent à l’étranger,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pas toujours volontairement !

M. David Assouline. C’était un exilé politique !

M. Robert del Picchia. … il aurait sans doute défendu cette cause mieux que je ne saurais le faire. Mais c’était une boutade pour dire qu’il aurait mieux compris, alors, les problèmes des Français de l’étranger ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, trois minutes de temps de parole, c’est juste assez pour adresser un message.

Je voudrais donc me réjouir que, dans une situation décrite par tous les orateurs comme très difficile, le Gouvernement, dans l’examen du budget de la culture, n’ait pas considéré la culture comme un simple supplément d’âme, comme un domaine non prioritaire et sans importance.

Aussi, plutôt que de sabrer ce qu’avait fait la majorité précédente, le Gouvernement est simplement revenu sur l'augmentation de la TVA sur le livre et le spectacle vivant, portée de 5,5 % à 7 %. Même si ce n’est qu’une mesure, parce qu’il ne s’agit que d’un projet de loi de finances rectificative, voilà un signal à portée générale.

J’ai été ébahi, épaté, devant le manque d’humilité d’un de nos présidents de commission, lequel, au cours des cinq dernières années, a usé sa salive pendant des dizaines d’heures pour nous vendre une politique économique et financière qui a abouti, aujourd'hui, à un déficit de la balance commerciale de 70 milliards d'euros – et c’est lui qui vient nous parler de compétitivité… – et à 600 milliards d'euros de déficit supplémentaire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Relisez, ne faites pas trop d’effets de manche !

M. David Assouline. À chaque fois, il nous a expliqué combien cette politique était la bonne, et en nous donnant des leçons !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La réalité est beaucoup plus complexe ! Relisez !

M. David Assouline. Malgré cet héritage,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cette politique ne peut se décrire en trois minutes, ce n’est pas possible !

M. David Assouline. Un président de commission n’interrompt pas un orateur ! Donnez l’exemple ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vous qui m’interpellez !

M. Christian Cambon. Vous êtes toujours dans la modération, monsieur Assouline !

Mme la présidente. Continuez, monsieur Assouline.

M. David Assouline. Malgré cet héritage, disais-je, il importait de dire que la culture, loin de n’être qu’un supplément d’âme, est l’âme même de notre peuple, ce qui fait que, justement, malgré une situation difficile pour tout le monde, on peut vivre des moments de communion, d’émotion, de réflexion, de création, que l’on peut tenir le coup et envisager encore l’avenir avec optimisme, que l’on peut être un citoyen qui continue à croire en son pays, à croire en la réussite de projets concrets, dans son quartier, dans sa cité.

Qu’un gouvernement, dans une telle situation, ait annoncé le rétablissement du taux ancien de TVA, c’est un vrai signe, et important.

En ce qui me concerne, en considérant ce collectif budgétaire, j’ai cherché où il était possible, dans les domaines de la culture, de la communication, de l’audiovisuel, de rapporter de l’argent à l’État. Je défendrai ainsi un amendement relatif aux cessions de fréquences de TNT délivrées gratuitement par l’État, sur lesquelles certains veulent faire de la valorisation financière. Outre que son adoption ferait entrer de l’argent dans les caisses, ce serait un signe très clair adressé à tous ceux qui seraient tentés de spéculer à cette occasion.

Tel est le message que je voulais faire passer. La culture est facteur de développement économique. On l’a vu dans des villes qui étaient en grande difficulté, car frappées par la crise. Je pense à Berlin, à Bilbao, à Lille, à Nantes, à Lens aujourd'hui.

M. Jean Besson. À Lyon !

M. David Assouline. Lyon était tout de même en moins grande difficulté que les villes que je viens de citer.

Monsieur le ministre délégué, je sais que telle est votre intention et celle du Gouvernement, mais je forme le vœu en cet instant que, dans l’élaboration du prochain budget, la même attention soit portée à la culture, pour faire que ce tout petit budget soit préservé au maximum. C’est une question fondamentale pour l'ensemble de notre peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Mme Élisabeth Lamure. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mon propos concernera essentiellement la question des heures supplémentaires ou plutôt, devrais-je dire, le problème que pose le choix du nouveau gouvernement, sans doute purement idéologique, un choix parfaitement décalé par rapport à la vie économique réelle de notre pays.

Depuis les discussions à l’Assemblée nationale, les exemples de situations concrètes affluent, traduisant l’inquiétude tant des entreprises, plus particulièrement des PME, que des salariés, mais aussi des agents de nos collectivités, qui vont être touchés comme les autres.

Or, nous le savons parfaitement, nous avons en France un double problème : le coût du travail et la compétitivité des entreprises. D’ailleurs, le nouveau gouvernement, maintenant, seulement maintenant, le reconnaît.

Ainsi, quinze ans après la mise en place des 35 heures, en mettant un frein aux heures supplémentaires, vous commettez, une fois de plus, l’erreur de penser que le travail se partage en morceaux.

Or la vie d’une entreprise n’est pas faite d’opérations mathématiques, de division ou de multiplication du travail, elle est sujette à la demande de ses clients, soumise, entre autres, à diverses formes de saisonnalité, aux modes, à la météo, à certaines urgences à satisfaire. Les entreprises d’aujourd’hui ont, plus que jamais, besoin de souplesse.

Dans nos collectivités, nous avons tous ressenti la nécessité, à un moment ou à un autre, régulièrement ou ponctuellement, d’avoir recours aux heures supplémentaires, qui ne justifient pas de nouvelles créations de postes, lesquelles, par ailleurs, alourdiraient la dépense publique.

Aux exemples très nombreux qui circulent, reflets des réalités du terrain, j’ajouterai celui que j’ai vécu personnellement. J’ai récemment rendu visite à une PME de mon département, employant une centaine de salariés dans le domaine du textile, une survivante, pourrais-je presque dire. Les explications de son dirigeant, avec qui j’ai abordé la question des heures supplémentaires, m’ont frappée : lorsqu’il constatait que tel ou tel de ses ouvriers demandait de plus en plus souvent des acomptes sur salaire, ou lorsqu’arrivaient des saisies sur salaire, il proposait tout simplement aux salariés concernés de faire des heures supplémentaires, pour leur éviter de perdre pied et d’entrer dans la spirale de l’endettement. Ce même chef d’entreprise se disait soucieux, car la suppression de l’exonération des charges ne lui permettrait plus de proposer cette solution.

C’est bien cela, la réalité de la vie quotidienne des entreprises. C’est pourquoi j’ai peine à croire, monsieur le ministre délégué, que vous ayez pleinement pris la mesure des conséquences de votre dispositif. Celui-ci va toucher des dizaines de milliers d’entreprises, plus particulièrement des PME, qui ont le plus souvent recours à la formule souple des heures supplémentaires, et plus de 8 millions de salariés. Ces derniers se verront, dans le pire des cas, privés purement et simplement de leurs heures supplémentaires, lesquelles représentaient jusqu’à 500 euros par an, et, dans le meilleur des cas, privés de l’exonération fiscale, ce qui représentera évidemment une baisse de leur pouvoir d’achat.

Même si cette amputation n’est que de quelques dizaines d’euros, elle va frapper les salariés les plus modestes, ceux qui ont du mal à boucler leur budget. J’en veux pour preuve que 30 % des ménages français font leurs achats en calculant à l’euro près.

C’est pourquoi, monsieur le ministre délégué, nous ne comprenons pas que vous vous acharniez à maintenir cette mesure. Erreur économique doublée d’une erreur sociale, elle va faire souffrir ceux qui sont déjà les plus touchés : les salariés aux faibles revenus et les petites entreprises.

Mme Christiane Demontès. Et les chômeurs ?

Mme Élisabeth Lamure. Votre mesure est un coup dur porté aux ouvriers, aux employés, aux agents de catégorie C de nos collectivités, bref, un coup dur à la France qui travaille ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je vais, moi aussi, vous parler de ces Français de l’étranger qui ont désormais onze nouveaux députés ainsi qu’une ministre déléguée et que plusieurs dispositions de ce projet de loi de finances rectificative concernent spécifiquement.

J’évoquerai, d’abord, la prise en charge des frais de scolarité des lycéens français inscrits dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, la PEC.

Le candidat François Hollande s’était engagé à la remplacer par une aide à la scolarité sur critères sociaux pour tous les élèves. Élu, il a tenu son engagement de campagne, puisque l’article 30 prévoit la suppression de la PEC : première étape respectée !

Les crédits sont maintenus dans le même programme. À l’occasion de récents discours prononcés devant plusieurs communautés françaises à Rome et à Londres, le Président de la République a clairement manifesté la volonté de réorienter les crédits vers les bourses sur critères sociaux : deuxième étape respectée !

De nombreuses familles n’avaient, légitimement, pas anticipé un changement des règles aussi rapide. L’équité exige de prendre en compte leurs difficultés : l’attribution des bourses selon le barème actuel est, bien sûr, maintenue et des mesures exceptionnelles d’accompagnement sont prévues.

N’oublions pas que le vœu du Président de la République est d’ouvrir l’accès au réseau dans la justice et l’équité. Cela commande, monsieur le ministre délégué, dans un second temps, de reconsidérer les critères d’attribution des bourses et d’en abonder le budget. Et, pour initier une logique vertueuse de modération des frais d’écolage, de voter une dotation budgétaire satisfaisante à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Je reviendrai, plus tard dans le débat, sur les plafonds d’emplois des enseignants titulaires détachés et l’oubli du réseau AEFE, qui font l’objet d’un amendement que j’ai déposé avec mes collègues Jean-Yves Leconte et Richard Yung.

Concernant, ensuite, l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents, en ma qualité d’élue de gauche, je me félicite d’une telle mesure, destinée à imposer les revenus du capital comme ceux du travail. Visant d’abord les investisseurs étrangers et les exilés fiscaux, elle pèse cependant aussi sur plusieurs milliers de ménages français ayant conservé un bien immobilier en France, marqueur fondamental de la fidélité à leurs racines.

Il ne s’agit pas de solliciter un régime particulier. Il reste que ces « Français à l’étranger » et « Français à part entière » aspirent à une égalité de traitement dans tous les domaines, par exemple, celui de la déductibilité des charges, dont sont exclus ceux qui sont établis hors d’Europe. De même, l’égalité prescrit de prévoir le même taux d’imposition des plus-values pour tous : résidents ou non-résidents. C’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé avec mes collègues Richard Yung et Jean-Yves Leconte.

Quant à la non-rétroactivité, c’est une mesure de bon sens destinée non seulement à assurer une sécurité juridique aux investisseurs, mais aussi à permettre aux propriétaires résidant à l’étranger, qui, rappelons-le encore, ne sont pas des nantis désireux d’échapper à l’impôt, de budgétiser cette nouvelle charge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les Français de l’étranger sont particulièrement « gâtés » par ce projet de loi de finances rectificative...

En effet, l’article 25 étend le prélèvement social au taux de 15,5 % à tous les revenus – location ou vente – que les non-résidents tirent de leurs biens immobiliers situés en France. Cette nouvelle taxe s’ajoutera évidemment aux taxes déjà prélevées.

L’article 30 du projet de loi, quant à lui, prévoit la suppression du dispositif de prise en charge des frais de scolarité sans conditions de ressources accordé depuis 2007 aux familles de lycéens scolarisés à l’étranger.

Aussi, permettez-moi deux remarques.

Je tiens en premier lieu à attirer tout particulièrement votre attention sur l’extrême vigilance des instances européennes quant aux décisions que prend ce gouvernement.

L’article 25 prévoit donc de soumettre les revenus tirés de biens immobiliers par des personnes non résidentes, françaises ou étrangères, aux prélèvements sociaux – CSG, CRDS, etc... – à un taux de 15,5 %.

Pourquoi une personne qui ne bénéficie en rien du régime social français, et a fortiori un étranger, y contribuerait-elle de fait ?

Comment le Gouvernement pourrait-il justifier auprès d’un Australien qui aurait des revenus fonciers en France, par exemple, le fait qu’il lui faille payer ces prélèvements sociaux et rembourser une éventuelle dette sociale qu’il n’a en rien contribué à creuser ?

En ce qui concerne la rétroactivité de votre mesure dirigée contre les non-résidents, permettez-moi, là aussi, d’avoir une pensée pour tous ceux qui, non seulement n’ont plus aucun moyen de se retourner, mais, en plus, ne peuvent plus se retourner.

Vous pensez vendre votre bien ? Vous n’échapperez pas à ce nouveau prélèvement. Il s’appliquera également aux plus-values réalisées à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

À titre d’exemple, la mesure pourrait impacter quelque 200 000 Britanniques, qui devront payer 34,5 % de taxes en France, contre 28 % pour un bien en Grande-Bretagne. De quoi y réfléchir désormais à deux fois avant d’investir en France !

Autant dire que la France risque de payer un lourd tribut en conséquence de décisions politiques qui vont à l’encontre du droit européen et de l’intérêt de ses citoyens. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen de nos amendements tendant à supprimer l’article 25.

En second lieu, je souhaite exprimer l’indignation que m’inspirent la méthode utilisée pour supprimer la prise en charge des frais de scolarité à l’étranger, sans analyse ni concertation, mais surtout la brutalité avec laquelle vous souhaitez appliquer cette mesure, dès la rentrée prochaine.

Vous avez suffisamment reproché au président Sarkozy la précipitation avec laquelle la prise en charge a été mise en place ! Or, aujourd’hui, vous faites exactement la même chose pour la supprimer ... Cela laisse sans voix !

Conséquence immédiate ? Les familles, dont une large majorité sont déjà parties en vacances, vont être prises de court et devront payer intégralement les frais de scolarité pour les classes de seconde, première et terminale dès la prochaine rentrée de septembre.

Inévitablement, certaines familles non boursières connaîtront de grandes difficultés pour régler des frais de scolarité qu’elles n’avaient pas prévu de devoir payer. Je ne peux que déplorer le délai beaucoup trop court laissé aux parents pour intégrer de tels montants dans le budget familial.

La prise en charge, comme toute mesure inédite, n’était certes pas parfaite, mais quel objectif visez-vous exactement en la supprimant d’un trait de crayon ?

Je me rallie sans condition à la levée de boucliers qui a suivi cette décision unilatérale, et nombre de vos amis politiques se sont eux-mêmes élevés contre ces méthodes d’un autre temps.

M. Marc Villard, candidat socialiste malheureux lors des dernières élections législatives dans la onzième circonscription des Français de l’étranger, et par ailleurs élu du groupe ADFE à l’Assemblée des Français de l’étranger, n’a-t-il pas tenu les propos suivants : « Je suis mécontent de la façon dont cette décision est prise. Je ne pensais pas que cela allait être effectif au mois de septembre. Cela met plusieurs familles dans une situation difficile, car elles se retrouvent à la dernière minute avec des dépenses non budgétisées » ?

En écho, M. Jean-Daniel Chaoui, autre candidat socialiste, quant à lui dans la dixième circonscription des Français de l’étranger, et également conseiller ADFE à l’Assemblée des Français de l’étranger, ne s’est-il pas élevé avec encore plus de véhémence contre la brutalité de cette décision ?

M. Richard Yung. Vous choisissez vos exemples !

M. Christophe-André Frassa. Permettez-moi de le citer : « La suppression de la prise en charge est faite dans la hâte, sans aucune consultation des élus socialistes, députés et sénateurs, sans aucune consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger. La méthode est détestable, voire insupportable ».

Enfin, puisque je cite les grands auteurs, j’ajouterai à cette liste Mme Corinne Narassiguin, aujourd’hui député de la première circonscription des Français de l’étranger, qui a fait sa campagne électorale – cela lui a plutôt réussi ! – en promettant ceci : « Cette mesure ne sera pas effective en septembre 2012 mais en septembre 2013. De plus, la prise en charge sera remplacée par un doublement du montant global des bourses ». Sans commentaires...

M. Marc Daunis. Que d’amertume dans votre propos, cher collègue !

M. Christophe-André Frassa. Et ce ne sont que quelques exemples des réactions provoquées par cette proposition.

Ne serait-ce que par respect pour les familles, monsieur le ministre délégué, il faut repousser à la rentrée de 2013 l’application de cette mesure, afin que nos compatriotes aient le temps de trouver une solution pour assumer cette dépense supplémentaire imprévue.

La suppression de la prise en charge représente un montant d’environ 12 millions d’euros au titre du budget 2012. Il faut les conserver dans le budget de l’AEFE réservé aux bourses. Aussi, monsieur le ministre délégué, je vous demande de prendre l’engagement devant la Haute Assemblée que cette somme y sera effectivement reversée non pas au titre du programme 151, comme vous avez pu l’envisager lors des discussions à l’Assemblée nationale la semaine dernière, mais bien pour l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE.

Avec la suppression de la prise en charge, je n’entends pas vos discours d’égalité et de justice sociale. Je n’y vois qu’un mécanisme pervers d’éviction des familles des classes moyennes, trop riches pour bénéficier du système de bourse et trop pauvres pour régler par elles-mêmes ces frais de scolarité.

Alors, de grâce, ne nous parlez pas d’égalité et de justice ! Il n’y a rien de tout cela dans ce projet de loi de finances rectificative. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, pendant les cinq dernières années, l’école a payé le prix fort de la RGPP et a été véritablement utilisée comme variable d’ajustement budgétaire : suppressions massives de postes, suppression de la formation professionnelle des enseignants, disparition des réseaux d’aide pour les élèves les plus en difficulté. Les remplacements des maîtres ne sont plus assurés – s’ils le sont, ils le sont mal -, de même que l’accueil des enfants de moins de trois ans, et le taux d’encadrement des écoles élémentaires est devenu le plus mauvais de tous les pays de l’OCDE.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait la suppression de 14 000 postes, dont 5 700 à l’école primaire…

À présent, la tâche est immense. Dans son programme présidentiel, François Hollande a été très clair : l’école sera une priorité de l’action publique durant son quinquennat. Il faut donc aujourd’hui, dans un premier temps et dans l’urgence, réparer. Il faut revenir, en particulier, sur les suppressions de postes prévues pour la prochaine rentrée par le précédent gouvernement.

C’est pourquoi, dans ce collectif budgétaire, l’article 23 traduit sur les plafonds d’emplois ministériels les premiers efforts réalisés dans ce secteur : 89,5 millions d’euros de crédits supplémentaires sont débloqués pour financer les recrutements prévus. Cette enveloppe va permettre de financer les mesures annoncées et de fournir des moyens en personnels supplémentaires afin d’atténuer les plus graves tensions constatées.

Ces moyens sont notamment ciblés sur le premier degré, avec le recrutement de 1 000 postes de professeur des écoles. En effet, priorité est donnée aux premiers apprentissages, en maternelle et en primaire.

De plus, cet article prévoit le financement des recrutements de 100 conseillers principaux d’éducation, de 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés pour renforcer l’accompagnement des élèves handicapés en intégration, de 2 000 assistants d’éducation dans les établissements afin d’améliorer l’accompagnement des élèves, notamment dans les secteurs les plus sensibles, où cela est bien nécessaire, ainsi que de 500 agents chargés de la prévention et de la sécurité scolaire dans les établissements en difficulté.

Dans les premier et second degrés, des aménagements de service vont bénéficier aux enseignants stagiaires lors de leur première année d’exercice afin qu’ils puissent compléter leur formation initiale. Ces aménagements sont mis en place à titre transitoire dans l’attente de la réforme de la formation initiale des enseignants ; ils prendront la forme d’une décharge de service de trois heures hebdomadaires.

Quant à l’enseignement technique agricole, il n’est pas oublié, puisque 50 emplois y sont créés, alors que le précédent gouvernement avait prévu d’en supprimer un grand nombre.

Certes, les suppressions massives – souvenez-vous : près de 80 000 postes au cours des cinq dernières années ! – ne pourront être résorbées que progressivement. Cependant, les crédits débloqués dans ce projet de loi de finances rectificative permettent, dès à présent, de remédier aux difficultés les plus criantes et de donner une impulsion nouvelle à notre système éducatif pour la rentrée de 2012. D’ores et déjà, des orientations claires sont fixées pour l’avenir.

Des critères de justice ont été retenus pour la répartition de ces recrutements : les affectations sont faites en fonction du taux d’encadrement, des difficultés sociales et éducatives des territoires, et de leur caractère rural.

Avec les sénateurs de la nouvelle majorité présidentielle, je me félicite de ce message clair que nous délivre le Gouvernement : l’école est enfin redevenue la priorité de la nation, et les engagements pris seront tenus.

De grands chantiers vont s’ouvrir dès 2013, concernant, entre autres, la formation des enseignants, les rythmes scolaires, la carte scolaire, pour ne citer que ceux-là. Ces questions seront discutées et négociées avec les enseignants, les parents d’élèves et les collectivités chargées des moyens de fonctionnement, ainsi qu’avec le monde associatif et périscolaire, qui forme un réseau éducatif structurant autour de notre école publique.

C’est aussi l’affirmation que, dorénavant, le Gouvernement est aux côtés des enseignants, des élèves, de leurs familles, de toutes celles et de tous ceux qui sont attachés aux valeurs laïques de l’école de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous prier de bien vouloir excuser mon absence durant une partie de l’après-midi. J’ai cru comprendre que certains d’entre vous s’en étaient formalisés, malgré la précaution que j’avais prise d’en avertir M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et Mme la rapporteur pour avis.

Je demande à ceux d’entre vous qui auraient jugé ces excuses insuffisantes d’accepter celles que je leur présente à cet instant.

En cette période de bouclage budgétaire, il arrive que nous soyons contraints d’assister aux ultimes arbitrages qui précèdent l’élaboration du budget. C’est la raison pour laquelle j’ai dû m’absenter de cet hémicycle. Je le regrette, même si les motifs que je viens d’invoquer peuvent, me semble-t-il, être jugés acceptables par votre assemblée.

Mes collaborateurs m’ont naturellement rendu compte de l’ensemble des interventions auxquelles je n’ai pu assister. Je m’efforcerai de répondre aux orateurs aussi complètement que possible, en espérant ne pas commettre d’erreurs.

Dans son intervention, que j’ai pu entendre avant de m’absenter, le rapporteur général de la commission des finances, François Marc, a souligné à juste titre la nécessité de rétablir notre crédibilité budgétaire. Le Gouvernement s’y efforce sans désemparer depuis qu’il a été constitué. Il m’a semblé que cette crédibilité était reconnue en Europe J’aimerais que vous tous ici puissiez l’admettre, tant il est vrai que certaines disputes dont nous sommes coutumiers peuvent parfois être jugées surprenantes à l’extérieur de nos frontières, et ce quel que soit le gouvernement en place.

Nous surprendrions heureusement, à l’étranger, si nous évitions de nous livrer à ces disputes et si nous pouvions convenir - je veux en convaincre ici celles et ceux qui, parmi vous, pourraient en douter, comme je me suis efforcé de le faire précédemment à la tribune - de la totale détermination du Gouvernement en matière de maîtrise de la dépense.

Je le redis, ce projet de loi de finances rectificative respecte le plafond de dépenses fixé par le précédent gouvernement et voté par l’ancienne majorité en loi de finances initiale, y compris le plafond diminué de 1,2 milliard d’euros du dernier collectif budgétaire. Certains pourraient d’ailleurs nous le reprocher ; mais l’on ne saurait reprocher à la fois tout et son contraire.

Dans ce projet de loi de finances rectificative tel qu’il est présenté aux parlementaires, cette dépense est maîtrisée tout aussi bien que l’ancienne majorité semblait l’avoir voulu. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, d’avoir tenu à mettre l’accent sur ce point.

Je n’ai pas été surpris non plus par vos propos, particulièrement évocateurs en matière de finances locales. Je peux vous annoncer, d’ores et déjà, que le Gouvernement est favorable à nombre des améliorations que vous proposez en ce domaine, notamment s’agissant de la révision des valeurs locatives foncières.

Le rapporteur général de la commission des affaires sociale, Yves Daudigny, nous a alertés à juste titre sur l’impérieuse nécessité de redresser nos comptes sociaux, dont nous connaissons l’état désastreux.

Chacun s’en souvient, une partie des déficits passés et futurs avait été confiée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui reçoit par anticipation les déficits de la branche vieillesse. Cela revenait à laisser aux générations futures, mais c’est le choix qui avait été fait alors, le soin d’apurer des dettes qui ne correspondent en rien à des investissements dont elles pourraient bénéficier.

Le fait d’avoir préféré repousser de quelques années le terme de la CADES, plutôt que d’assumer des déficits découlant tout autant de la crise que de la gestion par les pouvoirs publics, ne fut pas, me semble-t-il, la meilleure façon de montrer la détermination de notre pays à maîtriser ses dépenses ou, à tout le moins, à épargner les générations futures.

Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture, a souligné que les créations de postes prévues dans l’éducation nationale concerneraient non seulement des enseignants, mais également d’autres personnels.

J’ai eu plaisir à écouter Alain Assouline nous parler de la culture. Il est vrai que, dans le présent projet de loi de finances rectificative, il est prévu de revenir, à compter du 1er janvier 2013, sur la hausse du taux de TVA qui avait affecté le livre aussi bien que le spectacle vivant. Le coût de cette annulation est naturellement gagé : il ne s’agit donc pas d’une mesure à crédit.

Je reviendrai d’ailleurs sur la méthode qui consiste, dans le projet de loi de finances rectificative suivant une alternance, à proposer au Parlement des mesures qui sont financées non par des recettes dûment identifiées et authentifiées, mais par le crédit.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez bien sûr critiqué la présentation des comptes. Je le regrette, car je vous sais trop averti en matière de finances publiques pour ne pas avoir observé que les postes que nous créons pour la rentrée scolaire de 2012 le sont par redéploiements, de sorte que l’effort de l’État est constant et n’est pas alourdi par la mise en œuvre de notre politique.

La baisse du taux de la TVA est un deuxième exemple d’une décision politique prise par le Gouvernement qui est financée non pas à crédit, mais par un effort en gestion et par des redéploiements entre différents titres, mouvements habituels quand des dispositions de cette nature sont proposées.

Quant à ce que vous avez dit au sujet de l’ISF, monsieur le président de la commission des finances, je vais répondre de la manière la plus catégorique qui soit : soyez assuré – je le dis aussi à M. Dassault, qui a tenu des propos assez durs sur ce sujet – que la taxation que nous entendons instaurer est bien exceptionnelle.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle ne sera donc pas reconduite ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Elle n’existait pas avant, elle n’existera pas après.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah bon ! (M. Henri de Raincourt s’esclaffe.)

M. Francis Delattre. C’est la dialectique !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De plus, cette taxation ne préfigure en rien ce que pourrait être un éventuel impôt sur la fortune rénové – car, après la réforme de 2011, il faudra bien réformer de nouveau cet impôt.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un retour en arrière !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le fait est qu’en pleine crise de nos finances publiques, au moment où un effort allait être demandé à tous nos concitoyens, il a sans doute été audacieux d’exonérer de cet effort ceux qui sont perçus, peut-être légitimement, comme pouvant y contribuer le plus.

Reconnaissons qu’épargner aux redevables de l’ISF un prélèvement de 2 milliards d’euros pour proposer, quelques semaines plus tard, la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, pour 1,7 milliard d’euros, une augmentation du taux réduit de la TVA, pour 2 milliards d’euros, une augmentation supplémentaire de la taxe sur les mutuelles, pour 1,1 milliard d’euros, et une augmentation de la CSG pour les salariés à hauteur de 600 millions d’euros – car tout cela fut fait en 2011 –, oui, reconnaissons que cela fut bien audacieux de la part de la majorité précédente !

L’actuelle majorité décide de revenir sur cette politique. Nous aurons peut-être un désaccord, mais je ne crois pas que quiconque puisse en être surpris.

J’ajoute que l’allégement de près de 2 milliards d’euros consenti aux redevables de l’ISF n’était pas gagé à coup sûr.

M. Henri de Raincourt. C’est faux ! La mesure était gagée !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’affirmer encore aujourd’hui, monsieur de Raincourt, c’est peut-être tout aussi audacieux de votre part.

En effet, je me souviens que le gage prévu consistait à élaborer une exit tax. Or, quand je suis arrivé à Bercy, les instructions fiscales relatives à cette taxe n’avaient pas été données, de sorte que son rendement pour 2012 est plus qu’aléatoire…

Autrement dit, après avoir proposé au Parlement de voter cette taxe, le précédent gouvernement n’avait pas cru devoir prendre les dispositions indispensables à son recouvrement, comme il lui incombait légitimement de le faire.

Je pourrais vous faire la même démonstration à propos de la taxation des trusts.

Voilà au moins deux exemples de mesures censées gager la réforme de l’ISF qui, de fait, en 2012, ne la gageront pas.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Avez-vous donné les instructions nécessaires ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’observe que, au moment de la réforme de 2011, on a demandé à ceux que l’on exonérait de payer le gage de ce qu’on leur épargnait : curieuse réforme consistant à dire aux mêmes qu’ils payent trop et que l’on va les exonérer mais que c’est à eux qu’il reviendra de combler la différence !

En outre, ceux qui se sont penchés sur cette réforme se souviennent qu’elle fut en partie financée par un relèvement des droits de partage.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces droits, jusqu’alors de 1,1 %, ont été doublés, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale - une augmentation de 100 %, mesdames, messieurs les sénateurs -, puis, sur l’initiative du Sénat, ils ont été relevés de 2,2 à 2,5 %.

Or qui acquitte les droits de partage ? Certainement pas les plus fortunés de nos concitoyens, puisque ces droits s’appliquent à tous les couples qui divorcent, malheureusement pour eux, ou à toutes les fratries ou associations qui décident de sortir d’une indivision. Affirmer qu’il s’agissait précisément de ceux qui payaient l’ISF était tout à fait exagéré.

Bref, monsieur de Raincourt, non seulement cette mesure n’était pas complètement gagée – je vous en ai donné les deux raisons –, mais, en outre, ce qui existait en fait de gage consistait à solliciter non pas ceux qui pouvaient le plus, mais tous les Français, notamment les classes moyennes, car il ne vous aura pas échappé que les divorces les frappent aussi…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne nous proposez pas de revenir sur les droits de partage !

M. Henri de Raincourt. Est-ce que vous allez revenir dessus ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le projet de loi de finances rectificative répond à une partie de vos interrogations. La loi de finances initiale pour 2013 complétera cette réponse et, dans la mandature, je suis sûr que nous finirons par vous convaincre que le choix de ce nouveau cours était nécessaire pour nos finances publiques.

Monsieur le président de la commission des finances, vous vous êtes félicité que le spread de taux entre la France et l’Allemagne soit seulement de 100 points de base. Je m’en réjouis avec vous.

Je vous rappelle que nous avons connu bien pire : presque 300 points de base. Vous accordez au gouvernement précédent le mérite de cette situation. J’imagine quels auraient été vos propos si le spread avait été différent ! (M. Marc Daunis s’esclaffe.)

Convenons que c’est le gouvernement de la France, dans sa diversité et par-delà les alternances, qui en est responsable… La bonne foi commande de reconnaître que cette présentation des faits est probablement plus honnête.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout est très volatile. Et très dangereux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je remercie M. Placé…

M. Dominique de Legge. Il n’est pas là !

M. Francis Delattre. Il s’est « déplacé » !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … d’avoir souligné le gisement de recettes que constitue la remise en cause de niches préjudiciables à l’environnement.

Son propos a naturellement retenu toute l’attention du ministre du budget, sans pour autant le surprendre.

M. Arthuis a prononcé un vibrant plaidoyer en faveur d’un basculement massif du financement de la protection sociale pour alléger le coût du travail. J’ai trouvé dans le propos de M. Arthuis toute l’honnêteté intellectuelle que nous lui connaissons depuis bien longtemps, et à laquelle je rends un hommage sincère et chaleureux. Mais, en même temps, quel aveu !

Nous voyons qu’il s’agissait bien d’augmenter encore et encore la TVA, alors que la consommation des ménages, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, assure 60 % de la croissance économique du pays. Or cette consommation des ménages aurait naturellement été compromise si la TVA avait été augmentée dans les proportions que le président Arthuis a paru envisager.

Peut-être pourrions-nous tomber d’accord sur ce schéma : avant toute réforme d’une telle ampleur, reportant dans de telles proportions le financement de la protection sociale sur la consommation des ménages, il faudrait nous pencher sur la structure même de notre croissance.

Plus précisément, nous devrions nous efforcer collectivement, je l’espère dans un certain consensus, de la faire moins dépendre de la consommation des ménages et davantage de l’investissement et du commerce extérieur. Bref, il faudrait nous inspirer de la structure de la croissance allemande.

Certes, l’Allemagne a augmenté sa TVA, encore que 1 point seulement ait servi à l’allégement des charges, les autres points servant au désendettement – probablement était-ce d’ailleurs une bonne stratégie.

Cependant, pour pouvoir espérer d’une hausse de la TVA en France les mêmes conséquences qu’en Allemagne, indépendamment même des réserves que l’on peut avoir à propos d’une telle mesure, il faudrait au préalable que la structure de notre croissance soit comparable à celle de l’Allemagne, alors qu’aujourd’hui elle est très différente.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je maintiens donc la position du Gouvernement : il vous propose de revenir sur cette augmentation de la TVA, dont les effets bénéfiques sont incertains mais dont les conséquences préjudiciables à la croissance économique sont, en revanche, certaines.

M. Thierry Foucaud a mis en relation, à juste titre, l’explosion de notre dette et l’allégement de la fiscalité des plus privilégiés.

À ce propos, la Cour des comptes a publié un rapport dont les chiffres sont parfois mal compris ou mal exposés. Personne ne songe à nier les effets de la crise sur l’accroissement des déficits publics et l’emballement de la dette ; le faire ne serait pas bien raisonnable.

Je rappelle cependant que la politique fiscale de la précédente majorité, dont l’échec économique est patent, a été faite totalement à crédit : en particulier, pas une des mesures proposées dans le projet de loi de finances rectificative proposé en 2007 n’était financée.

Prétendre que cela n’a pas contribué à l’aggravation du déficit public ne serait pas plus raisonnable.

Sachons, les uns et les autres, reconnaître nos responsabilités. À cet égard, le présent projet de loi de finances rectificative présente au moins une différence avec celui de l’été 2007 : les mesures qui vous sont proposées sont financées, tandis que celles qui avaient été présentées au Parlement il y a cinq ans ne l’étaient pas.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez repris, à propos du présent projet de loi de finances rectificative, l’expression de « paquet fiscal ».

Je vous rappelle que le paquet fiscal voté en 2007, même si son coût a baissé – estimé entre 13 et 15 milliards d’euros, il s’est finalement élevé à une somme comprise entre 10 et 12 milliards d’euros –, n’en est pas moins resté marqué, fondamentalement, par son péché originel, lui qui était exclusivement financé, du premier au dernier euro, par l’emprunt et la dette !

Au contraire, les mesures que le Gouvernement vous propose aujourd’hui sont, elles, financées.

Dès lors, monsieur le président de la commission des finances, il me semble que la bonne foi devrait commander de trouver, pour les désigner, un autre nom que celui de « paquet fiscal ». Peut-être votre imagination y pourvoira-t-elle…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne mettez pas en cause ma bonne foi, monsieur le ministre. N’exagérez pas, je vous en prie !

M. David Assouline. On pourrait pourtant le faire… Et facilement !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette expression restera définitivement attachée à une disposition du projet de loi de finances rectificative pour 2007, d’un coût de 12 milliards d’euros, financée, je le redis, du premier au dernier euro par la dette !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout le monde sait que, à l’époque, les conditions n’étaient pas du tout les mêmes !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Dassault, nos visions s’opposent de façon évidente. Il n’y a aucune acrimonie dans le constat que je fais de notre désaccord, qui d’ailleurs ne vous surprend pas.

Vous considérez qu’en période de crise il faut choisir entre l’égalitarisme, la morale et l’efficacité. Vous prônez l’efficacité. J’aimerais vous convaincre que nous aussi souhaitons être efficaces, mais nous n’estimons pas que ces trois objectifs soient impossibles à atteindre simultanément. Pour ma part, en tout cas, je ne souhaite pas les opposer.

Vous suggérez d’augmenter la TVA pour la porter à 23 %. Convenez que ce serait un effort assez rude pour les consommateurs.

Vous proposez, en outre, de supprimer les allégements Fillon, que vous aviez pourtant votés. Nous connaissons bien ce débat sur le coût du travail dans le bas de l’échelle des rémunérations.

Un certain consensus s’était fait jour pour reconnaître que l’allégement du coût du travail en bas de l’échelle des salaires est nécessaire, sauf à ce que ces emplois soient détruits.

L’évolution très récente du chômage ne devrait pas inciter le Parlement à vous suivre. J’espère qu’il ne le fera pas, et je m’y opposerais dans le cas contraire.

Pour ma part, je ne crois pas économiquement opportun de revenir sur ces allégements de cotisations sociales dont l’architecture a été conçue, d’une manière ou d’une autre, par les majorités successives que notre pays a connues.

Monsieur Patient, je vous remercie de votre soutien au projet de loi de finances rectificative. Il se veut en effet égalitaire dans les domaines que vous avez cités.

Les mesures de justice que nous proposons touchent à la fois la métropole et les outre-mer. Je connais votre attachement à certaines dispositions relatives à la Guyane.

M. Yvon Collin a raison d’appeler de ses vœux une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse. Celle qui a été proposée au Parlement l’année dernière n’a consisté qu’à rétablir l’impôt de bourse, puisque, après avoir supprimé cet impôt, l’ancienne majorité a finalement décidé de le recréer.

Nous savons que les trois assiettes sur lesquelles cette taxe repose se réduisent en réalité à une seule.

En effet, la taxe sur les transactions à haute fréquence a une assiette extraordinairement faible, pour ne pas dire nulle. Souvenez-vous de ce que disait à ce propos François Baroin : ce type de pratiques n’existe pas en France, ou alors à un niveau tout à fait marginal.

Quant à la deuxième assiette, c'est-à-dire les transactions sur les credit default swaps, les CDS, elles seront interdites par une directive européenne à compter de l’automne. Cette assiette était donc extrêmement transitoire.

Demeure donc la taxation des échanges de titres pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros. Dans le cas de l’impôt de bourse, ce seuil était de 250 millions d’euros, mais il était prévu des exonérations.

Bref, c’est l’impôt de bourse qui a été rétabli. Nous vous proposons d’en doubler le taux, non pas par frénésie fiscale, mais parce qu’une certaine continuité de l’État s’impose parfois, comme certains d’entre vous l’ont fait valoir.

Les autorités de la France avaient espéré un certain rendement de la taxe sur les transactions financières ; nous proposons le doublement de son taux précisément pour garantir que le rendement de cette taxe, dont l’actuelle opposition, qui était alors la majorité, avait fixé le niveau, sera effectivement atteint.

Madame Marie-Hélène Des Esgaulx, vous faites partie des sénateurs qui ont regretté que j’aie été contraint de quitter l’hémicycle. Je vous prie à nouveau d’accepter les excuses que j’ai présentées au Sénat.

Vous avez marqué votre défiance à l’égard du Gouvernement. La chose n’est pas surprenante. La discussion des articles nous donnera peut-être l’occasion d’examiner plus précisément les raisons de cette défiance et, le cas échéant, de les réduire.

Nous pouvons au moins nous accorder sur la devise de la maison d’Orange : il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer… Je vous suggère d’adopter cette méthode, au moins pour ce projet de loi de finances rectificative ! (Sourires.)

M. Aymeri de Montesquiou a fait preuve à mon égard d’une courtoisie dont je le remercie. J’ai beaucoup apprécié sa citation de saint Augustin, selon laquelle il vaut mieux emprunter le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme… Mais il vaut encore mieux emprunter le bon chemin d’un pas ferme : c’est ce que le Gouvernement s’efforcera de vous proposer !

Je comprends l’appel de M. Dominique Watrin au sujet de la taxation des retraites chapeaux. Un amendement a été déposé en ce sens. Je ne vous cache pas que le Gouvernement est assez enclin à accepter cette suggestion, qui me paraît frappée au coin du bon sens.

Je remercie M. Christian Bourquin d’avoir relevé le changement de méthode. La nôtre repose notamment sur la volonté de dialogue et la prudence dans les prévisions économiques.

S’agissant de ce dernier point, nous nous efforçons de faire preuve d’une transparence et d’une sincérité qui, je crois, ne sont pas contestables.

Par le passé, au contraire, il s’est trouvé des lois de finances reposant sur des prévisions de croissance bien peu réalistes. Il a tout de même fallu plusieurs lois de finances rectificatives pour corriger, précisément, des prévisions de croissance que l’on savait illusoires au moment du vote sur le projet de loi de finances initiale.

Les révisions auxquelles le Gouvernement a procédé peuvent, me semble-t-il, faire consensus. Au moins de ce point de vue-là pourrait-on reconnaître que le Gouvernement fait preuve d’une loyauté certes nécessaire, normale, de bon aloi, mais d’une vraie loyauté à l’égard du Parlement.

Mme Michèle André, à l’instar de plusieurs autres orateurs, a rappelé le contexte très difficile dans lequel s’inscrit notre discussion, ainsi que la nécessité impérieuse de tenir des engagements de redressement. Madame la sénatrice, je vous remercie d’être sensible à une notion qui, je crois, fait consensus au Sénat et, plus généralement, au Parlement : lorsque la France a donné sa parole, elle doit la respecter.

Mme Fabienne Keller et d’autres parlementaires se sont exprimés sur les heures supplémentaires. Sans doute peut-on éviter certains malentendus. Il ne s’agit évidemment pas de supprimer dans leur principe les heures supplémentaires, qui continueront à être payées à un tarif supérieur aux heures dites « normales », c'est-à-dire, je crois, 25 % jusqu’à la huitième heure et 50 % au-delà. En clair, le « travailler plus pour gagner plus », tant qu’il est raisonnable, ne me semble pas contredit par les propositions que le Gouvernement vous soumet.

En revanche, il est vrai que nous revenons sur la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires pour les entreprises, en tout cas pour celles dont les effectifs ne les qualifie pas comme de très petites entreprises, et pour l’ensemble des salariés, au nom de l’égalité devant l’impôt.

Nous le faisons pour des raisons de fond, après avoir dressé un constat : le dispositif, qui était destiné à encourager le travail, donc à lutter contre le chômage, a échoué.

M. Francis Delattre. Personne ne le démontre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comment expliquer autrement que, en dépit de l’instauration d’une telle mesure et de la vigueur avec laquelle elle fut mise en œuvre et maintenue, le nombre de chômeurs ait augmenté de plus de un million ? Comment expliquer, puisque la mesure était destinée à encourager le travail, que son entrée en vigueur n’ait pas eu pour effet d’augmenter le volume d’heures supplémentaires travaillées ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il aurait peut-être été plus faible sans cela ! Qu’en savez-vous ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Car, qu’ils émanent du Parlement, du Conseil des prélèvements obligatoires ou de la Cour des comptes, les rapports ont abondé sur le sujet, honnêtes, sincères et opposables à chacun, qui tous démontrent que le nombre d’heures supplémentaires n’a pas augmenté.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous réécrivez l’histoire telle qu’elle vous arrange !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’autres arguments justifient, me semble-t-il, notre position.

Premièrement, appartient-il vraiment à la puissance publique de se substituer à des entreprises quand il s’agit de rémunérer le travail ?

C’est une question à laquelle nous avions pu répondre de manière assez consensuelle, pour les uns en instaurant la prime pour l'emploi, pour les autres en l’augmentant. Car la prime pour l'emploi n’est rien d’autre que la déclinaison d’un tel principe. Il s’agit de décharger les entreprises de ce qui a toujours été leur obligation historique – elles étaient jusque-là les seules à rémunérer le travail fourni en leur sein – pour que la puissance publique se substitue d’une manière ou d’une autre à elles.

Mais, convenons-en, si la prime pour l'emploi a atteint ses objectifs – les uns l’ayant créée, les autres l’ayant augmentée, je suppose qu’il n’y aura pas d’opposition farouche entre nous sur le sujet –, ce n’est pas le cas, me semble-t-il, du dispositif de politique publique relatif aux heures supplémentaires.

Deuxièmement, il est tout de même délicat de financer de telles mesures exclusivement par l’emprunt et par la dette. Car c’est bien cela qui fut mis en œuvre pendant cinq ans. Au nom de quoi les générations futures, quand elles rembourseront les emprunts que nos générations auront contractés, devront-elles rembourser ce que l’État aura dû emprunter pour payer les heures supplémentaires effectuées par des salariés dans des entreprises ? Il me paraît difficile d’affirmer que cela est légitime. Nous avons une opposition sur ce sujet. Nous aurons donc le débat le plus serein possible, un débat qui sera naturellement de qualité.

Il est vrai que deux visions politiques s’affrontent en la matière. Là encore, il n’y a rien de surprenant. Nous en avons l’habitude, depuis cinq ans au moins.

Mme Archimbaud partage le double objectif du Gouvernement de justice fiscale et de rétablissement des comptes publics. Je la remercie de ses propos. Elle appelle, comme son collègue Jean-Vincent Placé, à revoir les niches fiscales dites « grises », qui sont en particulier défavorables à ce que l’on appelle le « développement durable ».

Nous voyons bien quels sont les sujets que vous souhaitez aborder, madame la sénatrice. Nous aurons donc un débat qui, je l’espère, sera fructueux. Soyez en tout cas certaine qu’il sera mené avec la plus grande sincérité de la part du Gouvernement.

M. Nègre, comme plusieurs orateurs de l’ancienne majorité, a évoqué un « satisfecit » que la Cour des comptes aurait adressé au précédent gouvernement. Je me suis exprimé assez largement sur ce point à la tribune tout à l’heure. J’ai reconnu que le déficit public avait effectivement été réduit de manière historique. Simplement, cela s’est produit après que le déficit public eut atteint un niveau lui-même historique. L’Histoire répond à l’Histoire ; cela tombe bien !

En même temps, j’ai indiqué en quoi une telle réduction consistait réellement : un effort structurel de 0,8 point de PIB, constitué exclusivement de recettes supplémentaires. Mais, et je m’adresse ici aux parlementaires qui ont fait de l’absence d’augmentation des impôts l’alpha et l’oméga de leur projet politique et de leur stratégie pour réaliser des économies et qui ont même érigé cet objectif en nécessité impérieuse et incontournable pour réduire le déficit public, convenez-en, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque la Cour des comptes écrit noir sur blanc que le seul effort structurel réalisé par notre pays en 2011 fut une augmentation des impôts, et certainement pas une économie dans les dépenses, il est difficile d’y trouver le satisfecit que certains y ont vu !

Mais, après tout, chacun peut lire ce qu’il lui plaît de lire dans les rapports. C’est d’ailleurs bien le rôle de la Cour des comptes que de donner à réfléchir aux uns et aux autres. Les uns voient dans certains propos ou écrits de la Cour des comptes de quoi se féliciter des politiques déjà menées quand d’autres y voient condamnation de ces mêmes politiques, et réciproquement. À tout le moins, la Cour des comptes contribue à un débat de qualité au sein du Parlement. Sur ce constat-là, nous pourrons tous, je le crois, nous retrouver de manière consensuelle.

M. Rebsamen a rappelé le bilan économique et social, qualifié de « catastrophique », de la précédente majorité présidentielle. Il a mis en perspective notre action, en rappelant qu’elle s’inscrivait dans la durée, avec des réformes qui seraient concertées, puis présentées au Parlement. Je le remercie très vivement de son soutien.

Le présent collectif budgétaire peut être, me semble-t-il, caractérisé par deux principes, même si cela n’en exclut évidemment pas d’autres.

Premier principe, la sincérité. J’en ai dit quelques mots, en précisant ce qu’étaient nos révisions de croissance économique. Je ne crois pas que les évaluations du Gouvernement, sur lesquelles notre texte se fonde, soient contestables. En tout cas, je n’ai pas entendu d’orateur les remettre en question.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sur vos commodités, vous ne m’avez pas répondu ! Vous vous en êtes bien gardé !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il m’a semblé vous répondre.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne m’avez répondu en rien sur la présentation des chiffres !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Eh bien, je suis désolé de vous avoir déçu ! J’essaierai de me rattraper et de mieux vous répondre lors de la discussion des articles.

Deuxième principe, la responsabilité. Il y a effectivement des mesures nouvelles dans ce projet de loi de finances rectificative. Elles sont d’une ampleur relativement limitée, par comparaison avec le coût, que j’ai déjà évoqué, du paquet fiscal de la précédente législature. Ce sont des priorités.

Les 90 millions d’euros au titre des nouveaux emplois dans l’éducation nationale sont financés par la réduction de crédits sur d’autres programmes. Les 400 millions d’euros d’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire le sont par l’affectation à la branche famille d’une recette que nous maintenons et que la présente majorité avait votée. C’est donc financé. Les 500 millions d’euros, toutes institutions confondues, c'est-à-dire l’État et l’ensemble des collectivités publiques et locales, liés à l’augmentation du SMIC sont financés, en tout cas pour l’État, par redéploiement. Enfin, les 200 millions d’euros de mesures d’âge, c'est-à-dire la reprise partielle de dispositions de la réforme des retraites, sont aussi financées.

Vous pouvez critiquer nos choix et condamner les hausses de cotisations, mais cette mesure, à l’instar des autres, est financée.

Je m’aperçois que je n’ai pas répondu aux sénateurs représentant les Français de l’étranger. Pardon d’avoir failli commettre une telle omission.

Sur la prise en charge, là encore, nulle surprise ! Il avait été indiqué pendant la campagne présidentielle, puis pendant les législatives, qu’une telle mesure serait prise. Pour un peu moins de 10 % des élèves, plus de 25 % des crédits de la mission ont été consommés. Peut-être est-ce un peu excessif.

En outre, conformément à l’engagement du Président de la République, si cette mesure est supprimée, les crédits ne sont pas annulés pour autant. Bien entendu, il appartient au ministre responsable, en liaison avec les parlementaires ayant une légitimité sur le sujet, de veiller à ce que l’utilisation des crédits se fasse au mieux.

À mon sens, l’annulation de la mesure et la récupération des crédits auraient été très critiquables. Mais ce ne sera pas le cas.

J’ai été interrogé sur le choix d’assigner aux plus values immobilières le soin de contribuer, via la CSG et la CRDS, au rétablissement de nos finances publiques. J’y répondrai de manière plus détaillée lors de l’examen de l’article concerné. Quoi qu’il en soit, cela repose sur un principe fiscal que personne n’a jamais, je crois, contesté ici et que je serais surpris d’entendre les parlementaires représentant les Français établis hors de France remettre en cause : le principe de territorialité. Car c’est au nom de ce principe que nos compatriotes qui se sont expatriés pour des raisons qui les regardent et qui sont évidemment respectables, n’acquittent pas l’impôt sur le revenu en France. Si le principe de nationalité devait prévaloir – j’ai cru comprendre que certains parlementaires représentant les Français de l’étranger pourraient le souhaiter dans ce cas d’espèce –, je vous engage à réfléchir à ce qu’en seraient les conséquences pour nos compatriotes expatriés, s’agissant non seulement de l’impôt sur le revenu, mais également de la CSG. Peut-être faudrait-il veiller à ne pas condamner une disposition avec tel argument pour ensuite oublier cet argument lorsqu’il s’agit d’en éviter une autre…

Je m’aperçois que je n’ai pas répondu à Pierre Charon. Je le prie vraiment de m’en excuser. Je le connaissais naturellement de nom et de réputation : esprit pétillant, personnage ayant beaucoup contribué, en 2007, aux événements politiques que l’on connaît et s’étant singularisé lors d’élections sénatoriales récentes ! (Sourires.) J’emploie le terme « singularisé » dans le bon sens du terme. Le courage, quand il s’agit de se présenter à des élections, est chose tout à fait estimable et appréciable. (Nouveaux sourires.) Je crois qu’aucun élu ne pourra en disconvenir. J’ai peut-être été un peu déçu par la chute de votre intervention, monsieur le sénateur. J’espère que vous trouverez l’occasion de vous rattraper au cours du débat.

Je vous répondrai avec autant d’humour que vous, c'est-à-dire, en fait, sans vraiment d’humour. Accuser l’actuel gouvernement et la majorité qui le soutient de ne penser qu’aux prélèvements obligatoires et aux impôts, c’est oublier que la majorité à laquelle vous apparteniez a voté 15 milliards d’impôts supplémentaires pour cette année, quand nous nous contentons de 7 milliards d’euros, c'est-à-dire deux fois moins.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si nous ne l’avions pas fait, vous auriez eu plus à faire !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Que vos critiques ou vos louanges soient en proportion des chiffres !

M. le président de la commission des finances a félicité le gouvernement précédent de l’effort ainsi réalisé. Nous ne vous demandons pas de nous féliciter de la même manière ; la moitié nous suffirait, puisque nous faisons la moitié. (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Et j’imagine que ceux qui nous critiqueront parce que nous levons 7 milliards d’euros d’impôts supplémentaires ont, à l’époque, critiqué deux fois plus le gouvernement Fillon quand il a levé, lui, 15 milliards d’euros d’impôts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.- M. le président de la commission des finances s’exclame.)

En matière de pouvoir d'achat, j’ai déjà indiqué ce qu’il en était. Je peux comprendre que l’on se préoccupe du pouvoir d'achat des salariés, comme nous le verrons lorsque la mesure relative aux heures supplémentaires sera débattue, mais que ceux qui critiquent ce gouvernement et la majorité sur laquelle il s’appuie en espérant l’adoption d’une telle mesure n’oublient pas qu’eux-mêmes ne se préoccupaient peut-être pas beaucoup du pouvoir d'achat lorsqu’ils ont, pardon de me répéter, décidé de ne plus indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Beaucoup de ménages qui ne payaient pas l’impôt vont désormais le payer, et beaucoup de ménages qui étaient imposables à la première tranche vont passer à la deuxième.

Et que l’on n’oublie pas la CSG, ni la taxe sur les mutuelles ! Que l’on n’oublie pas que le pouvoir d'achat n’était sans doute pas la principale préoccupation de ceux qui ont décidé de faire payer 15 milliards d’euros d’impôts supplémentaires à nos compatriotes !

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu, sinon à tous, en tout cas à presque tous ceux qui se sont exprimés. Je vous donne rendez-vous, aux uns et aux autres, lors de la discussion des articles pour reprendre, et de manière plus approfondie, l’ensemble des sujets qui – veuillez m’en excuser – ne furent abordés que de manière superficielle au cours de mon intervention. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP. – Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste.) Rassurez-vous, mes chers collègues, c’est un point de procédure qui concerne la réunion de la commission des finances, et non un point de fond. Nous aurons tout le temps d’aborder le fond : nous avons des jours et des nuits devant nous. Nous avons tout notre temps. Et nous allons prendre tout le temps nécessaire… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Ça va, on a compris !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous commencez sur ce ton agressif, l’opposition fera ce qu’elle peut faire. (M. Michel Delebarre s’exclame.)

M. David Assouline. On n’a pas peur !

Mme Christiane Demontès. Ils vont se mettre à faire de l’obstruction !

M. Christian Cambon. Vous, vous en avez l’habitude !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous voulez que les choses se passent « à la mode sénatoriale », comme vous dites, peut-être faudrait-il commencer sur un tempo un peu moins intense.

M. Michel Delebarre. C’est dramatique !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous le répète, nous avons tout le temps, chers collègues, tout le temps….

M. David Assouline. Nous avons compris !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous devons réunir la commission des finances pour commencer à examiner les quelque deux cents amendements déposés sur ce texte. Nous ne pourrons vraisemblablement pas aller au bout de la tâche, d’autant que nos travaux se dérouleront à l’heure du dîner et que nous allons devoir nous contenter de plateaux-repas très frugaux…

Mes chers collègues, je vous donne donc rendez-vous en salle de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Discussion générale (suite)

19

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. En application de la loi organique n° 2010-837, de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et de l’article 1er du décret n° 59-587 du 29 avril 1959, la commission des affaires économiques, lors de sa réunion du mardi 24 juillet 2012, a émis un vote favorable, par douze voix pour et cinq bulletins blancs, en faveur de la nomination de M. François Houllier en qualité de président de l’Institut national de recherche agronomique.

Acte est donné de cette communication.

20

Candidature à une délégation sénatoriale

Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à la prospective à la place laissée vacante par M. André Villiers, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

21

Nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Hélène Des Esgaulx membre de la délégation sénatoriale à la prospective, à la place laissée vacante par M. André Villiers, dont le mandat de sénateur a cessé.

22

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 23 juillet 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-281 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

23

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Question préalable

Loi de finances rectificative pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des motions.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par M. Dallier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (n° 687, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Philippe Dallier, auteur de la motion.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’Espagne s’enfonce dans la crise, les marchés financiers s’affolent, les agences de notation s’interrogent sur la capacité de l’Allemagne à faire face ; pendant ce temps-là, que faisons-nous ? Tel est le sens de cette motion, que j’ai l’honneur de défendre au nom du groupe UMP, tendant à opposer la question préalable au premier texte financier que nous présente ce gouvernement.

L’objet d’une telle motion, vous le savez aussi bien que moi, mes chers collègues, est de s’interroger sur l’opportunité d’un texte. Cette démarche nous semble pertinente, messieurs les ministres, tant nous nous interrogeons sur l’adéquation des dispositions de votre collectif à la situation du pays, de l’Europe et du monde…

Si j’osais, pour décrire ce sentiment de décalage que nous ressentons, je parlerais de « l’insoutenable légèreté du moment », paraphrasant ainsi le président de la commission des finances du Sénat, qui avait évoqué, lorsqu’il était rapporteur général, « l’insoutenable légèreté de la dette ».

En effet, le premier texte financier d’une nouvelle législature, d’une nouvelle majorité a fortiori, revêt un caractère hautement symbolique. On était donc en droit d’espérer que ce collectif nous démontre que vous avez pris la mesure des choses et qu’il trace clairement, pour les cinq années à venir, le chemin de la future politique économique et budgétaire du Gouvernement.

Ce n’est manifestement pas le cas de ce texte sans grande ambition, qui a pourtant un mérite, celui de nous renseigner sur ce que sera le fil d’Ariane de votre politique : augmentation des impôts et des taxes en tous genres, à l’exclusion de toutes économies ; vous vous refusez encore à en décider, mais pour combien de temps ?

M. Ronan Kerdraon. On peut faire mieux que vous !

M. Philippe Dallier. Quant à savoir ce que vous comptez faire afin, par exemple, d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, sujet majeur s’il en est, ce n’est pas ici que nous trouverons la réponse ; au contraire, vos premières décisions vont la dégrader.

Comment trouverez-vous les 25 milliards à 30 milliards d'euros qu’il vous faudra dégager, l’an prochain, pour rester en ligne avec notre objectif de réduction du déficit public ? Il n’y a pas plus de réponse à cette question dans le présent texte.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est vous qui avez laissé ce déficit !

M. Philippe Dallier. Il nous faudra donc attendre la loi de finances initiale de 2013 pour y voir plus clair. Même si des ballons d’essai ont été lancés – je pense à la CSG, notamment –, à ce jour, le Parlement reste dans l’attente de vos décisions, alors que le temps presse de plus en plus.

C’est pourquoi nous nous interrogeons très sérieusement, messieurs les ministres : avez-vous bien pris la mesure de la gravité de la crise économique et de l’urgence qu’elle impose ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec le bilan que vous nous avez laissé, c’est sûr !

M. Philippe Dallier. Avez-vous bien conscience du fait que, contrairement à ce que dit Mme Aubry, les marges de manœuvre dont vous disposez sont réduites ? Êtes-vous véritablement décidés à engager dans les plus brefs délais la France sur la voie du retour à l’équilibre de nos comptes publics et d’une meilleure compétitivité de nos entreprises ?

Si la réponse à ces questions est positive – et je veux bien vous en faire crédit, messieurs les ministres –, alors que faisons-nous là, si ce n’est perdre du temps ?

Croyez-vous que nous soyons à l’abri derrière les décisions du dernier sommet de Bruxelles, que vous nous avez, peut-être un peu vite, présentées comme un brillant succès de la diplomatie française, préférant lâcher l’Allemagne, cet allié si peu solide, pour nouer une alliance de revers avec deux États en pleine prospérité, l’Italie et l’Espagne ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le trait est un peu forcé !

M. Philippe Dallier. À l’évidence, le projet de loi de finances rectificative dont nous entamons aujourd’hui l’examen n’est pas le texte fondateur d’une nouvelle majorité et ne répond pas non plus à l’urgence. Il n’est qu’un simple collectif budgétaire à portée limitée.

Alors, soit : puisque vous le voulez ainsi, examinons-le comme tel, même si nous déplorons cette situation.

Ce collectif permet-il, conformément à l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, d’adapter, au plus près de l’évolution de la conjoncture, les prévisions de recettes et de dépenses de l’année ?

En 2011, nous avions examiné quatre textes de cette nature. Le gouvernement d’alors avait ainsi voulu jouer la plus grande transparence, face à une conjoncture qui se dégradait plus vite que prévu.

À l’époque, notre ancienne collègue Nicole Bricq n’avait pas manqué de critiquer cette méthode, reprochant au ministre du budget de toujours surestimer le taux de croissance, alors même que, en 2011, nous avions été aussi prudents que le consensus des économistes.

Le changement venu, nous serions donc, mes chers collègues, en droit d’attendre du nouveau gouvernement un collectif budgétaire suffisamment prudent pour que nous soyons assurés de ne pas avoir à y revenir d’ici à la fin de l’année. Messieurs les ministres, autant vous dire tout de suite que je n’en crois rien, non plus d’ailleurs que notre rapporteur général, resté, en commission, très évasif sur le sujet.

Alors, mes chers collègues, je repose la question : pourquoi sommes-nous ici, puisque nous nous reverrons sous peu, probablement en septembre ou en octobre, pour examiner une nouvelle fois les moyens d’atteindre l’objectif de 4,5 % de déficit public en 2012 ? N’aurait-il pas été plus efficace de réunir le Parlement en session extraordinaire en septembre, puisqu’il aurait alors été mieux éclairé sur l’évolution de la conjoncture ? La réponse à cette question est certainement « oui », d’autant qu’il existe une réserve de précaution ; j’y reviendrai.

Ce collectif budgétaire n’est en réalité rien d’autre qu’une entreprise de déconstruction, un texte purement idéologique, dont l’unique objectif est de défaire…

M. Ronan Kerdraon. De corriger !

M. Philippe Dallier. … ce que la majorité précédente a fait,…

M. Philippe Dallier. … en quelque sorte l’ultime avatar de la campagne électorale, que vous avez en plus tenté de déguiser.

Vous avez commencé par nourrir le soupçon à l’égard de la gestion de la précédente majorité et vous avez essayé d’instrumentaliser la Cour des comptes, en lui demandant un « audit » sur l’état de nos finances publiques.

Or, chacun le sait, la Cour des comptes rend chaque année, en juin, un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Il était donc inutile de parler d’« audit », encore moins de faire peser le doute sur l’indépendance de cette remarquable institution, d’autant que son rapport est sans ambiguïté.

En constatant l’amorce d’une stratégie de consolidation budgétaire, ce rapport donne acte au précédent gouvernement d’avoir remis les finances publiques de notre pays sur une trajectoire viable (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.),

M. Ronan Kerdraon. C’est la méthode Coué !

M. Philippe Dallier. … une fois le premier choc de la crise passé – choc qui fut très rude, vous oubliez systématiquement, mes chers collègues, de le rappeler.

M. le ministre délégué nous a beaucoup parlé, cet après-midi, de 2007, de 2011 et de 2012. Il a simplement oublié de nous parler de l’événement majeur qu’a été la crise de 2008-2009. Or vous savez bien, mes chers collègues, quel a été l’impact de cette crise.

L’argument de l’audit ayant fait « pschitt », vous avez ensuite tenté, pour justifier l’urgence, de faire croire que le précédent gouvernement aurait laissé une « ardoise cachée » d’une dizaine de milliards d’euros, mais cela n’a trompé personne.

La Cour des comptes l’a d’ailleurs pleinement confirmé : les moins-values de recettes sont évaluées entre 5,8 milliards et 10 milliards d’euros. Messieurs les ministres, vous retenez aujourd’hui 7,1 milliards d'euros pour l’ensemble de l’année, ces moins-values s’expliquant, pour l’essentiel, par la faiblesse du rendement de l’impôt sur les sociétés, due au ralentissement économique.

Mais pour faire face à ces aléas conjoncturels, la réserve de précaution disponible était, en mai dernier, de 5,4 milliards d'euros – le chiffre émane de la Cour des comptes –, auxquels nous pouvons ajouter 800 millions d’euros au titre de 2012 et 2,6 milliards d'euros en année pleine à partir de 2013, suite à l’augmentation de deux points du taux des prélèvements sociaux sur les revenus du capital que nous avons votée et que vous maintenez, alors qu’elle devait permettre de financer la baisse du coût du travail dans le cadre de la « TVA compétitivité » .

Voilà donc, au total, 6,2 milliards d'euros à votre disposition, messieurs les ministres, sur les 7,1 milliards d'euros que vous cherchez : il n’y a aucune « ardoise cachée », et ce collectif budgétaire ne s’imposait donc pas, en tout cas pas dans l’immédiat.

Votre premier souci est bien de défaire, par pure idéologie (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.),…

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Lorsqu’on n’est pas d’accord avec vous, c’est de l’idéologie !

M. Philippe Dallier. … ce que la précédente majorité a construit : c’est bien là le cœur de ce projet de loi de finances rectificative.

À ce titre, je retiendrai trois mesures emblématiques : la suppression brutale des exonérations de charges et la refiscalisation des heures supplémentaires, l’augmentation des droits sur les successions, la suppression de la « TVA compétitivité ». En plus, vous voudriez nous faire croire, contre l’évidence, que toutes ces réformes sont justes et ne toucheront pas les classes moyennes ; chacun sait bien ce qu’il en est…

La suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires a profité à 9 millions de salariés gagnant 1 500 euros par mois en moyenne, qui ont perçu ainsi environ 450 euros de plus par an. S’agit-il là des riches dont vous parlez tout le temps ? Est-ce à eux qu’il revient de payer pour réduire nos déficits ?

M. Alain Fauconnier. Incroyable !

M. Philippe Dallier. Riche, l’aide-soignante hospitalière ou l’enseignant qui travaille quelques heures de plus par mois ? Riche, l’ouvrier ou l’agent de catégorie C de la fonction publique ? (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) Où est donc ici la justice sociale et fiscale dont vous vous targuez si volontiers ?

M. André Reichardt. Très bien !

M. Philippe Dallier. Votre unique réponse tient, comme au bon vieux temps de la mise en place des 35 heures, à une conception malthusienne du travail : le travail aurait atteint son maximum et deviendrait rare, et la seule solution serait donc de le partager. Quelle erreur !

Non, messieurs les ministres, ce n’est pas en pénalisant le recours aux heures supplémentaires que vous créerez plus d’emplois : c’est une chimère ! En les supprimant, vous rigidifiez un peu plus notre marché du travail, qui n’en avait vraiment pas besoin.

M. Ronan Kerdraon. Travailler plus pour gagner moins !

M. Philippe Dallier. Quant à l’abaissement de 160 000 à 100 000 euros du montant de l’abattement applicable aux successions et aux donations en ligne directe, il ne pénalisera pas vraiment les plus aisés, pour qui cette différence de 60 000 euros ne représente, proportionnellement, qu’une faible part de l’ensemble du patrimoine transmis.

En revanche, il concernera bien les classes moyennes, notamment les ménages qui ont pu acquérir un bien immobilier en zone urbaine tendue – par exemple la région d’Île-de-France, y compris un département comme la Seine-Saint-Denis –, car votre dispositif ne tient pas compte du renchérissement du coût de l’immobilier.

Autre mesure totalement dogmatique, la suppression de la « TVA compétitivité », qui était un moyen d’accroître, à court terme, la compétitivité de nos entreprises, par une baisse des charges patronales.

Cette mesure était calibrée pour être faiblement inflationniste et permettre la création du plus grand nombre d’emplois possible, puisqu’elle était ciblée sur les bas salaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Elle avait aussi l’extrême avantage de porter sur les importations et de les faire ainsi contribuer au financement de notre protection sociale.

M. Philippe Dallier. Là aussi, par pure idéologie, vous supprimez le dispositif, alors que tant la Commission européenne que la Cour des comptes vous conseillent de ne pas augmenter les prélèvements pesant sur le coût du travail. Vous faites le contraire, quitte à peut-être vous résoudre, à l’automne, à relever la CSG. Dans quel but ? Réduire le déficit ? Réduire le coût du travail ? Un peu des deux ? Vous ne le dites pas, pas plus que vous ne dites que cette augmentation de la CSG se traduira par une baisse du pouvoir d’achat, de façon peut-être plus sensible encore, pour les plus modestes, que celle de la TVA.

En effet, messieurs les ministres, notre dispositif ne modifiait pas le taux applicable aux produits de première nécessité, qui tiennent une part plus importante dans le panier de la ménagère modeste que dans celui des ménages aisés.

Par ailleurs, il est assez facile de comprendre que ceux qui consomment le plus, les plus aisés, auraient été plus touchés. Surtout, je le répète, les importations étaient mises à contribution.

Vous préférez vous enfermer dans votre dogmatisme. Nous le regrettons d’autant plus que vos choix sont dangereux d’un point de vue économique, car ils renchérissent le coût du travail.

M. Philippe Dallier. C’est bien le cas du retour partiel à la retraite à 60 ans financé par une hausse des cotisations, du « coup de pouce » au SMIC, de l’abandon de la « TVA compétitivité », de la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires.

Comment peut-on nier à ce point la réalité et les expériences de ceux de nos partenaires européens qui ont réussi, par l’abaissement ou la limitation du coût du travail, à obtenir des résultats meilleurs que les nôtres en termes de croissance et d’emploi ?

Je l’ai dit, une première loi de finances, pour une nouvelle majorité, aurait dû, à tout le moins, donner des orientations stratégiques, fixer le cap. Or, nous sommes aujourd’hui dans la confusion la plus totale et il nous est très difficile de discerner vos choix, y compris pour la loi de finances initiale que nous discuterons à la rentrée.

Vous renoncez déjà à des promesses du candidat Hollande, ce qui n’est parfois pas plus mal ! Je pense à la réforme de la fiscalité pesant sur les carburants, qui aurait vraisemblablement été coûteuse et faiblement efficace. Vous êtes aussi en train de prendre conscience de l’inutilité du doublement du plafond du livret A, mesure qui déstabiliserait profondément le marché de l’épargne et reviendrait à créer une nouvelle niche fiscale pour les plus aisés : ce serait un comble !

Vous annoncez des dépenses supplémentaires – un accroissement du nombre de contrats aidés,…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les contrats aidés, vous les avez bien consommés avant les élections !

M. Philippe Dallier. … une augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, une hausse du SMIC – sans dire comment elles seront financées, ce qui rendra l’ajustement structurel de nos finances publiques encore plus difficile quand vous serez contraints d’y procéder !

Vous n’envisagez pas de réduire sérieusement la dépense publique. Au contraire, vous annoncez la création de postes dans certains secteurs de la fonction publique et vous ne précisez pas quelles en seront les conséquences pour les autres. Or un rapide calcul montre que, hors secteurs prioritaires, on ne peut maintenir les effectifs que par la non-compensation de deux départs à la retraite sur trois. Et vous jugiez si sévèrement notre règle du « un sur deux »…

À ce stade, votre réforme de l’impôt sur les sociétés n’est pas claire du tout. On ne sait pas comment elle s’articule avec votre projet de refonte de la suppression de la taxe professionnelle, à moins que vous n’ayez déjà également abandonné celui-ci…

Quant à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, on n’en entend plus parler.

Où allez-vous ? Comment réussirez-vous, dans ces conditions, le rééquilibrage de nos finances publiques ?

Malheureusement, vos projets, pour ce que nous en savons aujourd’hui, augmenteront le coût du travail et la dépense publique. Il ne vous reste alors qu’un moyen de les financer : l’augmentation des impôts et des taxes. C’est la logique dans laquelle s’inscrit votre action, qui aura pour conséquence un choc fiscal dont notre pays aura du mal à sortir indemne. Ce choc a été évalué à 30 milliards d’euros par le président de notre commission des finances : ce n’est pas une bagatelle ! Aussi faudrait-il au moins avoir le courage de le dire clairement à nos concitoyens et à la représentation nationale.

Pour conclure, nous souhaitons que le principe de réalité l’emporte et que vous tiriez les leçons de 1981, ou plutôt de 1983, car, en économie, le dogmatisme est dangereux, d’autant que la dévaluation n’est plus possible et que notre pays sera vraisemblablement, l’an prochain, le premier émetteur de dette de la zone euro.

Ce principe de réalité signifie, messieurs les ministres, que le Gouvernement aurait dû engager sans tarder les réformes qui assureront la compétitivité de notre pays, seul moyen de créer des emplois et de préserver notre modèle social.

Or le présent projet de loi de finances rectificative ne répond pas à cet objectif. Il s’agit non pas d’une loi de réforme fiscale, mais d’un règlement de comptes postélectoral qui ne prépare pas l’avenir, alors qu’il y a pourtant urgence !

Non, ce texte n’est pas celui dont la France a besoin. Il est même mortifère, car il serine aux oreilles de nos compatriotes une petite musique, celle d’une chanson qui préfigura une grande catastrophe : « Tout va très bien, madame la marquise, tout va très bien, tout va très bien. Pourtant, il faut, il faut que l’on vous dise, on déplore un tout petit rien »…

C’est pourquoi, mes chers collègues, j’ai l’honneur, au nom du groupe UMP, de vous demander d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain, contre la motion.

M. Jean Germain. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. Dallier et les membres de son groupe estiment que ce projet de loi de finances rectificative n’est pas à la mesure des circonstances. M. Dallier ajoute que les propos tenus par M. le ministre délégué lors de la discussion générale ne l’ont pas suffisamment renseigné.

Manifestement, nous n’avons pas assisté à la même séance, car nous avons été nombreux, me semble-t-il, à trouver au contraire l’exposé de M. Cahuzac extrêmement clair, ses réponses précises et sa prestation brillante.

Dans son intervention, M. Dallier n’a à aucun moment fait mention d’un élément extrêmement important : qui était au pouvoir ces dix dernières années ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Qui a laissé le pays dans cet état ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Je ne décrirai pas en détail ce que serait une bonne politique économique et fiscale, les ministres ici présents étant plus en mesure que moi de le faire,…

M. Francis Delattre. Ce n’est pas sûr !

M. Jean Germain. … mais je voudrais, sans effets de manches, m’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle le projet de loi de finances rectificative représenterait non pas une réforme fiscale, mais une revanche fiscale.

M. Francis Delattre. C’est pourtant bien cela !

M. Jean Germain. De quoi parle-t-on ? Quelle est donc cette revanche fiscale dont serait coupable le Gouvernement ?

Pour procéder au redressement des finances publiques dont notre pays a besoin, le Gouvernement, dans un souci de justice, a tout simplement décidé de faire surtout appel à la contribution de ceux qui ont bénéficié, parfois de manière déraisonnable, des décisions prises ces dernières années.

Il en est ainsi, tout d’abord, de la contribution exceptionnelle sur la fortune : faire contribuer davantage les ménages les plus fortunés à l’effort financier national, tout en répartissant équitablement la charge fiscale supplémentaire que suppose ce redressement, est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ? Contre les plus fortunés ? Contre ceux qui ont été ultraprotégés par la kyrielle de mesures d’exonération prises par le gouvernement précédent ? Contre ceux qui ont été littéralement assistés par l’État, autrement dit par les plus nombreux, par les plus modestes ? Est-ce une revanche ? Non ! C’est une contribution à l’effort national de diminution de la dette, laquelle a été creusée en grande partie par les allégements fiscaux accordés à ceux qui souffraient le moins du poids de la fiscalité.

Quant à la suppression des allégements sociaux et fiscaux attachés aux heures supplémentaires (Ah ! sur les travées de l’UMP.), dans la situation présente de la France, alors que le chômage est massif, que les destructions d’emplois se multiplient et que les capacités de production sont excédentaires au regard de la demande, la France était sans doute le seul pays au monde à avoir institué un système de destruction d’emplois financé par des fonds publics. (Murmures sur les travées de l’UMP.)

M. Rémy Pointereau. N’importe quoi !

M. Francis Delattre. Ce sont surtout les 35 heures ! Parlez-nous des 35 heures !

M. Jean-Pierre Caffet. Mais non, c’est ce que vous avez fait en 2007 !

M. Rémy Pointereau. C’est mieux que deux points de CSG !

M. Jean Germain. La suppression des allégements sociaux et fiscaux attachés aux heures supplémentaires, est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ?

Écarter une hausse de 1,6 point du taux normal de TVA qui aurait été préjudiciable au pouvoir d’achat des ménages et, partant, à la consommation et à la croissance, est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ?

Le maintien de la hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, est-ce une revanche ? Contre qui ? Ces revenus ne devraient-ils pas participer au progrès de la justice fiscale ? Je le rappelle, une part de cette ressource sera affectée à la Caisse nationale des allocations familiales, afin de financer le relèvement de l’allocation de rentrée scolaire, une autre part sera attribuée à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, dont la situation est plus dégradée que ce qui avait été présenté au Parlement dans le cadre de la réforme des retraites de 2010 : est-ce là une revanche ? Si oui, contre qui ?

Le doublement de la taxe de risque systémique acquittée par certaines entreprises du secteur bancaire relevant de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et soumises à des exigences minimales de fonds propres constitue-t-il une revanche, ou un simple renforcement de précaution d’une assurance contre un risque que nous n’arrivons pas à écarter, faute de pouvoir imposer des règles prudentielles suffisamment contraignantes à un secteur économique puissant et trop fréquemment imprudent ?

Le versement anticipé de la contribution exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés représente-t-il une revanche ? M. le ministre délégué l’a bien expliqué cet après-midi, ce n’est qu’une anticipation, nécessaire pour améliorer les recettes de l’État en 2012.

La contribution exceptionnelle demandée, au titre de l’année 2012, aux entreprises détentrices de volumes de produits pétroliers placés sous un régime fiscal suspensif et situés sur le territoire de la France métropolitaine constitue-t-elle une revanche ? N’est-il pas normal de faire contribuer à l’effort national un secteur florissant, dont les profits sont réalisés essentiellement à l’extérieur de nos frontières ?

M. Alain Fauconnier. Très bien !

M. Jean Germain. En ce qui concerne la hausse du forfait social, je souligne que ce dernier a été institué pour faire contribuer certains accessoires du salaire au financement du système solidaire de sécurité sociale. Il s’agissait d’atténuer les différences, en termes de taux de prélèvements sociaux, entre les gains et rémunérations assujettis aux cotisations sociales et certaines formes particulières de rémunération. Ce forfait relève, en matière de contribution patronale, d’une logique très proche de celle qui s’applique, pour les salariés, avec la contribution sociale généralisée. Je rappelle que le produit de cette hausse sera réparti entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse, la situation de ce régime et de ce fonds s’avérant nettement plus dégradée que ce qui avait été présenté au Parlement dans le cadre de la réforme des retraites de 2010. Est-ce là une revanche ? Si oui, contre qui ?

Quant au doublement de la taxe sur les transactions financières, le secteur financier ayant bénéficié, à la suite de la crise de 2008, d’un important soutien des États, le Gouvernement a considéré qu’il était légitime de le faire contribuer à l’effort collectif de redressement des finances publiques, d’autant que la crise est en partie le fruit du dysfonctionnement des marchés financiers. Est-ce une revanche ? Non ! C’est un juste « retour sur investissement », pour reprendre une expression du vocabulaire économique.

La hausse proposée des droits de mutation fait suite aux nombreux allégements des droits de mutation à titre gratuit consentis depuis cinq ans, notamment au travers de la loi TEPA de 2007, dont ont principalement profité les contribuables les plus aisés, dans la mesure où seulement la moitié des ménages vivant en France déclarent posséder plus de 150 200 euros de patrimoine brut, soit un montant supérieur à celui de l’abattement prévu par ladite loi en cas de transmission en ligne directe. Est-ce une revanche ? Si oui, contre qui ? Contre les héritiers ?

On pourrait, à la rigueur, parler d’alourdissement de la fiscalité pesant sur ceux qui laissent un héritage important ; mais de revanche contre les héritiers, point du tout ! Je le rappelle, notre Constitution proclame que la France est une république « sociale », qui recherche l’égalité réelle et, partant, la diminution des inégalités, surtout « passives ».

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

M. Francis Delattre. En fixant le seuil à 100 000 euros !

M. Jean Germain. Le niveau actuel des prélèvements sociaux sur les stock-options pose un problème d’égalité entre les salariés n’ayant pas accès à ces formes particulières de rémunération et ceux qui en bénéficient et sont souvent les mieux rémunérés dans l’entreprise.

M. Jean-Marc Todeschini. Toujours les mêmes !

M. Jean Germain. La mesure de relèvement de ces prélèvements contenue dans le projet de loi de finances rectificative vise donc à renforcer la convergence entre différentes formes de rémunération, dont certaines présentent une faible utilité économique et sociale et ne sont pas liées à une production de valeur, alors qu’elles peuvent apporter des ressources nouvelles utiles au financement de la protection sociale collective. Est-ce là une revanche ? Poser la question, c’est y répondre, par la négative…

Mes chers collègues, si revanche il y a, la présentation de ce projet de loi de finances rectificative est surtout celle de la réflexion sur l’improvisation permanente et la réaction aux sondages d’opinion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. Cela fait dix ans que vous réfléchissez ! Pour un résultat comme celui-là…

M. Jean Germain. Il est nécessaire que chacun participe à l’effort de redressement national selon ses facultés contributives. Dans cette même enceinte, Clemenceau n’appelait-il pas, en 1917, chaque Français à contribuer à l’effort de guerre à due concurrence de son revenu et de sa situation ? (Murmures sur les travées de l'UMP.) Nous sommes aujourd’hui dans une période de guerre économique, et le Gouvernement ne propose rien d’autre que la juste participation de chacun à l’effort de redressement de notre pays. Une large majorité de nos concitoyens approuve cette démarche. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette motion tendant à opposer la question préalable relève de l’article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat. Son adoption signifierait soit que le Sénat s'oppose à l'ensemble du texte, soit qu’il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération.

M. Jean-Claude Lenoir. Jusque-là, nous sommes d’accord !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or, si j’en juge par ce que j’ai entendu tout au long de la discussion générale, cet après-midi, une majorité d’entre nous n’ont pas l’intention de s’opposer à l’ensemble du texte. En outre, il y a lieu de poursuivre la délibération, me semble-t-il, ne serait-ce que pour débattre des nombreux amendements que l’opposition a déposés et qu’elle voudra sans doute défendre.

La commission des finances a donc émis un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative, d’autant que les enjeux sont considérables, qu’il s’agisse de la place de la France en Europe ou de la mise en œuvre des orientations qui ont été validées par les électeurs il y a quelques semaines. Par conséquent, il est très important que la discussion du présent texte puisse se poursuivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon absence de cet après-midi : j’étais retenu à l’Assemblée nationale pour répondre à des questions d’actualité au Gouvernement, parfois un peu agressives… La situation de la zone euro explique également que je n’aie pu assister à la discussion générale, laissant le soin à Jérôme Cahuzac et à Alain Vidalies de prendre part à votre débat.

Le Gouvernement ne chôme pas, contrairement à ce que peuvent prétendre certains sénateurs de l’opposition. Pour ma part, vous le savez, j’ai le plus grand respect pour la Haute Assemblée, c’est pourquoi je vous ai rejoints ce soir, dès que je l’ai pu.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Comme vous vous en doutez, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

Les auteurs de cette motion estiment que le projet de loi de finances rectificative constitue non pas une réforme fiscale, mais une revanche fiscale. Plutôt que de gloser sur la supposée nature idéologique de ce texte, je préfère, quant à moi, rappeler les enjeux et les objectifs que nous visons.

M. Philippe Marini. Vous ne cessez de nous parler de l’ancien gouvernement ! Cela suffit !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, essayez de vous comporter avec la dignité qui convient à votre fonction, plutôt que de vous faire le porte-parole de l’idéologie d’un parti ! (Protestations sur les travées de l'UMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Marini. Assez de leçons !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Marini, calmez-vous ! Je respecte l’opposition !

M. Philippe Marini. C’est faux ! On le constate en ce moment même !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est vous qui m’interrompez et m’apostrophez !

M. Philippe Marini. C’est vraiment abusif, cela commence très mal ! Nous ne sommes pas vos élèves ! C’est inacceptable !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Marini, puis-je continuer ?

M. Philippe Marini. Notre légitimité n’est pas moindre que la vôtre !

M. Alain Néri. Ne vous énervez pas, monsieur Marini !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je n’ai pas de leçons à recevoir de vous, monsieur Marini ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini. Respectez notre opposition !

M. Alain Néri. Quant à vous, respectez notre temps de parole !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je respecte davantage l’opposition que vous ne respectez le Gouvernement et la majorité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Nous avons fait le choix de déployer une politique cohérente et juste. Le présent projet de loi de finances rectificative s’inscrit clairement dans une démarche réformiste, terme que je revendique. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe socialiste.)

Il marque une première étape, tant de l’indispensable redressement budgétaire qui s’opérera, progressivement, sur l’ensemble du mandat, que de la profonde réforme du système fiscal que nous entendons entreprendre.

Ce texte n’est donc pas une revanche ; c’est le premier jalon du redressement dans la justice (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’est bien ce qui nous inquiète !

M. Pierre Moscovici, ministre. … que les Français appellent de leurs vœux.

Dès son entrée en fonctions, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est attelé à traiter une crise budgétaire aux origines anciennes, dont nous connaissons en vérité les responsables. J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion de répondre sur ce point au sénateur Dallier, qui, décidément, insiste… (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini. Cessez de critiquer l’opposition ! Elle est dans son rôle !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais enfin, monsieur Marini, vous êtes incroyable !

M. Philippe Marini. C’est vous, monsieur le ministre !

M. Pierre Moscovici, ministre. Conservez votre sang-froid ! Je ne fais que répondre à des propos de M. Dallier dont chacun aura pu apprécier la finesse, l’objectivité, la tolérance ! En vérité, ils étaient empreints de sectarisme ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Philippe Marini. L’opposition n’outrepasse pas son rôle !

M. Ronan Kerdraon. M. Marini nous donne une représentation théâtrale !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Marini, je vous en prie, laissez-moi répondre ! La démocratie implique parfois la confrontation !

J’en reviens au fond.

Nos objectifs, en matière de finances publiques, sont ambitieux. Il s’agit de ramener le déficit à 3 % du PIB en 2013, de réduire le poids de la dette par rapport à la richesse nationale dès 2014, avant de revenir à l’équilibre des comptes publics en 2017.

Nous ne devons pas seulement assumer la trajectoire de finances publiques sur laquelle nous nous engageons, nous devons la défendre avec fierté : elle reflète l’action d’un gouvernement qui sait où il va et d’un Président qui marque un cap.

J’affirme que cet effort de redressement des comptes publics se partagera équitablement entre dépenses et recettes sur la durée du mandat.

Vous savez tous quelle est la rigidité de la dépense publique en cours d’année. C’est la raison pour laquelle nous avons, dans ce projet de loi de finances rectificative, essentiellement fait porter l’effort sur les recettes.

Cela étant, il n’y aura pas de matraquage fiscal et nous n’oublions pas la nécessité de faire des économies sur les dépenses. Notre action portera à la fois sur les recettes et sur les dépenses, de façon équilibrée sur l’ensemble de la mandature.

Jérôme Cahuzac l’a rappelé : l’ancienne majorité a voté une hausse de 0,8 point des prélèvements obligatoires, sur 1,1 point prévu au titre de l’année 2012. Cela représente 15 milliards d’euros, c’est-à-dire plus de deux fois ce que nous proposons ici. C’est à croire que certains aiment l’impôt encore deux fois plus que nous !

Je le répète : l’objectif de notre politique est le redressement budgétaire. M. Dallier a qualifié ce projet de loi de finances rectificative d’« idéologique », d’« inopportun », d’« inutile ». François Marc a montré en quoi il était au contraire nécessaire.

Le Gouvernement entend faire contribuer en priorité à l’effort d’assainissement de nos comptes publics ceux que la crise a le moins touchés, c’est-à-dire les ménages disposant d’une capacité d’épargne importante – ils supporteront près des trois quarts du montant des prélèvements supplémentaires sur les ménages – et les grandes entreprises, qui sont soumises à des taux d’imposition effectifs plus faibles que les PME-PMI. Là encore, il ne s’agit pas d’une revanche ; c’est une question de justice.

Pour les mêmes raisons, certains secteurs, confortés dans une situation fiscale privilégiée par la précédente majorité et aujourd'hui très prospères, contribueront, à titre d'ailleurs exceptionnel, à l’effort de redressement des comptes en 2012. Je pense, par exemple, à la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers, charge à la fois proportionnée et juste, eu égard aux spécificités d’un secteur où les profits se sont considérablement accrus depuis 2004 et échappent souvent à toute imposition en France.

La même logique d’équité s’applique aux ménages. Une contribution exceptionnelle au titre de l’année 2012 permettra de compenser le coût du bouclier fiscal. Elle concernera les personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d’euros. Cette suppression temporaire du plafonnement, pour une seule année, a pour vocation non de punir ou de décourager l’épargne, mais simplement d’associer à l’effort de redressement des comptes ceux qui sont le plus en mesure d’y contribuer.

La même logique vaut pour les entreprises, s’agissant en particulier des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires instaurées par la majorité précédente.

J’entends, ici comme à l’Assemblée nationale, les protestations de l’opposition, que je respecte hautement. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Nous ne nous en étions pas rendus compte !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mais les faits sont malheureusement têtus : la loi TEPA a fait la preuve de son inefficacité.

M. Francis Delattre. Comment ça ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Comme l’ont écrit dans leur rapport de 2011 les députés Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, appartenant l’un à la majorité, l’autre à l’opposition, son dispositif n’a pas produit une augmentation mesurable significative du nombre total d’heures travaillées. En outre, si le recours aux heures supplémentaires a augmenté, c’est dans une large mesure parce qu’elles ont été mieux déclarées. Tel est le bilan du « travailler plus » ! Pis, les auteurs du rapport estiment entre 40 000 et 80 000 le nombre des emplois détruits ou non créés du fait de l’application de la loi TEPA. Convenez que, dans une France aujourd'hui minée par le chômage de masse, ce texte a été contre-productif !

Voilà pourquoi nous assumons tranquillement nos choix : c’est une question non pas d’idéologie, mais de valeurs et d’analyse économique. Cela marque une différence entre nous !

Monsieur le sénateur Dallier, vous avez évoqué une revanche fiscale. Je ne vois là aucune revanche ; il s’agit de faire œuvre de justice au travers d’un rééquilibrage, la précédente majorité n’ayant eu de cesse de privilégier les plus aisés.

Un sénateur du groupe socialiste. Tout à fait !

M. Pierre Moscovici, ministre. Enfin, monsieur Dallier, j’avoue avoir trouvé du plus mauvais goût vos remarques liminaires sur la zone euro. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. En effet, cette question ne saurait être un objet de polémique.

M. Philippe Marini. On a quand même le droit d’en parler, peut-être !

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur Marini, vous êtes fatigant ! Vous avez parfaitement le droit d’en parler, mais j’ai aussi le droit de répondre ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Pour ma part, je pense que ce sujet ne doit pas être instrumentalisé ni servir de prétexte à des attaques mesquines. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est le comble !

M. Philippe Marini. Vous n’avez pas à juger pour nous ! Vous ne nous représentez pas !

M. Pierre Moscovici, ministre. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous avons toujours eu une attitude parfaitement patriotique à cet égard, car c’est le pays tout entier qui doit affirmer son attachement à l’euro.

Je le redis ici, je considère que le sommet européen des 28 et 29 juin, dont vous vous êtes moqués, représentait une étape importante dans la stabilisation financière de la zone euro !

M. Philippe Marini. Vous critiquiez bien les sommets européens et leurs résultats avant l’élection de François Hollande ! Il fallait renégocier le traité, selon vous !

M. Pierre Moscovici, ministre. Il nous faut maintenant appliquer de manière stricte et rapide les décisions qui ont été prises en matière de soutien à la croissance, de stabilité financière et d’intégration européenne solidaire. Toutes ces mesures étaient indispensables pour assurer l’avenir de l’Europe !

Je constate que, sur un tel sujet, vous poussez de hauts cris, alors que nous avons besoin d’esprit de responsabilité et de mobilisation. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Si vous ne voulez pas vous montrer responsables, nous le serons pour deux !

Pour tous ces motifs, je demande le rejet de cette motion ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur Dallier, vous nous avez dit qu’il est urgent d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. Mais pourquoi l’ancienne majorité n’a-t-elle pas profité des dix dernières années pour créer les conditions du développement économique ?

Les syndicats nous ont tous affirmé que près de 80 000 emplois étaient déjà menacés avant les élections. Ainsi, voilà deux ans, les salariés de PSA nous apprenaient qu’un plan de restructuration était préparé par l’entreprise, mais la suppression de 8 000 emplois n’a été annoncée qu’après les élections…

M. Jean-Marc Todeschini. Comme par hasard !

Mme Marie-France Beaufils. On nous dit aujourd’hui que le secteur de l’automobile rencontre des difficultés liées à une baisse d’activité, mais nous savons aussi que PSA a décidé de se développer en Slovaquie et que les trois quarts des véhicules construits dans ce pays sont commercialisés en Europe de l’Ouest, notamment en France. PSA n’est qu’un exemple parmi d’autres à cet égard.

On nous dit aujourd’hui que le coût du travail handicape la compétitivité de nos entreprises. Or, aux termes d’une étude publiée par l’OCDE il y a quelques semaines, la part des richesses produites affectée à la masse salariale est en diminution, tandis que la rémunération des actionnaires s’accroît, au détriment des investissements indispensables à la compétitivité de nos entreprises et à la qualification des salariés.

L’opposition affirme que les mesures de ce projet de loi de finances rectificative toucheront essentiellement les classes moyennes, or les 300 000 redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune représentent un peu moins de 1 % de l’ensemble des contribuables : soyez donc un peu plus rigoureux dans votre argumentation, chers collègues ! N’est-ce pas vous qui avez pénalisé les salariés les plus modestes en refusant d’actualiser, en décembre dernier, le barème de l’impôt sur le revenu, comme cela se faisait chaque année ?

Mme Marie-France Beaufils. Cette mesure a rapporté au budget 1,7 milliard d’euros, soit l’équivalent de l’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune que vous aviez voté l’année précédente…

Les mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative ne pénaliseront pas les salariés les plus modestes : la défiscalisation des heures supplémentaires sert avant tout les entreprises, car elle leur permet de réduire ce que vous appelez le « coût du travail », lequel n’est rien d’autre que la rémunération de ceux qui produisent les richesses. On sait que cette mesure n’a pas produit d’effets sur le chômage ; les chiffres en témoignent : plus de 10 % de la population active est aujourd’hui sans emploi. M. le ministre vient de le rappeler, à cause d’elle, entre 40 000 et 80 000 emplois n’ont pas été créés !

La solution la plus efficace à nos yeux en matière d’emploi serait d’améliorer la rémunération des salariés. Cet après-midi, M. le ministre délégué a d’ailleurs rappelé que l’activité économique dépendait fortement du pouvoir d’achat des salariés.

Ce projet de loi de finances rectificative amorce la réflexion sur une nouvelle conception de la fiscalité dans ce pays. Nous sommes, pour notre part, profondément attachés au principe posé par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel chacun doit contribuer aux besoins du pays et à l’intérêt général en fonction de ses capacités.

Le présent collectif budgétaire constitue à cet égard une première étape, même s’il reste insuffisant à nos yeux ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles. Nombre de dossiers sont désormais ouverts : refonte de l’impôt sur le revenu, nouvelle définition de l’imposition des patrimoines, réflexion sur l’impôt sur les sociétés en vue de sa réforme. Le choix des électeurs nous oblige à aller dans ce sens et nous entendons bien faire de cette discussion le début de l’élaboration d’un nouveau droit fiscal. (Murmures sur les travées de l’UMP.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

Mme Marie-France Beaufils. Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous n’en serez pas surpris, le groupe UMP votera la motion tendant à opposer la question préalable.

Un sénateur du groupe socialiste. C’est un scoop !

M. Philippe Marini. En effet, ce projet de loi de finances rectificative ne s’attaque pas aux problèmes structurels de notre pays. Le Gouvernement a pris la grave responsabilité de limiter les dispositions qu’il contient à quelques points, à quelques retours en arrière, alors que nous devons réaliser un ajustement majeur, portant sur 35 milliards à 40 milliards d’euros, d’ici à la fin de l’année 2013. Tel est bien l’enjeu essentiel !

M. Jean-Pierre Caffet. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ?

M. Philippe Marini. M. le ministre évoquait tout à l’heure, à juste titre, une situation internationale périlleuse. Nous bénéficions en ce moment, monsieur le ministre, d’un climat encore assez favorable, car ceux qui nous observent considèrent avec une certaine bienveillance les actes du nouveau Président de la République et du nouveau gouvernement. Cependant, vous le savez, l’état de grâce n’existe pas : l’opinion intérieure en a conscience, l’opinion extérieure aussi.

Dans ces conditions, présenter un tel projet de loi de finances rectificative, limité, permettez-moi de le redire sans malveillance, à des retours en arrière et à des règlements de comptes idéologiques, sans s’attaquer aux vrais problèmes, en particulier la définition des modalités de l’ajustement structurel, en restant dans l’ambiguïté, en tardant à rendre les arbitrages budgétaires, va tout à fait à l’encontre de l’intérêt de notre pays, de sa crédibilité, de la confiance que l’on peut lui accorder : c’est la raison profonde pour laquelle il faut voter cette motion. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Aimeri de Montesquiou applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 117 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l’adoption 166
Contre 179

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Article 1er (début)

M. le président. Je suis saisi, par M. Arthuis et les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine, d’une motion n° 150.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement du Sénat, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des finances, le projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 687, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Jean Arthuis, auteur de la motion.

M. Jean Arthuis. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dois vous avouer que nous nous sommes longuement interrogés sur le point de savoir s’il convenait de déposer une motion tendant au renvoi de ce texte à la commission.

Un sénateur du groupe socialiste. Pour quoi faire ?

M. Jean Arthuis. J’ai longtemps été perplexe à l’égard des motions de procédure (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean Arthuis. Est-ce là faire un bon usage du temps parlementaire ? Mme Beaufils serait bien placée pour en parler ! (Sourires.)

M. Alain Néri. Le changement, c’est maintenant !

M. Jean Arthuis. La discussion générale m’a conforté dans l’idée que nous avions eu raison de déposer cette motion, car il reste encore un peu de travail à accomplir pour que nous puissions bien nous comprendre.

Il est vrai, monsieur le ministre de l’économie et des finances, que la situation est grave ; nous comprenons que vous n’ayez pu être présent ici cet après-midi, du fait de l’actualité. C’est peu dire que si le sommet européen des 28 et 29 juin s’est apparemment conclu par des avancées très positives, les actes ne suivent pas. Ce sommet a été, comme la plupart de ceux qui l’ont précédé, un moment très fort de communication, mais l’inertie que l’on constate depuis amène les observateurs internationaux et les marchés à douter : la spéculation reprend de plus belle…

Nous traversons des heures particulièrement graves et il va bien falloir que vous soumettiez au Parlement, dans les meilleurs délais, la ratification du traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance, et que vous donniez une forme à ce qui s’apparentera tout de même à une « règle d’or ». Vous avez d’ailleurs réaffirmé cet après-midi votre volonté de tenir nos engagements et d’être au rendez-vous de nos obligations, pour que le déficit en 2012 n’excède pas 4,5 % du PIB.

Mme Beaufils a rappelé les difficultés auxquelles se trouve confronté le groupe PSA. J’ai entendu comme vous, mes chers collègues, le réquisitoire très sévère prononcé contre ce groupe par certains membres du Gouvernement.

M. Alain Néri. À juste titre !

M. Jean Arthuis. En réalité, le procès que l’on fait à PSA, c’est d’avoir tenté de produire en France !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui ! C’est le redressement contre-productif !

M. Jean Arthuis. Cette situation ne devrait-elle pas constituer un électrochoc puissant, nous amenant à revoir nos conventions de langage, à briser nos tabous et à renoncer à notre conservatisme ?

C’est peu dire, messieurs les ministres, que votre projet de loi de finances rectificative est assez largement fondé sur la hausse des prélèvements obligatoires et que nous aurions accueilli de bonne grâce quelques avancées en matière de réduction de dépenses publiques. Sans doute les lettres de cadrage pour 2013 seront-elles très volontaristes quant à la tenue des dépenses de fonctionnement et d’intervention, mais l’exercice n’est pas facile et nous devrons, à cet égard, éviter toute dérive démagogique.

Nous avons à maîtriser une situation particulièrement grave. J’observe que votre collectif prévoit un supplément de recettes fiscales de 7 milliards d’euros en 2012 et de 14 milliards d'euros en année pleine. Certes, une présentation habile du prélèvement exceptionnel sur la fortune accrédite l’idée que les 2,3 milliards d’euros de supplément de recettes pour 2012 seront compensés en 2013, mais j’imagine que le Gouvernement nous proposera un dispositif dont le produit sera au moins équivalent au cumul de ce qui était prévu au titre de l’ISF dans le projet de loi de finances initial et à celui de cette contribution exceptionnelle…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Subterfuge !

M. Jean Arthuis. Vous avez dû agir avec subtilité, messieurs les ministres, pour tenter d’éviter la sanction du Conseil constitutionnel, mais, disons-le clairement, le supplément de recettes fiscales atteindra 7 milliards d’euros en 2012 et au moins 14 milliards d’euros en 2013 : ce n’est peut-être pas deux tiers-un tiers, monsieur Cahuzac, mais plutôt moitié-moitié !

Nous attendions de ce projet de loi de finances rectificative qu’il comporte une avancée en termes de compétitivité. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il y a au moins une bonne nouvelle : depuis quelques semaines, le Président de la République semble enfin reconnaître l’existence d’un problème de financement de la protection sociale…

M. Alain Néri. Il y a longtemps qu’on vous le dit ! Quand vous étiez dans la majorité, on n’a pas cessé de vous l’expliquer et vous ne vouliez rien comprendre !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On a tout le temps nécessaire pour s’expliquer !

M. Jean Arthuis. Je ne doute pas que chacun de nos échanges nous permette de progresser sereinement, dans l’intérêt de la France, et que nous puissions mettre un terme à tous ces procès d’intention.

La bonne nouvelle, c’est que le Président de la République et le Gouvernement sont conscients qu’il va être nécessaire d’alléger les cotisations patronales. En effet, nous sommes dans une économie mondialisée où, pour satisfaire les attentes des consommateurs et leur proposer les prix les plus attractifs, on va faire ses courses en Asie ou ailleurs.

Vous n’êtes pas indifférents, mes chers collègues, à l’évolution des zones industrielles de vos territoires ! Voilà vingt ou trente ans, des usines étaient implantées des deux côtés de la route ; aujourd’hui, les friches industrielles ont été reconverties en espaces de distribution.

M. Alain Néri. Cela ne s’est quand même pas fait en deux mois !

M. Jean Arthuis. Il est facile de faire le procès de ceux qui produisent, mais on gagne beaucoup plus facilement sa vie en distribuant qu’en produisant. En tant que parlementaires, je pense que nous devons avoir du respect pour les producteurs.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce sont les travailleurs !

M. Jean Arthuis. Opposer systématiquement les consommateurs et les producteurs relève d’une attitude schizophrène qui nous met en difficulté. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.) Finissons-en avec ce mauvais procès ! Il est trop simple d’être le défenseur des seuls consommateurs.

M. Alain Néri. Défendez un peu les salariés, cela changera !

M. Jean Arthuis. Un pays qui connaît un déficit commercial de 70 milliards d’euros consomme 70 milliards d’euros de plus qu’il ne produit. Il n’y a pas de futur dans de telles conditions, et c’est pour cette raison que nos concitoyens vivent dans l’angoisse !

Un sénateur du groupe socialiste. Merci Sarkozy !

M. Jean Arthuis. La bonne nouvelle, c’est que le Gouvernement reconnaît cette situation. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il envisage de financer l’allégement des cotisations sociales par un relèvement du taux de la CSG. Or permettez-moi de vous dire que nous aurons bien besoin des recettes de la CSG pour équilibrer les comptes publics, et plus encore pour financer la réforme de la dépendance, si le Gouvernement nous soumet un texte à cette fin.

Nous devons, je l’ai dit, briser nos tabous, renoncer à nos conventions de langage et à un certain conservatisme, parce que le feu est dans la maison ! Au fil des prochaines semaines, nous verrons nombre d’entreprises en difficulté présenter des plans de réduction de leurs effectifs, ce qui est pour le moins angoissant.

Je voudrais simplement, à ce stade du débat, dénoncer cinq mauvais procès faits à l’impôt sur la consommation.

La consommation est en danger, le Gouvernement l’a rappelé et plusieurs d’entre nous l’ont souligné cet après-midi. J’ai entendu tant d’économistes dire que la consommation est le moteur de la croissance ! C’est sans doute vrai à l’échelle du monde, mais, aujourd’hui, lorsque nous stimulons la consommation par le biais notamment de prestations sociales, d’aides financées à crédit, nous créons beaucoup plus d’emplois hors du territoire national que chez nous. Il convient de réhabiliter une économie de l’offre et d’affirmer très clairement que c’est la production qui doit devenir le moteur de la croissance !

M. Jean Arthuis. Le deuxième mauvais procès intenté à la TVA sociale a trait au risque d’inflation qu’engendrerait son instauration. Si, parallèlement, nous réduisions franchement les cotisations patronales, le prix hors taxes des produits baisserait de manière significative, et dès lors le consommateur ne paierait pas plus cher qu’avec les taux de TVA actuellement en vigueur.

Souvenez-vous, mes chers collègues, qu’en 1995 les prix étaient restés pratiquement stables en dépit d’un relèvement de deux points du taux de la TVA. J’affirme que, la concurrence jouant, un supplément de TVA ne provoquera pas d’inflation des prix des produits fabriqués en France grâce au travail de nos concitoyens, dès lors qu’il s’accompagnera d’un allégement significatif des cotisations patronales. Dans la mesure où le prix hors taxes est abaissé, nos produits seront plus compétitifs sur le marché mondial. Certes, les produits importés seront en revanche plus chers, parce que l’augmentation de la TVA s’appliquera à des prix hors taxes qui seront les mêmes qu’aujourd’hui. Cela étant, ce sont à mon avis les importateurs qui disposent des marges les plus substantielles, et ils n’auront pas le front de répercuter intégralement l’augmentation de la TVA sur leurs prix. Quoi qu’il en soit, que recherchons-nous, sinon l’amélioration de la compétitivité de notre économie ?

Ma troisième remarque portera sur l’inquiétude des partenaires sociaux. Notre protection sociale est gérée, au travers de cinq caisses nationales, par ces derniers. C’est le fait que les cotisations sont assises sur les salaires qui légitime cette gestion paritaire. Certains partenaires sociaux craignent peut-être que celle-ci ne soit remise en cause si, demain, le financement de la protection sociale devait reposer sur une autre assiette. Il nous appartient donc de les rassurer, le cas échéant en élaborant une loi sur le financement de la vie syndicale. En tout état de cause, nous devons sortir de la situation de blocage actuelle, où les partenaires sociaux préfèrent que ce soit la CSG, plutôt que la TVA, qui finance la protection sociale, parce que l’on a encore la bonté de laisser croire que cette ressource relève du champ social alors qu’il s’agit en fait d’un impôt sur le revenu. D'ailleurs, messieurs les ministres, il faudra bien que vous mettiez au clair la hiérarchie entre la CSG et l’impôt progressif sur le revenu : ce n’est pas un problème facile, le second étant calculé en fonction du revenu de l’année N-1, la première étant prélevée immédiatement.

Le quatrième mauvais procès que l’on fait à la TVA sociale, c’est qu’elle serait un impôt antieuropéen. Au fond, la mettre en place, c’est la dernière dévaluation que l’on puisse se payer ! Aujourd'hui, sur le plan commercial, les comptes de la zone euro considérée dans son ensemble sont pratiquement équilibrés ; ce qui la met en danger, c’est que certains de ses membres présentent un très fort excédent et d’autres un très important déficit. Toute mesure de nature à rétablir un équilibre entre les pays qui la composent est donc conforme à l’intérêt de la zone euro.

Oui, monsieur le ministre de l’économie et des finances, la situation est grave. Il n’est pas question ici de tenir des propos frivoles sur la gouvernance de la zone euro. Redonner de la compétitivité à l’économie française, c’est aller dans le sens du rééquilibrage de la zone euro.

Enfin, M. Cahuzac a rappelé que la part des salaires est finalement assez faible dans les charges supportées par les entreprises. Toutefois, messieurs les ministres, les entreprises transforment des produits, des composants, des prestations qu’elles acquièrent à l’extérieur, et si les prix qui leur sont facturés n’apparaissent pas dans la ligne « salaires et charges sociales », ils sont néanmoins directement corrélés aux salaires et aux charges sociales supportés par les fournisseurs. Par conséquent, il faut abandonner cette conception selon laquelle les salaires pèseraient si peu qu’il serait vain de vouloir alléger les charges sociales !

Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles nous souhaitons que le projet de loi de finances rectificative soit renvoyé à la commission. Ne doutez pas, messieurs les ministres, que nous partageons une même ambition de sortir la France et l’Europe de la crise où elles s’enfoncent. Le groupe de l’Union centriste et républicaine entend profiter de ce renvoi à la commission pour formuler des propositions de nature à alléger les dépenses publiques, mais aussi et surtout pour donner une impulsion décisive à la compétitivité de notre économie, car c’est bien là la condition de la relance de l’emploi et de l’amélioration du pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.

M. Richard Yung. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il convient d’aborder ce débat avec une certaine sérénité.

M. Jean-Claude Lenoir. Dites-le au ministre !

M. Richard Yung. Monsieur Arthuis, j’ai lu avec attention l’objet de votre motion tendant au renvoi à la commission du présent texte. J’y ai relevé deux idées à mon sens contradictoires : vous affirmez que « le Gouvernement n’a pas souhaité soumettre au Parlement ses réflexions sur les choix de politique budgétaire », mais vous écrivez en outre que « le présent projet de loi de finances rectificative sanctionne une stratégie budgétaire fondée exclusivement sur la hausse des prélèvements obligatoires ».

Cela étant, nous avons eu, la semaine dernière, deux débats importants, portant l’un sur la loi de règlement, l’autre sur les orientations budgétaires. Nous avons donc pu largement discuter les choix de stratégie budgétaire du Gouvernement. Bien sûr, ces choix ne sont pas les vôtres : vous préconisez depuis longtemps une autre voie, celle de l’austérité, mot qui revient dans vos propos comme un leitmotiv. Selon vous, la seule action possible consisterait à réduire les dépenses.

M. Jean Arthuis. Je parle plutôt de compétitivité !

M. Richard Yung. Je vais y venir.

Les dernières années ont montré, me semble-t-il, que le choix de l’austérité, malheureusement partagé par un certain nombre de pays européens, était réducteur : il a conduit la zone euro dans la situation que nous connaissons, caractérisée par une quasi-absence de croissance.

Heureusement, le dernier sommet européen, grâce notamment à l’initiative de François Hollande, a permis de faire émerger un accord en vue de relancer la machine économique et de retrouver un peu de croissance.

Monsieur Arthuis, nous partageons bien sûr votre souci d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, dont nous n’ignorons pas les difficultés. En dix ans, le solde de la balance commerciale de notre pays a connu une dégradation progressive : légèrement excédentaire en 2002, il est maintenant déficitaire, à hauteur d’environ 70 milliards d’euros. Cela montre bien que nos positions s’érodent partout, tant sur nos marchés traditionnels, en Europe, que sur les autres continents, dans le domaine des grands contrats, qui était pourtant un de nos points forts, comme dans le secteur agroalimentaire.

Cela étant, le coût du travail, le poids des charges, en particulier pour les petits salaires, n’est pas le seul élément de compétitivité.

M. Richard Yung. Il convient d’adopter une approche globale, notamment en encourageant la recherche, l’innovation,…

M. Jean Arthuis. On est d’accord !

M. Richard Yung. … le commerce extérieur, l’investissement.

M. Jean Arthuis. Oui, certes !

M. Richard Yung. Nous ne proposons pas de relancer la machine économique par la demande : nous sommes très modestes sur ce point. Nous préconisons plutôt une relance par l’investissement et l’exportation. Mais cela prend du temps : des mesures de cet ordre ne produisent pas d’effet en quelques semaines ou en quelques mois.

Par conséquent, il ne faut pas réduire le débat actuel sur la compétitivité à la question du coût du travail et des charges.

Vous avez par ailleurs évoqué le problème de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires mise en place en 2007. Si cette mesure était efficace, nous aurions eu le temps de nous en apercevoir ! En réalité, il s’agit d’un échec patent, la croissance du taux de chômage en atteste. Le coût de ce dispositif, qui est de l’ordre de 5 milliards d’euros par an, n’est pas contrebalancé par un bénéfice quelconque en termes de créations d’emplois. Sa mise en œuvre a, au contraire, incité les chefs d’entreprise à reporter celles-ci. En même temps, elle constitue un facteur d’inflation, puisqu’elle entraîne une hausse des coûts salariaux, qui se répercute in fine sur les prix de revient.

Quant à la TVA sociale, vous semblez la concevoir comme une sorte de dévaluation. Or procéder à une dévaluation est une politique non pas proactive, mais défensive. Ce n’est pas comme cela que l’on retrouve de la compétitivité. Il existe d’ailleurs de nombreux exemples de dévaluations ayant eu des effets négatifs à cet égard : je pense par exemple aux dévaluations de la livre sterling intervenues en 1967-1968.

M. Jean Arthuis. Je ne vois pas le rapport !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’était pas du tout une dévaluation !

M. Richard Yung. Un certain nombre de conditions doivent être réunies ; ce n’est pas le cas en l’occurrence.

En outre, je pense qu’instaurer la TVA sociale entraînerait des réactions de la part de nos partenaires, en particulier européens, qui considéreraient une telle mesure comme une forme de dévaluation compétitive.

M. Richard Yung. Il y a quelque temps, nous avons reproché à l’Allemagne de recourir à une telle politique.

M. Jean Arthuis. Non, on ne le lui a pas reproché !

M. Richard Yung. Je pense que nos partenaires riposteraient en prenant des mesures du même ordre, ce qui nous ferait entrer dans le cycle auquel nous avions précisément voulu mettre fin avec la création de l’euro.

La situation en Europe est certes difficile. Malheureusement, en matière économique, le temps européen est un temps long. Des mesures ont été arrêtées et annoncées, mais leur traduction dans l’appareil législatif et dans les actions menées est plus lente que nous ne le voudrions. Nous devons donc pousser à ce que l’Europe mette en place plus rapidement les mesures décidées lors du dernier sommet.

Enfin, on objecte à ce collectif budgétaire que les charges ne seraient pas justement partagées entre les ménages et les entreprises. En arrivant aux affaires, nous avons découvert un supplément de déficit de 7 milliards d’euros. Or il est proposé de répartir cette charge de manière à peu près égale : environ 3,4 milliards d’euros pour les ménages, 2,9 milliards d’euros pour les entreprises. Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur Arthuis, s’agissant des ménages, 2,3 milliards d’euros proviendront de la contribution exceptionnelle sur la fortune. Il est donc faux de dire que nous faisons reposer l’effort en priorité sur les ménages, en particulier les plus modestes d’entre eux. Dans le même ordre d’idées, je pourrais également évoquer, par exemple, la taxe sur les transactions financières.

Je rappelle d’ailleurs que certaines des dernières mesures du gouvernement Fillon ont contribué à alourdir l’effort demandé aux ménages : je pense notamment à la hausse du taux réduit de TVA, qui représente 2 milliards d’euros de recettes pour l’État, à l’augmentation des taxes sur les mutuelles, à hauteur de 2 milliards d’euros, ou à la non-actualisation du barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, qui accroît le rendement de celui-ci de 1,4 milliard d’euros. Au total, cela fait donc tout de même 5,4 milliards d’euros ! Voilà qui relativise vos critiques contre notre politique fiscale…

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe socialiste votera contre la motion tendant au renvoi du projet de loi de finances rectificative à la commission. Nous sommes sensibles, monsieur Arthuis, à votre appel à prolonger le débat afin de proposer de nouvelles perspectives en matière de réduction des dépenses publiques, mais j’observe que vous avez écrit, dans l’objet de votre motion, que « ces propositions s’inscriront dans le débat en séance publique par voie d’amendements » : n’est-ce pas précisément ce que nous nous apprêtons à faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Faut-il renvoyer le texte à la commission ? Le rapport que celle-ci a produit est-il de mauvaise qualité ? Les discussions qui nous ont déjà réunis ont-elles été insuffisantes ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il me semble plutôt qu’il y a urgence à agir, ce qui doit nous amener à repousser cette motion.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En effet, nous devons nous inscrire dans la trajectoire européenne au plus vite, afin de donner de notre pays une image plus satisfaisante qu’elle ne l’était jusqu’à présent. (M. Francis Delattre s’exclame.)

La nécessité de rétablir l’équilibre des comptes publics et de tenir les engagements pris devant le pays, par la mise en œuvre de certaines des dispositions qui figurent dans le présent projet de loi de finances rectificative, s’impose à nous.

L’urgence tient également à l’importance du déficit de notre commerce extérieur, qui a atteint 70 milliards d’euros en 2011, alors que le solde était nul en 2003, comme l’a rappelé Jean-Pierre Chevènement. Cette dégradation s’est produite au long d’une décennie durant laquelle la droite a continûment exercé le pouvoir…

Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur ce fait très simple que, aujourd'hui, les recettes ne couvrent les dépenses courantes de notre pays qu’à hauteur de 69 %. Cela signifie que plus de 30 % de ces dernières ne sont pas financées.

M. Francis Delattre. Réduisez les dépenses !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Tel est l’état dans lequel nous avons trouvé les finances publiques, après dix ans de gouvernement continu du pays par la droite !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne nous provoquez pas, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je ne fais que rappeler une réalité. Et je n’évoquerai pas l’endettement, à propos duquel je pourrais citer bien d’autres chiffres…

Compte tenu de toutes ces données, on a le sentiment que ceux qui étaient au pouvoir pendant les dix dernières années cherchent aujourd'hui à faire oublier leurs turpitudes en déplaçant le débat vers des questions qui ne relèvent pas des considérations budgétaires. En effet, on nous a parlé longuement de la CSG, mais ce n’est pas le sujet du jour ! Nous discutons aujourd'hui du budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On vous le rappellera !

M. Christian Bourquin. Vous nous le rappellerez dans quinze ans !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Le rapport de la commission des finances comporte un certain nombre de considérations budgétaires : il faut réduire le déséquilibre des finances publiques et mettre en œuvre un certain nombre de dispositions à cette fin. Tel est l’objet de ce projet de loi de finances rectificative.

On nous a accusés de nous attaquer aux plus modestes, aux classes moyennes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ainsi, en ce qui concerne la transmission des patrimoines et les donations, certains ont considéré que nous étions trop durs à l’égard des possédants. Je voudrais tout de même leur rappeler que, dans un rapport très récent, l’INSEE a clairement établi que les patrimoines s’étaient concentrés outrageusement au cours de ces dix dernières années, au profit des plus favorisés. Nous proposons aujourd'hui de ramener à 100 000 euros le montant de l’abattement applicable aux mutations à titre gratuit en ligne directe, or la moitié des Français détiennent un patrimoine inférieur ou égal à 30 000 euros !

M. Christian Bourquin. C’est la réalité !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. À l’inverse, 10 % des Français ont vu leur patrimoine gonfler considérablement durant les dix dernières années, grâce à cette économie spéculative qui a outrageusement déformé le capitalisme. Il faut donc demander à ceux qui ont le plus de moyens, qui se sont le plus enrichis au cours des dix dernières années, d’apporter une contribution supplémentaire. C’est l’une des voies proposées au travers de ce projet de loi de finances, dont il me semble absolument nécessaire de mettre en œuvre le dispositif. C’est pourquoi j’invite le Sénat à rejeter la présente motion tendant au renvoi du texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Je voudrais tout d’abord profiter de cette occasion pour répondre à M. Thierry Foucaud, car j’ai omis de le faire tout à l'heure.

Ce collectif budgétaire ne vise pas à procéder à une quelconque réforme de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou même de l’ISF. Telle n’est pas son ambition : comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, il a pour finalité de restaurer les comptes publics.

En effet, le rapport de la Cour des comptes l’a montré, les études des services du ministère l’ont confirmé, les expertises réalisées dans les assemblées l’ont mis en évidence : toutes choses égales par ailleurs, il manquerait des ressources par rapport à celles qui avaient été prévues dans les différentes lois de finances initiales ou rectificatives votées sous la majorité précédente si ce collectif devait ne pas être adopté par le Parlement.

Une telle nouvelle est certes désagréable, décevante, mais il me semble que les parlementaires doivent être informés de la réalité de la situation. Le Gouvernement a estimé qu’il n’était pas possible de donner à nos partenaires de la zone euro l’impression que notre pays ne respectait pas la parole donnée. Cela étant, monsieur Foucaud, les sujets que vous avez évoqués seront bien entendu amplement abordés dans le cadre de l’élaboration de la prochaine loi de finances initiale.

J’en reviens à la motion tendant au renvoi du texte à la commission. Avec l’honnêteté intellectuelle qu’on lui connaît, M. Arthuis a fait part de sa perplexité à l’égard des motions de procédure. Ce sentiment est peut-être l’un des mieux partagés parmi les parlementaires de l’opposition – je l’ai été pendant quelques années – appelés à en défendre une. En effet, il s'agit alors de convaincre une assemblée, dont la majorité est a priori peu sensible à l’argumentation développée, que le texte soumis par le Gouvernement doit être soit rejeté, soit renvoyé à la commission.

En l’occurrence, le Gouvernement ne souhaite évidemment pas que ce projet de loi de finances rectificative soit renvoyé à la commission, monsieur Arthuis, car je ne vois pas en quoi cela permettrait de mieux répondre aux objections que vous avez soulevées et qui, d'ailleurs, n’ont que peu à voir avec le texte.

Cette motion – l’exercice est traditionnel pour un parlementaire de l’opposition – vise en réalité moins à critiquer le texte lui-même qu’à développer un sujet qui semble important à son auteur.

M. Arthuis a estimé que l’amélioration de la compétitivité de notre économie devait prévaloir sur toute autre considération. Je conçois l’importance de cette question et je partage son souci de voir notre pays restaurer une compétitivité qui s’est fortement dégradée ces dernières années.

Ce n’est pas mettre quiconque en accusation que de relever que notre balance commerciale a enregistré un déficit de 70 milliards d'euros l’an dernier, alors qu’elle était excédentaire en 2001 et équilibrée en 2003. Cela conduit simplement à constater que si l’ambition des gouvernements qui se sont succédé ces dix dernières années était de restaurer notre compétitivité et si celle-ci doit se juger à l’aune des comptes du commerce extérieur, alors l’objectif n’a pas été atteint, probablement parce que les mesures prises n’étaient pas les bonnes.

De ce point de vue, persister dans l’analyse selon laquelle notre défaut de compétitivité tiendrait seulement au facteur prix serait à mon sens une erreur. La situation est un peu plus complexe que cela, me semble-t-il. Notre compétitivité-prix est incontestablement déficiente dans certains secteurs ; je pense en particulier à l’industrie agroalimentaire. Elle est probablement en partie handicapante dans les services, mais ce n’est peut-être pas le cas dans l’industrie, le secteur qui, sans doute, a le plus souffert ces dix dernières années, la part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée globale du pays étant aujourd'hui plus faible qu’elle ne l’est en Grande-Bretagne. Le précédent Président de la République, Nicolas Sarkozy, affirmait qu’il n'y avait plus d’industrie en Grande-Bretagne : que dire alors de la France, où des centaines de milliers d’emplois ont été détruits dans l’industrie ?

Les gouvernements de ces dix dernières années portent sans doute une part de responsabilité dans cette situation catastrophique, mais ceux qui les ont précédés sont-ils pour autant exempts de tout reproche ? Probablement pas. Je peux concevoir l’agacement des parlementaires de l’opposition quand la majorité rappelle le bilan des gouvernements qu’ils ont soutenus. Mais c’est là un exercice convenu, il ne faut y voir ni malice ni mauvaise manière.

Sur le fond, monsieur Arthuis, je vous en donne acte, nous avons incontestablement un problème de compétitivité, et pas seulement en termes de prix. En effet, on peut même penser qu’il n'existe pas de problème de compétitivité-coût dans l’industrie. Je vous renvoie sur ce point au rapport que l’INSEE a publié voilà quelques mois ; il a été cosigné par l’ancien directeur de cabinet du ministre du budget d’un précédent gouvernement, un homme peu suspect de partialité.

En revanche, dans le secteur automobile, si notre compétitivité-prix est comparable sinon identique à celle de l’Allemagne, nous proposons des produits d’une gamme et d’une qualité inférieures.

Nous avons également un problème d’organisation à l’export : alors que l’Allemagne ne compte qu’un seul organisme chargé d’aider ses entreprises à exporter, nous en avons plusieurs, dont le fonctionnement nous coûte d'ailleurs chaque année beaucoup d’argent.

Dans le même ordre d’idées, nos politiques de l’emploi n’ont pas contribué à améliorer la compétitivité industrielle. Tandis que les Allemands ont décidé de subventionner le travail partiel à hauteur de près de 5 milliards d'euros, notre pays a – puis-je le rappeler ? – financé pour le même montant le recours aux heures supplémentaires. Les Allemands ont incontestablement une industrie plus puissante que la nôtre, tant il est vrai que garder des salariés dans une entreprise, c’est conserver un savoir-faire, une expérience, une culture, ce qui permet, quand la croissance revient, de répondre d’emblée à la demande. En revanche, une entreprise dont les dirigeants avaient jugé préférable de licencier tout en recourant aux heures supplémentaires – car c’est bien cela qui s’est passé – doit d’abord réembaucher, former son nouveau personnel, recréer une capacité d’expertise et de fabrication. Tout cela prend du temps !

Ainsi, l’Allemagne a bénéficié à plein de la reprise en 2010. En effet, ses salariés étaient prêts à répondre tout de suite à la demande. En France, en revanche, il a fallu d'abord embaucher, former, ce qui a retardé l’entrée en compétition de nos entreprises.

La question de la compétitivité mérite un débat spécifique. Le Gouvernement et la majorité qui le soutient ne s’y refusent nullement : nous aurons ce débat.

Nous reprocher de ne pas faire en un ou deux mois, au cœur de l’été, ce que vous n’avez pas fait en dix ans est certainement de bonne méthode politique, mais convenez que c’est tout de même excessif. Nous devons tous savoir faire preuve de bonne foi !

M. Alain Fauconnier. Excellent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’objectif qui sous-tend le présent projet de loi de finances rectificative peut certes paraître exagérément limité à certains, mais renvoyer ce dernier à la commission ne réglerait rien, quel que soit le talent des membres de la commission des finances. Je crois qu’il est temps d’examiner ce texte. C'est pourquoi le Gouvernement demande par ma voix à la Haute Assemblée de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. le président. Je rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je mets aux voix la motion n° 150, tendant au renvoi à la commission.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UCR, l’autre du groupe socialiste.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable sur cette motion, de même que le Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 118 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l’adoption 158
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – L’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 est ainsi modifié :

A. – Le I, le IV, le 2° du D du V, le VIII et les B, D et E du IX sont abrogés ;

B. – Le A du IX est ainsi rédigé :

« A. – Le A du VII s’applique à compter du 1er janvier 2013. »

II. – Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :

A. – Au 3° de l’article L. 241-2, le taux : « 5,38 % » est remplacé par le taux : « 5,75 % » ;

B. – Le II de l’article L. 245-16 est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa, le taux : « 1,2 % » est remplacé par le taux : « 2,9 % » ;

2° Au dernier alinéa, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 0,3 % » ;



C. – L’article L. 241-6 est ainsi modifié :



1° Le 1° est ainsi rédigé :



« 1° Des cotisations proportionnelles à l’ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles ; des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés ; ces cotisations proportionnelles et forfaitaires sont intégralement à la charge de l’employeur ; »



2° Au 3°, après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « salariées et » et les mots : « du régime agricole » sont remplacés par les mots : « des régimes agricoles » ;



3° Le 9° est abrogé ;



D. – L’article L. 241-6-1 est abrogé ;



E. – L’article L. 241-13 est ainsi modifié :



1° Au I, après le mot : « sociales », sont insérés les mots : « et des allocations familiales » ;



2° Au quatrième alinéa du III, les mots : « la somme des taux des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales » sont remplacés par le coefficient : « 0,281 » ;



3° Au dernier alinéa du même III, les mots : « par décret dans la limite de la valeur maximale définie ci-dessus » sont remplacés par les mots : « à 0,26 » ;



F. – Au premier alinéa de l’article L. 131-7, la date : « 1er octobre 2012 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2011 » ;



(nouveau). – Le second alinéa de l’article L. 755-2 est supprimé.



III. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :



A. – L’article L. 741-3 est ainsi rédigé :



« Art. L. 741-3. – Les cotisations prévues à l’article L. 741-2 sont calculées, selon des modalités fixées par décret, en pourcentage des rémunérations soumises à cotisations d’assurances sociales des salariés agricoles. » ;



B. – À l’article L. 741-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 241-13, ».



IV. – Le code général des impôts est ainsi modifié :



A. – À la fin de l’article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 19,60 % » ;



B. – Le 1 du I de l’article 297 est ainsi modifié :



1° Au début du premier alinéa du 5°, le taux : « 8,7 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;



2° Au début du premier alinéa du 6°, le taux : « 14,1 % » est remplacé par le taux : « 13 % » ;



C. – Le I bis de l’article 298 quater est ainsi modifié :



1° Au 1°, le taux : « 4,73 % » est remplacé par le taux : « 4,63 % » ;



2° Au 2°, le taux : « 3,78 % » est remplacé par le taux : « 3,68 % » ;



D. – Le tableau du deuxième alinéa de l’article 575 A est ainsi rédigé : 

«

Groupe de produits

Taux normal

Cigarettes

64,25 %

Cigares

27,57 %

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

58,57 %

Autres tabacs à fumer

52,42 %

Tabacs à priser

45,57 %

Tabacs à mâcher

32,17 %

»





V. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est supprimé.

VI. – Le 3° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 est ainsi rédigé :



« 3° La taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées ; ».



VII. – A. – Le C du IV s’applique à compter du 1er janvier 2012.



B. – Le A du II s’applique à compter du 1er janvier 2013 aux sommes déclarées par les assujettis au titre des périodes ouvertes à partir de cette date.



C. – Pour l’année 2012, le 3° de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale s’applique dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2012.



D. – Le B du II s’applique :



1° Aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1er janvier 2012 ;



2° Aux produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du même code payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2013.



E. – Pour les produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale payés ou réalisés, selon le cas, du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 et pour ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le produit des prélèvements mentionnés au I de l’article L. 245-16 du même code est ainsi réparti :



1° Une part correspondant à un taux de 0,3 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du même code, dont une part correspondant à un taux de 0,2 % à la section mentionnée à l’article L. 135-3-1 dudit code ;



2° Une part correspondant à un taux de 1,3 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;



3° Une part correspondant à un taux de 2,2 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;



4° Une part correspondant à un taux de 0,6 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ;



5° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale des allocations familiales.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, à cet instant, d’en appeler au respect. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, mon cher collègue, vous parlez d’or !

M. Christian Bourquin. N’enflammez pas le Sénat ! Nous sommes calmes !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les débats ne seront utiles et intéressants que si nous savons nous modérer. Évitons les procès d’intention ; en particulier, messieurs les ministres, évitez de caricaturer l’action de vos prédécesseurs.

Chacun a droit au respect, en particulier celles et ceux qui, pendant cinq ans, aux prises avec une crise imprévisible, ont œuvré comme ils ont pu. Messieurs les ministres, faites preuve d’un peu de charité, de compréhension envers vos prédécesseurs ; ils le méritent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Dans quelques mois, c’est peut-être vous qui demanderez de la compréhension et du respect : on ne sait pas ce qui peut se passer…

Mes chers collègues, nous sommes ici au Sénat, et non à l’Assemblée nationale. Dans notre assemblée, il est de coutume de prendre un peu de distance par rapport au sujet abordé, et même par rapport au Gouvernement. Cela fait partie de sa culture.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à l’heure, les membres de l’opposition sénatoriale, qui soutenaient bien entendu le précédent gouvernement, ont été assimilés à ce dernier. Or chacun d’entre nous a sa liberté de langage et son indépendance d’esprit.

Jean Arthuis, au cours de son excellente présentation de la motion tendant au renvoi à la commission, a évoqué toute une série de sujets sur lesquels le Sénat a beaucoup travaillé, sans être suffisamment écouté, ni par les uns ni par les autres. C’est un peu notre marque de fabrique que de traiter les sujets au fond, en essayant de prendre un peu de distance par rapport aux événements. Je souhaite que nous y parvenions une fois de plus au cours de ce débat, en maîtrisant nos confrontations pour qu’elles puissent être honnêtes, lisibles et utiles à celles et ceux qui suivent nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, sur l'article.

Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les nombreuses annonces de restructurations et de plans sociaux – PSA Peugeot-Citroën, Air France, Bouygues Télécom, SFR, Arcelor-Mittal, Sanofi, BNP Paribas, Société générale, etc. – nourrissent régulièrement l’actualité nationale : quelque 45 000 emplois seraient menacés sur notre territoire.

Depuis quelques années, les entreprises françaises sont en difficulté face à la concurrence non seulement des pays émergents, mais également des pays européens, en particulier de l’Allemagne ou des pays d’Europe centrale et orientale.

Monsieur le ministre chargé du budget, j’y insiste, de nombreux rapports indiquent que l’allégement du coût du travail est l’un des leviers d’action pour soutenir nos entreprises. Je ne méconnais pas la nécessité d’encourager l’innovation, de mettre en place une meilleure organisation à l’exportation, de développer la formation, mais il n’en demeure pas moins que le coût du travail est un facteur déterminant.

Aux termes du rapport de la Cour des comptes de mars 2011, alors que le coût du travail était plus bas en France qu’en Allemagne voilà dix ans, l’évolution des coûts salariaux a depuis été défavorable à la compétitivité de notre pays.

Nous connaissons le problème posé par le poids de l’ensemble des prélèvements obligatoires. Ainsi, pour un même coût du travail de 4 000 euros par mois, une entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales, une entreprise allemande 700 euros seulement.

Les marges des entreprises françaises sont ainsi les plus faibles d’Europe, ce qui ne leur permet ni de gagner des parts de marché, ni d’investir dans la recherche et l’innovation pour favoriser leur compétitivité hors prix, ni de recruter de nouveaux salariés.

Comme l’a brillamment rappelé Jean Arthuis tout à l’heure, c’est pour remédier à cette situation que la « TVA compétitivité » avait été adoptée au mois de février dernier. Elle devait entrer en application le 1er octobre prochain. L’augmentation de 1,6 point du seul taux normal de TVA devait servir à financer une baisse de plus de 13 milliards d’euros des charges familiales patronales. Elle n’aurait eu qu’un effet très limité sur les prix des produits alimentaires et de consommation courante, les taux réduits de TVA n’étant pas affectés. De surcroît, cet effet aurait été encore atténué par la déflation des prix des produits importés.

Cette mesure avait bien comme finalité de répondre à deux défis majeurs pour la France : aider nos entreprises à être plus compétitives et favoriser l’emploi sur notre territoire.

En abaissant les charges patronales qui pèsent sur le coût du travail, le dispositif devait permettre des créations d’emplois bienvenues au moment où le chômage touche près de 3 millions de personnes.

Soutenir nos entreprises de manière pérenne en leur permettant d’être compétitives constitue tout simplement un enjeu vital pour la France, la croissance et l’emploi.

Messieurs les ministres, quelle mesure alternative comptez-vous mettre en place afin d’engager la réduction des charges qui affectent le coût du travail et de restaurer ainsi l’indispensable compétitivité de nos entreprises ? Il vous faudra prendre les décisions qui s’imposent devant l’urgence de la situation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l'article.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, tour à tour présentée comme une « TVA sociale », une « TVA compétitivité » et enfin une « TVA anti-délocalisations », le dispositif que tend à supprimer l’article 1er n’était, en réalité, qu’une TVA à injustice renforcée.

Personne n’ignore que, par nature, la TVA est un impôt injuste : en raison de sa non-progressivité, elle pèse plus lourdement sur les ménages modestes que sur les plus fortunés de nos concitoyens.

Selon l’économiste Yves Housson, « la TVA avale 8 % du revenu d’un smicard en moyenne, mais seulement 4 % du revenu des 10 % de Français les plus riches ». Cela s’explique notamment par le fait que ces derniers, contrairement aux autres, disposent de plus grandes capacités d’épargne, qui échappent à la TVA.

La hausse de la TVA instaurée par Nicolas Sarkozy aurait donc mécaniquement entraîné une perte importante de pouvoir d’achat et enclenché ainsi un cercle vicieux d’appauvrissement de la population, de baisse de la consommation et de réduction de l’emploi.

La rapporteure de la commission des affaires sociales pour la famille que je suis n’oublie d’ailleurs pas que cette augmentation n’était, en réalité, que la contrepartie d’une baisse massive des cotisations patronales finançant la branche famille.

Sous prétexte d’alléger un coût du travail prétendument trop élevé, Nicolas Sarkozy avait fait droit à la demande récurrente du MEDEF de transférer 11 milliards d’euros de charges des entreprises vers les ménages. Cet effort aurait été supporté par celles et ceux qui souffrent déjà actuellement d’une crise économique qui n’en finit plus, alors que, dans le même temps, les actionnaires continuent à se partager des dividendes toujours plus importants et que les dirigeants des entreprises bénéficient de bonus, de retraites chapeaux ou d’attributions gratuites d’actions, toutes rémunérations indécentes au regard de la situation actuelle.

Cette réduction de 11 milliards d’euros des cotisations patronales accordée sans aucune contrepartie en matière de création ou de maintien d’emplois, de salaires, de diminution du précariat n’aurait servi en fait qu’à grossir la part de la valeur ajoutée destinée à la finance et aux spéculateurs. Dans le même temps, la rémunération indirecte des salariés se serait trouvée réduite… C’était en quelque sorte Robin des Bois à l’envers !

Il s’agissait d’une opération injuste, dangereuse pour l’économie et pour le devenir même de la branche famille. Les comptes de cette dernière auraient été durablement plongés dans le rouge, la hausse de la CSG, elle aussi supportée essentiellement par les ménages, ne suffisant pas à compenser la diminution des cotisations patronales. Ainsi aurait d’ailleurs été justifiée la concentration des actions de la branche famille sur la seule distribution des allocations familiales, exigée par le MEDEF depuis des décennies. Une nouvelle fois, des mécanismes de solidarité en faveur des plus fragiles auraient été détruits.

Chers collègues de l’opposition, nous nous soucions nous aussi de la compétitivité des entreprises. Cependant, la recherche de son amélioration doit passer non par la réduction des salaires – un autre pays dans le monde aura toujours un coût du travail inférieur au nôtre –, mais par le desserrement de l’emprise de la finance sur les entreprises.

Afin de réduire cette emprise toujours plus forte, nous formulons deux propositions. Tout d’abord, nous préconisons la création d’un pôle public financier qui permettrait aux entreprises, singulièrement aux PME, aux entreprises innovantes ou à celles qui investissent dans la recherche, d’emprunter à des taux supportables. Nous prônons ensuite l’instauration d’une modulation du taux des cotisations sociales en fonction de la politique salariale des entreprises : celles qui embauchent, qui privilégient l’emploi de qualité et un bon niveau de salaires bénéficieraient d’un taux nettement inférieur à celui qui s’appliquerait aux trop nombreuses entreprises faisant primer systématiquement les intérêts des actionnaires sur ceux des salariés. Voilà comment desserrer l’étau financier qui étrangle les entreprises et assurer à celles-ci une réelle compétitivité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, sur l’article.

M. Albéric de Montgolfier. L’article 1er, qui prévoit l’abrogation de la TVA sociale, nous permet de revenir sur le sujet principal évoqué tout au long de l’après-midi : la compétitivité des entreprises.

La TVA sociale aurait permis de diminuer, certes modestement mais c’était une première, le coût du travail, qui est extrêmement élevé en France.

M. le ministre nous a dit à l’instant qu’il n’y avait pas de problème de compétitivité-prix. Pourtant, les chiffres nous rappellent que, en 2009, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentait 23 % du PIB en France, contre 20 % en moyenne pour le reste de l’Union européenne. Ainsi, pour un même coût du travail de 4 000 euros, l’entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales alors que l’entreprise allemande ne verse que 700 euros !

La TVA sociale que nous avions voulu mettre en place se serait traduite par une baisse, certes insuffisante mais sans précédent, de 5 % du coût du travail pour des emplois peu ou pas qualifié, au bénéfice de 95 % des petites entreprises françaises. Dès lors, pourquoi ne pas avoir au moins maintenu le mécanisme prévu pour les PME de moins de vingt salariés ?

Il s’agissait donc d’une TVA « compétitivité », qui visait tout simplement à lutter plus efficacement contre les délocalisations et à renforcer les exportations, notamment dans les secteurs industriel et agricole. C’est d’ailleurs un sujet qui a été bien identifié par le Président de la République, puisque, lors de la conférence sociale, M. Hollande a considéré nécessaire de prévoir une réforme du mode actuel de financement de la protection sociale, mode qui pèse uniquement sur le coût du travail. Cette approche correspond très exactement à l’idée qui sous-tendait la TVA « anti-délocalisation », aujourd’hui supprimée.

Le Gouvernement veut mettre fin à cette mesure visant à abaisser le coût du travail pour éviter, nous dit-on, une augmentation de la TVA et donc une perte de pouvoir d’achat. Or, comme l’a très justement souligné M. Arthuis en défendant sa motion, la hausse de 1,6 point de TVA n’aurait entraîné qu’un relèvement très relatif des prix : quelques dixièmes de points au plus d’après les économistes et la direction du Trésor.

Il y a un point sur lequel le Gouvernement insiste très peu : alors que la majorité supprime une mesure de baisse du coût du travail, elle maintient une mesure de compensation de la hausse des prélèvements obligatoires. Je vise ici la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital et les produits de placement, mesure qui va clairement impacter le pouvoir d’achat des Français qui détiennent un capital ou des placements, quelle que soit l’importance de ceux-ci, puisqu’un prélèvement à hauteur de 800 millions d’euros en 2012 et de 2,6 milliards d’euros en 2013 est prévu. C’était l’une des mesures destinées à compenser la baisse des charges sur laquelle le présent gouvernement ne revient pas.

Surtout, la TVA sociale n’avait vocation à s’appliquer que sur les produits taxés au taux normal, produits qui sont aux trois quarts importés.

Finalement, en faisant le choix de remplacer la TVA « compétitivité » par une future augmentation de la CSG – il semble qu’elle soit déjà annoncée –, le Gouvernement et sa majorité vont frapper l’ensemble des salariés et des retraités. Alors que le Gouvernement invoque souvent les recommandations de la Cour des comptes, il ferait bien de s’inspirer de celle qui prône l’augmentation de la TVA !

En conclusion, la TVA sociale était, bien que peut-être encore insuffisante, une bonne réforme qui consistait à faire financer notre protection sociale par les entreprises qui délocalisent leur production à l’étranger. C’est ce qu’ont fait l’Allemagne et le Danemark, et c’est aussi ce que propose de faire l’Union européenne pour financer la sécurité sociale. Clairement, un tel dispositif est beaucoup moins douloureux que ne le sera la probable hausse de la CSG.

Compte tenu de l’urgence du problème de la compétitivité, le groupe UMP ne peut que dénoncer l’abrogation de la TVA « compétitivité ». C’est pourquoi il votera l’amendement de suppression de l’article 1er(Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. Le projet que nous avons trouvé dans les cartons n’est pas très abouti. Par moment, vous parlez d’une TVA « compétitivité », une autre fois d’une TVA « sociale » ou d’une TVA « anti-délocalisation »…

M. Albéric de Montgolfier. C’est la même chose !

M. Richard Yung. En tout cas, cela montre qu’il ne s’agit ni d’une politique ni d’une taxe clairement définies.

M. Richard Yung. Nous avons donc raison d’abolir un outil dont les effets sont mal connus.

M. Alain Néri. C’est une TVA « antisociale » !

M. Richard Yung. On sent bien que le sujet est émotionnel, mais je rappelle qu’il s’agit d’une mesure à 13 milliards d’euros, ce qui n’est tout de même pas rien !

En fait, elle s’analyse comme un transfert des cotisations patronales familiales de l’employeur vers les ménages – ce sont eux qui auraient supporté la plus grande partie ! –, puisque la part couverte par la TVA correspondrait environ à 10,6 milliards d’euros. La majoration des parts patronales et salariales de la CSG aurait, elle, représenté 2,6 milliards d’euros. Je relève d’ailleurs au passage que vous aviez déjà pensé à augmenter la CSG. Curieux, n’est-ce pas ?

L’idée était donc de réduire le coût du travail, d’améliorer la compétitivité et de favoriser l’exportation.

S’agissant de la diminution du coût du travail, je ne suis pas sûr, je l’ai dit, que la mesure se répercuterait intégralement sur les prix de revient. L’expérience de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne montre que, pour l’essentiel, une augmentation du taux de TVA se répercute sur les prix de vente et constitue donc une mesure inflationniste. Quant aux effets sur la compétitivité, ils sont extrêmement faibles.

On sait que le coût du travail représente de 20 % à 40 % du prix de revient des produits dans les secteurs concernés. À une baisse de l’ordre de 10 milliards d’euros correspondrait donc une baisse du prix de revient de 0,4 % à 0,6 %, soit un taux inférieur à 1 %. Autrement dit, l’effet sur le prix de revient industriel serait extrêmement faible.

Pour améliorer la compétitivité, le coût du travail doit évidemment être considéré, mais il y a bien d’autres éléments à prendre en compte. J’ai évoqué l’innovation, la recherche. Pensons aussi à la taille des entreprises.

L’un des grands problèmes de la France est l’absence d’entreprises de « milieu de gamme ». Ces entreprises de 500 à 1 500 salariés, qui fabriquent des produits de très haute qualité, qui investissent dans la recherche et qui exportent, font la force de pays comme l’Allemagne ou la Suisse. Or permettez-moi de vous dire que c’est un problème dont vous ne vous êtes pas beaucoup occupé au cours des dix dernières années !

Les relations sociales constituent un autre élément fondamental de la compétitivité. Or on sait très bien qu’en France le dialogue social est faible et qu’il y a des blocages. C’est un élément sur lequel nous voulons, nous, avancer. C’est pourquoi le dialogue qui s’est noué lors de la conférence sociale, voilà trois semaines, doit continuer.

Voilà brièvement rappelées les principales raisons qui justifient la suppression de l’augmentation de 1,6 point du taux de TVA.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet article 1er est totalement paradoxal au regard de l’actualité dramatique que connaissent, notamment, le secteur automobile et les sous-traitants de ce secteur.

La première urgence du Gouvernement devrait être d’alléger immédiatement le coût du travail. La France est en effet confrontée à un problème majeur, celui du coût du travail, principal handicap de notre économie.

Nous sommes confrontés à un paradoxe terrible : nous avons des salaires finalement extrêmement faibles et un coût du travail élevé du fait des charges. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)

L’article 1er du projet de loi de finances rectificative va casser la compétitivité de nos entreprises. Il est, sans jeu de mots, à contre-emploi. Il constitue de mon point de vue une faute économique et, si l’abrogation de la hausse du taux de TVA doit être, en plus, remplacée par une augmentation de la CSG l’année prochaine, c’est d’une double faute qu’il s’agit !

Oui, la TVA sociale est le seul système aujourd’hui capable de rétablir un équilibre concurrentiel en taxant les entreprises qui ont choisi de produire à l’étranger et donc de ne pas contribuer au financement de la protection sociale !

Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Pas du tout !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est un aspect dont vous ne parlez pas. C’est pourtant le cœur du sujet !

L’objectif de la TVA sociale, c’est de transférer vers la consommation une partie du financement de la protection sociale assurée par les entreprises, notamment via le coût du travail. Cela permettrait de baisser les coûts de production chez nous et de les augmenter pour les importateurs. Je ne vois pas comment vous pouvez refuser un tel système !

M. Alain Néri. Les Français vous ont dit non !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La TVA « compétitivité » est une réponse structurelle à la crise et à la montée du chômage. Elle permettrait de lutter contre les délocalisations et, surtout, de protéger l’emploi, et pas n’importe quel emploi : celui des ouvriers, des employés, en fait de ceux qui sont le plus exposés à la mondialisation.

Tel n’est pas votre choix. Au lieu de vous acharnez sur l’action de l’ancien gouvernement, dites-nous vraiment pourquoi vous refusez cette TVA « compétitivité ».

M. Alain Néri. Parce qu’elle est injuste !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ni dans la discussion générale ni dans les prises de parole sur cet article, je ne vous ai entendu dire quoi que ce soit là-dessus. Je veux tout de même rappeler que la TVA « compétitivité » que vous voulez supprimer ne concerne que les produits taxés à 19,6 %, dont 75 % sont des produits importés. C’est là qu’est le problème ! Seule votre attitude idéologique explique cette décision.

Mme Annie David. Vous en connaissez un rayon !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes davantage mus, et je le regrette, par la volonté de faire table rase de l’ère Sarkozy que par celle d’apporter de véritables solutions économiques à notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Si nous avions eu à augmenter la CSG, ce qui n’était pas le cas dans l’équilibre concurrentiel que nous voulions, et que nous l’avions fait, je suis sûre que vous seriez en train de nous dire qu’il ne fallait pas le faire et c’est une augmentation de la TVA que vous prôneriez !

Votre seule motivation est de faire table rase de l’ère Sarkozy. Vous êtes dans l’idéologie pure, et c’est ahurissant !

Le 14 juillet, le Président de la République a exprimé le souhait d’ouvrir le débat sur la compétitivité, que vous le vouliez ou non. Vous, contrairement à lui, vous n’en parlez pas.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On vient d’en parler !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je lis partout, notamment dans les journaux, qu’il faut comprendre que la question de la CSG peut être posée. Sur ce plan aussi, je voudrais vous entendre, mais rien du tout !

Il y a donc deux discours, celui du Président de la République, dans sa tour d’ivoire à l’Élysée, et celui que vous tenez, vous, sa majorité, dans lequel vous ne parlez pas des vrais problèmes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

La conférence sociale – parce qu’une conférence sociale a été organisée – a clairement montré que tout le monde était d’accord sur un point : le travail ne peut plus supporter la totalité de la protection sociale.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. On l’a toujours dit !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pour nous, la TVA était bien mieux que la CSG : elle servait à cela.

C’est faire preuve d’un manque de lucidité économique terrible que de vouloir supprimer la TVA « compétitivité ». Dans ce dossier, je regrette vivement votre silence sur le fond des choses ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, sur l’article.

M. Jacques Gillot. Je saisis l’opportunité de la discussion de la mesure abrogeant la TVA dite « sociale » et maintenant l’allègement partiel des cotisations patronales familiales en outre-mer pour exprimer ma satisfaction.

Les populations d’outre-mer sont globalement concernées par le projet de loi de finances rectificative de redressement des comptes publics que nous examinons aujourd’hui. Elles participent aux efforts de réduction du déficit public. Les mesures spécifiques visant les ultramarins seront abordées, je l’espère, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, afin de mettre en œuvre les engagements en faveur des outre-mer pris par le chef de l’État lors de la campagne présidentielle.

Monsieur le ministre délégué, je tiens à rappeler la forte adhésion des ultramarins aux 30 engagements pour les outre-mer du Président de la République. Ces engagements, que nous, élus, avons fortement soutenus, témoignent de la bonne compréhension des difficultés structurelles auxquelles doivent faire face nos territoires ; ils prévoient par ailleurs un certain nombre de solutions appropriées.

Nos difficultés économiques et sociales ne sont cependant pas une fatalité. Des réponses existent, qui ne sont pas uniquement budgétaires.

Les engagements du chef de l’État et la bonne connaissance des dossiers du ministre des outre-mer sont des atouts non négligeables pour trouver ensemble des solutions dans l’esprit de concertation qui anime ce nouveau gouvernement. En effet, il est tout à fait possible de corriger certains dysfonctionnements, indépendamment des moyens financiers qui sont octroyés à nos territoires. Nous en avons un exemple avec la récente baisse des tarifs de téléphonie mobile en outre-mer ou avec les mesures de lutte contre la vie chère, qui visent à rendre plus transparente la formation des prix – anormalement élevés – dans nos territoires et à réguler certains abus de position dominante.

En revanche, d’autres solutions passent nécessairement par un soutien budgétaire et financier de la part de l’État.

Les outre-mer doivent et veulent contribuer à l’effort national de redressement, mais celui-ci doit être justement proportionné. Ainsi, monsieur le ministre délégué, en matière de logement social, quelle articulation budgétaire sera décidée entre la ligne budgétaire unique, la LBU, et la défiscalisation ? Pouvez-vous aujourd’hui nous rassurer sur la sanctuarisation de la LBU pour le financement du logement social, ainsi que s’y est engagé notre candidat à l’élection présidentielle ? (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Aujourd’hui, 22 000 familles attendent un logement social en Guadeloupe.

Le montant de la défiscalisation, outil essentiel pour le financement des économies ultramarines, a subi de sévères coups de rabot lors de la précédente législature. Ce montant sera-t-il maintenu, comme l’a annoncé le nouveau chef de l’État ?

À côté de la lutte contre la vie chère s’impose la lutte contre les inégalités sociales, criantes sur nos territoires : échec scolaire, chômage de masse, notamment chez les jeunes… Notre jeunesse attend beaucoup du changement annoncé. Quelle sera la part des contrats de génération, d’emplois d’avenir et des contrats de professionnalisation qui sera réservée à nos jeunes ?

Enfin, un signal fort a été adressé par le Premier ministre à l’ensemble des conseils généraux face au reste à charge astronomique auquel ils sont confrontés depuis plusieurs années, du fait des transferts successifs de compétences insuffisamment compensés par les précédents gouvernements. Les conseils généraux des outre-mer jouent un rôle d’amortisseur social, au regard de l’importante demande sociale, et ce, de façon encore plus accrue que dans l’Hexagone. Au conseil général de Guadeloupe, par exemple, ce reste à charge cumulé depuis 2002 s’élève à 440 millions d’euros.

Nous espérons bénéficier prochainement des mesures d’urgence promises pour les départements par le Premier ministre.

Monsieur le ministre délégué, pouvez-vous nous assurer que les engagements forts pris par le Président de la République en faveur de nos territoires bénéficieront d’une traduction budgétaire à la hauteur de l’ambition affichée lors de la campagne présidentielle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Chers collègues de l’opposition, le ton étant redevenu calme dans cet hémicycle, je veux rappeler, hors de toute polémique, que vous aviez certainement raison, lorsque, au mois de février 2011, vous souteniez M. Baroin, qui affirmait qu’« il faudrait un effort très conséquent d’augmentation de la TVA pour que cela ait un impact, au moins 5 points probablement » et qui en craignait alors « les conséquences dramatiques sur notre activité économique ».

Vous aviez également raison lorsque vous approuviez M. Estrosi, qui estimait l’augmentation de la TVA « dangereuse pour notre croissance, pour le pouvoir d’achat des Français ». (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)

Vous aviez encore raison de soutenir Jean-François Copé, qui disait qu’« un tel transfert n’est pas sans danger dans notre pays, où la croissance est largement portée par la consommation. D’autant plus que cela éroderait le pouvoir d’achat ».

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Vous aviez à nouveau raison d’approuver Xavier Bertrand selon qui « une hausse de la TVA pour tous les Français n’est certainement pas la solution pour abaisser le coût du travail ».

Et nous sommes certainement ici encore quelques-uns à nous souvenir de cet ancien ministre de l’économie et des finances qui démontrait devant la commission des finances du Sénat, le 4 juin 2004, que, si la TVA sociale était mise en œuvre, il en coûterait 0,9 point de croissance à l’économie de notre pays ! Mes chers collègues, vous savez à qui je fais allusion…

Pourquoi ces rappels ? Il ne s’agit pas de provocation ; il s’agit uniquement, madame Des Esgaulx, de montrer que le problème n’est pas si simple, que la question de la TVA sociale ne saurait se réduire à des décisions hâtives ou à des affirmations péremptoires. Permettez-moi de le démontrer en m’inspirant du rapport de Mme Bricq du mois de février dernier et en insistant sur deux points : l’emploi et la compétitivité.

Sous l’angle de l’emploi, on s’aperçoit que deux phénomènes jouent en sens inverse : « d’un côté, la baisse des cotisations patronales crée des emplois, » – c’est vrai ! – « parce que la diminution du coût du travail incite les entreprises à embaucher, soit immédiatement […], soit une fois que l’amélioration de leur compétitivité-prix a accru leur activité. […] ; de l’autre côté, l’augmentation de la TVA détruit des emplois, en raison de son effet dépressif sur l’activité ».

Deux approches de la TVA sociale existent donc : « selon une première conception, la TVA sociale a pour seul objectif de créer le plus d’emplois possible. Il faut alors concentrer les exonérations de charges sur les bas salaires, dont la demande par les entreprises est la plus sensible à leur coût. Le problème est qu’alors les secteurs bénéficiant de la mesure sont pour l’essentiel des secteurs protégés et peu technologiques, et qu’il existe un risque de “trappe à bas salaires” ; selon une deuxième conception, correspondant à la TVA sociale “classique”, » – c’est-à-dire une baisse uniforme des cotisations patronales pour l’ensemble des salaires – « la TVA sociale a pour objectif essentiel de renforcer la compétitivité de l’économie par une forme de dévaluation compétitive. […], le problème étant alors que le nombre d’emplois créés s’en trouve réduit. » Le gouvernement précédent a arbitré en faveur d’une solution de ce type.

Sous l’angle de la compétitivité, quelle est la situation actuelle de notre pays ?

Je cite à nouveau le rapport de Mme Bricq : « L’indicateur le plus pertinent pour évaluer l’évolution de la compétitivité de la France est celle de sa part dans les exportations mondiales ou dans celles des États de la zone euro. […] Le rapport annuel de la Commission européenne, publié le 14 février 2012 dans le cadre de la “procédure d’alerte”, montre que la France a connu une évolution plus défavorable que celle de la plupart des États de la zone euro. […] Avec une diminution de 19,4 % de ses parts de marchés mondiales à l’exportation au cours des cinq dernières années, la France est l’État de la zone euro le plus mal placé après la Grèce. »

Personne ne fera porter au seul gouvernement actuel la responsabilité de cette situation, pas plus que nous ne saurions nous en satisfaire. Quel que soit le gouvernement, nous avons en effet tous à cœur de défendre l’intérêt de notre pays.

Reste que, sur le fondement de ce constat, le débat qui nous occupe est bien celui de la compétitivité-prix et de la compétitivité hors coût. Je ne reprendrai pas à cet égard les propos éloquents et complets de M. le ministre délégué chargé du budget sur ce sujet. Je rappellerai simplement que, dans le dispositif imaginé par le précédent gouvernement, sur les 13,2 milliards d’euros de baisses des cotisations sociales, seulement 25 % – un quart ! – bénéficiait au secteur de l’industrie. En d’autres termes, les trois quarts de ces allégements de cotisations patronales profitaient à des activités protégées, absentes de la compétition internationale. Voilà qui affaiblit significativement votre argumentation en faveur de cette TVA !

Oui, mes chers collègues, la compétitivité est un problème qui nous concerne tous ! Aujourd’hui, la compétitivité-prix joue en faveur de la Chine et des pays asiatiques, et nous n’avons en ce domaine aucun espoir de retrouver un équilibre. Mais elle s’exerce beaucoup moins dans le monde manufacturier ou dans le monde de l’industrie, et notamment dans les pays européens avec lesquels nous commerçons.

C’est donc sur la compétitivité hors coût qu’il nous faut à l’avenir porter l’effort : dans le domaine de la recherche, de l’innovation et du développement. Et, pour cela, il nous faut fixer comme objectif d’élever l’investissement total en recherche et développement dans notre pays de 2 points à 3 points de PIB.

Aujourd’hui, lorsqu’un Français dispose d’un budget de 50 000 euros et choisit d’acheter une voiture allemande, ce n’est pas parce que celle-ci est moins chère qu’un véhicule français ou parce que le modèle français est de mauvaise qualité ; il le fait pour des raisons plus complexes. C’est donc bien en intervenant sur les éléments de compétitivité hors coût que nous permettrons que, demain, ce Français préférera acheter français.

Mais chers collègues, notre projet et notre ambition sont de construire une nouvelle fiscalité socialement juste et économiquement efficace.

Cette TVA sociale est défavorable à notre économie et à notre société. Cela a été démontré. Son abrogation constitue donc une première étape nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.

M. Jean-Pierre Caffet. Je ne reviendrai pas sur les noms cités par Yves Daudigny, mais constatez, chers collègues de l’opposition, que, entre février 2010 et mars 2011, tous les responsables de l’ancienne majorité – Yves Daudigny a notamment évoqué Xavier Bertrand – se sont prononcés contre la TVA sociale. Il aura fallu l’influence, dirais-je, du Président de la République pour qu’ils changent d’avis en quelques mois, voire en quelques semaines, et pour que le Parlement adopte cette TVA sociale.

Quel était leur message à l’époque ? Ils mettaient en garde contre une dégradation de la consommation telle qu’elle risquait de nous faire entrer en récession. Franchement, on ne peut pas leur donner tort, car, voyez-vous, chers collègues, une mesure économique n’est pas bonne ou mauvaise dans l’absolu, tout dépend de la conjoncture dans laquelle elle est prise.

Aux chiffres rappelés par Yves Daudigny, je voudrais ajouter ceux cités par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances : une augmentation de 1 point de la TVA provoque une diminution de la croissance de 0,9 point ; une baisse des cotisations patronales équivalente provoque une augmentation de la croissance de 0,4 point. Faites la différence : cela représente 0,5 point de décroissance ! Ces chiffres datent de 2004, mais ils sont toujours valables.

Croyez-vous que, à un moment où la croissance a été révisée à la baisse de 0,7 % à 0,3 %, nous puissions nous permettre le luxe de perdre 0,5 point de plus ?

Pensez-vous que la conjoncture soit tellement florissante aujourd’hui que nous puissions nous permettre de faire entrer la France en récession ?

Au-delà de cet argument conjoncturel, que vous devriez prendre en compte, nous pouvons aussi évoquer les problèmes de la compétitivité française, comme M. le ministre l’a fait précédemment. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l’économie française, en tout cas dans l’industrie, ait un problème de compétitivité-prix. Si nous regardons les derniers chiffres donnés par Eurostat, nous nous apercevons que le coût salarial horaire dans l’industrie manufacturière est de 33,16 euros en France, contre 33,37 euros en Allemagne. Il n’y a donc rigoureusement aucun écart !

Mes chers collègues, allons plus loin : si nous prenons l’industrie automobile, les coûts salariaux horaires sont supérieurs de 30 % en Allemagne à ceux que nous connaissons en France.

Mme Annie David. Exactement !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous le voyez, ce sont des notions qu’il faut manier avec beaucoup de précaution.

Il se trouve que le commerce extérieur français dans le secteur automobile est particulièrement déficitaire, alors que celui de l’Allemagne est fortement excédentaire. Ce n’est donc pas une question de compétitivité-prix. (M. Philippe Dallier s’exclame.)

Monsieur Dallier, laissez-moi vous exposer mes arguments pour vous faire prendre conscience qu’il faudrait peut-être chercher ailleurs, en tout cas pour ce qui concerne l’industrie…

M. Philippe Dallier. On peut faire les deux !

M. Jean-Pierre Caffet. Peut-être faut-il faire les deux, mais à quel prix ?

Je le répète, faut-il aujourd’hui dégrader la consommation, qui représente un peu moins des deux tiers de la croissance française, au point de faire entrer la France en récession ?

Vous nous dites qu’il faut absolument maintenir la TVA sociale. Je vous réponds que, dans les circonstances actuelles, alors que nous avons révisé la croissance française à la baisse à 0,3 %, ce serait une folie !

Ensuite se poseront les problèmes de compétitivité. Il faudra les regarder avec beaucoup d’attention, mais ne croyez pas qu’avec la TVA sociale vous ayez trouvé le Graal qui va régler tous les problèmes en la matière et faire en sorte que le commerce extérieur français redevienne excédentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2012
Discussion générale

24

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 juillet 2012, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (n° 687, 2011 2012) ;

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 689, 2011-2012) ;

Avis de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 690, 2011-2012) ;

Avis de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 691, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 25 juillet 2012, à une heure.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART