Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaire :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

1. Procès-verbal

2. Droit au repos dominical. – Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement n° 3 de Mme Catherine Procaccia. – Mmes Catherine Procaccia, Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure ; Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ; M. Ronan Kerdraon, Mmes Isabelle Pasquet, Isabelle Debré, Marie-Thérèse Bruguière. – Rejet par scrutin public.

Article 1er

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Jean Desessard, Pierre Charon, Mme Catherine Procaccia, M. Ronan Kerdraon.

Amendement n° 4 de M. René-Paul Savary. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière, la rapporteure, la ministre, Christiane Hummel, M. Ronan Kerdraon, Mme Isabelle Debré, MM. Dominique Watrin, Jean Desessard, Mmes Isabelle Pasquet, Chantal Jouanno, Corinne Bouchoux, M. Jean-Pierre Plancade. – Rejet.

M. Jean Desessard.

Adoption de l'article.

Article 2

Mmes Catherine Procaccia, Joëlle Garriaud-Maylam, Christiane Kammermann, M. Alain Gournac, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Pierre Charon.

Amendement n° 5 de Mme Christiane Hummel. – Mmes Christiane Hummel, la rapporteure, la ministre, Isabelle Debré. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 14 de la commission. – Mmes la rapporteure, la ministre. – Rejet.

Mme Isabelle Debré.

Suspension et reprise de la séance

Adoption, par scrutin public, de l'article.

Article 2 bis (nouveau)

Amendement n° 6 de Mme Christiane Kammermann. – Mmes Christiane Kammermann, la rapporteure, la ministre, M. Ronan Kerdraon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Plancade. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 3

Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Alain Gournac.

Amendement n° 7 de Mme Caroline Cayeux. – Mmes Christiane Kammermann, la rapporteure, la ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 4

Amendement n° 8 de Mme Colette Giudicelli. – Mmes Christiane Kammermann, la rapporteure, la ministre, Catherine Procaccia, Christiane Hummel, M. Jean Desessard. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 5

Mme Christiane Hummel.

Amendement n° 9 de M. Bruno Gilles. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière, la rapporteure, la ministre, Catherine Procaccia. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 6

Amendement n° 10 de Mme Marie-Thérèse Bruguière. – Mmes Marie-Thérèse Bruguière, la rapporteure, la ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 7

Amendement n° 11 de M. Jean-Louis Lorrain. – Mmes Christiane Kammermann, la rapporteure, la ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 8 (supprimé)

Vote sur l'ensemble

Mme Isabelle Debré, MM. Yves Pozzo di Borgo, Jean Desessard, Ronan Kerdraon.

Adoption de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

3. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle. – Adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée, modifiée

Discussion générale : M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi ; Mme Bariza Khiari, rapporteure de la commission de la culture ; M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Plancade, Mmes Marie-Annick Duchêne, Dominique Gillot, M. André Gattolin.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement n° 16 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 17 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 18 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 19 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 20 de la commission. – Mme la rapporteure.

Amendement n° 9 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement n° 20, l’amendement n° 9 devenant sans objet.

Amendement n° 10 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Amendement n° 21 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 22 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 3 de Mme Dominique Gillot. – Mmes Dominique Gillot, la rapporteure, MM. le ministre, David Assouline, vice-président de la commission de la culture ; Jacques Legendre. – Retrait.

Amendement n° 4 de Mme Dominique Gillot. – Mmes Dominique Gillot, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 23 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 24 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 25 de la commission. – Mme la rapporteure.

Amendement n° 11 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

M. le ministre. – Adoption de l’amendement n° 25, l’amendement no 11 devenant sans objet.

Amendement n° 26 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 27 de la commission. – Mme la rapporteure, MM. le ministre, Jacques Legendre, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Dominique Gillot, M. le vice-président de la commission. – Retrait.

Amendement n° 28 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 5 de Mme Dominique Gillot. – Mmes Dominique Gillot, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 29 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 34 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre, Mme Dominique Gillot, MM. Jacques Legendre, Jean-Pierre Plancade, le vice-président de la commission, Claude Dilain, Mme Cécile Cukierman. – Adoption.

Amendement n° 30 de la commission. – Mme la rapporteure.

Amendement n° 13 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

M. le ministre. – Adoption de l’amendement n° 30.

Amendement n° 31 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 32 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 14 rectifié bis de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Cécile Cukierman, la rapporteure, M. le ministre. – Retrait.

Amendement n° 33 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre, Mme Dominique Gillot. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendements identiques nos 1 rectifié de Mme Dominique Gillot et 8 rectifié de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Dominique Gillot, Cécile Cukierman, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 2 rectifié de Mme Dominique Gillot. – Mmes Dominique Gillot, la rapporteure, M. le ministre. – Retrait.

Amendement n° 6 de Mme Dominique Gillot. – Mmes Dominique Gillot, la rapporteure, MM. le ministre, le vice-président de la commission, Jacques Legendre. – Retrait.

Article 2

Amendement n° 7 de Mme Dominique Gillot. – Mmes Dominique Gillot, la rapporteure, MM. le ministre, Jacques Legendre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 3

Amendement n° 35 de la commission. – Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 4. – Adoption

Adoption de la proposition de loi.

MM. le vice-président de la commission, Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi ; Mme la rapporteure, M. le ministre.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaire :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article additionnel avant l'article 1er

Droit au repos dominical

Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe CRC, après concertation avec les partenaires sociaux, de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (proposition n° 794 rectifié [2010-2011], texte de la commission n° 90, rapport n° 89).

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons achevé le 16 novembre dernier la discussion générale de cette proposition de loi et que nous en sommes donc parvenus à la discussion des articles.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Procaccia, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon, Pinton, Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L´article L. 1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Avant leur examen en commission en première lecture dans l'assemblée à laquelle appartient leur auteur, les propositions de loi des membres du Parlement qui entrent dans le champ défini au premier alinéa font également l´objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l´ouverture éventuelle d'une négociation entre ces organisations. Les modalités de mise en œuvre de cette concertation sont définies par chaque assemblée. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent amendement vise à étendre le principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux défini par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, dont je fus le rapporteur au Sénat, aux propositions de loi dont l’examen est envisagé par le Parlement et qui portent sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle.

Il s’agit de compléter les dispositions du droit du travail en vigueur définies par l’article L. 1 du code du travail, qui ne permettent pas actuellement aux partenaires sociaux de se saisir d’un projet de réforme d’origine parlementaire afin d’engager une concertation préalable.

Je tiens à préciser que les dispositions de la loi du 31 janvier 2007 concernant l’examen des projets de loi sont jugées positivement par les partenaires sociaux.

Je vous invite, madame la rapporteure, mes chers collègues, à relire les débats de l’époque : ils attestent que je demandais déjà la concertation avec les partenaires sociaux sur les textes d’origine parlementaire.

Le dépôt d’une proposition de loi et son inscription à l’ordre du jour des deux assemblées peuvent permettre de réformer, parfois en profondeur, le droit du travail ; il est donc important de procéder, au préalable, à une concertation avec les partenaires sociaux.

Le fait que l’avis du Conseil d’État puisse désormais être recueilli sur les propositions de loi illustre la convergence récente des procédures de préparation des initiatives législatives gouvernementales et parlementaires.

D’ailleurs, il y a deux ans, le Premier ministre a consulté les présidents des deux assemblées sur le souhait des organisations syndicales et patronales d’être mieux associées à la préparation des propositions de loi à caractère social qui sont dans le champ de la négociation collective.

Un protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi a ainsi été élaboré au Sénat et à l’Assemblée nationale. Gérard Larcher, initiateur du projet au Sénat, l’a précisé: « L’objectif est double. Il s’agit de concilier à la fois la concertation sociale avec l’indépendance et l’efficacité du législateur, mais aussi le respect du droit d’initiative et d’amendements des parlementaires avec les compétences de la conférence des présidents en matière d’ordre du jour. »

Cette initiative, c’est la majorité présidentielle qui l’a portée ! Il est vrai que, lorsque la gauche gouverne, elle s’exonère des consultations, comme vous nous l’avez montré avec les 35 heures ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

M. Ronan Kerdraon. Pas du tout !

Mme Catherine Procaccia. Quelle belle image, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, avez-vous donné à cette époque !

Je tiens d’ailleurs à rappeler que ce souhait d’une extension du principe de concertation préalable aux partenaires sociaux est partagé par la gauche : une proposition de loi, en attente d’inscription à l’ordre du jour du Parlement, déposée par Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l’Assemblée nationale, va dans le même sens que l’amendement n° 3. Celui-ci devrait donc recevoir l’approbation de Mme la présidente et rapporteure de la commission des affaires sociales puisqu’il est conforme aux souhaits de ses partenaires de gauche.

Pour conclure, je rappelle que notre ancienne collègue Raymonde Le Texier avait également proposé d’inscrire dans le code du travail la formalisation de la consultation des partenaires sociaux pour les propositions de loi comme pour les projets de loi.

L’amendement n° 3 vise à donner une assise législative au protocole expérimental tout en laissant aux assemblées la latitude nécessaire quant à leurs règlements. J’espère qu’il recueillera un large consensus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure. Cet amendement est un cavalier législatif.

Avant de modifier le code du travail dans le sens voulu par les auteurs de l’amendement, il faudrait faire le bilan du protocole, proposé par Gérard Larcher, organisant la concertation avec les partenaires sociaux sur les propositions de loi.

Si je suis d’accord avec vous, madame la sénatrice, sur le principe d’une consultation des partenaires sociaux en cas de dépôt d’une proposition de loi, il n’en reste pas moins que l’amendement n° 3 n’a pas sa place dans ce texte.

Par ailleurs, il ne me semble pas que le dialogue social que vous réclamez aujourd’hui ait été mis en place pour la proposition de loi dite « Warsmann 4 », dont vous êtes rapporteur pour avis au Sénat, alors qu’une vingtaine d’articles concernent le code du travail.

S’il y a nécessité à instaurer le dialogue social, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas, je le répète, le bon support législatif pour le faire. La commission des affaires sociales vous invite plutôt à déposer une proposition de loi à cette fin. En attendant, elle émet un avis défavorable sur l’amendement n° 3.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Le Gouvernement ne considère pas l’amendement n° 3 comme un cavalier législatif, bien au contraire, puisque le texte examiné aujourd’hui par le Sénat concerne le droit du travail.

Renforcer la concertation préalable avec les partenaires sociaux, ainsi que le proposent les auteurs de l’amendement, va dans le bon sens, et le Gouvernement est donc totalement favorable à ce dernier.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Voilà un amendement quelque peu cavalier !

Nous sommes très heureux de constater que nos collègues de l’opposition sénatoriale se rallient aujourd’hui à une position que nous avons défendue en son temps.

Je rappelle que lorsque M. Gérard Larcher, alors ministre du travail, avait proposé, dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007, la concertation préalable avec les partenaires sociaux pour l’élaboration des projets de loi, nous avons approuvé et voté cette disposition.

Nous avions néanmoins fait observer à cette époque qu’il était regrettable que la nouvelle procédure ne s’applique pas aux propositions de loi.

Mme Catherine Procaccia. Je l’avais dit en tant que rapporteur !

M. Ronan Kerdraon. Nous avions même noté que cet oubli risquait de permettre au Gouvernement de faire porter par des parlementaires, et donc sans s’embarrasser d’une concertation, des textes qui seraient en fait d’initiative gouvernementale.

Cette remarque a sans doute été jugée pertinente puisque le bureau du Sénat, également sous l’impulsion de M. Gérard Larcher, président du Sénat à l’époque, a adopté le 16 décembre 2009 un protocole en faveur d’une concertation préalable avec les partenaires sociaux.

Depuis lors, une procédure de consultation est obligatoire au Sénat pour tout texte portant sur les relations individuelles et collectives de travail, l’emploi et la formation professionnelle, relevant du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle.

L’Assemblée nationale a suivi notre exemple puisqu’elle a adopté à l’unanimité une proposition de loi de nos collègues députés socialistes, laquelle est déposée depuis sur le bureau du Sénat.

En l’espèce, la présidente de la commission des affaires sociales a décidé d’appliquer à la proposition de loi dont nous reprenons l’examen aujourd’hui la procédure de consultation voulue par Gérard Larcher, bien qu’il s’agisse d’un texte à la limite du champ du protocole. Il y a lieu de le souligner et de la remercier d’avoir pris ces garanties.

Pour notre part, nous estimons qu’il serait regrettable d’adopter la disposition présentée par l’amendement n° 3, qui est un cavalier, au débotté et à l’occasion d’un texte dont l’objet n’est pas d’organiser la concertation sociale. Plutôt que d’adopter cet amendement, il serait préférable de soumettre la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale à un vote du Sénat en bonne et due forme. Par ailleurs, il serait utile de recueillir l’avis de la commission des lois, qui devrait également être saisie d’un texte de cette nature.

La Haute Assemblée a la réputation d’être une chambre de réflexion. Le sujet prête à le démontrer.

Nous devons à la fois faire avancer le dialogue social, mais aussi préserver le droit d’initiative parlementaire, qu’il s’agisse des propositions de loi ou des amendements.

À cet égard, j’appelle l’attention du Sénat sur un point : les délais entre le dépôt d’une proposition de loi et son examen en séance publique se trouvent considérablement allongés par une concertation obligatoire. Ce nouveau paramètre ne doit pas avoir une incidence négative sur notre compétence de législateur.

Il convient de mettre en balance l’ensemble de ces éléments et de prendre toutes les précautions utiles, surtout en ce qui concerne le droit du travail, droit spécifique en ce qu’il doit tenir compte de la sujétion inhérente à la relation de travail.

Pour ces motifs, nous ne voterons pas l’amendement n° 3.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. L’amendement n° 3 présenté par les sénatrices et sénateurs du groupe UMP vise à étendre aux propositions de loi le mécanisme de consultation des partenaires sociaux applicable aux projets de loi en vertu de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. Celle-ci prévoit que tout projet gouvernemental, modifiant le code du travail, doit impérativement faire l’objet d’une saisine préalable des organisations syndicales et patronales pour les inviter à ouvrir une négociation interprofessionnelle.

Si les déclarations des auteurs de cet amendement nous paraissent nobles, nous nous étonnons tout de même qu’un dispositif visant à mieux associer les partenaires sociaux à l’élaboration de la loi soit proposé au détour d’un amendement.

En effet, la mesure ayant des conséquences directes sur la place des partenaires sociaux dans l’élaboration de la loi, il aurait été souhaitable qu’elle fasse l’objet non pas d’un amendement, mais d’une proposition de loi. Cela aurait permis de soumettre cette idée au protocole organisant, à titre expérimental, la concertation avec les partenaires sociaux préalablement à l’examen, par le Sénat, des propositions de loi relatives aux relations individuelles et collectives du travail, à l’emploi et à la formation professionnelle. Avouez qu’il est tout de même paradoxal de prôner plus de dialogue social et d’agir par voie d’amendement, c’est-à-dire en utilisant la seule procédure qui n’est soumise à aucun formalisme en la matière. Il s’agit pourtant d’une question importante, qui mérite la consultation des partenaires sociaux.

Par ailleurs, avant d’étendre le principe de la concertation sociale à tous les textes législatifs, ne serait-il pas utile de procéder à l’évaluation du protocole expérimental existant ?

J’espère – je le dis sans esprit de polémique – que les sénateurs de l’UMP garderont en mémoire l’amendement qu’ils nous présentent aujourd’hui. Nul doute, alors, qu’ils repousseront, comme nous le ferons, les dispositions de la proposition de loi du député UMP Jean-Luc Warsmann dite de « simplification du droit ».

En effet, ce texte, sous couvert de simplifier les démarches administratives, contient certaines dispositions impactant le droit du travail – Mme la rapporteure a parlé tout à l’heure d’une vingtaine d’articles –, toujours dans un même souci de dérégulation. Il prévoit ainsi que, en cas de modification de la durée du travail, les clauses du contrat de travail concernant la protection du salarié seraient caduques. À titre d’exemple, un employeur pourrait exiger de son salarié qu’il travaille 48 heures une semaine et 10 heures la semaine suivante, sans que celui-ci puisse s’y opposer. Cette disposition, qui va à l’encontre des décisions de la Cour de cassation et des droits fondamentaux des salariés, n’a évidemment fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux, à moins de considérer que la transposition en droit des propositions formulées par le MEDEF vaut concertation.

En tout état de cause, le groupe CRC votera contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Comme l’a expliqué ma collègue Catherine Procaccia, cet amendement a pour objet d’étendre aux propositions de loi le principe de concertation préalable avec les partenaires sociaux prévu par la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, lorsqu’elles portent sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle.

La loi du 31 janvier 2007 visant les projets de loi constituait un premier pas sur la voie d’un changement de mentalité, en alliant volontés des partenaires sociaux et nécessité d’action des pouvoirs publics. Il est en effet primordial, dans une démocratie, de donner la parole aux principaux acteurs qui régissent notre société et d’établir un dialogue constant entre les élus et les représentants des divers groupes socioprofessionnels. Nous nous accordons à penser qu’en nous appuyant davantage sur les partenaires sociaux nous obtenons des lois mieux rédigées et pouvant satisfaire aux exigences de tous.

Cette loi a constitué une avancée majeure. En fixant les responsabilités de chacun, elle a permis de structurer, depuis trois ans, les relations entre pouvoirs publics et partenaires sociaux.

Dès lors, les partenaires sociaux ont toute légitimité pour négocier et conclure des accords dans le cadre des règles légales, et les pouvoirs publics ont également toute légitimité pour modifier les lois, après les avoir négociées, et les faire appliquer.

C’est aussi pour cela que, depuis 2007, nous élaborons avec les partenaires sociaux un agenda social, qui constitue la feuille de route annuelle des discussions et des réformes à mener. Chacun y contribue.

Nous voulons réformer notre pays sur la base de compromis constructifs plutôt que dans l’affrontement stérile.

D’ailleurs, depuis juillet 2009, le Premier ministre a obtenu des présidents des deux assemblées, comme l’a dit précédemment Mme Procaccia, l’adoption de deux protocoles permettant d’appliquer les modes opératoires prévus par la loi du 31 janvier 2007 aux textes d’origine parlementaire lorsque leur inscription à l’ordre du jour est envisagée.

Ces innovations sont dues à la majorité présidentielle. De mémoire, le dialogue social était inexistant lors de ce que j’appellerai « l’affaire des 35 heures », aucune concertation préalable n’ayant eu lieu, au risque de froisser les partenaires sociaux.

Mme Annie David, rapporteure. Et le sommet social sur les 35 heures ?

Mme Isabelle Debré. L’amendement n° 3, madame la rapporteure, chers collègues de la majorité sénatoriale, devrait vous séduire. En effet, le député Jean-Marc Ayrault a pris l’initiative de déposer l’année dernière une proposition de loi en ce sens. Cette dernière a été adoptée à l’Assemblée nationale ; vous nous demandez aujourd'hui de déposer une proposition de loi : que n’inscrivez-vous à l’ordre du jour, dans l’espace réservé au groupe socialiste-EELV, la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale ?

Votre collègue Michel Liebgott disait alors que, « entre la théorie et la pratique, on sait qu’il y a un gouffre ». Cette phrase serait-elle devenue la maxime de la politique de l’opposition ?

Par ailleurs, à l’occasion de l’examen de la loi Mallié sur le repos dominical, votre collègue Mme Le Texier avait déposé un amendement visant le même objet, que vous n’aviez pas alors, me semble-t-il, traité de « cavalier » : ce texte visait à insérer dans l’article L.1 du code du travail la consultation préalable des partenaires sociaux pour les propositions de loi.

Mme Le Texier déclarait alors, concernant le texte de 2009, qu’une « négociation nationale et interprofessionnelle s’imposait sur le thème du travail dominical ».

C’est pourquoi, suivant les souhaits de certains de vos collègues de gauche, nous proposons d’inscrire dès à présent dans le code du travail la formalisation de la consultation des partenaires sociaux, qu’il s’agisse d’un projet ou d’une proposition de loi. L’opportunité, mes chers collègues, vous en est donnée aujourd’hui !

Cela permettrait à la gauche de mieux respecter les partenaires sociaux qu’elle ne l’a fait sur ce texte... En effet, je voudrais souligner de nouveau que le protocole Larcher n’a pas été appliqué pour l’inscription de ce texte à l’ordre du jour.

En conférence des présidents, rappelant que ce protocole était expérimental, Mme David a demandé : « Ne peut-on pas faire évoluer cette expérimentation pour que les groupes ne soient pas dans l’impossibilité d’inscrire un texte à l’ordre du jour d’un espace qui leur est réservé ? ». Dont acte.

Devant une telle désinvolture et considérant que ce sujet revêt un caractère indispensable, le groupe UMP souhaite donner une assise parlementaire à ce protocole expérimental et votera cet amendement afin qu’en matière d’emploi, de travail et de formation professionnelle les partenaires sociaux soient saisis pour les propositions de loi, comme ils le sont pour les projets de loi, et dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Cet amendement portant article additionnel a pour objet d’étendre aux propositions de loi le principe de concertation préalable des partenaires sociaux inscrit à l’article L.1 du code du travail pour l’examen des projets de loi.

Cet article, issu de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, a en effet inscrit en ouverture du code du travail l’obligation pour le Gouvernement de consulter les partenaires sociaux préalablement à tout projet de loi portant sur « les relations individuelles et collectives de travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle […] en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation ».

Sont concernées par cette concertation les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Au-delà du symbole que représente l’inscription d’un tel principe en ouverture du code du travail, il s’agit d’une véritable avancée pour la qualité des textes législatifs que nous produisons.

Les propositions de loi que nous sommes amenés à présenter en tant que parlementaires peuvent, si elles aboutissent, conduire à modifier en profondeur le droit du travail. C’est pourquoi la concertation préalable des syndicats et la possibilité d’une négociation sont très importantes dans le cadre des textes d’origine parlementaire.

Le dispositif introduit par la loi du 31 janvier 2007 a été accueilli positivement par les partenaires sociaux. Nul doute qu’en renforçant davantage leur participation en amont de l’adoption de propositions de lois nous susciterons le même sentiment.

Je vous rappelle que le dispositif de la loi de 2007 a permis d’aboutir, en totale concertation avec les partenaires sociaux, à de grandes réformes indispensables, et ce dans des conditions efficientes.

Nous avons pu, Gouvernement et Parlement, avec les syndicats, modifier en profondeur les règles de la représentativité syndicale à travers la loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail du 20 août 2008. De même, nous avons pu organiser la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui connaît depuis un vif succès avec plus de 200 000 procédures par an.

Mme Annie David, rapporteure. Bien sûr, ce sont des licenciements déguisés !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Nous pensons que ce travail en équipe, soudant les représentants des salariés et des citoyens, permettra d’édifier des lois plus en accord avec le quotidien de chacun d’entre nous, respectant, même à la plus petite échelle, les besoins de chacun de nos concitoyens, mais aussi les nécessités de l’État, car les intérêts privés ne sauraient remplacer les prérogatives de la collectivité.

Notre volonté d’un dialogue social nourri traduit notre profond attachement aux valeurs démocratiques d’échange, d’écoute et de respect mutuel.

Je rappelle que, dès juillet 2009, la volonté d’étendre la concertation des partenaires sociaux aux propositions de loi avait été exprimée par le Premier ministre. En effet, M. François Fillon avait demandé aux présidents des deux assemblées de créer des protocoles expérimentaux permettant d’appliquer le mode opératoire prévu par la loi du 31 janvier 2007 aux textes d’origine parlementaire lorsque leur inscription à l’ordre du jour était envisagée. Aujourd’hui, ce sont ces deux protocoles que nous souhaitons remplacer par une disposition législative.

Ne nous y trompons pas, la proposition qui vous est faite aujourd’hui n’est pas une initiative de l’opposition.

Mme Annie David, rapporteure. Que ne déposez-vous une proposition de loi !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Et cela n’est pas étonnant au regard de votre pratique du dialogue social, chers collègues de la majorité sénatoriale. Dès la réforme des 35 heures, vous avez fait la preuve de votre peu d’égard pour la concertation des partenaires sociaux.

Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler les propos du Président Jacques Chirac qui déclarait, à Marseille en mars 2002, que la mise en place des 35 heures avait été « imposée d’en haut, par la loi, sans dialogue et de manière uniforme ».

C’est ce que vous avez fait de nouveau en inscrivant prématurément cette proposition de loi à l’ordre du jour.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, nous souhaitons vivement l’adoption de l’amendement n° 3. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 67 :

Nombre de votants 313
Nombre de suffrages exprimés 310
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l’adoption 134
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 2

Article 1er

L’article L. 3132-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

« Aucune dérogation à ce principe n’est possible, à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. »

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les malentendus suscités par le débat sur le travail dominical s’expliquent en partie par le décalage entre une certaine vision de la société – totalement idéologique et désuète (M. Jean Desessard s’esclaffe.) – et la réalité d’aujourd’hui.

La possibilité d’un choix demeure essentielle dans une République digne de ce nom, et il faut reconnaître, madame David, que le choix du travail le dimanche peut être totalement libre, délibéré ou souhaité.

Indéniablement, la question du travail dominical accompagne les transformations de la société française. La perception de la semaine en tant que telle est en perpétuelle recomposition. Les jours donnent lieu à d’autres usages, souvent éloignés d’usages antérieurs érigés en traditions. Les symboles, les images sociales et culturelles attachées à chacun d’entre eux sont soumis à l’épreuve d’une nouvelle socialité. La loi sur la réduction du temps de travail a produit des effets comparables sur le vendredi et le mercredi.

Chacun peut y trouver son compte, à la condition expresse que le système repose sur la base du volontariat et que le salarié soit rémunéré en conséquence. C’est ce que prévoit la loi du 10 août 2009 que nous avons votée et qui a été validée par le Conseil constitutionnel.

Le repos hebdomadaire tend à ne plus correspondre strictement au repos dominical : le dimanche n’a plus le monopole du repos. L’économie de services a donné lieu depuis longtemps au travail le dimanche. On le constate évidemment pour les services privés et les commerces. Nombre d’artisans et de commerçants, notamment dans le secteur alimentaire, travaillent systématiquement le dimanche matin. On le constate également pour les services publics, auxquels les Français sont très attachés, dans les domaines de la santé, de la sécurité ou des transports.

Bon nombre de prestations supposent par nature que des actifs travaillent le dimanche, le plus souvent par des mécanismes de rotation permettant aux salariés concernés de ne pas travailler tous les dimanches ou de choisir un autre jour de repos hebdomadaire.

Une société habituée au confort des services tend à produire une demande de continuité de ces services et de disponibilité des offres, ce qui encourage mécaniquement le travail dominical.

Une société de loisirs tend également à favoriser le travail dominical. Le dimanche est un jour de repos pour certains. Comme tel, il est de plus en plus souvent vécu comme une journée de loisirs, lesquels supposent évidemment l’accès à des services, donc l’emploi de salariés et, par voie de conséquence, une extension du travail dominical.

L’activité familiale dominicale se déploie plus souvent qu’auparavant dans un cadre de type public, par opposition au domicile. Elle prend place dans un réseau d’activités mêlant déambulations et consommation. La pratique des loisirs est ainsi typique de cette évolution du dimanche vers un consumérisme familial.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Par ailleurs, force est de constater que le modèle du dimanche traditionnel, religieux et familial, n’est plus dominant. Le dimanche n’est plus que très marginalement considéré comme « le jour du Seigneur » puisque plus d’un quart des Français se déclarent sans religion. Un calcul sommaire laisse penser que le nombre de Français qui se rendent à la messe dominicale est passé en cinquante ans de 9,3 millions à 1,8 million. Il est donc bien difficile de défendre la sacralité du dimanche dans une société qui s’est pour partie éloignée de la pratique religieuse.

Dans son rapport à la cellule familiale et à ce qu’elle implique en termes de représentations, le dimanche apparaît encore comme une journée familiale « traditionnelle » pour beaucoup, mais aussi comme une journée de solitude pour d’autres. Dans une ville comme Paris, un ménage sur deux est composé d’une seule personne. Au fil des années, il est évident que le rôle joué par la consommation est devenu de plus en plus important dans l’organisation de la journée du dimanche.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos propos sont scandaleux !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. D’une manière générale, on l’a dit, l’apparition d’une société des loisirs conduit de facto à combiner du temps libre avec la consommation…

M. Ronan Kerdraon. C’est honteux de dire cela !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. ... au travers de l’engagement dans des types d’activité qui supposent bel et bien la consommation de biens et de services : tourisme, sports, cinéma, musées, alimentation, parcs de loisirs, spectacles, expositions, visites de sites touristiques, etc.

Une fois encore ici, le repos des uns génère l’activité des autres. On peut d’ailleurs considérer que la loi sur la réduction du temps de travail a favorisé cette évolution vers une société de loisirs, contribuant ainsi à l’extension du travail dominical.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le débat sur le thème du travail dominical se détend considérablement dès lors que sont introduits des mécanismes de compensation, sous la forme à la fois d’une rémunération majorée et d’un aménagement du temps hebdomadaire de travail permettant de récupérer une journée de congés parmi les autres jours de la semaine. Je le rappelle une nouvelle fois, c’est ce que prévoit la loi que nous avons votée en 2009.

C’est pourquoi je voterai contre l’article 1er de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à inscrire dans le code du travail le principe du repos dominical. Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et pour tous les citoyens, les sénatrices et les sénateurs écologistes soutiennent cet article.

En défendant le repos dominical, nous faisons le choix de nous inscrire dans le grand mouvement de progrès porté par les luttes des travailleurs. C’est en 1906, à la suite d’une grève générale, que le principe du repos dominical a été voté pour la première fois, ce qui a permis une avancée majeure dans la conquête de la réduction du temps de travail.

À contresens de l’histoire, la loi Maillé votée en 2009 a entaillé cet acquis social en étendant les dérogations au principe de repos dominical. Sous couvert de l’adage sarkozyste « travailler plus pour gagner plus », le Gouvernement a légalisé des pratiques de travail le dimanche qui étaient auparavant illégales.

Le résultat de cet accroc gouvernemental au code du travail est la dégradation des droits des salariés de la grande distribution. Les syndicats ne cessent de dénoncer le fait que de plus en plus de salariés sont forcés par leurs employeurs de travailler le dimanche. Le contrat de travail est ainsi fait que la subordination des salariés au patron est la règle. Pour cette raison évidente, les salariés ne peuvent refuser de travailler le dimanche, car ce serait prendre le risque d’être licencié. Nous sommes là bien loin du volontariat dont vous avez parlé, madame Garriaud-Maylam.

Les dérogations dans la grande distribution ont permis de contraindre les salariés à travailler le dimanche aux dépens de leur santé, de leur famille et de leur vie sociale. Cela n’est bien sûr pas acceptable.

Madame la sénatrice, je suis persuadé que les salariés veulent profiter de leur temps de loisir le dimanche pour vivre mieux et prendre le temps de s’occuper d’eux et des autres, et pas seulement pour consommer. Très justement, cet article 1er rappelle l’importance du repos dominical pour les salariés, mais ajoute que ce jour chômé l’est également dans l’intérêt de la famille et de la société. C’est un temps de repos commun, un temps pour soi, mais aussi un temps pour tous.

Afin de garantir la cohésion sociale et la qualité de vie dont les Français ont besoin, je voterai l’article 1er de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, sur l'article.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de trouver quelque peu étrange que cet article 1er, qui propose de renforcer la portée symbolique du repos dominical, émane d’une initiative de nos collègues communistes.

En effet, je rappelle que le mot dimanche, dies dominicus, signifie en latin ecclésiastique « jour du Seigneur » et qu’il fait référence aux premiers chrétiens qui se réunissaient ce jour-là en assemblée liturgique.

M. Pierre Charon. Lorsque l’on se remémore les rapports entre l’église chrétienne et le parti communiste, cela peut nous faire sourire (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.),…

Mme Annie David, rapporteure. Il y a des communistes chrétiens !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Moi, je suis catholique !

M. Pierre Charon. … à moins que cela ne confirme ce que certains avaient déjà remarqué, c'est-à-dire le goût des partis communistes du monde entier pour les dogmes et les célébrations liturgiques. Vous auriez pu proposer que « le jour du Seigneur » soit rebaptisé « jour de l’humanité ». (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

De fait, le jour de repos n’a pas toujours été dominical dans notre histoire, et ce n’est qu’en 1906 qu’il s’est imposé ainsi.

Je m’interroge vraiment sur les raisons qui motivent cette volonté de la majorité sénatoriale de refuser toute évolution du jour de repos hebdomadaire et de vouloir absolument maintenir en 2011 le repos dominical.

Si le dimanche conserve un caractère religieux et familial, ce qui est tout à fait respectable, force est de constater que ce principe a toujours souffert de nombreuses dérogations. La plupart des agriculteurs ont de tout temps travaillé le dimanche, de même que les personnes œuvrant dans le secteur du divertissement touristique, comme l’a rappelé Mme Garriaud-Maylam, ou dans les services publics indispensables, comme les hôpitaux.

Je comprends la volonté réaffirmée de s’assurer que les salariés sont bien volontaires pour travailler le dimanche. Je suis néanmoins convaincu que le combat est désormais ailleurs, dans la sauvegarde de l’emploi et pas dans le fait de savoir si le dimanche doit être sacralisé ou non. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Vouloir revenir sur le travail le dimanche est une proposition de riches, et je ne pense pas que la France en ait les moyens. En tout cas, une ville comme Paris, qui vit au rythme du monde, ne peut revenir aux procédures sans fin qui entouraient le régime des dérogations d’ouverture le dimanche.

Telles sont les raisons pour lesquelles il ne me paraît pas pertinent de voter l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.

Mme Catherine Procaccia. La société est en perpétuel mouvement et le législateur a le devoir de répondre aux transformations sociales et culturelles de la société.

Selon une récente enquête de l’INSEE, près de 30 % de la population active déclare travailler habituellement ou occasionnellement le dimanche. Il existe en effet de nombreuses dérogations à l’obligation de pause hebdomadaire du dimanche, dérogations qui existaient bien avant la loi que nous avons votée en 2009. M. Charon l’a rappelé, le principe du repos dominical, posé par la loi du 13 juillet 1906, va de pair, dès l’origine, avec des dérogations. En 1913, on dénombrait plus de 25 000 dérogations.

Si le dimanche n’est pas une journée comme les autres, et ne doit pas le devenir, comment ne pas prendre en considération les évolutions des habitudes sociétales ? Le législateur de 2009 a décidé de prendre acte de l’évolution des modes de vie, notamment dans les plus grandes agglomérations. C’est pour répondre à cette évolution que la loi a pris en compte un certain nombre de situations spécifiques.

Madame David, vous remettez en cause cette loi de 2009 parce que vous refusez de voir les évolutions de notre société et les nouvelles habitudes de vie.

Mme Catherine Procaccia. Avec votre proposition de loi, vous livrez un combat d’arrière-garde.

Mme Catherine Procaccia. Dans une société moderne, chacun a droit au libre choix de travailler ou non le dimanche.

Aujourd’hui, on se trouve dans une situation unique dans le droit français : l’exception prime la règle (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), puisqu’il y a plus de 180 dérogations de plein droit à la loi, sans parler des dérogations spéciales accordées par les préfets.

En moins de vingt ans, le commerce, comme tous les secteurs d’activité, a connu une révolution, et l’arrivée d’Internet a contribué à changer profondément la donne. Lorsque les magasins sont fermés le dimanche, Internet est là pour faire ses achats, et ce sont les commerces qui en pâtissent. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait un signe de dénégation.)

Mme Catherine Procaccia. L’ouverture des commerces le dimanche offre la possibilité de redonner de la vie à des quartiers ou à des zones périurbaines qui en ont besoin ; elle contribue aussi à redynamiser le petit commerce de proximité,…

M. Ronan Kerdraon. Mais non !

Mme Annie David, rapporteure. La loi de 2009 les pénalise !

Mme Catherine Procaccia. … avec la création d’emplois spécifiques pour les plus jeunes ou pour ceux qui souhaitent ou qui ont besoin de gagner plus.

Lorsqu’on demande aux générations des moins de trente ans si elles sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche, on obtient des scores de plus de 80 %. Pourquoi donc les opposants du dimanche refusent-ils de tenir compte des nouveaux modes de vie, ainsi que de la demande des jeunes générations ?

L’ouverture des commerces le dimanche est créatrice de lien social, et il est urgent de recréer du lien en tout premier lieu dans les zones périurbaines que je connais bien, ces déserts où l’absence d’activités, d’animations et de vie engendre une violence non maîtrisée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Dès l’instant qu’il existe un accord entre les salariés et les patrons, pourquoi vouloir interdire le travail le dimanche ?

C’est bien la liberté du droit du travail qui est remise en cause lorsqu’on cherche à imposer de manière obligatoire le repos dominical. De plus, ce dogme est totalement incompatible avec nos valeurs républicaines, et également avec la diversité des situations du tissu économique et social.

Lorsqu’on parle de travail le dimanche, on parle avant tout des commerces. Il n’a bien entendu jamais été question de faire travailler tous les salariés le dimanche et de faire du dimanche un jour non différencié par rapport aux autres jours de la semaine.

Le dimanche est un jour d’exception où l’on prend plaisir à se réunir en famille, où l’on prend le temps de faire ses achats ensemble, des achats de plaisir ou des achats d’utilité qui concernent tout le monde. C’est aussi de la concertation familiale ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Annie David, rapporteure. Et ceux qui sont derrière les comptoirs, ils ont plaisir à vous permettre de faire des achats, surtout au prix où ils sont payés…

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas en semaine, le soir, après un temps de trajet souvent long pour rentrer du travail, que l’on va faire des achats qui concernent toute la famille.

Mme Isabelle Pasquet. N’importe quoi !

Mme Catherine Procaccia. En Île-de-France, plus de 40 % de la population est célibataire. Le dimanche est souvent une journée bien triste pour beaucoup et, lorsqu’on est seul, on préfère travailler ou se promener dans les magasins. Il faut tenir compte de cette demande. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

La France a considérablement évolué depuis 1906, et on ne peut appliquer les mêmes règles sur l’ensemble du territoire. Il y a en France treize agglomérations de plus de 500 000 habitants qui totalisent à elles seules plus de 20 millions de personnes, dont les modes de vie sont extrêmement différents des habitants du reste du territoire. La question tient non pas tant au fait d’être pour ou contre l’ouverture le dimanche qu’au libre choix des consommateurs et des salariés et à la liberté du commerce. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre l’article 1er de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’intervenir mais les propos tenus dans cette enceinte me stupéfient quelque peu.

M. Ronan Kerdraon. Il est scandaleux de considérer que l’on créerait du lien social en permettant aux gens de faire leurs courses dans les grandes surfaces le dimanche, leurs enfants installés dans le caddie.

Mme Annie David, rapporteure. Exactement !

M. Ronan Kerdraon. Il s’agit là d’une conception un peu raccourcie du lien social !

Mme Catherine Procaccia. Vous n’allez pas souvent dans les grandes surfaces !

M. Ronan Kerdraon. Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, je vous rappelle que le dimanche est traditionnellement réservé à la vie associative. Si vous voulez trouver du lien social, allez dans les associations !

Mme Isabelle Pasquet. Exactement !

M. Ronan Kerdraon. C’est le dimanche que les clubs de football, de basket-ball ou de handball se réunissent ; c’est le dimanche que toute la vie sportive s’organise ; c’est le dimanche que les associations tiennent leurs manifestations ! Mes chers collègues, allez dans les associations voir comment cela se passe !

Je parle sous le regard de Mme Jouanno, qui a été ministre des sports : le dimanche doit être sacralisé. C’est d’autant plus vrai que l’on n’éprouve aucun plaisir à faire ses courses ce jour-là ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout quand on travaille huit heures par jour !

M. Ronan Kerdraon. Soyons sérieux : en période où le portefeuille des Français tend à se réduire comme peau de chagrin, ce qui est dépensé le dimanche ne le sera pas le lundi – et inversement.

Mme Annie David, rapporteure. Exactement !

M. Ronan Kerdraon. Votre argumentation est donc une ineptie en matière économique !

En outre, l’ouverture des grandes surfaces le dimanche signe la mort des commerces de proximité, que vous avez évoqués tout à l'heure.

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas vrai !

M. Ronan Kerdraon. Allez donc dans les chambres de commerce et d’industrie et dans les chambres de métiers et de l’artisanat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. –Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Savary, Mmes Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, M. Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, aux termes de l’article 1er de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, le dimanche serait par principe le jour de repos hebdomadaire.

D’un point de vue religieux, il est le premier jour de la semaine chrétienne et de la semaine juive. De même, l’islam lui donne explicitement le nom de « premier jour ».

Certes, le principe du « repos dominical » s’inscrit dans une tradition religieuse datant, rappelons-le, du règne de l’empereur Constantin, aux IIIe et IVe siècles, époque à laquelle l’Église romaine a obtenu que le dimanche devienne le jour de repos légal.

Mais nous ne sommes plus au IVe siècle ! Nous sommes bel et bien au XXIe siècle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo ! Est-ce cela votre argumentation ? C’est fort !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. En revanche, mes très chers collègues, dois-je vous rappeler que le pacte républicain – notre Constitution – souligne que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ?

Dois-je vous rappeler que la laïcité se traduit en France par la séparation de l’Église et de l’État, établie par la loi de 1905 ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Dans notre pays, le principe de laïcité distingue le pouvoir politique des organisations religieuses, l’État devant rester neutre. Il implique non seulement une certaine liberté de conscience, mais également une certaine liberté d’opinion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous passez l’ouverture des grandes surfaces le dimanche à la moulinette de la laïcité ! C’est honteux !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il s’agit non pas de condamner le repos dominical, mais d’affirmer que le corollaire de la liberté de conscience du citoyen est la neutralité. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

L’article 1er du texte est une déclaration de pur principe qui n’apporte aucune garantie supplémentaire à la définition d’un jour commun de repos, principe fondamental auquel, cela va sans dire, nous sommes tous très attachés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que proposez-vous en ce sens ?

Mme Marie-Thérèse Bruguière. La précision est superflue. Dans l’article 1er, les auteurs de la proposition de loi se soucieraient de « l’intérêt » – j’attire votre attention sur ce terme – des salariés et de leurs familles, interdisant les dérogations au principe du repos hebdomadaire le dimanche, hormis pour quelques activités dont les travaux urgents, le traitement des denrées périssables et les services de la défense.

Or, pour certains de nos concitoyens, la possibilité de travailler le dimanche serait bienvenue, tant dans leur intérêt personnel que dans celui de leur famille !

Adopter une telle proposition de loi reviendrait donc à stigmatiser le travail dominical. Qui plus est, ce serait le meilleur moyen de démotiver les quelques salariés travaillant le dimanche !

L’interdiction définie par l’article 1er ne permet pas d’appréhender l’ensemble des réalités économiques et sociales qui justifient une dérogation au principe du repos dominical. Bien au contraire, elle tend à entraver la vitalité économique de notre pays !

C’est pourquoi mes collègues du groupe UMP, notamment ceux qui appartiennent à la commission des affaires sociales, et moi-même demandons la suppression de l’article 1er de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression, qui est contraire à l’esprit même de la proposition de loi.

Permettez-moi simplement de faire quelques rappels.

On nous a beaucoup parlé du dimanche comme d’un jour religieux. À cet égard, je rappelle, à l’instar de l’historien Robert Beck, que, à partir de la fameuse loi de 1906 relative au repos dominical, le congé du dimanche n’a absolument plus rien eu de religieux. En effet, s’il y avait eu par le passé une loi de sanctification du dimanche, loi promulguée en 1814, cette loi était tombée en désuétude et avait été définitivement abolie en 1880.

En 1906, on assiste donc bien à une réinvention du dimanche, sous un angle complètement laïc (M. Jean Desessard approuve.), et en intégrant deux valeurs nouvelles qui apparaissaient en cette fin de XIXe siècle et en ce début de XXe siècle : le repos et la famille.

En effet, dans les entreprises ou les secteurs où le travail du dimanche était la règle, les salariés étaient bien plus usés et, par exemple, beaucoup plus souvent exemptés de service militaire. Or, à cette époque, les gouvernements ne pouvaient prendre le risque d’armées dépeuplées. Le sujet de la fatigue apparaît donc alors comme primordial, notamment dans le vote du Sénat en faveur d’une journée de repos hebdomadaire le dimanche.

Il faut également savoir que la forte mobilisation, à partir des années 1890, des employés de commerce des grands magasins – 45 % d’entre eux avaient une espérance de vie de moins de quarante ans – a été déterminante : la loi a été adoptée à la suite d’énormes manifestations.

Mes chers collègues, je le répète, à partir de la loi de 1906, le congé du dimanche n’a absolument plus rien à voir avec l’aspect religieux que vous mettez en avant depuis le début de la matinée ; au contraire, l’angle de ce jour de congé est complètement laïc : celui du repos et de la famille. Il s’agit de permettre aux ouvriers de bénéficier le dimanche d’un jour de repos en commun pour se promener ou pour prendre le temps de se mettre à table tranquillement en famille.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ou pour se cultiver !

Mme Annie David, rapporteure. Quant à tout ce que vous avez avancé lors de vos interventions, je n’y reviendrai pas ; tout a déjà été dit lors de la discussion générale.

Mme Isabelle Pasquet. Exactement ! On ne va pas la refaire !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes là, vous l’aurez compris, dans un débat totalement idéologique. Nous sommes face à deux postures totalement politiciennes ou, à tout le moins – soyons juste –, face à deux analyses politiques.

M. Jean Desessard. Idéologiques ou politiques ? Il faut savoir !

Mme Nadine Morano, ministre. Il s’agit bien de politique.

Mme Nadine Morano, ministre. Deux visions totalement différentes s’affrontent.

Dans sa démonstration, Mme la rapporteure fait référence au XIXe siècle. Voilà à quelle époque se réfère le parti socialiste !

Mme Isabelle Pasquet. Communiste, voulez-vous dire ! (Sourires. – M. Jean Desessard applaudit.)

Mme Nadine Morano, ministre. Voilà à quelle époque se réfère la gauche, qu’il s’agisse des socialistes ou des communistes !

M. Ronan Kerdraon. Ou des Verts !

Mme Nadine Morano, ministre. Or nous vivons aujourd'hui au XXIe siècle !

M. Jean Desessard. Les Verts sont déjà au XXIIe siècle ! (Sourires.)

Mme Nadine Morano, ministre. Vous refusez de voir que la société évolue.

Il est important de rappeler le nom des communes ayant demandé la création de périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE. Mon collègue Xavier Bertrand les a déjà citées. Parmi ces communes, deux sont de sensibilité communiste !

Mme Isabelle Debré. C’est le cas de Gennevilliers !

Mme Nadine Morano, ministre. Exactement, madame le sénateur ; c’est aussi le cas de Pierrelaye.

Mais, madame la rapporteure, c’est également le cas de douze communes socialistes.

Mme Nadine Morano, ministre. Je rappellerai leur nom, et tant pis si cela vous dérange ! Il convient de rétablir la vérité : Les Pennes-Mirabeau, Roubaix, Chanteloup-en-Brie, Villeparisis, Pontault-Combault, Lognes, Brie-Comte-Robert, Gonesse, Éragny, Ézanville, Sainte-Geneviève-des-Bois et Fleury-Mérogis ; autant de communes de gauche qui ont décidé de suivre la démarche de création de périmètres d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE.

Mme Annie David, rapporteure. Pour combien de communes de droite ?

Mme Nadine Morano, ministre. Je vous rappelle quand même que 250 000 salariés sont concernés sur le plan national ; 32 PUCE ont été créés, dont 29 en région parisienne, auxquels s’ajoute Plan de Campagne à Marseille.

Mme Annie David, rapporteure. Parlons-en de Plan de Campagne !

Mme Nadine Morano, ministre. Vous le savez très bien : vous confondez repos dominical et repos hebdomadaire. Telle est la réalité !

Mme Isabelle Pasquet. Pas du tout !

Mme Nadine Morano, ministre. Vous vivez au XIXe siècle sans voir que la société évolue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les chômeurs aussi vivent au XIXe siècle ! Ils représentent 8 % de la population !

Mme Nadine Morano, ministre. Le travail du dimanche fait l’objet de dérogations, lesquelles ont été élargies.

En conséquence, le Gouvernement est évidemment favorable à la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, pour explication de vote.

Mme Christiane Hummel. Monsieur le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’amendement qui vient de nous être présenté par notre excellente collègue Marie-Thérèse Bruguière tend à supprimer l’article 1er du texte élaboré par la commission des affaires sociales, présidée par Mme David.

Mme David veut modifier l’article L. 3132-3 du code du travail, en inscrivant que le jour de repos le dimanche est un droit « dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société ».

Madame la présidente, je ne veux pas être désagréable avec vous…

M. Ronan Kerdraon. Vous n’oseriez pas ! (Sourires.)

Mme Annie David, rapporteure. Pourtant, de fait, vous l’êtes ! Je suis ici non pas présidente mais rapporteure de la commission !

Mme Christiane Hummel. … et, si je l’ai été, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.

La réécriture du code que vous proposez ne fait pas preuve d’une grande nouveauté, puisque – vous le savez, on l’a répété –, le repos dominical a été généralisé par la loi de 1906, soit dès le début du XXe siècle, tandis que la loi du 10 août 2009 dont notre excellente collègue Isabelle Debré a été le rapporteur pour le Sénat a contribué à sécuriser ce repos, au travers de dérogations, pour le plus grand intérêt des salariés. Contrairement à ce que vous avez affirmé, cette loi d’équilibre que nous avons votée ne visait absolument pas à remettre en cause le principe du repos dominical, principe auquel nous sommes tous résolument attachés.

Mme Christiane Hummel. On peut se demander ce qui vous pousse ! Il est vrai que, depuis quelque temps, détricoter tout ce que nous avons patiemment construit pour les travailleurs est à la mode sur vos travées ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Isabelle Pasquet rit.) Il n’y a qu’une seule raison à cela : nous sommes à l’origine de ces avancées !

Madame le rapporteur, ce n’est pas en empilant les déclarations de principe que l’on donne du sens à un principe. Je le répète : alors que nos collègues de la gauche parlent sans arrêt de généralisation du travail le dimanche, la loi de 2009 apporte des dérogations précises et bien encadrées.

Mais vous voulez tout déconstruire, y compris ce qui garantit la sécurité des salariés !

M. Ronan Kerdraon. Le chômage, c’est l’insécurité des salariés !

Mme Christiane Hummel. L’article 1er de la présente proposition de loi est une source d’insécurité juridique majeure : au-delà des motivations de la loi de 2009, son adoption remettrait en cause les dérogations au repos dominical nécessaires à la continuité de la vie sociale et économique de notre pays, ainsi que les accords collectifs accordant des contreparties aux salariés.

Pour nous tous, le dimanche doit rester une journée consacrée essentiellement à la vie familiale et amicale, aux activités sportives, associatives et culturelles.

Ceux d’entre nous qui sont maires savent bien que, en cette période de Noël, c’est pour assurer les animations de nos villes, dans le plus grand intérêt des familles, qu’ils font éventuellement travailler les fonctionnaires le samedi ou le dimanche.

Nous n’avons jamais remis en cause le principe du repos dominical, au contraire ; nous avons permis que le salarié travaillant le dimanche ait droit, en contrepartie, à un repos compensateur et à une majoration de salaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité !

Mme Christiane Hummel. Cet article tend également à empêcher toute dérogation au principe du repos dominical, « à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie ». Poser cette interdiction ne correspond pas aux réalités économiques et sociales d’aujourd’hui. Nous réaffirmons que des dérogations à ce principe doivent être possibles dans les communes et zones touristiques et thermales, ainsi que dans certaines grandes agglomérations. Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe du repos du dimanche ou d’étendre le travail dominical à l’ensemble du territoire national, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, ni d’augmenter le nombre des dimanches pendant lesquels les salariés peuvent travailler.

Pourquoi toujours vouloir faire peur aux gens ? Vous recourez perpétuellement à la théorie du complot !

M. Ronan Kerdraon. C’est vous qui faites peur !

Mme Christiane Hummel. L’enjeu économique est lié aux attentes des consommateurs : les achats se font en famille et demandent du temps, en particulier pour les biens d’équipement, dont les magasins, généralement situés en périphérie, sont difficilement accessibles en semaine.

M. Ronan Kerdraon. Ouvrons la nuit, alors !

Mme Christiane Hummel. Nous pensons que le texte de la commission ainsi rédigé n’apportera rien de plus aux salariés, et que cet ajout est redondant. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP demande, par cet amendement, la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Même si nous approchons de la période du mercato, il me semble que Mme Annie David est toujours membre du parti communiste et que M. Desessard appartient encore au groupe Europe Écologie Les Verts, lequel fait partie de la majorité de gauche du Sénat… Ce rappel est destiné à rafraîchir la mémoire de Mme la ministre.

Mme Christiane Hummel. Il est parfois difficile de s’y retrouver !

M. Ronan Kerdraon. On nous a fait un long cours d’histoire, en remontant très loin dans le temps ; peut-être en arriverons-nous à l’époque de Mathusalem d’ici à la fin du débat…

Je voudrais citer trois observations tirées du bilan de la loi Mallié établi par le comité parlementaire chargé de veiller au respect du principe du repos dominical.

Tout d’abord, « l’analyse des conventions souligne le peu de garanties apportées à la notion de volontariat, par ailleurs incompatible avec le lien indéfectible de subordination entre le salarié et son employeur. Le rapport n’évoque aucun des contentieux engagés après la mise en œuvre de la loi qui, à l’évidence, n’a pas résolu ce problème. »

Ensuite, « le sentiment de “ légalisation ” du travail dominical provoqué par l’adoption de la loi Mallié a fait exploser les infractions à l’ouverture des commerces alimentaires le dimanche au-delà de treize heures, souvent jusqu’à vingt-deux heures et particulièrement à Paris ».

M. Ronan Kerdraon. « L’insuffisance de l’action répressive en ce domaine des services de l’État méritait d’être mieux dénoncée. » (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Enfin, « les aberrations, les distorsions de concurrence, les inégalités salariales entre les PUCE et les zones d’intérêt touristique ont été accentuées et aucune proposition n’a été formulée sur ce point ».

La loi Mallié a donc des faiblesses, reconnaissez-le. Mais, surtout, ne dites pas que le dimanche est le jour où l’on va créer du lien social dans les commerces, voire faire des rencontres : restons sérieux !

Nous sommes opposés à la suppression de l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. À titre personnel, j’aurais préféré que l’on ne légifère pas sur le travail le dimanche ; je l’ai déjà dit et je le répète.

Si nous avons été contraints de le faire, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes : pendant des années, l’État, les parlementaires, les syndicats ont laissé faire sur le terrain. Des habitudes de consommation ont alors été prises sur certains points du territoire.

À l’époque, les salariés ne disposaient d’aucune garantie ! Lorsque j’ai déposé un amendement visant à autoriser l’ouverture des commerces de meubles le dimanche sur l’ensemble du territoire français, c’était parce qu’il s’agit d’achats que je qualifierais de « réfléchis », effectués le dimanche en famille.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai que c’est important…

Mme Isabelle Debré. En effet, il est difficile d’aller acheter une chambre à coucher pour un enfant en semaine après l’école, à cinq heures du soir.

Mme Isabelle Debré. Je souhaitais également étendre, pour la même raison, cette dérogation aux commerces spécialisés dans l’équipement de la maison et le bricolage, mais j’y ai finalement renoncé parce que les salariés concernés ne bénéficiaient pas, comme ceux des commerces de meubles, d’une convention collective très protectrice à l’échelon national.

Ne me faites pas dire que la loi Mallié est parfaite, je sais très bien que tel n’est pas le cas. J’ai pour habitude d’être honnête : cette loi est améliorable, et j’espère que nous parviendrons à l’améliorer dans l’avenir.

Aux termes de la rédaction du deuxième alinéa de l’article 1er établie par la commission, « aucune dérogation à ce principe n’est possible, à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie ». Quels critères allez-vous retenir pour accorder des dérogations ? Aujourd’hui, il en existe cent quatre-vingts : seront-elles maintenues ou interdira-t-on aux salariés concernés de travailler le dimanche ? C’est un véritable problème ! Est-il normal que des salariés en soient réduits à manifester devant l’Assemblée nationale ou à Plan de Campagne pour pouvoir travailler le dimanche ? Notre société vit actuellement dans un climat de défiance ; il faut aller vers la confiance.

Avec la loi Mallié, nous avons imposé le salaire double dans les PUCE pour le travail dominical. Pour les zones d’intérêt touristique, nous avons rendu la négociation obligatoire : certes, une négociation n’aboutit pas nécessairement, mais il s’agit déjà d’une avancée majeure.

Par ailleurs, je voudrais moi aussi citer un extrait du rapport du comité parlementaire chargé de veiller au respect du principe du repos dominical, dont Mme le rapporteur et moi-même faisons partie : « Ce texte a permis de mettre en place une sécurité juridique en faveur des employés travaillant le dimanche. »

Certains commerces d’alimentation connaissent effectivement des contentieux, monsieur Kerdraon, mais ils sont très peu nombreux. Je peux vous assurer que si la loi Mallié mérite d’être encore améliorée, elle représente néanmoins une grande avancée pour les salariés.

Permettez-moi de vous contredire sur un point : il est faux de prétendre que les achats du dimanche peuvent être reportés sur la semaine. Mais surtout, au-delà de l’aspect strictement économique, il ne fait aucun doute que si nous revenions en arrière, de nombreux emplois seraient perdus ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Ronan Kerdraon. Ouvrons la nuit, dans ce cas !

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Nos collègues du groupe UMP estiment que cet article se limiterait à une « pure déclaration de principe qui n’apporte aucune garantie supplémentaire à un principe fondamental auquel nous sommes tous attachés ».

Or M. Mallié a été le premier à souligner, lors de l’élaboration de la loi qui porte son nom, que le repos dominical était dans l’intérêt du salarié. Auparavant, l’article L. 3132-3 du code du travail indiquait seulement que « le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». À l’époque, nous ne vous avons pas entendus vous opposer à la précision apportée par M. Mallié.

Sur le fond, nous sommes convaincus que si le repos dominical est certes dans l’intérêt des salariés, il est également dans celui des familles et de la société. On ne peut pas dénoncer le délitement du cercle familial, sanctionner des parents au prétexte qu’ils ne joueraient pas leur rôle et, dans le même temps, prendre des mesures les contraignant à travailler le dimanche, comme c’est le cas dans les zones touristiques depuis l’adoption de la loi Mallié.

M. Ronan Kerdraon. Très bien !

M. Dominique Watrin. Les offensives contre le repos dominical ne sont pas, j’en conviens, l’apanage du Gouvernement et des parlementaires qui le soutiennent. Il s’agit d’un mouvement concerté au plan européen, qui, sous le nom de libéralisme, amène toujours plus de dérégulation et un affaiblissement des mesures de protection des salariés, considérées comme des freins au bon fonctionnement de l’économie, ainsi qu’en témoigne l’objet de votre amendement, selon lequel l’adoption de cet article serait « aussi de nature à entraver la vitalité économique de notre pays ».

Autrement dit, il faudrait, pour permettre le développement d’une économie qui profite de moins en moins aux salariés, que les droits de ceux-ci soient toujours plus réduits ! Voilà bien la source de nos désaccords : n’invoquez pas, s’il vous plaît, la laïcité, laissez-la à ceux qui la défendent réellement !

Mme Christiane Hummel. C’est-à-dire à nous !

M. Dominique Watrin. Heureusement, face à cette offensive patronale – disons le mot ! –, la résistance s’organise. À l’occasion de son dernier congrès, la Conférence européenne des syndicats a adopté un amendement, déposé sur l’initiative de la CFTC, tendant à préciser que le repos dominical est donné dans l’intérêt du salarié et de la société.

Dans le même temps s’est constituée l’Alliance européenne pour le dimanche, qui déclare expressément que « tous les citoyens de l’Union européenne ont le droit de bénéficier d’horaires de travail décents qui, par principe, excluent le travail en soirée, de nuit, les jours fériés et le dimanche. Nous pensons qu’actuellement, la législation et les pratiques en vigueur aux niveaux européen et national doivent mieux protéger la santé, la sécurité, la dignité de tous et devraient s’attacher davantage à promouvoir une conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. »

Voilà ce que réclament les syndicats, voilà, madame la ministre, ce qui est moderne, voilà ce que nous soutenons !

Modestement, l’article 1er vient appuyer cette mobilisation d’avenir et tend à renforcer les droits des salariés, comme nous y invitent les syndicats, sur le plan européen comme sur le plan national. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous avez qualifié notre discours d’« idéologique », puis de « politicien ». Il faut choisir ! Un discours idéologique repose sur des convictions profondes ; un discours politicien vise par exemple à l’exploitation politique d’un petit fait divers… (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Votre acharnement à critiquer nos propositions vous pousse à employer des termes incompatibles !

Quant à moi, je penche pour l’idéologie, qui amène la gauche, les écologistes notamment, à défendre les droits des salariés. L’article 1er, en réaffirmant le principe du repos dominical, y contribue, en donnant aux salariés le droit de refuser de travailler le dimanche, le droit d’obtenir des contreparties financières, le droit à davantage de garanties sociales.

M. Jean Desessard. Madame Debré, vous avez lancé un appel à la confiance : croyez-vous que, lorsqu’on laisse le capitalisme gérer les rapports sociaux, les salariés en tirent avantage ? Cela est faux, car nous voyons bien que l’exploitation des travailleurs ne cesse de s’aggraver ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Oh là là !

M. le président. Laissez M. Desessard s’exprimer, mes chers collègues.

M. Jean Desessard. Nous divergeons effectivement sur ce point, mes chers collègues ! Il existe bien une droite et une gauche lorsqu’il s’agit des questions sociales !

Considérer que le capitalisme amène une amélioration du sort des salariés va à l’encontre de tout ce que nous constatons depuis une dizaine d’années : le retour du travail à temps partiel, le développement de la précarité, les licenciements abusifs, la baisse des salaires… Qui défend les salariés, sinon les organisations syndicales et la loi ? Or, pour votre part, vous êtes partisans du laisser-faire et appelez à faire confiance aux patrons pour améliorer le sort des salariés. Vous niez la réalité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retour au XIXe siècle !

M. Jean Desessard. Par ailleurs, Mme Debré nous a dit qu’il fallait favoriser la consommation le dimanche. Quelle philosophie vous anime, ma chère collègue ! À vous entendre, l’existence semble se résumer à la production et à la consommation ! Mais nos concitoyens peuvent aussi être acteurs de leur développement personnel et de l’évolution de la société, dans une perspective altruiste. On ne peut pas les réduire à de simples producteurs et consommateurs : vers quelle société voulez-vous nous conduire ?

M. Alain Gournac. Une société de liberté !

M. Jean Desessard. Madame la ministre, cet article n’est pas « politicien », il est fondé sur une conception de la société ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Mon propos, qui rejoint celui de M. Desessard, sera très pragmatique.

Je voudrais évoquer l’accord signé le 2 décembre dernier et visant à encadrer le travail dominical dans la zone touristique de Marseille, à la suite de la désignation de cette ville comme capitale européenne de la culture en 2013 : il prévoit le droit au repos le dimanche, dans la mesure où l’organisation du travail et l’effectif disponible le permettent.

Par ailleurs, madame Procaccia, si on généralise l’ouverture des commerces de détail le dimanche, il faudra bien les approvisionner. Par conséquent, demain, ce sont les commerces de gros qui devront ouvrir le dimanche. Quant aux salariés concernés, ils devront faire garder leurs enfants et il faudra donc également ouvrir des crèches ce jour-là. On aboutira donc bien à une généralisation du travail le dimanche ! Il faut renforcer le principe du repos dominical ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Personne, sur nos travées, n’a prôné la généralisation du travail le dimanche.

Mme Chantal Jouanno. L’évaluation de l’application de la loi de 2009 montre que, au total, trente et un PUCE ont été créés, regroupant 10 000 salariés. Il ne s’agit donc pas du tout d’une démarche de généralisation du travail le dimanche.

En réalité, ce débat est intéressant en ce qu’il fait bien apparaître les clivages, les oppositions de fond qui existent entre nous.

Ainsi, les écologistes sont partisans de la décroissance.

M. Jean Desessard. Elle est inéluctable !

Mme Chantal Jouanno. Par conséquent, ils sont logiquement opposés au travail le dimanche, dans la mesure où il contribue à la croissance.

Ensuite, vous manifestez une suspicion systématique à l’égard des entreprises et du patronat. Vous avez raison de dénoncer les abus, mais vous en faites une généralité !

Mme Isabelle Pasquet. C’est la réalité !

Mme Chantal Jouanno. Tout le patronat n’est pas mû par de mauvaises intentions à l’égard des salariés ! Une telle vision des choses est tout à fait désastreuse.

Enfin, vous estimez que les parlementaires sont mieux placés que les individus pour décider ce qui est bon pour eux. Faire ses courses le dimanche est un choix, nul n’y est contraint.

M. Ronan Kerdraon. Ouvrons aussi la nuit !

Mme Chantal Jouanno. Pourquoi vous y opposez-vous systématiquement ? Connaissez-vous la réalité de la vie des femmes aujourd’hui ? Savez-vous comment se passent les samedis et parfois les mercredis de la plupart des mères de famille ? Elles conduisent leurs enfants à un endroit pour faire du sport, à un autre pour suivre un cours de musique… Elles font le taxi toute la journée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela dépend des milieux !

Mme Chantal Jouanno. Dans ces conditions, beaucoup de femmes font leurs courses le dimanche matin ; c’est une réalité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Annie David, rapporteure. Nous ne vivons pas dans le même monde !

Mme Chantal Jouanno. C’est une réalité que vous avez peut-être oubliée. Moi, je la vis ! Connaissez-vous encore des mères de famille ?

M. Jean Desessard. Vous faites du productivisme ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. La description qui vient d’être faite de ces mercredis ou de ces samedis passés à faire le taxi pour conduire les enfants d’une activité à l’autre ne vaut que pour les mères de famille appartenant à un milieu social privilégié. (Marques d’étonnement sur les travées de l’UMP.)

Mme Annie David, rapporteure. Absolument !

Mme Catherine Procaccia. Vous n’avez pas compris !

Mme Corinne Bouchoux. Qui, parmi nous, a eu l’occasion de travailler le dimanche matin ?

M. Alain Gournac. C’est comme ça que j’ai payé mes études !

M. Ronan Kerdraon. Vous n’êtes pas le seul !

Mme Catherine Procaccia. Moi aussi, j’ai travaillé le dimanche !

Mme Corinne Bouchoux. C’est également mon cas, mais là n’est pas le propos.

L’argument consistant à invoquer le rythme de vie frénétique des mères qui font le taxi pour leurs enfants n’est pas d’une portée générale. Le point crucial, c’est que si l’on ne préserve pas le principe du repos dominical, qui admet déjà des dérogations que l’on peut déplorer, mais qui permettent peut-être de créer des emplois, on se dirigera vers une société de consommation frénétique. Cela répondrait sans doute à vos vœux, mes chers collègues, mais pas aux nôtres ! Nous ne voulons pas d’une société qui marche sur la tête !

J’ajoute que, pour les personnes à revenus modestes, faire des courses aussi le dimanche peut déboucher sur le surendettement, des frustrations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Je voudrais réagir aux propos injustes de Mme Jouanno.

De ce côté de l’hémicycle, personne, ma chère collègue, ne vous a accusés de vouloir obliger les gens à travailler le dimanche, ni n’a fait le procès de l’entreprise et des entrepreneurs. M. Desessard a simplement évoqué des abus manifestes, que vous aussi seriez prête, j’en suis convaincu, à dénoncer. Je vous demande donc de bien vouloir retirer les propos que vous avez tenus tout à l’heure à notre endroit,…

M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !

Mme Chantal Jouanno. Non ! Assumez les vôtres !

M. Jean-Pierre Plancade. … car, je le répète, personne, sur nos travées, n’a mis en cause le patronat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l’article 1er.

M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas prolonger le débat à l’excès, sinon nous devrons siéger dimanche. (Sourires.)

Mme Jouanno a affirmé que les écologistes sont partisans de la décroissance.

Mme Chantal Jouanno. Vous l’avez dit plusieurs fois !

M. Jean Desessard. Je l’assume !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui la créez, la décroissance !

M. Jean Desessard. Vous avez été ministre de l’écologie, madame Jouanno. Or l’écologie nous apprend que, si nous ne changeons pas nos modes de consommation et de production, nous serons inexorablement condamnés, par manque de ressources naturelles, alimentaires, énergétiques. Voilà ce que disent les écologistes ! Il ne s’agit pas, pour nous, de prôner la décroissance par plaisir. Il ressort de l’analyse politique de la situation mondiale que si nous ne parvenons pas à maîtriser notre consommation et notre production de façon raisonnée, nous serons condamnés à une décroissance forcée que nous ne pourrons plus contrôler.

Plutôt que d’attendre que la décroissance soit devenue inéluctable faute de matières premières et de ressources alimentaires, prenons conscience de la nécessité de mettre en place un autre modèle de développement, fondé sur une décroissance sélective, c’est-à-dire n’excluant pas la croissance dans certains domaines comme le logement ou la santé et concernant avant tout la consommation des biens matériels.

Telle est notre conception idéologique de ce que l’on appelle la décroissance.

Par ailleurs, monsieur Gournac, vous dites avoir financé vos études en travaillant le dimanche.

M. Jean Desessard. Mais c’était avant la loi Mallié, que je sache ! (Sourires.) Il était donc possible, à l’époque, de travailler le dimanche ! La loi de 2009 n’était pas nécessaire ! Si vous avez pu payer vos études de cette façon, monsieur Gournac, c’est parce qu’il existait une contrepartie financière au travail dominical.

M. Jean Desessard. C’est justement ce que nous voulons garantir aux salariés d’aujourd’hui, ainsi que des droits sociaux ! En effet, nous craignons fort qu’il ne soit plus possible, à l’avenir, de financer ses études en travaillant le dimanche, comme vous avez pu le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Art.  2 bis (nouveau)

Article 2

I. – L’article L. 3132-27 du code du travail est abrogé.

II. – Le paragraphe 3 de la sous-section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :

« Sous-paragraphe 3

« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche

« Art. L. 3132-27. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-26, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.

« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.

« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« Art. L. 3132-27-1. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26, bénéficie de droit, d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.

« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.

« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.

« Art. L. 3132-27-2. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-1, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26 doit présenter à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnels, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.

« Art. L. 3132-27-3. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. En pareil cas, le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.

« En outre, le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie à l’alinéa précédent.

« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.

« Art. L. 3132-27-4. – Aucune sanction financière ou administrative prononcée à l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. »

III (nouveau). – Les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-2 du même code sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.

Mme Catherine Procaccia. L’article 2 de cette proposition de loi a pour objet de protéger les salariés qui travaillent le dimanche, y compris dans les zones touristiques et dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.

Je suis d’accord avec Mme le rapporteur sur le fait qu’il est nécessaire d’encadrer le travail du dimanche pour ne pas mettre en péril l’équilibre social entre les salariés, d’une part, et les entreprises, d’autre part.

Toutefois, l’article 2 comporte des limites de fond.

D’abord, il tend à établir une interdiction uniforme du travail le dimanche sur notre territoire, sans prendre en compte la réalité économique. Certaines parties du territoire, notamment les PUCE et les zones touristiques existantes, sont certes épargnées, mais qu’en sera-t-il du développement économique de communes et de régions extérieures à ces zones ? Le développement commercial et touristique y sera-t-il, à l’avenir, complètement stoppé ? Par cet article, vous risquez de freiner le développement de bon nombre de régions.

Si cet article est adopté, les PUCE et les activités économiques et commerciales qu’ils recouvrent ne pourront plus bénéficier d’aucune impulsion nouvelle. De nombreux commerces et enseignes n’ont pas souhaité ouvrir le dimanche et la loi de 2009 a respecté leur choix, sans exercer de contrainte.

Cependant, les attentes des populations ne sont pas les mêmes selon les territoires. Dans le département du Val-de-Marne, par exemple, qui compte plus de 1,3 million d’habitants, dont 30 % sont âgés de moins de vingt-cinq ans, croyez-vous, mes chers collègues, que les habitudes de consommation et les conditions de vie soient les mêmes que dans les territoires ruraux ?

En outre, interdire le travail le dimanche traduit selon moi une conception passéiste de notre système économique. Ainsi, le site commercial de Thiais-Village, toujours dans le Val-de-Marne, réalise 35 % de son chiffre d’affaires hebdomadaire le dimanche. Ne plus autoriser les commerces implantés sur ce site à ouvrir le dimanche me paraîtrait irresponsable dans le contexte actuel. Ce serait méconnaître les conséquences d’une telle décision en matière d’emploi.

L’article 2 revient également sur la modernisation du code du travail. En prévoyant de réinstaurer un système d’autorisation d’ouverture dominicale par dérogation administrative, cet article témoigne d’une absence de pragmatisme juridique et d’un manque de clairvoyance économique.

Ainsi, dans la ville de Villiers-sur-Marne, le centre commercial Les Armoiries a été créé à côté d’un magasin Ikéa qui est ouvert le dimanche depuis toujours. Il avait vocation à réaliser une part essentielle de son chiffre d’affaires le week-end. Cependant, il n’a pas été autorisé à ouvrir le dimanche, parce qu’on a estimé qu’il n’existait pas d’« habitude de consommation dominicale », le magasin Ikéa, distant de 250 mètres, n’étant pas situé sur la même commune… Résultat : plus de quatre-vingts emplois ont été supprimés !

Dans le même ordre d’idées, l’article 2 prévoit que l’employeur devra chaque année offrir la possibilité à ceux de ses salariés qui le souhaiteront de ne plus travailler le dimanche. Une telle mesure peut certainement être mise en œuvre dans les très grandes enseignes, telles que la FNAC, H&M ou Leroy-Merlin, qui a adressé à nombre d’entre nous un courriel à ce sujet, mais pas dans la plupart des petites boutiques. Le volontariat est un élément fondateur de la loi de 2009, et nous n’avons jamais, au grand jamais, entendu généraliser le travail dominical. Nous avons simplement souhaité lui donner une assise juridique.

Mme Catherine Procaccia. Selon nous, la véritable liberté, c’est d’avoir le choix : celui de travailler pour les salariés, celui de consommer pour les consommateurs, celui d’ouvrir pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en prévoyant la généralisation du volontariat, des contreparties au travail le dimanche et un repos compensateur, l’article 2 rompt l’équilibre de la loi du 10 août 2009. Or cet équilibre reposait sur une réalité : le travail le dimanche n’a pas la même nature dans les commerces où il est de droit et dans ceux où, soumis à autorisation administrative, il revêt un caractère exceptionnel.

Dans le premier cas, le travail dominical découle de la nature de l’activité ou de la localisation du commerce. Ainsi, les salariés d’un commerce situé dans une commune très touristique savent qu’ils risquent, de ce fait même, d’avoir à travailler le dimanche. Il appartient alors aux partenaires sociaux de fixer les contreparties du travail du dimanche par le biais d’un accord collectif. La loi de 2009 a rendu cette négociation collective obligatoire afin de protéger les salariés.

En revanche, lorsque le travail du dimanche revêt un caractère exceptionnel, il est nécessaire que des dispositions légales protègent les salariés concernés. Tel était l’objectif de la loi Mallié, qui garantit le volontariat du salarié et prévoit des contreparties légales obligatoires.

Pourquoi nier la différence intrinsèque existant entre ces deux situations de travail dominical ? Surtout, pourquoi ne voulez-vous pas reconnaître, chers collègues, que le dispositif de la loi Mallié a fait ses preuves ?

Sans doute aurait-il fallu attendre la remise du rapport du comité de suivi de l’application de cette loi : vous auriez alors découvert que la négociation collective fonctionne et qu’elle a permis de conclure des accords offrant de solides garanties aux salariés.

Examinons la situation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2009. Selon les études du comité de suivi, s’agissant des accords de branche, la majorité des conventions collectives des secteurs occupant traditionnellement des salariés le dimanche, et bénéficiant à ce titre de dérogations permanentes de droit, prévoyaient des contreparties. Ainsi, la convention collective des fleuristes prévoit que le repos hebdomadaire pris par roulement ouvre droit à une contrepartie : deux jours de repos consécutifs comportant un dimanche sont accordés toutes les huit semaines. En revanche, la question du volontariat n’est en général pas abordée. Cela s’explique par la nature même de l’activité de fleuriste.

Si l’on fait le bilan des accords d’entreprise conclus depuis l’entrée en vigueur de la loi Mallié, on constate que la plupart d’entre eux ont uniformisé le régime des contreparties applicable aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin – un PUCE, une commune ou une zone touristique – et le régime de dérogation. Le rapport évoque à cet égard les enseignes Décathlon, Boulanger, SFR, Maxi Toys France, Kiabi Europe ou encore Leroy-Merlin. Tous ces accords prévoient des conditions favorables aux salariés : en général, le principe du volontariat, une augmentation de la rémunération et l’attribution d’un repos compensateur. Voilà qui semble très positif !

Mais les auteurs de la proposition de loi veulent à tout prix casser le dispositif instauré par la loi du 10 août 2009.

Il suffit d’examiner la liste des zones touristiques créées depuis la promulgation de cette loi pour constater que le travail le dimanche y est une nécessité intrinsèque. La situation n’est pas du tout la même que pour les PUCE.

Dans cette liste figurent le centre-ville de Cancale, celui de Chartres, un périmètre au sein de la ville de Nice englobant le Vieux-Nice, une partie du centre-ville et de la promenade des Anglais, Cagnes-sur-Mer, Vence, Cannes et Orléans. Trouveriez-vous normal, mes chers collègues, que ces villes au fort potentiel touristique restent sans vie le dimanche et que seuls quelques commerces y soient ouverts ? Vous niez l’évidence !

Qu’on ne nous dise pas non plus que la loi de 2009 a suscité une extension du travail le dimanche : on voit bien que sa promulgation n’a pas entraîné une multiplication des demandes de classement dans la catégorie des communes ou des zones touristiques.

Il ne fait aucun doute que vous énoncez des contrevérités et que l’article 2 de la proposition de loi ignore la réalité du terrain. En conséquence, le groupe UMP ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann, sur l’article.

Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Mme David prévoit, en son article 2, de renforcer les droits des salariés qui travaillent le dimanche en posant le principe du volontariat, en garantissant un repos compensateur et une rémunération double, en exigeant la conclusion d’un accord collectif.

Or toutes ces garanties figurent déjà dans la loi que nous avons votée en 2009. En effet, l’article 1er de la loi du 10 août 2009, devenu l’article L. 3132-27 du code du travail, dispose que « chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps ».

Pour les membres du groupe UMP, ces deux conditions n’étaient pas discutables. Nous les avons donc entérinées par la loi de 2009.

L’article 2 vise, en outre, à encadrer le principe du volontariat. Or ce principe est déjà inscrit dans la loi de 2009. Celle-ci prévoit en effet que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche.

Enfin, l’article 2 de la proposition de loi prévoit qu’une entreprise bénéficiaire d’une autorisation d’ouverture dominicale ne peut se fonder sur le refus d’une personne de travailler le dimanche pour ne pas l’embaucher.

Là encore, rien de nouveau ! En effet, la loi que nous avons votée en 2009 dispose que, pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation, le refus de travailler le dimanche ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Elle prévoit en outre que, à défaut d’accord collectif applicable, l’employeur est tenu de demander chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi n’impliquant pas de travail dominical, et ce dans la même entreprise.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2009, les choses sont très claires. Cette loi accorde des garanties très fortes aux salariés concernés. Le volontariat constitue la base du travail dominical et il doit être respecté. La loi de 2009 reconnaît même la possibilité, pour un salarié, de revenir sur son choix au terme d’une période donnée.

Au final, l’article 2 de la proposition de loi ne prévoit que des dispositions figurant déjà dans la loi de 2009. Le cas des communes touristiques et thermales est à part, madame David, et les dérogations de droit ont été validées par le Conseil constitutionnel.

La loi du 10 août 2009 a clarifié les conditions dans lesquelles peut s’appliquer la dérogation au principe du repos dominical dans les communes et zones touristiques remplissant les critères énoncés par le code du travail. Les dérogations, qui doivent obligatoirement correspondre au respect de critères économiques clairement identifiés, ne peuvent être accordées sans que des contreparties sérieuses et des garanties juridiques strictes soient apportées aux salariés concernés.

Enfin, on argue souvent que le salarié n’est pas véritablement libre d’accepter ou non de travailler le dimanche – il ne s’agit dans la majorité des cas que de quelques dimanches dans l’année –, son choix étant contraint par la faiblesse de ses ressources ou par son désir de mettre fin à une longue période de recherche d’emploi.

Pour ma part, je pense que ce qui est vraiment contraignant, c’est l’absence de perspectives, qui interdit tout choix, même contraint. Il faut savoir reconnaître que le choix de travailler le dimanche peut être totalement libre, délibéré. Mais cela, madame David, vous ne pouvez l’admettre.

Bien évidemment, les droits des salariés doivent être respectés. Nous sommes tous absolument d’accord sur ce point. C’est la raison pour laquelle la loi de 2009 a renforcé ces droits et a donné toute sa place à la négociation pour fixer les modalités de travail et les compensations accordées aux salariés.

Grâce aux nouvelles règles en matière de représentativité, c’est bien au plus près du terrain, avec des accords d’entreprise ou de branche, que la loi de 2009 a été mise en œuvre. Cette loi a prévu un meilleur encadrement, une protection accrue des salariés, ainsi qu’une clarification de la situation dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel. Les partenaires sociaux ont été entendus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez dépassé votre temps de parole !

Mme Christiane Kammermann. La loi de 2009 prévoit non pas une généralisation du travail dominical, comme cela a été affirmé, mais tout simplement une extension limitée et encadrée de celui-ci. La France est reconnue pour la place éminente qu’elle accorde à la négociation collective.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole est écoulé !

Mme Christiane Kammermann. Enfin, les droits individuels des salariés n’ont aucunement été sacrifiés, comme vous voudriez le faire croire.

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre l’article 2 de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l’article.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise revient sur des dispositions adoptées voilà à peine deux ans. Est-il sérieux, est-il nécessaire de modifier des textes si peu de temps après leur entrée en vigueur, alors que leur application n’a même pas encore fait l’objet d’une évaluation ? Il doit y avoir urgence, péril en la demeure !

Cela a été dit tout à l’heure, notre pays compte aujourd'hui trente et un PUCE, regroupant 10 000 salariés.

La loi de 2009 a-t-elle donné lieu, madame le rapporteur, à tant d’excès et d’injustices, comme vous l’avez affirmé en commission des affaires sociales ?

Vous reprochez en somme à cette loi de simplifier la vie des consommateurs. Tel est bien, en effet, son objet ! Comment envisager une croissance fondée sur la consommation si on pénalise cette dernière ? Les commerces s’adaptent au marché. Cela est encore plus difficile pour les petits commerces, qui doivent offrir à leur clientèle des horaires d’ouverture aussi étendus que ceux des grandes surfaces, et donc embaucher pour pouvoir faire des affaires. Plus il y a de contraintes, moins il y a d’embauches : laissons donc faire les professionnels !

Les communes touristiques sont montrées du doigt, mais elles sont animées le dimanche, quand les rues de toutes nos petites villes sont désespérément vides !

M. Ronan Kerdraon. Quelqu’un a un mouchoir ?

M. Alain Gournac. Alors ne décourageons personne : ni les salariés qui ont besoin de travailler le dimanche pour joindre les deux bouts ni les commerçants qui font leur chiffre d’affaires ce jour-là !

À titre d’exemple, en Champagne, les caves sont ouvertes le dimanche, pour le plus grand bonheur des touristes. Chaque département met en valeur ses produits, son patrimoine et son histoire. Ainsi, dans le département de notre collègue René-Paul Savary, des centaines de salariés travaillent, y compris le dimanche, sur les bords du lac du Der, l’un des plus grands d’Europe, afin d’offrir aux visiteurs un service de restauration et l’accès à un vaste parc d’activités nautiques.

Par ailleurs, ma chère collègue, vous souhaitez réaffirmer le principe du repos dominical : il y va de l’intérêt des salariés, de leur famille et de la société, prétendez-vous.

Il est évident qu’il vaut mieux travailler en semaine que le dimanche – et le jour plutôt que la nuit ! Mais faut-il pour autant en rajouter et stigmatiser le travail dominical ? N’est-ce pas là le meilleur moyen de démotiver les volontaires pour le travail du dimanche ? Il faut bien pourtant que des salariés se dévouent pour faire fonctionner nos services de secours, nos hôpitaux, mais aussi pour animer les sites touristiques et culturels ou assurer la restauration.

Pensons aussi aux médecins généralistes en milieu rural, où l’organisation des gardes est difficile,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel rapport avec le texte ?

M. Alain Gournac. … bien qu’elles soient correctement rémunérées.

Le travail dominical ou nocturne est donc mal perçu. C’est pourquoi il est souhaitable de valoriser le travail dominical, même si la protection des salariés est naturellement indispensable. La proposition de loi néglige ce fait.

Le travail dominical favorise-t-il la déstructuration des familles ? Ce n’est pas si sûr ! Le chômage crée probablement plus de problèmes sur ce plan.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en, du chômage !

M. Alain Gournac. Vous êtes en grande forme, ma chère collègue !

Mme Annie David, rapporteure. Vous aussi, monsieur Gournac ! Vous nous manquez, en commission ! (Sourires.)

M. Alain Gournac. Le département de la Marne compte, en 2011, près de 42 500 étudiants. Ne croyez-vous pas que certains d’entre eux, qu’ils soient boursiers ou non, réclament le droit de travailler le dimanche, tant pour financer leurs études que pour devenir, au fil du temps, de plus en plus indépendants de leurs parents ?

Plus il y a de travail, plus il y a de richesse et mieux la société se porte. (Mme Isabelle Pasquet s’esclaffe.) C’est un équilibre ; le travail du dimanche en est une composante. Il doit être gratifié pour éviter qu’il ne devienne un élément rédhibitoire pour le choix de certaines professions.

Il en va de même pour le travail de nuit, qui a des incidences tant sur la vie familiale que sur la santé. Pourtant, certains salariés préfèrent travailler de nuit. Là aussi, il en faut, aussi bien pour les services publics que pour la restauration du soir et l’animation culturelle, par exemple dans les communes et les zones touristiques.

M. Ronan Kerdraon. Il en faut au Sénat aussi !

M. Alain Gournac. Plus je réfléchis aux motivations des auteurs de cette proposition de loi, plus je pense que celle-ci répond à des considérations dogmatiques.

Mme Annie David, rapporteure. Votre temps est écoulé !

M. Alain Gournac. Vous souhaitez à tout prix détricoter les lois que nous avons élaborées, pour des raisons partisanes et non pas pragmatiques. En effet, qui se préoccupe, au fond, de l’incidence sociétale du travail dominical, hormis celles et ceux qui sont directement concernés par la loi de 2009, dont l’application, je le répète, n’a même pas encore été évaluée ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre temps est dépassé !

M. Alain Gournac. Personnellement, je ne suis pas sûr que ce type d’initiative réponde aux préoccupations centrales de nos concitoyens touchés par les difficultés économiques ou le chômage. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l'article.

M. Jean Desessard. Vous êtes en forme aussi, à l’UMP !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. En grande forme, oui !

J’interviens au nom de mon collègue Bruno Gilles, qui, empêché, ne peut participer à ce débat.

M. Ronan Kerdraon. Il fait ses courses ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Il fait le taxi !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’article 2 est symptomatique d’une mauvaise interprétation de la loi Mallié du 10 août 2009, qui a institué de nouveaux dispositifs autorisant certaines dérogations à la règle du repos dominical. Dans les communes et zones touristiques, elle a permis de sortir de la distinction auparavant faite entre établissements selon la nature des produits vendus, qui était inadaptée aux réalités du terrain et incompréhensible pour les touristes comme pour les professionnels eux-mêmes.

La création des périmètres d’usage de consommation exceptionnel visait uniquement, dans les plus grandes agglomérations françaises – Paris, Lille, Marseille –, à donner un cadre juridique adapté à certaines grandes zones commerciales où s’étaient développées des habitudes de consommation le dimanche. Il s’agissait non pas d’étendre le travail dominical, mais d’adapter le droit à une réalité du terrain, en prévoyant des garanties substantielles pour les salariés, notamment celle, nouvelle, du volontariat.

Ces nouveaux dispositifs ont été reconnus conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2009.

Or je voudrais dénoncer le fait que, en dépit de cette décision, l’exposé des motifs de la proposition de loi soumise à notre examen reprend certains griefs qui avaient été invoqués par les députés et sénateurs de gauche dans leur recours contre la loi de 2009.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Tout d’abord, contrairement à ce qui est affirmé par les auteurs de la présente proposition de loi, la loi Mallié ne constitue pas une remise en cause du repos dominical.

Il faut tout de même rappeler qu’il existait déjà, avant l’entrée en vigueur de la loi d’août 2009, toute une série de dérogations permanentes au principe du repos dominical : pour des travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire, pour des travaux de chargement et de déchargement dans les ports, pour les activités saisonnières, pour les travaux intéressant la défense nationale, pour les gardiens et concierges des établissements industriels et commerciaux, etc.

Par ailleurs, des dérogations au principe du repos hebdomadaire peuvent être accordées par roulement, sans autorisation préalable, dans certaines professions ou activités particulières : hôtellerie-restauration, hôpitaux, entreprises de spectacles, marchés, foires, services aux personnes, activités récréatives, culturelles et sportives…

Curieusement, ces dérogations n’ont, que je sache, pas provoqué de réactions au sein de la gauche !

Avec la loi Mallié, il n’était pas davantage question de légaliser un travail dominical illicite, comme on l’a laissé entendre. Des arrêtés préfectoraux pouvaient, avant la mise en œuvre de la loi, avoir autorisé le travail le dimanche : c’était le cas à Plan de Campagne, avant que le tribunal administratif ne casse l’arrêté du préfet. En tout cas, la gauche, au pouvoir de 1997 à 2002, n’a rien proposé pour résoudre le problème.

L’Organisation internationale du travail, l’OIT, épinglerait la France à propos du travail dominical en faisant notamment référence à la loi Mallié, nous a-t-on indiqué. Or l’on sait que c’est Force ouvrière qui est à l’origine de la saisine des experts de l’OIT. Quelqu’un pourrait-il alors m’expliquer pourquoi Force ouvrière compte parmi les signataires de l’accord collectif du PUCE de Plan de Campagne conclu en novembre 2009 ? Ce syndicat renierait donc sa signature ?

Il nous a été affirmé que la proposition de loi ne vise pas à supprimer les PUCE bénéficiant déjà de dérogations temporaires. Ne voit-on pas que les dérogations existantes sont remises en cause par l’article 2, où leur suspension est assortie d’injonctions ?

En effet, aux termes de cet article, « les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-2 du même code sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions ».

En résumé, vous entendez dicter aux partenaires sociaux les éléments qui doivent figurer dans les accords collectifs ; vous légiférez par oukases ! Curieuse façon d’envisager les négociations sociales, même s’il est vrai que nous n’avons pas la même culture !

Madame David, vous avez écrit dans votre rapport qu’« il n’est pas nécessaire de prévoir la nullité des accords collectifs qui ne garantissent pas un repos compensateur et un paiement double aux salariés privés du repos dominical. En effet, en vertu du principe de faveur, ce sont les dispositions les plus favorables aux salariés qui trouvent à s’appliquer. »

Je profite de cette occasion pour répondre aux supputations quelque peu acides et aux inexactitudes répandues sur le PUCE de Plan de Campagne. L’accord collectif signé le 27 novembre 2009 entre FO, la CFTC, la CFE-CGC et l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône prévoit, en son paragraphe 9, que « les salariés, quel que soit leur statut, leur fonction et l’effectif de leur entreprise ou de leur établissement ayant travaillé le dimanche bénéficieront en plus de la rémunération de leurs heures travaillées ce jour-là, majorées des pourcentages prévus pour les heures supplémentaires […] en fonction de leur ancienneté, des contreparties salariales ».

Mme Annie David, rapporteure. Votre temps de parole est écoulé !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. En résumé, à Plan de Campagne, les salariés travaillant le dimanche touchent leur salaire, augmenté du pourcentage prévu pour les heures supplémentaires et d’au minimum 100 % du SMIC horaire pour les heures travaillées le dimanche. De plus, ils ont droit à deux jours de repos compensateur.

M. Ronan Kerdraon. Merci patron !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Enfin, il ne faut pas oublier un point important : à Plan de Campagne, on embauche des étudiants pour travailler le week-end.

Pour toutes ces raisons, je demande, à l’instar du groupe UMP, la suppression de l’article 2.

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, sur l'article.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je souhaiterais souligner que la présente proposition de loi me semble reposer sur une double stigmatisation : de l’employeur d’une part, du consommateur du dimanche d’autre part.

Les opposants au travail le dimanche passent sous silence le fait que, si les magasins ouvrent le dimanche, c’est parce qu’une partie de la clientèle a besoin de faire ses courses ce jour-là. À les entendre ou à les lire, on a le sentiment que l’individu serait contraint de consommer.

M. Jean Desessard. Et le commerce de proximité ?

Mme Annie David, rapporteure. Ce ne doit pas être important !

M. Pierre Charon. Parallèlement, on retrouve l’idée que seule la consommation culturelle, sportive ou touristique devrait être possible le dimanche. Dans ce cas, pourquoi autoriser l’ouverture dominicale des restaurants ?

Le modèle de société qui sous-tend le texte dont nous débattons ne prend pas en compte les changements intervenus dans les habitudes de consommation et – oserai-je le dire ? – dans les modes de vie.

L’intention de l’auteur de la proposition de loi est d’orienter la consommation du dimanche vers la culture, le sport et l’activité touristique. Cela représenterait une entorse à la liberté de chacun, voire une rupture d’égalité, puisque seuls les Français vivant dans des zones considérées comme touristiques pourraient trouver des commerces ouverts le dimanche. Or, la France étant la première destination touristique au monde, ne faudrait-il pas considérer que l’ensemble du territoire, et notamment Paris, est une zone touristique ?

J’en viens maintenant plus spécifiquement à l’article 2 de la proposition de loi.

On comprend bien que l’intention de l’auteur est de renforcer les garanties offertes aux salariés. L’article réaffirme le principe du volontariat – déjà prévu par la loi Mallié de 2009 – tout en l’assortissant d’une garantie de contrepartie. On peut difficilement s’opposer à une telle mesure.

Toutefois, alors que la loi de 2009 avait introduit une disposition selon laquelle le refus d’accepter une offre d’emploi impliquant de travailler le dimanche ne pouvait constituer un motif de radiation des listes de demandeurs d’emploi, confortant ainsi le principe du volontariat, la présente proposition de loi va plus loin sur ce point, en précisant que cette position ne peut être considérée comme un motif valable de refus d’embauche par un employeur, sans toutefois prévoir aucun mécanisme de contrôle ou de sanction. En effet, comment le salarié pourrait-il prouver que le refus d’embauche tient à ce motif, et surtout comment contraindre un employeur à embaucher un salarié qui refuse de travailler le dimanche ? À l’inverse, avec le dispositif proposé, un salarié peut très bien déclarer verbalement qu’il accepte de travailler le dimanche, puis signifier son refus par écrit, après avoir été embauché. Ce dispositif me semble donc surtout déclaratoire.

Par ailleurs, je comprends parfaitement que l’on fasse reposer le travail dominical sur le volontariat pour préserver l’équilibre familial des salariés. Néanmoins, nul n’ignore que les difficultés qui se posent aujourd’hui en matière de pouvoir d’achat risquent d’aller en s’aggravant.

Dans cette optique, le travail dominical offre à certaines catégories de salariés l’occasion d’améliorer leur pouvoir d’achat, puisque la rémunération est au moins doublée. Je pense en particulier aux jeunes sans enfants et aux étudiants. S’agissant de ces derniers, je déplore, comme l’ensemble de mes collègues, qu’ils soient contraints de travailler pour financer leurs études. Il n’en demeure pas moins que c’est une réalité. Il vaudrait donc mieux qu’ils puissent travailler le week-end plutôt qu’en semaine, afin qu’ils puissent se consacrer à leurs cours.

M. Pierre Charon. Quant aux jeunes, je ne leur dénie pas le droit à une vie de famille, mais le travail dominical ne pose véritablement problème que lorsqu’il y a des enfants. En tant que législateur, j’aurais donc souhaité qu’il soit réservé en priorité aux jeunes et aux étudiants.

Les mères élevant seules leurs enfants constituent l’autre catégorie à laquelle il a souvent été fait référence. Elles ont en effet plus de mal que les autres mères à faire garder leurs enfants, puisqu’elles ne disposent pas de l’appui d’un conjoint, mais elles ont souvent des fins de mois difficiles. Soulignons que, dans bien des cas, les enfants sont censés passer un week-end sur deux chez l’autre parent : dans cette hypothèse, le travail dominical est source non pas de déséquilibre familial, mais plutôt de revenus complémentaires. À mes yeux, ces aspects sont insuffisamment pris en compte.

Par ailleurs, le texte que nous examinons prévoit que les salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement en cas de sanction prononcée à l’encontre de l’employeur. Cela signifie-t-il qu’un employeur condamné à fermer le dimanche devra continuer à rémunérer ses employés au même niveau que précédemment ? Qu’en est-il si des salariés n’ont été recrutés que pour travailler le dimanche ?

Le dispositif qui nous est présenté soulève donc de trop nombreuses questions. S’il s’agit bien de choisir un modèle de société, nous ne saurions l’adopter dans la précipitation. Nous devons trouver un modèle de société qui permette de concilier liberté de choix et protection de la famille et des salariés contre d’éventuels abus.

Pour ces raisons, je voterai contre cet article. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Hummel, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Hummel.

Mme Christiane Hummel. Le repos dominical a été généralisé par la loi du 13 juillet 1906. Le code du travail dispose, depuis lors, qu’il est interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine. S’il est bien précisé que le repos doit durer au minimum vingt-quatre heures et intervenir le dimanche, de nombreuses dérogations à cette règle sont prévues.

Ces dérogations sont soit permanentes, soit temporaires. Ce sont celles-ci qui ont été redéfinies par la loi du 10 août 2009. Il s’agit de dérogations bien précises, applicables aux commerces situés dans des zones touristiques et dans certaines grandes agglomérations.

Contrairement à ce que vous avez soutenu à l’époque, chers collègues de la majorité sénatoriale, cette loi n’a jamais eu pour objet de généraliser le travail du dimanche. Le texte défendu par notre collègue Isabelle Debré offrait, au contraire, d’importantes garanties aux salariés travaillant le dimanche : la loi Mallié a ainsi institué un équilibre, que vous voulez mettre à mal au travers de cette proposition de loi.

Quel est votre but ? Permettez-moi de vous le dire, madame le rapporteur, je suis étonnée que vous osiez proposer un texte qui ne respecte pas les protocoles relatifs à la concertation préalable avec les partenaires sociaux.

Je rappelle, encore une fois, que vous n’êtes pas les seuls à être attachés à la définition d’un jour commun de repos, et que vous n’avez pas le monopole de l’intérêt porté aux familles : la loi du 10 août 2009, qui avait été excellemment rapportée par Isabelle Debré, en est la preuve.

Cette loi avait permis d’établir un équilibre reposant sur deux principes.

Le premier principe était de garantir par la loi le volontariat des salariés, dans les cas où le travail du dimanche est exceptionnel.

Le second principe, très important, était qu’il appartient aux partenaires sociaux, et à eux seuls, de fixer les contreparties du travail du dimanche, dans les cas où le travail du dimanche est une caractéristique intrinsèque de l’activité considérée.

L’article 2 de la présente proposition de loi tend à lier par une sauce amère les situations différentes que recouvre le travail du dimanche. Mais cette sauce ne peut pas prendre, car vous mélangez toutes ces situations, sans tenir compte de leurs spécificités !

La mise en œuvre de votre proposition de loi déstabiliserait le fonctionnement des entreprises et remettrait en cause les équilibres conventionnels existants.

En outre, chose extrêmement étonnante, la rédaction initiale du texte déclarait « nuls et non avenus » les accords collectifs ne répondant pas point par point à vos exigences. Le sixième alinéa de cet article 2 révèle ainsi une conception bien étrange, et légèrement méprisante, non seulement du dialogue social, mais également des relations humaines à l’intérieur de l’entreprise.

Fidèles à l’idéologie du conflit inévitable, vous imaginez que, dès l’entretien d’embauche, la relation entre le candidat et le recruteur se noue obligatoirement sur fond de malveillance de l’entreprise et de coercition exercée sur le recruté. Cela fait manifestement bien longtemps que vous n’avez pas passé un entretien d’embauche ! (M. Ronan Kerdraon rit.)

Il me semble honteux de proposer à une personne sans emploi de se porter candidate à un poste dont elle ne pourra assumer les contraintes et de la faire entrer ainsi dans un conflit qui n’apportera rien à personne.

Mme Annie David, rapporteure. Vous dépassez votre temps de parole !

Mme Christiane Hummel. Le troisième sous-paragraphe de l’article 2 me confirme que nous n’avons pas les mêmes valeurs ! Nous avions en effet prévu, dans notre loi du 10 août 2009, d’importantes garanties pour les salariés, en fixant les règles applicables en l’absence d’accord collectif. Pour votre part, dans le texte initial de votre proposition de loi, vous aviez rejeté, de façon tout à fait ahurissante, ces accords collectifs. Certes, vous avez bien voulu supprimer cette disposition, mais celles qui tendent à inscrire dans la loi le nivellement des situations et qui traduisent un mépris de la négociation collective sont maintenues. Nous les rejetons absolument. Ce n’est plus du dialogue social, c’est de l’autoritarisme brutal !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’UCR.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dépasser son temps de parole, c’est grossier !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. L’article 2 définit les droits et les garanties des salariés travaillant le dimanche. Que vous vouliez le supprimer fait tomber les masques : vous refusez d’accorder des droits et des garanties à ces salariés.

M. Yves Pozzo di Borgo. La meilleure garantie, c’est le travail !

M. Alain Gournac. Il faut d’abord travailler !

Mme Annie David, rapporteure. Pour notre part, nous ne demandons pas la fermeture générale des commerces le dimanche ; nous voulons simplement que les salariés concernés par le travail dominical bénéficient de garanties en termes de contreparties salariales et de repos compensateur !

On voit bien que vos belles paroles de compassion sont destinées aux entreprises, et tant pis pour les salariés qui doivent travailler le dimanche !

M. Alain Gournac. N’importe quoi !

Mme Annie David, rapporteure. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression de l’article 2, lequel vise à revenir sur l’équilibre issu de la loi du 10 août 2009.

Je m’inscris totalement en faux contre les propos de Mme le rapporteur : la loi Mallié a apporté des garanties aux salariés travaillant dans les PUCE, mais aussi en matière de dérogations individuelles.

Mme Nadine Morano, ministre. Lorsque le travail du dimanche est exceptionnel, il appartient à la loi de garantir le volontariat des salariés et d’établir des contreparties minimales. Pour la définition de ces contreparties, la priorité est donnée à l’accord collectif, car il n’y a pas lieu de douter de la pertinence de cette solution : c’est le régime des dérogations accordées pour les PUCE.

Lorsque le travail le dimanche est une caractéristique intrinsèque de l’activité considérée – je pense notamment aux établissements ouverts le dimanche dans les zones touristiques –, il appartient aux seuls partenaires sociaux de déterminer les contreparties offertes aux salariés concernés. Il n’est pas justifié, alors, de réclamer l’accord individuel et exprès de chaque salarié : c’est le régime applicable dans les communes et les zones touristiques.

L’article 2 n’opérant aucune distinction entre les situations spécifiques que recouvre le travail du dimanche, la mise en œuvre de son dispositif déstabiliserait le fonctionnement des entreprises et remettrait en cause les équilibres conventionnels existants, qui ont pourtant fait leurs preuves, notamment en termes d’adaptation à chacune des situations.

Par ailleurs, cette proposition de loi tend à limiter le champ du dispositif aux seuls accords de branche et interprofessionnels, à l’exclusion des accords d’entreprise ; ces derniers sont pourtant les mieux à même d’apporter les solutions les plus adaptées à la réalité du terrain.

Les auteurs de la proposition de loi prétendent vouloir ainsi protéger les droits des salariés, mais leur analyse est totalement erronée. La pertinence des accords d’entreprise ne saurait être remise en cause. J’en veux pour preuve les accords signés chez Kiabi ou Maxi Toys, dont les magasins sont implantés à la fois dans des PUCE et des communes touristiques : ils prévoient les mêmes garanties pour l’ensemble des salariés, quelle que soit leur zone d’affectation.

Cette défiance à l’égard des partenaires sociaux est inadmissible. Pour nous, les accords d’entreprise sont tout à fait légitimes. Je ne partage absolument pas votre conception du dialogue social.

Mme Isabelle Pasquet. C’est certain !

Mme Nadine Morano, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. On ne perd jamais à donner plus de liberté. Pour autant, les abus doivent être sanctionnés avec rigueur.

Aujourd’hui, l’existence de chacun est constituée d’étapes.

Quand on est étudiant, il vaut mieux travailler le dimanche que la nuit, surtout si l’on doit suivre des cours le lendemain.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se passe pas comme ça !

Mme Isabelle Debré. Les étudiants qui travaillent le dimanche dans les magasins des Champs-Élysées perçoivent le triple du salaire normal. Certes, accorder plus largement des bourses serait une autre solution, mais l’état des finances de l’État et des collectivités locales ne le permet pas, nous le savons tous. Le travail du dimanche répond donc à un véritable besoin pour les étudiants.

Ensuite, quand on se marie, on peut souhaiter acheter une maison ou un appartement, et trouver intérêt, dans cette perspective, à travailler un dimanche sur deux, par exemple.

M. Jean Desessard. Vous avez vu les prix de l’immobilier ?

Mme Isabelle Debré. Quand on devient parent, en revanche, on n’a plus envie de travailler le dimanche.

C’est parce que la vie est ainsi faite d’étapes qu’il faut ménager une souplesse. La loi Mallié répond, me semble-t-il, à ce besoin en prévoyant le droit au refus du travail dominical, qui n’existait pas auparavant. Cette loi a donc représenté une avancée. Le comité parlementaire d’évaluation de son application n’ayant pas encore rendu ses conclusions, il me paraîtrait prématuré de revenir sur ses dispositions. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 68 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 165
Contre 171

Le Sénat n’a pas adopté.

L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Escoffier, MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

l’évolution de

Cet amendement n’est pas soutenu.

Mme Annie David, rapporteure. J’en reprends le texte, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 14, présenté par Mme David, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 12 rectifié.

Vous avez la parole pour le défendre, madame la rapporteure.

Mme Annie David, rapporteure. Mme Escoffier ne pouvait être présente ce matin pour présenter l’amendement n° 12 rectifié, sur lequel la commission avait émis un avis favorable. Son adoption permettra d’alléger le texte, et c'est pourquoi nous le reprenons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 2.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Isabelle Debré. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. La gauche étant minoritaire ce matin dans l’hémicycle, elle ne cesse de demander des scrutins publics.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placée pour en parler !

Mme Isabelle Debré. Je regrette que vous soyez si peu nombreux pour débattre d’un sujet de société important, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de pouvoir préparer les bulletins de vote de mon groupe.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, madame Debré.

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix, par scrutin public, l’article 2.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 69 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 171
Contre 165

Le Sénat a adopté.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 3

Article 2 bis (nouveau)

Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 du code du travail est ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. »

L'amendement n° 6, présenté par Mmes Kammermann, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Jouanno, MM. Laménie, Léonard, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. L’article 2 bis remet en cause la possibilité, ouverte depuis l’entrée en vigueur de la loi Mallié et largement utilisée, de faire ses courses dans les commerces de détail alimentaire jusqu’à treize heures le dimanche.

Avant même l’adoption de cette loi, certains commerces alimentaires étaient ouverts le dimanche jusqu’à treize heures, mais cette situation n’était guère légale, puisque le code du travail prévoyait la fermeture des boutiques à midi. La loi Mallié a donc validé une pratique existante, en réponse à la demande des commerçants, qui ont vu leur chiffre d’affaires augmenter, et aux attentes des consommateurs.

Au travers de l’article 2 bis, il est proposé de réserver aux seuls commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés cette possibilité d’ouverture dominicale jusqu’à treize heures.

Bien évidemment, cette mesure vise à avantager les petits commerçants par rapport aux grandes surfaces. Nous partageons totalement cette volonté de protéger les commerces de proximité, cependant nous ne pouvons nous rallier à la position de notre collègue Ronan Kerdraon, qui a introduit cet article en commission par voie d’amendement.

Tout d’abord, s’il est louable de vouloir protéger les petits commerces, l’adoption de l’article 2 bis entraînerait un retour en arrière pour les salariés travaillant dans des commerces de plus grande surface. Depuis plus de deux ans, l’ensemble des commerces de détail alimentaire peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures.

La disparition de cette possibilité pour les commerces de plus de 500 mètres carrés nuirait à chacun.

En effet, elle serait source d’incompréhension pour les consommateurs : la faculté ouverte par la loi de 2009 vise à répondre à l’évolution des habitudes sociales et économiques, en particulier au recul de l’heure du déjeuner le dimanche. Le consommateur ne comprendrait pas pourquoi il devrait changer soudainement ses habitudes.

De plus, elle provoquerait une perte économique brutale pour les commerces de détail alimentaire de plus de 500 mètres carrés, ce qui ne me semble pas bienvenu en cette période de crise économique ! Ces magasins devraient revoir leur organisation et les contrats de travail de leurs salariés, diminuer leurs horaires d’ouverture. Or, quels sont les salariés qui travaillent jusqu’à treize heures le dimanche ? Ce sont ceux qui en ont réellement la possibilité ou qui en ressentent financièrement le besoin. Ils n’apprécieront certainement pas le retour à la situation antérieure.

Je souhaite rappeler que la loi Mallié avait pris en compte les intérêts des petits commerces. Elle a en effet prévu l’extension du travail le dimanche jusqu’à treize heures pour les commerces des communes touristiques ou des PUCE. Les auteurs de la loi étaient bien conscients que le fait d’autoriser les grandes surfaces alimentaires qui y sont implantées à ouvrir toute la journée du dimanche aurait sans doute eu des conséquences négatives sur le petit commerce alimentaire de centre-ville. On ne peut donc pas dire que la loi Mallié ait négligé les petits commerçants.

Sur le plan tant économique que social, les membres de mon groupe ne peuvent admettre la modification importante de la loi du 10 août 2009 introduite par l’article 2 bis. Aussi demandons-nous la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement ne peut être que favorable à cet amendement visant à supprimer une mesure qui restreint le champ de la dérogation actuelle accordée à l’ensemble des commerces de détail alimentaire par le biais de l’instauration d’un seuil de surface.

Vouloir préserver les petits commerces de centre-ville est louable, mais les auteurs de la proposition de loi se trompent de débat. En effet, nous traitons ici du travail dominical, et non de la concurrence entre petits commerces et grandes surfaces.

La loi de 2009 est un texte d’équilibre. Elle dispose que les grandes surfaces ne peuvent ouvrir que jusqu’à treize heures, et prévoit tous les instruments nécessaires pour empêcher les abus : 108 procès-verbaux ont été dressés à Paris intra muros en 2010 à l’encontre d’établissements de détail alimentaire ne respectant pas la loi.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Il n’y a jamais de mauvais moment pour bien faire. L’article 2 bis, qui a été introduit en commission sur mon initiative, vise à remédier aux lacunes de la législation existante.

Actuellement, dans certaines zones non touristiques, des supermarchés vendant majoritairement de l’alimentation et considérés à ce titre comme des commerces alimentaires sont autorisés à ouvrir le dimanche matin. Dans mon département des Côtes-d’Armor, c’est notamment le cas dans la région de Loudéac ; cet article a d'ailleurs été rédigé en concertation avec l’union des commerçants de Loudéac.

Ces supermarchés ne vendent pourtant pas exclusivement, tant s’en faut, des denrées alimentaires. En ouvrant le dimanche matin, ils font donc une concurrence déloyale aux petits commerces non alimentaires. L’article 2 bis vise à mettre un terme à cette pratique hors des zones touristiques, où les personnes qui viennent passer le week-end doivent bien entendu pouvoir s’approvisionner le dimanche matin.

Les grandes surfaces installées dans les zones touristiques jouent un rôle économique non négligeable et répondent à un besoin avéré. En revanche, dans les zones non touristiques, ce n’est nullement le cas, et l’ouverture des grandes surfaces le dimanche matin a des conséquences négatives sur le maintien des petits commerces et des emplois non délocalisables qui leur sont liés.

Il convient donc de recadrer les choses : tel est l’objet de l’article 2 bis. J’ajoute que le seuil prévu de 500 mètres carrés est suffisamment élevé pour permettre l’ouverture, partout en France, de supérettes et de moyennes surfaces à vocation réellement alimentaire. Les commerçants et artisans, qui constituent la plus grande entreprise de France, ne pourront qu’être satisfaits que nous votions cet article !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Nous voterons évidemment cet amendement de suppression.

Cela étant précisé, je voudrais exprimer mon regret de voir les travées de gauche de notre hémicycle si peu garnies alors que nous débattons d’une proposition de loi déposée par la majorité sénatoriale…

M. Alain Gournac. Il n’y a personne !

Mme Isabelle Debré. Seulement deux sénateurs socialistes et six sénateurs communistes sont présents. Je tiens toutefois à rendre hommage à mes collègues femmes du groupe CRC, puisque ces six sénateurs communistes sont des sénatrices ! Chapeau bas, mesdames ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)

Cette faible représentation contraint nos collègues de la majorité sénatoriale à multiplier les scrutins publics.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui nous faites perdre du temps !

Mme Isabelle Debré. Madame, je ne vous interromps jamais ; j’aimerais que vous observiez la même attitude !

Il est regrettable que vous soyez si peu nombreux pour défendre cette proposition de loi, ce qui, soit dit au passage, n’est pas une situation très agréable pour Mme le rapporteur. Lorsque nous avons examiné la proposition de loi de M. Mallié, l’hémicycle était plein, comme il convient pour un véritable débat de société qui concerne tous les Français. Je trouve donc votre absentéisme de ce jour déplorable, pour dire le moins ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Annie David, rapporteure. Je voudrais faire remarquer à nos collègues du groupe UMP que, à cet instant, nous sommes plus nombreux qu’eux…

Mme Isabelle Debré. C’est normal, puisque nous ne voulons pas de votre proposition de loi !

M. Alain Gournac. Ce n’est pas nous qui avons fait ce texte !

Mme Annie David, rapporteure. Je croyais que vous n’interrompiez jamais les orateurs, madame Debré ! Vous vous plaisez à nous donner des leçons, alors laissez-moi achever mon propos !

Rassurez-vous : puisque nous sommes plus nombreux que vous, il n’y aura pas de scrutin public sur cet amendement. (Mme Catherine Procaccia rit.)

Je vous rappelle en outre, chers collègues de l’opposition sénatoriale, que, lors de la précédente séance consacrée à l’examen de cette proposition de loi, vous avez utilisé des moyens de procédure tout à fait détestables pour retarder le débat,…

Mmes Marie-Thérèse Bruguière et Christiane Hummel. Non !

Mme Annie David, rapporteure. … ce qui était sans précédent. Pour notre part, jamais nous n’avons défendu de motions de procédure s’agissant de textes examinés dans le cadre d’une niche parlementaire. La seule fois où nous avons voulu en déposer une sur l’une de vos propositions de loi, nous l’avons finalement retirée sur votre observation consistant à dire que ce n’était pas dans les usages de la Haute Assemblée.

Vous n’avez pas eu la même élégance, puisque vous avez présenté deux motions de procédure et multiplié les rappels au règlement pour nous empêcher d’achever l’examen de la présente proposition de loi dans les délais qui nous étaient impartis au titre de la niche parlementaire, ce qui a entraîné le renvoi de la suite de la discussion à un vendredi matin. Cela explique que nous soyons peu nombreux en séance, beaucoup d’entre nous ayant dû rejoindre leur département, où d’autres tâches les attendaient. Je vous accorde que cette situation est regrettable, madame Debré, mais je tenais à en rappeler les raisons. Quoi qu’il en soit, la gauche est majoritaire dans l’hémicycle…

M. Alain Gournac. Elle ne l’était pas tout à l’heure !

Mme Annie David, rapporteure. … pour débattre d’une proposition de loi qui lui tient à cœur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Il faut tout de même reconnaître que les membres du groupe CRC, qui sont à l’origine de cette proposition de loi, sont très nombreux ici. Ils montrent ainsi leur attachement à ce texte. Par ailleurs, tous les groupes composant la majorité sénatoriale sont représentés.

Cela étant, on constate que les choses bougent. Auparavant, c’était sur les travées de gauche que l’on expliquait sa position parfois un peu longuement… (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de lUMP.) Aujourd'hui, ce sont nos collègues de l’UMP qui multiplient les prises de parole sur les articles ! En outre, il leur est aussi arrivé, en d’autres temps, de recourir largement à des scrutins publics pour pallier de trop nombreuses absences dans leurs rangs…

Par conséquent, les choses bougent, sous l’effet notamment de l’alternance.

Je souligne par ailleurs que le scrutin public, tel qu’il est pratiqué au Sénat, n’est pas constitutionnel. En effet, la Constitution dispose qu’un parlementaire ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. Dès lors, le nombre des votants devrait être au plus le double de celui des présents… Peut-être faudra-t-il procéder à une réforme de notre règlement intérieur en ce sens. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. J’ai applaudi Mme Debré quand elle a rendu hommage aux sénatrices du groupe CRC.

Mme Catherine Procaccia. Il ne faut pas en avoir honte !

M. Jean-Pierre Plancade. Mais je n’en ai pas honte, bien au contraire ! Je tiens à saluer le fait que les femmes sont aujourd'hui majoritaires dans notre hémicycle.

Pour le reste, Jean Desessard a souligné avec élégance et beaucoup d’humour que les rôles s’étaient inversés…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Escoffier, MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 2 bis.

(L'article 2 bis est adopté.)

Art.  2 bis (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 4

Article 3

I. – L’article L. 3132-23 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. »

II (nouveau). – À l’article L. 3132-24 du code du travail, les mots : « aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 3132-20 ».

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. La majorité présidentielle prend toutes les mesures nécessaires pour relancer la croissance et réduire les déficits. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Le projet de loi de finances pour 2012 a ainsi été conçu pour soutenir la croissance et maintenir au mieux notre économie, mais comment cela pourrait-il être possible si la loi interdit aux salariés de travailler lorsqu’ils le souhaitent ? Travailler le dimanche devrait être un droit pour tous ceux qui en ont la volonté.

Cessez de déformer nos intentions s’agissant du travail dominical ! En aucun cas, à aucun moment, il n’a été question de le rendre obligatoire. Travailler le dimanche doit reposer sur le volontariat, et les quelques dérives dont vous faites des généralités sont bien entendu sanctionnées par la loi, qui est très claire à cet égard : dans les PUCE, seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche, sur le fondement d’une autorisation donnée en application de l’article L. 3132-20 du code du travail. Dès lors, contrairement à ce qui a été écrit, le refus de travailler le dimanche ne peut être un critère de discrimination à l’embauche ni donner lieu à des mesures discriminatoires dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, non plus que constituer un motif de licenciement.

Dans les communes et zones touristiques, les salariés savent qu’ils peuvent être amenés à travailler le dimanche du fait même de la nature de l’activité.

La possibilité du travail dominical ne peut donc être assimilée à une forme d’esclavagisme moderne ; il s'agit d’une occasion offerte aux salariés d’améliorer leurs revenus. En outre, il serait inadmissible de réserver l’autorisation d’ouvrir le dimanche à certains magasins seulement, car cela reviendrait à favoriser ces derniers. C’est donc par souci d’égalité entre travailleurs, mais aussi entre concurrents, qu’il faut laisser à chacun le choix de travailler ou non le dimanche.

Léon Salto a souligné, dans le rapport qu’il a rédigé en 2007 au nom du Conseil économique, social et environnemental, que « les consommateurs seraient plutôt favorables à une extension de l’ouverture du dimanche », pour des raisons que nous avons déjà exposées.

Cela confirme que l’ouverture des magasins le dimanche constitue un véritable enjeu économique. Il revient donc au législateur d’être le garant de l’égalité entre les commerces, dans le respect du principe essentiel du repos hebdomadaire et du code du travail. En effet, si de nombreuses enseignes ont fait le choix d’ouvrir leurs magasins le dimanche en toute illégalité, malgré les astreintes à payer, c’est qu’il existe bien une demande !

La loi doit non pas créer des obstacles au travail, mais au contraire soutenir les efforts de nos entreprises pour surmonter la crise actuelle. Le rétablissement du marché du travail et la relance de la consommation passent par l’implication des entreprises.

J’en appelle donc à votre intelligence économique, mes chers collègues : nous devons libérer le marché non seulement en permettant le travail le dimanche, mais également en étendant cette autorisation aux établissements qui risqueraient sinon de subir une distorsion de concurrence.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l'article.

M. Alain Gournac. L’article 3 nie lui aussi les réalités économiques.

Si son objet direct est juridique, la présente proposition de loi a également une portée économique.

Avant la loi du 10 août 2009, les entreprises, compte tenu des incertitudes affectant leur situation juridique, étaient soumises à un contentieux, parfois important, qui les fragilisait, ainsi que leurs salariés.

Tout d’abord, mes chers collègues, je tiens à rappeler combien les effets du régime du repos dominical sont importants pour les entreprises. En effet, ce régime est perçu par les acteurs économiques comme un obstacle au développement.

Comment ne pas reconnaître que le débat macroéconomique sur les effets des dérogations à la règle du repos dominical est difficile à trancher ? Dans le rapport intitulé « Consommation, commerce et mutations de la société » qu’il a présenté en 2007 au nom du Conseil économique, social et environnemental, M. Léon Salto souligne expressément « la difficulté d’un exercice qui fait intervenir des paramètres multiples ».

De son côté, le Conseil d’analyse économique s’interrogeait, en 2007 également, sur les avantages et les inconvénients d’une extension des autorisations de travailler le dimanche. Dans son rapport intitulé « Réglementation du temps de travail, revenu et emploi », le passage consacré à cette question porte d’ailleurs le titre suivant : « Des pistes pour favoriser l’ouverture des commerces le dimanche ».

Ce rapport évoque, notamment, les avantages suivants de l’ouverture des magasins le dimanche : un accroissement de l’amplitude des horaires d’ouverture qui profite aux consommateurs, une plus grande équité dans la concurrence avec les magasins automatiques et le commerce électronique, ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En outre, il souligne que « les études empiriques disponibles montrent que les expériences passées dans ce domaine ont induit des créations d’emplois, comprises entre 3 % et 10 % de l’emploi du secteur », et relève que les emplois créés profitent surtout aux jeunes, dont les difficultés d’insertion sur le marché du travail sont particulièrement importantes en France. Un autre facteur ne doit pas être négligé, à savoir la demande étrangère : n’oublions pas que 77 millions de touristes ont visité la France en 2010 !

Pour l’ensemble de ces raisons, l’absence d’adaptation du régime du repos dominical ne pouvait que constituer, dans certains cas, un obstacle au développement économique. Je dis bien : « dans certains cas »…

De plus, je le répète, les entreprises étaient fragilisées par les contentieux.

Au total, on dénombre, en compilant l’ensemble des règles applicables, près de 180 dérogations à la règle du repos dominical, situation dont M. Richard Mallié a décrit les conséquences :

« Le caractère discrétionnaire et/ou interprétatif de nombre d’entre elles donne lieu à des recours contentieux en grand nombre avec une importance plus accentuée dans certaines régions et professions.

« Il en résulte une multiplication de décisions contradictoires dans le temps et dans l’espace, introduisant de nouvelles distorsions de concurrence et créant de véritables imbroglios qui font régner l’incertitude pour les opérateurs et leurs salariés. »

Dans son rapport, M. Léon Salto faisait entrevoir le lien existant entre incertitude juridique et fragilité économique.

Je ne reviendrai pas dans ce propos sur l’ensemble des contentieux liés au repos dominical, chacun ayant en mémoire les nombreuses difficultés que ce sujet suscitait de manière récurrente, notamment à Paris et en région parisienne, ou encore dans les Bouches-du-Rhône.

Ces contentieux fragilisaient d’autant plus les entreprises concernées qu’ils étaient de nature multiple.

Ils pouvaient être judiciaires, puisque l’article L. 3132-31 du code du travail donne compétence à l’inspecteur du travail pour « saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés ».

Ils pouvaient être administratifs, puisque, comme tout acte administratif, une décision préfectorale d’autorisation ou de refus de dérogation au repos dominical peut faire l’objet d’un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux devant la juridiction administrative.

Non seulement ces contentieux étaient source d’incertitude, mais ils pouvaient aussi être directement à l’origine d’une fragilité financière des entreprises concernées.

En conséquence de ces observations sur les aspects économiques du dispositif de la loi Mallié, notre groupe ne peut souscrire à l’article 3 de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Cayeux, Debré, Bouchart et Bruguière, MM. Cardoux et Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Jouanno, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Les préfets ont actuellement la possibilité d’étendre à plusieurs établissements de la même localité l’autorisation d’ouverture le dimanche accordée à un établissement, à condition qu’ils exercent la même activité et s’adressent à la même clientèle.

Nous considérons que l’adoption de cet article 3, qui vise à remettre en cause cette possibilité, serait un non-sens économique. Refuser d’étendre une autorisation à des établissements de même nature, situés dans une même localité, serait en effet nier les réalités économiques du terrain. Cela engendrerait de nombreuses situations de rupture d’égalité entre les différents commerces, et donc une multiplication des contentieux.

En matière économique et de règles de concurrence, il serait inacceptable d’attribuer des autorisations individuelles sans prendre en compte la globalité d’une offre commerciale dans un secteur donné. Nous considérons que pour préserver une concurrence équitable et juste, la possibilité d’extension d’une autorisation d’ouverture le dimanche doit être maintenue. Il y va de la cohérence des politiques économiques sur nos territoires.

Contrairement à ce qui est affirmé, le repos dominical obligatoire, dans ce cas précis, entraînerait une distorsion de concurrence, puisqu’il interdirait à certains établissements ce qui est possible à d’autres. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. Les commerçants qui cherchent à obtenir une dérogation au principe du repos dominical mettent souvent en avant les dérogations accordées à des commerces situés aux alentours pour obtenir gain de cause.

L’administration n’est pas toujours insensible à leurs arguments, comme le montre une décision de juillet dernier du préfet d’Ille-et-Vilaine, qui a refusé de prendre un arrêté interdisant l’ouverture dominicale des grandes surfaces situées dans l’agglomération rennaise, en raison de la distorsion de concurrence avec les commerces des communes voisines que cela entraînerait.

Il nous paraît donc important que le législateur indique clairement à l’administration que le respect du repos dominical n’est pas en lui-même constitutif d’une distorsion de concurrence. C’est là tout l’objet de l’article 3, et la commission ne peut donc qu’être défavorable à sa suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Il est favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 5

Article 4

L’article L. 3132-25 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.

« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Giudicelli, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Dans un contexte de crise économique et financière majeure, il est impératif de préserver la stabilité de l’activité des entreprises dans les communes et zones touristiques.

L’article 4 de la proposition de loi vise à revenir à la logique qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2009.

La possibilité d’obtenir des dérogations au principe du repos dominical serait ainsi de nouveau réservée aux seuls commerces et services proposant des biens liés à des activités récréatives, sportives ou culturelles.

L’appréciation de ces critères serait, comme par le passé, source de contentieux, le renvoi des modalités d’application du dispositif à un décret en Conseil d’État ne réglant en rien les difficultés.

La mise en œuvre du dispositif de cet article recréerait de l’incertitude juridique, avec le réexamen obligatoire de la situation de chaque entreprise installée dans les communes ou zones touristiques, et le contentieux lié aux problèmes de droit de la concurrence entre commerces réapparaîtrait.

Par ailleurs, dans une conjoncture marquée par les fermetures de commerces et les licenciements, aucune mesure néfaste à l’emploi ne saurait être prise. Or vous voulez supprimer des dérogations, mes chers collègues, et donc des milliers d’heures de travail.

J’ajoute que les emplois créés profitent aussi aux jeunes. En particulier, beaucoup d’étudiants financent leurs études en travaillant le dimanche.

Certes, le nombre de salariés travaillant le dimanche n’est pas connu avec précision, mais le travail dominical pourrait concerner 50 000 commerces et 250 000 salariés, selon le rapport de notre collègue député Pierre Méhaignerie.

On peut penser que ces chiffres sont surestimés ou qu’ils sont en tout état de cause modestes à l’échelle de la France, mais, dans la mesure où un nombre limité de communes et de zones touristiques sont concernées, l’incidence de la remise en cause de l’ouverture des magasins le dimanche pourrait être très forte dans celles-ci.

Comme vous le savez, le Gouvernement a demandé la réalisation d’études statistiques précises afin d’évaluer, en termes d’emploi, la portée économique de la loi de 2009. Tant que nous ne disposons pas de ces données, il ne serait pas sérieux d’adopter un texte dont la mise en œuvre entraînerait mécaniquement une destruction nette d’emplois, surtout dans le contexte économique que connaît le secteur du tourisme en France. La concurrence touristique est en effet mondiale. Vouloir fermer le dimanche certains commerces en zone touristique à Cannes ou à Nice, par exemple, n’est pas une bonne idée ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. La commission ne peut qu’être défavorable à la suppression de l’article 4.

Si nous voulons effectivement revenir sur la loi du 10 août 2009, c’est parce qu’elle a élargi bien au-delà des limites du raisonnable les dérogations au principe du repos dominical dans les zones et communes touristiques. Les dérogations doivent redevenir proportionnées à l’objectif visé, à savoir permettre l’accueil dans de bonnes conditions de la clientèle touristique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement est, évidemment, favorable à l’amendement.

L’adoption de l’article 4 aurait pour effet de réinstaurer les difficultés pratiques qui existaient, avant la loi Mallié, pour distinguer les établissements selon la nature de leur activité. Serait-il compréhensible, dans une zone touristique, d’autoriser un vendeur de lunettes de soleil à ouvrir le dimanche mais de l’interdire à un vendeur de lunettes de vue ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)

Si cet article était adopté, la forte insécurité juridique pour les entreprises, pour les salariés et pour les consommateurs qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi de 2009 réapparaîtrait.

Je me demande d’ailleurs si les élus de la majorité sénatoriale pensent aux 250 000 salariés qui travaillent le dimanche, notamment dans ces zones touristiques !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On pense à eux, justement !

Mme Nadine Morano, ministre. Vous leur expliquerez que vous voulez les empêcher de travailler : je ne suis pas sûre que cela vous rende très populaires !

M. Robert Hue. Nous leur expliquerons votre position !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Vous avez fort bien expliqué, madame la ministre, que l’adoption de cet article conduirait à revenir à la situation antérieure, celle-là même qui posait problème. Vous avez repris l’exemple des vendeurs de lunettes de soleil, cher à Xavier Bertrand ! (Sourires sur les travées de lUMP. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Il y en a bien d’autres !

Mme Nadine Morano, ministre. Les chaussures de sport ou les chaussures de ville, par exemple !

Mme Catherine Procaccia. C’est aussi valable pour les commerces de vêtements : avant la loi, seules les boutiques de « créateur » pouvaient ouvrir, ce qui a donné lieu à bien des contournements.

Je l’ai déjà dit, les habitudes de consommation ont changé ; les touristes aussi : ils ne viennent plus seulement l’été ou l’hiver. À quoi servirait-il de proposer des tarifs et d’essayer de rendre attractives des zones hors saison si tous les commerces restent fermés ? Comment voulez-vous que les zones situées en bord de mer attirent des touristes, qu’ils soient français ou étrangers, le week-end ? Ce que vous proposez, mes chers collègues, serait dommageable, tout autant pour les communes que pour les entreprises et les salariés.

L'article 4 revient sur la sécurité juridique établie par la loi Mallié : les dérogations ne pourraient plus être accordées qu’aux seuls entreprises et établissements ayant une vocation touristique. Or les critères retenus sont trop stricts. C’est à cette complexité que nous avions voulu remédier.

Si je peux comprendre un certain nombre de vos positions,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez pourtant voté contre toutes nos dispositions !

Mme Catherine Procaccia. ... j’ai un peu du mal à vous suivre sur la mesure prévue à cet article, car vous nous faites retomber dans les travers du droit antérieur.

Au regard de toutes les propositions de loi que nous examinons actuellement, qui toutes remettent en cause une législation récente, je prends conscience que vous avez la nostalgie du passé : vous n’avez de cesse de revenir à une situation qui n’est plus. Vous faites du surplace ! (Mme la rapporteure s’exclame.)

Je ne m’attarderai pas sur l’aberration de l'article initial concernant les zones touristiques. Grâce au travail en commission, vous l’avez modifié, mais il est regrettable que nos réflexions ne vous aient pas conduits à revenir sur d’autres de vos propositions.

J’en viens aux salariés et aux partenaires sociaux.

Là encore, la position de la gauche me surprend. En effet, la loi en vigueur prévoit que l’élaboration des garanties pour les salariés incombe aux partenaires sociaux ; en outre, elle contient une obligation de négocier. Cette conception du dialogue social et de la négociation de la part de mouvements qui se disent proches des salariés et des syndicats me laisse plutôt pantoise.

Le rapport du comité de suivi nous apprend que la plupart des accords d’entreprise conclus en matière de travail le dimanche ont « uniformisé » le régime des contreparties financières applicables aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin et le régime de dérogation : commune ou zone touristique, PUCE, dérogations préfectorales. Ainsi, dans la pratique, ce sont les solutions les plus favorables aux salariés qui ont été mises en place. Manifestement, les accords conclus sont satisfaisants.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes fermement opposés à la proposition de loi, notamment à l’article 4.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, pour explication de vote.

Mme Christiane Hummel. Je souhaite intervenir en tant que sénateur du Var, premier département touristique de France.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, c’est Paris !

Mme Christiane Hummel. Le tourisme s’y fait tout au long de l’année : l’hiver, l’été, le printemps, l’automne.

Comment vais-je expliquer aux salariés qui vivent du tourisme, qui est la ressource principale du département, que vous avez décidé de ne plus leur permettre de gagner leur vie et d’empêcher ce territoire d’être compétitif face à l’Italie et à l’Espagne ?

Mme Annie David, rapporteure. Caricature !

Mme Christiane Hummel. Madame Borvo Cohen-Seat, vous nous interrompez, vous nous moquez. Or le spectacle que vous nous offrez depuis tout à l’heure, à vous compter sans arrêt, à demander des votes par scrutin public, avant d’y renoncer, est bien triste pour ceux qui, comme moi, viennent de loin pour débattre de ce texte ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je serai bref, car je ne voudrais pas prolonger le débat jusqu’à dimanche. (Sourires.)

Nous n’avons jamais pensé que tous les métiers devaient s’arrêter le dimanche. Il est évident que, dans les loisirs, les transports, la santé – je ne vais pas tous les énumérer –, on travaille ce jour-là. Nous avons juste précisé qu’il n’est pas nécessaire que toutes les professions soient concernées…

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas ce qu’on a dit !

M. Jean Desessard. … et qu’il faut garder du temps pour vivre autrement.

Vous nous reprochez d’être du XIXe siècle, d’éprouver de la nostalgie. Oui, j’ai la nostalgie d’une période où il y avait un progrès social, où le déficit n’existait pas, où tout le monde travaillait, où il y avait moins de chômage, en d’autres termes, d’une France qui fonctionnait mieux !

En réalité, vous posez une question de nature philosophique : doit-il y avoir une différence entre le dimanche, voire les jours fériés – car vous vous attaquez aussi à cet acquis –, et les autres jours de la semaine ?

Si l’on vous suivait, la vie ressemblerait à une morne plaine : on n’y trouverait ni montagnes, ni vallées, ni paysages différents. En somme, tout serait pareil. Pourtant, ce sont ces moments symboliques où l’on peut s’arrêter, ces périodes spécifiques que l’on peut prévoir, ces rituels qui rendent la vie belle.

Vous êtes en train de nous préparer une société anonyme, dépersonnalisée et dépourvue d’intérêt !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 6

Article 5

Aucun nouveau périmètre d’usage de consommation exceptionnel ne peut être délimité après l’entrée en vigueur de la présente loi.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, sur l'article.

Mme Christiane Hummel. Avec cet article, on peut difficilement être plus directif et intransigeant. Il signifie : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

La proposition de loi initiale prévoyait même la disposition suivante : « Les établissements ayant bénéficié d’une dérogation préfectorale sur la base de [l’article L. 3132-25-1] en raison d’une habitude de consommation constatée alors que l’établissement méconnaissait la législation sur le repos dominical antérieurement à la loi du 10 août 2009, se voient retirer leurs dérogations. »

Pourtant, il n’a pas été noté d’accélération des demandes de classement depuis l’application de la loi Mallié. Il est étrange de constater que, dans votre texte, nous allons d’étonnement en étonnement.

Il me semblait que les sénateurs étaient les représentants des maires, des élus locaux. Or ce sont bien les maires – je pense à Plan de Campagne, qui est situé près de chez moi – qui ont demandé la création des PUCE.

M. Ronan Kerdraon. Moi, je n’ai rien demandé !

Mme Christiane Hummel. Or vous voulez les supprimer.

Mme Isabelle Pasquet. On ne demande pas de supprimer ceux qui existent !

Mme Christiane Hummel. Cette suppression aurait pour conséquence de revenir au vide juridique qui préexistait à la loi du 10 août 2009. Vous citez vous-mêmes les pratiques d’un établissement qui fonctionnait en toute illégalité en ouvrant le dimanche, alors qu’un établissement voisin restait fermé ce jour-là pour respecter la loi. C’est précisément ce que nous avons voulu faire cesser.

Mme Annie David, rapporteure. Si tout le monde est hors la loi, il n’y a plus de voyous !

Mme Christiane Hummel. Nous avons fixé un cadre juridique sécurisé. Ce sont justement les maires qui le demandaient pour leur zone de développement commercial.

Cela n’est pas le plus grave à nos yeux.

Nous avons réussi à faire que, dans les zones commerciales, les salariés volontaires voient leurs conditions de travail singulièrement améliorées. Malgré vos déclarations, notre intention n’a jamais été d’étendre le travail du dimanche, il s’agissait d’adapter le droit à une réalité de terrain avec, je le répète, des garanties substantielles pour les salariés, notamment en promouvant le volontariat.

Nous sommes des sénateurs ; de ce fait, nous représentons les élus locaux. Nous devons le faire avec respect pour leurs responsabilités.

M. Ronan Kerdraon. On ne manque de respect à personne !

Mme Christiane Hummel. Il est bien difficile d’être maire, de résoudre les problèmes de ses administrés, en particulier ceux qui sont liés au travail. Or vous faites fi de la demande de nos collègues maires, en supprimant les PUCE. Je ne vous rappellerai pas le nombre de maires socialistes ou communistes qui ont poussé à leur création.

Au-delà de la demande de ces élus qu’il faut respecter, il y a celle des salariés qui souhaitent continuer à travailler le dimanche, en cette période où il est beaucoup question de pouvoir d’achat. C’est une nécessité financière pour certains.

Mme Isabelle Pasquet. Il faut augmenter les salaires pour améliorer le pouvoir d'achat !

Mme Christiane Hummel. Par ailleurs, une organisation familiale permet souvent aux femmes d’avoir leur mercredi pour rester avec leurs enfants.

En outre, la fréquentation des magasins le week-end est une habitude pour les achats à caractère familial, qui sont difficilement réalisables en semaine.

Enfin, c’est aussi une demande des consommateurs, qui plébiscitent l’ouverture dominicale.

Vous dites que les consommateurs reporteront leurs achats. Si les consommateurs viennent le dimanche, c’est parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement : ils ne pourront pas venir le lendemain !

M. Ronan Kerdraon. Ils viendront le surlendemain !

Mme Christiane Hummel. Sans les consommateurs, la question que nous évoquons ici ne se poserait pas.

Tant pis pour ceux qui demandent l’ouverture dominicale : maires, salariés, consommateurs ! Vous décidez, on ferme !

Vous n’avez pas jugé bon, avant de prendre votre décision, d’attendre la publication du rapport d’évaluation de la loi.

En proposant la suppression des PUCE, ce texte est source d’insécurité juridique majeure et nie non seulement les réalités de ces zones, mais aussi le désir des familles de consommateurs. Cela, nous ne pouvons l’accepter. (M. Pierre Charon et Mme Marie-Annick Duchêne applaudissent.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Gilles, Mmes Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, M. Fontaine, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. J’interviens au nom de mon collègue Bruno Gilles.

L’article 5 concerne le dispositif des périmètres d’usage de consommation exceptionnel prévu par la loi Mallié du 10 août 2009.

Les PUCE, qui n’ont rien à voir avec des brocantes, permettent de prendre en compte les habitudes de consommation dans les agglomérations de Paris, Marseille-Aix et Lille et d’accorder des dérogations administratives temporaires à la règle du repos dominical. De telles dérogations y sont accordées au vu d’un accord collectif ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum.

Il ne s’agit en rien d’étendre inconsidérément le travail du dimanche ; il faut adapter le droit à une réalité du terrain avec des garanties substantielles pour les salariés en se fondant sur la notion du volontariat.

La nouvelle rédaction de l’article 5 prévoit que toute nouvelle création de PUCE sera désormais interdite. On nous précise que cela ne vise pas les PUCE bénéficiant déjà de dérogations temporaires. Bien sûr ! Si celles-ci ne sont pas évoquées à cet article, c’est parce qu’elles ont été remises en cause à l’article 2, où leur suspension a été assujettie à vos injonctions, à savoir « la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme » aux dispositions prévues à l’article L. 3132-27-2 du code du travail.

En résumé, vous voulez vous-mêmes dicter aux partenaires sociaux les éléments qui doivent figurer dans les accords collectifs. J’ai déjà livré mon sentiment sur ce que je pensais de telles injonctions. Nous n’avons pas la même culture, il est vrai...

Les faits démontrent, en ce qui concerne les PUCE, que les allégations des parlementaires de gauche ayant saisi le Conseil constitutionnel sur la loi Mallié ne faisaient pas et ne font toujours pas l’unanimité au sein de la gauche. En effet, sur les trente-deux PUCE qui ont été délimités à la demande des maires concernés, douze l’ont été à la demande de maires socialistes et deux à la demande de maires appartenant au parti communiste, le parti des auteurs de la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.

Mme Isabelle Pasquet. Vous l’avez dit et répété, on le sait !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Les PUCE contiennent un dispositif bien encadré, favorable au consommateur, au salarié volontaire, à l’entreprise et à beaucoup d’étudiants qui financent ainsi leurs études.

Dans une période de récession économique et de chômage galopant, peut-on s’autoriser à renoncer à un dispositif qui permet à nos compatriotes qui le souhaitent d’améliorer leurs revenus ou d’avoir un emploi ? À l’évidence, non !

Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UMP demande la suppression de l’article 5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. Comme pour tous les amendements de suppression, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. L’article 5 vise à supprimer toute délimitation de nouveaux périmètres d’usage de consommation exceptionnel.

Je constate que les auteurs de la proposition de loi ont évolué, puisque le texte initial, avant le passage en commission des affaires sociales, prévoyait de supprimer purement et simplement le dispositif des PUCE, en interdisant, d’une part, toute nouvelle délivrance d’autorisation administrative après le 1er janvier 2012, et en supprimant, d’autre part, la possibilité de renouveler une autorisation obtenue avant cette date. Par ce revirement, la majorité de gauche fait preuve de sa gêne…

Mme Nadine Morano, ministre. … à supprimer totalement un dispositif correspondant à une forte demande sociale et s’inscrivant dans une logique gagnante pour les citoyens de grandes métropoles ainsi que pour les salariés. Ceux-ci souhaitent pouvoir travailler le dimanche, dans des conditions permettant de maintenir les emplois, d’en créer de nouveaux et d’améliorer les conditions salariales.

Il est heureux que la gauche ait au moins compris qu’il serait délicat de supprimer les PUCE existants, sachant que près de la moitié des périmètres créés depuis la loi de 2009 l’ont été sur l’initiative de maires qui siégeraient sur les travées de la gauche, s’ils étaient sénateurs. (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Le dispositif des PUCE traduit l’évolution des habitudes de consommation préexistant à la loi. Le développement de nouvelles zones commerciales n’était pas l’objet de la loi de 2009 ; elle n’a d’ailleurs pas eu cet effet. En témoigne d’ailleurs la localisation des PUCE, créés à Plan de Campagne, en périphérie de Marseille, ainsi qu’en région parisienne, où l’éloignement des centres-villes est une réalité bien connue des Franciliens.

Parallèlement, les demandes de création de PUCE, notamment motivées par une volonté de développer une zone commerciale, ont été refusées.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement de suppression. Il estime pertinent de maintenir la législation actuelle, qui permet la création encadrée de nouveaux PUCE.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je serai brève, Mme la ministre ayant été très exhaustive.

Mme Catherine Procaccia. L’adoption de l’article 5 serait problématique pour l’avenir des PUCE et dommageable pour les salariés comme pour les entreprises.

Madame la rapporteure, pensez aux ventes par internet, qui sont de plus en plus nombreuses. Avez-vous prévu d’interdire à tous les sites qui utilisent des plateformes téléphoniques de faire travailler leurs salariés le dimanche ? Soit dit par parenthèse, la convivialité et le sens du contact ne sont pas très développés avec le commerce électronique, alors que la plupart des zones commerciales sont des lieux d’animation et de vie sociale.

Je le répète, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme aux libertés la loi de 2009.

Vous refusez de prendre en compte le premier bilan de la création des PUCE établi par le rapport du comité de suivi. Ce dernier fait état de dix projets de PUCE en instance de délibération et de dix-sept demandes d’ores et déjà refusées. C’est la preuve que de tels périmètres ne sont pas créés partout et n’importe comment. À titre d’illustration, je reprendrai de nouveau l’exemple du Val-de-Marne, où nombre de maires ne partagent pas votre opinion.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l’UMP ne peut pas accepter cet article.

M. Pierre Charon. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 7

Article 6

L’article L. 3132-25-3 du code du travail est abrogé.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Bruguière, Debré et Bouchart, MM. Cardoux et Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. La loi Mallié a trouvé un équilibre entre simplification et efficacité par la définition des activités autorisées. Seule la catégorie du commerce de détail a été retenue comme activité permettant de travailler le dimanche, et ce en conciliant trois principes : le respect de l’initiative locale pour l’activité, le respect des droits du salarié, la prise en compte des demandes des consommateurs.

Il est évident que le texte, dont l’objet est de définir plus rigoureusement les possibilités de déroger à la règle du repos dominical dans les communes touristiques n’apporte rien. Il est de surcroît contesté par les faits.

Il est également contredit au regard de la décision du 6 août 2009 du Conseil constitutionnel.

Il est démenti en outre par les conclusions même du rapport d’évaluation. Alors que vous aviez prétendu, durant toute la discussion de la proposition de loi Mallié, que ce texte conduirait à généraliser le travail du dimanche, on s’aperçoit qu’il n’en est rien, puisque le rapport précise qu’il n’y a pas eu d’accélération des demandes de classement en communes et zones d’intérêt touristique depuis l’entrée en vigueur de la loi.

Au 1er juin 2011, cinq cent soixante-quinze communes étaient classées comme « communes d’intérêt touristique ou thermales » pour l’intégralité de leur territoire communal, dont huit ont été classées d’intérêt touristique depuis l’adoption de la loi Mallié. De plus, on dénombrait trente-quatre zones touristiques avant la loi ; il y en a aujourd’hui seulement sept de plus.

Par ailleurs, il appartiendrait à chaque établissement souhaitant déroger au repos dominical d’adresser une demande d’autorisation à l’administration.

Je note que les mesures transitoires, consistant à prévoir un réexamen par l’administration de la situation des commerces autorisés à ouvrir le dimanche, avant le 1er janvier 2013, ont été supprimées par la commission, considérant, à juste titre, qu’elles n’avaient pas d’utilité réelle.

L’adoption de cette proposition de loi va aboutir à une remise en cause de l’équilibre trouvé entre le respect du droit des salariés et la prise en compte des demandes des consommateurs.

Au prétexte d’offrir de nouvelles garanties et protections aux salariés, ce texte n’apporte, en réponse à la simplification des mesures votées dans la loi Mallié, qu’incohérences et insécurité juridique. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 6.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. Je pensais que cet amendement n’avait plus d’objet en raison du rejet de l’amendement n° 5, qui visait à supprimer l’article 2.

Si l’article 6 était supprimé, nous nous retrouverions en présence de deux articles du code du travail contradictoires.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Article 8

Article 7

L’article L. 3132-25-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-25-4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20, L. 3132-25 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal et de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune. »

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Lorrain, Mmes Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Christiane Kammermann.

Mme Christiane Kammermann. Il s’agit d’un article de coordination avec les dispositions de l’article 4, qui revient sur les modalités de dérogation au repos dominical dans les communes et zones touristiques, issues de la loi du 10 août 2009.

Nous avons exprimé, lors du vote sur l’article 4, notre profond désaccord avec ce retour en arrière. En toute logique, nous sommes donc opposés à l’article 7, qui en est sa conséquence.

Je rappelle que le dispositif antérieur à la loi de 2009 s’était révélé, en pratique, complexe, difficilement compréhensible et source d’insécurité juridique. Avant 2009, les possibilités de dérogation étaient enfermées dans des conditions strictes, ne permettant pas de répondre aux réalités commerciales.

La France est la première destination touristique au monde, avec 60 millions de visiteurs par an. Quel magnifique atout pour notre économie ! Nos communes touristiques, nos stations thermales, nos espaces préservés, notre patrimoine culturel sont autant de joyaux qui font l’attrait de notre pays et son rayonnement à travers le monde.

M. Jean Desessard. Comme c’est intéressant…

Mme Christiane Kammermann. En effet, et il est bon de le rappeler !

Mme Isabelle Debré. Absolument !

Mme Christiane Kammermann. Or, malgré cela, notre pays ne se situe qu’en troisième position en matière de recettes générées par le tourisme.

La loi du 10 août 2009 est venue remédier à un état de fait devenu intenable, tant pour l’économie de notre pays que pour l’attractivité de notre territoire. Nous continuons à défendre l’idée selon laquelle les touristes qui ne passent qu’un week-end en France doivent pouvoir consommer chez nous.

J’ajoute que la loi de 2009 s’est appuyée sur les recommandations du Conseil économique, social et environnemental, qui préconisaient d’instituer une ouverture collective le dimanche, pour l’ensemble des commerces des zones ou communes touristiques.

Chers collègues de gauche, de grâce, n’invoquez pas le spectre de la généralisation du travail dominical ! Je tiens à rappeler que le nombre des communes et zones touristiques concernées par le dispositif a très peu évolué depuis 2009, puisque seules huit communes et sept zones ont été classées.

Nous sommes fermement opposés à un retour au droit antérieur, qui conduirait à restaurer un système ayant montré ses faiblesses et ses contradictions, sans compter que cela risquerait d’engendrer des conséquences néfastes pour l’emploi. Nous ne pouvons pas le tolérer !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 7. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Annie David, rapporteure. L’article 7 prévoit notamment des consultations obligatoires, ce dont vous n’avez absolument pas parlé, madame Kammermann. Si le Sénat adoptait cet amendement, il supprimerait alors ces consultations, qui existent déjà dans le code du travail.

Il s’agit ici d’un article de coordination avec certaines dispositions déjà votées. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 8

(Supprimé)

Vote sur l'ensemble

Article 8
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Compte tenu de l’heure, je serai brève. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », vous risqueriez de ne pas être très attentifs si je parle trop longtemps, mes chers collègues.

La loi du 10 août 2009 mérite certainement d’être encore améliorée. Le comité parlementaire de suivi, chargé de veiller au respect du principe du repos dominical, fera certainement des propositions en ce sens.

Je regrette très sincèrement que, pour des raisons, dirais-je, politiques, politiciennes ou idéologiques, pour reprendre le vocabulaire de M. Desessard, cette proposition de loi soit arrivée aussi vite dans notre hémicycle. Il aurait mieux valu attendre les conclusions du comité parlementaire.

Le groupe de l’UMP votera bien évidemment contre ce texte, et je compte sur l’aide de nos collègues députés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Comme l’avait déjà souligné notre collègue Hervé Maurey lors de la discussion générale, ce texte est un peu trop politicien à notre goût. Il s’inscrit véritablement dans la stratégie de la nouvelle majorité sénatoriale, consistant à remettre systématiquement en cause tout ce que la Haute Assemblée a pu voter depuis cinq ans.

Chers collègues de gauche, depuis que vous formez la nouvelle majorité ici même, nous assistons à un « détricotage » méthodique des textes adoptés auparavant. Cela ne peut que nuire, je vous l’assure, à l’image générale de notre assemblée, à laquelle je vous sais très sensibles, comme nous le sommes tous. Faites très attention : si, au cours des six prochains mois, le Sénat continue de fonctionner ainsi, l’opinion publique va finir par se demander à quoi nous servons. Je me permets de vous le dire, car l’enjeu est important. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Sur le fond, cette proposition de loi remet en cause la loi du 10 août 2009, laquelle avait pourtant une visée pragmatique et répondait aux besoins évidents de nombre de commerces, de communes et de consommateurs.

La loi Mallié ne remet pas du tout en cause le principe du repos dominical. Elle ne fait qu’en assouplir les modalités dans des zones strictement délimitées, les communes touristiques et les PUCE.

Le texte que vous nous proposez revient sur les assouplissements ainsi opérés pour les communes touristiques. C’est défendre une vision trop idéologique. Je regrette que le groupe communiste, qui est souvent beaucoup plus pragmatique, ait choisi de s’engager dans un tel débat.

À nos yeux, le Gouvernement n’est pas non plus exempt de tout reproche. Je tiens à reprendre à cet égard l’argumentaire qu’avait développé Hervé Maurey lors de la discussion générale.

Voici ce que notre collègue disait : « Je regrette, en revanche, que l’on n’ait pas progressé en matière d’harmonisation des contreparties accordées aux salariés travaillant le dimanche et sur le nécessaire respect du volontariat. Les dérogations au principe du repos dominical nécessitent en effet une harmonisation des contreparties.

« Au fil des années et des gouvernements, y compris de gauche, les dérogations se sont multipliées – plus de 180 – et les garanties également. De ce point de vue, la loi Mallié est encore venue diversifier les situations en prévoyant des dispositions différentes entre les salariés selon qu’ils travaillent dans un PUCE ou dans une commune touristique.

« J’avais, à l’époque, lors de la discussion, attiré l’attention du Gouvernement sur ce sujet et il s’était engagé à transmettre au Sénat les éléments relatifs "aux différentes contreparties du travail dominical, à leur nature et à leur niveau" dans un volet spécifique du bilan annuel de la commission nationale de la négociation collective.

« Si le bilan a bien été transmis au Parlement, monsieur le ministre, aucune des informations promises n’y figure. »

Madame la ministre, nous renouvelons donc aujourd'hui la demande que nous avions formulée auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

J’en viens maintenant à la situation spécifique de Paris, dont je suis l’élu, en rappelant, d’abord, qu’il s’agit du premier département touristique de France.

À Paris, nous avons besoin de la loi Mallié dans sa forme actuelle. Moi-même et les membres du groupe Centre et indépendants au Conseil de Paris venons de déposer, lundi dernier, un vœu pour que le maire de Paris qualifie de zone touristique le secteur des grands magasins du boulevard Haussmann. Il faut y expérimenter l’ouverture dominicale des commerces de détail, pour renforcer l’attractivité de la capitale face à la concurrence internationale, notamment celle de Londres.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement que le maire de Paris est vigilant !

M. Yves Pozzo di Borgo. Concernant les PUCE, la présente proposition de loi est bancale. D’un côté, elle en reconnaît l’utilité puisqu’elle ne propose pas de les supprimer. De l’autre, elle prévoit d’en sanctuariser aujourd’hui le nombre. Comme si l’activité économique n’était pas en évolution constante et que les zones de commerces ne changeaient pas en permanence. C’est totalement irréaliste !

Par ailleurs, le présent texte crée un régime universel de contrepartie au travail du dimanche. Cet aspect n’est évidemment pas inintéressant, mais le dispositif mis en œuvre est très maladroit. En effet, des négociations sont en cours entre les partenaires sociaux et la contrepartie imposée en l’espèce pourrait avoir des conséquences désastreuses sur certains commerces et, partant, pénaliser l’emploi.

Madame la ministre, mes chers collègues, une fois pour toutes, faisons confiance à la démocratie sociale. Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union centriste et républicaine votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Compte tenu de l’heure, je m’en tiendrai à trois points essentiels.

En premier lieu, je tiens à remercier les sénatrices et sénateurs du groupe CRC d’avoir déposé cette proposition de loi, à laquelle je m’associe.

En deuxième lieu, en tant que militant du social, j’ai effectivement la nostalgie de la période où le plein emploi, et non la précarité, régnait, où les conditions de travail n’étaient pas menacées, où l’on ne cassait pas le code du travail, contrairement à ce que fait toute la politique sociale des gouvernements de droite depuis une dizaine d’années. Oui, il faut des garde-fous sociaux ! Oui, il faut des garanties pour maintenir le repos dominical !

En troisième lieu, en tant qu’écologiste, j’ai trouvé le débat de ce matin très intéressant. À ceux qui défendent l’idée de pouvoir produire et consommer toujours plus, y compris, donc, le dimanche, je réponds ceci : c’est une mentalité qui nous conduira à notre perte, et ce très rapidement. Je ne peux m’associer à cette volonté de développer un système toujours plus productiviste et consumériste.

Évidemment, cela implique une redistribution du travail et des richesses, pour que chacun puisse vivre dignement. La solution n’est certainement pas dans l’épuisement des ressources naturelles. Il faut donc maintenir des temps de repos, de loisirs, car tout citoyen, avant d’être un agent économique – producteur ou consommateur –, est d’abord un acteur de la vie sociale.

Pour toutes ces raisons, parce que je défends une vision sociale et écologiste, je voterai la proposition de loi présentée par le groupe CRC ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.

M. Ronan Kerdraon. Moi aussi je serai bref, car le temps presse.

Cette proposition de loi qui nous vient des rangs du groupe communiste tombe à pic. Deux ans après le vote de la loi Mallié, il était temps d’agir. Les premières évaluations disponibles l’ont montré, celle-ci comporte un certain nombre de lacunes. Il fallait donc tenter de les combler, et il n’est jamais trop tard pour bien faire.

En proposant ce genre de texte, la Haute Assemblée est donc dans son rôle. Comment une initiative visant à remédier à un certain nombre de défauts pourrait-elle être considérée comme incongrue ?

Pour rester dans le secteur du commerce et de l’artisanat, je citerai un autre exemple qui mériterait que l’on s’y intéresse de plus près. Il s’agit du statut de l’auto-entrepreneur : lui aussi a fait la preuve de ses limites et, dirais-je même, de sa parfaite illégitimité.

M. Yves Pozzo di Borgo. Quelle vision conservatrice ! Ce n’est pas possible d’entendre pareil propos !

M. Ronan Kerdraon. Ce statut n’est jamais que la légalisation du travail au noir.

M. Ronan Kerdraon. Je vous invite à aller dans les chambres de métiers et de l’artisanat pour y rencontrer les professionnels concernés : vous verrez bien ce qu’ils en pensent ! Sur ce sujet aussi, il conviendrait de faire œuvre d’utilité publique.

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est ce que nous avons fait ce matin. Si nous n’étions pas très nombreux, la qualité était là. Le groupe socialiste-EELV votera la proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Merci au nom de tous les salariés surexploités, notamment dans les supermarchés !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures dix.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi garantissant le droit au repos dominical
 

3

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 décembre, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité. (nos 2011-204 QPC et 2011-2005 QPC).

Acte est donné de ces communications.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Discussion générale (suite)

Exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle

Adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée, modifiée

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en procédure accélérée de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, présentée par M. Jacques Legendre (proposition n° 54 rectifié, rapport n° 151).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec de Parlement, mes chers collègues, nous débattions il y a peu du prix unique du livre numérique. La commission de la culture de la Haute Assemblée s’est souvent préoccupée des effets de cette technique nouvelle, par exemple, sur le fonctionnement de nos bibliothèques. Nous nous étions interrogés jadis sur les propositions de Google visant à numériser les œuvres détenues par les principales bibliothèques nationales de nos pays.

Ces nouvelles technologies font naître préoccupations, mais aussi espérances. Il nous semble qu’il faut, sans plus tarder, tirer toutes les conséquences de la possible numérisation de l’ensemble des livres.

La disponibilité du livre au format numérique est désormais une réalité.

Les titres nouveaux sont aujourd’hui édités dans des formats électroniques natifs, permettant une commercialisation numérique. C’est le cas, par exemple, d’une grande partie des 654 romans de la rentrée littéraire de 2011, proposés conjointement sous forme imprimée et sous forme digitale.

Bien évidemment, les bibliothèques publiques souhaitent s’engager résolument dans la numérisation de leurs collections. La BNF, la Bibliothèque nationale de France, l’a fait depuis longtemps déjà avec Gallica, et l’on sait quel rôle elle joue aussi pour la réalisation du programme Europeana. Néanmoins, il s’agit d’œuvres tombées dans le domaine public, c'est-à-dire écrites entre le XVe et le XIXe siècle. Le problème auquel la présente proposition de loi entend apporter une réponse concerne le XXe siècle.

Pour des raisons de faible rentabilité économique, une grande partie des ouvrages publiés au XXe siècle n’a pas été rééditée. Les titres sont épuisés sous forme imprimée, indisponibles dans le commerce et ne sont que rarement accessibles dans les bibliothèques.

Dans ce contexte, la numérisation est la seule possibilité, voire l’unique chance à saisir, pour faire renaître cet important corpus, mais elle n’est juridiquement pas possible, car la titularité des droits numériques est incertaine. La raison en est, évidemment, que les éditeurs n’ont fait figurer des dispositions relatives à l’exploitation numérique dans les contrats qu’à partir de la fin du XXe siècle. Les droits numériques sur les œuvres déjà anciennes sont revendiqués tant par les auteurs que par les éditeurs.

Il ne semble guère possible d’adapter des centaines de milliers de contrats anciens à la réalité digitale. Hors quelques titres au réel potentiel commercial, les modèles d’affaires sous-jacents à la réexploitation numérique de ces œuvres sont peu compatibles avec les coûts de transaction qu’entraînerait la mise à jour des contrats. Les éditeurs ne peuvent pas envisager l’exploitation numérique marchande. Quant aux bibliothèques, elles ne sont pas davantage titulaires des droits numériques sur les œuvres indisponibles, même si elles estiment parfois avoir cette légitimité en raison des efforts qu’elles ont déployés pour conserver les livres.

En l’état du droit, la reproduction numérique d’œuvres protégées par les bibliothèques, sans qu’elles y soient autorisées, constitue une contrefaçon. Il faut sortir de cette situation.

Le XXe siècle, dont la pensée nous est si familière, car nous en sortons à peine, a été une période d’intense production éditoriale. C’est environ 500 000 titres qu’il s’agit de rendre de nouveau accessibles. Telle est l’ampleur de l’objectif à atteindre.

Comment pourrait-on justifier auprès du lecteur une discontinuité d’un siècle dans le corpus des livres disponibles au format numérique ? Va-t-on faire apparaître le droit d’auteur comme une entrave au développement de la société de l’information ?

Il est indispensable de trouver une solution juridique et économique innovante au problème des œuvres indisponibles. Il faut prouver que le droit d’auteur est suffisamment flexible pour être adapté sans que ses fondements soient remis en cause.

La solution prévue par la présente proposition de loi vise à instaurer une gestion collective des droits numériques sur les œuvres indisponibles par une société de perception et de répartition des droits. Ce mécanisme nécessite une modification du code de la propriété intellectuelle ; c’est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise deux objectifs principaux.

Il s’agit, tout d’abord, d’éviter le « trou noir » que représente le XXe siècle pour la diffusion numérique des livres français en permettant à des œuvres devenues indisponibles de trouver une nouvelle vie au bénéfice des lecteurs. La proposition de loi vise à présenter une offre légale et abondante de livres numériques pour faire démarrer ce marché naissant.

Il s’agit, ensuite, de replacer les ayants droit au premier plan de la valorisation et de l’exploitation des œuvres, en évitant toute nouvelle exception au droit d’auteur. Voilà pourquoi j’ai été étonné de lire, en réaction à cette proposition de loi, que le Sénat chercherait à attenter au droit d’auteur ! Au contraire, nous voulons faire en sorte que chacun puisse accéder à des œuvres indisponibles tout en permettant aux auteurs et aux éditeurs de se réapproprier leurs droits, afin de les exploiter selon des modèles différents du commerce des nouveautés. Grâce à internet, ce système pourra trouver une pertinence et un équilibre.

Le problème que nous entendons résoudre se rencontre partout dans le monde. Aux États-Unis, Google avait espéré conclure un accord transactionnel avec les ayants droit du monde entier pour faire valider la copie, sans autorisation, des œuvres protégées conservées par les bibliothèques. Si la présente proposition de loi devait être adoptée, la France serait le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme moderne et efficace pour régler la question des œuvres indisponibles.

Mais, avant cela, il nous faudra répondre à de nombreux problèmes juridiques, dont nous ne pouvons passer sous silence la complexité. Je pense, par exemple, au fait que certaines œuvres indisponibles de notre patrimoine littéraire du XXe siècle sont orphelines. La recherche des ayants droit doit donc être réelle et active. Nous ferons un certain nombre de propositions en ce sens.

Les auteurs ont parfaitement le droit de ne pas souhaiter que leur œuvre soit numérisée, quitte à ce qu’elle ne soit plus portée à la connaissance du public. Ce désir doit être impérativement respecté. Pour autant, qu’en est-t-il de leurs ayants droit ? Cette question est plus délicate à trancher. Il est donc utile que la représentation nationale se saisisse du problème pour l’examiner.

Je pourrais m’étendre davantage sur les nombreuses difficultés que soulève ce texte. Mais il aurait sans doute été souhaitable que nous disposions d’un temps plus long pour examiner l’ensemble des questions qui posent problème. Nous abordons aujourd’hui notre discussion en l’absence du ministre de la culture, qui m’a écrit pour me dire combien il regrettait de ne pouvoir être présent parmi nous dans cet hémicycle pour participer à nos travaux. À cette occasion, qu’il me soit permis de vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir bien voulu le représenter. Quoi qu’il en soit, nous avons préféré que cette proposition de loi puisse, sans tarder, entamer son parcours législatif afin de le terminer, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, avant la suspension des travaux en séance plénière en raison de la campagne électorale.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement. Voilà pourquoi le Gouvernement a engagé la procédure accélérée !

M. Jacques Legendre. Je ne suis pas toujours favorable à cette procédure, monsieur le ministre, mais, dans le cas de figure présent, il est tout à fait bienvenu de l’avoir engagée.

La numérisation, qui ouvre des perspectives enthousiasmantes à l’ensemble des lecteurs, doit pouvoir bénéficier des ressources exceptionnelles du grand emprunt.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois très sincèrement que nous engageons aujourd’hui la mise en place d’un dispositif très important pour les auteurs, pour les éditeurs, pour les lecteurs, pour la culture et, tout simplement, pour notre pays ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes civilisations ont souvent caressé le rêve d’une bibliothèque universelle, celle qui réunirait en un seul endroit tous les savoirs et toutes les créations de l’esprit humain.

Une bibliothèque universelle, c’est un lieu de mélange et de foisonnement au service du genre humain ; c’est une incarnation monumentale parfaite de la pensée des Lumières à la portée de tous.

Ce rêve, si longtemps caressé, est à portée de main grâce à l’ère numérique qui permet de rétrécir le temps et l’espace, et de favoriser l’accès de tous à tous les livres. Néanmoins, une telle entreprise ne peut se concrétiser qu’en respectant un certain nombre de principes fondateurs de notre droit et de notre culture.

Les ouvrages anciens sont tombés dans le domaine public et leur exploitation est gratuite. Ce principe est acquis, comme l’a rappelé M. Legendre. Pour autant, ce n’est pas le cas des livres plus récents, protégés par le droit d’auteur. Cela signifie, notamment, que les auteurs doivent pouvoir profiter de leur labeur grâce à la vente de leurs créations.

La question de l’exploitation numérique des livres indisponibles est ainsi au cœur de la problématique relative au respect du droit d’auteur dans les bibliothèques numériques.

Les livres indisponibles sont entrés dans le débat public à l’occasion de la tentative d’un opérateur privé, Google, de constituer une bibliothèque numérique universelle. Le principe était le suivant : Google proposait à une grande bibliothèque de numériser gratuitement les œuvres dont elle disposait, puis la firme américaine pouvait ensuite les exploiter, en donnant accès seulement à une petite partie de l’œuvre, dans le cadre du fair use américain.

Deux problèmes se posaient : Google n’avait pas les droits sur ces œuvres et les bibliothèques ne les avaient pas non plus. Ces dernières ont bien acheté des ouvrages « papiers », mais ne peuvent pas pour autant négocier l’exploitation des droits avec un tiers, que ce soit dans un format papier ou numérique. Rappelons que ce problème n’existe pas pour les œuvres anciennes libres de droits, mais se pose évidemment avec acuité pour les livres du XXe siècle protégés par le droit d’auteur.

Il se trouve qu’une grande partie de la production intellectuelle française n’est ainsi concrètement accessible que par quelques chercheurs sous une forme imprimée à la Bibliothèque nationale de France. On ne peut se satisfaire de cet état de fait, qui n’est favorable ni aux auteurs ni aux lecteurs. Le dévoilement des œuvres participerait pleinement d’une politique d’accès de tous à la culture.

Cette situation regrettable est liée à la fois aux doutes sur les titulaires des droits numériques des œuvres et à la faible rentabilité économique d’une éventuelle exploitation numérique. En effet, l’exploitation numérique des livres du XXe siècle risque d’être peu rentable, ce qui nuit à leur numérisation, car le coût de l’entreprise est assez élevé.

Par ailleurs, admettons que l’on puisse être intéressé par l’exploitation numérique des livres, ce qui semblait être le cas de Google, encore faut-il disposer des droits. Or les droits d’exploitation numérique n’ont pas été prévus dans les contrats d’édition, contrairement aux livres édités récemment, et font l’objet de débats sans fin portant sur la qualité de leurs titulaires.

La seule chance que l’on ait de pouvoir mettre à disposition du public les œuvres indisponibles du XXe siècle est en fait de confier à un acteur unique le pouvoir d’autoriser l’exploitation des droits numériques sur les ouvrages. Cette solution permettrait de réduire un certain nombre de querelles juridiques sur les titulaires de droit et de constituer un portefeuille de droits suffisamment large pour que son exploitation soit viable.

Google a essayé de devenir cet acteur unique en négociant les droits avec les représentants des auteurs, mais le juge américain a souligné que cette exploitation ne pouvait pas être concédée contractuellement par de simples représentants des auteurs. Il a considéré qu’une telle cession appelait, en fait, l’adoption d’une loi fédérale. Aux États-Unis, comme en France, seule une loi peut opérer le transfert des droits des auteurs et des éditeurs vers un acteur unique.

La proposition de loi déposée par notre collègue Jacques Legendre vise précisément à répondre à cette problématique et à prévoir l’instauration d’une gestion collective pour l’exploitation numérique de la production éditoriale française du XXe siècle.

Le mécanisme proposé repose sur un transfert de l’exercice des droits à une société de gestion collective, gérée paritairement par des représentants des auteurs et des éditeurs. Il s’agit bien d’un transfert de l’exercice du droit d’exploitation, mais pas des droits d’auteur.

Une liste des livres indisponibles est constituée. Pendant un délai de six mois, les auteurs et les éditeurs peuvent choisir de ne pas opter pour les mécanismes de gestion collective.

L’auteur peut, de droit, refuser cette exploitation. Dans ce cas, il pourra exploiter directement l’œuvre s’il dispose des droits numériques ou négocier avec son éditeur si ces droits sont partagés.

Si l’éditeur est celui qui manifeste le désir de sortir de la gestion collective, il doit bien sûr être pleinement titulaire du droit d’exploitation numérique ou, plus probablement, le négocier avec l’auteur ; il dispose de deux ans pour mettre en place cette exploitation.

C’est donc contractuellement que la répartition des droits est fixée. À défaut d’exploitation, le livre entrera dans le champ de la gestion collective. Cela permet de protéger à la fois l’auteur, qui verra forcément son œuvre exploitée numériquement, et le public, en raison du dégel des droits d’exploitation.

Si, en revanche, les auteurs ou les éditeurs ne choisissent pas de sortir du dispositif, ils entreront de droit dans la gestion collective. Deux cas sont alors envisagés.

Le principe est que la société de gestion des droits propose l’exploitation exclusive de l’œuvre à l’éditeur initial du livre. S’il accepte, il a trois ans pour exploiter les droits. Notons que la gestion de ces droits restera alors de toute façon collective, avec une répartition des sommes fixée par la société de gestion. L’éditeur ne touchera directement que la marge du vendeur. S’il n’exploite pas le livre indisponible, son exploitation sera alors proposée à tous de manière non exclusive.

Enfin, le dernier cas est celui des œuvres pour lesquelles aucun éditeur ne détient les droits papier.

Je signale à cet égard que les informations relatives aux réels titulaires des droits, qui sont aujourd’hui connues, notamment par le Centre français d’exploitation du droit de copie, le CFC, devront être mises à disposition de la société de gestion. Dans ce cas, la société de gestion confie à un tiers, de manière non exclusive, le droit d’exploitation.

Il faut souligner qu’il sera toujours possible à l’auteur qui le souhaite de sortir du dispositif de gestion collective par une simple notification.

Quatre points méritent d’être soulignés.

Ce mécanisme ne préjuge en rien de l’épuisement éventuel du livre. Si l’auteur ou un ayant droit fait constater l’épuisement en application des dispositions existantes du code de la propriété intellectuelle, il récupérera l’intégralité des droits sur l’ouvrage.

De même, le droit moral de l’auteur n’est absolument pas remis en cause. Le droit de retrait est notamment maintenu à tout moment.

Ce mécanisme traite de la question de l’exploitation des œuvres orphelines du XXe siècle, parce qu’elles sont pour la plupart incluses dans les œuvres indisponibles. Le système prévoit que c’est à la société de gestion collective d’autoriser l’exploitation numérique desdites œuvres : elle récupérera donc les droits au nom des auteurs ou ayants droit inconnus. La société ne sera agréée par l’État que si elle met en œuvre des moyens d’identification des titulaires de droits. Les œuvres orphelines postérieures à 2000 ne sont pas concernées et leur cas pourrait être traité à l’occasion de la transposition de la directive européenne sur les œuvres orphelines actuellement en préparation.

Enfin, je tiens à souligner que des situations de gestion collective existent déjà dans le domaine du livre en France avec la SOFIA, la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit, et le CFC.

Le mécanisme est donc très intéressant dans son principe et devrait permettre d’ouvrir enfin l’accès aux œuvres du XXe siècle qui ne sont plus exploitées sous forme imprimée.

La question juridique des titulaires des droits est bien traitée. Le modèle économique sous-jacent devrait permettre une numérisation rapide, notamment en profitant du grand emprunt et de l’accord passé entre le ministère, la BNF, la Société des gens de lettres, le Commissariat général à l’investissement et le Syndicat national de l’édition.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Toutefois, des questions se posent encore. La commission, qui n’a pas adopté de texte la semaine dernière, a donc choisi, sur ma proposition, de modifier la proposition de loi de M. Legendre par de nombreux amendements.

Ces amendements sont guidés par trois objectifs.

Le premier est la protection des auteurs, qui est une règle intangible pour la commission de la culture. La commission a ainsi adopté des amendements tendant à la fois au renforcement de la publicité faite à la liste des livres indisponibles et à une amélioration des conditions d’opposition des auteurs à l’inscription de leurs œuvres sur cette liste. Certains de ces amendements visent même à faciliter le retrait de ces livres après leur inscription sur la liste.

Le deuxième objectif est la protection de l’ensemble des ayants droit au travers de propositions sur les livres indisponibles dont on ne connaît pas les auteurs. La commission souhaite ainsi que la société de gestion collective mène des recherches avérées et sérieuses, sous l’œil attentif d’un commissaire du Gouvernement, qui devra être le garant de l’effectivité de ces recherches.

Le troisième objectif est la promotion de l’accès de tous à toutes les œuvres. À cette fin, la commission a estimé que les livres qui ont fait l’objet de dix années de recherches avérées et sérieuses et pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé devaient être exploités et diffusés gratuitement, notamment par les bibliothèques. Il s’agit d’un mécanisme équilibré dans son principe, qui garantit à la fois le respect du droit d’auteur et celui du public d’avoir accès aux œuvres.

Je ne doute pas un instant que vous adhérerez à ces principes.

Je souhaite, par ailleurs, saluer la créativité de mes collègues sur ce texte ; certains de leurs amendements ayant reçu un accueil très favorable de la commission, on peut espérer que vous nous suivrez là encore.

Enfin, je tiens à saluer le travail de M. Jacques Legendre, qui a proposé ce texte pour le bien commun et dans un esprit de rassemblement. Pour ma part, je suis fière d’avoir participé à la construction de ce projet d’avenir passionnant.

C’est dans un esprit consensuel et constructif que la commission a travaillé et qu’elle vous propose d’adopter ce texte, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser le ministre de la culture, qui, à son grand regret, ne peut être présent aujourd'hui au Sénat du fait d’un déplacement à Rome prévu de longue date et qui n’a pu être reporté. Ce déplacement doit notamment lui permettre de signer avec son homologue italien une convention de la plus haute importance pour la collaboration dans le domaine de la culture entre nos deux pays.

Pour ma part, je me réjouis d’exprimer la position du Gouvernement sur une proposition de loi qui permettra de redonner vie, par une nouvelle exploitation numérique, à une grande partie de la production éditoriale du XXe siècle, devenue difficilement accessible.

Déposée dans les mêmes termes par Jacques Legendre au Sénat et Hervé Gaymard à l’Assemblée nationale, rapportée à la Haute Assemblée par Bariza Khiari, cette proposition de loi me paraît, dans son principe, susciter des positions convergentes et positives de la part des différentes composantes politiques de votre assemblée.

Ayant eu l’occasion d’étudier ces sujets quand je présidais la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, je leur porte un grand intérêt.

Les représentants de tous les groupes de votre assemblée se sont plongés dans ce sujet si essentiel pour l’avenir du livre. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de Marie-Annick Duchêne, qui fera tout à l’heure sa première intervention dans l’hémicycle au nom de son groupe et qui a demandé également l’inscription de ce texte à l’ordre du jour.

Je souhaite que le dialogue constructif engagé entre les différentes sensibilités de l’hémicycle puisse aboutir à un texte équilibré, qui satisfasse aussi bien les auteurs et les éditeurs que les lecteurs.

Un esprit positif a présidé depuis deux ans aux discussions entre auteurs et éditeurs sur ce texte très attendu – c’est en tout cas ce que m’a affirmé Frédéric Mitterrand –, ce qui explique son caractère parfaitement consensuel entre ces deux parties. Le consensus ira-t-il jusqu’aux deux assemblées ? Je le souhaite de tout cœur.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’adapter le droit à la modernité sans en remettre en cause les principes fondateurs. Cela ne doit pas être impossible dans un climat de consensus.

Je tiens d'ailleurs à remercier Mme la rapporteure et l’ensemble de la commission du travail extrêmement positif accompli par ses membres, qui nous a permis de totalement surmonter les différences d’appréciation existant entre nous. Nous avons globalement trouvé un accord, puisque, sur les trente-cinq amendements déposés, le Gouvernement s’est déclaré favorable à vingt-six d’entre eux, ce qui n’est pas si mal, et qui prouve combien le travail engagé a été positif.

Le bon climat qui a prévalu afin – je l’espère – que ce texte aboutisse nous a conduits, en accord avec Mme la rapporteure, à engager la procédure accélérée. En effet, si vous voulez avoir la certitude que ce texte sera définitivement voté avant la fin de la législature, le 22 février 2012, nous devons, compte tenu de la multitude de textes qu’il reste encore à examiner, recourir à cette procédure. Je vous remercie d’en avoir accepté le principe compte tenu du peu de temps utile qu’il nous reste avant la suspension des travaux parlementaires.

L’Assemblée nationale risque de ne pouvoir se saisir de ce texte avant la fin du mois de janvier 2012, ce qui justifie encore plus la méthode que je viens d’indiquer.

Cette proposition de loi répond aux objectifs que nous souhaitons atteindre en matière de politique culturelle à l’ère numérique : développer une offre légale abondante de contenus culturels accessibles en ligne dans des conditions respectueuses du droit d’auteur et encourager le développement durable du marché du livre numérique.

En effet, si internet offre des perspectives inédites pour la diffusion des connaissances et de la création, le maintien et la promotion de la diversité culturelle sur les réseaux exigent des efforts, de la part des États, pour assurer la présence de corpus de textes variés dans des langues autres que l’anglais.

La France a joué un rôle de précurseur en Europe pour l’élaboration de politiques publiques de numérisation, fondées sur une intervention volontariste des États. Elle a alloué des fonds importants à des programmes de numérisation des imprimés du domaine public et des collections les plus contemporaines.

Cependant, les œuvres du XXe siècle, toujours protégées par le droit d’auteur, n’ont à ce jour fait l’objet d’aucun projet ambitieux de numérisation. Cette situation est due aux difficultés particulières que soulèvent ces œuvres. D’une part, en effet, la titularité des droits numériques est très difficile à établir, car, jusqu’à une date récente, les contrats d’éditeurs ne prévoyaient pas de façon suffisamment explicite d’autres modes d’exploitation que celui de l’imprimé. D’autre part, les perspectives de retour sur investissement de la numérisation de ces œuvres par les éditeurs sont très difficiles à établir et rendent ce type d’entreprise très risqué. Il est donc nécessaire de nous adapter aux progrès du numérique.

La question est d’importance, car ces livres devenus indisponibles dans le commerce de librairie représentent un corpus considérable, de 500 000 à 700 000 titres, selon des estimations grossières. C’est autant que les références aujourd’hui commercialisées par les éditeurs. Une bonne partie de notre patrimoine éditorial du XXe siècle échappe ainsi à toute valorisation numérique.

La proposition de loi de M. Legendre permet de résoudre la difficulté principale liée à la titularité des droits par l’établissement d’une gestion collective des droits numériques pour les œuvres indisponibles du XXe siècle.

À l’inverse des modèles fondés sur la gratuité de l’accès, qui opèrent une rupture brutale avec le système d’autorisation prévu par la législation sur le droit d’auteur, le système de gestion collective envisagé dans cette proposition de loi, contrairement à ce que l’on entend, permet de respecter les grands principes du droit d’auteur : le droit de propriété des ayants droit est préservé, ceux-ci ont la possibilité de sortir de la gestion collective et leur rémunération est assurée en cas d’exploitation de l’œuvre. Les auteurs et les éditeurs pourront ainsi se réapproprier leurs droits sur les œuvres indisponibles et décider de leur exploitation numérique.

Le Gouvernement est favorable à cette orientation, car, de manière générale, il est très attaché au fait que les ayants droit soient placés au premier plan de la valorisation et de l’exploitation numérique des œuvres. En effet, il est opportun de favoriser le développement d’une économie numérique dans laquelle les acteurs de la création conservent le contrôle de l’exploitation des œuvres. C’est le sens de la loi du 26 mai 2011 sur le prix du livre numérique.

La gestion collective est le premier pilier de la réponse apportée au problème complexe posé par la réexploitation des œuvres devenues indisponibles. Cette étape est indispensable. L’impossibilité de numériser ces livres en raison du caractère mal établi des droits qui y sont attachés est, en effet, incompréhensible pour la grande majorité des lecteurs ; ces derniers, habitués aujourd’hui par l’internet à bénéficier d’un accès global à toutes les œuvres, ne peuvent comprendre ni accepter de voir l’offre numérique bridée pour d’obscures raisons. Par conséquent, la création d’un mécanisme innovant permettant de régler la question des droits évitera que ces œuvres ne fassent l’objet d’appropriations privées incompatibles avec le droit d’auteur, voire de piratage, et ce au bénéfice du développement de l’offre légale.

Néanmoins, la gestion collective ne suffit pas à garantir à elle seule l’accès à ce corpus. Encore faut-il que les livres puissent être numérisés. Comme le nombre de références se compte en centaines de milliers, l’entreprise de numérisation est de niveau industriel et nécessite des moyens financiers et humains qui dépassent la capacité de nos acteurs économiques nationaux, fussent-ils de la taille de nos grands groupes d’édition.

Pour donner la garantie que les livres indisponibles au format imprimé redeviennent accessibles au format numérique, il fallait accoter la gestion collective à un ambitieux volet financier ; nous avons proposé à cette fin d’articuler cette réforme du code de la propriété intellectuelle au volet numérique des investissements d’avenir et de l’emprunt national. C’est le second pilier du projet, qui apparaît ainsi dans toute sa cohérence.

C’est pourquoi, parallèlement aux négociations menées entre auteurs et éditeurs sur le terrain des droits, d’importantes discussions ont été poursuivies avec M. René Ricol, le commissaire général à l’investissement, afin d’articuler les deux aspects de ce projet. Un protocole d’accord a été signé le 1er février 2011 entre toutes les parties prenantes – auteurs, éditeurs, BNF, ministère de la culture et de la communication, Commissariat général à l’investissement – afin d’assurer la viabilité économique et financière de l’entreprise.

Le recours aux investissements d’avenir pour asseoir ce projet sur le long terme présente de nombreux avantages. Cela est parfaitement cohérent avec la stratégie affichée par le ministère de la culture et de la communication en matière de numérisation.

Je rappelle, tout d’abord, que les livres concernés sont particuliers : ils sont toujours protégés par le droit d’auteur, mais ils ne sont plus disponibles que pour les usagers des bibliothèques publiques et, plus spécialement, pour les lecteurs de la Bibliothèque nationale de France, qui les conserve tous puisqu’elle bénéficie du dépôt légal. Il s’agit donc de livres à mi-chemin entre les livres de notre patrimoine et ceux qui sont commercialisés. La bonne approche pour numériser et diffuser ce corpus est donc le partenariat public-privé ; les investissements d’avenir offrent un cadre adapté à ce partenariat.

Je précise, ensuite, qu’un tel mécanisme donne un rôle central à la Bibliothèque nationale de France, qui est une cheville ouvrière essentielle du projet. À l’heure où la constitution de vastes bibliothèques numériques devient un enjeu culturel de première importance, notre grande institution nationale trouve là un moyen de prendre une avance considérable en la matière. Ce projet lui donne les moyens légaux et financiers de procéder sur le long terme à la numérisation d’une partie très importante de ses collections, alors qu’elle était jusqu’à présent limitée au domaine public.

Grâce au projet des œuvres indisponibles et aux crédits alloués chaque année par l’État à la numérisation du patrimoine de la BNF, la bibliothèque numérique Gallica pourra devenir la base de données la plus complète au monde en références françaises, en donnant accès à toute notre production éditoriale, de l’invention du livre imprimé jusqu’à la fin du XXe siècle. Nous pouvons nous féliciter d’avoir obtenu ce remarquable résultat pour les lecteurs du monde entier, car, rappelons-le, ce projet leur est avant tout destiné.

La constitution d’un partenariat public-privé, s’il donne un rôle important à la BNF pour la numérisation et l’exposition des œuvres, doit reposer, du côté privé, sur l’acteur naturel de l’exploitation des livres, qu’ils soient imprimés ou numériques, à savoir l’éditeur. À cet égard, le droit de préférence accordé à l’éditeur d’origine dans la proposition de loi semble parfaitement légitime. Non seulement ce droit de préférence permet d’éviter que ne survienne une dépossession totale des œuvres au profit de grands opérateurs de l’internet, mais il remplit aussi une fonction pédagogique en confiant une responsabilité particulière aux éditeurs qui devrait les inciter à jouer pleinement leur rôle dans l’économie numérique.

Actuellement, les modèles économiques s’inventent encore. Les bibliothèques voudraient, à raison, que les éditeurs leur fassent d’autres propositions sur le numérique. Les œuvres indisponibles permettront aux éditeurs d’explorer des modèles novateurs pour proposer des offres intéressantes aux bibliothèques.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les livres deviennent indisponibles en raison de l’irrationalité économique pour l’éditeur à envisager une réédition en version papier, compte tenu des faibles perspectives de ventes attendues. Or le numérique, grâce à des coûts de diffusion peu élevés, offre une opportunité d’envisager une nouvelle diffusion de ces œuvres. Dans ce cadre, il est légitime de permettre aux éditeurs d’origine d’assurer, s’ils le souhaitent, cette nouvelle diffusion. Par exemple, et je pense que vous serez d’accord avec moi, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’imaginerais pas de voir les anciens livres du catalogue Gallimard être diffusés par un opérateur tiers.

Madame la rapporteure, nous en avons discuté ensemble avant-hier, il y a un accord parfait entre le Gouvernement et la commission sur ce point, comme d’ailleurs sur la quasi-totalité des amendements que vous avez déposés.

Le seul point de nuance qui pourrait subsister entre nous est relatif à votre préoccupation d’imposer le principe d’une exploitation exclusivement gratuite pour les œuvres dont la société de gestion collective n’aurait pas retrouvé les auteurs au terme d’une période de dix ans.

Le problème ne porte pas sur le fond, car vous soulevez une question importante avec cet amendement, dont le Gouvernement reconnaît l’esprit généreux et objectif ; nous ne sommes d’ailleurs pas en désaccord avec les perspectives que vous proposez. Cependant, nous craignons les effets collatéraux négatifs que cet amendement pourrait engendrer, car l’interdiction de percevoir une rémunération n’est pas de nature à encourager l’exploitation et la diffusion de ces œuvres, y compris d’ailleurs sous des formes innovantes, telles que des bouquets thématiques ou des corpus éditorialisés, alors que c’est l’objet même de la proposition de loi.

S’agissant d’œuvres encore sous droits et dont on connaît l’éditeur, cette interdiction soulève également une difficulté majeure au regard des principes du droit d’auteur. À cela, s’ajoute le fait que ces livres seraient paradoxalement soumis à un régime plus strict que ceux tombés dans le domaine public, qui peuvent faire l’objet d’exploitation marchande et permettre d’apporter des ressources propres aux bibliothèques.

Madame la rapporteure, je veux être clair avec vous avant que nous ne commencions à discuter des amendements : nous sommes d’accord presque sur tout, mais le Gouvernement a de fortes interrogations sur le point que je viens de soulever. J’espère que les travaux des deux assemblées permettront d’avancer sur cette question.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi enfin de m’exprimer sur un autre sujet évoqué lors des débats au sein de la commission de la culture. En effet, la proposition de loi de M. Legendre, qui, je le rappelle, constitue une solution exceptionnelle à un problème lui-même exceptionnel, entre en résonance avec la question du contrat d’édition à l’ère numérique.

À cet égard, je souhaite préciser que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui ne permet pas d’apporter de réponse à l’importante question qui est celle de l’adaptation du code de la propriété intellectuelle, plus spécialement des dispositions relatives au contrat d’édition, à l’univers de la diffusion numérique. Il s’agit non pas de trouver une solution à l’équilibre du contrat liant un auteur à un éditeur pour la diffusion numérique des œuvres, mais d’apporter une réponse à l’exploitation des œuvres du XXe siècle devenues indisponibles, c’est-à-dire à un problème circonscrit et à un corpus d’œuvres fini dans le temps, qui, au demeurant, s’amenuise chaque année, des titres tombant dans le domaine public.

La question plus générale du contrat d’édition et de son adaptation au numérique fait l’objet d’une réflexion spécifique de la part du ministère de la culture, à laquelle est associé le Parlement, dans le cadre d’une commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique : il importe que la réflexion à ce sujet puisse se poursuivre dans ce cadre et aboutir à des conclusions.

Je dois dire à cet égard que les travaux de ce groupe avancent très correctement et que les deux années de discussion entre auteurs et éditeurs sur les œuvres indisponibles ont eu incontestablement des vertus pédagogiques : elles ont permis aux parties d’échanger de manière constructive sur les modalités d’exploitation des nouveaux livres numériques.

Pour conclure, je tiens à souligner de nouveau l’intérêt du Gouvernement pour la proposition de loi de M. Legendre : elle devrait permettre aux signataires du protocole d’accord du 1er février 2011 de travailler à la mise en place d’un modèle soutenable pour un projet industriel lourd qui contribuera significativement au développement de l’économie numérique dans notre pays et à la présence des contenus culturels et scientifiques français sur internet.

Nous avons travaillé dans un climat harmonieux pour faire évoluer la loi dans un sens tout à fait positif, ce qui est tout à l’honneur du Gouvernement et du Parlement.

II est incontestable que, avec ce dispositif, suivi de près par la Commission européenne, notre pays aura accompli un pas décisif pour adapter le droit d’auteur, dans un contexte consensuel, au plein développement d’une économie numérique de la créativité et de l’innovation. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le livre numérique représente une véritable opportunité culturelle. Il porte en lui l’espoir d’une diffusion plus large des savoirs et d’un accès universel à la culture par la révolution de ses modes d’élaboration et de diffusion. Il n’en reste pas moins porteur de danger, car ce mythe d’universalité s’accompagne de la tentation de la gratuité, ce qui soulève la question de l’équilibre entre les droits d’auteur et l’accès du public à la culture.

La numérisation des livres est devenue une nécessité, sans quoi une partie des livres pourrait sombrer dans l’oubli, mais elle doit s’effectuer dans les conditions nécessaires au respect des droits moraux et patrimoniaux des artistes. La numérisation des œuvres épuisées est, à ce titre, un enjeu fondamental. Elle constitue un obstacle aux grands projets de numérisation, tels que le portail du patrimoine culturel Europeana, ainsi qu’à la numérisation des collections des bibliothèques.

Ces œuvres n’en sont pas moins porteuses de potentiel économique : rien qu’en France, on estime qu’elles sont au nombre de 500 000, voire de 700 000 si l’on retient le chiffre avancé par M. le ministre. Google l’a d’ailleurs bien compris. Avec Google Books, ont été effectuées des tentatives de numérisation massive de ces œuvres, sans qu’ait été recueilli au préalable le consentement des ayants droit ou que des recherches aient été effectuées si ces derniers sont inconnus, afin de les commercialiser. Avec le système dit de l’opt out, il reviendrait aux titulaires de s’y opposer. Or ce système a été condamné par le juge américain comme attentatoire aux fondements du droit d’auteur.

À la suite des procès Google, des réflexions se sont donc engagées pour trouver des modèles juridiques et économiques permettant de numériser les œuvres épuisées sous droits. La Commission européenne a adopté, le 24 mai 2011, une proposition de directive européenne sur les seules œuvres orphelines : une bibliothèque, un musée, des archives seront chargés d’effectuer une recherche approfondie pour retrouver le détenteur du droit d’auteur avant de produire une version numérique. Si le détenteur du droit ne peut être identifié ou localisé, l’œuvre pourra être mise en ligne sans autorisation préalable, jusqu’à ce que le propriétaire soit identifié et retrouvé.

Cette proposition de loi vise donc à résoudre la question plus vaste de la numérisation des œuvres dites « indisponibles », faisant suite à l’accord-cadre signé le 1er février 2011 par le ministre, la Société des gens de lettres et le Syndicat national de l’édition. Cette proposition de loi est souhaitable, mais elle nous semble devoir être précisée sur certains aspects.

La notion d’œuvres indisponibles est assez imprécise. La proposition de loi crée une nouvelle notion, alors qu’existe dans le code celle d’œuvres épuisées. Quand une œuvre est épuisée, l’éditeur est considéré comme ayant manqué à l’une des obligations découlant des contrats d’édition : l’exploitation permanente et suivie, ce qui peut entraîner la résiliation du contrat à la demande de l’auteur et le retour de ses droits. Cette nouvelle définition de livre « indisponible » pourrait être un obstacle à la procédure de récupération des droits par l’auteur au titre du manquement par l’éditeur à ses obligations de diffusion de l’œuvre.

Par ailleurs, si la proposition de loi entend par œuvres indisponibles les œuvres sous droits non disponibles commercialement, elle englobe des œuvres orphelines sans pour autant les traiter spécifiquement. La loi doit pourtant définir cette notion. En l’absence de définition, un régime unique s’applique, excluant la recherche des ayants droit des œuvres orphelines que le projet de directive européenne prévoit pourtant.

Notons également que la proposition de loi s’inscrit dans la logique de l’opt out, au titre duquel Google a été condamné : l’autorisation préalable des auteurs n’est pas requise, mais ces derniers ont la possibilité de demander le retrait a posteriori. Les garanties accordées aux auteurs sont insuffisantes. Alors qu’aucun accord préalable de l’auteur ni de l’éditeur n’est requis, ils ne disposent que de six mois pour s’opposer.

Il est intéressant de mettre ce dispositif en parallèle avec le droit de représentation, qui est actuellement encadré par l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel la numérisation d’une œuvre pour sa communication au public doit obtenir le consentement exprès de l’auteur. Cette proposition de loi crée donc une exception.

Quant aux œuvres orphelines, alors qu’aucune recherche préalable des ayants droit n’est effectuée, ces derniers ne peuvent par définition s’y opposer. Le délai de six mois nous semble donc insuffisant, d’autant que les auteurs et les éditeurs ne sont pas informés de l’inscription au registre. Il leur appartient de s’en informer pour pouvoir éventuellement exercer, par la suite, leur droit d’opposition à la reproduction de l’œuvre par la société de gestion collective.

Ce faisant, la proposition de loi favorise les éditeurs au détriment des auteurs : il est de fait plus facile pour eux de suivre les inscriptions au registre. Si la Société des gens de lettres affirme qu’elle prendra en charge l’information de ces auteurs, cela n’est pas obligatoire et ne couvre en aucun cas tous les auteurs. Ce déséquilibre d’information entraîne la possibilité de récupération d’un droit d’exclusivité sur une œuvre perdu par l’éditeur. Cela donne de fait des droits numériques à l’éditeur avec qui a été passé un contrat d’exploitation à l’origine imprimée.

Si les contrats d’édition ne le prévoient pas, l’auteur doit être consulté et avoir la possibilité de conclure un contrat d’édition numérique avec un autre éditeur. Il ne faudrait pas en effet que la proposition de loi devienne un obstacle à la procédure de récupération des droits de l’auteur par une reconduction automatique des contrats d’édition.

Enfin, l’auteur possède un droit de repentir ou de retrait qui lui permet de faire cesser l’exploitation de son œuvre ou des droits cédés, à condition d’indemniser l’éditeur. Ce droit doit pouvoir être exercé par l’auteur sur ces œuvres numériques. De même, l’auteur doit pouvoir disposer d’un droit à l’oubli qui lui permet de refuser la numérisation de son œuvre, sans conditions.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi est effectivement utile. Elle trouve une solution à la numérisation massive des œuvres du XXe siècle sous droits et indisponibles.

Toutefois, je l’ai dit, elle présente à ce jour et en l’état quelques insuffisances qu’il nous faut combler. Elle est en effet au carrefour des auteurs, des éditeurs et des lecteurs. C’est pourquoi nous la voterons, à condition que les amendements relatifs aux œuvres orphelines et au renforcement de la protection des auteurs soient adoptés, ce que laisse présager l’avis favorable donné par la commission aux différents amendements proposés par la rapporteure.

Néanmoins, une question demeure. À la suite des procès Google, des accords de numérisation ont finalement été conclus entre l’entreprise et de grands éditeurs français. Nous devons donc nous interroger sur la portée de la future loi, et nous resterons vigilants pour éviter son contournement par des accords de ce type. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est d’une grande importance : s’il est fondamental sur le plan juridique, il contribuera également de façon significative à l’élargissement de ce qu’il est convenu d’appeler « la société de la connaissance ».

Ce texte est de son temps, dans son temps et pour demain, car il montre la capacité de notre société à répondre aux défis posés par les nouvelles technologies de la communication.

J’adresse mes compliments à Jacques Legendre, qui est à l’origine de cette proposition de loi. Je veux également féliciter notre excellente collègue Bariza Khiari de la qualité de son rapport et de son implication personnelle,…

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Merci !

M. Jean-Pierre Plancade. … ainsi que l’ensemble de nos collègues, qui, depuis longtemps et avec beaucoup de compétence, sont attentifs à l’évolution de notre société.

C’est dans l’observation du comportement culturel de chacun que l’on peut percevoir les mouvements de demain ; cette proposition de loi en est l’illustration.

Quel est l’objet de ce texte ? Je serai bref, puisque cela a déjà été longuement développé.

La proposition de loi vient combler un vide juridique dommageable relatif à la production éditoriale du XXe siècle. En effet, au contraire des textes publiés jusqu’au XIXe siècle, qui appartiennent au domaine public, et de ceux publiés à partir du XXIe siècle, dont les contrats d’édition incluent en règle générale des dispositions relatives à leur version numérique, la majorité des œuvres du XXe siècle ne peuvent, en l’état du droit, faire l’objet d’une numérisation systématique.

Cela concerne évidemment un grand nombre de livres. Si les chiffres que j’ai entendus diffèrent, entre 500 000 et 800 000 ouvrages sont concernés. À cet égard, le chiffre de 500 000, qu’a évoqué tout à l'heure Jacques Legendre, est déjà considérable.

M. Patrick Ollier, ministre. Énorme, même !

M. Jean-Pierre Plancade. Comme aurait pu le dire M. de La Palice, les livres sont faits pour être lus ; ils sont faits pour être diffusés et pour être échangés. C’est pour cette raison que, en proposant de faciliter la numérisation des livres du XXe siècle, et par suite leur diffusion, le présent texte contribue à combler un vide juridique, répondant ainsi à un véritable besoin. Comme le rappelle notre collègue Bariza Khiari dans son rapport, 57 % des livres publiés depuis 1900 seraient actuellement épuisés ou orphelins.

En outre, les récentes initiatives de Google pour pénétrer avec force le marché de la numérisation montrent à quel point il est urgent que le législateur réglemente ce secteur pour préserver la gestion de notre patrimoine littéraire. À cet égard, le texte propose des solutions appropriées, adaptées, souples et équilibrées, qui s’inscrivent dans la lignée des positions traditionnellement défendues par notre commission.

Je pense tout d’abord à la constitution d’une base de données numériques de la production éditoriale du XXe siècle.

Je pense ensuite à la société de perception et de répartition des droits. Il est à mon avis important de confier la gestion concrète des droits d’auteur à une structure de ce type, plutôt qu’à une simple entreprise privée, qui pourrait être partie prenante. De surcroît, cela a été dit, le mode de gestion retenu – collectif et paritaire – et la souplesse des mécanismes envisagés offrent les garanties nécessaires à la protection effective des droits d’auteur.

De manière plus générale, la proposition de loi prévoit plusieurs mesures visant à protéger ces derniers. Comme M. Legendre l’a rappelé, cela répond à un souci exprimé depuis longtemps et de manière constante au sein de la commission.

M. Jacques Legendre. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Plancade. Par ailleurs, je souligne que le texte ne laisse pas de côté la question des œuvres dites « orphelines » ; au contraire, il propose des mesures concrètes incitant à la recherche active des ayants droit. Là encore, on pense à la question similaire des œuvres visuelles orphelines, que notre commission a d'ores et déjà traitée.

En outre, la proposition de loi prévoit qu’une partie des financements dégagés sera affectée à des actions de promotion, en particulier de la lecture ; on ne peut que s’en réjouir.

Avant de conclure, je rappelle brièvement que la proposition de loi fait suite à plusieurs projets de numérisation en cours : les appels d’offres pour la valorisation de la numérisation des contenus culturels, scientifiques et éducatifs, dotés de 750 millions d’euros dans le programme « Investissements d’avenir », ou encore l’accord passé le 1er février dernier entre le ministère de la culture et de la communication et d’autres partenaires, dont la BNF et la Société des gens de lettres, pour mener conjointement la numérisation de 500 000 ouvrages sur cinq ans.

En réalité, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte n’est pas simplement juridique ; il est avant tout une réponse politique commune, d’abord, de notre commission et, je l’espère, dans quelques instants, du Sénat : il traduit notre volonté de maîtriser, de diffuser et de rendre accessible au plus grand nombre notre patrimoine littéraire pour, comme cela a été dit, préserver les intérêts particuliers, mais surtout dans des conditions répondant à l’intérêt général.

C'est la raison pour laquelle notre groupe votera ce texte, modifié par les amendements qui seront ensuite présentés. Il serait dommage d’échouer à cause d’un petit amendement nécessitant une réflexion plus poussée.

Monsieur le ministre, j’ai été très sensible à votre souhait de déclarer la procédure accélérée sur ce texte ; je fais partie de ceux qui sont très attachés à cette proposition de loi et qui voudraient la voir aboutir avant la fin de la législature. (Applaudissements.)

M. Jacques Legendre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.

Mme Marie-Annick Duchêne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exploitation numérique des livres est devenue une réalité de notre monde moderne, même si la part de marché des livres numériques est, aujourd’hui encore, faible en France. En effet, selon le Syndicat national de l’édition, le marché du livre numérique représentait, à la fin de l’année 2010, 1,8 % du chiffre d’affaires de l’édition.

Mais l’essor de l’offre d’appareils, avec des prix de plus en plus réduits, l’amélioration des technologies, qui rend les outils de lecture numérique de plus en plus maniables et agréables à utiliser, de même que l’arrivée des leaders mondiaux sur le marché français, avec leurs moyens publicitaires et leur culture de l’information de masse, pourraient contribuer à l’envol du marché des livres numériques à un horizon que nous espérons proche.

Parallèlement, le Président de la République a confirmé la baisse, à compter du 1er janvier 2012, de la TVA sur le livre numérique au taux réduit de 7 %, pour l’harmoniser avec le taux applicable au livre papier. Cette mesure contribuera également à faire grandir l’intérêt des consommateurs pour le numérique.

À ce jour, toute une partie des œuvres de notre patrimoine culturel ne peut pas être rendue accessible en version numérique. Pour être précis, il s’agit de livres sous droits indisponibles du XXe siècle, mais pas de tous les livres de cette époque. En effet, certains livres du début du XXe siècle sont déjà tombés dans le domaine public, tandis que d’autres sont encore commercialisés ; je pense en particulier aux classiques et au fonds de référence.

C’est d’autant plus regrettable que de très nombreux livres du XXe siècle n’ont pas été réédités pour des raisons de rentabilité et ne sont donc disponibles que dans les bibliothèques. Monsieur Legendre, vous l’avez dit : la numérisation peut offrir à ces livres une seconde vie.

N’oublions pas non plus que, d’une part, les œuvres antérieures au XXe siècle sont tombées dans le domaine public – plusieurs d’entre nous l’ont rappelé – et que, d’autre part, les œuvres postérieures sont désormais éditées directement, la question de leur accessibilité numérique ayant été réglée.

Comme l’a déclaré M. Legendre, le XXe siècle fut une période d’intense activité créatrice ; il a enrichi de manière non négligeable notre patrimoine littéraire. Il serait donc dommage que, en n’ayant pas recours au numérique, nous laissions dans un vide culturel un très grand nombre d’ouvrages publiés au cours d’un siècle et, ainsi, que nous entravions l’accès de tous à la culture.

Fidèle à ses traditions, la France mène une politique qui allie préservation de notre culture littéraire et ouverture à une nécessaire modernité. Ce pas vers le futur, il nous faut le franchir pour promouvoir le rayonnement national et international de nos œuvres.

Notre pays a su se positionner tôt sur cette voie, par la numérisation des contenus culturels. Je veux parler, comme d’autres l’ont fait avant moi, du programme Gallica de la Bibliothèque nationale de France, qui représente actuellement 1,5 million de documents numérisés. Ce programme propose non seulement des livres tombés dans le domaine public, mais aussi 60 000 autres livres disponibles à la vente via des librairies en ligne.

Mais la France est aussi et surtout très attachée à la protection des droits des auteurs, comme nous l’avons évoqué longuement ce matin en commission. C’est pourquoi le dispositif présenté par la proposition de loi apporte diverses garanties pour respecter la volonté des auteurs.

Je ne reviendrai pas sur tous les aspects techniques du dispositif ; Mme la rapporteure les a évoqués. Je veux surtout insister sur les équilibres trouvés.

Pour les éditeurs, la solution juridique actuelle concernant les œuvres indisponibles serait de revoir les contrats anciens, afin de les adapter aux besoins numériques. Cependant, nous convenons tous que cela n’est pas réalisable, que ce soit en termes de coût ou de temps. Par conséquent, il ne s’agirait pas d’une solution satisfaisante.

La réponse qui nous est proposée par M. Jacques Legendre consiste à créer un mécanisme de gestion collective pour l’exploitation des droits numériques sur les œuvres indisponibles du XXe siècle. Un tel mécanisme est déjà connu du domaine des droits d’auteur, dans le cadre de la reproduction par photocopie notamment, ou dans celui de la gestion des droits des auteurs, lorsque le livre est mis à la disposition du public en bibliothèque.

La proposition de loi permet un transfert des droits à une société de perception et de répartition des droits, agréée par le ministre chargé de la culture. Cette société bénéficierait uniquement du transfert de l’exercice des droits et non d’une cession légale des droits. La société serait gérée paritairement par les représentants des auteurs et des éditeurs, ce qui représente une garantie de protection des intérêts des auteurs.

Le système serait le suivant : d’abord, une liste des livres indisponibles devra être constituée ; ensuite, une période de six mois s’ouvrira, pendant laquelle les auteurs et les éditeurs titulaires des droits pourront choisir s’ils veulent ou non demeurer dans ce mécanisme de gestion collective. C’est le point le plus important : le dispositif instauré dans le cadre de la proposition de loi s’attache à garantir un droit d’opposition et de retrait de l’auteur ou de l’éditeur, aux différents moments du processus, à condition qu’il soit titulaire des droits sur l’œuvre. La société de gestion collective gérera donc les droits si, et seulement si, les auteurs ou les éditeurs le permettent.

Il est expressément prévu que le dispositif ne pourra concerner que certaines œuvres. Celles-ci devront avoir fait l’objet d’une publication sous forme de livre, avant le 31 décembre 2000, faire l’objet d’une indisponibilité de nature commerciale et, enfin, être inscrites sur un répertoire public. J’ajoute que pèsera sur la société de gestion une obligation de moyens pour rechercher et identifier les titulaires de droits dans le cas des œuvres dites « orphelines », dès que l’exploitation des droits aura produit certains revenus, car, nous le savons bien, dès qu’apparaîtra une perspective de revenus, les œuvres peuvent ne pas rester longtemps orphelines.

À ce sujet, je souscris à l’amendement présenté par notre rapporteure tendant à ce qu’une partie des fonds ne pouvant être répartis par la société de gestion puisse être consacrée à l’aide à la lecture publique ou à tout organisme favorisant la lecture.

La littérature fait partie du patrimoine culturel français. Nous devons à la fois poursuivre un but de préservation et de diffusion de notre richesse littéraire, tout en assurant la protection efficiente des droits des auteurs et éditeurs d’œuvres encore protégées. Par conséquent, nous voulons éviter, par ce dispositif de gestion collective, que ne se développe un contentieux, et nous entendons protéger les droits des auteurs et des éditeurs de l’action de ceux qui seront tentés de se lancer dans la numérisation de ces œuvres. Les chiffres avancés par les professionnels semblent pour le moment confirmer une tendance : aux États-Unis, par exemple, l’essor du livre numérique, qui est déjà développé, « cannibalise » une partie du livre physique, la perte du chiffre d’affaires du livre physique n’étant pas compensée par l’augmentation de celui de l’édition numérique.

Enfin, je tiens à souligner que nous ferions aussi œuvre créatrice en adoptant ce dispositif, puisque la France innoverait en étant le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme contemporain pour répondre à la problématique des œuvres indisponibles.

Notre groupe salue cette initiative et se réjouit qu’elle réunisse un large consensus au sein de la commission de la culture, qui s’est approprié ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au dynamisme des acteurs privés, que je ne veux pas diaboliser, la puissance publique doit prendre sa juste place dans la mise en œuvre des progrès extraordinaires de la technologie, qui permettent aujourd’hui l’ouverture aux créations, savoirs et connaissances accumulés depuis des siècles à tous, y compris à ceux que leurs conditions familiale, sociale ou géographique privent d’un accès aisé au patrimoine culturel et intellectuel de l’humanité. Puisque des choix sont effectués, il est nécessaire d’établir une hiérarchie de l’offre pour éviter que le ressort marchand ne l’emporte sur le ressort culturel.

L’examen de cette proposition de loi intervient à point nommé, dans un contexte politique, technologique et économique particulier. Avec plusieurs centaines de millions d’ouvrages imprimés vendus à travers le monde, l’édition est la première industrie créative. La montée en puissance des technologies numériques, l’essor des liseuses et tablettes tactiles, soumet la lecture à une profonde mutation. Nous vivons sûrement la plus grande révolution depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg : le livre numérique ouvre de nouveaux horizons.

À l’affût des bénéfices de cette mutation technologique, Google et d’autres acteurs ont saisi l’occasion commerciale qu’offraient les progrès de la technique. L’ambition affichée du moteur de recherche américain est d’« organiser toute l’information du monde pour la rendre accessible et utile à tous ». Si ces aspirations messianiques semblent louables de prime abord, elles ne manquent pas d’inquiéter, en Europe et en France. Il ne faut pas avoir la naïveté de penser que ce slogan ne reflète que l’altruisme du partage des connaissances : de réels intérêts commerciaux sont bien en jeu, qu’il s’agisse de la vente de publicité, de produits numériques et de l’organisation d’une forme de monopole.

Face à cette situation, nous nous devons d’intervenir : il est en effet urgent de légiférer, même si le rythme du calendrier qui nous est imposé n’a pas permis l’examen du texte avec tout le temps et le recul que nous aurions souhaités. Notre éminent collègue Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi, ne s’attendait pas à ce que son texte vienne en discussion aussi vite, le ministre de la culture n’a pas pu se rendre disponible aujourd’hui – et nous acceptons bien volontiers ses excuses –, tout comme la présidente de la commission de la culture, elle-même retenue pour des raisons familiales importantes.

Nous aurions pu refuser de travailler sur cette proposition de loi dans de telles conditions, mais, face à l’importance des enjeux et à la rapidité des évolutions dans ce domaine, mon groupe a tenu à prendre ses responsabilités. Je tiens à saluer la diligence et la pertinence avec lesquelles notre rapporteure s’est emparée du sujet, nous donnant à tous le sentiment de fierté de saisir l’occasion d’un débat essentiel pour définir une architecture opposable à ce nouvel ensemble bibliographique.

Mme Dominique Gillot. La proposition de loi part du constat que, à l’heure du développement numérique, sont disponibles, dans ce format, soit les œuvres littéraires publiées après le 1er janvier 2000, qui font l’objet d’un double contrat d’édition, papier et numérique ; soit des œuvres qui ne sont plus protégées par le droit d’auteur, publiées entre le XVe siècle et le début du XXe siècle. Un vide regrettable existe donc pour les œuvres du XXe siècle qui sont encore protégées par le droit d’auteur, mais pour lesquelles les contrats n’ont pas prévu d’exploitation numérique ; ce vide est d’autant plus regrettable que les œuvres en format papier sont souvent épuisées et que leur réédition n’est pas envisagée par les éditeurs, compte tenu du coût qu’elle représenterait au regard d’un intérêt commercial non exploité.

Les enjeux liés à la proposition de loi sont multiples.

La démocratisation culturelle est le premier de ces enjeux. La numérisation et l’exploitation des livres indisponibles, la mise à disposition de ces œuvres sur les réseaux numériques, élargissent au grand public un accès qui n’était jusqu’alors ouvert qu’aux chercheurs, pour des raisons légitimes de rareté et de fragilité des livres en question. La proposition de loi évite un risque de monopole qui, animé par une utilisation mercantile des livres numérisés, limiterait l’accès à certaines œuvres.

La préservation de notre patrimoine est le deuxième enjeu de ce texte. La numérisation des œuvres indisponibles sous droits, qu’elles soient orphelines ou non, reste encore un défi et l’archivage numérique de tout notre patrimoine littéraire reste un objectif difficile à atteindre, sans préjudice de la compétence légale de la Bibliothèque nationale de France. Là encore, on ne peut écarter le risque qu’une hiérarchisation invisible des œuvres par le marketing n’en impose une sélection non objective. Par exemple, chez Google, des livres apparaissent en tête des résultats de recherche en fonction de critères inconnus : la possibilité de biaiser la recherche et de faire disparaître certains titres représente bien un risque réel.

Autre sujet : la vie numérique n’est pas éternelle. Google, entreprise commerciale, peut décider de mettre fin à son programme Google Books, ou revendre son corpus, sans compter une faillite qui n’est jamais à exclure dans le domaine du commerce. Du jour au lendemain, nous pourrions nous trouver privés d’accès aux livres numériques ! La culture, le savoir et l’accès aux livres sont autant de sujets d’intérêt général qui doivent être traités comme tels, et non abandonnés à des contrats privés.

Un troisième enjeu de la loi est de réguler les pratiques qui seraient en infraction à notre droit et qu’il faut encadrer pour éviter des dérives. Il est aujourd’hui nécessaire que le législateur intervienne pour éviter que ne se perpétuent les atteintes au droit d’auteur, qui doit être respecté, sans être accusé de constituer une entrave au développement de la société de l’information et de la connaissance.

Autre enjeu : la protection et la valorisation des droits des auteurs et des éditeurs, car l’essor du numérique remet en cause leurs intérêts, comme c’est le cas pour la musique et le cinéma. De fortes menaces pèsent sur le livre, la loi doit y apporter des solutions attendues.

Le dernier enjeu est financier. Le volume des fonds publics mis à disposition au titre du grand emprunt, 750 millions d’euros, impose la définition d’une base juridique à l’accord-cadre relatif à la numérisation et l’exploitation des livres indisponibles signé le 1er février dernier, d’autres l’ont rappelé avant moi.

Cet accord vise à permettre l’exploitation, sous forme numérique, de 500 000 livres du XXe siècle encore protégés, mais plus commercialisés en France. La numérisation sera effectuée à partir des collections conservées au titre du dépôt légal par la BNF, sur la base Gallica. Le pari est fait de la viabilité du modèle économique du système, selon le principe de la « longue traîne ». En effet, on peut escompter, sans risque, un phénomène d’accélération, du fait de cette législation, à l’avantage de l’éditeur et de l’auteur, par la fluidification et le raccourcissement des délais. Il faudra cependant que le mode de relation avec les auteurs et les éditeurs soit bien établi par le décret d’application.

Pour le groupe socialiste-EELV, cette proposition de loi va dans le bon sens pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le texte garantit la sécurité juridique nécessaire à l’exploitation numérique des œuvres indisponibles du XXe siècle en lui donnant un cadre légal qui faisait jusqu’ici défaut, et il ne crée pas de nouvelle exception.

Ensuite, le dispositif proposé respecte un équilibre relatif entre les intérêts des auteurs, des éditeurs et du public.

Les auteurs auront la possibilité de pouvoir être lus à nouveau. Leur droit moral n’est pas remis en cause, puisqu’ils jouiront de la liberté de refuser la numérisation de leur livre ; avec leurs éditeurs, ils disposeront d’un droit à s’opposer à la gestion collective d’une œuvre indisponible dont ils restent titulaires des droits. Ce droit est protecteur des auteurs, à double titre, contre les pratiques des éditeurs qui ont coutume de ne pas procéder à réédition, une fois l’œuvre épuisée, ou qui ne tiennent pas compte du refus des auteurs qui ne souhaiteraient pas voir exploiter leur œuvre en mode numérique.

Les éditeurs disposeront d’un nouveau cadre pour assurer l’exploitation numérique des œuvres indisponibles et bénéficieront ainsi de nouvelles opportunités commerciales.

Les lecteurs, quant à eux, pourront redécouvrir, voire découvrir des œuvres dont ils sont privés actuellement.

Ces points positifs énoncés, le groupe socialiste-EELV émet quelques réserves, qui peuvent être levées aisément sans trahir l’esprit du texte initial.

Le cas des œuvres orphelines, dans le texte, est inclus dans celui des œuvres indisponibles. La définition proposée ne les distingue pas de ces dernières. Il faudrait prévoir un régime ad hoc pour ce type d’œuvres. En effet, le code de la propriété intellectuelle ne comprend pas, pour l’heure, de définition de l’œuvre orpheline.

En attente de la transposition d’une directive européenne, la proposition de loi déposée en 2010 par Marie-Christine Blandin et les membres du groupe socialiste, adoptée par le Sénat, visait à introduire une disposition précise dans le code de la propriété intellectuelle, selon laquelle la recherche des ayants droit devait faire l’objet d’une recherche diligente, c’est-à-dire avérée et sérieuse.

Aujourd’hui, le groupe socialiste souhaite que cela se fasse sous le contrôle des pouvoirs publics et serait favorable à une mise à disposition gratuite des œuvres, au terme d’une recherche infructueuse après un délai significatif, aux bibliothèques publiques.

S’agissant de l’organisme qui sera chargé de créer la base de données publique, mentionné à l’alinéa 4 de l’article 1er, on peut noter le grand flou de sa nature juridique et de sa composition, ainsi que des modalités de son fonctionnement.

Comment sera assurée la publicité de la base de données ? Nous souhaitons que la loi soit plus précise à cet égard ; elle pourrait ainsi donner la responsabilité de la base de données à la Bibliothèque nationale de France. Il reviendrait à celle-ci, avec le ministère, de garantir l’accessibilité de la base de données à tous les opérateurs susceptibles d’être intéressés. Il faudra aussi assurer un droit d’appel aux auteurs et aux ayants droit leur permettant de réclamer l’intégration d’une œuvre qui aurait été omise dans la base de données, ce que ne prévoit pas la loi aujourd'hui.

Dans l’accord-cadre, la plate-forme de diffusion des livres numérisés n’est évidemment pas définie dans le texte. Le portail Gallica, géré par la BNF, procédera au référencement à l’index qui constituera le catalogue exhaustif des livres indisponibles. Nous veillerons à ce que soient adaptés les moyens de fonctionnement à proportion des charges supplémentaires relatives à cette mission.

Le groupe socialiste s’interroge sur les modalités de répartition des sommes en jeu.

Pour les auteurs, nous souhaitons que leurs conditions de rémunération fassent l’objet de garanties intangibles. Nous serons attentifs à ce que le décret d’application précise les conditions d’une répartition équitable des droits entre auteurs et éditeurs, ainsi que de la bonne utilisation des « irrépartissables ».

En allouant une partie du grand emprunt au fonds national pour la société numérique, le Gouvernement fait le pari de la viabilité économique de l’exploitation des livres numérisés, selon le modèle de la longue traîne. Un retour sur investissement étant indispensable, le décret devra également prévoir les conditions dans lesquelles chaque bénéficiaire des investissements contribuera au remboursement de l’emprunt.

Au total, quel sera le prix du livre numérisé ? À quel niveau sera-t-il taxé pour rémunérer l’éditeur, l’auteur, la société de gestion collective, la société numérisant les livres et le remboursement du grand emprunt ? Le livre redevenant disponible sur le marché, il pourra être consulté, loué, acheté, voire commandé en impression à la demande. Comment sera rémunéré ce circuit ?

Les sénateurs socialistes tiennent aussi à considérer la situation des bibliothèques publiques. Je rappelle que le fonctionnement des bibliothèques publiques dépend des collectivités territoriales. Même si elles disposent toujours de l’exception conservation, qu’en sera-t-il de leur capacité à proposer des livres indisponibles numérisés dès lors qu’ils retrouveront une valeur commerciale, quand bien même elles conserveraient un exemplaire papier dans leur fonds ?

Les revenus « irrépartissables » de la société de gestion collective devraient en partie être dédiés à la promotion de la lecture publique, via un fonds qui serait accessible, suivant certains critères et une évaluation, aux collectivités territoriales, afin de soutenir des actions ciblées d’animation des lieux de lecture, véritables lieux de lien social et de progrès partagé, d’accès aux livres des publics les plus éloignés, de promotion de la lecture et de l’écriture, de renforcement du lien auteur-lecteur.

Bref, nous souhaitons, enfin, que l’application de cette loi fasse l’objet d’un suivi particulier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accès le plus ouvert à la culture la plus large et au savoir le plus vaste est un moteur du désir humain. Ainsi Jorge Luis Borges, dans La Bibliothèque de Babel, écrit-il : Après le “bonheur extravagant” lié à l’annonce de la bibliothèque universelle, « succéda comme il est naturel une dépression excessive. La certitude que quelque étagère […] enfermait des livres précieux, et que ces livres précieux étaient inaccessibles, sembla presque intolérable ».

Avec cette proposition de loi, monsieur Legendre, plus aucun livre ne devrait rester inaccessible ! La France est pionnière pour donner un cadre juridique stable et protecteur au livre, ce qu’avait déjà permis la loi Lang en 1981. Elle fonde et accompagne le changement d’attitude des opérateurs, qui ont abandonné leur arrogance conquérante et recherchent eux-mêmes le cadre qui légitimera leur activité.

Nous sommes favorables au développement de la société de l’information et de la connaissance. Nous prônons un internet transparent et respectueux. Il ne faut pas freiner ce mouvement inexorable vers le numérique, porteur de croissance, d’emplois et, en l’espèce, de diffusion de la culture.

Sous réserve de l’adoption des amendements qui seront présentés pour apporter au texte les précisions nécessaires, le groupe socialiste-EELV votera cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chers collègues, comme tous les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, je ne peux que me féliciter de l’initiative prise par la commission de la culture du Sénat de vouloir faciliter et encadrer la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

Il est urgent, en effet, de combler ce « trou noir », ce « chaînon manquant » de la numérisation de notre patrimoine écrit et, par là même, de faciliter son accès au plus grand nombre. La révolution technologique qui s’opère aujourd’hui nous permet d’entrevoir et d’espérer toucher du doigt – en quelques clics – le vieux rêve de la bibliothèque universelle.

Mais les utopies ouvertes par le formidable essor des technologies ne restent que des « utopies technologiques » si les sociétés humaines ne parviennent pas à s’en emparer, à faire des instruments des pratiques collectives, où chacun des acteurs de la transformation sociale trouve son compte et son équilibre.

La présente proposition de loi est d’abord motivée par un juste souci de préservation de notre patrimoine culturel commun. Se rapportant aux œuvres du XXe siècle, elle renvoie cependant assez fréquemment à des acteurs toujours vivants de la production livresque et éditoriale.

Notre réflexion doit donc répondre aussi au souci de garantir des équilibres socio-économiques acceptables pour celles et ceux qui sont engagés dans le présent et dans le devenir du livre. À ce titre, il me semble particulièrement important de préciser et de justifier la part des droits qui, dans ce cadre de diffusion numérique, devrait revenir aux différents acteurs de la production et de la diffusion des œuvres.

En ce qui concerne les éditeurs, je voudrais souligner pourquoi, à mon sens, il est juste de les rémunérer, tout comme les auteurs, sous forme de droits. Rappelons que l’auteur, au sens étymologique du terme, ne fait autorité que dans la mesure où il est édité et publié.

L’éditeur n’est pas qu’un simple intermédiaire technique entre l’auteur et son lecteur ; il est aussi un des artisans essentiels de la production et de la diffusion de l’œuvre. Il n’est pas non plus qu’un entrepreneur prenant un risque économique en proposant un ouvrage à la vente, il est aussi quelqu’un qui oriente et souvent bonifie l’œuvre et contribue activement à la construction de l’auteur. Il est donc nécessaire de reconnaître sa véritable place dans la création.

Cependant, il est également juste et nécessaire de bien évaluer son rôle et son implication dans le cadre, non pas d’une publication initiale sur papier, mais d’une republication sous une forme numérique.

La marge que celui-ci doit opérer sur l’exploitation numérique des œuvres ne peut être de la même importance que celle qui est pratiquée dans l’édition initiale sur support papier. Dans l’univers numérique, les frais de fabrication, d’édition, de diffusion, de promotion et de stockage sont singulièrement réduits.

C’est donc à la définition de cette nouvelle équité des droits, dans le cadre de la numérisation des œuvres déjà publiées, que nous devons nous attacher. C’est le sens d’un des amendements que nous soutenons visant « à garantir aux auteurs une rémunération au moins égale à celle versée à leurs éditeurs ».

Soulignons au passage qu’une telle rétribution de l’auteur liée et associée à celle de l’éditeur est aussi un moyen de garantir l’optimisation de la recherche des ayants droit. Outre les auteurs et les éditeurs, d’autres acteurs essentiels de l’univers du livre méritent d’être considérés.

Il s’agit notamment des lecteurs, sans qui les livres d’hier et ceux d’aujourd’hui n’auraient guère de raison d’être, mais aussi des bibliothèques, qui souvent assurent seules la conservation et la mise à disposition dans le temps des ouvrages.

Ces deux types d’acteurs ne peuvent naturellement pas bénéficier directement des droits afférents à la diffusion numérique des œuvres indisponibles du XXe siècle. Il est néanmoins indispensable de trouver des mécanismes qui leur permettront de ne pas être les laissés-pour-compte de la nouvelle donne numérique et des ressources qui se dégageront de l’exploitation des livres numérisés.

L’amendement proposé par Mme la rapporteur suggérant que, au terme de dix années de recherches infructueuses et avérées, le droit d’exploitation de l’œuvre est « autorisé » à titre gratuit et non exclusif constitue, selon nous, une bonne manière d’ouvrir certains droits à nos bibliothèques.

De même, l’amendement proposé par le groupe socialiste-EELV suggérant que les sommes non réparties aux ayants droit doivent échoir au financement d’actions de promotion de la lecture publique nous paraît aller dans le bon sens.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi, sous réserve de certains aménagements que j’ai indiqués, me semble adaptée aux défis qui se posent à nous aujourd’hui : celui d’une meilleure diffusion de notre patrimoine culturel contemporain, celui d’une juste rémunération des acteurs et celui d’un soutien aux usages collectifs. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

Au titre III du livre Ier du code de la propriété intellectuelle est créé un chapitre IV intitulé : « Dispositions particulières relatives à l’exploitation numérique de certaines œuvres indisponibles », ainsi rédigé :

« Art. L. 134-1. – On entend par œuvre indisponible, au sens du présent chapitre, une œuvre non disponible commercialement de façon licite dans un format papier ou numérique, publiée en France sous forme de livre avant le 31 décembre 2000 et inscrite sur la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« La date de publication de l’œuvre est déterminée par la mention de l’année de publication figurant sur la notice du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France.

« Art. L. 134-2. – II est créé une base de données publique relative aux œuvres indisponibles. L’organisme chargé de mettre en œuvre cette base de données veille à son actualisation afin de maintenir à jour la liste des œuvres indisponibles et l’inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-6 et L. 134-7. Cet organisme est désigné par décret.

« L’inscription de l’œuvre dans la base de données ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-3. – I. - Le droit d’autoriser la reproduction dans un format numérique et la représentation sur un réseau de communication au public en ligne d’une œuvre indisponible au sens de l’article L. 134-1 et inscrite dans la base de données mentionnée au premier alinéa de l’article L. 134-2 depuis plus de six mois est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III et agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« II. - La ou les sociétés agréées ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits mentionnés au premier alinéa.

III. - L’agrément prévu au I du présent article est délivré en considération :

« 1° De la diversité des associés ;

« 2° De la représentation paritaire des auteurs et des éditeurs parmi les associés et au sein des organes dirigeants ;

« 3° De la qualification professionnelle des dirigeants ;

« 4° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour assurer le recouvrement des droits et leur répartition ;

« 5° Du caractère équitable des règles de répartition des sommes perçues ;

« 6° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour identifier et retrouver les titulaires de droits ;

« 7° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour développer des relations contractuelles permettant d’assurer la plus grande disponibilité possible des œuvres.

« Art. L. 134-4. – I. L’auteur d’une œuvre indisponible au sens de l’article L. 134-1 ou l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants peut s’opposer à l’exercice de ses droits, tels que définis à l’article L. 134-3, par une société de perception et de répartition des droits. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 dans un délai de six mois suivant l’inscription de l’œuvre concernée dans la base de données mentionnée au même alinéa.

« Mention de cette opposition est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« II. – L’éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter, dans les deux ans suivant cette notification, l’œuvre indisponible concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2. À défaut d’exploitation de l’œuvre dans le délai imparti, la mention de l’opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2 et les droits sont exercés par une société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues à l’article L. 134-3.

« Art. L. 134-5. – À l’expiration du délai prévu au I de l’article L. 134-4 et à défaut d’opposition notifiée par l’auteur ou l’éditeur dans ce délai, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction dans un format numérique et de représentation sur un réseau de communication au public en ligne d’une œuvre indisponible à l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants.

« Cette proposition est formulée par écrit. Elle est réputée avoir été refusée si l’éditeur n’a pas notifié sa décision par écrit dans un délai de deux mois à la société de perception et de répartition des droits.

« L’autorisation d’exploitation mentionnée au premier alinéa est délivrée par la société de perception et de répartition des droits à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable.

« Mention de l’acceptation de l’éditeur est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d’édition visé au premier alinéa, notifiée par écrit à la société de perception et de répartition des droits dans un délai de deux mois suivant la publication de la mention prévue à l’alinéa précédent, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, l’œuvre indisponible concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre.

« À défaut d’acceptation de la proposition mentionnée au premier alinéa ou d’exploitation de l’œuvre dans le délai prévu à l’alinéa précédent, la reproduction de l’œuvre dans un format numérique et sa représentation sur un réseau de communication au public en ligne par un utilisateur peuvent être autorisées par la société de perception et de répartition des droits, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée qui ne peut excéder cinq années.

« L’utilisateur auquel une société de perception et de répartition des droits a accordé une autorisation d’exploitation dans les conditions prévues au précédent alinéa est considéré comme l’éditeur du livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

« L’exploitation de l’œuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-6 – Une œuvre cesse d’être indisponible au sens de l’article L. 134-1, lorsque l’auteur de l’œuvre et l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants, notifient conjointement par écrit à la société mentionnée à l’article L. 134-3 leur décision d’exploiter l’œuvre à titre exclusif dans le cadre d’un contrat d’édition, ou lorsque l’auteur, pouvant prouver qu’il est le seul titulaire des droits définis à l’article L. 134-3, notifie par écrit à la société sa décision d’exploiter ou de faire exploiter l’œuvre à titre exclusif.

« Mention de cette notification est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« L’éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter, dans les dix-huit mois suivant cette notification, l’œuvre concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter à la société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d’exploitation que l’œuvre a cessé d’être indisponible.

« Les ayants droit d’une œuvre qui cesse d’être indisponible ne peuvent s’opposer à la poursuite de l’exploitation de cette œuvre licitement engagée avant la notification mentionnée au premier alinéa et pendant la durée restant à courir de l’autorisation mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 134-5 .

« Art. L. 134-7 – Les modalités d’application du présent chapitre, notamment les modalités d’accès à la base de données prévue à l’article L. 134-2, la nature ainsi que le format des données collectées et les mesures de publicité appropriées à l’information des ayants droit, les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément des sociétés de perception et de répartition des droits prévu à l’article L. 134-3, sont précisées par décret en Conseil d’État.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 3

Rédiger ainsi ces alinéas

Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV : Dispositions particulières relatives à l'exploitation numérique des livres indisponibles »

« Art. L. 134-1. - On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre, un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur sous une forme imprimée ou numérique. 

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement propose une nouvelle définition, à la fois plus simple et plus précise, de la notion de livre indisponible.

Elle prévoit ainsi que peuvent être considérés comme des livres indisponibles ceux que l’on trouve encore sur le marché de l’occasion mais qui ne font plus l’objet d’une diffusion commerciale. Le caractère « neuf » n’ayant pas d’existence juridique, nous avons trouvé cette formulation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Dans le cadre du passage de la notion d’œuvre à celle de livre, la précision apportée par cet amendement semble tout à fait utile au Gouvernement.

Il émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

relative aux œuvres indisponibles

par les mots :

, mise à disposition par un service de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Le présent amendement vise à assurer une publicité réelle à la liste des œuvres indisponibles en imposant sa mise à disposition au public sur internet. Cette précision me paraît utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Cette précision est effectivement utile : le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Deuxième phrase :

Rédiger ainsi cette phrase :

La Bibliothèque nationale de France veille à son actualisation et à l'inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-5 et L. 134-6.

2° Dernière phrase :

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. L'objet de cet amendement est de spécifier que la Bibliothèque nationale de France est responsable de la gestion de la liste des livres indisponibles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement considère que la BNP est l’organisme le mieux à même de remplir cette mission. Nous l’aurions décidé par décret, mais nous émettons un avis favorable sur son inscription dans la loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

de l'œuvre

par les mots :

d'un livre

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination, visant à remplacer les mots « de l’œuvre » par les mots « d’un livre ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de coordination avec le changement de titre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-3. –I. - Lorsqu'un livre est inscrit dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 depuis plus de six mois, le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la présente partie agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« Sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 134-5, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée qui ne peut excéder cinq années. 

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement ne modifie pas, sur le fond, le mécanisme proposé par la proposition de loi.

Il vise en revanche à fixer le principe général selon lequel les autorisations d’exploitation des livres indisponibles sont délivrées à titre non exclusif et pour une durée de cinq ans.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

un an

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à porter de six mois à un an le délai au-delà duquel le droit d’autoriser la reproduction dans un format numérique d’une œuvre indisponible inscrite dans la base de données peut être exercé par une SPRD. Je me suis longuement exprimée sur cette question lors de la discussion générale.

Même si la création d’une liste publique est prévue, il n’en demeure pas moins que c’est à l’auteur qu’il appartiendra de vérifier que son œuvre y figure ou non. Un délai de six mois nous paraît donc trop court.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il est vrai, ma chère collègue, que le délai de six mois prévu par le présent texte est court.

Toutefois, les dispositions prises pour permettre aux auteurs d’exercer leur droit de retrait nous paraissent plus importantes pour protéger les auteurs que ce délai.

Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Pour d’évidentes raisons, le Gouvernement tient à maintenir le délai de six mois. Il émet donc un avis favorable sur l’amendement de Mme le rapporteur et un avis défavorable sur celui de Mme Cukierman.

M. le président. Madame Cukierman, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.

Quoi qu'il en soit, je voterai l’amendement n° 20, dont la portée est plus large.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 9 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« II. – Au plus tard 15 jours avant l’inscription d’une œuvre indisponible sur la base de données, la société de perception et de répartition des droits en informe par écrit les éditeurs et les auteurs de l’œuvre.

« III. – Les œuvres orphelines telles que définies par l’article L. 113-10 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent être inscrite sur la base de données qu’après des recherches avérées et sérieuses entreprises par la société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III, en vue de déterminer, localiser ou joindre le ou les titulaires des droits de l’œuvre.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il est retiré, monsieur le président, car il est satisfait par les amendements nos 17 et 18 de la commission.

M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.

L'amendement n° 21, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

mentionnés au premier alinéa

par les mots :

dont elles ont la charge

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, lorsqu’elle représente les intérêts des auteurs et des éditeurs parties au contrat d’édition

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement vise à traiter le cas spécifique des sociétés de gestion représentant les droits des auteurs des œuvres visuelles présentes dans les livres – les photos, les esquisses, les dessins –, lesquelles ne doivent pas être assujetties à l'obligation de représentation paritaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De la présence de représentants des utilisateurs ;

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement tend à prévoir que, lors de la demande d’agrément formulée auprès du ministère de la culture par une société désireuse de gérer l’exploitation numérique d’œuvres indisponibles, la représentation des utilisateurs soit prise en compte au sein de cette société.

La notion d’utilisateur peut susciter des interrogations.

Après en avoir débattu avec les intéressés, je conclurai que se considèrent comme utilisateurs : les « consommateurs » de livres de toute espèce, les élus qui, au sein de leurs associations, souhaitent avoir un droit de regard sur les conditions d’exploitation numérique des œuvres, les bibliothèques et services d’archives, ainsi que les universités et autres établissements d’enseignement supérieur.

La Conférence des présidents d’université et les associations de consommateurs et d’élus sont ainsi demandeurs d’une participation dans la société agréée pour gérer l’exploitation numérique des œuvres indisponibles. Il semble logique que ces utilisateurs puissent avoir un droit de regard sur l’attribution des licences d’exploitation.

Les bibliothèques sont particulièrement intéressées par le format numérique des livres, domaine dans lequel elles sont souvent des précurseurs. Nombreuses sont celles qui effectuent déjà la numérisation de livres pour leurs adhérents afin de pouvoir leur proposer dans ce format le dernier ouvrage papier disponible dans leur fonds.

Il me semble donc important de faire entrer les utilisateurs au sens large dans la société agréée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Je comprends tout à fait votre souhait, madame Gillot, que des représentants extérieurs soient présents au sein de la société d’exploitation.

Toutefois, sur votre conseil et sur celui de M. Legendre, la commission a préféré, comme nous le verrons plus tard, prévoir la participation d’un commissaire du Gouvernement aux assemblées délibérantes de la ou des sociétés agréées. Celui-ci aura pour mission principale de s’assurer que les recherches avérées et sérieuses de titulaires de droits ont bien été menées. Il me semble que c’est là une garantie suffisante.

Je vous prie donc, chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, au profit de l’amendement n° 24 de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Les sociétés de perception et de répartition des droits sont des sociétés civiles, madame Gillot, qui ont pour objet de faire valoir les intérêts patrimoniaux des titulaires de droits face aux utilisateurs des œuvres de leur répertoire.

L’introduction de représentants des utilisateurs au sein des sociétés de gestion est totalement contraire à l’essence même de ces sociétés.

En revanche, le Gouvernement est lui aussi favorable à l’introduction d’un commissaire du Gouvernement, comme tend à le prévoir l’amendement n° 24.

À l’instar de Mme le rapporteur, je vous prie donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement et de vous rallier à l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Tous les arguments ont été avancés sur cet amendement, mais j’aimerais insister sur le fait que consulter les utilisateurs et prendre en compte leur avis ne serait pas sans conséquences.

Les sociétés de gestion des droits d’auteurs sont toutes les mêmes. Elles sont toutes composées de la même manière. La disposition qui nous est proposée nécessiterait donc une réforme d’ensemble et une large concertation. Or tel n’est pas l’objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

En outre, la représentation des utilisateurs – les présidents d’universités, les bibliothécaires, vous, nous… – serait impossible à mettre en œuvre.

Enfin, telle n’est pas la vocation des sociétés de gestion des droits d’auteurs.

Néanmoins, vous posez une bonne question, chère collègue. Peut-être le fonctionnement de ces sociétés, en particulier sur les questions de rémunération, est-il opaque pour le grand public ?

Mais franchement, s’il était adopté, votre amendement déstabiliserait un système très précis, très codifié. Il introduirait un élément peu professionnel.

M. le président. Madame Gillot, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?

Mme Dominique Gillot. Non, je vais le retirer, monsieur le président, car je n’ai pas l’intention de bloquer l’adoption de ce texte essentiel.

J’entends bien les arguments qui sont avancés. Toutefois, il me semble important que l’on puisse trancher entre les considérations marchandes et les considérations culturelles.

Mon intention n’est pas que tous les consommateurs soient représentés au sein de ces sociétés, je tiens juste à ce que l’intérêt des utilisateurs soit pris en compte. À cet égard, j’ai bien précisé qui étaient les utilisateurs. Pour mémoire, il s’agit des universités, de bibliothèques publiques, lesquelles formeront le lectorat qui donnera une nouvelle vie commerciale aux œuvres mises à disposition.

Ce que je souhaite, c’est que cette nouvelle vie commerciale ne se fasse pas au détriment des capacités d’utilisation des utilisateurs publics.

Je reviendrai sur cette question, car il me semble nécessaire de préserver les intérêts des utilisateurs publics. Ce sont eux qui feront la promotion de la lecture publique et qui, je le répète, formeront la future clientèle des livres numériques.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Mme Gillot et moi avons déjà évoqué cette question. Nous avons en commun la volonté de faire en sorte que toutes les possibilités offertes par la numérisation soient pleinement utilisées.

Je suggère donc, ma chère collègue, que nous nous ralliions à l’amendement de Mme le rapporteur qui tend à prévoir l’introduction d’un commissaire du Gouvernement. Ce matin, en commission, j’ai même proposé que le rôle de ce dernier soit précisé davantage de façon à être sûr qu’il agira de façon active.

Sur ce point, nos préoccupations convergent absolument, chère collègue.

M. le président. Madame Gillot, l'amendement n° 3 est donc retiré ?

Mme Dominique Gillot. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n° 4, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le montant des sommes perçues par un auteur au titre d’un livre ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l’éditeur ;

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Nous souhaitons sécuriser la situation des auteurs dans le cadre de l’exploitation numérique de leurs œuvres.

Il est essentiel que cette exploitation constitue pour eux non pas un préjudice, mais une nouvelle chance. Aussi souhaitons-nous que ce mode d’exploitation leur garantisse une rémunération au moins égale à celle de l’éditeur.

La disposition que nous proposons est d’une grande souplesse. Cet amendement tend en effet à laisser ouverte la négociation entre les parties pour fixer les taux de rémunération, soit au cas par cas, soit par le biais d’accords collectifs.

En l’absence de tels accords, je souhaite qu’on garantisse une répartition des droits à parité entre l’éditeur et l’auteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Je partage complètement votre inquiétude, chère collègue. La disposition que vous nous proposez permettrait de protéger les auteurs et d’éviter qu’un rapport de force qui leur serait ponctuellement défavorable au sein de la société de gestion ne nuise à leurs intérêts.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Je le regrette, mais le Gouvernement n’est pas d’accord.

Mme Dominique Gillot. Vous allez rompre cette belle unanimité ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement pense que le quantum de rémunération ne doit pas être fixé dans la loi. La rémunération des titulaires de droits doit être librement déterminée par la société de gestion collective dans la mesure où elle est le corollaire du transfert de l’exercice de leur droit d’exploitation organisé par la loi.

De plus, les auteurs et les éditeurs étant représentés à parité parmi les sociétés et au sein des organes dirigeants de la société, votre souci de préserver la juste rémunération des auteurs sera pris en compte, madame la sénatrice.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

pour identifier et retrouver les titulaires de droits

par les mots :

afin d’effectuer des recherches avérées et sérieuses permettant d’identifier et de retrouver les titulaires de droits

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement vise à renforcer les obligations des sociétés de perception et de répartition des droits agréées, lesquelles devront se donner les moyens d'effectuer des recherches avérées et sérieuses afin d'identifier et de retrouver les ayants droit des livres indisponibles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. La précision que vise à introduire l’amendement est utile. Le Gouvernement y est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« IV. - Un commissaire du Gouvernement participe aux assemblées délibérantes de la ou des sociétés agréées. Il s'assure notamment que les recherches avérées et sérieuses de titulaires de droits ont bien été menées.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Voici l’amendement que nous attendions !

Il a pour objet de renforcer le contrôle sur les sociétés de perception et de répartition des droits agréées. À cet effet, il tend à prévoir qu’un commissaire du Gouvernement participera à leurs assemblées délibérantes – conseil d'administration, directoire ou assemblée générale. Il aura notamment pour rôle de s'assurer que les recherches des ayants droit sont effectivement menées à bien.

Cet amendement devrait vous satisfaire en partie, madame Gillot, monsieur Legendre : l’intérêt général sera garanti par la présence du commissaire du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Avis favorable ! Nous nous retrouvons tous sur cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs !

En effet, la désignation d’un commissaire du Gouvernement permettra de mieux prendre en compte les intérêts des ayants droit qui ne seraient éventuellement pas représentés au sein de la société de gestion collective. Vous avez donc satisfaction, madame Gillot.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 25, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 134-4. – I. - L’auteur ou l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d’un livre indisponible peut s’opposer à l’exercice du droit d'autorisation mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 134-3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 au plus tard six mois après l’inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement a une visée rédactionnelle.

Il renforce en outre la possibilité pour les auteurs de ne pas intégrer le système de gestion collective en indiquant par avance, avant même l'inscription de l'un de leurs livres dans la base de données des livres indisponibles, qu'ils s'opposent à l'exercice du droit d'autorisation d'exploitation par les sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD.

Autrement dit, cet amendement vise à permettre aux auteurs d’exprimer a priori leur opposition, bien avant que leurs livres soient indexés par la BNF.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

un an

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 9 que je maintiens par cohérence intellectuelle. La même cohérence de la part du Gouvernement et de la commission aboutira, je pense, à ce qu’il connaisse le même sort !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 25 et 11 ?

M. Patrick Ollier, ministre. Mme Cukierman lit les intentions du Gouvernement comme dans un livre ouvert ! Mêmes causes, mêmes effets : nous préférons maintenir les six mois. Aussi, Mme Cukierman, je souhaiterais que vous retiriez l’amendement n° 11.

En revanche, l’amendement n° 25 apportant une précision utile, le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Il est maintenu, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 11 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 26, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, l'auteur d'un livre indisponible peut s'opposer à l'exercice du droit de reproduction ou de représentation de ce livre si la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Ce droit est exercé sans indemnisation.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement vise à permettre aux auteurs, mis par la loi dans une situation de présomption d'accord pour l'intégration de leurs livres dans un système de gestion collective, d'exercer à tout moment leur droit d'empêcher l'exploitation d'un de leurs ouvrages qui pourrait nuire à leur honneur ou à leur réputation, sans contrepartie financière à l'éditeur.

Disons les choses plus simplement : des livres ont pu être produits dans des périodes particulières, pendant la guerre par exemple. Des propos tenus ou écrits à cette occasion peuvent être regrettés par la suite. Cet amendement vise à donner aux auteurs la possibilité d’empêcher l'exploitation d’une œuvre quand elle pourrait nuire à leur honneur ou leur réputation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement retient les raisons liées à l’histoire que Mme le rapporteur vient d’évoquer. Il est donc favorable à cet amendement qui introduit une nouvelle disposition protectrice du droit exclusif de l’auteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, l'héritier de l'auteur d'un livre indisponible peut, si la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation, demander l'insertion de l'expression de son désaccord sur le contenu du livre. Ce droit est exercé sans indemnisation et dans des conditions définies par décret. 

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement a été adopté par la commission afin de pouvoir être discuté en séance publique. Je dois avouer avoir été assez isolée au sein de la commission dans sa défense. Je suis néanmoins convaincue de sa pertinence.

La présente proposition de loi prévoit un dispositif très spécifique qui vise à déposséder les ayants droit de la possibilité d’autoriser la publication des livres indisponibles. Certains héritiers vont donc voir réapparaître des œuvres totalement inconnues d’eux-mêmes comme du grand public, rédigées dans des contextes très particuliers, comme ceux que je viens de rappeler, et susceptibles de nuire à leur réputation.

Il n’est pas proposé ici de les autoriser à censurer l’ouvrage. Cet amendement vise uniquement à les autoriser, s’ils ont outrepassé le délai de six mois leur permettant de s’opposer à la publication, d’exprimer leur désaccord sur le contenu de l'œuvre. Il s’agit en quelque sorte de leur permettre de se prémunir contre les réactions du grand public à la réédition en format numérique d’un ouvrage sorti de son anonymat et de son contexte.

En réalité, nous souhaitions proposer que les ayants droit puissent rédiger une postface pour manifester leur désaccord, ce qui a suscité un débat au sein de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est bien ennuyé ! D’un côté, il comprend l’intention de Mme le rapporteur. Mais, d’un autre côté, la rédaction de l’amendement, visant à autoriser l’héritier à « demander l’insertion de l’expression de son désaccord sur le contenu du livre », lui paraît quelque peu incertaine sur le plan juridique. Or nous écrivons la loi. Il faut que sa rédaction soit certaine, pour que ses conséquences ne soient pas détournées de son but.

Je souhaiterais donc, madame le rapporteur, que vous puissiez continuer à travailler sur sa rédaction au cours de la navette.

Pour l’instant, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dans l’attente du travail qui sera mené conjointement avec l’Assemblée nationale pour lui trouver une rédaction plus précise juridiquement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Nous avons effectivement eu un débat en commission sur cet amendement ce matin. Nous en comprenons tous l’intention. Nous avons tous été d’accord pour accorder à l’auteur le droit de retirer ou de ne pas faire republier un livre, s’il estime avoir commis antérieurement une erreur ou si le livre contenait des idées qu’il regrette d’avoir exprimées.

Mais donner à un ayant droit, cinq, dix, voire trente ans plus tard, le droit d’écrire sur la nouvelle publication tout le mal qu’il pense de l’auteur, pose à mon avis un sérieux problème.

L’honneur d’un auteur peut être entaché par une publication. L’honneur de Céline ne s’est jamais remis de la publication de Bagatelles pour un massacre. Mais faut-il pour autant donner à un petit-fils ou à un arrière-neveu, bref à un quelconque ayant droit, le droit de fustiger une œuvre dont la reproduction aurait été décidée ? C’est à l’opinion publique de se faire juge, pas à un ayant droit.

Voilà pourquoi nous avons souhaité, Mme le rapporteur et moi, que ce débat ait lieu en séance publique, dans le souci de protéger les auteurs, mais aussi de respecter la liberté d’appréciation du public.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Même si elle part d’un sentiment juste et louable, cette proposition d’amendement, qui vise à protéger les ayants droit, peut être dangereuse dans la mesure où elle leur donne un pouvoir qu’ils n’ont pas à avoir : celui de juger publiquement une œuvre.

Ce n’est pas à la loi de se prononcer sur la manière de régler les problèmes familiaux, si douloureux et compliqués soient-ils. Il faut laisser les auteurs maîtres de leurs œuvres et responsables des conséquences qu’elles peuvent avoir. Les ayants droit ne sont là, s’ils le souhaitent, que pour acter. Libre à eux d’exprimer publiquement, dans un autre ouvrage, dans la presse ou sur internet, leur désapprobation !

La question méritait en tout cas d’être posée, et la réflexion doit se poursuivre. Il faut donc faire preuve de sagesse sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. L’histoire est l’histoire. Ce qui a été dit a été dit, ce qui a été fait a été fait ! Jacques Legendre vient d’exprimer, avec la délicatesse qu’on lui connaît, son sentiment sur le sujet, et je souscris totalement à ses propos.

Je souhaite que cet amendement soit retiré car il étend le périmètre de la liberté des ayants droit au-delà de ses limites. Je me demande même s’il fallait voter l’amendement n° 26. Un auteur peut regretter ce qu’il a écrit. Il a aussi le droit de le redire, plus tard. Mais l’histoire n’a pas à être déformée. Or là, on en arrive presque à la contrefaçon historique.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Autant je pense que l’on peut laisser à l’auteur la liberté de s’opposer à la réédition de son livre – c’est l’objet de l’amendement n° 26 – car cela n’empêche pas son livre d’exister et d’être disponible pour les chercheurs et les historiens, autant il me semble que donner à des ayants droit, dont on ne connaît pas les antécédents, dont on ne connaît ni le lien ni les antagonismes avec l’auteur, un droit d’atteinte à l’œuvre qui subsiste après la disparition de ce dernier est excessif.

Comme l’indiquait Mme Cukierman, les ayants droit peuvent toujours s’exprimer par le biais de la presse ou d’un ouvrage contradictoire. C’est justement ainsi que se construit l’histoire : par l’échange d’arguments opposés qui sont jugés par l’opinion publique dans une perspective historique.

Quant à l’honneur et la réputation d’une personne, je pense que les historiens eux-mêmes ne peuvent pas nous en donner de définition, car elle change au fil des années et des époques successives. L’histoire est faite d’analyses et de points de vue différents qui convergent ou divergent tour à tour.

Je ne voterai donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Ce n’est pas qu’une question d’histoire, c’est aussi une question de nature de l’œuvre. Les liens temporels, familiaux, de l’ayant droit avec l’auteur d’une œuvre peuvent parfois s’avérer pour le moins bizarres. L’ayant droit ne peut donc, au moment où une œuvre est remise à la disposition du public, avoir le droit de la dénigrer par l’adjonction d’une postface sur l’ouvrage lui-même ! En revanche, les ayants droit, comme les historiens, les journalistes, les critiques et bien d’autres ont le droit de s’exprimer et de dire ce qu’ils pensent de l’œuvre vingt ou cent ans après sa publication.

Il ne faut pas oublier que l’ayant droit a six mois pour refuser la publication de l’œuvre. (M. Plancade acquiesce.) S’il juge qu’elle est vraiment attentatoire à sa réputation, ou s’il ne veut simplement pas qu’elle soit rééditée, il peut en refuser la publication. Mais n’allons pas plus loin ! Ne mettons pas le doigt dans un processus que nous ne maîtrisons pas.

D’autant que, évoluant dans le monde moderne – il faut toujours considérer le droit en fonction de l’époque –, cet ayant droit aura tout loisir de se démarquer de l’œuvre et de dire ce qu’il en pense grâce à Internet, dans un blog par exemple.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Il est vrai qu’avant il fallait « coller » à l’édition pour pouvoir atteindre les lecteurs de l’œuvre. Aujourd'hui, les moyens d’exposer sa position par rapport à elle sont plus larges et dépassent le cercle de ses lecteurs.

Aussi, je souhaiterais que cet amendement soit retiré,…ce que je pourrais faire moi-même d’ailleurs ! (Rires et applaudissements sur diverses travées.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Ce débat est très intéressant et doit donc être poursuivi.

En définitive, les droits des ayants droit sont d’ordre juridique et financier.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Et moral !

Mme Dominique Gillot. Ils ont droit à l’intégrité de l’œuvre.

M. Patrick Ollier, ministre. Sont-ils d’ordre intellectuel ? Pour pousser le raisonnement un peu loin, peut-on imaginer qu’à côté d’un tableau de Picasso – heureusement, d’ailleurs, que cette proposition de loi concerne non pas toutes les œuvres mais les livres seulement ! – un ayant droit explique que ledit tableau comporte des éléments qu’il n’approuve pas ? Cela me semble impensable ! De la même manière, peut-on donner à un ayant droit le droit de livrer son appréciation sur le contenu d’une œuvre écrite il y a des décennies, par un auteur aujourd'hui décédé, et ce par une mention sur l’œuvre elle-même ?

Le Gouvernement est interpellé par la nature de l’amendement. Il est prêt à en discuter, mais il préférerait que Mme le rapporteur accepte de le retirer.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Sur l’injonction du vice-président de la commission je vais donc retirer cet amendement ! (Sourires.) Je tiens simplement à dire que de la discussion jaillit la lumière. Ce débat est intéressant, et il doit se poursuivre.

Monsieur le ministre, vous avez raison, ce serait dommage pour tous qu’un ayant droit veuille placer un carré blanc sur l’Origine du monde de Courbet ! (Nouveaux sourires.)

L’amendement n° 27 visait plutôt à protéger les droits moraux des ayants droit. Un ayant droit partageant le patronyme d’un auteur peut considérer que son honneur ou sa réputation seront offensés.

De toute façon, il était utile que ce débat ait lieu. Le compte rendu en sera publié au Journal officiel. Peut-être l’Assemblée nationale pourra-t-elle, ultérieurement, introduire dans le texte, des éléments plus intéressants ou pertinents sur le plan juridique.

M. le président. L’amendement n° 27 est retiré.

L’amendement n° 28, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. – L'éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerné. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l'exploitation effective du livre à la société agréée en vertu de l'article L. 134-3. À défaut d'exploitation du livre dans le délai imparti, la mention de l'opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 et le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement vise à soulager la BNF de la mission consistant à juger l’effectivité de l’exploitation des livres indisponibles. Il ne convient pas en effet d’ajouter à sa mission présente, qui est claire, des tâches complémentaires.

La SPRD doit être l’interlocuteur unique des éditeurs, s’agissant des preuves que ceux-ci doivent apporter de l’exploitation effective des livres indisponibles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car il vise à permettre un meilleur contrôle par la SPRD de l’exploitation effective de l’œuvre par l’éditeur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’exploitation de l’œuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement tend à préciser que l’obligation faite à l’éditeur d’assurer l’exploitation et la diffusion d’une œuvre qu’il a éditée, ainsi que les conditions de rupture et de résiliation du contrat d’édition, prévues aux termes du code de la propriété intellectuelle, s’applique même dans le cadre de l’exploitation obligatoire pendant deux ans de cette œuvre, découlant de l’opposition de l’éditeur de confier l’exploitation numérique de celle-ci à une SPRD.

Il s’agit de préciser que l’exploitation effective de l’œuvre en mode numérique ne doit pas interférer avec l’épuisement de l’œuvre, déjà prévu dans le code de la propriété intellectuelle. Cette disposition est protectrice aussi bien des auteurs, qui pourront contester l’exploitation, que des éditeurs, qui pourront continuer à se prévaloir des clauses de résiliation pour le livre papier prévues aux termes du contrat d’édition. Cette précision vise donc à garantir les droits de chacun.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement apporte une clarification pertinente. En effet, l’éditeur devra prouver, dans le cadre de l’article L.134-4, qu’il exploite le livre de manière effective. L’interprétation qui sera faite de cette notion par la SPRD ne doit pas préjuger de celle qui pourrait être faite par les juges s’agissant de l’exploitation permanente et suivie, au sens de l’article L.132-12 du code de la propriété intellectuelle.

L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Je comprends le souci de Mme Gillot mais, en la matière, les articles L. 132-12 et L. 132-17 du code de la propriété intellectuelle relatifs au droit d’auteur s’appliquent de plein droit. Toutefois, si cela allait sans dire, cela va peut-être mieux en le disant...

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 29, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 134-5. – À défaut d’opposition notifiée par l’auteur ou l’éditeur à l’expiration du délai prévu au I de l’article L. 134-4, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction et de représentation sous une forme numérique d’un livre indisponible à l’éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Il est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 21

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf dans le cas mentionné à l'article 134-8

II. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-... – Si aucun titulaire du droit de reproduction d'un livre sous une forme imprimée autre que l'éditeur n'a été trouvé dans un délai de dix années après la délivrance de la première autorisation d'exploitation dudit livre indisponible sous une forme numérique, la reproduction et la représentation de ce livre sous une forme numérique est autorisée par la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 à titre gratuit et non exclusif.

« L’exploitation de ce livre sous une forme numérique est gratuite.

« L’auteur ou l’éditeur titulaire du droit de reproduction de ce livre sous forme imprimée peut recouvrer à tout moment le droit exclusif de reproduction et de représentation de ce livre sous forme numérique, dans les conditions prévues à l’article L. 134-6.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement vise à traiter le cas des livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé, après des recherches avérées et sérieuses menées par la SPRD pendant dix ans.

L’exploitation de ces ouvrages devra être autorisée par la SPRD à titre gratuit et non exclusif. Tout utilisateur pourra ainsi numériser les livres indisponibles concernés et les exploiter ; il devra le faire à titre gratuit.

Cet amendement ouvre ainsi la possibilité aux bibliothèques de mettre à la disposition du public de nombreuses œuvres indisponibles qu’elles auraient numérisées.

Les ayants droit qui se feraient connaître auprès de la société de perception et de répartition des droits après ces dix ans pourraient récupérer l’intégralité de leurs droits.

Pour résumer, il s’agit d’autoriser, après dix ans, une exploitation à titre gratuit non exclusif, ce qui inciterait les éditeurs et la SPRD à effectuer des recherches avérées et indispensables. Le couperet tombant au terme de ce délai, on peut penser que les SPRD seront enclines à mener ces recherches.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le Gouvernement salue l’esprit généreux de cet amendement, mais ne saurait donner un avis favorable.

Tout en préservant le principe d’une autorisation préalable, il introduit l’extinction du droit à rémunération pour les auteurs que la SPRD n’aurait pas retrouvés au terme d’une période de dix ans. Il tend également à mettre en place, pour de tels livres, le principe d’une exploitation exclusivement gratuite.

Il vise – et c’est en cela qu’il est généreux – à permettre la mise à disposition gratuite d’œuvres orphelines au bénéfice du plus grand nombre par l’intermédiaire, notamment, des bibliothèques publiques.

Si le Gouvernement salue cette générosité, il s’interroge néanmoins sur d’éventuels effets contraires aux intentions du Sénat.

En effet, madame le rapporteur, je ne peux pas émettre un avis favorable tant que les interrogations suivantes restent sans réponse.

Tout d’abord, ces livres, s’ils n’ont pas d’auteur répertorié, ont en revanche un éditeur. Or l’interdiction de percevoir, à terme, une rémunération n’est pas de nature à susciter l’exploitation commerciale. La proposition de loi manquerait alors son objectif.

Ensuite, ces livres sous droits d’auteur seraient diffusés, paradoxalement, sous un régime plus strict que les livres du domaine public, qui peuvent, quant à eux, faire l’objet d’exploitation marchande et apporter des ressources propres aux bibliothèques, objectif que nous cherchons à atteindre.

Enfin, le numérique permet de concevoir des modèles de diffusion du livre qui dépassent la commercialisation titre à titre, en particulier sous forme de bouquets thématiques ou de corpus éditorialisés. En imposant la gratuité de certains livres, ne risque-t-on pas de freiner le développement de ces produits éditoriaux enrichis ? Ne condamne-t-on pas ces livres à l’isolement ? Je n’ai pas, dans l’immédiat, de réponse à ces questions.

En outre, l’objectif de gratuité peut s’avérer en partie illusoire, car des acteurs très puissants de l’internet – sur lequel nous n’avons aucun moyen d’intervention –, fondant leur modèle économique sur la rémunération publicitaire issue du trafic sur leur site, pourraient être les principaux bénéficiaires d’une telle mesure, ce qui serait contraire aux objectifs de la proposition de loi et aux souhaits de Mme le rapporteur.

Cette disposition généreuse risque ainsi d’avoir des effets collatéraux très importants. Elle pourrait favoriser des pratiques qui enrichiraient des diffuseurs profitant de l’avantage donné à des fins purement commerciales.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable. J’en suis désolé, car nous avons travaillé dans un esprit très constructif.

Nous allons réfléchir à une rédaction prenant en compte vos préoccupations touchant aux bibliothèques publiques, madame le rapporteur. Peut-être trouverons-nous un accord dans ce cadre ? Pour notre part, nous y sommes prêts.

Dans cet esprit consensuel, et au bénéfice de l’engagement que je prends d’approfondir la réflexion sur les bibliothèques publiques, je vous demande, madame le rapporteur, de bien pouvoir retirer votre amendement. Pour l’instant, il y a trop de questions en suspens ... À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. J’entends bien les arguments de M. le ministre, mais il nous faut revenir au texte de l’amendement. Celui-ci vise à traiter le cas des livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé après des recherches avérées et sérieuses menées par la SPRD pendant dix ans, avec la coopération du commissaire du Gouvernement, qui doit valider l’effectivité des recherches et établir un rapport.

Dans le cas où des ayants droit n’auraient pas été trouvés au terme de ce délai de dix ans, il serait dommage que ces livres tombent dans l’oubli, dans l’indifférence, alors même que se trouvent peut-être, parmi eux, des trésors.

Cet amendement présente l’avantage de permettre l’exploitation de ces ouvrages à la suite de l’autorisation de la SPRD, mais simplement à titre gratuit et non exclusif. Autrement dit, personne ne pourra gagner d’argent avec la numérisation de ces livres. En outre, une garantie est prévue : les ayants droit qui découvriraient, à l’occasion de sa nouvelle vie, l’intérêt d’un ouvrage écrit par un illustre parent, pourraient se faire connaître et récupérer les droits d’auteur.

Imaginez qu’une bibliothèque publique exhume de son fonds un ouvrage qu’elle détient depuis plus de quinze ans et que celui-ci obtienne un prix littéraire particulièrement rémunérateur ; je suis certaine que des ayants droit se feraient alors connaître.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. J’avoue éprouver un certain embarras. J’ai accepté cet amendement ce matin, en commission, et je suis donc solidaire de la position de la commission de la culture. Mais, si je l’ai voté, c’était au bénéfice de l’intention, parfaitement louable, de favoriser la publication.

Toutefois, certains des arguments avancés par le Gouvernement sont assez persuasifs. Si un éditeur ne peut rien espérer de la mise en circulation d’un livre, il ne sera pas incité à l’éditer. Cette absence de motivation pose un vrai problème, alors même que nous souhaitons, au contraire, que ces œuvres soient publiées.

À ce stade du débat, je reconnais donc la pertinence des observations du Gouvernement. Je n’ai pas, pour ma part, de solution à apporter. Je pense que nous devons prendre acte de ces remarques et poursuivre cette réflexion, notamment avec l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Plancade. Je partage le point de vue de M. Legendre. S’il n’y a aucun intérêt à publier ces œuvres, personne ne les éditera et elles tomberont dans l’oubli.

Mme Dominique Gillot. Et l’intérêt intellectuel !

M. Jean-Pierre Plancade. Certes, et nous devons réfléchir à la question des bibliothèques publiques. De ce point de vue, il ne faudrait pas retirer cet amendement sans contrepartie.

Au demeurant, si leur publication ne présente pas d’intérêt autre qu’intellectuel, le risque est grand que ces œuvres ne soient pas publiées.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Cet échange est intéressant. Je considère, comme Mme la rapporteure et Mme Gillot, que nous sommes à un point d’équilibre du texte.

Dans un esprit constructif, nous avons fait en sorte que cette proposition de loi puisse être discutée rapidement et nous avons évité les affrontements partisans, alors même que ce texte émane de la droite. Nous avons en effet considéré qu’il nous fallait légiférer sur ce sujet important.

Je le dis d’emblée, le rejet de cet amendement mettrait à mal le consensus que nous souhaitons atteindre.

Cela dit, le Gouvernement a présenté trois arguments intéressants.

Il soutient, tout d’abord, qu’une telle disposition freinerait la numérisation des livres, car les éditeurs n’auraient plus d’intérêt économique à publier.

Rappelons que les éditeurs pourront exploiter en exclusivité pendant dix ans les livres orphelins. De ce fait, ils pourront rentabiliser la numérisation du livre, numérisation qui est, ne l’oublions pas, conformément à la volonté du Gouvernement et du Parlement, soutenue par le grand emprunt. En quoi la mesure proposée freinerait-elle alors la numérisation ? Votre premier argument, monsieur le ministre, n’est donc pas complètement pertinent.

Par ailleurs, j’en suis persuadé, les bibliothèques ou les opérateurs privés, bien connus de chacun d’entre nous, n’hésiteront aucunement à numériser les livres. Le présent amendement ne les bloquera en rien. Il faut purger notre débat de toute fausse peur.

Selon le deuxième argument que vous avez exposé, monsieur le ministre, l’exploitation gratuite des ouvrages visés entraînerait la disparition des droits d’auteur. Peut-être, mais précisément ces ouvrages n’ont plus ni auteur ni ayants droit ! Ceux-ci ont été cherchés sérieusement, mais en vain, pendant dix ans, selon un mécanisme que nous avons mis au point. Les droits d’auteur ont été perçus par la société de gestion collective, qui ne les a donc pas reversés. L’auteur, qui demeure introuvable, n’est en rien spolié.

Il me semble légitime dans ces conditions que le grand public puisse finalement accéder gratuitement à ces œuvres. La commission, en déposant l’amendement n° 34, s’est souciée de l’intérêt général, lequel doit parfois primer sur tel ou tel intérêt particulier.

Enfin, autre argument, monsieur le ministre : selon vous, l’adoption de cet amendement imposerait la gratuité des livres orphelins, gratuité qui n’a pas cours pour les livres tombés dans le domaine public.

Cet amendement serait donc trop vertueux. Pour notre part, nous aurions tendance à nous en féliciter. Mais les éditeurs de ces œuvres auront dix ans d’exploitation pour s’assurer d’une rémunération rentable, alors que les œuvres du domaine public ne bénéficient pas d’un tel régime !

Au demeurant, la navette commençant, on peut imaginer, monsieur le ministre, que, pour éviter le déséquilibre que vous avez mentionné entre les livres tombés dans le domaine public et les autres, le Gouvernement dépose un amendement tendant à rendre tout le secteur vertueux et à imposer une exploitation gratuite des œuvres du domaine public après dix ans de commercialisation numérique. Si une telle disposition était présentée au Sénat ou en commission mixte paritaire, je la voterais.

Bref, monsieur le ministre, vous jugez que les auteurs de l’amendement n° 34 sont animés de bons sentiments et vous ne disposez pas d’arguments suffisamment pertinents pour nous convaincre d’arrêter d’être vertueux.

Vous demandez du temps pour que l’on réfléchisse aux conséquences de la mesure. Mais le groupe de travail sur l’adaptation du contrat d’édition au numérique est en place. Il va livrer ses réflexions au Gouvernement avant la réunion de la commission mixte paritaire, dans environ un mois. Au cours de la navette, et au plus tard en commission mixte paritaire, nous pourrons, les uns et les autres, tenir compte en toute bonne foi des informations que nous aurons alors obtenues, pour élaborer le texte final.

Monsieur le ministre, vous avez insisté sur le fait que cette proposition de loi était portée par un consensus. Lorsqu’il en est ainsi – et ce n’est pas la première fois pour la commission des lois – sur un sujet mouvant, lié comme celui-ci à la révolution numérique, qui exige efficacité et convergence de vues, il ne faut pas que ce consensus soit rompu, ce qui enlèverait de la force à la démarche entreprise. L’examen de ce texte doit donc demeurer consensuel. Si cet amendement est adopté – ce qui adviendra certainement puisqu’il émane de la majorité – nous voterons la proposition de loi. Dans le cas contraire, nous ne le pourrons pas.

Et si, au cours de la navette, vous l’enleviez du texte de façon inconsidérée, sans tenir compte de nos arguments, la proposition de loi serait vidée d’une partie de son contenu que nous considérons comme indispensable à notre acceptation. Je vous lance donc un appel à poursuivre le travail engagé.

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.

M. Claude Dilain. Dans le domaine des activités culturelles, heureusement, l’intérêt économique n’est pas le seul. De nombreux éditeurs publient sciemment des livres alors qu’ils savent qu’ils ne gagneront rien, voire qu’ils seront perdants. Si un tel état d’esprit n’existait pas, nous serions passés à côté de quelques poètes et de quelques philosophes !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement, important pour les bibliothèques, me tient à cœur. Il a recueilli un large consensus lors des travaux de la commission, qui a émis un avis favorable ce matin. En réalité, nous souhaitons instituer des garanties pour cette rencontre entre les lecteurs et les éditeurs, à l’époque où le numérique prend de plus en plus de place, sans toutefois que nous sachions de quoi demain sera fait.

Loin de moi l’idée d’un quelconque chantage mais, mes chers collègues, du vote de cet amendement, qui est l’aboutissement de réflexions collectives, intellectuelles, de prises de position politiques, dépendra notre position sur la proposition de loi. Pour ma part, je le voterai comme, je le souhaite, nombre d’entre vous.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Ce matin, j’ai adhéré à la position commune émise par la commission sur le présent amendement et il n’est pas question que je m’en désolidarise lors du vote en séance publique.

En toute bonne foi, je crois cependant que certains des arguments mis en avant par M. le ministre méritent eux aussi considération. Au-delà des équilibres politiques, nous devons essayer de rédiger le texte le meilleur et le plus opérationnel possible au cours de la navette. Je souhaite que le texte qui résultera de nos travaux poursuive son chemin à l’Assemblée nationale. Ne fermons la porte à rien !

En ce qui me concerne, je voterai l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Je voterai moi aussi cet amendement.

Je tiens néanmoins à souligner que la discussion qui a eu lieu a été ouverte et exempte d’a priori politique. Pour ma part, je ne mets pas en balance l’adoption de cet amendement et celle de l’ensemble de la proposition de loi, qui présente un intérêt certain.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Je comprends bien que l’on puisse changer d’avis et aborder les questions de manière différente. Néanmoins, le Gouvernement, quant à lui, reste sur sa position. En tout cas, je considère comme excessif de faire dépendre le vote de cette proposition de loi, qui représente un grand progrès pour l’exploitation numérique, de l’adoption de l’amendement n° 34. En effet, les interrogations que j’ai soulevées, au nom du Gouvernement, sont réelles. Tout à l’heure, malgré votre désaccord, que je peux comprendre, vous avez reconnu que certains de mes arguments méritaient d’être pris en compte.

Monsieur Assouline, je n’ai pas dit que cet amendement était vertueux, j’ai dit qu’il était généreux. Cela dit, la générosité n’est-elle pas une vertu ? (Sourires.)

J’aurais parlé, selon vous, de la suppression des droits d’auteur. Pas du tout ! J’ai parlé des éditeurs.

Monsieur Assouline, vous ne pouvez pas nier que la mise en place du système de numérisation soit un acte économique très onéreux. L’exploitation à long terme garantit l’intérêt des acteurs économiques. Si, par des dispositions les privant de perspectives de rentabilité, on décourage ces derniers, qui fera le travail ? L’interdiction de percevoir à terme une rémunération n’est pas de nature à susciter l’exploitation commerciale.

En adoptant cet amendement, vous risquez d’aller à l’encontre de l’objet de la proposition de loi. Dans ces conditions, ne devez-vous pas vous interroger ? Le Gouvernement estime cet amendement généreux, mais considère qu’il présente plusieurs inconvénients.

J’ai bien compris qu’un consensus s’était dégagé sur ce sujet. Mais, et ce n’est pas une question de droite ou de gauche, je me dois de vous dire : attention !

J’ai évoqué en dernier lieu les acteurs d’Internet, sujet sur lequel vous n’êtes pas revenu, monsieur Assouline.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Vous admettez que la droite est laxiste sur ce point ?

M. Patrick Ollier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, j’aimerais attirer votre attention sur un point. Je vous entends à longueur de journée affirmer que le marché a besoin de régulation. Je suis d’ailleurs prêt à partager certaines de vos réflexions sur ce sujet. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent à tout prix favoriser l’enrichissement des actionnaires de certains groupes. Avec mon ami Jacques Legendre, nous nous sommes battus pour la participation, pour l’association capital-travail. Je n’ai aucun complexe à cet égard.

Je disais donc que vous, qui êtes pour la régulation, en arriviez à favoriser l’exploitation à titre gratuit de produits sur des sites internet qui en tireront des profits financiers me choque particulièrement. Au nom de vos principes, je m’oppose donc à l’amendement n° 34.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Je souhaite vous rassurer, monsieur le ministre : il ne s’agit pas d’ouvrir des droits à des exploitants commerciaux. Nous pourrions d’ailleurs modifier l'amendement pour donner aux seules bibliothèques la possibilité de mettre à disposition du public les œuvres indisponibles qu’elles auront numérisées. Aucun bénéfice ne sera réalisé sur des œuvres mises en circulation par les bibliothèques publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Ce débat est extrêmement intéressant. Au demeurant, nous savions que cet amendement serait un point important de la discussion.

Chacun a exprimé son opinion.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer, au nom de vos principes (Sourires.), le souhait que cet amendement soit mis aux voix et que le travail se poursuive à l’Assemblée nationale.

Si les arguments qui sont exposés lors de la commission mixte paritaire nous convainquent que cet amendement heurte effectivement nos principes – mais il faudra le démontrer –, nous trouverons une rédaction plus équilibrée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Mme Gillot a proposé un sous-amendement, et j’aimerais donc qu’il soit examiné avant que nous votions sur cet amendement.

M. le président. Mon cher collègue, Mme Gillot n’a pas déposé de sous-amendement : elle s’est contentée de faire une suggestion orale.

M. Jean-Pierre Plancade. Mme Gillot est capable de le rédiger dans la seconde ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Nous ne sommes pas ici pour nous livrer à un marchandage sur un amendement. Je souhaite, à titre personnel, bien sûr, mais aussi au nom de Frédéric Mitterrand et pour tous les acteurs concernés, que nous rédigions la meilleure loi possible.

Le Gouvernement estime, je le maintiens, que cet amendement comporte des risques.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Nous entendons vos inquiétudes.

M. Patrick Ollier, ministre. Ces risques nous interdisent d’émettre un avis favorable.

Monsieur Assouline, je ne retire rien à ce que j’ai dit : n’oubliez pas que c’est la publicité qui permettra aux acteurs économiques d’Internet de dégager des revenus. Or, avec le système que vous souhaitez instaurer, ils ont de beaux jours devant eux ! Sincèrement, cela me choque. Toutefois, je me doute que, la majorité étant majoritaire, cet amendement sera adopté, même si j’observe des réactions positives chez certains de ses membres…

S'agissant des bibliothèques publiques, madame Gillot, nous sommes prêts à travailler avec vous, mais pas aujourd'hui. Je ne suis pas ministre de la culture, et ne peux donc vous donner l’accord du Gouvernement à la place de Frédéric Mitterrand.

M. Jean-Pierre Plancade. Mais vous pourriez être ministre de la culture !

M. Patrick Ollier, ministre. Merci de me reconnaître quelques mérites dans ce domaine ! Cela sera inscrit au Journal officiel, et je le montrerai à qui de droit ! (Sourires.)

Plus sérieusement, il est clair que je ne peux pas accepter cet amendement sans avoir préalablement réfléchi à la manière dont les bibliothèques publiques pourraient être concernées. En revanche, je propose que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous en discutions dans l’état d’esprit constructif que nous avons évoqué tout à l'heure. Ne nous précipitons pas !

Mon but n’est pas de gagner contre vous ; tel n’est pas mon état d’esprit.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Ce n’est pas le nôtre non plus !

M. Patrick Ollier, ministre. Je le sais bien.

Je pourrais aussi vous dire que l’article 45 de la Constitution permet beaucoup de choses, que l’Assemblée nationale va de toute façon régler tout cela… Or je ne le dis pas ! Alors, monsieur Assouline, ne m’opposez donc pas des raisons politiciennes ! Moi, je ne fais pas de politique : j’essaie de faire la loi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites quand même un peu de politique, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre. C’est vous qui dites : « Si cet amendement n’est pas adopté, mon groupe ne votera pas la proposition de loi ! »

Essayons plutôt d’avoir une discussion positive. Je vous propose une telle discussion. Frédéric Mitterrand m’a dit que je pouvais le faire. J’ai confiance en mon collègue et en ses collaborateurs : ils trouveront une solution s'agissant des bibliothèques publiques.

Pour l’heure, je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Vous avez avancé un nouvel argument, monsieur le ministre, et je me dois donc d’y répondre, d’autant que vous avez interpellé une partie de l’hémicycle…

M. Patrick Ollier, ministre. La majorité !

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. … sur ses valeurs. Vous avez dit que vous ne les partagiez pas. Quoi qu'il en soit, ce sont nos valeurs.

Si j’ai bien compris, vous voulez absolument, contre notre gré et en contradiction avec vos propres valeurs ou principes, faire en sorte que Google soit bien encadré, alors que vous n’êtes pas partisan de cet encadrement, mais parce que nous, nous le sommes ! Vous faites donc le boulot à notre place !

Je ne vous demande pas tant de zèle, monsieur le ministre ! La question des grands groupes qui, à l’instar de Google, profitent du développement d’Internet, parce que, disposant des « tuyaux », ils peuvent désormais publier des contenus culturels en quantité importante, n’est pas tout l’objet de cette proposition de loi. Les enjeux économiques sont gigantesques, et il faut donc trouver des moyens, y compris fiscaux, de réguler ce secteur.

Comprenons-nous bien : Google n’aura pas la possibilité de commercialiser les livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé. Le but est même inverse : nous souhaitons que toute personne, dont Google,…

M. Patrick Ollier, ministre. Je n’ai cité personne !

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Certes, mais soyons francs !

… puisse avoir accès gratuitement à ces ouvrages, dans un souci de démocratisation.

Vous me répondrez que Google ou d’autres entreprises pourront obtenir une rémunération grâce à la publicité. Mais nous ne pouvons l’empêcher puisque c’est déjà le cas quel que soit le contenu ! Dès lors, la contribution à l’intérêt général doit être la contrepartie de cette rémunération. Cette contribution pourrait notamment prendre la forme d’une taxe sur la publicité.

Cela ne concerne pas uniquement le livre, mais l’ensemble des produits culturels : le cinéma, l’audiovisuel, etc. Il faudra bien réguler un jour ou l’autre cette captation de droits d’auteur ou de création sur Internet ! Sinon, il nous sera difficile d’éviter que les intérêts financiers ou mercantiles à court terme n’exercent un contrôle absolu sur ce qu’on peut voir ou non via les supports numériques et par Internet.

J’aimerais que vous reconnaissiez ma sincérité, monsieur le ministre. Je n’ai pas tenu de discours politicien ! J’ai simplement rappelé que notre groupe n’était pas l’auteur de cette proposition de loi et que nous l’aurions rédigée différemment, en y intégrant l’ensemble des amendements déposés, y compris ceux de Mme Cukierman et de Mme Gillot. Afin d’aboutir à un texte acceptable pour tous, des amendements ont été retirés au fur et à mesure, aussi bien en commission qu’en séance publique, tant par des membres de la majorité sénatoriale que par des membres de l’opposition.

Nous considérons que cet amendement est particulièrement important, y compris pour répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs de tous les amendements qui ont été retirés. Je vous ai seulement demandé d’en tenir compte durant la navette parlementaire, afin que, si la rédaction actuelle n’était pas retenue in fine, nous puissions trouver, comme l’a rappelé M. Legendre, une rédaction opérationnelle, certes, mais qui intègre également le sujet que nous avons mis sur la table aujourd'hui. Or, pour que ce sujet reste sur la table, il faut que le présent amendement soit adopté par notre assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Rédiger ainsi cet alinéa :

« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve qu’il est le seul titulaire du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement a pour objet de permettre aux auteurs de sortir à tout moment un livre indisponible du système dit « du droit de préférence » des éditeurs s'ils démontrent qu'ils détiennent l'intégralité des droits d'exploitation du livre en question.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 23, première phrase

Supprimer les mots :

apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d’édition visé au premier alinéa

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme la rapporteure : il s'agit de protéger les auteurs qui ne souhaiteraient pas que leur œuvre soit diffusée par des moyens numériques. Cet amendement étant manifestement voué à « tomber », j’aime autant le retirer ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement n’est pas rancunier : cet amendement apportant une précision utile, il y est favorable. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Après les mots :

à l'alinéa précédent

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 134-3.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s'agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Après les mots :

les conditions prévues

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au deuxième alinéa du I de l’article L. 134-3 est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Il s'agit d’un amendement de coordination et de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 121-4. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons nous assurer que, s'agissant de l’édition numérique, l’auteur pourra bien bénéficier, dans le cas de la perception des droits par une société collective, du droit de retrait prévu par l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle pour l’édition papier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. La commission émet un avis favorable. Personne ne conteste que le droit de retrait demeure applicable aux auteurs des livres indisponibles. Toutefois, je comprends que l’on puisse vouloir le préciser en éclairant l’interprétation du texte, afin de lever les inquiétudes qui pourraient surgir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car, en vertu de l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit de retrait peut s’exercer à tout moment, quel que soit le mode d’exploitation de l’œuvre. La précision qu’apporte cet amendement est donc superflue.

Cette précision pourrait même s’avérer néfaste, car la volonté de confirmer la faculté qu’a l’auteur d’exercer les prérogatives du droit moral dans ce cas précis pourrait laisser penser qu’il existe d’autres cas dans lesquels cette faculté serait limitée. L’adoption de cet amendement serait donc contre-productive, car elle affaiblirait l’exercice du droit moral. Est-ce bien ce que vous souhaitez, madame le rapporteur, madame Cukierman ? Je ne le crois pas, et je souhaiterais donc que vous entendiez l’objection du Gouvernement, qui n’a rien de politique, là non plus, et est purement d’ordre technique.

M. le président. Madame Cukierman, l'amendement n° 14 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le ministre, de façon politique – puisque nous sommes bien là pour faire de la politique, mais de manière intelligente et intelligible –, je retire cet amendement. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 33, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 27 à 31

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-6. – L'auteur et l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 leur décision de lui retirer le droit d'autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique.

« L'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique, s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits définis au même article. Il lui notifie cette décision.

« Mention des notifications prévues aux premier et deuxième alinéas est faite dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2.

« L'éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter le livre concerné dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter à la société de perception et de répartition des droits, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d'exploitation du livre concerné des décisions mentionnées aux premier et deuxième alinéas. Les ayants droit ne peuvent s'opposer à la poursuite de l'exploitation dudit livre engagée avant la notification pendant la durée restant à courir de l'autorisation mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement a pour objet de clarifier la procédure de sortie du système de gestion collective par les auteurs seuls, ou les éditeurs et les auteurs de manière conjointe. Il s'agit donc d’un amendement de clarification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement constate que cet amendement ne modifie pas le mécanisme de sortie du dispositif de gestion collective organisé au profit des titulaires du droit, mais en facilite la compréhension. Il s'agit donc d’une amélioration rédactionnelle. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, je sollicite votre bienveillance, car ma prise de parole relève un peu de la flibusterie. (Sourires.)

J’ai évoqué tout à l'heure un droit d’appel des auteurs qui considéreraient qu’ils ont été oubliés lors de l’établissement de la liste des ouvrages indisponibles à numériser. Malheureusement, cette idée ne m’est venue qu’après la date limite de dépôt des amendements. Mon intervention vise donc à faire figurer d’une autre manière cette idée au Journal officiel. Il faut pouvoir faire droit à un auteur qui se sentirait oublié !

M. le président. Je vous pardonne d’autant plus volontiers cet acte de flibusterie, madame Gillot, qu’il n’a pas réellement retardé nos débats ! (Nouveaux sourires.)

Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Article 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

L'amendement n° 8 rectifié est présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-10. – L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.

« Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à insérer un article additionnel après l’article 1er, comme nous en sommes convenus avec M. Legendre, de manière à ne pas bouleverser le sens de la proposition de loi.

Il s’agit de combler un vide juridique en introduisant dans le code de la propriété intellectuelle une définition globale de l’œuvre orpheline, en prenant garde que les auteurs d’œuvres un moment considérées comme orphelines ou leurs ayants droit ne soient pas lésés.

Je rappelle que tout auteur jouit, en application de l’article L. 121-1 de ce code, d’un droit moral perpétuel, inaliénable et imprescriptible sur son œuvre. En application de l’article L.122-1, il détient par ailleurs des droits patrimoniaux liés à l’exploitation, la reproduction ou la représentation de celle-ci, droits qui ne peuvent être cédés qu’expressément et de manière non exclusive.

Néanmoins, certaines œuvres, susceptibles de relever de tous les secteurs de la propriété littéraire et artistique, ne peuvent, pour des raisons diverses, être attribuées à un auteur précis. Leurs auteurs s’en trouvent lésés puisque, de facto, ils ne sont pas en mesure d’exercer leurs droits. Sont particulièrement concernées les œuvres d’art plastique ou visuelles. Dans le cas des œuvres écrites ou cinématographiques, il s’agit en effet d’un phénomène marginal, mais qui pose néanmoins parfois problème ; nous ne devons donc pas le négliger.

Le nouvel article L. 113-10 que notre amendement vise à introduire viendrait compléter le chapitre consacré aux titulaires du droit d’auteur, qui établit les différents types d’œuvres pour lesquelles une personne peut se prévaloir de la qualité d’auteur.

La définition qu’il donne de l’œuvre orpheline correspond à celle que le Sénat, sur l’initiative de Mme Blandin, devenue depuis présidente de la commission de la culture, et des sénateurs du groupe socialiste, avait adoptée à l’unanimité, voilà un peu plus d’un an, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines. Ce texte est malheureusement toujours en navette, faute d’avoir été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Je rappelle les termes de cette définition : « Une œuvre est considérée comme orpheline si le titulaire des droits sur cette œuvre n’a pas été identifié ou, bien qu’ayant été identifié, n’a pu être localisé à l’issue de la réalisation et de l’enregistrement d’une recherche diligente des titulaires des droits… »

À l’époque, notre assemblée s’était inspirée, pour rédiger cette définition, des travaux du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Nous disposons désormais du texte de la directive adoptée par le Parlement et le Conseil européens. Nous avons donc complété notre définition pour tenir compte des préconisations de cette directive, qui, dans son article 2, dispose que, « lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié ou localisé, elle n’est pas considérée comme orpheline ».

Nous saisissons donc l’occasion de l’examen de ce texte, qui, sans les distinguer des œuvres écrites indisponibles, englobe des œuvres écrites indisponibles et de surcroît orphelines, pour tenter d’accélérer le processus engagé à l’automne 2010 par Mme Blandin et les sénateurs de mon groupe.

Je me réjouis que les amendements proposés par Mme la rapporteure permettent de donner naissance à un régime juridique applicable aux œuvres écrites indisponibles et orphelines. Il s’agit d’une avancée, que nous complétons par notre amendement. Il conviendra, dans un futur proche, de prévoir un régime ad hoc pour toutes les catégories d’œuvres orphelines.

L’œuvre orpheline étant ainsi définie, les éventuels ayants droit pourront faire valoir les droits qui s’y attachent au titre du droit d’auteur ; en l’absence d’ayants droit notoires, il sera possible de procéder à une gestion « conservatoire » de ces droits.

J’espère que nous ne nous dédirons pas et que nous adopterons, pour la deuxième fois en moins de dix mois, cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.

Mme Cécile Cukierman. L’objectif est effectivement d’inscrire dans le code de la propriété intellectuelle la définition des œuvres orphelines pour que leur spécificité puisse être intégrée dans la réflexion. Mme Gillot ayant défendu cet amendement, je ne reviens pas sur le fond.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. On peut s’interroger sur la pertinence de l’insertion d’une disposition générale définissant les œuvres orphelines dans un texte consacré spécifiquement au livre. Néanmoins, après un débat, la commission a considéré ce matin que l’introduction d’une telle définition dans le code de la propriété intellectuelle trouverait son utilité.

Elle a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

Comme l’a dit Mme Gillot, ceux-ci reprennent la définition adoptée – à l’unanimité, je le rappelle – par la commission de la culture le 28 octobre 2010, lors des débats sur la proposition de loi relative aux œuvres orphelines, tout en tenant compte de la rédaction retenue par la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, laquelle permet de retirer le caractère orphelin à une œuvre lorsqu’au moins l’un des titulaires des droits a été retrouvé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, non pas parce qu’il conteste la définition retenue par leurs auteurs pour les œuvres orphelines, laquelle ne soulève pas de gros problèmes en elle-même, mais d’abord parce qu’ils dépassent largement l’objet de la présente proposition de loi, ce qui risque de susciter des difficultés au cours de la navette, car l’Assemblée nationale se montre très stricte sur ce point.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Nous anticipons, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre. Je préfère prévenir ces difficultés, madame Khiari, mais le problème principal est ailleurs.

Il existe aujourd'hui une proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines en vue de l’instauration de règles communes sur la numérisation et l’affichage en ligne des œuvres dites orphelines.

Le Parlement aura donc l’occasion de se saisir dans quelques mois du texte de transposition de la future directive, dont l’objectif premier sera justement de définir les œuvres orphelines, particulièrement dans le secteur de l’écrit, et cela à l’échelle européenne, ce qui constituera un grand pas puisque les auteurs et éditeurs de tous les pays européens concernés verront leurs droits mieux assurés.

J’estime donc qu’il serait, non pas inutile, mais inopportun de discuter d’une définition qui va être établie, avec l’accord des États membres, au niveau de l’Union européenne. C’est pourquoi je ne peux qu’être défavorable à ces amendements, et je préférerais qu’ils soient retirés.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Monsieur le ministre, nous attendons la directive européenne depuis quatre ans et nous risquons de l’attendre encore un moment. De plus, la transposition, l’expérience le démontre, risque de prendre, elle aussi, longtemps…

Aujourd'hui, nous avons la chance d’avoir une définition adoptée à l’unanimité par la commission en 2010 et complétée par Mme Gillot pour tenir compte de la directive, grâce à l’ajout de ce paragraphe : « Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »

M’appuyant sur cette unanimité exprimée par la commission une première fois en 2010 puis une seconde fois ce matin, je souhaite que ces amendements identiques soient mis aux voix.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié et 8 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 7° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La reproduction et la représentation par les bibliothèques, services d’archives, centres de documentation et espaces culturels ouverts au public en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par les utilisateurs. » ;

2° Les deuxième et cinquième alinéas sont supprimés ;

3° Aux troisième et quatrième alinéas, les mots : « des personnes morales et » sont supprimés.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement tend à élargir les exceptions autorisées par le code de la propriété intellectuelle. La nouvelle exception devrait permettre aux bibliothèques et autres institutions culturelles de reproduire des livres protégés par des droits.

Il ne faut pas se voiler la face : ces établissements détiennent souvent des ouvrages en un seul exemplaire et ont déjà procédé à leur numérisation pour les mettre plus facilement à la disposition de leurs usagers. Or ce type de reproduction – selon divers moyens et sur divers supports – n’est pas, aujourd'hui, encadré par la loi.

J’ajoute que certains types de documents, bien que récents, comme la presse, peuvent rapidement se dégrader et nécessiter des opérations de préservation qui impliquent des actes de reproduction. Une telle faculté paraît légitime et justifiée du fait de la nature des missions des établissements culturels concernés.

Par ailleurs, il faut convenir que les établissements entrant dans le champ d’application de l’amendement poursuivent une mission que l’on devrait pouvoir qualifier d’utilité publique – et que pour ma part je qualifie comme telle –, à défaut d’être, dans tous les cas, une mission de service public.

Le développement de la lecture publique contribue à la lutte contre l’illettrisme et à l’accès aux pratiques culturelles du plus grand nombre de nos concitoyens. C’est donc, selon un avis largement partagé, un facteur de progrès pour notre société.

Notre amendement ne tend aucunement à spolier les auteurs de leurs droits patrimoniaux. Les sociétés qui les représentent auront assurément à cœur de négocier avec les pouvoirs publics les conditions d’application de cette nouvelle exception.

J’espère que notre assemblée, loin de penser que je souhaite léser les auteurs et leurs ayants droit, me suivra dans ma volonté d’aider les bibliothèques, équipements culturels publics, à accomplir leurs missions dans de meilleures conditions.

Faute de moyens suffisants, leur existence même est parfois mise en péril. Si, à chaque numérisation autorisée, elles sont obligées de repayer des droits, elles seront à terme confrontées à de graves difficultés, difficultés que les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de prendre en charge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Outre la copie privée, deux exceptions sont prévues pour les bibliothèques. La première permet la reproduction d’œuvres à des fins non commerciales, en vue de faciliter leur accès aux personnes handicapées. La seconde, introduite sur l’initiative du Sénat dans la loi HADOPI, autorise la reproduction effectuée à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de consultation des œuvres.

Cet amendement supprime la condition de handicap pour l’application de la première exception. Les livres indisponibles, mais aussi tous les livres publiés aujourd’hui, sur lesquels les bibliothèques ne détiennent aucun droit, pourraient ainsi être numérisés et mis à disposition des lecteurs sans accord de l’auteur de ces ouvrages et sans rémunération subséquente.

Cette exception extrêmement large est contraire au respect du droit d’auteur, systématiquement défendu par la commission.

C'est la raison pour laquelle, ma chère collègue, je demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de Mme le rapporteur, dont je ne ferai que compléter les arguments.

En premier lieu, madame Gillot, cette disposition serait contraire, si elle était adoptée, au droit communautaire.

En second lieu, j’insiste, à la suite de Mme le rapporteur, sur le fait que la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et au droit voisin dans la société de l’information a déjà ouvert une exception au droit d’auteur au bénéfice des bibliothèques.

L’exception que vous proposez maintenant est beaucoup trop large et je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement, contre lequel j’émettrai, à défaut, un avis défavorable.

M. le président. Madame Gillot, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?

Mme Dominique Gillot. Je vais retirer cet amendement, mais je tiens à ce que notre assemblée soit attentive aux difficultés de fonctionnement qui frappent les équipements culturels publics.

Si nous augmentons leurs charges, ce sont forcément les collectivités locales, qui assurent l’essentiel de leur financement, qui seront mises à contribution. Notre assemblée représentant les collectivités territoriales, il me semble important que nous nous préoccupions de cet aspect.

Soyons objectifs, mes chers collègues. Nous savons comment fonctionnent les bibliothèques et les médiathèques sur nos territoires : la tentation est grande de numériser certains ouvrages, qui ne sont pas encore indisponibles mais qui sont rares ou fragiles, pour que les usagers puissent néanmoins en profiter. Or, quand les établissements en question cèdent à cette tentation, ce qu’ils font parfois, ils sont un peu à la limite de la légalité. Cet amendement visait donc à faire en sorte qu’on ne puisse pas leur faire grief de cette pratique, qui est de nature à développer la lecture publique et à garantir l’accès le plus large à l’ensemble des œuvres et des informations.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un comité de suivi composé de deux sénateurs et deux députés est chargé de rédiger, tous les deux ans, un rapport d’application des dispositions du chapitre IV du livre Ier du titre III du code la propriété intellectuelle.

Ce rapport étudie notamment les modalités de répartition retenues pour assurer la rémunération équitable des ayants droit au titre de l’exploitation numérique des œuvres indisponibles dont ils détiennent les droits, les moyens mis en œuvre, par la société de perception et de répartition des droits agrémentée, pour identifier et retrouver, le cas échéant, les ayants droit des œuvres orphelines et les sommes consacrées par la société agréée aux actions en faveur de la lecture publique.

Ce rapport peut faire l’objet d’un débat dans chacune des deux assemblées.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement vise à instaurer une clause de rendez-vous sur l'application de cette proposition de loi, grâce à la création d'un comité de suivi composé de deux sénateurs et de deux députés, ce qui permettra de garantir les droits de l'opposition.

Certes, le Sénat dispose désormais d'une commission pour le contrôle de l'application des lois, qui a pour mission de veiller à la mise en œuvre des textes législatifs. Néanmoins, si j'en juge par l'activité législative qui nous occupe depuis le début de cette mandature, l'inflation des textes nous guette… Il est donc évident que cette nouvelle commission, dont je fais partie, ne pourra se saisir de l'ensemble des lois adoptées par le Parlement ces dernières années : il faudra nécessairement opérer des choix.

Par conséquent, ce comité de suivi ad hoc chargé de tirer un bilan des modalités d'exploitation numérique des œuvres indisponibles permettra de suivre de manière très précise l'application de ce texte, qui représente, nous en sommes tous convaincus, un véritable progrès dans l'accès à la connaissance du plus grand nombre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Ma chère collègue, je partage votre souci : il est en effet très important de suivre l'application des lois que le Parlement a votées.

Cet amendement s’inspire de nombreux autres adoptés par le Sénat. Toutefois, comme on a pu le constater pour le service civique, les comités de suivi peinent à se mettre en place. Par ailleurs, pour paraphraser une formule chère aux Guignols de l’info, nous n’allons pas prendre à David Assouline « son boulot de dans quelques mois ». (Sourires.)

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. De tout de suite ! (Rires.)

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Le Sénat a aujourd’hui plus que jamais un rôle à jouer dans le contrôle de l’application des lois, notamment grâce à la commission qui vient d’être mise en place. Cependant, il doit le faire indépendamment du Gouvernement comme de l’Assemblée nationale.

C'est la raison pour laquelle je souhaite le retrait de cet amendement. Ma chère collègue, je vous invite à vous rapprocher du président de cette nouvelle commission, qui en est encore à sa phase de mise en place, pour qu’elle suive de manière pertinente l'application du présent texte lorsqu’il sera devenu une loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Madame Gillot, je n’oublie pas que j'ai été parlementaire. En 2003 ou 2004, j'ai été l'un des premiers à mettre en place des binômes opposition-majorité pour le contrôle de l'application de la loi à l'Assemblée nationale. En vérité, cette mission incombe aux commissions du Parlement : elle fait pleinement partie de leur rôle. Il suffit que le président d’une commission confie ce travail de contrôle à des rapporteurs pour qu’il soit entrepris. Démonstration en a été faite à l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat puisqu’il a également produit plusieurs rapports d'application des lois.

L'Assemblée nationale est allée plus loin en inscrivant le contrôle de l'application des lois dans son règlement et en créant un comité d'évaluation et de contrôle, présidé par Bernard Accoyer. De façon symétrique, le Sénat vient de créer la commission pour le contrôle de l'application des lois, qui vous a nommé président, monsieur Assouline, ce dont je vous félicite.

Par conséquent, laissez les organes du Parlement spécialisés dans le contrôle exercer cette mission ! Le choix des textes et la façon de procéder pour le faire relèvent du libre-arbitre de chaque assemblée. Vous gagnerez ainsi en efficacité. Si vous ajoutez des comités de suivi aux institutions qui existent déjà, ce sera beaucoup plus complexe !

Enfin, on ne peut déterminer si la loi est appliquée sans consulter tous les acteurs de la filière ! Par conséquent, pourquoi ne pas inclure dans ce comité de suivi les éditeurs, les bibliothèques, les auteurs, et aussi l'État, sans oublier les consommateurs ? Bref, il est préférable de laisser M. Assouline et cette nouvelle commission sénatoriale faire leur travail. D’ailleurs, je ne doute pas que, lorsqu'il s'agira de contrôler l’application des lois votées par la majorité gouvernementale, il sera extrêmement vigilant ! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Monsieur le ministre, cette commission, composée de trente-neuf membres, a vocation à rendre enfin inutiles, à terme, les demandes que nous présentons systématiquement en matière de contrôle législatif et qui, le plus souvent, restent vaines. Ainsi, j'attends toujours le rapport d’évaluation de la commission de suivi sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Or, depuis la révision constitutionnelle, il incombe au Parlement non seulement de voter la loi, mais aussi de veiller à son application et de contrôler le Gouvernement.

M. Patrick Ollier, ministre. Nous sommes d'accord !

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Le Sénat a décidé, avec sa nouvelle gouvernance, de se donner les moyens d'y parvenir.

Cela étant, pour qu’une loi soit appliquée, il faut souvent attendre les textes réglementaires. Et c’est à ce moment-là que l'on se rend compte que les moyens humains ou financiers manquent pour sa mise en œuvre.

Par ailleurs, pour que le contrôle des lois entre dans la culture française parlementaire – dans les pays anglo-saxons, cela va de soi –, il faudrait aussi que des moyens importants soient déployés. C’est grâce à des sujets comme celui qui nous réunit aujourd'hui que nous montrerons toute la pertinence de cette nouvelle commission et que nous soulignerons l’importance qu’il convient d’accorder aux missions d’évaluation et de contrôle.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Mme Dominique Gillot. Je suis convaincue par tous les arguments qui viennent d'être avancés et toutes les protestations d'efficacité du contrôle parlementaire. Par conséquent, je vais retirer cet amendement.

Je resterai néanmoins extrêmement vigilante, car, même si je ne suis sénateur que depuis quelques semaines, j'ai pu m'apercevoir que les dossiers relatifs à la culture étaient traités de façon un peu… aléatoire. C’est pourquoi je crains que, dans deux ans, on ne considère qu’il y a des textes législatifs beaucoup plus importants que cette proposition de loi dont il convient de contrôler l’application.

Monsieur le président de la commission pour le contrôle de l'application des lois, comme vous le savez, j’appartiens également à cette commission. Vous pouvez donc compter sur moi pour inscrire, dans deux ans, à l’ordre du jour de nos travaux l'évaluation de la mise en œuvre de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. C'est un grand classique : les parlementaires n’ont de cesse de demander à veiller à l'application des lois qu’ils votent. Cela me paraît d’ailleurs la moindre des choses !

La première fois que j’ai été nommé rapporteur, j'ai fait voter une disposition prévoyant que, deux ans après, un rapport sur l'application de la loi soit remis. C’était en 1975 et il s’agissait de la loi Haby...

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. C’était ma première manif ! (Sourires.)

M. Jacques Legendre. Vous le voyez, de telles demandes ne datent pas d’hier, et elles reviennent régulièrement !

Ma chère collègue, vous comme moi, nous sommes membres de cette commission qui vient d’être créée et dont le président a été fraîchement nommé. Nous veillerons à ce qu’elle fasse son travail !

M. le président. Madame Gillot, l'amendement n° 6 est-il bien retiré ?

Mme Dominique Gillot. Oui, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Article 3

Article 2

Au troisième alinéa de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « des articles L. 122-10, L. 132-20-1, », sont ajoutés les mots : « L. 134-3, ».

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « création », sont insérés les mots : « , à la promotion de la lecture publique, » ;

2° Au 2°, après la référence : « L. 132-20-1, », est insérée la référence : « L. 134-3, ».

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Mme Dominique Gillot. Cet amendement est essentiel à l’essor de la lecture publique et au soutien à l’action des bibliothèques, qui ont besoin de développer leurs fichiers numériques, leur utilisation et leur fréquentation.

Actuellement, l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits, quel que soit leur champ de compétence – musique, écrit, audiovisuel, arts plastiques... – utilisent 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée et l’intégralité des sommes qui n’ont pas été réparties aux ayants droit au bout de dix ans à différents types d’actions qui s’inscrivent toutes dans une politique de soutien aux auteurs et artistes que représentent ces sociétés. Aux termes de cet article, ces actions sont aujourd’hui limitées dans trois directions : aide à la création, diffusion du spectacle vivant, formation des artistes. Ainsi, le secteur du spectacle vivant est le grand bénéficiaire du dispositif.

Cet amendement tend donc à faire profiter également le secteur de l’écriture et de la littérature de ces sommes « non répartissables » et des 25 % du produit de la rémunération pour copie privée. En effet, je souhaite que les sommes en cause financent également des actions de promotion de la lecture publique.

Les bibliothèques et autres réseaux de lecture bénéficieront ainsi d’un soutien ciblé par le biais de l’attribution de ces deux mannes que l’on dit considérables dans d'autres sociétés de répartition.

Il s’agit de favoriser la promotion de la lecture publique, à travers des animations particulières dans ces lieux de lien social et de progrès partagé, de permettre des actions de sensibilisation et de séduction des publics les plus éloignés de la lecture, des actions de renforcement du lien entre les auteurs et les lecteurs, des ateliers d’écriture. Je pense que les animateurs de nos bibliothèques ne manquent pas d'imagination et sauront très bien quoi faire de ces fonds.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. (Mme Dominique Gillot s’exclame.)

Je comprends tout à fait l'objet de cet amendement et le Gouvernement est ouvert à une réflexion sur une destination particulière des sommes irrépartissables perçues au titre de la gestion collective des droits. Cependant, l’adoption de cet amendement aurait des conséquences disproportionnées par rapport à son objet. La disposition prévue modifierait non seulement de façon très large les règles d'utilisation des sommes irrépartissables de tous les régimes de gestion collective des droits en France, mais aussi la destination du quart des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Je soutiens avec force les intentions exprimées par Mme Gillot.

Nous souhaitons tous voir les sommes qui seront collectées aller à la lecture publique, de la même manière qu’elles sont déjà consacrées, par exemple, au soutien du spectacle vivant. Nous en avons débattu en commission et, sans faire de la lecture publique le destinataire exclusif de cet argent, il nous est apparu que, dans ce cas, ces sommes devaient lui être versées.

J'aimerais que le Gouvernement aussi bien que le Parlement fassent preuve de « création », en l’occurrence de création législative, pour permettre à cet argent d’aller à la lecture publique.

S’il est un sujet qui nous tient à cœur dans ce pays, c'est bien la lutte contre l'illettrisme, l'appétence pour le livre papier et l'accès aux nouvelles technologies de l'information dans le domaine de la lecture. Monsieur le ministre, s'il vous plaît, aidez-nous ! (Bravo ! et applaudissements.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 2 est ainsi rédigé.

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Article 4 (début)

Article 3

Les dispositions de la présente loi sont applicables à compter de la mise en œuvre de la base de données publique mentionnée à l’article L. 134-2 du code de la propriété intellectuelle.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

et au maximum six mois après sa promulgation

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Cet amendement vise à prévoir un délai maximal pour l'application de cette loi, ce qui constitue une « exigence constitutionnelle ». C'est pourquoi les décrets d'application devront être publiés au plus tard six mois après la promulgation de ce texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
Article 4 (fin)

Article 4

Les conséquences financières résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

M. David Assouline, vice-président de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite dire quelques mots au nom de la commission, mais aussi pour préciser quel est l’état d’esprit de sa présidente, Mme Blandin.

Nous avons joué le jeu, mais la situation est un peu surréaliste, et je suis d’ailleurs heureux de la présence de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, car je souhaite évoquer nos conditions de travail.

Le texte a été inscrit il y a deux semaines à l’ordre du jour à la demande du groupe UMP, à la suite d’un échange d’heures, hors conférence des présidents, avec le groupe socialiste-EELV. Dans la mesure où nous sommes dans une « niche » d’initiative parlementaire, la commission n’avait pas la possibilité de s’opposer à la discussion de ce texte aujourd'hui.

De surcroît, cette discussion se déroulant un vendredi après-midi, nous sommes privés de la présence de M. le ministre de la culture et de la communication – même si M. Ollier s’est remarquablement acquitté de la tâche dont il s’est trouvé chargé – et de celle de la présidente de la commission, qui n’ont pas été en mesure de modifier leurs agendas dans un délai aussi raccourci.

Mme la rapporteure fut donc contrainte de travailler dans un temps très bref, sur un sujet particulièrement complexe, ce qui explique que la commission n’ait pu élaborer un texte lors de sa première réunion et qu’elle ait dû déposer, aujourd’hui, de nombreux amendements. Il est clair que, si les délais avaient été plus confortables, nous aurions pu alléger le travail en séance publique.

La commission de la culture s’est penchée dès 2009 sur cette question de l’encadrement de la numérisation des livres et ce texte est l’aboutissement de la réflexion menée par des membres de tous les groupes.

Malgré ces conditions de travail, que nous souhaitons ne pas voir se reproduire trop souvent, nous avons fait en sorte de garantir le meilleur accès à la culture numérique pour le plus grand nombre.

Au moment où Google renonce, aux États-Unis, à l’accord transactionnel qu’il espérait conclure avec les ayants droit, ce texte fera de la France le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme destiné à traiter le cas des œuvres indisponibles. Nous en sommes fiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.

M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de nos débats, je souhaite remercier l’ensemble de celles et ceux qui ont pris part au travail sur cette proposition de loi.

Ce texte a été déposé et discuté dans des conditions trop précipitées, c’est vrai. Nous avons néanmoins accepté qu’il en soit ainsi parce que nous pensons que certains textes doivent être adoptés avant la suspension des travaux parlementaires au mois de février prochain, dans la perspective des échéances électorales.

C’est donc au bénéfice d’un objectif précis que nous nous sommes tous retrouvés.

Je voudrais remercier chaleureusement Mme le rapporteur, Bariza Khiari, Mme Dominique Gillot, qui a joué un rôle important dans cette discussion, ainsi que Mme la présidente de la commission de la culture, Marie-Christine Blandin, qui ne pouvait malheureusement être présente cet après-midi, ce dont personne ne songe à la blâmer.

Sur ce texte, nous avons tous fait des concessions. Pour ma part, j’ai fait l’effort de ne pas suivre l’indication de vote du ministre ici présent, qui se trouve être un de mes amis de longue date…

M. Patrick Ollier, ministre. De très longue date !

M. Jacques Legendre. … et que j’ai l’habitude de soutenir. Si je suis allé ainsi contre mon inclination, c’était dans le souci d’une issue positive du débat parlementaire.

Car enfin, mes chers collègues, ce n’est pas tous les jours qu’il s’agit de numériser l’ensemble de la production littéraire de la France au XXe siècle ! Excusez du peu ! Ce n’est pas rien de la rendre accessible à tous et de trouver le moyen de concilier les intérêts des auteurs, des éditeurs, pour le plus grand profit des lecteurs et, partant, de la culture.

Voilà ce qui, à mes yeux, justifiait que, au-delà de nos légitimes approches de groupe, nous nous rejoignions aujourd’hui sur ce texte, lui permettant de continuer à vivre, c'est-à-dire d’aller à l’Assemblée nationale, avant de nous revenir pour que nous atteignions le meilleur résultat possible.

Je ne cache pas, ce soir, mon enthousiasme, car je pense que ce texte comptera ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bariza Khiari, rapporteure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris bien évidemment à ce qui a été dit sur les conditions difficiles dans lesquelles nous avons dû travailler, mais aussi sur l’enthousiasme que ce texte mérite de susciter en nous : il valait la peine qu’on y travaille, fût-ce dans ces conditions.

Je voulais également adresser mes plus sincères remerciements aux services du Sénat, et tout particulièrement aux fonctionnaires affectés à la commission de la culture, qui ont effectué un travail remarquable. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais m’associer à ce concert de louanges. Faire un travail législatif dans une ambiance aussi constructive est suffisamment rare pour être signalé !

Je remercie Mme le rapporteur, M. Assouline, vice-président de la commission de la culture, et l’ensemble des groupes politiques, qui ont travaillé pour faire ce qu’ils considèrent comme une bonne loi, même si je n’étais pas toujours d’accord sur les dispositions qui ont été votées. (Sourires.)

Laissons maintenant la navette faire son œuvre. Les pistes de réflexion pour l’avenir indiquées par le Gouvernement seront réaffirmées.

Madame le rapporteur, j’espère que des réponses seront trouvées à vos préoccupations. En revanche, s’agissant de ce que nous avons refusé aujourd’hui, en considérant que cela ne participait pas d’une bonne législation, nous maintiendrons sans doute nos positions.

Je remercie toutes et tous de ce travail consensuel et constructif pour arriver à la meilleure loi possible. J’espère que mon collègue Frédéric Mitterrand ne jugera pas ma prestation insuffisante, lui qui aurait certainement été beaucoup plus pertinent que moi sur ces sujets. (Nouveaux sourires.) Il m’a en tout cas chargé de vous exprimer ses regrets de ne pas avoir pu participer à ce débat. (Applaudissements.)

M. le président. Vous l’avez fort bien suppléé, monsieur le ministre.

Article 4 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle
 

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 décembre 2011 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quatorze heures trente :

2. Scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.

3. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 115, 2011 2012).

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 148, 2011-2012).

4. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament (n° 130, 2011 2012).

Rapport de M. Bernard Cazeau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 162, 2011-2012).

5. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d’enchères communes (Procédure accélérée) (n° 152, 2011-2012)

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 171, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 172, 2011-2012)

6. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d’une instance de surveillance des enchères (Procédure accélérée) (n° 153, 2011-2012)

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 173, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 174, 2011-2012)

7. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (n° 160, 2011-2012).

Rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances (n° 164, 2011 2012).

Avis de M. Vincent Eblé, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 163, 2011-2012).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

8. Questions cribles thématiques sur la compétitivité.

À dix-huit heures et le soir :

9. Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART