Sommaire

Présidence de Mme Bariza Khiari

Secrétaire : Mme Catherine Procaccia.

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

seconde partie (suite)

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Provisions

Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État

MM. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la fonction publique, et en remplacement de Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la modernisation de l’État.

M. Jean-Yves Leconte, Mmes Marie-France Beaufils, Anne-Marie Escoffier.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.

État B

Amendement n° II-36 de la commission. – MM. Philippe Dallier, rapporteur spécial ; le ministre. – Retrait.

Rejet des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Rejet des crédits de la mission « Provisions ».

État D

Rejet des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Article 64 quater (nouveau). – Adoption

Article 64 quinquies (nouveau)

Amendement n° II-38 de la commission. – Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; MM. le ministre, Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Engagements financiers de l’État

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial ; Henri Tandonnet, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, pour les participations financières de l’État.

Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Philippe Dominati, Jean-Jacques Mirassou, Joël Guerriau.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

État B

Mme la rapporteure générale.

Adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État »

État D

Rejet des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux »

Adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».

Rejet des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

Régimes sociaux et de retraite

Compte d’affectation spéciale : Pensions

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mmes Marie-France Beaufils, Anne-Marie Escoffier, M. Jean-Jacques Mirassou.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.

État B

Adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

État D

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Articles 65 et 66. – Adoption

Remboursements et dégrèvements

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale de la commission des finances.

Mmes Anne-Marie Escoffier, Annie David.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.

État B

Amendement n° II-377 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

3. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Immigration, asile et intégration

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Corinne Bouchoux, rapporteure pour avis de la commission des lois, pour l’immigration, l’intégration et la nationalité ; MM. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, rapporteur pour avis, pour l’asile ; Alain Néri, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’immigration et l’asile ; Raymond Couderc, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’immigration et l’asile.

Mmes Anne-Marie Escoffier, Éliane Assassi, MM. André Trillard, Jean-Yves Leconte, Mme Esther Benbassa, MM. Gilbert Roger, Richard Yung.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

MM. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis ; le ministre.

État B

Rejet des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural

MM. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances ; Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mmes Renée Nicoux, rapporteure pour avis de la commission de l’économie ; Odette Herviaux, rapporteure pour avis de la commission de l’économie ; MM. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.

Mme Mireille Schurch, MM. Charles Revet, Aymeri de Montesquiou, Mme Bernadette Bourzai, MM. Yvon Collin, Ambroise Dupont, Joël Labbé, Mme Évelyne Didier, MM. Alain Bertrand, Gérard Bailly, Jean-Étienne Antoinette, Jean-Claude Lenoir, Mmes Odette Herviaux, Renée Nicoux.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Rappel au règlement

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis ; MM. le président, Yannick Botrel, rapporteur spécial.

État B

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.

Rejet des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

État D

Adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Article 48

Mme Évelyne Didier.

Amendement n° II-389 de M. Bernard Piras. – Mme Bernadette Bourzai, MM. Joël Bourdin, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 48 bis (nouveau)

Amendement n° II-223 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. Yannick Botrel, rapporteur spécial ; le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 48 ter (nouveau)

Mme Renée Nicoux.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

Conseil et contrôle de l’État

MM. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, en remplacement de M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis pour la justice administrative, et de M. André Reichardt, rapporteur pour avis pour la Cour des comptes et les autres juridictions financières.

M. Alain Anziani, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Anne-Marie Escoffier, M. Michel Magras.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

État B

M. le rapporteur spécial.

Adoption des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Article 49 quater (nouveau)

M. le rapporteur spécial.

Adoption de l'article.

Pouvoirs publics

MM. Jean-Paul Emorine, rapporteur spécial de la commission des finances ; Michel Delebarre, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Alain Richard, Michel Magras.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

État B

Amendement n° II-149 de M. Jean-Pierre Bel. – MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Pouvoirs publics ».

Direction de l’action du Gouvernement

Budget annexe : Publications officielles et information administrative

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ; M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la coordination du travail gouvernemental ; Mme Virginie Klès, rapporteure pour avis de la commission des lois, pour la protection des droits et des libertés.

Mme Anne-Marie Escoffier, M. Alain Richard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Magras.

M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

État B

Amendement n° II-436 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur spécial. – Rejet.

Rejet des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

État C

Rejet des crédits du budget annexe : Publications officielles et information administrative.

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaire :

Mme Catherine Procaccia.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l'article 51 octies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Provisions - Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Provisions

Compte d’affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » (et articles 64 quater et article 64 quinquies).

La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » a pour finalité principale de porter les ressources destinées aux services du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Elle finance essentiellement la direction générale des finances publiques, la DGFiP, et la direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, qui absorbent à elles deux plus de 85 % de ses crédits.

Pour 2012, en tenant compte des plans d’économies mis en œuvre par le Gouvernement, 11,56 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 11,60 milliards d’euros de crédits de paiement sont demandés au titre de la présente mission. Ainsi, les crédits de la mission diminuent de près de 1,4 % par rapport à l’exercice 2011. Les économies annoncées reposent avant tout sur de moindres dépenses de fonctionnement. À cet égard, la fin du chantier de la mise en place du système d’information Chorus représente près du tiers des économies prévues, et donc certaines.

À n’en pas douter, l’enjeu essentiel de la mission réside bien dans le pilotage des dépenses de personnel.

La masse salariale représente en effet 75 % des charges de la mission – 8,7 milliards d’euros –, mais surtout plus de 7 % des dépenses de personnel du budget général de l’État, ce qui est considérable.

C’est pourquoi un effort important de maîtrise des dépenses de personnel de la mission est réalisé. Mais c’est aussi en ce domaine qu’apparaissent les principales difficultés en termes de programmation budgétaire.

La masse salariale augmente de 1,21 % en 2012, et une réduction des dépenses de personnel de 0,14 % hors contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions » est également prévue. C’est une première à saluer ! Cette inflexion est obtenue grâce à un effort de diminution des effectifs. Ainsi, le taux de non-renouvellement des fonctionnaires partant à la retraite atteint 66 % en 2011 pour la DGFiP.

Toutefois, cette programmation pose question. En effet, au cours des derniers exercices, les dépenses de personnel ont systématiquement fait l’objet de réajustements. En novembre 2010, un décret d’avance avait prévu, au bénéfice du ministère du budget, l’ouverture de 110,8 millions d’euros. Cette année encore, 53,6 millions d’euros sont ouverts par un décret d’avance pour payer les agents de la DGFiP et de la DGDDI au mois de décembre. Le Gouvernement explique ces dépassements par un nombre de départs à la retraite en 2010 et en 2011 inférieur à celui qui avait été initialement prévu.

À plusieurs reprises, la Cour des comptes a recommandé de piloter les dépenses de personnel par masse salariale et non pas seulement par les effectifs. Cette recommandation ne paraît-elle pas opportune eu égard aux dépassements constatés de la programmation ? Pouvons-nous penser que, pour 2012, le chiffre annoncé sera, cette fois-ci, le bon ?

Les difficultés inhérentes à la maîtrise de ce type de dépenses se retrouvent également en ce qui concerne la fusion de la direction générale des impôts, la DGI, et de la direction générale de la comptabilité publique, la DGCP. Une enquête portant sur cette réforme a été remise par la Cour des comptes à la commission des finances.

La réunion institutionnelle de ces deux directions apparaît indéniablement comme une réussite après la tentative avortée de 2000. Pour ce faire, la fusion s’est accompagnée de mesures catégorielles au profit des agents, au coût somme toute relativement important. Si les effectifs de la DGFiP ont été réduits de 3 %, la masse salariale a quant à elle augmenté de 1 % entre 2008 et 2010.

Une réforme réussie coûte cher, nous dit-on. Mais cette fusion a-t-elle été payée à son juste prix ? La question mérite d’être posée. Les mesures catégorielles liées à la fusion devaient représenter un coût de 38 millions d’euros en 2011. Néanmoins, pour le mois de décembre de cette année, 12 millions d’euros supplémentaires sont ouverts par décret d’avance pour financer ces mesures. J’en conviens, des avantages indemnitaires devaient être accordés pour garantir le succès de la fusion. Mais pourquoi la programmation de ces dépenses est-elle insuffisante ? Doit-on craindre qu’il en soit de même l’année prochaine, ou la prévision établie cette année est-elle exacte ?

J’en viens maintenant à la problématique de la lutte contre la fraude fiscale. Celle-ci est présentée par le Gouvernement comme une priorité. On ne peut que s’en féliciter ! Cependant, on peut déplorer, alors que cet effort est porté par la DGFiP, qu’aucun indicateur de performance n’apporte réellement de renseignements sur l’efficacité de ce contrôle fiscal.

Il faut aller chercher un peu dans le détail, dans le tome I du fascicule « Voies et moyens », pour constater que le nombre de contrôles fiscaux concernant les particuliers a diminué de 15 % depuis 2006. Malgré une récente amélioration, le montant des droits rappelés dans le cadre de ces contrôles a diminué de 3 % et le montant des pénalités appliquées, de 44 %. Si nous ne pouvons qu’être favorables à une meilleure maîtrise des dépenses de l’administration fiscale, il ne faudrait pas que les moyens du contrôle fiscal en soient affectés !

Ces moyens ont-ils été réellement préservés, comme l’avait demandé le Parlement avant que ne débute la fusion de la DGI et de la DGCP ? Nous souhaiterions vous entendre sur ce point, monsieur le ministre.

Enfin, sur mon initiative, la commission des finances s’est interrogée – elle s’interroge d’ailleurs toujours, et nous verrons quel sort sera réservé à l’amendement déposé – sur ce que recouvrait la dotation de 10 millions d’euros réintroduite dans le programme 148 « Fonction publique », pour le financement d’une nouvelle aide au maintien à domicile des fonctionnaires retraités.

Destinée aux fonctionnaires de plus de soixante-cinq ans ne bénéficiant pas de l’allocation personnalisée d’autonomie, ou APA, cette aide remplace l’aide ménagère à domicile qui avait été supprimée en 2009, car devenue inefficace. Or, cette année, on nous propose de la rétablir, sans qu’il ait été possible de comprendre ce qu’elle recouvrait exactement.

Dans un contexte de finances publiques contraint, est-il vraiment nécessaire de créer une aide qui viendrait s’ajouter aux dispositifs déjà existants – à l’APA, notamment ? Ne serait-il pas plus opportun de se recentrer sur des dépenses absolument nécessaires ? Certaines aides sociales sont indispensables, mais celle-ci l’est-elle vraiment ? La question est posée.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », tels qu’ils sont modifiés par l’amendement qui va vous être présenté.

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’attacherai à présenter brièvement les crédits de la mission « Provisions » et du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

La mission « Provisions » est une mission originale : en effet, elle est constituée de deux dotations-programmes regroupant des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances. Ces crédits sont donc répartis en tant que de besoin entre les autres missions, en cours d’exercice, par voie réglementaire.

Au titre de cette mission, le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait initialement 478 millions d’euros en autorisations d’engagement et 178 millions d’euros en crédits de paiement. En seconde délibération, l’Assemblée nationale a minoré de 88,75 millions d’euros, à titre non reconductible, les crédits de la mission, afin de « gager » pour l’essentiel les moyens supplémentaires inscrits à titre non reconductible sur les autres missions, conformément aux souhaits exprimés par sa commission des finances.

J’en arrive au compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », dont les recettes pour 2012 sont estimées à 400 millions d’euros.

Nous observons cette année une nouveauté : pour la première fois depuis que le compte d’affectation spéciale existe, le projet de loi de finances comprend un léger déficit en prévision : 52 millions d’euros. Comme le programme « Contribution au désendettement de l’État » dispose par ailleurs de crédits à hauteur de 52 millions d’euros, on se trouve a priori dans une situation d’équilibre : le compte reprend d’une main au budget général ce qu’il lui donne de l’autre.

Toutefois, comme je l’indique dans le rapport écrit, ce déficit est tout à fait normal ; il s’explique par les prévisions, enfin réalistes, faites par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances. L’article 195 de la loi de finances pour 2009, inséré sur l’initiative de la commission des finances, et en particulier de Mme Nicole Bricq, oblige les ministères à restituer une certaine fraction du produit de leurs cessions : de 15 %, celle-ci a été portée à 20 % en 2012, puis à 25 % en 2013, et à 30 % en 2014. Ce dispositif garantit que, à moyen terme, le compte contribue bien au désendettement de l’État à hauteur du taux prévu, même si cela peut ne pas être le cas lors d’une année donnée.

Par ailleurs, deux articles rattachés au compte d’affectation spéciale ont été adoptés par l’Assemblée nationale : l’article 64 quater, qui crée un document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l’État ; l’article 64 quinquies, qui autorise la cession par l’État des bois et forêts composant le domaine de Souzy-la-Briche. La cession de ce domaine autrefois affecté à la présidence de la République, inutilisé et coûteux pour l’État, ne peut qu’être bienvenue.

Néanmoins, la majorité de la commission des finances estime que les informations dont elle dispose pour le moment sont insuffisantes et ne lui permettent pas de se prononcer de manière éclairée sur cette autorisation d’aliéner le domaine de Souzy-la-Briche. Peut-être le Gouvernement est-il en mesure d’apporter, devant le Sénat, des éléments supplémentaires sur ce point ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter sans modification les crédits de la mission « Provisions », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » ainsi que l’article 64 quater ; elle vous invite par ailleurs à rejeter l’article 64 quinquies.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fonction publique continue d’évoluer sous le coup des réformes successives et des restructurations entreprises par l’État au titre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Le programme 148 et ses crédits interministériels de formation et d’action sociale, au-delà de leur propre intérêt, accompagnent ces réformes.

En effet, l’accompagnement des agents tout au long de ce processus de réorganisation des services est un impératif. Il est la clé de son succès. Il est aussi le gage du maintien de l’efficience de notre système d’administration publique.

Le budget correspondant pour 2012 s’élève à 230,2 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 3,08 %.

L’évolution, cependant, est différenciée : si l’enveloppe consacrée à l’action sociale croît de 5,22 %, les crédits de formation diminuent de 1,01 %.

J’aborderai tout d’abord la question de la mise en œuvre des 100 000 suppressions de postes décidées pour le triennat 2011-2013. Je n’en conteste pas l’objectif, tout au moins en partie : l’avènement de la décentralisation, et donc l’adaptation par l’État de ses missions, ainsi que l’utilisation des nouvelles technologies ouvraient des gisements d’emplois. Mais une application trop systématique de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite me soucie pour deux raisons.

D’une part, certains de nos territoires sont plus vulnérables que d’autres en raison de leur situation géographique, sociale, démographique ; ils ont donc, plus que d’autres, besoin de la présence de l’État. Comment assurer celle-ci quand on ressent, par suite de la diminution des effectifs, l’affaiblissement du maillage des services déconcentrés ?

D’autre part, la diminution du nombre de fonctionnaires ne doit pas se faire au détriment de la qualité de certaines missions de l’État.

La RGPP est lancée depuis 2007. L’État employeur doit donner aux personnels les moyens suffisants de se former et de s’adapter à leurs nouvelles fonctions résultant de ces restructurations. Je m’inquiète donc de la baisse, certes légère, à hauteur d’un peu plus de 1 %, des crédits affectés à la formation des fonctionnaires dans le programme 148.

Plus généralement, ce fléchissement des crédits d’action interministérielle est-il emblématique de l’évolution constatée pour ce même secteur dans les ministères ? Le volume global des crédits inscrits au titre de la formation continue, qu’elle soit interministérielle ou mise en œuvre par chaque ministère, est-il suffisant pour permettre l’adaptation professionnelle des fonctionnaires concernés par les réorganisations administratives ?

Est-il besoin, monsieur le ministre, de rappeler l’importance capitale de la formation, alors que se réforment les administrations ainsi que les modes d’intervention de la puissance publique ?

En revanche, le dispositif des vingt-cinq classes préparatoires intégrées mises en place par les écoles de service public est un succès remarquable, qu’il faut saluer : toutes écoles et toutes administrations confondues, le taux de réussite à un concours de la fonction publique est légèrement supérieur à 50 %. C’est une chance méritée pour ces élèves qui consentent beaucoup d’efforts pour y parvenir. C’est aussi un facteur de vitalité et de diversification de l’administration, qui ne peut que consolider la colonne vertébrale de notre République.

J’exprimerai un regret : la loi du 3 août 2009 était destinée à encourager la mobilité des fonctionnaires, par la levée des freins juridiques et financiers qui l’entravaient. Mais elle a produit jusqu’à présent peu d’évolutions significatives.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Nous y travaillons !

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Il est vrai, monsieur le ministre, que la RGPP et la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sont pas propices à la mobilité choisie.

Cependant, comment faire vivre ce droit au sein de chaque fonction publique et entre fonctions publiques, comme l’a prévu le législateur ?

J’en reviens au programme 148.

Je me réjouis de la réintroduction, sur des critères révisés, de la prestation de l’aide ménagère à domicile, suspendue depuis le 1er janvier 2009. C’est une mesure d’équité envers les agents retraités de l’État physiquement et financièrement fragiles ; les pensionnés des autres régimes en bénéficient aussi. C’est donc un moyen de rétablir l’équité entre la fonction publique et les autres secteurs d’activité et, sur le plan social, d’éviter l’intervention d’autres actions sociales, comme l’allocation personnalisée d’autonomie. Je précise que la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, assurera la gestion de cette aide, ce qu’elle sait parfaitement faire.

Enfin, le cycle des élections professionnelles dans la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière sur les critères rénovés de la loi du 5 juillet 2010 s’est achevé, mardi 22 novembre, avec la journée de « rattrapage » pour le ministère de la justice. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les enseignements à en tirer ? La qualité du dialogue social, particulièrement importante en ces temps de mutations, en dépend.

Réunie le 16 novembre, la majorité de la commission des lois a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 148.

Mme la présidente. Ma chère collègue, je vous donne à nouveau la parole, cette fois-ci en remplacement de Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis.

Mme Jacqueline Gourault, en remplacement de Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la modernisation de l’État. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis des crédits du programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » s’intégrant à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Cet avis permet à la commission des lois d’examiner la conduite de la modernisation de l’État engagée par le Gouvernement.

Compte tenu du temps imparti, Mlle Joissains a préféré se limiter à quelques observations et remarques.

Sa première observation porte sur les objectifs et indicateurs de performance du programme : la commission émet quelques réserves sur leur lisibilité, leur précision et la méthodologie de leur élaboration.

Mlle Joissains entend examiner de près ces questions dans les années à venir. Elle souligne dès à présent, dans son rapport, que l’objectif n° 1 du programme, « Rendre visible au citoyen la modernisation de l’État », ainsi que son indicateur associé, « taux de mesures RGPP sur leur trajectoire nominale (du point de vue du citoyen) », ont des libellés quelque peu complexes. Ne serait-il pas plus intelligible de parler respectivement d’« état d’avancement de la modernisation de l’État » et de « taux des mesures de modernisation avançant conformément aux objectifs initiaux » ?

Elle insiste également sur la nécessité de s’assurer que les mesures de modernisation ne conduisent pas à une dégradation du climat social. Or aucun indicateur de performance n’a été mis en place pour l’évaluer ; il serait sans doute opportun de corriger cet oubli dans les années à venir. En effet, la modernisation de l’État ne doit entraîner ni démotivation ni souffrance des fonctionnaires, faute de quoi la qualité du service public peut difficilement être maintenue.

Mlle Sophie Joissains formule ensuite deux remarques sur le périmètre du programme.

Tout d’abord, il peut paraître curieux que le rattachement budgétaire de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, ou DGAFP, soit éclaté. Notre collègue souhaiterait que la négociation du budget triennal 2013-2015 permette de réfléchir à une solution garantissant une plus grande cohérence de la nomenclature budgétaire.

J’en viens à la question de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.

Le lien de cette autorité avec le programme « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État » peut s’expliquer par le fait que le ministère des finances exerce une tutelle sur la Française des Jeux. La création de cette autorité répondait à un objectif de sécurité économique et de lutte contre le blanchiment d’argent. Cet objectif donne du sens au rattachement de l’ARJEL au ministère des finances.

Toutefois, l’ARJEL, en tant qu’autorité administrative indépendante, n’est soumise à aucune tutelle. Elle pourrait donc faire partie d’un programme dédié aux autorités administratives indépendantes, les AAI, en charge d’une mission de régulation économique, de la même façon qu’a été créé, à la fin de 2008, un programme « Défense des droits et libertés » regroupant les autorités administratives indépendantes chargées d’assurer la protection des droits et libertés.

Par ailleurs, Mlle Joissains a examiné le rôle de conseil de la Direction générale de la modernisation de l’État, la DGME, direction d’état-major en charge de la modernisation de la gestion de l’État.

Comment une aussi petite structure, comprenant 140 emplois en équivalent temps plein travaillé, peut-elle accompagner le changement dans l’ensemble des ministères et services déconcentrés ?

Mlle Joissains relève que cette direction s’appuie depuis 2007 sur une très forte volonté politique qui légitime et crédibilise son action, s’emploie à accompagner le processus de changement, à l’appuyer, à l’encourager, et pas à l’imposer autoritairement. Elle fait œuvre de pédagogie et de diplomatie pour que les administrations s’approprient les réformes. Son objectif est d’aboutir à une « démarche participative » et à un « transfert de technologie ».

C’est d’ailleurs cette philosophie qui a présidé à la création, en 2010, de l’école de la modernisation de l’État. Cette école, qui a déjà accueilli plus de 500 « stagiaires », a permis de mieux accompagner la réforme de l’État. Ces « stagiaires » – souvent des cadres des services directement concernés par les réformes – sont autant de relais pour conduire les changements. Les collectivités territoriales pourraient d’ailleurs s’inspirer utilement de cette initiative.

Au regard des efforts accomplis, Mlle Joissains a proposé de donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État », mais la commission ne l’a pas suivie et a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les opérations d’investissement du ministère de la justice sont particulièrement préoccupantes. Sur les vingt-trois nouveaux établissements pénitentiaires prévus, auxquels il convient d’ajouter la réhabilitation de la maison d’arrêt de Paris-la Santé, la reconstruction du centre pénitentiaire de Nouméa ainsi que l’extension du centre pénitentiaire de Ducos, vingt devraient être réalisés en partenariat public-privé.

Ce type de financement devient la norme, que ce soit pour la rénovation ou la construction de palais de justice ou pour de nouvelles places de prisons.

Lorsque l’on examine globalement, et juste pour l’administration pénitentiaire, les opérations réalisées et celles qui sont programmées en partenariats public-privé – les autorisations d’occupation temporaire, ou AOT, initiées en 2002, puis les lots 1, 2 et 3, et enfin le NP1-Nouveau programme immobilier –, les engagements du ministère de la justice vis-à-vis des opérateurs privés représenteraient in fine, selon la Cour des comptes, plus de 20 milliards d’euro, soit environ 1 % du PIB !

Vu le niveau de notre dette publique, on comprend le recours au hors-bilan pour financer ces opérations ! Il faut aussi en mesurer les dangers.

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, a remis en octobre dernier un rapport relatif aux partenariats public-privé pénitentiaires, établissant des constats préoccupants et émettant des recommandations qui doivent être suivies.

Ces opérations extrabudgétaires, qui masquent dettes et investissements et font figurer ces opérations en dépenses de fonctionnement, sont extrêmement préoccupantes pour nos finances publiques ainsi que pour l’efficacité du contrôle parlementaire.

Cela vaut pour le ministère de la justice comme pour les ministères de la défense, de la santé ou des affaires étrangères.

Rappelons quelques principes.

Premièrement, les partenariats public-privé ne peuvent être un substitut à l’emprunt. Lorsqu’un engagement de paiement de l’État s’étale sur une certaine durée, cela doit être comptabilisé dans la dette publique.

Deuxièmement, les principes qui conduisent à mettre en œuvre un partenariat public-privé doivent être d’une parfaite transparence dans les transactions opérées et doivent respecter l’ensemble des codes des marchés publics.

Troisièmement, il ne devrait être recouru aux partenariats public-privé que lorsque ce type d’opération représente une économie réelle pour le contribuable. Analysant les opérations déjà réalisées ou engagées, la Cour des comptes souligne que le postulat du surcoût de la gestion publique ne résiste pas à l’examen.

Quatrièmement, recourir aux partenariats public-privé pour permettre aux comptes publics de rentrer artificiellement dans les critères de Maastricht ou de s’en écarter le moins possible n’est pas acceptable. Une règle européenne de comptabilisation de l’ensemble de ces opérations dans les engagements financiers publics doit être établie et s’appliquer à l’ensemble des opérations engagées par les dispositifs publics-privés.

Cinquièmement, une transparence et une maîtrise des coûts de maintenance tout au long de la vie de l’investissement doivent être mises en place.

Au-delà de ces principes, qui doivent conditionner tout recours éventuel à un partenariat public-privé, il convient aussi de souligner le risque d’asphyxie que ce type d’opération fait peser sur le budget de l’État.

En ce qui concerne le ministère de la justice, et juste pour les investissements immobiliers en matière pénitentiaire, la Cour des comptes établit que le coût des loyers relatifs aux établissements mis en place par partenariat public-privé est passé de 29 millions d’euros en 2009 à 82 millions d’euros en 2011. Ce coût représenterait 578 millions d’euros en 2017 et 630 millions d’euros en 2022, et augmenterait jusqu’en 2036 pour les seuls investissements déjà programmés.

Ces augmentations de loyers devraient peser lourdement sur les besoins en financements des missions du ministère de la justice et particulièrement sur le programme 107 « Administration pénitentiaire », car, à échéance de cinq à dix ans, l’ensemble du fonctionnement du ministère pourrait être totalement asphyxié par le paiement des loyers dus aux opérateurs privés.

À quoi servirait d’avoir de beaux bâtiments si les moyens de rendre la justice et de l’appliquer sont insuffisants ?

Les prochains budgets devront payer cette politique d’investissement en « crédit revolving », selon la formule de Philippe Séguin. Il n’est pas raisonnable de céder à cette facilité, tant pour l’avenir de notre justice que pour la transparence de nos comptes publics et des investissements réalisés.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de prendre des dispositions pour mieux encadrer les conditions de signature d’un contrat de partenariat public-privé permettant de mieux mesurer les implications de ces opérations sur les comptes et les engagements financiers de l’État ?

Quand l’étude demandée par la Cour des comptes sur la soutenabilité budgétaire de chaque projet va-t-elle être commanditée pour tous les programmes pénitentiaires ainsi que pour le prochain palais de justice de Paris ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est évidemment une gageure que de vouloir traiter dans le peu de temps qui nous est imparti de questions aussi importantes que l’assiette et le recouvrement de nos impôts et taxes ainsi que la situation générale des fonctionnaires de l’État, aujourd’hui confrontés à la poursuite d’une politique de réduction des effectifs et de gel des rémunérations qui ne peut recevoir notre approbation.

Mais nous pouvons fort bien trouver ce qui fait lien entre l’activité de la Direction générale des finances publiques et la fonction publique en général. Ce qui fait lien, c’est l’un des avatars de la loi organique relative aux lois de finances et du management public version anglo-saxonne, c’est-à-dire la fameuse – trop fameuse – révision générale des politiques publiques, une RGPP que l’on devrait plutôt intituler « réduction générale de la présence publique », du point de vue de l’usager, lequel devrait pourtant compter avant toute autre considération !

La DGFiP, à sa manière, est d’ailleurs l’un des exemples les plus patents de la RGPP.

De façon systématique et exemplaire, les personnels des services fiscaux ont connu depuis plus de dix ans un mouvement continu de réduction des effectifs employés qui a affecté autant les services d’assiette que ceux de recouvrement, mais aussi les services économiques extérieurs, ceux qui sont mis à la disposition du public et des consommateurs.

Quel bilan peut-on tirer de la RGPP à la DGFiP ? Des dizaines de milliers d’emplois supprimés, sans économies réelles, puisque la structure de l’administration fiscale a en partie changé du fait de la croissance des postes à responsabilité dans les grades et cadres les plus élevés ; des services fiscaux fonctionnant à flux tendu, soumis à des difficultés récurrentes d’accueil du public en période de déclarations fiscales et aux ajustements continuels et souvent complexes de la législation ; enfin, une montée évidente du stress au travail, attestée par tous les rapports officiels sur le sujet, avec des personnels aux prises avec les nouvelles procédures dont la durée de vie est bien souvent très courte et la qualité opérationnelle peu aboutie.

Je pense qu’il est inutile de rappeler ici les errements du programme Chorus, l’un des exemples les plus spectaculaires d’une mauvaise conception générale du service public et de l’influence des nouvelles technologies sur ce service public quand elles ne sont pas mises en œuvre correctement.

Il est traditionnel que le Gouvernement se félicite des résultats de la lutte contre la fraude fiscale, et nous en trouvons d’ailleurs la trace dans les documents qui nous sont fournis à ce propos.

Pour autant, les « retours » qui nous parviennent du terrain sont de plus en plus préoccupants. Les fraudeurs font jouer des dispositifs de plus en plus complexes, et les agents et cadres de l’administration fiscale n’ont pas toujours les moyens et le temps nécessaires à une bonne instruction et mise en œuvre des procédures de redressement. Ce qu’a dit notre collègue Philippe Dallier tout à l’heure sur la baisse d’un certain nombre de vérifications fiscales ne peut que nous inquiéter.

Les résultats de la lutte contre la fraude fiscale, s’ils ne sont pas à négliger, montrent tout de même, de notre point de vue, les limites de la RGPP.

Il y a des savoir-faire, des expériences, des potentiels qui se délitent et qui manquent pour l’accomplissement des missions de service public.

La remarque vaut d’ailleurs également pour l’ensemble de la fonction publique, confrontée au dogme du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite qui montre, au fond, une conception étroite et pour tout dire méprisante du service public.

Cela est d’autant plus vrai que les prétendues économies réalisées grâce à la RGPP ne pèsent finalement que de peu de poids. Que vaut en effet le coût salarial de 30 000 emplois budgétaires supprimés face au coût social de 30 000 chômeurs qui n’ont pas l’emploi public pour trouver du travail ?

Pour toutes ces raisons et pour d’autres motifs que je ne peux pas aujourd’hui détailler, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’en tiendrai principalement, dans le cadre de cette mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », à la fonction « Ressources humaines » dont le poids est prépondérant : 74 % des crédits de paiement de la mission.

Si je privilégie cette part du budget, c’est en fonction de l’impact local qu’elle emporte auprès de nos collectivités territoriales, et plus particulièrement des citoyens qui sont tous, ou à peu près tous, confrontés à un moment donné aux services financiers de l’État.

J’avais eu l’occasion de dire ici tout l’intérêt que nombre de nos collègues et moi-même portions à la fusion de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique.

J’avais affirmé en particulier que la méthode de pilotage de cette fusion m’était apparue comme exemplaire à plus d’un titre : d’une part, parce qu’elle avait été prise très en amont, d’autre part, parce qu’elle avait accompagné très largement les personnels dans leur nouveau mode d’action.

Quel bilan peut être aujourd’hui tiré de cette fusion ? C’est une « réussite », si j’en juge par le rapport de nos collègues rapporteurs spéciaux et par les avis de la Cour des comptes : une réussite, puisque, dans un délai de trois ans, de nouvelles structures administratives ont pu être créées et que les statuts, les règles d’emploi et de gestion des agents ont pu être unifiés, le tout dans un cadre immobilier repensé et lui aussi unifié.

Néanmoins, en observant mieux le dispositif, on relève sur l’ensemble du territoire des disparités : le problème immobilier n’a pas été résolu partout, loin de là, les personnels ont dû développer des efforts particuliers pour intégrer leur nouveau « costume » et répondre aux attentes d’un public insuffisamment informé des changements intervenus et toujours aussi exigeant et insatisfait ! Dès lors, l’accès au guichet unique, qui était le véritable enjeu, s’en est trouvé quelque peu malmené.

Je voudrais en outre souligner que les économies dont on pensait qu’elles auraient pu être dégagées de cette fusion n’ont pas été à la hauteur des espérances. Je pense en particulier aux économies liées aux réductions successives du nombre des emplois, initiées dès 2006, mais rattrapées par la hausse importante des rémunérations des agents, en raison en particulier de l’attribution de la prime de fusion et de l’harmonisation des régimes indemnitaires. Alors que les effectifs de la DGFiP ont été réduits de 3 % entre 2008 et 2010, la masse salariale a quant à elle augmenté de 1 %.

Permettez-moi également, au-delà de ce constat mitigé, de vous faire part de l’inquiétude des élus locaux sur les réflexions portées actuellement par vos directions des services financiers sur la future carte d’implantation des services.

Je n’ignore pas, comme chacun d’entre nous ici, l’absolue nécessité de résorber au mieux et au plus vite nos déficits budgétaires. Je n’ignore pas non plus le besoin urgent de rationaliser nos modes de fonctionnement en tenant compte des évolutions des techniques administratives.

Mais je crains qu’il n’y ait un seuil en deçà duquel on ne peut aller : je pense bien sûr à la présence sur le territoire des services financiers. Je redoute pour ma part – cette appréhension est d’ailleurs partagée au niveau local – que le regroupement des services ne vienne réduire le principe de proximité auquel nous sommes tous attachés.

L’État supprime progressivement des services aux collectivités locales et aux citoyens, difficilement compensables. Je pense – cela ne vous concerne pas – à l’ingénierie, à la fonction de conseil et expertise des services financiers. Il me paraît évident qu’il faut, avec prudence et en toute concertation à l’échelon local, réviser le maillage territorial des services relevant de votre autorité, monsieur le ministre.

Je sais pouvoir compter sur votre attention pour que toutes les recommandations utiles soient diffusées et les sages mesures arrêtées.

Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, que, face au budget qui nous est proposé pour cette mission, les membres du RDSE s’abstiendront. (M. Yvon Collin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a justement rappelé M. de Montgolfier, rapporteur spécial, la mission « Provisions » est destinée à couvrir les dépenses indéterminées au moment du vote de la loi de finances.

Pour sa part, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », outre le programme « Fonction publique », rassemble essentiellement les crédits des directions relevant du ministère du budget que nous a présentés M. Dallier, rapporteur spécial. Je vous prie de bien vouloir accepter les excuses de Valérie Pécresse, qui avait bien évidemment prévu d’être présente parmi nous ce matin, mais qui est retenue à l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

Dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » se doit plus que jamais d’être exemplaire. Depuis 2007, les services des ministères du budget et de la fonction publique sont à la pointe du mouvement de modernisation de l’État que nous avons engagé. La clé de notre stratégie de maîtrise des dépenses, vous le savez, est dans la poursuite des réformes.

En premier lieu, je vous confirme que 2012 marquera bel et bien l’an I de la nouvelle direction générale des finances publiques. M. Dallier a plus particulièrement évoqué la fusion des administrations des impôts et du trésor public : je vous rappelle que la Cour des comptes a réalisé, à la demande de votre commission des finances, une enquête sur cette fusion, qui a conduit à la création de la direction générale des finances publiques en 2008. La Cour des comptes, lors de la présentation des résultats de ses travaux, le 25 octobre dernier, a précisé que cette réforme, demandée par le Président de la République en 2007, a été mise en place dans les délais prévus – et même avec un peu d’avance – et que les objectifs qui lui avaient été assignés avaient été pleinement atteints.

Je cite devant vous la Cour des comptes, mesdames, messieurs les sénateurs : le succès de cette réforme « a apporté la démonstration de la possibilité pratique de faire évoluer des entités administratives de très grande taille. À ce titre, elle est un acquis en matière de conduite du changement ».

Sur la méthode, la Cour des comptes reconnaît la qualité du pilotage de la réforme, s’agissant notamment de l’accompagnement des personnels tout au long du processus. Je la cite encore : « Ces processus lourds et complexes ont été conduits de manière maîtrisée, en respectant les délais ».

Il s’agit donc d’une réussite indéniable – je tiens à l’affirmer devant vous, et M. Dallier a bien voulu employer les mêmes termes ! –, d’autant plus que nous avons réalisé une fusion totale et non pas seulement un rapprochement de services. Cette fusion intervient à tous les niveaux, qu’il s’agisse du commandement, des parcours professionnels, des méthodes de travail et des cultures professionnelles ; elle témoigne de la possibilité de réformer l’État en améliorant l’efficacité de ses services.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter quelques précisions et renouveler quelques garanties par rapport aux propos de votre rapporteur spécial, M. Dallier.

Tout d’abord, les résultats sont au rendez-vous. La réforme devait permettre une meilleure exécution des missions à un coût réduit pour l’État : tel est le cas !

Le décloisonnement des deux grandes administrations préexistantes, les impôts et le trésor public, est réussi : il a permis de mettre en place des statuts modernisés pour toutes les catégories de personnel, avec le concours de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, et de rénover les parcours professionnels, qu’il s’agisse des concours, des formations, ou encore des règles de mutation depuis le 1er septembre dernier.

Les missions sont exercées avec une plus grande efficacité, tout le monde en convient : tous les indicateurs d’activité de la direction générale des finances publiques ont progressé, alors même que celle-ci menait à bien les opérations de fusion et d’importantes suppressions d’emplois. Je n’invente rien, car cette observation figure également dans le rapport de la Cour des comptes.

Ensuite, l’amélioration de la qualité du service rendu aux usagers, évoquée par les différents orateurs, est une réalité : offrir un guichet fiscal unique, convenons-en tous, représente une simplification majeure pour les usagers et correspond à une réalité sur le terrain. Auparavant, pour les questions relatives au calcul de leur impôt, les usagers devaient se rendre dans les 750 centres des impôts : avec la création des 700 « services des impôts des particuliers » qui s’ajoutent aux 1 700 accueils fiscaux de proximité offerts par les trésoreries, ils disposent désormais de 2 400 points de contact sur l’ensemble du territoire pour traiter leurs questions fiscales.

Il n’est donc pas possible de parler d’une dégradation du service, contrairement à ce que j’entends souvent répéter. Bien au contraire, aujourd’hui, tout contribuable dispose d’un guichet proche de son domicile ou de son lieu de travail, souvent à moins de dix kilomètres – j’insiste sur ce point, parce que je sais que vous y êtes très sensibles. Grâce à cette implantation en milieu urbain et rural, les services de la direction générale des finances publiques font ainsi partie des premiers services de proximité : l’élu local que je suis par ailleurs – comme vous le savez, j’exerce également les fonctions de président de conseil général – peut vous confirmer, comme l’a fait Mme Gourault tout à l’heure, que nos concitoyens y sont très attachés.

J’ajoute que les centres des finances publiques appliquent depuis le début de l’année le référentiel qualité Marianne. Dans ce cadre, un sondage récent réalisé par l’institut BVA fait ressortir un taux de satisfaction de 94 % sur la qualité du service rendu par les guichets fiscaux uniques ; surtout, 70 % des usagers particuliers ont constaté une amélioration avec la mise en place du guichet fiscal unique, alors que son déploiement vient seulement de s’achever.

La fusion a permis des économies sans précédent : améliorer le service tout en réalisant des économies, tel était bien l’objectif fixé. Des gains de productivité très importants ont résulté de cette fusion, pour le bénéfice de tous : la direction générale des finances publiques, durant la période de fusion, n’aura pas remplacé deux départs en retraite sur trois, soit plus de 12 000 emplois de 2008 à 2012 ; or les non-remplacements ne se sont élevés qu’à 9 000 pendant les cinq dernières années précédant la fusion.

En outre, le coût de la fusion a été parfaitement maîtrisé. Les décisions prises à la fin de 2007 et au début de 2008 reposaient sur un chiffrage global qui a été strictement respecté.

Je veux le réaffirmer, le retour catégoriel, en vertu du principe « gagnant-gagnant » appliqué dans le cadre du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite, correspond bien à 50 % des gains de productivité réalisés. Le Président de la République avait pris cet engagement et nous entendons l’assumer totalement. Ainsi, comme dans tous les ministères, les personnels de la direction générale des finances publiques ont pu bénéficier, grâce aux 600 millions d’euros d’économies réalisées, de mesures indemnitaires. Nous avons été en mesure d’abonder une prime – elle avait été créée au ministère des finances à l’issue du conflit social de 1989, je le rappelle – et d’opérer les alignements indemnitaires indispensables lorsque l’on crée un espace professionnel unique.

Avec Valérie Pécresse, j’estime que les mesures d’accompagnement dont tous les personnels de la direction générale des finances publiques ont pu bénéficier sont absolument justifiées, car tous se sont impliqués dans la mise en œuvre de cette réforme qui a eu des conséquences sur l’évolution de leur parcours professionnel. On ne peut réussir une réforme d’une telle ampleur sans y associer les agents, et je tiens donc à rendre hommage à leur engagement qui a contribué à la réussite de cette réorganisation sans précédent de nos services.

Enfin, s’agissant de l’évolution de la masse salariale, je souligne que, grâce à la fusion, celle-ci s’est stabilisée en 2011, avant d’amorcer pour la première fois une baisse en 2012. Ce résultat est dû à la fusion qui permet de maîtriser la masse salariale. J’observe que le décret d’avance évoqué par votre rapporteur spécial porte sur moins de 0,5 % de la masse salariale totale de la mission.

J’ajouterai une observation relative au contrôle fiscal, dont M. Dallier a relevé l’importance. Je tiens à lever toute ambiguïté devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs : Valérie Pécresse a eu l’occasion de présenter la semaine dernière un bilan de la lutte contre la fraude fiscale depuis 2007.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je l’avais même interrogée à ce sujet !

M. François Sauvadet, ministre. C’est exact !

Grâce à l’action déterminée de l’ensemble du Gouvernement, mais aussi à la création de la direction générale des finances publiques, nous avons renforcé les moyens d’intervention du contrôle fiscal pour lutter contre les fraudes les plus complexes, notamment dans les paradis fiscaux. Les résultats sont au rendez-vous : en 2010, les contrôles fiscaux ont rapporté 16 milliards d’euros, soit un milliard de plus qu’en 2009. J’ajoute que le nombre de contrôles externes se maintient autour de 51 500 opérations.

S’il est vrai, monsieur Dallier, que les examens de situation fiscale des particuliers sont en baisse, en nombre et en montant, c’est par rapport à 2006 ; leur nombre est en progression depuis 2008, et la part et le montant des rectifications d’impôt sur le revenu dans l’ensemble des contrôles externes se maintiennent depuis cette date.

Surtout, les résultats du contrôle fiscal doivent être analysés dans leur globalité. Il faut prendre en compte les 4 700 dossiers traités par la cellule de régularisation pour 1,2 milliard d’euros de droits et de pénalités, le lancement de 800 contrôles de la « liste HSBC », dont 350 sont achevés et ont rapporté 160 millions d’euros, ainsi que les contrôles réalisés dans le cadre de la mobilisation contre l’économie souterraine qui représentent déjà 8 millions d’euros. Vous le voyez, le Gouvernement ne relâche pas son effort dans la lutte contre la fraude, les chiffres en témoignent.

J’en viens au programme 148 « Fonction publique ». Je souhaite rappeler que la fonction publique est au cœur des préoccupations du Gouvernement. Le Président de la République et le Premier ministre l’ont récemment prouvé en créant un ministère de plein exercice pour ce portefeuille.

Les crédits de ce programme portent essentiellement sur l’action sociale interministérielle et sur la formation des agents publics. Initialement, nous avions demandé 230,2 millions d’euros de crédits de paiement, mais le Gouvernement a souhaité que notre programme contribue équitablement à l’effort de maîtrise budgétaire auquel tous les ministères sont astreints. L’Assemblée nationale a donc voté près de 226 millions d’euros de crédits de paiement, contre 221 millions d’euros pour l’exercice 2011. Dans le détail, les actions de formation représentent 79 millions d’euros, et les crédits d’action sociale 146,7 millions d’euros ; ce dernier montant a augmenté, ce qui est assez rare pour être signalé, mais cette hausse résulte d’un engagement pris par le Gouvernement.

En 2012, une enveloppe de 10 millions d’euros supplémentaires, accordée lors du dernier rendez-vous salarial, sera dévolue à la mise en place d’une aide au maintien à domicile. J’y reviendrai à l’occasion de la discussion de l’amendement de la commission des finances, mais je voudrais attirer votre attention sur le fait que le dialogue social est extrêmement nourri dans la fonction publique. (M. Jean-Jacques Mirassou proteste.) Une demande très forte s’est donc exprimée sur ce sujet, comme sur le « chèque emploi service universel » que nous avons également revalorisé.

Pour la première fois dans l’histoire de la fonction publique, le comité interministériel de l’action sociale a adopté le budget que nous lui avions proposé, considérant qu’il prenait en compte la situation des plus fragiles. Nous devons respecter les accords passés avec l’ensemble des syndicats, et le Gouvernement y attache une très grande importance. J’entends dire que le dialogue social s’est dégradé et que la situation s’est altérée. Or le dialogue social au sein de la fonction publique n’a jamais été aussi nourri, et je tiens à en témoigner en tant que ministre la fonction publique : quatre accords ont ainsi été conclus au cours des dernières années.

Nous avons également ouvert des discussions sur les risques psychosociaux, car nous avons tous pris conscience du fait que, dans les mutations profondes en cours, chaque agent doit se sentir accompagné et soutenu. En effet, de nouvelles pratiques, qui résultent non pas seulement de la réorganisation, mais aussi de l’arrivée des nouvelles technologies, s’imposent à des agents qui ont exercé le même métier pendant vingt ou vingt-cinq ans et qui doivent brusquement apprendre un nouveau métier. Le Gouvernement est fermement décidé à poursuivre cet accompagnement, et il sera très attentif – nous avons d’ailleurs une négociation à cet égard – aux risques psychosociaux encourus par les agents qui connaissent déjà une situation de fragilité personnelle et subissent la transformation de leur activité.

En ce qui concerne l’aide au maintien à domicile, j’ai entendu les arguments de M. Dallier. Je tiens à remercier Mme la sénatrice Jacqueline Gourault de son soutien sur ce sujet, et je compte d’ailleurs sur votre soutien à tous. Les attentes des agents de la fonction publique sont justifiées, et le Gouvernement doit donc être au rendez-vous !

Je souhaiterais apporter quelques précisions sur les autres points que vous avez évoqués, madame le rapporteur pour avis.

Le Premier ministre l’a rappelé à Bercy mardi, il faut en finir avec l’idée – elle a encore été évoquée aujourd'hui dans cet hémicycle – que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite est une démarche automatique, appliquée de manière aveugle voire brutale. La réalité est tout autre : le non-remplacement est un engagement global, dont la mise en œuvre a d’ailleurs varié selon les ministères, en fonction des priorités fixées. Les réalités territoriales ont également été prises en compte, y compris dans le domaine de l’éducation. Étant élu dans le quatrième département français du point de vue de la superficie, j’ai pu le mesurer.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que le ministère de la justice, par exemple, a été épargné.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certains d’entre vous décrivent la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, comme le pire des maux…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un grand mal, en effet !

M. François Sauvadet, ministre. … et critiquent la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite.

Je vous invite à regarder ce qui s’est passé dans les pays qui n’ont pas accompli l’effort de réorganisation et de recherche d’efficience que nous poursuivons depuis quatre ans ! Voyez ce qui est arrivé en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne ! On ne se contente plus du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ! Je rappelle d'ailleurs au passage que cette règle du non-remplacement signifie que l’on remplace tout de même un fonctionnaire sur deux. En Grande-Bretagne, le Gouvernement procédera à 300 000 licenciements dans les deux années qui viennent ! Dans la plupart des pays européens, le niveau des pensions et des traitements va baisser !

La méthode que nous avons choisie – je le dis avec responsabilité – est une méthode gagnant-gagnant. (Mme Marie-France Beaufils et M. Jean-Jacques Mirassou protestent.) Plus de 50 % des économies réalisées ont été restituées aux agents eux-mêmes pour améliorer leur situation. Plus de 50 % ! M. Leconte a évoqué la Cour des comptes ; je vous invite à lire le rapport de cette dernière sur l’utilisation des sommes économisées. Certains nous ont même accusés d’en avoir trop fait et d’avoir dépassé l’engagement pris par le Président de la République.

En tant que ministre de la fonction publique, j’assume cet engagement de rechercher l’efficience dans la fonction publique, avec les agents et non sans eux. Ces derniers le savent bien, d'ailleurs : je le répète, le dialogue n’a jamais été aussi nourri que dans cette période de profonde mutation. En témoigne le résultat des dernières élections dans la fonction publique d'État, qui illustre – je le note avec satisfaction – l’implication de la plupart des agents, puisqu’une large majorité d’entre eux a voté. Cela nous permettra de renforcer le dialogue social grâce à une meilleure représentativité.

En ce qui concerne la mobilité, je reconnais que des progrès restent à faire. Toutefois, la loi fondatrice du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique a permis de supprimer les obstacles juridiques et statutaires.

Des difficultés subsistent néanmoins. S'agissant tout d'abord de la mobilité interministérielle, chacun est convenu, lors du dernier séminaire sur la RGPP, qu’il nous fallait progresser dans la prise en compte des réalités territoriales. Par exemple, la mobilité au sein des directions départementales interministérielles, ou DDI, demeure complexe, puisqu’il faut passer par les budgets opérationnels de programme, ou BOP. Notre gestion doit être plus interministérielle.

Nous avons d'ailleurs engagé une réforme en profondeur, avec la création du corps interministériel à gestion ministérielle, ou CIGEM, pour les attachés d’administration. Il s'agit d’une avancée qui permettra d’assurer leur mobilité.

Je souhaite même que nous allions plus loin. Il faut favoriser non seulement la mobilité interministérielle, mais aussi la mobilité entre les fonctions publiques territoriales ainsi que – pourquoi pas ? – un « épanouissement » des carrières via des allers-retours avec le secteur privé. Nous travaillons actuellement sur ce sujet, afin d’améliorer encore l’application de la loi fondatrice du 3 août 2009.

Oui, nous devons accompagner les agents dans le changement ! Cela passe également par la formation. Dans la fonction publique d’État, les dépenses de formation professionnelle s’élèvent à près de 2,2 milliards d’euros par an, ce qui représentait environ 3,8 % de la masse salariale en 2009. Le nombre de jours de formation professionnelle par agent augmente, s’établissant en moyenne à 3,9. De surcroît, les dépenses de formation professionnelle sont en progression.

Pour finir, je voudrais revenir sur la réforme de l’État engagée depuis 2007, à travers la RGPP et la modernisation de la politique immobilière de l’État.

En 2007, nous avions fait un triple constat : premièrement, l’action de l’État était devenue multiforme et avait beaucoup perdu en lisibilité ; deuxièmement, les démarches administratives s’étaient progressivement complexifiées, aux yeux non seulement des usagers mais aussi des agents publics ; troisièmement, les effectifs de l’État avaient considérablement augmenté avec 300 000 agents de plus en trente ans alors même que – vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs – la première grande vague de décentralisation date du début des années 1980.

L’ambition de cette réforme de l’État était de partir non plus des dépenses mais du service. Replacer les Français au cœur de l’action de l’État : voilà notre objectif !

Les résultats sont là : j’ai la conviction que nous avons rapproché les usagers de leurs services publics, en veillant à rendre ces derniers plus accessibles, moins complexes et plus performants.

Plus accessibles, grâce à des formalités administratives dont un grand nombre peuvent désormais être réalisées directement en ligne ; il s'agit d’une avancée considérable. Moins complexes, grâce à la création de guichets uniques en matière fiscale – j’en ai déjà parlé – mais aussi à celle de Pôle Emploi.

Mme Christiane Demontès. Parlons-en, justement ! Voilà un bel exemple de réussite !

M. François Sauvadet, ministre. Plus performants, enfin, grâce à la mise en place d’un baromètre des services publics – je vous invite à le consulter – qui nous permet de vérifier que la qualité de l’action administrative, telle que perçue par les usagers, progresse.

Ces réformes nous ont permis de faire coïncider les objectifs de maîtrise de la dépense et d’efficacité de l’action publique.

Un débat a eu lieu quant aux économies réalisées grâce à la RGPP. Les mesures de la première phase nous ont permis d’économiser 7 milliards d’euros. En y ajoutant les effets déjà produits par les mesures de la deuxième phase, ce sont près de 10 milliards d’euros qui ont été économisés entre 2009 et 2011 ; ce montant atteindra même 15 milliards d’euros à l’horizon 2013, comme cela a été réaffirmé lors du dernier séminaire sur la RGPP.

J’ai entendu les interrogations qui se sont fait jour ; je pense notamment au rapport des députés François Cornut-Gentille et Christian Eckert. J’ai proposé à ces derniers de les rencontrer afin de leur apporter toutes les précisions nécessaires.

Mademoiselle Joissains, je tiens à répondre à vos questions sur le programme 221 « Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État », dont vous avez mis en doute la lisibilité au motif qu’il intègre les crédits de l’Autorité des jeux en ligne, ARJEL.

Cela s’explique par le fait, j’oserai dire « historique », que le secteur des jeux relève de la compétence du ministère du budget, qui assure la tutelle de la Française des Jeux – seul – et du Pari mutuel urbain, PMU, avec le ministère de l’agriculture, ainsi que le secrétariat du Comité consultatif des jeux avec le ministère de l’intérieur. Le ministère du budget a donc une compétence générale sur le secteur des jeux d’argent et de hasard ; on ne peut en dire autant d’autres ministères.

Le rattachement de l’action n° 08, Régulation des jeux en ligne, au programme 221, permet donc de tirer parti de la compétence acquise par le ministère du budget en la matière, notamment pour accorder en connaissance de cause les crédits nécessaires au fonctionnement de l’ARJEL et élaborer des objectifs et des indicateurs adaptés.

Au total, il ne nous paraît pas opportun de rattacher cette action à un programme regroupant les autorités administratives indépendantes en charge d’une mission de régulation économique, dans la mesure où la mission de l’ARJEL n’est pas exclusivement d’ordre économique. En effet, elle est chargée de veiller au respect des objectifs de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, en matière de santé et d’ordre publics, de lutte contre la fraude et de développement des filières concernées. La création d’une action spécifique, Régulation des jeux en ligne, nous semble de nature à assurer la lisibilité globale du programme.

Vous avez également exprimé le souhait, mademoiselle Joissains, que la modernisation de l’État n’entraîne pas de dégradation du climat social, et proposé la création d’un indicateur permettant d’évaluer ce climat.

Dès son lancement, en 2007, la RGPP s’est accompagnée d’une intensification du dialogue social dans la fonction publique, sur le pouvoir d’achat, la rénovation du dialogue social ou encore la santé et la sécurité au travail. J’espère que, au printemps prochain, le Sénat pourra examiner le projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Ce projet vise à régler le problème des agents non-titulaires et à faire reculer ce qui constitue bien une forme de précarité dans la fonction publique.

Pour ce qui est de l’indicateur, la direction générale de la modernisation de l’État, DGME, réalise régulièrement un baromètre des cadres. Selon le dernier sondage réalisé par IPSOS, en janvier 2011, la démarche de modernisation entreprise dans le cadre de la RGPP paraît indispensable à 59 % des cadres ; 78 % d’entre eux expriment une motivation élevée pour contribuer à la réforme. Cela prouve que nous pouvons faire confiance à l’ensemble des agents et à leur encadrement pour conduire ces réformes, certes difficiles mais nécessaires pour notre pays.

Enfin, vous m’avez interrogé au sujet de la direction générale de la modernisation de l’État, DGME. Celle-ci dispose de 140 équivalents temps plein, ETP. Elle accompagne le changement dans tous les services de l’État car elle a un rôle de « générateur ». Il s’agit chaque fois de travailler en équipe mixte avec les dirigeants et les personnels des ministères ou des opérateurs. C’est une approche importante, puisqu’elle permet de mobiliser l’ensemble des forces à caractère interministériel et ministériel. Cette approche est également le gage de l’appropriation par les administrations des réformes et des méthodes de réforme.

Par ailleurs, pour prendre en compte les spécificités et cultures propres aux différentes administrations partenaires, le recrutement de la DGME est pluri-ministériel – ce n’est pas anecdotique. Par exemple, il arrive à la DGME de faire appel à des sociologues.

Pour conclure, je dirai quelques mots de la rénovation de la politique immobilière de l’État, qui nous a permis de faire 265 millions d’euros d’économie en 2011.

Nous avons en partage le devoir de faire le meilleur usage de chaque denier public, et ce pour une raison très simple : nous sommes responsables de l’argent des Français.

M. de Montgolfier s’est fait l’écho des interrogations de votre rapporteure générale sur la contribution du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Sur l’initiative de votre commission des finances, les règles applicables ont été fixées par la loi : normalement, les administrations contribuent au désendettement à hauteur de 15 % du produit des cessions ; par exception, plusieurs administrations, selon une liste actualisée par la dernière loi de finances, sont dispensées de cette contribution.

Concrètement, les montants attribués au titre du désendettement se sont élevés à 22,8 millions d’euros en 2009, soit 4,8 % des cessions réalisées, la différence par rapport à l’objectif que nous nous étions fixé s’expliquant par le poids important des opérations réalisées pour le compte du ministère de la défense, et à 50,5 millions d’euros en 2010, soit 10 % du montant des cessions réalisées.

Comme l’a justement rappelé votre rapporteur spécial, le taux de la contribution de droit commun variera à compter du 1er janvier 2012 en application de l’article 61 de la loi de finances pour 2011. Il s’établira à 20 % pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2012, 25 % pour celles réalisées à compter du 1er janvier 2013, et 30 % pour celles réalisées à compter du 1er janvier 2014.

Enfin, M. de Montgolfier m’a interrogé sur les motivations du gouvernement quant à la cession du domaine de Souzy-la-Briche ; Mme Bricq a elle aussi abordé ce sujet. C’est bien volontiers que j’indiquerai ces motivations au Sénat ! J’y reviendrai d'ailleurs lors de l’examen de l’amendement n° II-38. Il s'agit tout simplement de procéder à la cession d’un bien qui n’est plus utile à l’État ; il me semble que c’est une pratique de bonne gestion.

J’ai bien compris que vous posiez la question de la transparence. À cet égard, la mention de la cession dans la loi constitue une garantie, garantie qui s’imposera pour toutes les cessions lorsque le terrain cédé dépasse 150 hectares ; la propriété en question en compte 256 et, même si le périmètre de la cession n’est pas arrêté, il est certain que la borne des 150 hectares sera largement franchie. Valérie Pécresse précisera à votre commission des finances le produit attendu de cette cession.

Monsieur Leconte, vous avez déclaré que les investissements du ministère de la justice étaient « préoccupants ». Je veux bien que nous en établissions un bilan, notamment s'agissant des partenariats public-privé, mais, pour être franc, ce qui me semble préoccupant, c’est plutôt l’effort qu’il nous faut encore accomplir – en plus de ce qui a déjà été réalisé– pour augmenter le nombre de places dans nos prisons.

Je me ferai naturellement l’interprète de vos inquiétudes auprès du garde des sceaux et du ministre de l’économie, qui sont en train de réfléchir aux suites à donner au rapport publié par la Cour des comptes en octobre dernier. Toutefois, j’en appelle à la responsabilité de chacun, compte tenu de l’état de nos prisons.

Tels étaient, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais apporter en réponse à vos questions.

gestion des finances publiques et des ressources humaines

Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Provisions - Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 34 et état D

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11 555 641 679

11 602 688 041

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

8 429 788 839

8 412 050 455

Dont titre 2

7 066 153 527

7 066 153 527

Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État

243 672 435

278 724 812

Dont titre 2

96 901 929

96 901 929

Conduite et pilotage des politiques économique et financière

866 850 771

881 272 564

Dont titre 2

428 974 227

428 974 227

Facilitation et sécurisation des échanges

1 585 556 207

1 598 242 213

Dont titre 2

1 107 279 455

1 107 279 455

Entretien des bâtiments de l’État

206 244 866

206 557 786

Fonction publique

223 528 561

225 840 211

Dont titre 2

249 584

249 584

Mme la présidente. L'amendement n° II-36, présenté par MM. Dallier et de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

Dont titre 2

 

 

 

 

Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État

Dont titre 2 

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques économique et financière

Dont titre 2

 

 

 

 

Facilitation et sécurisation des échanges

Dont titre 2

 

 

 

 

Entretien des bâtiments de l’État

 

 

 

 

Fonction publique

Dont titre 2

                

10 000 000

0

                

10 000 000

0

TOTAL

 

10 000 000

 

10 000 000

                                                                            SOLDE

-10 000 000

-10 000 000

 

La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. L’aide au maintien à domicile au bénéfice des agents retraités de la fonction publique d’État, aide à laquelle est allouée une dotation de 10 millions d'euros, vient remplacer l’aide ménagère à domicile, dispositif équivalent qui avait été suspendu en 2009 au motif, nous avait-on dit, qu’il était mal ciblé. Les critères d’attribution seraient désormais plus finement centrés, d’où l’instauration d’une nouvelle aide accompagnée d’une dotation dans le projet de loi de finances pour 2012.

Nous nous interrogeons, d’abord, parce qu’une mesure existe déjà : l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, qui vise toutes les personnes en état de dépendance.

S’agissant, ensuite, du montant de la dotation, je suis tenté de vous dire, monsieur le ministre, que, 10 millions d'euros pour l’ensemble des agents retraités en situation de dépendance, c’est trop ou trop peu !

C’est trop peu si tous sont visés, car il s’agira alors de saupoudrage et l’aide ne représentera au mieux que quelques centaines d’euros par an ; c’est trop, si la mesure n’a pas de réelle utilité, particulièrement en cette période où le Gouvernement tente de réduire le déficit budgétaire.

Je comprends certes la difficulté, monsieur le ministre, puisque je sais qu’il y a eu des négociations avec les syndicats et que vous avez passé un accord, et je serai évidemment attentif à votre réponse, mais je crains qu’il ne vous soit difficile de me convaincre, tant comme simple parlementaire que comme rapporteur de cette mission, de la réelle utilité de cette dotation de 10 millions d'euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Sauvadet, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, j’avais espéré que mon intervention à la tribune, dans laquelle j’ai exprimé ma volonté de respecter les accords passés avec les syndicats, vous aurait convaincu !

Puisque ce n’est pas le cas, je répète, en souhaitant que le Sénat soit aussi sensible que l’est le Gouvernement au respect des accords syndicaux, que le comité interministériel d’action sociale, qui est présidé, comme vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, par un membre de la CFDT, a, à l’unanimité et pour la première fois depuis bien des années, adopté le budget de l’action sociale en direction des fonctionnaires.

Trop ou trop peu ? C’est précisément la question qui nous a amenés à suspendre l’aide ménagère à domicile, qui, justement n’était pas suffisamment ciblée.

Trop ou trop peu ? Non, 10 millions d'euros, c’est exactement le montant qui correspond au ciblage que nous avons réalisé, en fonction de critères que nous avons examinés avec les syndicats.

Nous avons rénové cette prestation, qui s’adressera donc aux populations les plus fragiles, sociologiquement et économiquement, un meilleur ciblage des besoins étant assuré par le biais de plans d’action personnalisés.

Trop peu ? Vous avez répondu vous-même à cette question, monsieur le rapporteur spécial, en faisant référence à l’ambiance budgétaire actuelle…

Si mes arguments ne vous avaient pas convaincu et que vous mainteniez votre amendement, mon avis sur celui-ci serait donc défavorable, mais j’espère que dans ce cas le Sénat – opposition et nouvelle majorité confondues – marquera par son vote son attachement au respect des accords syndicaux, qui sont le ciment du dialogue social dans notre pays.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-36 est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, l’État s’étant engagé avec les partenaires sociaux, cela suffit à me persuader de retirer l’amendement.

Pour autant, je ne suis toujours pas convaincu sur le fond. Je le répète, l’APA existe : si on n’y est pas éligible, pourquoi le serait-on à cette nouvelle aide ? À mon avis, si l’on voulait faire un geste en direction des retraités de la fonction publique, il fallait utiliser ces 10 millions d'euros à autre chose.

Mme Marie-France Beaufils. Toutes les caisses de retraite interviennent pour l’APA. Il est donc normal que l’État intervienne pour ces retraités !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Que cela se fasse dans le privé – et qu’on le fasse donc dans le public – est effectivement un argument qu’aurait pu employer M. le ministre, mais je pose une question plus générale : dès lors que l’on n’est pas éligible à l’APA, pourquoi aurait-on besoin d’une aide au maintien à domicile ? J’ai quelque difficulté à le comprendre, mais, cela étant dit, je retire l’amendement, monsieur le ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° II-36 est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre. Je vous remercie sincèrement, monsieur le rapporteur spécial, d’avoir retiré votre amendement et je prends l’engagement de tenir le Sénat étroitement informé des conditions dans lesquelles les 10 millions d'euros destinés à cette aide que le Gouvernement a décidé de recentrer sur les personnes les plus fragiles seront alloués.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Je vous remercie à mon tour, monsieur le ministre !

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas ces crédits.)

provisions

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Provisions », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Provisions

389 254 622

89 254 622

Provision relative aux rémunérations publiques

Dépenses accidentelles et imprévisibles

389 254 622

89 254 622

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à ces crédits.

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

compte d’affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l’état

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 64 quater (nouveau)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

352 000 000

452 000 000

Contribution au désendettement de l’État

52 000 000

52 000 000

Contribution aux dépenses immobilières

300 000 000

400 000 000

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La commission des finances est évidemment favorable à l’adoption de ces crédits.

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 64 quater et 64 quinquies qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale : « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

Article 34 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 64 quinquies (nouveau)

Article 64 quater (nouveau)

Après le 17° du I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un 18° ainsi rédigé :

« 18° Politique immobilière de l’État. »

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’adoption de cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 64 quater.

(L'article 64 quater est adopté.)

Article 64 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Engagements financiers de l'État - Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics - Compte d'affectation spéciale : Participations financières de l'État

Article 64 quinquies (nouveau)

Est autorisée la cession par l’État des bois et forêts composant le domaine de Souzy-la-Briche, objet des actes de donation des 22 mai 1969, 12 avril 1972 et 19 décembre 1975.

Mme la présidente. L'amendement n° II-38, présenté par MM. Dallier et de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L'article 64 quinquies a pour objet d’autoriser la cession par l'État des bois et forêts composant le domaine de Souzy-la-Briche, situé dans l’Essonne.

La commission des finances a examiné de près la cession de ce bien immobilier qui avait fait l’objet de plusieurs actes de donation, en 1969, 1972 ou encore en 1975. D’abord affecté au Président de la République, le domaine avait été mis en 2007 à la disposition du Premier ministre. N’étant pas utilisé, il avait depuis été mis en location.

L’entretien de ce domaine est relativement coûteux pour l’État et, compte tenu de l’état des finances publiques, il est concevable que sa cession puisse contribuer, comme l’a dit M. le ministre, à réduire les déficits. D’après les informations que la commission des finances a recueillies, le produit de la vente pourrait ainsi s’établir à 4,5 millions d'euros, ce qui, par ces temps de disette budgétaire, n’est en effet pas négligeable.

En 2009, à la suite du contrôle qu’elle avait effectué sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République au titre de l’année 2008, la Cour des comptes avait d’ailleurs mis en exergue le coût afférant à l’entretien de ce domaine, qui, je l’ai dit, sert très peu. On peut donc estimer que la cession est utile, voire nécessaire.

Je donne en tout cas un bon point au Gouvernement dans la mesure où il passe par la loi.

En tant que rapporteur spécial pour la gestion du patrimoine immobilier de l’État, j’ai eu précédemment à connaître d’une cession qui a fait polémique, celle de l’hippodrome de Compiègne (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) à propos de laquelle j’ai fait un rapport, adopté par la commission des finances. C’est ce précédent qui a conduit celle-ci à vouloir obtenir davantage d’informations sur la cession du domaine de Souzy-la-Briche.

Dont acte, cette fois le Gouvernement utilise la voie législative, mais cela n’avait pas été le cas pour l’hippodrome de Compiègne, raison pour laquelle la commission des finances s’était penchée sur les conditions de la cession et, surtout, avait tenu à vérifier que le droit avait été respecté.

M. Jean-Jacques Mirassou. Dura lex, sed lex !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous avions alors constaté que le Gouvernement avait exploité une faille juridique, une divergence existant à l’époque entre la doctrine et la jurisprudence, pour se dispenser d’une loi.

En l’espèce, ce n’est pas un reproche qui peut lui être fait, mais je rappelle qu’il s’agit d’une donation à l’origine : ce sont sans doute les donateurs qui ont exigé que l’on passe par la loi.

M. François Sauvadet, ministre. Non, c’est le Gouvernement qui l’a voulu !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La situation est donc un peu différente que dans l’affaire de Compiègne, ce qui explique que l’on en discute ce matin.

Si nous connaissons l'estimation du domaine de Souzy-la-Briche qu’a réalisée France domaines, nous ignorons en revanche dans quelles conditions s'effectue cette cession. Par conséquent, dans la mesure où elle ne dispose pas d’éléments suffisants lui permettant de se prononcer de manière éclairée, la commission des finances a déposé cet amendement de suppression de l'article 64 quinquies.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Sauvadet, ministre. J'entends bien les arguments qui sont avancés. Cependant, j'ai surtout relevé que, sur ce dossier, le positif l’emportait sur le négatif. Madame la rapporteure générale, vous avez observé vous-même que le Gouvernement avait choisi la bonne méthode en décidant d’agir par voie législative. À vous croire, ce seraient les ayants droit qui auraient imposé ce recours à la loi. Non ! Quand les cessions concernent des biens dont la superficie excède 150 hectares – le domaine de Souzy-la-Briche en compte 280 –, c’est la loi qui nous impose de procéder ainsi.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et Compiègne ?

M. François Sauvadet, ministre. Il nous faut aujourd'hui répondre à cette question : l’État doit-il continuer à conserver des biens dont la Cour des comptes a pointé l’entretien coûteux ou procéder à leur cession ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n'est pas la question ! La question, c'est : comment on cède ?

M. François Sauvadet, ministre. J’y viens ! Cette cession se fera dans le cadre d’un appel d’offres, France Domaines fixera un prix minimal, qui constituera le prix de réserve. Il s'agit là d'une procédure tout à fait transparente, qui ne peut faire l’objet d’aucune suspicion.

M. François Sauvadet, ministre. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, peut-on se permettre d’attendre ? Pensez-vous véritablement que nos compatriotes comprendraient que, au motif que vous vous interrogez sur les conditions de cette cession et alors que je viens de vous apporter toutes les assurances en la matière, leur argent serve à continuer à entretenir un bien dont l'État n'a plus l'utilité ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en appelle à votre responsabilité.

M. Jean-Jacques Mirassou. Allons, allons !

M. François Sauvadet, ministre. Madame la rapporteure générale, dans cette affaire, le chat se mord la queue, si vous me permettez cette expression populaire. Sans l’adoption de cet article, nous ne pouvons procéder à la cession de ce domaine, nous ne pouvons engager le dialogue avec les ayants droit. Je vous le répète, n'ayez aucune crainte : toutes les garanties vous sont apportées ! A l’heure où nous demandons des efforts aux Français, donnez à l’État la possibilité de se séparer de biens dont il n'a plus l'utilité !

J’en appelle donc à un sursaut de sagesse de la part du Sénat. Je ne doute pas que la Haute Assemblée sera à la hauteur de sa légendaire réputation. (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Jean-Jacques Mirassou. La flagornerie ne marche pas !

M. François Sauvadet, ministre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. La commission des finances s’est interrogée sur les conditions de cession du domaine de Souzy-la-Briche. Le ministre a apporté des éléments de réponse satisfaisants : cette vente fera l’objet d’un appel d'offres et France domaines en assurera sans doute la publicité.

Je souhaite insister sur deux points.

D’une part, l’entretien de ce domaine a un coût pour le budget de l’État, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’euros par an : il a même atteint 200 000 euros avant que l’on ne parvienne à réduire les frais, de gardiennage notamment.

D’autre part, dans la mesure où il n’est pas utilisé, ce bien se dégrade.

M. François Sauvadet, ministre. Bien sûr !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Je me suis intéressé de près à cette question en tant que rapporteur spécial et je sais qu’il y a des problèmes d'humidité, de fuite. Si nous attendons, le bien risque de ne plus valoir grand-chose ! Par conséquent, retarder cette cession, c'est s’exposer à vendre ce bien dans des conditions moins favorables que celles d’aujourd'hui.

M. François Sauvadet, ministre. Oui !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. M. le ministre l’a rappelé, toutes les garanties sont réunies en termes de transparence et de publicité ; mon collègue rapporteur spécial et moi-même y veillerons. Par conséquent, je ne vois pas aujourd'hui ce qui s'oppose à cette cession, sinon peut-être le souvenir de la façon dont se déroulait à une certaine époque ce type de transaction. Mais on ne reviendra pas sur le cheval turkmène ou d'autres épisodes…

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Pas de nostalgie !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. En termes budgétaires, compte tenu du coût de l’entretien de ce bien et d’une déperdition de sa valeur, nous avons tout intérêt à le céder dans les meilleures conditions, c'est-à-dire le plus vite possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si nous nous intéressons autant aux conditions de cession de ce bien, c'est parce que celui-ci est composé de différents éléments : on y trouve des bois et forêts, des dépendances, une maison de maître, etc. Je ne peux me prononcer sur la beauté du bâtiment principal, la commission des finances n’ayant pas pu s’y rendre. Pour ma part, j’étais allée à Compiègne, mais le temps me manque désormais. Cependant, je ne doute pas que nos deux rapporteurs spéciaux qui sont tout à fait vaillants examineront tout cela de près.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous sommes un peu occupés en ce moment ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les ayants droit sont en droit – sans jeu de mots – de demander un remploi des sommes qui tomberaient dans l’escarcelle de l'État, conformément à leurs souhaits. C’est bien ce qui s’était passé dans l'affaire de Compiègne : lors de la vente, France Domaines avait fixé à l’acquéreur des conditions de remploi des sommes. C'est important. Or, sur cette matière, nous ignorons tout des conditions que les ayants droit du domaine de Souzy-la-Briche ont posées.

J'en viens à la partie bois et forêts. Monsieur le ministre, vous savez très bien que le patrimoine forestier doit être reconstitué. À Compiègne, cela a fait l’objet d’un différend entre le ministère de l'agriculture et celui du budget, le premier ayant exigé cette reconstitution, à une échelle géographique pertinente, qui a bloqué l'affaire pendant plusieurs années.

Je rappelle que l'Office national des forêts a son mot à dire. Or j'ignore dans quelles conditions il a été consulté. Beaucoup a été fait, sans doute. Je fais confiance à l'administration et ce n'est pas moi qui critiquerai systématiquement la fonction publique dont vous avez la responsabilité en tant que ministre. Toujours est-il qu’il ne paraît pas urgent d’accepter cette cession.

D'autres textes financiers seront soumis au Sénat d'ici à la fin de l'année : un projet de loi de finances rectificative est prévu et, compte tenu de l'état de nos finances et de la crise de la zone euro, il nous faudra peut-être en examiner un autre avant l'élection présidentielle. Vous pourrez alors nous donner tous les éléments d’information nécessaires, monsieur le ministre.

Le débat que nous avons ce matin est utile en ce qu’il améliore la connaissance de la commission des finances. Toutefois, cela ne suffira pas à le solder.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre. Je comprends bien les préoccupations que vous exprimez sur les conditions de cession, madame la rapporteure générale. Pour autant, nous ne pouvons pas rester dans cette situation de quasi- blocage, avec un bien que l’État a sur les bras, qui lui coûte cher et dont il doit se séparer. Personne ne conteste ce point. L'opportunité de la vente n'est pas en jeu.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n'est pas cela le problème !

M. François Sauvadet, ministre. Personne ne conteste non plus les conditions de transparence dans lesquels s'établira cette cession. J'ai indiqué qu'un appel d'offres aura lieu et qu'un prix minimum, que vous avez d’ailleurs dévoilé prématurément, sera fixé. Les ayants droit nous demandent d'être habilités à procéder à cette cession avant d’engager toute négociation ; vous n’ignorez rien de la nature de ces échanges, puisque c'est un bien qui avait été donné à l'État. Tel est l’objet de l’article 64 quinquies. Il va de soi que le Gouvernement reviendra ensuite devant la Haute Assemblée et la commission des finances pour indiquer le périmètre, les conditions, etc.

Il est temps de sortir de cette situation.

N’en doutez pas : le Gouvernement est résolu à préserver les intérêts de l'État et à faire en sorte que les conditions de transparence autour de cette cession soient pleinement garanties. J'en prends l'engagement devant vous. De grâce, mesdames, messieurs les sénateurs, ne repoussez pas à demain ce que la situation exige que nous fassions aujourd'hui.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On aurait pu le faire hier !

M. François Sauvadet, ministre. On aurait pu le faire avant-hier, et même avant ! Laissons l’Histoire de côté. Je me garderai bien de me hasarder sur ce terrain ; je reste prudemment à ma place et vous demande simplement d’habiliter le Gouvernement pour qu’il puisse engager la discussion avec les ayants droits.

J'en appelle à votre esprit de responsabilité. Je sais, madame la rapporteure générale, que vous en avez toujours été animée. Nous l'avons en partage.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-38.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 64 quinquies est supprimé.

Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».

Engagements financiers de l’État

Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux

Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

Compte d’affectation spéciale : Participations financières de l’État

Article 64 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances, en remplacement de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, qui ne peut être présent aujourd’hui.

La mission « Engagements financiers de l’État » voit ses crédits progresser de 6 % entre 2011 et 2012. Cette évolution traduit l’augmentation inexorable de la charge de la dette. En 2012, celle-ci devrait s’établir à 48,8 milliards d’euros. Je précise pour la clarté de nos débats qu’il s’agit uniquement des intérêts de la dette. Nous savons que, l’année prochaine, nous allons émettre 182 milliards d'euros pour renégocier notre dette auprès des marchés.

Nous discutons de ce budget dans un contexte de crise financière, économique et politique dans la zone euro.

Le spread franco-allemand atteint un niveau record depuis la création de la monnaie unique. Ne croyons pas que cela n’intéresse que les initiés. Au contraire, ce type d’information est largement intégré par l’opinion publique, qui a compris que la France avait un problème particulièrement prégnant de financement. C’est évidemment avec nos partenaires allemands que l’affaire se noue et pourrait se dénouer. Le tout est de savoir si ce dénouement se fera dans le bon sens !

La détérioration relative de nos conditions de financement résulte des incertitudes qui planent sur l’avenir de la zone euro, mais elle reflète aussi l’effritement de la confiance des marchés à l’égard de la signature de la France. Lorsqu’on parle des marchés, il s’agit non pas d’un être abstrait, mais des investisseurs, et les doutes qu’ils nourrissent sur notre capacité à tenir notre trajectoire budgétaire et nos engagements européens se font pressants.

Je me garderai de faire un pronostic sur l’avenir de notre notation triple A. Rappelons simplement qu’un choc de taux de 1 % se traduirait par une charge d’intérêts supplémentaire de 2 milliards d’euros la première année, puis de 14 milliards d’euros au bout de neuf ans. Dans un contexte de maîtrise des dépenses de l’État, je vous laisse imaginer à quel point le financement des politiques publiques serait entravé ! Mais il l’est déjà considérablement.

J’en viens aux garanties. Avec la crise, l’État garant est sollicité comme jamais. L’octroi de ces garanties est budgétairement indolore, voire lucratif, puisqu’elles sont rémunérées, mais elles n’en sont pas moins autant d’épées de Damoclès suspendues au-dessus de la tête des Français.

Les garanties sont comptabilisées en engagements hors bilan de l’État et, dans ce domaine, monsieur le ministre, nous aimerions y voir plus clair. Le compte général de l’État fourmille d’informations, mais elles sont bien difficiles à consolider et à recouper avec le contenu des bleus budgétaires. Dans ces conditions, j’informe le Sénat que la commission des finances confiera à la Cour des comptes, en 2012, une enquête sur le recensement et la comptabilisation des engagements hors bilan de l’État. Ses conclusions nous permettront de statuer de manière plus éclairée sur d’éventuelles garanties futures.

La forte baisse des crédits du programme 145 « Épargne » traduit le reflux important des primes d’épargne logement. Nous veillerons à ce que cette baisse n’aboutisse pas à reconstituer la dette contractée par l’État à l’égard du Crédit foncier de France, opportunément résorbée en 2011.

J’en viens au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », retraçant les opérations financières de l’État actionnaire.

Les documents budgétaires n’apportent que des informations limitées. En effet, du côté des recettes, le Gouvernement inscrit, comme chaque année, 5 milliards d’euros. Je comprends les raisons objectives qui incitent l’État à ne pas dévoiler sa stratégie de cession. Nous pouvons néanmoins prévoir que, du fait de la situation économique, il ne réalisera que peu de cessions, voire aucune. À titre d’illustration, au 5 septembre 2011, l’État actionnaire n’avait engrangé que 181 millions d’euros de recettes. Force est de constater que la somme de 5 milliards d’euros est surestimée.

Du côté des dépenses, nous savons que l’État devra encore libérer 467 millions d’euros au titre de l’augmentation de capital de La Poste et qu’il achètera des titres Areva pour un montant d’au moins 200 millions d’euros. On peut donc d’ores et déjà tabler sur près de 700 millions d’euros de dépenses certaines.

Pour la cinquième année consécutive, aucun versement ne devrait intervenir pour réduire la dette héritée du Crédit lyonnais, qui s’élève à plus de 4,3 milliards d’euros et doit être remboursée en 2014. Nous ne savons pas ce que compte faire le Gouvernement. L’issue est-elle déjà annoncée, à savoir une reprise de la dette par l’État ? Monsieur le ministre, permettez que nous nous y intéressions, puisqu’une telle opération alourdirait encore la dette publique.

Au-delà des aspects budgétaires, l’État actionnaire s’est engagé, depuis septembre 2010, dans une nouvelle stratégie tournée vers le développement industriel. Je n’ai pas le temps d’en parler, mais je pense que nos collègues, notamment de la commission de l’économie, y consacreront une partie de leurs interventions.

En réalité, nous ne disposons d’aucun élément tangible pour juger de la mise en œuvre de ces nouvelles orientations. Si je constate bien que les administrateurs de l’État participent aux organes de gouvernance, je n’en vois pas la traduction concrète dans la gestion des entreprises : le taux de féminisation est à peine supérieur, les rémunérations guère plus modérées et les résultats pas meilleurs que dans les entreprises dont le capital est entièrement privé. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur l’État actionnaire.

S’agissant des autres comptes spéciaux, le souci de la concision me conduit à vous renvoyer aux observations du rapport écrit.

Mes chers collègues, il est de notre devoir de nous acquitter de notre dette. La commission des finances invite donc le Sénat à adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». Elle vous propose en outre d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », mais, en revanche, de rejeter les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », compte tenu de ce que je viens de dire sur le comportement de l’État actionnaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet, en remplacement de M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour les participations financières de l'État. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne pouvant être présent aujourd’hui, mon collègue Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », m’a chargé d’intervenir à sa place.

Je ne m’attarderai pas sur les caractéristiques de ce compte d’affectation spéciale, dont l’existence se justifie par les spécificités de la fonction actionnariale de l’État : il retrace les opérations de l’État liées à la gestion de ses participations financières.

Avant de vous le présenter de manière plus détaillée, je voudrais, à ce stade, formuler une remarque générale sur le contexte dans lequel nous nous trouvons.

En effet, l’année 2011 a constitué un tournant à plusieurs titres.

En premier lieu, la crise a eu de lourdes conséquences sur la valeur des participations de l’État, puisque celles-ci sont passées de 88,2 milliards d’euros en 2010 à 69,8 milliards d’euros en octobre 2011, pour tomber à moins de 60 milliards d’euros ces dernières semaines.

En second lieu, la réforme institutionnelle de l’État actionnaire a eu des retombées importantes en termes de fonctionnement et de gouvernance des entreprises appartenant au périmètre de l’Agence des participations de l’État, l’APE.

J’en viens maintenant à des observations plus spécifiques concernant ce compte d’affectation spéciale.

Ma première remarque porte sur son caractère approximatif. Ce sujet n’est pas abordé pour la première fois dans notre hémicycle, puisque la quasi-totalité des rapporteurs ayant abordé ce sujet à cette tribune par le passé avaient déjà pointé ces limites. Les recettes et les dépenses ne sont que purement indicatives, et, surtout, l’écart entre les prévisions et l’exécution est si important qu’il remet en cause la pertinence des informations regroupées par ce compte.

À titre d’exemple, les recettes prévues pour 2010 par la loi de finance initiale s’élevaient, comme cette année, à 5 milliards d’euros. Or l’exécution du budget a donné lieu à l’encaissement de seulement 2,9 milliards d’euros, soit un écart de plus de 2 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, nous comprenons bien que certaines données doivent être tenues secrètes pour ne pas mettre en péril des opérations importantes, mais ne pensez-vous pas qu’il pourrait y avoir, sur un sujet aussi essentiel, un juste milieu entre un niveau d’information du Parlement proche de zéro et une totale publicité de ces données stratégiques ?

Ma deuxième remarque concerne la gestion de l’État actionnaire. La récente réforme de l’Agence des participations de l'État a montré la volonté de lui donner une plus forte dimension stratégique et industrielle. La nomination, l’année dernière, d’un commissaire aux participations de l’État, directement rattaché au ministre en charge de l’économie, mais également la mise en œuvre de nouvelles pratiques, comme le recours à des études sectorielles pour mieux anticiper les intérêts stratégiques des participations de l’État, ont concrètement amélioré cette gestion.

Néanmoins, ne serait-il pas utile de clarifier les rôles entre différents acteurs comme l’APE, la Caisse des dépôts et consignations ou encore le Fonds stratégique d’investissement, qui détiennent parfois des actions dans les mêmes entreprises ? En effet, cela peut conduire à une confusion dans le pilotage de la politique actionnariale de l’État et la définition de sa politique industrielle.

Pour finir, je voudrais faire remarquer que le contexte difficile dans lequel se trouvent nos finances publiques plaide plus que jamais en faveur d’un véritable débat au Parlement sur le périmètre, le volume et le mode de gestion des participations de l’État. En effet, le montant total des participations cotées de l'État atteignait un peu moins de 60 milliards d’euros au 22 novembre dernier.

Monsieur le ministre, toutes les participations de l’État se justifient-elles d’un point de vue de la cohérence de la stratégie industrielle ? Ne vaudrait-il pas mieux adopter une gestion plus dynamique susceptible de conduire à la cession de certains actifs, permettant de nouvelles prises de participations dans des entreprises stratégiques ou un désendettement ?

En tout cas, la question mérite d’être posée.

Pour toutes ces raisons, et malgré une évolution notoire et concrète de l’État actionnaire, qui assume un objectif renforcé de stratégie industrielle, le rapporteur pour avis a proposé à la commission de l’économie de s’abstenir sur les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». Celle-ci ne l’a cependant pas suivi et s’est déclarée défavorable à leur adoption.

Mme la présidente. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je rappelle que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont particulièrement importants, puisqu’ils avoisinent les 50 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 48,7 milliards d’euros au seul titre du service de la dette publique.

Cela fait plusieurs mois que cette dernière s’est invitée dans toutes les conversations, et la plupart des grands medias en font régulièrement leur « une ».

La véritable surenchère médiatique qui a eu lieu cet été sur le sujet vient de montrer sa raison d’être : justifier, aux yeux de l’opinion publique, la mise en œuvre d’un nouveau plan d’austérité ; imposer de nouveaux sacrifices au monde du travail et de la création, à ceux qui produisent les richesses de la France.

L’alarmisme a été de mise et seul compterait aujourd’hui la conservation de notre triple A, véritable diktat des agences de notation à qui on a laissé les mains libres.

L’utilisation de cette notation par les marchés financiers pour augmenter le coût des emprunts pèse lourd. Le moindre relèvement des taux longs provoquerait une progression des crédits de la mission, et le peu d’intérêt qu’il y a à mener une politique de révision des politiques publiques serait ainsi rapidement annulé. L’exemple des pays qui y sont soumis en témoigne.

Le problème du débat ainsi ouvert sur la dette, pour les tenants de l’austérité sans limites, c’est qu’il a aussi, nous semble-t-il, éveillé l’intérêt de l’opinion pour disposer d’une meilleure connaissance des raisons profondes de cet endettement public et des remèdes susceptibles d’y être apportés.

Plutôt que d’un excès de dépenses publiques, c’est bel et bien d’une insuffisance de recettes fiscales et sociales que souffrent, aujourd’hui, nos finances. La première partie de notre débat budgétaire l’a bien confirmé.

Depuis 1985, les politiques de simple réduction du taux de l’impôt sur les sociétés, de réforme de la fiscalité locale s’appliquant aux entreprises et d’exonération des cotisations sociales ont fait perdre à l’État environ 800 milliards d’euros de recettes fiscales.

Comparons ces sommes avec le niveau de la dette de moyen et long terme qui pèse aujourd’hui sur l’État !

Nos compatriotes, toujours plus curieux, ont fait une autre découverte : depuis janvier 1973 et la loi Giscard sur la Banque de France, notre pays s’est privé de l’instrument de politique économique que pouvait constituer la politique monétaire, et notamment l’émission de valeurs pour le compte du Trésor.

Rappelons-nous que cette loi fut promulguée quelques jours seulement avant le lancement de l’emprunt 7 % de janvier 1973, le trop fameux « emprunt Giscard », indexé sur l’or. Ce dernier avait comme objectif de solder le coût d’une mise en œuvre retardée de la TVA dans certains secteurs d’activité et l’abandon de recettes courantes.

En 1973, on s’endettait sur le long terme pour payer ce dont on avait besoin tout de suite : le contraire même de ce qu’il faut faire ! Vous connaissez tous le résultat et le coût pour le budget de l’État.

Aujourd’hui, quand l’État a besoin d’argent, il passe par les marchés et émet un volume croissant de bons du Trésor sur formule, une sorte de « planche à billets » à titre onéreux !

C’est dans ce cadre qu’il faut nous interroger sur l’indépendance de la Banque centrale européenne. Il est temps, de notre point de vue, de mettre clairement en question le rôle de cette institution, véritable clef de voûte de l’actuelle construction européenne.

Je dois l’avouer, je trouve quelque peu surprenant que le Président de la République exprime autant de reproches à l’encontre de la BCE : il critique notamment le fait qu’elle n’agisse pas encore en prêteur en dernier ressort, qu’elle n’ouvre pas de ligne de prêts à faible taux pour financer les politiques d’investissement des États membres.

Or cette conception de la BCE figure expressément dans le traité de l’Union européenne consolidé et le fameux « mini-traité » de Lisbonne, tant promu et défendu par le Président lui-même !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, regardons l’avenir. Il va bien falloir que nous repensions effectivement le rôle de la Banque centrale européenne, car elle doit devenir l’un des moteurs de la croissance de notre continent, en apportant son concours au développement des États membres, des infrastructures, des capacités d’innovation et de recherche.

Il convient de créer les conditions d’un financement moins coûteux de l’action publique et d’un développement économique et social porteur d’un nouveau type de croissance, plus respectueux de l’environnement, des territoires et des êtres humains eux-mêmes.

Si nous ne nous opposerons pas à l’adoption des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », nous en appelons à un engagement fort pour dégager l’action publique de la contrainte des marchés. Mais nous suivrons l’avis de M. le rapporteur spécial de la commission des finances, qui a préconisé le rejet des crédits prévus pour les comptes spéciaux relatifs à la gestion patrimoniale de l’État et aux opérations monétaires internationales.

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » est une mission essentielle puisqu’il s’agit de la troisième du budget général en volume et qu’elle retrace principalement la charge de la dette, ce qui, par les temps qui courent, n’est pas rien.

La croissance de la charge de la dette est d’ailleurs l’unique facteur de l’augmentation des crédits de cette mission, lesquels progressent de 6 % entre 2011 et 2012, pour atteindre 49,9 milliards d’euros.

En 2011, la charge nette de la dette s’est accrue de 6,3 milliards d’euros, dont 1,4 milliard d’euros au titre de la charge d’indexation du capital des titres indexés. Elle atteint désormais 46,8 milliards d’euros et devrait encore augmenter de 2 milliards d’euros en 2012.

Cette hausse est très largement due à l’encours croissant de la dette de notre pays. Selon les estimations, l’effet volume sur l’augmentation de la charge de la dette négociable se traduit par un coût supplémentaire de 2,7 milliards d’euros.

Faut-il le rappeler, les chiffres de notre dette publique sont alarmants : celle-ci est passée de 64,2 % du produit intérieur brut en 2007 à 87,4 % en 2012. Notre collègue député, Dominique Baert, dans son rapport spécial sur la mission « Engagements financiers de l’État », envisage même que la dette puisse atteindre 95 % du PIB en 2013.

Or la soutenabilité de notre dette pourrait être fortement menacée par un ralentissement de la croissance, une hausse des taux d’intérêt ou une baisse de la confiance des marchés.

D’ailleurs, cette soutenabilité n’est-elle pas déjà remise en question ? Souvenez-vous des avertissements formulés par une célèbre agence de notation, déclarant, le 17 octobre dernier, que notre dette était « sous surveillance ». Ne faut-il pas s’interroger sur le comportement, pour le moins dérangeant, de certaines banques et compagnies d’assurance françaises, qui n’ont pas hésité à revendre massivement des titres de la dette au lendemain même de cette annonce ?

La charge de la dette négociable augmente également sous l’effet des taux d’intérêt, même si ces derniers ont pour l’instant un effet plus limité, estimé à 0,4 milliard d’euros. Cependant, il nous faut être très prudents et ne pas négliger les effets néfastes d’une possible augmentation des taux directeurs de la BCE.

Par ailleurs, l’inflation a un impact budgétaire sur les provisions pour obligations indexées. Cet impact, monsieur le ministre, serait, selon les chiffres du Gouvernement, de 1,5 milliard d’euros pour un point d’inflation, comme l’a rappelé tout à l’heure Mme la rapporteure générale.

Les crises des dettes souveraines dans le reste de la zone euro ne sont évidemment pas sans effet sur nos finances publiques. Au demeurant, voici ce que votre collègue Frédéric Lefebvre a annoncé devant la commission des finances de l’Assemblée nationale : « Selon une estimation provisoire, l’aide financière à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal, via le FESF, ferait augmenter notre dette de près de deux points du PIB en 2012. » C’est sans compter sur une aide probable à l’Italie, qui est actuellement en très grande difficulté, comme en témoignent les conclusions du dernier sommet de l’Eurogroupe.

Je ne m’attarderai pas sur la dégradation récente et très inquiétante des conditions d’emprunts de l’État français sur les marchés. Je rappelle que, selon Philippe Mills, le directeur général de l’Agence France Trésor, la perte du triple A pour la France représenterait un surcoût de 120 à 150 points de base pour se financer, soit 2,5 milliards à 3 milliards d’euros supplémentaires par an.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de conclure, j’aborderai trois points.

Tout d’abord, je veux souligner que les deux tiers de notre dette sont actuellement détenus par des non-résidents, contre moins de la moitié au début des années deux mille. Bien que cette question ne semble inquiéter ni l’Agence France Trésor ni le Gouvernement, j’émettrai pour ma part de très fortes réserves sur le fait que cela ne représenterait aucun danger. Cette part importante de la dette détenue à l’extérieur de la zone euro accroît en effet notre dépendance, et peut-être notre vulnérabilité face aux marchés.

Ensuite, je souhaite insister sur l’importance des collectivités territoriales,…

M. Yvon Collin. … trop souvent méprisées par l’État ces derniers temps. En effet, le niveau de leurs dépôts au Trésor, 30 milliards d’euros, permet à l’État d’emprunter moins sur les marchés.

Enfin, je tiens à évoquer la croissance, sans laquelle aucune marge de manœuvre n’est réellement envisageable. En tablant sur un taux de croissance de 1 % pour 2012 – pourcentage déjà revu à la baisse –, contre 0,3 % selon les prévisions de l’OCDE, comment le Gouvernement pourra-t-il respecter ses engagements et passer de 5,7 % de déficit public en 2011 à 4,5 % en 2012 et à 3 % en 2013 ?

Une réduction du déficit fondée essentiellement sur l’austérité et la réduction des dépenses publiques ne nous paraît pas être la bonne solution.

Pour réduire les déficits, il faut stimuler et favoriser la croissance. Or, la majorité des membres du RDSE considère qu’une autre politique économique et fiscale est indispensable pour renouer, enfin, avec la création de richesses et d’emplois, mais également avec la réduction de notre déficit public.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous n’approuverons pas les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Francis Delattre. La tonalité sera différente !

M. Jean-Pierre Caffet. On craint le pire !

M. Philippe Dominati. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et nous prononcer sur la charge de la dette française, dans un contexte où, comme on l’a vu ces derniers jours, la position de la France est attaquée sur les marchés comme jamais depuis la création de la monnaie unique.

Ces attaques exigent, de notre part, un grand sens des responsabilités.

Vous le savez, mes chers collègues, le facteur clé pour que notre pays continue à bénéficier de taux d’intérêt extrêmement bas repose sur notre crédibilité à lutter contre l’endettement.

Cette crédibilité passe par le respect de nos engagements de réduction des déficits, selon un calendrier très précis : 5,7 % en 2011, 4,5 % en 2012, puis 3 % en 2013, avec, à l’horizon, le retour à l’équilibre budgétaire en 2016.

Il n’existe pas d’autre voie, et quiconque s’écarterait de cette trajectoire pour assouvir un projet fantaisiste ne tarderait pas à se voir immédiatement rappelé à la réalité ; le réveil pour la France et les Français serait alors fatal.

La charge de la dette deviendrait rapidement le premier poste de dépenses de notre pays, la France perdrait la confiance de tous ses partenaires, elle subirait de violentes attaques de la part des marchés et ne trouverait pas de capitaux à emprunter à un taux raisonnable. Ce serait ni plus ni moins que notre souveraineté nationale et l’euro qui seraient mis en cause. Un tel mécanisme a été démonté tout à l’heure par Mme la rapporteure générale.

Le risque est de nous trouver dans le même cas de figure que la Grèce ou le Portugal et, partant, dans l’ardente obligation d’appliquer des mesures bien plus drastiques que celles que nous connaissons aujourd’hui, comme la baisse des salaires ou des pensions.

M. Jean-Pierre Caffet. Comme Laval en son temps !

M. Philippe Dominati. Fort heureusement, la détermination du Président de la République et du Gouvernement à réduire le déficit public et à désendetter la France est totale.

À travers vous, monsieur ministre, le Gouvernement continue d’agir pour réduire la charge de la dette publique. Croyez-moi, les Français sauront se souvenir, le moment venu,…

M. Alain Néri. On peut toujours rêver !

M. Philippe Dominati. … que, lorsqu’existe une volonté politique, il est possible d’éviter l’augmentation fatale de la dette.

M. Philippe Dominati. Le Gouvernement est, désormais, sur la bonne voie. Il lui faut incontestablement poursuivre en ce sens.

Votre rôle, monsieur le ministre, est de ne pas tenir compte des arguments idéologiques d’une opposition qui, au niveau national, est prête à beaucoup de promesses pour revenir aux affaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Richard Yung. Et vous, alors ?

M. Alain Néri. Les promesses, c’est votre spécialité !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez encore des leçons à nous donner en cette matière !

M. Francis Delattre. Le pédalo est déjà très chargé !

M. Philippe Dominati. Pour répondre aux déficits, les diverses formations politiques de l’opposition défendent une vision commune : toujours plus de taxes, sur les ménages, y compris les classes moyennes, mais aussi sur les entreprises, de manière disproportionnée.

Les masques sont en train de tomber : la gauche, dans cet hémicycle, a proposé au travers de ce budget de ponctionner l’ensemble des entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros, au risque de casser le peu de croissance qu’il nous reste.

M. Richard Yung. Croissance zéro !

M. Philippe Dominati. La majorité sénatoriale est d’autant plus imaginative qu’elle sait que ce qu’elle vote ne sera pas appliqué. Elle ne se donne donc même pas la peine de rendre crédibles ses propositions.

M. Jean-Pierre Caffet. Nos propositions sont responsables !

M. Alain Néri. Nos dépenses sont gagées !

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, alors que le Président de la République, le Premier ministre et vous-même pensez à désendetter le pays…

M. Jean-Pierre Caffet. Il serait temps !

M. Richard Yung. C’est vous qui avez créé la dette !

M. Philippe Dominati. … et à l’intérêt supérieur de la France, la gauche, pour l’instant, ne s’intéresse qu’aux échéances de 2012.

M. Jean-Jacques Mirassou. Pourquoi faites-vous une telle fixation sur la gauche ?

M. Philippe Dominati. Après M. Collin, je tiens moi aussi à évoquer l’excellent rapport spécial de notre collègue député Dominique Baert. Celui-ci s’est livré à une étude tout à fait intéressante en comparant, sur la période 2007-2010, l’évolution du poids de la dette par rapport au PIB en France et chez nos principaux partenaires. En voici le principal enseignement : le poids de la dette a augmenté de 17,9 % dans notre pays, mais beaucoup plus fortement ailleurs, de 18,3 % en Allemagne, de 19,1 % dans la moyenne des pays de l’euro, de 29,5 % aux États-Unis, de 35,5 % en Grande-Bretagne, de 30 % au Japon.

Il faut le souligner, grâce à la vigueur du plan de relance, dont les effets positifs sur notre économie ont été reconnus sur le plan international, en particulier par le FMI et l’OCDE, la France a su limiter l’accroissement de la dette et protéger ses concitoyens de bien meilleure façon que ne l’ont fait ses partenaires majeurs, notamment européens.

M. Francis Delattre. Évidemment !

M. François Sauvadet, ministre. C’est vrai !

M. Philippe Dominati. Monsieur le ministre, le Gouvernement a trouvé la bonne voie. Bien évidemment, le groupe UMP votera, dans un esprit de responsabilité, les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » et apportera, en cette période difficile, son soutien plein et entier au Président de la République, au Premier ministre et à l’ensemble du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. François Sauvadet, ministre. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Richard Yung. Il faut répondre à l’UMP !

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons l’examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », j’ai l’impression, partagée sans doute par bon nombre d’entre vous, que le message que nous recevons, au travers des différents documents diffusés, est répétitif et linéaire, notamment en ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

La preuve en est que les crédits affectés aux programmes 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État » et 732 « Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État » sont rigoureusement les mêmes que les deux années précédentes.

Cet électro-encéphalogramme plat, pourrait-on dire, autorise à se poser des questions sur le manque de volonté politique du Gouvernement, qui paraît de plus en plus évident à mesure que l’on s’enfonce dans la crise.

On est en droit de se demander quelles sont ses intentions. Pourtant, il dispose, pêle-mêle, de l’Agence de participations de l’État, de la Commission des participations et des transferts, du Fond stratégique d’investissement, le FSI, de la Caisse des dépôts et consignations et, bien sûr – j’ai failli l’oublier ! – d’un ministre chargé de ce secteur, qui ne nous fait pas l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui…

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Ce n’est pas bien de dire cela ! Le Gouvernement est là !

M. Jean-Jacques Mirassou. Peut-être faut-il chercher les raisons du manque de lisibilité politique que j’évoquais tout à l’heure dans le nombre des acteurs concernés ou la multiplicité des niveaux d’intervention. Dans ce cas, la responsabilité du capitaine du navire – je veux parler du ministre aujourd’hui absent – serait engagée.

Je pense très sincèrement, monsieur le ministre, mes chers collègues, que l’État a choisi de se cantonner délibérément dans le rôle d’un actionnaire, gérant ses participations en fonction de l’évolution de la crise, c’est-à-dire avec une approche comptable, qui s’apparente parfois à celle d’un rentier.

Pourtant, de notre point de vue, c’est bien parce que la crise est là qu’il aurait dû choisir une option plus offensive en opérant des choix au service d’une véritable stratégie industrielle, crédible, courageuse, ancrée sur les territoires et en lien avec les régions. L’État aurait dû se comporter tout à la fois en actionnaire avisé et en stratège pariant sur l’avenir. Ce n’est pas l’option qui a prévalu !

Je serais tenté de vous dire, monsieur le ministre, qu’il n’est pas trop tard pour redresser la situation et regarder l’avenir en préservant une industrie enracinée dans les territoires et tournée vers les technologies de pointe. Cela suppose de la part de l’État un changement de politique réel et rapide, qui passe non seulement par l’abandon de la cession de ses actions, mais aussi par le renforcement de sa participation dans les secteurs stratégiques porteurs d’avenir. S’il avait agi ainsi pour Renault, nous aurions pu éviter des délocalisations intempestives et, surtout, le mauvais traitement réservé aux sous-traitants hexagonaux. Cela aurait dispensé aussi notre collègue Jean-Pierre Raffarin d’interpeller hier, ici même, le ministre chargé de l’industrie – il était là ! – pour lui demander d’intervenir auprès du P-DG de Renault afin que la fonderie du Poitou puisse continuer à livrer des culasses et assurer ainsi sa survie.

Dans un autre domaine qui me tient à cœur, j’évoquerai le groupe EADS. Il n’est pas nécessaire de rappeler son importance cruciale pour notre pays, tant par ses potentialités industrielles que par le rôle stratégique qu’il joue. Toutefois, force est de constater que son devenir a un peu été laissé à l’abandon. Quid en effet du suspense tout à fait déplacé concernant les parts de l’étonnant M. Lagardère fils ? L’État français doit, d’une manière ou d’une autre, reprendre la main dans ce dossier ; j’en profite pour rappeler que le groupe Daimler est en train de céder ses parts d’EADS à l’État allemand. On est en droit de se demander, dans la mesure où le rapport de force en termes d’actionnariat évoluera sans doute dans le mauvais sens, avec les Allemands d’un côté et les Français de l’autre, comment cette affaire va évoluer. Il est inadmissible, monsieur le ministre, que les parlementaires que nous sommes ne soient pas tenus au courant au jour le jour de l’évolution de l’actionnariat d’une grande entreprise, fleuron de l’aviation, et à laquelle je suis très attaché en tant que sénateur de Haute-Garonne.

Il est temps de revenir à une véritable politique des participations de l’État et, partant, à une véritable politique économique, à laquelle les parlementaires doivent être associés bien plus étroitement et régulièrement, notamment par rapport au tableau de bord que j’évoquais tout à l’heure et qui repose sur la compétence du ministre de l’industrie et de ses collaborateurs.

Il importe avant tout, je le répète, de cesser de vendre – je ne dirais pas « brader » ! – les actifs de l’État et de s’engager dans une logique d’investissement et de reconquête, par la puissance publique, de ses moyens d’action.

Voilà quelques-unes des raisons pour lesquelles, vous l’avez compris, le groupe socialiste n’est pas favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui manque non seulement d’ambition, mais aussi de sincérité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dette publique française représente près de 1 700 milliards d’euros, soit 85,5% de notre PIB. Ainsi, il faudrait près de sept années consécutives de recettes fiscales pour rembourser notre dette : sept années sans financer aucune mission, sans financer le moindre service public… Finalement, c’est peut-être la raison pour laquelle la majorité du Sénat rejette les crédits de presque toutes les missions !

Qui plus est, ce chiffre ne prend pas en compte nos engagements hors bilan, à savoir les 1 200 milliards d’euros destinés à assurer, d’ici à quarante ans, le financement des pensions, les 313 milliards d’euros de garantie de l’épargne et les garanties bancaires accordées dans le cadre du démantèlement du groupe Dexia.

Concernant les banques, je souhaite apporter un témoignage personnel. Au plus fort de la crise, à l’automne 2008, j’étais vice-président de l’Institut mondial des caisses d’épargne, qui réunit 110 établissements financiers dans 92 pays. De nombreux opposants critiquaient avec une ironie certaine et des allégations mensongères le gouvernement français, qui osait apporter sa garantie aux banques, pour leur permettre d’emprunter sur les marchés, en prenant parallèlement des participations dans le capital de plusieurs établissements bancaires, afin de renforcer les fonds propres de ces derniers.

Comme le souligne le rapport spécial, le groupe Banques populaires-caisses d’épargne, BPCE, a procédé le 23 mars dernier au dernier remboursement de cet apport. L’État a ainsi réalisé un « bénéfice » de 2,4 milliards d’euros par la perception d’intérêts progressifs en 2009 et 2010.

Il convient de souligner la pertinence du plan français, qui a permis de stopper le vent de panique qui commençait à souffler, d’autant que ce plan s’avère aujourd’hui profitable alors que, dans la plupart des pays voisins, c’est par dizaines de milliards d’euros que les contribuables ont été sollicités.

Après cette digression, j’en reviens à la gestion de ce stock faramineux de dette publique qui nous impose davantage d’efforts dans un contexte économique contraint.

En 2012, la charge de la dette, avec 48 milliards d’euros, soit plus que les recettes de l’impôt sur les sociétés, représentera une nouvelle fois le deuxième poste de dépenses de l’État. Il faudrait parvenir à une croissance de 2,5 % pour résorber les intérêts de la dette. Or les prévisions de croissance ne sont pas favorables. Le remboursement des emprunts ne peut plus se concevoir comme un pari sur l’avenir. Il est déraisonnable d’emprunter pour rembourser les intérêts de la dette. Une telle fuite en avant ne pourra être arrêtée que par la conduite d’une politique courageuse de réduction des dépenses.

Comme l’a rappelé Valérie Pécresse, « notre pudeur dût-elle en souffrir, nous sommes scrutés » : nos créanciers nous surveillent et exigent de nous de la crédibilité dans nos prises de décision. Nos taux de financement de long terme comme de court terme tendent à augmenter, illustrant la défiance ambiante. Les marchés sont fébriles, notre croissance économique patine et nous nous apprêtons à émettre près de 182 milliards d’euros de bons du Trésor sur les marchés.

Je persiste à croire que nos fondamentaux sont encore fiables et solides et qu’ils nous permettront de ne pas perdre la qualité supérieure que chacun reconnaît à notre signature.

En 2008, le Conseil d’analyse économique a présenté un rapport faisant état des crises de dettes souveraines dans les pays en voie de développement. Nous pensions être à l’abri d’une crise argentine ou d’une crise russe, a fortiori en tant que membre de la zone euro. Nous savons aujourd’hui que ce risque existe et qu’il faut nous résoudre à prendre les mesures nécessaires pour aller, au-delà de la seule gestion de la dette, vers un désendettement durable.

La crise qui est devant nous est d’ordre politique ; elle nous imposera d’adopter des dispositions courageuses pour enrayer la spirale dans laquelle nous sommes entraînés. Le Gouvernement a pris des engagements importants en matière de réduction des déficits publics, de façon à ce que nos créanciers nous conservent leur confiance ; à nous maintenant d’accorder la nôtre !

Telles sont les raisons pour lesquelles les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine voteront les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Monsieur Mirassou, lorsque vous regrettez l’absence de tel ou tel ministre, en laissant entendre que ce serait la preuve d’un désintérêt du Gouvernement pour le projet de budget que nous examinons ce matin, je vous réponds très clairement que le Gouvernement de la France est bel et bien représenté par le ministre de la fonction public, qui a l’intention de répondre aux questions que vous avez posées. J’ai présenté tout à l’heure les excuses de Mme Valérie Pécresse, qui est actuellement à l’Assemblée nationale, où elle défend un texte visant, compte tenu des circonstances, à adapter le budget. Face à la crise, il faut être réactif. Pour avoir été parlementaire moi-même, je mesure l’engagement du Gouvernement dans la défense du projet de loi de finances devant le Parlement, et en particulier devant le Sénat. Je trouve donc déplacées les allusions selon lesquelles le Gouvernement ne serait pas présent, en la personne du ministre en charge, lors d’une séance importante du Sénat.

M. Jean-Jacques Mirassou. N’extrapolez pas, monsieur le ministre ! Si je veux parler clairement, je le fais !

M. François Sauvadet, ministre. Les mots ont un sens, monsieur Mirassou, surtout à cette tribune !

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous présenter très brièvement les grandes lignes de la gestion de la dette pour l’année 2012, sujet particulièrement important pour l’avenir de notre pays et que nous avons en partage, vous l’avez dit, madame la rapporteure générale.

Le besoin de financement de l’État en 2012 s’élèvera à 179,9 milliards d’euros. Ce chiffre recouvre à la fois le déficit budgétaire, qui est de 79,7 milliards d’euros, et les amortissements de dettes négociables, qui atteignent 100,2 milliards d’euros en 2012.

Ce besoin de financement sera essentiellement couvert par des émissions de moyen et long terme, c'est-à-dire de deux à cinquante ans, à hauteur de 179 milliards d’euros. L’encours des émissions de bons du Trésor à moins d’un an pourra être légèrement réduit d’environ 3,2 milliards d’euros, grâce à des effets d’un même montant sur le niveau du compte du Trésor.

La charge de la dette en 2012 est évaluée à 48,8 milliards d’euros, en légère augmentation par rapport à l’exécution 2011, dans le cadre de laquelle elle atteignait 46,4 milliards d’euros.

Ce chiffre repose sur des hypothèses prudentes : le taux à trois mois prévisionnel est anticipé à 1,4 %, alors qu’il est de 0,4 % aujourd’hui. Le taux à dix ans qui a été retenu est de 3,7 % pour l’année, contre 3,4 % aujourd’hui.

Vous avez souligné que les Français étaient sensibles à la question de la charge de la dette, qui est en effet centrale. Les agences de notation ont toutes confirmé la note de la France, soit triple A avec perspective stable. Cette notation s’explique par la diversité et la force de l’économie française, ainsi que par l’engagement du Gouvernement à redresser les finances publiques.

Madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est déterminé, comme le démontrent l’ensemble des décisions qu’il a prises récemment, à ce que la situation demeure ainsi. Il ne s’agit en aucun cas, madame Beaufils, de la réponse à un « diktat du marché ». C’est la conduite d’une politique responsable vis-à-vis de nos concitoyens, comme vis-à-vis des générations futures. C’est l’effort que vous appelez de vos vœux, monsieur Guerriau. Les agences de notation et les investisseurs ne font qu’en prendre acte. Ils nous confirment que nos choix sont les bons.

Sur la question, qui revient souvent, de l’écart de taux avec l’Allemagne, le Gouvernement s’inscrit en faux contre tous ceux qui prétendent que la France aurait déjà perdu le triple A.

S’il est vrai que l’écart avec les conditions de financement de l’Allemagne s’est creusé ces derniers mois, la France se finance toujours à des conditions de taux qui restent bonnes, sa signature étant considérée comme solide par les investisseurs.

L’écart de taux d’intérêt entre la France et l’Allemagne pour les emprunts à dix ans a fluctué depuis le début de l’année 2011, de 29 points de base au plus bas à 189 points de base au plus haut. Il se situait hier à environ 90 points de base, en nette amélioration.

L’augmentation de l’écart de taux avec l’Allemagne n’est toutefois pas propre à la France, puisque d’autres États notés triple A, tels que la Finlande, l’Autriche ou les Pays-Bas, ont récemment été confrontés à un phénomène similaire.

Si l’écart de taux reflète également partiellement un écart du niveau des déficits publics, le Gouvernement met tout en œuvre pour atteindre les objectifs fixés. Vous l’avez souligné, monsieur Dominati, nous n’avons pas à rougir de notre gestion par rapport à celle de nos partenaires.

Madame la rapporteure générale, vous avez également soulevé, tout comme M. Collin, la question du niveau de détention de dette par des non-résidents.

Il me semble que, à cet égard, la France est parvenue à un équilibre satisfaisant : un premier tiers de sa dette est détenu par des résidents, un autre tiers par des non-résidents ressortissants de la zone euro et le dernier tiers par des non-résidents extérieurs à la zone euro.

La politique de diversification poursuivie par la France l’est aussi par tous les émetteurs les mieux notés de la zone euro, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas. Elle vise à diminuer le coût de la charge de la dette en étendant l’espace de la concurrence pour l’achat des titres de dette française.

En outre, le fait que la base d’investisseurs à laquelle s’adresse l’offre de ces titres s’élargisse est un gage de sécurité, dans la mesure où la diversification de l’origine géographique des détenteurs et des catégories dont ils relèvent permet de limiter les fluctuations de la demande. Elle permet également de sécuriser les interventions d’investisseurs moins sensibles au niveau absolu des taux, comme certaines banques centrales étrangères.

À propos des primes d’épargne logement, madame la rapporteure générale, vous m’avez interrogé sur la baisse des crédits alloués au programme 145, « Épargne », ainsi que sur le risque de reconstituer la dette contractée par l’État à l’égard du Crédit foncier de France, qui a été résorbée en 2011. Je puis vous assurer que cette reconstitution n’aura pas lieu. Le montant prévu des crédits doit permettre de couvrir de manière satisfaisante le versement des primes d’épargne logement en 2012, compte tenu de l’évolution des niveaux d’exécution constatée depuis 2009, notamment entre 2010 et 2011.

J’en viens au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », ou CASPFE, qui retrace l’ensemble des opérations en capital réalisées par l’État, qu’il s’agisse de dépenses ou de recettes, c’est-à-dire de prises de participation ou de cessions de titres et de réductions de capital.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Mirassou, l’affectation de moyens à ce compte d’affectation spéciale s’inscrit dans le cadre d’une vision renouvelée du rôle industriel de l’État actionnaire.

Le Président de la République a indiqué très clairement, notamment lors de la clôture des états généraux de l’industrie, que l’État actionnaire avait pour mission de contribuer activement à la politique industrielle française.

En particulier, nous suivons précisément la répartition par pays, ou par grandes zones, des investissements, de l’emploi et de la valeur ajoutée des entreprises.

Le rapport relatif à l’État actionnaire, qui fait partie des documents budgétaires remis à votre assemblée, présente des chiffres encourageants, je crois devoir le souligner. Il fait notamment état d’une accélération de 7 % en 2010 – contre seulement 2 % en 2009 – des investissements réalisés sur le territoire français par les entreprises au capital desquelles l’État participe. De surcroît, la valeur ajoutée créée en France par ces entreprises a augmenté de 2 % en 2010.

Madame la rapporteure générale, vous vous êtes préoccupée de la place des femmes dans les organes de gouvernance des entreprises. Sachez que l’État actionnaire conduit une politique ambitieuse de féminisation dans les sphères de direction des entreprises de son périmètre. Au sein de celles-ci, le taux global de féminisation des organes de gouvernance s’élève à 15 %. Quant au seuil de 20 % auquel nous devons parvenir dans un délai de trois ans, il est d’ores et déjà atteint au sein du collège des représentants de l’État.

L’État actionnaire veille également à ce que la plus grande modération soit observée dans la rémunération des dirigeants. Les informations figurant dans le rapport relatif à l’État actionnaire le prouvent. C’est une question sur laquelle, je l’espère, nous allons nous entendre !

En 2012, l’État actionnaire s’assurera, comme le Premier ministre l’a dit le 7 novembre dernier, que les entreprises publiques maintiennent au même niveau la rémunération de leurs dirigeants et qu’elles ne leur accordent pas d’avantages nouveaux – retraite chapeau ou « clause parachute ».

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Au-delà des entreprises publiques, il y a toutes celles dans lesquelles l’État détient des participations…

M. François Sauvadet, ministre. Cette vision industrielle de l’État actionnaire s’est exprimée de manière particulièrement nette dans l’accompagnement des entreprises pendant la sortie de crise.

Les entreprises appartenant au périmètre des participations de l’État ont plutôt bien résisté à la baisse de l’activité, permettant à l’État actionnaire de percevoir en 2011 des dividendes stables : 4,4 milliards d’euros, soit, comme en 2010, 55 % du résultat net par groupe. C’est une donnée importante que je souhaitais porter à votre connaissance.

Toutefois, cette stabilité des dividendes ne signifie pas que l’État actionnaire applique un même taux de distribution à ses participations, indépendamment de la situation financière et de la capacité distributive des entreprises. À ce propos, je vous rappelle que le taux moyen de distribution dans les entreprises du portefeuille de l’État a été abaissé à 23 % en 2009, pour tenir compte du contexte économique.

Au-delà de ces résultats financiers, l’État actionnaire s’attache désormais à promouvoir une véritable stratégie industrielle globale : il anticipe les enjeux stratégiques des entreprises et mène une réflexion sectorielle au sein des filières.

Cette ambition a permis, par exemple, la constitution autour de Systra d’une entreprise d’ingénierie de premier plan, regroupant les forces tournées vers l’international des filiales d’ingénierie de la SNCF et de la RATP.

Le renforcement de la situation financière des entreprises et la consolidation des filières industrielles stratégiques ont également figuré parmi les objectifs assignés par le Gouvernement au Fonds stratégique d’investissement.

À la suite du Président de la République et du Premier ministre, j’insiste sur le fait que l’État sera extrêmement attentif à la situation sociale dans les entreprises dont il est actionnaire. L’emploi ne doit pas être une variable d’ajustement à la crise que nous traversons !

Pour ce qui concerne les principales opérations en capital envisagées en 2012, elles sont présentées de manière conventionnelle dans le CASPFE, au sein duquel 5 milliards d’euros sont inscrits en recettes comme en dépenses.

Monsieur Tandonnet, monsieur Mirassou, ce montant représente davantage un plafond qu’une prévision. En effet, l’État ne peut ni prévoir précisément les opérations qui pourront avoir lieu, car elles dépendront évidemment du contexte de marché, ni risquer, en rendant publics d’éventuels projets, de dégrader la valeur de ses participations.

Permettez-moi, avant de vous présenter les perspectives du CASPFE pour 2012, de dire un mot des prévisions portant sur l’exercice 2011.

Le budget du compte d’affectation spéciale devrait être équilibré cette année, 415 millions d’euros de recettes nouvelles permettant, avec les 303 millions d’euros reportés, de faire face aux dépenses programmées pour un montant, estimé au 31 octobre, de 717 millions d’euros.

En 2012, l’opération la plus marquante sera sans doute, comme l’a rappelé Mme la rapporteure générale, la poursuite de l’augmentation du capital de La Poste.

La seconde opération d’envergure prévue en 2012 est le rachat par l’État, pour un montant de 270 millions d’euros, des titres de l’entreprise AREVA détenus par le Commissariat à l’énergie atomique, afin de permettre à celui-ci de faire face à ses obligations financières.

Concernant l’établissement public de financement et de restructuration, l’EPFR, qui porte la dette de la défaisance du Crédit lyonnais, j’insiste sur l’absence de déconsolidation comptable ou de maquillage des comptes de l’État : la dette de l’EPFR, qui s’élève aujourd’hui à environ 4,4 milliards d’euros, est évidemment intégrée à la dette publique.

De plus, l’EPFR se refinance auprès du Crédit lyonnais à un taux avantageux, inférieur à 1 %.

En tenant compte de ces données, mais aussi des faibles disponibilités en liquidités sur le compte d’affectation spéciale, nous n’anticipons pas le versement d’une dotation budgétaire à l’EPFR cette année.

Par ailleurs, nous allons commencer de préparer l’échéance d’extinction de la défaisance, fixée au 31 décembre 2014.

Monsieur Tandonnet, vous avez évoqué l’idée d’une reprise des privatisations, suggérant que l’État cède certaines des participations minoritaires qu’il détient au capital de grandes entreprises cotées, comme France Télécom, Air France-KLM ou Renault.

Je répète, au nom du Gouvernement, que les cessions d’actions sont seulement envisageables lorsqu’elles ont un sens pour la stratégie des entreprises concernées et qu’elles permettent à l’État, en vendant ses titres à un bon prix, de valoriser au mieux notre patrimoine national. Aujourd’hui, ne serait-ce qu’en raison du faible niveau de valorisation des sociétés, ces conditions ne semblent pas réunies.

Vous avez exprimé, monsieur Mirassou, une inquiétude qui mérite réponse. Je vous rappelle que le groupe Lagardère a publiquement annoncé qu’il ne se désengagerait pas d’EADS. L’État français, pour sa part, est fermement déterminé à demeurer un actionnaire de référence du groupe EADS et à continuer de l’accompagner dans ses programmes stratégiques.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands enjeux pour l’avenir de l’État actionnaire.

J’ai apprécié, madame la rapporteure générale, de vous entendre dire que nous partagions le même point de vue sur l’importance du problème de la dette…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Elle nous engage tous !

M. François Sauvadet, ministre. …et qu’il nous fallait faire preuve, dans les temps difficiles que nous traversons, d’un grand esprit de responsabilité.

C’est pourquoi je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter les crédits qui vous sont proposés. En le faisant, vous soutiendriez, sinon le Gouvernement, du moins les efforts qui sont faits pour parvenir à la résorption des difficultés ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Néri. Ne nous demandez tout de même pas l’impossible, monsieur le ministre !

(M. Charles Guené remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

engagements financiers de l’état

Engagements financiers de l'État - Compte de concours financiers : Accords monétaires internationaux - Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics - Compte d'affectation spéciale : Participations financières de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 34 et état D

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Engagements financiers de l’État

49 921 176 591

49 921 176 591

Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)

48 773 000 000

48 773 000 000

Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)

189 400 000

189 400 000

Épargne

773 776 591

773 776 591

Majoration de rentes

185 000 000

185 000 000

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je souhaite, en cet instant, rappeler les positions qu’a arrêtées la commission des finances au sujet des crédits sur lesquels le Sénat va maintenant se prononcer.

La commission des finances s’est déclarée favorable aux crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », défavorable à ceux du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », favorable à ceux du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » et défavorable à ceux du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

À M. le ministre comme à nos collègues qui se sont exprimés, en particulier M. Dominati, je veux dire que nous sommes tenus par les engagements européens de la France. Il n’y a pas lieu à polémique.

Le candidat que je soutiens a défini une trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire en 2017. Ce calendrier diffère de celui prévu dans le programme de stabilité que la France a adressé à la Commission européenne, lequel fixe à 2016 la date du retour à l’équilibre. En ce qui concerne la réduction des déficits, qui est le premier pas vers la stabilisation de la dette, ce candidat s’est engagé à ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013.

M. François Sauvadet, ministre. Mais qui est donc ce candidat que vous soutenez ? (Sourires.)

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ».

(Ces crédits sont adoptés.)

compte de concours financiers : accords monétaires internationaux

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Régimes sociaux et de retraite - Compte d'affectation spéciale : Pensions

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations

d’engagement

Crédits

de paiement

Accords monétaires internationaux

0

0

Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine

Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale

Relations avec l’Union des Comores

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

compte de concours financiers : avances à divers services de l’état ou organismes gérant des services publics

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations

d’engagement

Crédits

de paiement

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

7 812 891 607

7 812 891 607

Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

7 500 000 000

7 500 000 000

Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

62 600 000

62 600 000

Avances à des services de l’État

250 291 607

250 291 607

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : participations financières de l’état

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Participations financières de l’État

5 000 000 000

5 000 000 000

Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

1 000 000 000

1 000 000 000

Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

4 000 000 000

4 000 000 000

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

Régimes sociaux et de retraite

Compte d’affectation spéciale : Pensions

Article 34 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » (et articles 65 et 66), ainsi que du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m’appartient de vous présenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions » pour 2012.

Ils représentent des masses significatives du budget de l’État, en raison notamment du nombre de pensionnés de l’État : on en comptait 1,71 million au 31 décembre 2010.

La mission « Régimes sociaux et de retraite », tout d’abord, retrace les subventions d’équilibre versées par l’État à certains régimes spéciaux que nous connaissons bien, et depuis longtemps.

Les crédits inscrits pour 2012 s’élèvent à 6,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une augmentation de 9,8 % par rapport à 2011.

Cette hausse s’explique par deux facteurs : d’une part, la baisse régulière du taux de couverture des prestations servies par les cotisations collectées par ces régimes, en raison notamment de leur fort déséquilibre démographique ; d’autre part, la disparition du dispositif de « surcompensation », bien connu des collectivités territoriales, dont certains régimes spéciaux étaient bénéficiaires.

Cette hausse des crédits n’était que partiellement prévue par la loi de programmation des finances publiques puisque les crédits demandés pour l’année à venir dépassent les plafonds de crédits fixés pour 2012, à savoir 130 millions d’euros.

S’il est vrai que la prévision des montants des subventions d’équilibre figurant dans cette mission est un exercice délicat, en particulier eu égard au caractère encore non stabilisé des comportements de départ à la retraite après les réformes de 2008 et de 2010, il serait souhaitable, à terme, de disposer d’une évaluation plus fine des crédits demandés.

De façon plus ponctuelle, je souhaiterais avoir des précisions sur la contribution exceptionnelle de 250 millions d’euros prévue en faveur du compte d’affection spéciale « Pensions ».

Ce compte a été institué par l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances, qui a prévu la mise en place, au 1er janvier 2006, d’un compte distinct du budget général de l’État pour retracer les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite des agents de l’État et aux avantages accessoires.

Au total, les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions » augmentent en 2012 de 2 milliards d’euros pour s’établir à 54,6 milliards d’euros, soit une hausse de 3,9 %. Il représente donc pour les futurs gouvernements un facteur de progression dynamique des dépenses budgétaires, et ce pour quelques années encore…

Le rapport écrit fournit des indications précieuses sur le « besoin de financement actualisé », c’est-à-dire les réserves qui seraient en théorie nécessaires aujourd’hui, en étant placées au taux d’intérêt du marché, pour faire face à l’ensemble des décaissements requis pour combler les déficits anticipés.

Sur la base d’un taux d’actualisation médian de 1,53 %, le besoin de financement, actualisé à dix ans, s’élève à 50 milliards d’euros. Évidemment, ces estimations sont très sensibles au taux d’actualisation retenu. Pouvez-nous nous dire, monsieur le ministre, pourquoi le taux d’actualisation médian retenu cette année ne s’élève qu’à 1,53 %, au lieu du taux de 1,63 % que prévoyait la loi de finances pour 2011 ?

Enfin, l’article 211 de la loi de finances initiale pour 2011 a procédé à la décristallisation des pensions des ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l’ancien empire colonial français. Pouvez-nous nous détailler, monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles le ministère de la défense à dû procéder à des recrutements supplémentaires pour le traitement de ces dossiers ?

Le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l’État », qui retrace notamment les dépenses et recettes du fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, se caractérise par un déficit démographique important.

La gestion des ouvriers d’État du ministère de la défense a donné lieu à un référé de la Cour des comptes en août 2011, laquelle appelle à une meilleure gestion prévisionnelle des ressources humaines, à une consolidation juridique de certaines primes et, surtout, à un arrêt des recrutements sous ce statut.

Aussi, monsieur le ministre, je vous poserai deux questions à ce sujet.

D’une part, les emplois à temps partiel suffisent-ils à expliquer la différence entre le nombre de cotisants à ce régime – plus de 34 000 – et les 25 000 équivalents temps plein relevés par la Cour des comptes ?

D’autre part, comment est opéré le suivi des heures supplémentaires qui entrent dans le calcul des droits à pension ?

En conclusion, comme le paiement des droits à pension constitue pour l’État une obligation irréfragable, la commission des finances, responsable et raisonnable, s’est prononcée à la quasi-unanimité en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions », ainsi que des articles 65 et 66 rattachés à celui-ci.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux d’avoir fait ma première intervention à la tribune du Sénat alors qu’un ancien collègue de l’Assemblée nationale occupait le banc du Gouvernement. (Sourires. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. C’est aussi un honneur pour moi !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe la quasi-totalité des subventions de l’État aux régimes de retraite déficitaires. Celles-ci se concentrent sur quatre régimes principaux : les caisses de retraite de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines.

Parmi les facteurs qui expliquent une progression des crédits proche de 10 % en 2012, plusieurs sont sans véritable lien avec l’évolution propre de ces régimes, comme l’a expliqué M. le rapporteur spécial.

La mission connaît en effet une modification significative de son périmètre, avec en particulier la création d’une ligne nouvelle de 250 millions d’euros, destinée à faciliter la gestion du compte d’affectation spéciale « Pensions » en ajustant ses ressources au regard du montant réel des cotisations versées par les ministères employeurs.

Par ailleurs, 2012 verra la disparition définitive de la compensation spécifique vieillesse, qui bénéficiait à plusieurs régimes financés par la mission. Les ressources correspondantes devront être remplacées à due concurrence par des crédits budgétaires.

Si l’on neutralise ces deux modifications par rapport à 2011, on constate qu’en dépit d’une légère diminution du nombre de pensionnés dans les régimes relevant de la mission, la contribution de l’État au titre des subventions d’équilibre continue à progresser du fait de la revalorisation des pensions, mais aussi de la diminution du nombre de cotisants.

Il existe toutefois des différences notables entre ces régimes subventionnés par l’État.

Certains n’ont plus ou pratiquement plus de cotisants. Ce sont des régimes fermés, voués à l’extinction à plus ou moins brève échéance et pour lesquels la solidarité constitue la seule source de financement possible.

Les régimes de la SNCF et de la RATP ont, pour leur part, été réformés en 2008, puis en 2011, dans la perspective d’un alignement avec la fonction publique.

Ce n’est le cas ni du régime des marins ni du régime des mineurs, en raison des fortes spécificités de ces professions, dans lesquelles les carrières sont généralement assez courtes.

Il faut d’ailleurs rappeler que la pénibilité des métiers est bien souvent à l’origine des règles particulières applicables aux régimes spéciaux. Même si les conditions de travail ont évolué, il s’agit d’une réalité sur laquelle on ne peut faire l’impasse, par exemple dans les services publics de transport, qui fonctionnent tous les jours de l’année, sur de grandes amplitudes horaires.

S’agissant des crédits dévolus aux différents régimes pour 2012, ils n’appellent pas de ma part d’observations particulières dans la mesure où ils découlent mécaniquement des évolutions démographiques.

Je souhaiterais néanmoins savoir si, à la suite de l’accélération du report de l’âge de la retraite décidée dans le dernier plan de rigueur, le Gouvernement envisage de remettre en cause le calendrier fixé par les décrets de mars dernier pour les affiliés aux régimes de la SNCF et de la RATP.

Par ailleurs, où en est la question de l’adossement de la caisse de retraite de la RATP au régime général, prévu par un décret de décembre 2005 ? Cette opération impliquerait le versement d’une soulte à la Caisse nationale d’assurance vieillesse afin d’en garantir la neutralité financière. A-t-on évalué les coûts correspondants ? Je m’étonne que le Gouvernement n’ait donné aucune précision sur sa volonté de procéder ou non à l’adossement, alors que le décret de 2005 est toujours en vigueur.

En conclusion, je rappellerai que les crédits de cette mission traduisent le concours de la solidarité nationale en faveur de régimes de retraite en fort déséquilibre démographique.

Cela me donne l’occasion de déplorer, comme nous l’avons fait lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que le Gouvernement n’ait pas traité la question du déficit du régime des exploitants agricoles, dont l’origine est, elle aussi, strictement démographique.

La subvention de l’État a été supprimée en 2009, sans ressources de substitution d’un montant équivalent. Il faudra bien mettre en place une solution pérenne pour assurer l’équilibre de ce régime.

Sous réserve de cette remarque, la commission des affaires sociales, à l’instar de la commission des finances, a donné un avis favorable quant à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Je rappelle au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote sur les crédits.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur la question des régimes de retraite pris en charge par l’État et sur le compte d’affectation spéciale « Pensions » ne peut évidemment être tout à fait distingué de la situation faite aux agents publics en activité.

C’est aussi la situation des salariés ou ex-salariés dépendant des régimes des mines, des marins, de la SNCF, de la RATP, de la SEITA ou encore de l’ORTF qui est au cœur des crédits de la mission et des deux parties du compte d’affectation spéciale.

Nous ne pouvons que nous féliciter, au préalable, de l’augmentation des subventions d’équilibre versées par l’État aux régimes structurellement déficitaires compris dans le périmètre de la mission, notamment parce que cela signifie que ce n’est pas par le biais de la surcompensation entre régimes spéciaux que leur financement sera assuré.

À l’heure où l’on demande aux collectivités de contribuer à la réduction des déficits, je veux rappeler que, pendant vingt ans, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales a été, grâce à la surcompensation, l’un des outils de financement du déséquilibre structurel du régime des mines, de celui de la SNCF ou de celui des marins, comme d’ailleurs de nombreuses autres activités. La CNRACL a d’ailleurs obligé les collectivités à augmenter les taux de cotisation sans que les agents de la fonction publique territoriale en bénéficient. Puisqu’il est souvent question d’efforts, en voilà un qu’il ne faudrait pas oublier !

Nous avons suffisamment dit, tout au long de ces vingt années, qu’il nous paraissait anormal que des mesures relevant totalement de la solidarité nationale soient ainsi imputées aux collectivités locales pour ne pas nous satisfaire de la disparition de la surcompensation.

Pour autant, tout n’est pas réglé et la pression qui monte sur le compte d’affectation spéciale « Pensions » est là pour nous le rappeler. Sans surprise, le rythme de sa montée en charge est plus soutenu que celui des dépenses, d’autant qu’un certain nombre d’agents publics – et nous le comprenons parfaitement – ont hâté leur départ à la retraite, craignant à juste titre les conséquences de la dernière réforme des retraites. Ce point ressort d’ailleurs du rapport spécial.

Il est ainsi démontré que cette réforme, que nous avons combattue, porte atteinte au pouvoir d’achat des retraités. Ainsi, le rapport de notre collègue M. Delattre établit que le budget de l’État enregistrera en 2014 une économie de 800 millions d’euros du fait du recul de l’âge de départ à la retraite et de 600 millions d’euros du fait de la hausse du taux des cotisations.

S’il nous fallait une preuve supplémentaire pour établir que la réforme de 2008 était purement comptable, nous en trouverions ici la parfaite démonstration.

Le problème, c’est que cette évolution du compte « Pensions » va de pair avec deux autres mesures clefs de la politique menée par le Gouvernement : d’une part, le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux dans la fonction publique, qui détériore gravement le ratio entre cotisants et retraités ; d’autre part, le gel du point d’indice des rémunérations.

Ainsi, l’État choisit d’abandonner une partie des recettes du compte d’affectation spéciale, quitte à rendre son équilibrage de plus en plus difficile.

Au reste, selon nous, ce n’est sûrement pas par une baisse régulière de la qualité des prestations fournies que l’on pourra compenser la croissance éventuelle des dépenses du compte « Pensions ». En effet, ce compte a également pour spécificité d’intégrer clairement une faible évolution du niveau des pensions attribuées. Nous ne pouvons pas approuver ce choix qui met en cause le pouvoir d’achat des pensionnés civils et militaires.

Malgré le point positif que constitue l’abandon de la surcompensation, notre groupe s’abstiendra lors du vote sur ces crédits.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les cinq petites minutes qui me sont allouées me suffiront pour commenter les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui correspondent à des dépenses obligatoires sur lesquelles les leviers d’action sont faibles.

L’augmentation de 9,8 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est structurelle en ce qu’elle est liée à la réduction du nombre de cotisants, à l’augmentation du montant des nouvelles pensions liquidées et à la disparition de la compensation spécifique entre régimes spéciaux, désormais prise en charge par l’État.

Je veux ici mettre l’accent sur le soulagement des bénéficiaires du régime des mines, qui, dans mon département, m’avaient exprimé leur vive inquiétude de voir leurs pensions relever à l’avenir du régime général des retraites. Pour un nombre de cotisants en constante diminution, une telle évolution aurait conduit à supprimer un avantage relevant de la stricte équité au regard de la pénibilité de leur métier. Monsieur le ministre, je tiens à vous témoigner toute ma satisfaction sur ce point.

En revanche, nous sommes nombreux à déplorer que la question du déficit du régime des exploitants agricoles n’ait pas été prise en compte. Depuis de nombreuses années, ce régime est confronté à des problèmes de financement structurels, liés notamment à son important déséquilibre démographique : le rapport entre cotisants et bénéficiaires est d’environ 1 à 3, avec près de 500 900 cotisants pour 1 625 160 bénéficiaires.

Depuis 2005, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, a remplacé le budget annexe de ces mêmes prestations. En outre, la subvention d’équilibre automatique du budget de l’État a été supprimée, ce qui a engendré l’accumulation de lourds déficits.

Ainsi, il est prévisible que, malgré les mesures adoptées, la branche vieillesse de ce régime affichera un déficit de 1,4 milliard d’euros en 2012. De ce fait, le déficit cumulé de la branche devrait atteindre, en l’absence de mesures nouvelles, 5,2 milliards d’euros à la fin 2012.

Si le PLFSS pour 2012 procède à une reprise partielle de la dette de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, le sort de ce régime reste très incertain. Monsieur le ministre, j’insiste sur ce point, car il s’agit d’une véritable difficulté dans nos départements agricoles.

Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis. Très bien !

M. François Sauvadet, ministre. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier. Sous réserve de ces observations, les membres du groupe RDSE suivront l’avis de M. le rapporteur spécial et voteront ce budget. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2012 revêt un caractère particulier du fait de la décision du Gouvernement d’accélérer la mise en œuvre de la réforme des retraites, comme l’ont souligné les précédents orateurs.

Avant de revenir sur ce point, je présenterai brièvement les objectifs assignés à cette mission, par l’intermédiaire de laquelle l’État verse des subventions d’équilibre à certains régimes de retraite, principalement aux caisses de la SNCF, de la RATP, des marins et des mines.

En 2012, les crédits dévolus à cette mission s’élèveront à 6,6 milliards d’euros, soit une hausse de 50 % depuis 2005. La cause majeure de cette augmentation réside dans l’accroissement des déséquilibres démographiques qui déterminent mécaniquement les subventions d’équilibre versées par l’État.

Ainsi, cette mission ne peut qu’être analysée au regard de la réforme des retraites promulguée le 9 novembre 2010 et complétée par le plan de rigueur annoncé le 7 novembre dernier.

En effet, les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se verront appliquer, à partir de 2017, les mesures d’âge prévues pour les autres régimes, notamment les dispositions relatives à la décote et à la surcote.

En revanche, étant donné les spécificités du métier de marin, le régime des marins n’est pas concerné par l’accélération de la réforme des retraites, qui, je le rappelle, n’a fait l’objet d’aucune concertation digne de ce nom avec les partenaires sociaux.

Globalement, cette mesure annoncée par le Premier ministre nous semble à la fois injuste et inefficace, alors que le taux d’emploi des 60-64 ans plafonne au niveau timide de 18,6 %. Monsieur le ministre, en prônant une telle politique, vous prenez le risque de plonger les seniors dans la logique mortifère du chômage et de l’assistanat.

Le véritable enjeu, c’est l’emploi des seniors. Dès 2005, le Conseil d’analyse économique le soulignait, expliquant que « la cessation précoce d’activité des seniors, c’est notre impossible pari, c’est notre mensonge à la jeunesse, c’est le point caché de notre consensus social ». Vu les difficultés actuelles, comment contredire cette analyse et, partant, cautionner votre réforme ?

Par ailleurs, je suis navré de constater que l’âge minimum d’entrée dans le dispositif de congé de fin d’activité pour les conducteurs routiers a été repoussé de 55 à 57 ans depuis le 1er juillet 2011. Une nouvelle fois, je ne peux que regretter les arbitrages auxquels a procédé le Gouvernement en matière de pénibilité, dans un métier où la pertinence de ce critère est incontestable.

Aussi, monsieur le ministre, je me permets de vous interpeller sur les conditions particulièrement restrictives imposées par les décrets d’application permettant de bénéficier de la retraite anticipée, qui illustrent de manière éclatante l’aspect particulièrement inique de cette réforme.

Enfin, le déséquilibre extrême entre cotisants et pensionnés au sein du régime des mines explique son extinction progressive. En 2010, le régime comptait 333 526 pensionnés pour seulement 6 091 cotisants. Le versement des cotisations ne couvrait ainsi que 2 % des prestations ; en d’autres termes, la solidarité nationale est devenue la seule source de financement possible.

Or c’est cette même solidarité, primordiale, à nos yeux, pour garantir la retraite de certains de nos concitoyens, et qui est du reste indissociable de notre modèle de protection sociale, que vous mettez à mal par le biais de vos réformes : monsieur le ministre, vous en organisez progressivement et insidieusement – voire méthodiquement – le démantèlement.

À l’heure où les effets de la crise se font de plus en plus cruellement sentir, sous l’effet conjugué de l’augmentation du chômage et de la régression du pouvoir d’achat, il eût été opportun d’assurer un financement pérenne de notre système de protection sociale, comme nous l’avons souligné lors de la discussion du PLFSS pour 2012. À notre sens, ce ne sont pas vos demi-mesures « court-termistes » qui en assureront la sauvegarde !

Comme le souligne le chef économiste adjoint de Natixis, qui ne peut être suspecté de partialité, dans un article paru dans le Monde du 22 novembre dernier, « les marchés, qui prêtent aux États, ne demandent pas du marketing – un plan tous les trois mois – mais une stratégie durable. (…) On ne distingue pas de stratégie de long terme dans les plans de rigueur actuels ».

C’est bien ce défaut de réflexion et cette absence de cap que nous critiquons avec vigueur. Pour ce qui nous concerne, nous refusons de nous engager dans cette voie qui aurait pour effet d’effriter davantage encore l’édifice de notre système de protection sociale.

Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez de commencer cette intervention en livrant une confidence à M. le rapporteur spécial : j’ai moi-même beaucoup de plaisir à vous retrouver, cher Francis Delattre, après vous avoir côtoyé sur les bancs de l’Assemblée nationale. (Sourires.)

Comme cela a été rappelé, la mission « Régimes sociaux et de retraite » est constituée des subventions d’équilibre que l’État verse à des régimes anciens, marqués par un fort déséquilibre entre cotisants et pensionnés, et qui se trouvent donc dans l’impossibilité de s’autofinancer. Il s’agit des régimes de retraite de la SNCF, de la RATP, des marins et des mineurs, pour citer les plus importants.

Il revient à l’État d’accompagner l’extinction progressive des régimes fermés mais surtout de faire évoluer les régimes ouverts en cohérence avec les orientations générales relatives aux retraites.

Ainsi, la réforme des retraites de 2010 a été transposée aux régimes financés par le biais de cette mission, mais de manière différée afin de respecter le rythme de montée en charge prévu par la réforme des régimes spéciaux de 2008.

L’augmentation structurelle des crédits de cette mission, qui s’élèvent à 6,6 milliards d’euros en 2012 et affichent ainsi une hausse de près de 10 % par rapport à 2011, est liée à la baisse du nombre de cotisants, aux revalorisations annuelles des retraites et à l’élévation du montant des nouvelles pensions liquidées.

Monsieur le rapporteur spécial, vous souhaitez obtenir des précisions quant à la contribution exceptionnelle de 250 millions d’euros prévue en faveur du compte d’affectation spécial « Pensions ». Cette contribution vise simplement à constituer une réserve centralisée qui pourra, si nécessaire, alimenter les contributions employeur des ministères au compte d’affectation spéciale « Pensions ». L’objectif est d’éviter des mouvements croisés entre ministères en fin d’année.

Concernant le compte d’affectation spéciale « Pensions », le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une dépense de 54,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 2 milliards d’euros par rapport à 2011. Cette progression est liée à l’évolution des retraites des fonctionnaires civils et des militaires, en hausse de 4,4 %. Je le répète, elle tient compte de l’évolution démographique, de l’indexation des pensions sur l’inflation, qui est loin d’être anecdotique, ainsi que de la réforme de 2010. Ainsi, 65 700 départs sont attendus en 2012 contre 83 200 en 2010.

Les recettes de ce compte d’affectation spéciale intègrent l’augmentation du taux de cotisation des fonctionnaires – il atteindra 8,39 % en 2012, soit une progression de 0,27 point – et le relèvement du taux de cotisation employeur.

En 2012, l’économie attendue au titre du compte d’affectation spéciale « Pensions », à la suite de la réforme des retraites adoptée l’an passé, est estimée à environ 440 millions d’euros, se décomposant ainsi : 120 millions d’euros de moindres dépenses de pensions et 320 millions d’euros de recettes supplémentaires.

L’accélération du calendrier de montée en charge de la réforme récemment adoptée par le Gouvernement permettra, dès 2012, de dégager 19 millions d’euros d’économies sur ce compte d’affectation spéciale. Madame Demontès, je vous l’assure : cette réforme était indispensable.

Vous m’avez posé plusieurs questions au sujet du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Premièrement, pourquoi le taux d’actualisation retenu cette année ne s’élève-t-il qu’à 1,53 %, au lieu de 1,63 % dans la loi de finances pour 2011 ?

Le recueil des normes comptables de l’État prévoit une actualisation par référence au taux des emprunts d’État. En l’occurrence, s’agissant de pensions indexées sur l’inflation, il a été décidé de prendre pour référence les obligations d’État indexées sur l’inflation, c'est-à-dire les OATi. En adéquation avec l’échéance des engagements de retraite, c’est le taux de l’obligation assimilable du Trésor indexé sur l’inflation de maturité 2029 qui a été retenu : au 31 décembre 2010, ce taux s’élevait à 1,53 %, contre 1,63 % un an plus tôt.

Deuxièmement, pourquoi le ministère de la défense a-t-il dû procéder à des recrutements supplémentaires afin d’assurer le traitement des dossiers des pensionnés des anciennes colonies ?

La mesure dite de « décristallisation » des pensions concerne 30 000 pensionnés. Pour bénéficier de la revalorisation de leur indice de pension, les personnes concernées doivent formuler leur requête avant le 31 décembre 2013. Ainsi, durant les trois prochaines années, un volume important de demandes sera adressé au service concerné du ministère de la défense, qui, à ce jour, en a déjà reçu 5 000.

Cinq agents ont donc été affectés à titre temporaire – j’insiste sur ce point – à ce service par le secrétariat général du ministère de la défense, afin que ces dossiers soient traités dans des délais raisonnables eu égard à l’âge, parfois avancé, des bénéficiaires.

Vous vous demandez en outre comment expliquer la différence entre les 34 000 cotisants au régime des ouvriers d’État du ministère de la défense et les 25 000 emplois équivalents temps plein identifiés par la Cour des comptes ?

Ce ne sont pas les emplois à temps partiel qui expliquent cet écart, mais une question de périmètre : les 34 000 cotisants correspondent à la sphère de la défense entendue au sens le plus large, laquelle englobe notamment GIAT et DCNS.

Par ailleurs, comment allons-nous opérer un meilleur suivi des heures supplémentaires entrant dans le calcul des droits à pensions des mêmes ouvriers d’État ? Dans sa réponse à la Cour des comptes, mon collègue Gérard Longuet s’est engagé à mettre en place le suivi centralisé des heures supplémentaires, préconisé par la Cour, et à revoir l’organisation du travail pour limiter au maximum leur utilisation, surtout en fin de carrière.

Madame Demontès, vous m’avez interrogé sur l’adossement de la RATP au régime général ; ce sujet reste à l’étude.

Enfin, Mme Escoffier a évoqué le financement de la branche retraite des exploitants agricoles, en regrettant que le Gouvernement n’apporte pas une réponse définitive à ce problème. Je souhaite donc vous rappeler le sens de notre action à cet égard, madame la sénatrice.

Depuis 2009, le Gouvernement a souhaité apporter des réponses pérennes aux déséquilibres du système de protection sociale agricole. La branche maladie, adossée depuis 2009 au régime général, est de facto équilibrée. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 intègre une mesure de financement de la branche retraite articulée sur une reprise de dette par la CADES et l’affectation de 400 millions d’euros de ressources à la branche retraite des exploitants.

Si cette mesure ne permet pas de boucler le financement du régime, elle constitue néanmoins un effort considérable dans la période actuelle et illustre surtout la volonté du Gouvernement de traiter cette question de façon pérenne. Je resterai personnellement très attentif à cette question, comme vous l’êtes vous-même, madame Escoffier.

régimes sociaux et de retraite

Régimes sociaux et de retraite - Compte d'affectation spéciale : Pensions
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 34 et état D

M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Régimes sociaux et de retraite

6 618 706 092

6 618 706 092

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

4 080 200 000

4 080 200 000

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

856 456 092

856 456 092

Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 682 050 000

1 682 050 000

Dont titre 2

250 000 000

250 000 000

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

compte d’affectation spéciale : pensions

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 65

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Pensions

54 636 259 589

54 636 259 589

Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

50 354 000 000

50 354 000 000

Dont titre 2

50 353 500 000

50 353 500 000

Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 827 518 594

1 827 518 594

Dont titre 2

1 818 762 874

1 818 762 874

Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

2 454 740 995

2 454 740 995

Dont titre 2

15 900 000

15 900 000

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 65 et 66 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Pensions

Article 34 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 66

Article 65

I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° L’article L. 40 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au conjoint survivant » sont remplacés par les mots : « aux conjoints survivants ou divorcés » ;

b) Les deuxième et dernier alinéas sont supprimés ;

2° L’article L. 43 est ainsi rédigé :

« Art. L. 43. – La pension définie à l’article L. 38 est répartie comme suit :

« a) À la date du décès du fonctionnaire, les conjoints survivants ou divorcés ayant droit à pension se partagent la part de la pension de réversion correspondant au rapport entre le nombre de conjoints survivants ou divorcés et le nombre total de lits représentés. Cette part est répartie entre les conjoints au prorata de la durée respective de chaque mariage.

« Un lit est représenté soit par le conjoint survivant ou divorcé, soit par les orphelins de fonctionnaires dont l’autre parent n’a pas ou plus droit à pension ;

« b) La différence entre la fraction de la pension prévue à l’article L. 38 et les pensions versées aux conjoints survivants ou divorcés du fonctionnaire en application du a est répartie également entre les orphelins ayant droit à la pension prévue à l’article L. 40 qui représentent un lit. » ;

3° L’article L. 45 est abrogé ;

4° Le deuxième alinéa de l’article L. 46 est supprimé ;

5° Au début du premier alinéa de l’article L. 55, sont ajoutés les mots : « Sous réserve du b de l’article L. 43, ».

II. – Le présent article est applicable aux fonctionnaires relevant de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ainsi qu’aux personnels relevant du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État.

III. – Le I est applicable à compter du 1er janvier 2012.

Dans les cas où son application conduit à une révision et à une liquidation d’une pension inférieure à ce que percevait l’ayant cause du fonctionnaire avant le 1er janvier 2012, cet ayant cause conserve le bénéfice de l’ancienne pension jusqu’à la notification par l’administration du nouveau montant calculé conformément à l’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la présente loi. Le trop-perçu ne peut faire l’objet d’aucune demande de l’administration tendant à la répétition des sommes indûment versées. – (Adopté.)

Article 65
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Remboursements et dégrèvements

Article 66

I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Après la dernière occurrence du mot : « montant », la fin du V de l’article L. 18 est ainsi rédigée : « du traitement ou de la solde mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16. En cas de dépassement, les montants de la pension et de la majoration sont réduits à due proportion. » ;

2° L’article L. 28 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « cumulable », sont insérés les mots : « , selon les modalités définies à l’article L. 30 ter, » ;

b) Au début de la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La rente d’invalidité » ;

c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « au montant de la pension basée sur quarante annuités liquidables » sont remplacés par les mots : « au produit du pourcentage maximum prévu à l’article L. 13 par le traitement mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16 » ;

3° L’article L. 30 est ainsi rédigé :

« Art. L. 30. – Lorsque le fonctionnaire est atteint d’une invalidité d’un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % du traitement mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16. » ;

4° Après l’article L. 30, sont insérés des articles L. 30 bis et L. 30 ter ainsi rédigés :

« Art. L. 30 bis. – Lorsque le fonctionnaire est dans l’obligation d’avoir recours d’une manière constante à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale d’un montant correspondant à la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16. Le droit à cette majoration est également ouvert au fonctionnaire relevant du deuxième alinéa de l’article L. 28.

« Art. L. 30 ter. – Sans préjudice du plafond fixé au V de l’article L. 18, le montant total des prestations accordées au fonctionnaire invalide, à l’exclusion des majorations prévues aux articles L. 18 et L. 30 bis, ne peut excéder le montant du traitement mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16. En cas de dépassement, le montant de chaque prestation est réduit à due proportion. » ;

5° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article L. 56, la référence : « au deuxième alinéa de l’article L. 30 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 30 bis ». 

II. – Le I est applicable aux fonctionnaires relevant de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ainsi qu’aux ouvriers relevant du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l’État, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État.

III. – Le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 13 janvier 2011, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l’administration de la demande qui est à l’origine de ces instances.

IV. – Sous réserve des dispositions du III, le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2012 – (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions ».

Remboursements et dégrèvements

Article 66
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me bornerai à évoquer quelques points essentiels sur une mission d’apparence technique.

Nous n’ignorons pas que la mission « Remboursements et dégrèvements » est très spécifique et que l’évolution de ses crédits dépend de paramètres exogènes tels que la croissance des assiettes, les orientations de la politique fiscale du Gouvernement ou encore les arbitrages individuels des contribuables. De fait, les remboursements et dégrèvements se constatent plus qu’ils ne se pilotent.

Ce n’est pas une raison pour en livrer une présentation budgétaire sommaire.

Pour commencer, je persiste à croire que la maquette budgétaire et le dispositif d’évaluation de la performance sont perfectibles, en dépit de l’inertie opposée par le Gouvernement à toutes les suggestions d’amélioration formulées par le Sénat, comme par l’Assemblée nationale d’ailleurs. Je ne prendrai qu’un exemple : est-il normal, après une réforme aussi substantielle que celle de la taxe professionnelle, que le projet annuel de performance n’ait connu que des ajustements à la marge ? Nous ne le pensons pas.

Qu’en est-il des crédits ? Ils s’élevaient à 84,9 milliards d’euros dans le projet de loi de loi de finances pour 2012 déposé par le Gouvernement. Nous avons néanmoins adopté deux amendements à l’article d’équilibre dont il faudra tirer les conséquences sur la mission. Les remboursements et dégrèvements sont en effet majorés de 440 millions d’euros par la révision de l’hypothèse de croissance à 1 % et de 251 millions d’euros par les votes du Sénat sur la première partie ; je rappelle toutefois que ce surcoût est compensé par des recettes fiscales en très forte progression.

Si nous avions adopté l’amendement visant à anticiper les conséquences des mesures de rigueur contenues dans le dernier collectif pour 2011 – mais une telle démarche n’était pas acceptable –, les remboursements et dégrèvements auraient été minorés de 25 millions d’euros, en raison des effets induits de la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu. Quant à l’évaluation des conséquences de cette non-indexation sur les barèmes de l’aide personnalisée au logement – l’APL –, les plafonds d’imposition pour les impôts locaux ou la vie de nos concitoyens en général, elle reste bien sûr à faire.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État enregistreront l’année prochaine les effets de l’abrogation du bouclier fiscal, du recentrage du crédit d’impôt « développement durable », du « rabot » sur les dépenses fiscales et de la suppression du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt. Compte tenu de ses modalités d’imputation, le bouclier fiscal aura néanmoins une incidence sur les crédits de la mission, le terme n’en étant pas connu à ce jour.

Le montant global de la prime pour l’emploi devrait être de l’ordre de 2,9 milliards d’euros en 2011 et de 2,5 milliards en 2012, dont 2,15 milliards de part restituée. Cette baisse résulte du gel du barème et de l’imputation du RSA. Alors que les revalorisations du barème avaient conduit à une hausse significative du coût de la prime entre 2001 et 2008, celui-ci passant de 2,5 milliards à 4,5 milliards d’euros, la tendance s’est inversée à compter de 2009. Ce phénomène se reflète également dans le montant moyen de prime pour l’emploi par foyer, passé de 501 euros en 2008 à 444 euros en 2011.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux représentent 10,3 milliards d’euros, soit une baisse de 12 %. Cette baisse traduit les effets de la réforme de la taxe professionnelle, c’est-à-dire la disparition progressive des dégrèvements de TP que ne compense pas la montée en charge des nouveaux dégrèvements, dont le dégrèvement barémique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

J’observe que la réforme de la taxe professionnelle fait chuter le taux de prise en charge par l’État des impositions directes locales, qui s’élève à 18,8 % en 2011, contre 26 % en 2009. Cet aspect mérite d’être souligné au moment où M. le ministre chargé des collectivités territoriales insiste de nouveau sur la nécessité pour les collectivités de participer à la réduction du déficit public, comme j’ai pu le constater récemment en lisant La Tribune.

Cette évolution ne se traduit pas pour autant par un accroissement de l’autonomie fiscale des collectivités, qui pâtit de la part croissante, dans les ressources de ces dernières, des dotations budgétaires et de la fiscalité d’État transférée.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

M. le président. Je rappelle au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote sur les crédits.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bis repetita non placent : je crains de devoir commencer mon intervention en exprimant les mêmes inquiétudes que l’an dernier à la même époque.

La première concerne le manque d’intérêt du Gouvernement pour cette mission. Je préférerais d’ailleurs qu’il s’agisse d’un manque de disponibilité, qui empêcherait l’administration de répondre dans des délais convenables au questionnaire budgétaire qui lui a été transmis.

Ce désintérêt ressort aussi du projet annuel de performance, qui s’avère très peu précis dans la maquette de la mission.

Ma seconde inquiétude porte sur la mesure de la performance. Il est vrai qu’il n’est guère commode de procéder à une évaluation dès lors qu’on ignore quels critères prendre en compte… Ce qui est sûr, c’est qu’on ne saurait se fonder uniquement sur une appréciation de la qualité du service rendu aux usagers, sur la rapidité des remboursements ou du traitement des contentieux. Il convient d’imaginer un faisceau de critères pertinents, permettant de réaliser une juste évaluation, notamment des coûts de gestion et de dépense fiscale.

Après l’expression de cette double inquiétude, qui tend à devenir itérative – j’espère ne pas avoir à en faire part une nouvelle fois l’an prochain ! –, j’en viens au problème de la baisse du taux de prise en charge par l’État de la fiscalité directe locale.

Cette baisse est principalement due à la réforme de la taxe professionnelle, dont on peut regretter qu’elle ne soit pas compensée par une autonomie fiscale accrue des collectivités locales.

Je relève que le projet de loi de finances pour 2012 prévoit des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux en baisse de 1,4 milliard d’euros, soit 11,9 % de diminution par rapport à 2011. L’action Taxe professionnelle et contribution économique territoriale est passée de 7,1 milliards d’euros en 2011 à 5,6 milliards d’euros en 2012, accusant ainsi une baisse de 20 %.

En quatre ans, les remboursements et dégrèvements au titre de la taxe professionnelle ou des nouvelles impositions ont diminué de près de 60 %. Je ferai donc à mon tour le constat de la chute du niveau de prise en charge de la fiscalité directe locale par l’État.

Au total, je voudrais, dans ce contexte quelque peu difficile, me féliciter qu’ait été mise en place une mission d’évaluation des effets de la réforme de la taxe professionnelle. Cette mission que vous connaissez bien, monsieur le président, puisque vous en êtes le rapporteur, ne manquera pas de faire le point sur les conséquences de cette réforme pour les différents acteurs concernés, collectivités locales ou entreprises. Je veux croire que ses conclusions permettront de corriger ou d’aménager les dispositions qui, aujourd’hui, ne donnent pas pleinement satisfaction, et, à l’occasion d’une prochaine loi de finances, de modifier l’orientation des crédits de cette mission.

Il n’en demeure pas moins que le groupe du RDSE votera les crédits qui nous sont soumis. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question de l’adoption ou du rejet de ces crédits est, au fond, relativement secondaire puisque leur caractère très largement évaluatif est établi et que leur consommation peut être soumise à bien des aléas susceptibles d’en modifier les montants et les contours.

Quant aux sommes imputées sur les crédits de la mission, rien ne permet d’affirmer qu’elles sont l’exacte image des remboursements et dégrèvements accordés.

Le problème du périmètre de cette mission, dont la consommation de crédits relève davantage de la constatation que du pilotage budgétaire, tient à ce qu’il est à la fois très large et trop étroit.

Il est large au regard du montant des sommes en jeu et du fait qu’un surplus de croissance économique, s’il améliore les recettes de TVA brute, par exemple, conduira immanquablement à un surcroît de remboursements à budgétiser ; ces sommes montrent d’ailleurs que les politiques publiques se sont souvent limitées, ces dernières années, à de simples mesures d’ajustement fiscal.

Comment oublier, par exemple, les mesures du plan de relance et les remboursements accélérés de crédit d’impôt sur les sociétés, ou encore la réforme du crédit impôt recherche, dont l’impact a été significatif sur le produit dudit impôt sur les sociétés ?

Mais ce périmètre est également trop étroit, les crédits de la mission étant loin de refléter le foisonnement des mesures correctrices de l’impôt dans notre pays.

Ainsi, l’impôt sur les sociétés ne compte, au sein de la mission, que pour 13,4 milliards d’euros en mesures d’atténuation de recettes, alors que les mesures correctrices sont évaluées par la Cour des Comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires à plus de 100 milliards d’euros.

Pour ce qui est du régime des groupes, il pèse 35 milliards d’euros. Quant à l’imposition à taux privilégié des dividendes intra-groupe, elle représente 18 milliards d’euros de plus ! Et la niche Copé, c’est 8 milliards d’euros par an !

C’est dire que nous n’avons, au travers de cette mission, qu’une connaissance imparfaite de l’ensemble des processus de formation des recettes fiscales et des dispositions les modifiant. On est d’ailleurs en droit de se demander si un document annexe aux crédits de la mission ne devrait pas être établi, qui retracerait la réalité du coût des mesures correctrices de l’impôt.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que, au nom du groupe CRC, je souhaitais formuler sur cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Madame la rapporteure spéciale, vous avez évoqué plusieurs points très précis.

Premièrement, vous avez regretté qu’il n’ait pas été répondu à l’ensemble des questionnaires parlementaires et vous considérez que le « bleu » – c’est-à-dire le projet annuel de performances, en langage « lolfien » – est insuffisamment détaillé.

Je vous indique d’abord que la grande majorité des questionnaires parlementaires ont été retournés dans les délais prévus, mais il est exact que des retards plus ou moins importants ont pu survenir : le Gouvernement prie le Sénat de bien vouloir l’en excuser. En tout cas, à ma connaissance, l’ensemble des questionnaires ont aujourd'hui reçu une réponse.

Par ailleurs, le projet annuel de performance reste un document de référence synthétique. Celui de cette année n’a effectivement pas évolué par rapport à celui qui a été présenté l’an passé. Si, sur tel ou tel point, des insuffisances devaient être réparées, le Gouvernement se tient à la disposition du Sénat.

Deuxièmement, vous considérez que la « maquette budgétaire » et le dispositif d’évaluation de la performance sont perfectibles, ce que Mme Escoffier a également souligné.

La « maquette budgétaire » qui structure le projet de loi de finances pour 2012 est évidemment conforme à la « constitution financière » de l’État, autrement dit la LOLF, votée à l’unanimité et dont on vient de célébrer le dixième anniversaire.

Je vous rejoindrais bien volontiers pour considérer qu’il reste des marges d’amélioration, mais la « maquette » actuelle permet, par la désignation de responsables de programme et le regroupement de crédits globalisés, de vous soumettre un projet annuel de performances définissant et précisant les objectifs de chaque mission.

Comme j’ai déjà indiqué tout à l’heure, lors de la discussion de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », l’évaluation de la performance est au cœur de la procédure, de manière à rechercher dans les finances publiques et dans les politiques publiques la plus grande efficience.

Là non plus, le dispositif n’est pas figé, la représentation nationale pouvant demander des améliorations dans la définition d’indicateurs plus pertinents, par exemple. Je réponds là en même temps à Mme Escoffier.

Il nous faut simplement éviter deux écueils : d’une part, l’excès d’indicateurs, car leur suivi représente souvent une charge de travail supplémentaire pour les personnels, ce que leurs représentants soulignent régulièrement, et ce n’est certainement pas vous, madame la rapporteure spéciale, que je devrai convaincre qu’on ne saurait y être indifférent ; d’autre part, la trop grande variation d’un indicateur dans le temps, qui ne permet pas de disposer de séries cohérentes assez longues pour pouvoir apprécier l’évolution qui peut être enregistrée.

En bref, gardons-nous de combler un manque éventuel par un excès qui pourrait avoir des conséquences encore plus dommageables.

Troisièmement, vous avez indiqué que la réforme de la taxe professionnelle faisait chuter le taux de prise en charge par l’État des impositions directes locales et ne se traduisait pas pour autant par un accroissement de l’autonomie fiscale des collectivités.

La réforme de la taxe professionnelle adoptée en décembre 2009 a visé, d’abord, à améliorer la compétitivité des entreprises françaises, notamment celle des établissements industriels ; cela, il convient de ne pas l’oublier. Pour autant, sur le plan du financement des collectivités locales, comme cela a été encore rappelé par le Premier ministre lors du récent congrès des maires de France, toutes les précautions ont été prises pour maintenir le soutien de l’État au secteur local.

Par ailleurs, l’engagement, qui n’est pas mineur – je le dis aussi en tant président de conseil général, en l’occurrence celui de la Côte-d’Or –, aux termes duquel aucune collectivité ne doit perdre de recettes du fait de la réforme de la taxe professionnelle sera tenu. À titre d’illustration, la dotation des compensations versées en 2011 sera portée à près de 3,4 milliards d’euros.

L’attention de l’État sera toute particulière à l’égard des collectivités qui ont subi des difficultés d’accès au financement. Un certain nombre de mesures utiles ont déjà été prises : la création d’un futur établissement avec La Poste et la Caisse des dépôts et consignations, la mise à disposition de 2 milliards d’euros supplémentaires. Cela permettra aussi, je l’espère, de faire face à la crise des liquidités à laquelle sont confrontées, on ne peut le nier, un certain nombre de collectivités.

La vigilance de l’État sera également très grande à l’égard des communes et des intercommunalités moins favorisées, qui bénéficieront l’an prochain, après les départements en 2011, du mécanisme de péréquation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie du vote favorable que vous émettrez sur les crédits de cette mission.

Remboursements et dégrèvements
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Remboursements et dégrèvements

84 883 085 000

84 883 085 000

Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)

74 573 085 000

74 573 085 000

Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)

10 310 000 000

10 310 000 000

M. le président. L'amendement n° II-377, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)

691 345 000

                  

691 345 000

                  

Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)

 

 

 

 

TOTAL

691 345 000

 

691 345 000

 

SOLDE

691 345 000

691 345 000

La parole est à M. le ministre.

M. François Sauvadet, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination, tendant à prendre en compte les amendements qui ont été adoptés dans le cadre de l’examen par le Sénat de la première partie du projet de loi de finances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. À partir du moment où cet amendement enregistre les modifications que nous avons votées en première partie, et qui concernent l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la TVA, la commission des finances ne peut, à l’évidence, qu’émettre un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-377.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets à voix, modifiés, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme Annie David. Heureusement que la gauche est là, il n’y a plus personne sur les travées de droite !

M. Jean-Pierre Caffet. C’est l’opposition qui adopte les crédits !

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures quarante, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 32 et état B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

3

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 2 décembre 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-200, 2011-201, 2011-202 et 2011-203 QPC).

Acte est donné de ces communications.

4

Article 32 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Immigration, asile et intégration

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale.

Immigration, asile et intégration

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Eu égard au retard que nous avons déjà pris dans l’examen des crédits qui figurent au programme de cette journée, j’invite chacun à respecter les temps de parole qui ont été fixés par la conférence des présidents, d’autant que nos travaux ne pourront certainement s’achever que dans la nuit.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits prévus pour 2012 au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » connaissent une forte hausse par rapport à ceux qui figuraient dans la loi de finances initiale pour 2011 : elle est de 12,1 % pour les autorisations d’engagement, portées à 561 millions d’euros, et de 12,6 % pour les crédits de paiement, portés à 632 millions d’euros.

Du fait de cette hausse, la mission dépasse significativement, de 15 % environ, les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Les crédits de la mission sont répartis comme suit : 65 % pour l’accueil des demandeurs d’asile et le traitement de leurs dossiers ; 11,5 % pour l’intégration des étrangers et l’accès à la nationalité française ; 13,5 % – seulement pourrait-on dire ! – pour le financement des actions « répressives », essentiellement dans les CRA, les centres de rétention administrative ; les 10 % restants sont destinés au fonctionnement du SGII, le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration.

Toutefois, je constate que l’augmentation des crédits de la mission vise à répondre aux critiques récurrentes quant à la sous-budgétisation des dotations destinées à financer l’hébergement des demandeurs d’asile et le versement, à leur profit, de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA. Ces crédits augmentent de 81 millions d’euros – environ 36 millions pour l’ATA et 45 millions pour l’hébergement d’urgence –, soit une hausse de près de 25 % pour le programme « Immigration et asile ».

Toutefois, en raison de la hausse constante du nombre de demandes d’asile – le nombre de dossiers a augmenté de 9,5 % environ au cours des six premiers mois de l’année 2011 – et du coût marginal croissant de l’hébergement des demandeurs, on peut craindre que la majoration de ces crédits ne suffise pas encore à couvrir les besoins en 2012.

À cet égard, l’évolution des délais moyens de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, est une autre source d’inquiétude.

En effet, malgré un renfort significatif de trente officiers de protection depuis le début de l’année 2011, le délai moyen de traitement des dossiers est passé de 118 jours en 2009 à 150 jours en 2011. Cela représente une charge considérable pour le budget l’État puisque, selon le chiffrage réalisé par la commission des finances, le coût d’un mois supplémentaire de traitement des demandes d’asile s’élève à plus de 15,5 millions d’euros.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé une réforme du droit d’asile. Pouvez-vous nous donner quelques éléments d’information supplémentaires à ce sujet ?

L’examen de l’origine des demandeurs d’asile au cours des premiers mois de l’année 2011 montre qu’il y a de plus en plus confusion entre demande d’asile et immigration à motif économique : le Rwanda figure au premier rang, suivi du Bangladesh, puis du Kosovo. Sommes-nous toujours bien là dans le cadre de la demande d’asile ?

Vous avez, monsieur le ministre, évoqué ce problème à plusieurs reprises. C’est pourquoi nous aimerions en savoir davantage sur la réforme du droit d’asile que vous souhaitez mettre en place.

S’agissant du second programme de la mission, le programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », doté de 71,6 millions d’euros de crédits de paiement en 2012, ma principale remarque portera sur l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, qui met en œuvre les actions d’intégration au profit des étrangers.

L’OFII enregistre une baisse « faciale » de 7,6 % de la subvention pour charge de service public versée par l’État. Mais cette diminution apparente est largement compensée par la hausse des recettes fiscales propres de l’Office, dont la réforme se poursuit dans le présent projet de loi de finances. Il nous faudra veiller à ce que ces recettes fiscales soient évidemment adaptées aux besoins de l’OFII.

Je tiens à préciser que, concernant les recettes fiscales perçues par l’Office, les engagements du ministère ont été largement tenus puisqu’elles passent à 154 millions d’euros en 2012 quand elles étaient de 108 millions d’euros en 2009 ; la progression aura donc été de 42 % sur cette période, ce qui devrait faciliter le travail de l’Office et suffire à ses besoins.

Pour respecter mon temps de parole de cinq minutes, je conclus en disant que, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances du Sénat a adopté les crédits de la mission « Immigration » du budget. Je ne puis qu’inviter l’ensemble du Sénat à en faire autant cet après-midi, mais peut-être m’avançai-je beaucoup ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, rapporteure pour avis.

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l’immigration, l’intégration et la nationalité. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, vous me permettrez de commencer cette intervention en énonçant un proverbe chinois : « Dis-moi comment tu traites tes étrangers, je te dirai qui tu es »…

La politique de l’immigration doit reposer, nous semble-t-il, sur deux principes.

Le premier est que tout étranger en situation régulière doit être accueilli dans des conditions permettant un parcours d’intégration jusqu’à l’accès à la nationalité : c’est le programme 104.

Le second principe est que tout étranger en situation irrégulière doit être reconduit à la frontière : c’est le programme 303.

Il faut y ajouter la politique de codéveloppement, qui est essentielle et qui relève, elle, du programme 301.

Or on peut se demander si nous n’assistons pas, en ce moment, à un changement de paradigme.

Pour 2012, l’objectif principal du Gouvernement en matière d’immigration est, s’agissant des non-francophones ayant signé un contrat d’intégration, l’obtention du diplôme initial de langue française, le DILF, pour lequel le taux de réussite, qui était, rappelons-le, de 60 % en 2010, doit être de 68 % en 2012 ; cela ne concerne que 23,7 % des entrants.

Par ailleurs, pour la naturalisation, du niveau A1 de maîtrise de la langue on est passé au niveau B1. Nous nous interrogeons sur les effets de cette mesure, tout particulièrement pour des femmes qui seraient arrivées sans instruction.

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité est en cours d’application. Le niveau linguistique est désormais traité à l’extérieur des préfectures, ce qui peut présenter des avantages. Mais nous voulons attirer l’attention sur l’éventuelle « marchandisation » qui permettrait à des officines de prospérer et qui ferait l’affaire des plus fortunés.

J’en viens à l’OFII, dont les emplois passent de 820 à 835 équivalents temps plein – ETP. Il convient toutefois de noter que le service des naturalisations, avec le transfert en préfecture, est passé de 156 ETP en 2009 à 136 cette année ; il est prévu de réduire encore l’effectif en 2012 avec 126 ETP. Nous nous interrogeons sur ce désengagement de l’État. Ce nouveau traitement des naturalisations ne sera-t-il pas source d’injustices et d’un double filtrage ?

Signalons enfin que l’État réduit sensiblement sa dotation à l’OFII et que, outre les fonds européens, ce sont les étrangers qui payent, avec une forte augmentation de divers tarifs.

Monsieur le ministre, l’immigration légale a déjà augmenté de 4 % cette année. Or vous avez déclaré dans la presse : « Mais, moi aussi, je dis que c’est trop. D’ailleurs, j’ai fixé l’objectif de diminuer en un an de 10 %. » Parliez-vous de l’immigration légale ? J’aimerais que vous précisiez votre pensée, afin que nous sachions si votre objectif est bien de passer à 180 000 étrangers en situation régulière l’année prochaine. Dans l’affirmative, comment comptez-vous y parvenir ?

Par ailleurs, je voudrais revenir sur l’affaire dite « des étudiants étrangers », qui a suscité un grand émoi en France comme par delà notre frontière, et qui cause des dommages irréparables en termes d’image de notre pays. On nous dit que la moitié des 462 cas dont a eu à connaître la Conférence des grandes écoles serait résolue. Ne pensez-vous pas qu’il y a là un préjudice majeur et que, pour tous ceux qui sont repartis alors qu’une première expérience professionnelle était possible, l’image de la France est à jamais écornée ?

Malgré l’immense bonne volonté et le professionnalisme des personnels qui travaillent en préfecture, l’accueil est souvent difficile, parfois indigne. Comment pourrez-vous réellement, avec le budget de cette année, améliorer l’accueil en préfecture des personnes immigrées ?

Je n’évoquerai pas la question des centres de rétention administrative, dont parlera vraisemblablement le président Sueur.

Enfin, monsieur le ministre, hier, sur France Inter, notre collègue M. Jean-Claude Gaudin a atténué la portée de certains de vos propos. Je les aurai sûrement mal compris ! Mais vous aurez à cœur, je l’espère, de nous apporter des précisions, car nous nous interrogeons sur le sens des mots que vous avez employés.

Sans aucun angélisme, nous souhaitons une autre politique, fondée sur les valeurs de la République française.

Au vu de ce chiffrage et de ces mots, monsieur le ministre, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces crédits pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur pour avis, pour l’asile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord souligner que la commission des lois a choisi de faire un avis budgétaire spécifique sur les crédits consacrés à la politique de l’asile.

Monsieur le ministre, il ne serait pas justifié que l’asile fût considéré comme une sorte de codicille de la politique d’immigration. Cette dernière est fixée par le Gouvernement. L’asile, lui, est un droit : c’est le droit accordé à des personnes de bénéficier, parce qu’elles sont persécutées dans leur pays, de l’asile en France.

Au passage, permettez-moi de remercier les services du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, qui nous ont beaucoup aidés et qui ont répondu à toutes nos questions dans des délais tout à fait remarquables ; cela mérite d’être salué.

Quelle est la situation telle qu’elle peut être perçue en chiffres ? On observe une augmentation significative du nombre des demandeurs d’asile depuis 2008 et l’on a enregistré près de 53 000 demandes en 2010. Selon vous, monsieur le ministre, c’est sans précédent. Or ce n’est pas vrai ! En effet, vous ne pouvez l’ignorer, entre 2003 et 2005, le nombre de demandes a été supérieur ; ainsi, il y en a eu, selon vos services, plus de 65 000 en 2004. Par conséquent, nous nous situons actuellement en dessous de ce nombre fourni par vos services pour cette année-là.

Face à cette réalité chiffrée, les éléments budgétaires nous posent problème, monsieur le ministre, car les crédits prévus pour 2012 sont manifestement sous-évalués. Vous ne manquerez pas de me répondre – mais, après m’avoir entendu, je pense que vous y renoncerez ! – que les crédits augmentent par rapport à l’année dernière puisqu’ils atteignent 409 millions d’euros pour le programme 303.

Toutefois, monsieur le ministre, quand on sait que le montant des crédits réellement exécutés en 2011 pour le même programme a excédé 522 millions d’euros, on comprend que cette augmentation est totalement fictive et qu’elle traduit tout simplement la sous-dotation des années précédentes.

Nous sommes donc en droit de nous interroger sur la conformité au principe de sincérité, inscrit dans la LOLF, d’un budget que vous nous présentez comme étant en augmentation puisqu’il ne l’est pas. En effet, les sommes indiquées, inférieures à ce que vous avez dépensé l’année dernière, seront fatalement insuffisantes !

La commission des lois a deux inquiétudes majeures.

La première concerne le recours excessif à la procédure prioritaire, qui peut être décidée lorsque le requérant est ressortissant d’un pays d’origine dit « sûr » ou lorsque sa demande apparaît comme « abusive ». Cela conduit à priver environ un quart des demandeurs d’asile d’un certain nombre de droits essentiels : droit au séjour, droit à un hébergement d’urgence, droit à l’allocation temporaire d’attente, après la notification de rejet de l’OFPRA.

J’insiste d’autant plus sur ce point qu’il est très difficile pour le préfet de présumer que la demande est abusive. En effet, de quels éléments dispose-t-il pour cela ?

De plus, dans un nombre non négligeable de cas de demandes jugées a priori abusives par le préfet, l’OFPRA et surtout la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, qui sont compétents pour se prononcer sur le bien-fondé de la demande, donnent finalement droit aux demandeurs.

J’insiste aussi sur le caractère non suspensif du recours devant la CNDA, qui pose un problème de droit sur lequel la Cour européenne des droits de l’homme doit prochainement statuer.

La seconde inquiétude majeure de la commission des lois concerne la saturation du dispositif des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA.

Moins de 40 % des personnes éligibles y ont accès, alors que le Gouvernement pourrait, sans dommage pour les finances publiques, accroître le nombre de places dans ces centres. En effet, le coût d’une place en CADA – un peu moins de 25 euros par jour – est légèrement inférieur à la somme du coût de l’allocation temporaire d’attente – 11 euros par jour – et de celui d’une place d’hébergement d’urgence – 15 euros par jour, en moyenne.

Il semble donc y avoir une volonté d’organiser la pénurie de l’hébergement dans ces centres, alors que nous devons y accueillir un nombre non négligeable de personnes.

Monsieur le ministre, je terminerai par la réforme du droit d’asile que vous avez annoncée vendredi dernier et qui alimente aussi notre inquiétude.

Celle-ci tient d’abord à l’extension de la liste des pays d’origine dits « sûrs ». Selon nous, les critères d’établissement de cette liste sont sujets à caution, comme le montrent, d’une part, un taux d’accords significatif devant l’OFPRA et la CNDA pour des personnes venant des pays en question et, d’autre part, l’annulation de la liste à deux reprises par le Conseil d’État, en 2009, puis en 2010.

Notre inquiétude tient en outre à votre souhait de diminuer ou de voir diminuer le nombre de demandeurs d’asile. Car cela ne dépend pas de vous ! Ni de nous ! Les demandeurs d’asile sont des personnes qui sont persécutées et qui ont droit à l’asile. Ce droit est reconnu par la convention de 1951 dont la France est signataire ; elle interdit de renvoyer un étranger…

M. Charles Revet. Sous conditions !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. … vers un pays dans lequel il risquerait d’être exposé à des persécutions ou à des traitements inhumains ou dégradants.

Monsieur le ministre, nous pensons que vous avez toute légitimité à défendre une politique d’immigration. Mais, s’agissant du droit d’asile, il est nécessaire qu’ensemble nous défendions ce qui est un droit, un droit pour des personnes, je le redis, persécutées ou gravement menacées dans les pays d’où elles proviennent.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le présent budget.

M. Charles Revet. Je m’en doutais !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je vous remercie, mon cher collègue, d’avoir bien entendu mes propos, et je loue votre attention ! (Sourires.)

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Eh bien, en guise de conclusion, je citerai un grand auteur que vous connaissez, monsieur le ministre. Il s’agit de Grotius, qui publia en 1625 un ouvrage intitulé Droit de la guerre et de la paix. Mme Benbassa, que je sais très attachée à la littérature, sera sûrement sensible au passage que voici : « On ne doit pas refuser une demeure fixe à des étrangers qui, chassés de leur patrie, cherchent une retraite, pourvu qu’ils se soumettent au gouvernement établi et qu’ils observent toutes les prescriptions nécessaires pour prévenir les séditions. […] C’est le propre des Barbares de repousser les étrangers. »

Cette dernière phrase, mes chers collègues, invite à la méditation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, rapporteur pour avis.

M. Alain Néri, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’immigration et l’asile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Immigration, asile et intégration », en particulier son action 2, Garantie de l’exercice du droit d’asile, a pour objectif de garantir aux demandeurs d’asile un traitement optimal et humain de leur demande, ainsi qu’une bonne prise en charge en termes de conditions matérielles, d’accueil et d’accès aux soins pendant la durée d’instruction de leur dossier.

L’OFPRA, puis, en cas de recours, la CNDA, qui relève du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », instruisent les demandes d’asile.

La France est, selon vous, monsieur le ministre, le deuxième pays destinataire de demandes d’asile, après les États-Unis. Cette réalité s’inscrit dans le droit-fil de la tradition d’accueil de la République et de la défense par notre pays des droits de l’homme partout dans le monde. C’est l’honneur de la France !

En 2010, ce sont plus de 52 000 demandes qui ont été enregistrées auprès de l’OFPRA, et les estimations pour 2011 sont de l’ordre de 60 000 demandes, ce qui représente une augmentation de plus de 14 %.

Sur le papier, le projet de budget pour 2012 semble répondre à cette croissance des demandes.

Le programme 303 concentre la majorité des crédits dévolus à la mission « Immigration, asile et intégration » avec 87,5 % du total. Les autorisations d’engagement – 553 millions d’euros en 2012, contre 490 millions d’euros en 2011 – sont en augmentation de 12,78 % et les crédits de paiement – 560 millions d’euros en 2012, contre 488 millions d’euros en 2011 – progressent de 14,67 %. L’action 2 passe d’une dotation de 327,75 millions d’euros en 2011 à 408,91 millions d’euros en 2012, soit une hausse de 24,76 %.

L’accueil des demandeurs d’asile voit aussi son enveloppe augmenter. Pour l’hébergement d’urgence, les crédits engagés en loi de finances initiale pour 2011 étaient de 40 millions d’euros ; ils passent à 90 millions d’euros. Il en va de même pour l’allocation temporaire d’attente, pour laquelle les crédits engagés l’an passé en loi de finances initiale se montaient seulement à 54 millions d’euros, contre près de 90 millions d’euros cette année.

Si cet effort peut être souligné, force est de constater que les crédits inscrits restent notoirement insuffisants pour apporter une réponse positive aux problèmes prioritaires que sont les délais trop longs de l’instruction des dossiers des demandeurs d’asile, qui varient de 130 à 150 jours à l’OFPRA et atteignent plus de deux ans s’il y a un recours auprès de la CNDA.

Les mesures prises lors des années précédentes, en particulier le recrutement d’agents supplémentaires, n’ont pas encore porté leurs fruits, en raison de l’augmentation parallèle du nombre de dossiers.

La CNDA est confrontée aux mêmes problèmes, le nombre de recours déposés auprès d’elle s’étant élevé à plus de 15 000 au cours du premier semestre 2011, en hausse de plus 10 % par rapport à la même période de 2010. Cette croissance des entrées a rapidement affecté les délais de jugement. Le délai prévisible moyen de jugement a dépassé quinze mois à la fin de 2009, contre un peu plus de dix mois à la fin de 2008.

Ces délais sont totalement inacceptables ! Laisser un demandeur d’asile aussi longtemps dans l’incertitude est inhumain et retarde son intégration dans la société française. En outre, monsieur le ministre, cela pèse aussi sur les finances publiques !

L’hébergement en CADA reste insuffisant. Un effort a, certes, été accompli ces dernières années puisque plus de 21 000 places sont disponibles dans les CADA en 2011, mais ce nombre reste malheureusement bien en deçà des besoins réels. Les hébergements d’urgence se multiplient, posant de graves problèmes financiers aux communes et départements concernés.

Quant à l’allocation temporaire d’attente, elle est sous-budgétisée, comme c’est le cas depuis plusieurs années. Les crédits prévus pour 2012 restent largement inférieurs à ceux qui ont été ajoutés en gestion au titre de l’exercice de 2011 : près de 90 millions d’euros sont inscrits au présent projet de loi de finances, alors que 151 millions d’euros devraient être consommés en 2011.

Monsieur le ministre, il faut croire que, chaque année, vous sous-estimez volontairement les dépenses puisque vous savez très bien que la dotation initiale sera très rapidement insuffisante. L’établissement d’un budget sincère suppose d’inscrire les crédits correspondant aux besoins prévisibles !

Dès lors, on ne peut qu’être scandalisé quand votre nouvelle réponse à ce douloureux problème est une remise en cause du droit d’asile : c’est un véritable recul, une régression au regard de l’humanisme.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Non !

M. Alain Néri, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, votre proposition porte atteinte à un droit fondamental, d’ailleurs largement et régulièrement malmené par ce gouvernement.

En évoquant une extension de la liste des pays classés « sûrs », vous rendez quasiment automatiques les reconduites à la frontière et vous niez les nombreuses atteintes aux droits humains, régulièrement dénoncées par les organisations humanitaires.

En imaginant de refuser le droit d’asile à des réfugiés parce que leur demande a été déposée en retard, vous faites fi des protections inscrites dans notre Constitution ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Mais non !

M. Alain Néri, rapporteur pour avis. Le droit d’asile et le statut de réfugié ont un caractère intangible. Dès lors, ils ne peuvent constituer une variable de la politique migratoire de la France, et encore moins une cible dans le cadre d’une tactique électorale !

Les engagements internationaux de notre pays, le respect que nous devons à des êtres humains désemparés, persécutés, en souffrance et en danger, ne peuvent être effacés sous couvert d’ajustements budgétaires qui ne font que masquer des visées misérablement électorales !

Les crédits soumis à notre approbation cette année sont, certes, supérieurs à ceux des années précédentes, mais ils restent bien en deçà des crédits effectivement consommés annuellement. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose de les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis.

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’immigration et l’asile. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai le privilège de connaître de près la question que nous évoquons ici, car je préside une structure support d’un CADA.

Mon collègue Alain Néri a plus particulièrement relevé dans ce budget des points qui lui semblaient critiquables. Pour ma part, je voudrais souligner quelques éléments qui me paraissent extrêmement positifs malgré les difficultés budgétaires que connaît actuellement notre pays.

Les chiffres du programme 303 ont déjà été mentionnés, mais je ne résiste pas au plaisir de les répéter, car la hausse des crédits va permettre la pleine expression de ce programme. Ce sont 553 millions d’euros qui sont inscrits en autorisations d’engagement, soit une augmentation de plus de 12 % et 560 millions d’euros qui le sont en crédits de paiement, soit une hausse de plus de 14 % par rapport à l’année précédente.

M. Charles Revet. Et voilà !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. Je ne suis pas sûr que beaucoup de rapporteurs d’autres budgets aient eu, cette année, le plaisir d’annoncer des chiffres et des pourcentages de cet ordre !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. C’est un véritable élan qui est donné cette année, d’autant que, lors de l’exercice précédent, l’enveloppe des crédits était restée stable.

M. Charles Revet. Il fallait le dire !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Ça reste un budget sous-dimensionné !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, les parlementaires avaient pointé la sous-évaluation des crédits du programme 303. Nous ne pouvons donc que nous réjouir d’avoir été entendus puisque les crédits concernés enregistrent une augmentation très sensible.

S’agissant de l’action 2, 327,75 millions d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2011. Pour 2012, le chiffre passe à 408,91 millions d’euros, soit une augmentation de 24,76 %. Là aussi, l’an passé, la sous-budgétisation avait été signalée. Il semblerait que, cette année, la pleine conscience de la nécessité de faire un réel effort ait été prise.

Les dotations liées à l’accueil des demandeurs d’asile augmentent de façon significative et permettront de répondre de façon plus adéquate à la demande. L’enveloppe devrait ainsi permettre de financer 9 000 places supplémentaires en hébergement d’urgence et l’allocation temporaire d’attente devrait être perçue par plus de 21 000 bénéficiaires en 2012.

Certes, ces dotations restent inférieures à ce qui sera sans doute effectivement consommé en 2011. Pourtant, l’effort consenti est réel et doit être souligné.

Indicateur essentiel du programme 303, le délai de traitement des dossiers par l’OFPRA et la CNDA est fortement dégradé. La procédure dure au minimum deux ans si l’on prend le cas d’un demandeur qui verrait sa demande déboutée par l’OFPRA et déposerait un recours auprès de la CNDA. Régulièrement, les parlementaires tirent la sonnette d’alarme sur cette question. Je salue les moyens mis en place et pérennisés, je l’espère, pour essayer de revenir à des délais décents.

En matière de recrutement, les effectifs de l’OFPRA devraient être consolidés et quinze nouveaux emplois, gagés sur les effectifs du ministère de l’intérieur, devraient être ouverts en 2012. L’objectif est de réduire le délai global de traitement des dossiers de moitié, pour atteindre un an à l’horizon 2013.

Plus globalement, sur la question, sensible, de la répartition géographique des demandeurs d’asile, un pilotage régional de l’hébergement d’urgence a été mis en place. Il s’agit d’homogénéiser les pratiques, d’organiser la répartition des demandeurs d’asile et de rationaliser les dépenses. Un suivi précis et trimestriel de l’activité d’hébergement d’urgence est ainsi mis en œuvre, permettant un rééquilibrage au profit de zones moins sollicitées.

Enfin, vous avez, monsieur le ministre, annoncé vendredi dernier une réforme du droit d’asile en inscrivant l’Arménie, le Bangladesh, la Moldavie et le Monténégro sur la liste des pays sûrs, afin que certains candidats à l’immigration économique ne se cachent plus derrière la demande de protection internationale.

Parce que le droit d’asile est trop important pour être galvaudé et parce qu’un tel comportement porte préjudice aux véritables candidats au droit d’asile, cette réforme est une bonne réforme !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Très bien !

M. Charles Revet. C’est vrai, et c’est ce qu’a oublié de dire M. Sueur !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. En conclusion, il s’agit certainement du programme dont il est le plus facile de défendre les crédits.

Certes, on a l’impression que la cible s’éloigne au fur et à mesure que l’on s’en rapproche et que les efforts très importants qui sont consentis ne suffisent pas à faire face à l’évolution de la situation : l’accroissement du nombre de candidats à l’asile pourrait faire oublier que les budgets consacrés à ce programme sont en forte augmentation.

Cependant, c’est tout à l’honneur de la France d’accroître ainsi ses efforts pour respecter sa tradition d’accueil !

C’est pourquoi, si la commission a décidé de rejeter le programme 303, à titre personnel, je voterai ces crédits. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes et que l’intervention générale vaut explication de vote sur les crédits.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, évoquer les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sans les rattacher à la politique mise en œuvre par le Gouvernement n’aurait aucun sens. Pour autant, débattre à nouveau sur le fond de cette politique ne ferait qu’alourdir un débat que je voudrais constructif.

Je rappellerai seulement, pour mémoire, que les cinq dernières lois sur le sujet votées depuis 2002 obéissent toutes à la même philosophie : mieux contrôler les entrées et les séjours des étrangers sur notre territoire ; améliorer les conditions d’intégration des étrangers régulièrement admis ; sanctionner avec une plus grande efficacité, en même temps qu’avec sévérité, tous les détournements de la loi.

Les dispositions retenues pour atteindre ces objectifs n’ont pas fait et ne font toujours pas l’objet d’un consensus, les uns considérant que la loi est insuffisamment répressive, les autres, qu’elle l’est trop.

Je n’entrerai pas dans ce débat, mais j’évoquerai les conséquences financières qu’emportent ces dispositions.

Cela a été rappelé, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012 connaissent une forte hausse, de plus de 12 %, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, supérieure à celle que prévoit par la loi triennale de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014.

Cette hausse s’explique par l’augmentation des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile, notamment l’allocation temporaire d’attente et l’hébergement d’urgence, dépenses qui étaient jusqu’à présent sous-évaluées. Elle vient réduire l’effet de sous-budgétisation chronique de cette action, relevée chaque année depuis 2008 par la commission des finances, alors que l’on pouvait observer, corrélativement, la forte augmentation du nombre des demandeurs d’asile. Ainsi, pour 2012, le projet de budget est établi sur la base de 60 000 demandes, tandis que des projections crédibles situent cet effectif autour de 63 300.

Les conséquences de cet écart d’appréciation sont lourdes, à plusieurs égards, sans même parler de celles, pourtant non négligeables, qui sont relatives à la charge administrative indirectement induite et au coût budgétaire du contentieux.

En 2011, en effet, il aura fallu augmenter les crédits destinés à l’hébergement d’urgence de 127 %, ceux dévolus aux centres d’accueil des demandeurs d’asile de 2,6 % et ceux consacrés à l’allocation temporaire d’attente de 66 %.

Nous constatons, d’ores et déjà, les nécessaires régulations budgétaires apportées au budget 2011, indispensables pour couvrir les dépenses d’hébergement et d’allocation temporaire d’attente. Ces mesures devront être amplifiées pour répondre au devoir qui est le nôtre d’accueillir dignement ces demandeurs d’asile, lesquels doivent bénéficier d’un accompagnement digne de ce nom pour préparer, dans le respect de leurs droits, leur dossier de demande. Or leur accueil dans les CADA devient, compte tenu de leur nombre, de plus en plus problématique, et le taux de places accordées, qui était de 31,4 % au 31 décembre 2010, ne paraît pas devoir s’améliorer en 2012.

Il est de la responsabilité de l’État, monsieur le ministre, d’offrir à tous les demandeurs d’asile des chances égales d’obtenir le statut de réfugié, comme le préconisait en novembre 2010 un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et du contrôle général économique et financier.

Cette égalité des chances passe aussi par les conditions matérielles de leur accueil, qui diffèrent aujourd’hui selon les associations auxquelles sont confiés ces demandeurs d’asile.

Un autre problème récurrent est celui du budget de l’OFPRA, cet organisme chargé de traiter toutes les formes de demande d’asile. Les contraintes de délai auxquelles il est soumis pour examiner les recours formés devant la CNDA ont pour conséquence d’alourdir son budget de façon substantielle. La commission des finances du Sénat a évalué à 15,7 millions d’euros l’économie que représenterait la réduction d’un seul mois du délai de traitement des dossiers. Or ce délai tend à s’allonger ; il a ainsi augmenté de 32 jours entre 2009 et 2011, ce qui induit un maintien prolongé, donc coûteux, en CADA ou en centre d’hébergement d’urgence.

Même s’il est prévu, dans le projet de budget pour 2012 de prolonger de près de six mois l’emploi de trente officiers de protection supplémentaires, on est en droit de se demander si cette ressource supplémentaire permettra de « déstocker » les 14 000 demandes encore en instance.

On ne peut que se féliciter du nombre supplémentaire de places offertes dans les centres de rétention administrative, les CRA : leur nombre est en effet passé de 1 071 en 2005 à 1 826 en 2011. Cependant, on est encore bien loin de l’objectif gouvernemental de 2 700 places qui devait être atteint en 2008 !

Outre le nombre de places manquantes, je voudrais relever le problème de la capacité de ces centres. Les différentes études conduites, à plusieurs reprises, par l’Inspection générale de l’administration, ainsi que les analyses de la commission des finances du Sénat, ont montré que les centres offrant les plus grandes capacités d’accueil sont aussi ceux où se posent les plus importants problèmes de tension sociale. La question de la réduction de la taille maximale des CRA et, par contrecoup, de leur nombre, se pose donc avec une particulière acuité, d’autant qu’elle a un impact sur le respect du droit : accès aux soins, assistance d’un traducteur, chambres d’isolement, etc.

Je ne manquerai pas de souligner, sur ce point, qu’il est urgent de créer, à Mayotte, un centre adapté aux besoins de ce département, qui connaît les chiffres les plus lourds de France en matière d’immigration irrégulière et de reconduite à la frontière.

Je n’ai abordé, monsieur le ministre, que quelques points, auxquels je suis particulièrement attachée. Bien d’autres mériteraient un long développement.

Je veux croire que votre administration saura trouver les voies indispensables pour que la France reste bien ce pays des droits de l’homme qui fait notre force et notre fierté.

Vous avez souligné hier, en réponse à une autre intervention, les efforts accomplis pour améliorer l’accueil des étrangers en préfecture ; je ne les nie pas. Il ne nous reste plus qu’à être exemplaires en matière d’accueil des personnes humainement fragilisées.

Au vu des éléments contenus dans les différents rapports, la majorité du groupe RDSE votera contre les crédits de cette mission. Ses autres membres s’abstiendront ou voteront pour. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes premiers propos pourront paraître surprenants. Il s’agit en fait d’une question, très simple : pourquoi ?

Pourquoi devons-nous débattre de cette mission budgétaire, alors même que le ministère de l’immigration n’existe plus et que les crédits qu’elle recouvre, soit un peu plus de 630 millions d’euros, ne représentent, selon le rapport de la commission des finances, que 15 % environ des crédits consacrés par l’État aux problématiques et politiques liées à l’accueil de la population étrangère dans notre pays ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. C’est une mission de la loi de finances, voilà pourquoi !

Mme Éliane Assassi. À mon sens, la réponse est : pour pouvoir stigmatiser cette population en prétendant qu’elle « coûte ».

Vos récents propos sont révélateurs de cette intention de stigmatisation. Les travailleurs immigrés, accusé de fraudes « spécifiques » aux prestations sociales, détourneraient les cotisations sociales. Vous avez poursuivi crescendo, vous en prenant aux enfants d’immigrés, accusés, pour leur part, d’avoir de mauvaises notes à l’école : selon vos dires, les deux tiers des échecs scolaires sont le fait d’enfants d’immigrés.

Ces propos ne servent qu’à attiser les peurs, à susciter la polémique et à détourner l’attention. Car le véritable échec, monsieur le ministre, n’est pas celui des enfants d’immigrés, c’est celui de votre politique ! Elle est incapable de lutter contre les inégalités sociales et de supprimer l’impact du milieu socio-économique sur la réussite des élèves, qu’ils soient enfants d’immigrés ou non, d’ailleurs.

Vous avez évoqué, dans une dernière déclaration infamante, le risque de voir des étrangers élus maires en Seine-Saint-Denis... Voilà votre ultime argument brandi contre le droit de vote et d’éligibilité des résidents étrangers !

Pour vous, le droit de vote des étrangers est un point de crispation ; pour nous, c’est une exigence démocratique. Cette question, qui fait l’objet d’une proposition de loi que nous examinerons très prochainement, trouvera tôt ou tard une issue positive. Plusieurs enquêtes d’opinions confirment en effet qu’une majorité de nos citoyens y est favorable.

Ce débat sera pour nous l’occasion de réaffirmer que les étrangers, à l’instar des ressortissants de la Communauté européenne, doivent obtenir le droit de vote aux élections locales : ils vivent ici, ils travaillent ici, ils paient leurs impôts ici, ils doivent pouvoir voter ici !

En résumé, depuis que vous avez pris vos fonctions, votre rhétorique n’a pas changé d’un iota. Vous faites toujours le même amalgame : « moins de travailleurs étrangers » égale « moins de chômage et moins de fraudes ».

Vous en rajoutez à l’occasion de ce budget. La solution aux problèmes des Français résiderait dans la restriction du regroupement familial et du recrutement des étrangers, notamment des étudiants en fin de cycle, ainsi que dans la réforme du droit d’asile, selon vous « détourné par des migrants économiques ».

Pour restreindre le droit d’asile, vous arguez de nouveau de la « fraude à la procédure ». Voilà votre réponse aux besoins de protection des demandeurs d’asile... S’ensuit une dotation qui reste très insuffisante des crédits prévus par le programme 303 « Immigration et asile ».

La conséquence de cette sous-dotation à répétition va se traduire concrètement par un nombre toujours plus important de femmes, d’hommes et d’enfants plongés dans la précarité, au mépris de leur dignité et en violation des obligations de la France.

Seules 31,4 % des demandes d’hébergement en CADA ont été satisfaites. Pour les autres, les « non-solutions » vont de l’hébergement d’urgence à la rue. Pour ces personnes qui n’ont pas le droit d’occuper un emploi et vivent avec 10,83 euros par jour, le quotidien devient une course à la survie !

Non content de taper sur les demandeurs d’asile en situation de faiblesse, vous vous attaquez spécifiquement aux étudiants étrangers. Votre circulaire du 31 mai 2011 donne ainsi pour instruction aux préfectures de mettre un frein à la pratique des autorisations provisoires de séjour accordées en vertu de la loi du 24 juillet 2006. Cette circulaire inquiète étudiants et universitaires, qui craignent la non-reconduction des conventions passées avec les universités étrangères.

De même, les employeurs, pour lesquels ces directives auront un coût économique, expriment leur inquiétude : les étudiants qu’ils auront formés et auxquels ils auront confié des projets, lors de stages de fin d’étude, seront priés de quitter le territoire du jour au lendemain. Tandis que 2 milliards d’euros de crédits sont consacrés à l’accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le projet de loi de finances pour 2012, cette circulaire rend cet investissement d’emblée inefficace et place le Gouvernement en porte-à-faux par rapport marché du travail.

Tous les moyens semblent bons pour mener, coûte que coûte, votre politique hostile à l’immigration. Depuis la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011, la énième sur ce sujet, nous assistons à une effrayante politique du chiffre, qui conduit à décider, sans discernement, de mesures d’enfermement, d’interdiction de séjour, voire d’expulsion, visant des étrangers malades – tout cela pour entretenir le mythe de la migration pour soins –, qui justifie le renvoi sans ménagement de parents d’enfants français, d’hommes et de femmes ayant toutes leurs attaches en France.

Les premiers visés par ces atteintes répétées aux droits de l’homme sont les Roms, qui quittent leurs pays d’origine pour fuir la discrimination raciale et la misère. Le statut discriminant envers ces ressortissants a été officialisé : 80 % des personnes expulsées de France avec une aide au retour sont des Roms !

Coûte que coûte, disais-je ! Car votre politique anti-immigration coûte très cher à nos concitoyens. Elle se chiffre à 232 millions d’euros, ce qui représente environ 12 000 euros pour chaque reconduite à la frontière.

Les grands bénéficiaires des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient être, pourtant, ces immigrés que vous stigmatisez. Ils sont en effet six fois plus nombreux que les Français à vivre dans les zones urbaines sensibles, et 24 % d’entre eux sont touchés par le chômage, contre 8 % de la population française vivant hors de ces quartiers.

Chômage, précarité, démantèlement des écoles : les moyens qui leur sont accordés sont très insuffisants, à l’image des crédits de paiement du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui ont diminué de moitié en quatre ans.

Les véritables bénéficiaires de cette politique sont, sans doute, les prestataires qui construisent et gèrent les centres de rétention administrative : ceux-ci comptaient 773 places en 2003 ; ils en compteront 2 063 en 2012.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. André Trillard. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grandeur de la France réside, pour une large part, dans la tradition d’accueil fort ancienne qu’elle a toujours observée à l’endroit des victimes de violence et de persécutions, en raison de leur croyance, de leurs idées politiques ou de leur race. Aussi, quelles que soient les difficultés que nous éprouvions à gérer l’explosion des demandes d’asile auquel notre pays doit faire face aujourd’hui, il est essentiel de résister à la tentation qui consisterait à faire du droit d’asile une variable d’ajustement de notre politique d’immigration.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Très juste !

M. André Trillard. Faut-il pour autant renoncer à canaliser cet afflux massif de demandeurs d’asile, qui font de notre pays, précisément en raison de cette tradition d’accueil, de la générosité de nos prestations et de la longueur des délais de traitement des dossiers, le deuxième pays d’accueil au monde derrière les États-Unis, ainsi que le premier d’Europe, alors que la demande d’asile tend à baisser au plan mondial ?

En d’autres termes, pouvons-nous nous résigner à ce qu’un détournement trop fréquent de notre droit d’asile transforme cette procédure en un nouveau canal d’émigration ? Non évidemment, et ce pour deux raisons.

La première raison est la plus essentielle. L’afflux des demandes et la longueur des délais de traitement qui en résulte pénalisent d’abord les demandeurs de bonne foi, c’est-à-dire tous ceux qui ont de vraies raisons de se prévaloir du droit d’asile et qu’une décision rapide pourrait placer sous la protection de l’État, alors qu’ils devront patienter en moyenne près de deux ans. En effet, un tel appel d’air a pour conséquence de stimuler l’ingéniosité des passeurs, voire des filières de toutes sortes qui exploitent la détresse de pauvres gens. À terme, c’est l’existence même du droit d’asile qui est menacée.

La deuxième raison est de pur bon sens. En raison de la logique même du processus, la poursuite d’un tel afflux sera créatrice de nouveaux délais, donc de coûts de prise en charge supplémentaires, ce que notre situation budgétaire contrainte ne nous permet plus d’accepter.

Je le rappelle, au mois d’octobre 2010, la commission des finances a adopté un rapport d’information sur les conséquences budgétaires des délais de traitement du contentieux de l’asile par la Cour nationale du droit d’asile qui a permis d’évaluer à plus de 15 millions d’euros le coût pour les finances publiques d’un mois de délai supplémentaire de traitement des demandes d’asile.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je salue la construction du budget de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012, en ce qu’elle témoigne de votre volonté de briser ce cercle vicieux, la croissance des moyens affectés visant en priorité à la réduction des délais, qui est clairement identifiée comme l’une des clés du problème. Chacun le sait, il est en effet beaucoup plus compliqué de reconduire dans leur pays d’origine des personnes qui vivent en France depuis un an et demi, voire plus…

La lutte contre les filières d’immigration aux fins de démanteler les réseaux criminels constitue aussi l’une des conditions essentielles qui permettront de sauvegarder l’intégrité du droit d’asile. Ce sont des filières doublement criminelles, d’abord parce qu’elles introduisent clandestinement des personnes sur le territoire, ensuite en raison des traitements souvent indignes qu’elles leur imposent. Je sais que vous en avez fait l’une de vos priorités, sans laquelle aucune amélioration des procédures en vigueur ne saurait se traduire dans les faits. Je relève qu’en un an, les interpellations de passeurs et le démantèlement de filières ont augmenté de 10 % : ainsi, 5 800 passeurs ont été interpellés et 183 filières ont été démantelées.

La loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a aussi prévu de dissuader les demandes non fondées au travers d’une procédure particulière appliquée aux demandeurs qui fournissent sciemment des informations fausses et tronquées.

Par ailleurs, le Sénat a introduit l’article 162 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui dispose que le bénéfice de l’aide juridictionnelle devant la CNDA doit être demandé au plus tard dans le mois suivant la réception, par le demandeur, de l’accusé de réception de son recours. Sans priver les requérants du droit d’asile à l’aide juridictionnelle ou en limiter l’accès, cette disposition nouvelle devrait éviter que les demandes d’aide juridictionnelle ne soient formulées au dernier moment, lors de l’audience publique.

Est-ce pour autant suffisant ? Je crains que non ! C’est tout le sens de cette analyse qui vous a conduit à annoncer la semaine passée une réforme prochaine du droit d’asile visant à rendre plus sélectives les conditions d’accès à la procédure comme à en réduire le coût budgétaire.

Désormais, un seuil de quatre-vingt-dix jours sera retenu pour faire une demande de statut de réfugié, alors qu’une directive européenne datant de 2005 instaurait la notion plus subjective de « délai raisonnable ». C’est dans cette perspective que s’inscrit également la suspension des prestations sociales accordées aux demandeurs qui fraudent ou qui ne coopèrent pas loyalement avec l’administration. Vous avez également annoncé l’extension de la liste des pays d’origine « sûrs » à certains États dont émanent nombre de demandeurs d’asile alors même que l’évolution politique ne le justifie plus. Un pays est en effet considéré comme « sûr » s’il veille « au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Il n’en reste pas moins, dans l’attente du plein effet de ces mesures, que notre pays risque de rester attrayant, eu égard aux divergences encore persistantes entre les politiques d’accueil et de traitement des demandeurs d’asile et les législations des pays d’Europe.

J’aimerais, monsieur le ministre, que vous m’éclairiez sur l’évolution de la politique européenne en matière d’immigration, amorcée par l’adoption en 2008 du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, et qui me semble être est le corollaire indispensable des efforts que vous déployez.

En janvier 2010, Jacques Barrot, alors commissaire européen à la justice, la liberté et la sécurité se fixait pour objectif de disposer d’une procédure unique d’instruction des demandes d’asile à l’échéance de 2012. Nous en sommes encore bien loin aujourd’hui, alors même que l’arrêt du 21 janvier dernier de la Cour européenne des droits de l’homme a sérieusement remis en cause le règlement de Dublin II, qui responsabilisait nos partenaires européens en faisant de tout pays placé en première ligne le gardien de sa part de frontière européenne. Vous conviendrez avec moi, cette étape, qui a coïncidé avec les déplacements de population que l’on connait résultant du printemps arabe, rend plus que jamais indispensable une coordination entre les pays de l’espace Schengen. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ensemble des moyens consacrés à la politique de l’immigration et du droit d’asile sont six fois supérieurs au bleu budgétaire sur lequel nous nous prononçons maintenant.

Dans le programme 303 « Immigration et asile », 32 millions d’euros sont utilisés pour reconduire les étrangers en situation irrégulière. Mais lorsque l’on sait qu’il y a parmi eux des enfants scolarisés et que l’on connaît les déchirements et les traumatismes que ces reconduites provoquent, on doit constater que l’usage de ces moyens est aujourd’hui parfois contestable.

Mais c’est votre politique du chiffre, monsieur le ministre. Les Français payent, les étrangers trinquent, et la France est humiliée par son propre comportement !

Le programme 301, prétendument de « Développement solidaire et migrations », est un outil du ministère de l’intérieur, qui n’a aucune vocation d’aide publique au développement. C’est pourtant ainsi qu’il est présenté dans le projet de loi de finances, et nous ne nous prononcerons donc pas sur celui-ci cet après-midi. Ses moyens sont pourtant mis en œuvre par le ministère chargé de l’immigration, sous votre responsabilité.

Le ministère de l’intérieur dispose de ces financements pour « acheter » les accords de gestion concertée des flux migratoires avec les gouvernements des pays d’origine. Ces 28 millions d’euros devraient être par principe réintégrés dans le programme 303 et leurs emplois plus précisément explicités.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, principal opérateur du ministère chargé de l’immigration, au budget de 175 millions d’euros, voit le montant de ses ressources fiscales plafonnées à 122 millions d’euros. Mais, dans le même temps, le Gouvernement a souhaité augmenter fortement les taxes dont doivent s’acquitter les étrangers pour leur séjour en France ! Ces taxes, dont le produit sera très significativement en hausse, financeront donc le budget général, sans aucune perspective d’amélioration des conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures, qui sont aujourd’hui tout simplement indignes d’un État de droit.

Je me réjouis que l’amendement adopté par la majorité sénatoriale ait permis de limiter le processus scandaleux consistant à augmenter les taxes payées par les plus démunis, notamment les étudiants.

Je rappelle – je ne me fais malheureusement guère d’illusion sur le texte qui sera in fine adopté, une fois le projet de loi de finances réexaminé à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire – que les dispositions voulues par le Gouvernement faisaient porter la taxe applicable aux étudiants étrangers devenant salariés de 85 euros à 340 euros !

Une telle disposition confortera les effets de votre circulaire du 31 mai 2011, que nous récusons fermement et qui durcit les conditions d’attribution de visa pour les étudiants souhaitant accéder à un statut professionnel en France.

Cette circulaire doit être abrogée, car elle constitue un détournement de l’article L. 311-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle fait d’ailleurs l’objet d’une requête en annulation devant la section du contentieux du Conseil d’État.

Plus de 6 000 étudiants étrangers se sont trouvés dans l’incapacité de bénéficier d’un titre de séjour pour tirer profit du savoir acquis dans nos établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux et le mettre en pratique en France, ce qui constitue pourtant un complément indispensable à leur enseignement. Cette perte immense pour notre pays, ses entreprises, ses universités et grandes écoles porte atteinte à la place de celles-ci dans le classement de Shanghai.

L’année 2011 est l’année Curie ; nous célébrons les cent ans du premier prix Nobel de Maria Sklodowska-Curie. Votre politique consiste à reconduire Maria Sklodowska, tout juste diplômée, à la frontière, l’empêchant d’apporter sa contribution immense à la science et à l’humanisme de notre pays !

C’est toujours votre politique du chiffre, monsieur le ministre. Les Français payent, les étrangers trinquent, et la France est humiliée par son propre comportement.

Monsieur le ministre, nous ne voterons pas votre budget, car nous désapprouvons totalement les choix politiques qu’il autorise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2012 est à l’image de la politique désastreuse en la matière menée par le Gouvernement depuis des années.

Les chiffres « parlent » d’eux-mêmes : on consacre 85 millions d’euros à la lutte contre l’immigration clandestine, contre seulement 41 millions d’euros à l’intégration. Les sénatrices et sénateurs écologistes ne peuvent que dénoncer l’acharnement du Gouvernement à faire primer les expulsions, à hauteur de 32 millions d’euros, sur le vivre-ensemble, ainsi que le coût exorbitant de cette politique d’éloignement, tristement révélateur de l’attitude adoptée par la France face à ses étrangers. Je souligne, par ailleurs, comme ma collègue Corinne Bouchoux dans son rapport pour avis, à quel point il est regrettable que la politique d’accueil des étrangers elle-même soit de plus en plus financée par ceux-ci.

De surcroît, cet accueil est de qualité médiocre, à en juger par les files d’attentes interminables qui se créent devant les préfectures et sous-préfectures françaises, en particulier en Île-de-France. Comment la France, terre des Lumières, peut- elle tolérer que des personnes, parfois accompagnées d’enfants en bas âge, soient contraintes de passer la nuit dans la rue pour faire partie des quelques « privilégiés », si j’ose dire, qui, au matin, bénéficieront d’un ticket pour être reçus par un bureau des étrangers ?

Monsieur le ministre, le Gouvernement et vous-même avez tourné le dos à l’idéal de fraternité de notre République. Faute d’un projet crédible de lutte contre le chômage, les inégalités et la crise, vous avez opté pour la voie dangereuse d’une idéologie « anti-étrangers », « anti-immigrés » et antimusulmane distillée jour après jour.

Pour ma part, je ne puis me résoudre à avoir la mémoire courte. Je me rappelle les années trente. C’était aussi une époque de crise, le lendemain d’un krach dévastateur. Le bouc émissaire, alors, était le Juif. Chacun sait comment cette histoire s’est terminée. (M. Simon Sutour applaudit.) La comparaison, c’est vrai, a ses limites.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Ne comparez pas ; c’est indigne !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. C’est nul !

Mme Esther Benbassa. Et l’Histoire ne se répète pas, certes, mais les comportements xénophobes, eux, peuvent se reproduire. (Exclamations sur les travées de lUMP.) On ne joue jamais impunément avec le feu.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. C’est insupportable !

M. Raymond Couderc, rapporteur pour avis. Un peu de mesure !

Mme Esther Benbassa. Voilà quelques jours, conscients que derrière la froideur des chiffres, il y a des êtres de chair et de sang, cinq collègues et moi-même avons décidé de parrainer six travailleurs étrangers sans papiers. Leurs dossiers vous seront adressés après la séance.

Devant cette Haute Assemblée, je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de leur porter toute l’attention qu’ils méritent.

Les sénatrices et sénateurs écologistes s’alarment de même des effets de la politique du Gouvernement relative aux étudiants étrangers. Reviendrez-vous sur votre circulaire du 31 mai dernier, monsieur le ministre ? Tandis que les États-Unis sont devenus une puissance de l’intelligence en achetant des cerveaux, nous excellons, nous, à brader les nôtres, après même les avoir formés. Et c’est un professeur d’université qui vous parle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Le Gouvernement devra un jour rendre compte devant le pays de ce véritable gâchis de l’intelligence, froidement organisé.

Nous, les sénatrices et sénateurs écologistes, ne voterons pas les crédits consacrés à cette mission « Immigration, asile et intégration », parce que leur répartition, aussi bien que les principes qui la justifient, heurtent de front notre conception d’une société juste et démocratique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite pour ma part revenir sur l’allongement des délais de traitement des demandes d’asile, qui est passé de 100 jours en 2008 à 118 jours en 2009, puis à 145 jours en 2010. Au début de l’année 2011, le délai moyen constaté pour l’examen d’une demande par l’OFPRA s’élevait à 159 jours, soit 14 jours de plus que l’année précédente, mais il était de 184 jours s’agissant des premières demandes, soit 18 jours de plus qu’au début de l’année 2010.

Cet allongement pourrait notamment s’expliquer par l’accroissement du nombre des demandeurs d’asile. En effet, nous constatons que 52 762 étrangers, dont 11 143 mineurs accompagnants, ont sollicité la protection de la France au titre de l’asile en 2010. Si la tendance observée au cours du premier semestre 2011 se maintient, le nombre de demandes de protection, mineurs accompagnants inclus, pourrait s’élever à 58 000 en 2011 et à 64 000 en 2012.

Malheureusement, depuis 2004, les crédits votés en loi de finances initiale ont été systématiquement sous-évalués par le Gouvernement, et ils seront très insuffisants pour permettre à notre pays de respecter ses obligations.

Monsieur le ministre de l’intérieur, dans votre déclaration du 25 novembre sur la réforme du droit d’asile, vous proposez l’instauration d’un « seuil de 90 jours » comme « délai raisonnable » pour le dépôt d’une demande d’asile. Outre que cette mesure n’est pas conforme aux directives européennes, elle n’est pas décidée au hasard : elle vise en réalité à empêcher les migrants de déposer une demande d’asile lorsqu’ils sont placés en rétention en vue de leur éloignement. Vous considérez qu’une part croissante des demandes d’asile sont abusives et émanent d’étrangers dont les motivations seraient d’abord « économiques », et non liées à des inquiétudes pour leur sécurité dans leur pays. Or, selon la Cimade, les chiffres du Gouvernement sont inexacts, car le nombre de décisions accordant l’asile varie, mais il représente toujours en moyenne entre 20 % et 35 % du total des demandes depuis 1993.

Comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre pour réduire les délais d’instruction des dossiers de demande d’asile ? Comme toujours, il propose une restriction des droits, à seule fin électoraliste. Monsieur le ministre, vous avez en réalité décidé de dissuader la demande d’asile en France.

À la veille d’une élection présidentielle, je regrette que vous apportiez une fois de plus des réponses simples à des questions complexes, chassant ainsi sur les terres du Front national ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le cinquième orateur socialiste à intervenir sur les crédits de cette mission.

M. Richard Yung. Je peux donc comprendre qu’une certaine lassitude s’installe sur certaines travées de cet hémicycle ! (Sourires.)

M. Raymond Couderc. C’est l’« overdose » !

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Au contraire, notre intérêt est renouvelé !

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, vous vous en rappelez sans doute, au mois de juin dernier, les différents groupes politiques de gauche avaient combattu, aussi énergiquement que possible, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, anciennement projet de loi « Besson ». Nous nous sommes élevés contre l’extension des motifs de déchéance de la nationalité française, l’invention des « mariages gris », la remise en cause des droits des étrangers atteints de pathologies graves et l’allongement de la durée maximale de la rétention administrative à 45 jours, associé à l’inversion des interventions du juge administratif et du juge judiciaire.

Aussi, et cela ne vous étonnera pas, nous ne sommes pas favorables à l’adoption de ce budget, qui est la simple traduction de la politique que nous avons récusée.

Vous prônez la réduction de l’immigration professionnelle. Or, selon nous, la France a besoin de main-d’œuvre. Il se trouve que j’ai en main un article de presse. (M. Richard Yung brandit un journal.) Il s’intitule L’immigration peut être une aubaine pour les pays industrialisés, et il n’a pas été publié par un organe anarchiste ou bolchevik, si tant est qu’il en existe encore ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Il n’y en a plus !

M. Richard Yung. L’article émane en fait du journal des milieux d’affaires : La Tribune !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. La Tribune s’est souvent trompée ces derniers temps !

M. Richard Yung. Selon La Tribune, l’immigration professionnelle est une aubaine pour les pays industrialisés. J’en déduis donc que votre orientation n’est pas la bonne.

Il suffit d’examiner votre projet de budget. Le montant des crédits consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière, qui s’élève à 85,4 millions d’euros, est deux fois supérieur à celui des crédits alloués à l’intégration des étrangers en situation régulière, d’un montant de 41,8 millions d’euros. Vos choix sont clairs.

M. Klarsfeld, qui préside l’OFII, se répand dans les journaux, et plus encore sur les plateaux de télévision, pour s’opposer au droit de vote des étrangers aux élections locales, en invoquant des problèmes d’intégration. Selon lui, la politique d’intégration en France serait un échec. Cette affirmation est assez surprenante, puisque M. Klarsfeld dirige précisément l’office chargé de mener cette politique ! On est donc en droit de s’interroger sur l’efficacité de son action…

Or, dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » baissent de plus d’un million d’euros, passant de 14,40 millions d’euros en 2011 à 13,34 millions d’euros en 2012. Cette diminution est associée – d’autres l’ont souligné avant moi – à la très forte augmentation d’un certain nombre de droits et de redevances dont les intéressés doivent s’acquitter. Cette politique est donc totalement incompréhensible.

Beaucoup d’autres objections mériteraient d’être soulevées. Je pense en particulier au fait que les budgets de l’immigration sont le plus souvent insincères. En effet, le Gouvernement est amené, une ou deux fois par an, à prendre des décrets d’avance pour abonder ces budgets à hauteur de 40 millions d’euros ou de 50 millions d’euros. Les taux de croissance apparemment forts de ces crédits correspondent en fait à des remises à niveau, afin de s’aligner sur la réalité observée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir entendu les rapporteurs et les différents intervenants, je souhaite répondre en abordant successivement les thèmes qui ont été développés, en espérant n’oublier aucun des arguments qui ont pu être avancés.

Un certain nombre d’entre vous, notamment M. Raymond Couderc et Mme Anne-Marie Escoffier, ont disséqué la présentation budgétaire de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ils ont mis en évidence quelques éléments sur lesquels je voudrais revenir.

J’évoquerai d’abord la création d’emplois. Le projet de loi de finances tend à consolider et créer soixante emplois au profit de l’OFPRA et de la CNDA. Cette mesure est très importante. Elle fait suite à la création de trente emplois dans le cadre de la précédente loi de finances. Elle permettra de partager l’instruction des dossiers entre un plus grand nombre de personnes et, par conséquent, d’accélérer les délais de traitement des demandes d’asile.

Je mentionne également l’augmentation des moyens affectés à la politique d’intégration. Si l’on cumule les crédits inscrits dans ce texte et les recettes propres de l’OFII, la progression est substantielle.

Je rappelle en outre que les crédits consacrés à l’hébergement des demandeurs d’asile augmentent de 80 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Je ne pense pas, monsieur Sueur, que cela témoigne d’une volonté d’insincérité budgétaire...

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. On a dépensé davantage l’an dernier !

M. Claude Guéant, ministre. J’ai bien noté votre argument, et je vais y répondre. Nous pensons qu’il y aura besoin de moins de crédits en 2012, parce que la demande d’asile sera mieux maîtrisée…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Le gouvernement suivant paiera la facture !

M. Claude Guéant, ministre. Comme l’ont indiqué MM. Roger Karoutchi et Raymond Couderc, la réduction d’un mois des délais d’instruction des demandes représente une économie de 15 millions d’euros.

Par ailleurs, selon le vice-président du Conseil d’État, qui a la charge de la gestion administrative de la demande d’asile, nous reviendrons en 2012 à un délai d’instruction moyen d’un an, contre deux ans voilà quelques mois. J’estime donc que des économies sont réalisables.

Mme Anne-Marie Escoffier a évoqué l’augmentation du nombre de places dans les centres de rétention administrative. En réponse à la question opportune qu’elle a soulevée, je précise que le centre de rétention administrative de Mayotte ouvrira en 2014.

MM. Karoutchi, Sueur, Néri, Trillard, Couderc, Roger et Mme Assassi ont abordé la question du droit d’asile. Je réaffirme très solennellement que le Gouvernement, comme nombre des orateurs qui se sont exprimés, est évidemment fidèle à ce qui fait l’honneur de notre pays, c’est-à-dire la préservation du droit d’asile politique.

M. Claude Guéant, ministre. La France a toujours accueilli tous les réfugiés du monde entier, tous les persécutés, tous ceux dont la liberté ou la vie sont menacées ! Le Gouvernement entend bien maintenir cette politique.

Cela étant, monsieur Sueur, ce n’est pas parce que l’on demande le bénéfice de l’asile politique que l’on est forcément persécuté…

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je n’ai jamais dit cela !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais si !

M. Claude Guéant, ministre. Vous avez affirmé que les demandeurs étaient des persécutés ! Mais c’était certainement un lapsus...

En revanche, lorsqu’une personne se voit accorder le bénéfice de l’asile politique, c’est que la réalité des menaces dont elle fait l’objet dans son pays d’origine est reconnue.

Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, nous observons une augmentation importante du nombre de demandeurs d’asile, de plus de 55 % en trois ans. Le nombre des demandeurs s’est élevé à 53 000 en 2010, et il s’établira vraisemblablement entre 58 000 et 60 000 en 2011. Dans le même temps, le nombre de décisions octroyant le statut de réfugié politique, émanant d’instances indépendantes, est en légère baisse. Force est de constater qu’un certain nombre de personnes, que l’on peut évaluer à la différence entre ces deux chiffres, présentent des demandes qui ne comportent pas d’éléments suffisamment probants aux yeux de la juridiction spécialisée chargée d’en apprécier le bien-fondé. Ce problème n’est pas spécifique à la France ; les pays voisins le constatent également. Il est clair que la demande d’asile est utilisée comme un moyen d’entrer sur le territoire de notre pays, puisqu’il suffit de formuler cette demande pour être immédiatement admis au séjour – c’est bien naturel, compte tenu du motif invoqué –, et pour y demeurer.

Plus les délais d’instruction sont longs, plus le problème est lourd, et plus l’« attractivité » de notre pays grandit. En effet, comme nous le savons très bien, s’il est relativement facile de renvoyer dans son pays d’origine une personne qui n’a passé que quelques semaines ou quelques mois dans notre pays, il est beaucoup plus difficile de renvoyer une personne qui y a passé deux ans ou trois ans, même si elle est déboutée de sa demande d’asile et se trouve donc en situation irrégulière.

C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé un certain nombre de mesures destinées à réguler la demande d’asile, sans rien retrancher, bien évidemment, sur le droit à l’asile politique. J’ai d’ailleurs rappelé l’attachement du Gouvernement à la défense de ce droit.

La première de ces mesures porte sur l’amélioration des délais d’instruction.

La deuxième mesure consiste à engager une procédure accélérée, l’« examen prioritaire des dossiers », notamment pour les demandeurs provenant d’un pays d’origine « sûr ». Effectivement, monsieur Trillard, nous pensons qu’il y a lieu de compléter la liste de ces pays « sûrs ». Cet après-midi même, l’OFPRA, puisque ce n’est pas l’administration qui prend cette décision, devait examiner le principe de l’inscription de quatre nouveaux pays sur la liste des pays « sûrs ».

Nous avons également considéré qu’en cas de fraude manifeste ou de refus de coopération avec l’administration, la procédure accélérée pouvait être engagée.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. La notion de demande abusive pose un problème de définition. Qui décide qu’une demande est abusive ? Le préfet ?

M. Claude Guéant, ministre. C’est l’OFPRA qui décide ; ce n’est pas l’administration ! Contrairement à ce que vous affirmiez tout à l’heure, monsieur Sueur, les préfectures n’ont pas à intervenir dans ces procédures.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Pourtant, ce sont les préfectures qui décident !

M. Claude Guéant, ministre. Pas du tout ! Les dossiers passent par les préfectures, mais c’est l’OFPRA qui décide si la demande relève de l’examen prioritaire. L’administration n’a pas à se mêler de cette procédure !

M. Charles Revet. M. Sueur aura appris quelque chose !

M. Claude Guéant, ministre. Je vais maintenant aborder un autre thème évoqué par les différents orateurs, notamment par Mme Bouchoux, l’immigration légale.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je viens de procéder à une vérification rapide : ce sont bien les préfectures qui décident si l’examen de la demande est prioritaire, pas l’OFPRA ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Ça suffit, monsieur Sueur !

M. Claude Guéant, ministre. Je vous dis que ce n’est pas le cas, monsieur Sueur !

L’immigration légale concerne chaque année 200 000 personnes, ce qui équivaut, par exemple, à la population de la ville de Rennes.

J’ai effectivement déclaré que nous souhaitions réduire l’immigration légale. En effet, pour nous – voilà qui illustre les différences entre notre conception de la société et celle qui a été exprimée sur les travées de gauche de cet hémicycle –, les étrangers qui viennent s’installer chez nous doivent être bien accueillis ; nous voulons qu’ils s’intègrent à notre population, qu’ils adoptent nos lois et nos modes de vie, qu’ils se sentent bien chez nous et que nous nous sentions bien avec eux.

Pour cela, nous devons avoir la capacité de les intégrer chez nous. L’intégration constitue un mouvement à double sens, du pays d’accueil vers les étrangers et des étrangers, qui doivent faire l’effort de s’intégrer, vers le pays d’accueil. Chacun le comprendra, il est plus facile de bien intégrer les étrangers quand ils sont un peu moins nombreux.

Certains d’entre vous ont évoqué l’éventualité d’un échec de l’intégration. De fait, s’il y a bien entendu de magnifiques réussites, il y a aussi des échecs. Lorsque j’ai mentionné les problèmes d’échec scolaire, ce n’était évidemment pas – faites-moi la grâce de le croire ! – pour distinguer ou stigmatiser une catégorie de population.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos chiffres n’étaient pas bons !

M. Claude Guéant, ministre. C’était pour souligner l’existence d’un problème. Des enfants qui échouent à l’école n’ont aucune chance de réussir dans leur vie professionnelle ! Il faut mettre un terme à une telle situation !

Nous pouvons notamment mettre en place des modules d’enseignement spécialisé pour que les enfants réussissent mieux à l’école. Au titre de la politique d’intégration, le ministère de l’intérieur dispose de crédits spécifiques employés à cette fin.

Comme je l’ai précisé, mon objectif est de réduire de 10 % chaque année l’immigration légale. Je pense notamment à l’immigration de travail.

M. Philippe Dominati. Très bien !

M. Claude Guéant, ministre. Ainsi, Xavier Bertrand et moi-même avons réduit de trente à quatorze le nombre de secteurs dits « en tension ». En effet, l’étude réalisée sur le sujet a montré qu’il n’y avait pas trente secteurs en tension dans notre pays. Par exemple, on affirme généralement que le secteur du bâtiment a besoin de faire venir des travailleurs étrangers ; mais, lorsqu’on regarde de plus près, on s’aperçoit que ce n’est pas vrai.

M. Jean-Paul Emorine. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Allez donc voir la plate-forme de Roissy !

M. Claude Guéant, ministre. Je rappelle que notre pays compte 2,8 millions demandeurs d’emploi, que 110 000 actifs supplémentaires entrent chaque année sur le marché du travail et que notre appareil de formation et de reconversion professionnelle est particulièrement performant. Nous avons donc la possibilité de faire d'abord appel à la population installée en France, qu’elle soit française ou étrangère. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) La France n’a pas vocation à faire venir des chômeurs supplémentaires !

En outre, et je crois que cela a déjà été dit, le taux de chômage des étrangers non ressortissants de l’Union européenne s’élève à 24 %. Voilà qui ne traduit pas non plus un succès de l’intégration !

Les questions d’intégration ont également été soulevées. Comme je viens d’en parler, il me semble inutile d’y revenir.

En revanche, je m’attarderai davantage sur la question des étudiants étrangers. Je le rappelle, la politique du Gouvernement vise à favoriser l’accueil des étudiants étrangers dans notre pays. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que nos universités et grandes écoles soient attractives ! En 2007, nous avons accueilli 46 000 nouveaux étudiants étrangers. Cette année, nous en accueillons environ 60 000. Il n’y a donc aucune politique de réduction du nombre d’étudiants étrangers en France.

En outre, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a été évoquée tout à l'heure, est appliquée de manière très stricte. La circulaire que Xavier Bertrand et moi-même avons signée ne fait que rappeler le droit – j’y insiste ; il s'agit bien d’un droit – qui est accordé aux étudiants titulaires d’un master ou d’un doctorat. Pendant les six mois qui suivent l’obtention de leur diplôme, ils peuvent signer un contrat avec une entreprise, afin d’acquérir une première expérience professionnelle dans leur domaine de compétence. La circulaire, je le répète, ne retranche, ni n’ajoute rien à ce droit.

Certains chefs d’établissement m’ont fait part de leur émotion. J’ai donc ouvert un canal spécial pour examiner leurs préoccupations.

Toutefois, je tiens à rappeler qu’il ne suffit pas d’avoir fait des études en France dans le cadre d’un séjour régulier pour bénéficier d’un droit au séjour définitif dans notre pays. Qu’elles soient ou non formulées par étudiant, les demandes de carte de séjour autorisant à exercer une activité professionnelle sont examinées au regard de la situation du secteur concerné.

Nous avons un double souci. D’une part, madame Assassi, le recrutement de personnels étrangers ne doit pas favoriser le dumping social. Malheureusement, c’est un phénomène que nous observons parfois. D'autre part, nous devons éviter de piller les élites d’un certain nombre de pays …

Mme Éliane Assassi. C’est pourtant ce que vous avez fait !

M. Claude Guéant, ministre. … qui en ont un besoin impératif.

M. Claude Guéant, ministre. Quand j’entends le président du Bénin me décrire la situation dramatique des hôpitaux de son pays – les deux tiers des médecins béninois exercent à Paris, alors qu’il y a seulement cinq cardiologues au Bénin –, je ne peux m’empêcher de penser que, même si nous avons besoin de médecins, nous faisons une mauvaise action à l’égard de ce pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.) Arrêtons de nous voiler la face : les Béninois eux aussi ont besoin de médecins, d’ingénieurs et de gestionnaires pour assurer leur développement !

M. Alain Néri, rapporteur pour avis. Quand ils quittent la France, ils ne retournent pas chez eux !

M. Claude Guéant, ministre. J’en viens à la question de la lutte contre les irrégularités.

Bien entendu, nous luttons d'abord contre les séjours irréguliers. À cet égard, je peux affirmer devant la Haute Assemblée que l’objectif de 30 000 reconduites à la frontière fixé après l’adoption de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, sera atteint, et sans doute même dépassé.

Nous luttons également contre l’irrégularité que constitue l’emploi d’une main-d’œuvre étrangère séjournant de manière illégale sur notre territoire. Un décret d’application de la loi du 16 juin 2011 vient de paraître. Il permet de fermer, pendant une durée pouvant atteindre trois mois, les établissements des chefs d’entreprise employant une telle main-d’œuvre, et renforce leurs obligations financières envers ces salariés.

Monsieur Yung, les mariages gris sont une réalité, qui est d’ailleurs socialement et humainement très douloureuse. Bon an mal an, nos tribunaux annulent environ un millier de mariages de ce type. Je sais, pour avoir consulté un certain nombre de nos ambassadeurs, que beaucoup de mariages de complaisance méritent d’être examinés de plus près. J’ai bien l’intention de lutter également contre ces irrégularités.

M. Jean-Yves Leconte. Ce n’est pas au Gouvernement de décider de la sincérité des mariages !

M. Claude Guéant, ministre. Vous n’avez pas été assez attentif à ce que j’ai dit, monsieur le sénateur. Ce sont les tribunaux qui en jugent. (M. Jean-Yves Leconte proteste.)

M. Charles Revet. Laissez parler M. le ministre, monsieur Leconte !

M. Claude Guéant, ministre. Ce n’est ni le Gouvernement ni l’administration qui en décide !

Monsieur Trillard, vous m’avez interrogé sur la politique européenne d’immigration, notamment sur l’asile. Vous le savez, durant la présidence française de l’Union européenne, en 2008, un pacte européen sur l’immigration et l’asile a été signé par les États membres. Aujourd'hui, on peut dire que tous les pays partagent la même volonté de maîtriser les flux migratoires, afin de favoriser l’intégration des étrangers. Ainsi, l’Espagne, qui avait régularisé beaucoup de personnes, l’a ensuite fortement regretté et partage désormais la ligne fixée par le pacte européen.

En matière d’asile, l’Union européenne a prévu d’adopter deux directives en 2012 : la directive « accueil » et la directive « procédure ». Les accords de Dublin seront bien entendu respectés. Tous les pays s’accordent à ce sujet. Pour faciliter le dialogue avec le Parlement européen, la présidence polonaise a trouvé une formule très intéressante de détection précoce des situations fragiles que certains pays pourraient rencontrer en matière d’asile. Une réunion regroupant les six pays européens les plus concernés et la Commission européenne s’est déroulée hier et ce matin.

L’objectif est d’harmoniser au maximum les pratiques en matière d’asile politique, afin d’éviter que certains pays ne deviennent plus attractifs et de garantir une réponse rapide aux demandes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Je souhaite simplement vous donner lecture de l’article L. 741-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsqu’un étranger, se trouvant à l’intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l’asile, l’examen de sa demande d’admission au séjour relève de l’autorité administrative compétente. » L’autorité administrative compétence, c’est le préfet !

La procédure prioritaire est prévue à l’alinéa 4 de l’article L. 741-4 du même code, lorsque la demande d’asile « repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif ». Cette condition est distincte de celle qui tient au pays d’origine « sûr ».

En clair, l’autorité qui décide si la demande est abusive, c’est le préfet. Certes, il est possible que l’OFPRA ou la CNDA prennent ensuite une décision différente. Mais c’est bien le préfet qui décide du caractère prioritaire de la procédure. Or cela a beaucoup d’importance pour les personnes concernées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Monsieur Sueur, je ne pense pas que nos positions soient contradictoires.

J’ai indiqué tout à l'heure que les dossiers étaient déposés à la préfecture en cas de fraude ou de demande abusive. La procédure est donc effectivement engagée par le préfet, mais c’est l’OFPRA qui décide si cette procédure doit être menée à son terme. Et, pour les pays d’origine « sûrs », l’OFPRA décide seul.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis. Ça, je ne l’ai pas contesté !

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

631 891 444

631 791 444

Immigration et asile

553 453 404

560 153 404

Dont titre 2

38 268 823

38 268 823

Intégration et accès à la nationalité française

78 438 040

71 638 040

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Rappel au règlement

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Compte d’affectation spéciale : Développement agricole et rural

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (et articles 48, 48 bis et 48 ter) et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de centrer mon intervention sur nos principales observations relatives à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », dite APAFAR, et aux trois articles qui lui sont rattachés. En outre, Joël Bourdin présentera, en tant que co-rapporteur, notre analyse de deux des quatre programmes de la mission, ainsi que des dépenses fiscales et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CASDAR.

Je ferai une première remarque générale sur les crédits de la mission. Il nous était initialement proposé de fixer les autorisations d’engagement de 3,56 milliards d’euros et les crédits de paiement à 3,59 milliards d’euros pour 2012. Je souligne que ces montants sont loin de couvrir l’ensemble des dotations budgétaires consacrées à l’agriculture ; ils ne représentent qu’un peu plus de 20 % de l’ensemble des concours publics annuels à l’agriculture, tandis que l’Union européenne en fournit plus de la moitié !

La répartition des crédits manifeste la vocation de ministère d’intervention du ministère de l’agriculture, puisque 53 % des crédits de la mission APAFAR sont en effet dédiés à des dépenses de titre 6, concentrées sur le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Un quart est consacré aux dépenses de personnel et 21 % aux dépenses de fonctionnement.

Je formule une deuxième remarque, qui porte sur l’évolution des crédits. La mission devait enregistrer une réduction de ses crédits en 2012 par rapport à 2011, puisque les autorisations d’engagement et les crédits de paiement étaient respectivement en baisse de 0,5 % et de 2 % avant le vote de l’Assemblée nationale. Les crédits pour 2012 devaient donc se caractériser par de moindres écarts par rapport aux plafonds définis par la programmation pluriannuelle.

Ces évolutions doivent être nuancées, puisque l’Assemblée nationale a majoré de 174 millions d’euros les crédits de la mission, afin de financer une mesure d’allégement du coût du travail agricole, fondée sur des exonérations de cotisations sociales des employeurs.

Cette mesure, sur laquelle je reviendrai lors de notre analyse des articles rattachés, aurait un coût de 210 millions d’euros, mais un « coup de rabot » de près de 36 millions d’euros a par ailleurs été porté sur les crédits de la mission en vue de contribuer aux plans d’économies demandés sur l’ensemble des dépenses du présent projet de loi de finances, comme l’avait annoncé le Premier ministre les 24 août et 7 novembre 2011.

Ces deux mouvements en sens inverse majorent donc globalement les crédits de 174 millions d’euros, de sorte que les crédits de la mission s’établissent à 3,74 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et à 3,77 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse purement optique de 4,5 % en autorisations d’engagement et de 2,7 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances du 29 décembre 2010 pour 2011.

J’en viens à mes observations sur deux des quatre programmes de la mission.

Premièrement, le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires », avec plus de la moitié des crédits de la mission, est le support privilégié de la politique d’intervention du ministère.

La gestion des aléas n’est dotée que de 2 % des crédits du programme, ce qui constitue une véritable atteinte au principe de sincérité budgétaire, monsieur le ministre.

Il y a en effet un profond paradoxe. Les aléas climatiques, sanitaires ou économiques, qui bouleversent profondément l’exécution budgétaire de la mission chaque année, sont pris en charge par l’action la moins dotée du programme. Les moyens consacrés à l’assurance récolte sont même en baisse de 25 % en 2012, avec 25 millions d’euros prévus, contre 33,3 millions d’euros en 2011.

Une telle sous-budgétisation nous confirme que le chantier de la couverture des risques agricoles par les mécanismes de marché doit être relancé. Voilà qui appelle à une réflexion sur la problématique de la réassurance publique pouvant faciliter la diffusion des assurances privées.

Je note que l’obligation, imposée au Gouvernement par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, d’engager une réflexion sur les modalités de ce mécanisme avant le mois de février 2011 n’a pas été respectée. Quoi qu’il en soit, la réassurance publique devra être appréhendée prudemment, au regard de son coût budgétaire.

Par ailleurs, la réforme des principaux opérateurs du programme doit conduire à réaliser des économies significatives en 2012. Je pense par exemple au regroupement des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation au sein de l’Institut français du cheval et de l’équitation. Je pense aussi à la création de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ainsi qu’à la fusion des principaux offices agricoles au sein de FranceAgriMer.

Je remarque que l’enquête demandée par notre commission à la Cour des comptes sur cette fusion des offices et sur l’ASP a permis de faire le point sur les enjeux, sur la cohérence et sur les limites de ces restructurations.

D’un point de vue strictement budgétaire, ces réformes semblent commencer à produire des effets. À cet égard, l’évolution du montant des subventions allouées aux opérateurs du programme 154 dans le présent projet de loi de finances est assez éloquente. Il s’agirait de 16 millions d’euros d’économies. De tels résultats doivent toutefois être encore confirmés en exécution. Ils ne doivent surtout pas se traduire par une détérioration des prestations offertes par ces établissements.

Deuxièmement, je voudrais attirer l’attention sur la réduction continue des crédits du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui laisse planer une incertitude sur la capacité de notre pays à répondre aux fortes exigences en matière de sécurité sanitaire, surtout dans l’hypothèse où une crise d’ampleur inhabituelle se déclencherait.

Monsieur le ministre, on ne peut que déplorer les suppressions de postes intervenues. Selon certains syndicats, des missions de contrôle ne seraient plus assurées ou le seraient de manière très incomplète. Je juge nécessaire de rappeler que le Gouvernement doit veiller à conserver des moyens de contrôle sanitaire adaptés et qu’il ne doit pas trop se laisser tenter par le recours aux contrôles délégués et aux autocontrôles par les professionnels eux-mêmes.

J’en viens enfin aux trois articles rattachés à la mission.

L’article 48 a pour objet de rééquilibrer le financement du régime forestier des forêts par les collectivités territoriales, en instaurant une contribution supplémentaire annuelle de deux euros par hectare, dont le produit serait de 5,6 millions d’euros en 2012. Cela correspond à une recommandation récurrente de notre commission, en particulier de notre collègue Joël Bourdin, qui demandait voilà un peu plus d’un an, dans son rapport sur l’Office national des forêts, l’ONF, de réexaminer le partage du coût du régime forestier. La démarche engagée dans cet article 48 va dans le bon sens, mais elle reste timide.

L’article 48 bis est issu de l’adoption d’amendements déposés par nos collègues députés, alors qu’il traduit un engagement pris à l’origine par le Gouvernement, tout particulièrement par le Premier ministre, lors du soixante-cinquième congrès de la Fédération nationale des syndicats et exploitants agricoles, la FNSEA, qui s’est tenu à Saint-Malo le 31 mars 2011.

Il nous est donc proposé d’exonérer de cotisations sociales les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole, dans la limite de vingt salariés en contrat à durée indéterminée par entreprise. L’exonération serait totale jusqu’à 1,1 SMIC, puis dégressive jusqu’à 1,4 SMIC.

Je m’interroge sur l’efficacité d’un tel dispositif, qui doit conduire à réduire d’un euro le coût horaire des salariés agricoles. Pour éviter les phénomènes de « trappes à bas salaires » que les exonérations de charges favorisent, il reste nécessaire d’avancer sur la voie de la convergence fiscale et sociale en Europe.

De même, je déplore l’absence de ciblage fin de la mesure, même s’il est vrai qu’un tel ciblage nous ferait courir le risque de nous heurter à un problème de conformité au droit communautaire.

En outre, je reste circonspect sur le coût budgétaire de 210 millions d’euros par an avancé par le Gouvernement, à comparer aux 490 millions de dégrèvements sur les travailleurs saisonniers. Ce coût pourrait atteindre rapidement des niveaux plus importants.

Toutefois, et en dépit de ces nombreuses réserves, nous ne pouvons pas ignorer les attentes fortes émanant de la profession agricole. La mesure ne saurait donc être rejetée.

L’article 48 ter soulève moins de problèmes. Il fixe à 1,5 % pour 2012 le taux d’augmentation de la taxe pour frais de chambres d’agriculture, de manière à permettre à ce réseau consulaire de faire face à l’organisation de ses élections au début de l’année 2013 et au transfert des associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose de rejeter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et d’adopter sans modification les crédits du CASDAR, ainsi que les trois articles rattachés 48, 48 bis et 48 ter.

Je laisse à mon collègue Joël Bourdin le soin de poursuivre la présentation des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mon co-rapporteur Yannick Botrel de l’exposé qu’il vient de faire au nom de la commission des finances. Pour ma part, je formulerai également en conclusion quelques observations à titre personnel.

Je voudrais d’abord faire une remarque sur les dépenses fiscales rattachées à la mission en 2012. Vous trouverez tous les éléments chiffrés dans notre rapport. Je ne m’attarderai donc pas sur leur détail.

Je relève avec une grande satisfaction que le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, dit « rapport Guillaume », affiche des résultats satisfaisants pour la mission APAFAR. En effet, la grande majorité des mesures rattachées à la mission sont jugées efficaces. Sur trente-sept dispositions évaluées, représentant près de 2,2 milliards d’euros, vingt-huit sont jugées assez ou très efficaces et couvrent la quasi-totalité des 2,2 milliards d’euros de dépenses.

Les neuf niches fiscales inefficaces ne coûteraient en effet que 2 millions d’euros, soit moins de 0,1 % des dépenses fiscales rattachées à la mission.

Nous demandons qu’un tel effort dans l’évaluation des dépenses fiscales soit poursuivi régulièrement.

Pour l’heure, monsieur le ministre, pourrions-nous au moins disposer dans le projet annuel de performances de la mission APAFAR d’un récapitulatif global à l’échelle de la mission de ces mesures ?

J’en viens à mes observations sur chacun des deux programmes de la mission dont je suis chargé, ainsi qu’au compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Je me félicite tout d’abord que le programme 149 « Forêt » dispose à partir d’une nouvelle nomenclature, dont l’objectif est d’offrir une présentation par dispositif permettant un meilleur suivi de l’exécution des crédits.

Je retiens surtout que le principal opérateur du programme, l’Office national des forêts, sur lequel j’ai rédigé un rapport au début de l’année 2010, voit sa subvention augmenter légèrement depuis trois ans. Sa situation financière reste en effet difficile.

L’article 48 du présent projet de loi de finances va bien dans le sens d’une clarification des relations financières de l’office avec l’État et les collectivités territoriales, mais ce ne sera malheureusement pas suffisant.

Les nombreuses suppressions de postes intervenues à l’ONF doivent être relevées. Avec 9 500 salariés aujourd’hui, l’Office a perdu plus du tiers de ses effectifs en vingt-cinq ans. Il en découle évidemment un climat social dégradé, sur lequel on peut s’interroger.

Les dépenses fiscales qui relèvent du programme 149 « Forêt » doivent incarner les priorités stratégiques de la politique forestière, centrée notamment sur une meilleure valorisation de la ressource bois.

La mise en place du compte d’épargne d’assurance pour la forêt doit contribuer plus particulièrement à relever ce défi, mais sous réserve de sa diffusion auprès des sylviculteurs. Où en est-on à ce sujet, monsieur le ministre ?

J’en arrive maintenant au quatrième programme de la mission, le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture », qui est en fait le programme support de la mission. Il se caractérise par un suivi scrupuleux de la démarche de suppressions d’emplois, au moment où des efforts de plus en plus importants sont exigés de la part de nos administrations.

Le plafond d’emplois baisse ainsi de 381 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en 2012, après avoir été réduit de 375 ETPT en 2011, de 613 ETPT en 2010 et de 1 124 ETPT en 2009.

Nous préconisons une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes de la mission pour la présentation du projet de loi de finances pour 2013, dans la mesure où la concentration des crédits de titre 2 de la mission au sein d’un unique programme support, le programme 215, n’est plus aujourd’hui justifiée par les adaptations liées à la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ou par la réorganisation du ministère. Monsieur le ministre, pouvez-vous prendre aujourd’hui l’engagement de procéder à cette ventilation l’année prochaine ?

Par ailleurs, le recensement général agricole, opération rendue obligatoire pour tous les États membres de l’Union européenne, s’est terminé cette année. Pouvez-vous nous en dresser un rapide bilan ?

J’en viens au CASDAR.

Ses recettes sont constituées de 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. Elles sont évaluées à 110,5 millions d’euros pour 2012, étant précisé que, s’agissant d’un compte d’affectation spéciale, le montant des engagements est ajusté tout au long de l’année au niveau de la recette constatée.

Alors que les recettes du CASDAR ont été sous-évaluées plusieurs années consécutives et que les crédits ont été relativement sous-consommés, cela n’a pas été le cas en 2010. La fin de l’écart positif entre les ressources et les dépenses du compte ne plaide donc plus pour une baisse de la fraction du produit de la taxe affectée au CASDAR. En revanche, une utilisation plus optimale des crédits est toujours requise.

Or le paradoxe veut que ce soit pendant cette période plus difficile pour le compte que de nouvelles compétences lui aient été dévolues. Je pense par exemple au financement des actions de génétique animale depuis cette année.

Je relève surtout que le recours à des comités scientifiques au cours des procédures d’appel à projets représente une avancée notable, de même que la multiplication des contrôles et des évaluations des projets de développement agricole et rural.

Ce souhait résulte notamment du constat, déjà formulé, sur la justification insuffisante des crédits. Cette insuffisance ne permet pas de s’assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres ou les instituts vont aux projets de développement, et non aux structures elles-mêmes.

Dans son rapport public annuel pour 2008, la Cour des comptes a ainsi relevé que, en matière d’aides au développement agricole, « la répartition des aides a toujours été fondée, de fait, non sur la nature des projets, mais sur la reconduction des subventions dans une logique de financement pérenne des structures ». Je souligne qu’une telle « logique d’abonnement aux aides » est aux antipodes d’une démarche de performance.

À titre personnel, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », même si la commission des finances a fait le choix de demander à la Haute Assemblée le rejet des crédits.

En revanche, je partage totalement les propositions qui nous ont été faites sur l’adoption des crédits du CASDAR, sous le bénéfice des observations que j’ai formulées, ainsi que des trois articles rattachés.

Comme l’a rappelé notre collègue Yannick Botrel, j’ai effectivement demandé, voilà un peu plus de deux ans, dans un rapport d’information sur l’enquête de la Cour des comptes sur l’Office national des forêts, le réexamen du partage du coût du régime forestier, car le calcul des frais de garderie manque d’équité. L’article 48 du projet de loi de finances pour 2012 va dans ce sens ; je m’en félicite. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, rapporteure pour avis.

Mme Renée Nicoux, rapporteure pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » constitue l’occasion de nous pencher sur la politique menée par le Gouvernement en faveur de l’agriculture. Le budget de l’État y contribue, mais ce n’est pas le seul outil dont le Gouvernement dispose. Mon propos ira donc au-delà de la seule analyse des crédits, qui viennent d’ailleurs de nous être présentés par mes collègues rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

La situation de l’agriculture s’améliore globalement depuis l’année 2009, durant laquelle la crise a touché quasiment toutes les filières. Néanmoins, tous les agriculteurs vous le diront : une hirondelle ne fait pas le printemps. Quatre phénomènes doivent nous inquiéter.

Premièrement, s’il est vrai que la diversité des territoires et des productions constitue une richesse, il n’en demeure pas moins que les agriculteurs ne s’en sortent pas de la même manière et que les inégalités se creusent. Par exemple, le revenu courant avant impôt par actif agricole est de 40 000 euros à 45 000 euros dans les grandes cultures, contre 15 000 euros en viande bovine. La sécheresse a encore pénalisé les éleveurs en 2011, même si la situation semble meilleure depuis l’automne. Le système des subventions européennes reste lui-même très inégalitaire.

Deuxièmement, les relations entre l’amont et l’aval restent déséquilibrées, ainsi que l’a mis en évidence l’Observatoire des prix et des marges. Hélas ! Ce dernier ne fait qu’observer le phénomène, sans le contrarier. La contractualisation, rendue obligatoire cette année pour les fruits et légumes et pour le lait, ne modifie nullement le rapport de force entre producteurs, industriels et grande distribution.

Troisièmement, les agriculteurs sont et seront exposés de plus en plus aux risques non seulement climatiques, mais aussi économiques, du fait de la volatilité des prix agricoles. De ce point de vue, les résultats du G20 agricole du mois de juin 2011 sont décevants. Les seules décisions concrètes ont été de mettre en place à l’échelon mondial un système d’information sur les marchés agricoles, pour mieux connaître l’état des stocks, et de favoriser le dialogue avant toute décision, comme la fermeture des frontières, ainsi que l’a fait la Russie l’année dernière, en interdisant les exportations de blé pour privilégier son approvisionnement intérieur. Rien sur la régulation des marchés financiers, rien sur la régulation des marchés agricoles ! Nous restons prisonniers de la vision libérale, qui a cours également à l’OMC.

Quatrièmement, la réforme de la politique agricole commune, la PAC, pour la période 2014-2020 ouvre une ère d’inquiétudes. Certes, le projet de cadre financier pluriannuel préserve le budget de la PAC en euros constants, à 371,7 milliards d'euros, mais les négociations conduiront peut-être à réduire cette enveloppe. La réforme des aides et de l’organisation des marchés, qui a été dévoilée au mois d’octobre dernier, ne constitue pas une révolution pour la PAC. Celle-ci reste orientée vers les marchés, avec très peu de régulation, et même le démantèlement des quotas de sucre. Le verdissement de 30 % des aides vise à répondre à l’enjeu environnemental, qui est fondamental, mais qui doit être explicité.

Pour en revenir aux crédits de la mission, qui s’élèvent à un peu plus de 3,5 milliards d’euros, je souhaite apporter trois commentaires rapides.

Tout d’abord, le budget de l’agriculture n’échappe pas à la rigueur, affichant une baisse initiale des moyens de 2,1 % en crédits de paiement par rapport à 2011. En application du plan d’économies de 1 milliard d'euros supplémentaires annoncé par le Premier ministre, 22 millions d'euros ont encore été retirés lors de la discussion de la mission à l’Assemblée nationale. La contrainte pèse sur l’emploi, avec près de 450 emplois supprimés au total sur les programmes 206 et 215, et des réductions prévues également pour la quasi-totalité des opérateurs de la politique agricole : FranceAgriMer, Agence de services et de paiements. Enfin, les gels de crédits en cours d’exercice vont encore amputer les moyens réels du ministère. La rallonge de 210 millions d'euros votée à l’Assemblée pour financer l’allégement de charges sur le travail permanent en agriculture ne doit pas faire illusion.

Ensuite, monsieur le ministre, ce budget est très fortement contraint et vos choix ont surtout consisté à reconduire les crédits qui interviennent en complément de crédits européens – je pense à l’indemnité compensatoire de handicap naturel ou à la prime vache allaitante – ou ceux qui servent à compenser les exonérations de charge. Les 500 millions d’euros qui étaient initialement prévus sont désormais portés à 710 millions d'euros, soit un tiers du programme 154. Bref, c’est un budget de dépenses obligatoires.

Enfin, monsieur le ministre, vos marges de manœuvre face aux crises sont bien maigres. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture n’est pas doté, le dispositif « agriculteurs en difficultés », ou AGRIDIFF, et le Fonds d’allégement des charges reviennent à leur étiage. Nous devons espérer ne pas connaître d’imprévu en 2012.

La baisse des charges sociales dans le travail agricole permanent, qui constitue votre axe majeur pour 2012, ne répond pas aux véritables enjeux actuels, même si elle soulage momentanément les agriculteurs.

Je voudrais aussi évoquer brièvement l’agriculture ultra-marine. Le conseil interministériel de l’outre-mer a proposé de développer l’agriculture outre-mer en s’appuyant sur les cultures traditionnelles, banane et canne à sucre, mais aussi en appuyant de nouvelles productions destinées au marché local.

Le rapport que mes collègues et moi-même avons élaboré souligne l’importance de l’agriculture outre-mer et appelle à la soutenir fortement. En effet, ces territoires ultramarins disposent d’un énorme potentiel de développement, que la future PAC ne devra pas non plus oublier.

Telles étaient les remarques que je souhaitais formuler. Les critiques adressées à la politique agricole ont conduit la commission de l’économie à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis.

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai d’aborder trois points sur ce projet de budget : l’installation, la sécurité sanitaire et la pêche.

Premièrement, l’installation des jeunes agriculteurs est un enjeu essentiel. La population des exploitants agricoles vieillit. Plus de 40 % des exploitants ont plus de cinquante ans et la part des jeunes de moins de trente-cinq ans est tombée à 13 %, alors qu’elle était encore de 18 % au début des années deux mille.

Cette réalité est encore plus forte dans certains secteurs, comme l’élevage allaitant ou les productions animales spécialisées, comme la production porcine. C’est donc la question de la survie des filières qui est posée. Sans installation, aucune continuité des exploitations n’est possible, mais cela signifie aussi moins de progrès technique dans les domaines agronomique, économique et environnemental.

Certes, l’enveloppe est reconduite à l’identique par rapport à 2011 dans ce projet de budget, avec 55 millions d’euros pour la part nationale de la dotation jeunes agriculteurs, cofinancée à 50 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, 53 millions d’euros pour les prêts jeunes agriculteurs et 11,5 millions d’euros sur le Fonds d’incitation et de communication pour l’installation en agriculture, le FICIA. À ces aides budgétaires s’ajoutent des aides fiscales dont le coût est estimé à 42 millions d’euros, ainsi que l’exonération de la taxe foncière.

Au total, l’installation est soutenue économiquement par l’État et par l’Union européenne, pour environ 350 millions d’euros par an. Cependant, les résultats ne sont pas au rendez-vous : on dénombre seulement 13 300 installations en 2009 et autant, semble-t-il, en 2010. Ces chiffres sont insuffisants pour assurer le renouvellement des générations. En outre, à peine 45 % des installations sont aidées.

Mon inquiétude vient essentiellement des coupes qui affectent les crédits d’accompagnement à l’installation : on a confié les missions des ADASEA aux chambres d’agriculture sans leur transférer les crédits. À elles de se débrouiller pour faire mieux avec une dotation passée de 14 millions d'euros voilà deux ans à 2 millions d'euros en 2012 et à rien du tout en 2013.

Deuxièmement, l’année 2011 est venue une nouvelle fois nous rappeler le très haut niveau d’exigence des consommateurs en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les enjeux de santé publique et les enjeux économiques sont totalement imbriqués. Le programme 206 vise à répondre à ce défi. Paradoxalement, alors que ce programme est toujours affiché comme une priorité de l’État, les crédits qui y sont consacrés baissent pour la troisième année consécutive, pour passer en-dessous des 500 millions d’euros.

Je constate ainsi une réduction de 3 % des moyens consacrés à la lutte contre les maladies végétales et animales. Monsieur le ministre, vous faites le pari de la maîtrise totale du risque en 2012, alors qu’aujourd’hui, tant sur le végétal que sur le secteur animal, de nouvelles menaces peuvent apparaître.

Enfin, l’enveloppe consacrée au fonctionnement, notamment au financement des services vétérinaires, connaît un taux de progression zéro.

En termes d’effectifs, le programme 206 enregistre une nouvelle baisse de 66 équivalents temps plein travaillé pour 2012, après une baisse de 117 équivalents temps plein travaillé en 2011. Cette évolution est inquiétante au moment où les missions sont de plus en plus nombreuses.

Le syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire s’inquiète d’une telle situation, qui constitue un véritable désarmement progressif de notre arsenal de sécurité sanitaire, alors que celui-ci est actuellement un point fort de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire.

De son côté, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l’ANSES, reçoit une dotation de 66,5 millions d’euros du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui est, lui aussi, en baisse par rapport à 2011.

Pourtant, il est rentable d’investir dans la sécurité sanitaire, car cela permet d’éviter de devoir demain dépenser des centaines de millions d’euros pour régler les conséquences des crises.

Troisièmement, la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, est en marche, mais les propositions de la commission européenne sont lourdes de menaces : marchandisation des quotas, au travers des quotas individuels transférables, et réduction drastique de ceux-ci pour certaines pêcheries, avec la fixation de l’objectif d’atteindre le rendement maximum durable, le RMD, dès 2015, pour toutes les espèces.

Du point de vue budgétaire, je tiens à saluer la poursuite, au-delà de la fin du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR, des contrats bleus en 2012.

Mais, à nos yeux, depuis la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, on ne s’est pas attaqué à l’enjeu majeur que constitue la modernisation des équipements. Les navires restent vieillissants et les conditions de sécurité à bord doivent encore être améliorées.

Les crédits pour la pêche et l’aquaculture sont à peu près maintenus pour 2012, aux alentours de 60 millions d’euros, mais ils sont largement absorbés par les plans de sortie de flotte, à hauteur de 13 millions d’euros, et la contribution de l’État à l’assurance chômage intempéries, pour 6,8 millions d’euros.

Or il faudrait avoir une vision plus offensive de la pêche, libérer davantage les crédits pour développer de nouveaux navires et soutenir des projets aquacoles innovants. À cet égard, monsieur le ministre, il nous semble que le compte n’y est pas.

Pour toutes ces raisons, mes conclusions rejoignent celles de ma collègue Renée Nicoux et de la commission de l’économie, saisie pour avis, qui recommande de ne pas adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite avant tout rappeler que l’agriculture a une vocation de production. Pour nourrir 7 milliards d’êtres humains aujourd’hui, et 9 milliards en 2050, il faut produire.

La France, avec 30 millions d’hectares de surface agricole utilisée, est bien placée en Europe pour jouer un rôle éminent. Remarquons que l’agriculture et l’agroalimentaire contribuent, à hauteur de 8 milliards d’euros, à améliorer le solde de notre balance commerciale.

Cependant, on ne continuera à produire en France que si l’agriculteur gagne sa vie, s’il n’est pas écrasé sous le poids des contraintes et des charges. Je salue donc la politique de baisse de charges mise en œuvre par le Gouvernement, sur l’initiative de M. le ministre Bruno Le Maire.

Après ces propos liminaires, je souhaite évoquer trois points importants : la forêt, les assurances agricoles et la viticulture.

Premier sujet, la forêt fait l’objet du programme 149. Ses crédits sont en légère décrue de 2 %, à 362,5 millions d’euros. N’en tirons cependant pas la conclusion que l’État abandonne la forêt, bien au contraire.

D’abord, une partie de la baisse correspond à une mesure de transfert de la subvention pour charge de service public de l’Inventaire forestier national, l’IFN, vers le programme 159 « Information géographique et cartographique », conséquence de sa fusion avec l’Institut géographique national, l’IGN.

Ensuite, le budget continue à être mobilisé pour faire face aux conséquences de la tempête Klaus du mois de janvier 2009. Les crédits du plan de restauration des chablis demeurent à un niveau élevé, 95 millions d’euros pour 2012.

Enfin, je me félicite de l’effort de l’État pour participer au redressement des finances de l’ONF dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de moyens signé au mois de juillet dernier pour la période 2012-2016.

La dotation de l’ONF s’élève à 185,4 millions d’euros, dont 46 millions d’euros de contribution exceptionnelle. Ses ressources seront également accrues par la création d’une contribution calculée à la surface aux frais de garderie de l’ONF versés par les communes forestières, prévue à l’article 48 du projet de loi de finances pour 2012, rattaché à la présente mission.

Deuxième sujet, le rythme de progression des assurances agricoles n’est pas rapide, en tout cas pas à la hauteur de nos attentes, exprimées lors de la discussion de la LMAP.

L’enveloppe budgétaire destinée à subventionner les contrats d’assurance a baissé, passant de 133 millions d’euros à 100 millions d’euros au total, soit de 33 millions d’euros à 25 millions d’euros au niveau du budget de l’État, l’Europe prenant en charge 75 % de ces sommes.

Cette situation nous amène à demander une réflexion plus globale sur les freins à l’assurance. Certes, celle-ci est subventionnée jusqu’à 65 %. Mais la combinaison d’une exigence de perte de 30 % pour déclencher l’assurance, fixée dans la réglementation européenne, et d’une franchise de 25 % minimum conduit l’agriculteur à penser légitimement que l’assurance n’apporte pas une garantie suffisante.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, dans le cadre de la réforme de la PAC, nous pourrons assouplir les règles relatives aux franchises et aux seuils de perte à partir desquels l’assurance subventionnée peut être déclenchée ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer où en est la réflexion du Gouvernement sur la mise en place d’une réassurance publique, chère à notre collègue Jean-Paul Emorine, qui constituait l’un des engagements pris durant la discussion de la LMAP ?

Troisième sujet, la viticulture. Peu de crédits y sont spécifiquement consacrés dans le projet de budget pour 2012, même si on peut penser que l’exonération des charges sur le travail permanent sera susceptible de bénéficier aussi aux viticulteurs.

Actions de promotion, arrachage et restructuration de vignobles relèvent essentiellement de crédits européens, à hauteur de plus de 250 millions d’euros.

Je rappelle que la production de vin est essentielle au sein de la « ferme France ». En 2011, nous retrouvons d’ailleurs, devant l’Italie, la première place européenne, donc mondiale, grâce à une récolte estimée à 50 millions d’hectolitres. Avec 18 milliards d’euros de chiffre d’affaires et un excédent extérieur de 6 milliards d’euros, les vins et spiritueux français sont un maillon fort de l’agriculture.

La politique d’amélioration de la qualité commence à porter ses fruits, mais une menace pointe : la réforme de l’organisation commune de marché unique de 2008 a accouché d’une catastrophe dont nous n’avons pas encore réussi à nous débarrasser : la fin des droits de plantation.

Instaurés pour contingenter la production, limiter les surproductions, garantir la qualité, protéger les terroirs traditionnels de la viticulture et éviter l’industrialisation de la vigne, les droits de plantation sont voués à disparaître, au plus tôt en 2016, au plus tard en 2018.

Le 4 avril dernier, le Sénat avait organisé un grand colloque pour soutenir le maintien de ces droits de plantation, en présence de M. le ministre et de parlementaires européens nous ayant apporté leur concours.

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont appelé au rétablissement de ces droits. Aujourd’hui, quatorze États s’opposent à une telle suppression. Cette mobilisation n’a pas suffi à infléchir la position de la Commission européenne, qui, dans la nouvelle proposition de règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, après 2013, a maintenu la suppression des droits de plantation. Je le rappelle que les textes de la future PAC sont soumis à codécision, impliquant un accord du Parlement européen, qui nous soutient et s’oppose à la libéralisation des droits.

Monsieur le ministre, nous avons l’impression que nous faisons du surplace sur ce dossier depuis l’été. Où en est la bataille diplomatique à Bruxelles pour abroger la décision, sachant qu’il manque encore soixante-six voix, provenant d’au moins deux États membres différents, pour parvenir à une majorité qualifiée au Conseil ?

La commission de l’économie a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Pour ma part, j’émets, à titre personnel, un avis favorable à leur adoption, ce qui n’étonnera personne. (Applaudissements sur les travées de lUMP. - M. Raymond Vall applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis.

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la première fois que je suis rapporteur pour avis du budget de l’agriculture ; je constate la grande continuité des choix budgétaires du Gouvernement au cours de ces dernières années.

Tout d’abord, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » sont globalement préservés pour 2012, ce dont nous pouvons nous réjouir en ces temps de disette budgétaire.

Ces crédits, qui s’élèvent à un peu plus de 3,5 milliards d’euros, sont loin de représenter l’essentiel des soutiens publics à l’agriculture. Il existe en effet près de 2 milliards d’euros d’allégements fiscaux complétant les aides au secteur agricole. Je me réjouis au passage, avec mes collègues de la commission des finances, que ces niches fiscales aient été jugées plutôt positivement par le « rapport Guillaume » du mois de juin dernier.

Il faut en avoir conscience, l’Europe reste le principal contributeur des politiques agricoles, la PAC représentant près de 9,5 milliards d’euros par an pour la France : 8,7 milliards d’euros sur le premier pilier et 750 millions d’euros sur le second, qui est consacré au développement agricole et rural.

Enfin, les collectivités territoriales apportent leur contribution, à hauteur de 1 milliard d’euros environ.

Dans le délai très court qui m’est imparti, je voudrais aborder deux sujets devant vous : la question des charges, en lien avec la situation de la filière fruits et légumes, et le problème de la ressource en eau.

Premier sujet, la baisse des charges. À cet égard, mon point de vue sera plus positif que celui de Mme Nicoux. Face à la baisse tendancielle des parts de marché de la France en fruits et en légumes, tant sur le territoire national qu’à l’export, il fallait réagir. La baisse de charges de un euro sur les salariés permanents va donner une bouffée d’air à ce secteur, qui en avait bien besoin.

L’année 2011 a été marquée par une crise majeure sur le concombre et la tomate, résultant de l’épidémie d'escherichia coli du mois de mai dernier, et sur la pêche nectarine. Un plan de sortie de crise a été présenté au mois de septembre par le ministre, combinant mesures conjoncturelles et structurelles, pour un montant de 25 millions d’euros.

Saluons cette initiative, mais il fallait aller plus loin, en proposant une amélioration durable de la compétitivité de l’ensemble de la filière, qui est soumise à très forte concurrence. C’est ce qu’ont fait nos collègues députés Jean Dionis du Séjour et Charles de Courson, en proposant à l’Assemblée nationale un amendement tendant à alléger les charges patronales, dans la limite de vingt salariés par exploitation.

Un débat plus large doit maintenant être engagé sur les moyens de faire peser sur une autre assiette que la production nationale le financement de notre protection sociale. La TVA sociale est réclamée par le monde agricole. Il s’agirait de changer radicalement de logique et de faire contribuer nos fournisseurs internationaux, dont nous consommons des produits non grevés par les charges sociales, à l’inverse de ceux qui sont fournis par nos agriculteurs. Cette piste mérite d’être étudiée avec sérieux et débattue, et pas d’être balayée d’un revers de main. (M. Charles Revet acquiesce.)

Je le souligne, il n’y a pas que les charges sociales qui pénalisent notre agriculture. Les charges administratives et la lourdeur des procédures constituent également un fardeau qui fait perdre en productivité et en compétitivité.

M. Henri Tandonnet, rapporteur pour avis. La simplification est un combat quotidien et sera également un des enjeux forts de la future réforme de la PAC.

Deuxième sujet, la question de la ressource en eau. L’épisode de sécheresse du printemps dernier a montré la fragilité de notre agriculture devant le manque temporaire d’eau, posant la question de la gestion de la ressource, afin de garantir les productions et les politiques contractuelles associées.

Le projet de budget qui nous est présenté s’inscrit dans la droite ligne du choix fait en 2008 de désengager le ministère de l’agriculture du financement de l’hydraulique agricole. Seuls 2,8 millions d’euros restent prévus pour l’entretien des ouvrages qui sont du domaine de l’État.

Il faut donc trouver d’autres financeurs. Les investissements collectifs d’hydraulique agricole, tels que ceux qui sont nécessaires à la construction de retenues collinaires, bénéficient d’une enveloppe dans le cadre du programme de développement rural hexagonal, le PDRH, qui décrit la mise en œuvre du deuxième pilier de la PAC.

Par ailleurs, les agences de bassin ont pris le relais de l’État et peuvent subventionner les opérations qui leur sont présentées. Certaines collectivités locales complètent ces financements.

Les difficultés des projets tiennent moins à l’absence de financement qu’à des contraintes administratives et techniques, trop lourdes et difficilement compréhensibles sur le terrain. Après sa visite en Lot-et-Garonne, le Président de la République a annoncé, au mois de juin dernier, un plan sur cinq ans tendant à la création de retenues d’eau, des modifications législatives et réglementaires pour limiter les recours abusifs contre les projets des agriculteurs et un renforcement des compétences des chambres d’agriculture.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est ce plan ? Quand la création de retenues collinaires sera-t-elle facilitée ? Ces retenues, qui pourraient également améliorer l’état écologique des cours d’eau, vont vite devenir vitales.

Enfin, je souhaiterais que le ministère de l’agriculture ne laisse pas au seul ministère de l’écologie la gestion de ce dossier, car l’intérêt des producteurs doit aussi être défendu dans la gestion de l’eau. J’ai peur que nos agriculteurs ne se sentent un peu seuls face aux agences de bassin.

Pour conclure, je signale que, si la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », je me prononce, à titre personnel, pour leur adoption. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. Jean-Paul Emorine. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, rapporteur pour avis.

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, partageant un grand nombre des propos qui viennent d’être tenus, je me bornerai à aborder trois points : les réponses à la crise de l’élevage, l’importance de l’enjeu alimentaire pour l’agriculture et, enfin, la problématique cruciale du développement rural pour les territoires enclavés.

J’évoquerai donc tout d’abord la crise de l’élevage, dont les effets se sont fait ressentir au printemps, la sécheresse ayant conduit les éleveurs en bovins allaitants à décapitaliser, de peur de ne plus pouvoir nourrir leur bétail.

Je ne m’appesantirai pas sur l’état de la filière, vous renvoyant à l’excellent rapport d’information réalisé par notre collègue Gérard Bailly au nom de la commission de l’économie, dans lequel il tirait la sonnette d’alarme sur les difficultés rencontrés, situation que confirme l’Institut de l’élevage dans une étude publiée au mois de septembre dernier. À ce stade, je me permettrai simplement de formuler trois remarques.

Premièrement, si la demande mondiale progresse, quantitativement et qualitativement, elle ne profite pas au marché national. Les éleveurs français, en raison d’une organisation peut-être insuffisante, ne semblent en effet pas être en mesure d’y répondre.

La mise en place d’un groupement d’intérêt économique chargé de l’exportation de la viande bovine française, dit GIE export, qui avait été envisagée, a rencontré l’opposition des industriels et n’a pas pu se concrétiser. Une solution va éventuellement pouvoir être trouvée au travers d’un groupement du même type, mais doté d’une structure plus souple.

Toutefois, je note une réduction des crédits budgétaires en faveur du soutien à l’export. Je pense que cela représente un risque.

Deuxièmement, l’ensemble des éleveurs s’inquiètent du contexte qui se dessine au niveau européen pour l’après-2014.

Les quotas laitiers disparaîtront. L’embellie des prix constatée en 2010 et 2011 se poursuivra-t-elle ou fera-t-elle place à une nouvelle crise du lait ? Vous le savez aussi bien que moi, 14 300 producteurs viennent de recevoir une nouvelle proposition de contrat de la part de Lactalis, jugée inacceptable et déséquilibrée par la Fédération nationale des producteurs de lait et l’ensemble des organisations agricoles. Dès lors, une question se pose : le « paquet lait » européen pourra-t-il être finalisé avant la fin de l’année, comme cela était prévu ?

Concernant l’élevage allaitant, les revenus restent faibles, mais la prime à la vache allaitante joue un rôle important pour équilibrer les trésoreries. Le montant correspondant à la part nationale est inscrit dans le budget 2012. Il s’agit d’une des dernières grandes primes couplées. Pourra-t-on la maintenir dans la future PAC ?

Troisièmement, pour le lait comme pour l’élevage allaitant, l’enjeu de la modernisation de la gestion des exploitations reste entier.

Plusieurs dispositifs sont inscrits au budget 2012, notamment le plan de modernisation des bâtiments d’élevage et le plan de performance énergétique. En outre, FranceAgriMer met à disposition des crédits de modernisation, issus de la dotation d’intervention provenant du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ces dispositifs ont fait leurs preuves, mais ils restent, compte tenu de la situation, d’ampleur modeste et les résultats ne sont pas visibles.

En matière d’énergies renouvelables, par exemple, nous n’avons pas rattrapé notre retard. Ainsi, pour la méthanisation, la France ne compte que quelques dizaines d’unités de production, contre plus de 4 000 en Allemagne. Dans ces domaines, il faut le rappeler, le retard pris est dû à des problèmes, non pas seulement financiers, mais aussi de réglementation et d’administration.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. C’est très vrai !

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Nous devrons absolument trouver une solution pour répondre à ce besoin de simplification.

J’évoquerai ensuite le lien entre l’agriculture et l’alimentation, rappelant que nous avions unanimement salué les avancées qu’avait permises la LMAP sur ce thème.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Ah !

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Les crédits consacrés au programme national pour l’alimentation progressent, ce que je salue, même si le montant de l’enveloppe, environ 3,2 millions d’euros, reste modeste.

Le lien entre agriculture et alimentation doit être renforcé, pour faire du consommateur un allié de l’agriculteur, prêt à payer le juste prix d’une production de qualité. Ce lien passe aussi par les circuits courts. À ce titre, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir modifié l’article 53 du code des marchés publics, ce qui permet dorénavant aux collectivités de faciliter l’accès des filières de production locale à la restauration collective.

Un autre aspect du lien entre agriculture et alimentation réside dans le développement du bio. Les crédits qui lui sont consacrés sont maintenus en 2012, à hauteur d’environ 6 millions d’euros. Toutefois, en divisant par deux l’avantage fiscal pour le maintien des surfaces cultivées en bio en 2011, le Gouvernement a, me semble-t-il, envoyé un mauvais signal.

M. Jean-Paul Emorine. Cela suffit largement !

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. La cible de 6 % de surfaces bio en 2013 est d’ores et déjà inatteignable.

Sur le bio comme sur les circuits courts, je salue l’engagement des collectivités locales, qui apportent leur soutien financier à des projets locaux souvent innovants.

J’aborderai enfin, comme je l’avais fait l’an dernier à l’occasion de l’examen des crédits de cette même mission, le problème des territoires ruraux enclavés.

Monsieur le ministre, vous vous êtes rendu tout récemment dans le Gers, et nous nous sommes entretenus à cette occasion avec les forces vives agricoles du département. Vous avez d’ailleurs pu avoir confirmation de ce que nous vous indiquions. Vous êtes également ministre de l’aménagement du territoire, et je salue les efforts que vous faites à la tête de ce ministère, depuis déjà un certain temps, ainsi que les mesures que vous y avez prises.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Si nous n’y prenons garde, tous ces efforts seront à mon avis annihilés par la situation catastrophique que connaissent certains territoires ruraux.

Je mentionnerai simplement les difficultés rencontrées pour assurer le transport des productions, qui sont telles que l’on voit poindre à l’horizon la menace d’une délocalisation. Les capacités de stockage devront être augmentées de 10 % pour constituer des stocks tampons. Aujourd’hui, certains territoires ruraux ne possèdent ni voies ferrées ni routes dignes de ce nom : les stockages seront donc délocalisés près des ports ou des grands axes, ce qui est évidemment pénalisant.

Monsieur le ministre, le maintien de l’effort budgétaire en faveur de cette mission est, dans une conjoncture aussi difficile, tout à votre honneur. Pour autant, j’estime que, globalement, compte tenu de la diversité du territoire français, une stratégie trop tournée vers la compétitivité, qui répond certes aux exigences du marché mondial, fragilise le modèle français d’une agriculture diversifiée.

Par ailleurs, le soutien aux mesures agro-environnementales est trop faible, l’hydraulique agricole n’est plus financé, le plan de modernisation des bâtiments d’élevage et le plan de performance énergétique sont maintenus, mais se révèlent insuffisants pour rattraper notre retard, en particulier par rapport à l’Allemagne.

Pour toutes ces raisons, je me situe dans la même ligne de pensée que la commission. Si j’émets un avis favorable sur le CASDAR, je suis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Charles Revet. C’est dommage !

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.

Dans la mesure où il est d’ores et déjà acté que nous devrons siéger cette nuit, j’invite chacune et chacun à respecter le temps de parole qui lui est imparti.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, en vous exprimant devant les députés, vous vous êtes déclaré « profondément convaincu que l’avenir de l’agriculture ne se jouera pas sur l’augmentation ou la baisse du budget du ministère de l’agriculture. » Vous avez même ajouté ceci : « Ne laissons pas croire aux paysans français que c’est sur les crédits du ministère que se joueront leur compétitivité et leur capacité à réussir demain ! ».

S’il est vrai que la politique agricole commune pèse bien plus que le budget national de l’agriculture, cela ne doit pas pour autant permettre de justifier le coup de rabot de 22 millions d’euros sur le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », qui fait suite à ceux des années précédentes et à la révision générale des politiques publiques, la RGPP, que nous n’avons de cesse de condamner.

La politique agricole nationale doit, certes, permettre le maintien des grands dispositifs nationaux de solidarité et d’aménagement du territoire que sont la prime à la vache allaitante, l’indemnité compensatrice de handicap naturel et la prime herbagère agro-environnementale.

Au-delà, des questions aussi essentielles que le revenu agricole, la formation, l’agronomie, la transmission, la diversification des modes de production ou le volet sanitaire relèvent, pour beaucoup, de l’impulsion que peut donner le budget de l’agriculture.

L’urgence d’une nouvelle loi d’orientation agricole se fait sentir, au regard de l’évolution actuelle de l’agriculture française. Nous formons donc le vœu que les conditions soient réunies au mois de juin 2012 pour proposer autre chose à la « ferme France » et pour infléchir la PAC 2014-2020 dans un sens plus équitable.

Monsieur le ministre, vous avez longuement évoqué la question de la compétitivité. La réduction du coût du travail n’est pas une option que nous partageons. Pour réduire d’un euro le coût du travail des plus bas salaires des travailleurs agricoles, d’une part, vous reprenez de l’argent dans la poche de tous les agriculteurs, y compris ceux qui n’emploient pas de salariés, et ce par le relèvement de la taxe intérieure de consommation sur le nouveau gazole, et, d’autre part, vous taxez doublement les boissons sucrées, ce qui pénalisera les jeunes et être contre-productif en matière de lutte contre l’alcoolisme.

Avouez que ce tour de passe-passe à 220 millions d’euros ne convainc personne, pas même ses prétendus bénéficiaires. La dégressivité du système, au-delà de 1,1 fois le SMIC est une « machine à perdre », pour reprendre la formule employée par Angélique Delahaye, présidente des Producteurs de légumes de France, qui ajoute : « Mieux nous payons nos salariés, moins nous recevons d’allégements. »

La productivité, autre volet de la compétitivité, trouve également ses limites quand une truie atteint les 28 porcelets à l’année, quand une vache dépasse les 15 000 litres de lait ou quand un hectare de maïs ou de blé peut produire entre 80 et 120 quintaux. Ces objectifs insensés épuisent les sols et les animaux.

Les pistes qui consisteraient à rogner sur le volet social et le volet environnemental pour améliorer productivité et compétitivité n’ont pas d’avenir. Vous avez raison quand vous dites qu’on ne peut pas systématiquement tordre le cou des paysans ou faire du dumping social. Mais, de grâce, passons aux actes !

Les outils que vous avez mis en place restent insuffisants à nos yeux. Je veux évoquer, d’une part, la contractualisation, et, d’autre part, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

L’exemple des négociations entre les producteurs de lait et Lactalis montre toutes les difficultés d’une contractualisation qui se voudrait équilibrée.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Très juste !

Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, quand comptez-vous publier le décret portant création des organisations de producteurs, que ces derniers attendent ? J’espère obtenir une réponse de votre part. Les producteurs tentent d’imposer un accord tripartite, ce que refuse Lactalis, qui les pousse à signer des contrats individuels et à accepter des conditions à son avantage, notamment en matière de rupture contractuelle.

Par ailleurs, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a publié son premier rapport le 27 juin dernier.

Il en ressort des données intéressantes. La marge commerciale représente en moyenne entre 35 % et 59 % du prix au détail selon les fruits et légumes, 35 % pour l’emmental, 30 % pour le yaourt. Pour la viande porcine, la marge brute des grandes et moyennes surfaces représente plus de 50 % du prix au détail de la longe et 45 % de celui du jambon cuit.

Tous cela montre que la part restant au producteur peut être modulée en sa faveur, afin d’assurer un revenu agricole décent, de pérenniser nos exploitations et de renforcer nos capacités productives. Il reste à faire preuve d’imagination, à avoir la volonté politique d’intervenir dans la répartition des marges, avec, pour point de départ, la fourchette incompressible de la marge indispensable au premier maillon de la chaîne, celui de la production.

Monsieur le ministre, il n’est pas dans nos habitudes de ne pas souligner ce qui nous paraît positif. Aussi, nous vous remercions d’avoir modifié par décret l’article du code des marchés publics relatif aux circuits courts dans la restauration scolaire, qu’évoquait Raymond Vall à l’instant. Nous espérons que ce dispositif ne sera pas remis en cause et qu’il permettra de faciliter l’achat de produits locaux pour nos collectivités. Cela devrait également contribuer à une amélioration qualitative et diététique, objectif, que nous partagions dès l’origine, inscrit au titre Ier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Bien d’autres sujets ont émaillé cette année 2011. Je pense notamment à la sécheresse.

L’acompte de 100 millions d’euros, l’anticipation du versement des aides PAC et la facilitation des transports de fourrage ne sont, certes, pas des mesures négligeables pour atténuer les effets de la sécheresse.

Mais, dans mon département de l’Allier, la règle fondée sur un taux de 13 % de perte de revenus a privé un certain nombre d’éleveurs de ces aides. Pour cette raison, l’enveloppe de 12,5 millions d'euros que vous avez mise à la disposition du département ne serait pas entièrement consommée.

Monsieur le ministre, je me permets donc de relayer auprès de vous une demande des agriculteurs des exploitations tout en herbe : ceux-ci souhaitent un système de calcul plus favorable, qui pourrait fonctionner, par exemple, sur la base de 45 % de fourrage perdu. Je vous saurais gré de bien vouloir m’apporter une réponse aujourd'hui.

Les propositions du Président de la République concernant le stockage de l’eau appellent un véritable engagement financier pour ne pas se réduire à un affichage supplémentaire. Le stockage de l’eau concerne essentiellement le dépannage des cultures d’irrigation. Il conviendrait de lever les intérêts divergents entre EDF et le pompage de l’eau, notamment l’été. D’autres mesures de réduction des cultures gourmandes en eau, d’assolement et de rotation des cultures, de stockages régionaux de fourrages mériteraient d’être étudiées et réalisées.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement la PAC 2014-2020, dont l’avenir reste incertain dans le contexte actuel de crise et de dette des États.

Le maintien du budget de la PAC, le plafonnement des aides et le verdissement sont a priori des mesures qui vont dans le bon sens. Cependant, il faudra rester prudent et examiner avec attention les conditions d’attribution. Par exemple, il est très inquiétant de voir que la première région agricole de France, la Bretagne, perdrait 120 millions d’euros après 2013, soit une perte moyenne de 70 euros par hectare.

L’abandon des quotas laitiers et la suppression du régime des droits de plantation sont des mesures obtenues par les pays les plus ultralibéraux, mesures qui contribueront à déréguler encore davantage le marché.

Au sein de cette nouvelle PAC, le traité de Lisbonne et les règles de la concurrence libre et non faussée continuent de s’appliquer. Dans le cadre de l’OMC, l’abaissement des droits de douane, ainsi que le troc entre notre agriculture et les produits manufacturés se poursuivent. Nos priorités devraient être ailleurs : il s’agit de nourrir les 500 millions d’Européens, de faire bénéficier de notre coopération les pays les plus démunis, d’assurer des revenus décents aux producteurs et de mettre au point l’agriculture de demain, à la fois productive et durable.

À cette fin, l’obligation de trois cultures irait dans le bon sens. Monsieur le ministre, les précédentes réformes de la PAC ont été désastreuses, et celle qui nous arrive est plus qu’imparfaite. Un débat sur les résultats du dernier recensement général agricole devrait permettre une analyse plus fine des dégâts entraînés par les politiques agricoles mises en œuvre. Dans ce contexte, les mesures d’aide en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs pourraient-elles s’appliquer, comme cela est demandé dans mon département, avec une rétroactivité de cinq ans ? J’attends aussi votre réponse à cette question.

Les sénateurs communistes ont proposé, lors de l’examen des différents textes, les mesures qu’ils jugent indispensables pour assurer des revenus agricoles aux travailleurs du secteur permettant de vivre dignement, pour rompre le cercle vicieux du déséquilibre dans les rapports commerciaux, qui pèse à la fois sur les agriculteurs et sur les consommateurs, dont le pouvoir d’achat est au plus mal.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous défendons une agriculture durable, dans notre pays comme dans le monde. Ce projet de budget n’est pas à la hauteur du changement radical de politique agricole qu’il convient d’engager, le Gouvernement ne paraissant pas en avoir la volonté. Vous le comprendrez donc, les sénateurs de mon groupe voteront contre les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire a pris sa part de responsabilité dans la lutte contre les déficits. Son budget a, en effet, été élaboré dans le strict respect des plafonds de crédits arrêtés par le Parlement dans le cadre de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Il a également le mérite de tenir les engagements pris au cours des années précédentes. C’est notamment le cas des crédits dédiés aux mesures concourant au revenu des exploitants agricoles.

En effet, vous avez souhaité retenir, monsieur le ministre, un certain nombre de priorités pour 2012, en réponse, dans la plupart des cas, à une situation conjoncturelle particulièrement difficile.

Ces priorités répondent à la nécessité soit d’apporter des solutions à la situation économique dégradée de nombreuses filières, soit de renforcer la compétitivité de l’agriculture française.

J’évoquerai les plans stratégiques de développement des filières, la reconduction des compléments nationaux aux soutiens communautaires, avec le maintien d’une enveloppe constante pour les indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, ou les primes herbagères agro-environnementales, les PHAE, prorogées jusqu’en 2014, ou encore d’une politique en faveur d’un développement équilibré de la forêt.

L’installation des jeunes agriculteurs reste un axe important de ce budget, et il faut s’en féliciter. L’enveloppe budgétaire consacrée à la politique d’installation avait enregistré en 2009 une augmentation importante de 13,3 %, pour accompagner la réforme des parcours à l’installation. Depuis lors, elle est reconduite à l’identique, et ce sera encore le cas pour 2012.

Il s’agit donc d’un budget qui permet de contribuer à la compétitivité de l’agriculture française, celle-ci passant par la maîtrise des coûts de production, la dotation au titre des charges patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels étant stabilisée.

Parallèlement, un allégement de charges de 210 millions d’euros pour le travail permanent est venu en complément, et il faut s’en réjouir. En effet, nos collègues députés ont adopté un amendement visant à mettre en œuvre un dispositif d’abaissement du coût du travail des salariés permanents dans l’agriculture. Nous le savons, l’emploi salarié permanent ne représente malheureusement que 15 % des emplois du secteur de la production agricole, et il a tendance à diminuer depuis quelques années.

Cette mesure vise à enrayer la précarisation des emplois agricoles et à favoriser l’embauche de salariés permanents. Nous vous remercions, monsieur le ministre, d’y avoir été favorable. Bien évidemment, ce dispositif d’exonération des cotisations doit être soumis à l’examen de la Commission européenne.

Une telle disposition marque une avancée dans la prise en compte de la problématique relative à l’emploi permanent, bien qu’elle ne permette pas de ramener le coût du travail en France aux niveaux observés dans d’autres pays de l’Union européenne.

En Allemagne, par exemple, le coût du travail n’est pas le même. Nous savons que les emplois agricoles y sont massivement occupés par des intérimaires étrangers, mis à disposition par des sociétés prestataires de service dont le siège est situé hors d’Allemagne. Même s’il existe une rotation des personnes, cette main-d’œuvre n’est pas occasionnelle, et fait partie intégrante du process de production. Les conséquences sont des coûts sensiblement plus faibles.

On assiste de plus en Allemagne à la prédominance d’installations modernes dans près de 85 % des fermes, permettant aux agriculteurs d’utiliser l’énergie créée dans le cadre de leurs propres productions agricoles. C’est ainsi qu’il existe aujourd’hui 4 000 installations de biogaz, pour une capacité totale de production d’énergie de 1 400 mégawatts. Au niveau européen, l’Allemagne se place en tête en matière de biogaz, avec une part de 50,5 % de la production.

Le développement des installations de méthanisation dans ce pays, notamment pour l’élevage du porc, a bien entendu une incidence sur le prix de revient de la viande porcine et sur la compétitivité des ateliers de production porcine.

Dans le secteur du porc, l’ensemble des deux facteurs, coût du travail et développement de la méthanisation, crée pour notre pays une source de distorsion de concurrence qui ne nous est pas favorable, et nos élevages de porcs ont bien du mal à faire face.

Par ailleurs, la Commission européenne a annoncé les grandes lignes de la PAC pour 2013, à l’occasion de la présentation du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Elle met en avant une convergence européenne des soutiens, une convergence nationale, un verdissement qui s’ajoute à la conditionnalité, ainsi que des mesures de renforcement du pouvoir de marché des agriculteurs et des mesures de gestion de marché, de crise et d’urgence.

La convergence européenne devra tenir compte des différences de coûts de production et de la parité du pouvoir d’achat entre États membres. Elle ne devra pas se traduire par une remise en cause profonde des économies agricoles des pays membres.

Au-delà des soutiens, il faudra aussi disposer des moyens de régulation à même de limiter les effets de la volatilité des marchés résultant de problèmes climatiques, sanitaires ou de marché, et permettre aux producteurs de tirer leur revenu de l’activité qu’ils exercent.

Enfin, les agriculteurs devront pouvoir disposer d’outils individuels de gestion de leurs risques.

Je souhaite maintenant évoquer les mesures prises en faveur de la pêche et de l’aquaculture. Ayant été rapporteur du volet « pêche et aquaculture » du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche en 2010, il s’agit là d’un sujet qui me tient tout particulièrement à cœur.

Il est important de le rappeler, ce volet de la LMAP a constitué le complément indispensable de la concertation organisée dans le cadre des Assises de la pêche, qui a notamment permis à notre pays d’être le premier à présenter, à la fin de l’année 2009, des propositions pour une réforme ambitieuse de la politique commune des pêches en 2012. Bien entendu, tout le mérite vous en revient, monsieur le ministre.

Toutes les mesures du plan pour une pêche durable et responsable, annoncé au mois de janvier 2008, ont été engagées et leur mise en œuvre a bien progressé. Ce plan avait été annoncé dans le contexte d’une hausse du prix du gazole, mais allait au-delà de ce seul aspect économique.

Il visait en effet à apporter une réponse durable aux défis écologique, social et économique auxquels la pêche française est aujourd’hui confrontée.

Parmi ses mesures, on retiendra la réforme de l’organisation professionnelle, évolution attendue de tous depuis de nombreuses années et organisée dans le cadre de la LMAP. Les pêcheurs sont désormais représentés au niveau local par un comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, directement élu par les marins et les chefs d’entreprise, et, dans les départements qui en ont manifesté le souhait, par un comité départemental.

J’évoquerai également l’apport d’un soutien financier exceptionnel à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, pour renforcer son expertise halieutique et favoriser les partenariats entre les scientifiques et les pêcheurs.

La LMAP a eu pour ambition de mettre en place une véritable coopération entre pêcheurs et scientifiques – vous savez que j’avais beaucoup insisté sur ce point – concernant l’évaluation des stocks, coopération déterminante pour la fixation des quotas de pêche.

Ainsi, le Comité de liaison scientifique et technique des pêches maritimes et de l’aquaculture, créé par la LMAP, a été installé au mois de juillet dernier et s’est réuni une seconde fois cet automne. Il est désormais le lieu de rencontre qui permet des échanges fructueux entre scientifiques et pêcheurs et la prise en compte de l’expertise propre à chacun. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il faudrait élargir la mission de ce comité à l’ensemble des zones économiques maritimes, au-delà du niveau européen, c’est-à-dire au niveau du globe ?

Des organismes internationaux d’expertise participent au dispositif, comme le Conseil international pour l’exploration de la mer, le CIEM, ou encore la Commission générale des pêches pour la Méditerranée, la CGPM, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, l’ICCAT, la Commission des pêches pour l’Atlantique Centre-Ouest, la WECAFC, ou l’Organisation des pêcheries du Nord-Ouest Atlantique, la NAFO.

S’agissant du secteur des élevages marins, la LMAP a créé les schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine, dont l’objectif est de permettre d’identifier et de réserver les espaces propices au développement de cette activité. Ces schémas sont actuellement en cours d’élaboration. Les premiers devraient être adoptés à la fin de cette année. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Combien sont déjà finalisés et dans quels délais l’ensemble des schémas sera-t-il établi ?

Le plan pour une pêche durable et responsable prévoyait aussi les contrats bleus, démarche très innovante dans la filière pêche, validée par la Commission européenne.

Compte tenu du grand intérêt de la démarche pour la filière, vous avez décidé, monsieur le ministre, de reconduire ces contrats jusqu’en 2013. Nous nous en félicitons. Ainsi, 630 navires se sont portés candidats.

Le bilan des mesures de la LMAP pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture, déjà très positif, est encore en progression. En tant que rapporteur, mais aussi à titre personnel, je m’en réjouis.

Je vous poserai une dernière question, monsieur le ministre. L’an dernier, lors de l’examen de ce même budget, j’avais évoqué la question de l’allongement des périodes de pêche à la coquille Saint-Jacques, notamment pour Dieppe et Fécamp, que vous connaissez bien et qui sont directement concernés. Vous m’aviez indiqué que ce sujet faisait l’objet de discussions et que les pêcheurs devaient s’entendre sur ce sujet. Qu’en est-il aujourd’hui, monsieur le ministre ?

Je vous remercie des réponses que vous pourrez m’apporter et j’apporte évidemment, avec le groupe UMP, mon soutien au projet de budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, lors de votre déplacement dans le Gers mardi dernier avec le Président de la République, vous avez pu mesurer, comme dans toutes les exploitations françaises que vous avez visitées, les difficultés des agriculteurs. Mais vous constatez également leur courage, leur pugnacité et leur passion. Être agriculteur, ce n’est pas seulement un métier, c’est aussi une philosophie de vie. Les agriculteurs méritent que nous fassions mentir Voltaire, qui déclarait : « On a trouvé en bonne politique le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. »

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Bravo Voltaire !

M. Aymeri de Montesquiou. La stabilité de leurs revenus est une priorité que vous avez mise en œuvre, dans la LMAP, par la contractualisation des filières et la lutte contre la volatilité des prix, par ailleurs traitée dans le cadre du G20 et de l’ONU.

Si la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » participe à l’effort de maîtrise de la dépense publique grâce à la stabilité de ses crédits, ses concepteurs n’en revendiquent pas moins de mener une politique agricole forte.

Le programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » vise à renforcer les filières agricoles et à les adapter aux défis actuels, qui sont nombreux.

Améliorer la compétitivité en reconnaissant pleinement aux agriculteurs le statut d’entrepreneur est une évidence. À juste titre, vous l’avez proposé dans la LMAP.

Les agriculteurs recherchent non pas les rendements, mais les marges. Ils attendent moins de l’État des subventions que des actions structurantes et des instruments d’intervention sur les marchés qui leur permettent de vivre de leur travail.

Améliorer la compétitivité suppose aussi d’exonérer les agriculteurs de charges sociales. Le programme 154 le prévoit, à hauteur de 491 millions d’euros, pour les exploitants qui emploient des salariés occasionnels.

Cette mesure, dont l’agriculture allemande bénéficie de longue date, lui a permis de dépasser la nôtre. Elle est nécessaire, mais insuffisante : il faudra évidemment l’étendre aux agriculteurs qui emploient des salariés permanents.

Ayons conscience que la compétitivité de la « ferme France » dépend beaucoup de la fiscalité agricole. La compétitivité ne se soutient pas artificiellement à coup de subventions, voire de mise sous perfusion des filières. Elle se développe encore moins dans un environnement réglementaire toujours plus contraignant, qui confine parfois à l’absurde.

Les agriculteurs-entrepreneurs, monsieur le ministre, ont besoin de liberté ; ils attendent de l’État que la transposition de la réglementation communautaire leur laisse plus de souplesse.

Vous reconnaîtrez que cette réglementation frise parfois l’aberration, surtout lorsqu’elle est appliquée par une administration française à la limite de l’autisme…

J’ajoute que la complexité des formulaires alimente l’hostilité à l’Europe.

Le développement de la télédéclaration a-t-il permis, monsieur le ministre, de simplifier les formalités ?

À juste titre, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » vise à encourager un usage raisonné et économe des intrants.

Mais la manière dont cet objectif est poursuivi confine parfois à l’absurde, ce qu’illustre, par exemple, l’interdiction communautaire d’épandre de l’azote avant le 15 janvier. Pourquoi ne pas laisser les agriculteurs décider ? En professionnels responsables, ils savent déterminer le moment opportun pour un épandage optimal des engrais.

C’est ainsi que, dans le Gers, les semis ont deux mois d’avance cette année. Faut-il attendre le 15 janvier pour pratiquer l’épandage ? Qui est le plus compétent pour fixer la meilleure date : l’agriculteur ou Bruxelles ?

La préservation des ressources en eau prévue par l’action n° 14, Gestion équilibrée et durable des territoires, est une question majeure, notamment dans ma région.

Monsieur le ministre, le 1er juin dernier, vous avez déclaré ceci : « il est indispensable de développer les investissements pour avoir davantage de retenues d’eau et davantage de retenues collinaires, c’est du bon sens que de stocker l’eau lorsqu’elle tombe en hiver pour pouvoir en disposer pendant l’été lorsque la sécheresse commence à arriver ». Vous ne pouviez mieux dire !

Je vous demande donc quelle est votre position au sujet du projet de barrage de Charlas, en Haute-Garonne, qui permettrait l’assainissement des villes traversées et l’irrigation des exploitations.

Ce projet, d’un coût estimé autrefois à 260 millions d’euros, a fait l’objet d’études qui ont duré douze ans et d’un débat public en 2003. Le Président de la République, alors ministre de l’intérieur, et Mme Olin, ministre de l’écologie et du développement durable, avaient confirmé l’intérêt majeur de la retenue de Charlas. Soutiendrez-vous ce projet essentiel pour la région, dont les infrastructures d’eau datent du Second Empire ?

Face à des aléas climatiques de plus en plus puissants, fréquents et ravageurs, il nous faut des outils pour répondre aux crises. Parmi eux, il y a le système d’assurance et de réassurance publique. Malheureusement, aucun accord n’a pu être trouvé pour le mettre en place et le généraliser.

Aussi, je regrette vivement que le budget 2012 prévoie une baisse de 33 à 25 millions d’euros des moyens consacrés à la prise en charge des primes d’assurance. Il faudrait, au contraire, favoriser la généralisation de l’assurance agricole !

Les risques de la monoculture étant élevés, les agriculteurs n’ont pas d’autre choix que de se diversifier. Ils se doivent d’être créatifs et innovants dans plusieurs secteurs. Plusieurs options sont possibles : combinaison de la culture des céréales et de l’élevage de bovins, de volailles ou de palmipèdes, développement du tourisme à la ferme, vente directe au moyen des circuits courts intelligemment mis en place par la LMAP. La biprofessionnalisation d’un couple d’agriculteurs devrait permettre de stabiliser leurs ressources.

Mais, dans tous les cas, un facteur est toujours vital : la couverture des zones rurales par le haut débit. À ce propos, monsieur le ministre, je réitère mon souhait de voir le Gers devenir un territoire d’expérimentation pour la technologie 4G.

Si la couverture numérique du territoire est un enjeu, c’est aussi parce qu’elle doit limiter l’hémorragie de l’exode rural en permettant, grâce aux implantations de micro-entreprises ou de PME, la création d’emplois pour ceux qui peinent à conserver un travail dans l’agriculture.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Je souligne que le budget de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » préserve les crédits destinés à favoriser l’installation de sept mille jeunes agriculteurs – une mesure que je soutiens chaque année.

La PAC est indispensable : elle offre un marché et des prix à l’agriculture française. Néanmoins, ne pourrait-on pas prévoir, au nom du principe de subsidiarité, un prix garanti des céréales pour un volume donné de production à l’hectare ?

Cette mesure donnerait aux agriculteurs des régions moins fertiles la possibilité de vivre décemment. Et au-delà du plafond, la production se négocierait au prix du marché. De cette façon, notre agriculture pourrait être maintenue dans tous les territoires ruraux. Il s’agirait, en somme, de garantir un juste prix en rémunérant le travail de façon juste.

Le réseau rural français, cofinancé par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, est dynamique et innovant.

La taxe frappant les plus-values réalisées lors de la vente de terres rendues constructibles contribuera à la préservation des surfaces agricoles, alors que 93 000 hectares sont urbanisés chaque année.

Les exportations agricoles affichent un solde positif de 8,2 milliards d’euros. Mais la France, premier exportateur mondial il y a peu dans le secteur agroalimentaire, a régressé au troisième rang européen.

Cette année, cependant, nous constatons avec satisfaction que nos exportations sont en forte croissance.

Les raisons en sont que nos signes officiels de qualité sont reconnus, que l’agriculture biologique se développe, que les producteurs se regroupent et que les opérateurs tournés vers l’international sont efficaces.

Mais qu’en est-il de l’idée, évoquée l’an dernier, d’une bannière unique « France » ?

Vous devez, monsieur le ministre, concevoir une stratégie pour notre agriculture. Donnez à nos paysans et à toute la filière agricole et agroalimentaire française les moyens de conquérir une part du gigantesque marché que représenteront, en 2050, les neuf milliards d’êtres humains !

Le monde fait face au défi, colossal, d’augmenter la production agricole de 70 %. Nous devons contribuer fortement à le relever.

La crise financière, économique et alimentaire frappe plus durement les pays pauvres et 20 % de la population mondiale est sous-alimentée. C’est d’autant plus inacceptable que les spéculations sur les matières premières agricoles aggravent dramatiquement la situation.

Sous l’impulsion du Président de la République, vous avez réuni, cette année pour la première fois, le G20 agricole. La négociation que vous avez menée était difficile, parce que les organisations internationales et, surtout, les pays avaient des intérêts divergents. Mais elle a abouti parce que, selon votre propre expression, « elle avait une âme ».

L’agriculture du XXIe siècle, sous l’égide des Nations unies, refuse de laisser des humains mourir de faim ; elle devra être responsable, solidaire et généreuse.

Monsieur le ministre, vous avez donné une âme à la négociation agricole internationale ; vous saurez lui donner un cœur si vous lui donnez une stratégie à la dimension de ses espoirs !

Les membres du groupe UCR voteront les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation forêt et affaires rurales », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP – M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage les analyses et les commentaires de mes collègues Yannick Botrel, Renée Nicoux et Odette Herviaux ; ils ont souligné les points faibles de ce budget de l’agriculture, dont les crédits diminuent.

Pour ma part, je vais vous présenter quelques observations au sujet des programmes de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

La principale sera pour dénoncer la faiblesse du dispositif budgétaire de gestion des crises sanitaires ou climatiques. En 2011, pourtant, nous avons successivement dû faire face à la crise sanitaire de l’escherichia coli, attribuée à tort aux producteurs de concombres, et la sécheresse du printemps qui, se prolongeant au seuil même de l’hiver, a contraint les éleveurs à décapitaliser une partie de leur troupeau.

Le système assurantiel mis en place par la LMAP n’est pas opérationnel, malgré l’incitation financière communautaire qui représente 75 % du financement public. Surtout, la question se pose de la réassurance publique, que vous n’avez pas voulu inscrire dans la loi.

À ce propos, monsieur le ministre, le Gouvernement devait nous remettre un rapport avant la fin du mois de décembre 2010. Nous l’attendons toujours…

Par ailleurs, la dotation des actions n° 11, Gestion des forêts publiques et protection de la forêt, et n° 12, Développement économique de la filière et gestion durable, n’est pas à la hauteur des enjeux : la nécessaire mobilisation de la ressource en bois, la surexploitation de certains sites forestiers et, surtout, l’impérieuse nécessité de reboiser pour assurer, dans une démarche de développement durable, la pérennité de la ressource à long terme.

Surtout, la situation de l’Office national des forêts, l’ONF, demeure préoccupante, même si une nouvelle source de financement a été trouvée. La contribution des communes forestières à hauteur de 2 euros par hectare sur la période 2012–2016 et la subvention exceptionnelle de l’État en 2012 suffiront-elles pour que cet organisme public puisse assurer ses missions ?

Sept cents nouvelles suppressions d’emplois sont prévues pour la période 2012-2016. Cette nouvelle coupe dans les effectifs aggrave le malaise interne préjudiciable au bon fonctionnement de la structure. Celui-ci se traduit, monsieur le ministre, par de trop nombreux suicides parmi les personnels, qui regrettent qu’« on ne parle plus de forêt » à l’ONF, mais seulement de productivité et de compétitivité.

Ce constat rejoint nos observations sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » : la poursuite programmée des suppressions d’emplois désorganise les services de FranceAgriMer, de l’Agence de services et de paiement, l’ASP, ou de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES.

Pourtant, la baisse des effectifs finira bien par atteindre ses limites… D’autant que certains services se voient attribuer des missions supplémentaires ! C’est notamment le cas de l’établissement FranceAgriMer, désormais chargé d’assurer des missions d’intermédiaire pour la transmission des données des opérateurs à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Surtout, je veux dénoncer la suppression inadmissible de deux cent quatre-vingts postes dans l’enseignement agricole public et privé, prévue dans la mission « Enseignement scolaire » que nous avons examinée hier.

Prolongeant la saignée pratiquée depuis des années, ces suppressions menacent gravement la formation des nouvelles générations d’agriculteurs. Celles-ci devront pourtant relever le défi de la future PAC et celui d’une agriculture à la fois productive et respectueuse de son environnement : une agriculture qui devra concilier la performance économique et la performance écologique.

Je souhaite maintenant évoquer trois problèmes pesant, de manière spécifique, sur l’avenir de l’agriculture française. Ils ont été mis en évidence par le recensement général de l’agriculture, le RGA, mené en 2010.

Le RGA a fait apparaître une restructuration inquiétante pour le modèle agricole français : en dix ans, l’agriculture française a perdu un quart de ses exploitations ; elle ne compte plus désormais que cinq cent mille exploitations et près de 1 million d’emplois.

L’évolution de la superficie moyenne des exploitations confirme ce processus de concentration et d’agrandissement : elle gagne treize hectares pour atteindre cinquante-cinq hectares.

Le nombre des petites et moyennes exploitations diminue fortement, surtout dans les secteurs de l’élevage et de la polyculture-élevage. Au contraire, le nombre des grandes exploitations est stable et, pour la première fois, le secteur céréalier et oléagineux représente plus d’exploitations que l’élevage.

Je vous en parle avec d’autant plus d’inquiétude que la région Limousin, dont l’agriculture est principalement orientée vers l’élevage, connaît une évolution comparable : le nombre des exploitations est en baisse de 25 %, les filières ovine et bovine rencontrent des difficultés consécutives à la baisse des cours intervenue depuis 2008 et les charges augmentent, en raison notamment de la hausse du prix de l’alimentation du bétail. Et le tout est aggravé par la sécheresse qui perdure depuis quasiment le printemps.

Que la modeste embellie des cours de l’automne et l’augmentation des subventions liées au bilan de santé de la PAC ne fassent pas illusion ! Elles ne compensent même pas la hausse des charges et la situation financière des exploitations est gravissime.

Or, dans un rapport récent, l’Institut de l’élevage envisage un nouvel agrandissement des exploitations. C’est donc une nouvelle restructuration qui se profile et elle est d’autant plus inquiétante que la transmission des exploitations n’est pas assurée.

En effet, le RGA révèle que, en Limousin, 80 % des chefs d’exploitation ont plus de quarante ans et que 190 000 hectares – soit 10 % de la surface agricole utile de la région – sont valorisés par des exploitants d’au moins cinquante-cinq ans, dont les trois quarts déclarent ne pas savoir ce que vont devenir leurs terres agricoles à leur cessation d’activité.

C’est dire, monsieur le ministre, s’il est urgent de mettre en œuvre une politique volontariste d’installation de nouveaux agriculteurs.

Or votre proposition de budget ne tient pas suffisamment compte de ce défi puisqu’il est réduit de 1,7 million d’euros. C’est pourquoi nous présenterons un amendement visant à doubler la taxe sur les plus-values foncières lors de la vente de terrains nus rendus constructibles du fait de leur classement en zone urbaine et dont le produit est affecté à l’installation de jeunes agriculteurs.

J’en viens au deuxième problème que je souhaitais évoquer.

Face aux difficultés de l’agriculture française, vous proposez une stratégie d’exonération de charges patronales pour le travail permanent dans le secteur agricole. La mesure porterait sur 1 euro par heure, pour un coût total de 210 millions d’euros, financés pour partie par la taxe sur les boissons sucrées et pour le reste par la détaxe du fioul.

D’un côté, on baisse les charges patronales, mais, de l’autre, on augmente les charges liées au fioul. Ce que vous donnez d’une main, vous le reprenez de l’autre. En outre, nous ne disposons d’aucune étude d’impact de ces mesures dans la profession agricole.

Le secteur céréalier, par exemple, est très mécanisé, mais emploie peu de main-d’œuvre. En revanche, pour les serristes, qui emploient beaucoup de main-d’œuvre, le prix du fioul représente 30 % des charges.

Cela va être très dur pour eux et je m’interroge sur l’efficacité du dispositif proposé, car il ne cible pas les secteurs les plus fortement employeurs de main-d’œuvre, dont celui des fruits et légumes, qui déclare ne pas pouvoir en bénéficier, les salaires dépassant le seuil de 1,4 SMIC.

De fait, cette mesure risque même de constituer « une trappe à bas salaires ». En somme, puisqu’on n’a pas réussi à imposer dans notre pays un plafonnement des hauts salaires, on plafonne les bas salaires !

Toutefois, et malgré nos nombreuses réserves, nous ne pouvons ignorer les attentes fortes émanant de la profession agricole, mais nous ne sommes pas dupes du moment choisi pour l’annonce de cette mesure et nous ne sommes pas convaincus que cela suffira à réduire les différences de compétitivité.

En effet, quels bénéfices peut-on attendre d’une telle mesure sur les ventes de produits agricoles ? Je souhaite rappeler ici que, si les parts de marché de la France à l’export baissent, les prix agricoles, quant à eux, stagnent depuis des années à un niveau assez bas, alors que, sur la même période, les prix à la consommation augmentent.

En conséquence, cette baisse des charges aura vraisemblablement peu d’influence sur les prix des produits agricoles, sans compter qu’elle peut être considérée comme « euro-incompatible ».

Par ailleurs, cette stratégie d’exonération est coûteuse puisque, en 2012, elle absorbera près de 700 millions d’euros, somme qui aurait pu être utilisée pour des mesures plus structurantes pour l’avenir des filières, comme la recherche et l’innovation, la modernisation des bâtiments, etc.

S’il y a une véritable distorsion de concurrence entre les pays européens sur le coût du travail, c’est d’abord au niveau européen que cette question doit se régler via une politique d’harmonisation fiscale et sociale.

D’ailleurs, un accord entre le parti socialiste et le SPD allemand a été signé sur un salaire minimum dans l’agriculture.

Nous devons lutter contre le dumping social et non nous aligner !

Les pratiques d’exploitation de la main-d’œuvre étrangère, notamment roumaine, qui se développent dans le secteur agricole allemand doivent être dénoncées. Le niveau de rémunération et les conditions de vie de ces travailleurs étrangers sont scandaleux.

D’ailleurs, le coût du travail en France est-il si lourd ?

La part des charges salariales en France dans les charges totales est même plus faible qu’en Allemagne : 7,8 % contre 8,8 %.

En revanche, il est vrai que l’écart se creuse dans les secteurs les plus employeurs de main-d’œuvre : dans le maraîchage et l’horticulture, leur poids est de 24,1 % en France contre 23 % en Allemagne et dans le secteur de l’arboriculture fruitière, il est de 32,3 % contre 21,4 %.

Ce sont donc essentiellement ces filières agricoles qui devraient être aidées.

Nous serons particulièrement attentifs aux propositions du commissaire européen Dacian Cioloş sur le plafonnement des aides dans le cadre de la réforme de la PAC, pour que les secteurs employant beaucoup de main-d’œuvre soient mieux traités.

J’aborde, enfin, le troisième problème que je voulais évoquer. Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes à la veille d’une grande réforme de la PAC pour la période 2014–2020.

Dans les premières discussions du cadre financier pluriannuel pour 2014–2020, les États membres se sont mis d’accord pour maintenir le budget global de la PAC en euros courants sur base 2013, ce qui est plutôt rassurant par comparaison avec les premières propositions.

Mais il faudra rester vigilant, car les négociations sur le cadre financier pluriannuel ne font que commencer et le contexte de crise que traverse l’Europe peut conduire à des coupes budgétaires, comme lors de la fixation des perspectives financières 2007–2013, le second pilier, qui n’était pas sanctuarisé, s’étant vu taillé de 35 %.

Nous souscrivons aux objectifs de la réforme de la PAC, mais nous sommes beaucoup plus réservés sur les moyens qui sont proposés. Nous attendons du débat que des améliorations soient proposées.

Nous regrettons la disparition programmée des instruments de gestion de la production – quotas laitiers, droits de plantations pour la vigne, par exemple – et l’absence totale d’outils de régulation des marchés agricoles.

À ce propos, nous aimerions avoir un peu plus d’informations sur les résultats du G20 agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Ma chère collègue, il convient de respecter les temps de parole tels qu’ils ont été fixés par la conférence des présidents. Je vous rappelle que vous ne disposiez, pour votre intervention, que de dix minutes.

La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture, faut-il le souligner, est un secteur économique majeur pour notre pays.

Trois missions lui incombent : nourrir nos concitoyens, préserver nos paysages et contribuer à la spécificité de notre identité au sein de l’Europe.

À ce titre, elle mérite un soutien appuyé et volontaire des pouvoirs publics.

J’ajouterai que notre agriculture, par sa diversité et sa compétitivité, aura un rôle clé à jouer pour répondre, demain, au défi alimentaire mondial.

Vous le savez, mes chers collègues, la demande de nourriture va inéluctablement et fortement augmenter au fil des décennies à venir. Aussi, il faut préparer les grandes nations agricoles, dont nous sommes, à produire plus, beaucoup plus, mais aussi mieux, bien mieux que nous ne l’avons fait auparavant quand les exigences de qualité et de sécurité sanitaire étaient moindres.

Chaque jour, on compte sur terre 200 000 personnes de plus à nourrir. Selon les projections démographiques de l’ONU, nous serons au moins 9 milliards d’individus à l’horizon 2050.

Nous sommes là face à un véritable défi, qui s’inscrit de surcroît dans le contexte d’un dérèglement climatique de plus en plus avéré. C’est pourquoi, pour parvenir à assumer l’expansion de la demande alimentaire, la production agricole devra augmenter entre 70 % et 100 %.

Dans ces conditions, parce que la mondialisation est dans notre assiette, la France doit conserver son potentiel agricole.

L’agriculture française doit absolument rester dynamique afin d’être en mesure de contribuer à relever le défi alimentaire mondial et ainsi tirer parti de cette perspective sur le plan économique, avec l’appui de la PAC, naturellement, une PAC sachant concilier les impératifs de compétitivité avec les particularités nationales.

Je souhaite, monsieur le ministre, qu’elle soit discutée dans ce sens avec fermeté à Bruxelles avant d’être finalisée pour la période 2014–2020.

Car il s’agit aussi de faire vivre les agriculteurs français, qui, toujours disposés à s’adapter aux grandes mutations, ne sont pas pour autant récompensés à la hauteur de leur investissement.

Développer la production agricole, c’est d’abord et avant tout encourager les exploitants. Nous savons que les agriculteurs n’exercent pas un métier simple ; beaucoup d’entre eux doivent affronter des aléas qui remettent parfois en cause toute une vie de travail.

À cet égard, il est donc essentiel de maintenir les outils qui permettent de lutter contre la déprise agricole, de former les jeunes exploitants, de pallier les crises conjoncturelles ou les accidents climatiques, d’offrir des débouchés vraiment rémunérateurs.

Dans cette perspective, monsieur le ministre, je regrette vivement que les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » enregistrent une baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2011.

Nos collègues rapporteurs l’ont souligné : les autorisations d’engagement ont diminué de 0,47 % et les crédits de paiement, de 1,93 %. Malgré l’abondement de la mission lors de son examen à l’Assemblée nationale, l’agriculture n’est pas soutenue à la hauteur des enjeux que je viens d’évoquer à l’instant.

Naturellement, les finances publiques sont contraintes, mais prenons garde de laisser l’agriculture rater le train de la mondialisation, comme ce fut le cas pour des pans entiers de notre industrie.

Je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre souci de reconduire, au même niveau qu’en 2011, les principaux dispositifs de soutien au maintien de l’activité agricole, notamment dans les zones difficiles. Je pense notamment à la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante, qui bénéficiera de 165 millions d’euros, à la prime herbagère agroenvironnementale, dont les contrats seront prolongés jusqu’en 2014, à la poursuite des plans de développement des filières initiés cette année ainsi qu’aux exonérations de charges sociales, particulièrement pertinentes pour un secteur riche en main-d’œuvre.

Je voudrais d’ailleurs rebondir sur ce dernier point pour signaler, après notre collègue Joël Bourdin, que le rapport Guillaume, qui mesure la performance des niches fiscales, juge efficaces la majorité de celles qui concernent l’agriculture. C’est une bonne nouvelle qui doit inciter le Gouvernement, monsieur le ministre, à aller chercher des économies ailleurs, dans les secteurs où les effets d’aubaine sont légion.

J’ai toutefois aussi beaucoup de regrets, car certains instruments me semblent sous-dotés.

La gestion des crises et des aléas climatiques ne concentre que 2 % des crédits du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires ». Ils ont été rabotés au titre du plan d’économies supplémentaires du 24 août 2011.

Est-ce bien raisonnable, alors que nous savons malheureusement que, chaque année, l’agriculture sera fatalement confrontée à une crise sanitaire, économique ou climatique ?

Je suis d’autant plus inquiet que le dispositif d’assurance récolte tel qu’il a été redéfini par la loi de modernisation agricole n’est toujours pas suffisamment incitatif pour les agriculteurs. Je comprends bien les difficultés liées à la question de la réassurance publique, mais, au nom du principe de solidarité, il me semble possible de parvenir un à système satisfaisant à la fois pour les agriculteurs, pour les assureurs et pour les contribuables.

Enfin, mes chers collègues, n’oublions pas les agriculteurs d’hier, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour apporter leur pierre au modèle agricole français.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes nombreux sur ces travées à attendre un geste en faveur des retraites agricoles, dont le niveau est encore très faible pour la plupart des pensionnés, qui ont consacré toute une vie de travail au difficile et noble métier de paysan.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire sur ce budget, que la majorité des membres du RDSE ne soutiendront pas. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.

M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, j’avais souligné, l’année dernière, les problèmes du secteur de la viande bovine pour m’inquiéter de la situation des producteurs, dont les charges et les contraintes ont fortement progressé sans que leur rémunération suive.

En effet, la flambée du prix des intrants et des céréales, par exemple, a réduit à néant la valeur ajoutée produite dans de nombreuses exploitations. Les producteurs se sont appauvris, précarisés, et la crise mondiale n’a fait qu’aggraver les choses. Notre collègue Gérard Bailly a parfaitement décrit la situation dans son rapport d’information présenté au Sénat cet été.

Aujourd’hui, la situation perdure. Les trésoreries sont éprouvées par des années « noires » et, dans les zones d’élevage, comme dans mon département du Calvados, certains professionnels s’interrogent sur la poursuite de leur activité tant elle est devenue aléatoire.

À l’autre extrémité de la chaîne, les consommateurs trouvent la viande rouge de plus en plus chère et s’en détournent au profit d’autres modèles de consommation ou encore de viandes importées de l’autre bout du monde. C’est aussi cela les conséquences de la globalisation.

Certes, monsieur le ministre, vous n’êtes pas resté sans agir. Vous êtes intervenu pour soutenir la filière, et je l’ai apprécié. Vous avez souvent rappelé votre engagement au côté des éleveurs et réaffirmé votre volonté de faire « remonter les prix de la viande ».

Lorsque j’évoque votre action, je songe notamment aux avances versées au titre des aides directes de la PAC ou des indemnisations liées à la sécheresse, ainsi qu’aux démarches accomplies auprès des banques pour l’aménagement des emprunts. Je connais par ailleurs votre attachement à l’essor de la contractualisation, destinée à donner une visibilité économique aux éleveurs.

Depuis peu, il semblerait que les cours de la viande bovine remontent. L’année dernière, les producteurs bloquaient les abattoirs pour manifester leur malaise : aujourd’hui, ils veulent reprendre espoir, croire à l’embellie. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. En effet, s’agissant des prix, les éleveurs ont besoin d’une longue période de prix stables pour reconstituer leur trésorerie. Les cycles de l’élevage sont longs !

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Très juste.

M. Ambroise Dupont. Les exportations, quant à elles, progressent, notamment grâce à l’ouverture du marché turc. Mais comme l’a rappelé le dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la France n’est pas autosuffisante en matière de viande bovine : notre pays doit en importer des volumes non négligeables alors que nous disposons du premier cheptel de l’Union européenne !

Monsieur le ministre, vous le savez mieux que personne, un long chemin reste à parcourir pour assurer la modernisation du secteur de la viande bovine et lui faire retrouver la voie de la compétitivité. Nous comptons sur vous. La France dispose de nombreux atouts : la traçabilité et la sécurité sanitaire de nos produits sont exemplaires.

La filière équine constitue, à mes yeux, un second sujet d’inquiétude. En tant que président sortant du groupe d’études sur l’élevage, section cheval, du Sénat, je suis naturellement attentif à cette activité dont dépendent au total près de 75 000 emplois et qui contribue à l’aménagement du territoire ainsi qu’à l’entretien des paysages.

Je saisis cette occasion pour me féliciter du classement de l’équitation de tradition française par l’UNESCO, au titre du patrimoine immatériel de l’humanité. Il s’agit d’un hommage rendu à l’excellence de notre filière nationale.

Vous le savez, monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, le groupe cheval s’est pleinement mobilisé au sujet des menaces pesant sur le taux réduit de TVA appliqué, en France, aux activités du secteur équin.

En effet, la Commission européenne a engagé des procédures devant la Cour de justice de l’Union européenne contre plusieurs États membres, dont la France, en raison de leur taux réduit de TVA dans ce secteur, estimant qu’il ne relevait pas des « activités agricoles ».

Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Autriche ayant déjà été sanctionnés par la Cour, les professionnels s’alarment d’une probable condamnation de la France au cours des prochains mois. Une telle décision porterait un rude coup à la filière, même si l’on ne peut, pour l’heure, préjuger ce que déterminera la Cour de justice, ni dans ses conclusions ni dans ses attendus.

Nous avons donc pris, dès le printemps, attache avec les différents ministres concernés, avec vous-même, monsieur le ministre, et, sur l’initiative de mon collègue Jean Bizet, alors président de la commission des affaires européennes, le Sénat a adopté une résolution précisant que le taux réduit de TVA devait « continuer à s’appliquer à l’ensemble de la filière équine, tant à la livraison des équidés qu’aux activités qui s’y rattachent ».

Toutefois, ce dossier est particulièrement complexe. En effet, si la Commission conteste que la filière dans son ensemble puisse être assimilée à une activité agricole, soumise au taux réduit de TVA, elle semble admettre qu’une partie de ses activités en bénéficie, au titre des activités sportives.

Tel est le sens d’une récente réponse apportée par la Commission à une question posée par deux députés européens, et qui indique que « les livraisons de chevaux en vue de leur utilisation dans la production agricole peuvent être soumises au taux réduit dans certaines conditions. En outre, le droit d’admission aux manifestations sportives et le droit d’utilisation d’installations sportives sont éligibles au taux réduit. Ces droits sont également éligibles au taux réduit de TVA dans le secteur équestre ».

Je me réjouis pour la filière que le Sénat ait adopté, après l’Assemblée nationale et avec le soutien du Gouvernement, l’article 5 sexies de la première partie du présent projet de loi de finances, dont M. Marini a souligné que la formulation était « eurocompatible ». Cette disposition permettra de maintenir un taux réduit de TVA pour les activités sportives.

Toutefois, je ne suis pas convaincu de l’efficacité de cet article qui, à mes yeux, soulève plusieurs difficultés. En effet, les courses hippiques, la vente de chevaux ou encore les opérations de saillie n’entrent pas dans son champ d’action. L’article 5 sexies marque donc une rupture dans l’approche de la filière, envisagée aujourd’hui d’une manière homogène, telle que l’avait instituée la loi. La position de la France pourrait s’en trouver affaiblie dans la négociation européenne relative à la TVA et dans sa volonté de voir ce secteur d’activité traité de la même manière.

De plus, une telle disposition mettrait à mal la solidarité qui s’est nouée entre les différentes spécialités de la filière.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour les autres secteurs de la filière, et en particulier les courses ? Vous mesurez l’importance de l’élevage de chevaux de course en France et de la concurrence fiscale européenne dans ce domaine. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux intégrer les courses dans le monde sportif – ce ne serait pas abusif – ou, à tout le moins, élaborer un mécanisme leur permettant de disposer d’un taux de TVA identique ?

Je rappelle qu’en 2003, au Haras du Pin, les ministres de l’agriculture, des sports et du budget avaient annoncé ensemble un « nouveau départ » pour la filière, en conférant au cheval un statut agricole. De fait, les chevaux de course participent des activités agricoles : ils broutent tous de l’herbe ! (Sourires.)

Toutes ces questions sont cruciales pour un secteur économique qui, les statistiques l’attestent, fait vivre de nombreuses familles et dont on ne dira jamais assez qu’il constitue un pan à part entière de notre agriculture, aménageur du territoire.

J’évoquerai enfin les associations de races françaises de chevaux de trait, fédérées par France-Trait, dont j’avais souligné la détresse financière l’année dernière. Cette année encore, leurs moyens subissent une baisse, ce qui ne manquera pas de poser de sérieux problèmes pour leur fonctionnement. Elles ont pourtant parfaitement répondu aux demandes successives de l’État, et comptent sur votre attention, monsieur le ministre.

À l’heure où nombre de négociations sont en cours, au niveau international avec le G20 et au niveau européen dans le cadre des réunions consacrées à la PAC, la France agricole s’interroge sur son avenir dans le contexte de la mondialisation, qu’il convient de saisir comme une chance et plus seulement comme une contrainte.

Monsieur le ministre, nous sommes conscients de votre engagement dans les enceintes internationales pour défendre les intérêts de l’agriculture française, et nous comptons naturellement sur vous. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qu’on a pu affirmer ces derniers temps, je ne suis pas « sectaire ». Quant aux membres de notre groupe, ils ne s’attachent nullement à opposer les agriculteurs à l’environnement, bien au contraire ! (M. Alain Bertrand s’exclame.)

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Joël Labbé. Je ne suis ni intégriste ni passéiste, pour employer les qualificatifs dont on nous affuble. En revanche, je suis utopiste, j’en conviens, car l’utopie est devenue nécessaire par les temps qui courent.

Mes chers collègues, nous devons assumer nos responsabilités en tant que politiques, en faisant preuve de lucidité face à la situation présente.

En effet, la société dans son ensemble subit de nombreuses évolutions, qui touchent particulièrement l’agriculture. Or, personnellement, je ne crois plus au modèle agricole actuel, comme beaucoup de Françaises et de Français, en particulier parmi les jeunes.

Face à la pensée encore dominante, une résistance active s’organise peu à peu pour défendre le droit de vivre autrement, de penser autrement, de produire autrement. Nous ne pouvons que nous réjouir qu’elle soit désormais représentée et que sa voix puisse être entendue dans cette assemblée.

Mes chers collègues, je vous exprime mes convictions profondes, avec ces armes pacifiques dont Léo Ferré disait qu’elles savent « mettre de la poésie dans les discours ».

On évoque souvent les neuf milliards d’êtres humains que le monde comptera bientôt. Affirmer que la productivité française devra augmenter, en conséquence, de 70 % à 100 % nous semble toutefois impensable ; de fait, alors que nous continuons d’appauvrir les pays tiers, la France ne peut pas indéfiniment augmenter ses exportations ! Le cas du Brésil l’illustre : au sein de ce grand pays exportateur, douze millions de paysans sont contraints de vivre dans les favelas.

Monsieur le ministre, vous soulignez que ce budget apporte des réponses structurelles aux besoins de l’agriculture française pour « relever le défi agricole mondial ». Vos ambitions sont claires : l’augmentation de la production et la compétitivité sur les marchés mondiaux.

Des conceptions différentes de l’agriculture et de sa place dans la société s’affrontent aujourd’hui, dont l’une, véritablement dominante, dans laquelle la part consacrée à une agriculture ultra-spécialisée, prête à conquérir les marchés mondiaux, est de plus en plus importante.

En 2010, le revenu moyen de la profession agricole s’élevait à 24 300 euros par an. Néanmoins, ce chiffre cache de grandes disparités entre les filières et entre les régions.

Mes chers collègues, le monde agricole va mal, très mal, à l’exception d’une minorité qui vit très bien. À l’heure actuelle, 25 % des paysans perçoivent un revenu inférieur au RMI, 40 % d’entre eux ne gagnent pas même le SMIC. De fait, le secteur agricole n’a pas vu ses revenus progresser depuis le début des années quatre-vingt.

Le système agricole qui reste le nôtre est à bout de souffle et les agriculteurs en sont les premières victimes. Les précédents orateurs l’ont déjà souligné : le nombre d’exploitations agricoles a encore chuté de 26 % ces dix dernières années. Plus d’un quart d’entre elles !

Les petites et moyennes exploitations de polyculture et élevage sont les grandes victimes de ce système productiviste qui fournit des aliments de qualité très moyenne et sacrifie l’emploi dans les campagnes. Ce processus est inquiétant car, contrairement à la monoculture, la polyculture garantit la rotation des terres et donc leur fertilité pérenne, préservant ainsi la biodiversité agricole.

Face à la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effets de serre, c’est bien le développement de petites et moyennes exploitations de proximité – destinées à nourrir les hommes là où ils vivent – qui fera sens.

Certes, il faut préserver notre souveraineté alimentaire, mais en défendant une agriculture paysanne d’avenir, moderne et mécanisée sans excès. Cet objectif induit le développement de circuits courts de commercialisation – ce mouvement est d’ores et déjà engagé, il doit encore prendre de l’ampleur –, la protection des semences paysannes, l’accès à la terre et à l’eau. Il faut constituer des réserves alimentaires physiques et diversifiées pour stabiliser les prix et gérer les risques en cas d’urgence et de catastrophes naturelles ; il faut aussi, bien sûr, prendre des mesures pour interdire la spéculation sur les aliments.

À ce titre, l’adoption conforme par l’Assemblée nationale, lundi dernier, de la proposition de loi relative aux certificats d’obtention végétale qui crée un nouveau type de brevetage du vivant, le « droit de propriété intellectuelle original », est inadmissible : de fait, ce texte porte une atteinte grave aux droits fondamentaux des agriculteurs, celui de prendre part à la protection de la biodiversité. Il porte également atteinte à leur indépendance, pourtant si nécessaire face aux lobbies des semenciers.

Mes chers collègues, j’espère que, dans un avenir proche, l’abrogation de cette loi scélérate deviendra une priorité nationale.

Pour sortir le secteur agricole de la crise où il est plongé, la principale stratégie du Gouvernement consiste à réduire le coût du travail. Ainsi, des coupes drastiques ont été opérées, à hauteur de 11 % pour la modernisation des exploitations, et de 39 % pour l’action Gestion des crises et des aléas de production.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances ne met pas l’accent sur la qualité sanitaire des aliments. Je citerai deux exemples à ce propos.

Premièrement, qu’a fait l’actuelle majorité gouvernementale contre les pesticides qui empoisonnent non seulement les agriculteurs mais aussi notre alimentation ? Le Sénat a logiquement voté une hausse de la TVA pour les produits phytosanitaires, portée de 5,5 % à 19,60 %. J’ose espérer qu’on ne reviendra pas sur cette mesure.

Monsieur le ministre, un récent rapport du Centre d’analyse stratégique, rédigé à la demande du ministère, plaide en faveur de l’arrêt des aides publiques dommageables à la biodiversité. Vous feriez bien de vous en inspirer !

Deuxièmement, le Gouvernement persiste à subventionner de fait les agro-carburants, alors que leurs effets néfastes sont connus. Ainsi, en juin 2011, sept banques se sont regroupées pour cultiver 10 000 hectares de terres en Sierra Leone et produire, d’ici à 2014, près de 90 000 mètres cubes d’éthanol carburant.

Cette production nécessite de vastes monocultures qui s’étendent au détriment des productions vivrières. Elle est destinée aux pays riches, qui font face à des difficultés énergétiques depuis la fin du pétrole bon marché et qui ont à cœur de « verdir » leur image. L’alimentation des populations locales est donc mise en péril, les dégâts sont importants : on évoque souvent neuf milliards d’êtres humains à nourrir, commençons par cela et cessons de les piller !

La surface globale mondiale consacrée aux agro-carburants est passée de 13,8 millions d’hectares en 2004 à 37,5 millions d’hectares en 2008, soit deux fois la surface cultivable de la France.

Le Sénat a voté la suppression de l’exonération de la taxe intérieure de consommation pour les agro-carburants, et j’espère que l’on n’osera pas revenir sur cette décision.

Monsieur le ministre, résisterez-vous aux arguments de M. Beulin, par hasard président de la FNSEA, mais également P-DG du groupe industriel Sofiproteol, spécialisé dans la production d’agro-carburants et dans l’importation de soja transgénique, via sa filiale Glon-Sanders ?

Comment justifier aussi la baisse de 7,5 % du budget de l’administration et des établissements publics, notamment de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail ?

Le sort fait à l’agriculture biologique dans ce budget est également révélateur : le crédit d’impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique est divisé par deux pour 2012.

À la fin du mois de juillet 2010, seulement 2,46 % de la surface agricole utile était en agriculture biologique. À ce rythme, l’objectif de passer à 6 % de la surface agricole utile en 2012 et à 20 % en 2020 ne sera pas atteint. Pourtant, à condition de s’en donner les moyens, on peut – et on doit ! – atteindre cet objectif, d’autant qu’un récent rapport scientifique international atteste qu’une agriculture biologique moderne, mécanisée sans l’être à l’excès, peut très bien nourrir la planète.

Il est vraiment temps de mettre un terme à certaines incohérences et à certains dysfonctionnements.

En ce qui concerne la gestion des pêches et de l’aquaculture, cette action ne représente que 3 % du budget de la mission. C’est principalement l’agence FranceAgriMer qui met en œuvre les engagements budgétaires, un organisme dont le budget avait sévèrement été amputé lors de la précédente loi de finances. Selon la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, les quotas individuels attribués à chaque navire par les gouvernements nationaux sont supérieurs à la capacité de capture de ces navires, ce qui encourage de fait la surpêche, alors même que 88 % des stocks de poissons sont surexploités en Europe. En la matière, la France n’est pas exemplaire.

À l’heure actuelle, les permis de pêcher sont attribués en fonction des volumes capturés antérieurement : cela épuise les ressources halieutiques et avantage les plus grosses compagnies, qui n’ont pas nécessairement pour objectif l’intérêt général, et qui s’accaparent les ressources. Pour nous, écologistes, le droit de pêcher devrait être conditionné au respect de critères environnementaux et sociaux.

En conclusion, nous ne voterons pas le budget de cette mission. Nous ne nous résignerons pas face à cette mort annoncée et programmée d’une certaine agriculture française et de ceux qui la font vivre.

Nous défendons au contraire le droit des agriculteurs à faire une agriculture de qualité et à pouvoir vivre de leur production. La terre nourricière doit être de nouveau considérée comme un bien commun, et le métier de paysan comme un métier d’utilité publique. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai sur le programme 149 « Forêt ».

Cette année internationale de la forêt aura été marquée en France par la difficile renégociation du contrat de plan État-ONF pour la période 2012–2016 et par un certain nombre de modifications structurelles affectant le programme 149.

Je tiens d’abord à rappeler un certain nombre de principes qui, je crois, devraient guider toute réflexion en matière forestière.

Au fond, qu’est-ce qui est important lorsqu’on parle de forêt ? Il convient de ne jamais perdre de vue la forêt comme écosystème, la forêt comme garantie d’une eau de qualité, la forêt comme processus de fixation du carbone atmosphérique, la forêt comme lieu d’accueil du public et donc comme espace de convivialité où s’exercent des droits obtenus à la Révolution.

La forêt s’inscrit par ailleurs dans un temps long et symbolise en cela, mieux que toute autre chose, ce que peut être le développement durable, concept de plus en plus galvaudé. C’est pourquoi elle nécessite la préservation des savoir-faire des forestiers ainsi qu’un engagement continu et une vision de long terme, que seul l’État, au moyen d’un service public, peut garantir. Et je rappelle ici deux principes de ce service public : la continuité du service et l’égalité devant celui-ci.

Avec l’affichage par le Président de la République d’une ambition forte pour la forêt française, on pouvait donc s’attendre à ce que la période qui s’ouvre soit marquée par un nouvel engagement fort de l’État dans ce domaine.

Or qu’observe-t-on ? Le Gouvernement veut accroître la part de l’effort qui incombe aux collectivités – 9 % en 2010, 11 % en 2011 et plus de 15 % en 2012 – pour réduire celle de l’État. Ainsi, il a proposé à l’Assemblée nationale d’augmenter les frais de garderie en en élargissant l’assiette et en proposant une contribution forfaitaire à l’hectare de deux euros, qui n’est pas compensée par une baisse du taux de 12 % et qui impactera donc toutes les communes forestières, en particulier les communes propriétaires de forêts peu productives, notamment dans le sud de la France.

Cette nouvelle version des frais de garderie est-elle compatible avec la philosophie du régime forestier, qui a toujours constitué un outil de péréquation et permis une même qualité de gestion en tous points du territoire ? Nous en doutons et nous reviendrons sur ce point lors de l’examen de l’article 48.

Toutefois, comme je l’ai indiqué, cette hausse des frais de garderie est aussi un bon moyen pour l’État de se désengager. Monsieur le ministre, vous nous aviez dit vouloir maintenir le versement compensateur et, de fait, il est maintenu au même niveau en valeur nominale. Mais, en euros constants, cela veut dire la poursuite de la baisse continue amorcée depuis de nombreuses années. Par ailleurs, l’apport de l’État s’inscrit en augmentation grâce à la contribution exceptionnelle de 46 millions d’euros pour ce contrat et à la hausse de la dotation pour les missions d’intérêt général. C’est une bonne chose.

Cependant, la question reste posée de savoir si ces nouveaux moyens financiers seront pérennisés. En outre, seront-ils suffisants, sachant qu’une partie sera consacrée à l’augmentation de la contribution aux retraites des fonctionnaires ? Enfin, pourquoi prévoir la suppression de 693 postes de fonctionnaires équivalents temps plein, dont 77 en Lorraine, ma région, pour autoriser dans le même temps le recrutement de 80 équivalents temps plein adossés à des contrats de droit privé ? À quand une gestion des ressources humaines et des compétences digne de ce nom ?

Pour en revenir aux objectifs en termes d’exploitation, la répartition de l’effort demeure insatisfaisante. On veut toujours demander plus à la forêt publique, quand l’essentiel des gisements est en forêt privée. Or, il suffit de regarder les dotations du Centre national de la propriété forestière, le CNPF, pour constater les hésitations de l’État en la matière.

La restructuration de l’ancien centre national et des dix-huit centres régionaux est a priori louable, car elle permet une mutualisation pertinente des moyens sans pour autant remettre en cause l’autonomie de gestion des anciens centres régionaux.

Malheureusement, le compte n’y est pas sur le plan des crédits de fonctionnement, puisqu’ils ont été réduits de près de 22 % en 2011, pour n’être augmentés que de 18 % pour l’année à venir, alors même que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 a généralisé l’obligation faite aux propriétés forestières de plus de 25 hectares de se doter d’un plan simple de gestion, que celles-ci soient ou non d’un seul tenant, ce qui multiplie généralement par deux le nombre de plans simples de gestion à instruire pour les centres régionaux.

En dépit de toutes les assurances que vous avez pu nous donner à l’occasion du débat de mai dernier sur la politique forestière et la filière bois, permettez-moi, monsieur le ministre, d’émettre des doutes quant à l’adéquation des moyens avec les objectifs poursuivis, et des craintes à l’égard de l’avenir de l’ONF et du régime forestier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vous annonce d’emblée que, à l’instar de la grande majorité de mes collègues du groupe du RDSE, je ne voterai pas ce budget.

Pour un ministre d’envergure comme vous, monsieur Le Maire, qui conseille le premier personnage de l’État sur son futur programme de campagne (Sourires.), je trouve que ce budget manque d’ambition.

Au regard de l’importance de l’agriculture pour notre pays – l’élevage est présent sur 60 % de notre territoire, l’agriculture sur 100 % de celui-ci –, je dirais même qu’il manque d’âme.

Dans une période difficile, il manque aussi d’agressivité. Vous avez parlé de 5, 6, 7, 8 ou 9 milliards de personnes à nourrir : nous sommes déjà excédentaires à l’exportation, mais pourquoi ne pas envisager demain de produire et d’exporter davantage, si on le fait dans de bonnes conditions ?

Il est vrai que les agriculteurs sont des gens vaillants, durs au mal. Mais j’ai assisté récemment aux congrès des différents syndicats qui composent notre monde agricole, et je trouve que ce budget n’envoie pas de signes assez forts à la profession.

La légère baisse des crédits que l’on observe n’est pas un bon signal. Je ferai pour ma part des propositions pour augmenter ces derniers, mais, au préalable, il faut oser dire que cette diminution est le fruit d’un arbitrage. Le Gouvernement a fait le choix de réduire les déficits publics, mais aussi de se priver de nombreuses recettes qui auraient permis de financer certaines actions. Le rétablissement de la progressivité de l’impôt sur tous les revenus rapporterait ainsi de 10 à 20 milliards d’euros supplémentaires par an.

On compte un quart d’exploitations de moins qu’en 2000, et de nombreux agriculteurs rencontrent des difficultés financières, alors que la grande distribution ou les filières situées en aval accumulent les bénéfices.

Les prix des produits agricoles sont élevés et il ne fait pas de doute que nos concitoyens mangeraient beaucoup plus de viande, de fruits ou fromages si ces produits étaient plus abordables.

Les syndicalistes ont dû également attirer votre attention sur le maquis administratif auquel les agriculteurs sont confrontés, monsieur le ministre. Nous devons continuer à agir dans le sens d’une simplification.

Les problèmes ne manquent pas : un agriculteur retraité du bas de l’échelle touche 680 euros par mois pour une carrière complète, tandis que certains actifs ont des revenus inférieurs au SMIC ; le système d’assurances ne fonctionne pas très bien et le Fonds de garantie des risques s’avère inadapté ; les mesures de régulation des marchés sont homéopathiques…

La sécheresse du printemps dernier a également été terrible pour l’élevage. Vous avez certes fait des efforts, monsieur le ministre, en faisant le choix de privilégier la recherche de solutions structurelles d’avenir plutôt que le versement d’un deuxième acompte. Il n’en demeure pas moins que certaines trésoreries sont exsangues : dans le Massif central, nous redoutons des catastrophes humaines. Les préfets et les directions des territoires sont là pour accompagner les éleveurs, mais le ministère de l’agriculture reconnaît que certaines exploitations ont subi jusqu’à 70 % de pertes – autant dire une catastrophe.

Il me semble d’ailleurs que ce budget ne réserve pas une place suffisante à l’élevage, ni plus d’ailleurs qu’à l’aménagement du territoire. Lors des travaux en commission de l’économie, nous n’avons pas suffisamment insisté sur le rôle d’aménageur du territoire de l’agriculteur et sur le fait que le fonds commun de la République, c’est la mairie, l’Église pour certains, mais aussi l’agriculture. Elle occupe notre espace et fait vivre nos campagnes !

La plus grande ville de France, ce n’est pas Paris, monsieur le ministre, c’est l’ensemble des villages de notre pays, qui tous sont attachés à l’agriculture.

En ce qui concerne les aides, je suis pour la paix syndicale, mais je ne comprends pas qu’un gouvernement qui compte un homme de votre qualité et de votre poids ne prenne pas la responsabilité de commencer à rebattre les cartes, monsieur le ministre, notamment entre les céréaliers et les autres producteurs. Tout le monde sait que 10 % des exploitations touchent 50 % des aides, et qu’un autre groupe de 30 % des agriculteurs touchent 2,5 % des aides.

Se pose aussi le problème du fossé entre les très grandes exploitations et les petites. Tout à l’heure, des chiffres ont été donnés par notre collègue Mme Bourzai. La réalité est bien plus dramatique que cela. En milieu très rural, on voit des exploitations d’élevage de 500, 700 ou 1000 hectares dont les agriculteurs ne peuvent plus faire le métier d’entretenir l’espace. Là aussi, vous avez manqué d’ambition, monsieur le ministre. Mais peut-être allez-vous faire preuve d’ambition, puisque tout peut changer.

Sur le dumping social, l’euro que vous retirez au coût horaire de la main-d’œuvre, c’est bien, c’est un signe, mais il faut trouver d’autres modalités : on ne peut pas laisser crever nos producteurs de pêches ou d’abricots face à la concurrence des produits qui viennent d’Espagne et sont vendus à des prix contre lesquels on ne peut pas lutter.

La question de l’hydraulique est importante. Nous savons tous que des programmes massifs vont être mis en œuvre. Dans la région Languedoc-Roussillon, nous avons un grand projet Aqua Domitia, avec conduite d’eau enterrée, pour 50 millions d’euros. Dans ce domaine, le budget prévoit 2 millions d’euros. Donc, je souhaite que nous fassions des efforts.

S’agissant du chiffre d’affaires, tout à l’heure un sénateur de cette partie de l’hémicycle (L’orateur montre les travées de la droite.) a dit : il faut faire du chiffre d’affaires, il faut nourrir les gens, c’est la première mission de l’agriculteur.

Mais pour certains territoires, on pourrait, me semble-t-il, monsieur le ministre, substituer à la notion de compétitivité économique, à laquelle nous sommes tous attachés et qui reste le cœur du problème et le cœur de l’agriculture, la notion de compétitivité territoriale. Elle est certes beaucoup plus complexe, mais elle permettrait de prendre en compte le principe républicain d’aménagement du territoire et de solidarité territoriale, elle vise notamment la montagne.

Afin de respecter le temps de parole qui m’est imparti, je vais abréger mon propos.

En matière d’actualité, je trouve scandaleuse – quoi que l’on m’explique – cette loi par laquelle les semenciers privent les agriculteurs du réemploi de leurs semences alors que c’est quelque chose d’historique, de culturel, de patrimonial.

Mme Odette Herviaux. Tout à fait !

M. Alain Bertrand. Les agriculteurs qui ont fait ce pays doivent se retourner dans leur tombe !

Monsieur le ministre, faites quelque chose ! Revoyez également la copie sur le fioul, notamment la hausse de 1,54 euro de la taxe intérieure de consommation sur ce produit !

Monsieur le ministre, prenez en compte les parcours herbacés pour la montagne et pour l’élevage – cela va être fait dans le cadre de la PAC –, de telle manière que même les pâturages en sous-bois, qui ne sont pas exactement des prairies naturelles ou des prairies artificielles mais qui sont le cœur de l’élevage dans les zones de montagne, puissent être éligibles.

Un dernier mot pour vous dire qu’une mission sur la ruralité a été initiée par le Président de la République, au sein de laquelle siègent des députés, notamment celui de la Lozère. À cette mission, on dira que l’égalité doit être respectée entre les territoires. Or, les territoires ruraux ne connaissent pas cette égalité puisqu’ils sont en permanence l’objet d’une discrimination négative. Ainsi, nous n’avons pas d’université, pas de Zénith, pas d’opéra, pas de TGV, pas d’aéroport.

Monsieur Le Maire, vous qui êtes un ministre influent du Gouvernement, faites en sorte que l’égalité entre les territoires ne nous soit pas opposée et que cette discrimination devienne une discrimination positive pour la ruralité ! (Mmes Odette Herviaux et Renée Nicoux ainsi que M. Yvon Collin applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le ministre, je vais essayer d’être un peu plus positif que les collègues qui m’ont précédé car, dans un contexte budgétaire rigoureux, vous avez réussi à maintenir vos crédits à un montant identique à 2010 – 5,5 milliards d’euros –, ce qui est déjà bien.

Je me réjouis, tout d’abord, de la pérennisation des dépenses d’intervention telles que – c’est important pour nous, vous le savez – l’installation des jeunes agriculteurs – 167 millions d’euros –, du développement des filières – 60 millions d’euros – et, surtout, des efforts faits pour l’élevage de montagne avec les 248 millions d’euros pour l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN – on sait que cela est capital – et la prime herbagère. Cela n’allait pas de soi dans le contexte actuel, on le sait bien.

Autre motif de satisfaction, la diminution de 1 euro par heure du coût du travail des salariés payés au SMIC. Selon moi, cette mesure est positive. J’ai entendu le contraire tout à l’heure, j’en suis surpris car je voulais demander que cet euro soit donné aux services de remplacement dans nos élevages, services qui réalisent un travail important. Je suis donc étonné de voir qu’une partie de l’hémicycle n’est pas favorable à la mise en œuvre d’une telle mesure.

Préserver notre compétitivité dans la concurrence européenne et mondiale est un vrai défi, surtout à l’heure où il va falloir nourrir – cela a été dit par nombre de collègues – déjà aujourd'hui 7 milliards d’hommes et où il va falloir rester productifs tout en préservant davantage notre environnement. Nourrir l’humanité, – cela a été dit également – c’est la belle mission des agriculteurs. Mais après avoir, pendant les années soixante et quatre-vingt, poussé les agriculteurs à une production intensive, l’enjeu est maintenant de conjuguer compétitivité économique et écologie en préservant les ressources naturelles, et en même temps de garantir, bien sûr, la sécurité alimentaire.

Monsieur le ministre, que pensez-vous du volet environnement de la PAC d’après 2013 où 30 % des aides aux agriculteurs seraient conditionnées à de bonnes pratiques, impliquant la mise en espace environnemental de 7 % de la surface totale des terres ? Ces pourcentages me paraissent excessifs. Quand on dit qu’il faudra de la terre pour nourrir l’humanité, que pensez-vous de ce chiffre de 7 % ?

Le fameux « verdissement » de la PAC, déjà bien compliqué, ne doit pas pour autant devenir la quadrature du cercle pour les agriculteurs et je peux vous dire que beaucoup d’entre eux sont inquiets. Soyez vigilant, monsieur le ministre, pour tous nos labels, nos AOC, qui sont souvent les productions de régions particulièrement difficiles et qui ne pourraient être compétitives avec d’autres productions. Il faut aussi que la PAC accepte que ces productions soient l’équivalence des possibilités de commercialisation de ces produits de qualité.

J’en viens, bien sûr, à la question de l’élevage, sujet que je suis de près, comme vous le savez.

J’ai noté avec satisfaction l’augmentation du prix du lait et de la viande bovine ces derniers mois et je m’en réjouis car 2009 et 2010 ont été des années très difficiles. Il n’empêche que nous nous interrogions l’an dernier, monsieur le ministre, – vous vous en souvenez peut-être – sur la formation du prix du steak : acheté 3 euros le kilogramme à l’éleveur et revendu 17 euros le kilogramme au consommateur... Les choses ont-elles beaucoup évolué depuis ? L’Observatoire des prix et des marges a-t-il facilité la transparence au niveau de la distribution et des grandes et moyennes surfaces ? Les grandes et moyennes surfaces, les GMS, ont-elles enfin produit les éléments d’information qu’on leur demande ? La grande distribution respecte-t-elle l’accord sur la répercussion de l’augmentation des coûts de production ?

Voilà quelques instants, un orateur affirmait que les prix alimentaires étaient élevés. Cela m’ennuie de le contredire, mais quand on sait que, aujourd'hui, les gens ne dépensent plus que 12 % de leur budget pour l’alimentation et que 4 % seulement du produit va chez les agriculteurs, cela me fait mal d’entendre de tels propos à cette tribune. En effet, ce n’est quand même pas l’alimentation qui coûte cher. Sinon, il ne faut pas dire qu’il faut donner aux agriculteurs la possibilité d’augmenter leurs prix.

L’augmentation des prix agricoles est en partie due à vos nombreux efforts, monsieur le ministre, et notamment ceux qui ont facilité les actions en faveur de l’exportation. Je me réjouis de votre annonce de la constitution d’un groupement d’exportation de viande bovine française. C’est un instrument indispensable qui permettra une meilleure organisation de nos exportations, digne de notre pays qui est le premier exportateur de viande bovine en Europe. Nous avons là une filière d’excellence reconnue, où la demande est en forte augmentation hors d’Europe, et il n’y a aucune raison pour que nous nous laissions prendre ces marchés notamment par l’Argentine ou le Brésil !

Je souscris donc totalement à votre vision, monsieur le ministre, de conquête de parts de marché à l’exportation – je sais que vous y avez déjà beaucoup contribué. C’est comme cela que nous préserverons l’avenir de nos filières françaises.

Je ne veux pas achever mon propos sur le chapitre de l’élevage sans vous demander, monsieur le ministre, de la vigilance – c’est un dossier qui m’est cher – sur le niveau des aides aux bâtiments d’élevage, c’est important pour les éleveurs. Il faut également faire attention à toutes ces parcelles d’herbe qui sont retournées pour faire des céréales.

Je dirai quelques mots sur la forêt et la filière bois : c’est une filière importante pour notre pays, source d’emplois et de création de richesses, mais pas encore assez exploitée. Parmi nos handicaps, il y a le manque de dessertes forestières, surtout dans les massifs de montagne, et un morcellement trop important des parcelles qui nuit à une gestion et une exploitation rationnelle des bois.

J’avais présenté dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, un amendement visant à instituer une obligation d’information du propriétaire de la parcelle – moins de 4 hectares – à ses voisins immédiats en cas de vente, afin de favoriser le regroupement foncier, car je ne doute pas que, à l’instar des remembrements fonciers, on va faire des remembrements dans nos forêts. Cette obligation d’information a été transformée en « droit de préférence » à l’Assemblée nationale, ce qui a entraîné un certain nombre d’incompréhensions et de difficultés, notamment pour les notaires. Ces derniers ont, semble-t-il, augmenté d’une façon significative leur rémunération pour les petites parcelles, autorisés en cela par un décret du 17 janvier 2011. C’est dommage car les prix des transactions chez les notaires vont être dissuasifs pour les acquéreurs et l’objectif de pouvoir acheter les petites parcelles contiguës risque d’être mis en cause. Monsieur le ministre, c’est un point qu’il faut absolument revoir car c’est important.

Quant à l’instauration de la cotisation de 2 euros à l’hectare pour les communes forestières, contrairement à la collègue qui s’est exprimée tout à l’heure, je ne suis pas choqué que l’on sollicite une cotisation à l’hectare car il faut aussi une certaine péréquation et l’État, cette année, a fait des efforts en augmentant sa participation au financement de l’ONF.

Je ne terminerai pas sans évoquer – cela a été dit par M. Collin voilà quelques instants – les retraites agricoles, qui sont bien en dessous des retraites des autres professions, en particulier pour les femmes d’exploitant, et dont le montant est souvent misérable après plus de quarante années de cotisations... Je suis bien conscient que des efforts ont été réalisés en matière de revalorisation des pensions, avec surtout, en 2009, la création d’un minimum de pension pour les retraités du régime non salarié agricole. Mais qui, en France, accepterait de partir, après une carrière complète, avec une retraite aussi dérisoire ? À titre d’exemple, en Franche-Comté, selon les chiffres qui viennent de m’être fournis, c’est 735 euros en moyenne pour les chefs d’exploitation retraités. Combien de couples qui ont travaillé toute leur vie dans leur ferme ont encore moins de 1 200 euros par mois ? La loi de 2010 portant réforme des retraites prévoyait une étude sur la faisabilité de l’application de la règle des vingt-cinq meilleures années, comme cela se fait pour les salariés du régime général. Avez-vous, monsieur le ministre, les conclusions de cette étude, qui pourrait nous faire espérer atteindre 85 % du SMIC, comme l’avait souhaité le Président de la République ? Pensez-vous que les retraités agricoles peuvent avoir quelques espoirs d’amélioration pour l’avenir, malgré les grandes difficultés financières de notre pays ?

Je dirai enfin un mot sur l’enseignement supérieur agricole, mon collègue Jean-Claude Carle ayant appelé mon attention sur ce sujet.

Les crédits qui lui sont consacrés relèvent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais je souhaite profiter de votre attachement à ces filières, monsieur le ministre, pour connaître votre sentiment.

Sept écoles sont concernées, qui forment actuellement 50 % des ingénieurs français en agriculture. Dès 2003, l’État les a encouragées à développer leur activité de recherche, mais n’a pas intégralement versé les fonds nécessaires. Malgré l’adoption d’un décret le 23 juin 2009 concernant leur financement, les établissements sont encore aujourd'hui sous-dotés de 6,5 millions d’euros.

Considérant l’importance de l’enseignement supérieur, mon collègue Jean-Claude Carle et moi-même souhaitons avoir une réponse.

Je vous redis toute ma confiance, monsieur le ministre, pour tout ce que vous avez déjà entrepris et je voterai, bien sûr, ce budget. (MM. Jean-Claude Lenoir et Jean-Claude Carle applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des données chiffrées, qui démontrent la dégradation des dotations budgétaires de cette mission, il convient à ce stade d’en relever l’application quasi mécanique exigée au titre du plan de rigueur gouvernemental, qui fait courir le risque de régressions majeures, notamment dans le secteur agricole.

L’enjeu en est une restructuration particulièrement inquiétante, focalisée de fait sur les objectifs du territoire hexagonal et qui, d’ores et déjà, relègue les outre-mer et la Guyane, que je représente, au rang de priorités de second plan.

L’argument de la restructuration, celui des restrictions présumées indispensables à la compétitivité sur les marchés commerciaux, s’impose aux outre-mer souvent en dépit du bon sens.

En Guyane en particulier, les enjeux se situent encore au niveau de la structuration élémentaire des filières de production et d’activité.

Ainsi, l’agriculture dans une région immense mais aux terres cultivables difficilement accessibles est attachée non pas à des problématiques de compétitivité, mais avant tout à des questions d’accès au foncier et, en même temps, à une autosuffisance alimentaire.

Lorsque la métropole réalisait ses principales réformes agraires, la Guyane voyait, au contraire, l’essentiel de ses terres cultivables confisquées pour le domaine privé de l’État.

C’est pourquoi il faut à tout prix conforter les outils d’accès au foncier viabilisé, en renforçant les missions confiées à l’Établissement public d’aménagement en Guyane.

Les dispositifs budgétaires de l’État, adaptés à des objectifs principaux d’autoproduction alimentaire, enjeux urgents pour les outre-mer avec une aide concrète à la diversification et à la commercialisation, auraient ainsi tout leur sens.

Comment développer autrement ce secteur agricole, sinon en le considérant comme un élément porteur du développement endogène pour l’ensemble des outre-mer ? C’est là que l’on observe des coûts de production locale souvent supérieurs à ceux de nombre de produits importés.

Les mesures facilitant l’approvisionnement des producteurs en matières premières sont donc cruciales, mais elles se situent manifestement aux antipodes des préoccupations actuelles du Gouvernement, alors que la viabilité de ces mesures repose tout de même sur un marché de plus de 2 millions de consommateurs.

En vérité, les avantages fiscaux sur les bénéfices envisagés en faveur des producteurs ont peu de pertinence pour des volumes de production et de vente encore insuffisants.

Les attentes de nos concitoyens se situent à dire vrai précisément au cœur des mesures de restriction gouvernementales, telles que l’aide à l’installation ou le renforcement des aides directes au fret, à l’import et à l’export, alors que actuellement, au contraire, le monopole du transport aérien entraîne des hausses insupportables pour les professionnels des outre-mer.

En Guyane encore, tous les facteurs liés aux enjeux de production alimentaire doivent être soutenus, y compris les facteurs constitutifs des prix des matières premières et des sources d’approvisionnement.

À l’heure où se dégradent les moyens du contrôle qualité en métropole, on nous oppose une stricte réglementation. Pourtant, des mesures sanitaires ainsi qu’une politique douanière et commerciale énoncées depuis de longs mois, comme le prévoit le traité de Lisbonne, devraient nous ouvrir des portes en matière de coopération régionale. Ce serait là, monsieur le ministre, une perspective considérable de production, de consommation des ménages ou d’intérêt collectif particulièrement encadrée et, enfin, de commercialisation, plus conformes aux réalités et aux besoins alimentaires.

S’agissant de l’aménagement du territoire, à l’époque, vous aviez, monsieur le ministre, évoqué l’existence d’une mission visant à réformer les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui étudierait simultanément le fonctionnement et la gouvernance de l’EPAG. Où en est-on, monsieur le ministre ?

La pêche, davantage encore en Guyane, est loin d’être une filière structurée, dont les besoins restent et ne pourront que rester en marge des dotations budgétaires de l’État dont la timide hausse conjoncturelle ne saurait masquer la chute brutale des dotations observées de manière pluriannuelle.

Au regard du projet de loi de finances, la Guyane restera effectivement à l’écart des objectifs fixés pour la détermination des crédits nationaux, dont la grille vise des objectifs incertains de modernisation face à la concurrence internationale.

Il y a là manifestement matière à réflexion quant à l’incapacité aussi marquée de définir une stratégie à partir de la zone économique exclusive de plus de 11 millions de kilomètres carrés que procurent les outre-mer à la France.

La pêche outre-mer est, nous le savons, artisanale ; elle est pratiquée par des pêcheurs sans formation, peu armés pour faire face aux normes et pratiques du commerce international, et qui sont, surtout, exclus des emplois relevant des accords entre l’Europe et les pays tiers.

À ce titre, l’organisation professionnelle de la filière est l’un des objectifs premiers, afin d’être entendu jusqu’au niveau du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins pour que, au-delà du rôle consultatif de celui-ci, on puisse faire valoir les réalités ultramarines.

La Guyane reste le seul département ultramarin à ne pas avoir de centre permanent de formation aux métiers maritimes, portuaires et fluviaux. Pourtant n’est-ce pas là le préalable à toute politique de développement, qui s’appuie sur des équipements et la valorisation de la production ?

D’ailleurs, la commission de l’économie vous avait, à l’époque, interpellé, monsieur le ministre, sur les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour développer la formation aux métiers de la mer en Guyane et dans les outre-mer en général. Quid de ces mesures ?

Enfin, je voudrais évoquer la question du régime forestier, à propos duquel demeurent les plus fortes inquiétudes quant à la question de la contribution des communes forestières et à la pérennité de la gestion de ce patrimoine, qui a perdu en vingt ans près de la moitié de ses agents.

Nul n’ignore le capital constitué par la forêt primaire de Guyane, et surtout son potentiel carbone, qui dote la France d’un argument de poids dans les négociations internationales en matière de préservation de l’environnement et de développement durable. Mon interrogation principale porte sur la mise sous cloche, de fait, de toute valorisation de la biodiversité guyanaise avec un juteux marché international de CO2, et qui ne trouve, en retour, aucun projet de dotation compensatoire.

Non seulement ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux nationaux et mondiaux – produire plus et mieux–, mais il n’est pas adapté aux outre-mer et ne s’accompagne pas de mesures qui auraient pu rendre les restrictions supportables : une véritable démarche de structuration de filière, des dispositions pour diminuer le coût du fret aérien, pour un accès plus facile au foncier et à l’installation des dispositifs, pour l’assouplissement des marchés publics afin de permettre aux petits producteurs de trouver des débouchés pour leurs produits, un véritable dispositif de formation permanent, tenant compte des débouchés réels et des perspectives de développement des secteurs.

Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, comment l’analyse rapide de filières essentielles du secteur primaire nous conduit inéluctablement à la logique selon laquelle le budget de l’État ne peut faire avec et pour les outre-mer, et ne peut se résoudre à en faciliter le développement endogène. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de poursuivre nos travaux afin d’achever l’examen des crédits de la mission et du compte d’affectation spéciale avant le dîner, c'est-à-dire à vingt et une heures, chacun s’engageant alors à faire en sorte que ce délai soit tenu. (Assentiment.)

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je veux vous dire d’emblée combien nous apprécions votre action et la façon dont vous traitez, à bras-le-corps, les dossiers, défendant, au niveau européen, les intérêts de l’agriculture française. Nous avons un excellent ministre de l’agriculture.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai !

M. Gérard Bailly. Tout à fait ! Et on veut le garder !

M. Jean-Claude Lenoir. C'est la raison pour laquelle je voterai, avec mes collègues de l’UMP et de l’UCR, les crédits qui nous sont proposés.

La discussion budgétaire donne aux parlementaires l’occasion d’ouvrir une sorte de catalogue, qui leur permet de poser des questions sur des sujets qui méritent d’être examinés et auxquelles vous apporterez sans doute des réponses.

Premièrement, j’évoquerai la question du lait, un sujet que vous connaissez bien.

Il y a quelques semaines, vous avez accompagné le Premier ministre lors d’un déplacement dans mon département. Vous avez pu voir des producteurs de lait particulièrement dynamiques, qui procèdent eux-mêmes à la phase de transformation pour vendre leurs produits sur la place parisienne. Mais la grande majorité des producteurs de lait sont inscrits dans un processus de collecte via les laiteries.

Cette filière rencontre aujourd'hui un vrai problème, et permettez-moi ici de vous apporter mon témoignage, car les producteurs de lait ont besoin d’avoir des éclaircissements ; je pense que vous avez des réponses à leur apporter, monsieur le ministre.

Il ne m’appartient pas de refaire la genèse des quotas laitiers. En 2003, a été prise la décision de mettre fin au système des quotas laitiers en mars 2015. Le Gouvernement a anticipé sur cette mesure et, dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, vous avez proposé, et nous vous avons soutenu, le principe de la contractualisation entre les producteurs et les acheteurs.

Un calendrier a été prévu : en principe, les laiteries devaient proposer aux producteurs laitiers un projet de contrat avant le 1er avril. Dans votre réponse à une question écrite publiée à la fin du mois d’octobre dernier au Journal officiel, vous suggériez de poursuivre la discussion, car un certain nombre de problèmes restaient à régler. Mais le temps passe, monsieur le ministre, et, pour organiser cette rencontre entre les producteurs et les acheteurs, il faut des bases juridiques. En effet, il faut organiser la profession des producteurs laitiers de telle façon que ces derniers pèsent dans les négociations avec les acheteurs, aussi bien avec les transformateurs qu’avec les collecteurs de lait.

Je sais que vous pensez qu’il nous faut attendre encore un peu parce qu’une directive européenne est en préparation, qui sera de nature à autoriser l’organisation que vous souhaitez mettre en place, afin que celle-ci ne se heurte pas aux règles de la concurrence. De même, un décret visant à organiser de façon formelle les groupements de producteurs est en préparation. Mais le problème, c’est que certains producteurs ont été obligés de lâcher prise avant dans les discussions avec certaines laiteries, et ce pour une raison simple, que j’ai apprise il y a quelques jours seulement. En effet, une laiterie importante, que je ne citerai pas ici, a lancé aux producteurs laitiers un ultimatum : si au 1er décembre le contrat n’est pas signé, la prime « saisonnalité » ne sera pas versée.

Mme Odette Herviaux. Exactement !

M. Jean-Claude Lenoir. Or, cette prime représente une part importante de leurs revenus.

Monsieur le ministre, quelle réponse rapide pouvez-vous aujourd'hui apporter aux producteurs de lait, qui se rencontrent et organisent des réunions, lesquelles rassemblent de nombreux participants, tant l’angoisse est forte ?

Deuxièmement, j’aborderai la question des zones défavorisées simples.

Une grande partie de mon département appartient à une zone défavorisée simple ; nous savons qu’une discussion est engagée pour réduire les périmètres de ces zones. On entend dire que l’on veut rapprocher les critères retenus de ceux des zones de montagne. Mais quels que soient les efforts des élus, ma région n’est pas prête de ressembler à une zone de montagne ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture. La mienne non plus !

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, vous connaissez bien ce problème, vous qui êtes élu d’un département voisin de l’Orne, celui de l’Eure. J’aimerais être sûr que vous preniez en compte ce problème.

Troisièmement, je parlerai des contraintes environnementales.

On a toujours un peu l’impression que les Français font volontairement plus, car ils croient devoir faire mieux que les autres. Les règles environnementales qui s’appliquent au niveau européen doivent ensuite être traduites par des mesures franco-françaises. À cet égard, je citerai deux exemples, et vous me contredirez si j’ai tort.

Le premier concerne les surfaces en herbe, les prairies.

Aujourd'hui, les critères français obligent un exploitant agricole possédant des prairies à afficher les mêmes surfaces que sa surface de référence ; on examine ces surfaces exploitation par exploitation et non pas sur un plan général.

Or on sait que les prairies ne sont pas la source des plus revenus les plus importants. À cet égard, permettez-moi de prendre un cas précis : on a obligé un propriétaire de prairies, qui a décidé de monter un atelier de volailles, à supprimer une partie de ses surfaces céréalières pour compenser. Cette décision frise l’absurdité quand on sait qu’il avait précisément besoin de ces surfaces en céréales pour nourrir ses volailles.

Second exemple : est-il vraiment nécessaire de maintenir la couverture hivernale des sols, alors que l’herbe ne pousse pas vraiment en hiver ?

Monsieur le ministre, j’aimerais avoir une réponse sur ces deux points, quand bien même celle-ci ne serait pas immédiate.

Quatrièmement, j’en viens à la procédure des calamités agricoles pour sécheresse, un sujet sur lequel nous avons entretenu une correspondance pendant des mois, monsieur le ministre.

Mon département a été, comme d’autres, victime de la sécheresse. Or lorsqu’on vient déposer un dossier de demande d’indemnisation au titre des calamités « sécheresse », il nous est répondu, y compris par des voix autorisées du ministère de l’agriculture : ce n’est pas le moment car on est en pleine période d’évaluation ; nous verrons lorsque cette période sera terminée. Soit ! Mais quand cette période s’achève-t-elle ? En effet, on m’a fait le coup deux années de suite. Il faudrait tout de même qu’à un moment on sache quand les cartes sont rebattues et que l’on peut éventuellement réexaminer les territoires où il est possible de faire jouer la procédure dite des calamités agricoles.

Enfin, monsieur le ministre, même si les quelques secondes qui me restent ne seront pas suffisantes pour bouleverser le dossier, je veux néanmoins ajouter ma voix à celles qui se sont élevées dans cet hémicycle pour dire combien les retraités du monde agricole sont aujourd’hui dans une situation des plus difficiles.

Ce sont des gens qui ont travaillé toute leur vie et ont une carrière pleine. Mais, quand on affiche dans votre permanence les revenus qui leur sont octroyés par rapport aux cotisations qu’ils ont versées, on constate qu’il leur est impossible de vivre !

L’affirmer à cette tribune, ce n’est pas m’exposer à être pris pour un démagogue ; c’est simplement témoigner de ma solidarité avec ceux qui ont largement nourri la France et bâti notre société. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pardonnez-moi de reprendre la parole, mais il me semblait que ce budget consacré à la pêche, petit de par le montant de ses crédits, mais aux grandes conséquences sur nos territoires littoraux, méritait bien quelques minutes supplémentaires.

Voilà quelques semaines a eu lieu à l’Assemblée nationale une réunion entre les parlementaires français et Mme Maria Damanaki, commissaire européenne en charge des affaires maritimes et de la pêche, à qui j’ai pu faire part de ma totale opposition à la logique libérale de privatisation de la ressource qui semble guider cette réforme, et cela sous l’apparence du seul souci environnemental !

Ses objectifs tels les quotas individuels transférables annoncent une politique de dérégulation qui conduira inexorablement à un processus de concentration et de financiarisation de la filière, entraînant la disparition de la diversité de nos modes de pêche.

En revanche, la Commission semble ignorer les objectifs sociaux et économiques : drôle de conception du développement durable !

D’ailleurs, dans ce qui ressemblait un peu à un dialogue de sourds, Mme la commissaire a reproché aux parlementaires français de soutenir et de défendre les pêcheurs, alors que la Commission devait défendre la pêche !

Mais de quelle sorte de pêche s’agira-t-il s’il n’y a plus de pêcheurs ? Une pêche minotière exclusivement destinée à nourrir les poissons d’élevage ? Ce n’est pas notre vision !

Pour notre part, nous défendons ardemment la gestion collective de la ressource halieutique, qui a démontré son efficacité et accompagné utilement l’évolution des comportements des professionnels.

Faut-il rappeler que, sur la façade atlantique, le pourcentage de stocks dits « surexploités » a diminué de 25 % en quelques années ? Monsieur le ministre, les Français, eux, ne s’y sont pas trompés si l’on en croit un récent sondage qui a été publié dans un grand quotidien régional et selon lequel plus de 80 % d’entre eux ont une bonne image du secteur de la pêche et des pêcheurs, et reconnaissent à 68 % leurs efforts en faveur de l’environnement.

De même que nous refusons les quotas individuels transférables, QUIT, nous refusons le « zéro rejet », qui n’est ni écologiquement souhaitable, ni techniquement applicable. Cette vision stricte et réductrice condamne à court terme l’existence de la filière et, surtout, risque de réduire à néant tous les efforts réalisés par nos pêcheurs et nos chercheurs sur les matériels de pêche plus sélectifs, notamment dans ma région où le slogan : « trier sur le fond, pas sur le pont ! » n’est pas un vain mot.

Quant au rendement maximal durable, RMD, si nous sommes conscients que la préservation de la ressource est un objectif stratégique et une nécessité, nous nous interrogeons sur les conséquences, à court terme et à moyen terme, pour les professionnels, de cette précipitation soudaine de l’Europe à vouloir l’imposer dès 2015, alors que depuis le Sommet mondial sur le développement durable, qui s’est tenu à Johannesburg en 2002, et jusqu’en 2010 aucune mesure n’a été prise pour le mettre en œuvre. Pourra-t-on, en cinq ans, revenir sous la barre de ce RMD ?

Nous avons besoin d’un calendrier raisonnable, établi, si possible, en concertation avec les professionnels et les représentants de la filière.

L’Association des régions de France, ARF, la Conférence des régions périphériques et maritimes d’Europe, la CRPM, et les organisations de producteurs, tout en reconnaissant la nécessité d’introduire un système d’écoconditionnalité au sein du futur Fonds européen pour la pêche, le FEP, demandent unanimement une mise en œuvre progressive, avec des études d’impact qui tiennent compte de la spécificité des pêcheries.

Avant de terminer mon propos, je souhaite saluer tous ceux qui, pêcheurs ou scientifiques, avec un sens exemplaire des responsabilités, ont travaillé en étroite collaboration pour développer de nouvelles pratiques écoresponsables et faire comprendre la nécessité d’appliquer au secteur de la pêche l’idée de développement durable, dans toutes ses dimensions, environnementales certes, mais aussi sociales et économiques. C’est l’esprit des contrats bleus, qui reconnaissent et valorisent les services environnementaux rendus par les pêcheurs.

En revanche, je regrette la baisse des crédits consacrés aux recueils des données et à tout ce qui pourrait affaiblir les capacités de recherche et d’innovation hébergées par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, dont le rôle décisif dans ce domaine n’est plus à démontrer.

Je regrette également, et cela depuis plusieurs années, les conséquences parfois négatives des plans de sortie de flotte, qui représentent plus de 20% des crédits nationaux dédiés à la pêche : renchérissement du prix des navires d’occasion, fragilisation du renouvellement des générations en dissuadant des installations pourtant vitales.

Cela menace d’autant plus gravement la pérennité de la filière que les moyens déployés en faveur de la modernisation des navires sont faibles et que les perspectives européennes sont particulièrement sombres en la matière.

Par ailleurs, le prix du gazole continue à peser lourdement sur le coût d’exploitation, d’où la nécessité de bateaux récents, plus économes, mais aussi plus sûrs et mieux adaptés aux conditions de travail.

Je conclurai avec le projet annuel de performances, dans lequel sont reconnus les efforts des collectivités dans ce domaine pour leurs financements complémentaires. Mais la reconnaissance est trop timide, alors que ces collectivités se battent quotidiennement pour préserver les infrastructures, le dynamisme de leurs espaces portuaires ainsi que des filières d’enseignement efficaces et innovantes, sans parler des secteurs en crise, comme l’ostréiculture.

Je souhaite très sincèrement que, sur tous ces secteurs liés à la mer – pêche, conchyliculture, aquaculture –, nous prenions toutes nos responsabilités et que le Gouvernement déploie des moyens à la hauteur du destin maritime qui devrait être celui de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de l’agriculture nous pousse à nous interroger sur l’avenir de notre modèle agricole dans une conjoncture de plus en plus incertaine au vu des mutations économiques, sociales et désormais environnementales auxquelles nous devons faire face. Les diverses interventions de cet après-midi l’ont bien démontré, ce n’est pas dans un esprit très serein que nous appréhendons cet avenir.

À cette inquiétude justifiée vient s’ajouter un scepticisme qui l’est également quant à l’adaptation des mesures qui nous sont proposées actuellement pour apporter une réponse durable à la crise traversée par nos agriculteurs.

Nous savons tous que l’avenir de notre agriculture ne pourra malheureusement pas se régler uniquement à l’échelon national. L’Europe a un rôle central à jouer, tout comme l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Or, pour l’instant, les décisions prises sont décevantes, car elles restent très largement orientées vers les marchés, au détriment des hommes et des territoires.

La mondialisation et l’évolution des pratiques agricoles font que nous ne pouvons plus voir notre agriculture comme il y a quarante ans ; c’est une évidence. Mais, dans le même temps, cette mondialisation ne doit pas se faire sans garde-fou, et l’ouverture de nos économies doit inévitablement s’accompagner de véritables outils de régulation et d’harmonisation des pratiques aux niveaux européen et mondial. Ce constat est vrai en agriculture comme ailleurs.

Dans ce cadre, les réflexions menées actuellement sur la nouvelle PAC sont cruciales. J’espère qu’elles donneront lieu à une véritable prise de conscience collective, celle de la nécessité de repenser notre modèle agricole dans son ensemble, afin qu’il soit en phase avec nos besoins et nos attentes, que ce soit en termes non seulement économique, mais aussi social, environnemental et sanitaire !

En effet, il est impensable de continuer d’appréhender l’agriculture sous le seul prisme de la compétitivité, telle qu’elle s’entend sur les marchés financiers. En agriculture, plus encore qu’ailleurs, il faut redéfinir la compétitivité. Si cela ne s’entend que par une recherche du moindre coût, l’agriculture française telle que nous la voulons est condamnée à disparaître.

En revanche, si, par compétitivité, nous entendons qualité des produits, respect des normes environnementales ou sanitaires, développement des circuits courts, création d’activités dans les territoires, alors les agriculteurs français ont toutes leurs chances, car ils ont dans ce domaine de véritables atouts. Mais encore faut-il vouloir s’engager vers un système qui valorise et rémunère ces pratiques !

Malheureusement, aujourd’hui, nous ne sommes pas dans cette optique, le budget de cette année en est une illustration. Ainsi, l’axe majeur du présent budget, sa mesure phare tout au moins, repose sur une exonération des cotisations patronales sur le travail permanent pour les plus bas salaires, permettant de baisser de 1 euro par heure le coût du travail rémunéré au SMIC.

Comme l’année dernière, c’est ainsi que le Gouvernement semble percevoir la compétitivité de notre agriculture : par une recherche des plus bas coûts de main-d’œuvre. Or, à ce jeu-là, nous serons inévitablement perdants, car nous trouverons toujours moins cher que nous dans le monde.

Même si ces mesures peuvent soulager momentanément les agriculteurs, force est de constater qu’elles ne répondent pas aux problèmes de fond en ne s’inscrivant pas dans une politique de soutien et de développement à long terme de notre agriculture.

Nous en avons tous conscience, le contexte économique actuel est difficile, mais il faut absolument substituer à ces mesures conjoncturelles des mesures structurelles.

Certes, je ne le conteste pas, les salaires et les charges peuvent peser lourd dans les comptes d’exploitation des maraîchers, arboriculteurs ou viticulteurs, secteurs qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre.

Il est vrai aussi que certains États membres de l’Union européenne, parmi lesquels l’Allemagne et l’Espagne, pratiquent un véritable dumping social avec des salaires très bas et des charges faibles, voire inexistantes, sur le travail salarié agricole. Ma collègue en a parlé tout à l’heure et nous sommes tous à le regretter.

Toutefois, la méthode que vous avez choisie n’est pas sans soulever de nombreuses interrogations. Tout d’abord, le financement de cette exonération par une augmentation de la taxe sur le gazole non routier revient à faire payer aux agriculteurs une aide en leur direction.

Ensuite, ce choix apparaît bien coûteux pour les finances publiques, car il faut compenser la moindre recette auprès de la mutualité sociale agricole, la MSA. Ne peut-on craindre des effets d’aubaine ?

Autre question qui se pose, celle de l’eurocompatibilité. Ces exonérations ne risquent-elles pas d’être considérées comme une aide sectorielle ?

Enfin, quelle sera l’efficacité réelle de cette mesure en matière de compétitivité ? Rien ne nous assure que le gain de 1 euro de l’heure sera répercuté sur le prix de vente des produits. Or, en limitant cet allégement aux bas salaires, ne risquez-vous pas d’entretenir la précarité et les faibles rémunérations ? En effet, pour bénéficier entièrement de cette mesure d’exonération de charges, les exploitants agricoles seront incités à payer leurs salariés moins de 1,1 SMIC, au risque de paupériser toute une profession.

Monsieur le ministre, lutter contre le dumping social en Europe doit être un objectif majeur, mais l’objectif ne doit pas être de nous aligner sur ceux qui pratiquent le dumping social ! Tant que nous n’assurerons pas à nos agriculteurs un revenu décent, notamment par un contrôle assidu de la « construction » des prix, nous ne résoudrons pas le problème.

J’en profite ici pour dire quelques mots sur l’état d’application de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite LMAP, qui devait justement donner de nouveaux outils à notre agriculture pour qu’elle sorte de la crise. Monsieur le ministre, un an et demi après son adoption, son bilan est plus que mitigé.

La contractualisation, recette miracle de la LMAP, peine à se mettre en place. Les contrats proposés sont majoritairement individuels, et non collectifs. De ce fait, les rapports de force entre producteurs agricoles et acheteurs continuent d’être très largement au détriment des premiers. Le conflit entre Lactalis et ses producteurs, qui refusent de signer le contrat très déséquilibré qui leur est proposé, montre bien que la contractualisation n’est pas la solution miracle. La contractualisation est quasi inexistante dans le domaine de l’élevage bovin.

De son côté, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ne fait qu’observer les déséquilibres persistants entre l’amont et l’aval de la chaîne de production. Cet organisme n’ayant pas vocation à les corriger, qu’est-il envisagé pour y remédier ?

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une conjoncture économique difficile et un budget inévitablement contraint, je ne peux me résoudre à voter les crédits de cette mission, qui manque d’ambition pour le monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de vous présenter cette mission du budget 2012 du ministère de l’agriculture.

J’entrerai d’emblée dans le vif du sujet pour dire qu’il m’arrive parfois de penser que nous ne vivons pas tous dans le même monde.

Mme Bernadette Bourzai. Ça, c’est sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, à écouter Mme Renée Nicoux, on a le sentiment que l’agriculture va mal, que la loi ne porte pas ses effets, que les prix ne se relèvent pas et que tous les agriculteurs sont plongés dans une dépression profonde. Pardonnez-moi, mais je ne partage pas ce misérabilisme sur le monde agricole. (Mme Bernadette Bourzai s’exclame.) Je connais les difficultés du monde agricole, je vais dans les exploitations deux fois par semaine. Je rencontre des paysans qui souffrent, en particulier, ceux qui touchent des retraites encore trop faibles. Dans le Massif central, par exemple, je vois bien les difficultés soulignées par Alain Bertrand. Je sais que beaucoup d’éleveurs n’ont pas des revenus suffisants, mais, enfin tout de même, un peu d’optimisme, un peu de réalisme ! (Mme Michèle André s’exclame.)

Quelle filière a repris aujourd’hui la première place en matière de viticulture mondiale ? C’est la viticulture française ! Quelle est la seule filière économique aujourd’hui productrice de richesses en matière d’exportations, celle dont les excédents commerciaux extérieurs ont augmenté de 20 % ? C’est la filière agricole ! Quels sont les seuls prix qui ont réellement remonté dans les filières animales ? Ce sont ceux de la filière bovine, qui vient d’enregistrer plus de 30 centimes d’augmentation du kilogramme de viande ! C’est la plus forte augmentation depuis huit ans ! Regardez la réalité en face, regardez les résultats que nous avons obtenus ! (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)

Je refuse catégoriquement qu’on cède au misérabilisme sur le monde paysan français. Il a fait des réformes, il a su changer, il a su s’adapter et il réussit mieux que beaucoup d’autres filières économiques ! Vous ne convaincrez pas les paysans français en leur mettant la tête sous l’eau, en leur expliquant que tout va mal, alors que, grâce à leurs efforts et à leur détermination, ils ont relevé la tête et sont aujourd’hui à la tête de l’agriculture européenne !

Ce budget est à l’image de ce que nous voulons faire pour les paysans français. Nous l’avons maintenu à 5,5 milliards d’euros. Nous avons voulu, comme Yannick Botrel l’a d’ailleurs rappelé, faire en sorte que l’agriculture française puisse disposer des moyens dont elle a besoin. Et, là encore, quand on regarde, filière par filière, on s’aperçoit que les choses progressent.

Depuis trois ans, l’agriculture française a relevé la tête. Et on ne peut pas, chaque année, servir le même discours, qui consiste à dire : tout va mal, les prix s’effondrent, la crise frappe partout et les paysans français n’arrivent pas à réussir aussi bien qu’ils le devraient. Car ce n’est pas rendre justice aux efforts qu’ils ont faits. S’il est une filière économique qui a su se moderniser, un secteur de l’économie qui a su prendre à bras-le-corps la mondialisation et les réformes européennes, s’il est un secteur qui a compris la nécessité de s’adapter à la demande mondiale, de changer et de faire preuve, en matière de respect de l’environnement, de plus d’attention et de changement, c’est le secteur agricole !

Défendre les paysans français, ce n’est pas leur dire : tout va mal ! Défendre les paysans français, c’est leur dire : vous réussissez, vous y arriverez et vous réussirez encore mieux demain ! (Mme Renée Nicoux s’exclame.) C’est ma conviction profonde.

Examinons les filières les unes après les autres. Dans l’élevage, la stratégie que nous avons suivie est la seule qui donne des résultats. L’élu du Massif central qu’est Alain Bertrand ne me contredira pas sur ce sujet. Les éleveurs français ont terriblement souffert au cours des dernières années.

Mme Bernadette Bourzai. C’est sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour la première fois, ils ont le sentiment que leur ministre a compris quelle est la bonne stratégie à adopter : assez de subventions, assez d’allocations, assez de prix soutenus artificiellement, assez de promesses que l’État ne peut plus tenir, assez d’argent public qu’on n’a plus les moyens de donner ! En revanche, de l’organisation des filières, la création d’un groupement à l’exportation – qu’ils attendaient depuis des années et qu’aucun de mes prédécesseurs n’avait eu le courage de faire –, l’ouverture des marchés – qu’ils demandaient depuis des années et qu’aucun de mes prédécesseurs n’avait réussi à obtenir, qu’il s’agisse du marché turc, du marché russe ou des marchés d’Afrique du Nord. Ces marchés, aujourd’hui, sont ouverts parce qu’on a fait les démarches nécessaires ! Et les prix remontent !

Vous savez tous que les éleveurs veulent vivre décemment de leur travail. Ils veulent des prix, et non des primes. Et ce relèvement des prix, vous le savez aussi, ne sera pas le résultat d’une augmentation de la consommation en France. Les prix évolueront au rythme de notre capacité à prendre des parts de marché en Russie, au Kazakhstan, en Afrique du Nord, en Turquie, au Japon, dans tous ces pays qui consomment de plus en plus de viande bovine.

Voilà la réalité et voilà pourquoi je continuerai à me battre. Une augmentation de trente centimes d’euro au kilogramme pour la viande bovine, c’est le meilleur résultat depuis huit ans, qu’on le veuille ou non !

J’en viens à la filière laitière. Bien sûr, des difficultés demeurent, et je ne les nie pas, notamment sur la signature des contrats. Mais nous sommes en passe de les surmonter. Les producteurs de lait vont saisir le Médiateur, qui est là pour éviter que, comme Jean-Claude Lenoir le signalait, un certain nombre d’industriels n’abusent d’eux et ne leur fixent des ultimatums. Aucun ultimatum n’est acceptable !

J’ai tout fait pour renforcer le pouvoir des producteurs de lait. Nous sommes en train d’y arriver. Le 15 décembre prochain, pour la première fois depuis douze ans, l’Union européenne va modifier son droit de la concurrence grâce au « paquet lait » que nous avons fait adopter, grâce aux mesures prises sous notre impulsion, grâce à l’appel de Paris lancé en 2009 dans lequel nous réclamions une meilleure organisation des producteurs de lait pour une négociation équitable avec les industriels. Voilà la réalité !

Le 15 décembre prochain, nous adopterons, au Conseil des ministres de l’agriculture, une modification du droit de la concurrence européen qui permettra aux producteurs de lait de se regrouper non plus à 300 ou 400 comme ils le font aujourd’hui, mais à 3 000 ou 4 000. Et, permettez-moi de vous le dire, à 3 000 ou 4 000, ils seront tout de même un peu plus puissants qu’auparavant pour négocier leurs contrats, un peu plus puissants pour négocier leurs prix (M. Jean-Claude Lenoir opine.) et, donc, un peu plus puissants pour négocier leurs revenus. Voilà la réalité des changements agricoles !

Le contrat fonctionnera parce que les producteurs seront plus nombreux pour négocier un prix équitable avec les industriels. Et si dans l’intervalle, un certain nombre d’industriels abusent, je le dis une fois encore, le Médiateur est là pour rétablir l’équilibre entre les parties.

S’agissant des crises traversées par un certain nombre de secteurs, il reste en effet des difficultés. Je vois bien que, dans la filière des fruits et légumes, l’organisation fait encore défaut. Je vois bien que les prix sont encore trop bas. Je vois bien que les mesures que nous avons prises, même si elles restent indispensables, ne suffiront pas à relever suffisamment les revenus des producteurs de fruits et légumes, des arboriculteurs, des maraîchers, de tous ceux qui font un travail formidable, mais qui se heurtent à de vraies difficultés structurelles. Nous avons fait un certain nombre de choix qui me paraissent nécessaires.

J’ai entendu les critiques de Mme Renée Nicoux, les remarques plus positives de M. Henri Tandonnet et les observations de M. Aymeri de Montesquiou sur le coût du travail. Qu’on le veuille ou non, il faut réduire le coût du travail pour l’agriculture française, en particulier pour les producteurs de fruits et légumes, les maraîchers, les arboriculteurs. Nous n’avons pas le choix ! Je vous le dis sans aucune agressivité, avec simplement une volonté de conviction.

Vous ne pouvez pas, quand vous êtes producteur d’asperges en Alsace, à deux ou trois kilomètres de la frontière avec l’Allemagne, produire des asperges à 12 ou 13 euros de l’heure, alors que vos voisins allemands produisent exactement les mêmes asperges, de la même variété, sur le même sol, avec un coût du travail à 6 ou 7 euros de l’heure ! (Mme Odette Herviaux s’exclame.)

Oui, il est indispensable de réduire le coût du travail en France pour l’agriculture, quand il représente 60 % du coût final de la production.

Là aussi, je veux me faire bien comprendre. Nous avons eu l’occasion d’en discuter souvent ensemble. Il ne s’agit absolument pas de céder à un dumping social en Europe. Je suis le premier à dire que des coûts du travail à 5 ou 6 euros de l’heure, ce n’est pas acceptable. Je suis le premier à dire qu’il faut refuser que, dans les abattoirs allemands, 90 % des salariés, venus des pays de l’Est, en particulier de Pologne, soient rémunérés à 6 euros de l’heure pour un travail dont chacun sait, s’il est allé dans un abattoir, qu’il est probablement l’un des plus difficiles et pénibles qu’on puisse imaginer aujourd’hui dans l’industrie agroalimentaire !

Et je ne me contente pas de discours ! Voilà des mois que je suis allé en Allemagne discuter de ces questions de salaire horaire avec les représentants de la CDU. (Mme Bernadette Bourzai s’exclame.) Et pour la première fois dans son histoire, cette dernière a inscrit dans son programme pour 2013 la création d’un salaire minimum dans un certain nombre de branches, notamment les branches de l’industrie agroalimentaire. (Mme Bernadette Bourzai s’exclame de nouveau.)

J’essaie juste d’être cohérent par rapport à mes convictions.

Mes convictions, c’est que la France doit gagner en compétitivité. Mes convictions, c’est que l’agriculture française et les paysans français ne peuvent pas supporter un coût du travail durablement plus élevé que celui de ses grands voisins européens que sont l’Allemagne, l’Espagne ou l’Italie. Mais mes convictions, c’est aussi que gagner en compétitivité ne peut pas signifier dumping social. Gagner en compétitivité ne veut pas dire s’aligner sur les plus mauvaises pratiques en Europe. Gagner en compétitivité veut dire améliorer nos produits, réduire nos coûts de production et faire en sorte que tous les autres pays européens partagent une volonté d’harmonisation en matière de coût du travail.

Je veux maintenant répondre aux remarques de Joël Labbé, d’Yvon Collin et d’un certain nombre d’entre vous sur les questions environnementales. Nous voulons une agriculture durable, et nous avons maintenu un certain nombre de crédits pour cette agriculture ; je le dis d’ailleurs à l’intention de Joël Labbé, qui critique le crédit impôt bio. Je rappelle qu’il a été relevé de 2 000 euros à 2 500 euros et que son coût atteint plusieurs millions d’euros. Nous sommes donc respectueux de l’agriculture biologique. Nous sommes les premiers à avoir posé des règles imposant d’introduire 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective. C’est dire que nous croyons à ce développement de l’agriculture biologique.

Mais sur l’environnement, soyons très clairs. Nous devons faire en sorte que les règles environnementales respectent un certain nombre de principes que j’ai fixés en 2009, auxquels je suis attaché et que je continuerai à défendre. J’ai en effet la conviction que les paysans français ont besoin qu’on respecte ces règles et ces principes afin de faire de l’environnement non pas un handicap, mais un atout pour l’agriculture française.

Première de ces règles, il faut que les choix environnementaux soient compatibles avec la situation économique des exploitations.

M. Bruno Le Maire, ministre. Vous ne pouvez pas demander à des paysans français de payer trop cher des règles environnementales qui n’auraient pas été étudiées en fonction de ce qui est supportable sur le plan économique.

Dans une situation de crise, comme celle de 2009, où certains des paysans français perdent 54 % de leur revenu, vous ne pouvez pas leur dire : les règles environnementales, les obligations sur les parcelles et la diversité, on n’y touche pas, tant pis pour vous, vous payez nonobstant votre baisse de revenu. C’est tout simplement intenable !

M. Gérard Bailly. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il faut savoir faire preuve de souplesse et de compréhension par rapport à la situation économique des paysans.

M. Bruno Le Maire, ministre. Deuxième principe tout simple et de bon sens, les règles environnementales doivent être des règles européennes. On ne peut pas laisser subsister des règles différentes selon les États de l’Union,…

M. Jean-Claude Lenoir. Il faut les mêmes règles !

M. Bruno Le Maire, ministre. … car ceux qui en souffrent le plus sont ceux qui ont les règles les plus dures à respecter. L’harmonisation européenne est une condition d’acceptabilité de la règle environnementale.

Enfin, j’en viens au troisième élément et troisième principe que je défends. À l’évidence, vous ne pouvez pas dire au producteur de porcs de Normandie ou du Nord – Pas-de-Calais qu’il va devoir reconstruire totalement son exploitation car au nom du bien-être animal, chacune de ses truies allaitantes doit disposer de 2,5 mètres carrés pour s’épanouir à son aise, qu’il doit donc retirer les cages en fer, détruire son exploitation et la reconstruire de A à Z, qu’il devra au passage réduire les antibiotiques – je crois profondément à la nécessité de réduire les antibiotiques dans l’élevage porcin français ; c’est l’intérêt des éleveurs comme des consommateurs – et qu’il devra respecter encore d’autres règles environnementales – tout cela est très bien – si, dans le même temps, vous signez l’accord entre l’Union européenne et le MERCOSUR et vous faites entrer libres de droits des tonnes et des tonnes de viande porcine en Europe.

Mme Odette Herviaux. Tout à fait d’accord !

M. Bruno Le Maire, ministre. Les règles environnementales doivent être fondées sur un principe de réciprocité commerciale internationale.

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est la clé aussi de l’acceptabilité de ces règles.

M. Jean-Claude Lenoir. Très très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je dirai maintenant quelques mots sur la pêche et la PAC. Odette Herviaux, je pourrais vous embaucher à mes côtés pour défendre la politique commune de la pêche telle que nous la concevons,…

M. Michel Delebarre. C’est une excellente idée !

M. Jean-Pierre Sueur. Non ! Nous voulons la garder avec nous !

M. Bruno Le Maire, ministre. … dans la mesure où je partage entièrement ce qui a été dit. D’ailleurs, lors de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous l’avons vu, en matière d’agriculture, beaucoup de sujets dépassaient les clivages partisans. Et s’il y a bien un sujet qui peut, à mon sens, nous rassembler, c’est le fait que les propositions de réforme de la politique commune de la pêche avancées par Mme Maria Damanaki sont tout simplement inacceptables !

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Elles se solderaient par la mort des 15 000 pêcheurs restants en France. Je le dis aussi simplement et aussi crûment que cela. Vous ne pouvez pas demander aux pêcheurs français de mettre en place des quotas individuels transférables et, en même temps, leur dire avec des trémolos dans la voix que vous êtes favorable au maintien de la pêche artisanale sur toutes les côtes françaises, du Nord jusqu’au Sud-ouest et à l’Aquitaine en passant par la Bretagne.

Je ne me vois pas dire aux pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz, que je connais bien, ou aux pêcheurs de Fécamp, que je connais bien également, que nous allons maintenir une pêche artisanale et, dans le même temps, accepter des quotas individuels transférables en Europe. Si nous acceptons à Bruxelles des quotas individuels transférables, cela veut dire la mort de la pêche artisanale française au profit de la seule pêche industrielle. Jamais je ne m’y résoudrai !

De la même façon, vous ne pouvez pas leur dire zéro rejet. Il faut n’être jamais monté sur un bateau de pêche pour dire zéro rejet ! Il faut n’avoir jamais participé à une campagne de pêche pour penser que zéro rejet, c’est possible immédiatement sans donner le temps aux pêcheurs. Or c’est ce que propose Mme Damanaki et sur ce point, comme sur les autres, elle a tort.

Enfin, vous ne pouvez pas dire aux pêcheurs français que nous respectons et suivons les avis émis par les scientifiques lors des conférences internationales mais en essayant de trouver un bon équilibre entre les positions des uns et des autres, et, alors que ces scientifiques préconisent d’atteindre le rendement maximum durable en 2020, imposer la date de 2015 par une décision autoritaire, strictement politique et strictement idéologique. Allez donc dire aux pêcheurs que nous, les Européens, nous qui lavons toujours plus blanc que blanc, nous avançons l’échéance à 2015, comme cela, ils mourront cinq ans plus tôt !

Ce n’est pas acceptable !

S’agissant de la politique agricole commune, vous m’avez interrogé sur plusieurs points, que je vais reprendre.

Premièrement, il nous faut sauver le budget, sans quoi vous ne pourrez rien faire. Je rappelle que la proposition de la Commission était de baisser le budget de la PAC de 30 % en 2009, et que, à l’issue de deux ans de négociations, nous en avons obtenu le maintien, à l’euro près.

Deuxièmement, je suis favorable au « verdissement » de la PAC, mais encore faut-il qu’il soit plus simple, plus lisible, et surtout positif pour les paysans français et européens. Il ne s’agit pas de verdir la PAC pour les stigmatiser, mais il faut les encourager à adopter ces bonnes pratiques, notamment celles qui touchent aux prairies permanentes et au retournement de prairies, et en faisant preuve du minimum de pragmatisme dont a parlé Aymeri de Montesquiou.

Troisièmement, enfin, la PAC à laquelle je crois doit certes avoir un budget fort et prévoir un verdissement qui soit simple, mais elle doit aussi défendre une vraie régulation des marchés. Je me suis opposé, depuis le début, à la libéralisation des marchés agricoles. Quelles que soient les filières, nous avons besoin d’instruments de régulation et d’intervention sur les marchés. Dans le secteur viticole, par exemple, le jour où l’on aura supprimé les droits de plantation en Europe et que l’on verra pousser n’importe quel type de vignoble sur n’importe quel type de territoire, on aura mis fin à l’identité agricole européenne ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis, pour un rappel au règlement.

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales - Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

Mme Odette Herviaux, rapporteure pour avis. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 bis relatif à la tenue des séances.

Nous avons appris hier que l’amendement n° II-188 que nous avions proposé, avec Mme Renée Nicoux, en tant que rapporteures pour avis de la commission de l’économie, ne serait pas examiné aujourd’hui en même temps que les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Nous sommes tout à fait conscientes du calendrier strict que nous devons respecter pour l’examen du projet de loi de finances, mais nous tenons à souligner, tout d’abord, que notre proposition de renforcement de la taxe sur les plus-values financières lors de la vente d’un terrain agricole a été guidée par la volonté d’en faire un outil vraiment dissuasif permettant de protéger le foncier agricole, ensuite, que cette proposition est tout à fait liée aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », car elle répond aux difficultés d’installation des agriculteurs en permettant d’abonder financièrement la politique d’installation, enfin, que cette proposition a été adoptée à la quasi-unanimité de la commission de l’économie et n’aurait pris que quelques instants dans notre discussion.

Renvoyer l’examen de nos propositions à la discussion des articles non rattachés du projet de loi de finances, c’est risquer de faire perdre à nos débats de leur cohérence et de leur pertinence, ce qui est regrettable. C’est surtout difficile à comprendre pour les acteurs concernés, qui attendaient cette mesure.

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. Madame Herviaux, l’explication de ce report est d’ordre réglementaire. Il s’agit en effet d’une disposition fiscale, qui relève de la compétence de la rapporteure générale du budget. Nous ne pouvons donc en débattre dans le cadre de l’examen des crédits de la présente mission.

Je ne doute pas que vous défendrez cet amendement, au début de la semaine prochaine, avec la conviction et la compétence que le ministre a soulignées tout à l’heure. (Très bien ! sur plusieurs travées.)

agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 34 et état D

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

3 740 723 722

3 772 657 845

Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

2 139 643 606

2 170 383 692

Forêt

349 687 967

358 447 263

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

491 716 831

491 894 831

Dont titre 2

270 723 483

270 723 483

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

759 675 318

751 932 059

Dont titre 2

648 886 196

648 886 196

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, rapporteur spécial.

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. J’ai déjà indiqué l’avis de la commission des finances dans mon intervention liminaire.

M. le ministre m’ayant fait l’honneur de me citer, je précise que je me réjouis, comme chacun ici, de l’amélioration intervenue dans un certain nombre de filières agricoles.

Il est vrai qu’il y a deux ans, et l’année dernière encore, les filières laitière, bovine et porcine traversaient une crise extrêmement grave ; la situation est meilleure aujourd’hui.

On peut dire, sans mésestimer l’action des uns et des autres, que cette amélioration – exportations de porcs vers le Japon et de viande bovine vers d’autres pays, reprise de la consommation de viandes blanches en France ... – tient aussi à la conjoncture ; je me réjouis qu’il en soit ainsi.

Cela étant dit, votre budget, monsieur le ministre, comporte manifestement des lacunes. Ainsi les crédits de cette mission sont-ils en diminution, et ce malgré la « rallonge » de 144 millions d’euros introduite à l’Assemblée nationale, au titre d’une mesure de dégrèvement partiel des cotisations patronales dans l’agriculture.

Force est de constater que, à périmètre égal, les crédits de la mission sont en baisse par rapport à l’an dernier.

Nous constatons également qu’un certain nombre de moyens, en particulier humains, sont en diminution. Ainsi, dans le domaine stratégique de la qualité sanitaire et de la sécurité de l’alimentation, le compte n’y est pas.

C’est pourquoi la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de rejeter ces crédits.

Mais permettez-moi de revenir, en conclusion, sur un problème qui, comme d’autres ici, m’a interpellé, je veux parler de la situation de la contractualisation laitière, que vous aviez présentée comme l’un des points forts de la loi de modernisation de l’agriculture. Si tout se passe bien avec la plupart des entreprises, l’une d’entre elles, que je n’hésite pas à citer ici, Lactalis, exerce des pressions inacceptables sur les agriculteurs. Il est de votre devoir, monsieur le ministre, et du devoir des pouvoirs publics de se saisir de ce dossier et de s’impliquer fortement.

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

compte d’affectation spéciale : développement agricole et rural

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 48

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », figurant à l’état D.

État D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Développement agricole et rural

110 500 000

110 500 000

Développement et transfert en agriculture

54 953 250

54 953 250

Recherche appliquée et innovation en agriculture

55 546 750

55 546 750

M. le président. Je rappelle que la commission des finances est favorable à l’adoption des crédits non modifiés du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 48, 48 bis et 48 ter ainsi que les amendements qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

Article 34 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 48 bis (nouveau)

Article 48

L’article 92 de la loi de finances pour 1979 (n° 78-1239 du 29 décembre 1978) est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa :

a) Le mot : « locales » est remplacé par le mot : « territoriales » ;

b) Après le mot : « montant », sont insérés les mots : « hors taxe » ;

c) Les mots : « , déduction faite des frais d’abattage et de façonnage des bois » sont supprimés ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les produits des forêts mentionnés au premier alinéa sont tous les produits des forêts relevant du régime forestier, y compris ceux issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol. Pour les produits de ventes de bois, le montant est diminué des ristournes consenties aux acheteurs dans le cas de paiement comptant et, lorsqu’il s’agit de bois vendus façonnés, des frais d’abattage et de façonnage hors taxe.

« À compter du 1er janvier 2012, les personnes morales mentionnées au premier alinéa acquittent en outre au bénéfice de l’Office national des forêts une contribution annuelle de 2 € par hectare de terrains relevant du régime forestier et dotés d’un document de gestion au sens de l’article L. 4 du code forestier ou pour lesquels l’office a proposé à la personne morale propriétaire un tel document. »

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le ministre, je sais que la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR, a accepté de signer le contrat de plan entre l’État et l’Office national des forêts, qui entre en vigueur le 1er janvier prochain, et qu’elle avait notamment accepté le principe de cette contribution forfaitaire à l’hectare. Je m’interroge cependant sur l’opportunité et le sens de cet article 48.

Tout d’abord, la rédaction initiale prévoyait une contribution de 2 à 4 euros par hectare. Elle a, fort heureusement, été fixée à 2 euros au final. Pour autant, cette contribution vient s’ajouter au taux de 12 %, ou de 10 % pour les communes de montagne, et l’assiette a été légèrement élargie, de sorte qu’elle impactera toutes les communes.

Certes, l’idée du Gouvernement est d’inciter les communes dont les forêts sont peu productives à les exploiter davantage. Mais s’est-on intéressé aux causes, peut-être climatiques, pédologiques, mais probablement aussi historiques, de ce différentiel entre forêts du Nord-Est et forêts du Sud ? Sommes-nous certains que ce dispositif atteindra son objectif ? Si tel n’est pas le cas, c’est la péréquation qui sera remise en cause.

Du reste, le diable est dans les détails : vous augmentez les frais de garderie mais, en plus, je remarque que vous supprimez la mention « déduction faite des frais d’abattage et de façonnage des bois » au premier alinéa. Vous faites ainsi de ce qui était jusqu’alors une taxe sur des bénéfices une charge, et risquez de décourager des communes qui exploitaient, notamment au nord-est de la France.

Peut-être parviendrez-vous à une convergence dans l’exploitation des forêts françaises, monsieur le ministre, mais je ne suis pas convaincue que vous réussirez à inciter les communes qui sortent peu de bois à en sortir davantage. Dans le même temps, vous prenez le risque de décourager d’autres communes qui, elles, exploitaient beaucoup et fort bien leurs forêts. Où est l’étude d’impact ? Il nous faudrait vraiment connaître les raisons pour lesquelles le bois est exploité ou non.

En vérité, ce devrait être à l’État d’assumer la solidarité entre les communes forestières. La FNCOFOR a signé parce qu’elle a bien compris qu’elle n’obtiendrait rien de plus dans la négociation, et parce qu’elle ne voulait sans doute pas prendre en otage le contrat État-ONF. Je reste toutefois convaincue que l’État ne prend pas toutes ses responsabilités en matière de politique forestière ; je pense même que les idées saugrenues de privatisation des activités rentables de l’ONF, évoquées dans la fameuse note de Bercy, n’ont pas été définitivement enterrées.

M. le président. L’amendement n° II-389, présenté par M. Piras, Mmes Nicoux, Bourzai, Herviaux et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

à l’exception de ceux provenant d’une installation relevant d’une activité de service public.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Les pertes de recettes résultant, pour l’Office national des forêts, du I sont compensées à due concurrence par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Nous voterons cet article 48, pour les raisons développées par Mme Didier.

Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à l’Office national des forêts, que nous avons déjà eu au début de la discussion.

Le présent amendement vise à attirer l’attention sur la modification de la définition de l’assiette des frais de garderie.

Monsieur le ministre, l’amendement du Gouvernement adopté à l’Assemblée nationale tend à préciser que sont désormais pris en compte, dans l’assiette des frais de garderie au titre des produits des forêts, les produits issus de la chasse, de la pêche et des conventions ou concessions de toute nature liées à l’utilisation ou à l’occupation de ces forêts, ainsi que tous les produits physiques ou financiers tirés du sol ou de l’exploitation du sous-sol.

Cette dernière précision a suscité quelques interrogations et l’inquiétude de certains élus locaux.

Vous n’êtes pas sans savoir que la définition de l’assiette des frais de garderie a déjà généré plusieurs contentieux, car certaines communes ne sont pas d’accord pour intégrer dans cette assiette des produits issus d’installation relevant d’une activité de service public.

Notre collègue Bernard Piras a été saisi de ce problème par quatre communes qui avaient accepté l’installation d’un centre d’enfouissement technique d’ordures ménagères sur leur territoire forestier. Pendant trente ans, l’ONF n’a pas demandé de frais de garderie aux communes, jusqu’à l’extension de l’installation, ce qui a incité les communes concernées à ouvrir une procédure contentieuse devant le tribunal administratif.

Vous savez, monsieur le ministre, qu’il n’est pas aisé de trouver un terrain pour des installations de traitement ou de stockage des déchets. Certains terrains nus inclus dans le zonage de parcelles forestières peuvent être utilisés à cette fin.

Vous en conviendrez, les communes qui acceptent ces installations sur leur territoire font déjà preuve d’une indéniable solidarité territoriale.

N’est-il pas possible d’exclure explicitement de l’assiette des frais de garderie les produits issus d’installations relevant d’une activité de service public et, au-delà, les antennes, les pylônes, voire les stations d’épuration qui peuvent se trouver sur ces territoires ?

Dans l’hypothèse d’une réponse négative, monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des clarifications sur la charge financière nouvelle qui pèsera sur les communes du fait de cette extension de l’assiette des frais de garderie ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement tend à exclure de l’assiette des frais de garderie versés à l’ONF, qui constituent, malgré leur dénomination, une ressource pour l’Office, les produits issus d’une installation relevant d’une activité de service public.

Les auteurs de l’amendement souhaitent régler ainsi des cas particuliers qui ont pu susciter des difficultés d’interprétation. La commission comprend leurs motivations, mais elle imagine qu’il existe d’autres cas litigieux que ceux cités par Mme Bourzai, au-delà des installations d’enfouissement des déchets ménagers.

Je souhaiterais donc que M. le ministre nous communique une estimation de l’impact financier de cet amendement et une typologie des cas concernés.

Dans l’attente de ces éléments, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. Michel Delebarre. C’est de la sagesse de rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable, dans la mesure où l’adoption de cet amendement risquerait de compliquer excessivement un dispositif qui vise à assurer la pérennité des ressources de l’ONF.

Cette contribution de 2 euros par hectare, qui semble raisonnable, devrait permettre de mieux gérer la forêt. Si je comprends la logique de la distinction proposée par les auteurs de l’amendement, celle-ci me paraît cependant difficile à mettre en œuvre. Je rappelle également que le produit de cette taxe est estimé à 5,6 millions d’euros environ : il s’agit donc d’une ressource importante pour l’ONF.

Enfin, je réaffirme mon opposition farouche, en tant que ministre de l’agriculture, à toute perspective de privatisation de l’ONF.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-389.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 48, modifié.

(L’article 48 est adopté.)

Article 48
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 48 ter (nouveau)

Article 48 bis (nouveau)

I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L’article L. 741-4-1 est abrogé ;

2° L’article L. 741-15-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 741-15-1. – I. – Les employeurs relevant du régime de protection sociale des professions agricoles sont exonérés du paiement de la part patronale des cotisations et contributions mentionnées au II dans la limite de vingt salariés agricoles employés en contrat à durée indéterminée par entreprise.

« Pour les employeurs appartenant à un groupe tenu de constituer un comité de groupe en application du I de l’article L. 2331-1 du code du travail, la limite de vingt salariés s’apprécie au niveau du groupe.

« II. – Les cotisations exonérées en application du I du présent article sont les suivantes :

« 1° La contribution prévue au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles ;

« 2° La cotisation due au titre du fonctionnement du service de santé et de sécurité au travail prévue au deuxième alinéa de l’article L. 717-2 du présent code ;

« 3° La cotisation de la retraite complémentaire obligatoire des salariés versée aux institutions de retraite complémentaire mentionnées au I de l’article L. 727-2 ;

« 4° La cotisation due au titre du fonds national d’aide au logement prévue au 1° de l’article L. 834-1 du code de la sécurité sociale ;

« 5° La cotisation versée à l’Association pour la gestion du fonds de financement rendue obligatoire, en application des articles L. 911-3 et L. 911-4 du même code, par l’arrêté du 14 mars 2011 portant extension et élargissement de l’accord national interprofessionnel du 25 novembre 2010 portant prorogation de l’accord du 23 mars 2009 sur les régimes complémentaires de retraite AGIRC et ARRCO ;

« 6° La cotisation due au titre de l’assurance contre le risque de non-paiement des salaires prévue à l’article L. 3253-18 du code du travail ;

« 7° La contribution due au titre de l’assurance chômage prévue à l’article L. 5422-9 du même code ;

« 8° La participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue prévue à l’article L. 6331-1 du même code ;

« 9° La cotisation versée à l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture rendue obligatoire, en application de l’article L. 2261-15 du même code, par l’arrêté du 15 septembre 2006 portant extension d’un avenant à l’accord collectif national de travail sur l’emploi dans les exploitations et entreprises agricoles ;

« 10° La cotisation versée au conseil des études, recherches et prospectives pour la gestion prévisionnelle des emplois en agriculture et son développement, dénommé PROVEA, rendue obligatoire, en application du même article L. 2261-15 du même code, par l’arrêté du 28 octobre 2002 portant extension d’un accord collectif national de travail sur les saisonniers, sur diverses dispositions sur les contrats à durée déterminée et sur l’organisation de la gestion prévisionnelle de l’emploi en agriculture ;

« 11° La cotisation versée à l’Association pour le financement de la négociation collective en agriculture rendue obligatoire, en application du même article L. 2261-15, par l’arrêté du 26 mars 1992 portant extension d’un accord national relatif à l’organisation de la négociation collective en agriculture.

« III. – L’exonération mentionnée au I du présent article est calculée chaque année civile, pour chaque salarié dans la limite d’effectifs mentionnée au même I. Son montant est égal au produit de la rémunération annuelle, telle que définie à l’article L. 741-10 du présent code, par un coefficient. Ce coefficient est déterminé par application d’une formule fixée par décret. Il est fonction du rapport entre la rémunération du salarié et le salaire minimum de croissance, lesquels sont appréciés selon les modalités prévues au III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. Ce coefficient est maximal pour les rémunérations inférieures ou égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 10 %. Il est dégressif à compter de ce niveau de rémunération puis devient nul pour les rémunérations égales au salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 40 %.

« IV. – Cette exonération est cumulable avec le bénéfice de la réduction dégressive de cotisations prévue au même article L. 241-13 ainsi qu’avec la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18 du même code.

« V. – Les caisses de mutualité sociale agricole versent à leurs attributaires, pour le compte de l’État, les sommes correspondant aux cotisations et contributions exonérées en application des I à III du présent article.

« VI. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret. »

II. – Le premier alinéa du VI de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et avec l’exonération prévue à l’article L. 741-15-1 du code rural et de la pêche maritime ».

III. – Le présent article s’applique aux cotisations dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2012.

IV. – Le présent article s’applique dès lors que la Commission européenne a confirmé que cette mesure est compatible avec le 1 de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

M. le président. L’amendement n° II-223, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Lors de la discussion de la première partie de ce projet de loi de finances, et notamment des articles 5 ter, 5 octies et 5 nonies, nous avons eu l’occasion de dénoncer la vision à court terme du Gouvernement, qui consiste à taxer certains produits pour ensuite gager et financer des exonérations fiscales ou sociales.

En ce qui concerne le secteur agricole, le projet de loi de finances initial prévoyait de financer les exonérations de charges sociales par des taxes sur certaines boissons. Il prévoyait également de diminuer la réduction de la taxe intérieure de consommation applicable au fioul domestique utilisé comme carburant diesel à usage professionnel, réduction dont bénéficient le secteur du bâtiment et des travaux publics ainsi que l’agriculture. Une fois, on taxe le carburant, l’autre, les produits alimentaires !

Nous considérons surtout que les exonérations de charges sur le travail des salariés permanents ne sont pas suffisantes pour répondre à la crise profonde que traverse le secteur agricole, d’autant moins qu’elles ne bénéficieront pas à tous les professionnels ; je pense en particulier à ceux qui emploient plus de vingt salariés ou ceux qui versent des salaires supérieurs au SMIC.

La présidente des Producteurs de légumes de France déclarait à ce sujet que la méthode de la dégressivité « est une machine à perdre » et que la tentation serait forte de diminuer les salaires.

À l’inverse, nous demandons une régulation de l’offre et de la demande, une garantie de prix rémunérateurs – également évoquée par M. le ministre – et, dans le cas présent, une harmonisation « par le haut » des statuts des travailleurs agricoles, car nous craignons le dumping social européen.

C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 48 bis, qui est loin de répondre aux exigences des professionnels du secteur agricole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. La commission des finances comprend bien les motivations des auteurs de cet amendement, car elles font écho à ses propres préoccupations. Les membres de la commission se sont donc longuement interrogés à ce sujet.

Cependant, la commission des finances, en dépit des réserves exprimées, a souhaité adopter l’article 48 bis, en raison des attentes fortes de la profession agricole. Je vous demande donc de retirer votre amendement, ma chère collègue ; à défaut, la commission des finances émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je trouve absolument formidable que le groupe communiste défende les grands groupes et les grands exploitants agricoles en refusant d’adopter une mesure qui ne bénéficie qu’aux petits exploitants agricoles, ceux qui emploient moins de vingt salariés !

Partout en France, où que vous alliez, dans n’importe quelle exploitation agricole, arboricole ou maraîchère, on réclame à cor et à cri la réduction du coût du travail en France !

Je noterai avec attention qui votera cet amendement et je me ferai un plaisir d’aller expliquer aux paysans français que certains, dans cette assemblée, qui se réclament de la justice sociale, estiment qu’il ne faut pas réduire les charges des petits exploitants agricoles, ceux qui emploient deux ou trois salariés, ont du mal à les payer et se tuent à la tâche pour assurer la survie de leur exploitation !

M. le président. Madame Schurch, l’amendement n° II-223 est-il maintenu ?

Mme Mireille Schurch. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-223.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-387 rectifié bis, présenté par MM. G. Bailly, Bécot, Revet, Pointereau, P. Leroy, César, Doublet, Huré, Laurent et B. Fournier, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La limite de vingt salariés agricoles ne s’applique pas aux services de remplacement.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 48 bis.

(L’article 48 bis est adopté.)

Article 48 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Conseil et contrôle de l'État

Article 48 ter (nouveau)

L’augmentation maximale du produit global de la taxe additionnelle perçue par l’ensemble des chambres départementales d’agriculture, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime, est fixée pour 2012 à 1,5 %.

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, sur l’article.

Mme Renée Nicoux. La question de la taxe pour frais de chambres d’agriculture est devenue un véritable feuilleton parlementaire, puisque son taux d’augmentation maximal est fixé chaque année par le Parlement, grâce à une modification de l’article L. 514-1 du code rural et de la pêche maritime votée lors de l’examen de la loi de finances. Si je me souviens bien, ce taux avait été fixé à 1,8 % en 2007, à 1,7 % en 2009 et à 1,5 % en 2010.

L’année dernière, une augmentation maximale du produit de la taxe de 1,5 % a été décidée, ainsi que l’institution d’un taux pivot qui laisse la possibilité à certaines chambres de bénéficier d’une augmentation pouvant aller à jusqu’à 3 %.

Pour l’année prochaine, le projet de loi de finances initial ne prévoyait rien. Finalement, dans la perspective des frais occasionnés par l’organisation des élections aux chambres d’agriculture qui auront lieu l’année prochaine, et afin que ces chambres assument la mission d’aide à l’installation qui leur a été déléguée, l’Assemblée nationale a adopté un amendement fixant ce taux à 1,5 %.

Notre groupe va voter cet article. En revanche, il souhaite exprimer ses regrets quant au désengagement de l’État de la politique d’aide à l’installation.

En effet, le Gouvernement a fait disparaître la ligne budgétaire finançant les associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, en nous disant que les chambres d’agriculture allaient assumer ces missions d’accompagnement à l’installation.

À l’époque, nous nous étions vivement opposés à l’adoption de cette mesure. Maintenant, nous sommes dans l’obligation d’augmenter le taux de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti pour que les chambres d’agriculture puissent assumer leurs nouvelles missions. Or cette taxe pèse sur les propriétaires de terres et donc, en grande partie, sur les exploitants agricoles.

Cette charge a donc été transférée du budget de l’État sur les professionnels, ce qui nous paraît tout à fait regrettable.

M. le président. Je mets aux voix l’article 48 ter.

(L’article 48 ter est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinquante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

Conseil et contrôle de l’État

Article 48 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » (et article 49 quater).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l’État » se compose de trois programmes, très indépendants les uns des autres : « Conseil d’État et autres juridictions administratives » ; « Conseil économique, social et environnemental » ; « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

L’enveloppe budgétaire totale de la mission s’élève à 601,4 millions d’euros : 58 % sont consacrés à la justice administrative, 36 % aux juridictions financières et « seulement » 6 % au Conseil économique, social et environnemental, le CESE.

Un point important doit être souligné : en raison de leurs spécificités, ces trois programmes dérogent à la règle générale, fixée par le Gouvernement, de réduction des effectifs par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Le programme 165, « Conseil d’État et autres juridictions administratives », est doté de 349,4 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3,4 % par rapport à 2011. Cette progression, dans un contexte budgétaire tendu, confirme l’importance attachée aux moyens de la justice administrative.

Dans la continuité de la politique engagée depuis plusieurs années afin de réduire les délais de jugement, les effectifs des juridictions augmentent de 62 emplois équivalents temps plein travaillé en 2012.

Afin d'améliorer une situation très dégradée en termes de délais de jugement, la Cour nationale du droit d'asile, la CNDA, fait l'objet depuis 2010 d'un renforcement important, et même accéléré en 2011, de ses moyens humains. Pour 2012, 15 recrutements supplémentaires sont prévus.

Il s’agit de faire passer de neuf mois actuellement à six mois d’ici à la fin de l’année prochaine le délai moyen de jugement devant cette cour. Cet objectif paraît à la fois raisonnable et atteignable.

Je tiens à rappeler que le « retour sur investissement » de ces créations de postes est considérable : en effet, chaque mois de délai de jugement coûte 15 millions d’euros à l’État par les effets induits sur la chaîne de prise en charge des demandeurs.

Le programme 126, « Conseil économique, social et environnemental », disposera d’un budget de 37,4 millions d’euros en 2012, ce qui représente une baisse de 0,3 % par rapport à 2011. On peut donc parler de « budget de stabilité », dans la mesure où aucun moyen supplémentaire n’est prévu pour faire face aux nouvelles missions du CESE, issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ces missions seront donc assurées soit par un redéploiement des moyens existants soit par des économies nettes.

Le problème du financement de la caisse de retraite du CESE semble en passe d’être réglé. Même s’il convient de rester vigilant, les réformes engagées depuis quelques mois, de façon très volontariste, par le président du CESE, Jean-Paul Delevoye, assurent l’équilibre au moins jusqu’en 2017 et permettent d’être optimiste quant au plus long terme. Grâce en particulier à la valorisation du palais d’Iéna via sa location de plus en plus régulière, le CESE a su innover et trouver un surplus de recettes venant utilement pourvoir à son besoin de financement.

Le programme 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », est doté de 214,6 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une progression maîtrisée – à peine 0,2 % – par rapport à 2011. Hors dépenses de personnels, les crédits diminuent globalement de 13 % ; les dépenses d’investissement chutent, à elles seules, de 80 %. Ce budget est élaboré à « périmètre constant », c’est-à-dire sans intégrer les conséquences à venir de la réforme des juridictions financières, dont l’impact financier est difficile à évaluer.

Forte de la stabilité de ses effectifs, la Cour des comptes poursuit sa politique de recrutement d’ « experts extérieurs ». Le bilan est satisfaisant, ce recrutement ayant permis d’accroître la professionnalisation des missions de certification des comptes de l’État et de la sécurité sociale.

En conclusion, et sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, en remplacement de M. Yves Détraigne ainsi que de M. André Reichardt, rapporteurs pour avis de la commission des lois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Sueur est un homme-orchestre ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la justice administrative, et de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois pour la Cour des comptes et les autres juridictions administratives. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, retenus par des raisons impérieuses, MM. Détraigne et Reichardt m’ont demandé de les suppléer, ce que je fais très volontiers. Je n’aurai donc aucune part aux propos que je m’apprête à tenir, propos qui devront tout à la sagacité de mes deux collègues. (Sourires.)

Je commencerai par la justice administrative, objet du rapport pour avis de M. Détraigne.

L’avis de la commission des lois porte sur les crédits de la justice administrative regroupés au sein du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » de la présente mission.

Ce programme bénéficie de conditions budgétaires favorables par rapport à la plupart des autres programmes budgétaires que nous avons examinés.

Ainsi, si les autorisations d’engagement marquent le pas après les efforts des années précédentes sur le plan de l’immobilier comme sur celui des créations d’emploi, les crédits de paiement continuent d’augmenter conformément à ce que la programmation pluriannuelle 2011-2013 prévoyait.

J’observe également que les juridictions administratives bénéficient de conditions privilégiées d’exécution budgétaire, puisqu’elles continuent d’être exonérées de la mise en réserve de crédits en début de gestion. C’est là un avantage certain.

Monsieur le ministre, pourquoi les juridictions judiciaires ne bénéficieraient-elles pas du même traitement, alors que leur situation est certainement aussi difficile que celle des juridictions administratives ?

L’année 2012, comme les années précédentes, sera marquée par une progression annoncée du contentieux administratif et, particulièrement, du contentieux le plus inflationniste, celui des étrangers, qui représente déjà un quart du contentieux en première instance et la moitié en appel.

En effet, la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin dernier a inversé le calendrier d’intervention du juge administratif et du juge judiciaire dans le contentieux de l’éloignement et de la rétention administrative. Selon toute vraisemblance, les magistrats administratifs seront saisis plus fréquemment par les justiciables, avec des questions à trancher plus nombreuses pouvant concerner le principe même de l’éloignement, le cas échéant l’absence de délai de retour volontaire laissé à l’étranger, le choix du pays de destination, le bien-fondé de son placement en rétention ou le prononcé d’une interdiction de retour.

En outre, cet accroissement de la charge de travail des juridictions administratives se doublera d’une réorganisation de leur permanence : des juges devront être disponibles à tout moment, y compris les jours fériés, pour traiter ce contentieux.

L’étude d’impact du projet de loi du 16 juin 2011 était muette sur les moyens supplémentaires nécessaires pour permettre aux juridictions de faire face à cet afflux de contentieux. La commission des lois a observé que le projet de budget n’en disait pas plus, même si le Gouvernement reconnaissait le problème. C’est bien de le reconnaître, monsieur le ministre, c’est mieux de lui apporter les solutions appropriées.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles solutions seront apportées face à cette difficulté et comment les moyens budgétaires nécessaires seront dégagés ?

Traditionnellement, la réponse à l’inflation du contentieux administratif a mobilisé trois leviers : le levier budgétaire, par la création de juridictions nouvelles, comme la cour administrative d’appel de Versailles et les tribunaux administratifs de Nîmes, Toulon et Montreuil, créés ces dernières années, ainsi que par l’augmentation des effectifs, ; le levier humain et organisationnel, par l’amélioration du traitement des procédures dans le sens d’une plus grande efficacité, ainsi que par des revalorisations indemnitaires ; enfin, le levier procédural, par la simplification des procédures et par le développement des modes alternatifs de règlement des litiges.

Or deux de ces leviers semblent aujourd’hui bloqués : le levier budgétaire – nous en voyons chaque jour, et, dirais-je, chaque nuit, l’illustration, monsieur le ministre – et le levier humain et organisationnel, un seuil ayant déjà été atteint dans l’intensification du travail.

Il ne reste donc plus que le levier procédural. Cependant, cette piste n’est pas sans présenter des risques. En effet, la procédure est ce qui garantit le droit. Si tout allégement ou toute simplification de procédure ne préjudicie pas forcément aux droits du justiciable, il convient d’en évaluer le risque avant même de considérer l’économie qu’il pourrait permettre de réaliser.

Force de constater qu’ici aussi un seuil paraît atteint : d’ores et déjà, les deux tiers des contentieux portés devant les tribunaux administratifs sont tranchés par un juge unique. On peut difficilement aller plus loin.

Quant à la réforme relative à la dispense de conclusions du rapporteur public, réforme que nous avons contestée, monsieur le ministre, et dont les décrets d’application ne sont toujours pas adoptés, elle continue de susciter l’inquiétude parmi les magistrats, qui craignent qu’elle ne devienne un outil de gestion des flux de contentieux.

La commission des lois suivra donc avec une grande vigilance les simplifications procédurales envisagées afin de s’assurer qu’elles ne porteront pas préjudice aux droits des justiciables, qui sont souvent, dans les contentieux concernés, des justiciables vulnérables.

Prenant toutefois acte des efforts engagés les années précédentes et qui se poursuivent dans ce budget malgré un contexte difficile, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la justice administrative.

M. Détraigne appelle toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que cet avis favorable n’empêchera pas notre commission d’être très vigilante en raison des incertitudes relatives à la progression programmée du contentieux, dont on ne mesure pas encore l’impact.

J’en viens aux crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

Le budget des juridictions financières fait l’objet pour la première fois cette année d’un rapport pour avis de la commission des lois, rapport dont l’auteur est M. Reichardt, que je supplée donc en cet instant.

La place centrale qu’occupent ces juridictions dans le contrôle de la gestion publique et les évolutions qu’elles connaissent actuellement justifient l’intérêt que la commission des lois porte au budget alloué à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

Le budget pour 2012 est marqué par une continuité et une stabilité au regard du budget pour 2011. Il s’inscrit en effet dans le cadre de la programmation triennale 2011-2013, qui prévoit pour les juridictions financières une enveloppe budgétaire globale constante.

M. Reichardt a constaté, en rencontrant les représentants de la Cour et des chambres, que le montant de ces crédits permettait aux juridictions financières d’assumer leurs missions dans des conditions globalement satisfaisantes.

Il est vrai que, contrairement à d’autres juridictions, les juridictions financières ont la maîtrise de leur contentieux, ce qui les aide à dimensionner correctement leurs actions par rapport aux moyens disponibles.

Ce budget est composé aux neuf dixièmes de dépenses de personnel, qui concernent principalement des personnels de catégorie A+.

La pyramide des âges du corps des magistrats financiers est évasée, ce qui témoigne du vieillissement du corps.

Les personnels des juridictions financières sont également caractérisés par une forte rotation, puisque environ un tiers des magistrats exercent actuellement leur activité hors juridiction.

Le recrutement en 2012 de huit conseillers de chambre régionale des comptes par concours devrait permettre de limiter le nombre de détachements dans les chambres régionales des comptes et de rajeunir le corps des magistrats.

La stabilité du budget pour 2012 ne doit cependant pas faire oublier, mais cela ne vous avait pas échappé, monsieur le ministre, qu’il s’agit d’un budget de transition.

En effet, estime M. Reichardt, la réforme des juridictions financières a connu, après de nombreuses péripéties et sous réserve de l’appréciation du Conseil constitutionnel, une étape décisive avec l’adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale, le 16 novembre dernier, du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.

Ce texte prévoit notamment la possibilité de regrouper certaines chambres régionales des comptes, ce dont il faudra naturellement tenir compte dans les projections budgétaires futures. Pour l’heure, les conséquences de cette nouvelle loi ne figurent cependant pas dans le projet de budget pour 2012.

Compte tenu à la fois de la stabilité du budget proposé et de la satisfaction globale des représentants de la Cour et des chambres régionales qu’a constatée M. Reichardt, le rapporteur pour avis a proposé un avis favorable à l’adoption des crédits proposés. Toutefois, et peut-être les récents débats sur les chambres régionales des comptes ont-ils eu quelque effet à cet égard, cet avis n’a pas été suivi par la commission des lois, qui vous propose de rejeter les crédits consacrés à la Cour des comptes et aux juridictions financières par le projet de loi de finances pour 2012.

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose, et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai plusieurs observations sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Première observation, je me félicite de l’augmentation de 3,4 % des crédits de paiement en faveur de la justice administrative, augmentation tout à fait appréciable par les temps qui courent, d’autant qu’elle vaut aussi pour la Cour nationale du droit d’asile.

On constate que cette augmentation de crédits, qui se poursuit depuis plusieurs années, a pour effet de réduire les délais devant les juridictions administratives, qu’il s’agisse du Conseil d'État, des cours administratives d’appel ou des tribunaux administratifs, dont les décisions seraient désormais rendues dans des délais inférieurs à un an. J’emploie certes le conditionnel, mais ce serait en effet un résultat remarquable…

Justement, ma deuxième observation, après ces félicitations, est une interrogation quant à la fiabilité de ces délais, car il y a un mystère.

Par exemple, si l’on retient le « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires », indicateur institué par la loi de programmation 2009-2011, on parvient à des délais – sans doute plus proches d’ailleurs de ceux que constatent les praticiens – encore supérieurs à deux ans pour le Conseil d'État ou les tribunaux administratifs, un peu moins longs pour les cours administratives d’appel, mais en fait très variables d’une cour à l’autre.

Ma troisième observation sera pour formuler une inquiétude : à quel prix obtient-on ces réductions des délais ?

Ce prix, c’est sans doute une justice plus expéditive, ce qui se traduit par la multiplication des jugements par ordonnance et un recours au juge unique de plus en plus fréquent.

Cela me rappelle le cours de droit administratif publié dans les années soixante par Raymond Odent, mais réédité depuis, dans lequel l’éminent conseiller d'État résume le problème en une formule désormais banale quand on évoque le juge de l’ordre judiciaire, le fameux : « juge unique, juge inique ».

Dans le rapport de M. Yves Détraigne, c'est la même inquiétude qui s’exprime. Nous nous dirigeons vers une justice moins respectueuse du droit des justiciables : « Le cas du référé mis à part, toute extension du champ des matières relevant d’un juge unique ou du président de la juridiction statuant par ordonnance est susceptible de préjudicier aux droits du justiciable, puisqu’elle le prive des garanties d’instruction et de délibéré de la formation collégiale. » Cette analyse est partagée par tous les praticiens du droit, qu’ils soient magistrats ou avocats.

Il nous faut nous interroger sur ce que nous voulons en matière de droit. Préférons-nous un droit plus rapide, mais moins respectueux des parties, ou bien un droit plus lent, mais sans doute plus attentif aux complexités procédurales ?

Cela étant, les délais de traitement pourraient sans doute diminuer si les moyens étaient distribués autrement.

Je conclurai mon intervention par une dernière observation, qui concerne l'ensemble de la justice. Qu'en est-il de son coût, en particulier de celui de l’aide juridictionnelle ? De ce point de vue, je ne peux que me féliciter de la suppression du timbre fiscal de 35 euros.

Même si cela n’entre pas à proprement parler dans le cadre de l’examen des crédits de cette mission, je tiens à souligner que nous avons besoin d’une réforme d’ampleur de l’aide juridictionnelle. Elle n’est toujours pas annoncée, alors que d'autres réformes de la procédure administrative semblent aujourd'hui prêtes à être mises en œuvre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éclaircissements sur les différentes réformes qui sont annoncées en matière de contentieux administratif ?

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » est pour moi l’occasion de rappeler qu’une réforme des juridictions financières a été intégrée par la majorité à l’Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles. Cette initiative a fait échouer la commission mixte paritaire, puisque le Sénat a rejeté cette réforme qui a notamment pour objet de réduire le nombre des chambres régionales des comptes.

Nous ne souscrivons pas, sur la forme, à cette façon de procéder à la sauvette, pas plus que, sur le fond, nous ne souscrivons au dispositif lui-même.

Si réforme des juridictions financières il doit y avoir, elle devra faire l’objet d’un débat de fond. La réforme insérée dans le projet de loi laisse peser des incertitudes quant à ses conséquences sur le devenir de certaines chambres, sur les regroupements qui pourraient être envisagés, donc sur les besoins de financement futurs.

Il paraît donc difficile d’avaliser les crédits de ce programme.

Quant au budget du programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », il est préservé, puisque les crédits de paiement augmentent de 3,23 %. Dans le contexte économique que nous connaissons, c'est évidemment appréciable : cela signifie que le programme 2011-2013 se poursuit. Cependant, en réalité, dans les tribunaux administratifs, pour ne prendre que cet exemple, seulement 764 magistrats, assistés des agents de greffes et autres personnels, ont dû faire face en 2010 aux 183 283 recours enregistrés ; ces chiffres émanent de source syndicale.

Globalement, la progression des emplois atteint seulement 0,45 % pour 2012 et 2013. Or l’activité des cours administratives d’appel a progressé de 112 % en dix ans, celle des tribunaux administratifs, de près de 55 % ! Peut-on raisonnablement penser que ce budget sera suffisant pour faire face et à la charge de travail actuelle et à l’accroissement, année après année, des contentieux administratifs ?

Le risque est réel que soient réduits à néant les efforts des personnels pour réduire les délais de jugement que l'on constate aujourd'hui. En effet, le Gouvernement fait voter des lois sans jamais se soucier de leurs incidences, et les études d’impact sont trop souvent lacunaires.

Le contentieux de police s’accroît, tout particulièrement celui qui est lié au retrait des points du permis de conduire. Après les annonces du Président de la République, nul doute qu’il augmentera encore !

Le contentieux de l’éloignement des étrangers devrait connaître une nouvelle augmentation avec la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, notamment en raison de l’inversion de l’intervention du juge judiciaire et du juge administratif. Ce dernier sera saisi plus souvent et sur un nombre accru de questions.

La Cour nationale du droit d’asile a vu ses moyens humains renforcés. Il n’en reste pas moins que les avocats qui plaident devant la CNDA viennent de cesser le travail pour dénoncer une « politique du chiffre ». Et l’annonce, par le ministre de l’intérieur, d’une nouvelle réforme du droit d’asile n’est pas faite pour les rassurer. Il s’agit, en effet, de durcir les conditions d’accès à la procédure et de réduire le budget de l’asile. Le motif est désormais récurrent : la prétendue fraude d’un nombre important d’étrangers demandeurs d’asile.

J’en viens au contentieux du droit opposable au logement. Ne soyons pas surpris que le Comité de suivi de la mise en œuvre du droit au logement opposable vienne de dénoncer une situation qui empire, puisque le Gouvernement choisit délibérément de délaisser le logement social.

En Île-de-France, qui concentre 62 % des recours, le taux de relogement a baissé. Cela a un effet de chaîne sur l’hébergement, qui, mécaniquement, est plus sollicité : plus 15 % en 2011. L’ouverture du DALO à toutes les personnes reconnues prioritaires à partir de 2012 va, sans nul doute, accroître encore le nombre des recours.

Pour réduire l’impact des restrictions budgétaires, notre collègue Yves Détraigne s’interroge sur d’éventuels changements procéduraux, par exemple l’extension de la disparition des conclusions du rapporteur public déjà en œuvre dans certaines audiences ou celle des contentieux jugés à juge unique. Ces derniers concernent aujourd’hui, si l’on y ajoute les ordonnances, les deux tiers des affaires jugées devant les tribunaux administratifs. Il s’agit bien souvent de contentieux « sociaux », touchant des justiciables modestes.

Je suis pour ma part totalement opposée à l’extension de ces deux dispositifs – rapporteur public et collégialité sont protecteurs des droits des justiciables –, comme je suis opposée à la délocalisation des audiences.

Plutôt que le rapport prévu par l’article 49 quater, il serait urgent de donner à la justice administrative les moyens de son fonctionnement. Pour toutes ces raisons, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l'État » comporte trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », juridictions parmi lesquelles on trouve désormais la Cour nationale du droit d’asile, « Conseil économique, social et environnemental », « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Pour chacune de ces institutions sont précisées les dépenses de personnel correspondantes.

L'augmentation de 3,4 % des crédits est imputable à la seule Cour nationale du droit d’asile, dont la charge administrative s'est considérablement accrue, pour répondre, dans des délais raisonnables, aux recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA.

Pour 2012, la création de 62 équivalents temps plein travaillé doit permettre d'améliorer la situation d'engorgement à laquelle sont confrontés la Cour nationale du droit d’asile et les tribunaux administratifs de la région d'Île-de-France.

Les contraintes budgétaires imposent de limiter le nombre des créations d'emplois que nécessiterait cependant la constante inflation du contentieux – plus 6 % – liée tant à la loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, dite « loi DALO », qu'à la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité de 2011, qui augmente les délais de traitement des dossiers.

Aujourd'hui, ces délais atteignent plus de deux ans devant les tribunaux administratifs et plus d'un an devant les cours d'appel et le conseil d'État. Sur ce point, je souhaite que notre collègue Alain Anziani voie son vœu exaucé.

En dépit des nouvelles missions qui lui sont dévolues, le Conseil économique, social et environnemental ne bénéficiera d'aucune mesure complémentaire. Bien pis, il perd 0,3 % de son budget. Il sera confronté, à court terme, au problème du financement de la caisse de retraite de ses agents. Ce financement a nécessité, dès cette année 2011, des mesures de nature à préserver l'équilibre d’une caisse dont le nombre de cotisants est presque quatre fois inférieur à celui des ayants droit.

Je souhaite m'arrêter plus longuement sur le sort réservé à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

La réforme de ces juridictions financières, qui aurait dû être la conséquence naturelle de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, n'est jamais intervenue. Elle aurait pourtant fait de la Cour des comptes un outil moderne d’audit, d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. En lieu et place de cette réforme travaillée et attendue par les membres de la Cour des comptes, le Gouvernement a prévu non seulement de réduire le nombre des chambres régionales des comptes, les faisant passer de 27 à 20 – c'est dire qu'il n'y aura pas une chambre par région administrative –, mais aussi de redistribuer les compétences qui leur étaient antérieurement dévolues entre elles et les directions départementales des finances.

Un tel dispositif fait craindre aujourd'hui que, après le contrôle de légalité des actes administratifs, les comptes des collectivités locales ne soient plus contrôlés, ou du moins presque plus. On retrouverait dans les chambres régionales des comptes ce que l’on constate au sein des cours administratives.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’allez surtout pas penser que je suis une adepte inconditionnelle du contrôle des collectivités locales, mais je crois à l'intérêt et à la valeur, autant pour elles-mêmes que pour l'État, des principes de légalité et de régularité budgétaire. Je m'associe donc à ceux de mes collègues sénateurs qui, animés de la même crainte, ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel sur ce point.

Pour toutes ces raisons, dans leur grande majorité, les membres du groupe RDSE s'abstiendront. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ». Celle-ci comporte trois programmes : « Conseil d’État et autres juridictions administratives », « Conseil économique, social et environnemental », « Cour des comptes et autres juridictions financières ».

Avant tout, et comme l’a rappelé notre collègue Charles Guené, dont je tiens à saluer l’implication, la logique de performance s’est progressivement imposée, en conformité avec les préconisations et l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. On ne peut que s’en réjouir.

Pour l’exercice 2012, je commencerai par rappeler quelques éléments chiffrés - très positifs pour cette mission, dans un cadre budgétaire que nous savons tous contraint.

La mission que vous nous présentez, monsieur le ministre, bénéficie en effet de 601,4 millions d’euros de crédits de paiement, dont 83,5 % au titre des frais de personnels. J’insiste, ceux-ci sont au service de tous les Français, pour un fonctionnement optimal de nos institutions.

Les crédits affectés au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » représentent 58,1 % des crédits de la mission, ceux qui sont affectés au programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », 35,7 %.

Les crédits de ce programme, vous l’avez tous rappelé, augmentent de 3,4 % par rapport à 2011. C’est là une progression significative des moyens, faisant suite à celle, encore plus substantielle de 4,8 %, qui a été enregistrée en 2011.

Vous conviendrez donc que, dans un contexte budgétaire tendu, cette augmentation confirme l’importance attachée aux moyens de la justice administrative.

En 2012, monsieur le ministre, vous proposez d’augmenter de 62 le nombre d’équivalents temps plein travaillé, en vue de poursuivre l’amélioration des délais de jugement des juridictions. C’est une décision fondamentale pour la rénovation de notre système judiciaire.

Dans cette optique, afin de rétablir un niveau de performance très dégradé, la Cour nationale du droit d’asile a d’ailleurs fait l’objet d’un renforcement important de ses moyens humains.

Nous ne pouvons donc que nous satisfaire des 15 recrutements supplémentaires que vous prévoyez pour 2012. Alors que le délai moyen de jugement devant cette cour s’élève à neuf mois en 2011, ce renforcement en moyens humains contribuera à atteindre l’objectif de réduction de ce délai à six mois en 2012.

Cette logique du renforcement des moyens prévaut également pour les autres juridictions administratives, notamment le Conseil d’État, qui devront savoir tirer profit de l’augmentation de leur budget pour mieux répondre au traitement du contentieux administratif de masse.

Outre le Conseil d’État, sont concernés les 8 cours administratives d’appel et les 42 tribunaux administratifs, dont 11 dans les collectivités d’outre-mer. In fine, c’est donc une politique qui bénéficie à la juridiction administrative, mais surtout à ceux qui y recourent.

À cet égard, l’activité consultative du Conseil d’État, en particulier, est, pour les parlementaires que nous sommes, une aide fondamentale dans l’exercice de notre mission législative. Nous devons donc avoir à cœur de soutenir, comme vous le faites, monsieur le ministre, son activité structurante pour l’État.

S’agissant du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », sur lequel a travaillé notre collègue André Reichardt, nous constatons avec satisfaction que ces juridictions suivent leur trajectoire budgétaire, dans l’attente d’une éventuelle réforme des chambres régionales et territoriales des comptes, que vous avez évoquée.

Le groupe UMP se félicite de ce que les représentants de la Cour des comptes, des chambres régionales et des syndicats de magistrats aient reconnu l’adéquation des moyens qui leur sont alloués à l’exercice de leurs missions.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué les incertitudes qui découlent de la réforme des juridictions financières contenue dans le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles, concernant l’évolution du budget de ces juridictions. Nous vous écouterons avec attention sur ce point, monsieur le ministre.

Nous nous félicitons également des efforts déployés par le Conseil économique, social et environnemental pour mener sa réforme à budget constant.

Chacun le sait ici, il existe de nombreuses interactions entre les avis du CESE et les projets de loi adoptés ces dernières années par le Parlement, confirmant, s’il en était besoin, l’importance du Conseil et l’apport que ce dernier constitue pour notre société et la qualité de nos lois.

Le CESE, qui constitue un lieu de dialogue préservé entre toutes les strates de la société, a prouvé son utilité et sa valeur ajoutée : souhaitons qu’il continue avec autant de qualité.

Monsieur le ministre, autant dire que les choix traduits dans cette mission pour des institutions de contrôle et de conseil qui contribuent au bon fonctionnement de notre République nous semblent aller dans le bon sens.

En conclusion, mes chers collègues, fort de ces constats positifs, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », structurante pour l’État et pleine d’espérance quant à la modernisation de nos institutions. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de la mission « Conseil et contrôle de l’État », qui comprend trois entités différentes, logiquement regroupées en trois programmes très indépendants les uns des autres, va me permettre de vous apporter les réponses que vous souhaitez, programme par programme, en étant le plus précis possible, bien que de nombreuses questions touchent d’autres crédits budgétaires, relevant notamment du ministère de la justice. Monsieur Anziani, vous comprendrez que je ne puisse pas engager un débat au nom du garde des sceaux.

M. le rapporteur spécial, que je remercie de son soutien à cette mission, et M. le président de la commission des lois, au nom de M. André Reichardt, ont insisté sur le soutien budgétaire apporté à la justice administrative.

Le Gouvernement a fait le choix de soutenir la justice administrative, dans un contexte budgétaire pourtant très difficile ; vous l’avez tous, me semble-t-il, souligné, ce dont je vous suis reconnaissant. Les crédits de paiement augmentent de 3,38 % et les autorisations d’engagement restent stables.

La justice administrative est engagée, depuis 2009, dans une politique ambitieuse de modernisation de son organisation et de ses méthodes de travail. La programmation pluriannuelle des finances publiques 2009-2011 a permis d’engager cette démarche sur la durée. La programmation 2011-2013 doit permettre de parachever cette rénovation indispensable à l’efficacité de son action. Le calendrier sera, bien sûr, respecté.

Cependant, le redressement constaté au cours des dernières années demeure fragile, je le reconnais, au regard de l’augmentation probable du contentieux à l’avenir, comme vous l’avez très précisément évoqué, monsieur Sueur. On estime à 10 000 le nombre de requêtes supplémentaires, du fait de la mise en œuvre de la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité de 2011 et de l’augmentation des litiges relatifs au droit au logement opposable ou au revenu de solidarité active. Mme Borvo Cohen-Seat s’en est fait l’écho.

Ces perspectives provoquent des interrogations et font craindre des fragilités pour l’avenir. Bien entendu, le Gouvernement va s’efforcer d’y faire face.

Monsieur Sueur, vous avez mis l’accent sur l’impact de la loi relative à l’immigration, en relevant les questions posées par M. Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Les modifications apportées aux procédures contentieuses applicables aux mesures d’éloignement prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière sont susceptibles d’avoir trois conséquences évidentes sur l’activité des juridictions administratives.

D’abord, ces modifications tendent à accroître le nombre de requêtes, en raison du différé de l’intervention du juge des libertés et de la détention, qui se traduira par une sollicitation supplémentaire du juge administratif, désormais le premier susceptible d’être saisi. On peut estimer à environ 10 000 requêtes supplémentaires l’effet de cette évolution.

Ensuite, il faut prévoir un alourdissement de la charge de travail induite par chaque requête, compte tenu du fait que la contestation pourra porter désormais sur l’absence de délai de retour volontaire, sur la légalité du placement en rétention et sur la légalité de l’interdiction de retour, d’une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans, qui pourra assortir, à l’avenir, la mesure d’éloignement.

Enfin, il est à craindre des contraintes d’organisation majeures pour certaines juridictions, en raison de la possibilité ouverte de faire statuer le juge administratif dans des salles d’audience spécialement aménagées à proximité immédiate du centre de rétention administrative ou en son sein.

La programmation budgétaire 2011-2013 prévoit donc, certains d’entre vous l’ont relevé, la création, dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, de 30 emplois supplémentaires de magistrat, à raison de 20 en 2011, 5 en 2012 puis 5 en 2013. Certains d’entre vous l’ont relevé.

À ces emplois s’ajoutent les récents comblements de postes vacants.

Au total, les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel devraient donc pouvoir compter sur une cinquantaine de magistrats supplémentaires sur la période 2011-2013, ce qui est loin d’être négligeable.

Il est très difficile de savoir, à ce stade, si ces renforts suffiront à répondre à l’alourdissement de la charge des juridictions résultant de l’impact de la loi relative à l’immigration, en plus de l’évolution des autres contentieux. Cependant, cela permettra de faire face le plus rapidement possible aux premières conséquences attendues.

Ces effets devront être plus précisément évalués, dans quelques mois, pour apprécier si des moyens supplémentaires, au-delà de ceux qui sont déjà programmés à ce stade, sont nécessaires pour absorber cette évolution du contentieux. Le Gouvernement y pourvoirait alors dans un second temps.

MM. Guené, Sueur et Magras ont abordé le problème de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

Cette juridiction administrative spécialisée, rattachée au programme 165 « Conseil d’État et autres juridictions administratives » depuis le 1er janvier 2009, doit relever un double défi : une progression extrêmement importante du contentieux de l’asile – hausse de 15 % en 2009 et de 10 % en 2010 –, combinée au fort développement des demandes d’aide juridictionnelle, générateur de retards dans la mise en état des dossiers et d’une augmentation des renvois d’audience.

Ainsi, le délai moyen de jugement de la CNDA avait atteint quinze mois en 2009, et il avait été prévu de le ramener à six mois en 2011.

L’importance de ces défis avait conduit le Gouvernement à prévoir, dans la programmation 2011-2013 élaborée à l’été 2010, la création de 90 emplois supplémentaires pour les juridictions administratives : 40 en 2011, 30 en 2012 et 20 en 2013.

Cet effort devait permettre, d’une part, de consolider l’assainissement de la situation des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, et, d’autre part, de ramener les délais de jugement devant la CNDA à six mois à l’horizon de la fin de l’année 2013.

Grâce à ces moyens, nous pensons atteindre notre objectif.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en œuvre, au début de l’année 2011, de ce plan d’action s’est rapidement traduite par une accélération du rythme des créations d’emplois inscrites dans la programmation 2011-2013. Ainsi, la CNDA bénéficiera de 65 emplois supplémentaires en deux ans – 50 en 2011 et 15 en 2012 –, alors que la programmation initiale prévoyait 50 emplois étalés sur trois années. Je voudrais tout de même vous faire remarquer l’ampleur de l’effort consenti, dans un contexte budgétaire très tendu.

M. le président de la commission des lois a évoqué le problème des cas de recours au juge unique. De même, M. Anziani a eu une appréciation très critique sur les matières relevant de la compétence du juge statuant seul, citant à l’occasion la formule d’un célèbre professeur de droit. Je ne sais pas si c’est unique ou inique, mais je tiens à dire que des progrès sont faits pour que ce magistrat puisse statuer dans les meilleures conditions possible.

Au reste, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas sûr que le temps soit la condition sine qua non d’une bonne justice. Fort de mon expérience personnelle en la matière, je ne suis pas certain que, plus on passe de temps sur un dossier, meilleur sera le jugement rendu. Mais je suis prêt, dans un autre contexte, à en discuter avec vous.

Néanmoins, je comprends votre inquiétude, qui explique le jugement que vous portez.

L’innovation procédurale doit, en effet, permettre de revisiter les matières relevant de la compétence d’un juge statuant seul, après conclusions du rapporteur public, afin d’ajuster au mieux la liste des matières devant relever de la compétence d’une formation collégiale, pouvant être dispensées de conclusions d’un rapporteur public, et la liste des matières devant relever de la compétence d’un juge statuant seul, pouvant ou non être dispensées de conclusions d’un rapporteur public.

L’objectif est, notamment, de découpler la liste des litiges justifiant le recours au juge statuant seul en première instance de celle des litiges ne pouvant faire l’objet d’un appel.

Cette réflexion est actuellement en cours. Un groupe de travail, présidé par le chef de la mission d’inspection des juridictions administratives, a été mandaté à cet effet par le vice-président du Conseil d’État. Il devrait être en mesure de faire des propositions dès le début de l’année prochaine, sans doute au mois de janvier.

L’objectif n’est pas tant d’étendre la liste des matières relevant de la compétence d’un juge statuant seul – la collégialité est une garantie importante pour la juridiction administrative – que d’opérer une rationalisation de ces matières.

Je repose la question : peut-on considérer comme une garantie de bonne justice de devoir attendre un an de plus pour être jugé ? Je ne sais pas si vous avez la réponse.

À M. Anziani, qui s’est également inquiété de l’augmentation du délai moyen constaté pour le traitement des affaires ordinaires, je répondrai que c’est la conséquence directe de la politique de diminution du stock, conduisant à traiter les affaires plus anciennes en priorité. Ce chiffrage, comptabilisant le temps passé entre le dépôt de la requête et son traitement, devrait rapidement décroître avec la diminution constatée du stock des affaires de plus de deux ans.

Je tiens à dire que l’affirmation de Mme Escoffier selon laquelle les collectivités territoriales ne seraient pas assez contrôlées par les chambres régionales et territoriales des comptes, est inexacte.

Madame la sénatrice, ce n’est pas parce qu’il y a une réduction du nombre des chambres régionales de 27 à 20 que les collectivités seront moins surveillées. Je ne suis pas sûr qu’il y ait une relation de cause à effet en la matière. Il y a bien une rationalisation, une réorganisation, mais le résultat ne sera pas pour autant celui que vous craignez.

En tant que maire moi-même je peux vous l’assurer. En tant qu’ancien préfet, vous savez bien que les choses ne se passeront pas comme cela. (Mme Anne-Marie Escoffier fait une moue dubitative.)

Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Sueur, monsieur Magras, vous avez fait des remarques générales sur la Cour des comptes et évoqué la réforme des juridictions financières.

Le projet de budget de ces juridictions s’inscrit dans le cadrage retenu par M. le Premier ministre lors de l’élaboration du budget triennal 2011-2013, à savoir la reconduction, pour 2012, des crédits du programme 164 inscrits en loi de finances pour 2010, comme cela avait été le cas en 2011.

Je vous confirme par ailleurs, monsieur Magras, que le budget n’intègre pas les conséquences potentielles des dispositions législatives adoptées dans le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, et ce tout à fait logiquement, puisque ce texte a été voté voilà à peu près quinze jours. Cela aurait tenu au miracle qu’il en aille autrement, d’autant que le projet de loi fait l’objet actuellement d’un recours au Conseil constitutionnel. Le Gouvernement n’y est pour rien…

Sur ce point, comme vous en avez vous-même souligné la nécessité, monsieur le rapporteur spécial, nous devrons naturellement, dès cette année, tirer toutes les conséquences de ces dispositions nouvelles en vue de la préparation du budget de l’année prochaine.

Je tiens d’ailleurs à répondre à Mme Borvo Cohen-Seat, qui s’est interrogée sur l’avenir du texte de réforme des juridictions financières. L’ordre du jour particulièrement chargé, notamment du fait des nombreux textes budgétaires et financiers induits par la crise économique – nécessité fait loi !-, ne nous a pas permis de faire aboutir le projet de loi initial. Il y a des priorités dans la vie du Gouvernement comme dans celle de la Nation. Faire face à la crise est, aujourd'hui, la première d’entre elles.

Le Gouvernement a donc fait le choix de conserver l’esprit de la réforme au sein de plusieurs textes qui ont servi à « porter » les différentes dispositions prévues dans le texte initial.

J’affirme, par ailleurs, que le texte sur la répartition des contentieux apporte de nombreuses améliorations au fonctionnement de nos juridictions financières.

Le texte adopté par le Parlement consolide les compétences de la Cour des comptes en matière d’évaluation des politiques publiques, consacrant notamment la possibilité, pour le Gouvernement, de la saisir à ce titre. Il permet également à la Cour de mieux coordonner les contrôles des chambres régionales avec son propre programme. Il élargit le champ des collectivités et organismes soumis au régime d’apurement administratif. Enfin, il renforce les normes professionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.

Ces améliorations sont opportunes et vont dans le sens d’une modernisation nécessaire de notre système financier. Je regrette donc, monsieur le président de la commission des lois, que votre commission ait émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits spécifiques du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », et ce au seul titre de votre opposition à la réforme des juridictions financières. Je pense que le Premier président de la Cour des comptes y sera sensible ; mais vous vous en expliquerez avec lui, car je crois que vous le connaissez bien… (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait, je le ferai avec plaisir !

M. Patrick Ollier, ministre. Plus sérieusement, je crains que cela ne pénalise la Cour des comptes elle-même, d’autant que, en réalité, vous ne vous prononcez pas sur le budget tel qu’il est, puisque celui-ci est équilibré et va dans le sens d’un maintien des crédits et des emplois. Croyez bien que je regrette votre position.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Anziani a parlé d’une « abstention globale », ai-je cru comprendre.

M. Patrick Ollier, ministre. Autrement dit, une abstention que l’on pourrait considérer comme positive…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Une abstention « globale » !

M. Patrick Ollier, ministre. Si vous dites « positive », ce sera parfait, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Libre à vous de l’interpréter ainsi, monsieur le ministre. En tout état de cause, je ne suis pas le porte-parole du groupe socialiste-EELV !

M. Patrick Ollier, ministre. Disons que je serais heureux de pouvoir qualifier cette abstention de « positive » ! (Nouveaux sourires.)

J’en viens aux problématiques relatives au CESE, monsieur Magras.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la gestion du Conseil économique, social et environnemental par son nouveau président, Jean-Paul Delevoye, est tout à fait exemplaire, car partenariale et partagée. Je ne doute pas que chacun d’entre vous s’accordera à le reconnaître.

De nouveaux chantiers ont été lancés dès le début de son mandat, notamment la réforme, réussie, du régime de retraite des membres du CESE, ce qui est véritablement remarquable.

La réforme introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 élargissant les compétences de l’ancien conseil économique et social aux questions environnementales a ainsi été parfaitement mise en œuvre. Ce budget en témoigne, puisque la dotation est en légère diminution en valeur : 37,4 millions d’euros en 2012, contre 37,5 millions en 2011 et 37,6 millions en 2010.

J’ajoute une précision importante : la maîtrise des crédits de fonctionnement, passant de 5,6 millions à 5,3 millions d'euros, participe aussi de cette stabilisation budgétaire que le Gouvernement appelait de ses vœux.

Je terminerai en évoquant la caisse de retraite du CESE, sur laquelle m’ont interrogé Mme Escoffier et M. le rapporteur spécial.

Le 9 juillet 2009, deux mesures d’assainissement avaient en effet été adoptées : la suppression, à l’instar des assemblées, de la pension proportionnelle et la forte diminution de la pension de réversion.

Toutefois, ces mesures ne permettaient pas de supporter l’augmentation du nombre des ayants droit due au profond renouvellement des membres du Conseil à la fin de 2010. C’est la raison pour laquelle de nouvelles mesures ont été prises, comme le passage à soixante-deux ans de l’âge de départ à la retraite, l’augmentation de la cotisation salariale ou encore la création d’une contribution de sauvegarde du fonds. Toutes ces mesures sont entrées en vigueur très récemment, au 1er octobre 2011.

Je veux le dire ici, cette réforme, combinée avec l’affectation des recettes de valorisation, permet d’assurer le financement des pensions jusqu’en 2017 et de réduire de deux tiers le déséquilibre de la caisse en 2025.

Soyez-en assurée, madame Escoffier, le président Delevoye veille à la bonne conduite de cette réforme, et je tiens à l’en remercier.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Je vous demande d’adopter les crédits que je vous présente, en espérant que l’abstention annoncée se révèle finalement « positive », ce qui permettra d’empêcher leur rejet. (M. le rapporteur spécial applaudit.)

Conseil et contrôle de l'État
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 49 quater (nouveau)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Conseil et contrôle de l’État

595 076 041

599 963 390

Conseil d’État et autres juridictions administratives

344 186 557

348 663 347

Dont titre 2

284 719 711

284 719 711

Conseil économique, social et environnemental

37 473 575

37 473 575

Dont titre 2

31 011 200

31 011 200

Cour des comptes et autres juridictions financières

213 415 909

213 826 468

Dont titre 2

185 201 628

185 201 628

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. La commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption de ces crédits.

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. Patrick Ollier, ministre. Je remercie le Sénat de ce vote.

M. le président. J’appelle en discussion l’article 49 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Conseil et contrôle de l’État

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Pouvoirs publics

Article 49 quater (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2013, un rapport étudiant les possibilités de réformes tendant à réduire le délai moyen constaté de jugement par la juridiction administrative, notamment dans le cadre de recours successifs, et tendant à mieux sanctionner les recours abusifs. Ce rapport précise les conséquences d’une telle réforme sur le budget de l’État.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Charles Guené, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’adoption de cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 49 quater.

(L'article 49 quater est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Pouvoirs publics

Article 49 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chemin de la continuité est simple, la voie de l’exemplarité est courageuse. En période de croissance, il est en effet facile de reconduire, chaque année, une dotation en tenant compte de l’inflation et de l’accroissement de l’activité. Le budget global pour 2012, tel qu’il est et sera modifié, déroge à cette pratique, au nom de la solidarité nationale.

La dotation globale de la mission « Pouvoirs publics » initialement prévue pour 2012 s’élevait à 1,026 milliard d’euros, en progression de 0,8 % par rapport à 2011.

Il était proposé de stabiliser en euros courants la dotation de la Cour de justice de la République et de l’Assemblée nationale, en euros constants celle du Sénat, et de réduire respectivement de 0,5 % et 0,65 % l’enveloppe budgétaire de la Présidence de la République et du Conseil constitutionnel. Quant aux dotations des deux chaînes parlementaires, elles sont, en revanche, globalement majorées de 9,07 % par rapport à 2011.

La Présidence de la République et l’Assemblée nationale ont pris l’initiative de réduire, l’une et l’autre, leur dotation de 3 %. Le président du Sénat et les questeurs proposent, par amendement, une réduction identique pour la Haute Assemblée : plus qu’un symbole, c’est un effort réel de maîtrise des dépenses de fonctionnement.

La minoration de l’enveloppe budgétaire allouée à la Présidence de la République est permise grâce à une gestion rigoureuse et transparente, qui a conduit à la réalisation d’économies sur les dépenses de fonctionnement des trois dernières années. Ces efforts ont d’ailleurs été salués par la Cour des comptes dans son dernier rapport. La dotation demandée s’élève donc à près de 110 millions d’euros, soit un peu moins de 11 % du montant total de la mission.

La dotation budgétaire du Conseil constitutionnel, qui ne représente que 1 % du budget total de la mission, s’élève à un peu moins de 11 millions d’euros en 2012. Elle tend à diminuer globalement de 0,65 %, alors que l’année prochaine sera marquée par un accroissement substantiel de l’activité, en raison de l’organisation de l’élection présidentielle et du traitement des contentieux relatifs aux élections législatives.

De surcroît, la charge de travail du Conseil est considérable depuis la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, en mars 2010. Alors que le Conseil n’avait rendu que 26 décisions au titre du contrôle des normes en 2009, on en dénombrait 88 en 2010, dont 64 questions prioritaires de constitutionnalité. Sur 2010 et 2011, le Conseil constitutionnel a rendu plus de 150 décisions.

Son président, Jean-Louis Debré, a également tenu à attirer mon attention sur le lourd programme de travaux de rénovation et de sécurité du Conseil, alors que rien n’avait été entrepris sur ce plan au cours des soixante-dix dernières années. Il existe donc encore des marges de progression en termes de gestion publique des bâtiments.

J’en viens à la situation locative de la Cour de justice de la République. Tout en prenant acte du montant important des loyers dans le budget de fonctionnement, je suis néanmoins favorable au maintien de la Cour dans ses locaux, en attendant son emménagement au Palais de justice de Paris dès l’achèvement de la nouvelle cité judiciaire des Batignolles.

Une telle solution apparaît comme moins onéreuse qu’une relocalisation intermédiaire. Cette dernière ne permettrait pas de dégager une économie significative compte tenu des travaux ainsi engendrés et risquerait, en outre, de nuire à l’accomplissement des missions de la Cour.

La dotation de la Cour de justice pour 2012 est d’un peu moins de 820 000 euros, soit 0,08 % de l’ensemble des crédits de la mission.

En ce qui concerne les dotations parlementaires, les crédits de l’Assemblée nationale en 2012 s’établissent, après l’adoption d’un amendement de son président, Bernard Accoyer, et des questeurs Philippe Briand et Richard Mallié, à près de 518 millions d’euros, soit un peu plus de la moitié du coût de la mission.

Je souscris totalement à cette démarche de contribution solidaire à l’allègement de la dépense publique. L’examen du budget intervient à un moment critique du point de vue non seulement de la situation financière, mais aussi de la cohésion sociale.

Quant au Sénat, les crédits demandés s’élèvent à un peu plus de 333 millions d’euros pour 2012, soit moins d’un tiers de l’enveloppe totale de la mission.

La Haute Assemblée a dû faire face à des charges supplémentaires au cours des dix dernières années, en raison de l’augmentation progressive du nombre de sénateurs, correspondant à vingt-cinq sièges supplémentaires sur la période, dont cinq en 2011.

En dépit de ces créations successives, le budget du Sénat est demeuré constant en euros courants sur la période 2008-2011. De surcroît, ont été réalisées dans le même temps 52 millions d’euros d’économies par rapport aux années 2005-2008, grâce à des efforts soutenus de rationalisation des dépenses.

Ces derniers se poursuivront en 2012. Ainsi, les dépenses d’achats et de services extérieurs seront respectivement réduites de 7,88 % et de 5,26 %.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut aller encore plus loin, à l’instar de ce qu’a fait l’Assemblée nationale, et ce au titre de la solidarité et de la responsabilité, ô combien nécessaires. Envisageant d’agir en ce sens, compte tenu de la dégradation de la conjoncture et de nos comptes publics entre l’élaboration du budget et son vote, Gérard Larcher avait alors interrogé les questeurs par courrier en août dernier sur les voies et moyens de parvenir à une contraction des dépenses du Sénat de 2 %.

C’est pourquoi je salue la volonté du président Jean-Pierre Bel et des questeurs de poursuivre la politique de maîtrise budgétaire engagée depuis 2008, volonté concrétisée par le dépôt d’un amendement visant à réduire les crédits du Sénat de 3 % pour 2012.

Par ailleurs, la progression substantielle des dotations des chaînes parlementaires, qui s’établissent à un peu plus de 17 millions d’euros pour chacune d’elles, s’explique par un accroissement des charges de diffusion, lequel ne prend pas en compte l’impact financier non prévu de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision et de télévision numérique terrestre, ou TST.

Gilles Leclerc, président-directeur général de Public Sénat, m’a fait part de son inquiétude à ce sujet. Les fonds propres de la chaîne, ayant servi au paiement de la taxe, ont donc considérablement diminué. Cet impact de la TST n’a pas pu en effet être anticipé, puisque les chaînes n’y étaient pas assujetties avant 2009 et qu’elles l’ont été par erreur, à la suite de la modification de l’assiette de la taxe intervenue en 2009.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations principales que je souhaitais vous communiquer. En vous priant de bien vouloir accepter toutes mes excuses pour avoir dépassé mon temps de parole – mais il s’agit du budget du Sénat ! -, je conclurai, monsieur le président, en indiquant que la commission des finances propose l’adoption des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, au sein de laquelle vous-mêmes et le Gouvernement êtes représentés, attribue aux orateurs des temps de parole. Je vous remercie de veiller à les respecter, sans quoi l’organisation de nos travaux deviendra très difficile…

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité, pour la première fois, présenter un avis sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Certes, nous n’avons pas eu l’ambition de porter un jugement d’ensemble sur des dotations dont le seul point commun est de concerner des institutions qui bénéficient toutes de l’autonomie financière.

En revanche, il nous a paru intéressant d’examiner les effets de l’évolution des crédits de la mission « Pouvoirs publics » sur l’organisation et le fonctionnement de nos institutions.

À cet égard, nous avons noté que plusieurs de ces institutions voient leur dotation baisser alors que leurs charges tendent à s’accroître.

Aussi l’exercice budgétaire pour 2012 nous impose-t-il un effort de rigueur dont je considère, tout légitime qu’il soit dans le contexte économique actuel, qu’il doit être salué.

En effet, il faut relever que les dotations allouées à l’Assemblée nationale et au Sénat vont être réduites de 3 %. Vous avez en mémoire, pour ce qui concerne le Sénat, les engagements que le président Bel a pris lors de son élection.

De même, la diminution de l’enveloppe allouée au Conseil constitutionnel attire l’attention ; depuis 2010, en effet, cette institution assume la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité, la QPC.

Au sujet de l’application de ce dispositif, sur laquelle j’ai choisi d’insister cette année dans mon rapport écrit, je souhaite relever trois motifs de satisfaction.

Je constate d’abord que le justiciable s’est approprié cette procédure pour obtenir le respect des libertés et principes garantis par la Constitution : le processus d’acclimatation de la question prioritaire de constitutionnalité à notre droit est désormais achevé.

J’observe ensuite que, en dépit du succès rencontré par la QPC, l’encombrement des juridictions a été évité : le justiciable est rapidement fixé sur la question soulevée.

Après avoir rencontré quelques difficultés au moment de la mise en place du système, le filtre que constitue l’examen préalable des questions par le Conseil d’État et la Cour de cassation fonctionne, à nos yeux, correctement. Une affaire sur quatre est renvoyée devant le Conseil constitutionnel, qui la juge dans un délai moyen de deux mois.

Enfin, je me réjouis que la question prioritaire de constitutionnalité ait permis de conforter l’État de droit. Qu’il me suffise de citer la décristallisation des pensions, le rappel des exigences liées aux droits de la défense pour la garde à vue ou la retenue douanière, ou encore l’intervention du juge judiciaire dans le cadre de l’hospitalisation sous contrainte.

Pour les années 2011 et 2012, le coût de la mise en œuvre de la question prioritaire de constitutionnalité peut être estimé à 4,4 millions d’euros. Cette évaluation prend notamment en compte la création d’une nouvelle salle d’audience, des aménagements dans les locaux du Conseil constitutionnel et la création d’un certain nombre de postes.

Cependant, la maîtrise par le Conseil constitutionnel de ses dépenses de fonctionnement lui a permis de neutraliser les effets de cette nouvelle charge.

Je souhaite, pour conclure, aborder deux questions.

Je note d’abord que la Cour de justice de la République supporte un loyer très élevé, qui représente près de 60 % de la dotation qui lui est allouée.

Reste que le projet envisagé par le Gouvernement de l’installer de façon transitoire dans des locaux aujourd’hui relevant de l’administration pénitentiaire, en attendant son transfert définitif, en 2017, au palais de justice de Paris, pourrait se révéler une opération encore plus coûteuse que le maintien de la situation présente…

M. Patrick Ollier, ministre. En effet !

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Qu’en est-il, monsieur le ministre, de la négociation à la baisse du loyer actuel, que le bailleur avait d’ailleurs lui-même proposée ? Je ne sais si vous me répondrez, mais je pense que ce serait la meilleure solution.

Je m’interroge enfin sur la dotation de la Présidence de la République. Incontestablement, la gestion de ces crédits a gagné en transparence et en rigueur. Il y avait de la marge !

L’examen annuel des comptes de la Présidence de la République par la Cour des comptes, souhaité par le chef de l’État, a été un aiguillon utile. Quelques petites zones d’ombre demeurent cependant.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Voilà…

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Par exemple, nous souhaiterions être éclairés sur la programmation, par la Présidence de la République, des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales inscrites au budget du ministère de l’intérieur ou au budget du ministère des finances. La compétence que l’Élysée s’est ainsi attribuée est-elle totalement conforme à la fonction du Président de la République ? Nous ne faisons que poser la question.

Prenant en compte l’évolution maîtrisée des dotations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics », dans un contexte de forte abstention… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour cette mission.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, je vais m’efforcer de restituer les minutes supplémentaires que certains de nos collègues ont peut-être empruntées… (Sourires.)

M. le président. Vous n’en avez pas moins la parole pour cinq minutes, ma chère collègue ! (Nouveaux sourires.)

Mme Anne-Marie Escoffier. Toutefois, monsieur le ministre, je ne résiste pas au plaisir de vous répéter les propos que j’avais tenus l’année dernière, à la même époque et au sujet de la même mission.

J’avais ainsi commencé mon intervention : « Les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite, l’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée. »

Cette belle admonestation a été prononcée,… en l’an 55 avant Jésus-Christ, par Cicéron !

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Déjà un sénateur !

Mme Anne-Marie Escoffier. Belle recommandation, en vérité, et d’une brûlante actualité !

Elle peut s’appliquer à toutes les missions que nous avons examinées jusqu’ici, toutes ou presque.

Mon propos sera très bref, car il est clair que toutes les institutions concernées par la mission « Pouvoirs publics » ont consenti de véritables efforts pour réduire leurs dépenses.

Ainsi en est-il de la Présidence de la République, dont la Cour des comptes a salué les efforts de gestion et de transparence pour réduire les charges de personnel et les dépenses d’études et de sondages, non sans toutefois relever le coût, encore excessif, des déplacements en province.

Je n’insiste pas sur la répartition de certaines subventions, notamment du ministère de l’intérieur, qui posent, il est vrai, quelques problèmes.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Des problèmes de principe !

Mme Anne-Marie Escoffier. Des problèmes de principe, en effet.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Des problèmes de principe eu égard à la fonction du chef de l’État !

Mme Anne-Marie Escoffier. Les deux assemblées parlementaires, quant à elles, ont voulu s’engager dans une démarche volontaire de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement pour privilégier l’amélioration de leur communication au moyen des deux chaînes parlementaires, LCP-AN et Public Sénat, qui voient leur dotation augmenter de manière importante. Comme il a été dit, je crois qu’il faut saluer cette volonté politique.

S’agissant du Conseil constitutionnel, on relève que, malgré l’augmentation de ses charges résultant de l’inflation des questions prioritaires de constitutionnalité et de la tenue de plusieurs élections au cours de l’année prochaine, son budget connaît une stabilisation, voire une légère réduction.

Enfin, on ne manquera pas de souligner, comme l’a fait M. le Delebarre, la permanence du problème que représente le coût excessif du loyer de la Cour de justice de la République.

Ce loyer continuera d’être dû tant que la décision n’aura pas été prise d’installer cette institution dans des locaux moins onéreux, ou qu’une autre solution n’aura pas été trouvée.

Sous ces réserves et en soulignant, cette année encore, l’intérêt qu’il y aurait à voir les pouvoirs publics s’imposer spontanément la dure loi des programmes et de l’évaluation de la performance, les membres du groupe RDSE, devant les efforts consentis pour la maîtrise des dépenses, donnent un avis favorable sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

M. le président. La parole est à M. Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, dans les quelques minutes qui me sont imparties pour m’exprimer, au nom du groupe socialiste-EELV, sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics », je ne commenterai pas le budget de la Présidence de la République ; mon collègue Michel Delebarre, rapporteur pour avis, a déjà posé, à juste titre, la question de la valorisation des déplacements, toujours nombreux et dynamiques, auxquels procède le chef de l’État… Ce débat va se poursuivre, sans doute dans d’autres instances.

Je souhaite en revanche consacrer quelques remarques à l’évolution du budget du Sénat lui-même. Il me semble, en effet, que l’événement le justifie : le président Jean-Pierre Bel a proposé, dès son entrée en fonction, une diminution raisonnable et argumentée du budget de notre institution.

C’est une décision que je salue, en particulier pour la méthode employée : ni bruyante, ni médiatique, elle a reposé sur un travail approfondi, systématique et collégial, auquel nos collègues questeurs ont largement contribué, visant à identifier les sources raisonnables d’économies.

Le président Jean-Pierre Bel a tenu à souligner qu’il ne s’agissait en rien d’une concession faite à des mises en cause hâtives, à une chasse aux scandales souvent dérisoire et aux pulsions antiparlementaires qui continuent de bourgeonner ici et là.

Il me semble qu’il s’agit au contraire d’un exemple de pratique réformatrice, respectueuse de la démocratie et soucieuse de l’efficacité du Parlement.

Nous sommes nombreux, même au-delà de la majorité sénatoriale, à soutenir cette nouvelle démarche, dont je pense qu’elle connaîtra d’autres développements ; nous les attendons avec confiance.

À la suite des orateurs qui m’ont précédé, je constate avec satisfaction que le défi de la question prioritaire de constitutionnalité a été relevé par le Conseil constitutionnel.

Depuis longtemps, de nombreux démocrates et de nombreux juristes appelaient de leurs vœux l’introduction de cette procédure. Nous savions bien qu’elle représenterait sinon une césure du moins un passage, et ferait entrer dans un nouvel univers une institution dont la pratique et la tradition étaient assez éloignées d’une telle ouverture du prétoire.

Alors même que des délais assez exigeants, compte tenu de la profondeur des questions juridiques soulevées, sont imposés aux deux institutions régulatrices – les deux cours suprêmes – et au Conseil constitutionnel lui-même, leur maîtrise a été acquise d’emblée.

Les dix-huit premiers mois de contrôle ont donné lieu à des décisions claires, équilibrées et approfondies. Si elles marquent, comme il a été dit, une avancée de l’État de droit, elles représentent aussi, pour le législateur, un appel à une vigilance accrue.

Certes, la réforme de 1974 a constitué un premier palier dans l’exigence, pour le législateur, de respecter ses obligations supralégislatives, constitutionnelles. Mais il fallait une prise de position d’un nombre important de parlementaires pour que le Conseil constitutionnel fût saisi. De sorte que, dans bien des situations – sans même parler de la législation antérieure –, le Parlement, en s’abstenant de saisir le Conseil constitutionnel, décidait de lui-même d’une absence de contrôle de la constitutionnalité de la loi.

Aujourd’hui, le droit existe, pour tout citoyen, de façon pour ainsi dire immanente, de saisir le Conseil constitutionnel, si sa querelle est jugée recevable par la cour suprême compétente. Il en résulte donc, pour nous, une exigence accrue de vigilance.

Je considère que le mode de régulation par la Cour de cassation et le Conseil d’État a donné satisfaction, après, m’a-t-il semblé, une brève période que je qualifierai « d’harmonisation » entre la conception qu’en avait la Cour de cassation et celle que prônait le Conseil constitutionnel…

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Un peu de cafouillage…

M. Alain Richard. Aujourd’hui, cette réforme a atteint sa vitesse de croisière. Elle aura des effets très significatifs sur la qualité de notre droit. Aura-t-elle, à terme, des conséquences sur l’évolution du Conseil constitutionnel lui-même, une conception de plus en plus juridictionnelle de l’institution s’étant imposée ?

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Sans doute !

M. Alain Richard. C’est un autre débat, dont il est possible qu’il anime notre vie démocratique dans les prochains mois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je reviendrai brièvement sur les points très précis que Jean-Paul Emorine, dont je tiens à saluer le travail minutieux, a développés.

Comme vous l’avez rappelé, cher Jean-Paul Emorine, les dotations consacrées aux pouvoirs publics pour 2012 apparaissent globalement stables, avec simplement une légère progression globale. Elles s’établissent ainsi à 1,026 milliard d’euros.

S’agissant des questions budgétaires liées à la présidence de la République, je rappelle que l’enveloppe demandée est, pour 2012, minorée de 0,5 % par rapport à 2011, ce qui n’est ni plus ni moins que la conséquence d’économies sur les dépenses de fonctionnement réalisées depuis trois ans et saluées, dans son dernier rapport, par la Cour des comptes, qui a évoqué une « gestion plus rigoureuse ».

La dotation allouée à la présidence de la République s’élève ainsi à 111,73 millions d’euros et ne représente, si je puis me permettre, « que » 10,89 % du montant total de la mission.

À vous qui disposez d’un historique budgétaire de l’État bien plus ancien que le mien, monsieur Delebarre, je rappellerai seulement que, jusqu’en 2007, l’Élysée n’avait même pas de budget !

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Quelle époque ! (Sourires.)

M. Michel Magras. Il y a donc lieu, plutôt, de nous satisfaire des réductions budgétaires effectuées par l’institution.

S’agissant du dispositif de sondages et d’enquêtes d’opinion, qui a fait couler beaucoup d’encre, là encore, la Cour des comptes a récemment déclaré que « cette procédure a été conduite de manière exemplaire ».

En effet, comme s’y était engagé le directeur de cabinet du Président de la République, elle a été totalement revue en 2009.

Plus précisément, mes chers collègues, un appel d’offres a été ouvert en octobre 2009 pour l’attribution de trois lots à compter de l’année 2010. Ainsi, sur trente-six sociétés ayant demandé un dossier de candidature, douze ont déposé des offres, dont les plus importants instituts de sondages français.

Après une analyse approfondie des offres, trois d’entre elles ont donc été retenues sur une base technique et parmi les moins coûteuses.

Cela a amené la Cour des comptes, toujours dans son dernier rapport, à faire ce commentaire : « Vos services ont réalisé un sérieux effort de rationalisation et d’économies dans les relations contractuelles qui les lient à des cabinets de conseil en stratégie et des instituts de sondages. C’est un progrès qu’il convient de souligner. »

En ce qui concerne les déplacements du Président de la République, il est important, tout d’abord, de distinguer les déplacements diplomatiques, à l’étranger mais aussi en France, à l’occasion de sommets tenus sur notre territoire, et les déplacements hors diplomatie en France, en métropole ou outre-mer.

La Cour des comptes avait en effet émis des observations sur les coûts des déplacements, notant des délégations trop nombreuses, un pilotage budgétaire insuffisant, un coût élevé des missions préparatoires et des précurseurs. Elle avait alors formulé diverses recommandations.

Mais les chiffres parlent d’eux-mêmes : au premier semestre de 2011, on a compté soixante déplacements présidentiels. Malgré leur nombre en progression, leur coût total a diminué de 16 % par rapport à la même période en 2010.

Pour 2012, ce budget confirme quant à lui la tendance constatée en 2011.

Cette évolution traduit la forte volonté d’économies exprimée par le Président de la République, ce dont les Français ne peuvent que se satisfaire.

Des mesures ont ainsi été prises afin de réduire le nombre de participants, d’accroître les négociations des tarifs d’hébergement et de location de voitures, d’abaisser le niveau de service à bord des avions militaires et, enfin, de demander le remboursement aux journalistes et aux chefs d’entreprise des frais exposés.

Tous ces efforts sont significatifs de la volonté présidentielle réaffirmée d’une plus grande transparence.

Les budgets de nos deux assemblées parlementaires sont, pour leur part, stabilisés.

S’agissant du Sénat, le budget de 333,59 millions d’euros représente ainsi un peu moins d’un tiers de l’enveloppe totale de la mission.

Nous avons dû faire face, comme l’a rappelé Jean-Paul Emorine, à l’augmentation de l’effectif des sénateurs, qui s’est accru de vingt-cinq sièges en dix ans, dont cinq récemment.

Les deux budgets parlementaires sont, en outre, marqués par un réel effort de maîtrise des dépenses d’achats et de services extérieurs ; il convient de le saluer.

Enfin, s’agissant de la dotation budgétaire du Conseil constitutionnel, institution à laquelle nous sommes profondément attachés, elle représente 1,07 % du budget total de la mission et s’élève à 10,99 millions d’euros en 2012.

Rappelons que la charge de travail du Conseil constitutionnel a été considérablement alourdie depuis la mise en œuvre des questions prioritaires de constitutionnalité, en mars 2010.

Alors que le Conseil n’avait rendu que 26 décisions au titre du contrôle des normes en 2009, on en dénombrait 88 en 2010, en tenant compte des 64 questions prioritaires de constitutionnalité.

En conclusion, il va sans dire que le groupe UMP soutient les efforts de maîtrise de la dépense engagés par la Présidence de la République, pour sa structure propre et, plus généralement, pour l’avenir des Français. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs intervenants, en particulier M. Delebarre, M. Emorine et M. Richard, ont décerné un satisfecit au Conseil constitutionnel pour sa gestion exemplaire.

Il est important de noter que le budget global du Conseil diminue de 0,65 %, alors même que son activité s’est fortement accrue du fait de la création de la question prioritaire de constitutionnalité, à la suite d’une certaine révision constitutionnelle engagée en 2008 par le Président de la République, si mes souvenirs sont bons… (Sourires.) Vous avez d’ailleurs tous reconnu, avec raison, que cette réforme, qui représente un grand progrès pour les libertés publiques, allait dans le bon sens.

De fait, le Conseil constitutionnel a vu sa charge de travail s’accroître. Monsieur Magras, vous l’avez vous aussi relevé : depuis le 1er mars 2010 et jusqu’à mi-octobre, le Conseil constitutionnel a rendu 158 décisions portant sur 184 QPC qui lui ont été renvoyées. Ce sont donc en moyenne trois questions prioritaires de constitutionnalité qui sont examinées chaque semaine.

Pour faire face à cet important travail supplémentaire, le Conseil a dû procéder à des recrutements, d’où un accroissement de quatre postes, parfaitement justifiés, dans le projet de loi de finances pour 2012.

Malgré tout, grâce à une diminution de 26 % des dépenses de fonctionnement, le Conseil constitutionnel peut présenter un budget équilibré. Je m’en félicite, et vous remercie encore, monsieur le rapporteur spécial, de l’avoir souligné.

Vous m’avez ensuite interrogé, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, sur la question de la Cour de justice de la République, singulièrement de son bail actuel et de son déménagement envisagé. À titre personnel, je partage votre sentiment.

La CJR doit, comme vous le savez, trouver de nouveaux locaux, d’un loyer inférieur à 400 euros le mètre carré pour respecter les normes fixées par l’État.

À l’issue du débat à l’Assemblée nationale, j’ai demandé à mes collègues Valérie Pécresse, ministre du budget, et Michel Mercier, garde des sceaux, que cette affaire soit traitée dans le sens de l’intérêt général, qui veut que l’on réduise la dépense publique.

Le calcul est simple, et j’ai demandé qu’il soit fait : il suffit d’additionner les coûts du déménagement, des investissements rendus nécessaires par les travaux d’amélioration des bureaux et du nouveau loyer, et de comparer le total ainsi obtenu avec le montant du loyer actuel. Si l’opération ne fait pas apparaître d’économies par rapport à la location actuelle, la CJR restera dans les locaux qu’elle occupe actuellement jusqu’à ce qu’elle rejoigne le Palais de justice de Paris.

Monsieur Delebarre, monsieur Emorine, encore une fois, je partage votre sentiment et ne peux que vous inviter à me soutenir dans la démarche que j’ai entreprise auprès de mes collègues pour que le problème soit réglé le plus rapidement possible.

Monsieur Delebarre, vous avez parlé de « zones d’ombre », ce qui ne manque pas de m’interpeller, tout en reconnaissant que c’est le Président de la République, et c’est vrai, qui a demandé à être contrôlé tous les ans.

La présidence de la République est la seule institution dans la République qui fasse l’objet d’un contrôle annuel par la Cour des comptes. Pouvez-vous penser que, dans ces conditions, il puisse subsister des zones d’ombre ?

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Oui !

M. Patrick Ollier, ministre. Pour ma part, je ne le crois pas, monsieur Delebarre.

Je n’imagine pas qu’avec un contrôle aussi fréquent exercé par des gens aussi compétents il puisse subsister des zones d’ombre. Je fais confiance à Didier Migaud et à tous ses collaborateurs pour que les choses se déroulent dans la plus grande transparence.

Sur la question des crédits exceptionnels réservés aux collectivités territoriales, il est exact que la présidence de la République souhaite donner son avis sur des crédits qui, monsieur Delebarre, sont gérés par le ministère de l’intérieur.

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Et dépensés à l’occasion des voyages !

M. Patrick Ollier, ministre. Merci de reconnaître qu’ils sont gérés par le ministère de l’intérieur, monsieur le rapporteur pour avis !

Je vous rappelle que l’enveloppe attribuée au ministère de l’intérieur ne représente que 25 millions d’euros par rapport aux 119 millions d’euros dont dispose le Parlement, soit 18 % du total, sur lesquels la présidence de la République souhaite formuler un avis via son cabinet. C’est une pratique ancienne à laquelle tous les présidents ont sacrifié. Il n’y a là rien de nouveau et tout se déroule dans la plus grande transparence. La Cour des comptes est là pour le confirmer.

Pour en terminer sur l’Élysée et son train de vie, la Cour des comptes qualifie la gestion de « rigoureuse ».

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Cela a l’air de vous surprendre !

M. Patrick Ollier, ministre. Non, cela me satisfait !

La Cour a souligné les efforts qui ont été faits, comme l’a relevé Michel Magras, ce dont je le remercie.

L’objectif de réduction du train de vie de la présidence, des coûts de fonctionnement et de personnel au profit de la modernisation des équipements et du développement des investissements a été ainsi parfaitement atteint en 2010 et en 2011, et constitue la trame centrale du budget pour 2012. C’est donc la continuité dans la gestion rigoureuse.

Le niveau de la dotation demandée par la présidence de la République pour 2012 est volontairement en baisse de 3 % par rapport à la dotation initiale de l’année précédente. Cet effort doit être souligné. Vous aviez omis de le signaler, monsieur Delebarre !

Cela participe à la réduction des dépenses de l’État. Il faut rendre hommage au Président de la République, qui montre l’exemple.

Parallèlement, l’Élysée a demandé l’annulation de 2 % de ses crédits de 2011.

Au total, ce sont donc des crédits en diminution de 5 %, sur la base de la dotation 2011, que la présidence présente au Parlement, soit un montant global de 5,6 millions d’euros. Cela mérite d’être signalé.

Madame Escoffier, je vous remercie de vos analyses.

Au final, je me réjouis que les crédits de la mission « Pouvoirs publics » fassent l’objet d’une quasi-unanimité.

Monsieur Delebarre, je ne sais toujours pas si vous êtes positif dans votre abstention ou si vous donnez un avis d’abstention positive sur ces crédits (Sourires.), néanmoins, j’espère que le Sénat confirmera, lui, par un vote positif les éléments positifs relevés par les deux commissions ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Pouvoirs publics
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Direction de l'action du Gouvernement - Budget annexe : Publications officielles et information administrative

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Pouvoirs publics

1 007 265 303

1 007 265 303

Présidence de la République

108 929 739

108 929 739

Assemblée nationale

517 890 000

517 890 000

Sénat

333 592 600

333 592 600

La Chaîne parlementaire

35 037 514

35 037 514

Indemnités des représentants françaisau Parlement européen

0

0

Conseil constitutionnel

10 998 000

10 998 000

Haute Cour

0

0

Cour de justice de la République

817 450

817 450

M. le président. L'amendement n° II-149, présenté par M. Bel, président du Sénat, ainsi que par MM. Todeschini, Dériot et Anziani, questeurs du Sénat, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Présidence de la République

Assemblée nationale

Sénat

                    

10 008 000

                    

10 008 000

La chaîne parlementaire

Indemnités des représentants français au Parlement européen

Conseil constitutionnel

Haute Cour

Cour de justice de la République

TOTAL

10 008 000

10 008 000

SOLDE

-10 008 000

-10 008 000

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, questeur du Sénat.

M. Jean-Marc Todeschini, questeur du Sénat. Comme l’a dit dans son intervention Alain Richard, le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a souhaité, dès son élection, que, dans le contexte économique actuel, le Sénat participe lui aussi à l’effort général de réduction des dépenses publiques.

Il l’a à nouveau confirmé lors de la réunion du Bureau du Sénat le 16 novembre dernier, en souhaitant que le montant de la dotation demandée à l’État soit réduit de manière significative.

Le présent amendement concrétise cette volonté, en ce qu’il vise à réduire la dotation du Sénat d’un peu plus de 10 millions d’euros, soit 3 % du projet de budget initialement adopté au mois de juillet dernier.

Après trois ans de stabilité de la dotation demandée à l’État en euros courants, cette dotation, ramenée à 323,585 millions d’euros, sera donc inférieure au montant qui était le sien en 2008.

Je me réjouis par ailleurs que cette décision ait fait l’objet d’un accord unanime des groupes.

Nous ajusterons en conséquence les crédits pour diminuer les dépenses prévues en 2012. Nos efforts porteront sur les investissements, conformément à l’annonce qui avait été faite dès son discours d’investiture par le président Jean-Pierre Bel, et sur les crédits de fonctionnement, qui constituent l’essentiel du budget du Sénat.

Tous les éléments du train de vie du Sénat seront réexaminés, des dépenses de communication aux frais de déplacement et de mission en passant par les conditions matérielles et financières de l’exercice du mandat de sénateur, comme le Bureau l’a décidé en chargeant un groupe de travail de lui faire des propositions dans les délais les plus rapides.

Tels sont, monsieur le président, mes chers collègues, les motifs qui justifient cet amendement cosigné par le président du Sénat et les trois questeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur spécial. Comme je l’ai mentionné au cours de mon intervention dans la discussion, me suis entretenu au sujet de cet amendement avec M. Todeschini, ainsi qu’avec les autres questeurs.

La commission des finances émet bien évidemment un avis favorable.

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Ollier, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez que, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le Gouvernement ne puisse donner d’avis sur cet amendement.

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. Mais il en meurt d’envie !

M. Patrick Ollier, ministre. C’est vrai, monsieur le rapporteur pour avis ! En effet, les dispositions de cet amendement s’inscrivant dans la droite ligne des économies préconisées par le Gouvernement, M. le président du Sénat et MM. les questeurs ont entièrement raison de l’avoir déposé.

Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. Michel Delebarre. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-149.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Pouvoirs publics », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s’abstient !

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Direction de l’action du Gouvernement

Budget annexe : Publications officielles et information administrative

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Direction de l’action Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » sont présentés avec ceux du budget annexe « Publications officielles et information administrative » dans un seul rapport.

S’il fallait caractériser la mission « Direction de l’action du Gouvernement », je la qualifierais de « couteau suisse ». En effet, celle-ci vise, notamment, à coordonner et optimiser tout à la fois la gestion des services du Premier ministre, des administrations déconcentrées et de neuf autorités administratives indépendantes.

Le total des crédits de la mission prévus par le projet de loi de finances initial, avant sa modification par l’Assemblée nationale, progresse de 2,8 % par rapport à 2011 et s’élève à près de 1,14 milliard d’euros en 2012.

Cette hausse masque cependant des évolutions contrastées, selon les entités.

Les crédits du programme de la coordination du travail gouvernemental demeurent relativement stables, à l’exception de ceux du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN, qui enregistrent une hausse substantielle par rapport à 2011. Ils sont essentiellement dédiés au développement de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dont la mission consiste notamment à lutter contre les cyber-attaques.

L’augmentation de 2 % de l’enveloppe du programme de mutualisation des moyens des administrations déconcentrées s’explique, quant à elle, par une hausse des dotations de fonctionnement des directions départementales interministérielles, qui avaient été sous-évaluées en 2011.

Quant à la protection des droits et libertés, elle rassemble neuf autorités administratives indépendantes – ou plutôt huit – parmi lesquelles la CNIL, le CSA et une nouvelle autorité constitutionnelle indépendante – une ACI –, le Défenseur des droits. Ce dernier est issu de la fusion, à budget constant, du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de la HALDE ainsi que du Défenseur des enfants.

La progression globale de 3 % de l’enveloppe de ce programme bénéficie essentiellement à la CNIL et vise à lui permettre d’assumer ses nouvelles attributions de contrôle des dispositifs de vidéoprotection.

Ces augmentations semblaient se justifier lors de l’élaboration du budget. Toutefois, face à l’aggravation de la crise, l’Assemblée nationale a légitimement diminué les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » de près de 11 millions d’euros, soit une réduction de 1,3 %, au titre du nouveau plan de rigueur.

Peut-on faire mieux ? Je tenterai de répondre à cette question lors du cycle d’auditions que je mènerai au premier semestre de l’an prochain, au titre de la mission de rapporteur spécial qui m’a été confiée au début du mois d’octobre dernier.

Mon intervention portera plus particulièrement sur trois points : la coordination des différentes structures, l’optimisation de la gestion des crédits et la mutualisation des moyens. Ce faisant, monsieur le ministre, nous ferons « de la COM », c'est-à-dire de la coordination, de l’optimisation et de la mutualisation.

La coordination relève en partie du travail accompli au titre de la RGPP, qu’il convient de poursuivre. La multiplication des organismes de cette mission, et ils sont nombreux, pourrait conduire, si l’on n’y prend garde, à diluer l’action du Gouvernement. Nous avons pointé certains organismes lors de l’examen en commission : le Secrétariat général à la mer, l’Agence du renseignement, les divers conseils d’orientation et d’analyse. Il n’agit donc non pas de réduire quantitativement le travail gouvernemental, mais de le concentrer qualitativement.

Quant à l’optimisation de la gestion, elle constitue plus qu’un simple devoir financier : elle est une question de solidarité nationale. Elle renvoie, notamment, aux interrogations récurrentes sur la gestion des crédits de communication et des sondages.

Enfin, la mutualisation doit être au cœur du travail gouvernemental. Elle vise à réaliser des économies substantielles. C’est pourquoi, je le répète, la création de structures telles que la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, la DISIC, en charge d’animer les systèmes d’information, doit répondre à une stricte nécessité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer de la poursuite de vos travaux en matière de coordination, d’optimisation de la gestion des crédits et de mutualisation des moyens de la mission ?

Les services du Premier ministre voient leurs crédits de fonctionnement réduits de 10 % à périmètre constant. Le nombre des cabinets ministériels à la charge des services du Premier ministre est réduit de six à deux dans le budget 2012.

Les dépenses locatives des administrations déconcentrées du programme de mutualisation doivent également être restreintes, comme celles des autorités administratives du programme de protection des droits de la mission.

Monsieur le ministre, quels nouveaux chantiers d’économies comptez-vous ouvrir, sans pour autant diminuer l’utilité de ce couteau suisse que le Gouvernement a créé ?

Mes chers collègues, je vous présenterai rapidement les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Ils sont atypiques, car ils ne comportent aucune subvention du budget général, auquel ils reversent au contraire un excédent chaque année.

Depuis 2010, la fusion des directions des Journaux officiels et de la Documentation française a ouvert la voie à une mutualisation des instances support. Elle a entraîné une baisse générale des coûts de fonctionnement et un excédent budgétaire de près de 50 millions d’euros en 2010 et, de nouveau, en 2011.

L’ambition des inspirateurs de la fusion était d’ériger la nouvelle direction, la DILAI, en un grand pôle public d’édition, de diffusion, d’impression et d’information administrative. L’enjeu est d’offrir aux usagers ces services publics gratuits tout en dégageant les ressources nécessaires à leur fonctionnement.

Les sites internet Légifrance et Service-public restent les sites interministériels les plus consultés. L’imprimerie et la production éditoriale ont bénéficié d’importants investissements. La DILA a désormais les moyens de devenir un imprimeur de référence : encore faut-il que cette direction puisse se recentrer sur ces actions et que ses efforts soient accomplis en coopération avec les ministères et services de l’État.

Les investissements marquent une pause en 2012 : la nouvelle étape de la fusion concernera l’amélioration de l’organisation des services.

Les crédits du budget annexe affichent une baisse de 6 %, à 187 millions d’euros. Ils sont couverts par les recettes de la DILA, attendues à hauteur de 200,3 millions d’euros.

En conclusion, et sous réserve de ces observations, la commission propose le rejet des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et ceux du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Néanmoins, à titre personnel, je voterai ces crédits. (M. Jean-Paul Emorine applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, s’élèvera, en 2012 comme en 2011, à un peu moins de 24 millions d’euros.

Cette dotation n’est guère élevée pour traiter d’une question aussi grave et qui, pour une large part, concerne la santé des jeunes. Certes, j’ai conscience que la MILDT bénéficie également d’une ressource annexe, un fonds de concours alimenté par le produit de la revente des biens saisis aux trafiquants de drogues condamnés. Grâce à plusieurs réformes récentes, le produit de ce fonds a été porté à 21 millions d’euros en 2010. Ces sommes sont ensuite redistribuées aux différents services qui concourent à la lutte contre la drogue.

Faut-il pour autant se réjouir de cette situation, au motif qu’elle serait moins défavorable que celle que connaissent de nombreux autres budgets ? Je ne le crois pas, et ce d’autant plus que les résultats de la politique gouvernementale dans le domaine de la drogue et de la toxicomanie – dont la MILDT assure la coordination – ne me semblent pas satisfaisants.

En effet, le Gouvernement privilégie une approche répressive, qui non seulement éloigne certains publics des dispositifs de soin et de réduction des risques mais qui, de plus, ne permet pas de développer une politique de prévention.

La consommation de drogues ne diminue pas. Le cannabis reste, de très loin, le produit stupéfiant le plus répandu, mais la cocaïne s’est banalisée et l’héroïne atteint des publics plus fragiles, peu sensibles aux actions de prévention.

L’usage problématique de drogues est souvent associé à des phénomènes de polytoxicomanie et à des troubles psychiatriques. Ce n’est donc pas par la répression que la situation d’usagers en grande précarité s’améliorera, mais, au contraire, par des efforts supplémentaires en matière d’accueil, de suivi et de réduction des risques.

La situation sanitaire des usagers de drogues est critique. Malgré des progrès concernant le VIH, la France fait face à une véritable épidémie d’hépatite C. La prévalence de ce virus chez les usagers de drogues par voie intraveineuse est d’environ 60 %, et l’hépatite C causerait entre 2 000 et 4 000 décès par an.

C’est en prison que les conditions sanitaires liées à l’usage de drogues sont les plus révoltantes. La politique de réduction des risques y est insuffisante, alors que la consommation de stupéfiants, notamment par voie intraveineuse, est une réalité objective. Il conviendrait, au minimum, d’y expérimenter des programmes d’échange de seringues et de s’assurer de la continuité des soins pour les toxicomanes détenus.

Se focaliser sur l’application de la loi, c’est-à-dire sur la répression du trafic et de la consommation, qui constitue le cœur de la politique actuelle en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, se révèle peu efficace.

Aujourd’hui encore, la simple consommation d’une drogue est un délit, et ce quel que soit le produit concerné. J’observe que les dérives de cette politique répressive ont été dénoncées par la Cour des comptes.

Je salue l’action des associations, des professionnels de santé et des collectivités locales : en effet, ce sont ces acteurs qui, sur le terrain, gèrent de leur mieux les conséquences sanitaires et sociales des addictions. Ils sont les mieux à même de toucher les populations les plus fragiles, les plus marginales, donc les moins susceptibles de bénéficier des actions de prévention officielles.

Ce sont d’ailleurs les associations qui sont à l’origine de la demande d’ouverture de salles de consommation supervisées. Le vif débat que ce sujet a suscité l’an dernier n’a pas fait progresser la question. À mes yeux, il aurait fallu l’envisager sous un angle non pas moral, mais pragmatique, celui de la réduction des risques pour les usagers et des nuisances pour la société.

La politique actuelle a atteint ses limites. C’est pourquoi il est nécessaire, comme l’a recommandé l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, de réaliser une véritable évaluation des besoins et de préparer, le cas échéant, la mise en œuvre d’une telle expérimentation : il n’est pas inutile de rappeler que de nombreuses collectivités, de toutes sensibilités politiques, se sont portées volontaires.

En 2010, l’INSERM avait d’ailleurs établi une étude plus générale sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues. Ses nombreuses recommandations sont restées lettre morte, alors qu’elles mettaient en lumière les insuffisances de la politique de prévention française, notamment vis-à-vis des femmes. Je souhaite que le Gouvernement puisse s’en inspirer à l’avenir.

Les problématiques liées aux addictions comportementales – aux jeux d’argent ou aux jeux vidéo par exemple – mériteraient également une attention accrue, car elles posent aujourd’hui une véritable question de santé publique. Il serait logique qu’elles entrent dans le champ de compétence de la MILDT, qui, jusqu’à présent, n’a pas témoigné un grand intérêt pour ce sujet.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le tournant répressif pris par la MILDT depuis 2007 n’est pas la solution à apporter à l’usage de drogues en France. J’émets ainsi le vœu que, pour la période 2012-2015, à laquelle un nouveau plan gouvernemental sera consacré, une nouvelle impulsion soit donnée à la politique de prévention et de réduction des risques.

D’ici là, la commission des affaires sociales ne souhaite pas conforter les choix qui sont opérés actuellement dans l’utilisation et la répartition des crédits de la MILDT. Elle a donc émis un avis défavorable sur leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur pour avis.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la coordination du travail gouvernemental. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je limiterai cette année mon intervention aux thèmes de la qualité du droit et des actions d’information et de communication du Gouvernement.

Nous le savons tous : il y a encore trop de lois, parfois inutiles, mal préparées, puis insuffisamment appliquées.

Si 80 % des lois sont appliquées dans les six mois suivant leur promulgation – un chiffre satisfaisant, qu’il sera sans doute difficile d’améliorer –, le détail des résultats fait apparaître de fortes disparités. Ainsi, le taux d’exécution est inférieur à 50 % pour les lois relavant de ministères aussi importants que ceux de l’écologie, de la solidarité et de la ville, et il est même nul pour les ministères de la culture et des sports !

À propos de l’information et de la communication, je reprendrai à mon compte nombre des observations, parfois cruelles, de la Cour des comptes, et je formulerai trois remarques.

Premièrement, qu’en est-il de la mutualisation des dépenses de communication ? Les frais de communication, en forte augmentation – 50 % – entre 2006 et 2009, ont légèrement diminué en 2010, mais ils s’élèvent encore à 133 millions d’euros.

Les dépenses mutualisées au Service d’information du Gouvernement représentent 16 % des dépenses totales. Si l’on compare ce chiffre aux 5 % mutualisés en 2006, le progrès est sensible, les crédits du SIG ayant été multipliés par quatre dans l’intervalle. Toutefois, et bien qu’une partie de cette mutualisation ait été, comme il se doit, financée par un prélèvement opéré sur les dépenses de communication des ministères, force est de constater que ces dernières ont continué d’augmenter de 16 % entre 2008 et 2010, même si une baisse est programmée pour l’an prochain.

L’objectif de la mutualisation est donc encore assez lointain, pour la simple et bonne raison que celle-ci repose principalement sur la bonne volonté des ministres. Hormis l’obligation d’achat groupé d’espaces publicitaires, tout relève de la négociation, un système qui montre assez vite ses limites.

Deuxièmement, ces actions de communication sont-elles toujours pertinentes ? La réponse est dans la question… Les séances de « coaching » des ministres de l’immigration ou de l’intérieur et les sondages destinés à évaluer la notoriété ou l’image de tel ou tel membre du Gouvernement relèvent-ils vraiment de l’intérêt général ?

Troisièmement, j’évoquerai la légalité parfois douteuse – je crois pouvoir employer cette expression – de certaines actions de communication. Les sondages de l’Élysée ont été pendant des années financés par le SIG, en l’absence de tout fondement juridique. Il est vrai que cela a été corrigé en janvier 2011, et je m’en réjouis, mais la présidence de la République était tout de même dans l’illégalité depuis 2007.

En ce qui concerne les prestations de conseil en communication, la Cour des comptes a relevé de nombreuses irrégularités au regard des règles de la commande publique. On a prétendu qu’il ne pouvait s’agir que d’une relation intuitu personae et qu’on ne pouvait agit autrement. En réalité, il est toujours possible de mettre en concurrence les prestataires ! Or tel n’a pas été le cas, dans les ministères de l’écologie, de la culture ou de l’éducation nationale et même dans les services du Premier ministre.

En conclusion, il me semble que nous devons d’autant plus veiller à la légalité des procédures que ce budget augmente, ce qui est l’exception. Nous devrons faire preuve de vigilance dans les prochaines années.

Quoi qu’il en soit, en l’état, la commission est défavorable à l’adoption des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, rapporteure pour avis.

Mme Virginie Klès, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la protection des droits et des libertés. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer par remercier notre collègue Jean-Claude Peyronnet, ancien rapporteur du programme « Protection des droits et libertés », qui a réalisé un excellent travail à cet égard.

Nous avons dû examiner ces propositions de crédits dans des délais très courts. En outre, le temps qui m’est imparti ce soir pour vous les présenter est limité. Je suis donc contrainte à un effort de synthèse et je m’attacherai essentiellement au programme « Défense des droits et libertés », et plus particulièrement, en son sein, à la situation du Défenseur des droits.

Je ne puis toutefois m’empêcher de faire un petit détour par la CNIL, qui voit ses crédits de paiement augmenter de 9 % en 2012, à 17 millions d’euros, et ses effectifs croître de 11 équivalents temps plein, soit une augmentation de 7 %. A priori, c’est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas oublier de rapporter ces moyens aux objectifs et missions qui sont assignés par le Gouvernement à cette institution.

Il est ainsi difficile d’évaluer la charge de travail supplémentaire que représentera le traitement des notifications des failles de sécurité par les opérateurs de téléphonie. Surtout, la CNIL devra contrôler des dispositifs de vidéoprotection vingt fois plus nombreux – de 30 000 actuellement, ces derniers vont passer à 60 000 sur la voie publique et à 600 000 si l’on inclut tous les lieux privés. Cherchez l’erreur !

Lorsque je les ai interrogés sur la faible augmentation des moyens par rapport à la très forte croissance des dispositifs à contrôler, les membres du Gouvernement m’ont répondu que des décisions étaient attendues.

En 2011, 150 contrôles ont pu être réalisés par la CNIL et plus de 40 % d’entre eux ont montré des irrégularités. En 2012, la CNIL prévoirait d’en faire 450 environ. Je ne sais pas combien d’irrégularités elle constatera, mais, au regard des 600 000 dispositifs installés, les contrôles seront peu nombreux. En conséquence, on peut légitimement s’interroger sur la sincérité du budget ou des objectifs assignés à la CNIL.

J’en viens maintenant au Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante issue de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui se substitue au Défenseur des enfants, à la HALDE, au Médiateur de la République et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et dont les missions ont été définies, tardivement, par la loi organique du 29 mars 2011.

L’absence de mission de préfiguration et les retards dans les nominations ont été quelque peu préjudiciables au démarrage de cette nouvelle institution. Cette lenteur tranche avec l’empressement du Gouvernement à appliquer, dans d’autres domaines, des décisions qui n’avaient pas encore été adoptées, ni même parfois discutées, par le Parlement…

Le groupe socialiste avait exprimé de fortes réticences au moment de la création de cette autorité constitutionnelle, notamment en raison de son manque de lisibilité. Je reconnais que M. Baudis a pris en compte nos inquiétudes et a retenu une organisation qui nous semble devoir profiter aux trois petites autorités administratives indépendantes d’autrefois.

Pour autant, l’absence de création de postes et la stabilité des ressources budgétaires pour 2011 et 2012 – avec une inflation à 1,75 %, l’augmentation de 0,7 % constatée pour 2012 s’apparente au mieux à un gel des crédits ! – m’inquiètent au regard des objectifs ambitieux assignés au Défenseur des droits.

Le nombre des saisines va inévitablement augmenter, en raison de la disparition partielle du filtre parlementaire, mais aussi parce que le Gouvernement a très clairement affiché sa volonté d’améliorer l’accès au droit des citoyens français.

En outre, les prérogatives du Défenseur des droits sont plus larges que celles des autorités administratives indépendantes qu’il remplace. Le pouvoir d’injonction, la possibilité de suivre les dossiers ou encore de se pourvoir en justice sont de très bonnes innovations, mais elles exigent des moyens supplémentaires.

De même, comme toute nouvelle autorité, le Défenseur des droits aura besoin de communiquer pour faire connaître son action aux Français. On devrait donc prévoir un budget de communication accru pendant les premières années de fonctionnement de l’institution, ce qui n’est pas le cas.

Le Défenseur des droits souhaite également pouvoir se déplacer. Mais avec quels crédits ?

Il faudra aussi harmoniser les statuts, rémunérations et régimes indemnitaires des salariés des quatre anciennes autorités administratives indépendantes, ce qui ne se fera pas par le bas, de même qu’il faudra impérativement les réunir en un même lieu, cette mutualisation permettant aussi de faire des économies.

On nous annonce des locaux de 27 000 mètres carrés avenue de Ségur en 2016 ou 2017. Toutefois, quiconque a déjà suivi un projet immobilier sait que ces délais ne seront pas tenus. Les baux de la rue Saint-Florentin et de la rue Saint-Georges arrivent à échéance en 2014 ; il faudra donc les prolonger par avenant pour une période indéterminée, sans doute dans de mauvaises conditions financières, car nous serons pieds et poings liés, étant incapables de déménager ces autorités administratives.

Enfin, contrairement à la volonté du législateur organique, le Gouvernement refuse de créer pour cette institution un programme budgétaire spécifique.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en lieu et place du couteau suisse évoqué par M. Dominati, j’aurais préféré un Laguiole à lame unique, qui eût de surcroît conféré un tour plus homogène à cette mission budgétaire… (Sourires.) Mais ce sont là sans doute mes attaches aveyronnaises qui s’expriment !

On peut en premier lieu relever que les crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, restent en 2012 au même niveau qu’en 2011, année où ils avaient baissé de 20 %. Le maintien de ce niveau de financement peut être interprété de deux façons, soit comme un désengagement de l’État, soit comme un succès des mesures de lutte contre les toxicomanies. Je préfère bien entendu retenir la deuxième hypothèse…

Certes, la MILDT a essentiellement une mission d’impulsion et de coordination, mais je persiste à penser que son caractère interministériel n’est pas suffisamment affirmé et devrait vraiment être renforcé.

À l’heure où la situation française en matière de consommation de drogues demeure inquiétante, nous aurions aimé que le Gouvernement envoie un signe plus fort, montrant tout l’intérêt qu’il porte à cette mission.

Il faut toutefois mentionner que la MILDT est également financée par un fonds de concours abondé par la valeur des biens et du numéraire saisis lors de l’interpellation des trafiquants.

Le Défenseur des droits vient d’être longuement évoqué par Mme Klès. Si la création de cette institution répondait aussi à un souci d’économies budgétaires, on ne peut que s’émerveiller de la réduction des crédits, qui s’élèvent à 26 millions d’euros pour 2012, contre 45 millions d’euros pour les quatre autorités indépendantes avant leur regroupement.

Cette diminution me paraît très étonnante et, après Mme Klès, je m’interroge sur la capacité du Défenseur des droits à conduire sa mission, dont on sait qu’elle sera particulièrement lourde et délicate.

Les dépenses de communication évoquées par Alain Anziani nous posent aussi problème.

Dans une communication adressée à la commission des finances de l’Assemblée nationale en octobre dernier, la Cour des comptes relevait qu’il n’existait pas de stratégie d’ensemble de la communication des ministères.

Ces dépenses se sont élevées à près de 600 millions d’euros entre 2006 et 2010, dont 133 millions d’euros pour la dernière année. Or l’augmentation de 324 % des moyens du SIG ne s’est pas traduite par une diminution corrélative des dépenses de communication des ministères, ce qui nous conduit à nous interroger sur l’existence d’un référentiel harmonisé pour l’ensemble de ces derniers.

Au contraire, les dépenses des ministères ont continué à croître de 50 %. Le recours à des prestataires extérieurs ne se justifie absolument pas d’un point de vue budgétaire, puisqu’il va à l’encontre de la politique de mutualisation menée dans d’autres domaines de cette mission, tels que l’immobilier, les fournitures des administrations déconcentrées. De plus – on peut s’en étonner –, les ministères adoptent des politiques divergentes. Dans ces conditions, quel est le véritable rôle du SIG et le sens de la dotation qui lui a été attribuée ?

J’en viens maintenant à la dotation particulière de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dont je me félicite, même si elle me préoccupe un peu.

Nous avions demandé avec insistance et obtenu l’an dernier – au travers de l’adoption d’un amendement – que sa dotation ne soit pas réduite. Aujourd'hui, elle augmente de 15,9 à 17,3 millions d’euros, après une progression de 3,5 % en 2011. Néanmoins, cette hausse ne va pas aussi loin que nous l’aurions souhaité. La CNIL, en particulier, avait demandé à bénéficier de créations d’emplois pour pouvoir améliorer son maillage sur le territoire, afin de répondre à l’obligation qui est la sienne aujourd'hui d’exercer des contrôles. Or la capacité supplémentaire qui lui est donnée ne lui permettra probablement pas de remplir sa mission comme nous l’aurions voulu.

J’aborderai maintenant un point que mes collègues n’ont pas évoqué et qui me pose un peu problème : les dépenses de rémunération des membres de cabinets ministériels, à commencer par celui du Premier ministre. La publication d’un « jaune » retraçant l’ensemble des emplois mis à disposition par des administrations constitue un réel progrès par rapport à l’opacité qui prévalait jusqu’à présent. Il est toutefois regrettable que le montant de ces rémunérations, qui sont donc imputées sur d’autres crédits, ne soit pas indiqué pour plus de transparence et de clarté.

Enfin, monsieur le ministre, lors d’un précédent débat, les membres de la Haute Assemblée vous avaient interrogé sur les conditions dans lesquelles les lois étaient appliquées, comme l’a rappelé d’ailleurs M. Anziani, et vous nous aviez fait part de l’intérêt que, dans chaque administration, un fonctionnaire soit chargé de suivre l’évolution de la mise en œuvre des lois.

Il me semble important que vous puissiez ce soir nous dire, monsieur le ministre, où en est cette disposition que vous souhaitiez mettre en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’agissant de ces différents services, je formulerai trois observations.

La première, poursuivant les réflexions faites par Alain Anziani tout à l’heure, porte sur la qualité du droit.

Je voudrais brièvement mettre en évidence l’importance du rôle du Secrétariat général du Gouvernement, le SGG, qui garantit l’efficacité, la cohérence et la régularité globales de l’action de l’État. Tout praticien de la vie de l’État connaît l’apport du Secrétariat général et de ses collaborateurs à la bonne marche des activités gouvernementales et à la sécurité juridique de l’action de l’État. Qui a pu, d’expérience, établir une comparaison avec d’autres grandes démocraties constate que nous disposons d’un outil de coordination et d’encadrement de l’action gouvernementale d’une qualité exceptionnelle.

Je suis cependant conduit à formuler deux réserves à cet égard.

La première porte – j’espère que M. le Premier ministre et M. le ministre ici présent accepteront de s’intéresser à cette question – sur le niveau assez inégal des services juridiques des différents départements ministériels. Sans entrer ici dans des considérations de type guide gastronomique, certains départements méritent tout à fait leurs étoiles tandis que d’autres en manquent sérieusement. (Sourires.) Par conséquent, malgré les efforts du SGG, la sécurité juridique de l’action de l’État présente tout de même des lacunes dans certaines de ses missions. Combler ces déficits serait, me semble-t-il, un investissement humain bien placé.

J’insisterai sur un effet induit. Je n’ai pas de doute sur la détermination du Gouvernement et des services de l’État en général pour conduire la politique de codification, indispensable à une meilleure mise en ordre de notre droit. Néanmoins, pour qu’une codification puisse aboutir, il faut évidemment que le service juridique du ministère support soit en état de l’assurer. Or je peux vous dire d’expérience qu’il existe vraiment une grande diversité à cet égard.

Ma seconde réserve a trait au rôle du SGG et de la sécurité juridique. Évidemment, quand on étudie aujourd’hui l’enchaînement de la préparation des décisions de l’exécutif, on constate que la fréquente interférence de la présidence de la République ne facilite pas la synthèse finale de ces dernières. Tous ceux qui ont fréquenté l’État savent que Matignon est une maison faite pour assurer la coordination gouvernementale, à la différence de l’Élysée. Par ailleurs, constitutionnellement, je le rappelle, il revient au Premier ministre de diriger l’action du Gouvernement.

Il faut donc se rappeler que Matignon est la vraie machine à produire de la décision gouvernementale. Naturellement, le chef de l’État doit jouer tout son rôle d’impulsion de cette action, mais il vaut mieux, pour le bon ordre de la marche de l’État, que chacun fasse le travail pour lequel il est programmé.

Ma troisième observation concernera la montée en puissance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Son programme de travail est impressionnant et cette création heureuse répond à une nécessité tout à fait impérative. D’ailleurs, les moyens en accroissement de cette agence montrent qu’elle était nécessaire.

Monsieur le ministre, cette agence a dû opérer une évaluation de nos dispositifs de protection des systèmes d’information de l’État à la lumière des cyber-attaques que l’on a pu constater. À l'évidence, il ne serait pas logique de réclamer un débat public sur cette évaluation, mais le Gouvernement ne devrait-il pas réfléchir à un mode – évidemment adapté – d’association du Parlement à cette réflexion et à cette évaluation ?

Il existe des modes de participation du Parlement à d’autres politiques de sécurité nationale, par exemple au travers de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, ou de la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN. L’ANSSI ayant maintenant atteint sa vitesse de croisière, il faudrait trouver un moyen adapté d’associer le Parlement, ou du moins certains parlementaires choisis, à l’évaluation de son action.

Je formulerai enfin une dernière observation portant sur le grand nombre d’autorités administratives indépendantes concernées par cette mission.

Il m’a été donné de constater que les décrets établissant les niveaux de rémunération des présidents de ces autorités avaient une tendance surprenante à s’aligner, dans tous les cas, sur le niveau maximum des « hors échelle », ce qui présente un sérieux contraste avec la sélectivité de l’attribution de ce même niveau pour les plus hauts emplois de l’État exécutif.

Le Premier ministre, me semble-t-il, ne perdrait pas son temps en procédant à une revue de ces classements de rémunération des présidents d’autorités administratives indépendantes, dont les responsabilités sont toutes éminentes, mais qui ne sont pas forcément du niveau des emplois supérieurs de l’État. Le bon ordre au sein de notre administration supérieure ne peut qu’y gagner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par évoquer le programme « Protection des droits et libertés ».

Mon groupe s’est opposé à la création d’un Défenseur des droits en raison des modalités de sa nomination, de son fonctionnement et du périmètre de son action.

Qu’en dire aujourd’hui ? Il est sans doute trop tôt, mais sa visibilité ainsi que celle de ses adjoints et de leurs compétences spécifiques me paraît en recul par rapport aux précédentes autorités. Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord avec la proposition formulée par notre collègue Alain Richard sur la rémunération des présidents des autorités.

Sur le fond, je constate que, dans son rapport sur les droits des enfants, le Défenseur évoque la situation des mineurs étrangers isolés, ce qui est positif. Il ne me semble pas, en revanche, s’être à ce jour préoccupé des enfants – des bébés parfois – placés en centre de rétention.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vois là une préoccupation moindre par rapport à celles qui animaient la Défenseure des enfants, alors que le tribunal de Melun vient de rappeler l’interdiction de placer des enfants dans des centres de rétention en annulant le placement d’un père et de ses quatre enfants mineurs.

Concernant le budget du Défenseur, il augmente de 0,7 %. Pourtant, qu’il s’agisse du fonctionnement, des besoins de se faire connaître, de la localisation, les questions soulevées l’an dernier demeurent. Force est de constater qu’il n’y a pas eu d’anticipation suffisante pour ce nouveau dispositif.

Des économies sont espérées sur les loyers, mais il faudra attendre 2016 et 2017 pour avoir un site immobilier unique ! Par conséquent, le regroupement et la mutualisation ne peuvent pas avoir d’effets financiers immédiats. En outre, ils contribuent au manque de visibilité de l’autorité du Défenseur des droits.

Tout cela ne contribue pas à la clarté du débat budgétaire.

Concernant la Commission nationale consultative des droits de l’homme, comme l’a souligné notre collègue Virginie Klès, le Gouvernement oublie bien souvent de la consulter. Toutefois, il omet aussi de suivre ses avis, comme sur les projets de loi relatifs à l’immigration, à la justice des mineurs, et même au Défenseur des droits ! Il y a donc là un problème.

J’en viens à la CNIL. Avec des moyens techniques qui permettent toujours plus le traçage des citoyens, des mesures législatives généralisant la vidéosurveillance, toujours plus de fichiers et toujours plus de personnes qui y sont recensées, la CNIL s’est vue attribuer de nouveaux champs d’action. Pourtant, force est de constater qu’elle n’a pas les moyens de les explorer, et l’augmentation budgétaire de cette année sera à cet égard insuffisante, me semble-t-il.

Je m’interroge aussi sur le rôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, puisque l’on constate une surpopulation carcérale croissante, une industrialisation de la captivité et, par conséquent, des conditions de détention plus difficiles, d’où une charge de travail plus importante pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Tout cela nous confirme le manque de volonté du Gouvernement de garantir l’effectivité des droits et des libertés.

S’agissant de la MILDT, chacun s’accorde sur le constat d’une aggravation en matière de toxicomanie et d’addictions sous toutes leurs formes. Les désaccords sont, en revanche, nombreux quant aux raisons de cette dégradation et sur la politique à mener.

Depuis plusieurs années, fidèle aux orientations du Gouvernement, la MILDT a pris un virage sécuritaire et répressif, tournant le dos au savoir-faire des professionnels et des associations sur la prévention et la réduction des risques.

Aujourd’hui, 35 % de ses crédits vont à la police, 25 % à la gendarmerie, 20 % à la justice, 10 % aux douanes et seulement 10 % aux actions de prévention. C’est peu quand on sait qu’une politique répressive ou une pénalisation des usages ne parvient pas à faire reculer les addictions.

Il s’agit pourtant d’un problème majeur de santé publique, avec des conséquences importantes liées à l’usage de produits illicites ou licites.

Si l’on constate des modifications dans les produits consommés, on voit aussi une dégradation du suivi sanitaire de populations fragilisées et l’insuffisance des mesures de prévention contre les risques épidémiques, notamment liés aux hépatites.

Comme l’a souligné notre collègue Laurence Cohen, la situation des détenus est à ce titre catastrophique, avec un facteur de risques multiplié par dix pour l’hépatite C et par quatre pour l’hépatite B. Il est urgent que le Gouvernement s’en préoccupe, car c’est gravissime.

Nous notons des insuffisances également s'agissant de la transmission du VIH. Permettez-moi, concernant notamment les femmes, de souligner le travail des associations, grandes, comme le Planning familial, ou petites, comme Ikambere, qui pallient les carences de l’intervention publique et méritent un soutien de l’État. Malheureusement, compte tenu de la répartition du budget, il y aurait beaucoup à dire sur ce point.

Enfin, je tiens à dire que je partage la position de notre collègue Laurence Cohen quant à l’expérimentation des salles de consommation, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays. Cette question mérite une réflexion approfondie, sans polémique aucune.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le budget de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme l’a souligné le rapporteur spécial, notre collègue Philippe Dominati, dont je tiens, au passage, à saluer le travail approfondi et de grande qualité, la maquette budgétaire de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » a connu de substantielles modifications au cours de ces trois dernières années.

En 2009, le programme « Protection des droits et libertés » a été créé par regroupement de crédits.

En 2010, le programme « Présidence française de l’Union européenne » disparaissait, du fait de la fin effective de la présidence française de l’Union européenne, laquelle a été marquée par un incontestable succès à l’échelon européen.

En 2011, la maquette budgétaire de cette mission était de nouveau modifiée, pour y intégrer, notamment, les dépenses de fonctionnement des directions départementales interministérielles, les DDI, ainsi que les crédits concernant les charges immobilières d’une grande partie des services déconcentrés dans un nouveau programme intitulé « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ».

Cette dernière évolution a traduit la mise en œuvre, au 1er janvier 2010, du volet départemental de la réforme des administrations territoriales de l’État, lancée en 2007, au titre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Nous ne pouvons d’ailleurs que nous satisfaire de la poursuite de la mise en œuvre de la RGPP, et nous féliciter notamment de la réduction du nombre de cabinets ministériels à la charge des services du Premier ministre, qui sont passés de six à deux à la suite du dernier remaniement ministériel.

En 2012, l’architecture en programmes de cette mission semble se stabiliser, puisqu’elle n’a pas subi de nouvelle modification. Elle se décline en trois unités.

Premièrement, le programme « Coordination du travail gouvernemental » retrace les crédits relatifs aux fonctions d’état-major, de stratégie, de prospective et de coordination, qui permettent de soutenir le Premier ministre dans son rôle de direction de l’action du Gouvernement. Il s’agit évidemment d’une mission fondamentale pour la cohésion de l’action gouvernementale au service des Français.

Dans cette perspective de coordination, je prends acte, pour m’en féliciter, du nouvel objectif assigné à la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, à savoir améliorer la coordination des actions interministérielles dans ces domaines.

Deuxièmement, le programme « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » vise à faciliter la gestion des moyens de fonctionnement des directions départementales interministérielles.

À ce titre, le groupe UMP salue la mise en place, dans le cadre de ce programme, du Défenseur des droits. La nouvelle autorité constitutionnelle a été instituée, à budget constant, en regroupant les crédits du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, ainsi que ceux du Défenseur des enfants.

Le périmètre d’intervention du nouveau Défenseur des droits est plus large qu’auparavant, afin, notamment, de mieux coordonner la protection des droits et libertés. Je profite d’ailleurs de cette occasion pour saluer la qualité du premier rapport rendu la semaine dernière au Président de la République.

Troisièmement, et enfin, le programme « Protection des droits et libertés » rassemble les dotations allouées aux autorités administratives ou constitutionnelles indépendantes qui concourent à la défense des droits et à la protection des libertés publiques.

Si les dotations de ce programme progressent globalement de 3 % en 2012, cette évolution bénéficie principalement à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dont les effectifs ont été augmentés pour faire face à ses nouvelles missions en matière de vidéoprotection. À cet égard, nous ne pouvons que nous satisfaire de la prise en compte de ce nouvel outil indispensable pour la protection de nos concitoyens.

Avant de conclure, je souhaiterais revenir sur la question évoquée par notre collègue rapporteur pour avis Virginie Klès quant au déménagement sur le site de Ségur. Pourriez-vous nous apporter quelques éléments d’information en la matière, monsieur le ministre, et nous préciser le calendrier envisagé ?

Mes chers collègues, le groupe UMP soutient les propositions budgétaires du Gouvernement pour cette mission, qui met en œuvre au mieux la RGPP et témoigne de la volonté du Gouvernement de renforcer certaines missions régaliennes en matière de protection de la sécurité et des droits des citoyens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comment, en quinze minutes, répondre à toutes les questions qui m’ont été posées en l’espace de quarante minutes ?

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. C’est un défi !

M. Patrick Ollier, ministre. J’essayerai d’être concis dans mes réponses.

Tout d’abord, je tiens à vous remercier, monsieur Dominati, du soutien que vous m’avez apporté à titre personnel,…

M. Jean-Pierre Sueur. Un soutien sans faille !

M. Patrick Ollier, ministre. … la commission des finances refusant de voter ces crédits.

Les crédits de paiement de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », tous titres confondus, augmentent de 31,5 millions d’euros, soit une hausse importante de 2,84 %.

Cette évolution s’explique, à hauteur de 22,3 millions d’euros, par l’accroissement du périmètre de la mission, avec notamment la création de la DISIC, la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, et de la mission « Étalab », et par l’augmentation nette de 9,2 millions d’euros due principalement au renforcement des missions de la CNIL et à la montée en puissance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, dont Alain Richard a parlé.

Le renforcement des missions de l’ANSSI, en application du plan gouvernemental annoncé lors du conseil des ministres du 25 mai 2011, à hauteur de 8 millions d’euros, prévoit la montée en puissance des moyens de sécurité des systèmes d’information et de protection des intérêts nationaux contre les attaques informatiques, ce qui constitue l’un des enjeux majeurs actuels.

Vous le comprendrez aisément, notamment après l’attaque subie par les systèmes informatiques de Bercy au début de cette année, cette nouvelle menace est à prendre très au sérieux. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a considérablement renforcé les moyens de l’ANSSI. Vous avez demandé, monsieur Richard, que le Parlement soit mieux associé au travail de cette agence ; je laisse le soin au Premier ministre de prendre les décisions qui s’imposent en la matière, mais je ne pense pas qu’il y soit opposé.

Concernant l’augmentation due au renforcement des missions, je préciserai notamment que, pour 3,7 millions d’euros, la progression mécanique de la masse salariale est liée au vieillissement des agents – le fameux GVT, ou glissement vieillesse technicité – et que le recrutement de douze agents par la CNIL s’inscrit dans le cadre du renforcement des prérogatives qui lui sont dévolues en application de la LOPPSI 2, dans son volet relatif au contrôle des dispositifs de vidéoprotection installés sur la voie publique, et de l’ordonnance du 24 août 2011, qui rend désormais obligatoire, pour les responsables de traitements de données à caractère personnel, la notification des failles de sécurité.

Il est d’ailleurs à noter que, postérieurement à l’élaboration du projet de loi de finances pour 2012 et conformément aux annonces du Premier ministre, l'Assemblée nationale a voté une diminution des crédits de cette mission à hauteur de 12,2 millions d’euros. À cet égard, je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, d’avoir relevé les économies réalisées par ce nouvel effort.

Monsieur Dominati, vous avez également évoqué la rationalisation des organismes placés auprès du Premier ministre. Les efforts réalisés pour réduire le nombre de ces derniers et pour mutualiser leur soutien sont constants depuis plusieurs années.

Ainsi, le Conseil de la création artistique a été supprimé au printemps 2011. De même, sera supprimée à la fin du mois de décembre la Commission des archives constitutionnelles de la vRépublique. Dans le même temps, les efforts ont porté sur le soutien, qui est mutualisé dans le cadre de la RGPP. Toutefois, la mutualisation et la rationalisation connaissent leurs limites pour les organismes qui sont constitués de personnalités spécialisées dans différentes thématiques.

Monsieur Anziani, vous avez interrogé le Gouvernement sur l’évaluation de l’exécution des lois. Je tiens à vous dire que cette question est l’une de nos préoccupations.

Permettez-moi de souligner, au passage, que j’ai œuvré en faveur de l’évaluation de l’exécution des lois, en demandant, dès 2006, alors que j’étais député, un premier rapport sur le suivi de l’exécution de la loi, qui soit élaboré par un rapporteur de la majorité assisté d’un collègue de l’opposition ; en effet, je considère que la transparence doit être totale en matière de contrôle de l’exécution des lois. Le règlement de l'Assemblée nationale a, depuis lors, pris acte de cette évolution.

Toutefois, parlons plutôt du Comité de suivi de l’application des lois, que j’ai décidé de mettre en place dès mon arrivée au ministère chargé des relations avec le Parlement. Sans doute en avez-vous entendu parler, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’avais alors indiqué que les conclusions de ce comité de suivi devaient donner lieu à l’organisation d’un débat au Parlement, qui se tiendra probablement en janvier prochain ; c’est, en tout cas, ce que je souhaite à titre personnel. Je puis vous dire, monsieur le rapporteur pour avis, que nous organisons des réunions régulières avec tous les ministères ; je pourrai vous en parler plus précisément si vous le désirez.

Le bilan de l’application des lois promulguées entre le 1er juillet 2007 et le 30 juin 2010 fait apparaître un taux d’application de 90,71 % ; sur les 1 474 décrets d’application, il n’en reste plus que 137 à publier. Je suis en mesure de vous fournir des chiffres précis, monsieur Anziani, car cette question est l’une de nos préoccupations. C’est pourquoi je ne peux accepter les chiffres que vous avez cités à propos du ministère des sports. Pardonnez-moi de vous le dire, mais ces chiffres sont faux !

Depuis la création du Comité de suivi de l’application des lois, le ministère des sports affiche un taux de publication des décrets d’application des lois de 100 %.

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Nous ne parlons pas de la même période !

M. Patrick Ollier, ministre. Vous vous êtes référé à l’époque où le ministère des sports était rattaché à un autre ministère,…

M. Alain Richard. Celui de la santé !

M. Patrick Ollier, ministre. ... celui de la santé, effectivement. Les décrets étaient donc globalisés.

Néanmoins, depuis que le ministère des sports est devenu un ministère à part entière, il œuvre directement à la publication des décrets d’application des lois le concernant. Le Comité de suivi de l’application des lois qui s’est réuni il y a quinze jours a relevé que 100 % des décrets d’application de ce ministère avaient été publiés, ce dont je me félicite.

Je me suis fixé comme objectif que le taux d’application des lois votées depuis six mois – c’est le laps de temps retenu par la directive du Premier ministre – avoisine les 100 %. Je reste prudent, mais j’espère pouvoir dire au Parlement que ce taux sera compris – nul n’est parfait ! – entre 95 % et 100 %.

Je ne veux pas allonger notre débat sur cette question, mais les décrets d’application du Grenelle, par exemple, sont pour la coordination interministérielle un casse-tête invraisemblable, parce qu’une multitude de ministères et d’administrations sont concernés. À cet égard, permettez-moi de remercier le secrétaire général du Gouvernement, qui réalise un travail remarquable en la matière.

D’ailleurs, je vous remercie, monsieur Richard, d’avoir relevé les qualités du Secrétariat général du Gouvernement, placé sous l’autorité du secrétaire général, M. Serge Lasvignes, car il nous apporte un soutien considérable en la matière.

J’ai rendez-vous la semaine prochaine avec le vice-président du Conseil d’État pour faire le point sur l’ensemble des décrets. Concernant les lois votées depuis six mois, il reste quelque 500 décrets d’application à publier. Nous verrons ensemble comment nous pouvons accélérer le processus. J’espère être en mesure de vous dire à la fin du mois de février prochain que 90 %, ou même – pourquoi pas ? – 100 % des décrets auront été publiés.

J’espère que cette réponse vous prouve que nous ne restons pas dans la contemplation : nous sommes bel et bien dans l’action.

Madame Escoffier, monsieur Anziani, vous avez parlé du SIG, le Service d’information du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur pour avis, je vous ai écouté attentivement. Vous avez évoqué dans votre rapport, dont j’ai pris connaissance, l’augmentation des crédits du Service d’information du Gouvernement et l’absence de diminution parallèle des dépenses des ministères. Nous connaissons parfaitement les conclusions du rapport qu’a remis, en octobre 2011, la Cour des comptes à l'Assemblée nationale.

Pour mieux coordonner la communication du Gouvernement et pour rendre plus efficiente la dépense publique, le SIG a centralisé, en 2008, dans son budget, des crédits qui étaient précédemment dédiés aux actions de communication dans différents ministères et gérés par eux. Il faut tenir compte de ces transferts.

Ainsi, la hausse du budget du SIG est due à une évolution mécanique. Le transfert des crédits au profit de cet organisme a été réalisé dans sa totalité en 2009, ce qui a conduit à une augmentation globale des dépenses à hauteur de 15 % par rapport à 2008. Dès 2010, la baisse du budget du SIG est effective, puisqu’elle aboutit à une diminution de 7 %, une tendance qui devrait se poursuivre en 2011.

La référence au quadruplement du budget est exacte, mais elle ne tient pas compte du faible montant de départ : de 4,6 millions d’euros en 2007, le budget a été porté à 21 millions d’euros en 2010.

Par ailleurs, vous avez été plusieurs à évoquer l’impact de ces mesures sur les ministères.

Si l’augmentation des moyens du SIG ne s’est pas immédiatement traduite par une diminution dans les budgets des ministères en 2009, l’équilibre global devrait être rapidement retrouvé : les ministères ont déjà diminué, je tiens à le signaler, leurs dépenses de communication de plus de 9 millions d’euros entre 2009 et 2010.

Ces transferts de crédits ont ainsi permis de lutter contre l’éparpillement des actions de communication, dont on sait qu’elles ont besoin d’atteindre une taille critique pour être perçues par nos concitoyens.

Le maintien du budget du SIG est un levier incontournable pour légitimer les efforts engagés par celui-ci en termes de coordination et de rationalisation interministérielle, ce qui est l’une des recommandations principales du rapport de la Cour des Comptes auquel vous vous êtes référé, monsieur Anziani.

Une communication efficace impose le recours à un certain nombre de métiers et de techniques qui, vous le comprenez bien, ont un coût incompressible. Or les estimations de la Cour des comptes, comme celles du service du contrôle général économique et financier, montrent que l’État est raisonnable, notamment au regard des dépenses que les collectivités territoriales engagent sur la communication.

S’agissant du Service d’information du Gouvernement, le SIG, madame Anne-Marie Escoffier et monsieur Alain Anziani, vous m’avez appelé, pour la communication gouvernementale, à plus de mutualisation.

Sachez que la mutualisation des marchés de communication constitue l’un des chantiers prioritaires du SIG, qui a déjà bien avancé dans ce sens. Le principal marché mutualisé est évidemment celui de l’achat d’espaces. Toutefois, ont également été mis en place un marché mutualisé pour les unités de bruits médiatiques, les UBM, ou pour le baromètre de la communication gouvernementale.

En 2011, le SIG a ouvert deux nouveaux chantiers de mutualisation et il en lance un troisième pour 2012 : la mutualisation des pré-tests et des post-tests des campagnes, celle de la communication en situation de crise, avec une plateforme interministérielle de contact multicanal, attendue depuis de nombreuses années et opérationnelle début 2012, enfin, la mutualisation des panoramas et revues de presse pour laquelle les consultations ont été lancées auprès des ministères.

Pardonnez-moi d’être un peu long, mais vos questions précises appellent de ma part des réponses aussi précises que possible !

Nous trouverons dans ces mesures des sources bienvenues d’économies.

Monsieur Anziani, vous avez évoqué la légalité des dépenses de communication. Je laisserai sur ce point la parole à la Cour des comptes, qui est mieux placée que moi pour juger.

Elle relève, à la page 65 de son rapport intitulé Les Dépenses de communication des ministères : « Il ne faut pas pour autant en conclure que ces entorses à la réglementation sont généralisées. Les dépenses de communication ne se distinguent sans doute pas, sur ce point, des autres catégories d’achats, si ce n’est, éventuellement, par le fait qu’elles sont, plus fréquemment que d’autres, engagées dans une urgence qui explique, sans les justifier, une partie des pratiques constatées. »

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis. Il y a aussi la page 115, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Sueur. Votre lecture est sélective !

M. Patrick Ollier, ministre. Je me suis limité à la page 65, car je n’ai pas le temps de lire toutes les pages du rapport, vous le comprenez bien ! (Rires.)

Madame Virginie Klès, rapporteur pour avis, madame Anne-Marie Escoffier, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, vous avez évoqué les nouvelles missions et le renforcement des moyens de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Les nouvelles missions conférées par le législateur à la CNIL et la très forte hausse de l’activité de celle-ci quant à ses missions traditionnelles rendent indispensables le renforcement de ses effectifs.

Désormais compétente pour contrôler l’ensemble des 570 000 dispositifs de vidéoprotection, la CNIL va également devoir faire face, dès 2012 – vous l’avez d’ailleurs relevé –, à la mise en œuvre de nouvelles missions, comme le pouvoir de labellisation ou l’analyse des notifications des failles de sécurité par les opérateurs de télécommunication.

Cette année, les contraintes budgétaires nous obligent à limiter à dix la progression des effectifs de la CNIL, mais l’examen des budgets des années à venir sera l’occasion pour le Gouvernement de poursuivre les efforts budgétaires au profit de cette institution. Le Gouvernement s’y engage, car il y va de l’intérêt général.

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. C’est noté !

M. Patrick Ollier, ministre. Madame Virginie Klès, vous m’avez également interrogé sur les économies qui doivent être dégagées à la suite de la mise en place du Défenseur des droits et sur sa future installation sur le site de Ségur. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat s’est également exprimée sur cette question.

La nomination du Défenseur des droits est intervenue au milieu de l’année 2011. En quatre mois, il n’a pas été possible de fixer définitivement une organisation – c’est une nouvelle institution qui naît ! –, dès lors que les modalités de mise en œuvre se veulent respectueuses du dialogue social, auquel vous devez être l’une des premières à être attachée, comme le Gouvernement.

Toutefois, les fonctions support et les services en charge du traitement des réclamations vont être harmonisés ; 2012 sera l’année de la mutualisation des services, d’une part, et de la création du cadre de gestion commun, d’autre part.

À ce stade, il est donc extrêmement difficile de prévoir les effets de ces mesures et, par voie de conséquence, leur impact sur la période triennale 2013-2015.

Cela dit, si l’effort entrepris en matière de mutualisation des moyens est suffisant sur la période 2012-2013, je peux d’ores et déjà informer votre assemblée que l’institution pourrait prendre, dès 2014, un rythme de fonctionnement permettant d’économiser environ 1 million d’euros par an.

Mesdames Virginie Klès et Nicole Borvo Cohen-Seat, j’ai bien entendu vos remarques relatives à la problématique immobilière du Défenseur des droits.

La situation actuelle, à savoir quatre sites dans Paris qui hébergeaient les anciennes autorités administratives indépendantes, n’est, en effet, satisfaisante ni du point de vue financier – ce n’est pas rationnel ! – ni du point de vue managérial.

Dès sa prise de fonction, le Défenseur des droits a pris l’attache de France Domaine pour explorer les pistes envisageables. Il s’est résolument placé dans la perspective d’un accueil de l’ensemble de ses services, en 2015, avenue de Ségur,...

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. Ce n’est pas vrai !

M. Patrick Ollier, ministre. ... dans des locaux en cours de réhabilitation par les services du Premier ministre.

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. Ce n’est pas tenable !

M. Patrick Ollier, ministre. C’est vous qui le dites, madame Klès, mais je vous le confirme et je vous donne rendez-vous fin 2015, début 2016.

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. Aucun problème, je serai là ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier, ministre. De votre siège au Sénat, vous me rétorquez que ce n’est pas possible. Mais le Gouvernement est au travail et je vous dis, moi, que cela sera fait ; je vous donne d’ailleurs rendez-vous à la date prévue !

Dans l’immédiat, les perspectives de regroupement se heurtent aux conditions juridiques – il faut bien sûr régler ce problème – des baux pris par les autorités indépendantes auxquelles succède le Défenseur des droits et aux contraintes budgétaires de planification triennale de la période 2011-2013. Vous devez, chacune et chacun, comprendre que ces difficultés doivent être surmontées avant d’aller plus loin.

Dans ce contexte, est actuellement remise à l’étude la solution, un temps écartée, de la location de surfaces rue de Richelieu, qui pourrait avoir l’assentiment de France Domaine.

Je précise, enfin, que j’ai toute confiance en Dominique Baudis, que je connais bien, madame Nicole Borvo Cohen-Seat, pour assurer une visibilité d’ampleur auprès des citoyens. Je n’ai aucun doute sur ce point : la visibilité viendra rapidement. La structure nouvelle est encore jeune ; il faut lui laisser le temps de mûrir et de prendre son rythme de fonctionnement.

Monsieur Michel Magras, vous souhaitiez vous aussi connaître le calendrier du projet Ségur.

Le programme technique et fonctionnel doit être achevé – à quinze jours près, car il peut toujours y avoir un peu de retard – fin décembre 2011-début janvier 2012, de sorte que les arbitrages du Gouvernement puissent être rendus en février 2012.

Le choix des concepteurs réalisateurs, après mise en concurrence, pourrait être envisagé en septembre 2012. Cela vous convient-il, madame Klès ?

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. Je note le calendrier !

M. Patrick Ollier, ministre. Il figurera au Journal officiel ! (Sourires.)

Les travaux débuteraient en 2013, pour une durée de deux années et demie, et autoriseraient un emménagement échelonné des futurs occupants dans le courant du premier semestre 2016. Les délais seront ainsi tenus, madame Klès, monsieur Magras. Rendez-vous donc en 2016.

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis. Le rendez-vous est pris, monsieur le ministre !

M. Patrick Ollier, ministre. Madame Laurence Cohen, madame Nicole Borvo Cohen-Seat et monsieur Michel Magras, vous m’avez interrogé sur une critique formulée à l’encontre de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, dont l’action de coordination porterait plus sur la répression que sur la prévention. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat s’est également inquiétée des orientations des actions menées par la MILDT, et je me permets, avec beaucoup de respect, de contester cette appréciation.

En 2011, les crédits de la mission se sont élevés à 20,9 millions d’euros. Sur cette somme, 18,8 millions d’euros ont été consacrés aux actions préventives – comme des actions de communication, des projets de recherche et d’expertises sur les drogues – qui sont menées au niveau local avec les associations et le financement de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l’OFDT.

Pour sa part, le volet « répression » du trafic a représenté 2,1 millions d’euros, qui ont notamment servi au financement du Centre interministériel de formation antidrogue, le CIFAD. La part des financements ne permet donc pas de justifier vos remarques, pardonnez-moi de vous le dire !

À ces 20,9 millions d’euros s’ajoutent les crédits du fonds de concours – 21 millions d’euros en 2011 – qui ont été redistribués entre les différents ministères concernés.

Pour 2012, le budget prévisionnel de la mission reprend exactement la même répartition entre prévention et répression du trafic. Vous ne pouvez donc pas dire que l’on privilégie l’une au détriment de l’autre !

Ce document permet de chiffrer à environ 1,05 milliard d’euros les crédits du projet de loi de finances pour 2012 prévus pour la lutte contre la drogue, auxquels s’ajoutent 350 millions d’euros de crédits du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L’effort global de l’État atteint donc 1,4 milliard d’euros et concerne à la fois la réduction de l’offre et la diminution de la demande, dans une approche équilibrée : environ 500 millions d’euros pour la prévention, 550 millions d’euros pour la lutte contre le trafic et 350 millions d’euros pour la prise en charge.

En outre, madame Laurence Cohen, vous évoquez les problématiques liées aux addictions comportementales, telles que les jeux d’argent ou les jeux vidéo – je partage ici largement votre sentiment –, en proposant qu’elles soient intégrées dans le champ de compétences de la mission.

À ce propos, je vous informe, d’une part, que la mission a, dès 2007, commandé sur ce sujet une étude à son opérateur, l’OFDT, et, d’autre part, que ce dernier a inscrit en 2012, dans son programme de travail, cette problématique des jeux en ligne.

Enfin, le prochain plan gouvernemental de lutte contre la drogue et la toxicomanie coordonné par la MIDLT prévoit des actions de prévention des addictions aux jeux d’argent et vidéo.

Avant de terminer, madame Anne-Marie Escoffier, je ne voudrais pas occulter votre question sur le jaune « cabinets ministériels ». Très franchement, comme je l’ai déjà dit à l’Assemblée nationale, il est vrai que ce document ne reprend pas l’intégralité des informations relatives à la rémunération globale des agents des cabinets ministériels, même si la liste des contractuels existe et si elle est parfaitement établie.

Cela s’explique avant tout par des raisons pratiques. Il faudrait, en effet, que les administrations d’origine des personnels mis à disposition puissent collationner l’ensemble des informations parfaitement publiques concernant le détail des rémunérations indiciaires de chaque agent, afin que ces dernières soient regroupées dans un seul document.

Dès lors que chacun peut connaître la rémunération d’un fonctionnaire selon son avancement dans le corps et la grille d’indice qui y est relative, ainsi que le montant de l’enveloppe de l’indemnité de sujétion particulière, l’ISP, attribuée à chaque membre de cabinet, je crois pouvoir dire que toutes les informations dont vous avez besoin pour assurer votre rôle de contrôle se trouvent en votre possession. Vous ne pouvez donc pas affirmer que les chiffres ne sont pas dans le domaine public.

Certes, il convient de les rechercher et de les regrouper. C’était, je le sais, le souhait de mon prédécesseur, mais c’était aussi beaucoup demander aux fonctionnaires des ministères qui, ayant à préparer le budget de l’ensemble des services, manquent de temps. Je m’en excuse auprès de vous, madame Escoffier.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je voulais vous apporter. J’imagine bien qu’ils ne suffiront pas à vous convaincre de voter les crédits de cette mission, alors que les commissions se sont prononcées défavorablement.

Toutefois, vous avez encore le temps de la réflexion avant le vote ! (Sourires.) J’aimerais que tous les aspects positifs, que vous avez d’ailleurs vous-mêmes relevés, vous conduisent à émettre un vote favorable pour soutenir l’action du Gouvernement en la matière et je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

direction de l’action du gouvernement

Direction de l'action du Gouvernement - Budget annexe : Publications officielles et information administrative
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 33 et état C (début)

M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Direction de l’action du Gouvernement

1 093 544 018

1 131 293 573

Coordination du travail gouvernemental

606 685 256

590 211 719

Dont titre 2

253 767 139

253 767 139

Protection des droits et libertés

81 818 101

93 541 193

Dont titre 2

54 937 039

54 937 039

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

405 040 661

447 540 661

M. le président. L'amendement n° II-436, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 

 

 

 

 

Protection des droits et libertés Dont Titre 2

 

 

 

 

Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

               

283 841

               

283 841

TOTAUX

283 841

283 841

SOLDES

- 283 841

- 283 841

La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Ollier, ministre. Cet amendement, purement technique, vise à compenser financièrement aux collectivités territoriales un transfert de compétences concernant les dépenses de fonctionnement des parcs de l’équipement intervenus en 2011. Les moyens de programmes, moyens mutualisés des administrations, qui regroupent les crédits de fonctionnement de certains services déconcentrés de l’État, sont ainsi minorés d’un peu moins de 300 000 euros au titre de ce transfert.

Parallèlement, les moyens financiers destinés aux collectivités territoriales sont majorés du même montant. Il s'agit d’un jeu à somme nulle.

Ce transfert n’a pu être effectué qu’au Sénat compte tenu de la connaissance tardive du niveau de la compensation à effectuer. Des amendements de même nature sont déposés par le Gouvernement sur d’autres missions du budget général.

Je souhaiterais donc que le Sénat accepte de voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. Cet amendement vise effectivement à tirer les conséquences de la loi du 26 octobre 2009, qui a prévu le transfert des parcs de l’équipement aux départements.

Avant 2009, ces parcs étaient gérés par des structures mixtes regroupant les conseils généraux de l’État. Les agents qui les administrent relevaient des directions départementales de l’équipement, devenues les nouvelles directions départementales interministérielles de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ». Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2009, ces agents sont progressivement transférés aux conseils généraux.

Leurs crédits doivent être, en conséquence, retracés dans un programme du ministère de l’intérieur qui gère la dotation globale de fonctionnement aux collectivités territoriales. Ce transfert obéit à l’obligation légale de compenser toute charge imposée aux collectivités territoriales par les moyens correspondants.

Je comprends tout à fait la cohérence de cette proposition. Toutefois, à partir du moment où la commission a rejeté le budget dans son ensemble, j’émets, en son nom, un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-436.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement », figurant à l’état B.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial. La commission a émis un avis défavorable sur ces crédits.

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

budget annexe : publications officielles et information administrative

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 33 et état C (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative », figurant à l’état C.

État C

(En euros)

Mission

Autorisations de prélèvement

Crédits de paiement

Publications officielles et information administrative

181 097 648

187 113 690

Édition et diffusion

95 051 077

98 160 045

Dont charges de personnel

31 810 533

31 810 533

Pilotage et activités de développement des publications

86 046 571

88 953 645

Dont charges de personnel

44 380 294

44 380 294

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Article 33 et état C (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 3 décembre 2011, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106 2011-2012).

Examen de la mission :

- Sport, jeunesse et vie associative

M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 29) ;

MM. Jean-Jacques Lozach et Pierre Martin, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 110, tome VII)

- Suite de l’examen des articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

- Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 3 décembre 2011, à une heure quarante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART