Sommaire

Présidence de Mme Bariza Khiari

Secrétaires :

Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Odette Herviaux.

1. Procès-verbal

2. Dépôt d'un rapport

3. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Seconde partie (suite)

Recherche et enseignement supérieur

MM. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture ; MM. Marc Daunis, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.

Mmes Catherine Morin-Desailly, Brigitte Gonthier-Maurin, Colette Mélot, M. Maurice Vincent, Mmes Françoise Laborde, Sophie Primas, MM. David Assouline, Jacques Chiron, Daniel Raoul.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

État B

MM. Michel Berson, rapporteur spécial ; le ministre.

Rejet des crédits de la mission.

Sécurité civile

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Yves Rome, Mmes Éliane Assassi, Anne-Marie Escoffier, M. Claude Léonard.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

4. Questions d'actualité au Gouvernement

fonderie du poitou

MM. Jean-Pierre Raffarin, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

violences aux femmes

Mme Muguette Dini, M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

économie et europe

MM. Jean-Yves Leconte, François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

fraudes

M. Dominique Watrin, Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

corse

M. Nicolas Alfonsi, Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

bilan de la politique agricole

MM. Marc Laménie, Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

chômage

M. Claude Bérit-Débat, Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

sécurité

MM. Jean-Louis Carrère, Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

insécurité en guyane

MM. Jean-Étienne Antoinette, Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.

tarif du gaz

MM. Jean-Claude Lenoir, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

5. Conférence des présidents

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

6. Organismes extraparlementaires

7. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Sécurité civile (suite)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

État B

Amendement n° II-368 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances ; le ministre. – Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission.

Sécurité

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis de la commission des lois ; MM. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie ; Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie.

MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Roger Karoutchi, Jean-Louis Carrère, Pierre Charon, Marc Laménie.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

État B

Rejet des crédits de la mission.

Rappels au règlement

MM. Jean-Pierre Sueur, le président.

MM. Jean-Louis Carrère, le président.

M. le ministre.

Article additionnel après l’article 60 ter

Amendement n° II-75 de M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. – MM. Gérard Larcher, rapporteur pour avis ; Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

8. Retrait d’une question orale

9. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Administration générale et territoriale de l’État

Mme Michèle André, rapporteure spéciale de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour l’administration territoriale ; Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la vie politique, cultuelle et associative.

M. Christian Favier, Mme Anne-Marie Escoffier, M. Marc Laménie.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

État B

Amendement n° II-371 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati, Mme Michèle André, rapporteure spéciale ; M. le ministre. – Retrait.

Amendement n° II-390 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme Michèle André, rapporteure spéciale. – Adoption.

Rejet des crédits modifiés de la mission.

Article 48 A (nouveau)

Mme Michèle André, rapporteure spéciale.

Adoption de l'article.

10. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

11. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de projets de loi

12. Demande d'un avis sur un projet de nomination

13. Loi de finances pour 2012. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Enseignement scolaire

MM. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis de la commission de la culture ; Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis de la commission de la culture.

Mme Françoise Laborde, M. Jean-Claude Carle, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-Jacques Pignard, Claude Domeizel, Mme Colette Mélot, MM. Jacques-Bernard Magner, Jean-Claude Lenoir, Mmes Maryvonne Blondin, Danielle Michel, Claudine Lepage.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture.

État B

Amendement n° II-365 de M. Yves Pozzo di Borgo. – MM. Yves Pozzo di Borgo, Thierry Foucaud, rapporteur spécial ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° II-391 du Gouvernement. – MM. le ministre, Thierry Foucaud, rapporteur spécial ; Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. – Rejet.

Mme Françoise Férat.

Rejet des crédits de la mission.

Article 51 septies (nouveau)

M. Brigitte Gonthier-Maurin.

Amendement n° II-28 de la commission. – MM. Claude Haut, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 51 octies (nouveau). – Adoption

Articles additionnels après l'article 51 octies

Amendement no II-29 de la commission. – MM. Claude Haut, rapporteur spécial ; le ministre, Françoise Cartron, rapporteure pour avis ; Jacques Legendre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendements nos II-117 rectifié bis de M. Jean Arthuis et II-369 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mmes Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Thierry Foucaud, rapporteur spécial ; le ministre. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

Mme Odette Herviaux.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Gaël Yanno, président de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, le premier rapport d’activité de cette commission, établi en application de l’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi qu’à la commission des affaires sociales.

Il est disponible au bureau de la distribution.

3

Article 58 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Recherche et enseignement supérieur

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Recherche et enseignement supérieur

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur »

La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.

M. Michel Berson, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Philippe Adnot et moi-même, rapporteurs spéciaux de la commission des finances sur la mission « Recherche et enseignement supérieur », nous sommes répartis les compétences de la manière suivante : notre collègue a examiné le bloc « Enseignement supérieur », qui correspond à la moitié environ des crédits de la mission, et je me suis chargé du bloc « Recherche », ainsi que des considérations d’ensemble.

Je ne vous assommerai pas de chiffres, vous rappelant simplement que, avec 25,4 milliards d’euros de crédits de paiement, c’est la mission la plus importante de ce projet de budget, après les missions « Défense », « Enseignement scolaire » et, bien sûr, « Engagements financiers de l’État », qui regroupe les dotations affectées à la charge de la dette. C’est aussi la mission dont les crédits permettent de préparer l’avenir, en investissant dans l’économie de la connaissance et l’innovation, aujourd’hui moteurs de la croissance.

Puisque l’heure est au bilan, monsieur le ministre, qu’en est-il de l’évolution, depuis 2007, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ? La commission des finances considère que, si l’on compare « objectivement » les moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur entre 2007 et 2012, l’augmentation aura été plus proche de 5,6 milliards d’euros que des 9 milliards d’euros promis par le Président de la République au début de son mandat et des 9,4 milliards d’euros annoncés par vous-même.

Pour atteindre ce chiffre de 9,4 milliards d’euros, vous avez recours à deux procédés. Le principal consiste à comptabiliser des dépenses qui seront réellement payées, avec un effet sur les besoins de financement, par les législatures suivantes. Une telle logique conduit, dans le cadre des crédits budgétaires, à prendre en compte non pas les crédits de paiement, mais les autorisations d’engagement. Ainsi, pour ce qui concerne les dépenses fiscales, vous retenez non pas le coût budgétaire, en 2012, du crédit d’impôt recherche, le CIR, qui s’élèvera à 2,3 milliards d’euros, mais le montant de la créance correspondante des entreprises, qui s’établit à 5,3 milliards d’euros, somme représentant le coût moyen annuel du CIR pour les prochaines législatures.

Le deuxième procédé auquel vous avez recours, pour « gonfler » – permettez-moi l’expression – les chiffres consiste à prendre en compte 1,2 milliard d’euros qui correspond non pas à des dépenses de 2012, mais à des dépenses cumulées de 2007 à 2012 : il s’agit des intérêts cumulés de l’opération Campus et des autorisations d’engagement des partenariats public-privé sur toute la période. J’ajoute que ces dépenses sont encore virtuelles, en particulier si l’on raisonne en crédits de paiement.

L’engagement présidentiel d’augmenter, sur la période 2007-2012, les moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur de 9 milliards d’euros n’a donc pas été respecté.

Je veux maintenant souligner le scepticisme de la commission des finances sur le grand emprunt, dont la vocation devait être de financer massivement les investissements d’avenir.

Le Président de la République a décidé d’afficher un effort sans précédent en faveur de la recherche, en réservant à ce domaine 22 milliards d’euros, sur les 35 milliards d’euros du grand emprunt. Mais ces crédits ne pouvant pas être réellement dépensés par les administrations publiques – l’État n’avait pas l’argent nécessaire –, ces 22 milliards d’euros ont été attribués à un opérateur, l’Agence nationale de la recherche, ou ANR, qui « redonne » en quelque sorte ces crédits à l’État et attribue les financements au compte-gouttes. Le grand emprunt se traduit donc en réalité par des décaissements des administrations publiques que le Gouvernement évalue, dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances, à « environ 2 milliards d’euros en 2011, 3 milliards d’euros en 2012 et environ 3 à 4 milliards d’euros par an entre 2013 et 2015 ». Était-ce la peine de monter une telle usine à gaz – permettez-moi l’expression – pour, finalement, augmenter les dépenses de seulement quelques milliards d’euros par an pendant quelques années ?

Par ailleurs, l’argent confié aux opérateurs est débudgétisé et échappe donc, dans une large mesure, au contrôle du Parlement. Dans ces conditions, vous le comprendrez, nous sommes en droit de nous demander si le grand emprunt ne conduit pas les opérateurs à répondre de façon moindre aux appels à projets de l’ANR ou de l’Union européenne ou s’il ne se substituera pas finalement aux crédits budgétaires.

J’en viens à la question centrale qui nous est posée. Nous nous trouvons aujourd’hui à une période charnière. Le projet de budget pour 2012 de la recherche et de l’enseignement supérieur marque la fin d’un cycle budgétaire, mais il ne trace pas de perspectives claires sur le nouveau cycle qui s’ouvre.

On observe en effet une stagnation, voire une régression, des crédits pour 2012. Les crédits de paiement de la mission n’augmentent que de 1 % en euros courants, soit un recul de 1 % en euros constants. Les seules dépenses de recherche baissent de 0,8 % en crédits de paiement et les dotations des grands organismes de recherche varient de moins 0,5 % à plus 0,5 %, créant ainsi des situations budgétaires très critiques.

Aujourd’hui, tout laisse à penser que la nécessité de réduire les déficits publics incitera à diminuer les dépenses en matière de recherche et d’enseignement supérieur. Pourtant, ce sont celles qui, à long terme, soutiennent la croissance et réduisent le déficit public, comme j’ai tenté de le montrer dans le rapport écrit.

Diminuer ces dépenses contribuerait à réduire à long terme la soutenabilité des finances publiques. À cela s’ajoute le fait que, sans un effort très soutenu en matière d’innovation, c’est l’ensemble du tissu industriel de la France qui se trouvera fragilisé, ce qui accroîtra parallèlement son déficit extérieur.

Dans le rapport, au vu des travaux du Conseil d’analyse économique et de la direction du Trésor, j’ai essayé de répondre à une question simple : dans quelle mesure les dépenses en matière de recherche et d’enseignement supérieur influent-elles sur la croissance de long terme de l’économie et sur le solde public ?

Les résultats sont, je le concède, quelque peu conventionnels. Pour résumer, on peut affirmer, d’après les estimations disponibles, qu’une dépense de 5 milliards d’euros chaque année en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur permet d’enregistrer, au bout de trente ans, une augmentation du PIB d’environ 1 point et de réduire le déficit public de quelques dizaines de points de PIB.

Dès lors, à quel niveau faut-il mobiliser l’argent public pour financer la recherche et l’enseignement supérieur dans notre pays ? Il convient d’abord d’en faire le constat, le taux de subvention publique aux entreprises privées, résultant des subventions budgétaires et du généreux crédit d’impôt recherche, est très élevé en France. Ce taux, si on l’augmentait encore, risquerait de correspondre à un pur effet d’aubaine. En revanche, une croissance des crédits publics en faveur de la recherche fondamentale n’aurait pas telles conséquences.

Dans ces conditions, la commission des finances considère que l’objectif de notre pays doit être de stabiliser, en points de PIB, les moyens publics consacrés à la recherche et à l’enseignement supérieur. Si l’on considère que le PIB a tendance à évoluer sur une longue période de 4 % par an en valeur, une telle stabilisation correspond à une augmentation de un milliard d’euros par an en moyenne. Aller très au-delà en matière d’augmentation des dépenses publiques ne serait pas nécessairement efficace. En revanche, il s’avère impératif de faire croître les dépenses totales de recherche par une augmentation des dépenses privées.

En France, les dépenses publiques et privées en matière de recherche et développement représentent, depuis dix ans, environ 2 points de PIB, ce qui est nettement inférieur aux dépenses de l’Allemagne, qui y consacre 2,6 points de son PIB, des États-Unis, dont les dépenses en la matière atteignent 2,8 points de son PIB, et du Japon ou de la Suède, qui affichent des sommes représentant plus de 3 points de leur PIB, niveau fixé par la stratégie de Lisbonne. Pour notre part, nous devrions dépenser un point supplémentaire de PIB, soit environ 20 milliards d’euros. Ce n’est pas l’insuffisance de la recherche publique qui explique un tel écart, mais bien celle de la recherche privée.

Malgré la croissance des aides directes et fiscales de l’État, les dépenses en faveur de la recherche en entreprise stagnent. À cet égard, je ferai deux remarques.

Le sous-investissement dans la recherche et développement des grandes entreprises françaises se manifeste, notamment en comparaison avec l’Allemagne, par le faible recrutement de docteurs.

Dans les grands groupes, le pilotage de la recherche échappe généralement aux équipes de R&D et aux sous-traitants, pour passer aux mains des financiers qui visent l’optimisation dans tous les domaines, et notamment l’optimisation fiscale avec le crédit d’impôt recherche. Une telle situation nécessitera une réelle évaluation des effets du crédit d’impôt recherche sur l’effort de recherche des entreprises, grandes et petites.

Aujourd’hui, les véritables enjeux en matière de recherche dépassent le champ de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; ils dépassent même, plus généralement, celui des questions purement budgétaires.

Ce qu’il nous faut, c’est une vraie politique industrielle, privilégiant les filières technologiques de pointe, une politique en faveur des TPE, des PME et des entreprises de taille moyenne, qui sont trop peu nombreuses dans notre pays, et une politique qui améliore la compétitivité globale de l’économie.

Mes chers collègues, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter plus particulièrement les deux programmes qui concernent l’enseignement supérieur.

Le bloc que forment ces deux programmes représente environ 14 milliards d’euros. En hausse d’un peu plus de 2 %, ses crédits de paiement paraissent relativement épargnés par rapport à ceux du bloc de la recherche, même si une partie de cette augmentation résulte des sommes versées sur le compte d’affectation spéciale « Pensions ».

De façon générale, quelles que soient les critiques qu’on peut adresser à la mission « Recherche et enseignement supérieur », il n’est à mon avis pas possible de faire abstraction du contexte extrêmement contraint qui pèse sur nos finances publiques.

Je souhaite, pour ma part, insister sur trois questions.

La première est l’accès des universités à l’autonomie. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, a prévu l’accession à l’autonomie de toutes les universités, d’ici au 1er janvier 2013, dans le domaine budgétaire et la gestion des ressources humaines. En 2012, presque toutes seront devenues autonomes.

Si le rythme relativement soutenu de mise en œuvre de la loi LRU me satisfait, je souhaite attirer votre attention sur deux défis qu’il importe de relever pour rendre cette réforme parfaitement effective.

Le premier réside dans l’amélioration de la connaissance des besoins de masse salariale des établissements et l’adéquation des moyens alloués au regard de ces besoins.

En effet, pour ce transfert de compétences comme pour tous les autres, la question se pose à court terme de l’adéquation des moyens alloués aux besoins résultant du transfert et de l’évolution des réglementations.

Sur le plan des moyens, le Gouvernement a annoncé, le 19 octobre dernier, un abondement de 14,5 millions d’euros au titre de la question du glissement vieillesse technicité, le GVT.

Je me félicite de cette mesure, qui permet à la fois de compenser certaines charges supportées par les établissements d’enseignement supérieur pour des raisons qui ne sont pas de leur fait, comme le vieillissement des personnels, et d’épargner les universités qui, en partie grâce à leurs efforts de gestion, réussissent à dégager des marges de manœuvre.

Si le GVT peut résulter de facteurs techniques liés au vieillissement des personnels, il dépend aussi de certaines décisions prises par les universités elles-mêmes au sujet de leur schéma d’emplois. Selon moi, les universités devront, à terme, assumer les conséquences financières de ces choix et les articuler avec une vision globale de leur politique budgétaire.

Mais une juste adéquation des moyens aux besoins n’est possible que sur le fondement d’une évaluation précise des besoins des universités en matière de masse salariale.

Or, comme la Cour des comptes l’a récemment souligné, une incertitude pèse aujourd’hui sur les besoins réels des établissements d’enseignement supérieur. Il me semble donc indispensable, monsieur le ministre, d’améliorer rapidement la fiabilité des instruments d’évaluation.

La réussite de l’accession des universités à l’autonomie suppose un traitement équilibré de cette question, qui est à la croisée de différents enjeux : la lisibilité qu’il est nécessaire de donner aux établissements d’enseignement supérieur sur les financements alloués par l’État, la responsabilisation des universités dans leurs choix de gestion et la maîtrise des finances publiques.

Le second défi qu’il faut relever concerne la montée en puissance de l’allocation des moyens par la performance.

Un nouveau dispositif d’allocation a été mis en place en 2009 : le système de répartition des moyens à la performance et à l’activité, dit SYMPA.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, ce système permet-il effectivement de prendre en considération la performance des universités ? Tient-on suffisamment compte de la performance pour justifier certains rééquilibrages ? À terme, en effet, il semblerait logique qu’un établissement non performant voie sa dotation diminuer…

L’autonomie et le nouveau dispositif d’allocation des moyens illustrent des logiques nouvelles qui devraient conduire à des modifications durables dans le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur.

Le fait est que le système d’attribution des moyens, dans son fonctionnement actuel, ne permet pas aux universités les moins bien dotées de rattraper leur retard : même exprimées en pourcentages, les augmentations n’empêchent pas certains établissements de rencontrer concrètement des difficultés.

Je parle non pas de l’équilibre des comptes des universités, beaucoup évoqué ces jours-ci, mais seulement de la nécessité de doter les établissements qui n’ont pas été bien pourvus au départ des moyens de rattraper un jour leur retard.

Plus généralement, monsieur le ministre, compte tenu de la manière très diverse dont sont dotées les entités, faudra-t-il mettre en place un fonds de péréquation, pour les universités comme pour les collectivités territoriales ?

Ma deuxième question porte sur la dévolution du patrimoine immobilier.

L’autonomie immobilière constitue, pour les universités, une compétence optionnelle. En 2011, il a été procédé à trois transferts de propriété au profit des universités les plus avancées : Clermont-I, Toulouse-I et Poitiers. Une quatrième université devrait bénéficier de la dévolution en 2012.

Si je me félicite de cette décision, qui marque le début de la mise en œuvre de l’une des dernières dispositions de la loi LRU, je souhaite, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur le schéma de financement retenu.

Près de 27 millions d’euros sont prévus pour financer en 2012 la contribution récurrente que l’État a promis d’allouer aux universités bénéficiaires de la dévolution.

Lorsque j’ai conduit, en 2010, une mission de contrôle sur l’immobilier universitaire, une soulte, d’un montant variable et versée pendant une durée limitée, était également prévue pour financer notamment les travaux préalables de mise en sécurité prévus par la loi LRU. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est, monsieur le ministre ?

Par ailleurs, j’avais formulé plusieurs observations et proposé en particulier la mutualisation d’une partie du produit des cessions, afin de contribuer au financement du coût global de la dévolution. Cette piste de réflexion sera-t-elle suivie ?

Si une université peut espérer céder un bien immobilier avec plus-value à Paris, cela risque d’être un peu plus compliqué à réaliser à Clermont-Ferrand (M. le ministre manifeste son étonnement.),… à moins que le prix de l’immobilier n’y soit extraordinairement élevé ? Monsieur le ministre, que je vois s’étonner, va nous apporter des explications ; et si l’université de Clermont-Ferrand voulait donner un peu d’argent aux universités qui n’en ont pas assez, ce serait très bien ! (Sourires.)

Je souhaite enfin aborder la question de l’opération Campus, destinée à financer l’émergence de campus de niveau international par la remise à niveau du patrimoine immobilier universitaire. Plusieurs vagues de sélection de projets se sont succédé, qui n’ont pas donné lieu à des financements identiques.

Le financement des dix premiers projets repose sur une dotation non consommable de 5 milliards d’euros, issue, d’une part, de la vente par l’État d’une partie de ses titres d’EDF et, d’autre part, de fonds réunis dans le cadre du grand emprunt. Seuls les intérêts produits par la rémunération de la dotation sur un compte du Trésor seront utilisés pour le financement des opérations immobilières.

En plus de cette dotation, l’opération Campus est financée par le grand emprunt, à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaires, intégralement consommables, qui bénéficient aux opérations du plateau de Saclay.

Quant aux projets retenus après la première phase de sélection, ils seront financés par des crédits budgétaires.

Le plan de relance de l’économie mis en place en 2009 a aussi été sollicité pour le financement de l’ingénierie des opérations.

Enfin, des apports des collectivités territoriales sont également prévus ; en général, ils sont relativement importants.

La Cour des comptes insiste sur le manque de clarté des modalités de financement de l’opération Campus : celle-ci repose sur des montages financiers complexes impliquant de multiples acteurs. Compte tenu de l’ampleur des projets, la Cour des comptes suggère d’élaborer des scenarii financiers permettant d’apprécier leurs risques financiers potentiels et de compléter le dispositif d’évaluation des opérations programmées. Je m’associe à ces deux préconisations.

Je souhaite aussi attirer votre attention sur les risques que pourrait faire peser la situation économique actuelle sur le périmètre des opérations envisagées : aucun partenariat public-privé n’ayant à ce jour été signé, la remontée des taux d’intérêt à laquelle nous assistons ne risque-t-elle pas, compte tenu du fait que le produit des placements n’augmentera pas, de renchérir le coût des projets, et donc de rendre nécessaire leur recalibrage ?

Le coût des opérations envisagées ayant évolué, à la différence du produit des intérêts, des problèmes de financement se poseront inévitablement.

Ce propos m’offre l’occasion de souligner, pour conclure, la complexité accrue du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche.

À une liste d’organismes déjà longue, le grand emprunt a ajouté une multitude de strates nouvelles : les initiatives d’excellence, ou IDEX, les laboratoires d’excellence, ou LABEX, les équipements d’excellence, ou Equipex, les instituts Carnot, les sociétés d’accélération du transfert de technologies, ou SATT, les instituts hospitalo-universitaire, ou IHU, les instituts de recherche technologique, ou IRT,…

Même si leur création procède de bonnes intentions, ces structures forment un système complexe dont le fonctionnement est assez délicat à suivre : quand un Labex fait partie d’une Idex, il n’y a pas deux financements qui s’ajoutent, mais un qui est compris dans l’autre… Et pour peu qu’il y ait des associations entre les organismes, il n’est pas très aisé d’y retrouver ses petits !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends acte de la décision de la commission des finances d’inviter le Sénat à rejeter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ; à titre personnel, cependant, et sous réserve des observations que je viens de formuler, je voterai les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis.

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m’est imparti, je ne répéterai pas toutes les remarques, négatives ou positives, que j’ai faites en commission, lors de la présentation de mon rapport, au sujet du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Beaucoup a été dit, notamment pour regretter la baisse en euros constants des crédits alloués ; les chiffres ont déjà été cités. Pour ma part, je souhaite insister sur trois problèmes qui me semblent préoccupants.

D’abord, je regrette la baisse de crédits budgétaires qui touche certains organismes de recherche, en particulier l’institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, et l’IFP Énergies nouvelles.

Je sais, monsieur le ministre, que cette question vous agace un peu, parce qu’elle ne relève pas directement de votre ministère… Mais vous représentez le Gouvernement !

M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je ne suis pas du tout agacé !

M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis. On ne peut pas tenir un discours et avoir une pratique différente !

En dix ans, la dotation de l’IFP Énergies nouvelles a baissé de 40 %. Cet institut est pourtant tellement remarquable que vous-même lui confiez des compétences nouvelles, monsieur le ministre, mais en réduisant ses moyens… On ne peut pas prétendre vouloir protéger l’environnement et limiter les moyens de l’organisme de recherche qui est le plus en pointe dans ce domaine !

Ma deuxième inquiétude porte sur l’Agence nationale de la recherche, ou ANR, dont les crédits d’intervention baissent de 1,6 %. Mon collègue Michel Berson a parlé de « machine à gaz » : je crains en effet qu’elle n’en devienne une, après avoir été pourtant un outil formidable : elle a créé un tel appel d’air pour les projets qu’elle se trouve aujourd’hui complètement asphyxiée.

Mais comme on lui accorde avec parcimonie les moyens supplémentaires qu’elle demande, le taux de sélection des projets est aujourd’hui d’à peine 20 %. Or pour celle qui vous a précédé dans vos fonctions, monsieur le ministre, ce taux devait atteindre 25 ou 30 % pour que le système fonctionne bien... Nous n’y sommes pas !

Sans compter que le programme Investissements d’avenir vient d’être lancé. L’idée en est formidable, mais on a l’impression que la machine patine et que les choses n’avancent pas…

Ceux qui s’en occupent ne sont d’ailleurs pas forcément en cause : je conviens volontiers que le système, complexe, est difficile à mettre en place. J’ai même découvert que, à la tête des plus grands instituts de recherche du pays, des personnalités éminentes – non politiques, monsieur le ministre, si cela peut vous rassurer… – avaient une conception un peu étriquée de la coopération. J’en ai été très contrarié, mais c’est ainsi.

C’est dans ce contexte que l’ANR, avec seulement la douzaine de postes supplémentaires que vous allez lui accorder en 2012, est chargée d’évaluer les projets.

Cela étant, comme l’a dit M. Berson, cette agence doit veiller aussi à ne pas devenir une superstructure bureaucratique qui, en étant trop tatillonne, retarderait ou empêcherait le choix des projets. Le risque est bien réel. Nous avons auditionné un certain nombre de partenaires de l’ANR et certains d’entre eux se plaignent des difficultés que leur cause son zèle excessif.

L’utilité de l’agence est avérée et c’est la raison pour laquelle il faut trouver un juste équilibre entre subventions aux organismes et financement sur projets. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas en réduisant ses crédits qu’on atteindra cet équilibre ; au contraire, c’est la recherche sur projets qui en pâtira directement.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous répondiez sur l’ensemble de ces sujets.

Enfin, le principe qui préside aux sélections du programme des investissements d’avenir, le PIA, ne retient que le critère d’excellence et ne préjuge aucune thématique a priori. Dans ces conditions, comment est assurée la coordination entre le PIA et la stratégie nationale de recherche et d’innovation ?

Bien sûr, une évaluation des politiques de recherche ne saurait se réduire à la question des moyens, aussi importante fût-elle. Depuis 2006, notre pays a à la fois renforcé les moyens alloués et procédé à une restructuration importante du paysage institutionnel.

À ce jour, je n’ai entendu aucun interlocuteur remettre en cause le principe même de ces réformes ni les mutations majeures de l’organisation structurelle de la recherche et de l’enseignement supérieur qu’elles ont permis d’engager dans notre pays, en dépit de quelques tiraillements, prévisibles dans la mesure où tout changement suscite des craintes. Aujourd’hui, le bilan est plutôt positif.

Cette réorganisation se traduit également dans le domaine de la valorisation et de la diffusion de la culture scientifique et technique.

Chef de file de cette nouvelle gouvernance, Universcience a pour mission de coordonner le réseau national des acteurs de la culture scientifique. Notre commission a souhaité unanimement qu’il prenne en compte les inquiétudes et attentes des plateformes territoriales, en vue d’approfondir la réflexion sur leur financement, leurs missions et l’échelle des regroupements.

Le risque existe d’une sorte de régression scientifique, et les actions en faveur de l’information des jeunes doivent encore être confortées. La culture scientifique doit irriguer nos territoires, et ce travail en réseau devrait y contribuer.

Certes, il ne faudrait pas que le budget pour 2012 marque un temps d’arrêt dans des réformes qui nécessitent un accompagnement financier. J’appelle donc le Gouvernement à poursuivre les efforts en faveur de ces priorités nationales.

Je reconnais volontiers que ce budget est globalement préservé compte tenu de la crise internationale sévère que nous traversons. Voilà le côté positif. Pour autant, la commission de la culture a émis défavorable sur les crédits de la MIRES pour 2012.

Par ailleurs, je me réjouis que le Sénat ait adopté deux amendements identiques présentés, pour l’un, par la commission des finances, pour l’autre, par la commission de la culture, et qu’il ait ainsi restauré, par l’insertion dans le projet de loi de finances d’un article 5 bis B, le soutien public en faveur des jeunes entreprises innovantes, supprimé l’an passé contre l’avis de notre commission.

Nous devons être vigilants : les entreprises ont besoin de visibilité. À mes yeux, cela vaut aussi pour le crédit d’impôt recherche. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de lUMP. –M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, et Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteure pour avis de la commission de la culture, je m’en remets à l’analyse des chiffres telle que l’ont dressée les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. En dépit d’un périmètre si changeant année après année, ces derniers ne se sont pas laissé aveugler par les comparaisons.

Pour ma part, je m’en tiendrai à l’analyse que nous avons formulée en commission.

Alors que le Gouvernement se vante d’avoir sanctuarisé le budget de l’enseignement supérieur en ces temps d’austérité jamais connus, je me dois de faire remonter le malaise profond qui étreint nos universités et la communauté étudiante.

L’augmentation de seulement 1 % des crédits de paiement de la MIRES correspond à une perte d’au moins 0,7 % en pouvoir d’achat. La croissance réelle des crédits budgétaires de l’enseignement supérieur doit être ramenée à 373 millions d’euros.

Une augmentation de la dotation de fonctionnement des universités, qui s’établit à 46 millions d’euros en 2012, inférieure à l’inflation, ainsi qu’une compensation très insuffisante de leur glissement vieillesse-technicité, le GVT, devraient dès lors déboucher sur un gel des recrutements, voire sur une suppression de postes au sein des établissements publics d’enseignement supérieur, dont la situation budgétaire est très critique.

C’est là le nœud du problème : les difficultés rencontrées par les présidents d’université dans le passage aux responsabilités et compétences élargies se sont clairement cristallisées autour de l’évolution de la masse salariale, notamment du fait du GVT non pris en compte dans les transferts de charges.

Le recul de la date de départ à la retraite des personnels – quatre mois de plus par an –, l’augmentation de la masse salariale liée aux évolutions naturelles de carrière, les mesures de revalorisation de certaines catégories de personnels, l’augmentation de la charge de travail induite pour les enseignants chercheurs liée à la mise en œuvre des objectifs du plan « Réussir en licence », voilà autant de paramètres décidés sur le plan national qui échappent à la maîtrise budgétaire des responsables d’université.

Alors, soyons honnêtes : les 14,5 millions d’euros débloqués par le ministère afin de compenser le GVT solde des universités sont une goutte d’eau dans la mare des difficultés de nos universités, malmenées sur le chemin de l’autonomie.

S’agit-il d’une rallonge bienveillante de la part du Gouvernement ? Non ! Ces 14,5 millions d’euros seront dégagés après redéploiement sur le programme 150, donc au détriment d’autres actions en faveur de l’enseignement supérieur.

S’agit-il d’une compensation intégrale ? Non plus ! Le GVT positif global des universités s’établit à 20 millions d’euros ; 5 millions d’euros restent donc à financer.

Compte tenu de la faiblesse globale de leurs dotations de fonctionnement, les universités au GVT négatif ne sont pas prêtes à mutualiser leurs ressources. Dans ces conditions, les universités les plus en difficulté sont contraintes à des gels de postes ou à des suppressions de filières pour éviter de présenter un budget en déséquilibre.

Malgré toutes les alertes, la sentence est lourde et stigmatisante : après avoir enregistré, pour la deuxième année consécutive, un budget en déficit, huit universités – ou cinq… ou sept… – seront placées sous tutelle de leur rectorat. Faut-il donc comprendre que la réforme « vertueuse » de l’autonomie des universités conduit à accentuer les inégalités territoriales de notre système d’enseignement supérieur, en sanctionnant nos universités de « territoire », qui doivent assumer des charges dont la montée en puissance n’a été ni prévue ni compensée par l’État ?

On en revient donc à l’irresponsabilité de l’État, qui s’abrite derrière des réformes de décentralisation et de renforcement de l’autonomie des acteurs locaux pour mieux se décharger de ses responsabilités financières et les obliger à une récession certes génératrice de moindres dépenses pour le ministère, mais catastrophique pour l’enseignement supérieur.

J’en viens au malaise de la communauté étudiante. Celle-ci, qui a crû de 1,7 % à la rentrée dernière, est en voie de paupérisation accélérée. Ce budget pour 2012 est, pour nos étudiants, objet de toutes les inquiétudes. La mise en place du dixième mois de bourse, juste prise en compte de la durée de la scolarité, vient occulter la baisse préoccupante d’autres dispositifs comme le fonds national d’aide d’urgence ou les aides à la mobilité internationale.

Le Centre national des œuvres universitaires et scolaires comme les autres opérateurs du programme et les associations voient leurs subventions une nouvelle fois siphonnées : 12,8 millions d’euros de crédits en moins en 2011, et 6,3 millions d’euros de moins en 2012. De surcroît, on nous a annoncé que le CNOUS n’était pas en capacité, actuellement, de verser le dixième mois de bourse.

On imagine mal, dans ces conditions, comment les CROUS parviendront à répondre aux besoins de logement étudiant ; l’engagement des nouvelles constructions ou les réhabilitations restent notoirement insuffisants au regard des objectifs fixés par le rapport Anciaux.

Les retards accumulés devraient repousser l’atteinte de ces objectifs à 2016. Il y a fort à craindre que les CROUS, compte tenu de leurs difficultés budgétaires, devront compenser la baisse de leurs marges de fonctionnement par un accroissement des loyers dans les résidences étudiantes.

Mais cela n’était sans doute pas suffisant. Le plafonnement du versement de l’aide personnalisée au logement en fonction du revenu des parents a été évoqué par M. Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Le secrétaire d’État au logement s’y est déclaré favorable, en totale mésestime du principe d’autonomie des étudiants.

À cela s’ajoute le doublement de la taxation des contrats de complémentaire santé, applicable aussi aux mutuelles étudiantes,…

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. … mais que notre assemblée a eu la sagesse de supprimer.

L’Assemblée nationale aurait été bien avisée de valider l’exonération des mutuelles étudiantes de cette taxe, quand on sait que 19 % des étudiants n’ont pas de complémentaire santé…

M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà ! C’est la réalité !

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. … – contre 6 % de la population générale – et que 34 % d’entre eux renoncent à des soins. (Mme Maryvonne Blondin et M. Jean-Jacques Mirassou approuvent.)

Enfin, je veux évoquer l’impact désastreux de la circulaire Guéant du 31 mai 2011, qui s’attaque à l’immigration légale des étudiants étrangers.

Cette stigmatisation scandaleuse, traduite par une application administrative abusive, est contraire à l’esprit même de la loi de 2006, malmenée par un gouvernement qui entend ainsi, sur une rhétorique populiste, s’affranchir de la volonté du Parlement.

La schizophrénie du Gouvernement est préoccupante : ce dernier, alors qu’il cherche à promouvoir les intérêts de nos industriels en Asie, invitant même la Chine à racheter une partie des dettes publiques européennes, n’hésite pas à mettre en œuvre une politique de restriction des flux migratoires à l’égard des élites de ces pays émergents, condamnant la France à rétrécir dans l’imaginaire de la communauté internationale.

Bien sûr, monsieur le ministre, nous avons pu lire dans la presse, ces dernières semaines, votre analyse et les brillantes suggestions que vous avez faites. Je ne doute pas que vous fixerez aujourd’hui un cadre clair afin de permettre à l’enseignement supérieur et aux universités d’envisager leur avenir avec moins de pessimisme.

Cependant, compte tenu de ces analyses, la commission de la culture m’a suivie en donnant un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Daunis, rapporteur pour avis.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différentes interventions des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis pourraient donner à penser que nous nous livrons à une sorte d’exercice imposé, et ce débat pourrait sembler éthéré compte tenu de la situation internationale.

La commission de la culture s’est attachée au contraire à analyser le budget de cette mission en l’inscrivant tout d’abord dans un constat : la fragilisation avérée de la recherche française, ne serait-ce que face à la concurrence croissante des pays émergents.

En 2008, la part mondiale de la France dans le système de brevet européen était de 6,3 %, contre 8,9 % en 1990.

Toujours en 2008, l’office des brevets des États-Unis a accordé deux fois plus de brevets à des inventeurs d’Asie qu’à des Européens – 31 % contre 16 %.

C’est le premier volet de notre rapport, et, dans cette perspective, nous ne pouvons hélas ! que relever des évolutions budgétaires préoccupantes pour l’avenir de notre pays.

Examinons les chiffres.

Les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » s’élèvent à 25,79 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 25,44 milliards d’euros en crédits de paiement.

Notre collègue Michel Berson, rapporteur spécial, l’a excellemment exposé : l’engagement du Président de la République ne sera pas tenu.

Si l’enveloppe augmente en termes nominaux par rapport au dernier exercice, une baisse de 0,3 % en autorisations d’engagement et de 1 % en crédits de paiement en euros constants se cache en réalité derrière cette légère hausse.

Le budget de la mission, en euros et à périmètre constants, c’est-à-dire hors pensions, crédit d’impôt recherche et investissements d’avenir, est inférieur à celui de 2007.

L’objectif fixé par les conseils européens de Lisbonne et de Barcelone de porter à 3 % du PIB le budget de la recherche en 2010 n’est toujours pas atteint.

Si l’on analyse plus finement cette enveloppe, nous constatons que six des neufs programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » consacrés à la recherche voient leurs crédits diminuer, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Le programme 192 en constitue l’illustration ô combien paradoxale quand il s’agit de celui de la recherche et de l’enseignement supérieur en matière économique et industrielle.

Les grands organismes de recherche, déjà très affectés par des baisses de crédits l’an dernier, sont de nouveau fragilisés par les évolutions budgétaires pour 2012. Certains de ces organismes ont ainsi été contraints de réduire leur personnel ou de diminuer les crédits accordés à leurs laboratoires, et ce alors même qu’ils se situent aux premières places mondiales dans leur domaine et qu’ils contribuent, par la qualité de leurs équipes, à attirer sur notre territoire les plus grands groupes étrangers, comme nous l’ont confirmé des représentants de Google France.

C’est ainsi que la subvention allouée aux quatre organismes que nous avons auditionnés est en baisse, comme cela a été rappelé : de moins 1,05 % pour l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA, à moins 15,1 % pour l’Institut Français du Pétrole-Énergies nouvelles ! Ces fleurons de la recherche française mondialement reconnus pour la qualité de leurs travaux et leur capacité à valoriser leur recherche sont mis à mal par ce budget.

La recherche publique doit être soutenue et les partenariats entre recherche publique et privée favorisés. Quels plus beaux exemples de réussite que les instituts Carnot ?

La commission de l’économie regrette aussi vivement que l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, subisse cette année une nouvelle baisse. (M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, acquiesce.) J’attire votre attention sur le fait que 20 % environ des dossiers présentés sont acceptés. Toutes les agences européennes et mondiales ont estimé que ce seuil était critique : en dessous de 20 %, c’est la crédibilité même de l’ANR qui est entamée, et il serait souhaitable que nous restions dans l’épure des 25 % à 30 %.

J’en viens au crédit d’impôt recherche. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Ce dispositif apparait désormais comme majeur pour la recherche et développement en France ; il doit être soutenu. Néanmoins, la part prise par le crédit d’impôt recherche pour cette première dépense fiscale de l’État, avec 5,27 milliards d’euros pour 2012, invite à une meilleure maîtrise de cet outil fiscal et à une attention particulière envers les TPE-PME et la création d’emplois.

De même, la commission s’est légitimement interrogée sur les moyens de sécuriser et de contrôler son attribution, sur les critères d’éligibilité, les secteurs bénéficiaires et, plus généralement, sur l’absence d’inscription cohérente dans une logique plus large de soutien global à la recherche.

Enfin, le crédit d’impôt recherche a souvent été présenté comme un outil anti-délocalisation. Nous constatons cependant que, après les sites de production, s’opèrent des délocalisations de centres de recherche et développement d’entreprises ayant bénéficié du crédit d’impôt recherche.

Bref, mes chers collègues, une évaluation globale et approfondie du dispositif s’impose.

C’est dans cet esprit que la commission de l’économie a adopté plusieurs amendements que j’ai eu l’honneur de lui présenter.

En conclusion, l’analyse de ce budget laisse à penser que la pérennité et le développement de notre recherche ne sont pas garantis. Nous le regrettons, car investir pour et dans une économie de la connaissance demeure le meilleur garant du maintien de l’activité économique de notre territoire et donc des emplois actuels et futurs.

Pour toutes ces raisons, la commission de l’économie a émis un avis défavorable sur le budget de cette mission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le « marché » en pleine reconfiguration de la recherche mondiale, la France n’est plus aux avant-postes, en termes tant de publications que de brevets. À une plus vaste échelle, c’est l’Europe entière qui se trouve distancée, occupant, selon une récente étude, la dix-neuvième place sur quarante-quatre pays.

La raison principale de ce lent déclin est la montée difficilement résistible des « économies nouvelles » : la Chine, qui compte à ce jour autant de chercheurs que les États-Unis, est désormais troisième investisseur en termes de recherche et développement !

Face à cette lente érosion de ce qui constituait jusqu’à peu notre avantage comparatif, la capacité d’innovation, le Gouvernement a décidé d’agir de façon résolue, et nous pouvons lui rendre hommage.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. En 2007, le chef de l’État faisait en effet de la recherche et de l’enseignement supérieur sa priorité, promettant d’y consacrer 9 milliards d’euros supplémentaires.

Presque cinq ans après, où en sommes-nous ? N’en déplaise à certains, les engagements ont été respectés, puisque, si l’on inclut le présent budget, 9,39 milliards d’euros supplémentaires auront été alloués à ce secteur.

Conséquence vertueuse, la dépense intérieure en recherche et développement s’est accrue de 15 % depuis 2007.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Certes, l’effort public en faveur de la recherche est moins spectaculaire pour 2012, du fait d’une conjoncture économique et budgétaire difficile. Mais dans un tel contexte, une augmentation du budget de la MIRES de, respectivement, 1,69 % et 1,02 % en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, pour un total de 25,79 milliards d’euros, me semble tout à fait remarquable.

Il est à noter que, parmi les différents ministères participant à l’effort public en faveur de la recherche, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche voit ses crédits reconduits cette année.

Certes, les dotations aux grands organismes de recherche sont pour certaines en baisse, du fait des économies demandées à tous les établissements publics de l’État. Lors des auditions, un fait assez symptomatique nous est apparu : des établissements dont les crédits avaient baissé étaient allés chercher des ressources nouvelles à l’extérieur. En outre, certains réussissaient à équilibrer leur budget avec autant d’apports extérieurs que de subventions !

Mais, d’une part, ces économies sont moindres de moitié pour le secteur de la recherche ; sans doute pourrez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre. D’autre part, elles sont l’occasion pour les organismes de recherche d’adopter un modèle de financement favorisant leur indépendance, en augmentant leurs ressources propres, comme le font avec succès l’INRIA ou IFP-Énergies nouvelles. Je viens de l’évoquer.

Je dirai enfin quelques mots du crédit d’impôt recherche, dont les vertus ont été vantées récemment dans différents articles de presse, même si c’est une niche fiscale coûteuse.

Le crédit d’impôt recherche est, dit-on, l’instrument fiscal de soutien à la recherche le plus généreux au monde. S’élevant à 5,27 milliards d’euros pour 2012, l’enveloppe qui y est consacrée progresse de 174 millions d’euros, soit 3,3 % supplémentaires. Et c’est heureux lorsque l’on constate ses effets positifs sur le coût du travail, réduit de l’ordre d’un tiers pour les entreprises, sur l’activité économique, largement stimulée, dans un facteur allant de 2 à 4, ainsi que sur l’attractivité à l’égard des entreprises étrangères – oui, mes chers collègues, celles-ci s’installent en France grâce au crédit d’impôt recherche ! – dont le nombre de projets d’investissement en recherche et développement sur notre territoire a plus que triplé entre 2008 et 2011.

Si tous ces éléments, tant sur la mise en perspective des évolutions budgétaires depuis 2007 que sur le projet de budget pour 2012, m’ont conduit à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la MIRES, la commission de l’économie a toutefois voté en sens inverse, et je me devais de vous rapporter ici son avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous, parlementaires, sommes bien placés pour connaître le contexte financier particulièrement difficile dans lequel s’inscrit le débat budgétaire aujourd’hui. Aussi, la stigmatisation systématique de l’État accusé de désengagement ne me semble très sincèrement ni honnête ni responsable.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. S’agissant des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », on peut observer qu’un effort particulier a été fait pour préserver le secteur, comme l’a noté M. Plancade dans son rapport écrit ; il l’a d’ailleurs réaffirmé en conclusion de son intervention ici-même à cette tribune.

Tant pour la recherche que pour l’enseignement supérieur, la légère augmentation des crédits de la mission traduit donc la priorité donnée par le Gouvernement au financement des dépenses d’avenir, dans la droite ligne de la stratégie de Lisbonne.

Il est en effet indispensable de soutenir la montée en puissance des réformes engagées par le Gouvernement, même si, contexte oblige, cela se fait moins vite et moins intensément que prévu. Cette montée en puissance se traduit en termes financiers par des crédits en hausse de 9 milliards d’euros par rapport à 2007. La commission des finances les a, quant à elle, évalués à 5,6 milliards d’euros. Cela se traduit aussi par un fléchage de 60 % des investissements d’avenir ouverts par la loi de finances rectificative de 2010 sur la recherche et l’enseignement, ainsi que par l’augmentation du crédit d’impôt en faveur de la recherche.

Au-delà des finances, le secteur a fait l’objet de réformes structurelles d’importance. Les interlocuteurs ne remettent d’ailleurs pas vraiment en cause le principe de ces réformes qui étaient indispensables. Je pense notamment à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, aux pôles régionaux d’enseignement supérieur et de recherche et pôles de compétitivité.

Bien sûr, les objectifs visés par la LRU ne sont pas aujourd’hui complètement réalisés. Il faut donner du temps pour que les nombreux acteurs qui concourent à sa réussite adaptent leur gestion ou leur activité à ce nouveau cadre. Je pense notamment aux huit établissements universitaires visés par le rapport de notre collègue Jean-Pierre Plancade, qui rencontrent des difficultés financières pour la deuxième année consécutive.

Il faut donc veiller, monsieur le ministre, malgré les contraintes budgétaires, à mieux ajuster les dotations des universités par rapport à l’inflation, sans quoi l’autonomie de gestion sera vouée à l’échec !

Ces ajustements, comme ceux qui ont été proposés dans le rapport d’information de 2009 de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot, doivent impérativement être opérés par le ministère pour pouvoir maintenir le cap de la réforme des universités, afin que le paquebot que constitue l’université française ne prenne pas les vagues de face. C’est ainsi qu’il pourra trouver son rythme de croisière…

M. Jacques Legendre. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Au-delà des aspects techniques de l’autonomie des universités, la LRU vise à combattre le fort taux d’échec des étudiants. Aussi sommes-nous attentifs à l’exécution du plan « Réussir en licence » dont vous pourriez, monsieur le ministre, nous donner un état des lieux.

La loi prévoit aussi qu’on investisse davantage dans le domaine de l’insertion professionnelle des étudiants. Elle a clairement confié aux universités une mission « d’orientation et d’insertion professionnelle », notamment en les obligeant à créer un « bureau d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants ». Il s’agit malheureusement trop souvent de coquilles vides où ni les étudiants ni le monde socio-économique ne sont intégrés.

Quant à l’appréciation de l’insertion professionnelle, on constate certes que 91,4 % des diplômés de master trouvent un emploi dans les trois ans – heureusement ! –, mais on n’a pas d’éléments d’appréciation qualitative de cette mesure, notamment les niveaux de salaires, les types de contrats, l’adéquation de l’emploi par rapport à la formation. Aussi, monsieur le ministre, nous restons attentifs aux analyses qualitatives sur l’insertion professionnelle.

La reprise économique et l’attractivité de la France passeront indubitablement par la capacité de l’État et des universités, désormais autonomes, à créer des passerelles entre l’enseignement et le monde de l’entreprise. Je tiens à rappeler à cet égard ce que l’on doit à notre collègue anciennement rapporteur Jean-Léonce Dupont, qui, au moment de la LRU, avait dû fortement batailler pour que les conseils d’administration s’ouvrent à des personnalités qualifiées dans ce domaine.

Pour répondre à cet enjeu de la création de passerelles entre ces deux mondes, le moyen de l’alternance semble le plus adéquat pour conjuguer formation et insertion professionnelle. Au niveau de la formation, l’alternance permet de confirmer ou d’infirmer les choix d’orientation. Au niveau de l’insertion, l’alternance semble le seul moyen de renverser la tendance haussière du chômage des jeunes ou encore les très nombreuses « surqualifications » des diplômés sur le marché du travail.

L’alternance généralisée, qui a fait ses preuves dans les formations techniques, ou encore l’immersion précoce dans le milieu hospitalier des étudiants en médecine ne pourraient-elles pas gagner nos universités de droit, de langues, d’économie et de sciences ?

Ce devrait être en tout cas l’objectif numéro un de la formation. En ce sens, des expérimentations pourraient être menées par des universités. C’est précisément la présence de professionnels dans les conseils d’administration des universités qui peut permettre un premier rapprochement entre ces deux mondes.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly. Enfin, je ne doute pas que l’employabilité de nos diplômés des universités pourrait être encore améliorée si le niveau de langue, notamment en anglais, était renforcé. Ce n’est pas seulement l’ancien professeur d’anglais que j’ai été qui vous parle ! En effet, monsieur le ministre, force est de constater que l’économie et l’emploi ne connaissent pas de frontières, encore moins au sein de l’Union européenne. La maîtrise et l’approfondissement d’une langue étrangère doivent donc constituer un enseignement obligatoire à chaque étape du cursus universitaire.

S’agissant de l’enseignement supérieur, reste à évoquer l’accompagnement de la vie étudiante. Si on ne peut que se réjouir de l’octroi d’un dixième mois de bourse pour les étudiants, dont j’avais déjà souligné l’opportunité l’année dernière, il faut garder à l’esprit que cette mesure ne suffit hélas pas à résoudre le problème de la paupérisation des étudiants.

Disposant d’un budget extrêmement contraint, les étudiants sont conduits à négliger leur santé : en effet, 15 % d’entre eux tendent à renoncer à des soins pour des raisons financières, et 180 000 d’entre eux ne sont inscrits auprès d’aucun organisme de sécurité sociale alors qu’il s’agit d’une obligation. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler les pistes que vous envisagez de poursuivre afin de répondre à cette préoccupation majeure des associations étudiantes ?

Tout aussi préoccupante, la question du logement constitue une contrariété qui s’aggrave sous l’effet conjugué de la hausse des loyers et de la baisse de l’offre de logements, de nombreux bailleurs témoignant leur réticente ou proposant des logements insalubres à des étudiants désarmés.

Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’expérimentation menée dans les académies de Lille et Lyon, permettant, grâce au « passeport étudiant », de garantir les loyers du parc locatif privé et d’avancer la caution, par un fonds abondé de 1 million d’euros, géré par la Caisse des dépôts en partenariat avec des banques privées.

Au-delà du parc locatif privé, il est indispensable de poursuivre les efforts destinés à étendre le parc social de logements étudiants afin d’atteindre l’objectif du plan Anciaux : disposer d’une capacité d’accueil de 185 000 chambres à horizon 2016, contre 161 500 aujourd’hui.

Voilà, mes chers collègues, les préoccupations dont je souhaite me faire l’écho concernant l’enseignement supérieur. La poursuite, l’ajustement et l’approfondissement de l’autonomie des universités me semblent constituer un enjeu déterminant, favorisant la dynamique universitaire et les expérimentations dont l’université a besoin ; la vie étudiante doit également mobiliser toute notre attention, car la croissance économique et la cohésion sociale nécessitent une jeunesse bien formée, dans des conditions de vie qui lui permettent de se consacrer pleinement à son apprentissage.

Enfin, je formulerai deux remarques concernant la recherche, sujet que j’ai brièvement évoqué au début de mon intervention.

Premièrement, les études l’attestent, le numérique constitue aujourd’hui un important gisement de croissance, d’emplois et d’innovation. De nouvelles opportunités s’ouvrent dans tous les domaines pour les acteurs les plus entreprenants et les plus innovants de notre pays.

Aussi les investissements de l’État dans ce domaine sont-ils plus que jamais stratégiques. Il faut absolument poursuivre et renforcer le programme issu du grand emprunt, maintenir le crédit d’impôt recherche, inciter au développement de pôles de compétitivité dans ce domaine également, en rapprochant les étudiants, les chercheurs et les entreprises innovantes.

Deuxièmement, les membres du groupe UCR apprécient l’effort consacré au secteur de la recherche et de l’innovation ces dernières années : ils saluent tant les budgets en hausse, les crédits du grand emprunt que le crédit d’impôt recherche.

Certes, il est légitime de souhaiter toujours mieux, chers collègues. Toutefois, j’observe que notre pays n’a jamais consacré autant de moyens à la recherche : Jean-Pierre Plancade le souligne d’ailleurs dans son rapport. (M. Daniel Raoul s’exclame.) Monsieur Raoul, je ne fais que citer les conclusions de notre rapporteur, qui a conduit des travaux au sein de notre commission ! Il est légitime de mentionner son nom.

Mes chers collègues, la France se situe au cinquième rang mondial pour les dépenses intérieures de recherche et développement derrière les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Allemagne. Mais, monsieur Daunis, s’il est un sujet majeur aujourd’hui, il s’agit à nos yeux de la mobilisation des acteurs français au niveau européen.

Une fois de plus, face aux défis qui nous attendent, dans la perspective d’une Europe plus intégrée, c’est à cette échelle – en articulant efficacement le programme-cadre de recherche et développement ainsi qu’EUREKA aux programmes nationaux – que la France pèsera réellement au niveau mondial.

C’est également en investissant massivement dans des recherches d’avenir, tels les nanotechnologies, les énergies renouvelables, la médecine ou encore le numérique, que notre pays s’imposera à l’avenir dans des projets industriels de dimension européenne sur les marchés internationaux.

Plus et mieux d’Europe, voilà ce dont la France a réellement besoin ! Telle est la conclusion de mon intervention. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est, juste avant la Grèce, l’État européen de l’OCDE dont le taux d’encadrement à l’université est le plus faible.

M. David Assouline. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De plus, notre pays se place au quatorzième rang mondial pour l’effort de recherche par rapport à son PIB, et au vingt-sixième sur trente-deux pour la part du budget civil consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche.

Cette année encore, les modifications de périmètre ne facilitent pas la comparaison de budget à budget. De fait, il convient de déjouer l’opacité de la LOLF pour vérifier que le Gouvernement n’investit pas dans la recherche et l’enseignement supérieur. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Entre 2002 et 2012, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a régressé de 2,23 % du PIB à 2,15 % seulement.

Nous sommes donc loin de la promesse formulée par le Président de la République, d’augmenter chaque année le budget de l’enseignement supérieur de 1,8 milliard d’euros et de consacrer 3 % du PIB à la recherche.

Monsieur le ministre, vous ne cessez de vanter l’action menée en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur : à vous entendre, 9 milliards d’euros auraient été investis en cinq ans dans ce domaine. Toutefois, cette présentation trompeuse confond sciemment autorisations d’engagement et crédits de paiement, et inclut de surcroît les sommes du grand emprunt et le crédit d’impôt recherche.

Chaque année, le ministère gonfle artificiellement son budget, incluant crédits budgétaires et extrabudgétaires, et intégrant des engagements qui, en définitive, ne sont pas consommés.

II y va ainsi des crédits consacrés à l’opération Campus et des investissements d’avenir. Ces derniers ne correspondent pas au montant des fonds placés : ils ne sont financés que par les intérêts de ces sommes, et uniquement lorsqu’ils sont consommés.

Monsieur le ministre, avec 25,7 milliards d’euros en 2012, vous affirmez que la recherche et l’enseignement supérieur « restent prioritaires ». Il faut cependant soustraire à ce montant le transfert du paiement du compte d’affectation spéciale « Pensions » et l’inflation de 1,7 % afin de pouvoir le comparer aux années précédentes.

Dès lors, force est d’observer qu’en réalité le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche accuse une baisse.

Cela n’a pas pour autant empêché le Gouvernement de ponctionner 23,1 millions d’euros supplémentaires sur ce budget, au nom de la mise en œuvre du plan de 1 milliard d’euros d’économies.

À ce titre, l’évolution du crédit d’impôt recherche est particulièrement préoccupante : ce dispositif voit ses crédits augmenter en 2012, quoique ayant été condamné par la Cour des comptes.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il faudrait savoir !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Seule ambition pour la recherche, cette niche fiscale au coût exorbitant n’a créé aucun emploi et n’a donc pas fait preuve de la moindre utilité. Bien au contraire, elle mobilise des fonds publics au service de la recherche privée, sans aucune contrepartie.

Au reste, loin de bénéficier aux PME, le CIR profite à de grands groupes privés, et ne les empêche pas d’investir globalement moins dans la recherche et développement : en effet, le montant des dépenses de recherche des entreprises françaises stagne à 1,3 % du PIB.

Alors même que se multiplient les évaluations pour les chercheurs du secteur public, soumis à compétition pour obtenir le financement de leurs projets, le montant du CIR accordé aux entreprises, qui est fonction du nombre de chercheurs déclaré par celles-ci, ne fait l’objet d’aucun contrôle.

Tandis que le CIR représente 2,5 fois le montant du budget du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, cet organisme de recherche, auquel s’ajoutent l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA et d’autres institutions voient stagner leurs crédits budgétaires.

La contrainte budgétaire pesant sur ces organismes de recherche constitue une menace pour leur action comme pour l’emploi, réduisant d’autant leur capacité à engager des recherches innovantes et de long terme.

Les dépenses de recherche du CNRS diminuent ainsi de 6 % en 2012, tandis que l’emploi précaire au sein de ces organismes représente plus de 30 % des postes au CNRS et plus de 40 % à l’INSERM.

La politique d’excellence – notamment via les projets IDEX, initiatives d’excellence et LABEX, laboratoires d’excellence – s’apparente quant à elle à un véritable plan social de la science : elle opère en effet une restructuration autour d’une dizaine de pôles à la visibilité mondiale, selon le seul critère de la compétitivité économique.

Ce faisant, une réelle dichotomie se fait jour entre quelques grands établissements d’élite auxquels l’essentiel des moyens est affecté et les autres universités, délaissées, qui accueillent pourtant la majorité des étudiants.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un système à deux vitesses !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La concentration des moyens est telle qu’au sein même des universités et laboratoires labellisés, les fonds sont inégalement répartis en faveur des projets qui sont dans le périmètre du projet IDEX.

Cette politique structure un système universitaire à deux vitesses, tout en favorisant le déploiement de partenariats public-privé, dont on sait qu’ils font peu de cas du service public de la recherche et de l’Université. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)

Non seulement ces dispositifs sont extrêmement coûteux – chacun d’entre eux mobilise environ 1 milliard d’euros – mais ils ont été mis en œuvre sans la moindre consultation des conseils d’administration ni des conseils scientifiques.

Mes chers collègues, cette situation est catastrophique au regard des difficultés financières qu’éprouvent les universités : huit établissements universitaires sont actuellement en déficit, et sept d’entre eux ont vu leur budget placé sous la tutelle du recteur.

Monsieur le ministre, cette situation est pour le moins contradictoire avec l’objectif affiché d’autonomie des universités : ce faisant, elle illustre bien l’impasse dans laquelle nous mènent les réformes du Gouvernement !

La loi de réforme des universités, la LRU, a en effet transféré aux universités et à leur président la gestion de leur budget, notamment de leur masse salariale.

Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cependant, l’augmentation du coût des salaires liée au glissement vieillesse-technicité, le GVT, ne peut plus être financée par tous les établissements universitaires tant le désengagement de l’État est important pour ce qui concerne les sommes globales versées aux universités.

Ainsi, les 14,5 millions d’euros du budget compensant le GVT sont insuffisants, d’autant qu’il n’a été établi aucun critère de répartition entre les universités.

Le mode d’autonomie mis en place par la LRU n’a pas permis l’émergence d’espaces de coopération et d’échanges nécessaires sur un même territoire, ayant pour simple effet de créer des superstructures non démocratiques, et renvoyant aux universités la gestion de la pénurie engendrée par un budget de l’enseignement supérieur en berne.

Monsieur le ministre, si vous vous défendez d’appliquer la RGPP à la recherche et à l’enseignement supérieur, ce n’est que pour mieux en déléguer la mise en œuvre aux universités qui, par répercussion, réduisent leur masse salariale et recourent de plus en plus fréquemment aux emplois précaires.

L’emploi contractuel est pourtant déjà très largement présent dans le secteur de la recherche et l’enseignement supérieur, où le nombre de travailleurs précaires est aujourd’hui estimé à 50 000 ! Un grand nombre de jeunes hommes et de jeunes femmes sont actuellement confrontés à des plans massifs de licenciement, afin de ne pas les voir devenir éligibles à la titularisation dans le cadre du projet de loi qui sera examiné en janvier prochain par le Sénat.

Cette précarité pose un autre problème : celui de l’attractivité de ces métiers pour les jeunes. En effet, nous faisons face à une véritable désaffection pour la carrière doctorale : le nombre de docteurs formés actuellement permet simplement de compenser les départs à la retraite.

La situation de la recherche et de l’enseignement supérieur est donc extrêmement préoccupante dans notre pays.

La LRU, l’augmentation démesurée du CIR et les initiatives d’excellence n’ont en réalité d’autres buts que de favoriser l’asservissement de l’Université aux entreprises et la concentration des moyens au sein des quelques pôles censés développer la compétitivité internationale des universités.

Mes chers collègues, le budget 2012 doit être rejeté car il est destructeur…

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est clair !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … pour le service public de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le CIR doit être révisé, afin d’impulser une réelle dynamique de croissance et d’emplois stables et qualifiés, notamment au travers d’un dispositif d’aides directes réservées aux PME.

Nous sommes certes, avec l’immense majorité des chercheurs, de fervents défenseurs de l’autonomie de la recherche et des universités, mais vis-à-vis des marchés, et donc à l’opposé même de la LRU, qui doit être abandonnée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année encore, l’enseignement supérieur et la recherche constituent la priorité budgétaire du Gouvernement et échappent, de ce fait, à l’effort général de réduction des dépenses publiques : globalement, les crédits de paiement du programme s’élèveront à 12,5 milliards d’euros et afficheront une augmentation de 1,9 %.

Notre groupe ne peut donc souscrire à la présentation négative des crédits à laquelle ont procédé les rapporteurs de l’actuelle majorité sénatoriale.

Au contraire, il convient de saluer cet effort budgétaire, d’autant qu’il s’inscrit dans la durée. En effet, en 2007, le Président de la République a fait le choix stratégique d’investir massivement dans l’enseignement supérieur et la recherche, afin de renforcer notre position au sein de l’économie de la connaissance, dans un contexte de forte compétition internationale.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas exagérer !

Mme Colette Mélot. Cet effort financier s’est accompagné de réformes structurelles modifiant en profondeur le paysage de l’enseignement supérieur français, sujet sur lequel mon intervention portera plus spécifiquement.

La loi du 10 août 2007 a libéré les énergies en ouvrant la voie à l’autonomie des universités…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un euphémisme !

Mme Colette Mélot. … et a été suivie d’un ensemble de mesures confiant des compétences et des responsabilités élargies aux universités qui le souhaitaient.

En 2012, 43 millions d’euros seront accordés à ces universités, et nous ne pouvons que nous en féliciter. D’ores et déjà, de nombreux établissements se sont judicieusement nourris des ingénieries des territoires où ils sont implantés.

Je pense par exemple aux pôles du Grand Ouest, qui se sont axés sur les métiers de la mer, au domaine de la résistance des métaux en Lorraine, ou encore aux domaines agroalimentaire et des études volcaniques à Clermont-Ferrand. Cette démarche, qui met en osmose territoires, compétences de pointe et univers de la formation, permettra de se positionner vers l’excellence.

Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, dont vous avez permis et encouragé la création, monsieur le ministre, représentent une extraordinaire dynamique vers le dialogue et la coopération entre les grandes écoles, les universités et les organismes de recherche. On compte vingt et un pôles de ce type aujourd’hui. Cette dynamique doit être renforcée pour mutualiser les énergies et faire émerger des pôles compétitifs à l’échelle nationale et internationale.

Je voudrais répondre à certaines des attaques que nous avons entendues. Je tiens à souligner que l’autonomie accrue des universités a permis d’améliorer la gestion de l’immobilier. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Plus de 68 millions d’euros sont accordés au-delà de ce qui était prévu en prévision triennale pour répondre à ces besoins.

En ce qui concerne la question des personnels, je souhaite souligner que le ministère a exclu le domaine de l’enseignement supérieur de la règle du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)

Enfin, certains établissements peuvent connaître des difficultés momentanées, ce qui n’est pas anormal dans la période d’ajustement. Sur 173 établissements, seuls 7 sont concernés. Je vous serais reconnaissante de bien vouloir faire le point sur ce sujet, monsieur le ministre.

Je souhaiterais également parler des conditions de vie étudiante.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ah oui ! Parlons-en !

Mme Colette Mélot. Le Gouvernement a annoncé que l’amélioration des conditions de vie et d’études était une priorité pour 2012. Je ne peux que me réjouir d’une telle détermination, car nous savons que ces conditions essentielles participent fortement à la réussite des étudiants. Ainsi, les crédits consacrés à la vie étudiante augmenteront de 39 millions d’euros en 2012.

Depuis 2007, les réformes des bourses ont permis d’accroître significativement le nombre de jeunes bénéficiaires. De trop nombreux étudiants, notamment les plus modestes des classes moyennes, étaient laissés en dehors du dispositif de bourse. Depuis quatre ans, le Gouvernement a augmenté significativement le seuil d’obtention, de 2,2 SMIC à 3,3 SMIC, permettant ainsi à plus de 25 % d’étudiants supplémentaires de bénéficier d’une bourse pour leurs études. Le montant des bourses a été revalorisé, ce qui n’avait pas été le cas depuis longtemps.

La rentrée 2011–2012 a vu aussi le versement effectif d’un dixième mois de bourse, grâce aux 15 millions d’euros supplémentaires du programme « Vie étudiante » par rapport à la prévision triennale. Je tiens à saluer cette mesure, qui est logique eu égard à l’évolution des rythmes d’études, mais qui méritait une détermination forte pour dégager les moyens financiers nécessaires ; vous l’avez eue, monsieur le ministre, et je ne peux que vous en féliciter.

Enfin, autour du système de bourse, a été développé, pour les jeunes en dessous des critères sociaux, le Fonds national d’urgence, dont les crédits ont été établis à 40 millions d’euros en 2011–2012.

J’évoquerai également la problématique du logement étudiant, pour rappeler les avancées réalisées depuis 2007 et qui se poursuivent dans ce budget pour 2012.

Le nombre de jeunes quittant le domicile familial afin de poursuivre leurs études est en augmentation.

Pour suivre cette évolution, depuis 2007, le budget consacré au logement étudiant a doublé et un important effort de construction et de réhabilitation a été conduit, permettant de dépasser en 2010 les objectifs fixés par le plan Anciaux. Cet engagement n’était pas simple à tenir, pourtant vous l’avez fait progressivement en investissant fortement dans cette politique. En 2012, 4 200 réhabilitations et 4 100 constructions seront réalisées.

Je souhaite également évoquer les dispositifs expérimentaux lancés en 2011 dans deux académies pour prendre en charge la caution solidaire et l’octroi d’un prêt pour apporter le dépôt du mois de garantie. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si ces dispositifs seront pérennisés et étendus à d’autres académies ?

Enfin, il est nécessaire que les régions soutiennent l’action de l’État et s’engagent dans des investissements dans le domaine du logement étudiant. Or je déplore qu’elles ne prennent pas toutes, aujourd’hui, leur part de responsabilité dans ce domaine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Daniel Raoul. C’est fort de café !

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Il faut une clause de compétence générale !

Mme Colette Mélot. Au-delà des progrès déjà réalisés, je souhaiterais cependant que soient encore davantage prises en compte les questions de qualité de vie et de santé des étudiants. Je pense notamment à l’accès aux soins spécialisés – l’optique, les soins dentaires ainsi que l’accès aux mutuelles –, qui entraînent des enjeux financiers non négligeables pour les jeunes.

Enfin, n’oublions pas la finalité de l’enseignement supérieur. Il s’agit de développer les compétences et les qualités de nos jeunes pour les préparer aux exigences de la vie professionnelle et leur ouvrir les portes de leur avenir professionnel. C’est pourquoi je pense…

M. Daniel Raoul. Il ne faut pas penser ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas qu’elle pense ! (Même mouvement.)

Mme Colette Mélot. … qu’il faudra encore encourager et multiplier les liens entre les milieux professionnels, les écoles de formation et les universités. Il faut que l’entreprise entre dans l’université,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Non, non et non !

Mme Colette Mélot. … en développant les partenariats, les intervenants, les rencontres, et que l’enseignement supérieur accompagne le passage en entreprise. Tous, étudiants comme professionnels, gagneront à une meilleure connaissance mutuelle, qui sera gage de confiance réciproque.

Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez est, cette année encore, fort encourageant pour l’enseignement supérieur. Le groupe UMP le votera avec conviction. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Catherine Morin-Desailly et M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Daniel Raoul. Cela va être un autre ton !

M. Maurice Vincent. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, l’enseignement supérieur et la recherche constituent des enjeux majeurs pour l’avenir de notre pays, les créations futures d’activités et d’emplois et la compétitivité de notre économie. Son financement mais aussi son organisation impactent concrètement les conditions de vie de plus de 2 300 000 étudiants, et méritent donc une attention particulière.

J’aborderai surtout les deux premiers points dans mon intervention, puisque l’un de nos collègues insistera après moi sur les conditions de vie étudiante.

Concernant le budget pour 2012, beaucoup de choses ont été dites, mais il me semble que l’on peut s’accorder sur des constats objectifs, notamment sur le fait que, aujourd’hui encore, la dépense annuelle moyenne de notre pays par étudiant est nettement inférieure à ce que l’on observe dans les autres pays industrialisés. Nous avons donc encore beaucoup d’efforts à faire pour mettre à niveau notre enseignement supérieur et notre recherche. Je ne reviens pas sur les chiffres ; ils ont été donnés par plusieurs orateurs.

En 2007, le Gouvernement annonçait une politique ambitieuse visant à octroyer à nos universités et instituts de recherche des moyens supplémentaires pour leur permettre de rattraper leur retard et, notamment, d’améliorer leur position dans le classement de Shanghai.

Les objectifs n’ont pas été atteints, et nous sommes loin aujourd’hui du milliard d’euros promis pour l’enseignement supérieur et des 800 millions d’euros annoncés pour la recherche. Les chiffres sont incontestables.

Le budget pour 2012, – c’était déjà un peu le cas du budget de 2011 – marque une décélération, voire un arrêt de l’effort qui avait été engagé précédemment. Surtout, il ne compense pas les charges qui sont transférées aux universités, en particulier quant au coût de la masse salariale, en raison d’une mauvaise prise en compte du glissement vieillesse-technicité, le GVT.

Il en ressort nécessairement des difficultés pour plusieurs établissements, d’autant qu’il convient aussi d’intégrer, dans les comptes des universités, les coûts liés à l’autonomie et la prise en considération du recul de l’âge de départ en retraite, qui pèse sur les charges de personnel.

En conséquence, – nous avons déjà évoqué ce point en commission, monsieur le ministre – les universités gèlent leurs recrutements, voire suppriment certains postes, alors même que 50 % des chercheurs français partiront à la retraite d’ici à dix ans. C’est un enjeu majeur : sans remplacement de ces chercheurs, nous ne disposerons plus des mêmes moyens pour favoriser le développement de notre pays, alors que nous avons déjà pris du retard.

Je voudrais également attirer votre attention sur la question du patrimoine immobilier, monsieur le ministre. La loi permet le transfert de la gestion de ce patrimoine aux universités, mais, jusqu’à présent, seuls trois établissements ont obtenu cette dévolution. En réalité, la plupart des universités ne sont pas candidates, car elles voient bien que la gestion de ce patrimoine engendrera des charges extrêmement lourdes.

Il y a dans la gestion du patrimoine universitaire une vraie bombe à retardement, tout simplement parce que, depuis dix ans au moins, les crédits budgétaires sont insuffisants. On risque donc d’assister à une dégradation de la qualité des amphithéâtres, des salles de cours et des laboratoires de recherche. Si j’ai bien compris les propos de notre collègue Colette Mélot, cette question pourrait être déléguée aux régions, mais il s’agirait alors d’un nouveau transfert massif de charges vers les collectivités territoriales.

M. Jean-Jacques Mirassou. Une fois de plus !

M. Maurice Vincent. Comme le souligne la conférence des présidents d’université, « les moyens financiers consentis à notre système d’enseignement supérieur demeurent très en deçà de ce qui serait nécessaire pour rattraper le retard accumulé du niveau de financement des universités françaises ». En d’autres termes, vous n’avez pas donné à ces dernières les moyens de leur autonomie.

Il est paradoxal de constater que, deux ans seulement après le lancement de l’autonomie, cinq établissements rencontrent des difficultés de gestion, d’autant que d’autres universités pourraient bientôt être touchées.

Je me permettrai d’esquisser une ou deux solutions qui me semblent relever du bon sens.

Je ne pense pas que les rectorats et le ministère aient les moyens réels de gérer directement tous ces budgets à la place des établissements. Il me semble donc indispensable de prendre une autre orientation. Il s’agirait de renforcer durablement l’encadrement technique et administratif supérieur des universités afin qu’elles aient les moyens d’une gestion autonome. (Mme Maryvonne Blondin s’exclame.)

Nous voyons tous poindre à l’horizon la sollicitation financière des collectivités territoriales. J’en profite pour souligner combien nos villes, nos agglomérations et nos régions sont offensives en la matière. (Mme Maryvonne Blondin s’exclame de nouveau.)

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, et M. Jean-Jacques Mirassou. Sans oublier les départements !

M. Maurice Vincent. Elles agissent bien au-delà des limites de leurs compétences, car elles ont conscience de l’enjeu que représente l’université pour leur territoire. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Celles qui le souhaitent doivent pouvoir poursuivre cet effort sans être contraintes au grand écart permanent. S’ils devaient se poursuivre, les transferts de charge devraient donc donner lieu à des compensations.

Le deuxième point de mon intervention porte sur l’organisation de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. La loi de 2007 a certes rendu les universités autonomes, mais, dans le même temps, le Gouvernement a aussi voulu favoriser des regroupements d’établissements à travers les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, les PRES.

Parallèlement, des institutions nouvelles ont été créées, comme l’Agence nationale de la recherche. Je ne conteste pas son efficacité, mais, dans le même temps, les moyens du CNRS ont diminué. Le plan Campus a quant à lui fait l’objet de modalités de financement totalement hors normes, avec l’appel à des partenariats public-privé, qui n’ont pas fonctionné. Depuis deux ans, le grand emprunt vient compléter le dispositif. Tout cela devient très compliqué, et je pense que nous devrions rapidement réfléchir à une simplification de l’organisation de notre système pour le rendre plus efficace.

En ce qui concerne le grand emprunt, chacun aura compris que les 21 milliards d’euros prévus pour l’enseignement supérieur et la recherche relèvent surtout de l’effet d’annonce. En réalité, et même si l’effort est réel, la somme est bien moindre, puisque 15 milliards d’euros constituent un capital bloqué dont on ne peut utiliser que les intérêts.

Quant au plan Campus, j’attire à mon tour votre attention sur le risque de voir se constituer en France des universités à deux vitesses, mes chers collègues. Des moyens importants vont en effet être concentrés sur les bénéficiaires du grand emprunt. Soyons très attentifs à ce que les universités petites et moyennes, qui disposent toutes de secteurs d’excellence, puissent y trouver leur place. Sinon, nous risquerions de voir notre système voler en éclats.

Enfin, je terminerai mon intervention sur un problème qui m’inquiète tout particulièrement, et sur lequel nous devrions, me semble-t-il, agir rapidement. Je veux parler de la multiplication, depuis quelques années, du système des préparations privées pour entrer dans l’enseignement supérieur. (Mme Maryvonne Blondin et M. Jean-Jacques Mirassou s’exclament.)

Nous avons une multiplication des préparations à Sciences Po, le coût varie de 2 000 euros à 7 500 euros par an. Certaines prépas privées incitent même les jeunes à préparer le concours dès la classe de première.

En faculté de médecine, pour la première année et maintenant pour l’internat, nous assistons également une multiplication de ces dispositifs avec des coûts allant presque jusqu’à 10 000 euros. Nous sommes là devant un problème de société majeur, car ce n’est rien de moins que la remise en cause de l’égalité d’accès aux études supérieures pour tous et pour toutes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Françoise Laborde applaudit également.) Nous allons vers une sélection par l’argent. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur ce point. Il faut agir rapidement, me semble-t-il, pour maîtriser cette question, et rétablir si possible l’égalité devant des études qui ont ensuite un impact essentiel sur la vie des personnes concernées.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, dans ces conditions, je ne puisse pas approuver ce budget pour l’année 2012. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’enseignement supérieur et la recherche sont des moteurs essentiels de la croissance économique et du progrès. Ainsi, les crédits soumis à notre approbation, aujourd’hui, ont pour vocation, notamment, mais pas seulement, de contribuer au développement de nouveaux métiers et de nouveaux gisements d’emplois. Ils doivent aussi permettre d’assurer l’élévation du niveau de connaissances et de l’innovation.

Dans cette perspective, il est essentiel que ces deux secteurs d’activité soient épargnés par les coupes claires infligées à la plupart des autres missions du projet de loi de finances pour 2012.

À mes yeux, vous l’aurez compris, nous avons un devoir, celui d’assurer le financement de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui constitue un investissement dans l’avenir bien plus qu’une charge.

J’en conviens, monsieur le ministre, vos services ont déployé des efforts pour limiter les dégâts, comme vous nous l’avez très justement rappelé lors de votre audition en commission : avec les « investissements d’avenir ou encore les 20 milliards d’euros du plan de relance et les 5 milliards d’euros pour l’opération Campus ».

Il en résulte que les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », la MIRES, apparaissent cette année encore en augmentation, mais en euros constants ; cette augmentation ne suffit donc pas à compenser l’inflation.

La part de notre PIB consacrée à la recherche reste, cependant, encore loin de l’effort fourni par les États-Unis qui oscille entre 2,5 % et 3 % ou encore par le Japon, dont les crédits affectés à ce poste dépassent 3,5 %. Nous restons en deçà de l’objectif fixé de 3 % du PIB et la France peine à retrouver une bonne place dans le classement international établi par l’OCDE. Souvenons-nous qu’elle occupait la sixième place en 1995.

Pourtant, les dotations attribuées aux grands organismes progressent très légèrement, comme pour le Centre national de la recherche scientifique ou encore pour le Centre national d’études spatiales et les emplois y sont préservés. Pour l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, il s’avère que cette hausse pourrait s’expliquer par l’absorption de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales et des crédits du plan cancer.

Comme l’a souligné notre rapporteur, le financement de programmes comme le PIA – Programme d’investissements d’avenir – permet aussi d’aller dans le bon sens et de faire émerger des domaines novateurs. Encore faut-il s’astreindre à clarifier le rôle des différents acteurs. D’ailleurs, quand c’est effectivement le cas, les résultats d’un bon pilotage stratégique ne se font pas attendre. Les « alliances » et instituts thématiques sont très importants.

Dans ce contexte, peut-être pourrez-vous m’expliquer, monsieur le ministre, la diminution des crédits d’intervention de l’Agence nationale de la recherche, principal opérateur des appels à projets dans le cadre du PIA.

La stimulation de la recherche passe aussi par la réforme fiscale engagée par votre ministère en 2008, celle du crédit d’impôt recherche, qui, en 2010, a coûté 4,7 milliards d’euros. Pourtant, elle n’a pas tenu toutes ses promesses, notamment à cause des effets d’aubaine qu’elle génère de la part de certaines grandes entreprises et de leurs filiales, qui n’hésitent pas à embaucher de « vrais faux thésards » – selon l’expression de la présidente de la commission de la culture – dans le seul but d’alléger leurs impôts. Le crédit d’impôt recherche a pourtant été mis en place pour soutenir la politique industrielle et l’innovation en France.

En juin 2010, un rapport parlementaire vous invitait à élaborer des outils d’évaluation de la performance de ce dispositif : qu’en est-il concrètement aujourd’hui, monsieur le ministre ?

Une hausse de 1,1 % du coût du crédit d’impôt recherche, le CIR, est prévue pour 2012. Cet effort est primordial car il permettrait de générer d’ici à quinze ans une croissance du PIB de 0,3 point ; ce chiffre nous ouvre des perspectives de développement, notamment pour les nouvelles filières. Il semble cependant évident que le dispositif doit aujourd’hui être révisé afin d’éviter qu’il ne soit pas qu’une niche fiscale au bénéfice des entreprises les plus puissantes. Je suis favorable à la réorientation du CIR pour l’adapter au monde des PME, faire en sorte de les inciter à y avoir recours et aussi, dans un même élan, assouplir de toute urgence les formulaires des contrats CIFRE, ou Conventions industrielles de formation par la recherche, pour en faciliter la mise en œuvre.

Enfin, je déplore, comme un certain nombre de nos collègues, les dégâts causés par les revirements brutaux de votre politique fiscale, par exemple, en ce qui concerne la filière des énergies renouvelables et, en particulier, celle du photovoltaïque. (M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, opine.) Combien de dépôts de bilan d’entreprises et d’emplois perdus à ce jour, dans un secteur qui conserve un énorme potentiel pour l’avenir en matière de recherche et de développement durable ?

Ce gâchis fait écho à une autre situation à laquelle vous n’apportez pas de solution budgétaire, celle de la fuite des cerveaux.

De trop nombreux chercheurs quittent encore notre pays, et ceux qui restent en France s’inquiètent de l’insuffisante prise en compte de leurs préoccupations, notamment en matière de salaires. Ce n’est pas une révélation, mais vous n’y répondez pas par des créations de poste de chercheur ou de maître de conférences.

Cette fuite des cerveaux est d’autant plus alarmante qu’elle dure déjà depuis plusieurs années. Sur le terrain, les euros ne sont pas au rendez-vous, les salaires proposés aux jeunes chercheurs restent rédhibitoires. Après dix ans d’études, pour des jeunes adultes en âge de fonder une famille, on peut comprendre la tentation de l’émigration quand le traitement qui vous est proposé dépasse difficilement 1 600 euros par mois.

Le budget de l’enseignement supérieur reste lui aussi insuffisant, notamment dans son volet « vie des étudiants », comme nous l’a démontré notre rapporteure pour avis Mme Gillot.

Le versement d’un dixième mois pour les boursiers est certes plus en adéquation avec la réalité de leurs charges. C’est positif mais insuffisant dans le contexte de grave crise économique que nous traversons. Surtout, nous ne sommes pas assurés de la pérennité de ce dispositif.

Vous n’apportez pas de réponse à la question du logement des étudiants ni à leur situation de grande pauvreté, comme l’ont souligné les orateurs précédents.

Selon des études récentes, 30 % des étudiants sont obligés de travailler afin de poursuivre leurs études, 20 % renoncent purement et simplement à se faire soigner, faute de moyens et la hausse de la taxe sur les mutuelles n’arrangera rien, comme l’a très justement rappelé Mme la rapporteure pour avis des crédits de l’enseignement supérieur. Certaines enquêtes attestent même le recours de plus en plus fréquent à la prostitution « ponctuelle » pour s’en sortir. Comme notre rapporteur, je m’interroge : quelles mesures dans votre budget sont destinées à lutter contre la misère des étudiants ? Comment en est-on arrivé là ?

Avant de conclure, je voudrais évoquer les crédits des universités. En tant qu’élue de la Haute-Garonne, je suis, bien sûr, satisfaite des crédits accordés à l’université de Toulouse, notamment dans le cadre du plan Campus, mais je constate que la recherche de l’excellence se fait dans un esprit parfois trop élitiste.

Il y a un an déjà, j’avais demandé à votre prédécesseur qu’un premier bilan de l’application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités soit établi, car il semble que, à ce jour, les universités soient encore trop inégalement traitées. Quels crédits mobilisez-vous dans ce budget pour lutter contre les inégalités territoriales ?

Il s’avère, en effet, que les universités de plus petite taille dites « de territoire » devraient rencontrer cette année les pires difficultés pour boucler leurs budgets. Celles-ci sont imputables non pas à une gestion fantaisiste de ces établissements, mais plutôt à l’insuffisance de leurs dotations de fonctionnement et des transferts de l’État pour compenser leurs charges. Est-ce le prix de l’autonomie des universités ?

Les inégalités territoriales ne doivent pas être creusées, elles doivent plutôt être aplanies par les projets de loi de finances, et je doute que ce soit le cas pour 2012.

Monsieur le ministre, si les efforts budgétaires sont, par certains aspects, encourageants, le chemin est encore long. Il reste beaucoup à faire pour rattraper le retard que nous avons accumulé en matière de recherche…

Mme Françoise Laborde. … et pour enfin insuffler de nouveau du dynamisme et de la modernité à l’enseignement supérieur français. C’est pourquoi les membres du RDSE s’abstiendront sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite dans un premier temps saluer l’engagement du Gouvernement et la mobilisation constante en faveur de la recherche, notamment dans un contexte économique particulièrement contraint.

Pour la cinquième année consécutive, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est en augmentation, certes plus faible cette année mais il continue à augmenter.

Les crédits destinés spécifiquement à la recherche sont en progression de 19 % par rapport à 2007.

La proportion des dépenses consacrées à la recherche par rapport au budget général de l’État se place désormais à un niveau très élevé, soit 4,77 % dans le projet de loi de finances pour 2012, une forte progression comparativement à 2007.

À ce constat, il faut ajouter les financements du programme d’investissements d’avenir, qui représente un effort exceptionnel de 22 milliards d’euros, au service de la croissance. Sur ce programme consacré à la recherche, 1,3 milliard d’euros seront déboursés en 2012.

Aussi, la première vague des investissements d’avenir constitue un véritable succès : 800 projets ont été déposés, témoignant de l’enthousiasme des chercheurs ; 11 milliards d’euros sont d’ores et déjà engagés dans 219 projets innovants.

Ces investissements d’avenir représentent, avec le crédit d’impôt recherche – qu’il convient peut-être effectivement de moduler – les outils nécessaires pour sortir au plus vite de la crise et réamorcer ainsi la croissance. Ils participent naturellement à l’effort de recherche et développement et multiplient les synergies indispensables entre la recherche et d’autres acteurs, notamment ceux du monde économique.

Ainsi, les instituts Carnot s’engagent dans la recherche partenariale et tissent des collaborations efficaces avec les entreprises.

Les Sociétés d’accélération du transfert de technologie diffusent des résultats de la recherche vers le monde industriel.

Dans ce contexte, je souhaite aborder en particulier les projets mis en œuvre dans deux domaines significatifs et emblématiques : d’une part, la recherche spatiale et, d’autre part, le campus d’excellence du plateau de Satory-Saclay.

En ce qui concerne la recherche spatiale, dont le programme piloté par le Centre national d’études spatiales représentera par ailleurs en 2012 près de 1,4 milliard d’euros en crédits de paiement, les investissements d’avenir constituent un moteur essentiel : 82,5 millions d’euros ont été débloqués en décembre 2010 sur le volet « lanceur de nouvelle génération », afin d’engager les projets d’études et de démonstrateurs qui devront permettre d’évaluer les options techniques de ce futur lanceur ; 252 millions d’euros sont investis en faveur des programmes satellitaires innovants avec trois projets.

Premièrement, le projet Swot, en collaboration avec la NASA, qui est destiné à mesurer les hauteurs d’eau des océans, des grands fleuves, des lacs et des zones inondées ; il est doté de 170 millions d’euros.

Deuxièmement, le projet « satellite du futur », qui aura des applications dans les domaines d’Internet et de la sécurité des personnes.

Troisièmement, enfin, le projet « Myriade Évolutions », qui permettra de mener à moindre coût des missions spatiales dans le domaine de l’environnement et des sciences de l’univers.

Par ailleurs, le Programme d’investissements d’avenir finance des travaux de recherche et développement sur le « très haut débit » par satellite dans le cadre de l’action Économie numérique pour une enveloppe de 40 millions d’euros, qui pourra être étendue jusqu’à 100 millions d’euros en fonction des résultats.

Parallèlement, conformément à une décision du Premier ministre, le CNES a engagé 28 millions d’euros en décembre 2010 au titre de la recapitalisation d’Arianespace. Voilà un formidable message pour notre industrie.

S’agissant des investissements d’avenir sur le campus d’excellence du plateau de Satory-Saclay, sujet auquel je tiens à associer ma collègue Marie-Annick Duchêne, première adjointe au maire de Versailles, 50,63 millions d’euros ont été engagés au deuxième trimestre 2011, dont 47,4 millions d’euros pour la construction d’un nouveau bâtiment qui accueillera l’École nationale de la statistique et de l’administration économique, l’ENSAE, et le Centre de recherche en économie et statistique, et 3,2 millions d’euros pour accompagner l’arrivée des premières opérations du campus du plateau de Satory-Saclay.

Grâce à ces investissements, le campus d’excellence de Satory-Saclay bénéficie des conditions nécessaires à son développement international et à la réalisation de son ambition : celle de regrouper plus de 8 000 étudiants, chercheurs et ingénieurs afin de favoriser l’émulation scientifique et les ponts entre les sciences.

Je tiens néanmoins à attirer votre attention sur le nécessaire bon fonctionnement de l’ensemble des infrastructures, notamment des infrastructures de transport, qui seront indispensables.

L’enthousiasme que suscite ce campus est emblématique de la volonté d’agir du Gouvernement.

Grâce à l’effort fourni depuis le début du quinquennat en faveur de la recherche, la France demeure parmi les pays les plus actifs de l’OCDE en la matière. Nous ne pouvons que nous réjouir de la détermination gouvernementale pour faire de la France un pays innovant et hautement compétitif.

Mme Sophie Primas. Ce sont les raisons pour lesquelles je voterai, avec enthousiasme et foi dans la recherche française, ce budget pour 2012. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. François Patriat s’exclame.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.

M. Daniel Raoul. Cela ne va pas être le même refrain !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça va changer !

M. David Assouline. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur un volet de ce budget, à savoir les conditions d’études et de vie des étudiants.

Monsieur le ministre, je m’adresse ici non seulement au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi au porte-parole zélé du Gouvernement que vous êtes.

En effet, lorsque vous êtes obligé d’admettre que votre politique n’enregistre pas de bons résultats dans des domaines comme celui de l’enseignement supérieur et la recherche, vous arguez du fait que les promesses, les engagements et les efforts du Gouvernement sont incontestables et d’une particulière densité.

M. Charles Revet. Et c’est vrai !

M. David Assouline. Monsieur le ministre, si l’on doit juger les efforts à la réussite, je puis vous dire, par-delà les chiffres dont vous êtes friand, que la réussite n’est pas au rendez-vous !

En matière d’enseignement supérieur, quel autre critère que la réussite de nos enfants voulez-vous que nous prenions pour juger votre politique ? Car l’enjeu, c’est bien la réussite de nos enfants ! Et plus encore en temps de crise !

Nous savons bien que ce n’est pas notre démographie qui est en cause, ni même tous les autres secteurs qui ont peut-être été, à un moment ou à un autre, les fleurons de la France. Seule la qualité de la formation, de la recherche, de l’innovation peut nous rendre compétitifs dans l’arène internationale. C’est pourquoi il faut faire réussir les étudiants ! Il faut faire réussir nos jeunes !

Or je constate qu’il y a, chaque année, notamment cette année, moins de jeunes qui décident de poursuivre leurs études en allant à l’université. Je relève aussi que 36 % seulement des étudiants réussissent à avoir leur licence. Pourtant, je me souviens que l’objectif affiché de la loi LRU, la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, était de régler le grave problème du taux d’échec en licence. Or, malgré le plan licence, le taux de réussite pour le passage de la première année de licence à la deuxième année est de 44 % : cela signifie que plus de la moitié des étudiants échouent. Ce taux ne fait que baisser depuis cinq ans, soit depuis la mise en place de la loi LRU.

Vous parliez de l’autonomie des universités. Mais on vous avait bien dit qu’il était inutile de parler de gouvernance, sans fixer d’objectifs. Si vous nous aviez écoutés, peut-être les moyens auraient-ils été plus adaptés à la gouvernance !

Mme Pécresse le disait haut et fort à l’époque : l’objectif commun, c’est la réussite ! Une bonne orientation pour que le diplôme débouche sur un métier ! Or les efforts consentis en matière d’orientation tant au lycée qu’à la sortie de l’université pour le premier emploi ne sont pas du tout à la hauteur ! On est loin derrière les pays européens équivalents. Et pourquoi ? À cause du taux d’encadrement.

On l’a dit, le taux d’encadrement est de 5 % en France : 100 étudiants pour 5 personnels d’encadrement ! Soit un taux similaire à celui de la Grèce, et deux fois moindre qu’en Allemagne, un pays qui nous est souvent montré en exemple en ce moment. D’ailleurs, pourquoi ne parlez-vous jamais de ce qui est bien dans ce pays ? Jamais, vous n’en parlez ! Et en Suède, le taux est de 11 %.

Le mauvais classement de Shanghai ?... Certains disent qu’il faut plus de privatisation, plus de libéralisation, plus de compétition pour se retrouver au même niveau que les pays ayant des systèmes performants. S’il est bien un domaine où l’on pourrait faire un effort pour être à la hauteur de ces pays, c’est bien celui de l’encadrement ! Or rien ne bouge de façon significative, au contraire ! (M. Philippe Dominati s’exclame.)

Je veux vous dire aussi, monsieur le ministre, que seules 17 % des universités ont reçu le financement prévu dans le cadre du plan « Réussir en licence » lancé pour qu’il y ait moins de cours en amphithéâtre et qu’il y ait des pédagogies innovantes. Pourtant, l’objectif de ce financement spécifique était de promouvoir l’encadrement, de faire un suivi des élèves, de fixer les volumes horaires pour que les pédagogies différenciées soient à la hauteur. Eh bien, là encore, vous n’êtes pas au rendez-vous !

Je voudrais d’ailleurs profiter de cette occasion pour faire une mise au point, parce que vous avez répandu sur les ondes, monsieur le ministre, des choses fausses, sans être vraiment beaucoup contredit.

M. David Assouline. Bien entendu qu’il faut plus de moyens ! Vous affirmez partout que vous, vous ne voulez pas augmenter les frais d’inscription, mais que le parti socialiste, lui, veut les tripler ! La preuve en est, un groupe d’idées, Terra Nova, a fait part de cette possibilité dans l’une de ses études. Vous voyez, monsieur le ministre, je dis tout… (M. Philippe Dominati sourit.)

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’est bien de le reconnaître !

M. David Assouline. Eh bien, moi, ce que je peux vous dire, c’est que ce groupe d’idées n’est pas le parti socialiste.

M. David Assouline. Il comprend un certain nombre de collaborateurs, de chercheurs, qui émettent des idées et les versent au débat public. Vous y puisez l’augmentation des droits d’inscription, mais ce que vous oubliez de dire, c’est qu’ils ont fait une proposition globale, dans laquelle ils fustigent le montant exorbitant des droits d’inscription dans les grandes écoles, ce qui exclut, de fait, les couches populaires.

Quand on parle du parti socialiste, moi, je vais à la source. Au lendemain même de la publication du rapport auquel vous vous êtes référé, le bureau national du parti socialiste publiait un communiqué sur la rentrée universitaire, dans lequel il déclarait : « Nous engagerons également une nouvelle étape de la démocratisation et de l’élévation des qualifications de tous. Toute hausse des droits d’inscription doit être refusée. Au contraire, il faut donner réellement aux étudiants les moyens de leur réussite pour la mise en place d’un parcours d’autonomie. »

Cessez de mentir ! Si vous êtes en désaccord avec nos propos, critiquez les propos du bureau national du parti socialiste, mais ne tombez pas dans la facilité, ni dans le simplisme, parce que cela n’élève pas le débat !

Il ne me reste que quelques secondes pour conclure. L’éducation est probablement l’enjeu majeur des années à venir. Dans le cadre du plan « Réussir en licence », vous aviez pour objectif d’avoir, en 2012, 50 % d’une classe d’âge avec une licence. L’année 2012 est devant nous. Quel est votre bilan ? Où en êtes-vous ? Vous le savez, c’est un échec.

L’université et la recherche, c’est là où vous vouliez le plus manifester les résultats du quinquennat du Président de la République ! Or pour ce qui concerne l’avenir des jeunes et la réussite des étudiants, qui est aujourd'hui nécessaire pour faire face à la compétition internationale, vous avez complètement échoué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron.

M. Jacques Chiron. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mars 2002, les quinze États membres de l’Union européenne décidaient de faire de l’Union « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 ». L’objectif était d’atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche et développement dès 2010. Or les chiffres montrent aujourd’hui que le compte n’y est pas.

Malgré le développement des dépenses extrabudgétaires, notamment l’augmentation significative du crédit d’impôt recherche, qui est devenu une véritable « aubaine fiscale » pour les grands groupes, la France consacre, en 2011, péniblement 2,15 % de son PIB à la recherche et à l’innovation, contre 2,28 % il y a dix ans. C’est sensiblement moins que la moyenne des pays de l’OCDE.

Pour 2012, la tendance se confirme, alors même que le budget pour l’enseignement supérieur et la recherche est présenté depuis 2007 par ce gouvernement comme une priorité.

Vous m’opposerez que, dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, le projet de loi de finances pour 2012 maintient une légère progression des crédits de paiement de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Mais la progression des moyens promise n’est pas au rendez-vous. On est loin des ambitions du Président de la République au début de son mandat.

Concrètement, les organismes de recherche constatent depuis 2007 une stagnation, voire une diminution de leur budget de fonctionnement, ainsi que certains de nos collègues l’ont noté. En 2011, c’était une réduction des crédits de 11 % pour le CNRS et, en 2012, c’est une baisse de 12 % pour l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Si l’on tient compte de l’inflation, la grande majorité des opérateurs voient leurs crédits diminuer pour 2012. En moins de dix ans, nous sommes passés de la sixième à la dix-huitième place mondiale pour ce qui concerne l’innovation, avec une part de la recherche privée dans notre PIB qui est aujourd’hui l’une des plus faibles des pays développés, malgré le crédit d’impôt recherche.

Telle est la réalité qui se cache derrière la présentation habile des chiffres et indicateurs du secteur.

Au-delà des moyens financiers, l’efficacité de l’action publique dans le domaine de la recherche passe aussi par la création d’un terreau favorable à des synergies entre les acteurs privés et publics.

Dans ce domaine, permettez-moi, mes chers collègues, de souligner que les collectivités locales s’y sont impliquées fortement, notamment dans les pôles de compétitivité. À titre d’exemple, je peux citer la région Aquitaine, la région d’Île-de-France, les régions Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire,…

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur !

M. François Patriat. La Bourgogne !

M. Jacques Chiron. … ou encore la région Rhône-Alpes.

La réussite de ces pôles de recherche, d’envergure mondiale pour certains, s’appuie sur la synergie « enseignement-recherche-industrie ». Les acteurs de la recherche ont su en tirer profit pour développer les partenariats entre la recherche publique et la recherche privée et permettre ainsi l’installation d’entreprises, qui ont créé de l’emploi.

Ce dynamisme s’appuie sur les liens de confiance tissés entre le monde universitaire, les laboratoires, les entreprises et nos collectivités locales. Régions, départements, communautés d’agglomération, communes – ceux-là mêmes dont le Gouvernement critique les dépenses depuis des mois ! – sont et demeurent responsables en investissant dans les opérations de recherche, alors même que l’engagement de l’État stagne, voire régresse dans certains domaines.

En effet, le budget que ces collectivités consacrent aux opérations de recherche et de transfert de technologie est en augmentation de plus de 10 % par an depuis 2006. Elles deviennent des acteurs indispensables de la recherche et contribuent activement à l’élaboration et à l’extension d’un environnement favorable à l’innovation.

En 2010, elles ont consacré près de 1,5 milliard d’euros à la recherche. À l’échelle nationale, elles représentent aujourd'hui 10 % des ressources des organismes de recherche.

Permettez-moi d’ailleurs de penser, monsieur le ministre, que sans la clause de compétence générale, que le Gouvernement envisage de supprimer dans sa réforme territoriale, ces territoires n’auraient certainement pas pu arriver à de tels montants d’investissement.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Bravo !

M. Jacques Chiron. Enfin, j’insisterai sur un dispositif particulier : le crédit d’impôt recherche.

Sans remettre en cause son existence, force est de constater qu’il est aujourd’hui attribué sans véritable contrôle, sans contrepartie en termes d’emploi, et qu’il est dangereusement exposé aux risques d’optimisation fiscale de la part des grands groupes,…

M. Jacques Chiron. … particulièrement depuis l’élargissement de son assiette en 2008 par le Gouvernement Fillon. Il faut mettre fin à ces dérives et encourager les établissements locaux de ces groupes à investir davantage en France, dans des partenariats avec la recherche publique.

Vous savez bien que certains groupes créent des sociétés par actions simplifiées, les SAS, parfois en très grand nombre, parfois avec seulement un chercheur ou deux, pour optimiser leur crédit d’impôt recherche et ne pas payer d’impôt sur les sociétés dans notre pays. Ils engagent aussi des actions de recherche et développement avec des laboratoires de recherche extérieurs à la France, voire à l’Europe ! L’exemple récent de PSA Peugeot-Citroën en est l’illustration.

MM. Jean-Jacques Mirassou et François Patriat. Eh oui !

M. Daniel Raoul. C’est un scandale !

M. Jacques Chiron. Hier, nous avons appris que Siemens allait faire de même !

Aujourd’hui, 21 % des dépenses externalisées dans le cadre du crédit d’impôt recherche sont délocalisées à l’étranger et engendrent, au-delà de la recherche, une production qui, malheureusement, crée elle aussi des emplois loin de nos frontières.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Jacques Chiron. Dans un environnement budgétaire difficile, tel que celui que nous connaissons, et dans un contexte de chômage, il n’est pas raisonnable de financer des dépenses de recherche et développement de laboratoires et d’entreprises situés à l’étranger, sans contrôle véritable et sans contrepartie d’embauches.

Pour rendre à cet outil son efficacité, il faut le réorienter en priorité vers les PME–PMI et en faire un dispositif au service de la localisation de l’entreprise sur notre territoire.

Aujourd’hui, moins de 15 % des groupes fiscalement intégrés bénéficiaires du crédit d’impôt recherche disposent d’effectifs totaux inférieurs à 250 salariés. Or nous devons aider les PME–PMI à se développer pour qu’elles puissent créer des emplois diversifiés, innovants et moins facilement délocalisables.

Ce soutien public pourrait également leur permettre de devenir des entreprises de taille intermédiaire, trop peu nombreuses en France par rapport à nos voisins allemands – quatre fois moins ! –, garantissant ainsi à la France un développement industriel pour les années à venir à l’heure où l’on constate plus que jamais que nos PME–PMI restent trop petites et insuffisamment tournées vers l’innovation et l’export.

Depuis 2002, malgré l’évolution du crédit d’impôt recherche multiplié par cinq en cinq ans, ce gouvernement n’a pas réussi à franchir une étape décisive pour relancer et développer la recherche privée en France.

Alors que la France est le premier pays de l’OCDE pour le niveau des aides fiscales apportées à la recherche et développement des entreprises, la progression des dépenses déclarées à ce titre dans les grands groupes est restée faible, remettant en cause l’objectif initial du dispositif.

Une fois encore, la comparaison avec nombre de nos voisins européens, mais aussi avec les États-Unis, le Canada et le Japon, sur les dix dernières années en témoigne.

On le sait, le sous-investissement financier des grandes entreprises dans leur propre recherche se manifeste notamment par le faible recrutement des jeunes doctorants. Par comparaison avec leurs voisines allemandes, les entreprises françaises affichent un taux de doctorants de 13 % dans leurs équipes de recherche, trois fois moins que les Allemands – 42 % –, et seuls 20 % de jeunes doctorants trouvent à travailler dans le secteur privé à la sortie de leur thèse.

Permettez-moi d’aborder maintenant le problème des banques françaises, qui n’accompagnent pas suffisamment le tissu local des PME–PMI. C’est justement la force de l’économie allemande, où les banques régionales l’ont toujours fait, contribuant ainsi au développement du tissu industriel.

Monsieur le ministre, le politique, lorsqu’il a décidé d’aider ces mêmes banques quand elles sont en difficulté avec l’argent du contribuable, aurait dû conditionner les aides de l’État à une implication plus forte de la part de ces banques dans ce domaine crucial pour l’emploi (M. Jacques-Bernard Magner opine.), ce que, hélas ! le Président de la République n’a pas fait dans les années 2008-2009.

M. Jacques Chiron. Aussi, pour remédier à cette raréfaction des crédits pour les PME–PMI, notre majorité sénatoriale pense qu’il faudrait créer une banque publique d’investissements, adossée à des fonds régionaux d’investissements, qui pourrait offrir un soutien immédiat aux entreprises innovantes. Ce serait le vrai changement dans ce domaine !

Monsieur le ministre, les incantations, les promesses et les intentions qui refont surface en période de campagne électorale – je veux parler de Lille – n’ont pas convaincu les entreprises locales, lesquelles constatent amèrement depuis plusieurs années que vous menez une politique au service des grands groupes du CAC 40,…

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Oh !

M. Jacques Chiron. … accentuée depuis 2007 dans ce domaine de l’aide à la recherche.

Pour retrouver une recherche publique et privée performante, impulsant une véritable dynamique de croissance et d’emploi en France, pour retrouver l’enthousiasme indispensable à une recherche productive et pour remobiliser le meilleur de notre capacité de progrès scientifique et social, les beaux discours ne suffisent pas. Il faut, aujourd’hui, des actions fortes. Nos collectivités territoriales l’ont compris et s’y sont impliquées. Monsieur le ministre, nos chercheurs, comme les entreprises locales innovantes, attendent l’effort promis par votre majorité depuis 2007.

En conclusion, nous voterons contre ce projet de budget de la recherche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Madame la présidente, seul intervenant dans ce domaine, mis à part le rapporteur pour avis Marc Daunis, je constate que le temps consacré à la partie recherche et développement dans la discussion de la mission « Recherche et enseignement supérieur » n’est que de quatre minutes !

Comme chaque année depuis 2007, cette mission, pourtant fléchée comme prioritaire et annoncée comme telle, fait l’objet d’un vaste exercice d’insincérité budgétaire. Je considère que vous faites des numéros d’artistes dans la présentation et que, cette année encore, l’exercice relève de la haute voltige !

Non seulement la progression des crédits de paiement, de 0,96 %, ne couvre que la moitié de l’inflation prévue pour 2012, mais qu’elle n’a pas été ma surprise de constater une baisse de 0,79 % pour la recherche !

Outre les habituels artifices budgétaires – changements de périmètres, grand emprunt, initiatives d’excellence ou IDEX –, relevés par les différents rapporteurs, monsieur le ministre, je trouve que vous faites preuve de beaucoup d’assurance en affirmant que ce secteur est prioritaire ! C’est vous qui le qualifiez ainsi, mais les chiffres démontrent le contraire.

Permettez-moi de m’appesantir quelques instants sur le crédit d’impôt recherche, qui vient encore d’être évoqué par nos collègues. Je ne reviens pas sur la comptabilisation en termes de volume de créances, et non en coût réel. En revanche, je m’interroge sur un dispositif dont on mesure mal les effets, Marc Daunis l’a relevé tout à l’heure.

Je rappelle simplement que, depuis la réforme de 2008, le crédit d’impôt recherche est devenu, en quelques années seulement, la dépense fiscale la plus importante de l’État. Année après année, tous les rapports mettent en exergue les limites et les dérives de cet outil et la nécessité de le revisiter.

En effet, si le Gouvernement peut s’enorgueillir du succès du dispositif, qui, si j’ai bien compris, dépasse 5 milliards d’euros,...

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Exactement 5,27 milliards d’euros.

M. Daniel Raoul. ... il convient de s’interroger sur les raisons de cette dynamique et sa traduction en termes de développement de la R&D. Le montant de la dépense fiscale a été multiplié en trois ans par cinq, alors que le volume de la recherche et développement n’a eu qu’un accroissement de 20 %. Il existe une distorsion, mais pas de corrélation entre cette dépense fiscale et l’efficience sur le terrain.

Est-on sûr que cette somme impressionnante est utilisée au mieux ? N’est-on pas, là aussi, face à une stratégie d’optimisation fiscale, comme cela a été dit ? En effet, il est paradoxal de constater que ceux-là mêmes qui possèdent les moyens d’autofinancer leur recherche sont ceux qui profitent le plus de ce dispositif. Je serais donc favorable, et je le dis à notre rapporteur pour avis Marc Daunis, à une mission d’information sur l’efficience de ce dispositif.

Il faudrait en particulier que ce dispositif bénéficie prioritairement aux PME, cela a été dit aussi. Ce sont elles qui en ont le plus besoin et qui créent de la valeur ajoutée et de l’innovation dans nos territoires. Ce sont elles, en effet, qui, en innovant dans les secteurs d’activité les plus variés, irriguent l’ensemble de la sphère économique et assurent son dynamisme !

Il faut sans doute les inciter à se regrouper, afin de mutualiser leurs dépenses de recherche et développement.

Par ailleurs, je réitère ici les inquiétudes que je vous avais rapportées l’année dernière et qui sont relatives aux abus de certaines sociétés de conseil et à l’insuffisante stabilité de son régime. Je pense essentiellement à la partie de yo-yo concernant les jeunes entreprises innovantes : on change les règles du jeu, le nombre d’années d’amortissements, etc. Je m’inquiète aussi de la nécessité de clarifier les paramètres ; cela passe, à mon sens, par un alignement sur les préconisations du Manuel de Frascati, qui a été publié par l’OCDE et qui fait référence.

J’en viens à la recherche universitaire proprement dite.

Je rejoins les critiques qui ont été formulées, non seulement sur les montants, mais aussi sur la forme, mon cher collègue Philippe Adnot, à propos de leur manque de lisibilité, leur complexité et, surtout, la déstabilisation de l’Agence nationale de la recherche, ANR, que vous avez créée.

Je ne sais plus quel est le rôle de cette Agence dorénavant par rapport aux appels d’offres : grand emprunt, initiatives d’excellence ou IDEX, laboratoires d’excellence ou LABEX, instituts de recherche technologique, etc. Mes ex-collègues passent leur temps à faire des dossiers pour différents organismes. Alors si l’on peut utiliser notamment l’ANR, l’IDEX, le LABEX, l’IRT...

Force est, en tout cas, de constater que nous ne pouvons concentrer une partie non négligeable sur le seul plateau de Saclay – nos collègues de la région d’Île-de-France n’apprécieront peut-être pas...

En effet, le plateau de Saclay polarise à lui seul 1 milliard d’euros au titre de la loi rectificative pour 2011 – intégralement consommables alors que d’autres crédits du grand emprunt ne le sont pas –, 1 milliard de dotations au titre des pôles d’excellence, 850 millions au titre de l’opération Campus.

Examinons les résultats de l’appel d’offres IDEX. Cela aboutit à créer une désertification concernant les universités de province. Je qualifie cela de déménagement de l’enseignement supérieur dans nos territoires !

Enfin, puisque les crédits de fonctionnement attribués aux universités ont été évoqués, permettez-moi de prendre l’exemple de l’université d’Angers dont je faisais partie et pour laquelle le ministère s’était engagé à verser 4,7 millions d’euros.

Pour devenir autonome, comme le veut la loi LRU, cette université a pris ses responsabilités. Mais, au final, elle n’a obtenu que 700 000 euros pour solde de tout compte ! Vous imaginez dans quelle situation se retrouve cette université, qui s’est donc dotée des personnels d’un niveau suffisant pour exercer ses nouvelles responsabilités !

En conclusion, comme mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Jean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis, applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai toujours beaucoup de plaisir à participer aux débats au Sénat, car ils permettent d’enrichir notre vision.

Concernant particulièrement la recherche et l’enseignement supérieur, le fait que nombre d’entre vous soient des experts de ces questions nous permettra, je l’espère, de débattre en dépassant un certain nombre de clivages ou de postures que les uns et les autres pouvons avoir.

M. Charles Revet. Effectivement !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Avant tout, n’oublions pas – sur diverses travées, certains d’entre vous, y compris M. Daunis, l’ont rappelé – l’impératif évident de réduction des déficits publics et de mise à niveau de notre budget dans la période actuelle.

N’oublions pas non plus de faire quelques comparaisons. Jetons donc un petit coup d’œil latéral sur la situation dans d’autres domaines des politiques publiques. Allons, de temps en temps, voir de l’autre côté des Pyrénées, par exemple, et regarder un peu ce qui se passe dans les autres pays européens, afin de comparer les situations et l’effort national de chacun en matière d’enseignement supérieur et de recherche.

En Espagne, par exemple, les réductions sont souvent de 15 % à 20 % pour les budgets des universités. En Italie, certaines de nos universités partenaires subissent des coupes budgétaires qui sont extrêmement difficiles.

L’effort collectif alloué à l’enseignement supérieur et à la recherche doit être mesuré à l’aune du contexte actuel et de comparaisons européennes de bon aloi, comparaisons que vous nous invitez d’ailleurs à faire sans pour autant, parfois, avoir vous-mêmes appliqué cette recommandation pour vos interventions !

Dans ce cadre, la réponse est incontestable : oui, l’enseignement supérieur et la recherche participent à l’effort collectif. Évidemment, il n’y a pas de rigueur aveugle : l’enseignement supérieur et la recherche bénéficient d’un effort sans commune mesure avec aucun autre domaine de l’action publique en termes de soutien, d’investissement. L’enseignement supérieur n’a été soumis ni à la RGPP ni au rabot budgétaire qui, par deux fois, a été amené à recaler l’ensemble de notre budget. Certains efforts supplémentaires ont même été alloués à notre enseignement supérieur et à nos étudiants dans de récentes décisions prises entre le courant de l’été et maintenant.

Une chose est donc incontestable : ce secteur fait l’objet d’une attention exceptionnelle, qui n’est comparable à aucun autre domaine de l’action publique et qui dénote très clairement à l’échelle européenne.

Je voudrais en préambule opérer un retour en arrière, qui me permettra de répondre à M. Michel Berson, rapporteur spécial. La commission des finances du Sénat a une tradition d’excellence, de rigueur sur les chiffres, d’approche sérieuse : les 9 milliards d’euros supplémentaires, monsieur le rapporteur spécial, vous le savez très bien, ont tous été budgétés. Vous me permettrez donc de corriger un certain nombre de points qui m’ont surpris. Ce sont juste des divergences d’appréciation, que le débat va nous permettre de lever. En effet, connaissant l’expertise de la commission des finances, je ne peux pas croire que ceux-ci vous aient échappé.

D’abord, 4,5 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires, 4,5 milliards d’euros !

M. Charles Revet. C’est important !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Une simple comparaison avec les périodes antérieures montre que c’est deux fois plus, en cinq ans, que les dix dernières années. Autrement dit, si vous prenez le total des dix dernières années, nous avons fait, en cinq ans, deux fois plus sur une période de temps deux fois moins importante.

M. Philippe Dominati. Très bien !

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’est simple, cela permet à tout le monde de mesurer s’il y a eu, ou non, un effort budgétaire important consacré à l’enseignement supérieur.

Je poursuis l’addition : 3,586 milliards d’euros, pour être très précis – je connais l’exigence de la commission des finances –, sur le crédit d’impôt recherche.

Vous me reprochez de comptabiliser des dépenses qui ne sont pas immédiates.

MM. Daniel Raoul et Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, il ne vous a évidemment pas échappé, comme à vos services, que du fait du remboursement anticipé décidé dans le cadre du plan de relance la totalité de cet argent, voire même un peu plus, a d’ores et déjà été décaissé. Cette précision étant apportée, je pense pouvoir lever tous vos doutes à ce sujet puisque, dans le cadre du plan de relance, les sommes qui devaient être décaissées sur trois ans l’ont été en un an.

M. Charles Revet. Il est des vérités qu’il faut rappeler !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Par ailleurs, je me permets d’ajouter les intérêts de l’opération Campus, pour un montant de 436 millions d’euros, qui sont immédiatement disponibles. Vous pouvez m’accompagner, si vous le souhaitez, pour constater qu’un certain nombre d’opérations ont déjà commencé, en particulier à Strasbourg, à Lyon, à Bordeaux, à Marseille. La somme de 270 millions d’euros y a été consacrée en 2011 et 166 millions d’euros sont prévus en 2012. Je suis tout à fait disposé à vous communiquer les comptes à la centaine de milliers d’euros près, si vous le voulez.

Reste enfin la question des partenariats public-privé, soit 732 millions d’euros. Là encore, connaissant l’expertise des administrateurs du Sénat, je me permets de m’étonner. Non seulement les opérations ont commencé, mais elles sont, pour certaines d’entre elles, terminées. Je vous invite à venir visiter des crèches à Bordeaux ou, à quelques pas d’ici, certaines opérations de restauration universitaire, ou bien encore, à Lyon, deux stades rénovés qui ont été financés à l’aide de partenariats public-privé.

Les opérations de décaissement que j’ai mentionnées n’ont pas vocation à intervenir dans les années à venir, elles ont un effet immédiat : 4,5 milliards d’euros, plus 3,586 milliards d’euros, plus 436 millions d’euros, plus 732 millions d’euros, cela fait une addition de plus de 9 milliards d’euros. Les engagements ont donc été totalement tenus.

J’aurais même pu aller plus loin et additionner d’autres engagements. Par une honnêteté intellectuelle sans doute excessive, je n’ai pas compté l’opération Campus et les 5 milliards d’euros qui lui sont affectés, ni les investissements d’avenir qui ont d’ores et déjà été décaissés. Nous nous serions alors situés bien au-delà de 9 milliards d’euros. Donc, non seulement les 9 milliards d’euros y sont, mais j’aurais pu comptabiliser bien d’autres sommes qui ont été engagées, voire affectées, notamment sur un certain nombre d’opérations d’investissements d’avenir telles que Labex et Équipex.

Vous le voyez, monsieur Berson, et je suis heureux que votre question me permette de le préciser – je suis à votre disposition pour refaire l’addition –, comme l’a fort bien souligné Mme Primas, il y a bien 9 milliards d’euros, et même davantage si l’on tient compte des investissements d’avenir et de l’opération Campus.

J’ai été surpris d’entendre qu’il n’était pas nécessaire de compter les investissements d’avenir puisqu’ils ne représentent que quelques milliards d’euros ! (M. Charles Revet s’exclame.)

Quelques milliards d’euros, arrêtons-nous un instant sur ce point. Croyez-vous que nos chercheurs n’en aient pas besoin ? Croyez-vous que la recherche sur le cancer, qui en bénéficie, n’en ait pas besoin ? Croyez-vous que le soutien apporté au plan Alzheimer, un sujet vital pour notre pays, soit quantité négligeable et puisse être balayé d’un revers de main ? Pensez-vous que la recherche menée par le Généthon, à laquelle les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont toujours apporté leur soutien, y compris en tant qu’élus locaux, puisse également être balayée d’un revers de main ?

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Personne ne dit cela !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Considérez-vous que les chercheurs puissent se passer du soutien de quelques milliards d’euros apporté par les investissements d’avenir, qui peut nous permettre de faire avancer la recherche sur les maladies rares et de positionner la France aux avant-postes ? Je ne le pense pas.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Nous non plus !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Il ne faut pas oublier non plus, particulièrement aujourd’hui, le soutien apporté au sida, qui est une cause extrêmement importante pour laquelle nous devons tous nous mobiliser.

Oui, ce sont dans les investissements d’avenir ! Oui, j’assume non seulement ces milliards d’euros, mais ces centaines de millions d’euros, voire ces 100 000 euros qui sont nécessaires à nos chercheurs pour faire avancer les choses ! Je ne considère pas qu’ils puissent être balayés d’un revers de main en disant que ce ne sont que quelques milliards d’euros.

Au total, il faut souligner – d’ailleurs, plusieurs d’entre vous ont relevé ce point – l’importance de ces investissements en termes d’effet de seuil, sur les cinq ans qui se sont écoulés. Je me permets, monsieur Adnot, de vous remercier de votre analyse très précise. Je remercie également M. Houel et Mme Morin-Desailly, qui ont eux aussi bien restitué l’ampleur des faits.

Messieurs Berson, Plancade et Daunis, madame Gillot, vous avez eu l’honnêteté intellectuelle de reconnaître l’effort qui a été réalisé, au cours des cinq dernières années, en matière d’enseignement supérieur et de recherche, et je vous en remercie.

Cet effort se traduit très clairement en termes de dépense intérieure d’éducation. En quatre ans, celle-ci est passée, pour l’université, de 8 619 euros à 10 180 euros. La même tendance à l’augmentation se retrouve sur la dépense intérieure de recherche : alors qu’elle avait progressé de 10 % entre 2002 et 2006, elle s’est accrue de 15 % au cours des quatre dernières années.

Il existe donc bien un changement d’échelle. Nous sommes tous d’accord pour dire que cet investissement est vital, qu’il faut autant que possible le préserver, l’amplifier, poursuivre ce qui a été fait. Une chose est incontestable, il s’est produit une rupture de rythme et jamais autant n’avait été fait qu’au cours des quatre dernières années en termes de soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche, et c’est mérité.

J’en viens maintenant, notamment à l’invitation de M. Plancade, dont j’ai apprécié la précision de l’intervention, à la question de l’autonomie. J’en profite pour dresser un bilan d’ensemble sur l’autonomie des universités, sa réussite et son accompagnement budgétaire.

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’est un sujet important, qui mérite que nous l’examinions simplement.

Au cours des quatre dernières années, les moyens budgétaires octroyés à nos universités ont augmenté de 23 %.

Certains d’entre vous, notamment Maurice Vincent, pour lequel j’ai une affection toute territoriale (Sourires.), sont revenus sur la question de la place dédiée à nos universités sur l’ensemble du territoire de la République. Je suis très attaché à cette question. Je ne suis pas un élu d’Île-de-France et, pour moi, la République doit trouver sa place sur l’ensemble du territoire. Aucune université ne doit être reléguée et les moyens ne peuvent pas être concentrés uniquement sur quelques pôles d’excellence situés sur les plus grosses agglomérations.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-Jacques Mirassou. Là, nous sommes d’accord !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Mais ce n’est pas ce qui se passe ! Concernant le rattrapage des moyens budgétaires, madame Gillot, puisque vous m’y invitez, je vous donne les chiffres : les dotations d’Angers ont augmenté de 50 %, celles de Clermont-Ferrand de 37 %. J’ai réagi, monsieur Adnot, lorsque vous avez évoqué le marché immobilier à Clermont-Ferrand, car il est très dynamique, la région étant elle-même très dynamique.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Tant mieux !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je poursuis : celles de Tours de 30 %, celles de Chambéry de 30 % et celles de Nîmes de 50 %. Oui, ces universités bénéficiaient d’un soutien insuffisant ! Oui, elles ont bénéficié, dans le cadre des rattrapages budgétaires, de dotations extrêmement importantes dont vous pouvez tous vérifier les montants ! Oui, il est essentiel, sur l’ensemble du territoire de la République, que des universités qui cherchent à trouver leur place soient accompagnées.

Il ne s’agit pas uniquement d’accompagnement budgétaire, il s’agit aussi de reconnaître que, dans le cadre de l’autonomie, ces universités ont trouvé leur force en s’appuyant sur leur territoire pour aller chercher une excellence internationale.

C’est le cas à Saint-Étienne, monsieur Vincent, avec des pôles universitaires excellents qui se sont appuyés sur le tissu d’entreprises, notamment, du décolletage industriel et qui méritent votre soutien et non d’être recalés en deuxième division. Il importe de les soutenir. Oui, le site de La Rochelle, qui est remarquable et qui a investi dans les métiers de la mer, a trouvé sa place dans le cadre de l’autonomie. Oui, l’Université de Savoie, qui a investi dans les métiers de la montagne, a montré qu’elle pouvait trouver son chemin et s’affirmer dans le cadre de l’autonomie.

L’autonomie n’est pas le recul des universités, c’est au contraire la possibilité, pour chacune d’elles, de trouver la meilleure osmose avec son territoire et, à partir de là, de développer une excellence internationale.

J’ajoute que je ne parle pas d’universités de territoire, parce que cela donnerait l’impression que certaines sont en Champions league et d’autres en division d’honneur. Non ! Chaque université, à partir de l’autonomie, peut trouver l’excellence qui lui correspond en fonction de son territoire, de ses chercheurs, de ses enseignants, une excellence qui trouve aussi à s’incarner au niveau national, européen et international.

J’en viens à la question des établissements qui peuvent se trouver en difficulté passagère. Le Sénat connaît les collectivités locales, il est sans doute le lieu où on les connaît le mieux. Vous savez comme moi qu’une commune en déficit de fonctionnement va être mise sous tutelle et accompagnée pour gérer des difficultés passagères. C’est une mesure normale quand on gère des deniers publics, elle est applicable à tous les secteurs, que ce soit les hôpitaux, les collectivités locales ou les différentes agences.

Qu’en est-il et avons-nous beaucoup d’universités et d’établissements d’enseignement qui se trouvent en difficulté ?

Sept établissements ont présenté successivement deux budgets en déficit. Nous avons fait le point avec eux sur l’importance de leurs difficultés. Sur les sept, deux sont d’ores et déjà écartés : pour Paris XIII et l’INSA, il s’agit juste de questions de provisions pour investissements qui ont été passées et non de déficit qui atteindrait leur fonctionnement. Pour les universités de Savoie et Bordeaux III, je suis très optimiste : si le dialogue constructif que nous avons eu se poursuit, il nous permettra rapidement d’écarter tout doute sur ces établissements.

Au total, sur plus de 150 établissements d’enseignement, entre trois et cinq se trouveraient dans des difficultés passagères, qui ne relèvent d’ailleurs pas nécessairement de leur responsabilité, qui supposent simplement la mise en place d’un accompagnement sur la durée, pour les aider.

Cela signifie que nous devons, au contraire, saluer l’extraordinaire talent des directeurs d’établissement et des présidents d’université. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.) Au lieu de prendre une posture de défiance et de dire qu’ils n’ont pas été capables de gérer l’autonomie…

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Nous n’avons pas dit cela !

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Vous répondez à une question qui n’a pas été posée !

M. Laurent Wauquiez, ministre. … nous devons les assurer de notre soutien, souligner qu’ils ont été capables de se saisir admirablement de l’ensemble des outils de l’autonomie. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Ce n’est pas nous qui stigmatisons les universités !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Nous devons souligner ainsi l’extraordinaire qualité de nos présidents d’université. La question de fond posée par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités est de savoir si nous faisons confiance ou pas aux présidents d’université. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Vous n’avez pas voté cette loi, et je peux le comprendre. Vous n’avez pas souhaité voter cette confiance aux présidents d’université. (Mme Maryvonne Blondin et M. David Assouline s’exclament.)

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je peux le comprendre, car cela supposait un vrai changement dans notre approche culturelle, qui consistait à leur faire confiance. Ce que l’on peut mesurer aujourd’hui, c’est que nous avions raison de leur faire confiance, qu’ils ont été à la hauteur et que nos présidents d’université ont besoin de soutien et pas de défiance. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

À cet égard, je voudrais revenir sur un sujet : le budget global des universités autonomes. Vous m’avez interrogé sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, et notamment vous-même, monsieur Daunis. Je reviendrai tout à l’heure sur vos questions concernant le crédit d’impôt recherche. Le budget global des universités autonome est-il déficitaire ou excédentaire ? Je suis très heureux de pouvoir répondre à un certain nombre de questions sur ce volet.

Si l’on additionne l’ensemble des budgets des universités autonomes en France en 2010, le budget global présente un excédent de 99 millions d’euros. Les universités autonomes ne sont donc pas sous-dotées. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) Leur situation s’est-elle dégradée ou bien, au contraire, s’est-elle améliorée en 2011 ? Sur ces sujets précis, nous pouvons répondre par des chiffres. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame de nouveau.)

En 2011, le budget des universités autonomes s’est non seulement maintenu, mais amélioré. En effet, d’après les premiers retours prévisionnels dont nous disposons, à la fin de l’année, le budget devrait être excédentaire de 120 millions d’euros.

M. Jean-Jacques Mirassou. Parlez-nous maintenant des étudiants !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Les moyens ont donc bien été donnés aux universités pour accompagner l’autonomie. Si certaines connaissent des difficultés passagères, ce n’est pas un drame. L’autonomie, je le dis, est un apprentissage, que nous devons faire conjointement. Les présidents d’université ont fait la preuve de leurs capacités à dépenser dans la limite de leurs recettes. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)

De ce point de vue, permettez-moi de revenir sur le GVT. Dans aucun autre domaine de l’État, il n’est pris en compte. Dans aucun autre domaine de l’État, au cours de négociations, l’État décide de le prendre en compte. Nous, nous l’avons fait. La conférence des présidents d’université, la CPU, a d’ailleurs salué cet effort dans un communiqué. Je vous le transmettrai, madame Gillot,…

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Cela n’est pas nécessaire, je l’ai !

M. Laurent Wauquiez, ministre. … ce qui vous permettra de constater non seulement que la conférence des présidents d’université a salué cette initiative, mais qu’elle a dit que celle-ci était extrêmement positive.

La conférence des présidents d’université a donc négocié avec nous un accompagnement du GVT. Pourquoi ? L’autonomie suppose que les présidents d’université soient responsables de leurs décisions, mais aussi, surtout dans la phase de montée en puissance de l’autonomie, qu’ils ne paient pas l’addition pour des décisions qu’ils n’auraient pas prises eux-mêmes. C’est pour cette raison que j’ai souhaité que cette négociation sur le GVT aboutisse et qu’elle donne lieu à une compensation supplémentaire.

Monsieur Adnot, votre intervention sur le GVT a été très précise. Si on prend uniquement en compte le GVT positif, c'est-à-dire l’augmentation de la masse salariale des universités en raison des différentes promotions des personnels ou de…

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. L’ancienneté de leurs enseignants !

M. Laurent Wauquiez, ministre. … leur ancienneté, on obtient un montant de 19 millions d’euros. Attention toutefois : certaines universités bénéficient du GVT, c’est ce que l’on appelle le GVT négatif. Elles, au contraire, en raison de l’évolution de leur masse salariale, gagnent de l’argent. Cela représente – et c’est le chiffrage effectué par la conférence des présidents d’université ! – 4,5 millions d’euros.

Aussi, j’ai interrogé les présidents d’université afin de savoir s’ils souhaitaient que l’on augmente le budget des universités ayant un GVT positif et que l’on diminue celui des universités qui ont un GVT négatif. La réponse a été : non, nous préférons jouer le jeu de la solidarité et que vous fassiez l’addition-soustraction. Je respecte leur décision. Chacun ici peut avoir une position différente. Peut-être ne respectez-vous pas leur décision, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Un peu de respect !

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Vous connaissez bien la difficulté d’assurer cette mission !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Pour ma part, j’ai pris le parti, les universités étant autonomes, de respecter les décisions de la CPU.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Soyons sérieux !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je suis tout à fait d’accord : soyons sérieux, et par conséquent respectons les décisions de la CPU. Sur ce point, tout le monde peut être d’accord, et si nous sommes d’accord, monsieur Daunis, nous allons donc pouvoir poursuivre.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. La CPU n’a pas décidé de mutualiser le GVT pour l’instant !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Madame Gillot, je vous transmettrai le compte rendu des discussions qui ont eu lieu avec la CPU.

Mme Dominique Gillot rapporteure pour avis. Elle n’a pas pris de décision pour l’instant !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Pardonnez-moi, cette décision a fait l’objet d’une négociation et d’un communiqué de presse de la CPU, que je vous transmettrai, madame Gillot. Ce débat est très intéressant, car il nous permet de nous transmettre mutuellement des informations.

Au total, 19 millions d’euros moins 4,5 millions d’euros égale 14,5 millions d’euros. C’est exactement la somme qui a été transférée aux universités dans le cadre du GVT. (Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, s’exclame.) Elles ont d’ailleurs souligné que c’était positif. Cette évaluation a été faite conjointement avec les universités. D’ailleurs, cela me permet de souligner le fait que la CPU a acquis une vraie expertise, une réelle capacité de gestion et une véritable capacité de négociation – c’est une bonne nouvelle pour tout le monde.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Où les prenez-vous, ces 14 millions d’euros ?

M. Laurent Wauquiez, ministre. Sur le GVT, il n’y a eu aucun doute, nous avons compensé, et cela a permis aux universités d’avancer. Elles ont souligné ce geste, qui est un geste de confiance mutuelle. (Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, s’exclame.)

Après avoir répondu à vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs – j’essaie toujours, notamment au Sénat, de ne pas réciter un discours tout fait, ce qui ne serait pas respectueux –, j’en viens aux priorités de ce budget.

Je commencerai par évoquer l’enseignement supérieur. À cet égard, je ne reviendrai pas sur la première priorité : la consolidation de l’autonomie des universités. Celle-ci s’est traduite par des décisions extrêmement intéressantes de la part des présidents d’université. Ainsi, ils ont pris des décisions pour améliorer le tutorat des étudiants, pour mettre en place des formations passerelles, pour faire se croiser des formations entre différentes disciplines, pour mettre en place des groupes plus interactifs en termes de pédagogie. Grâce à l’autonomie, les établissements d’enseignement supérieur sont en mouvement. Ils travaillent ensemble et permettent d’améliorer concrètement les choses sur le terrain pour nos étudiants.

Je vous remercie, madame Mélot, d’avoir très clairement souligné les avancées de l’autonomie lors de votre intervention. Je constate d’ailleurs que, aujourd'hui, comme vous l’avez relevé, monsieur Plancade, plus personne ne remet en cause l’utilité du principe d’autonomie des universités. C’est là une très grande avancée.

Il y a quatre ans, lors de la discussion de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, la tonalité n’était pas exactement la même.

M. Jacques Legendre. C’est vrai !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Donc, le courage collectif, et c’est aux présidents d’université qu’il faut en être reconnaissant, cela fonctionne.

J’évoquerai maintenant la deuxième priorité : les conditions de vie des étudiants.

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. J’ai toujours travaillé sur cette question lorsque j’étais parlementaire, à l’instar de plusieurs d’entre vous.

Madame Gillot, vous avez centré votre intervention sur ce sujet. D’autres l’ont également évoqué : M. Assouline et Mmes Gonthier-Maurin, Morin-Desailly et Primas.

Cette année restera marquée par l’instauration du dixième mois de bourse. Vous avez tous souligné, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, mesdames, messieurs les sénateurs, et je vous en remercie, que c’était une avancée incontestable.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Non budgétée !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Les crédits consacrés à la vie étudiante sont en augmentation de 91 millions d’euros. J’indique qu’il n’y a pas de problème de financement du dixième mois de bourse pour l’année universitaire 2011–2012. (Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis, est dubitative.)

Un sixième échelon est créé afin d’accompagner les 100 000 étudiants les plus défavorisés et les seuils sont relevés. C’est un sujet très important pour nous tous. Ces mesures permettront de venir en aide aux classes moyennes modestes, qui, trop souvent, ne pouvaient pas bénéficier de bourses parce qu’elles étaient juste en dessous du seuil permettant d’y accéder.

En matière d’action sociale, la priorité aujourd'hui, ce sont les classes moyennes, en particulier les classes moyennes modestes, car elles sont trop souvent les oubliées de nos politiques sociales. Le seuil passe ainsi de 2,2 SMIC à 3,2 SMIC par foyer. Cette mesure de justice sociale, à laquelle je suis très attaché, permettra de les englober.

En matière de logement étudiant, politique à laquelle de nombreux sénateurs sont toujours extrêmement attentifs, on dénombre 55 000 chambres livrées, grâce à un budget en hausse de 74 %. (M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame.) À cette occasion, je remercie de leur investissement un certain nombre de collectivités locales – régions, départements, communautés d’agglomération, communes – qui sont des partenaires pour ces opérations, même si leur participation est naturelle car c’est l’attractivité de leur territoire qui est en jeu. En 2011, nous dépasserons les objectifs du rapport Anciaux.

Nous avons également fait des efforts pour accompagner l’équipement numérique des étudiants.

Les questions de santé étudiante sont un sujet de préoccupation. À cet égard, je conclurai cet après-midi un accord avec les mutuelles étudiantes, lequel nous permettra de préserver les mutuelles étudiantes dans cette période difficile. Je suis extrêmement attaché au rôle de ces mutuelles, qui ont une mission de proximité auprès d’un public particulier. La santé des étudiants doit être au cœur de nos préoccupations. Il faut investir dans ce secteur, car c’est à cette période de leur vie que les étudiants adoptent ou non de bons comportements.

Monsieur Assouline, Madame Morin-Desailly, vous êtes intervenus très précisément sur l’insertion professionnelle. Je suis d’accord avec vous : il faut investir en faveur de l’apprentissage. Je crois à l’apprentissage,…

M. Charles Revet. Eh oui, c’est important ! Il faut le développer !

M. Laurent Wauquiez, ministre. … non seulement pour les métiers manuels, mais également dans l’enseignement supérieur et, plus généralement, dans l’ensemble de nos filières. On peut former des ingénieurs et des commerciaux grâce à l’apprentissage.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Il est le moyen à la fois de favoriser l’ascenseur social et d’effectuer un mélange heureux entre formation théorique et formation professionnalisante.

Mme Dominique Gillot rapporteure pour avis. On est d’accord.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Il faut également développer les stages, les véritables stages, pas ceux au cours desquels les étudiants sont instrumentalisés. Nous devons améliorer les contrôles et nous assurer que notre arsenal législatif est respecté.

Par ailleurs, nous avons réalisé en 2010 la première enquête nationale sur l’insertion professionnelle des jeunes trente mois après l’obtention de leur diplôme. Elle montre qu’un diplôme reste la meilleure assurance contre le chômage. Ainsi, le taux d’insertion s’établit à 91,5 % pour les titulaires d’un master. Cela montre bien que l’investissement en faveur de l’enseignement supérieur est aussi une très bonne manière de lutter contre le chômage.

Monsieur Assouline, vous m’avez également interrogé sur l’attractivité des universités et sur les taux de réussite en licence. Je vous en remercie. En effet, vous avez donné un chiffre et je vais le compléter en vous communiquant les derniers chiffres. (M. Albéric de Montgolfier marque son approbation.)

M. Charles Revet. Voilà ! Il faut rétablir la vérité !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Ils vous permettront de mesurer que les objectifs sur lesquels vous avez eu raison de revenir sont non seulement atteints, mais, pour certains d’entre eux, même dépassés.

Nos universités attirent de plus en plus d’étudiants. Cessons donc de les stigmatiser ! Elles ont besoin d’un discours positif de notre part, non d’un discours négatif !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Assez de discours !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Les demandes d’inscription ont augmenté de 3 % – cela représente 25 000 étudiants supplémentaires – entre 2010 et 2011. Ce sont des faits et vous devriez reconnaître le travail effectué par les présidents d’université et par les enseignants. C’est la première fois que les inscriptions repartent à la hausse.

Les inscriptions réelles en licence sont également en hausse, là aussi pour la première fois, de 1,5 %.

Monsieur Assouline, je suis heureux de vous fournir ces derniers chiffres, qui vous permettent de mesurer le travail accompli par nos enseignants et par nos responsables d’université.

J’en viens à la part de réussite en licence. Vous avez évoqué un indicateur qu’il est très important de surveiller, monsieur Assouline, à savoir le taux de passage de licence 1 à licence 2. Ce taux était effectivement de 44 % en 2009, mais il a atteint 50 % en 2010. L’objectif que nous nous étions fixés a donc été atteint. Je suis ravi aujourd'hui de pouvoir vous communiquer ce taux, monsieur le sénateur.

Quant à la part de licences obtenues en trois ans, elle a augmenté de 10 %. Les chiffres, en 2010 comme en 2011, semblent orientés correctement.

Je ne reviendrai pas sur la question de l’insertion professionnelle, car j’ai déjà évoqué les résultats de l’enquête nationale sur l’insertion professionnelle. Les choses évoluent, insuffisamment, il faut poursuivre nos efforts, car ils vont dans la bonne direction.

Dans le domaine de l’enseignement supérieur, la troisième de nos priorités est de bâtir les campus de demain, dont le campus de Jussieu est, je le crois, une bonne illustration.

J’en viens à la recherche, sujet sur lequel M. Houel, notamment, est intervenu de façon extrêmement précise.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Laurent Wauquiez, ministre. En 2012, l’État consacrera 214 millions d’euros supplémentaires à la recherche. Les crédits budgétaires augmenteront de 40 millions d’euros.

Le crédit d’impôt recherche, sur lequel je reviendrai, est intervenu comme un amortisseur de la crise et un facteur d’attractivité. Les investissements d’avenir se déploient et connaissent une hausse importante.

Mais là encore, ne regardons pas les moyens, regardons les résultats. Cela se traduit-il par des brevets supplémentaires, par un surcroît de compétitivité de la recherche nationale française ? La réponse est oui !

Là aussi, les chiffres sont impressionnants et témoignent de la qualité de nos organismes de recherche. Le CEA et le CNRS ont déposé 30 % de brevets en plus cette année. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.) En outre, 38 % des brevets du CNRS font l’objet d’une application et d’une utilisation industrielle immédiate, ce qui entraîne un surcroît de compétitivité industrielle. Enfin, la publication de brevets innovants est en hausse de 35 %.

Notre recherche est donc repartie en avant et s’est remobilisée. Nous pouvons être fiers de nos chercheurs.

Madame Gonthier-Maurin, vous m’avez interrogé…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Sur l’emploi précaire, monsieur le ministre !

M. Laurent Wauquiez, ministre. … notamment sur la revalorisation des carrières.

La politique que nous avons mise en œuvre a permis de revaloriser, pour les entrées de poste, la rémunération des enseignants-chercheurs de 12 % à 25 %, et je sais qu’il s’agit de l’un de vos sujets de préoccupation. Cette amélioration permet d’apporter une meilleure considération.

Un certain nombre d’universités ont également mis en œuvre des politiques destinées à améliorer leur attractivité auprès d’enseignants et de chercheurs. Elles ont donné des résultats, certains enseignants et chercheurs qui étaient partis sont en effet revenus en France. Je pense notamment aux universités de Lorraine et d’Alsace, qui ont effectué un travail remarquable.

Monsieur Plancade, vous êtes notamment intervenu sur deux sujets qui, je le sais, vous tiennent à cœur, l’Institut français du pétrole, l’IFP, et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’INRIA. Vous avez eu la gentillesse de souligner que ces instituts ne relevaient pas du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Néanmoins, j’assume évidemment, c’est bien naturel, la cohésion gouvernementale.

La subvention de l’IFP s’élèvera à 146 millions d’euros. Certes, elle est en diminution, mais l’IFP a un fonds de roulement de 49 millions d’euros et un besoin en fonds de roulement négatif de 23 millions d’euros, ce qui représente, en réalité, une trésorerie de 52 millions d’euros, laquelle devrait lui permettre d’amortir assez facilement la baisse de 5,4 millions d’euros de sa subvention. Il faut veiller, vous avez raison, monsieur le sénateur, à ne pas fragiliser cet organisme, qui compte parmi les plus compétitifs de notre pays. À ce titre, il mérite notre attention.

L’INRIA, quant à lui, a vu ses moyens augmenter de 23,6 millions d’euros depuis 2007. Rien que de très naturel, vu la qualité de ses chercheurs.

Mesdames Primas, Mélot, Laborde et monsieur Raoul, vous avez abordé un certain nombre de questions liées à l’évolution de la recherche française. Je suis d’accord avec M. Adnot pour dire qu’il faut mener un travail de simplification sur ce sujet.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Beaucoup d’outils ont été mis en place : …

M. Laurent Wauquiez, ministre. … c’est très bien. Cela a abouti à une mobilisation très importante des chercheurs : c’est également très bien. Mais nous ne devons pas laisser la recherche s’engluer dans les excès de la bureaucratie. J’ai donc demandé à ce qu’un travail de simplification soit entamé, de manière à retirer le meilleur des outils mis en place et à fluidifier les choses.

Depuis quatre mois, un gros travail a été réalisé notamment pour accélérer les versements, en finir avec la paperasse inutile et soulager ainsi les chercheurs de ces tâches chronophages.

Mme Françoise Cartron. Il y a encore de la marge !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Il est normal que nos chercheurs répondent à des appels d’offres et qu’ils rendent compte de l’argent qui leur est confié. Mais il est tout aussi normal qu’ils puissent consacrer la majorité de leur temps à la recherche.

Je ne veux pas de chercheurs englués dans des tâches administratives. Nous travaillons pour leur redonner du temps consacré à la recherche. Cela me semble normal et légitime, et va dans le bon sens.

Mme Dominique Gillot, rapporteure pour avis. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Je terminerai mon propos sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et sur lequel certains d’entre vous sont intervenus : la culture scientifique en France.

Notre pays, notre République a besoin de rationalité.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Ah, enfin !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Notre pays, notre République, doit, surtout dans la période que nous traversons, faire confiance à ses enseignants et à ses chercheurs.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Notre pays, notre République doit se méfier, dans la période actuelle, des pulsions d’irrationalité et des réactions hâtives (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Plancade, rapporteur pour avis, applaudit également.) qui trop souvent consistent à faire reculer la place de la raison dans les débats sur la recherche et la science.

M. Marc Daunis, rapporteur pour avis. Ô combien !

M. Laurent Wauquiez, ministre. Nous devons tous, conjointement, nous battre aux côtés de nos chercheurs, de nos universitaires et de nos enseignants pour défendre cette place de la science, qu’ils s’agissent des sciences humaines ou des sciences dures, parce que l’avenir d’un pays se construit sur le pari de la raison. Merci à tous de l’avoir soutenu. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Recherche et enseignement supérieur
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Sécurité civile (début)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Recherche et enseignement supérieur

25 757 555 834

25 408 710 172

Formations supérieures et recherche universitaire

12 764 780 447

12 511 172 419

Dont titre 2

1 127 335 691

1 127 335 691

Vie étudiante

2 171 203 845

2 168 623 845

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 121 883 472

5 121 883 472

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 250 149 388

1 250 149 388

Recherche spatiale

1 398 540 042

1 398 540 042

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 423 341 869

1 352 341 869

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

1 005 803 108

982 016 489

Dont titre 2

100 675 510

100 675 510

Recherche duale (civile et militaire)

192 868 745

192 868 745

Recherche culturelle et culture scientifique

123 464 117

124 071 102

Enseignement supérieur et recherche agricoles

305 520 801

307 042 801

Dont titre 2

186 279 134

186 279 134

Mme la présidente. L'amendement n° II–370, présenté par M. Carle, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Formations supérieures et recherche universitaireDont Titre 2

Vie étudiante

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

3 500 000

3 500 000

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

Recherche spatiale

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle Dont Titre 2

3 000 000

3 000 000

Recherche duale (civile et militaire)

Recherche culturelle et culture scientifique

Enseignement supérieur et recherche agricoles Dont Titre 2

6 500 000

6 500 000

TOTAL

6 500 000

6 500 000

6 500 000

6 500 000

SOLDE

0

0

Cet amendement n'est pas soutenu.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tant mieux, car c’était un scandale !

M. David Assouline. C’était n’importe quoi !

M. Charles Revet. C’était un très bon amendement, que la commission aurait pu reprendre !

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.

M. Michel Berson, rapporteur spécial. La commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Je voudrais profiter de cette occasion pour redire à M. le ministre qu’en dépit de la polémique que nous venons d’engager sur les chiffres...

M. Laurent Wauquiez, ministre. C’était un débat !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. Certes, mais vos propos ont été sévères !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. Vous avez, même si ce fut avec beaucoup d’élégance, posé quelques questions qui pouvaient mettre en doute le sérieux des travaux de la commission des finances.

Je maintiens donc qu’en dépit des polémiques sur les chiffres un effort important a été réalisé par les gouvernements successifs, depuis 2007, sur la recherche et l’enseignement supérieur,…

M. Alain Gournac. Mais, selon vous, ce n’est pas assez !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. … et je le reconnais sans peine.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Merci !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. Cela étant dit, l’engagement présidentiel, lui, n’a pas été tenu. Nous pourrons d’ailleurs en parler, si vous le voulez, puisque j’ai sollicité un rendez-vous avec vous au ministère.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Avec plaisir !

M. Michel Berson, rapporteur spécial. Nous pourrons alors vérifier, preuves à l’appui, que vos calculs prennent en considération des autorisations d’engagement, c'est-à-dire des dépenses à venir et des engagements pour les législatures futures. La commission des finances, quant à elle, n’a tout simplement et fort logiquement retenu dans ses calculs que les crédits de paiement. On ne peut pas prendre en compte tantôt des stocks, tantôt des flux. Il faut être rigoureux. La commission a raisonné sur des flux comptabilisés et enregistrés.

Je l’ai dit, un effort a été fait sur les crédits budgétaires. Mais en ne considérant que les crédits de paiement, nous parvenons à des résultats qui diffèrent des vôtres. Le coût réel budgété du crédit d’impôt recherche s’élève à 2,3 milliards d’euros dans le budget 2012, cette somme étant d’ailleurs inscrite dans le bleu budgétaire. Il me semble que l’on ne peut pas, comme vous le faites, prendre en compte les engagements, c'est-à-dire les créances des entreprises, qui valent pour les années à venir. Trois années, en effet, sont nécessaires à l’État pour rembourser ces crédits d’impôt recherche.

Je pourrais ainsi multiplier les exemples.

Vous avez sans doute raison à propos de l’opération Campus, monsieur le ministre. Mais nous n’avons pas eu sur ce sujet d’informations précises : vous allez sans doute nous les apporter. Vous nous avez dit que les 436 millions d’euros dédiés à l’opération avaient été non pas simplement engagés, mais réalisés. Nous demandons à le vérifier.

Enfin, je terminerai mon intervention sur la question du partenariat public-privé, ou PPP. Il ne faut pas comptabiliser la somme de 732 millions d'euros pour le PPP ! Je souhaitais insister sur ce point, car j’ai été surpris de la dureté de vos propos, qui mettaient en cause la façon dont la commission des finances avait analysé les crédits du budget 2012 ainsi que la période allant de 2007 à 2012.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre. Sachez que j’ai la plus grande estime pour le travail réalisé par la commission des finances, et ce pour des raisons diverses. C’est parce que j’estime la méthode que vous avez utilisée pour ce chiffrage que j’ai voulu vous apporter deux précisions.

D’une part, les PPP ont d’ores et déjà fait l’objet d’un décaissement.

D’autre part, j’ai bien compris que votre mécanique de raisonnement mettait l’accent sur les différences entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement, ce qui est parfaitement respectable. Je comprends très bien. Il me semble néanmoins que, pour arriver à la somme de 5,6 milliards d’euros, vous n’avez pas pris en compte dans vos calculs la mesure du plan de relance visant à rembourser les sommes dues au titre du crédit d’impôt recherche en un an au lieu de trois.

Je vous propose donc de venir me voir avec vos équipes, je vous recevrai avec un très grand plaisir. Cela nous permettra de confronter nos chiffres. Je ne pense pas que l’on puisse arriver à 5,6 milliards d’euros. Je suis même convaincu que l’objectif de 9 milliards d’euros est non seulement atteint mais dépassé ! (M. Daniel Raoul s’exclame.)

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Sécurité civile (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Sécurité civile

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec un budget 436,8 millions d’euros, la mission « Sécurité civile » ne contribue que marginalement à l’effort global de la France dans ce domaine.

Les dépenses des services départementaux d’incendie et de secours, ou SDIS, n’entrent pas stricto sensu dans le champ de cette mission. Pourtant, elles se sont élevées à 5,5 milliards d’euros en 2011.

Huit autres programmes répartis sur quatre missions – « Écologie, développement et aménagement durables », « Santé », « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », « Administration générale et territoriale de l’État » – totalisent 560 millions d’euros en 2011.

Quoi qu’il en soit, la progression des crédits de la mission, s’élevant à 0,4 %, se traduit par une dépense légèrement inférieure aux évolutions inscrites dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, ainsi que dans la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ». La mission contribue donc pour 11 millions d’euros à l’effort de réduction de la dépense publique.

L’impact de la RGPP se manifeste à travers la poursuite de trois objectifs.

Premièrement, l’optimisation de l’organisation et du fonctionnement s’est traduite par la fusion de la direction de la sécurité civile et celle de la prospective et de la planification de sécurité nationale en une seule direction.

Deuxièmement, des gains de productivité sont attendus de la mutualisation des fonctions support des flottes d’hélicoptères de la direction générale de la gendarmerie nationale, la DGGN, et de la sécurité civile.

Troisièmement, la suppression de vingt-trois emplois, pour vingt et un départs à la retraite, est à apprécier au regard d’un effectif de 2 464 emplois équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ce qui représente une baisse de 1 %.

On ne peut manquer de relever que les collectivités territoriales financent 96 % des dépenses de fonctionnement des SDIS. Cette charge est lourde. Aussi semble-t-il important de pouvoir mieux distinguer, dans la dynamique de la dépense des SDIS, ce qui relève des contraintes ou des transferts imposés par l’État de ce qui résulte de décisions prises par les départements ou les SDIS eux-mêmes.

Le fonds d’aide à l’investissement, ou FAI, sera doté de 18,36 millions d’euros, soit une baisse de 14 % par rapport à 2011. Cette baisse s’explique par le besoin de maintenir le montant de la subvention de fonctionnement de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP.

Une part prépondérante du FAI étant par ailleurs absorbée par le réseau ANTARES, on ne peut qu’en déduire la très faible marge de manœuvre offerte par le FAI.

ANTARES, réseau qui permet aux différents systèmes de secours de communiquer entre eux, équipera 70 % des SDIS en 2012. Son fonctionnement représente un coût de 23,2 millions d’euros. Il convient de rappeler que le coût global en investissement au terme de son développement aura été de 154 millions d’euros, dont 30% auront été pris en charge par le FAI.

Enfin, la subvention de fonctionnement en faveur de l’ENSOSP s’élève à 4,47 millions d’euros, auxquels il convient d’ajouter une dotation en fonds propres pour un montant de 5,17 millions d’euros.

Toutefois, après un pic d’activité en 2010, on ne peut manquer de s’interroger sur un éventuel surdimensionnement de cette école au regard des besoins de formation : la tendance à la baisse des formations d’intégration des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels se confirmera en effet en 2012. Il faut sans doute s’interroger également sur ce qui se fait en matière de formation dans les départements et étudier de plus près ces questions de synergies possibles et souhaitables.

En conclusion, et sous ces réserves, la commission des finances a adopté les crédits de la mission « Sécurité civile ».

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame le ministre, chers collègues, permettez-moi de profiter de l’occasion qui m’est donnée pour féliciter nos excellents collègues Yves Rome et Pierre Bordier qui, il y a quelques instants seulement, ont été élus respectivement président et vice-président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS.

En introduction, je voudrais rendre hommage à tous les personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à tous les secouristes, à tous ces acteurs incontournables de la sécurité civile qui, au péril de leur vie, s’engagent au quotidien pour sauver celle des autres.

Je pense en cet instant, tout particulièrement, aux neuf sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie depuis le 1er janvier 2011.

J’aimerais également, comme l’année dernière, exprimer avec force mon indignation face aux inadmissibles agressions – insultes, menaces, jets de pierre – dont font l’objet les sapeurs-pompiers. En 2010, 1 155 sapeurs-pompiers en ont été victimes, contre 1 080, en 2009.

Enfin, avec le soutien unanime de tous les membres de la commission des lois, je tiens également à rendre hommage aux jeunes sapeurs-pompiers qui contribueront, je le souhaite ardemment, à pérenniser notre modèle de sécurité civile, essentiellement fondé sur l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

Madame le ministre, je ne reviendrai pas sur les données strictement budgétaires ; elles ont été très précisément exposées par l’excellent rapporteur spécial, M. Dominique de Legge.

Le budget de la mission « Sécurité civile » présente des crédits quelque peu en baisse pour les autorisations d’engagement et en légère progression pour les crédits de paiement. Nous pouvons considérer que l’ensemble des crédits restent donc quasi stables.

Néanmoins, force est de constater que la contribution des collectivités territoriales reste majeure. Leur participation au financement des services départementaux d’incendie et de secours s’élève à un montant global de 5,5 milliards d’euros, soit plus de cinq fois le montant total des crédits mobilisés par l’État.

En abordant le budget des SDIS, il me faut de nouveau évoquer le Fonds d’aide à l’investissement, le FAI. Ce fonds, créé en 2003, avait pour objectif premier de répondre aux investissements lourds pour les SDIS. Initialement doté de 45 millions d’euros, ce fonds voit le montant de ses crédits se réduire d’année en année. Pour 2012, il faut se rendre à l’évidence, fixés à 18,36 millions d’euros, ils diminuent encore de 14,04 %.

Madame le ministre, M. le ministre de l’intérieur a annoncé en 2010 une stabilité des crédits fléchés sur le FAI. Pouvez-vous nous donner des informations sur la tendance pour les années à venir et nous expliquer la raison de cette nouvelle réduction des crédits inscrits au titre du FAI ?

Bien sûr, une partie importante du FAI a été dédiée à l’investissement en faveur d’ANTARES, l’adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours ; aujourd’hui, 65 % des sapeurs-pompiers disposent de ces équipements, avec un taux de migration vers le réseau qui devrait s’élever à 70 % en 2012, ce qui est un véritable gage d’efficacité.

Une participation des services utilisateurs au fonctionnement, à la maintenance et au renouvellement de l’Infrastructure nationale partageable des transmissions, l’INPT, est prévue par un décret du 10 mai 2011. Pouvez-vous nous indiquer le taux de participation à ce jour ?

J’évoquerai ensuite un autre volet de la sécurité civile, le réseau d’alerte aux tsunamis, qui est devenu une nécessité.

J’ai constaté avec satisfaction que le Gouvernement a tiré les conséquences de la catastrophe survenue au Japon en réinscrivant la participation financière du ministère de l’intérieur au projet de budget du Centre régional d’alerte aux tsunamis dans l’Atlantique du Nord-Est et la Méditerranée, le CRATANEM.

Madame le ministre, ce centre sera enfin opérationnel au milieu de l’année 2012 ; le ministère de l’intérieur compte-t-il contribuer de façon pérenne à son fonctionnement ?

Pour conclure, j’aborderai la question maintenant devenue traditionnelle, puisqu’il m’appartient d’y revenir chaque année avec la même insistance, de l’obligation légale d’employer 6 % de travailleurs handicapés au sein des effectifs de sapeurs-pompiers, obligation qui ne peut être atteinte malgré la circulaire du 26 octobre 2009 assouplissant le dispositif.

Un bilan devait être réalisé dès 2008. Sans nouvelle de ce bilan à ce jour, j’ai pris l’initiative de consulter les SDIS. Sur la vingtaine de réponses obtenues, un seul SDIS considère qu’il ne rencontre pas de problèmes…

Les pénalités à la charge des SDIS sont lourdes et seules une dérogation au dispositif, à l’instar de ce qui se pratique déjà pour certaines entreprises, pourra apporter véritablement une réponse à cette difficulté. Les sommes fléchées sur les pénalités pourraient alors utilement servir à des investissements.

Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, ces observations étant effectuées, je vous indique que la commission des lois a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile » pour 2012. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit également.)

Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Rome.

M. Yves Rome. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis au préalable de saluer l’élégante attention de ma collègue Catherine Troendle, et de la remercier des félicitations qu’elle a bien voulu nous adresser, à M. Pierre Bordier et à moi-même, pour notre toute récente élection à la CNSIS.

Bien qu’il y ait beaucoup à dire sur le courage des sapeurs-pompiers, et plus globalement sur le dévouement et l’abnégation dont les personnels concourant aux missions de sécurité civile font preuve quotidiennement au service de nos concitoyens, je profiterai des quelques minutes qui me sont imparties pour vous exposer les raisons principales pour lesquelles, en ma double qualité de président de conseil général et de président d’un service départemental d’incendie et de secours, je ne voterai pas les crédits de la mission « Sécurité civile » pour 2012.

Ces crédits sont en baisse de 420 millions d’euros, soit une diminution de près de 9 % par rapport à 2011. Ils révèlent le désengagement de l’État, alors que les demandes de secours augmentent, entraînant par là même une hausse des dépenses des collectivités.

Je ne citerai qu’un exemple de gestion préoccupante des dépenses d’investissement : notre flotte de moyens aériens, qui a vingt-cinq ans d’âge en moyenne, nécessite des remplacements que les crédits ne permettent pas, l’État pariant sur le maintien à la baisse des feux de forêts, et une baisse significative.

Est-il vraiment raisonnable, madame le ministre, de ne pas anticiper la survenance ou la potentialité des risques ? Comment résister à la demande des élus qui réclament, en cas de sinistre, les moyens aériens nécessaires ? Je pense, notamment, à ce qui s’est passé en octobre dernier sur l’île de La Réunion, et vous l’avez vous-même constaté.

Les crédits du Fonds d’aide à l’investissement, quant à eux, sont une nouvelle fois en recul, de près de 14 % et passent de 21 millions d’euros à 18 millions d’euros, l’État prélevant sur cette ligne la restauration de sa subvention de fonctionnement - sur des crédits d’investissement ! - à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP.

C’est en effet également sur le FAI que le Gouvernement a prélevé 11 millions d’euros pour contribuer au financement d’ANTARES.

Le désengagement de l’État dans le FAI n’est pas nouveau : en cinq ans, sa participation a baissé de presque 67 % ! Or ce nouveau recul du FAI laisse craindre un abandon des politiques d’investissement dans les SDIS. Les principaux financeurs que sont les départements doivent supporter seuls la croissance des dépenses constatée ces dernières années, soit plus de 48 % sur sept ans.

De plus, face à la désertification médicale, au retrait des services de l’État, dont la présence sur les territoires diminue alors que la détresse sociale grandit, les centres de secours sont devenus la dernière incarnation vivante du service public de proximité.

Pour répondre plus efficacement à cette exigence de solidarité de nos concitoyens - faut-il le rappeler, 70 % de l’activité des sapeurs-pompiers concerne le secours aux personnes - il me semble plus que jamais nécessaire de revoir le financement et la gouvernance du secteur de la sécurité civile.

Sur le financement, tout d’abord.

Il faudrait sans doute revoir le principe du gel des contingents communaux sur l’inflation, en raisonnant non plus en masse, mais en euros par habitant, pour mieux prendre en compte les évolutions démographiques communales afin de ne plus faire porter la hausse des dépenses sur les seuls départements.

Il faudrait également diversifier les sources de recettes, en faisant contribuer aux dépenses supplémentaires les partenaires extérieurs qui bénéficient pleinement de la protection et des services apportés par les SDIS, comme cela existe ailleurs en Europe. Je pense aux entreprises à risque, aux sociétés d’autoroutes ou aux aéroports, ainsi qu’aux compagnies d’assurance, qui sont les premières bénéficiaires de l’efficacité des secours.

Sur la gouvernance, ensuite.

Je reste convaincu de la pertinence de la départementalisation, qui a apporté beaucoup à l’organisation des secours en termes d’efficience et de cohérence. Dès lors, il me paraît particulièrement nécessaire de clarifier les relations avec les partenaires des SDIS, notamment avec le SAMU, en matière de coordination des actions et de juste prise en charge des carences ambulancières, notamment financières.

Il est également nécessaire de donner une reconnaissance claire aux employeurs et financeurs que sont les élus locaux, et de tendre vers le respect du principe simple et logique du « qui paie commande ». Je rappelle que, sur ce secteur de responsabilité partagée entre l’État et les collectivités, ces dernières – Mme le rapporteur pour avis l’a rappelé – consacrent cinq fois plus de crédits d’investissement que l’État et financent à plus de 96 % les dépenses de fonctionnement des SDIS.

Pour conclure, alors que se profilent des réformes d’ampleur sur l’organisation de la filière, je souhaite que l’État poursuive ses efforts encore trop récents et les amplifie concrètement, en concertation avec les financeurs principaux que sont les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, l’examen de la mission « Sécurité civile » est l’occasion de rendre un hommage public et solennel aux sapeurs-pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels.

Qu’il me soit permis de saluer ici leur dévouement et le courage dont ils font preuve dans l’exercice de missions, difficiles et dangereuses, au cours desquelles certains d’entre eux, malheureusement, perdent la vie.

Parce que les hommages ne suffisent pas, une attention toute particulière doit être portée aux sapeurs-pompiers.

Je pense, par exemple, à l’âge d’ouverture du droit à pension, au volet pénibilité ou encore à la réforme de la filière professionnelle.

S’agissant précisément de cette réforme, les sapeurs-pompiers ont récemment manifesté leur mécontentement, car elle est coûteuse et sans réels avantages, pour les usagers du service public comme pour ceux qui le servent.

Allez-vous enfin entendre, madame la ministre, leurs revendications légitimes en ce qui concerne tant les conditions de recrutement, les rémunérations que le déroulement des carrières ?

Par ailleurs, je partage totalement les inquiétudes exprimées tant par nos collègues députés que par Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat sur les difficultés d’application de la loi faisant obligation aux SDIS d’employer des travailleurs handicapés. Il est urgent que le Gouvernement apporte une solution adaptée.

Il n’aura échappé à personne que, cette année encore, le projet de budget relatif à la sécurité civile est marqué du sceau de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, à laquelle s’ajoute la cure d’austérité imposée par le Gouvernement, qui s’emploie à faire tous « les fonds de tiroir », pour utiliser une expression triviale, au titre du plan d’économies.

Ainsi, au nom de la RGPP, le Gouvernement applique pour 2012 une nouvelle baisse des crédits de fonctionnement de 2,5 % au programme « Intervention des services opérationnels » par rapport à l’an dernier.

De même, le Gouvernement rationalise les bases d’hélicoptères et le schéma d’implantation des centres de déminage. Après les regroupements de casernes, des centres de formation, entre autres, le Gouvernement prône donc la rationalisation en matière de sécurité civile.

Derrière ces regroupements, ces rationalisations, c’est la proximité des secours, pourtant essentielle à l’efficacité des pompiers, que le Gouvernement remet en cause.

En outre, le Gouvernement supprime 23 emplois dans le cadre du non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite.

On le voit, le présent budget reste très modeste : les crédits de paiement pour l’année 2012 s’élèvent à 448 millions d’euros, soit une hausse de 3,12 %, tandis que les autorisations d’engagement, d’un montant de 420 millions d’euros, diminuent de 8,6 %.

Il faut également ôter 11,7 millions d’euros de ces crédits, somme qui, au titre du plan d’austérité, a été « rabotée » à l’Assemblée nationale à la suite de l’adoption d’un amendement gouvernemental. J’aurai l’occasion d’y revenir au moment de présenter l’amendement que j’ai déposé pour rétablir ces crédits.

Alors que la sécurité civile est une mission régalienne de l’État, celui-ci contribue financièrement très peu par rapport aux collectivités territoriales, qui financent les SDIS à hauteur de 5 milliards d’euros environ. Ainsi, les SDIS sont financés à 56 % par les conseils généraux et à 44 % par les communes et les EPCI.

Année après année, l’État continue donc de se décharger de ses compétences sur les collectivités territoriales sans en assumer la compensation à un niveau suffisant. Il revient donc aux collectivités territoriales de pallier les carences de l’État en la matière.

Comment, dans ces conditions, l’État peut-il assurer de manière équitable sur l’ensemble du territoire la sécurité de tous, comme il en a le devoir ? Comment, dans ces conditions, peut-il garantir à chaque citoyen un égal accès à ce service public et la même qualité de secours ?

Des indicateurs nous font craindre une remise en cause, à plus ou moins long terme, du principe de la gratuité des secours à la personne, principe qui est pourtant, je le rappelle, la garantie de l’égalité de tous devant les secours et de l’efficacité des services au profit de l’ensemble de la collectivité.

Est en cause l’accroissement des actions des SDIS en faveur du secours à personne hors cas d’incendie, qui, en 2010, ont représenté 69 % de leurs interventions. Mais l’insuffisance de la présence médicale dans certains secteurs de France, singulièrement ruraux, n’est-elle pas la raison de cet accroissement ?

M. Jean-Jacques Hyest. C’est certain !

Mme Éliane Assassi. Il convient donc de veiller au maintien des services médicaux d’urgence, qui relèvent de la solidarité nationale et donc de la responsabilité de l’État. Là encore, l’État ne saurait se désengager et faire supporter aux SDIS la prise en charge de missions qui relèvent de l’assurance maladie.

Il faut donc trouver de nouvelles sources de financement pour les SDIS.

Nous avons démontré, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012, qu’il était possible de trouver de nouvelles recettes. Pourquoi ne pas faire participer les entreprises à risques, qui obligent les SDIS à s’équiper de matériels spécifiques pour couvrir leurs activités, ou encore les sociétés autoroutières, qui participent trop peu au financement de l’action des SDIS par rapport à leur chiffre d’affaires, ou même les industriels, qui bénéficient des compétences des préventionnistes, et les grands groupes immobiliers ? Pourquoi, enfin, ne pas mettre à contribution de manière effective les compagnies d’assurances, comme nous le demandons depuis longtemps ?

Certes, la loi du 13 août 2004 a prévu une place au conseil d’administration des SDIS pour les compagnies d’assurances qui seraient mises à contribution mais, à ma connaissance, cette disposition n’a toujours pas, à ce jour, été suivie d’effet.

Enfin, je souligne que le Fonds d’aide à l’investissement ne cesse de diminuer, année après année : son enveloppe s’élève à 18 millions d’euros seulement pour 2012, soit une baisse de 14 % par rapport à 2011, alors qu’elle était de 67 millions d’euros en 2006.

Vous l’aurez compris, au regard de ces éléments, les sénateurs du groupe CRC voteront contre le présent budget, qui ne répond ni aux enjeux de la sécurité civile, ni aux attentes de nos concitoyens, attachés à un service public de qualité et gratuit, ni aux revendications des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, élus, nous sommes nombreux à participer en cette période de l’année aux cérémonies de la Sainte-Barbe organisées dans nos départements par les services départementaux et les centres communaux d’incendie et de secours.

Nous l’avons probablement oublié, nous devons au père de la sainte, Dioscore, foudroyé pour avoir de ses propres mains décapité sa fille, ces manifestations qui sont l’occasion de célébrer le courage et le dévouement d’hommes et de femmes qui consacrent leur action à la protection des populations dans des situations parfois extrêmes et toujours psychologiquement difficiles.

Que l’examen de la mission « Sécurité civile » du projet de loi de finances pour 2012 soit l’occasion d’un hommage opportun et fervent à toutes celles et tous ceux qui, dans l’exercice de leur devoir, ont été exposés à des drames, des circonstances pénibles, des crises exceptionnelles telles que celle de Fukushima, où la France a pleinement joué son rôle aux côtés des autres pays venus par solidarité aider le Japon à combattre cette catastrophe nucléaire.

Avant de me rendre en séance, je lisais, madame la ministre, le compte rendu des interventions qui ont été prononcées à cette même tribune l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. J’avais alors relevé trois difficultés : le manque de lisibilité des crédits de cette mission, avec la séparation en deux programmes distincts auxquels concourent plusieurs autres administrations de l’État ; le recours accru au financement des collectivités territoriales et la fragilité de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP.

À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2012, les trois mêmes questions se posent.

L’action de la sécurité civile est indissociable de celle d’autres administrations : la santé, l’environnement, la défense et, au sein du ministère de l’intérieur, la police et la gendarmerie. Il n’est donc pas anormal que les budgets de chacune de ces entités viennent conforter celui de la sécurité civile, dans un échange transparent de moyens et d’actions complémentaires.

Pour autant, le bilan budgétaire reste peu lisible, même si c’est avant tout sur le terrain qu’est jugée l’action.

Le poids de l’intervention des collectivités locales reste toujours aussi important : 96 % des dépenses de fonctionnement des SDIS sont assumées par les collectivités territoriales, dont 56,5 % du total par les départements et 43,5 % par les communes.

Sur le plan local, la question se pose avec une véritable acuité de savoir, dans le contexte actuel de réduction globale des ressources des départements, dans quelle mesure ces départements seront à même de soutenir le même effort et jusqu’à quand.

Cette question prend un relief supplémentaire s’agissant des crédits du Fonds d’aide à l’investissement, dont la diminution est constante depuis 2007 et qui affichent une diminution de 14 % depuis 2012. On peut tenter d’expliquer cette baisse par une mauvaise utilisation des crédits délégués et une programmation défaillante des investissements.

Si la priorité a été donnée à la montée en puissance d’ANTARES, un réseau indispensable au fonctionnement coordonné entre sapeurs-pompiers, police et gendarmerie, en revanche, d’autres investissements indispensables pour la sécurité des populations, la prévention des inondations ou la lutte contre la menace NRBC ont dû être reportés ou réduits.

Notre rapporteur pour avis, Catherine Troendle, s’est d’ailleurs étonnée – et nous partageons son étonnement – que des procédures conduisent à gager la participation des collectivités locales au fonctionnement de l’Infrastructure nationale partagée des télécommunications, l’INPT, sur des crédits destinés à l’investissement.

Sur la troisième préoccupation, le financement de l’ENSOSP, dont on pouvait craindre qu’il ne soit mis à mal, on ne peut que se réjouir de la décision prise du maintien de la subvention de l’État. Aux crédits servant au fonctionnement de cet établissement, en hausse de près de 1 million d’euros, s’ajoutent des fonds propres pour le remboursement de l’emprunt contracté.

Cependant, au regard de ses besoins réels, compte tenu, notamment, de la baisse probable des activités de formation dispensées, se pose légitimement la question du surdimensionnement de cet établissement.

M. Dominique de Legge, rapporteur. Eh oui !

Mme Anne-Marie Escoffier. Avant de conclure, je relèverai combien la Direction de la sécurité civile, au cours de ces dernières années, a tiré un vrai profit de la RGPP. La situation me paraît assez rare pour être soulignée.

Vous m’avez souvent entendue reprocher à la RGPP de n’être qu’un outil de réduction des effectifs,…

M. Alain Néri. La hache !

Mme Anne-Marie Escoffier. … alors que sa vocation première était de favoriser la réflexion pour une organisation rationnelle et efficiente des administrations dans le but d’améliorer les services à la population.

Qu’il s’agisse de la gestion des crises, de l’organisation des secours à la population, des différentes politiques de prévention, dont on a pu mesurer les bienfaits, la Direction de la sécurité civile, forte d’une véritable transversalité, a su faire porter un regard neuf sur son action afin de lui donner toute l’efficacité possible : la création de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises en est la meilleure illustration.

Je terminerai en vous transmettant un message que les sapeurs-pompiers eux-mêmes, voilà quelques jours seulement, m’ont glissé à l’oreille : « Madame le sénateur, pourriez-vous dire au ministre que nous voudrions bien une pause dans toutes ces réformes qui touchent à nos statuts ! » (M. Yves Rome s’étonne.)

En même temps que ce message, recevez, madame la ministre, l’avis favorable des membres du groupe RDSE que j’ai l’honneur de représenter sur l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Léonard.

M. Claude Léonard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certains orateurs qui m’ont précédé l’ont déjà souligné, notre pays consacre 5,7 milliards d’euros annuellement à la sécurité civile, dont 4,7 milliards d’euros sont pris en charge par les collectivités territoriales, départements et communes ou intercommunalités.

Ce sont donc les collectivités qui gèrent et financent les SDIS : les départements et les communes participent en moyenne à ces dépenses à hauteur respectivement de 56 % et de 44 %, une répartition que l’on retrouve à peu de chose près dans mon département.

Il s’agit donc d’un effort financier considérable de la part des collectivités territoriales. En tant que président du SDIS de la Meuse, je suis bien placé pour vous dire que, après l’augmentation de près de 60 % en dix ans des dépenses entraînées par la départementalisation des secours, nous avons atteint notre seuil de tolérance, et il vaudrait mieux ne pas le dépasser.

Ainsi, j’ose espérer que la réorganisation de la filière professionnelle des sapeurs-pompiers n’engendrera pas de dépenses supplémentaires insupportables pour nos départements et nos collectivités.

Je souhaiterais rendre à cet instant un hommage tout particulier aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels français, et au dévouement dont ils font preuve tout au long de l’année au service de notre population. J’ai une pensée toute particulière pour les sapeurs-pompiers de mon département, qui, au moment même où je vous parle, sont mobilisés par un accident ferroviaire dramatique ayant occasionné la mort de trois personnes sur une ligne d’essai réservée à la société Alstom.

S’agissant des 204 000 sapeurs-pompiers volontaires que compte notre pays, la récente loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique a été très appréciée, mais il serait souhaitable, madame la ministre, que ses dispositions soient mises en œuvre dans les meilleurs délais.

Il est, en effet, de plus en difficile de concilier l’exercice d’une activité professionnelle et le volontariat, particulièrement en journée. À cet égard, les sapeurs-pompiers volontaires qui relèvent du secteur public, soit 33 % des effectifs, connaissent sans doute moins de difficultés que leurs collègues du secteur privé pour obtenir des autorisations d’absence leur permettant de remplir leurs missions.

Je sais qu’il existe des conventions de disponibilité –j’en ai d’ailleurs moi-même signé –, mais leur acceptation par les employeurs privés n’est pas toujours aisée.

Je m’inquiète, par ailleurs, des conséquences, qui seraient désastreuses, de la transposition éventuelle d’une directive européenne sur le temps de travail qui, en assimilant l’activité des sapeurs-pompiers volontaires à un travail salarié, entraînerait un coût insupportable pour les départements. M. le ministre de l’intérieur avait précisé à l’Assemblée nationale qu’il faudrait recruter 65 000 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires, pour un coût de 2,5 milliards d’euros : cette solution n’est tout simplement ni envisageable ni supportable.

Un mot enfin concernant une éventuelle réforme du régime des catastrophes naturelles : la répétition à échéance de plus en plus rapprochée de certains phénomènes climatiques comme la sécheresse ou les inondations met notre régime de catastrophes naturelles à rude épreuve. Ainsi, la dernière sécheresse a entraîné des désordres dans des habitations de plus de 6 000 communes, y compris dans l’est de la France.

Je comprends bien sûr que l’on souhaite, dans la mesure du possible, limiter les dépenses dues à ce régime, mais cela ne doit pas vouloir dire qu’il ne faut plus indemniser les propriétaires des immeubles concernés. Je rappelle que, dans certains cas, des travaux pouvant s’élever jusqu’à 150 000 euros sont nécessaires pour la reprise en sous-œuvre de certaines maisons et que, par ailleurs, chaque assuré contribue année après année au financement du régime des catastrophes naturelles par l’intermédiaire d’une surcotisation.

Pouvez-vous me dire, madame la ministre, où en est la réflexion du Gouvernement sur ce sujet ?

Je profite de la tribune pour vous demander un état des lieux précis des zones blanches dans lesquelles le système ANTARES n’est pas encore installé. Cette situation pose de réels problèmes opérationnels, notamment dans les secteurs ruraux où les distances sont quelquefois longues à couvrir entre le centre de secours et l’hôpital ou le lieu de l’intervention. Cela devient vraiment pénalisant, alors que l’installation de relais ANTARES pourrait permettre de desservir plusieurs départements mitoyens.

Je souhaite enfin aborder la question des carences. La convention devrait pouvoir être appliquée de façon beaucoup plus souple pour ne pas impacter la disponibilité des effectifs ou le budget des SDIS, qui sont déjà largement pénalisés par ces carences.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures, pour la séance des questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Sécurité civile (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

4

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

fonderie du poitou

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. Jean-Pierre Raffarin. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Elle porte sur la situation de l’entreprise Fonderie du Poitou Aluminium. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Il s’agit d’un dossier très important parce qu’emblématique des difficultés de certaines entreprises, soumises à un dialogue social parois bâclé et inacceptable.

Voilà maintenant vingt-quatre heures que le tribunal de commerce de Nanterre a accordé à la Fonderie du Poitou Aluminium une prolongation de la période de redressement judiciaire. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir obtenu, pour cette entreprise, des engagements de la part de Renault : ces derniers ont constitué, me semble-t-il, un élément essentiel en faveur de la décision de prolongation.

Je voudrais vous remercier et, avec vous, l’ensemble du Gouvernement, notamment votre collègue ministre du travail, de l’emploi et de la santé, Xavier Bertrand, ainsi que le Premier ministre lui-même, qui ont suivi avec vous ce dossier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Maintenant, nous n’avons que quinze jours pour réussir. Renault, qui assure 85 % des commandes de l’entreprise, doit donc tenir ses engagements. (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)

L’équipement technique de la Fonderie du Poitou Aluminium est performant. Quant aux 485 salariés, ils ont fait la preuve, dans une crise difficile, de qualités humaines et d’un sens des responsabilités exceptionnels. Ils méritent que nous soyons à leurs côtés !

M. Luc Carvounas. Et Gandrange ?...

M. Jean-Pierre Raffarin. L’outil est performant, les salariés sont professionnels, ils sont responsables.

Aujourd'hui, le grand groupe qu’est Renault peut passer les commandes nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Surtout, il peut conforter le repreneur, dont nous avons quinze jours pour finaliser le dossier. À cet égard, Renault est indispensable pour ménager une perspective à cet entrepreneur.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre engagement. Je compte sur vous et sur votre pression pour que Renault ne se sente pas innocent quant à l’avenir de la Fonderie du Poitou Aluminium et pour que nous puissions aller au bout de ce dossier. Les salariés le méritent ; le territoire rassemblé derrière cette entreprise performante le mérite également ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.-. Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Didier Boulaud. Ségolène va s’en occuper !

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.

M. Jean-Claude Gaudin. Il aura sans doute compris le message !

M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, vous connaissez la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier : elle est totale. Depuis la table ronde qu’à votre demande nous avons organisée avec les élus et les syndicats, le 27 octobre dernier, nous avons bien avancé.

Tout d'abord, nous avons fait réaliser un audit indépendant, dont les résultats ont été présentés hier aux salariés. Vous le savez, ces résultats sont bons ! Ils montrent que la Fonderie du Poitou Aluminium a des atouts, mais qu’elle doit diversifier ses débouchés.

Nous avons également mobilisé le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles pour qu’il contacte des candidats à la reprise et examine les possibilités de constituer un nouveau tour de table.

Enfin, vous l’avez dit, Carlos Ghosn, président de Renault, a pris, fin octobre, deux engagements très importants : d’une part, le constructeur automobile continuera à s’approvisionner à la Fonderie du Poitou Aluminium ; d’autre part, il assurera le plan de charges du repreneur potentiel.

Ces engagements ont été tenus. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) Ils ont permis la poursuite de l’activité du site et nourrissent les discussions avec les candidats à la reprise.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela s’est fait grâce à la mobilisation des salariés !

M. Éric Besson, ministre. Vous le savez, le marché automobile européen et français a subi un ralentissement ces dernières semaines. Les chiffres publiés ce matin montrent, pour le mois de novembre, une baisse du nombre des immatriculations de 7,5 % en France et, malheureusement, de 14 % pour ce qui concerne Renault.

Ce contexte pèse évidemment sur les besoins du constructeur automobile et sur les volumes de ses commandes à la Fonderie du Poitou Aluminium. Toutefois, en fin de semaine dernière, Carlos Ghosn m’a de nouveau confirmé les engagements qu’il avait pris personnellement.

Ainsi, Renault maintient et maintiendra pleinement la part de la Fonderie du Poitou Aluminium dans ses approvisionnements et, malgré la conjoncture, veillera à assurer un niveau de commandes et à trouver des solutions de trésorerie garantissant le fonctionnement courant du site, comme cela nous était demandé. En outre, Renault reste pleinement engagé dans la recherche d’un repreneur.

Tous ses engagements ont été rappelés par le constructeur devant le tribunal de commerce de Nanterre. Ils ont permis de prolonger la période de redressement judiciaire et garantissent la poursuite de l’activité.

Comme vous l’avez très bien dit, il nous reste maintenant à convaincre un repreneur, dans une conjoncture malheureusement maussade. Je vous le confirme : nous activons et activerons pour cela tous les soutiens publics existants, afin de donner à la Fonderie du Poitou Aluminium un avenir industriel solide. Comme vous, j’estime qu’elle le mérite ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Et Molex ?...

violences aux femmes

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Elle porte sur les violences faites aux femmes, sujet d’une actualité quotidienne.

En effet, pas une semaine ne se passe sans que l’on apprenne, dans la presse régionale de Rhône-Alpes, la mort d’une femme à la suite des violences de son conjoint.

La loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a été votée par notre Haute Assemblée à l’unanimité, dans le but essentiel de protéger les victimes.

Une des innovations majeures de cette loi est la création d’un délit de violences psychologiques au sein du couple. Ces violences se définissent comme la mise en place progressive, par un conjoint manipulateur destructeur, de mécanismes de dévalorisation systématique, de totale emprise. La victime se trouve peu à peu dans une situation de dépendance affective, sociale et financière qui lui fait perdre repères et autonomie, et qui la tue à petit feu.

Je tiens à souligner que, en matière de violences psychologiques, si les victimes sont essentiellement des femmes, des hommes sont aussi concernés.

Monsieur le garde des sceaux, il semble qu’il soit très difficile aux policiers, aux gendarmes, aux médiateurs ainsi qu’aux magistrats eux-mêmes, d’appréhender ce qu’est un conjoint manipulateur destructeur et les préjudices qu’il cause à toute sa famille.

La brigade de protection de la famille de la gendarmerie de Lyon a établi un questionnaire de grande qualité, permettant, dans le cadre d’une enquête de flagrance et du procès-verbal d’audition de la victime, d’identifier cette caractéristique particulière de la violence conjugale.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu, depuis la promulgation de la loi, une généralisation de cet outil ?

Pourquoi n’y a-t-il pas eu une sensibilisation accrue et une formation spécifique des professionnels de police et de justice ?

Pourquoi le délai moyen entre la demande de protection et le prononcé de la décision demeure-t-il encore de vingt-six jours, délai largement suffisant pour que la victime soit agressée et même tuée ?

Enfin, pourquoi le bracelet électronique, qui doit assurer une meilleure protection de la victime, n’a-t-il été mis en place que quatre fois en quinze mois ? (Bravo ! et applaudissements sur un grand nombre de travées.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Dini, la lutte contre les violences conjugales est une priorité portée par l’ensemble des membres du Gouvernement, notamment par ma collègue Roselyne Bachelot-Narquin, mais elle est aussi une ardente obligation pour le garde des sceaux.

Notre arsenal législatif est l’un des plus complets d’Europe. À cet égard, la loi du 9 juillet 2010 constitue une avancée très significative : elle a notamment étendu la répression pénale aux violences psychologiques, au harcèlement et aux violences au sein du couple.

Les instructions de politique pénale que j’ai adressées aux procureurs sont claires : les parquets assurent un traitement en temps réel et prioritaire de toutes les violences intrafamiliales, y compris de nature psychologique, et leur apportent une réponse pénale systématique. (Mme Maryvonne Blondin proteste.)

Je veux souligner devant vous la sévérité de la réponse pénale. Le nombre des condamnations a augmenté de plus de 93 % entre 2004 et 2009. Dans huit cas sur dix, ces violences sont sanctionnées d’un emprisonnement, ferme ou avec sursis. Enfin, le taux d’application des peines planchers pour les récidivistes est, en cas de violences conjugales, largement supérieur à ce qu’il est pour les autres infractions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’ordonnance de protection n’est pas mise en œuvre !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Par ailleurs, s’agissant de la formation des magistrats, je peux vous assurer que les magistrats suivent des cours spécifiques portant sur ces infractions, soit en formation initiale, à l’École nationale de la magistrature, soit en formation continue. Ils étudient les textes applicables à ce contentieux, travaillent sur des cas pratiques, procèdent à des simulations d’audiences.

Chaque année, une session sur les violences conjugales est proposée, au titre de la formation continue, à soixante-dix magistrats et à cinquante autres professionnels – notamment des policiers et des gendarmes –, qui étudient le phénomène d’emprise et la prise en charge des victimes. J’ai également demandé que des formations sur les violences conjugales soient proposées dès 2012 dans toutes les cours d’appel.

Enfin, vous l’avez souligné, l’auteur de violences conjugales graves peut être placé sous surveillance électronique mobile. Aujourd'hui, sept mesures seulement ont été prononcées en ce sens, l’encadrement juridique étant extrêmement strict. Dès janvier 2012, nous expérimenterons à Aix-en-Provence, à Amiens et à Strasbourg un nouveau système qui permettra le déclenchement immédiat d’une alarme lorsque le porteur d’un bracelet s’approchera de sa victime. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP. – Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

économie et europe

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Yves Leconte. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Le 9 juillet 2007, Nicolas Sarkozy s’invite au conseil des ministres des finances de l’Union européenne. Son objectif ? Obtenir une « application intelligente et dynamique du pacte de stabilité », en d’autres termes, creuser le déficit au-delà de ce que permettent les traités européens.

Cette recherche de complaisance arrange beaucoup de gouvernements, dont celui de M. Caramanlis, le Premier ministre grec de l’époque, lequel allait bientôt laisser son pays dans l’état que l’on sait. Petits arrangements entre complices…

Le nouveau Président de la République revient à Paris et met en place sa politique. Son axe majeur ? Libérer les plus fortunés d’une grande partie de leurs obligations fiscales, affaiblissant significativement les recettes de l’État et aggravant les déficits.

M. Sarkozy nous parle maintenant d’une pseudo-règle d’or. Mais M. Sarkozy a toujours pratiqué la « gestion de plomb » ! Pas moins de 10 points de dette rapportés au PIB, lorsqu’il était ministre du budget de M. Balladur ; 1,5 point quand il était ministre des finances ; plus de 20 points, en cinq ans à l’Élysée !

À lui seul, M. Sarkozy porte la responsabilité de 40 % de l’endettement du pays ! (Vives protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Yves Leconte. Rappelons que, depuis quinze ans, seul le gouvernement de Lionel Jospin a désendetté la France. (Protestations redoublées sur les mêmes travées.)

En avril 2010, le nouveau gouvernement grec découvre l’ampleur du gouffre : les déficits sont réévalués, et une première demande d’aide internationale est formulée.

La réaction de M. Sarkozy est-elle alors d’aider la Grèce ? Pas vraiment ! Sa préoccupation est de faire en sorte que la Grèce honore tous ses engagements auprès des banques, même lorsque les prêts sont consentis à des taux inacceptables et prennent en compte le risque de défaut du pays. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Pendant dix-huit mois, et alors que la pression se fait de plus en plus forte, le gouvernement français ne prend pas la mesure des choses. Sa position ? Ne pas hésiter à endetter les contribuables européens pour s’assurer que la Grèce ne fasse pas défaut auprès des banques. (Protestations continues et croissantes sur les travées de l’UMP.)

En défendant les intérêts de ces banques, en tenant un discours opposant la zone euro au reste de l’Union européenne, en refusant la mise en place d’une gouvernance plus démocratique de l’euro au profit d’un directoire avec Angela Merkel, le Gouvernement a provoqué un tsunami qui peut aujourd’hui emporter l’ensemble de l’Union européenne. (On scande « La question ! » sur les travées de l’UMP.)

Aucune solution ne saurait être viable sans un renforcement du contrôle démocratique sur les politiques économiques, budgétaires et fiscales, politiques qui doivent aujourd’hui être davantage mutualisées, et ce dans l’ensemble de l’Union européenne.

Mme Chantal Jouanno. Et où sont les propositions fiscales du PS ?

M. Jean-Yves Leconte. Responsabilité, solidarité, nouvelle gouvernance : voilà ce qui devrait guider aujourd’hui l’action du Gouvernement ! (Le brouhaha sur les travées de l’UMP couvre par moment la voix de l’orateur.) L’austérité que vous prônez aujourd'hui n’est pas une politique ; ce n’est qu’une posture face aux marchés ! (La voix de l’orateur se fait plus forte à mesure que le brouhaha croît sur les travées de l’UMP.)

Monsieur le ministre, face à la faillite qui s’annonce,…

M. François Grosdidier. C’est terminé ! La question !

M. Jean-Yves Leconte. … allez-vous mettre le peuple français sous tutelle, conduisant Mme Merkel à définir « par effraction » notre politique, en acceptant, sous la contrainte,…

M. Jean-Yves Leconte. … lors du prochain Conseil européen, des engagements qui préempteraient le grand débat démocratique attendu par tous en 2012 ? Le Gouvernement serait-il à ce point saisi de panique sur les conséquences de sa propre politique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie.

M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Leconte, je vous prie de m’en excuser par avance, mais je ne suis pas certain d’avoir compris…

M. Didier Boulaud. C’est peut-être là le problème !

M. François Baroin, ministre. … l’intégralité de vos propos. (Applaudissements et hilarité sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était très clair !

Mme Annie David. C’est insultant !

M. François Baroin, ministre. J’ai enregistré un léger manque de nuance dans l’appréciation que vous portez sur la politique menée par le Gouvernement depuis 2007. (Sourires sur les travées de lUMP et de lUCR.)

J’ai également noté la relative modération de votre engouement pour la période 1997-2002.

Je vais m’efforcer de rappeler deux ou trois idées simples.

Premièrement, la France, comme tous les autres pays du monde, traverse la crise économique et financière la plus grave depuis la guerre.

M. Didier Boulaud. Vous ne comprenez pas ce qui nous arrive !

M. François Baroin, ministre. Deuxièmement, nous connaissons actuellement une réplique des deux crises mondiales dont l’épicentre était situé aux États-Unis, à savoir la crise américaine et la crise bancaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les dividendes se portent très bien !

M. François Baroin, ministre. Ces crises ont amené les États aux économies avancées, singulièrement à l’intérieur de la zone euro, à accepter une chute de leurs recettes, en faisant jouer les amortisseurs sociaux pour protéger notre modèle social et préserver les plus démunis,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Amortisseurs sociaux ? Modèle social ? Vous cassez tout !

M. François Baroin, ministre. … en acceptant la mise en place de plans de relance, donc une aggravation des déficits pour soutenir l’économie.

M. Didier Boulaud. Tout va bien, alors !

M. François Baroin, ministre. C’est si vrai que la France connaît une récession deux fois moins importante que l’Allemagne, et elle en est sortie plus vite que son voisin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le chômage augmente à toute vitesse !

M. François Baroin, ministre. C’est si vrai que notre pays a enregistré un rebond de croissance, lequel démontre la pertinence de la stratégie suivie depuis deux ans. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Oui, nous pouvons considérer que le pari d’investissement sur l’avenir du grand emprunt, l’acceptation de l’effondrement des recettes, sans augmentation concomitante des impôts…

M. Yves Rome. Des taxes, toujours plus de taxes !

M. François Baroin, ministre. … mais associé au maintien du financement de la protection sociale, sont les axes d’une stratégie qui a préservé le pouvoir d’achat des Français.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On dénombre 14 millions de pauvres, 10 % de chômeurs ! Le pouvoir d’achat des Français baisse !

M. François Baroin, ministre. Reste que la question du grand rendez-vous que vous posez, monsieur Leconte, est importante.

Nous devons tirer les leçons de ces crises à répétition ; nous devons modifier la gouvernance de l’euro.

M. Didier Boulaud. La seule solution, c’est de changer d’équipe !

M. François Baroin, ministre. C’est chose faite avec notamment la mise en œuvre du six pack, c'est-à-dire des six textes destinés à instaurer un dispositif préventif pour corriger les déséquilibres macroéconomiques à l’intérieur de la zone euro ainsi qu’une convergence budgétaire et fiscale à l’intérieur des budgets de la zone euro. Surtout, grâce à ces textes, les chiffres seront plus sincères, ce qui permettra à chacun d’avoir une vision globale et de se coordonner avec l’ensemble du dispositif.

M. Didier Boulaud. Il faut changer d’entraîneur !

M. François Baroin, ministre. Au cours des deux jours qui viennent de s’écouler, des avancées significatives ont été enregistrées à Bruxelles.

M. François Baroin, ministre. La zone euro a accepté le décaissement de la sixième tranche de soutien à la Grèce et a fait de même pour l’Irlande. Cela donne donc de la profondeur de champ.

Le Fonds européen de stabilité financière, même si son action est difficile, est également sur une trajectoire vertueuse.

Hier, au nom du Gouvernement français, j’ai salué la décision importante relative à la coopération des banques centrales européennes, pour garantir l’accès aux liquidités de tous les établissements bancaires.

M. Didier Boulaud. Oui, tout va bien !

M. Alain Néri. Et le troisième plan de rigueur, c’est pour quand ?

M. François Baroin, ministre. Cette mesure va dans la bonne direction. Les propositions franco-allemandes que présenteront ce soir le Président Nicolas Sarkozy et demain la Chancelière Angela Merkel permettront, je le crois, de franchir un pas important la semaine prochaine lors du Conseil européen. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

fraudes

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Pour celles et à ceux qui en douteraient encore, la campagne de l’élection présidentielle a bien débuté, comme l’attestent les déclarations récurrentes des différents membres du Gouvernement concernant la fraude sociale.

Comme avant chaque échéance électorale, vous usez de tous les artifices pour opposer nos concitoyens entre eux, pour faire naître la suspicion. Le ressort est bien connu : tenter de faire croire que l’autre est un fraudeur potentiel, afin de justifier des mesures toujours plus injustes, comme les déremboursements, l’instauration d’une journée de carence pour les fonctionnaires, la réduction du montant des indemnités maladie...

Le fait d’instiller un tel doute vous permet également d’affaiblir notre protection sociale, définie par le Gouvernement comme étant la plus généreuse au monde. Non, notre système n’est pas généreux ; il est solidaire ! Les salariés, les retraités, les malades et les précaires, que vous stigmatisez, cotisent pour financer ce système (Exclamations sur les travées de lUMP.),…

M. Dominique Watrin. … et ce d’autant plus que la part de financement issu des cotisations patronales ne cesse de diminuer ! Et la différence ne s’arrête d’ailleurs pas là.

M. Dominique Watrin. La fraude aux prestations est condamnable, et nous la condamnons aussi.

M. François Grosdidier. Frauder, c’est voler !

M. Dominique Watrin. Toutes les études réalisées sur le sujet montrent que cette fraude représente 2 milliards d’euros, soit 0,5 % des prestations délivrées.

Mais, et vous le savez, dans tout ce que vous identifiez comme étant des fraudes, figurent nombre d’indus qui sont par la suite récupérés.

Si vous vous exprimez souvent sur ce sujet, vous vous montrez beaucoup plus silencieux sur une fraude tout aussi inacceptable et sans commune mesure avec celle dont je viens de parler, la fraude patronale. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non, c’est la vérité !

M. Dominique Watrin. Alors que vous qualifiez les salariés de « voleurs potentiels », les employeurs ne seraient, eux, que des tricheurs, des mauvais joueurs en somme. (Vives exclamations sur les mêmes travées.)

Pourtant, la fraude patronale représente, selon les mêmes rapports, jusqu’à 15 milliards d’euros de manque à gagner, c’est-à-dire sept fois plus que la fraude aux prestations, c’est-à-dire aussi un montant équivalent au déficit de la sécurité sociale pour 2012 !

Les Français ont peur pour leur économie, leur emploi, leur pouvoir d’achat. Ne détournez pas ces peurs pour mieux inciter à la stigmatisation des pauvres, et de l’Autre.

Ma question au Gouvernement est simple : quelles mesures concrètes entend-il prendre pour sanctionner réellement et sévèrement les employeurs peu scrupuleux et pour récupérer les sommes qu’ils volent à la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Je profiterai de mon intervention pour répondre à M. Leconte, qui a commis une petite inexactitude.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah non, répondez à M. Watrin !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur le sénateur, il est faux d’affirmer que Lionel Jospin a désendetté la France : entre 1997 et 2002, la dette de notre pays a augmenté de plus de 100 milliards d'euros ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Watrin, j’en viens à votre question.

Vous avez raison de dire que nos filets de protection sociale n’ont jamais été aussi solides. Vous le savez, les dépenses sociales de l’État ont augmenté de 37 % depuis le début du quinquennat.

Nous avons augmenté les minima sociaux, l’allocation aux adultes handicapés de 25 %,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas croyable !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … le minimum vieillesse de 25 %. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Nous avons créé le revenu de solidarité active, véritable bouclier social pour les plus fragiles. (Protestations continues sur les mêmes travées.)

Face à ce modèle social généreux (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.) que nous assumons, que nous défendons, que le Président de la République n’a cessé de renforcer, nous n’acceptons pas la fraude, parce que, mesdames, messieurs les sénateurs, la fraude, c’est du vol, et parce que la fraude met à mal le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de l’UCR.)

M. Didier Boulaud. Bettencourt !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Répondez à la question !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Watrin, contrairement à ce que vous affirmez, il n’y a pas, d’un côté, les petits fraudeurs et, de l’autre, les gros.

Nous nous montrons aussi implacables vis-à-vis de la fraude aux prestations sociales, soit 60 % de la fraude détectée, que de la fraude imputable aux employeurs qui recourent à des salariés clandestins, soit 40 % de la fraude détectée.

Nous sommes tout aussi impitoyables à l’égard des fraudeurs fiscaux qui refusent de payer leur dette au fisc.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne vous croit !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous parlons de 16 milliards d'euros de redressements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous n’en avez pas parlé, monsieur le sénateur ! Cela fait 1 milliard d'euros de plus par rapport à 2009.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un milliard d'euros sur vingt-deux !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, la lutte contre la fraude sociale est notre priorité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que faites-vous ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Oui, nous avons renforcé les règles permettant de détecter les fraudeurs, qu’il s’agisse des employeurs indélicats, des utilisateurs frauduleux de la carte Vitale, des usurpateurs d’identité, des faux parents isolés.

Nous ne voulons pas de fraudeurs dans la République ! Et, monsieur Watrin, face à la fraude, seule la répression donne des résultats, qu’il s’agisse des employeurs, des fraudeurs sociaux ou des fraudeurs fiscaux. Telle est la politique de notre gouvernement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un cheval, une alouette !

corse

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Ma question s'adressait à M. le ministre de l’intérieur.

Mardi 8 novembre, quatorze heures, un assassinat en Haute-Corse ; seize heures, un assassinat en Corse-du-Sud, à Propriano ; dix-huit heures trente, une tentative d’homicide sur trois personnes au cours de laquelle un enfant est blessé.

Telle est la sinistre litanie à laquelle est habituée la société corse.

Toutefois, parmi les vingt assassinats et les dix-sept tentatives d’homicide comptabilisés d’une manière notariale pour l’année 2011 à ce jour, et ce pour une région française qui compte 300 000 habitants, il en est un au moins dont on connaît les auteurs, je veux parler de l’organisation clandestine du FLNC.

Au-delà des trente-huit attentats, des vingt-neuf personnes prises en otage, que j’évoque pour mémoire, le FLNC affirme, dans une revendication macabre, avoir « rendu un acte de justice, car il faut être implacable avec les groupes mafieux », le mafieux, bien entendu, étant toujours l’autre.

Mes chers collègues, je vous laisse le soin de mesurer l’outrage fait ainsi à l’État : on s’érige à la fois en juge et en bourreau !

En vérité, l’argent, la cupidité, la volonté de mettre en coupe réglée une région – à dessein, je ne dis pas « un territoire » – sont généralement les seules causes de cette spirale mortifère.

N’ayant jamais partagé les gémissements des droits-de-l’hommistes ni considéré la juridiction interrégionale de Marseille comme une juridiction d’exception, j’ai l’originalité de n’avoir jamais changé d’avis et d’avoir répété depuis toujours que ces crimes, quels qu’en soient les auteurs ou les causes, ne souffraient aucune excuse, et que la place de leurs auteurs était en prison.

Je conviens que la tâche du ministre de l’intérieur est difficile dans un pays où la société civile préfère souvent jeter un regard à gauche pour éviter de voir ce qui se passe à droite – on peut la comprendre, compte tenu des défaillances de l’État depuis vingt ans, et la loi du silence ne saurait servir d’alibi au pouvoir –, mais je redoute, au moment où la présence de l’État se dissout peu à peu, au moment où la majorité régionale de gauche s’apprête à proposer de nouvelles réformes constitutionnelles, peut-être sur le modèle calédonien, oui, je redoute que la Corse ne soit appelée, avec la disparition de l’État, à connaître une sinistre période.

Or l’État peut et doit se ressaisir. Par la réactivation du pôle financier, en sommeil depuis quelques années, par des contrôles fiscaux, par de stricts contrôles de police, qui existent déjà certes, mais qui doivent être amplifiés, il dispose des moyens nécessaires pour s’investir de nouveau. Demeure une question : le veut-il ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Claude Guéant, qui est retenu au G6 des ministres de l’intérieur.

M. Didier Boulaud. Il est en train de vendre des Rafale !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je m’exprime en cet instant en son nom, mais aussi au nom du Gouvernement tout entier.

Monsieur Alfonsi, je tiens à vous dire combien nous sommes choqués, comme chacun au sein de la Haute Assemblée, par les violences qui ont ensanglanté la Corse.

M. Jean-Louis Carrère. Et vous n’y pouvez rien ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous sommes choqués par le communiqué signé du FLNC,…

M. Jean-Louis Carrère. Il ne faut pas vous contenter d’être choqués ; il faut agir !

Mme Valérie Pécresse, ministre. … faisant l’apologie de la violence et des règlements de compte.

Nous le savons, on est ici à la frontière avec le grand banditisme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la République n’accepte pas ces violences, et je salue le fait que l’Assemblée de Corse se soit prononcée à l’unanimité contre ces actes.

Nous ne pouvons pas rester inactifs, nous agissons, et les résultats sont là. Claude Guéant a donné des instructions fermes pour que soit rétabli l’ordre sur tout le territoire national, notamment en Corse.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Depuis dix ans, on observe une baisse régulière des attentats et de la violence clandestine sur l’île. Vous le savez, monsieur Alfonsi, en 2002, on enregistrait en Corse 300 attentats ; aujourd'hui, ce chiffre, encore trop élevé, j’en conviens, n’est plus que de 61.

En Corse, le nombre d’homicides est également en forte baisse sur la même période. En 2001, on a dénombré 156 tentatives d’homicide contre 32 en 2010.

Rien de tout cela n’est dû au hasard. C’est le résultat de l’action résolue et déterminée des forces de sécurité. Ainsi, près de 1 300 interpellations ont été effectuées par la police et la gendarmerie depuis 2002. Le travail des forces de l’ordre est minutieux, de longue haleine ; il nécessite détermination et constance. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande, au nom de Claude Guéant, de faire en sorte que ce travail soit soutenu par l’ensemble des forces politiques de l’île et, au-delà, de France. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

bilan de la politique agricole

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’ensemble de nos agriculteurs et saluer l’initiative du Président de la République qui, lors de son déplacement dans le département du Gers avant-hier, a su trouver les mots justes pour leur parler et les assurer qu’il les avait compris.

M. Jean-Jacques Mirassou. Laissez le Gers tranquille !

M. Marc Laménie. Dans le contexte économique de crise grave que connaît le monde, l’Europe et plus particulièrement la France, nos agriculteurs constituent une catégorie qui n’a pas été épargnée, loin s’en faut, et à de multiples reprises.

Des conséquences de la sécheresse et des intempéries à celles des crises sanitaires, de la spéculation sur les matières premières à l’évolution de la politique agricole commune, il a fallu soutenir notre agriculture à l’intérieur du pays comme au plan international. Lorsque des difficultés se sont fait jour, des réponses ont pu être apportées. Ce sont aussi les bases d’un nouveau modèle d’agriculture que vous avez promues avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, témoignage essentiel du souci permanent porté aux agriculteurs et à la ruralité.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous rappeler les temps forts qui ont ainsi rythmé votre action depuis deux ans ? Surtout, pouvez-vous nous dire quelles seront les prochaines initiatives que vous comptez prendre en faveur de notre agriculture, afin d’assurer l’avenir du monde rural ?

Je souhaiterais enfin, concernant l’annulation par le Conseil d’État de la clause de sauvegarde suspendant la culture du maïs génétiquement modifié Monsanto 810 et le maintien de votre opposition à sa culture, que vous puissiez nous dire vers quelle solution vous vous dirigez. En effet, s’il s’agit, comme l’a rappelé le Président de la République, de ne pas fermer la porte au progrès, tout en ayant le souci de ne pas faire courir de risques à la santé des consommateurs, restons bien dans le cadre d’une agriculture conciliant les impératifs de compétitivité et de développement durable. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur Laménie, je souhaite profiter de votre question pour rendre hommage au travail exceptionnel de tous les agriculteurs français au service de notre économie et de notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

C’est grâce aux paysans français que nous avons repris cette année la première place en matière de production viticole mondiale.

M. Pierre Hérisson. Eh oui ! C’est bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est grâce aux paysans français que nous allons cette année enregistrer plus de 7 milliards d’euros d’excédents de notre balance commerciale extérieure, sur l’industrie agroalimentaire.

Et c’est grâce à nos paysans français que nous maintenons de l’emploi, de l’activité et, pour tout dire, de la vie jusque dans les territoires les plus reculés de la République. Dans les zones de montagne, dans les zones difficiles, il reste des exploitations rurales qui sont garantes de vie et d’activité pour tous nos concitoyens.

M. Jean-Louis Carrère. En montagne, de moins en moins !

M. Bruno Le Maire, ministre. Bien entendu, il s’agit maintenant de préserver et de développer cet atout économique majeur pour notre pays. Cela passe par une stratégie qui repose sur trois axes très simples.

Le premier axe, que nous défendons depuis le début, est celui de la qualité des produits agricoles français, et la diversité est une des composantes de cette qualité. C’est pour cette raison que nous refusons, avec le Président de la République, la culture du Monsanto 810 sur nos territoires. C’est pour cette raison aussi que nous prendrons, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, la clause de sauvegarde nécessaire afin que le maïs Monsanto 810, qui continue de créer des difficultés environnementales, ne soit cultivé en aucun point du territoire français.

Le deuxième axe de notre stratégie est l’organisation de nos filières agricoles pour améliorer leur compétitivité, que nous avons trop souvent négligée. En les réorganisant, en rassemblant les producteurs, en faisant en sorte qu’ils travaillent mieux avec les industriels et les distributeurs, nous permettons à tous les paysans d’avoir un meilleur revenu et de mieux valoriser leurs produits.

M. Didier Guillaume. Cela ne marche pas très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le troisième et dernier axe est, bien entendu, la défense de la politique agricole commune.

Quand j’ai été nommé ministre de l’agriculture, c’est un budget en baisse de 30 % que la Commission avait mis sur la table des négociations pour la période 2014-2020. Cela aurait voulu dire, pour chaque paysan français, 30 % de subventions en moins, la suppression de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, la suppression de la prime herbagère agro-environnementale, la suppression de la prime à la vache allaitante.

Nous nous sommes battus, nous avons négocié et, au bout de deux ans, nous obtenons, pour les paysans français, le maintien à l’euro près du budget de la politique agricole commune. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

chômage

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en l’absence de M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, ma question s’adresse à Mme la ministre du budget. (« Elle est partie » sur plusieurs travées du CRC.)

Madame la ministre, en un mois, l’effectif des demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de 34 400 personnes, pour atteindre désormais le chiffre record de 2,8 millions de chômeurs, ce qui représente une augmentation de 5 % par an. Pire, depuis 2007, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi est passé de 3,2 millions à 4,2 millions.

Le vrai bilan du Gouvernement, madame la ministre, est là : un million de chômeurs de plus ! Cela fait de Nicolas Sarkozy le président du chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Protestations sur les travées de lUMP.) C’est la vérité !

Et ne me dites pas que c’est la faute à la crise, ce serait trop facile.

M. François Grosdidier. Mais non, bien sûr, il n’y a pas de crise !

M. Claude Bérit-Débat. La crise n’explique pas tout. Elle pèse, c’est une évidence, mais elle ne saurait vous exonérer de votre responsabilité.

C’est particulièrement vrai dans l’industrie où, en l’absence d’une véritable politique, nous perdons depuis dix ans plus de 80 000 emplois par an…

Mme Chantal Jouanno. Merci les 35 heures !

M. Claude Bérit-Débat. … et beaucoup plus, malheureusement, cette année, si j’en crois la vague de plans sociaux annoncés ces derniers jours.

Le président Sarkozy avait promis un taux de chômage en dessous de 9 % à la fin de son quinquennat. Il sera, selon l’OCDE, de 10,4 %.

C’est un échec politique, et un véritable drame pour ces millions de Français plongés dans les difficultés.

M. François Grosdidier. Et quel taux en Espagne ?

M. Claude Bérit-Débat. Face à cela, qu’a fait le Gouvernement pour l’emploi pendant tout ce temps ? (Rien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Vous avez démantelé les dispositifs de chômage partiel ; vous avez supprimé 15 000 contrats aidés ; vous avez défiscalisé les heures supplémentaires, et vous réduisez maintenant de 12 % le budget de l’emploi.

Voilà ce que vous avez fait !

Mme Chantal Jouanno. Et les 35 heures ?

M. Claude Bérit-Débat. Il serait souhaitable que vous vous décidiez enfin à agir pour l’emploi. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Les solutions existent.

Pour faire baisser le chômage, la France a besoin d’une politique industrielle ambitieuse, d’un soutien aux PME qui innovent, d’une politique de formation efficace et d’une croissance retrouvée.

Depuis 2007, vous avez échoué sur chacun de ces points.

Ma question est donc simple, madame la ministre, si du moins vous restez pour me répondre : au lieu de promettre et d’annoncer, comptez-vous enfin assumer et agir ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Bérit-Débat, je vous demande de bien vouloir excuser Xavier Bertrand, qui m’a priée de vous répondre.

M. Gaëtan Gorce. Où est passée Mme Pécresse ? Ni François Baroin ni Valérie Pécresse ne sont plus là ! Quel manque de respect pour le Sénat ! L’attitude du Gouvernement est scandaleuse !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je vous le dis tranquillement mais fermement, votre présentation est si caricaturale qu’elle perd toute crédibilité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

La vindicte ou la polémique sont bien inutiles ici, et je ne veux pas me livrer à ce jeu sur le dos de nos concitoyens, que nous essayons de protéger de toutes nos forces. (Protestations renouvelées sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, 10 % de chômeurs !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je souhaite rappeler un certain nombre de faits incontestables et de données objectives et vérifiables, car elles sont publiques.

La crise que nous traversons est historique dans son ampleur et internationale dans son étendue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Crise de quoi, exactement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Tous les pays occidentaux, tous, sont confrontés aujourd’hui au même problème. Lorsqu’on compare la situation de la France avec celle d’autres pays, on s’aperçoit que la politique de ce gouvernement a obtenu des résultats. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a plus de riches !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Depuis le début de la crise, le chômage a augmenté dans notre pays de 29 %, oui, mais, dans le même temps, il s’accroissait de 70 % au États-Unis (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EEL.), de 102 % en Espagne et de 40 % dans les pays de l’OCDE.

M. David Assouline. Et en Allemagne ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, ces chiffres vous montrent à quel point la politique de ce gouvernement a permis à la France de mieux résister que d’autres pays.

Voilà pour le présent. Mais parlons, si vous le voulez bien, de l’avenir.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne l’emploi, quelles perspectives proposez-vous à la France, et notamment aux jeunes ?

Ce gouvernement, plus particulièrement Xavier Bertrand et Nadine Morano, s’efforce de développer les formations en alternance et l’apprentissage,…

M. Claude Bérit-Débat. Ce n’est pas vrai !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … parce que l’apprentissage, c’est l’autonomie et l’indépendance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ce sont les régions qui paient !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. C’est se prendre en main, soit exactement le contraire de la solution que vous proposez, ces 300 000 emplois-jeunes subventionnés par l’État !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les diplômés qui sont au chômage, vous en faites quoi ? Vous les mettez en alternance ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. On se demande bien d’ailleurs comment vous pourriez les financer.

Au fond, avec les emplois-jeunes, vous voulez maintenir cette partie de la population dans la dépendance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Les jeunes n’échapperont à la dépendance à l’égard de leurs parents que pour tomber dans une autre dépendance, cette fois-ci à l’égard de l’État.

Au fond, sur l’emploi comme sur le reste, nous essayons de tenir un discours de vérité pour préparer la France à ce nouveau monde qui s’impose à nous. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

sécurité

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, c’est un plaisir pour moi de vous poser cette question, mais, au moment où j’entends parler de « cafouillage », je m’interroge.

N’y a-t-il pas quelque « cafouillage » de la part du Gouvernement à offrir au Parlement, alors qu’une séance de questions d’actualité se prévoit fort longtemps à l’avance, le spectacle d’un banc des ministres très clairsemé, d’où les uns et les autres s’éclipsent progressivement pour ne pas honorer de leur présence ce moment essentiel dans la vie parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Je le regrette infiniment.

M. François Grosdidier. Et Guérini ? Où est-il ?

M. Jean-Louis Carrère. Je m’apprête néanmoins, monsieur le ministre, à vous poser ma question. (Et Guérini ?sur plusieurs travées de l’UMP.)

J’évoquerai la sécurité, problématique d’importance. Vous le savez, le Président de la République nous a expliqué bien des fois que la sécurité constitue dans notre pays une question essentielle et que les Françaises et les Français y sont très attachés. Or j’ai le regret de vous le dire, mesdames, messieurs les ministres, et sans m’appuyer sur les différents rapports de la Cour des comptes, votre politique a échoué.

Je vais vous dire pourquoi, très brièvement.

Votre politique du chiffre – un œil sur les sondages, un autre sur l’extrême droite – n’est pas une bonne politique pour lutter contre l’insécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Je pense aussi, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, que le fait de ne pas avoir été élu, de ne pas maîtriser le terrain, de ne pas connaître les Françaises et les Français, et, sans paraphraser M. le président du groupe UMP, de ne pas être un « élu du terrain », n’aide pas le ministre de l’intérieur à répondre à ce légitime questionnement.

La fermeture de nombreuses brigades de gendarmerie, la fermeture de nombreux escadrons de gendarmerie, le rassemblement de ces deux forces, servent une politique du chiffre qui doit changer.

Une autre politique existe, au plus près du peuple, immergée au sein des populations, qui permettra de restaurer la confiance nécessaire.

Le ministre de l’intérieur doit en prendre conscience et changer de politique. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Ma question est simple : va-t-il vraiment changer de politique ? (Non ! sur plusieurs travées de l’UMP.) Ou bien va-t-il continuer de battre les estrades aux côtés du candidat Sarkozy, pour tenter de siphonner les voix de l’extrême droite ? Ce n’est pas sa place ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Vives exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Carrère, le Gouvernement est solidaire. Lorsqu’un ministre vous répond, c’est le Gouvernement qui vous répond.

M. Patrick Ollier, ministre. La Haute Assemblée peut sans doute le comprendre, les ministres sont au travail - je pense notamment à M. Guéant, qui participe à une réunion du G6 sur la sécurité -, pour mieux nous permettre de faire face aux problèmes que nous rencontrons en cette période de crise.

Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, certains ministres sont absents. Voilà pourquoi aussi nous sommes au Sénat aujourd’hui pour répondre à vos questions, et c’est un véritable bonheur, monsieur Carrère. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

S’agissant de la sécurité, vous avez beau répéter sans cesse des contrevérités, cela n’en fait pas pour autant une réalité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Patrick Ollier, ministre. Eh oui, monsieur Néri, des contrevérités ne font pas une réalité !

Je vous rappelle les chiffres.

Depuis 2002, la délinquance a diminué de 17 %. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Vous pouvez rire, ces chiffres sont vérifiables dans toutes les études statistiques !

Monsieur Carrère, permettez-moi d’établir un parallèle. À l’époque du gouvernement Jospin, la délinquance avait augmenté en cinq ans de 17,8 %. (M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.) Depuis 2008, elle a diminué de 17 %. Voilà les résultats ; ils sont incontestables. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je le dis au passage, cette diminution de 17 %, ce sont 500 000 victimes épargnées, 500 000 personnes en France qui ne souffriront pas, dans leur chair, d’agressions inqualifiables. Telle est la vérité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jean-Louis Carrère fait de nouveau un signe de dénégation.)

Depuis 2002, le taux d’élucidation s’est accru d’un tiers, passant de 26 % à 37 %. Un tiers de plus depuis 2007, ce sont aussi des faits incontestables.

Je rends hommage à la qualité du travail des forces de l’ordre, de la police scientifique et de la gendarmerie. Ce n’est pas parce que des réformes dans l’organisation de ces services sont rendues nécessaires par des mutations des territoires que la gendarmerie est pour autant moins efficace aujourd’hui qu’avant ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mais, je me tourne vers vous, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale : quelles propositions faites-vous ?

Vous proposez de désarmer les polices municipales… Voilà une solution originale !

Vous proposez de supprimer les peines planchers… (Marque de dénégation de M. Jean-Louis Carrère.) Voilà une mesure qui réduira l’insécurité !

Vous proposez de rétablir la police de proximité qui, hier, a été un échec. (Non ! et protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Et Mme Lebranchu a même expliqué qu’il fallait limiter à 47 000 le nombre de places de prison, alors que les 56 000 places actuelles sont déjà insuffisantes…

Voilà, monsieur Carrère, quelques exemples de ce qui est proposé de votre côté, à comparer à ce qui est fait par notre gouvernement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moins d’écoles, plus de prisons : c’est votre politique !

insécurité en guyane

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en l’absence du ministre de l’intérieur, ma question s'adresse au ministre chargé des relations avec le Parlement.

Ces dernières semaines, l’actualité des faits divers en Guyane a fortement heurté les consciences et mis la population tout entière en état de choc.

Plusieurs meurtres de type crapuleux, touchant des personnes parfois connues, ont été commis avec une sauvagerie monstrueuse et inédite. En Guyane, un aussi grand nombre d’actes sur une aussi courte période de temps est un fait sans précédent.

Après la violence prédatrice dite « sud-américaine », qui a atteint la Guyane depuis quelques années et dont le caractère paroxystique est, la plupart du temps, lié au fait que les auteurs sont sous l’emprise de stupéfiants, il semble qu’un nouveau cap soit en train d’être franchi, encore mal cerné, avec l’émergence d’une criminalité qui, jusqu’ici, était propre à la pègre des grandes agglomérations, européennes ou américaines.

Sur fond de crise économique et sociale excluant de manière sévère une part importante de la population, dont une écrasante majorité de jeunes, certains, particulièrement démunis et déterminés, cèdent à la tentation de l’argent facile.

Cette violence, qui nous renvoie tous à nos responsabilités éducatives et préventives à l’égard de l’ensemble du corps social, rend aussi nécessaires des dispositifs opérationnels de répression susceptibles de rassurer la population et dont l’État a l’entière responsabilité.

Dans le même temps – oui, dans le même temps -, la criminalité liée aux activités d’orpaillage clandestin est en recrudescence. Elle n’est plus cantonnée aux abords des sites d’exploitation, légaux ou non, mais semble frapper partout, et comme aveuglément.

Imaginez donc, monsieur le ministre, la stupeur collective de la population ! Face aux violences urbaines, à la violence sud-américaine et à la délinquance juvénile, les dispositifs existent, mais leurs résultats sont plus ou moins probants…

Comment comptez-vous faire face à cette nouvelle violence crapuleuse qui s’abat sur la Guyane ?

Et comment, et surtout quand comptez-vous, en ce qui concerne en particulier les crimes « aurifères » – permettez-moi de les appeler ainsi, faute d’une expression meilleure –, placer ce grand État qu’est le Brésil devant sa responsabilité à l’égard de ses ressortissants, par la ratification du traité signé par la France et le Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale et, surtout, la mise en place d’une vraie coopération économique, policière et judiciaire sauvegardant les intérêts de la Guyane ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, le Gouvernement connaît la part que vous prenez face à ces problèmes d’insécurité propres à la Guyane : l’orpaillage clandestin, l’immigration clandestine et la montée de la délinquance. Il suit de manière attentive leur évolution.

Je rappelle que le département de la Guyane possède une frontière commune de 1 250 kilomètres avec le Brésil et le Surinam. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, cette situation ne facilite pas la lutte contre l’insécurité.

Dans le contexte mondial d’augmentation du cours de l’or, nous assistons bien sûr à une intensification de l’orpaillage clandestin. L’opération Harpie, lancée en 2010, est donc devenue pérenne. Nous veillons à la poursuite de cette mission, dont nous avons d’ailleurs renforcé les moyens.

Une meilleure coordination entre les nombreuses forces de police et des armées a été mise en place. La création d’un état-major spécifique pour diriger la lutte contre l’orpaillage illégal permet d’améliorer la symbiose entre les gendarmes et les militaires de l’armée de terre.

L’ouverture, dès septembre 2010, d’un centre de coopération policière et douanière à Saint-Georges-de-l’Oyapock facilite aussi le travail commun avec le Brésil.

Vous avez eu raison, monsieur le sénateur, de rappeler qu’un accord avait été signé avec le Brésil. Parce que nous ne pouvons pas mener cette lutte sans le soutien des pays limitrophes, nous nous efforçons de renforcer la coordination entre la France, le Brésil et le Surinam.

L’accord signé en 2008 par le président Sarkozy et le président Lula sur la lutte contre l’orpaillage clandestin doit être ratifié. Je puis vous assurer que ce problème est au cœur des discussions entre la France et le Brésil.

Je le confirme, le Gouvernement poursuit ses efforts de lutte contre cette forme de délinquance ; soyez assuré qu’il est très vigilant et qu’il suit au jour le jour l’évolution de la situation.

Je profite de cette réponse à votre question, monsieur le sénateur, pour rendre hommage à l’action des forces de sécurité en Guyane, qui ne mesurent pas leur peine : elles s’engagent quotidiennement, et dans des conditions toujours particulièrement difficiles, face à des dangers très sérieux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’UCR.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez intérêt à leur rendre hommage… Avec tous les postes que vous leur supprimez !

tarif du gaz

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, mes chers collègues, le gaz est devenu, cette semaine, une question d’actualité.

En référé, le Conseil d’État a décidé de suspendre l’exécution de l’arrêté ministériel qui gelait les prix du gaz, donnant un mois au Gouvernement pour prendre un nouvel arrêté.

Le Conseil d’État s’est fondé sur une disposition législative prévoyant que les tarifs réglementés doivent couvrir les coûts d’approvisionnement, de transport, de distribution, de fourniture et de commercialisation du gaz.

Face à cette situation, deux questions doivent être traitées, les deux parfaitement contradictoires.

Tout d’abord, la sécurité de l’approvisionnement.

Depuis très longtemps, la France a opté pour la sécurité des approvisionnements, qui lui permet de faire face à ses engagements et obligations malgré une dépendance aux importations supérieure à 97 %.

Cela dit, comme les prix du gaz sont indexés sur ceux du pétrole, notamment du fioul lourd, l’avantage que représente la sécurité d’approvisionnement est largement annulé par la fragilité liée à l’envolée des cours du pétrole depuis 2008.

À ce propos, je ne saurais trop souligner combien l’abandon progressif du nucléaire nous exposerait,…

M. Charles Revet. Et voilà !

M. Jean-Claude Lenoir. … dans la mesure où la nécessité d’importer du pétrole pour alimenter des centrales thermiques à flamme renchérirait de façon considérable les prix, donc les tarifs de l’électricité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Cela m’amène à la seconde question, celle des prix et des tarifs réglementés en particulier, qui vient heurter la première, celle de la sécurité. Comment, en effet, sur la base de contrats à long terme, peut-on obtenir des prix qui n’augmentent pas quand les cours du pétrole augmentent, eux, rapidement ?

Je vous serais reconnaissant de nous indiquer, monsieur le ministre, dans le temps très court qui vous est imparti, quelles perspectives s’offrent à vous pour sécuriser les consommateurs de gaz, c’est-à-dire entre 12 et 13 millions de nos concitoyens, sans compter les entreprises industrielles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va être dur !

M. Jean-Claude Lenoir. Subsidiairement, une troisième question se pose, celle des conditions d’alimentation des ménages fragiles et démunis.

La gauche avait introduit le principe d’un tarif social de l’électricité, mais cette disposition législative était restée lettre morte. Il a fallu attendre le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour qu’elle soit mise en œuvre, de même que le tarif social du gaz a été mis en place par le gouvernement de François Fillon ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez privatisé GDF !

M. Jean-Claude Lenoir. Quelles initiatives envisagez-vous de prendre, monsieur le ministre, pour sécuriser l’ensemble des consommateurs, en particulier les ménages les plus fragiles ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.

M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le-visiblement-très-populaire-sénateur Jean-Claude Lenoir (Sourires.), vous avez rappelé à juste titre que la France, faute de ressources exploitées sur son territoire, dépendait en totalité de ses importations pour son approvisionnement en gaz.

Nous devons avoir en permanence cette donnée à l’esprit. Après la décision allemande de « sortir » du nucléaire –vous aurez noté les guillemets –, de nombreuses études ont établi que l’Union européenne, dans les années à venir, allait dépendre à 50 % de la Russie pour son approvisionnement en gaz…

Mme Laurence Rossignol. Le nucléaire, chez vous, c’est une obsession !

M. Éric Besson, ministre. Pour sécuriser ses approvisionnements, la France a fait le choix de contrats à long terme. Ces contrats de l’entreprise GDF Suez prévoient des prix, largement indexés sur les cours du pétrole, qui sont aujourd’hui plus élevés que le prix du gaz disponible sur le marché spot.

Parce que la protection du pouvoir d’achat des Français est une priorité du Gouvernement, nous avions décidé de geler le tarif du gaz pour les ménages et demandé à la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, de nous aider à préparer une nouvelle formule tarifaire, sur le fondement de l’expertise qui nous a été remise le 29 septembre dernier.

Le Conseil d’État a jugé que François Baroin et moi-même devions prendre des mesures tarifaires avant la fin du mois, compte tenu de la situation dans laquelle se trouvent, sur le marché français, certains concurrents de GDF Suez.

Nous y travaillons avec le souci d’éviter autant que possible toute augmentation des tarifs.

Différentes hypothèses sont sur la table. Après que nous aurons évalué les unes et les autres, le Premier ministre rendra un arbitrage, dans les jours à venir. Je ne puis donc pas répondre à votre question de manière très précise.

M. Gaëtan Gorce. Nous avions remarqué !

M. Éric Besson, ministre. Je vous rappelle que, pour protéger les ménages les plus modestes, nous avons créé en 2008 le tarif social du gaz. Nous l’avons revalorisé de 20 % en avril dernier. Il représente 140 euros pour une famille de deux enfants chauffée au gaz.

J’ajoute, pour finir, qu’on ne peut pas à la fois dénoncer les prix élevés du gaz et du pétrole et prendre, même par des voies déguisées, le chemin d’une sortie du nucléaire… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Tous les exemples étrangers montrent que sortir du nucléaire, c’est recourir massivement aux énergies fossiles : au gaz, au charbon et au pétrole ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Laurence Rossignol. Ce n’était pas la question !

M. Éric Besson, ministre. Le meilleur moyen de nous protéger contre l’augmentation du prix des énergies fossiles est de poursuivre dans la voie d’une politique d’indépendance énergétique reposant sur des économies d’énergie, sur les énergies renouvelables, mais aussi, ce que nous assumons totalement, sur l’énergie nucléaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

5

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, avant de vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents qui s’est réunie à quatorze heures trente aujourd’hui, jeudi 1er décembre 2011, je tiens à formuler un certain nombre d’observations.

Face au nombre d’amendements restant à examiner sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et susceptibles d’être déposés sur les articles non rattachés, la conférence des présidents nous propose de siéger éventuellement la nuit du samedi et, éventuellement, dimanche,…

M. David Assouline. Et la messe ?

M. le président. … à quatorze heures trente et le soir, pour la suite de l’examen des articles non rattachés.

Pour la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne, la conférence des présidents a décidé de porter, sur proposition du groupe UMP, d’une heure à deux heures la discussion générale et propose de prévoir, éventuellement, la suite de l’examen de ce texte vendredi 9 décembre, après-midi et soir, à la suite de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle.

Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé, en accord avec les groupes politiques, de programmer les scrutins pour l’élection des sénateurs appelés à siéger au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de la Cour de justice de la République le mardi 13 décembre 2011, à quatorze heures trente, ces scrutins ayant lieu en salle des conférences.

La conférence des présidents a donc établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

Vendredi 2 décembre 2011

À 9 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011 2012) :

- Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Provisions (une heure)

. compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État (+ articles 64 quater et 64 quinquies)

- Engagements financiers de l’État (zéro heure trente)

. compte spécial : accords monétaires internationaux

. compte spécial : avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

. compte spécial : participations financières de l’État

- Régimes sociaux et de retraite (zéro heure trente)

. compte spécial : pensions (+ articles 65 et 66)

- Remboursements et dégrèvements (zéro heure quinze)

À 14 heures 30 et le soir :

2°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Immigration, asile et intégration (une heure trente)

- Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 48, 48 bis et 48 ter) (trois heures trente)

. compte spécial : développement agricole et rural

- Conseil et contrôle de l’État (+ article 49 quater) (zéro heure trente)

- Pouvoirs publics (zéro heure quinze)

- Direction de l’action du Gouvernement (une heure)

. budget annexe : publications officielles et information administrative

Samedi 3 décembre 2011

À 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :

- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Sport, jeunesse et vie associative (une heure trente)

- Éventuellement, suite de la mission Relations avec les collectivités territoriales

- Éventuellement, suite de la discussion des missions et des articles rattachés reportés

- Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits

(Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés est fixé au vendredi 2 décembre, à 11 heures.)

Éventuellement, Dimanche 4 décembre 2011

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Suite de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits

Lundi 5 décembre 2011

À 10 heures, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Suite de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits

Mardi 6 décembre 2011

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Éventuellement, suite et fin de la discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits

- Explications de vote sur l’ensemble du projet de loi de finances

(Il est attribué un temps de parole forfaitaire et égal de dix minutes à chaque groupe et de cinq minutes à la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 5 décembre, avant dix-sept heures.)

Scrutin public à la tribune de droit

SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Mercredi 7 décembre 2011

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

1°) Proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, présentée par Mme Françoise Laborde et les membres du groupe RDSE (n° 56 rectifié, 2011-2012)

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 6 décembre, avant dix-sept heures ;

- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)

2°) Proposition de loi visant à punir d’une peine d’amende tout premier usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants, présentée par M. Gilbert Barbier et plusieurs de ses collègues (n° 57, 2011-2012)

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 6 décembre, avant dix-sept heures ;

- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)

À 18 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Débat préalable au Conseil européen du 9 décembre 2011 (demande de la commission des affaires européennes)

(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention de huit minutes à la commission des affaires européennes, à la commission de l’économie, à la commission des finances ainsi qu’à chaque groupe, cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 6 décembre, avant dix-sept heures.

À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole, deux minutes maximum, dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.)

Jeudi 8 décembre 2011

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif (n° 255, 2010-2011)

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mercredi 7 décembre, avant dix-sept heures ;

- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste-EELV :

2°) Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France (texte de la commission n° 143, 2011-2012)

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mercredi 7 décembre, avant dix-sept heures ;

- au lundi 5 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mercredi 7 décembre, matin.)

À 19 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Suite de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France

Vendredi 9 décembre 2011

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Suite de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 90, 2011-2012) (demande du groupe CRC)

À 15 heures et le soir :

2°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif (demande du groupe UMP)

3°) Proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXème siècle, présentée par M. Jacques Legendre (n° 54, 2011-2012) (demande du groupe UMP)

(Le Sénat a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, jeudi 8 décembre, avant dix-sept heures ;

- au jeudi 8 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements vendredi 9 décembre, à onze heures trente.)

4°) Suite éventuelle de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 13 décembre 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 1382 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre chargé des transports

(Création d’un échangeur sur l’autoroute A 26)

- n° 1384 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire

(Reconduction des contrats "mesures agro-environnementales territorialisées" dans les marais charentais)

- n° 1395 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

(Achats en ligne par les collectivités territoriales)

- n° 1396 de Mme Maryvonne Blondin à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

(Les fouilles au corps abusives)

- n° 1404 de M. Roland Courteau à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

(Point sur les violences conjugales)

- n° 1408 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

(Remise en service de matériel ferroviaire)

- n° 1409 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

(Dégradation de l’accès au service public de la santé dans les Hauts-de-Seine)

- n° 1413 de M. Christian Favier à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

(Maintien du service de chirurgie cardiaque du CHU Henri-Mondor à Créteil)

- n° 1415 de M. Éric Bocquet à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

(Suppressions d’emplois dans le secteur de la vente à distance)

- n° 1417 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

(Statut des membres d’un syndicat mixte compétent en matière d’aménagement du territoire)

- n° 1420 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

(Emprunts toxiques DEXIA)

- n° 1422 de M. Claude Domeizel à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

(Mauvaise santé financière des hôpitaux et projet de service de réanimation à l’hôpital de Manosque)

- n° 1427 de M. Philippe Darniche à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement

(Réalisation de l’autoroute A 831 Fontenay-le-Comte - Rochefort)

- n° 1442 de M. Thierry Repentin à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

(Avenir de la filière aluminium en France et négociation sur le coût de l’énergie)

- n° 1459 de M. Michel Berson à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

(Avenir du centre hospitalier sud francilien d’Évry)

- n° 1461 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam à M. le ministre chargé des transports

(Projet de « métro transmanche »)

- n° 1465 de M. Michel Teston à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

(Difficultés d’accès au crédit pour les collectivités locales)

- n° 1470 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé

(Politique d’urgence sociale à Paris et en Île-de-France)

- n° 1473 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

(Concurrence déloyale des auto-entrepreneurs avec les artisans)

À 14 heures 30 :

2°) Scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République

(Ces scrutins secrets se dérouleront dans la salle des conférences. Les candidatures devront être remises à la division de la séance et du droit parlementaire au plus tard lundi 12 décembre, à dix-sept heures.)

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 115, 2011 2012)

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 12 décembre, avant dix-sept heures ;

- au jeudi 8 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements mardi 13 décembre, matin.)

4°) Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (n° 130, 2011-2012)

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 12 décembre, avant dix-sept heures.)

5°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2011

(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 7 décembre, matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 12 décembre, avant dix-sept heures ;

- au vendredi 9 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mardi 13 décembre, à quatorze heures trente et à la suspension de l’après-midi.)

De 17 heures à 17 heures 45 :

6°) Questions cribles thématiques sur la compétitivité

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant douze heures trente.)

À 18 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

7°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi

Mercredi 14 décembre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011

Jeudi 15 décembre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin

Éventuellement, vendredi 16 décembre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011

Lundi 19 décembre 2011

À 15 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rémunération pour copie privée (n° 141, 2011-2012)

(La commission de la culture se réunira pour le rapport mercredi 14 décembre, matin ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 12 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, vendredi 16 décembre, avant dix-sept heures ;

- au vendredi 16 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements lundi 19 décembre, à quatorze heures quinze.)

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats judiciaires

(La commission des lois se réunira pour le rapport mercredi 14 décembre.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, vendredi 16 décembre, avant dix-sept heures ;

- au lundi 19 décembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements lundi 19 décembre)

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l’action du Sénat en matière de développement durable, présentée par M. Jean Pierre Bel, président du Sénat (n° 139, 2011 2012)

Mardi 20 décembre 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 4, 2011 2012)

3°) Projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à l’accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique (texte de la commission, n° 47, 2011 2012)

(Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;

Selon cette procédure simplifiée, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard vendredi 16 décembre, à dix-sept heures, que le projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)

4°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de l’accord monétaire entre la République française et l’Union européenne relatif au maintien de l’euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l’Union européenne (procédure accélérée) (A.N., n° 3857 rectifié)

(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 14 décembre, matin.

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 19 décembre, avant dix-sept heures.)

5°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2012

(La commission des finances se réunira pour le rapport jeudi 15 décembre, à neuf heures trente.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 19 décembre, avant dix-sept heures ;

- au lundi 19 décembre, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mardi 20 décembre, à quatorze heures.)

6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs (n° 12, 2011 2012)

(La commission de l’économie se réunira pour le rapport mercredi 7 décembre, matin ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : vendredi 2 décembre, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, lundi 19 décembre, avant dix-sept heures ;

- au vendredi 16 décembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements mardi 20 décembre, matin.)

Mercredi 21 décembre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011

(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 21 décembre, matin.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, mardi 20 décembre, avant dix-sept heures ;

- à l’ouverture de la discussion générale, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements mercredi 21 décembre, à l’issue de la discussion générale.)

2°) Suite du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs

Jeudi 22 décembre 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite de l’ordre du jour de la veille.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants ; nous les reprendrons à seize heures quinze, pour la suite de l’examen du projet de loi de finances pour 2012.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Organismes extraparlementaires

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à cent trente-sept désignations de sénateurs appelés à siéger au sein de soixante-dix-sept organismes extraparlementaires.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à présenter :

- un candidat titulaire pour siéger au sein du conseil d’orientation stratégique du Fonds de solidarité prioritaire [anciennement : comité directeur du Fonds d’aide et de coopération] ;

- un candidat titulaire pour siéger au sein du conseil d’orientation de France expertise internationale.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires européennes à présenter :

- un candidat suppléant pour siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre mer.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à présenter :

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la coopération ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil national de la montagne ;

- un candidat suppléant appelé à siéger au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du comité de surveillance du Fonds de solidarité vieillesse ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ;

- trois candidats titulaires appelés à siéger au sein du Conseil d’orientation des retraites ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission nationale d’agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du Haut conseil de la famille ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Comité d’évaluation de l’impact du revenu de solidarité active ;

- un candidat suppléant appelé à siéger au sein du Conseil supérieur du travail social ;

- et quatre candidats, deux titulaires et deux suppléants, appelés à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à présenter :

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de la société Radio-France ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;

- un candidat suppléant appelé à siéger au sein du Haut conseil des musées de France ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public du musée du quai Branly ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein de la Commission du dividende numérique ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Comité de suivi de la loi relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ;

- et un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Haut Conseil à la vie associative.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter :

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil supérieur de la coopération ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la commission supérieure du Crédit maritime mutuel ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Conseil supérieur de l’énergie ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil national de l’information statistique ;

- quatre candidats, deux titulaires et deux suppléants, appelés à siéger au sein de la Commission nationale des transports ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil national de l’habitat ;

- quatre candidats titulaires appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire, le CNADT ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein d’EPARECA ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du Comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de Bure ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens, l’IFRECOR ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein de la Commission nationale de concertation sur les risques miniers ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du conseil d’orientation de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique en France métropolitaine et dans les départements et territoires d’outre-mer ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Fonds de développement de l’intermodalité des transports ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration des « Parcs nationaux de France » ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence des aires marines protégées ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein de la Commission du dividende numérique ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission nationale chargée de l’examen du respect des obligations de logements sociaux ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du Comité national de l’eau ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’établissement public des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer ;

- quatre candidats, deux titulaires et deux suppléants, appelés à siéger au sein du Conseil national de la mer et des littoraux ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Comité national des « trames verte et bleue » ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’établissement public de Paris-Saclay ;

- et deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein de l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des finances à présenter :

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Comité des prix de revient des fabrications d’armement ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Comité des finances locales ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles ;

- trois candidats, deux titulaires et un suppléant, appelés à siéger au sein du Comité d’enquête sur le coût et le rendement des services publics ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence française de développement ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public de réalisation de défaisance ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation des retraites ;

- un candidat appelé à siéger au sein du conseil de surveillance du Fonds de réserve pour les retraites ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein de l’Observatoire national du service public de l’électricité et du gaz ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie ;

- deux candidats titulaires appelés à siéger au sein du Conseil de l’immobilier de l’État ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’orientation du service des achats de l’État ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre mer ;

- et un candidat titulaire appelé à siéger au sein de l’Observatoire de la sécurité de cartes de paiement.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale à présenter :

- un candidat suppléant appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Comité des finances locales ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA ;

- un candidat titulaire appelé à siéger au sein de la Commission nationale des compétences et des talents ;

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer.

- deux candidats, un titulaire et un suppléant, appelés à siéger au sein du Conseil national de la mer et des littoraux ;

- et deux candidats titulaires appelés à siéger au sein de la Commission nationale de la vidéoprotection.

Les nominations des sénateurs appelés à siéger au sein de ces soixante-dix-sept organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

7

Sécurité civile (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Sécurité civile

M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

Sécurité civile (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile », la parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je vous prie de bien vouloir excuser mon absence ce matin ; j’ai été retenu par des engagements internationaux.

La mission « Sécurité civile » est au cœur de la vie quotidienne de nos concitoyens. Chaque année, un Français sur trois compose le 18 ou le 112 et une intervention a lieu toutes les sept secondes.

Chaque année, en France ou à l’étranger, la sécurité civile se porte au secours de populations et de territoires touchés par des catastrophes d’une ampleur exceptionnelle.

Ce fut encore le cas, au début de l’année, avec l’envoi d’un contingent au secours du Japon, durement touché par un tremblement de terre et un tsunami.

Ce fut le cas, à la fin d’octobre, à La Réunion, où plus de 420 sapeurs-pompiers de métropole sont venus en appui à leurs camarades réunionnais afin de venir à bout de l’incendie du parc national.

Mi-novembre, lors des intempéries qui ont touché le sud de la France, la stratégie d’alerte précoce, couplée à un prépositionnement de moyens nationaux et zonaux, a permis de faire face, de manière exemplaire, aux conséquences des inondations.

Cette qualité française en matière de sécurité civile ne doit rien au hasard. Elle est le résultat, d’abord, de l’engagement exemplaire des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, civils et militaires, ainsi que des personnels administratifs et techniques de la sécurité civile.

Avec dévouement, courage et compétence, tous se portent au secours de nos concitoyens en détresse ; ils méritent, pour cela, la reconnaissance de la Nation.

Depuis janvier dernier, neuf d’entre eux ont sacrifié leur vie à leur devoir ; je voudrais ici leur rendre un nouvel hommage et saluer leur mémoire.

Mais cette performance est aussi la conséquence des réformes conduites depuis dix ans pour permettre à la sécurité civile d’entrer pleinement dans le xxie siècle.

Départementalisation, Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, création d’une direction générale et d’une école nationale, valorisation des statuts des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, autant de réformes majeures qui doivent aujourd’hui être consolidées ou poursuivies.

C’est pourquoi le budget pour 2012 de la sécurité civile s’inscrit dans une logique de continuité.

Continuité, d’abord, avec les grandes réformes de structure conduites en 2011.

Première réforme essentielle, nous avons créé, le 7 septembre dernier, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises.

Cette réforme était la traduction nécessaire d’une réalité incontestable : la sécurité civile et tous ceux qui y concourent constituent, aux côtés de la police et de la gendarmerie, le troisième pilier de la sécurité nationale.

Ce troisième pilier devait s’incarner concrètement dans une direction générale unique dans laquelle se retrouvent à la fois la préparation des plans de secours et la mise en œuvre des secours.

C’était une promesse du Président de la République ; c’est aujourd’hui une réalité.

Monsieur le rapporteur spécial, vous l’avez souligné, la création de cette nouvelle structure a permis une optimisation grâce au regroupement des équipes chargées de la sécurité civile et de la mission de planification, autrefois assurée par la Direction de la prospective et de la planification de sécurité nationale.

En créant une continuité entre la préparation aux crises et le commandement de la chaîne de secours, ce rapprochement renforce la capacité d’anticipation du ministère de l’intérieur et ses moyens de gestion interministérielle des crises.

Cette création permet en outre de revaloriser le management des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, et des sapeurs-pompiers.

Deuxième réforme essentielle conduite en 2011, nous avons davantage reconnu et valorisé les statuts des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les sapeurs-pompiers volontaires constituent le socle de notre système de secours. Nous devons juridiquement reconnaître et protéger leur statut.

C’est désormais chose faite, grâce à la proposition de loi du député Pierre Morel-A-L’Huissier, adoptée cet été à l’unanimité, texte sur lequel avait beaucoup travaillé Mme Troendle.

Monsieur Léonard, votre inquiétude quant à la transposition éventuelle d’une directive européenne sur le temps de travail pour les sapeurs-pompiers volontaires n’a plus de raison d’être. En effet, cette nouvelle loi reconnaît le sapeur-pompier volontaire comme un citoyen engagé et non comme un salarié soumis à ladite directive.

Concernant les sapeurs-pompiers professionnels, leurs légitimes attentes en matière d’évolution de carrière combinées avec les évolutions du droit commun de la fonction publique territoriale et le contexte budgétaire difficile rendaient nécessaire une réforme de la filière, ainsi que l’a rappelé Mme Assassi.

Après plusieurs mois d’un large et fructueux travail de concertation, j’ai signé, le 23 septembre dernier, un protocole d’accord sur la réforme de la filière des sapeurs-pompiers professionnels avec les représentants de la « Dynamique des acteurs de la sécurité civile », regroupement de ceux qui se sont engagés dans cette négociation.

Évalué à 25 millions d’euros lissés sur cinq ans, répartis sur cent services départementaux, le coût supplémentaire pour les SDIS est à comparer au glissement vieillesse-technicité, qui représente chaque année un coût de 120 millions d’euros. Il faut le comparer également aux 80 millions d’euros défendus par les tenants du rapport dit « FS3 ».

Ce protocole doit maintenant produire ses effets rapidement.

Au début de l’année 2012, les textes seront présentés à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours ainsi qu’au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Ils seront ensuite transmis à la Commission consultative d’évaluation des normes et au Conseil d’État, pour une publication au cours du premier semestre.

Troisième et dernière réforme importante de 2011, nous avons inauguré, à Aix-les-Milles, la nouvelle École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP.

Cet outil, l’État l’a voulu, l’État l’a construit, mais, je le souligne, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Répondant à des attentes qui se sont manifestées, je confirme que l’État soutient et continuera de soutenir financièrement ce très bel outil.

C’est pourquoi nous avons ainsi décidé de rétablir de manière pérenne la participation de l’État au budget de l’ENSOSP.

Cet effort annuel de 4,5 millions d’euros pour le fonctionnement et de 5,2 millions d’euros pour l’investissement souligne combien nous avons confiance dans les capacités de cette école à faire des futurs officiers de sapeurs-pompiers un corps de cadres responsables permettant une conduite ambitieuse de la sécurité civile avec, de surcroît, la préoccupation constante du management des personnels.

Cet engagement trouve sa contrepartie dans une gestion toujours plus rigoureuse et transparente de l’école, mais aussi dans la nécessaire redéfinition des programmes intégrant davantage la dimension humaine, conformément au souhait unanime de la profession.

Au-delà de ces réformes de structure, le budget qui vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, s’inscrit aussi dans une logique de continuité par rapport au suivi de l’équilibre financier des SDIS.

Dix ans après la départementalisation des services d’incendie et de secours, nous sommes parvenus à un équilibre en matière tant de gouvernance que de financement.

Concernant la gouvernance des SDIS, État et collectivités territoriales se retrouvent régulièrement au sein de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNSIS, récemment renouvelée et dont l’installation est effective depuis ce matin.

Je tiens, à cet égard, à féliciter les sénateurs Yves Rome et Pierre Bordier, qui viennent d’être élus respectivement président et vice-président de la CNSIS. Au début de l’année 2012, nous soumettrons à cette instance plusieurs textes essentiels, notamment ceux qui concernent l’application de la loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique.

Par ailleurs, je compte mener à bien dans les meilleurs délais une réforme de l’encadrement supérieur des SDIS, afin que les officiers supérieurs de sapeurs-pompiers à la tête des établissements publics puissent bénéficier d’un parcours qualifiant, comprenant des alternances dans des emplois de l’État et en postes territoriaux, dans une logique assumée d’emplois fonctionnels et de responsabilisation.

Concernant, ensuite, les questions de financement, le contexte actuel de crise économique impose que les budgets de tous les organes publics, l’État comme les collectivités territoriales, soient maîtrisés.

Au niveau central, la sécurité civile participe à hauteur de 11,7 millions d’euros à l’effort supplémentaire de réduction des dépenses publiques qui a été décidé par le Premier ministre, sans remettre en cause pour autant ni la capacité opérationnelle ni les grands projets, ainsi que l’a relevé M. Dominique de Legge.

Je me réjouis que, depuis trois ans, les budgets des SDIS soient stabilisés en volume, conformément au souhait de nombre de parlementaires et d’élus locaux. Les comptes de gestion de l’exercice 2010 font ainsi ressortir une progression des budgets de 1,5 % correspondante à l’inflation. Quant aux budgets primitifs de l’exercice 2011, ils sont eux aussi maîtrisés, en hausse de 0,21 %.

Cet effort de maîtrise des dépenses doit être permanent ; il doit aussi être innovant. À l’heure actuelle, il existe encore de nombreuses marges de manœuvre en matière de mutualisation des dépenses. Les initiatives prises par certains SDIS en matière de mise en commun des achats, des fonctions support voire des centres de formation le prouvent. Ces initiatives sont prometteuses ; elles doivent être développées et encouragées.

Au-delà des efforts de gestion efficace qu’elles conduisent et dans le strict respect de leur autonomie, les collectivités territoriales peuvent compter sur le soutien de l’État.

En termes de méthode, tout d’abord, l’État met à la disposition des SDIS ses indicateurs et ses outils et il se fait le vecteur de la diffusion de leurs bonnes pratiques.

En termes financiers, ensuite, l’État participe aux dépenses d’investissement des SDIS par le biais du Fonds d’aide à l’investissement. Je connais la vigilance de Mme le sénateur Catherine Troendle sur ce sujet. Ce soutien, nous avons voulu le recentrer sur son objet premier, qui est d’orienter l’investissement et non de se substituer aux SDIS.

Ce recentrage explique que le montant du FAI soit aujourd’hui inférieur à ce qu’il était lors de sa création dans la loi de finances pour 2003, mais il n’empêche pas l’État d’assumer son rôle d’orientation de l’investissement, bien au contraire.

Aujourd’hui, l’État s’engage fortement pour le déploiement de moyens d’information et de transmission modernes, auxquels il consacre 78 % des subventions du FAI. Cet effort sera maintenu en 2012, notamment pour poursuivre le déploiement du système de communication ANTARES, qui permet l’interopérabilité des réseaux de communication des différentes forces de sécurité.

Je dois signaler, afin de répondre à Mme le sénateur Anne-Marie Escoffier, que l’État soutient deux lignes budgétaires complémentaires : le FAI et le financement direct d’ANTARES, qui était historiquement intégré au sein du FAI. Chaque année, cet effort de l’État s’élève à environ 44 millions d’euros répartis en deux parts égales entre le FAI et ANTARES.

Enfin, l’État soutient le domaine des transports par carence, comme l’a souligné le sénateur Yves Rome.

Le code de la santé publique oblige désormais les établissements publics de santé à intégrer dans leurs budgets l’indemnisation des interventions des SDIS en cas d’indisponibilité des transporteurs sanitaires privés.

Le montant de cette indemnisation, aujourd’hui fixé à 105 euros, a fait l’objet d’une discussion entre le ministère de la santé et celui de l’intérieur pour aboutir à sa revalorisation à hauteur de 112 euros, avec une clause d’indexation automatique pour l’avenir.

Outre qu’il s’inscrit dans la continuité des grandes réformes de structures de 2011 et de la mise en œuvre de la responsabilité budgétaire, le budget de la sécurité civile pour 2012 poursuit l’application du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En la matière, l’objectif visé est double : d’une part, améliorer l’alerte et l’information des populations, et, d’autre part, renforcer la réactivité des pouvoirs publics dans la gestion des crises.

Conformément aux recommandations du Livre blanc, le ministère de l’intérieur met progressivement en place, en commençant par les zones les plus exposées, un nouveau système d’alerte et d’information des populations.

Ont d’ores et déjà été lancés sept appels d’offres pour rénover le réseau des sirènes, effectuer le raccordement au système d’alerte de tous les outils de diffusion – je pense, par exemple, aux panneaux à message variable sur le réseau routier – ou créer une alerte sur téléphone portable.

L’efficacité d’une alerte tient en effet beaucoup à la pertinence de son mode de diffusion. En adoptant le SMS comme premier moyen d’alerte et d’information de la population, l’État s’adapte au mode de vie des Français et crée entre eux et les autorités publiques – maire, préfet ou Gouvernement – un lien rapide, direct et ciblé.

Cet effort global d’amélioration de l’alerte et de l’information des populations se double d’un effort particulier orienté vers la prévention d’un risque jusqu’ici trop peu pris en compte, celui de la submersion.

Tirant la leçon de la tempête Xynthia survenue en 2010 sur le littoral atlantique, le plan interministériel submersions rapides, présenté en février dernier en conseil des ministres, a ainsi débouché sur la prise en compte du risque de fortes vagues et de submersion du littoral dans les alertes diffusées à la population. Depuis le 3 octobre dernier, Météo France est en mesure d’anticiper, de qualifier et de quantifier ces phénomènes dangereux.

Tirant la leçon, également, du tsunami qui a frappé les côtes d’Asie du Sud-Est en 2004, la France a décidé de constituer, sous l’égide de l’UNESCO, un centre national d’alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l’Atlantique Nord-est. Ce centre, implanté à Bruyères-le-Châtel, sera opérationnel d’ici à la mi-2012. Je tiens à rassurer Mme Troendle : le ministère de l’intérieur continuera de participer de manière pérenne au financement de ce projet majeur.

Tirant la leçon, enfin, des phénomènes climatiques d’intensité anormale qui frappent notre pays régulièrement, le Gouvernement a entrepris une réforme du régime dénommé « catastrophes naturelles » destinée à améliorer la transparence de ce dernier, avec la définition de seuils par type d’aléa, tout en encourageant les démarches de prévention.

Conformément aux recommandations du Livre blanc, le Gouvernement poursuit également ses efforts pour doter les forces de sécurité de moyens modernes, adéquats et adaptés.

Cela signifie, tout d’abord, un effort particulier en faveur de la prise en compte du risque NRBC-E, c'est-à-dire nucléaire, radiologique, biologique, chimique et lié aux explosifs.

Après l’achèvement, cette année, du programme 2009-2011 d’équipement de la sécurité civile en moyens NRBC, qui aura permis d’acquérir, en trois ans, 4,2 millions d’euros de matériels de lutte et de protection, trois grands programmes d’équipement seront poursuivis en 2012 : tout d’abord, l’acquisition de sept chaînes de décontamination à répartir sur l’ensemble du territoire ; ensuite, le déploiement progressif, dans les seize plus grandes agglomérations du pays, de laboratoires mobiles de prélèvements et d’analyses permettant l’identification immédiate de la menace ; enfin, la création d’un centre commun civilo-militaire de formation et d’entraînement NRBC-E.

Parallèlement à ces programmes, le ministère de l’intérieur poursuit un effort immobilier visant à se doter d’infrastructures aux normes et plus fonctionnelles, notamment pour ce qui concerne les services du déminage. Au total, 12,75 millions d’euros seront ainsi consacrés dans le triennal 2011-2013 aux investissements immobiliers, notamment à Bastia, où une base polyvalente de sécurité civile regroupant les moyens aériens et un centre de déminage est en cours de construction.

Au-delà de la prise en compte du risque NRBC-E, le Gouvernement veille à améliorer, tant en métropole qu’outre-mer, la couverture aérienne de notre territoire par la sécurité civile.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre temps de parole est de dix minutes !

M. Claude Guéant, ministre. Cette amélioration s’est d’abord traduite par l’acquisition d’un hélicoptère dédié au secours outre-mer, afin de compenser les effets du redéploiement des moyens aériens militaires voulu par le Livre blanc à partir de 2012.

Cette amélioration passe aussi par la modernisation d’une partie de notre flotte d’avions bombardiers d’eau.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faudrait que les ministres respectent les temps de parole !

M. Claude Guéant, ministre. Vous vous êtes légitimement inquiétés, mesdames, messieurs les sénateurs, du vieillissement de notre flotte, notamment de nos Trackers. Les inspections très poussées qui ont été diligentées ont montré que nous pouvions continuer à utiliser ces avions jusqu’en 2020, à condition que les travaux de remotorisation et de rénovation des cellules se poursuivent. Ce délai nous laisse le temps nécessaire à l’étude de leur remplacement, qui sera engagé de manière progressive à partir de 2015. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Louis Carrère s’exclament.)

J’ai donc mis en place, en septembre dernier, un groupe d’experts chargés de réfléchir à l’évolution de la flotte d’avions de la sécurité civile. J’attends ses conclusions pour le début de l’année 2012 et ne manquerai pas de vous tenir informés des actions que j’engagerai sur leur base.

En outre, je vous confirme que les crédits consacrés à la maintenance des avions, stables depuis trois ans, permettront en 2012 de disposer du même potentiel opérationnel que les années précédentes. Et s’ils se révèlent insuffisants, des abondements seront réalisés.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la sécurité civile pour 2012 s’inscrit pleinement dans la continuité d’une politique tout à la fois budgétairement responsable et ambitieusement moderne. Il offre les moyens de protéger non seulement notre population, mais aussi les hommes et les femmes de la sécurité civile, qui font, à chaque mission, le choix de l’engagement citoyen.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait vingt minutes que vous vous exprimez !

M. Claude Guéant, ministre. Adopter les crédits de cette mission, c’est donc, aussi, leur manifester notre respect et notre reconnaissance. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Sécurité civile
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Sécurité

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité civile

408 714 129

436 805 268

Intervention des services opérationnels

255 687 977

260 706 977

Dont titre 2

159 389 023

159 389 023

Coordination des moyens de secours

153 026 152

176 098 291

M. le président. L'amendement n° II-368, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Intervention des services opérationnelsDont Titre 2

9 200 000

                   

9 200 000

                   

Coordination des moyens de secours

2 500 000

2 500 000

TOTAL

11 700 000

11 700 000

SOLDE

+ 11 700 000

+ 11 700 000

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, nous proposons de rétablir les 11,7 millions d’euros qui ont été supprimés à l’Assemblée nationale par le Gouvernement.

Je rappelle que la suppression de ces crédits se traduira dans les faits par la réduction des moyens de fonctionnement de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, le report du déploiement du système d’alerte et d’information des populations, l’abandon du projet d’acquisition d’un aéronef de liaison et de coordination, le remplacement d’un hélicoptère Dauphin par un appareil moins onéreux, enfin la diminution des crédits pour les produits retardants utilisés dans la lutte contre les feux. Tout cela n’est pas admissible !

Comme je l’ai souligné au cours de la discussion, d’autres sources de financement existent pour améliorer le budget de la sécurité civile. C’est d’autant plus vrai que nous avons formulé des propositions pour dégager des recettes supplémentaires lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2012.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à adopter le présent amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la commission des finances. Cet amendement vise à rétablir les 11,7 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement supprimés par l’Assemblée nationale dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’économies supplémentaires d’un milliard d’euros.

Si l’on examine ces crédits, il convient de noter qu’une partie correspond, vous l’avez souligné, au système d’alerte et d’information des populations, qui prend du retard. Si je le regrette, il ne me semble pourtant pas nécessaire d’inscrire ces crédits, qui risquent de ne pas être compensés.

Par ailleurs, je me réjouis que nous fassions l’acquisition d’un EC 145 plutôt que d’un Dauphin ; pour avoir personnellement étudié la question des aéronefs, je sais que les EC 145 non seulement coûtent moins cher, mais sont plus en adéquation avec les missions que l’on souhaite leur confier.

Je voudrais noter, pour m’en réjouir, que, fort heureusement, il y a eu moins de feux de forêts au cours de cette année 2011 et que, par conséquent, nous disposons d’un certain nombre de stocks au titre des produits retardants.

La commission des finances avait examiné le texte initial. Après s’être penchée sur le budget voté par l’Assemblée nationale, elle a confirmé sa proposition d’adopter les crédits de cette mission.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° II-368.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Je ne saurais mieux dire que M. le rapporteur spécial ; j’ajouterai simplement que les moyens de fonctionnement de la direction de la sécurité civile font déjà l’objet d’une réduction de crédits, à hauteur de 200 000 euros.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-368.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. Roland du Luart. Je ne comprends plus : les membres socialistes de la commission des finances avaient émis un avis défavorable !

M. Gérard Larcher. Ils sont devenus déraisonnables en vingt-quatre heures !

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité civile », figurant à l’état B.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. La commission des finances avait émis un avis favorable sur l’adoption de ces crédits, y compris avec la réduction de 11,7 millions d’euros.

Après le vote de l’amendement n° II-368, je serais bien en peine de vous livrer l’avis de la commission, étant donné que, en son sein, mes collègues avaient voté en faveur des crédits adoptés par l’Assemblée nationale !

M. Roland du Luart. Effectivement !

Mme Catherine Procaccia. Contradictions sénatoriales !

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Sécurité civile ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile ».

Sécurité

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avis de la commission des finances sur la mission « Sécurité » est pour le moins assez critique envers la politique prévue par le Gouvernement pour l’année budgétaire à venir.

Mme Catherine Procaccia. Quelle surprise !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. J’en conviens, ma chère collègue, ce constat n’est guère étonnant.

En tant que rapporteur spécial, je dois souligner que les conséquences de la RGPP inquiètent tous des membres de la commission, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent.

Globalement, le projet de loi de finances pour 2012 consacre 9,276 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 9,21 milliards d’euros de crédits de paiement à la police nationale. Ces chiffres ne doivent cependant pas masquer la baisse de 2,3 % que subissent les dépenses de fonctionnement.

Le programme « Gendarmerie nationale », quant à lui, comporte 7,914 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 7,875 milliards d’euros de crédits de paiement. Néanmoins, je souligne que le Gouvernement a choisi de « sanctuariser » les dépenses de fonctionnement courant au détriment des investissements, pourtant indispensables.

Mes chers collègues, nous avons donc tout lieu d’estimer qu’un seuil a été atteint, au-delà duquel le potentiel opérationnel de la police et de la gendarmerie court un risque réel. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Le recul de la délinquance sous toutes ses formes est, d’après le Gouvernement – nous venons encore de l’entendre –, le premier objectif de cette mission.

M. Jean-Louis Carrère. Ne nous y trompons pas !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Dès lors, comment expliquer cet essor inconcevable des atteintes portées à l’intégrité physique des personnes ? (M. le ministre proteste.)

Monsieur le ministre, les chiffres parlent d’eux-mêmes, ils sont d’ailleurs publiés par vos propres services : 11 437 crimes et délits supplémentaires ont été enregistrés en 2010 par rapport à 2009 !

Mes chers collègues, je n’ai malheureusement pas le temps d’égrener l’ensemble des domaines concernés par ce mouvement global. Je précise simplement que, en matière d’escroqueries et d’infractions économiques et financières, par exemple, le nombre des crimes et délits explose également.

Monsieur le ministre, vous nous aviez promis une baisse de 2,5 % en la matière pour l’année 2011, mais force est de constater que le Gouvernement – vous n’en êtes certes pas le seul membre – n’a pas atteint ses propres objectifs.

Concernant la mesure de la performance, vous nourrissez une telle obsession de la « culture du résultat » que la sécurité se résume désormais à une politique du chiffre, essentiellement orientée vers la sanction et la répression.

Or la prévention constitue le second pilier central de cette mission. Partant, il conviendrait de mieux la prendre en compte dans le cadre de l’évaluation de la police et de la gendarmerie.

Je le répète, la commission s’inquiète des dégâts causés par la politique menée depuis plusieurs années sous l’empire de la RGPP.

Au sein de la police nationale, 3 594 emplois équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ont été supprimés pour les seules années 2009 à 2011. En 2012, la RGPP II – le retour ! – doit opérer de nouvelles suppressions de postes, à hauteur de 1 682 ETPT au sein de la police et de 1 466 ETPT dans la gendarmerie.

Mes chers collègues, j’ai personnellement auditionné le général Mignot, ainsi que M. Péchenard, le directeur général de la police nationale. Or, si de par leurs fonctions mêmes, ils soutiennent la politique gouvernementale,…

M. Jean-Louis Carrère. Ils ne soutiennent pas, ils exécutent ! (M. Roger Karoutchi proteste.)

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. … ils ne m’ont pas caché leurs inquiétudes au sujet de cette situation.

Monsieur le ministre, j’en appelle à votre bon sens : ces réductions d’effectifs mettent en péril le niveau de sécurité dû à nos concitoyennes et à nos concitoyens et réduisent drastiquement la présence des forces de sécurité sur le terrain.

Par ailleurs, ces suppressions de postes se sont doublées d’une réelle dégradation des emplois et des conditions de travail des agents. Les difficultés s’accumulent : recrutement d’adjoints de sécurité en nombre, tensions professionnelles, recours aux heures supplémentaires ou à des citoyens « surveillants » pour compenser les manques d’effectifs, etc.

Mes chers collègues, dans ce paysage d’ensemble dessiné par la RGPP, plusieurs points noirs méritent tout spécialement d’être distingués.

Premièrement, il convient d’évoquer la police de proximité, sur laquelle nous reviendrons dans quelques instants. L’instabilité et l’illisibilité des dispositifs visant à mettre en œuvre son action traduisent en réalité le malaise du Gouvernement et son incapacité à appréhender ce sujet convenablement : il est temps de réinventer cette police, en la fondant sur des liens de confiance étroitement noués avec la population, l’action de prévention et l’ancrage durable dans le temps.

Deuxièmement, la commission suivra avec attention, en 2012, la poursuite de la mise en œuvre de la réforme des transfèrements engagée en 2011, qui, pour l’heure, subit de trop nombreux dysfonctionnements. Il ne s’agit pas là d’un propos politique : il convient simplement d’appréhender cette question avec un souci d’efficacité opérationnelle. Monsieur le ministre, vous êtes, sauf erreur de ma part, sensible à cet impératif.

Troisièmement, je déplore vivement les investissements coûteux qu’impliquent des systèmes de vidéosurveillance attentatoires aux libertés publiques.

Mes chers collègues, sur ce point, je suis quelque peu isolé au sein de la commission des finances, j’en conviens.

M. Roger Karoutchi. Vous avez l’honnêteté de le reconnaître !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Monsieur Karoutchi, vous vous souvenez de notre discussion sur ce sujet, à laquelle ont d’ailleurs pris part mes amis socialistes et communistes. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

En tant que rapporteur, la parole est libre, même si parfois la plume est serve… Aussi, je tiens à souligner qu’aucune étude sérieuse n’a prouvé l’efficacité en termes de sécurité de ces systèmes de vidéosurveillance, qui sont coûteux et, selon moi, particulièrement attentatoires aux libertés publiques. À mes yeux, ces caméras n’ont d’autre but que de masquer les manques d’effectifs sur le terrain ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Dans un tel contexte de crise, je considère que ces investissements sont non seulement honteux, mais irresponsables.

Monsieur le ministre, la RGPP a atteint ses limites. Elle conduit – disons-le clairement – à une privatisation rampante de la sécurité dans notre pays et, faute de moyens humains suffisants, à une précarisation des agents et à un désengagement de l’État, qui fait peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, et au vu de ces motifs de profonde inquiétude, la commission des finances, dans sa majorité, vous propose de rejeter les crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à rendre un hommage appuyé à tous les policiers et gendarmes qui, chaque jour, assument des missions difficiles, dans des conditions parfois extrêmes. Je salue tout particulièrement la mémoire de celles et ceux d’entre eux qui ont perdu la vie : j’ai une pensée particulière pour leur famille, leurs proches et leurs collègues.

Mes chers collègues, dans le temps qui m’est imparti, j’évoquerai trois points.

Premièrement, si l’ensemble des forces de l’ordre est touché par la réduction des moyens et des effectifs, j’insisterai plus spécialement sur la question des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police nationale.

En effet, la communication du ministère de l’intérieur, tout comme le rapport annexé à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, mettent l’accent sur le développement de la police technique et scientifique, la PTS, présentée comme le corollaire de la « culture de la preuve » elle-même mise à l’honneur par la réforme de la garde à vue, qui obligerait à renoncer à la « culture de l’aveu ».

Mes chers collègues, vous le savez, les personnels de la PTS ont manifesté l’année dernière pour protester contre un manque de moyens flagrant, qui contraste avec des exigences toujours plus fortes à leur égard. Avec une stagnation des moyens de fonctionnement courant et une augmentation de quatre-vingts agents seulement en 2012, il est peu probable que la situation s’améliore. Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment développer cette fameuse « culture de la preuve » ?

L’année 2012 sera d’ailleurs marquée par une nouvelle diminution des personnels administratifs et techniques de la police nationale. Ceux-ci ne représentent que 12 % environ de l’ensemble des personnels, alors que ce taux est supérieur à 20 % dans bien des pays européens. Or de nombreux postes administratifs sont occupés par des personnels actifs – gardiens de la paix, voire majors de police – dont le salaire est bien plus élevé que celui des agents de la filière administrative. Cette solution est donc à la fois inefficace et coûteuse : c’est pourquoi la notion de « substitution des personnels administratifs » est mise en avant depuis plusieurs années.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous affecter les personnels actifs aux postes qu’ils ont vocation à occuper, si le ministère ne dispose pas des agents administratifs nécessaires pour les remplacer dans les bureaux ?

Deuxièmement, il convient d’aborder la question des statistiques et de la « politique du chiffre » dans la police et la gendarmerie nationales.

Monsieur le ministre, alors que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, élargit l’approche de la délinquance au-delà des simples faits constatés par la police et la gendarmerie nationales – par exemple via les enquêtes de victimisation – vous persistez à n’évoquer devant le Sénat que les faits de l’état 4001, comme si la délinquance s’y résumait tout entière.

J’illustrerai le caractère pour le moins risqué d’une telle approche par l’exemple des escroqueries à la carte de crédit. En septembre 2010, l’ONDRP a constaté une baisse d’environ 10 % des faits d’escroquerie et d’infractions économiques et financières sur un an, soit 35 000 faits de moins. En réalité, les services de police et de gendarmerie n’enregistraient plus les plaintes en matière d’escroqueries à la carte bleue, au motif que seule la banque était vraiment lésée, puisqu’elle devait systématiquement rembourser la somme volée. Une circulaire de la chancellerie a fini par faire évoluer cette pratique.

Les autres limites de l’approche par les faits constatés sont bien connues, et je n’en rappellerai que deux.

Tout d'abord, le fait est enregistré au lieu du dépôt de la plainte, et non au lieu de la commission de l’infraction. Ainsi, une personne qui a subi une agression à Paris mais qui habite Amiens pourra porter plainte dans cette dernière ville. En revanche, le fait, s’il est élucidé, le sera à Paris. Les faits constatés ne permettent donc pas de dresser une cartographie de la délinquance.

Ensuite, l’état 4001 ne prend pas en compte les contraventions, y compris les violences volontaires les moins graves.

Quant au taux d’élucidation, chacun sait qu’il ne présente aucune rigueur méthodologique.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait renoncé, au moins dans le tableau de bord des forces de l’ordre, au chiffre unique. Ne serait-il pas temps d’aller plus loin et d’évoquer désormais les statistiques avec toutes les précautions de rigueur, en les complétant de surcroît avec les nouvelles sources de données dont nous commençons à disposer ?

Troisièmement, j’évoquerai la vidéosurveillance.

Le projet annuel de performance fixe toujours un objectif de 60 000 caméras sur la voie publique à moyen terme. Or les études scientifiques qui ont été réalisées en grand nombre dans les autres pays dressent un constat convergent : si la vidéosurveillance peut faire baisser la délinquance dans des lieux de taille réduite et fermés tels que des parkings, elle n’a aucun effet mesurable en terrain ouvert, sur la voie publique.

Quant à son efficacité en termes de répression, il est bien entendu aisé de trouver des exemples dans lesquels la vidéosurveillance a permis d’appréhender un délinquant. C’est pourquoi, monsieur le ministre, vous disposez toujours d’un tel exemple pour répondre aux critiques qui vous sont adressées en ce domaine.

Toutefois, il est évident qu’un exemple, ou même cinquante, ne signifie rien d’un point de vue global. Il convient de rapporter les faits élucidés par ce moyen aux milliers d’actes de délinquance éclaircis chaque année sans caméras.

Or même l’enquête très favorable à la vidéosurveillance de l’Inspection générale de l’administration et de l’Inspection générale de la police réalisée en 2010 ne trouve, au mieux, qu’un taux de 3 % de faits élucidés par ce moyen, sur la base des chiffres de quinze circonscriptions de sécurité publique. Ces 3 % peuvent sembler non négligeables, mais ils coûtent très cher à l’État et aux collectivités locales.

Par conséquent, il me semble nécessaire de réaliser, en France cette fois, une étude scientifique sérieuse présentant toutes les garanties d’objectivité. En effet, si la situation n’est pas la même dans notre pays qu’au Royaume-Uni ou au Canada, bien sûr, encore faudrait-il savoir en quoi elle diffère et à quelles conditions cette technologie pourrait être efficace dans notre pays.

Cette étude a été maintes fois annoncée, mais jamais réalisée. Il est nécessaire qu’elle soit au plus vite financée par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, et que, dans l’attente de ses résultats, un moratoire soit décidé sur l’installation de nouvelles caméras.

Bien entendu, je n’ai évoqué ici que la question de l’efficacité de la vidéosurveillance. Toutefois, cette technique pose également d’évidents problèmes de contrôle au regard des libertés publiques et de respect des garanties posées par le législateur, des sujets sur lesquels je n’aurai pas le temps d’intervenir aujourd’hui.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous aurez compris que la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Sécurité » pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, rapporteur pour avis.

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais avant toute chose saluer la mémoire des gendarmes tombés en service et avoir une pensée pour celles et ceux qui ont été blessés dans l’exercice de leur mission ou qui, engagés sur des opérations extérieures, se trouvent actuellement loin de notre pays.

En apparence, le budget de la gendarmerie nationale augmente légèrement en 2012, avec une hausse de 1,7 %.

Toutefois, cette progression est uniquement due aux pensions. Hors pensions, les crédits de la gendarmerie pour 2012 sont en diminution.

Compte tenu de la stabilisation des dépenses de personnel et de la « sanctuarisation » des dépenses de fonctionnement, la réduction du budget porte principalement sur les investissements.

Après avoir connu une forte diminution de 13 % l’an dernier, les investissements devraient connaître une nouvelle baisse de 5 % en 2012.

M. Jean-Louis Carrère. C’est leur variable d’ajustement !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, comme beaucoup d’autres, je m’inquiète de cette diminution, qui risque de porter atteinte au renouvellement des matériels et des équipements, ainsi qu’à la rénovation de l’immobilier de la gendarmerie.

Lors de votre audition devant la commission, vous avez indiqué que 2 200 véhicules neufs devraient être livrés en 2012 et 850 commandés pour 2013. J’ai fait quelques calculs : étant donné que la gendarmerie dispose d’un parc de 30 000 véhicules et que la durée de vie moyenne de ces derniers est de huit ans, il faudrait commander chaque année 3 000 nouveaux véhicules pour maintenir en l’état le parc automobile. Or, en 2013, seuls 850 véhicules neufs seront livrés.

Le même problème se pose à propos du renouvellement des 29 hélicoptères de type Écureuil, en service dans la gendarmerie depuis les années soixante-dix, dont le remplacement par de nouveaux modèles s’impose au regard de la nouvelle réglementation : celle-ci interdit le survol des habitations par des appareils monoturbines, ce qui réduit considérablement leur champ d’intervention.

Et je ne parle pas des véhicules blindés à roues de la gendarmerie mobile, que Gérard Larcher et moi-même avons pu voir hier à l’occasion de notre visite du groupement blindé de gendarmerie mobile de Satory, et qui datent, eux aussi, des années soixante-dix.

Pour maintenir certains blindés en état de marche, la gendarmerie est contrainte de les « cannibaliser », c’est-à-dire de prélever des pièces détachées sur les véhicules hors d’usage pour intervenir sur les autres.

Enfin, je voudrais dire un mot sur la forte baisse des effectifs de la gendarmerie.

Après une suppression de 4 500 emplois entre 2008 et 2011, ce sont de nouveau 1 185 postes qui devraient être supprimés en 2012.

Au total, ce sont donc plus de 6 500 emplois qui devraient être supprimés dans la gendarmerie, le même traitement s’appliquant aux policiers, avec une baisse de 1 720 postes en 2012.

Au moment même où les effectifs de la gendarmerie et de la police nationales connaissent ces fortes diminutions, ceux de la police municipale sont passés de 14 300 à 19 370, soit plus de 5 000 postes supplémentaires.

Lorsque l’on répète à l’envi, ici ou dans d’autres lieux, que les collectivités locales recrutent trop, n’oublions pas que ces dernières agissent ainsi également pour compenser le retrait de l’État en matière de sécurité.

M. Jean-Louis Carrère. C’est un transfert de compétences !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Après la suppression de postes dans les écoles de gendarmerie – quand ce ne sont pas des écoles elles-mêmes –, des états-majors et de quinze escadrons de gendarmerie mobile, la gendarmerie est aujourd’hui « à l’os », pour reprendre l’expression de l’un de ses hauts responsables.

Au rythme actuel, il ne fait pas de doute que les suppressions d’effectifs toucheront de plus en plus les brigades territoriales, comme je peux d’ailleurs déjà le constater dans le département dont je suis l’élu, la Charente, où, depuis maintenant trois ans, une brigade est dissoute chaque année.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous maintenir le maillage territorial assuré par les brigades territoriales malgré cette baisse des effectifs de gendarmes ?

M. Gaëtan Gorce. Très bonne question !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Malgré toute l’estime que je porte aux réservistes de la gendarmerie, qui apportent un renfort indispensable aux unités, ils ne peuvent servir de substitut à la baisse des effectifs.

Comment allez-vous assurer la sécurité et renforcer la présence des gendarmes, notamment dans les zones rurales, pour répondre aux attentes des élus locaux et de nos concitoyens ?

En conclusion, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurité ». Je vous invite donc, mes chers collègues, à les rejeter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la gendarmerie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 3 août 2009 le rappelle : la gendarmerie est une « force armée instituée pour veiller à l’exécution des lois ».

C’est ce statut militaire qui permet à l’État républicain de disposer d’une force capable d’agir dans toutes les situations, y compris dans les circonstances les plus graves.

C’est aussi ce statut militaire qui fonde la disponibilité des gendarmes et le maillage du territoire assuré par les brigades.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur n’a pas remis en cause son statut militaire et le dualisme policier.

M. Jean-Louis Carrère. Ce fut une erreur !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Le rapport de nos collègues Anne-Marie Escoffier et Alain Moyne-Bressand l’a confirmé sans aucune ambiguïté.

M. Jean-Louis Carrère. Ils se sont trompés ! Ce n’est pas l’avis de la Cour des comptes !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Ce rattachement s’est accompagné de profondes réformes telles que le développement des mutualisations et le renforcement de la coopération opérationnelle entre les gendarmes et les policiers.

Parallèlement, la révision générale des politiques publiques a naturellement eu un impact sur la gendarmerie, à travers la rationalisation de ses soutiens, mais aussi l’adaptation du nombre de ses écoles et de ses effectifs.

Non seulement la gendarmerie, en tant qu’institution, s’est parfaitement adaptée à ce contexte budgétaire délicat, mais elle a obtenu, n’en déplaise à certains, de très bons résultats en matière de lutte contre la délinquance et l’insécurité routière.

Je souhaite donc saluer ici l’action des militaires de la gendarmerie nationale, qui accomplissent, sur le territoire national, outre-mer ou sur les théâtres d’opérations extérieures, une mission difficile au service de la sécurité des Français, au service de notre pays.

Comme Michel Boutant, je souhaite rendre hommage aux gendarmes et aux policiers décédés ou blessés dans l’exercice de leurs fonctions.

Après ce bilan positif, je voudrais, monsieur le ministre, vous faire part de quelques inquiétudes et interrogations.

Hier, je me suis rendu à Versailles-Satory avec Michel Boutant pour évaluer la situation du groupement blindé de gendarmerie mobile et rencontrer les gendarmes militaires du GIGN, dont j’ai pu mesurer à cette occasion la disponibilité, l’engagement et la cohésion. En compagnie du maire de la commune et de notre collègue sénatrice Marie-Annick Duchêne, nous avons également visité les logements, notamment ceux du plateau de Versailles-Satory.

Or le vieillissement du parc est préoccupant, d’autant que la cohésion de la gendarmerie, formée de professionnels, passe aussi par celle de leurs foyers. Dès lors, il nous paraît indispensable d’engager un vaste programme pluriannuel de rénovation immobilière, quelque 70 % du parc ayant plus de vingt-cinq ans. Nous sommes nombreux dans cet hémicycle à présider ou à administrer des organismes HLM, et je puis vous assurer que certains des logements que nous avons visités seraient très mal classés. C’est pourquoi, ensemble, nous devons imaginer des formules innovantes.

Ma seconde source d’inquiétude et d’interrogation porte sur le financement des opérations extérieures.

Je rappelle que plus de 400 gendarmes sont actuellement déployés en opérations extérieures, dont 200 en Afghanistan.

Comme les années précédentes, nous constatons une sous-dotation des crédits destinés à couvrir les opérations extérieures. Il est ainsi prévu une dotation de 15 millions d’euros, alors que le surcoût des OPEX s’est élevé à près de 30 millions d’euros en 2010. Or, faute de financements suffisants, ces surcoûts sont prélevés sur le budget de fonctionnement de la gendarmerie, par le biais de redéploiements de crédits dont nous comprenons la nécessité mais qui pourraient mettre en péril le fonctionnement des brigades territoriales.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait préférable que ces surcoûts soient financés par la réserve interministérielle, à l’image de ce qui se pratique pour nos armées ?

Enfin, je soulignerai la nécessité de prévoir une programmation pluriannuelle pour le remplacement progressif des véhicules blindés du groupement.

Contrairement à la majorité des membres de la commission, je voterai ce budget, à titre personnel. En effet, il tient compte des réalités financières de notre pays tout en marquant son engagement pour la sécurité, à travers l’action de ces femmes et de ces hommes ayant fait le choix de participer à une mission que Napoléon Bonaparte définissait voilà deux siècles comme « la manière la plus efficace de maintenir la tranquillité d’un pays ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l’examen des crédits de la mission « Sécurité » et des résultats de la politique de lutte contre la délinquance me donne l’irrésistible impression d’assister à une partie de bonneteau : la bonne carte est toujours là où l’a décidé le ministre de l’intérieur ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Les chiffres officiels des effectifs de police et de gendarmerie, après avoir augmenté comme la population, soit un peu plus de 6 % entre 1998 et 2008, ont, en quatre exercices, été ramenés à un niveau inférieur à celui de 2002. Pour le ministre de l’intérieur, cela ne signifie pas pour autant que les moyens de police et de gendarmerie ont baissé. Ils auraient simplement été mieux utilisés !

« Certes – répond-il à la Cour des comptes, assez critique – le plafond d’emplois pour 2012 est fixé à 143 714 ETPT – équivalents temps plein travaillé –, à comparer avec un effectif réel de 143 855 au 31 décembre 2002, mais la prévision de consommation d’ETPT pour la police nationale est de 145 504 en 2011. »

« Naïvement, vous vous focalisez sur les effectifs, alors que ce sont les prévisions de consommation d’équivalents temps plein travaillé qui comptent, à moins que ce ne soient les effectifs effectivement engagés sur le terrain ou ceux qui ne sont affectés ni à des tâches administratives ni à des missions de formation. »

Selon ce qui arrange, les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes, les personnels de l’administration pénitentiaire chargés des transfèrements sont ou ne sont pas pris en compte.

Plus les coupes ont été fortes antérieurement, plus la moindre amélioration est célébrée : c’est la magie du pourcentage ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Et si le bon peuple peine à croire que le meilleur moyen de faire baisser la délinquance, ce n’est pas forcément de faire maigrir les forces de police, il suffit de brouiller les cartes, autrement dit de multiplier les résultats contradictoires.

Chacun sait ici que les indicateurs globaux de délinquance n’ont aucun sens. Mes chers collègues, vous avez constaté comme moi tout à l’heure que M. Ollier n’a pas hésité à rappeler que, selon lui, depuis 2002, cette délinquance globale a baissé de 17 %, ce qui représenterait le salut de 500 000 victimes !

Cette année, les atteintes aux biens diminuent, mais le nombre de cambriolages augmente. Les crimes et délits en matière d’escroqueries, d’infractions économiques et financières diminuent, mais les usurpations d’identité – plus de 200 000 par an – prennent des proportions inquiétantes. Surtout, les atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, qui restent quand même le premier problème d’un État de droit, continuent à augmenter, essentiellement pour des motifs crapuleux.

Plus on multiplie les indicateurs, plus il est difficile de juger objectivement des résultats des politiques menées, et plus il est facile pour le ministère de l’intérieur de présenter ceux-ci à son avantage. On le comprend !

C’est d’autant plus facile que seront regroupés dans une même catégorie des faits de gravité et d’impact sur l’opinion publique très différents. Ainsi, l’augmentation des agressions sur le personnel des transports – plus 15 % en 2010 –, aux effets, vous le savez, particulièrement calamiteux, disparaît-elle, noyée dans un indice global hétérogène.

Dernière cause de brouillage abordée par mes collègues et que j’aurai le temps d’évoquer : le transfert de plus en plus évident des dépenses de sécurité vers les particuliers et les collectivités. On ne sait plus à qui imputer les résultats de la lutte contre la délinquance !

En 2008, l’industrie de la sécurité privée employait 165 000 salariés, soit plus que le nombre des fonctionnaires de la police nationale, pour un chiffre d’affaires de 4,8 milliards d’euros, en croissance régulière.

Selon le quotidien Les Échos, les seules industries du transport ont réalisé 137 millions d’euros de dépenses de sécurité par an.

Quant aux effectifs des polices municipales – cela a été dit tout à l’heure – ils ne cessent, eux aussi, d’augmenter. Ils atteignaient 19 370 agents en janvier 2010, contre 14 300 en janvier 2002, soit une augmentation de 35 %, alors que, dans le même temps, les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie baissaient, ce qui n’empêche pas le Gouvernement de critiquer par ailleurs la croissance des effectifs de la fonction publique territoriale.

Enfin, il y a, bien sûr, la hausse des dépenses liées à la vidéosurveillance, encouragée par le Gouvernement. La Cour des comptes estime à 300 millions d’euros le coût du triplement du nombre des caméras installées sur la voie publique entre 2010 et 2011.

À l’évidence, très majoritairement, les membres du groupe du RDSE ne pourront cautionner ce jeu de passe-passe, car, sauf erreur de ma part, le jeu du bonneteau est interdit dans notre pays. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Virginie Klès étant absente pour des raisons totalement indépendantes de sa volonté, je vais lire son intervention, mais je précise bien que tout le mérite des propos que je tiendrai lui revient et que je serai simplement son relais.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez le talent de la lecture !

M. Jean-Pierre Sueur. Hélas non, mon cher collègue, mais je ferai de mon mieux.

Cette période d’examen budgétaire est propice à l’expression du constat renouvelé de notre désaccord fondamental quant à la manière de gouverner de votre majorité, politique conduisant, faute de priorité et d’objectifs à court, moyen et long termes clairement affichés, et dans le contexte financier contraint que nous connaissons tous, à des transferts de compétences ni concertés, ni compensés, ni même évalués, à des surcoûts ou des dysfonctionnements liés à des décisions prises ou à des annonces faites à l’emporte-pièce.

Ces deux attitudes conduisent in fine à ne pas inscrire les sommes nécessaires au maintien en condition opérationnelle de nos forces de sécurité, dépenses qui n’ont peut-être pas d’effet en matière de politique de communication vers le « grand public ». La réalité, c’est qu’une grande partie des suppressions d’emplois annoncées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, n’est pas justifiée – puisque la seule justification de ces suppressions est financière –, mais serait théoriquement rendue supportable, voire indolore, pour les services, par l’amélioration des conditions matérielles, techniques et scientifiques de travail des hommes et des femmes qui sont au service de notre sécurité à tous. Comme chacun le sait, comme vous ne l’ignorez pas, monsieur le ministre, c’est de la pure théorie !

Pour en revenir aux transferts de compétences et de missions, et sans entamer le débat qui pourrait avoir lieu sur la clarification nécessaire des rôles des entreprises de sécurité privées dans la « coproduction » de sécurité prônée par beaucoup, il faut que le ministre de l’intérieur manque singulièrement de moyens pour en arriver à solliciter les préfets, l’été dernier, pour qu’ils promeuvent le développement de « collaborateurs occasionnels » des forces de l’ordre : des citoyens lambda sont encouragés à surveiller l’espace public, sans aucun encadrement ni aucune limite.

Non, monsieur le ministre, Mme Klès ne voit aucun point commun entre un gendarme ou un policier qui, dans le cadre de ses missions, d’une assermentation, d’une hiérarchie respectueuse de l’équilibre entre libertés individuelles et sécurité, effectue une surveillance de notre espace de vie publique, et un Français à qui l’on demande non seulement de jeter un coup d’œil à la maison de ses voisins lorsqu’ils sont en vacances – acte de civisme naturel ou qui devrait l’être –, mais aussi et surtout de « signaler » aux forces de l’ordre tout fait, tout individu semblant marginal, tout véhicule stationné un peu longtemps, dans un quartier ou ailleurs...

Non, monsieur le ministre, la sécurité n’est pas l’affaire de « Mme la délation », mais bel et bien des pouvoirs publics ; charge à eux d’y consacrer les moyens nécessaires.

Oui, monsieur le ministre, les collectivités locales, par le moyen notamment des polices municipales, par l’intermédiaire de Conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, ou CISPD, qui ne fonctionnent bien que par la seule volonté politique locale, par le lien étroit qu’elles entretiennent avec les forces de sécurité nationales, participent à la production de la sécurité. Toutefois, ce ne peut être à n’importe quel coût, pour n’importe quelles missions, et notamment pas pour le maintien de l’ordre public, une mission régalienne s’il en est et qui doit relever de l’État républicain.

Monsieur le ministre, la police municipale ne peut être la supplétive des forces de la police nationale. Les maires ne l’accepteront pas et ne le feront pas.

Ils sont inquiets face à la création expérimentale, dans quarante-quatre départements, des « patrouilleurs » (M. le ministre marque son étonnement.), agents de sécurité en conditions précaires, dont le niveau de formation est inférieur au premier niveau de recrutement des gendarmes ou policiers nationaux, et qui contribuent au fonctionnement d’un dispositif de proximité d’un coût évalué à 18 millions d’euros pour à peine six mois... Si ce dispositif se révèle efficace et à la fois étendu et pérennisé, qui le supportera ? L’État ou les communes ? Dans quelles conditions ?

Après les tentatives, heureusement sans suite, de conférer plus de pouvoirs judiciaires aux policiers municipaux et de les mettre ainsi à la disposition des officiers de police judiciaire territorialement compétents, tout en laissant les charges financières aux communes, vous ne pouvez faire semblant de ne pas entendre nos inquiétudes.

La vidéoprotection est devenue trop souvent une fin en soi. Comment ne pas voir, là encore, à tout le moins des tentatives de transfert de charges vers les communes ? Quel est le chiffre du coût de la maintenance de ce matériel, à leur seule charge, du pourcentage – incompressible – de 30 % de caméras hors-service dans un système installé, du coût – non négligeable – de l’exploitation des images, sans laquelle aucune efficacité ne peut être obtenue. Enfin, quelle efficacité réelle en attendre ?

Un « sentiment » d’efficacité des professionnels, avez-vous dit récemment. Mais alors, pourquoi tant torturer les chiffres et l’état 4001, notamment l’index 107, pour évaluer les évolutions de la délinquance, si les « sentiments », les « impressions » à utilisation variable suffisent ?

Transfert de compétences, encore, et impréparation totale : le transfèrement des détenus et les gardes des personnes en cas d’hospitalisation ont fait l’objet de longues tractations, dès 2002, puis de décisions pour leur mise en œuvre, enfin, en 2011, avec pourtant de nombreux dysfonctionnements et désaccords encore entre les ministères concernés, celui de l’intérieur et celui de la justice.

Ainsi, monsieur le ministre, pourquoi, au moins en Bretagne, mais peut-être aussi ailleurs, a-t-il été instauré, alors que M. Sarkozy était ministre de l’intérieur et vous-même préfet de cette région, une curieuse habitude, qui est toujours en usage ? Le transfert de responsabilité, de l’administration pénitentiaire vers les forces de police pour la garde en milieu hospitalier banal de détenus parfois dangereux ne se fait que difficilement et par voie de mise en demeure. Ce transfert de responsabilité a pourtant été acté par voie législative.

Plus grave, et plus important en termes budgétaires, bien qu’aucune somme n’apparaisse nulle part sur ce sujet : les locaux nécessaires, prévus par la loi, pour la réalisation dans de nouvelles conditions des gardes à vue. Longtemps remise aux calendes grecques, la réforme de la garde à vue aurait dû être entreprise, réfléchie, concertée. Elle a été en réalité imposée à la va-vite, sans aucune anticipation et, de fait, sans la moindre programmation, y compris financière.

Mme Klès évoquait ensuite le problème des locaux, souvent en très mauvais état, puis le nécessaire renouvellement et entretien des parcs de véhicules. Même si un effort a été consenti cette année, l’ampleur des dégâts est telle que de réels problèmes demeurent pour payer les dépenses de véhicules, mais aussi parfois de carburant !

Monsieur le ministre, j’en arrive à la conclusion : refusant les transferts de compétences, insidieux ou clairement affichés, que ce budget sous-tend, refusant de laisser les forces de l’ordre sans les moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions, refusant une politique à la petite semaine qui n’affiche aucune réelle priorité permettant de prendre en compte les contraintes des finances publiques comme la situation réelle de la sécurité intérieure, ayant, au contraire, beaucoup de respect et de considération pour tous les hommes et les femmes qui se dévouent et s’investissent, souvent au-delà du raisonnable, au service de la sécurité des Français, Mme Klès, avec les membres de son groupe, ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2002 et, en accéléré, depuis 2007, la majorité présidentielle, sous la houlette du Président de la République, n’a cessé de voter des lois répressives. Leurs effets sur la délinquance témoignent d’un échec patent. La délinquance violente augmente, les armes prolifèrent et la délinquance financière fleurit.

On cherchera en vain dans ce budget ce qui serait susceptible d’améliorer la situation. En juillet dernier, la Cour des comptes avait pointé les dégâts entraînés par la RGPP. Or vous n’en avez tenu aucun compte.

Vous voulez à toute force réduire les effectifs publics. Dès lors, après l’éducation et le service public hospitalier, pourquoi ne pas sacrifier aussi la sécurité des citoyens ? Voilà un choix bien paradoxal pour un gouvernement qui mise au quotidien sur une politique sécuritaire !

Après avoir connu une stabilisation en 2011, les effectifs de la police nationale diminuent de nouveau, avec 1 720 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, en moins, alors que le nombre d’heures supplémentaires atteint, on le sait, plusieurs millions.

Dans ma circonscription de Paris, ce sont, selon la préfecture de police, 400 postes qui ont été supprimés en 2011, alors que le nombre des crimes et délits augmentait de 5,1 %.

Les effectifs de la gendarmerie connaissent, eux aussi, une nouvelle diminution, avec 1 185 ETPT en moins. Dans ces conditions, il ne paraît pas certain que la mutualisation des deux entités contribue à accroître la sécurité.

Certes, le nombre des adjoints de sécurité augmente de 678. Des fonctionnaires de police pourront donc être remplacés par des précaires sous contrat de trois ans, contre cinq ans avant la LOPPSI, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

De même, nous restons préoccupés par le recours croissant à la réserve civile de la police nationale, désormais ouverte à l’ensemble des citoyens. En effet, être policier est un métier.

La police technique et scientifique se voit dotée de 83 ETPT seulement, alors que sa charge de travail est déjà très lourde. Pourtant, la LOPPSI 2, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, exige un recours accru à ses services, puisqu’elle prévoit la modernisation de la police et la gendarmerie par une plus grande utilisation des technologies nouvelles. Les suppressions de postes touchent évidemment fortement les emplois administratifs et techniques, en vertu de votre politique de substitution avec les actifs prônée également par la LOPPSI pour réaliser des économies.

Le rapport de la Cour des comptes pointait aussi la baisse du budget de fonctionnement des forces de l’ordre. Certes, on constate un effort de 90 millions d’euros pour l’immobilier, l’achat de véhicules et de matériel informatique, ainsi que le fonctionnement courant des services. Mais cela ne compense pas, loin s’en faut, les diminutions précédentes.

Ce sont les acquisitions de matériel et les travaux de maintenance des locaux qui ont connu les plus fortes restrictions, au risque, selon la Cour des comptes, de mettre en cause « l’efficacité de l’action des services ».

Les syndicats de police ont souligné leurs inquiétudes quant à certains équipements, comme les gilets pare-balles et les véhicules dégradés, qui ne peuvent être remplacés ni simplement entretenus.

Quant à la loi sur la garde à vue, le décalage entre les dispositions qu’elle prévoit et l’application qui en est faite n’est pas prêt d’être gommé. Lors des débats parlementaires, nous avons mis l’accent sur les questions d’ordre organisationnel qui se posent et qui inquiétaient déjà les officiers de police obligés de faire face aux nouvelles procédures. Or le projet de loi de finances n’en tient aucun compte.

De même, le respect du principe de dignité humaine de la personne gardée à vue risque de demeurer longtemps encore lettre morte, au vu de la vétusté de nombreux locaux de police.

Aujourd’hui, vous créez des patrouilleurs chargés sur le terrain d’une triple mission – préventive, dissuasive, répressive –, qui recoupe en fait les missions traditionnelles de la police. Votre objectif est de rendre celle-ci « plus visible ». Votre objectif est le même avec l’acquisition de véhicules « sérigraphiés ». Qu’en penser ? Est-ce un retour – incontournable de mon point de vue – à la police de proximité que vous avez supprimée ? Ces patrouilles permettront-elles de faire reculer le sentiment d’insécurité que ressentent nos concitoyens et de restaurer la confiance entamée entre eux et la police par la politique du chiffre ?

Tout, dans ce budget, confirme votre désengagement des missions de service public essentielles et régaliennes.

Dans ce contexte, la police municipale, la vidéosurveillance, la réserve civile ou les sociétés privées – certains tribunaux y recourent – sont, pour vous, des palliatifs à la baisse des effectifs. Les agences de sécurité privée et les sociétés de vidéosurveillance ne se sont jamais aussi bien portées. Preuve en est que le marché est rentable. La vidéosurveillance croît sans cesse, alors que, comme cela a été dit, son efficacité sur la voie publique est contestée et que le respect des libertés publiques est douteux, tout cela pour un coût très élevé. Une évaluation serait nécessaire. Qui plus est, ce sont les collectivités locales qui paient l’essentiel.

C’est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé la constitution d’une mission d’information sur les polices municipales.

Dans son projet électoral, l’UMP promet une « présence renforcée des forces de sécurité sur le terrain ». C’est un nouvel affichage, puisqu’il est précisé que cela se fera sans déroger à la contrainte du « coût zéro », ni sans revenir sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Pour conclure, je veux dire que nous sommes très inquiets face au discours permanent de stigmatisation des étrangers et des jeunes des quartiers populaires que l’on entend au sein de l’exécutif et à droite, instillant l’idée d’une connotation ethno-raciale et sociale de la délinquance, tout particulièrement de la jeunesse.

Pour notre part, les jeunes ne nous font pas peur : c’est la façon dont on les traite qui nous inquiète.

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En matière de sécurité, nous refusons toute instrumentalisation. Nous sommes très attachés à la police républicaine, seule garante de l’égalité entre les citoyens et du respect des libertés publiques.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très bien dit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi voulons-nous pour elle des moyens à la hauteur de ses missions. Voilà pourquoi nous voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, je n’étonnerai personne en affirmant que le groupe UMP soutient totalement votre action.

M. Claude Guéant, ministre. Merci !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Tiens donc !

M. Roger Karoutchi. Cet après-midi, on a un peu le sentiment qu’il faut revenir aux réalités.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Cela vous change !

M. Roger Karoutchi. Monsieur Placé, je ne vous ai pas interrompu. Je vous saurais gré de faire de même !

Cet après-midi, j’ai connu le bonheur d’entendre M. Placé dire qu’il regrettait qu’il n’y ait pas davantage de policiers.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Bien sûr !

M. Roger Karoutchi. Voilà un vrai écologiste, comme on les aime, réclamant plus d’ordre, plus de sécurité…

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Exactement !

M. Roger Karoutchi. Je n’en doutais pas, monsieur Placé !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Un écologiste qui aime la République ! Vous ne devriez pas plaisanter avec ce sujet, monsieur Karoutchi ! Vous ne représentez pas des quartiers où il manque des policiers et des gendarmes !

M. Roger Karoutchi. Je vous remercie de me laisser parler. Je vous rappelle que vous êtes un rapporteur spécial, non un agitateur ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Les chiffres sont là, et c’est bien ce qui vous gêne. Entre 1997 et 2002 – ce sont les mêmes organes de statistiques depuis 1972, ces chiffres ne sont donc pas contestables –,…

M. Jean-Louis Carrère. Vous allez encore dire que Vaillant, c’était une catastrophe !

M. Pierre-Yves Collombat. Ces chiffres ne veulent rien dire, on le sait !

M. Roger Karoutchi. … la délinquance a augmenté de plus de 17,5 %,…

M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’a aucun sens !

M. Roger Karoutchi. … tandis qu’elle a diminué de 17 % de 2002 à aujourd'hui. Cela ne vous plaît pas, chers collègues, mais peu importe !

Les chiffres seraient en augmentation pour un certain nombre d’actes violents ? Mais lesquels ?

Mme Michèle André. Bref, tout va bien !

M. Roger Karoutchi. Pour les actes de violences intrafamiliales, par exemple ? Oui, c’est vrai.

M. Jean-Louis Carrère. Encore faut-il avoir une famille !

M. Roger Karoutchi. C’est vrai, le nombre des actes de violences intrafamiliales a doublé. Est-ce l’action des forces de sécurité qui est en cause ? Naturellement non ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

En vérité, les choses sont claires : un effort considérable a été fait depuis 2002, avec 3,5 milliards d’euros qui ont été consacrés à la modernisation. Cela signifie que l’on a fait en sorte de mettre, à effectifs constants, plus de policiers dans les rues.

M. Jean-Louis Carrère. Et de leur offrir de meilleurs logements !

M. Roger Karoutchi. C’est la réalité !

J’aurais aimé vous entendre dire que les mesures salariales prises en faveur des forces de police – à hauteur de 116 millions d’euros supplémentaires pour l’année prochaine – ont été appliquées. En la matière, le Gouvernement a respecté la totalité de ses engagements.

De la même manière, j’entends dire que la vidéosurveillance ou vidéoprotection – appelez-la comme vous voulez, d’ailleurs ! – n’aurait pas d’impact, et que ce système serait, au contraire, parfois dangereux.

Je vous le dis sincèrement – d’ailleurs, M. Placé le sait parfaitement –, nous avons mis en place dans la région d’Île-de-France un système de vidéoprotection dans bien des transports publics,…

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Ce n’est pas de cela que l’on parle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous confondez tout !

M. Roger Karoutchi. … car c’était une nécessité.

La vidéosurveillance dans un certain nombre de carrefours, de centres commerciaux, dans les transports, est une nécessité.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Personne ne le conteste dans les transports, y compris dans les bus !

M. Jean-Louis Carrère. Chez Mme Bettencourt aussi ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Roger Karoutchi. Vous êtes constamment en train de dire que vous êtes pour la sécurité, mais soit vous faites en sorte que les mesures prises ne soient pas appliquées, soit vous les critiquez.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est votre majorité qui est au gouvernement !

M. Roger Karoutchi. Excusez-moi de vous le dire, madame Borvo Cohen-Seat, mais la police de la France d’aujourd'hui, c’est la police républicaine. Je ne comprends même pas que vous ayez pu dire dans votre intervention que vous étiez favorable à une police républicaine. N’est-ce pas le cas aujourd'hui ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr que si ! Mais vous remplacez la police par la vidéosurveillance !

M. Roger Karoutchi. La police remplit la totalité de ses missions, et elle le fait bien.

M. Jean-Louis Carrère. Même les caméras sont républicaines !

M. Roger Karoutchi. Et alors ? Cela vous choque que des caméras soient utilisées comme mesure de prévention ?

M. Jean-Louis Carrère. On en est tous contents…

M. Roger Karoutchi. Il y a des caméras dans toutes les grandes villes du monde, qu’elles soient de gauche ou de droite !

M. Jean-Louis Carrère. Il y en a plus de gauche maintenant !

M. Roger Karoutchi. L’effort consenti en la matière par le Gouvernement est considérable, et il serait temps et souhaitable que la gauche, dans son ensemble, accepte un vrai débat républicain sur la sécurité. En effet, quoi que l’avenir nous réserve, il faudra bien assurer la sécurité des Français.

M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !

M. Michel Le Scouarnec. L’assurer davantage !

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. L’assurer mieux !

M. Roger Karoutchi. Et il faudra continuer de prendre des mesures en la matière. Il est bien de dire au début de son intervention que tout le monde respecte, apprécie, approuve les forces de sécurité. Toutefois, dans le cas présent, il faut aussi affirmer que l’on soutient et respecte les actions de la police nationale et de la gendarmerie.

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Mais on parle du budget et des moyens !

M. Roger Karoutchi. Il faut le dire !

Monsieur le ministre, le dispositif des policiers patrouilleurs que vous avez mis en place il y a quelques mois a fait ses preuves. Attendons de voir la suite, mais il faudra sans doute l’étendre, car les patrouilleurs jouent un rôle essentiel dans les quartiers et les villes où ils exercent.

J’entends dire que nous transférerions les charges vers les collectivités. Pour ma part, je suis de ceux qui considèrent que les missions régaliennes doivent être assurées par l’État,…

M. Roger Karoutchi. … à commencer par la sûreté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous dites la même chose que moi, alors !

M. Roger Karoutchi. Je vous ferai remarquer que c’est moi qui ai fait créer un chapitre « sécurité » dans le budget de la région d’Île-de-France.

M. Jean-Louis Carrère. Et les maîtres-nageurs ?

M. Roger Karoutchi. Or il n’a jamais été supprimé depuis lors, pas plus par la gauche que par la droite ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Cela vous choque que les régions ou les collectivités fassent construire des antennes de police ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est ce que l’on dit ! On dit qu’il faut des moyens !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. On est obligé de le faire ! C’est cela le problème !

M. Roger Karoutchi. Monsieur Placé, le problème ne se pose pas. La sécurité, c’est une nécessité pour tous. C’est une demande de tous les citoyens.

M. Jean-Louis Carrère. Et les maîtres-nageurs ?

M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, faites un effort ! Retrouvez un peu de sérénité, et soyez consensuels.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, vous avez notre soutien plein et entier pour poursuivre et amplifier votre action. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Décidément, « Quand c’est fini, ça recommence », comme dit la chanson ! On supprime, sans allégresse aucune, j’en suis conscient, de nombreux postes. À la fin de l’année 2013, ce sont 12 000 postes qui seront supprimés dans la gendarmerie et dans la police nationale. Certes, je ne nie pas que les effectifs avaient été sérieusement augmentés jusqu’en 2009.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Jean-Louis Carrère. C’est la vérité, je ne le conteste pas ! Mais il faut dire aussi que la tendance est en train de s’inverser : entre 2009 et 2013, plus de 12 000 postes auront été supprimés.

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis. Exactement !

M. Jean-Louis Carrère. Or, dans le même temps, on répète à l’envi, comme vous le faites d’ailleurs, ce que nous apprécions, car nous sommes d’accord avec vous, que la sécurité est l’une des priorités de ce pays. Dès lors, il faut se donner les moyens de la mettre en œuvre.

Alors même que l’on supprime quelque 12 000 postes, on implante 400 radars et on utilise les gendarmes dans les zones rurales pour lutter contre les accidents de la route.

Je ne sais pas si vous connaissez bien les zones rurales, monsieur le ministre, mais je pense que c’est le cas, car vous avez été préfet, et je respecte cette fonction que vous ayez exercée. Toutefois, vous n’avez jamais eu la chance d’être un élu, de vivre avec la population, d’être en communion avec les habitants, de ressentir leurs difficultés et de partager les craintes qu’ils expriment, surtout en ce moment.

Vous devez savoir à quel point la gendarmerie est l’un des piliers de la République dans ces zones. Pourquoi supprimer des escadrons ou des brigades et en regrouper d’autres ? Surtout, pourquoi cantonner les gendarmes, complètement cannibalisés par la politique du chiffre, dans des actions de répression des accidents de la route, toute la journée derrière des jumelles, et cela pour des résultats, somme toute, douteux ? Oui, pourquoi, monsieur le ministre ?

Je prendrai l’exemple de ma commune, Hagetmau, située dans le sud des Landes. Depuis que vous avez regroupé les brigades, je ne vois plus les gendarmes, monsieur le ministre ! En effet, ils n’ont plus le temps, car leur manque d’organisation est tel qu’ils se déplacent sans arrêt. Pourtant, vous le savez, la proximité avec les élus et la population est un facteur de responsabilisation, de sécurisation, qui permet d’éviter un certain nombre d’actes délictueux. Mais cela ne se passe plus ainsi !

Monsieur le ministre, en ce moment, au sein de la gendarmerie, la grogne s’intensifie et, surtout, les interrogations sont nombreuses. Je ne reviendrai pas sur les remarques de Gérard Larcher concernant les logements qui se dégradent et pour lesquels on a le sentiment que vous faites des économies ou que vous ne pouvez pas subvenir aux besoins. C’est pourtant l’un des éléments à prendre en compte pour le moral des gendarmes. Et je ne parle pas de la baisse des effectifs et d’une utilisation des moyens tournée vers le tout-répressif.

Monsieur le ministre, je ne suis pas là pour vous dire que je suis opposé à la mise en œuvre d’une politique destinée à diminuer de manière drastique le nombre des accidents de la circulation. Au contraire, j’y suis favorable. Mais laissez-moi vous expliquer pourquoi votre politique du chiffre produit des résultats inverses.

Les gendarmes, parce qu’ils sont obligés de faire ces chiffres, ne se postent pas dans les zones accidentogènes, qu’ils délaissent ! Ils choisissent des lignes droites, sur lesquelles il est aisé de verbaliser les gens.

Faites-moi le plaisir de venir dans les Landes. Je vous emmènerai, dans mon propre véhicule, là où les gendarmes peuvent faire du chiffre, justement. Dans la plupart de ces endroits-là, moi qui ai 66 ans, je n’ai jamais vu d’accident !

Ce ne sont pas là de bonnes méthodes, monsieur le ministre. Le comprenez-vous ? Je vous le dis, une autre politique est possible. Mais encore faut-il se rendre sur le terrain, tenir compte de l’avis des élus locaux, aller à la rencontre des gens, aimer ces Françaises et ces Français pour qui on veut mettre en œuvre une vraie politique de sécurité.

Monsieur le ministre, je comprends que le Gouvernement ait appliqué une politique très dure de révision générale des politiques publiques. Toutefois, je n’en partage ni la brutalité ni la méthode, encore que, comme tous mes collègues, je sois très attaché aux tentatives de redressement des comptes publics et de résorption de la dette. Par conséquent, je n’incriminerai pas tous les aspects de votre politique.

Néanmoins, pourquoi faire sans arrêt référence au bilan du gouvernement Jospin, moquer le ministre de l’intérieur de l’époque et tourner en dérision ses résultats, alors que les vôtres sont quand même pour le moins contrastés ? (M. le ministre proteste.)

Pour ma part, je constate que, depuis 2002, si les atteintes aux biens ont baissé de 28,6 %, les violences contre les personnes ont augmenté de 21,2 %, alors que, vous, monsieur le ministre, vous avez l’habileté de ne citer que les chiffres qui corroborent les messages que vous voulez faire passer ! Je trouve que ce n’est pas très bien.

Laissez-moi vous dire autre chose. Je suis un républicain. Je suis instituteur et, dans ma vie, j’ai fait beaucoup de leçons de morale ! Une chose m’interpelle vraiment : c’est la façon dont vous conduisez la politique de la sécurité dans notre pays, un œil sur les sondages – il est vrai que vous en faites beaucoup ! –, l’autre sur l’extrême droite. Or, monsieur le ministre, quand on se bat pour la sécurité, on le fait sans être tous les jours en campagne électorale pour le candidat Sarkozy !

Monsieur le ministre, je vous demande de revenir aux fondamentaux, de vous occuper vraiment de la sécurité des Français, d’essayer de répondre, en cette période de crise, à leur désarroi, y compris dans les territoires ruraux, et de mettre un terme à cette politique du chiffre qui est en train d’échouer.

Alors, comme le demandait M. Karoutchi précédemment, vous pourrez obtenir notre soutien. Je prends à cette tribune non pas le pari, car ce n’est pas dans ma nature, mais l’engagement, si vous changez de politique, si vous renoncez à la logique du chiffre, de vous l’apporter, à vous qui êtes si prompt, quelquefois, à nous donner des leçons, même si le ton en est courtois.

Que pensez-vous de ce que vous êtes en train de faire autour de Nicolas Sarkozy, de cette campagne électorale menée grâce aux avions, aux voitures, aux moyens de la République ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le sujet !

M. Roger Karoutchi. Que signifient ces propos ?

M. Jean-Louis Carrère. Pensez-vous que ce sont là de bonnes méthodes ? Je vous le dis sincèrement, monsieur le ministre : lorsqu’on est un républicain, on l’est pour tout ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Charles Revet. Ce que vous dites est scandaleux !

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Faites donner la garde impériale !

M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, avant tout, je tiens à saluer le remarquable travail de notre éminent collègue Gérard Larcher, rapporteur pour avis pour le budget de la gendarmerie, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Dans un contexte très contraint de réduction des déficits, ce rapport budgétaire est le reflet de l’attention et de l’attachement que nous portons à nos gendarmes.

M. Charles Revet. C’est mérité !

M. Pierre Charon. Ce rapport illustre également notre volonté absolue de préserver les conditions de travail de la gendarmerie et de la police.

Comme l’a rappelé Gérard Larcher, conserver le statut militaire de la gendarmerie est une nécessité.

M. Pierre Charon. Disposer de deux forces de police, l’une à statut civil, l’autre à statut militaire, constitue un atout pour l’État républicain, notamment en cas de crise grave. C’est aussi une garantie pour l’indépendance de l’autorité judiciaire, grâce au libre choix du service enquêteur par les magistrats.

Enfin, c’est grâce au statut militaire et au maillage du territoire par les brigades territoriales que la gendarmerie assure le maintien de l’ordre public et la sécurité sur 95 % du territoire, correspondant à 50 % de la population, notamment en zone rurale et périurbaine.

C’est ce statut qui permet la disponibilité des gendarmes et leur proximité avec les élus locaux et la population. Cet ancrage territorial est l’une des clés de la cohésion nationale.

Je souhaiterais porter à la connaissance de la Haute Assemblée les résultats d’un sondage (Encore ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) publié le mois dernier par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire, l’IRSEM, sur la question de la confiance des jeunes Français dans les institutions.

Il ressort de cette enquête que l’armée est l’institution dans laquelle les jeunes Français ont le plus confiance, avec 85 % de réponses positives.

M. Jean-Louis Carrère. C’est bien !

M. Gaëtan Gorce. C’est moins vrai du chef des armées ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Pierre Charon. Ce chiffre doit nous faire mesurer l’importance de la présence des forces de gendarmerie auprès de la population et notre obligation de préserver son statut militaire, parce que celui-ci incarne le respect, l’ordre, et la tranquillité.

Par ailleurs, je me réjouis de constater que nos collègues de la nouvelle majorité sénatoriale défendent avec vigueur aujourd’hui le statut militaire des gendarmes.

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’étiez pas là, mais cela ne date pas d’hier !

M. Pierre Charon. Le temps n’est pas si lointain où certains d’entre eux militaient pour la reconnaissance d’associations professionnelles au sein des armées... Or, s’il est une chose qui est incompatible avec le statut militaire, c’est bien le droit syndical.

M. Alain Richard. Monsieur Charon, ne dites pas de bêtises sur ce sujet !

M. Pierre Charon. Aussi, vous comprendrez ma surprise à la lecture des propositions formulées par le député Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national chargé de la sécurité pour le parti socialiste, et publiées par la formidable fondation Terra Nova, la pythie du parti !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais non, cela n’a rien à voir ! C’est un club de réflexion qui n’engage pas le parti socialiste !

M. Pierre Charon. Celui-ci propose, tout simplement, de supprimer les échelons intermédiaires, ce qui conduirait à une remise en cause de la chaîne hiérarchique et, à terme, à la disparition du statut militaire et à une fusion entre la police et la gendarmerie. (M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.)

Monsieur Sueur, calmez-vous un peu ! Ce serait d'ailleurs au président de vous le dire...

Il s’en explique ainsi : « Le Gouvernement ne peut s’enfermer définitivement dans une position de dépendance à l’égard d’une hiérarchie trop rigide : ne serait-ce pas l’occasion d’opérer une mutation majeure en introduisant au sein de la gendarmerie une culture du management qui viendrait contrebalancer celle, traditionnelle, du commandement ? ».

Pardonnez-moi, chers collègues, mais la culture du commandement dans l’armée tient non pas du folklore, mais de la nature même de l’organisation militaire ! (M. Gaëtan Gorce s’exclame.)

Il est fondamental de préserver la structure verticale de la gendarmerie, qui fait non seulement sa spécificité, mais aussi son efficacité et sa force. Si l’on supprime la tête, les échelons intermédiaires, et qu’il ne reste que les brigades, il n’y a plus de chaîne de commandement et il n’y a plus de gendarmerie. N’est-ce pas là une étrange manière de défendre le statut militaire des gendarmes ?

Par ailleurs, ce rapport propose une fusion de la direction générale de la police nationale, la DGPN, et de la direction générale de la gendarmerie nationale, la DGGN, ce qui revient à mettre un civil à la tête de la gendarmerie et de la police.

Cette solution, adoptée en Espagne en 2006, se révèle un échec complet. Elle est remise en cause en ce moment même par les experts du Parti populaire, qui travaillent à séparer à nouveau la direction de la police et de la Guardia civil. Peut-être serait-il sage de profiter des expériences de nos voisins ?

Dans leur très instructif rapport, nos collègues Anne-Marie Escoffier et Alain Moyne-Bressand confirment que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur n’a pas entraîné la disparition du statut militaire de la gendarmerie ni la fin du dualisme policier.

M. Jean-Louis Carrère. On le savait !

M. Pierre Charon. Au contraire, la loi du 3 août 2009 a consacré le statut militaire de la gendarmerie et ses missions. Cette réforme a seulement permis la mutualisation des moyens entre la police et la gendarmerie et le renforcement de leur coopération en matière de lutte contre la criminalité, au service de la sécurité des Français.

M. Jean-Louis Carrère. Pas la mutualisation, la réduction des moyens !

M. Pierre Charon. Ce n’est pas ce que nous a dit M. Frédéric Péchenard, lorsque nous l’avons entendu !

Avant de conclure, je voudrais rendre un hommage appuyé au travail et à la mission qu’accomplissent les gendarmes au quotidien, tant sur le territoire national qu’à des milliers de kilomètres. Que ce soit en Guyane, dans le cadre de l’opération Harpie – opération de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane –, ou en Afghanistan, leur professionnalisme et leur courage sont des exemples pour la société civile.

Bien évidemment, je voterai les crédits de la mission « Sécurité », soucieux que la gendarmerie soit respectée dans la spécificité de son organisation et soutenue dans son action sur le plan matériel, pour qu’elle puisse continuer à illustrer avec le même mérite sa devise traditionnelle : « Pour la patrie, l’honneur et le droit. » (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, à l’occasion du vote des crédits de la mission « Sécurité », je voudrais, comme les collègues qui se sont exprimés avant moi, rendre hommage au travail quotidien exercé avec dévouement et professionnalisme par les policiers, les gendarmes ainsi que l’ensemble des militaires qui sont en opérations extérieures.

Leur mission est, en effet, très difficile, pour assurer la sécurité des personnes et des biens, souvent en partenariat avec les élus, les services d’urgence et les sapeurs-pompiers. Combattre la délinquance constitue réellement une priorité du Gouvernement ; nous en avons largement débattu lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ».

En termes de masse financière, la mission « Sécurité » atteint 17,1 milliards d’euros, avec une progression de 1,5 %. Grâce aux efforts permanents de modernisation et de mutualisation des moyens humains et techniques, gendarmerie et police peuvent poursuivre une coopération utile et efficace.

Je mettrai constamment en évidence l’aspect humain, par respect et reconnaissance à l’égard des hommes et des femmes qui risquent leur vie au quotidien pour sauver celle des autres ; cet aspect a été souligné par nos collègues. Les Journées nationales du souvenir, organisées tant par la gendarmerie que par la police, sont l’occasion de rappeler la mémoire de ceux qui ont donné leur vie.

Mon intervention portera plus particulièrement sur le programme 152, « Gendarmerie nationale », notamment en ce qui concerne les territoires ruraux.

Représentant un département de 285 000 habitants, les Ardennes, je rappellerai, à mon tour, notre attachement à tous, élus locaux et habitants, à la répartition territoriale et au statut militaire de la gendarmerie, comme l’a fort justement rappelé Gérard Larcher.

En effet, pour nos petites communes, les gendarmes sont des interlocuteurs de proximité qu’il convient de soutenir. Tout repose sur un climat de confiance entre nos gendarmes et l’ensemble des élus. Cela est souvent rappelé lors des cérémonies de sainte Geneviève, la patronne des gendarmes, qui ont lieu actuellement.

La mise en place des communautés de brigades a permis quelques progrès, notamment grâce à leur présence sur le terrain conjointement avec les brigades motorisées, lesquelles accomplissent un travail considérable pour lutter contre l’insécurité routière, qui est aussi une priorité gouvernementale.

Toutefois, comme l’ont affirmé un certain nombre de collègues avec conviction et passion, les petites brigades doivent, malgré les contraintes légitimes de la RGPP, être maintenues, voire renforcées. Elles couvrent en effet de nombreuses petites communes réparties sur de grands espaces et sont indispensables aux élus locaux et aux habitants.

Pour les maires de petites communes, dont je fais partie, les gendarmes, comme les sapeurs-pompiers, font partie des interlocuteurs de proximité. On le rappelle souvent lors des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD.

Je forme donc de nouveau le vœu, monsieur le ministre, en toute sincérité, que des effectifs suffisants puissent être maintenus dans les petites brigades afin de conserver cette proximité de terrain, afin de lutter contre la délinquance et défendre les personnes les plus fragiles. J’y associe aussi le travail accompli par les personnels retraités, réservistes de la gendarmerie, pour l’aide apportée aux actifs.

En conclusion, la protection et la sécurité de nos concitoyens, en particulier des plus fragiles, doivent incontestablement rester une priorité ; c'est pourquoi, avec mes collègues du groupe UMP, je voterai les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier tous ceux qui, sur les diverses travées de la Haute Assemblée, ont tenu à rendre hommage au dévouement et aux qualités professionnelles de nos policiers et de nos gendarmes.

M. Gérard Larcher a eu raison de souligner que les gendarmes étaient engagés non seulement sur le territoire métropolitain, mais aussi sur des théâtres extrêmement dangereux à l’extérieur, notamment en Afghanistan.

Malheureusement, des faits tragiques illustrent de temps à autre la capacité de dévouement de ces policiers et de ces gendarmes, et je souhaiterais que nous ayons bien à l’esprit, nous et nos concitoyens, et pas seulement à l’occasion de ces événements tragiques, tout ce qu’ils font pour la sécurité quotidienne des Français.

Je voudrais répondre aux orateurs qui se sont exprimés sur les travées socialistes que nous sommes tout aussi républicains qu’eux et que ni la majorité présidentielle ni le Gouvernement n’ont de leçons de républicanisme à recevoir !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Nous siphonnons tout de même un peu moins l’extrême droite !

M. Claude Guéant, ministre. Nous connaissons les principes de la République et nous y sommes attachés, notre action quotidienne est là pour le démontrer. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je suis surpris que certains contestent encore la nécessité pour notre pays de faire des efforts pour maîtriser ses finances publiques. Dans l’état de menace que représente aujourd'hui la situation monétaire et financière, non seulement européenne mais aussi mondiale, ces observations me laissent perplexes.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez fait 75 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux plus riches !

M. Claude Guéant, ministre. Nous avons un besoin incontestable, absolu, de maîtrise de nos finances publiques, et cela entraîne forcément des conséquences.

M. Pierre-Yves Collombat. Et la relance économique ?

M. Claude Guéant, ministre. La relance économique, monsieur Collombat, j’imagine que vous préconisez de la faire avec de la dépense publique, c'est-à-dire avec un creusement de la dette.

M. Pierre-Yves Collombat. Non, par la monétarisation de la dette ! C’est le seul moyen de nous en sortir. Même le Président de la République l’a dit.

M. Jean-Louis Carrère. En matière de creusement de la dette, vous n’avez pas de leçons à donner ! Pas de provocation !

M. le président. Laissez s'exprimer M. le ministre, mes chers collègues.

M. Claude Guéant, ministre. Cela étant, puisque l’on évoque la baisse des moyens, qui est effectivement l’instrument de cette politique de maîtrise des finances publiques, nous ne sommes pas condamnés, quand nous exerçons une responsabilité dans la République, à toujours répliquer ce qui s’est fait auparavant ; nous pouvons chercher des marges de progrès.

M. Jean-Louis Carrère. Dites-le à M. Karoutchi !

M. Claude Guéant, ministre. Le rapport public annuel de la Cour des comptes pour l’année 2011 a été cité à plusieurs reprises. J’ai eu l’occasion de le contester : même la Cour des comptes n’est pas infaillible,…

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Claude Guéant, ministre. … et il lui arrive d’énoncer des erreurs !

Cela dit, le rapport de la Cour des comptes souligne à juste titre que la présence des policiers sur la voie publique s’est accrue, en l’espace de trois ans, de 10 %, et je puis vous affirmer que cet effort continue. Cela signifie que, malgré la réduction des effectifs, le travail est fait là où il doit l’être et que la présence sur le terrain augmente. Dans le même temps, on observe de surcroît un recul de la délinquance et de la criminalité.

Je voudrais vous signaler des exemples de redéploiement des effectifs. Le Gouvernement a, il est vrai, supprimé un certain nombre d’escadrons de gendarmerie mobile, ce qui se traduit par la récupération de 1 500 emplois environ. Parallèlement, mais par une méthode différente, les effectifs des compagnies républicaines de sécurité ont été réduits d’autant.

En effet, il est apparu que, dans la France d’aujourd'hui, la priorité est la sécurité quotidienne des Français, l’ordre public devenant une priorité de second rang. Heureusement, nous avons aujourd'hui en France des dialogues pacifiés, ce qui rend l’ordre public moins nécessaire. Tirons-en les conséquences pour que la sécurité quotidienne des Français soit améliorée.

M. Claude Guéant, ministre. M. Placé a évoqué notre échec en matière de sécurité. C’est une lubie du parti socialiste et de ses alliés. Nous aurions échoué depuis 2002, alors que la période qui a précédé aurait été un grand succès : je dois dire que le tour de prestidigitation est extraordinaire ! Nous avons fait baisser la délinquance de 17 %, et ce serait un échec… Les socialistes l’ont augmentée de 17 %, et ce serait un succès ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Le nombre de cambriolages a explosé, le trafic de stupéfiants aussi : c’est un échec absolu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moins de vols de portable, plus de coups de couteau !

M. Claude Guéant, ministre. Je me permets de rappeler que les statistiques réalisées lorsque le gouvernement était socialiste ne proviennent pas de la droite !

Venons-en à la question précise que vous posiez, monsieur Placé, sur les atteintes à l’intégrité physique des personnes. Je suis désolé de vous dire, monsieur le rapporteur spécial, que vous avez été abusé.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Et les chiffres ? Ce sont les vôtres !

M. Claude Guéant, ministre. Je vais vous donner les chiffres et vous pourrez les vérifier. En la matière, il faut toujours aller jusqu’au bout et ne pas se fier aux apparences.

Il est vrai que, depuis 2002, les atteintes physiques aux personnes ont augmenté de 22 %.

M. Pierre-Yves Collombat. Qu’est-ce que cela représente en valeur absolue ?

M. Claude Guéant, ministre. Je signale au passage qu’elles avaient progressé de 72 % entre 1997 et 2002. (Et alors ? sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Louis Carrère. Ne regardez pas toujours en arrière !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Avec Charles Pasqua, entre 1986 et 1988, on peut trouver tout ce qu’on veut !

M. Claude Guéant, ministre. Je vais vous apporter une précision à laquelle, je l’espère, vous prêterez attention. Il existe deux catégories d’atteintes aux personnes : celles qui sont commises à l’intérieur du cercle familial et amical, et celles que l’on qualifie de « crapuleuses ».

M. Pierre-Yves Collombat. Elles augmentent !

M. Claude Guéant, ministre. Ces statistiques sont d'ailleurs publiées chaque année sous la forme de tableaux et comportent 107 rubriques qui peuvent être consultées dans le détail. Il n’appartient pas forcément au Gouvernement de les commenter quotidiennement.

Les atteintes crapuleuses sont celles qui sont commises par les voyous, et elles sont en recul, monsieur Placé.

M. Claude Guéant, ministre. Consultez les chiffres : elles sont en recul de 10 %. Les atteintes sexuelles contre les femmes ont baissé de 12 %. Ce sont des réalités, vous ne pouvez pas les nier.

Certains ont contesté la validité des statistiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde les conteste ! Un indicateur global n’a pas de sens !

M. Claude Guéant, ministre. C’est vous qui le dites ; démontrez-le. Employez de vrais arguments !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez parler M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Il s’agit tout simplement du nombre de plaintes qui sont déposées : c’est mesurable, c’est un chiffre qui est à la fois policier et judiciaire. Les statistiques sont élaborées de la même façon, depuis trente ans, quelle que soit la couleur politique du Gouvernement. Personne ne peut les contester !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est une mesure de la cote de popularité du chef de l’État auprès de la police, rien d’autre !

M. Claude Guéant, ministre. L’enquête de victimation est une autre approche de la délinquance, qui peut compléter ces statistiques. Or celle qui vient tout juste d’être publiée va dans le même sens que les résultats de l’état 4001. Un mouvement est d'ailleurs en train de se dessiner, que nous commençons à constater dans les statistiques : le recul des atteintes à l’intégrité physique des personnes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si tout va bien, arrêtez donc de faire voter des lois sécuritaires !

M. Claude Guéant, ministre. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, le devoir d’un gouvernement, comme de tout responsable public, me semble-t-il, est de répondre à un problème qui se pose. Je récuse d'ailleurs le terme « sécuritaire », empreint d’une connotation ne correspondant pas du tout à notre état d’esprit, qui est d’assurer la sécurité. Je déplore que l’on puisse considérer que la sécurité n’est pas un objectif à atteindre.

M. Jean-Louis Carrère. C’est un objectif qui reste à atteindre !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Carrère, n’interrompez pas M. le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. J’en viens maintenant aux nombreuses questions particulières qui m’ont été posées.

Tout d'abord, s’agissant de la politique visant à développer des moyens de vidéo-protection, des doutes ont été émis. Le vœu a été formulé que nous réalisions une étude pour évaluer l’efficacité de ces dispositifs.

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Une étude scientifique !

M. Claude Guéant, ministre. Voilà déjà plusieurs semaines, en réponse à une question parlementaire, je me suis engagé à réaliser cette étude et elle a démarré.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial, et Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Au Sénat, vous ne répondez pas aux questions !

M. Claude Guéant, ministre. Monsieur Carrère, l’Assemblée nationale est aussi une assemblée respectable, à ma connaissance !

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’étiez pas là, tout à l'heure, lors des questions d’actualité !

M. Claude Guéant, ministre. Je suis désolé, monsieur le sénateur, de cette prise à partie personnelle. Je n’ai pu être présent tout à l'heure parce que je présidais une réunion rassemblant les ministres de l’intérieur du G6 et des États-Unis, que je pouvais difficilement quitter.

M. Claude Guéant, ministre. Vous êtes des familiers de la vie locale, mesdames, messieurs les sénateurs. Je vous invite donc à vous rendre dans les centres de supervision de vidéo-protection afin de mesurer directement l’intérêt de cette technique.

Je précise d’ailleurs qu’aucun de ces centres ne relève d’une gestion privée. Les matériels sont fournis par l’industrie, bien sûr, mais les centres sont uniquement gérés par des fonctionnaires de police, nationale ou municipale. La preuve judiciaire apportée par les caméras est essentielle dans la résolution des affaires.

Le fait que nous ayons progressé dans la résolution des affaires a été contesté tout à l'heure. C’est pourtant le cas : en l’espace de huit ou neuf ans, le taux de résolution des affaires est passé de 26 % à 37 %. Aujourd'hui, on trouve les auteurs et on les défère à la justice dans 37 % des actes de délinquance ou de criminalité qui sont enregistrés. Plutôt que de contester cette réalité, je crois que nous devrions nous féliciter de ce que justice soit ainsi rendue aux victimes.

Par ailleurs, la vidéo-protection est aussi un moyen d’orientation de l’activité de la police. Quand vous détectez deux bandes en train de se rassembler en vue d’en découdre, vous avez la possibilité d’envoyer les effectifs nécessaires pour les séparer et éviter l’affrontement. Franchement, nul n’est besoin d’avoir suivi de longues études spécialisées pour se convaincre que cela sert à quelque chose !

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas ce que nous avons contesté !

M. Claude Guéant, ministre. Mme Assassi a notamment évoqué la catégorie des personnels administratifs, scientifiques et techniques dans la police. Leurs effectifs ont augmenté de 45 % entre 2007 et 2011, parce que nous souhaitions développer les preuves apportées par la police technique et scientifique, en cohérence avec la réforme de la garde à vue.

Depuis 2008, les régimes indemnitaires des techniciens de la PTS ont connu une augmentation significative de 21 % pour les techniciens et de 27 % pour les agents spécialisés. J’ai signé au mois d’octobre dernier un arrêté revalorisant l’indemnité de ces fonctionnaires : il est prévu un crédit de 800 000 euros supplémentaires, qui sera versé pendant trois ans.

M. Boutant a évoqué les problèmes matériels de la gendarmerie. Je lui indique que c’est bien en 2012, et non en 2013, que 2 200 véhicules seront livrés à la gendarmerie nationale.

Par ailleurs, douze hélicoptères ont été acquis en 2009-2010. Une commande de vingt-cinq appareils supplémentaires, avec des conditions d’ouverture, a été signée. Trois d’entre eux ont été commandés pour 2011.

Enfin, il est vrai que les véhicules blindés posent un problème particulier. À cet égard, j’informe la Haute Assemblée que l’autorisation d’engagement qui existait depuis quelques années vient d’être prolongée par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Le projet demeure bien de remplacer ces véhicules blindés.

Je sais l’attention que M. Larcher porte à la sécurité de nos forces à l’extérieur. Je lui précise que lorsque les gendarmes interviennent en Afghanistan, des véhicules modernes sont bien sûr mis à leur disposition par l’armée de terre.

M. Larcher a par ailleurs beaucoup insisté sur la nécessité que les OPEX soient financées de façon spécifique. Je l’informe que, en 2011, les opérations extérieures de la gendarmerie sont bien financées, en fin de gestion, par des crédits interministériels.

M. Larcher se soucie également de l’état de l’immobilier de la gendarmerie. Il est vrai que si des choses merveilleuses sont réalisées, en revanche, certains locaux,…

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Sont vétustes !

M. Claude Guéant, ministre. … notamment ceux de la gendarmerie mobile, sont vétustes. Il est en effet nécessaire de les rénover. C'est la raison pour laquelle j’ai augmenté de 45 % les crédits destinés à l’immobilier en 2012, lesquels s’établissent à 53 millions d’euros. Il faudrait davantage, c’est vrai, mais il s'agit là tout de même d’une augmentation sensible d’un exercice à l’autre.

On peut aussi, pour répondre à votre invitation, monsieur le sénateur, imaginer des financements innovants. C’est ainsi qu’un terrain situé à Satory, à Versailles, est cédé à la ville. Cette opération permettra le financement de travaux de rénovation supplémentaires.

M. Jean-Louis Carrère. C’est un fusil à un coup !

M. Claude Guéant, ministre. J’ajoute cependant que, depuis 2005, ce sont 28 millions d’euros qui ont été engagés sur le site de Satory.

M. Collombat a évoqué la présence des effectifs sur la voie publique. Il a aussi parlé des usurpations d’identité, en soulignant que leur nombre était en forte augmentation et que c’était préoccupant. Vous ne serez pas surpris si je fais preuve de malice en lui répondant qu’il serait bon que le Sénat tire toutes les conséquences de cette observation extrêmement judicieuse ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons légiféré sur cette question, monsieur le ministre !

M. Claude Guéant, ministre. Le Sénat, monsieur le sénateur, n’est pas le seul à légiférer. Le Parlement est composé de deux assemblées.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais vous vous adressez à moi !

M. Claude Guéant, ministre. Si je ne vous avais pas répondu, vous m’auriez dit que je vous négligeais, alors je vous réponds ! (Rires.)

M. Sueur a lu un texte rédigé par Mme Klès. Ce texte mettait en cause une démarche de la gendarmerie nationale, les voisins vigilants. Cette démarche élémentaire de citoyenneté consiste, pour les habitants présents, à jeter un œil lorsque leurs voisins sont en vacances et à signaler s’il y a un désordre.

Franchement, nous n’avons aucunement l’intention de transférer quelque pouvoir de police que ce soit à des gens qui ne sont pas habilités à exercer de telles prérogatives. Je le répète : il s’agit d’une simple démarche de solidarité entre voisins.

Mme Klès dénonçait la politique des patrouilleurs, qui seraient, selon elle, des policiers sous-formés, au rabais. J’indique de façon très claire que les patrouilleurs sont des fonctionnaires statutaires. Ils ont simplement une fonction particulière, qui est de renforcer la présence de la police sur la voie publique, afin de rassurer nos concitoyens.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire, une politique de sécurité doit viser, à mon sens, deux objectifs. En premier lieu, elle doit faire reculer la délinquance, ce qui est le cas chaque année depuis huit ans – j’espère bien que ce sera encore le cas cette année – ; en second lieu, elle doit rassurer nos concitoyens, parce que le sentiment d’insécurité, cela existe. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.)

À cet égard, les patrouilleurs sont assez efficaces. Ainsi, au mois d’octobre dernier, 40 000 patrouilles de plus qu’au mois de juin, dont plus de 10 000 patrouilles pédestres, sont intervenues. Les effets sur la délinquance de proximité de ce véritable renforcement de la présence policière sont immédiats et mécaniques. Cette politique doit, me semble-t-il, être poursuivie. En tout cas, je le répète, ces patrouilleurs sont des fonctionnaires tout à fait ordinaires, et non des agents au rabais.

Mme Borvo Cohen-Seat a évoqué les questions de vidéo-protection. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le lui dire, la vidéo-protection n’est en aucune façon confiée au secteur privé.

M. Roger Karoutchi a insisté sur le rôle des patrouilleurs, et il a eu raison de le faire.

M. Carrère est intervenu au sujet de la sécurité routière. Il n’est pas sûr que ses propos n’aient pas dépassé sa pensée lorsqu’il a évoqué les résultats « douteux » des actions menées dans ce domaine… En effet, rien n’est moins vrai. Je rappelle que, depuis 2002 – on doit d'ailleurs ce résultat non pas uniquement à l’action du Gouvernement, mais aussi au civisme des Français –, la vitesse sur nos routes a baissé de 10 % et le nombre de morts a été diminué de moitié : il est passé de 8 000 en 2002 à 4 000 l’année dernière.

M. Jean-Louis Carrère. Et le nombre de PV ?

M. Claude Guéant, ministre. Écoutez, monsieur le sénateur, je pense que l’on ne peut pas comparer un PV et une vie humaine !

M. Jean-Louis Carrère. Je n’ai pas dit cela !

M. Claude Guéant, ministre. Dans le département qui est le vôtre, le nombre de morts a diminué de moitié. Je crois que c’est positif. L’action des gendarmes dans le département des Landes mérite donc d’être saluée.

M. Jean-Louis Carrère. Les radars ne sont pas installés dans les zones accidentogènes. Vous n’êtes pour rien dans la diminution du nombre de morts !

M. Claude Guéant, ministre. Pierre Charon a insisté à très juste titre sur le rapport de Terra Nova. Il existe d’ailleurs de nombreux documents émanant de cette fondation. C’est pour moi l’occasion de répondre à une suggestion faite tout à l’heure par M. Placé, qui préconisait le retour de la police de proximité.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Claude Guéant, ministre. Je vous invite, monsieur le rapporteur spécial, à lire en détail le rapport cité par Pierre Charon,…

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Je ne lis pas les documents de la gauche libérale ! (Sourires.)

M. Claude Guéant, ministre. … dans lequel cette politique est totalement condamnée, car elle est un échec. L’explication en serait que cette politique était en avance sur son temps et que les Français ne l’auraient pas comprise. Chacun appréciera…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont des rapports qui ne sont pas appliqués !

M. Claude Guéant, ministre. Pierre Charon a eu raison de dénoncer les aberrations des propositions formulées dans ce rapport. Il est vrai que Terra Nova est une association privée, mais le rapport est tout de même signé…

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. On ne vous reproche pas les rapports de la Fondation pour l’innovation politique !

M. Claude Guéant, ministre. Je réponds à M. Charon, je ne vous réponds pas à vous, monsieur Placé !

Ce rapport a tout de même la particularité d’être signé par le secrétaire national à la sécurité du parti socialiste, lequel, jusqu’à une date récente – les pions ont été un peu bougés depuis lors ! –, se présentait à tous comme le futur ministre de l’intérieur.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce ne sont pas des pions, monsieur le ministre, ce sont des êtres humains !

M. Claude Guéant, ministre. On revient au bonneteau de tout à l’heure ? (Rires.)

Les personnes ont été changées, mais il se présentait comme le futur ministre de l’intérieur. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il avait tort !

M. Claude Guéant, ministre. Ses propositions valaient donc tout de même considération.

Je le répète : je partage totalement le jugement de Pierre Charon sur les propositions formulées dans ce rapport.

M. Laménie est intervenu pour dire avec force son attachement à la sécurité dans les territoires ruraux. Je lui indique que le Gouvernement partage entièrement son point de vue.

Pour le Gouvernement, la sécurité doit être assurée pour tous les Français, où qu’ils vivent : en ville, à la campagne, dans les banlieues, dans les petites villes, dans les villages. C’est là aussi une différence importante avec le programme du parti socialiste, qui prévoit la création de territoires prioritaires, ce qui signifie que le reste du pays ne le serait pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y en a qui sont en campagne, d’autres qui sont candidats !

Sécurité
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Rappel au règlement (début)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurité

17 152 743 126

17 047 731 518

Police nationale

9 266 526 007

9 201 016 002

Dont titre 2

8 245 087 877

8 245 087 877

Gendarmerie nationale

7 886 217 119

7 846 715 516

Dont titre 2

6 651 379 706

6 651 379 706

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. La commission des finances est défavorable à l’adoption de ces crédits.

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Troendle. Sur le fondement de quel article ?

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Rappel au règlement (suite)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement est fondé sur les articles 37 et suivants du règlement, ainsi que, d’une manière générale, sur nos textes constitutionnels.

M. Jean-Jacques Hyest. Et c’est le président de la commission des lois qui dit cela… Le niveau baisse ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le niveau était tellement élevé auparavant qu’il est très difficile de s’y maintenir !

Monsieur Hyest, même si c’est difficile, il faut toujours rester calme.

Pour la clarté du débat…

M. Jean-Jacques Hyest. C’est pour attaquer le ministre que vous prenez la parole !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais pas du tout, cher collègue !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Hyest me met en cause alors que je n’ai encore rien dit ! C’est tout de même un peu fort. (M. Jean-Jacques Hyest sourit.)

Je suis très heureux de vous voir sourire, cher collègue.

M. Jean-Jacques Hyest. Je souris tout le temps !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour que les choses soient tout à fait claires, je souhaite revenir sur la fondation Terra Nova, à laquelle vous avez consacré une grande part de votre intervention, monsieur le ministre.

J’observe d’ailleurs que, lors de la récente campagne pour les élections sénatoriales, j’ai constamment été attaqué sur la base de déclarations faites par cette fondation. Même M. Larcher est venu dans mon département parler de la fondation Terra Nova !

Je tiens à préciser, pour la clarté de notre discussion, que cette fondation est un groupe de réflexion, une association, un club, qui débat d’idées et publie des positions très différentes sur certains sujets. Il lui arrive même de présenter des positions contraires, comme ce fut le cas, à l’occasion de l’examen de la loi de bioéthique, sur les mères porteuses.

Il est donc toujours fallacieux d’attaquer ou de critiquer le parti socialiste ou le groupe socialiste du Sénat sur la base des écrits de la fondation Terra Nova. Cette dernière est complètement indépendante. Il s’agit d’un groupe de réflexion, dont les positions n’engagent pas notre formation politique, pas plus que celles de la Fondation pour l’innovation politique, dirigée par M. Reynié et dont je lis toujours avec intérêt les documents, n’engage l’UMP.

Je tenais à le préciser.

M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’a rien à voir avec le règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela a à voir avec la clarté des choses !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Sueur.

Mes chers collègues, je le rappelle, il a été indiqué en conférence des présidents que les rappels au règlement devaient avoir un rapport plus étroit avec le règlement du Sénat. Je souhaitais le souligner.

La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article additionnel après l’article 60 ter (début)

Mme Catherine Troendle. Sur le fondement de quel article ?

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes ni mon maître, madame, ni la présidente de séance. Restez à votre place ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Jean-Louis Carrère. Pour la première fois depuis que je suis élu dans le département des Landes, j’ai vu une circulaire cosignée par Mme Kosciusko-Morizet et vous-même, monsieur le ministre, sur la chasse à certains passereaux – je veux parler des petits oiseaux.

Cette chasse est pratiquée dans mon département à la suite d’un gentlemen’s agreement entre le Gouvernement, représenté alors par M. Borloo, et les parlementaires landais, assistés du président de la fédération des chasseurs des Landes.

Or, sans aucune concertation et avec la brutalité qui vous caractérise, vous avez, monsieur le ministre, adressé cette circulaire à M. le préfet des Landes pour faire relever des tenderies huit jours avant le terme prévu.

Mme Catherine Troendle. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, pourquoi la loi, qui s’abat avec rigueur sur des chasseurs âgés, pratiquant une tenderie sélective, ne s’applique-t-elle pas à M. Bougrain-Dubourg, qui s’introduit dans des propriétés privées avec l’accord des gendarmes ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Troendle. Qu’est-ce que cela a à voir avec le débat ?

M. Roland du Luart. L’ortolan n’a pas sa place dans l’hémicycle !

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre de l’intérieur, c’est votre rôle d’agir contre ce genre d’injustices !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Carrère, vous pourrez vous exprimer sur ce sujet en d’autres occasions ! Il faut respecter le règlement du Sénat !

M. Jean-Louis Carrère. On va le respecter ! Le ministre s’en occupe !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Le ministre de l’intérieur s’occupe surtout de la police et de la gendarmerie !

M. Jean-Louis Carrère. Occupez-vous de la sécurité !

M. Claude Guéant, ministre. La loi et les directives européennes existaient bien avant que je ne signe cette circulaire, monsieur Carrère.

Par ailleurs, monsieur Sueur, je fais parfaitement la distinction entre la fondation Terra Nova et le parti socialiste. En l’espèce, j’ai simplement observé que le rapport en question avait été signé par le secrétaire national du parti socialiste chargé de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’est pas ministre, que je sache !

M. le président. J’appelle en discussion l’amendement n° II-75, tendant à insérer un article additionnel, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sécurité ».

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article additionnel après l’article 60 ter (interruption de la discussion)

Article additionnel après l’article 60 ter

M. le président. L'amendement n° II-75, présenté par MM. G. Larcher et Boutant, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

I. – Après l'article 60 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les surcoûts occasionnés par l’engagement de la gendarmerie nationale en opérations extérieures, y compris les dépenses de personnel, font l’objet d’un rapport remis chaque année par le Gouvernement au Parlement, comprenant une évaluation chiffrée de ces surcoûts et une description des mesures prises pour assurer leur financement. Ce rapport comprend également l’examen des modalités d’un financement de ces surcoûts par la réserve interministérielle, à l’image des armées.

II. – En conséquence, faire précéder cet article de l’intitulé :

Sécurité

La parole est à M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis. Cet amendement, qui a été adopté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, nous permet de revenir à un sujet de fond…

Actuellement, 420 gendarmes français sont déployés en opérations extérieures. Ils sont présents en Afghanistan, bien sûr, mais aussi en Côte d’Ivoire, par exemple, où la qualité de leur intervention a évité, on le sait, un certain nombre de débordements. Leur action permet d’ailleurs aujourd'hui à la Cour pénale internationale d’exercer des poursuites.

Monsieur le ministre, cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement la remise au Parlement d’un rapport annuel sur les besoins et les modalités de financement de telles opérations, qui occasionnent des surcoûts ne pouvant être couverts par les crédits alloués à la gendarmerie par la loi de finances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial. Cet amendement porte en effet sur un sujet important. Nous sommes tous particulièrement sensibles à l’action des militaires et des 420 gendarmes français participant à des opérations extérieures, que ce soit en Afghanistan, en Côte d’Ivoire ou au Kosovo.

Je ne crois pas trahir les intentions des auteurs de l’amendement en soulignant que celui-ci ne témoigne pas d’une quelconque suspicion, mais répond à un souci de rigueur. Nous soutenons ces actions, qui honorent la gendarmerie et relèvent d’une tradition historique. Elles ont plus de succès aujourd'hui que lors de l’expédition d’Espagne, quand la gendarmerie nationale intervenait directement sur les champs de bataille, sous le commandement de son inspecteur général, le maréchal Moncey !

La commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement tout à fait important.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Il est également favorable, monsieur le président.

M. Albéric de Montgolfier. Cela rétablit la paix au Sénat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-75.

(L'amendement est adopté.)

M. Roland du Luart. À l’unanimité ! Quel succès pour Gérard Larcher !

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 60 ter.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Article additionnel après l’article 60 ter (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

8

Retrait d’une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1424 de M. Philippe Paul est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

9

Article additionnel après l’article 60 ter (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Administration générale et territoriale de l'Etat

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

Administration générale et territoriale de l’État

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (et article 48 A).

La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » bénéficiera en 2012 d’une enveloppe de 2,7 milliards d’euros de crédits de paiement, hors fonds de concours, en progression de 11,8 % par rapport à 2011. Cette hausse ne doit toutefois pas faire illusion : elle résulte surtout de changements de périmètres, ainsi que de l’accroissement des crédits consacrés au cycle électoral, particulièrement chargé l’année prochaine.

La mission est fortement affectée par la RGPP, via la mise en place du passeport biométrique, la création du nouveau système d’immatriculation des véhicules, l’évolution du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions de support.

La poursuite de cette politique se traduira, en 2012, par la disparition de 529 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dont 475 dans les préfectures. En particulier, les services chargés de délivrer les permis de conduire vont perdre 150 ETPT, ceux qui assurent le contrôle de légalité 179 et les services s’occupant de la délivrance des cartes nationales d’identité et des passeports 50.

Dans ce contexte de diminution des effectifs, je regrette que les précédentes mises en garde n’aient pas été entendues. En effet, une nouvelle fois, les emplois disparaissent –s’agissant de la délivrance des permis de conduire et des titres d’identité ou du contrôle de légalité – avant que les gains de productivité ne se concrétisent. Les précédents exercices ont pourtant montré les dégâts causés par de telles décisions, en particulier pour les activités de guichet des préfectures en ce qui concerne la délivrance des passeports et le système d’immatriculation des véhicules.

Au Sénat, les travaux de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia ont par ailleurs mis en évidence le risque d’insécurité juridique très lourd pesant sur les élus locaux lorsque le contrôle de légalité fait défaut.

À l’Assemblée nationale, les députés Cornut-Gentille et Eckert font état, dans leurs travaux, de doutes quant à « la sincérité du bilan de la RGPP », qui « est parasitée par une volonté de justifier les chiffres globaux initialement affichés et d’éluder les coûts associés aux réformes ».

Au final, les préfectures font de la corde raide, et une dégradation sérieuse du niveau de qualité de ce service public est en marche. Les deux députés précités déplorent dans leur rapport l’absence de « véritable implication et consultation des agents et des usagers du service public ».

S’agissant du programme « Administration territoriale », je veux exprimer ici un motif de profond mécontentement, monsieur le ministre.

À l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances, nous avons découvert que l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, avait constitué un fonds de roulement absolument considérable, s’élevant à environ 100 millions d’euros, soit près de six mois de fonctionnement… Cela laisse rêveur ! Ce montant a été accumulé en un temps très court, puisque l’ANTS n’a été créée qu’en 2007 ! Dans ces conditions, il y a probablement lieu de s’interroger sur la sincérité des comptes présentés à la représentation nationale, car, s’agissant de cet opérateur, ni les projets et rapports annuels de performance, ni les réponses aux questionnaires budgétaires adressés au ministère en application de la loi organique relative aux lois de finances, ni les auditions des responsables n’ont jamais permis, au cours des exercices précédents, de détecter cette situation. En 2012, 41,8 millions d’euros seront prélevés sur le budget de l’ANTS, ce qui devrait permettre de ramener le fonds de roulement à un niveau plus convenable.

Le cycle électoral induit une forte hausse des crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative » : elle atteint 131,6 %, dont 428 millions d’euros de crédits de paiement. Le coût prévisionnel de la prochaine élection présidentielle est évalué à 217,3 millions d’euros, et celui des élections législatives à 122,3 millions d’euros.

Dans ce domaine, je déplore vivement, une nouvelle fois, que les partis politiques se privent de plus de 5 millions d’euros du fait de leur non-respect des règles fixées par la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives.

Les crédits de paiement du programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » s’élèvent à 651,7 millions d’euros. Ils sont en hausse de 6,6 %.

Pour 2011, les dépenses liées au contentieux devraient atteindre 123 millions d’euros. Comme chaque année, malheureusement, on peut nourrir des inquiétudes quant au respect de l’autorisation budgétaire accordée pour cette action et à la sous-évaluation de ce poste de dépenses pour l’exercice à venir : 82 millions d’euros lui sont affectés, soit une baisse de 1,2 % par rapport à la dotation initiale pour 2011.

S’agissant du contentieux de la gestion des cartes nationales d’identité et des passeports par les communes, le passage prochain à la carte nationale d’identité électronique devrait être l’occasion de remettre enfin à plat les relations entre l’État et les communes concernant la délivrance des titres d’identité.

En conclusion, étant donné les réserves que je viens de formuler, la commission des finances propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour l’administration territoriale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois, qui avait déjà pour habitude de se saisir pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », a souhaité cette année élaborer deux rapports distincts. Le premier, relatif à la vie politique, cultuelle et associative, a été confié à notre collègue Gaëtan Gorce. J’ai donc l’honneur de vous présenter le second, qui porte sur l’administration territoriale de l’État.

Le programme « Administration territoriale » regroupe, je le rappelle, l’ensemble des crédits alloués par l’État au fonctionnement de ses services déconcentrés, ainsi que les moyens consacrés à la production de titres sécurisés.

J’aimerais d’abord formuler quelques remarques sur les services préfectoraux.

Depuis 2010, la prééminence du préfet de région par rapport aux préfets de département a été affirmée. La région est ainsi devenue le niveau de droit commun pour le pilotage des politiques de l’État dans les territoires.

À titre personnel, je soutiens sans réserve cette montée en puissance du préfet de région, qui permet à l’action de l’État d’être plus efficace et mieux adaptée aux réalités locales. Je déplore seulement que, comme l’a montré un rapport récent de la Cour des comptes, cette montée en puissance reste largement théorique et n’ait pas réellement été suivie d’effet sur le terrain. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour conforter les préfets de région dans leur rôle d’animation et de direction de l’action de l’État dans les territoires ? N’envisagez-vous pas de leur confier cette seule mission, afin qu’ils aient le temps de la remplir pleinement ?

La commission des lois s’est également interrogée sur le contrôle de légalité.

Il est indéniable que la centralisation de ce contrôle dans les préfectures est un succès, notamment parce qu’elle n’a pas remis en cause le rôle de proximité des sous-préfets auprès des élus locaux. Toutefois, force est de constater que le taux d’actes prioritaires contrôlés est en forte diminution depuis 2008 : il est ainsi passé de 94 % à 90 %. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette baisse ?

J’en viens maintenant à la question des titres sécurisés.

En la matière, l’actualité est marquée par une décision récente du Conseil d’État ayant une forte incidence sur la mise en place des passeports biométriques.

En effet, je rappelle que seules deux empreintes digitales sont stockées dans la puce électronique qui garantit l’identité du détenteur d’un passeport biométrique. Toutefois, un décret d’avril 2008 avait prévu que huit empreintes, et non pas deux, seraient prélevées et conservées dans un fichier ad hoc appelé « TES ». Le Conseil d’État, par une décision du 26 octobre dernier, a considéré que la conservation de six empreintes « surnuméraires » était disproportionnée par rapport à la finalité d’authentification de l’identité des personnes. Il a donc censuré, sur ce point, les dispositions réglementaires relatives aux passeports biométriques.

Monsieur le ministre, quand cette décision sera-t-elle mise en pratique dans les mairies, qui continuent de collecter huit empreintes pour toute demande de passeport ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur le calendrier de mise en service des nouveaux titres sécurisés : les cartes d’identité, les titres de séjour pour les étrangers et les permis de conduire ? En outre, quelles sont vos intentions quant à l’indemnisation des communes chargées de recueillir les demandes de carte nationale d’identité électronique, ou CNIe, alors que l’Agence nationale des titres sécurisés estime que la création de cette carte va multiplier par trois la demande de titres auprès des mairies ?

Mes chers collègues, j’avais proposé à la commission des lois d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Administration territoriale », en considérant que, dans un contexte de crise économique et budgétaire, ce programme constituait la démonstration que des réformes ambitieuses permettaient de faire plus pour les usagers avec moins de moyens. La commission ne m’a toutefois pas suivi et a donné un avis défavorable à ces crédits, ce qui ne m’empêchera pas, à titre personnel, de voter en faveur de leur adoption. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour la vie politique, cultuelle et associative. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative », que je suis chargé de vous présenter, sont en forte augmentation, de près de 230 %, en raison de la préparation des élections présidentielle et législatives de l’an prochain.

Sans entrer dans le détail des chiffres, compte tenu du peu de temps dont je dispose, j’aborderai deux questions.

En ce qui concerne tout d’abord la lutte contre les dérives sectaires, des moyens sont mobilisés au travers de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, et d’une cellule d’assistance et d’intervention en matière de dérives sectaires, la CAIMADES. Les moyens de cette dernière baissent régulièrement, hélas ! depuis sa création en 2009. Alors qu’elle comptait à l’origine sept policiers et gendarmes, son personnel se réduit aujourd’hui à quatre policiers. La commission des lois dénonce unanimement cette évolution et souhaite voir rétablis les effectifs de la CAIMADES à leur niveau antérieur.

S’agissant ensuite du contrôle du financement des partis politiques, et plus précisément des campagnes électorales, les crédits mobilisés sont importants et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques considère qu’elle a aujourd’hui les moyens d’assurer ses missions.

Néanmoins, sur le plan législatif, le fait que treize lois encadrant le financement de la vie politique aient été votées depuis 1988 montre que nous avons du mal à stabiliser la réglementation du financement des partis politiques et des campagnes électorales.

De nombreuses insuffisances sont toujours constatées. Je pense, par exemple, au fonctionnement des micro-partis ou au fait que les dons versés par une même personne à différents partis ne font pas l’objet d’un plafonnement global. De tels dons multiples ne sont pas choquants en eux-mêmes, mais est-il logique que le donateur puisse bénéficier à chaque fois d’une réduction d’impôt et que la collectivité nationale encourage ainsi cette pratique ? Cela me semble discutable.

Je souhaite insister plus spécifiquement sur le développement de pratiques dont la presse s’est fait l’écho et qui attestent que les règles s’appliquant au financement des campagnes électorales ne sont pas aussi bien respectées qu’on pourrait le souhaiter.

Très récemment encore, un ancien membre du Conseil constitutionnel a fait état de dépassements des plafonds prévus pour les dépenses de campagne électorale par différents candidats sans que le Conseil constitutionnel ait jugé opportun, à l’époque, de prononcer des sanctions. La justice, pour sa part, a considéré que ces faits étaient prescrits. Je pense que notre assemblée, en particulier sa commission des lois, devrait se pencher sur ces dérives et sur les infractions à la réglementation du financement des campagnes électorales, qui pour l’heure ne peuvent pas être sanctionnées de manière satisfaisante.

Je souhaiterais tout particulièrement mettre l’accent sur le cas où un Président de la République en exercice serait candidat à sa réélection… (Mme Chantal Jouanno s’exclame.) Nous n’avons pas les moyens, à l’heure actuelle, de vérifier si certaines dépenses sont bien engagées au titre de l’action républicaine qu’il lui incombe de mener en tant que chef de l’État, et non en vue de l’élection présidentielle. Notre seul recours est de saisir la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, ce qui a été fait récemment.

Cependant, la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques peut parfaitement rejeter cette demande ou y apporter une réponse contestable. Il ne resterait alors au citoyen simplement désireux de s’informer qu’à se tourner vers le Conseil d’État, qui se déclarerait incompétent, puisqu’il ne lui appartient pas de traiter les contentieux portant sur une future élection présidentielle.

Il faudrait donc attendre que le Conseil constitutionnel soit saisi d’éventuels abus manifestes, mais ce dernier doit proclamer les résultats d’une élection présidentielle dans les dix jours qui suivent celle-ci, tandis que la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques a un mois pour se prononcer sur la validité des comptes… Par conséquent, un éventuel abus manifeste dans l’utilisation des deniers publics ne pourrait être convenablement sanctionné. Cette situation n’est pas satisfaisante !

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc que, dans l’esprit républicain que vous manifestez depuis tout à l’heure, vous nous aidiez à trouver une solution. L’actuel Président de la République ne pourrait-il par exemple s’engager à publier un état détaillé des dépenses liées à ses déplacements effectués entre le 1er juin dernier, date d’ouverture des comptes de campagnes, et l’élection présidentielle ? Cela permettrait de faire progresser la transparence. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous serez attentif à cette proposition.

Pour les raisons que j’ai indiquées, et aussi parce que le Gouvernement a jugé utile de diminuer la part du financement public des dépenses de campagnes électorales sans modifier le plafond de celles-ci, ce qui revient à avantager les candidats disposant de ressources privées ou à encourager les dépassements, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits qui nous sont présentés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont dispose chaque groupe. Je rappelle que ce temps de parole comprend le temps d’intervention générale et celui d’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord souligner l’intérêt du rapport de M. Courtois.

Il semble que, trois ans après le lancement de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, la validité d’un grand nombre des remarques et critiques que notre groupe avait formulées sur cette démarche de restriction budgétaire tend à être aujourd’hui reconnue, y compris par des sénateurs appartenant à la majorité gouvernementale.

Il faut dire que la mise en œuvre de la RGPP, tout particulièrement dans le cadre de l’administration territoriale de l’État, a eu des conséquences parfois dévastatrices. Son efficacité est aujourd’hui largement contestée.

L’un des sous-titres du rapport de notre collègue est particulièrement évocateur de l’appréciation que l’on peut porter sur la régionalisation de l’action de l’État : « une réforme discutable sur le fond et peu efficace sur le terrain ». On ne saurait être plus clair !

Dans ces conditions, il sera difficile d’inscrire la RGPP à l’actif du bilan de la majorité sortante. Si son efficacité est aujourd’hui remise en cause, elle a eu en outre un effet désastreux sur le terrain, notamment en termes d’emplois, puisque la saignée a déjà porté sur plus de 8 % des effectifs et qu’elle est appelée à se poursuivre encore cette année, avec la suppression de 400 emplois, qui s’ajoutera donc à celle de 2 560 postes depuis 2009.

Cette baisse drastique des effectifs s’est aussi accompagnée de regroupements de personnel à l’échelon régional. Cela a concouru à la perte de vitalité sociale et économique de certains territoires délaissés et à l’émergence de nouvelles contraintes de déplacement pour les personnels.

De tels bouleversements ont eu, sans conteste, des conséquences douloureuses sur les conditions de travail et de vie des agents des préfectures, ainsi que sur le service rendu aux usagers. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la façon dont les étrangers sont accueillis dans les préfectures, notamment en Île-de-France. Les personnels, qui font le maximum, ne sont pas responsables de cette situation, uniquement imputable à leurs déplorables conditions de travail.

Aujourd’hui, nous craignons que cette dégradation ne s’amplifie encore, en raison de l’objectif fixé, pour 2012, de développer et de renforcer la mutualisation des moyens entre les services et les directions. Pour l’atteindre, les pressions managériales vont sans aucun doute s’accentuer, les contrats d’objectifs vont devenir toujours plus contraignants et de nouveaux changements d’affectation et de localisation interviendront.

La mise en œuvre de la RGPP a aussi été particulièrement néfaste sur le plan de l’action gouvernementale territorialisée et des services rendus aux usagers, avec des pertes de compétences spécifiques, noyées parmi d’autres plus larges. Elle s’est aussi traduite par un éloignement des directions régionales des territoires, de leurs habitants et de leurs élus.

Au-delà de l’illisibilité de la nouvelle organisation de l’État dans les territoires, on peut douter de l’efficacité de cette recentralisation régionale autour de superpréfets. De fait, les préfectures de département se sont peu à peu transformées en sous-préfectures…

L’État va perdre en efficacité et en proximité dans sa relation avec les acteurs locaux – élus, acteurs économiques et sociaux –, ainsi que dans son rôle de garant de l’égalité entre les territoires.

L’an passé, notre groupe demandait qu’un bilan d’étape soit réalisé avant qu’il ne soit décidé de poursuivre dans cette voie. Cette année, nous soutenons la demande de suspension de la mise en œuvre de la RGPP formulée par le Conseil économique, social et environnemental.

N’est-il pas temps que le Parlement se saisisse sérieusement de cette question, en commençant par suspendre la mise en œuvre de la RGPP dans l’administration territoriale ? Cela devient urgent, d’autant que le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui marque une poursuite de la réduction des moyens, au point que M. Courtois note, dans son rapport, que, après avoir été soumis depuis plusieurs années à une forte pression budgétaire, le programme « Administration territoriale » n’est pas épargné pour l’exercice 2012, puisque ses crédits diminuent.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre le projet de budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je porte une attention forte au budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », car elle me tient particulièrement à cœur.

On ne peut ignorer la place et le rôle que tiennent les préfectures et sous-préfectures dans le maintien du lien indispensable entre les citoyens et les élus locaux, d’une part, et l’État, d’autre part.

Je crois avoir déjà utilisé devant l’un de vos prédécesseurs, monsieur le ministre, la belle image d’une femme vidant de façon maîtrisée, en un filet continu, sa cruche, pleine d’une eau claire et transparente, sur une terre prête à voir éclore les épis de blé. La femme, c’est l’État ; l’eau nourricière, c’est à la fois la matière déconcentrée et la matière décentralisée – services déconcentrés de l’État et collectivités locales –, qui, en harmonie parfaite, répondent au besoin de proximité des citoyens.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Belle parabole !

Mme Anne-Marie Escoffier. En reprenant cette image, je dis tout, ou presque, de ce que le citoyen attend de l’État, d’un État qui, à l’échelon local, est représenté par le corps préfectoral et les administrations déconcentrées ; un État concentré sur ses grandes missions, garant du respect de la loi, des droits fondamentaux des citoyens, stratège en matière d’aménagement du territoire au sens plein des mots, fédérateur et arbitre s’agissant de l’application des politiques publiques dont il est porteur.

La mise en œuvre de la RGPP et de la réforme territoriale de l’État aurait pu – aurait dû – permettre de répondre à cette attente, si les restrictions budgétaires intervenues depuis plusieurs années n’étaient pas venues réduire l’efficacité de l’action de fonctionnaires et de hauts fonctionnaires auxquels je veux rendre hommage.

Qu’en est-il aujourd’hui dans un contexte où la portée concrète de l’augmentation du budget, à hauteur de 11,8 % par rapport à 2011, est difficile à apprécier compte tenu d’un changement de périmètre des actions ? Le ralentissement du rythme des suppressions d’emplois est un autre signal a priori positif, mais, sur le terrain, le nouveau positionnement des préfets de région par rapport aux préfets de département est sujet à interrogations, de la part tant des administrés que des élus. Encore aujourd’hui, la grande réforme de l’administration territoriale est mal comprise, et les chemins menant aux services compétents sont tortueux. Il est difficile de s’y retrouver dans le labyrinthe des sigles – DREAL, DIRECCTE, DRJSCS… – et des services rattachés selon des logiques parfois aléatoires. Les citoyens de base, et même les élus, insuffisamment associés à la réforme et ayant encore du mal à trouver les voies du dialogue avec les responsables compétents, sont perdus. Le principe de proximité, dont on a tant souligné l’intérêt, est tous les jours un peu plus mis de côté. Les sous-préfectures ne jouent plus ce rôle d’écoute et d’expertise qui leur avaient donné leur sens et leur utilité.

Je ne prendrai à cet égard qu’un seul exemple pour illustrer mon propos, celui du contrôle de légalité, qui a glissé des sous-préfectures vers les préfectures, ce qui ne peut manquer de nous inquiéter, eu égard aux chiffres qui ont été cités tout à l’heure par M. Courtois.

En revanche, le ministère de l’intérieur donne une priorité absolue, dans le prolongement d’ailleurs de sa politique de sécurité, à la modernisation des titres sécurisés et de leur délivrance, actions qui, à elles seules, représentent plus du tiers du budget du programme 307 « Administration territoriale ». On aurait souhaité un meilleur partage budgétaire avec d’autres actions du même programme, essentielles au bon fonctionnement des administrations locales, tels le développement des actions de modernisation et de qualité ou la coordination des actions ministérielles, d’autant que l’on est en droit de s’interroger sur l’importance – environ 100 millions d’euros – et l’emploi du fonds de roulement constitué par l’Agence nationale des titres sécurisés.

Sans aller plus avant dans l’examen des différents programmes, je voudrais, monsieur le ministre, appeler votre attention sur le malaise que je sens grandir au sein des préfectures et sous-préfectures,…

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. C’est vrai !

Mme Anne-Marie Escoffier. … où le personnel a bien du mal à s’adapter aux nouvelles tâches qui lui sont confiées : on constate une perte d’intérêt pour les missions au fur et à mesure de la reconcentration des compétences à l’échelon régional, une évaporation de la mémoire administrative en raison du non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite, un « retour sur investissement » aléatoire malgré les économies budgétaires réalisées sur le plan local. La morosité s’installe dans des maisons de l’État qui devraient pouvoir jouer un rôle d’aiguillon, mais qui n’en ont plus ni les moyens ni l’enthousiasme.

Je ne veux pas imputer ce climat de pessimisme au seul projet de budget qui nous est soumis, que la majorité des membres du groupe du RDSE ne voteront pas. Je crois que le malaise est plus profond ; la proximité géographique, affective et fonctionnelle que j’appelle de mes vœux doit être replacée au cœur des préoccupations de l’administration centrale du ministère de l’intérieur, afin qu’elle soit de nouveau le principal moteur de l’action de ses fonctionnaires. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord rendre hommage à l’ensemble des personnels qui, au quotidien, servent l’État avec dévouement et professionnalisme.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis. Mais avec trop peu de moyens !

M. Marc Laménie. En effet, leurs tâches ne sont pas faciles, compte tenu de l’évolution de notre société, des exigences de nos concitoyens et parfois aussi de leur intolérance.

Les crédits de paiement de la mission s’élèvent à 2,7 milliards d’euros, soit une progression de 11,8 % par rapport à 2011.

J’interviendrai plus particulièrement sur le programme 307 « Administration territoriale », qui regroupe les moyens accordés aux préfectures, aux hauts-commissariats et aux sous-préfectures de métropole et d’outre-mer. Ils représentent plus de 60 % des crédits de paiement de la mission. Nous restons toutes et tous attachés à nos préfectures et à nos sous-préfectures !

En ce qui concerne l’’action n° 1, Coordination de la sécurité des personnes et des biens, les représentants de l’État jouent un rôle très important, en matière de sécurité, aux côtés des policiers, des gendarmes, des sapeurs-pompiers et des services de secours.

En ce qui concerne l’action n° 2, Garantie de l’identité et de la nationalité, délivrance de titres, le rôle joué par nos préfectures et sous-préfectures, en liaison avec l’Agence nationale des titres sécurisés, a été mis en exergue à juste titre. Elles sont les partenaires des mairies.

L’action n° 3, Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales, retrace le maintien du lien fort qui existe entre l’État et les élus de proximité.

Les préfets et les sous-préfets, aidés par l’ensemble des personnels, sont des interlocuteurs précieux des élus, en particulier de ceux des petites communes, qui se sentent souvent isolés. En tant que représentant d’un département de 285 000 habitants, celui des Ardennes, j’apprécie le soutien et l’attention des représentants de l’État aux projets des petites collectivités.

Les dotations financières de l’État, tant en fonctionnement qu’en investissement, sont versées régulièrement aux collectivités territoriales grâce au travail de qualité fourni par les personnels des préfectures et des sous-préfectures, en liaison avec la direction départementale des finances publiques.

L’action n° 4, Pilotage territorial des politiques gouvernementales, témoigne du lien fort existant entre les représentants de l’État et l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, tout comme l’action n° 5, Animation du réseau, soutien au service des préfectures et gestion des hauts-commissariats et représentations de l’État à l’outre-mer.

Il convient de maintenir des effectifs suffisants afin de pérenniser la qualité du service rendu aux usagers ainsi qu’aux élus. Les sous-préfectures des arrondissements à dominante rurale doivent être maintenues, car elles participent aussi à l’aménagement du territoire. Tel est le vœu, monsieur le ministre, que je me permets de formuler, en sachant pouvoir compter sur votre soutien.

Comme l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs orateurs ont évoqué, à la suite de Mme André, les effets de la révision générale des politiques publiques.

Je souhaiterais apporter une clarification : la RGPP ne se confond pas avec la politique de réduction des emplois et de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. Si, ce n’est que cela !

M. Claude Guéant, ministre. Un certain nombre de dispositions de la RGPP nourrissent cette politique, mais les approches sont différentes : la RGPP vise à identifier des domaines de l’action publique où l’on peut rechercher simultanément une amélioration du service rendu aux usagers et une diminution des effectifs. (M. Alain Néri s’exclame.)

La politique de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux a des effets financiers considérables. En cinq ans, 150 000 emplois auront été supprimés dans la fonction publique d’État, ce qui représente, à terme, une économie de 250 milliards d’euros, montant à mettre en regard de la dette de notre pays, qui atteint 1 700 milliards d’euros. C’est donc un formidable pas vers la maîtrise de notre endettement et de nos déficits publics, et par conséquent vers le rééquilibrage de nos finances publiques, qui est fait.

M. Claude Guéant, ministre. Du reste, madame André, les exemples que vous avez cités viennent tout à fait à l’appui de mes propos sur la réalité de la révision générale des politiques publiques.

En effet, la mise en place des passeports biométriques ou la modernisation du dispositif d’immatriculation des véhicules permettent à la fois une diminution des moyens et des effectifs et une amélioration du service public.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. Ce n’est pas sûr !

M. Claude Guéant, ministre. Aujourd’hui, vous le savez, environ 60 % des acheteurs de véhicule automobile obtiennent leur carte grise directement du vendeur. La charge de travail des préfectures se trouve de ce fait réduite, et les acheteurs d’automobile n’ont plus à faire des démarches administratives pour se procurer leur carte grise. Tout le monde y trouve son compte. Il en va de même pour les passeports biométriques.

S’agissant des suppressions d’emplois qui concerneront spécifiquement les préfectures en 2012, j’attire votre attention sur le fait que la loi de programmation triennale des finances publiques en prévoyait 475 et qu’il est ici proposé de ramener ce chiffre à 365.

Si le fonds de roulement de l’Agence nationale des titres sécurisés est aussi important, cela tient tout simplement au retard intervenu dans la mise en place de la carte nationale d’identité électronique. D’ailleurs, conformément à ce que vous suggérez, madame André, le Gouvernement propose de prélever 41,8 millions d’euros, en vue d’affecter cette somme à d’autres usages.

M. Courtois s’est interrogé sur les délais dans lesquels un certain nombre de grandes applications de service public pourraient voir le jour. En ce qui concerne les passeports biométriques, le Gouvernement appliquera bien sûr complètement la décision du Conseil d’État sur le nombre des empreintes digitales conservées. Par ailleurs, sous réserve de l’adoption définitive de la loi en temps utile, c’est en novembre 2012 que les premières cartes nationales d’identité électroniques entreront en circulation ; bien entendu, deux empreintes digitales seulement seront requises. Quant aux nouveaux permis de conduire sous forme de carte plastifiée, conformes à la décision qui vient d’être prise par l’Union européenne, ils apparaîtront en 2013.

M. Gorce, toujours très actif dans la lutte contre les dérives sectaires, s’est inquiété des moyens consacrés à celle-ci.

Je lui indique que deux officiers supérieurs de la gendarmerie sont en fonction à la MIVILUDES et que quinze militaires de la gendarmerie nationale sont à la disposition de l’Office central pour la répression des violences aux personnes. C’est ce dernier qui répartit les effectifs entre ses propres structures et la CAIMADES.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis. Il n’y a plus de gendarmes à la CAIMADES !

M. Claude Guéant, ministre. M. Gorce a évoqué en outre le financement des campagnes électorales, en insistant sur la nécessité de veiller à ce que les dépenses soient rigoureusement identifiées, selon les prescriptions de la loi.

La Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques est extrêmement active. Pour avoir participé de près à une campagne électorale voilà quelques années, je me souviens très bien des rectifications que cette commission avait opérées. Nous pouvons faire confiance aux magistrats qui la composent pour assurer une totale transparence en la matière. Il est d’ailleurs déjà arrivé que des personnalités politiques importantes soient amenées à rembourser des dépenses.

M. Favier a, pour sa part, demandé qu’il soit mis un terme à l’application de la RGPP et que la qualité du service rendu aux usagers soit maintenue. Je me suis déjà exprimé sur ces points.

Je remercie Mme Escoffier et M. Laménie d’avoir rendu hommage au personnel des préfectures, qui accomplit effectivement un travail considérable.

En revanche, je ne porte pas tout à fait la même appréciation que Mme Escoffier sur son moral ! Pour me déplacer fréquemment dans les préfectures, je puis témoigner de son ardeur au travail et de sa volonté de bien faire, malgré les réformes mises en œuvre – ou peut-être grâce à elles !

J’en veux pour preuve que les trois quarts des préfectures sont engagées dans une démarche de labellisation « Marianne », qui porte sur la qualité de service, en particulier en matière d’accueil du public. Certes, on a pu parfois observer des files d’attente importantes dans certaines préfectures, notamment pour la délivrance de titres de séjour, mais nous avons mis en place des moyens qui permettent désormais de remédier à de telles situations. Ainsi, à Lyon, les files d’attente, parfois considérables auparavant, ont disparu, grâce à l’ouverture de nouveaux locaux et à une meilleure gestion des flux de public. De même, alors que, voilà quelques années encore, la préfecture du Val-de-Marne était connue pour son incapacité à maîtriser ces derniers, les gens sont aujourd’hui reçus sur rendez-vous et personne ne fait plus la queue. Il est donc juste de rendre hommage aux agents des préfectures, qui font un excellent travail. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Administration générale et territoriale de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 48 A (nouveau) (début)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Administration générale et territoriale de l’État

2 722 754 629

2 725 293 343

Administration territoriale

1 672 991 496

1 657 428 917

Dont titre 2

1 449 048 970

1 449 048 970

Vie politique, cultuelle et associative

421 222 619

419 198 211

Dont titre 2

77 916 300

77 916 300

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

628 540 514

648 666 215

Dont titre 2

335 428 031

335 428 031

M. le président. L'amendement n° II-130 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet et M. Delahaye, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territorialeDont Titre 2 

 

 

 

 

Vie politique, cultuelle et associativeDont Titre 2

                  

40 150 000

                   

40 150 000

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieurDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

40 150 000

 

40 150 000

SOLDE

-40 150 000

-40 150 000

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° II-371, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Administration territorialeDont Titre 2 

 

 

 

Vie politique, cultuelle et associativeDont Titre 2 

                 

2 407 932

 

                 

2 280 000

 

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieurDont Titre 2 

 

 

 

 

TOTAL

 

2 407 932

 

2 280 000

SOLDE

- 2 407 932

- 2 280 000

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Lors de la crise financière de 2008, j’avais proposé, avec une quarantaine de collègues du groupe UMP, qu’un effort particulier soit demandé, par souci d’exemplarité, aux formations politiques, aux syndicats et autres associations financées sur fonds publics. Depuis, je dépose un amendement similaire à l’occasion de chaque discussion budgétaire.

Les partis politiques sont certes essentiels à la vie démocratique de la nation, mais, dans une période où l’état des finances du pays est particulièrement préoccupant, il serait naturel qu’ils montrent l’exemple en matière d’économie des deniers publics. Adopter mon amendement constituerait un signal fort à cet égard.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. Cet amendement a pour objet de minorer de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 2,28 millions d’euros en crédits de paiement les moyens alloués au financement des partis du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

La commission des finances a proposé au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». Cette position laisse déjà présager de l’avis qu’elle pourra donner sur cet amendement, qui tend à réduire les crédits de cette mission.

Toutefois, sur un sujet aussi important, il est utile d’aller plus loin. Monsieur Dominati, votre amendement ne respecte pas la procédure prévue par l’article 8 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique concernant le montant affecté à l’aide publique aux partis politiques. Cet article dispose en effet que le montant des crédits inscrits dans le projet de loi de finances peut faire l’objet de propositions adressées conjointement au Gouvernement par les bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Par ailleurs, il faut souligner que, malgré l’inflation, le montant inscrit en loi de finances au titre de l’aide publique aux partis politiques, soit 40,1 millions d’euros pour chacune des deux fractions, n’a pas varié depuis 1995. Les partis politiques ont donc contribué directement à l’effort budgétaire en euros constants compte tenu de l’inflation : en seize ans, le montant de l’aide publique a de fait diminué.

En conclusion, il convient de rappeler que l’aide publique de l’État a été créée pour apporter un soutien nécessaire aux partis, afin de permettre leur expression politique en conformité avec l’article 4 de la Constitution. Cette aide visait à remédier aux problèmes de transparence de la vie politique. Il convient donc d’apprécier si la réduction des crédits proposée au travers de votre amendement, aussi symbolique soit-elle, ne mettrait pas, fort paradoxalement et bien involontairement, un coup d’arrêt à ce processus.

Je vous demande, mon cher collègue, de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Monsieur Dominati, votre objectif est tout à fait partagé par le Gouvernement : dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’économies supplémentaires annoncé par le Premier ministre, il a présenté un amendement tendant à réduire de 5 % les crédits alloués au financement des partis politiques. Cet amendement ayant été adopté par l'Assemblée nationale, vous avez déjà largement satisfaction. Dans ces conditions, je vous suggère de retirer votre amendement.

M. Roland du Luart. M. Dominati a été écouté par anticipation !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis. On connaît la philosophie de M. Dominati sur le sujet : la démocratie coûte toujours trop cher…

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° II-371 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. La réponse de M. le ministre me satisfait. Pour la première fois, le Gouvernement fait un geste qui va dans le bon sens, sur un sujet qui me tient à cœur. J’espère que cette orientation perdurera dans les prochains budgets.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-371 est retiré.

L'amendement n° II-390, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territorialeDont titre 2 

             

225 934225 934

              

225 934225 934

Vie politique, cultuelle et associativeDont titre 2

 

 

 

 

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieurDont titre 2

 

 

 

 

TOTAUX

 

225 934

 

225 934

SOLDES

- 225 934

- 225 934

La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Le présent amendement vise à opérer un transfert de crédits d’un montant de 225 934 euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement du programme 307 « Administration territoriale » vers le programme 121 « Concours financiers aux régions ».

Il s’agit d’un ajustement technique, qui tire les conséquences, sur le plan budgétaire, du transfert du service de l’inspection du travail à la collectivité de Polynésie française, en application de l’article 59 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

Ces crédits de titre 2 correspondent à la rémunération de trois agents de ce service, désormais pris en charge par la collectivité de Polynésie française, à laquelle il convient en conséquence de transférer les moyens correspondants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. Nous n’avons pu prendre connaissance de cet amendement que quelques heures avant notre débat, ce qui est tout à fait regrettable. Le même cas de figure s’était présenté l’an dernier…

Nous prenons acte du transfert de moyens proposé, en espérant qu’il sera effectif, afin que la collectivité de Polynésie française soit bien dotée de la somme en question. Cela étant, nous n’avons aucune raison de douter de la sincérité de vos propos, monsieur le ministre, et la commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-390.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 48 A, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

II. – AUTRES MESURES

Administration générale et territoriale de l’État

Article 32 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 48 A (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 48 A (nouveau)

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 52-11 est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Il n’est pas procédé à une telle actualisation à compter de 2012 et jusqu’à l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul. Ce déficit est constaté dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 3 du règlement (CE) n° 479/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, relatif à l’application du protocole sur la procédure concernant les déficits excessifs annexé au traité instituant la Communauté européenne. » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 52-11-1, le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 47,5 % ».

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure spéciale.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale. La commission des finances est favorable à l’adoption de cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 48 A.

(L'article 48 A est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Article 48 A (nouveau) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

10

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des finances a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2012 actuellement en cours d’examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

11

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen de projets de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :

- du projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Panama en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, déposé ce jour sur le bureau de l’Assemblée nationale ;

- du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d’enchères communes et du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d’une instance de surveillance des enchères, déposés ce jour sur le bureau de notre assemblée.

12

Demande d'un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application de l’article R. 131-6 du code de l’environnement, M. le Premier ministre, par lettre en date du 30 novembre 2011, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière d’environnement sur le projet de nomination de M. François Loos à la présidence du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

13

Article 48 A (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Enseignement scolaire

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

Enseignement scolaire

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et articles 51 septies et 51 octies).

La parole est à M. Claude Haut, rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’importance de la mission « Enseignement scolaire » dans le budget de l’État : ses crédits s’élèvent à 62,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, ce qui correspond à un plafond de 981 206 emplois rémunérés par le ministère de l’éducation nationale.

Notre ancien collègue Gérard Longuet était, l’année dernière, rapporteur spécial des crédits de cette mission. Il avait alors déjà souligné des déficiences dans la gestion du ministère de l’éducation nationale. Ses observations sont, hélas, toujours d’actualité.

Elles portaient notamment sur quatre points, que je vais rappeler.

En premier lieu, concernant l’enseignement technique agricole, M. Longuet avait relevé, le 17 novembre 2010, lors de l’examen en commission des finances des crédits de la mission inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011, que la contraction des emplois, « eu égard à la taille des établissements comme à leur répartition sur l’ensemble du territoire, conduit à des fermetures de classes ou de sites scolaires. […] Nous avons donc un vrai sujet quant à l’application de la diminution des effectifs dans l’enseignement technique agricole. »

En deuxième lieu, s’agissant des corrections techniques du plafond d’emplois du ministère de l’éducation nationale, à hauteur – excusez du peu ! – de 20 359 équivalents temps plein travaillé, M. Longuet indiquait que « le ministère de l’éducation nationale […] semble manifestement fâché avec la comptabilité. […] Contrairement aux années précédentes, le schéma d’emplois n’est pas justifié au niveau national mais est renvoyé à la responsabilité des académies. » Or, aujourd’hui encore, plus d’un an après l’engagement de la réforme, nous ne savons toujours pas comment les suppressions d’emplois ont été réparties entre les académies ! Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous apporter des réponses aux inquiétudes à ce sujet des enseignants, des parents et, bien sûr, des élèves ?

En troisième lieu, en ce qui concerne les suppressions d’emplois, M. Longuet observait qu’il conviendrait « sans doute d’interroger le ministre sur la soutenabilité à moyen terme » d’une telle politique. La question peut être reposée cette année !

En quatrième lieu, M. Longuet relevait que les plafonds d’emplois en exécution ne correspondent toujours pas aux prévisions de la loi de finances, le Gouvernement ne sachant procéder à temps à la « régularisation du désajustement constaté entre recrutements et départs ». En d’autres termes, le ministère de l’éducation nationale ne parvient pas à anticiper correctement les décisions de ses agents en matière de départ à la retraite, ni à ajuster en conséquence le nombre de postes offerts aux différents concours.

Par ailleurs, dans son rapport d’information du 21 juin dernier fait au nom de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation, notre collègue Jean-Claude Carle remarquait que les suppressions de postes donnaient « une certaine prime à la facilité ».

En dépit de toutes ces observations, le présent projet loi de finances poursuit la politique de suppression de postes, à hauteur, en 2012 et à périmètre constant, de 15 640 ETPT, ce nombre traduisant l’effet en année pleine des suppressions de postes de la rentrée 2011 et 14 000 nouvelles suppressions d’emploi prévues à la rentrée 2012. L’économie correspondante s’élève à 467 millions d’euros, soit l’équivalent de la non-revalorisation de 1 % du point d’indice de la fonction publique pour les personnels de l’éducation nationale.

Entre la loi de finances initiale pour 2008 et le présent projet de loi de finances pour 2012, 70 600 postes ont été supprimés dans l’éducation nationale, dont 68 000 postes d’enseignant et 2 600 postes dans le secteur administratif.

Pour les rapporteurs spéciaux, le rétablissement d’un grand nombre des postes d’enseignant supprimés depuis 2007 doit constituer une priorité, si l’on veut redonner au service public de l’éducation les moyens de ses ambitions.

En outre, la répartition des suppressions de postes entre le public et le privé ne nous paraît pas équitable. En effet, l’enseignement privé subit moins de 10 % des suppressions de postes, alors qu’il est d’usage de respecter un prorata de 20 % entre les créations ou les suppressions de postes dans l’enseignement privé et celles qui concernent l’enseignement public.

S’agissant toujours des effectifs, le nombre de professeurs contractuels n’est toujours pas connu avec précision ; nous savons seulement que, entre le 31 décembre 2005 et le 31 décembre 2010, il a augmenté de 76 %. Ces informations doivent bien sûr être rendues publiques, c’est la raison pour laquelle la commission des finances présentera un amendement tendant à prévoir la remise d’un rapport sur cette question au Parlement.

Les dépenses relatives aux heures supplémentaires constituent une dernière variable d’ajustement des emplois de l’éducation nationale. Celles-ci s’élèvent à 1,31 milliard d’euros pour l’année scolaire 2010-2011, soit une hausse de 3,1 % par rapport à l’année scolaire précédente. Ces sommes équivalent à la rémunération de 40 000 ETPT, ce qui est beaucoup, même si, bien entendu, toutes ces heures supplémentaires ne correspondent pas des heures d’enseignement. En tout état de cause, il faut y regarder de plus près.

Nous sommes confrontés à une question majeure : quelle école voulons-nous pour nos enfants ? Quels sont les moyens à la hauteur des enjeux ? À cet égard, en dehors de la dépense d’éducation par élève ou par établissement, qui est légèrement supérieure à la moyenne dans notre pays, les comparaisons internationales fournies par l’OCDE ne sont pas toujours flatteuses pour nous : les classes françaises comptent un nombre d’élèves plus élevé que celles des autres pays industrialisés, et le taux d’encadrement est en France inférieur à la moyenne des autres États de l’OCDE.

Pour justifier la suppression de postes d’enseignant, le Gouvernement avance des arguments démographiques : à moyen terme, le nombre d’élèves diminuerait, tandis que le nombre d’enseignants augmenterait. Le Gouvernement retient pour son calcul une période de vingt ans, allant de la rentrée scolaire 1990-1991 à la rentrée scolaire 2010-2011.

Ces chiffres sont, pour le moins, extrêmement contestables, puisqu’ils dépendent largement de la période retenue. En effet, depuis le début des années 2000, le nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement public du premier degré a augmenté, ce que ne font pas apparaître les modalités de calcul retenues par le Gouvernement, qui tendent à masquer quelques évolutions observées depuis 2002.

Par ailleurs, les évolutions moyennes masquent des tendances disparates : il faudrait pouvoir défalquer la création de dispositifs spécifiques d’encadrement des élèves en difficulté et/ou handicapés, dispositifs qui n’existaient généralement pas il y a vingt ans, pour apprécier avec beaucoup plus de précision l’évolution dans les autres classes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne sommes pas convaincus par l’argument du Gouvernement selon lequel il y aurait plus d’enseignants pour moins d’élèves.

En conclusion, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en citant un extrait de l’article L. 111-1 du code de l’éducation : « Le droit à l’éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d’élever son niveau de formation initiale et continue, de s’insérer dans la vie sociale et professionnelle, d’exercer sa citoyenneté. »

Aujourd'hui, ce droit à l’éducation ainsi défini est remis en cause, après cinq années de mise en œuvre d’une politique de restriction budgétaire et de déconstruction du service public de l’éducation. D'ailleurs, le projet de budget pour 2012 consacre un peu plus encore l’amoindrissement et la dénaturation de ce dernier.

À cet égard, je partage le constat formulé par notre collègue Claude Haut selon lequel les effectifs des personnels du ministère de l’éducation nationale rémunérés sur d’autres crédits que ceux du titre 2 sont également en baisse. Les contrats aidés des personnels d’assistance éducative correspondraient à 88 688 emplois dans le projet de loi de finances pour 2012, soit une diminution de 3 500 par rapport à 2011. Toutes les catégories d’emplois sont donc touchées, y compris les plus précaires.

Dans ce contexte, l’enseignement technique agricole connaît une évolution particulièrement inquiétante. En 2012, la suppression de 280 ETPT correspond à un taux de non-compensation des départs à la retraite de 68,3 %. C’est l’un des plus élevés du budget de l’État.

Par ailleurs, aucune mesure catégorielle n’est prévue dans l’enseignement agricole à la prochaine rentrée. En son sein, l’enseignement public est particulièrement menacé. Dans la mesure où il concerne 37 % des effectifs scolarisés, l’application de la règle de la parité entre l’enseignement agricole public et l’enseignement agricole privé devrait donc conduire à ce que les suppressions de postes dans le premier représentent 37 % des suppressions de postes dans l’ensemble de l’enseignement agricole, et non 60 %, comme c’est le cas. Cette situation a justifié la création d’un comité permanent de défense et de développement de l’enseignement agricole public.

Notre collègue Claude Haut évoquait à l’instant de graves carences dans la gestion du ministère de l’éducation nationale, révélant un manque de pilotage au plus haut niveau.

Je ne prendrai qu’un seul exemple des erreurs dites « techniques » relatives au nombre d’emplois corrigées dans le présent projet de loi de finances : pour les emplois des opérateurs, ces erreurs portent sur 824 ETP, soit un sixième de l’emploi total en leur sein.

À défaut de revaloriser l’ensemble de ses fonctionnaires, le ministère de l’éducation nationale privilégie l’adoption de mesures nouvelles. Ainsi, 165,4 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre de mesures de cet ordre, mais aucune précision n’est apportée quant à leur contenu, à leurs bénéficiaires ou aux politiques qu’elles sont censées contribuer à mettre en œuvre. On demande donc au Parlement d’accorder un blanc-seing au Gouvernement…

La politique sociale du ministère de l’éducation nationale n’est pas plus satisfaisante. Le montant alloué aux bourses, soit 570,6 millions d’euros, est en diminution de 6,8 %. La dotation des fonds sociaux, accordés par les chefs d’établissement aux familles les plus en difficulté, accuse un recul de 4,4 %. En outre, aucun objectif ni indicateur de performance ne permet de mesurer l’efficacité de ces crédits d’action sociale.

L’allocation de rentrée scolaire, l’ARS, versée sous conditions de ressources, aurait profité à 4,6 millions d’enfants à la rentrée 2011. Certes, les montants de cette allocation ont été revalorisés de 1,5 % pour cette même rentrée, mais ils sont notoirement insuffisants pour les élèves des lycées professionnels et devraient être davantage modulés selon les niveaux de scolarisation. Par ailleurs, le versement de l’ARS à la fin du mois d’août paraît trop tardif. Surtout, cette augmentation ne compense pas l’explosion des frais de rentrée scolaire à laquelle sont exposées les familles, comme l’a montré l’association Familles de France.

Suppressions d’emplois, sacrifice de l’enseignement public agricole, opacité et erreurs sur le nombre de postes ou encore sur les mesures catégorielles envisagées en 2012, réduction drastique des crédits d’action sociale : le budget de l’éducation nationale proposé pour 2012 ne correspond nullement à l’effort que devrait conduire notre nation pour assurer l’égalité des chances à tous les enfants.

Les politiques menées dans le domaine de l’éducation ne sont pas davantage satisfaisantes. Que dire de la suppression de milliers de postes d’enseignant dans les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED ? La suspension des allocations familiales, quant à elle, s’inscrit dans une logique consistant à surveiller et punir. La réforme du lycée conduit à une désorganisation et à une remise en cause du statut.

Je veux également exprimer mes craintes quant à la scolarisation en maternelle non obligatoire et à celle des enfants âgés de deux à trois ans, si tant est qu’elle existe encore.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. Eh oui !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. En dix ans, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans s’est écroulé, passant de 34,6 % en 2000 à 13,6 % en 2010, alors que de 700 000 à 750 000 enfants pourraient être accueillis, selon les estimations que vous avez vous-même fournies, monsieur le ministre, le jour de l’examen de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. Je rappelle que vous avez censuré cette discussion en invoquant de façon abusive l’article 40 de la Constitution.

Pourtant, vous le savez, il est reconnu que la scolarisation en maternelle joue un rôle fondamental et contribue à la réussite du parcours scolaire. Or vous la réduisez à une variable d’ajustement budgétaire.

Enfin, la commission des finances est extrêmement attachée à une revalorisation du métier d’enseignant, au-delà de la problématique financière. Je pourrais évoquer le développement de l’emploi précaire, la diminution du nombre de candidats aux concours de l’enseignement, soulignée lors de la table ronde que Claude Haut et moi-même avons organisée le 11 octobre dernier avec des syndicats d’enseignants et des associations de parents d’élèves, ou encore les déclarations, de plus en plus fréquentes, de jeunes enseignants affirmant envisager de changer de métier au cours de leur carrière, avant même d’avoir commencé à exercer…

Ce sont autant de signes d’une certaine désaffection pour le métier d’enseignant, qui appellent à une association plus étroite des personnels à la politique éducative autour d’objectifs partagés.

Nous pouvons, nous devons assurer aux enseignants des conditions de travail qui leur redonnent à tous l’envie d’exercer le plus beau métier du monde, porteur des espoirs de notre jeunesse et de l’avenir de notre nation.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission des finances, confrontée à ce constat, mais aussi animée par l’espoir d’une autre politique qui mette l’humain au centre des préoccupations, propose au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », d’adopter, avec modification, l’article 51 septies, d’adopter, sans modification, l’article 51 octies et d’adopter un amendement portant article additionnel après l’article 51 octies. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’examen du projet de loi de finances pour 2012, il apparaît que l’éducation nationale est dotée d’un budget d’environ 62 milliards d’euros, en progression de 0,86 % par rapport à l’an passé, ce qui porte à 6 % son augmentation sur l’ensemble de la législature.

Néanmoins, ne nous y trompons pas : il s’agit en fait d’une baisse de crédits, puisque, sur cette même période, l’inflation n’est même pas compensée.

En outre, cette prétendue augmentation de crédits est en trompe-l’œil, car elle résulte du glissement des dépenses de personnel. Ainsi, 550 millions d’euros supplémentaires par rapport au budget de 2011 sont consacrés aux pensions et non pas à de nouveaux moyens dont bénéficieraient les élèves.

À ce propos, je note que, par le biais du projet de collectif budgétaire pour 2011, le Gouvernement, arguant de disponibilités au titre des pensions, propose le transfert de 70 millions d’euros au profit de la masse salariale de l’éducation nationale et de la justice. Cela veut-il dire que des crédits de pensions peuvent être transformés en postes ?

Ainsi, après les réintroductions d’emplois et les défaillances du logiciel Chorus l’année dernière, une nouvelle opération de replâtrage est en marche…

Dans ces conditions, trois questions se posent : quelle est la valeur réelle du plafond d’emplois de la mission « Enseignement scolaire » ? Quel degré de sincérité peut-on accorder au budget de l’éducation nationale ? Les amendements votés par le Parlement sont-ils toujours pleinement pris en compte ?

Pour les années à venir, la commission de la culture souhaite beaucoup plus de transparence et de précision, en matière à la fois de justification et d’exécution des crédits.

Concernant la masse des crédits de personnel, je souhaite souligner le niveau particulièrement important des heures supplémentaires. En effet, plus de 1,3 milliard d’euros y est consacré, soit 10 % de plus qu’en 2008-2009. Ces crédits auraient pu être employés à d’autres fins : remise en cause de suppressions de postes de titulaire sur zone de remplacement, ou TZR, renforcement du taux d’encadrement dans l’éducation prioritaire, consolidation de l’accueil à l’école maternelle ou encore offre d’une véritable formation aux enseignants, pour faire suite, monsieur le ministre, à votre réforme ratée de la mastérisation…

À ce propos, nous apprenons avec satisfaction que le Conseil d’État vient d’annuler en partie votre arrêté du 12 mai 2010 portant sur les nouvelles modalités de formation. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Claudine Lepage. Très bien !

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. Ce désaveu cinglant vous oblige à revoir votre copie, ou plutôt ce qui n’était sans doute qu’un brouillon !

Monsieur le ministre, votre prétendu réalisme budgétaire a une limite, la loi, comme vient de le rappeler le Conseil d’État.

La commission de la culture est convaincue que, même dans un contexte budgétaire difficile, des moyens peuvent être mobilisés pour mener une autre politique, avec des priorités éducatives affirmées plutôt que des priorités financières présentées comme incontournables.

Par ailleurs, sur l’ensemble des crédits d’heures supplémentaires, 320 millions d’euros sont consacrés aux seules exonérations de cotisations sociales résultant de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ». En revanche, moins de 130 millions d’euros doivent financer environ 30 000 emplois vie scolaire, ou EVS. Or ces derniers s’adressent surtout à des personnes éloignées de l’emploi, dont ils visent à permettre la réinsertion. Par conséquent, restreindre le contingent d’EVS ne peut qu’alourdir le nombre de chômeurs. De plus, parmi les EVS, ceux qui servent d’assistants aux directeurs d’école afin de les décharger de tâches administratives sont les plus touchés par les non-renouvellements. Il apparaît donc que les choix financiers du Gouvernement s’opposent directement à la politique de l’emploi et à l’accompagnement des élèves, deux actions pourtant plus que prioritaires.

La construction du présent budget privilégie décidément l’optimisation de la gestion et confond performance financière et performance éducative. Si le projet de loi de finances pour 2012 est voté en l’état, en cinq ans, 68 000 postes d’enseignant auront été supprimés, dont 28 000 dans l’enseignement primaire public.

Le constat est très net : la préscolarisation des enfants âgés de moins de trois ans est en voie d’extinction ; elle concerne seulement 5 % des effectifs en Seine-Saint-Denis. Les effectifs des classes augmentent à chaque rentrée : demain, 32, 33 ou 35 enfants par classe sera peut-être la norme. Année après année, les postes dans les RASED disparaissent.

La commission de la culture s’interroge sur l’articulation entre les recteurs et l’administration centrale, qui paraît très imparfaite. De l’aveu même des services de l’éducation nationale, elle ne permet pas « une identification précise, pour chaque levier d’efficience et pour chaque académie », de l’incidence de telle ou telle mesure. Comment peut-on alors prétendre améliorer la gestion d’année en année ?

Nous sommes obligés de constater que les résultats des évaluations sont défavorables, que les inégalités sociales se traduisent en inégalités scolaires et que les inégalités territoriales portent atteinte à l’ambition d’équité de notre école publique. Le pilotage territorial de certaines mesures paraît nettement insuffisant.

Il faut noter que les élus locaux ne sont consultés à aucun moment lors de la construction de ce budget. Tous leurs représentants se sont plaints de ne pas être traités comme des partenaires à part entière par le ministère. Pourtant, leur implication en faveur de l’école est totale et leurs contributions ne cessent de s’accroître au fur et à mesure du désengagement de l’État.

Enfin, s’agissant de la médecine scolaire, la Cour des comptes a récemment évoqué l’existence de déserts médico-scolaires. Pourquoi un tel échec ? Nous le savons : il est dû à des rémunérations trop faibles, à un statut trop rigide et à l’absence de perspectives de carrière valorisantes.

Monsieur le ministre, il est urgent de réagir et, comme le préconise le Conseil d’État au travers de sa récente décision, de reprendre le dialogue avec l’ensemble des acteurs concernés.

En conclusion, en l’absence d’une réelle politique éducative ambitieuse pour tous, étant donné le manque de lisibilité de la gestion administrative et l’abandon de la formation initiale et continue des enseignants, la commission de la culture et de l’éducation émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je sais que le ministre de l’agriculture, retenu par d’autres obligations, ne pouvait assister à notre débat de ce soir, mais je ne peux m’empêcher de regretter son absence. Cela étant, je connais son attachement à l’enseignement agricole.

Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de consacrer à l’enseignement agricole 1,3 milliard d’euros, soit une hausse de 1,2 % des crédits de paiement et de 1,7 % des autorisations d’engagement. La levée de la réserve de précaution devrait, en outre, permettre d’éviter cette année les reports de charges. L’enseignement agricole est donc plutôt bien traité. Il paie toutefois son écot à la RGPP et prend pleinement sa part aux mesures de maîtrise de la dépense publique, notamment via l’optimisation de la gestion et la réduction de 10 % de ses crédits de fonctionnement à l’horizon 2013.

L’augmentation des crédits hors titre 2 résulte de l’évolution des subventions aux établissements de l’enseignement agricole privé. Ces dotations ont en effet été relevées, afin de prendre en compte les obligations juridiques découlant de l’application du code rural. Je me félicite de la volonté affichée par le ministre de l’agriculture de respecter les protocoles d’accord de 2009, signés pour régler des problèmes récurrents de reports de charges et de contentieux. La subvention pour 2012 aux établissements privés du temps plein risque toutefois d’être insuffisante pour assurer l’accueil de 1 300 élèves supplémentaires, que n’avait pas prévu le ministère. Il conviendrait que des marges de manœuvre puissent être dégagées pour remédier à la situation.

Mes chers collègues, j’aimerais rappeler mon attachement, en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture, au développement équilibré de toutes les composantes de l’enseignement agricole, qu’il s’agisse du public, du privé temps plein ou du privé rythme approprié. Elles ont chacune leurs spécificités et répondent de façon diversifiée et adaptée aux besoins des élèves, des familles et des territoires.

L’analyse des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 me conduit à adopter une attitude d’optimisme prudent et vigilant pour ce qui concerne l’ouverture, en février prochain, de la négociation du prochain plan triennal. Je souhaite que tout soit fait d’ici là pour garantir la qualité du dialogue social au sein de l’enseignement agricole et éviter le blocage du Conseil national de l’enseignement agricole, qui, à deux reprises, n’a pu fonctionner cet automne.

En termes d’emplois, ce projet de budget prévoit la suppression de 280 postes, uniquement d’enseignant. Après ces nouvelles suppressions, l’enseignement agricole sera parvenu à un taux de non-compensation des départs à la retraite de 45,5 % sur trois ans. C’est donc un peu moins que la norme du « un sur deux ».

À première vue, les suppressions de postes paraissent difficilement tenables, mais elles coïncident en fait avec la fin de la rénovation de la voie professionnelle. En particulier, il faut tenir compte de la résorption du double flux d’élèves né du maintien transitoire de voies parallèles, l’une directe, l’autre via le brevet d’études professionnelles agricoles, le BEPA. En outre, la rationalisation de la carte des formations menée en collaboration avec l’éducation nationale réduira l’incidence des suppressions, qui devrait au final être plus mesurée que ce que l’on pouvait craindre. Mais il ne sera pas possible, à l’avenir, d’aller plus loin sans entraver durablement le développement de l’enseignement agricole. Tous les jeunes qui s’y destinent doivent pouvoir y trouver leur place.

En revanche, il faut souligner le bilan positif des ouvertures et des fermetures de classes. Le bilan net correspond, à la rentrée 2011, à l’ouverture de plus de 135 « équivalents classe ». Je me félicite de ce déploiement de l’offre de formation, qui répond bien à la mission d’aménagement et de revitalisation du territoire assignée à l’enseignement agricole. Saluons tout particulièrement le dynamisme de l’outre-mer, qui voit globalement s’ouvrir neuf nouvelles classes, s’ajoutant aux sept de l’an passé.

Enfin, il semble que les synergies avec le ministère de l’éducation nationale soient désormais systématiquement recherchées. C’est vrai à l’échelon central pour la définition des politiques éducatives, la mise en œuvre des réformes, les référentiels des formations et la conception des épreuves. Mais l’échelon régional est également très actif, si j’en juge par la mise en commun de locaux et l’optimisation de la carte des formations. Les échanges de services d’enseignants entre établissements de l’éducation nationale et établissements de l’enseignement agricole se développent également. Cette consolidation des coopérations entre l’éducation nationale et l’enseignement agricole s’opère dans le respect des spécificités de chacun, mais dans un esprit nouveau de coresponsabilité. Le développement de ces collaborations permettra de desserrer l’étau budgétaire, par l’optimisation des fonctionnements et des coûts.

En conséquence, à titre personnel et contrairement à la commission de la culture, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la voie professionnelle a subi depuis 2008 une refonte extrêmement brutale et profonde, qui n’a quasiment rien épargné, ni la carte des formations, ni la construction des parcours, ni les modalités pédagogiques d’enseignement.

La voie du baccalauréat professionnel en trois ans pouvait être intéressante pour les meilleurs élèves. En revanche, afin de tenir compte des plus fragiles et des risques d’accroissement du nombre des sorties du système scolaire sans qualification, j’ai toujours plaidé, en tant que rapporteure pour avis de la commission de la culture, pour le maintien en parallèle de l’ancienne voie.

Nos craintes se sont malheureusement confirmées année après année. La réforme est d’autant plus difficile à mener que les moyens consacrés aux lycées professionnels diminuent. Il faut noter l’affaiblissement particulièrement inquiétant des ressources provenant de la taxe d’apprentissage. En outre, la répartition du produit de cette taxe est très surprenante, puisque, au sein du second degré, le public reçoit à peine plus que le privé, alors que ce dernier scolarise cinq fois moins d’élèves. Par ailleurs, au sein du second degré public, les lycées généraux et technologiques reçoivent environ 5 % de son produit, contre moins de 3 % pour les lycées professionnels.

La construction du barème de la taxe et l’affectation des fonds par les organismes collecteurs désavantagent donc très nettement les élèves de l’enseignement professionnel public. Que comptez-vous faire pour y remédier, monsieur le ministre ?

Pour dresser un premier bilan de la réforme, je me suis penchée sur le suivi des élèves de seconde professionnelle. Des taux de redoublement élevés, qui s’élèvent jusqu’à 6 % dans les académies de Lille et de Versailles, soit plus que dans les anciennes sections de BEP, ont été enregistrés. Plus gravement, le nombre des sorties du système scolaire a augmenté et atteint presque 15 % d’après le rapport des inspections générales. Si cette tendance se confirme, la réforme se soldera par un accroissement sérieux des inégalités sociales et scolaires.

La certification intermédiaire et le contrôle en cours de formation regroupent une grande partie des écueils de la réforme. La progression pédagogique est perturbée, la charge d’organisation démesurée, la fiabilité des évaluations très incertaine, l’articulation avec l’accompagnement personnalisé et les périodes de formation en entreprise déficiente.

Les formations de niveau V sont graduellement déprofessionnalisées, ce dont les organisations patronales s’inquiètent d’ailleurs.

Parallèlement, la possibilité de poursuite d’études en section de technicien supérieur a été beaucoup trop mise en avant, sans qu’aucun dispositif concret d’accompagnement des bacheliers professionnels ne soit mis en place. Du point de vue tant de la capacité d’insertion sur le marché du travail que de la poursuite d’études, la réforme risque de susciter beaucoup de frustration parmi les familles et les élèves.

Ce sont bien sûr les milieux populaires et les moins favorisés qui en paieront le prix. Je rappelle que la moitié des élèves en voie professionnelle sont enfants d’ouvriers, de chômeurs ou d’inactifs, alors que ces derniers ne représentent qu’un tiers de l’effectif global du second degré.

Enfin, la mastérisation a ouvert une crise majeure du recrutement des enseignants en lycée professionnel.

J’évoquerai brièvement cette réforme, le Conseil d’État venant d’annuler partiellement l’arrêté du 12 mai 2010, qui décline notamment les modifications statutaires relatives à l’année de stage, lesquelles avaient entraîné la suppression de 16 000 postes. Dans son arrêt du 28 novembre dernier, il considère que vous étiez « incompétent », monsieur le ministre, pour abroger seul les textes antérieurs. Ce que je dénonçais ici même en avril dernier, à l’occasion d’une question orale avec débat sur la réforme de la formation des enseignants, est aujourd’hui reconnu par la plus haute juridiction administrative ! Oui, c’est un camouflet : l’arrêté du 19 décembre 2006 fixant notamment le temps de service en responsabilité des stagiaires à huit heures par semaine et imposant une formation dans les IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, s’applique donc de nouveau !

Cette précipitation, les professeurs de lycée professionnel l’ont éprouvée durement : les parcours appropriés de master dans les universités ont été construits à la hâte et restent invisibles, d’où un tarissement sans précédent du vivier de candidats. Se prépare ainsi l’affaiblissement des formations dispensées dans les lycées professionnels, à cause d’un manque de titulaires bien formés et du recours massif à l’emploi précaire. Les difficultés sont accrues par les obstacles mis à la reconversion de salariés. Le MEDEF et les branches professionnelles s’en alarment déjà.

Pour conclure, j’aimerais évoquer la question de la régionalisation de l’enseignement. En effet, un possible transfert aux conseils régionaux de la compétence pour les lycées professionnels, y compris pour la gestion du personnel enseignant, a été évoqué encore récemment. À titre personnel, j’y suis résolument hostile. Les ressources financières des régions sont trop minces et leur expertise pédagogique trop faible. En outre, tout ce qui est de nature à renforcer les inégalités sociales et territoriales entre les élèves doit être combattu.

La déstabilisation actuelle de l’enseignement professionnel, qui s’ajoute aux problèmes déjà évoqués par notre collègue Françoise Cartron, explique également l’avis défavorable de la commission de la culture sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au titre du dernier exercice budgétaire de la mandature nous est présenté un budget d’un montant de quelque 62 milliards d’euros pour les cinq programmes de la mission « Enseignement scolaire ».

Selon vous, monsieur le ministre, ce chiffre traduit la priorité accordée par le Gouvernement à la réussite de chaque élève et sa volonté de garantir la qualité du système éducatif. C’est le premier budget de l’État, en effet. D’ailleurs, le Président de la République ne nous épargne pas ses effets d’annonce. Dans son intervention télévisée du 27 octobre dernier, il traçait ainsi son orientation budgétaire : « Moins d’enseignants, mieux payés, mieux formés, mieux considérés, mieux respectés. C’est la seule politique possible. »

Les lignes budgétaires que vous tentez de rendre présentables comportent des crédits en trompe-l’œil, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, dont je tiens à saluer le travail de grande qualité.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous livrer mon interprétation de ces chiffres ; elle diverge considérablement de la vôtre.

La progression affichée de 0,86 % des crédits ne repose que sur l’augmentation des pensions ; autant dire qu’elle n’est aucunement le reflet d’une dynamique nouvelle.

Cette année encore, les annonces en resteront au stade de l’affichage, car elles ne trouvent pas de traduction chiffrée dans le projet de loi de finances pour 2012.

Les leviers d’action que vous privilégiez ne sont pas les bons. Ainsi, je ne peux cautionner une gestion des ressources humaines qui conduit à affaiblir encore davantage notre service public d’éducation à l’école, au collège ou au lycée, au lieu d’en assurer la pérennité et la qualité.

Malheureusement, monsieur le ministre, la recherche purement comptable d’économies à court terme amène à faire l’impasse sur la qualité de l’enseignement, l’avenir de notre jeunesse et l’égalité des chances.

Le constat d’échec est patent. Les organismes indépendants qui mesurent l’efficacité de notre système scolaire sont unanimes : celui-ci creuse les inégalités sociales plutôt que de les aplanir ; un comble ! L’enquête du programme international pour le suivi des acquis des élèves, le PISA, menée auprès des jeunes de quinze ans l’a montré en 2009. Les résultats de la session qui sera réalisée en février 2012 confirmeront-ils ces aggravations ? Déjà, lors du vote du projet de loi de finances pour 2011, le groupe du RDSE dénonçait cette situation.

Pourtant, vous continuez à appliquer la logique de la révision générale des politiques publiques, en supprimant encore davantage de postes : 14 000 le seront en 2012. L’effort demandé est énorme et, de surcroît, discriminatoire, puisque seulement 1 435 postes seront supprimés dans l’enseignement privé.

Ce qui est valable à vos yeux pour les enseignants titulaires l’est aussi, et je le déplore, pour les contrats aidés. Ce n’est pas en supprimant, cette année encore, près de 8 000 emplois de vie scolaire que vous pérenniserez le bon fonctionnement des établissements scolaires publics.

Si elle n’est bien sûr pas seule à l’origine du mal-être de notre école, la gestion des ressources humaines a des conséquences tangibles sur le terrain : non-remplacement des absences, classes surchargées peu propices aux apprentissages, charge de travail accrue pour les professeurs qui enseignent l’éducation civique, les langues vivantes ou assurent des cours de soutien, absence de moyens supplémentaires pour accueillir les enfants présentant un handicap.

Dans le sud de la Haute-Garonne, parents d’élèves et enseignants se mobilisent contre le non-remplacement systématique d’un enseignant partant à la retraite sur deux.

Purement comptable, ignorant les spécificités géographiques, cette politique contraint les conseils départementaux de l’éducation nationale à fermer des classes, le plus souvent dans les zones les moins peuplées : elle est désastreuse en matière d’aménagement du territoire, particulièrement dans un grand département comme le mien, où coexistent des zones urbaines en développement et de vastes zones rurales.

Ces coups de boutoir contribuent à fissurer l’édifice de l’école et à creuser les inégalités entre les régions et, surtout, entre les enfants : je déplore que l’ascenseur social n’ait toujours pas été remis en route.

Les heures supplémentaires constituent l’autre levier d’action privilégié par le Gouvernement dans la répartition des crédits que nous examinons ce soir. Elles permettent de répondre aux besoins en personnel compétent pour assurer les services de soutien en dehors des horaires réguliers, l’apprentissage des langues vivantes ou les remplacements de courte durée.

Mais, pas plus à l’école que dans l’entreprise, le recours aux heures supplémentaires n’est, en soi, une preuve de bonne gestion. La hausse des dépenses au titre des heures supplémentaires contribue à fragiliser le statut des enseignants : on sait bien, en effet, que la limite entre les heures supplémentaires choisies et les heures supplémentaires subies est toujours ténue…

De surcroît, cette politique coûte cher. Les crédits affectés au paiement des heures supplémentaires ne seraient-ils pas mieux utilisés autrement, par exemple pour favoriser l’embauche de titulaires sur zone de remplacement ?

Monsieur le ministre, je tiens à vous poser une question directe : et l’éducation, dans tout cela ?

Car enfin, comme l’a souligné Mme Cartron, les choix financiers du Gouvernement se retournent directement contre la politique de l’emploi et la qualité de l’accompagnement des élèves !

Comment, dans ces conditions, comptez-vous donner une impulsion pédagogique nouvelle au contenu des enseignements ? Comment comptez-vous recruter du personnel compétent en offrant les salaires de cadre les plus bas de la fonction publique ? Déjà, la pénurie se fait sentir, à tel point que les chefs d’établissement doivent recruter à Pôle emploi des personnes qui n’ont ni la compétence ni l’expérience requises.

Dans les collèges, par exemple, pourquoi ne pas utiliser les compétences des enseignants des départements voisins ayant demandé leur mutation sans l’obtenir ? Ils sont en disponibilité obligée et voient passer des annonces de Pôle emploi pour lesquelles ils ne sont pas prioritaires.

Aujourd’hui, un enseignant dont le conjoint est muté loin de son domicile a deux solutions : soit il accepte d’être séparé de lui, et il accumulera chaque année des points en vue d’obtenir une mutation ; soit il décide de le suivre en se plaçant en situation de disponibilité ou en congé parental, afin de ne pas mettre en danger sa vie familiale, mais il cessera alors d’engranger des points et un cercle vicieux s’enclenchera !

Les femmes sont les principales victimes de cette situation désastreuse, dont elles subissent à un double titre les conséquences : pour le déroulement de leur carrière et pour le calcul de leur future pension de retraite. Je vous demande donc d’engager une réforme de la procédure de changement d’affectation pour rapprochement de conjoints, afin de faire cesser des situations familiales particulièrement difficiles, en même temps qu’un gaspillage de compétences.

Un autre problème, que je me contenterai d’évoquer, est très préoccupant : celui des conséquences de la modification de la carte scolaire, qui aggrave, en milieu rural comme dans les quartiers sensibles, les disparités dans la qualité du service public de l’éducation. Bref, les inégalités territoriales et sociales se creusent : la mixité sociale disparaît et, avec elle, les beaux principes fondant notre modèle républicain.

C’est pourquoi, à la suite de notre rapporteure pour avis, je demande que le ministère de l’éducation nationale procède à une évaluation rigoureuse des conséquences pédagogiques de la désectorisation, c’est-à-dire de son incidence sur les apprentissages des élèves.

Avant de conclure, je souhaite attirer l’attention sur la pénurie des moyens alloués à la médecine scolaire. Dans un contexte de crise économique grave, ce service permettrait aux enfants des familles les plus défavorisées de bénéficier d’un « minimum médical ».

Mais, là encore, les moyens ne sont plus au rendez-vous, alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour la santé publique. Quand la patientèle d’un médecin généraliste représente environ 1 000 personnes, un médecin scolaire suit quelque 10 000 élèves ! Ces chiffres se passent de commentaires… Nous nous privons d’un véritable outil d’alerte et de prévention. Combien d’enfants traîneront toute leur vie des difficultés qui auraient pu être identifiées et résolues très en amont ?

Je pourrais aussi vous parler des psychologues, des infirmiers ou des RASED… Mais j’ai déjà, l’an passé, fait longuement état de leur situation.

Monsieur le ministre, vos choix budgétaires pèsent, année après année, sur l’école de la République. Je dirai même que, pour la cinquième année consécutive, le leitmotiv de votre politique est : « RGPP » !

Le temps est venu de mener un vrai travail de fond, débouchant sur une réforme qui redonne au métier d’enseignant la place centrale au sein de la mission « Enseignement scolaire ». Comme vous l’aurez compris, les membres du groupe du RDSE, dans leur majorité, ne voteront pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jacques Legendre applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le système éducatif d’une société est son socle, le reflet de sa vivacité et le vecteur de son avenir.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis, et M. Claude Domeizel. Jusqu’ici, nous sommes d’accord !

M. Jean-Claude Carle. Vous conviendrez donc que la mission « Enseignement scolaire » revêt une importance fondamentale.

Elle représente le premier poste budgétaire de l’État. Ses crédits pour 2012 s’élèvent à plus de 61 milliards d’euros, ce qui correspond à une progression de 0,9 % par rapport à 2011 et de 6 % depuis 2007.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une remarque sur les conditions d’examen des crédits de cette mission. C’est en quelques heures, et de nuit, que nous allons débattre du premier budget de l’État… La politique d’éducation, par son importance, me paraît mériter davantage d’attention !

Aussi me semble-t-il utile d’envisager l’organisation d’un débat d’orientation budgétaire, qui permettrait à la représentation nationale d’aborder en profondeur cet enjeu fondamental pour l’avenir de notre pays.

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait d’accord !

M. Jean-Claude Carle. Depuis plusieurs décennies, l’instruction s’est transformée, les exigences du monde professionnel ont évolué, l’internationalisation des cursus a fait bouger les frontières de l’éducation.

L’enseignement doit s’adapter à ces mutations, qui mettent en jeu l’avenir de nos enfants. Les priorités de l’enseignement ne sont plus en 2011 celles d’il y a trente ans !

Après « l’école pour tous », il faut s’engager avec vigueur pour la réussite de chacun. Pour le faire efficacement, une évaluation de l’état de notre système éducatif est absolument nécessaire.

Adapter notre système éducatif au monde d’aujourd’hui est le défi majeur que nous avons à relever pour assurer un avenir pérenne et des perspectives professionnelles encourageantes à nos enfants.

De ce point de vue, monsieur le ministre, je tiens à saluer le travail que vous accomplissez, depuis quatre ans, pour soutenir et améliorer notre système d’éducation.

M. Alain Néri. Il a supprimé la formation professionnelle des enseignants !

M. Jean-Claude Carle. Cette année encore, nous pouvons constater que vos réformes portent leurs fruits.

C’est pour adapter le système éducatif aux mutations en cours que vous avez lancé une politique de personnalisation.

La personnalisation des parcours doit ainsi prendre le relais de la politique de massification, qui est arrivée à son terme et a engendré de nouvelles contraintes pour notre système éducatif. La personnalisation doit permettre à chaque jeune de quitter l’école en disposant d’une qualification. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, il faut désormais passer de l’école pour tous à la réussite de chacun.

La réussite des élèves doit être le fil conducteur de la politique de l’État en matière d’enseignement. Je le dis avec une profonde conviction, parce que je considère que la réussite collective de la France dépend de la réussite individuelle de chacun de ses enfants.

La rentrée prochaine verra également la poursuite d’expérimentations qui contribuent à l’amélioration des conditions d’apprentissage de beaucoup d’élèves.

Les internats d’excellence, en particulier, connaissent un développement rapide : vingt-trois établissements étaient ouverts à la rentrée 2011, proposant au total 10 000 places labellisées. En plus de constituer un levier pour la diffusion de nouvelles pratiques pédagogiques et éducatives répondant à la demande sociale de personnalisation des parcours et d’accompagnement renforcé, ils sont un outil particulièrement efficace pour renforcer l’égalité des chances en s’appuyant sur la valeur fondamentale au sein de l’école : le mérite.

Je tiens à réaffirmer que le succès de nos enfants n’est pas seulement une question de moyens. Il n’est pas inutile de rappeler que notre pays compte aujourd’hui 35 000 enseignants de plus qu’en 1990, et 540 000 élèves de moins ! C’est pourquoi nous ne considérons pas que la simple augmentation des budgets ou du nombre de personnels suffise à fonder un projet pour notre école. Nous pensons que nos enseignants, sur lesquels tout repose, ont besoin d’être mieux reconnus, formés et rémunérés.

Je tiens à saluer le travail qu’ils accomplissent et l’engagement dont ils font preuve pour accompagner les élèves. Je souhaite leur rendre hommage : ils sont, aux côtés des parents, les artisans de la réussite de nos jeunes.

En 2007, le Président de la République avait tenu les propos suivants : « Je souhaite faire de la revalorisation du métier d’enseignant l’une des priorités de mon quinquennat parce qu’elle est le corollaire de la rénovation de l’école et de la refondation de notre éducation. »

Nous pouvons être fiers des mesures prises par le Gouvernement, depuis 2007, pour revaloriser le métier d’enseignant.

En matière de formation, d’abord, le nouveau pacte de carrière qui a été mis en place permet d’améliorer la formation tant initiale que continue des enseignants.

M. Alain Néri. Il n’y a plus de formation des enseignants !

M. Jean-Claude Carle. Cependant, s’ils sont bien formés à leur discipline, les enseignants ne le sont pas suffisamment à leur métier, même si l’instauration de stages d’accueil et la création de masters en alternance y contribuent.

En matière de rémunération, les efforts sont réels. Nous nous félicitons, monsieur le ministre, de l’augmentation, que vous avez annoncée le 24 novembre dernier, du salaire des jeunes enseignants, à hauteur de 2 000 euros pour un temps plein. Cet effort sans précédent, consenti de surcroît dans un contexte budgétaire très contraint, représente une augmentation de 5 % par rapport à la rentrée 2011 et de 18 % par rapport à 2007 !

J’ajoute que le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux a permis d’augmenter la rémunération des enseignants en début de carrière. La France est le seul pays à le faire, au moment même où ses voisins, par exemple l’Espagne, réduisent le salaire des enseignants tout en leur demandant de travailler quelques heures de plus par semaine…

Ainsi, beaucoup est fait pour soutenir et accompagner ceux qui se consacrent avec dévouement à ce beau métier.

Dans le même ordre d’idées, monsieur le ministre, il me paraît important de donner aux jeunes enseignants les moyens d’entrer dans la carrière le plus sereinement possible. Ils doivent pouvoir acquérir de l’expérience avant d’être nommés à des postes dans des établissements plus difficiles. Tout le monde y gagnera, à commencer par les élèves qui, parce qu’ils rencontrent des difficultés de nature à compromettre leur parcours scolaire, ont besoin d’un encadrement expérimenté propre à leur fournir tout le soutien nécessaire.

C’est donc dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs du système éducatif que nous devons réformer la politique d’affectation actuelle : à mon sens, elle ne permet pas de tirer le meilleur profit des compétences de chacun.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les collectivités locales interviennent financièrement dans la politique de l’éducation. Or nous savons que ce qui est imposé est souvent mal compris et inefficace sur le terrain. La mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur, a pu s’en rendre compte !

C’est pourquoi je suis attaché à l’idée de partenariat et convaincu que le recours aux contrats entre les élus locaux, les parents et le monde socioprofessionnel est un vecteur d’avancées essentielles. Je le dis au vu de la réussite d’initiatives locales qui illustrent les vertus de cette méthode. Selon moi, nous devrions les étudier avec intérêt : je pense, par exemple, aux expérimentations conduites par M. Dubois dans la Somme et par M. Jardel dans votre propre région, monsieur le ministre.

Je souhaite enfin attirer votre attention sur l’accompagnement scolaire des enfants âgés de trois à six ans. C’est au cours de cette période de la vie que l’enfant se construit et acquiert le socle de connaissances indispensable à son épanouissement.

Je tiens à rendre hommage au travail accompli par les enseignants des écoles maternelles ; la réussite de nos enfants dépend de leur engagement.

Cette tranche d’âge est particulièrement sensible, et nous devons la considérer à la hauteur de l’importance qu’elle représente dans la vie.

C’est pourquoi je suis favorable au travail qui est engagé vers un repérage précoce des difficultés scolaires, n’en déplaise aux bien-pensants qui y voient un nouveau sujet de polémique stérile en parlant d’évaluation, de test, alors qu’il n’est aucunement question de cela, comme vous l’avez souvent rappelé, monsieur le ministre.

Je suis favorable à cette démarche, car je suis convaincu que c’est en identifiant le plus tôt possible les difficultés d’un enfant que le système éducatif pourra lui apporter le soutien et l’accompagnement nécessaires lui permettant de dépasser ses faiblesses du moment et de préparer sa réussite de demain.

Monsieur le ministre, ce budget témoigne, dans un contexte de crise, de votre volonté de donner à nos enfants le meilleur investissement qui soit : celui du savoir. D’ailleurs, ce n’est pas moi qui le dis, mais Socrate, qui, voilà vingt-cinq siècles, déclarait : « Le savoir est la seule matière qui s’accroît quand on la partage. » Il est de notre devoir de réussir un meilleur partage de ce savoir.

Pour conclure, permettez-moi de suggérer trois pistes afin d’améliorer un système qui peine à réduire les inégalités scolaires, conséquences trop souvent d’inégalités sociales.

Tout d’abord, le politique doit prendre toute sa place. Le Parlement ne doit plus se satisfaire d’un rôle contemplatif sur un budget véritable « boîte noire » décryptable par les seuls initiés. Beaucoup de ceux que nous avons auditionnés nous l’ont dit.

Ensuite, les priorités actuelles ne sont plus celles des années cinquante. Les affectations et le statut des enseignants devront s’inscrire dans cette réalité.

Enfin, seule une politique intégrant et responsabilisant la famille, l’école et la ville permettra de réduire ces inégalités.

Quant à la méthode, monsieur le ministre, elle est évidente : le contrat vaut toujours mieux que la circulaire. Passons de compétences aujourd’hui encore trop séparées à des compétences véritablement partagées, parce que nos enfants le valent bien. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le cinquième budget de l’enseignement scolaire de ce gouvernement. Cinq années de RGPP qui se sont concrétisées par une saignée d’une ampleur inégalée dans les postes – près de 80 000 à l’éducation nationale –, orchestrant le démantèlement de notre service public d’éducation.

Sans surprise, donc, le projet de budget pour 2012 entérine 14 000 nouvelles suppressions d’emploi.

La majorité des interventions des rapporteurs budgétaires l’ont montré : les voyants sont au rouge !

Sur le terrain, se matérialise donc, année après année, la détérioration des conditions d’accueil des élèves et des conditions de travail des personnels.

Quel élu n’a pas été interpellé pour des classes fermées ou surchargées, sur la réduction de l’offre de formation, la suppression d’options au lycée, la fragilisation extrême des moyens de remplacement ou le manque de personnel de vie scolaire ? Pourtant, vous prétendez toujours, monsieur le ministre, « faire mieux avec moins ».

Pour le « moins » : les personnels – qu’ils soient enseignants, chefs d’établissement, inspecteurs, administratifs, personnels de vie scolaire –, les élèves, les parents, tous éprouvent cette gestion de la pénurie.

Pour le « mieux » : les « nouveaux services », annoncés à grand renfort de communication en 2007 – aide aux devoirs, stage de remise à niveau –, vous les avez en fait financés en réduisant le temps d’enseignement pour tous, en faisant progressivement disparaître les RASED et en recourant massivement aux heures supplémentaires.

Le solde est donc largement négatif !

Je veux m’arrêter un instant sur cette question des heures supplémentaires.

L’année dernière, plus de 1,3 milliard d’euros – l’équivalent de 40 000 équivalents temps plein travaillé – ont été consacrés aux heures supplémentaires, soit une hausse de près de 10 % depuis 2008. Pour 2012, vous prévoyez de reconduire ce volume. Car il s’agit non plus seulement de répondre à un besoin ponctuel d’ajustement, mais bien de couvrir des besoins permanents à l’éducation nationale !

Cette généralisation des heures supplémentaires est donc mortifère pour l’emploi et pour la qualité de l’enseignement.

Ainsi, en 2012, le nombre de postes offerts aux concours externes restera historiquement bas et bien inférieur aux prévisions des départs en retraite d’enseignants, impactant la réforme de 2010 : dans le premier degré, 5 000 postes d’enseignants pour 9 000 départs à la retraite ; dans le second degré, 8 600 postes au concours pour 11 620 départs envisagés.

Au lieu d’ouvrir des postes au concours pour assurer les métiers et les missions du service public d’éducation, le Gouvernement use donc d’un mode de gestion qui compresse l’emploi et développe la précarité. J’en veux pour preuve l’augmentation constante, depuis 2007, du nombre d’enseignants non titulaires. Pour le seul programme du second degré public, c’est l’explosion : 44 % d’augmentation entre janvier 2007 et décembre 2011 !

Autre paradoxe, la dernière enquête réalisée par le SNPDEN, le syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale, montre que, pour gérer la pénurie, les établissements sont justement contraints de supprimer des moyens de remédiation – les dispositifs d’accompagnement tels que « l’accompagnement personnalisé » –, pourtant têtes de pont de vos réformes !

On comprend mieux pourquoi vous répétez que la vraie question aujourd’hui est celle du « sur mesure » et non de « la qualité ». Le sabordage de la formation initiale et continue des enseignants, littéralement atomisée, en témoigne !

Ce « sur mesure », terme séduisant, s’incarne dans votre politique « d’individualisation des parcours », qui va de pair avec l’autonomie accrue des établissements.

Cette autonomie, vous l’imposez avec le dispositif ECLAIR, Écoles, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite. Face à l’hostilité des équipes dans les établissements, n’avez-vous pas tenté, dans le cadre de la politique de la ville et avec la signature de trente-trois avenants expérimentaux aux contrats urbains de cohésion sociale, de passer outre ?

Si cette politique aboutit, elle imposera définitivement le modèle d’une école du tri et de la sélection sociale, de plus en plus précoce.

Je ne reviens pas sur vos projets « d’étiquetage » dès la maternelle, mettant d’un côté les élèves pour lesquels le socle commun de connaissances et de compétences constituerait un horizon indépassable et, de l’autre, ceux qui seraient « destinés » à la poursuite d’études.

Tout au contraire, il faut mettre l’école au service de l’émancipation individuelle et collective, parce que tous les élèves sont capables de progresser et de réussir à condition que l’école, et donc l’État, leur en donne les moyens.

Ce n’est évidemment pas ce que vous avez engagé depuis 2007.

L’exemple combiné de la suppression de la carte scolaire et de la création des internats d’excellence illustre parfaitement votre logique.

De même, la réforme de l’éducation prioritaire et celle de l’enseignement professionnel témoignent d’une même volonté de mettre en tension les segments les plus fragiles du système scolaire, où se concentrent beaucoup d’enfants de milieux défavorisés, qui sont en même temps stigmatisés au nom de la lutte contre la violence scolaire et le décrochage.

Cela permet symboliquement de « légitimer » tous les dispositifs qu’on leur impose.

Car, contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, le processus de démocratisation scolaire n’est pas allé à son terme. Ce qui a abouti, c’est la massification, ou une « démocratisation quantitative qui ne s’est pas accompagnée d’une diminution des inégalités sociales, [qui] se sont juste décalées dans le temps », pour citer le chercheur en sciences de l’éducation, Jean-Yves Rochex.

Aussi, face à la dénaturation du service public d’éducation, de sa visée, de ses missions, doit s’engager, dès maintenant, la relance du processus de démocratisation scolaire pour construire l’école de la réussite pour toutes et tous. C’est l’ambition qu’il faut avoir pour l’école !

Dans cette perspective, la maîtrise des savoirs, véritable pouvoir de transformation sociale et d’émancipation, est un enjeu décisif pour la démocratie.

Cette question des savoirs est première. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la loi Fillon de 2005 a instauré le « socle commun de connaissances et de compétences », un concept de « compétences » entendu dans sa seule dimension « mécaniste et utilitariste » d’employabilité, au service du développement de la compétitivité de l’économie, fidèle en cela à la stratégie de Lisbonne, avec une équation à résoudre : concilier les besoins de l’économie en matière de formation et de qualification et la nécessité de contrôler le coût, toujours jugé excessif, des systèmes éducatifs. Comment ? Par le tri entre ceux qui maîtrisent le « socle » et ceux qui ne le maîtrisent pas et la sélection au moyen des outils d’évaluation que sont le livret de compétences et les évaluations dans le primaire.

Il faut remettre en cause cette forme d’évaluation institutionnelle – consistant davantage à entraîner les élèves à acquérir des compétences pour renseigner ledit livret – qui se fait au détriment des apprentissages, fragmente les savoirs, alors que leur maîtrise est indispensable pour comprendre le monde et agir sur sa transformation.

Construire cette école de la réussite nécessite de refonder l’école sur le modèle de l’élève qui n’a que l’école pour apprendre les savoirs scolaires.

Aussi, à la notion de « socle commun », j’oppose celle de « culture commune », moteur d’émancipation.

À « l’individualisation des parcours », j’oppose la « personnalisation des parcours ».

« Personnaliser », comme l’a analysé Jacques Bernardin, du Groupe français d’éducation nouvelle, « n’est pas individualiser, mais engager chacun dans un processus de transformation grâce à la confrontation réglée à la fois par l’exigence de la preuve […] et par la normativité propre à l’objet. »

Il faut un temps scolaire rallongé jusqu’à dix-huit ans et ouvrir droit à la scolarisation dès deux ans. Il faut s’appuyer sur un programme unique jusqu’à la fin du collège, maintenir des filières véritables et ambitieuses comme outils supplémentaires à la démocratisation et non à la sélection des meilleurs. Il faut aussi des diplômes nationaux.

Autant d’armes pour lutter contre les inégalités !

Cela implique aussi une nouvelle « posture professionnelle ». Elle ne sera pas possible si la formation initiale et continue reste à l’état de ruine.

Il faut donc immédiatement rétablir les moyens pour une formation pédagogique et disciplinaire, initiale et continue des enseignants, en lien étroit avec la recherche.

Enseigner est un métier qui s’apprend, et dans un cadre fondé sur des concours et un recrutement nationaux.

La question des inégalités, de leur résorption, pose aussi celle du rôle des collectivités territoriales. Partenaires, au même titre que les parents, celles-ci ne sauraient suppléer au désengagement financier de l’État. La part de ce dernier dans la dépense intérieure d’éducation n’a en effet cessé de diminuer – 65,2 % en 2000, contre 59,4 % en 2010 –, quand celle des collectivités territoriales passait de 19,9 % à 24,6 %.

L’échelon territorial, aussi séduisante que soit cette idée, ne saurait devenir celui du pilotage de notre système éducatif.

Je m’inscris en faux contre l’évidence qui voudrait que l’accroissement de l’autonomie des établissements et l’instauration d’une contractualisation territoriale soient susceptibles de réduire l’échec scolaire. Non, l’ambition pour notre école doit être celle non pas d’une adaptabilité à des réalités territoriales, budgétaires ou économiques, mais bien d’une émancipation individuelle et collective !

Ce budget tourne le dos à cet objectif ; mon groupe votera donc contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il existe deux façons de lire ce budget : avec les yeux d’un membre du Gouvernement ou avec le regard d’un parlementaire et d’un élu local, à la lumière de ce que nous vivons dans nos communes, au contact de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, vous n’échappez d’ailleurs pas à cette double contradiction puisque vous êtes aussi élu local.

Commençons par votre lecture en tant que membre du Gouvernement.

Vous avez raison de rappeler que, aujourd’hui, le budget de l’éducation est le premier budget de l’État, ce qui, on l’oublie trop souvent, n’a pas toujours été le cas, loin s’en faut, dans la longue histoire de nos républiques. On peut faire au Gouvernement tous les reproches possibles, mais on ne peut nier que, en cette période de crise, l’éducation reste sa priorité ou, tout au moins, qu’elle occupe le premier rang de sa hiérarchie budgétaire.

Nous avons également notre lecture, nous autres parlementaires et élus locaux, nourrie non seulement par la remontée du terrain, par les doléances des familles, des enseignants, parfois des jeunes, mais aussi par les questions que posent certaines enquêtes internationales quant à l’efficacité de notre système, pour ne plus dire notre modèle.

Il y a donc deux lectures contradictoires, dont l’une ne saurait être tout à fait vraie et l’autre tout à fait fausse.

On a beau tourner le problème dans tous les sens, on en revient toujours à la question des moyens, d’autant que les défis auxquels vous devez faire face dépassent de loin le cadre de vos attributions ministérielles.

Aujourd’hui, on ne vous demande plus seulement d’être le ministre de l’instruction publique, comme c’était le cas sous la IIIe République, on vous demande également d’être le ministre de l’intérieur, tant il est vrai que la sécurité au sein et aux abords des établissements scolaires alimente l’angoisse des familles.

On vous demande d’être le ministre de l’aménagement rural, tant il est vrai que les élus tiennent avec raison à leur école. On peut certes fantasmer sur le village du siècle dernier, avec son maire, son instituteur, son curé, son garde champêtre et son médecin ; nous sommes en 2011, et il est vain de pleurer sur les curés et les médecins disparus. Tâchons au moins de conserver nos maires et nos instituteurs !

On vous demande d’être le ministre de la ville, tant la précarisation et la ghettoïsation de nos banlieues compliquent le rôle d’ascenseur social que joue l’école.

On vous demande d’être le ministre de la famille, tant elle a abdiqué les responsabilités qui étaient les siennes depuis l’aube des temps.

On vous demande d’être le ministre de la culture, tant les enseignements artistiques peinent à se frayer un chemin dans des programmations pléthoriques.

Je pourrais poursuivre indéfiniment cette liste, puisque tous les secteurs ou presque de notre vie publique sont concernés.

Bref, l’éducation nationale étant au carrefour de toutes les contradictions et lacunes de notre société, celui qui en a la charge, à défaut d’être le Premier ministre, pourrait bien être le premier des ministres, ce qui justifie sans doute le fait que lui soit confié le premier budget de l’État.

Mais ce qui est vrai du ministre au sommet de la pyramide l’est également de l’enseignant à sa base, sinon davantage encore, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes professeurs des écoles, souvent inexpérimentés, à qui l’on demande certes d’être enseignant mais aussi, parfois, assistante sociale, policier, artiste, spécialiste des nouvelles technologies ; à qui l’on demande souvent, surtout chez les petits, de remplacer le père ou la mère défaillants.

Oui, dans cette école primaire où tout se joue dès le plus jeune âge, l’enseignant d’aujourd’hui ne doit pas se contenter d’inculquer les fondamentaux du savoir, il doit également soigner les fondamentaux du cœur, gronder ou consoler, mais ne pas gronder trop fort ni consoler trop près, afin d’échapper aux suspicions de violences faites à mineur ou de pédophilie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Chers collègues, je songe à certains cas que j’ai rencontrés dans ma commune.

Ce faisant, je ne sais pas si le métier d’enseignant est encore le plus beau métier du monde, mais il est à coup sûr devenu le plus complexe.

M. Alain Néri. C’est pourquoi il faut une bonne formation des enseignants !

M. Jean-Jacques Pignard. C’est pourquoi nous en revenons encore et toujours à la question des moyens : comment faire plus alors que les contraintes financières nationales et internationales nous enjoignent de faire moins ?

À budget constant de l’État, faut-il augmenter le nombre des fonctionnaires de l’éducation nationale ? Au détriment de quel domaine ? De la justice ? De la sécurité ? De la santé ?

Peut-on créer des milliers de postes supplémentaires sans porter atteinte aux autres secteurs et tout en réduisant les déficits ?

Nous le savons bien, ces questions seront au cœur des débats électoraux du printemps ; nous n’y répondrons pas ce soir au Sénat. Mais nous sommes peut-être tous d’accord sur un point : s’agissant de l’éducation – j’ai tenu un autre discours, la semaine dernière, au sujet des musées nationaux – la RGPP atteint ses limites.

Mme Maryvonne Blondin. C’est certain !

M. Jean-Jacques Pignard. Nous avons suffisamment dégraissé le mammouth : aujourd’hui, nous avons atteint l’os !

Monsieur le ministre, je prends volontiers acte du fait que, à plusieurs reprises, vos interventions ont mis l’accent sur deux points : la formation et la revalorisation des carrières enseignantes. Dans le premier domaine, je salue les efforts que vous avez accomplis ; dans le second, je les déplore.

Concernant la revalorisation, il est vrai que les dernières mesures que vous avez annoncées vont dans le bon sens, notamment s’agissant des nouveaux enseignants. Il faut poursuivre dans cette voie, car à la complexité croissante du métier répond l’exigence d’une meilleure rémunération.

M. Alain Néri. Et d’une meilleure formation !

M. Jean-Jacques Pignard. En revanche, vous savez que, sur le plan de la formation, je suis bien plus sceptique. (M. Alain Néri s’exclame.) Je tiens à préciser que je n’ai jamais été un ardent défenseur des IUFM, de leur pédagogisme confus, de leur sociologisme prétentieux et de leur dogmatisme présomptueux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mes chers collègues, vous aurez compris que je n’ai guère d’affinités avec M. Philippe Meirieu, étant rhodanien moi-même, et je crois que M. Gérard Collomb en a encore moins !

À mon sens, l’IUFM ne constitue pas la solution. Je regrette d’ailleurs que l’université, avec la mastérisation, ait hérité du référentiel bondissant…

M. Jean-Jacques Pignard. … et reste dans la même logique : celle de propos abstraits et abscons, alors même qu’un jeune enseignant a besoin d’être formé sur le terrain, accompagné pas à pas par un véritable professionnel, en suivant de véritables stages.

M. Alain Néri. Chiche ! Rouvrons les écoles normales !

M. Jean-Jacques Pignard. Pourquoi pas !

Nous n’avons pas d’autre choix que d’innover et d’inventer : peut-être ces innovations et ces inventions pourront-elles concrétiser des suggestions a priori décoiffantes.

Mon collègue et ami Yves Pozzo di Borgo, qui connaît bien l’éducation nationale pour en avoir été inspecteur général, proposera de mettre un terme à cette aberration des heures supplémentaires, auxquelles plusieurs orateurs ont fait maintes allusions, tout en prolongeant de deux heures le temps réglementaire et en l’annualisant, quitte à réduire ces grandes vacances qui n’ont peut-être plus aujourd’hui leur raison d’être.

Les enseignants sont prêts à accepter ces propositions, dès lors que sera satisfaite la double exigence que je viens de mentionner : la qualité de leur formation et l’augmentation de leur rémunération.

La dureté des temps ne nous laisse d’autre choix que celui de l’innovation.

Pour conclure, monsieur le ministre, j’ai parfaitement conscience que ce budget ne répond pas à toutes nos attentes, loin s’en faut, et que vous avez été contraint de l’élaborer dans des conditions particulièrement difficiles sur le plan tant national qu’international, compte tenu du poids de la crise. Vous avez évité le pire, permettez-moi de l’affirmer.

Je ne me reconnais évidemment pas dans certaines critiques excessives de l’opposition, qui fait mine d’ignorer les difficultés de l’heure, comme l’environnement international dans lequel nous vivons. Je déplore plus encore les propos outranciers de certains leaders de cette opposition, qui vous ont charitablement qualifié de cancre. À mes yeux, vous n’êtes pas un cancre ; vous êtes aujourd’hui chargé de résoudre la quadrature du cercle, et cette tâche est tout sauf aisée !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Résolvez d’abord le manque de régulation des marchés financiers !

M. Jean-Jacques Pignard. Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera les crédits de cette mission, en reconnaissant qu’il y a peut-être en vous quelque chose qui évoque parfois le désarroi de l’élève Törless. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » affectés à l’enseignement professionnel que portera mon intervention.

Nul ne me contredira si j’insiste sur la nécessité d’une rénovation de la voie professionnelle, qui doit cesser de constituer une voie de garage pour devenir une filière de prestige pour les jeunes qui quittent le collège. En effet, plus d’un tiers des élèves du second degré empruntent la voie professionnelle. C’est dire si cette filière est importante !

Les crédits concernés s’élèvent à 6,729 milliards d’euros, contre 6,677 milliards d’euros en 2011. Au milieu des nombreuses coupes claires auxquelles le présent projet de loi de finances procède, nous nous réjouissons de cette augmentation de 0,8 %. Reconnaissez, monsieur le ministre, que c’est l’effort minimum que vous pouviez consentir en faveur de cette branche, après avoir mis en place la « rénovation de la voie professionnelle ».

Toutefois, il est regrettable que, cette année, la poursuite de l’application du passage du baccalauréat professionnel en trois ans au lieu de quatre vous conduise à supprimer 455 postes dans les lycées professionnels. Quant aux crédits pédagogiques, ils diminuent de 4,6 % par rapport à 2011.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que les coupes budgétaires dans les crédits de la mission générale d’insertion, qui doit faciliter l’accès à la formation professionnelle, se réduisant de 3,88 millions d’euros à 3,71 millions d’euros, feront de nouvelles victimes parmi les élèves. En l’occurrence, je ne parle pas des décrocheurs, mais de ceux qui sont « décrochés » par le système scolaire. Cette réalité est d’autant plus regrettable que ces derniers constituent l’un des publics prioritaires de la réforme de la voie professionnelle.

Monsieur le ministre, permettez-moi de rappeler à nos collègues – peut-être ainsi qu’à vous-même – l’un des trois objectifs de cette réforme : réduire le nombre de jeunes qui quittent l’école sans diplôme, en les incitant à suivre au moins une « formation courte ».

Nous pouvons également regretter la suppression de lycées professionnels, dont les effectifs sont inférieurs à 200 élèves : dix-sept établissements ont été fermés ces dernières années. Certes, vingt établissements de réinsertion scolaire ont été créés, mais c’est peu si l’on veut répondre aux 180 000 jeunes « perdus de vue » chaque année.

Il serait trop simple de reporter l’enseignement professionnel sur les centres de formation d’apprentis, les CFA, dont les régions sont les « premiers financeurs ». L’Association des régions de France n’a d’ailleurs pas manqué de souligner le déséquilibre existant entre la formation initiale et l’apprentissage, l’absence de chiffrage, le manque de concertation ; bref, de dénoncer une réforme inadaptée aux professeurs de lycée professionnel.

Même la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels n’a pas atteint ses objectifs.

La réforme de la voie professionnelle que vous avez mise en œuvre est loin de porter ses fruits. En effet, avant même d’être parvenue à son terme, elle se traduit par un nouvel essor du décrochage scolaire.

Nous nous félicitons de l’augmentation du nombre de bacheliers professionnels. Mais ce mouvement n’est-il pas dû mécaniquement à la superposition transitoire des baccalauréats professionnels et des anciens brevets d’études professionnelles, les BEP ? Cet effet, qualifié du terme imagé de « bourrelet », disparaîtra dès l’année 2013.

Monsieur le ministre, votre réforme a reçu un accueil très contrasté. Les enseignants se montrent très critiques quant aux modalités d’application, tant sur le plan matériel que pédagogique. Ils pointent le manque d’accompagnement de l’inspection, l’hétérogénéité accrue des classes, les difficultés d’articulation entre la certification intermédiaire, à savoir les CAP et BEP, et la préparation au baccalauréat.

Pendant ce temps, les inégalités entre les établissements se creusent du fait de leur autonomie accrue. Cette évolution risque de provoquer la perte de spécificité du métier de professeur de lycée professionnel.

Faut-il rappeler l’absence quasi systématique de passerelles effectives à ce jour entre formations ? Les quelques passerelles – lorsqu’elles sont possibles – nécessiteront forcément un accompagnement adapté des élèves en phase de transition. Mais chacun sait que le suivi personnalisé est, malheureusement, inégalement appliqué ; de fait, chaque établissement fixe ses propres règles d’accompagnement, le réservant à certaines classes ou certains niveaux, bien sûr faute de moyens.

Heureusement, et on peut le comprendre, le message de revalorisation symbolique du baccalauréat professionnel semble être bien accueilli par les élèves et leurs familles, tout comme la possibilité de s’inscrire en BTS après le baccalauréat. Toutefois, il convient de prendre garde à la forte demande sociale à l’entrée des sections de techniciens supérieurs que cette réforme va entraîner en 2013. Il s’agira alors de ne point décevoir l’espoir de ces familles des classes moyennes et populaires.

Parallèlement, il faudra veiller à ne pas brouiller la distinction entre, d’une part, la voie technologique permettant de poursuivre ses études dans le supérieur et, d’autre part, la voie professionnelle destinée à l’insertion dans le monde du travail, laquelle constitue l’un des trois objectifs assignés à la réforme.

Par ailleurs, avant de réfléchir à la possibilité de rendre l’alternance obligatoire lors des dernières années de préparation au baccalauréat professionnel et au certificat d’aptitude professionnelle, comme l’a demandé le Président de la République, ne serait-il pas d’abord judicieux d’évaluer et d’harmoniser la réforme du baccalauréat professionnel en trois ans ?

Pour finir, j’insisterai sur le fait qu’une part importante des élèves choisit encore sa spécialité en fonction de l’offre de formation disponible localement, plus qu’en fonction d’un projet professionnel. Au choix de l’élève et de sa famille s’ajoute celui de l’institution elle-même, qui répond davantage à une logique de remplissage des formations existantes, sans tenir compte des réels projets professionnels de l’élève.

La clé de la valorisation de la voie professionnelle réside donc dans le « calibrage » de l’offre de formation et de sa répartition géographique. Or, au vu des fermetures d’établissements et de la tendance à vouloir se défausser sur l’apprentissage aux dépens de l’enseignement professionnel sous statut scolaire, cette valorisation paraît surtout s’estomper. Ce mouvement s’accompagne de la poursuite de la baisse du nombre de professeurs et du désengagement de l’État vers les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres n’étant pas à la hauteur de l’enjeu, le groupe socialiste ne votera pas le budget de l’enseignement professionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2012 de la mission « Enseignement scolaire » répond à deux priorités essentielles : d’une part, la mise en œuvre concrète des engagements du Président de la République en matière de personnalisation des enseignements et des parcours scolaires ; d’autre part, la mise en place d’une vraie politique de ressources humaines, en accord avec la maîtrise des dépenses publiques.

Ce budget illustre aussi clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’avenir de la jeunesse. La mission « Enseignement scolaire » représente 61 milliards d’euros, soit un cinquième du budget, ce qui en fait le premier poste de dépenses de l’État.

Vous avez, monsieur le ministre, la volonté de mener des réformes ambitieuses, et si le temps des réformes est un temps long, des résultats encourageants sont cependant perceptibles.

Même si les résultats ne sont pas ceux que l’on pouvait escompter, l’enquête internationale PISA – programme international pour le suivi des acquis des élèves –, publiée en décembre 2010, montre que le système éducatif français obtient des résultats corrects, dans la moyenne des grands pays développés.

Notre système éducatif doit encore s’améliorer, et c’est toute l’ambition de la poursuite de la politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007, qui repose sur trois piliers majeurs : l’aide personnalisée apportée à chaque élève ; la responsabilisation des établissements pouvant conduire à leur autonomie ; enfin, la valorisation des enseignants, qui bénéficient d’un « nouveau pacte de carrière » à propos duquel vous avez explicité des mesures importantes lors du salon européen de l’éducation le 24 novembre dernier, mais j’y reviendrai.

Grâce aux dispositifs de l’aide personnalisée, de l’accompagnement éducatif, des stages de remise à niveau ou passerelles et du tutorat, l’élève dispose, de l’école maternelle à la terminale, d’un accompagnement personnalisé tout au long de sa scolarité.

Je souhaiterais axer mon propos sur les dispositifs d’accompagnement des élèves étendus aux premières des lycées généraux et technologiques dès la rentrée de 2011.

Les nouvelles premières générales amorcent la spécialisation progressive des élèves, tout en conservant un important tronc commun aux trois séries. Les élèves qui en éprouvent alors le besoin peuvent changer de série, en cours d’année, en bénéficiant de stages passerelles pour se remettre à niveau dans les disciplines spécifiques de la série qu’ils souhaitent intégrer. C’est un excellent outil afin d’éviter le décrochage scolaire, encore trop fréquent chez nos jeunes.

Les résultats du baccalauréat 2011 ont vu accéder 71,6 % d’une classe d’âge à ce diplôme : c’est un chiffre historique, de six points supérieur aux dernières statistiques, qui stagnaient depuis quinze ans.

En cohérence avec l’un des trois points clés de la réforme du lycée, à savoir « mieux orienter », l’orientation active, en liaison avec l’enseignement supérieur, s’adresse aux élèves dès la classe de première du lycée général et technologique. Elle permet donc aux lycéens d’accéder à une information générale sur les filières de l’enseignement supérieur ainsi qu’à un conseil personnalisé.

Des lycéens mieux formés et mieux accompagnés sur la vie universitaire et ses cursus, c’est la garantie d’étudiants motivés et dont l’accès et la réussite aux diplômes universitaires n’en seront que facilités ; c’est tout l’esprit des objectifs de Lisbonne, qui visent à ce que 50 % des bacheliers puissent atteindre un niveau bac+3.

Nous saluons ces avancées notables, car il est important de porter un intérêt spécifique à la réussite de chaque élève, quel qu’il soit.

Je pense à l’attention toute particulière qui a été apportée aux élèves handicapés, dont la scolarisation en milieu ordinaire a augmenté de près de 60 % depuis la rentrée de 2004.

Les assistants de scolarisation remplaceront progressivement les contrats aidés afin de pérenniser et de parfaire la professionnalisation de l’accompagnement de chaque élève handicapé. C’est un objectif très important alors que l’on a trop souvent entendu parler du manque de formation de ces personnels.

Monsieur le ministre, vous avez laissé davantage d’autonomie aux établissements, afin de leur permettre de prendre en compte les réalités du terrain et de mieux adapter les réponses pédagogiques aux besoins des élèves.

À ce titre, dans un rapport d’information que j’ai présenté l’an dernier au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la suite d’une mission effectuée en Finlande, j’ai souligné que ce n’est pas à l’élève de s’adapter à l’école, mais à l’école de s’adapter à l’élève. C’est fidèle à cet esprit que le système finlandais repose non seulement sur une forte autonomie pédagogique des établissements, déterminée par les communes, mais aussi sur une autonomie de recrutement des enseignants.

S’il est évident que, en France, l’État doit conserver la maîtrise complète des programmes et des diplômes, il est indispensable que les chefs d’établissement disposent de davantage de marges de manœuvre pour adapter au mieux l’enseignement au profil des élèves. Nous savons, monsieur le ministre, que vous souhaitez mener cette réflexion en profondeur.

Enfin, la mission « Enseignement scolaire » prévoit le financement des mesures en faveur de la gestion des personnels et la revalorisation de la condition enseignante.

Comme vous l’avez rappelé, le nouveau pacte de carrière des enseignants, ambitieux et complet, répond à quatre engagements : une meilleure formation des enseignants ; un meilleur accompagnement tout au long de leur vie professionnelle ; des possibilités plus larges et réelles de mobilité et d’évolution de parcours ; un métier mieux considéré et mieux rémunéré.

Le statut des enseignants n’a guère évolué depuis les années cinquante. Cela mérite réflexion ! Une adaptation à la société du XXIe siècle est indispensable. La priorité est que les enseignants retrouvent statut social, considération et autorité.

Cette reconnaissance accrue permettra aux enseignants de s’investir pleinement dans leur mission : la réussite de chaque élève.

Il s’agit ainsi de construire une politique de ressources humaines ambitieuse, avec des enseignants mieux formés, mieux accompagnés et mieux payés.

Lors du salon européen de l’éducation, le 24 novembre dernier, vous avez explicité les mesures de revalorisation indemnitaire des personnels enseignants et non enseignants pour l’année 2012 ainsi que la revalorisation indiciaire qui concerne les jeunes professeurs. Cette revalorisation était nécessaire pour rééquilibrer la pyramide des rémunérations entre anciens et nouveaux professeurs, concrétiser financièrement l’élévation du niveau de recrutement des enseignants et garantir l’attractivité du métier.

Pour conclure, nous ne pouvons que souscrire à votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire, de consolider les réformes entreprises et d’assurer l’équité de traitement des territoires, en renforçant les chances de réussite de chaque élève et en permettant d’assurer la qualité des enseignements.

Pour accompagner le nécessaire mouvement de modernisation de l’enseignement scolaire que vous poursuivez, vous pouvez compter sur le soutien du groupe de l’UMP.

M. Alain Néri. C’est la moindre des choses !

Mme Colette Mélot. Le groupe de l’UMP votera donc les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner. (Mme Michèle André et M. Alain Néri applaudissent.)

M. Jacques-Bernard Magner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai plus particulièrement le budget de l’enseignement technique agricole. S’il constitue l’un des six programmes de la mission « Enseignement scolaire », il en reste malheureusement, depuis toujours, le parent pauvre, ne représentant que quelque 2 % de ses crédits.

C’est à ce point un parent pauvre que, chaque année, les sénateurs et les députés, tour à tour, sont obligés de trouver des « ficelles » pour abonder ce budget et ne pas le laisser au triste sort dans lequel le Gouvernement s’obstine à vouloir l’abandonner. Malgré cela, l’enseignement technique agricole reste en sous-financement chronique.

La politique menée par le Gouvernement ces dernières années en matière d’enseignement, en particulier les suppressions massives de postes auxquelles il a procédé, n’ont fait que renforcer ce sous-financement et n’ont rien arrangé. J’en veux pour preuve l’avis du Conseil économique, social et environnemental en date du 13 septembre dernier : « La France affiche aujourd’hui une performance éducative décevante […] De surcroît cette situation s’est fortement dégradée depuis dix ans. […] Plus récemment, […], de très sévères restrictions budgétaires et des suppressions de postes sont venues compromettre un peu plus cette situation ». C’est le CESE qui le dit !

Pour être plus précis, rappelons quelques chiffres.

Depuis 2007, 80 000 postes ont été supprimés au sein de l’éducation nationale. Cela a abouti, entre autres conséquences, à la surcharge des classes, à des difficultés de remplacement des enseignants, à la non-scolarisation des enfants de moins de trois ans et à la diminution de l’offre de formation professionnelle des enseignants, qu’il s’agisse de la formation initiale, avec la fermeture des instituts universitaires de formation des maîtres, qui avaient succédé aux écoles normales, ou de la formation continue, sacrifiée sur l’autel de la réduction des moyens de remplacements.

Le taux d’encadrement des élèves de notre pays est le plus faible des pays de l’OCDE. On constate que, entre 2000 et 2010, le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans est passé de 34,5 % à 13,6 %. On assiste à une mise en péril de la scolarisation des enfants en maternelle alors que, de tous bords politiques, on se dit convaincu de l’intérêt de la scolarisation précoce des enfants, en particulier pour les plus défavorisés d’entre eux.

N’oublions pas non plus les 160 000 jeunes qui quittent chaque année notre système éducatif sans aucune formation, sans qualification et donc, peut-on le craindre, sans avenir.

Quant aux enseignants, leur situation s’est tellement dégradée ces dernières années que certains songent même à se reconvertir et à changer de profession ! (Marques d’approbation sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.) Les candidats au métier de professeur des écoles sont deux fois moins nombreux qu’il y a quelques années, notamment lors de la dernière rentrée scolaire. C’est un signe ! Et l’on se demande ce qu’il va advenir des 32 000 salariés en emplois précaires dans un tel contexte de réduction des moyens.

Cette année, le budget de restriction que nous propose le Gouvernement pour l’enseignement scolaire prévoit 14 280 suppressions de postes. Les crédits sont en recul de 1,75 % par rapport à 2011, compte tenu de la prévision d’inflation et du poids des pensions.

Dans ce contexte de rigueur budgétaire, l’enseignement agricole, quant à lui, perd 280 postes équivalents temps plein, après la suppression de 214 emplois en 2011, de 244 emplois en 2010 et de 152 emplois en 2009, et ce alors même que le ministre de l’agriculture avait, en 2009, annoncé un moratoire à ce sujet. Nous en sommes bien loin !

Cette perte de 280 emplois correspond à un taux de non-remplacement de plus de 68,3 % des départs à la retraite, soit l’un des plus élevés du budget de l’État.

Le régime auquel est soumis l’enseignement technique agricole est extrêmement sévère ; pour lui, ce n’est pas le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, ce qui est déjà très difficile à supporter, ce sont deux fonctionnaires sur trois qui ne seront pas remplacés ! En conséquence, l’insécurité des personnels est organisée : ces derniers sont sur-précarisés, ils ne reçoivent aucune reconnaissance professionnelle et leurs conditions de travail sont fortement dégradées.

Bien évidemment, il y a une très forte présence de contractuels dans ce secteur, pour lesquels le Gouvernement a annoncé l’adoption prochaine d’une loi de titularisation. Mais, là encore, c’est la portion congrue. Le nombre de postes qui seraient ouverts au titre de la « déprécarisation » est très faible : seulement 200 postes d’enseignants et 100 de non-enseignants, pour 2 950 ayants droit en 2012 et 3 500 sur la durée du plan prévue.

Il convient de remarquer que l’enseignement agricole public étant de petite dimension, il est encore plus problématique de trouver les postes à supprimer et d’organiser ainsi la pénurie qui en résulte. L’application mathématique de la règle du non-remplacement d’un nombre élevé de départs à la retraite n’est pas adaptée à des effectifs d’enseignants peu nombreux et qui remplissent des missions tout à fait spécifiques.

Parallèlement, il est assez déroutant de constater que l’enseignement agricole privé est largement favorisé par rapport à l’enseignement agricole public : les suppressions de postes y sont moindres, les fermetures de classes également. À ce sujet, il faut rappeler que, en 2009, le Gouvernement a signé des protocoles avec les fédérations de l’enseignement agricole privé afin de lui assurer un financement pérenne.

Face à cela, on peut dire que le Gouvernement a manqué d’ambition et de détermination en faveur de l’enseignement agricole public, qui est ainsi engagé dans une espèce de « cercle vicieux » : réduction de l’offre de formation, fermeture de classes, baisse des effectifs, baisse des moyens, diminution de l’offre de formation, et ainsi de suite.

L’excuse apportée par le Gouvernement d’un passage de quatre à trois années pour l’obtention du baccalauréat professionnel ne saurait, à elle seule, justifier autant de désaffection.

À terme, c’est une très forte menace qui pèse sur l’enseignement agricole public, alors qu’il est complémentaire de l’enseignement général, les formations y sont, en général, de qualité et les taux d’insertion professionnelle sont excellents, sans doute parce que les formations proposées sont en adéquation avec les besoins des entreprises et des territoires.

« Instruire, c’est construire », déclarait Victor Hugo lors de l’examen de la loi Falloux en 1850 à la tribune de l’Assemblée nationale. Quand on considère la dégradation des moyens mis aujourd’hui à la disposition de l’enseignement public et plus précisément de l’enseignement technique agricole public, on peut craindre que, plutôt que construire, on s’attache à démolir.

Pour toutes ces raisons, les membres de la majorité sénatoriale de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication ont décidé de proposer le rejet des crédits du budget de l’enseignement technique agricole et, plus généralement, de la mission « Enseignement scolaire », tels qu’ils figurent dans le projet de loi finances pour 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Jacques Legendre. Quelle surprise !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est toujours l’occasion d’entendre des propos paradoxaux.

L’éducation nationale mobilise 20 % des crédits de la Nation. C’est le premier budget de France. Pourtant, depuis des dizaines d’années, des orateurs se succèdent à la tribune de l’Assemblée nationale et du Sénat pour dénoncer l’incapacité des gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, à affecter les crédits nécessaires à l’enseignement de nos enfants.

M. Jean-Claude Lenoir. Parallèlement, beaucoup trouvent que les moyens considérables que nous consacrons à ce secteur ne trouvent pas leur récompense.

Est-ce à dire que la qualité des formations est insuffisante ? Les Françaises et les Français n’atteignent-ils pas un niveau leur permettant de rivaliser avec les autres habitants des pays de l’Union européenne ou de l’OCDE ? Ne serions-nous pas en mesure d’être parmi les champions internationaux ?

En réalité, monsieur le ministre – nous sommes nombreux à le penser –, nous ne sommes pas les plus mauvais, loin s’en faut. Pourtant, vous devez régulièrement justifier le nombre d’enseignants rapporté au nombre d’élèves et rappeler l’évolution des chiffres depuis 1990. Lorsque l’on compare nos résultats avec ceux de nos voisins européens, on s’aperçoit que ce ne sont pas forcément ceux qui proportionnellement contribuent le plus au service de l’éducation qui sont les mieux récompensés. Certains pays, certes plus petits que le nôtre, ont des résultats sans doute bien supérieurs à ceux que peut produire notre système éducatif.

Aujourd'hui, je pense avant tout aux enseignants. Sachez, mes chers collègues, que les crédits que nous allons voter ou pas, mais qui, au final – je l’espère pour eux –, seront adoptés avant le 31 décembre, permettront d’abord de les rémunérer.

Si je pense à eux, c’est parce que leur métier est difficile, à l’image de celui de ministre de l’éducation nationale, comme cela a été rappelé. Avouons que les enseignants sont conduits à exercer tant de fonctions à la fois : suppléer des parents défaillants, combattre les violences, éveiller les élèves à toutes sortes de techniques, aux arts. En somme, ils doivent tout simplement les préparer à la société dans laquelle nous vivons.

De quoi ont-ils besoin ? Bien sûr, d’être rémunérés, et je salue l’effort réalisé par le Gouvernement pour que les enseignants puissent être mieux rémunérés en début de carrière. Ils ont aussi besoin, me semble-t-il, de bénéficier d’un soutien moral de la Nation, des élus, de nous tous, dans l’exercice d’un métier de plus en plus difficile. En effet, tout le monde ici le sait, un certain nombre d’étudiants qui comptaient embrasser cette belle carrière renoncent à leur projet en cours de route. Ils sont sans doute victimes de ce mal-être d’une société dans laquelle nous avons parfois du mal à nous reconnaître.

Monsieur le ministre, je profite du temps qui m’est imparti pour appeler votre attention sur quelques points.

Le premier est la nécessité d’adapter la formation offerte aux jeunes aux besoins de notre économie, idée qui est toujours combattue par certains. Pour ma part, je fais partie de ceux qui estiment qu’il n’est pas inutile que l’État se préoccupe de cet aspect de la question. Pour cela, il faut se rapprocher du terrain. De nombreuses expériences montrent en effet que les besoins exprimés par les entreprises doivent conduire les responsables, au sein des rectorats ou des conseils régionaux, à ouvrir de nouvelles filières et, si nécessaire, à fermer celles qui ne permettent pas de déboucher sur un emploi.

M. Jean-Claude Lenoir. L’adaptation de notre outil de formation s’impose à tout moment.

Le deuxième point a trait à un problème que j’observe depuis longtemps : nous sommes vraiment mauvais pour l’apprentissage des langues étrangères. Disant cela, je ne veux évidemment froisser aucun professeur d’anglais, d’allemand ou d’italien, mais il n’est pas inutile de rappeler que les Français sont les derniers de la classe. Il faut bien admettre que, après des années d’apprentissage de l’anglais, nous sommes incapables de soutenir une vraie conversation avec nos voisins d’outre-Manche.

Pourtant, ce ne sont pas les moyens qui manquent. La qualité des enseignants n’est pas non plus en cause. Le problème, me semble-t-il, est culturel. On a sans doute trop longtemps considéré – en fait, pendant des siècles – que le français était la langue universelle, et nous nous sommes quelque peu endormis.

Le troisième point concerne un problème que nous rencontrons dans certaines parties de nos territoires.

La rénovation des baccalauréats professionnels fait que, là où il existait un bac pro bureautique à côté d’un bac pro secrétariat, il n’y aura plus qu’un bac pro tertiaire. Or, du fait de la diminution du nombre de postes, une nouvelle répartition va s’effectuer, si bien que, si un lycée professionnel n’a plus de baccalauréat professionnel tertiaire, il aura beaucoup de difficultés à nourrir les BTS. Je le souligne, car, dans certains de nos territoires – je représente un département qui n’est pas très peuplé –, cela devient particulièrement préoccupant.

Mon quatrième point concerne les personnes handicapées. Nous ne faisons pas les efforts qui s’imposent pour accueillir les enfants handicapés, je parle non pas de ceux qui sont accidentellement et provisoirement déficients, mais de ceux qui ont des difficultés à s’insérer dans la société et qui sont néanmoins aptes à apprendre un métier.

J’en viens à l’enseignement agricole privé.

Dans un département rural comme le mien, l’enseignement agricole privé contribue largement à former des jeunes à des métiers qui existent et pour lesquels il y a de grands besoins. Or, en dépit des postes maintenus, ce secteur rencontre de graves difficultés. Il souffre notamment d’un manque de locaux techniques et de bâtiments adaptés pour accueillir les élèves, qui viennent souvent de loin.

Pour terminer – je remercie Mme la présidente d’accommoder sa patience à ma tardité, si je puis paraphraser Malherbe –, je veux livrer une petite anecdote.

J’assistais, voilà quelques jours, dans mon département à une manifestation originale : il s’agissait de baptiser une école publique élémentaire. Après une large consultation, les parents et les enseignants ont choisi de la dénommer « Le Petit Nicolas ».

J’ai trouvé, comme les autres élus d’ailleurs, qu’un certain nombre des élèves de cette école ressemblaient à ce que nous étions autrefois, c’est-à-dire aux héros de la bande dessinée de Goscinny et Sempé. Il y avait bien sûr, Agnan, le meilleur élève, Alceste, celui qui mange sans cesse ou encore Clotaire, celui qui est assis au fond de la classe parce qu’il ne fait rien.

En fait, j’ai retrouvé dans le visage de ces enfants le même regard que nous portions, voilà une cinquantaine d’années, vers les adultes qui veillaient sur nous, un regard qui demandait simplement de tout faire pour pouvoir avoir, demain, une place dans notre société. Merci d’y contribuer, monsieur le ministre ; vous avez notre soutien ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme « Vie de l’élève ».

Votre politique, monsieur le ministre, hypothèque gravement l’avenir de notre jeunesse, en particulier celle qui subit à l’intérieur de l’école les inégalités sociales grandissantes qu’elle subit déjà à l’extérieur. Si l’on n’attend pas de l’école qu’elle soit le salut de la société, on peut exiger qu’elle n’aggrave pas cette injustice sociale.

Les conditions de scolarisation des élèves sont un élément fondamental de la réussite scolaire et de l’égalité des chances. Si l’école est un lieu d’acquisition de savoirs, elle est également un espace de socialisation, de transmission de valeurs, d’apprentissage d’exercice de la responsabilité et de pratique de la citoyenneté.

La réussite scolaire est aussi une question de bien-être et d’épanouissement.

Vous affirmez que le rôle des conseillers principaux d’éducation est déterminant dans la prévention de l’absentéisme et de la violence – deux phénomènes bien réels et ô combien inquiétants. Soit ! Mais alors pourquoi baisser de 4 % cette ligne budgétaire ? Les crédits passent de 2,2 milliards d’euros à 2,1 milliards d’euros avec une diminution des postes, alors que la présence d’adultes est primordiale dans la lutte contre les violences, les addictions et le harcèlement.

En primaire, le montant des crédits pour le financement des actions pédagogiques liées aux besoins particuliers baisse de 73 %. Ces crédits sont pourtant destinés à financer la prévention et le traitement des difficultés scolaires des enfants.

Ce manque d’ambition se retrouve particulièrement dans le peu de cas que vous faites de la médecine scolaire, et ce malgré les rapports de la Cour des comptes, des parlementaires et les manifestations diverses. Mais, jusqu’à présent, ces alertes sont restées lettre morte.

Monsieur le ministre, ce qui est particulièrement notable, dans l’expression des personnels de santé scolaire, c’est ce sentiment d’abandon de la part des pouvoirs publics. J’ai mis en place un groupe de travail composé de sénateurs socialistes sur la médecine scolaire. Toutes les auditions font non seulement ressortir les graves difficultés que rencontre ce secteur, mais aussi et surtout son utilité absolue.

Pourtant, les professionnels – médecins et infirmiers – restent très mobilisés sur le terrain. Ils sont particulièrement investis et motivés par leurs missions. Ils sont d’ailleurs force de propositions pour faire évoluer ce service public, auquel ils sont attachés, et qui a un rôle fondamental dans la promotion de la santé des élèves.

La santé scolaire est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2012, d’un budget de 440 millions d’euros, ce qui représente 0,73% du budget de l’éducation nationale et correspond à une augmentation de 0,5 %, en deçà du taux de l’inflation.

La médecine scolaire doit être un outil fort dans la lutte qu’il convient de mener contre les inégalités sociales dans les parcours scolaires. La détection, le plus tôt possible, des problèmes de santé est l’un des facteurs essentiels de la réussite scolaire, et donc sociale de l’élève. Or, considérant les politiques menées actuellement par le Gouvernement – déremboursement des médicaments, surcoût des mutuelles, précarisation accrue –, et malgré les indicateurs de pauvreté qui font apparaître une recrudescence des maladies telles que la tuberculose et la gale, on observe un renoncement dramatique des familles les plus modestes à assurer la santé de leur enfant.

Nous avons la chance de bénéficier d’un service public de santé de proximité qui permet le suivi des enfants à partir de trois ans – et non plus dès deux ans, puisque la préscolarisation a été réduite à portion congrue ! – jusqu’aux jeunes adultes en fin d’études universitaires. Il s’agit là d’une spécificité française et d’un atout considérable en matière de prévention sanitaire, que vous n’avez pas su valoriser, ni même préserver.

Or les études internationales convergent pour reconnaître la période scolaire comme étant le moment clé de la construction des inégalités de santé et pour relever l’importance du « retour sur investissement », durant cette période, en matière de santé publique et d’éducation à la santé.

Ce matin, votre collègue Laurent Wauquiez a dit à propos de l’enseignement supérieur : « Il faut investir dans [la santé], car c’est à cette période de leur vie que les étudiants adoptent ou non de bons comportements. » Alors, monsieur le ministre, faites-le !

Si les personnels ont su adapter leurs pratiques, les textes réglementaires, eux, n’ont pas suivi, ce qui a entraîné une absence de hiérarchisation des diverses missions et un manque d’objectifs clairs.

Une réflexion interministérielle était en cours sur l’évolution de ces missions, mais il semblerait qu’elle soit stoppée du fait, notamment, du refus du ministère de la fonction publique de reconnaître les infirmières scolaires en catégorie A, contrairement à l’engagement du Président de la République. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, ce qu’il en est vraiment ? En effet, cette situation crée chez elles un fort sentiment d’injustice par rapport à leurs collègues de la fonction hospitalière. Pourtant, leur rôle est ô combien essentiel à la bonne marche d’un établissement scolaire tant par les gestes techniques que par l’écoute apportée à chaque situation.

De plus, les infirmières scolaires rendent compte au rectorat de leur travail via le logiciel SAGESSE, un outil de gestion au quotidien, mais dont les données ne remontent pas, hélas ! au-delà des rectorats.

L’institution ne manifeste que peu d’intérêt pour le travail réel accompli par les personnels de santé scolaire, sauf pour ce qui concerne le taux de réalisation des bilans de santé des enfants âgés de six ans !

Des mesures urgentes sont nécessaires pour revaloriser la profession de médecin scolaire. Face au manque d’attractivité du métier – près de 200 postes sont vacants – et aux perspectives démographiques encore plus défavorables que pour les autres professions médicales, nous ne pouvons faire l’impasse plus longtemps sur ce sujet.

Comment ignorer l’indécence des salaires des médecins de l’éducation nationale, alors que celui des médecins de prévention des personnels est de l’ordre du double ? Dès lors, comment espérer recruter, après un concours d’entrée dans la fonction publique, de jeunes médecins avec un salaire inférieur à celui qu’ils perçoivent au cours de leurs études en tant qu’interne ?

Au regard de l’étendue de leur secteur, qui a doublé en moins de dix ans, avec un médecin pour un nombre d’élèves compris entre 10 000 et 17 000, les médecins ne sont plus en mesure de se déplacer dans les établissements scolaires. Cette pénurie entraîne un transfert de tâches vers l’infirmière.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, c’est à la mise en œuvre d’une véritable politique de santé scolaire que nous appelons, celle-là même que vous n’avez pas su définir, ni a fortiori mettre en œuvre en dix ans !

Une fois les missions redéfinies, il faudra s’atteler à la question des partenariats entre tous les acteurs de la santé, afin de définir une structure pour assurer le pilotage politique local – pourquoi pas les Agences régionales de santé ? – et créer des pôles cohérents de coopération entre la médecine scolaire, la médecine de ville, la protection maternelle et infantile et les centres médico-psycho-pédagogiques.

Par ailleurs, comme le pointent les responsables de l’EHES, l’École des hautes études en santé sociale, il existe un maillon manquant entre l’infirmière et le médecin. Aussi faut-il se demander s’il ne convient pas d’avoir un ingénieur de santé scolaire diplômé d’un master de pratiques avancées.

Nous ne pouvons plus faire l’impasse sur une véritable politique publique de prise en charge de l’enfant et de l’adolescent dans sa globalité et donc dans la construction d’un projet politique partagé de médecine publique de prévention. À la question : « A-t-on besoin d’une médecine scolaire ? » La réponse est résolument oui ! Parce que santé et scolarité sont devenues indissociables, parce qu’il s’agit d’un réel enjeu pour l’avenir de notre jeunesse et parce que nous sommes convaincus que le service public a encore un rôle fondamental à jouer dans la promotion de la santé des élèves ! Mais nous en reparlerons certainement dans les mois qui viennent, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Danielle Michel.

Mme Danielle Michel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis cinq ans, nous déplorons que l’ambition affichée par la majorité pour passer « de l’école pour tous à la réussite de chacun » ne soit restée qu’un slogan. En agissant comme un tamis éducatif qui retient les « meilleurs », sans se préoccuper des élèves les plus en difficulté, le Gouvernement aura effectivement mis fin à l’école pour tous.

Alors même que votre bilan est unanimement reconnu comme désastreux par les parents d’élèves, par les personnels éducatifs et par les élus locaux, vous poursuivez aveuglément le démantèlement de l’éducation nationale, monsieur le ministre.

Il y a quelques semaines, Mme Pécresse prétendait devant les députés que le gouvernement auquel vous appartenez s’était toujours refusé à réduire la politique scolaire à une question de chiffres et qu’il y avait, dans ce pays, une exigence de résultat. Pourtant, vous n’avez développé depuis cinq ans qu’une politique quantitative déconnectée des impératifs pédagogiques, et ce budget pour 2012 en est une désolante illustration.

Je ne reprendrai pas les chiffres cités par les orateurs qui m’ont précédée. Mais vous poursuivez votre politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sans mener aucune réflexion sur les enjeux éducatifs ni sur les besoins propres à chaque territoire, alors que tous les rapports institutionnels pointent un déficit en matière d’encadrement et de moyens, notamment dans les écoles maternelles et élémentaires, ce qui est préjudiciable aux élèves les plus en difficulté.

De toute évidence, les conclusions apportées par l’OCDE, par la Cour des comptes et par le Centre d’analyse stratégique n’ont jamais franchi les portes du « 110 de la rue de Grenelle ».

Pour ce qui concerne les résultats, où sont-ils, monsieur le ministre ?

Au cours de cette législature, l’enseignement de premier degré public aura connu 27 637 réductions de postes avec, comme seul objectif pédagogique, la suppression des RASED et la fin de la préscolarisation dès deux ans.

Le premier maillon éducatif qui conditionne la suite des apprentissages est laissé à l’abandon au nom d’un prétendu réalisme budgétaire. En parallèle, la proportion d’élèves en très grande difficulté croît de manière considérable et le poids des inégalités sociales tend à s’alourdir.

De la même manière, nous protestons vivement contre la nouvelle baisse des crédits, hors titre 2, accordés aux missions pédagogiques : près de 20 % en moins dans le premier degré par rapport à 2011, ce qui correspond à une division des crédits par treize en cinq ans.

L’assèchement des moyens matériels, que le vote de ce budget ne manquerait pas d’amplifier, empêcherait durablement de favoriser les innovations et la personnalisation des parcours pédagogiques, pourtant nécessaires. Ainsi, 20 % des élèves ne maîtrisent pas les fondamentaux à l’entrée en sixième. Je vous rappelle que, à la sortie du collège, la proportion des élèves les plus faibles est passée, en dix ans, de 15 % à 18 %. Or qui sont les plus touchés ? Ce sont les enfants des milieux sociaux défavorisés, la part des élèves en grande difficulté ayant doublé entre 2003 et 2009.

Au lieu de concentrer les moyens là où ils sont les plus nécessaires et de dynamiser l’éducation prioritaire, notamment en relançant la préscolarisation dans les zones dites sensibles, vous accentuez le déséquilibre entre les niveaux d’enseignement.

Concernant la gestion des ressources humaines, le constat est, à notre grand désarroi, identique. Les coupes budgétaires drastiques fragilisent durablement les équipes pédagogiques.

Alors qu’il serait urgent de revenir sur la désastreuse réforme de la mastérisation, le budget consacré à la formation des professeurs est, cette année encore, réduit à portion congrue. En effet, celle-ci ne répond en rien à la volonté d’améliorer la formation initiale et l’entrée dans le métier des enseignants. Au contraire, elle n’est qu’une simple parade pour réaliser des suppressions de postes. Avec quels résultats ?

D’une part, les primo-entrants souffrent sur le terrain de ne pas avoir appris leur métier. Dans les académies de Poitiers et de Paris, on signale une proportion très importante de jeunes professeurs en grande difficulté.

D’autre part, une véritable crise des vocations s’est installée dans notre pays. À la session de 2011, 20 % des postes ouverts au titre du CAPES sont restés vacants, faute de candidats. En mathématiques, ce taux est monté à 40 %, pour atteindre 58 % en lettres classiques. C’est une crise sans précédent !

Enfin, la précarisation des enseignants s’est accrue par un recours massif aux emplois de vacataires et de contractuels, dont le nombre a augmenté de 76 % entre 2005 et 2010. Plus que jamais, à raison, ces enseignants manifestent leur colère.

Pourtant, nous le savons tous, la formation des enseignants est un levier essentiel pour améliorer le système éducatif.

Comme l’ont déjà dit Mmes les rapporteures pour avis Françoise Cartron et Brigitte Gonthier-Maurin, la décision que vient de rendre le Conseil d’État va, sans nul doute, vous contraindre au dialogue, monsieur le ministre.

S’il était adopté en l’état, ce budget entraverait encore un peu plus le dynamisme de nos territoires, qui souffrent de ces étranglements budgétaires.

Nous, sénatrices et sénateurs de gauche, nous déplorons le traitement différencié entre les académies sans qu’aucune corrélation puisse être établie en fonction des difficultés propres à chaque territoire. Je pense aux départements d’outre-mer qui méritent une attention particulière et à la désectorisation qui n’a fait qu’amplifier les inégalités entre les territoires et la ghettoïsation de certains établissements.

À ce propos, les conclusions de la Cour des comptes sur les conséquences de l’assouplissement de la carte scolaire sont sans appel : sur l’ensemble des collèges appartenant aux réseaux ambition réussite, près de 80 % d’entre eux ont perdu des élèves. Ces établissements concentrent donc inévitablement les facteurs d’inégalité contre lesquels doit lutter la politique d’éducation prioritaire.

Je pense également aux communes rurales où l’école représente un service public de proximité indispensable. À cet égard, je relève que la charte des services publics, qui imposait que toute fermeture de classe se fasse de manière concertée, n’a jamais été respectée.

Loin de revenir sur cette politique, le Gouvernement accentue la désertification scolaire au détriment des territoires qui cumulent déjà nombre de difficultés.

Par conséquent, nous estimons, à juste titre, que les crédits de la mission « Enseignement scolaire » tels qu’ils nous sont proposés ne soutiennent pas cet idéal républicain de la réussite pour tous.

Alors que notre jeunesse doit être au cœur de nos politiques publiques, et ce d’autant plus en cette période de crise, elle se retrouve sacrifiée sur l’autel de ce que vous prétendez être le réalisme budgétaire.

Monsieur le ministre, les économies de bouts de chandelles que vous réalisez aujourd’hui seront les charges insupportables auxquelles nous serons demain confrontés, lorsqu’un nombre toujours croissant d’élèves seront en grande difficulté du fait d’un déficit en matière d’encadrement et d’accompagnement. D’ailleurs, au sein même de votre majorité, certains députés de l’UMP, dont le président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, se sont abstenus lors du vote des crédits relatifs à l’enseignement scolaire.

Parce que ce budget ne porte aucune ambition, parce qu’il renforce l’incohérence et l’opacité de la gestion des personnels, nous, sénatrices et sénateurs socialistes, voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc de la commission)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français sont nuls en langue étrangère ; voilà en tout cas ce qu’on nous ressasse depuis des années. Mais, contrairement à M. Jean-Claude Lenoir, je ne crois pas que ce soit une fatalité !

Les résultats des Français aux évaluations internationales sont toutefois médiocres. L’exemple du TOEFL – Test of english as a foreign language – n’est pas très glorieux : le score moyen obtenu par les étudiants en 2008 place la France loin derrière l’Allemagne et les Pays-Bas. Inutile, donc, de se voiler la face ; nous sommes confrontés à un véritable problème, mais aussi à un formidable défi !

La bonne maîtrise d’une langue vivante est aujourd’hui un prérequis pour tous. Mais, au-delà de la compétence fondamentale à acquérir – je peux en témoigner, puisque j’ai baigné durant trente ans dans une culture et une langue différentes –, l’ouverture à l’altérité, l’enrichissement engendré par l’appréhension d’une culture différente, d’un autre système de pensée, sont autant d’atouts qu’offre l’apprentissage des langues étrangères.

Certes, aujourd’hui, notre gouvernement est plus enclin à nous proposer un projet de repli sur soi et de peur des étrangers... Et, pourtant, on encourage nos enfants à mieux maîtriser leurs langues.

Nous n’en sommes pas à un paradoxe près et, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de votre initiative d’avoir mis en place le comité stratégique des langues, qui doit rendre son rapport à la fin de l’année. Nous espérons que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication en aura rapidement connaissance.

La volonté affichée est remarquable : déjà, à l’automne 2009, le Président de la République, annonçant un plan d’urgence pour les langues vivantes étrangères, manifestait son ambition de former des bacheliers bilingues, voire trilingues.

Les pistes évoquées sont tout aussi ambitieuses : sans surcoût, ni embauche supplémentaire, vous proposez un apprentissage dès l’âge de trois ans et une « exploration des diverses modalités d’apprentissage »... Beau programme que l’on ne peut que saluer !

Mais il semble bien que nous ne vivions pas dans le même monde. Le monde de l’éducation, que je connais, a vu ses assistants de langues vivantes supprimés,...

Mme Claudine Lepage. ... les formations continues des enseignants rabotées et le nombre d’élèves par classe croître encore en raison des 14 200 suppressions de postes. Dans ces conditions, vous comprendrez que la communauté éducative comme les parents manifestent une certaine réserve.

Même si, depuis la réforme de la formation des enseignants, un certificat de compétences en langues est exigé, nous savons tous parfaitement que, en attendant, la majorité des enseignants en poste n’a pas le niveau requis et devra, en l’absence d’assistants de langues vivantes, assurer ces cours de langues sans formation dans la langue ni dans l’enseignement de cette langue. Or, même avec le recours aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement, TICE, que vous préconisez, on ne peut pas enseigner une langue que l’on ne maîtrise pas !

Je ne peux que regretter cette politique d’affichage pour laquelle, notamment, « l’enseignement précoce dès l’école maternelle avec les TICE » serait la panacée.

Encore faudrait-il d’ailleurs être certain de la pérennisation de l’école maternelle. Après la discussion confisquée ici même, voilà quelques semaines, de la proposition de loi de Mme Françoise Cartron, il est permis de nourrir certaines inquiétudes. Mais c’est un autre débat…

Justement, nul ne peut nier l’intérêt de cet apprentissage de l’anglais dès trois ans. Mais ne nous berçons pas d’illusions : le vrai bénéfice réside dans l’exposition précoce, mais surtout suffisante aux langues étrangères. Or tous les enfants n’ont pas la chance de baigner dans un univers familial bilingue ou de langue différente du français. Dans ces conditions, deux fois trois quarts d’heure de pseudo-enseignement par semaine n’ont aucun sens si l’on vise un véritable apprentissage.

Bien sûr, mon intention n’est pas de décourager initiatives et bonnes volontés, mais je tiens à dénoncer ce miroir aux alouettes qui ne suscitera que déception chez les enfants, les enseignants et les parents.

Il est parfaitement illusoire et malhonnête de laisser penser, comme vous le dites, monsieur le ministre, que l’on pourra « réinventer » l’enseignement des langues vivantes sans y consacrer un minimum de moyens. À cet égard, les échanges d’enseignants seraient déjà profitables. Nous disposons de l’outil permettant d’y parvenir, le programme Jules Verne, qui ne demande qu’à être développé.

En tout état de cause, il semblerait plus réaliste d’envisager d’abord, pour les plus petits, un éveil aux différentes langues, avec un objectif d’éducation à la diversité, comme le préconise le linguiste Claude Hagège.

J’aimerais aborder maintenant la question des sections internationales.

L’ouverture sur des cultures différentes est bien leur objectif, puisqu’elles scolarisent des élèves déjà empreints d’une double, voire d’une triple culture, parce qu’ils sont d’origine étrangère, qu’ils ont vécu à l’étranger ou sont issus de familles expatriées. Les cours y sont assurés par des enseignants français recrutés sur profil et étrangers intervenant alors dans leur langue pour des enseignements spécifiques.

Ainsi, contrairement aux sections européennes, ces sections internationales présentent, certes, un enseignement renforcé en langue, mais surtout une pédagogie culturellement différenciée. C’est là que réside tout leur intérêt.

La France compte plusieurs lycées au statut d’établissement international, celui de Saint-Germain-en-Laye, par exemple. La capitale dispose non pas d’un tel établissement, mais d’un lycée comportant six sections internationales près de la porte de Clichy. La cité scolaire Honoré de Balzac bénéficie d’une riche mixité sociale : sur les 2 000 élèves, 50 % sont inscrits en sections internationales et 50 %, inscrits en section générale, sont des enfants du secteur.

Les bienfaits de cette grande hétérogénéité sociale, alliée à l’ambiance multiculturelle, sont reconnus par tous. Cependant, de fortes tensions concrétisées par des mouvements de grève des professeurs et des élèves existent depuis plusieurs mois.

Une grande inquiétude est aussi manifeste chez les parents, qui s’interrogent sur les moyens : malgré sa localisation, l’établissement ne bénéficie pas du programme ECLAIR. Ils s’interrogent aussi sur les problèmes de personnels : manque de postes, non-remplacement de personnel, professeurs des sections internationales non recrutés sur un profil particulier propre à un enseignement pluriculturel, alors que les textes le commandent.

Au regard de l’absence de statut de lycée international de l’établissement, la pérennité même de ces sections est en question, puisque, si elles étaient « diluées » dans la section générale française, elles perdraient de facto toute spécificité pédagogique et ne seraient plus que des sections à enseignement linguistique renforcé.

Pour pallier ces tensions certaines et ces éventuels dysfonctionnements – le passage de quatre proviseurs en cinq ans et l’absence de projet d’établissement posent question –, plusieurs associations de parents d’élèves, auxquelles je m’associe, sollicitent la tenue d’assises sur l’avenir de la cité scolaire Honoré de Balzac, notamment dans sa dimension internationale. Pensez-vous, monsieur le ministre, répondre à cette demande ?

Même si, par ailleurs, la capitale ne dispose d’aucune école élémentaire internationale – hors un projet pilote, depuis vingt-cinq ans, d’école franco-allemande dans l’est parisien –, le lycée Balzac répond à un véritable besoin, comme en témoigne la croissance continue des demandes de scolarisation en sections internationales.

Beaucoup d’élèves effectuent des trajets de plusieurs heures, car, malgré l’ouverture récente de quelques sections dans d’autres lycées parisiens, Balzac offre la plus grande diversité. Et le nouveau lycée international, dont l’ouverture est annoncée à l’est de l’Île-de-France, ne pourra rivaliser, notamment aux yeux des expatriés et des entreprises multinationales, avec un établissement situé dans Paris intra-muros. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de l’éducation nationale pour 2012, que j’ai l’honneur de vous présenter ce soir, est à la fois ambitieux et responsable : ambitieux, parce qu’il permet de financer dans des conditions satisfaisantes la troisième révolution de l’enseignement que nous avons engagée, celle de la personnalisation ; responsable, parce qu’il répond aux exigences budgétaires actuelles.

Face au contexte difficile lié à l’environnement international et aux contraintes budgétaires, le Gouvernement a dû faire des choix courageux.

Hors charge de la dette et hors pensions, la dépense de l’État diminuera donc en valeur et la masse salariale reculera pour la première fois depuis 1945.

En outre, la dépense totale de l’État, dette comprise, progressera moins vite que l’inflation ; elle régressera donc en volume.

Enfin, les dernières mesures annoncées par le Premier ministre permettront d’affermir notre objectif de déficit, toutes administrations confondues, de 4,5 % du produit intérieur brut en 2012, crédibilisant ainsi le retour à l’équilibre des finances publiques sur lequel nous nous sommes engagés.

Ce budget repose aussi sur un équilibre entre la volonté du Gouvernement de préserver la croissance et la nécessaire réduction des déficits.

Cet équilibre, le Gouvernement le respecte depuis le début de la crise ; le Président de la République l’a encore évoqué aujourd’hui. Il nous préserve de mesures drastiques qu’ont dû prendre certains pays européens : je pense au gel, voire à la baisse des salaires ! Regardez l’Espagne, où le gouvernement a décidé unilatéralement de baisser la rémunération des enseignants de 5 %. Dans la province de Madrid, il leur a même été demandé de travailler deux heures de plus par semaine, sans aucune contrepartie.

Toutes ces mesures, nous les avons écartées, car, depuis le début de la crise, nous avons respecté l’équilibre que je viens de mentionner.

Malgré ce contexte difficile, l’effort de la Nation en faveur de l’éducation continue à progresser. Aussi, messieurs les rapporteurs spéciaux, je ne peux pas partager votre avis.

La mission « Enseignement scolaire » atteint pour la première fois 62,3 milliards d’euros, dont 61 milliards d’euros au seul profit du ministère de l’éducation nationale. Cela représente une augmentation de 0,9 % par rapport à 2011, ce qui est supérieur à la moyenne du budget de l’État.

Depuis 2007, le budget de l’éducation nationale aura donc progressé de 5,6 %. L’investissement de la Nation pour l’école a donc été à la hauteur de l’enjeu.

Comme l’a rappelé M. Pignard, l’éducation nationale reste le premier poste de dépenses : un quart du budget de l’État, hors dette, et près de la moitié de la masse salariale, avec 57 milliards d’euros de dépenses de personnels.

Mais c’est également un budget responsable, puisque, pour la première fois, les dépenses de masse salariale diminuent hors pensions. Comment peut-on parler d’économies de bouts de chandelles, madame Michel ? Un poste de fonctionnaire, c’est 1 million d’euros d’économiser sur une carrière. Avec la retraite, cela représente une économie supplémentaire de 700 000 euros à 800 000 euros. Par conséquent, nous empêchons la dette de l’État de s’accroître de 1,8 million d’euros.

M. Alain Néri. Vous devriez tous les supprimer !

M. Luc Chatel, ministre. Compte tenu de l’état des finances publiques, calculez l’impact sur la dette de l’État de la suppression de 150 000 fonctionnaires !

M. Alain Néri. C’est indécent !

M. Luc Chatel, ministre. Or certains proposent de créer 60 000 postes de fonctionnaires supplémentaires !

M. Alain Néri. C’est la différence entre vous et nous !

M. Luc Chatel, ministre. Sur la durée d’une vie, faites le calcul : cela représente plus de 100 milliards d’euros supplémentaires pour la dette de l’État ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

L’effort budgétaire consenti exige une gestion minutieuse de nos crédits et une optimisation permanente de notre système éducatif, nous en sommes d’accord, mesdames, messieurs les sénateurs. Cette recherche d’efficacité et de performance, cette gestion responsable et moderne des moyens importants que consacre l’État à l’éducation – nous devons des comptes à nos concitoyens – sont totalement au service de notre offre éducative.

Notre objectif est simple et totalement républicain : améliorer les résultats des élèves. Madame Gonthier-Maurin, je crois à la détection des meilleurs. Je crois l’école de la République capable – c’est d’ailleurs l’un de ses principes – de détecter les meilleurs talents pour les pousser vers l’excellence, mais aussi de repérer les enfants qui ont des difficultés pour leur apporter un soutien scolaire et éviter qu’ils ne quittent le système éducatif prématurément.

M. Alain Néri. Et l’épanouissement de l’enfant ?

M. Luc Chatel, ministre. Nous nous rejoindrons peut-être sur un point : la personnalisation. C’est précisément la politique que nous portons.

Oui, nous voulons réaffirmer notre pacte républicain, donner une nouvelle dynamique à notre pays tout en élargissant et en diversifiant nos élites ! Notre objectif est de construire une solution pour chacun.

Je le répète, nous avons fixé un cap, celui de la personnalisation. Nous ne pouvons nous satisfaire que notre pays, cinquième puissance économique mondiale, soit aujourd'hui au-delà de la vingtième place dans les classements internationaux des systèmes éducatifs. Notre école, pour gagner en efficacité et mieux accomplir ses missions, doit changer. Eh bien, mesdames, messieurs les sénateurs, elle change !

Depuis cinq ans, nous inscrivons notre action dans la durée, dans un projet d’ensemble…

M. Alain Néri. Ça va s’arrêter !

M. Luc Chatel, ministre. … et, contrairement à ce que j’ai pu entendre, les effets de cet engagement sont d’ores et déjà sensibles, comme l’a très justement souligné M. Carle.

Les résultats en hausse dans les évaluations en CE1 et en CM2 l’année dernière révèlent une meilleure maîtrise des fondamentaux. Nous avons constaté des progrès significatifs, en particulier une hausse de quatre points dans la maîtrise des fondamentaux en français dans les évaluations de CE1. En CM2, la progression est également perceptible, notamment en mathématiques, puisque les élèves ayant des acquis insuffisants ont diminué de 23 %.

Je note également que l’enquête CEDRE – Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillon –, publiée pour la dernière fois en 2003, relevait à l’époque non pas 20 %, madame le sénateur, mais 15 % d’élèves ne maîtrisant pas les fondamentaux en entrant en sixième. Six ans après, en 2009, ce pourcentage d’élèves est passé à 13 %.

Sur la question de la voie professionnelle, que connaît bien Mme Gonthier-Maurin et qui a été évoquée par plusieurs d’entre vous, je note que les résultats du baccalauréat 2011 sont encourageants. Grâce au baccalauréat professionnel, 71 % d’une classe d’âge a obtenu le baccalauréat, alors que ce chiffre, comme l’a rappelé Mme Mélot, stagnait depuis une quinzaine d’années.

Nous avons voulu réformer la voie professionnelle. La session 2011 du baccalauréat a rassemblé 48 000 candidats supplémentaires, soit 37 000 diplômés de plus. C’est encourageant ! Je note surtout que, grâce à la réforme, 66 % des élèves poursuivent aujourd'hui leurs études au-delà du BEP, contre 50 % auparavant. L’objectif était justement de permettre aux élèves d’aller au-delà de ce niveau de qualification.

Je souligne également que les élèves engagés dans cette voie décrochent moins depuis la réforme. Ils étaient 15 % en 2010 à sortir de la seconde professionnelle, ce taux a baissé à 13 % en 2011. Ils étaient 20 % en 2010 à sortir de la première année de CAP, ce taux est descendu à 17 % en 2011. Tous ces chiffres sont encourageants.

Je voudrais rassurer M. Jean-Claude Lenoir au sujet des baccalauréats professionnels secrétariat, comptabilité et gestion. Ces spécialités ont fait l’objet d’une rénovation, qui conduira à la transformation en un seul baccalauréat professionnel intitulé gestion et administration.

C’est l’aboutissement de nombreux travaux menés depuis plusieurs années qui ont souligné les insuffisances de ces deux baccalauréats professionnels. Ils souffraient d’une inadéquation au marché de l’emploi, l’insertion professionnelle de ces diplômés étant la plus faible de tous les baccalauréats professionnels, et connaissaient une chute drastique de leurs effectifs depuis 2008. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de conduire cette rénovation.

Les réformes que nous avons entreprises pour assurer la réussite de chaque élève se déclinent autour de trois orientations : la personnalisation, que j’ai évoquée, l’autonomie et une politique de ressources humaines ambitieuse.

Nous voulons assurer une plus grande autonomie, parce que nous pensons que personnaliser, c’est être en mesure de s’adapter, donc de laisser les acteurs locaux innover, disposer d’une réelle marge de manœuvre à la fois pédagogique et organisationnelle. Pour être effective, cette personnalisation doit donc reposer sur l’autonomie de nos établissements scolaires, sur la confiance faite aux acteurs locaux de l’éducation nationale, pour libérer les initiatives locales et le système.

J’évoquais à l’instant une politique de ressources humaines ambitieuse. Avec la personnalisation, nos enseignants doivent s’emparer de nouvelles missions. Ils doivent pour cela disposer d’une meilleure formation, d’une plus grande reconnaissance et d’un suivi mieux assuré.

Plusieurs remarques ont été formulées sur la décision que le Conseil d’État a rendue le 28 novembre concernant la mastérisation. Je précise que le Conseil d’État a confirmé la légalité de l’arrêté du 12 mai 2006 définissant les compétences attendues des enseignants, des documentalistes et des conseillers principaux d’éducation stagiaires. En revanche, il a considéré que, sur la forme, mon ministère ne pouvait pas seul, sans celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, modifier ou abroger le cahier des charges y afférent. Cette annulation repose donc exclusivement sur le fait qu’il s’agissait d’une compétence partagée. Cette décision ne produira pas ses effets immédiatement, le Conseil d’État ayant sursis à statuer et ne s’étant pas encore prononcé sur la date d’effet de cette annulation partielle. Nous allons donc, avec Laurent Wauquiez, faire un certain nombre de propositions sur le sujet.

J’évoquais une politique de ressources humaines ambitieuse. J’ai entendu, sur toutes les travées, des encouragements, des félicitations sur la revalorisation des carrières enseignantes. Je fais juste remarquer qu’elle n’est possible que parce que nous ne remplaçons pas la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. Tout le monde sait qu’il est totalement irréaliste de promettre aux enseignants à la fois de recruter davantage et de mieux les payer.

Oui, nous avons fait un choix : moins d’enseignants, mieux rémunérés ! Je rappelle que, depuis 2007, 1,4 milliard d'euros ont été réaffectés à la revalorisation des enseignants, ce qui nous a permis en particulier de procéder à une revalorisation très significative du début de carrière. J’ai annoncé la semaine dernière que la première fiche de paye des enseignants passerait la barre symbolique des 2 000 euros le 1er février prochain. En cinq ans, la première fiche de paye des enseignants aura donc augmenté de 18 %, comme l’a souligné M. Carle.

Mme Dominique Gillot. Mais ils débutent leur carrière plus tard !

M. Luc Chatel, ministre. Connaissez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, une entreprise qui a augmenté ses salariés entre 2007 et 2012 de 18 % ? Il n’y en a pas beaucoup !

C’est un signal très fort que nous envoyons à nos jeunes enseignants de valorisation de leur carrière et de leur métier.

La rentrée 2011 a respecté les trois priorités que je viens d’énoncer : avec l’extension à la classe de première de la réforme du lycée général et technologique, avec l’accompagnement personnalisé, avec la poursuite d’expérimentations, qui s’inscrivent dans notre démarche de recherche d’autonomie, de marges de manœuvre, de confiance envers les acteurs locaux.

Plusieurs expérimentations montent en puissance cette année.

Je pense aux internats d’excellence, qui disposent de 10 000 places et devraient, à terme, atteindre une capacité de 20 000 places. Ils sont vingt-deux dorénavant à accueillir des élèves méritants issus de milieux défavorisés.

Je pense au dispositif ECLAIR, qui permet à plus de 300 collèges issus de l’éducation prioritaire d’offrir des solutions éducatives innovantes, avec une plus grande autonomie, notamment dans le recrutement des enseignants.

Je pense aux établissements de réinsertion scolaire, qui sont un succès puisque, sur les 153 élèves accueillis – des élèves très perturbateurs, pour lesquels nous n’avions pas de solution au préalable, qui avaient été renvoyés plusieurs fois de leur collège –, neuf sur dix sont réinsérés, un an après, soit dans leur collège, soit dans un lycée, soit dans un centre d’apprentis. C’est donc un succès qui ne méritait pas la polémique que nous avons connue l’année dernière.

Je pense aussi aux expérimentations dans le domaine du temps scolaire. Le nombre d’élèves bénéficiant d’une organisation profondément innovante des rythmes scolaires, avec les cours le matin et le sport l’après-midi, a doublé pour atteindre 15 000 depuis la rentrée.

Toutes les mesures qui permettent d’offrir une solution adaptée à chaque élève montent en puissance. C’est cela, la personnalisation !

Je veux parler de la lutte contre le décrochage scolaire. À cet égard, monsieur Domeizel, si vous me permettez cette précision, il ne faut pas confondre le décrochage scolaire et la réinsertion scolaire. Les décrocheurs scolaires ne sont pas tous des élèves très perturbateurs accueillis dans des établissements de réinsertion scolaire. Les décrocheurs sont des élèves qui abandonnent leurs études en cours de route. Ils sont trop nombreux. Sur 220 000, un tiers a été pris en charge par les missions locales. Nous avons décidé d’instaurer un nouveau dispositif de suivi personnalisé de chaque élève. Une solution sera proposée à chacun, grâce à la coordination des services de l’éducation nationale et de l’État dans les services déconcentrés.

En matière de solution adaptée à chaque élève, j’inclus la scolarisation des élèves handicapés. Nous avons accompli des efforts considérables, puisque 60 % d’élèves handicapés de plus sont scolarisés depuis le vote de la loi de 2005. Je rappelle que 90 % des 214 000 élèves scolarisés aujourd'hui le sont à temps complet.

En cette rentrée 2011, nous avons ouvert 2 000 postes d’assistants de scolarisation supplémentaires, conformément aux engagements du Président de la République. Le budget qui vous est présenté prévoit de créer 2 300 postes supplémentaires à la rentrée 2012. Après une augmentation des crédits destinés à la scolarisation des enfants handicapés de 13 % dans le budget 2011, nous vous proposons une augmentation de 30 % dans le budget 2012, soit 455 millions d'euros. C’est donc véritablement une priorité !

En ces temps difficiles, la gestion des moyens doit être particulièrement minutieuse. C'est la raison pour laquelle nous avons adopté la méthode du dialogue de gestion, à la suite des préconisations de la Cour des comptes, fondée sur le discernement. Cette méthode permet d’adapter les moyens pour les concentrer là où ils sont utiles, à l’issue d’un dialogue engagé avec les académies, assurant ainsi un véritable « sur mesure ».

Plutôt que de décider depuis la rue de Grenelle la répartition des moyens académie par académie, établissement par établissement, nous travaillons très en amont, en dialoguant avec chaque académie. Ce sont elles qui font des propositions, dans le cadre d’un schéma national, sur la répartition des moyens, afin de les affecter là où les besoins sont les plus importants.

Mme Dominique Gillot. Elles répartissent la pénurie !

M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce travail est actuellement en cours dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire 2012.

Ce travail nous a d'ailleurs permis d’effectuer des ajustements. Dans le primaire, j’avais annoncé l’année dernière que le nombre de fermetures de classes en 2011 serait de l’ordre de 1 500. À la rentrée, nous avons constaté 1 050 fermetures. Cela signifie que nous sommes capables de nous adapter à une situation locale selon les spécificités de tel ou tel secteur du territoire.

Je rappelle que le Président de la République s’est engagé, pour la rentrée 2012, à ce qu’il n’y ait pas plus de fermetures de classes que d’ouvertures. Les classes seront redéployées suivant l’évolution de la démographie dans les départements.

Je rappelle également que 176 millions d'euros sont affectés dans ce budget à la revalorisation des carrières enseignantes. Cette revalorisation touche les débuts de carrière, comme je l’évoquais tout à l’heure, avec les 2 000 euros bruts pour tout jeune enseignant.

Un certain nombre de mesures indemnitaires sont également prévues dans le cadre de l’exercice 2012 : la revalorisation de 50 % de la part variable de l’indemnité des directeurs d’écoles, qui était très attendue ; la montée en charge de l’indemnité pour fonction d’intérêt collectif, comme le tutorat au lycée ou l’accompagnement en matière d’orientation, et l’augmentation de l’indemnisation du contrôle en cours de formation ; la mise en place d’une prime de performance pour les personnels de direction et pour les enseignants qui exercent dans les établissements ECLAIR. Ainsi, 2 400 euros viendront s’ajouter à une part fixe de 1 100 euros, soit au total la possibilité de voir son salaire augmenter de quelque 300 euros par mois lorsqu’on sert dans un tel établissement. C’est très significatif !

Vous avez été nombreux à m’interroger sur la revalorisation des personnels médico-sociaux. Sachez qu’une circulaire réaffirmant l’importance du rôle de la médecine scolaire et définissant les priorités de celle-ci, en particulier la mission des médecins scolaires, est en cours de publication.

J’avais eu l’occasion d’annoncer des mesures fortes de revalorisation des médecins de l’éducation nationale. En effet, nombre d’entre vous sont, comme moi, des élus ruraux. Vous connaissez donc les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui pour recruter des médecins dans certains territoires. L’éducation nationale n’y échappe pas.

Telle est la raison pour laquelle nous avons décidé de revaloriser la carrière des médecins de l’éducation nationale en début de carrière en instaurant un grade de deuxième classe. Le coût de cette mesure est estimé à 2,3 millions d’euros pour 2012. Ensuite, nous créons un sixième et dernier échelon dans le premier grade. Le coût de cette mesure est estimé à 2 millions d’euros.

Au total, je le disais tout à l’heure, les personnels de l’éducation nationale auront bénéficié entre 2007 et 2012 de 1,4 milliard d’euros.

Je tiens enfin à signaler deux éléments qui me semblent importants.

Notre gestion des dépenses hors titre 2 est, elle aussi, minutieuse. Le montant de ces dépenses s’élève à 3,9 milliards d’euros, soit près de 100 millions d’euros de plus qu’en 2011. Cette augmentation est destinée au financement de notre politique d’accompagnement du handicap ainsi qu’à la construction de certains collèges et lycées outre-mer. Les autres dépenses sont contraintes, mais respectent les nouvelles règles de gouvernance des finances publiques.

Par ailleurs, comme l’a rappelé Mme Férat, nous souhaitons travailler en étroite coopération avec les autres acteurs de l’éducation, en particulier l’enseignement technique agricole. Bruno Lemaire et moi-même avons signé, le 8 septembre dernier, une convention instituant un partenariat étroit et une réunion annuelle entre tous les recteurs et directeurs régionaux de l’agriculture. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de présider la réunion qui s’est tenue le 20 septembre dernier. Des partenariats s’affirment également à l’échelon régional.

Je suis persuadé que ce dialogue entre les services a progressé et qu’il permettra une meilleure répartition des rôles, une meilleure organisation de la carte territoriale ainsi que des complémentarités entre l’enseignement agricole et l’enseignement scolaire.

Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne relâchons pas notre effort. Nous tenons le cap que nous nous sommes fixé, car la société de demain sera celle de la connaissance. Afin de relever ce défi, le Gouvernement, malgré les difficultés budgétaires, accroît l’effort de la Nation pour l’éducation de ses enfants.

Je rappelle que notre pays consacre 7 % de son produit intérieur brut à l’éducation. C’est plus que la moyenne des pays de l’OCDE et des pays de l’Union européenne. Pas à pas, nous construisons une politique de long terme, une politique de croissance, fondée sur les compétences accrues de nos concitoyens de demain, une école qui change, pour un monde qui change, une école entièrement mobilisée pour la réussite de chaque élève. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le ministre, nous vous avons écouté avec attention et nous vous remercions de toutes les explications que vous nous avez données, même si elles ne nous suffisent pas.

En tant que présidente de commission de la culture, j’ai le regret de vous dire que la majorité a été très choquée par vos propos sur les bénéfices financiers résultant des suppressions de postes.

M. Jean-Claude Lenoir. Ça s’appelle le courage !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Nous avons en particulier été choqués par l’illustration d’une comptabilité à la personne, qui mettait en scène l’économie réalisée pour chaque suppression de poste d’enseignant fonctionnaire.

Nous ne souhaitons pas que ceux qui enseignent à nos enfants se regardent dans leur miroir le matin en se répétant : « J’aggrave la dette ! J’aggrave la dette ! J’aggrave la dette ! ». Nous souhaitons au contraire qu’ils puissent se dire : « Je construis chaque jour un peu plus d’humanité, je transmets des savoirs, je crée du lien, je suis un fonctionnaire consciencieux, la société m’en est reconnaissante, car ce qu’elle a de plus précieux, ce sont ses enfants ! »

Cette reconnaissance doit s’exprimer par un juste salaire et par une juste retraite. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 51 septies (nouveau)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

62 261 296 511

62 249 797 937

Enseignement scolaire public du premier degré

18 140 759 339

18 140 759 339

Dont titre 2

18 100 175 220

18 100 175 220

Enseignement scolaire public du second degré

29 641 366 345

29 641 366 345

Dont titre 2

29 493 579 505

29 493 579 505

Vie de l’élève

3 903 784 034

3 956 439 354

Dont titre 2

1 777 141 264

1 777 141 264

Enseignement privé du premier et du second degrés

7 098 439 790

7 098 439 790

Dont titre 2

6 326 954 440

6 326 954 440

Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 159 563 866

2 108 153 637

Dont titre 2

1 367 175 584

1 367 175 584

Enseignement technique agricole

1 317 383 137

1 304 639 472

Dont titre 2

830 993 637

830 993 637

Mme la présidente. L'amendement n° II-365, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

                     

267 960 000 

267 960 000

                      

267 960 000

267 960 000

Vie de l’élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

51 040 000 

51 040 000

 

51 040 000 

51 040 000

Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

 

 

 

TOTAL

 

 319 000 000

 

319 000 000

SOLDE

- 319 000 000

- 319 000 000

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Au cours de l’année scolaire 2010-2011, 511 637 heures supplémentaires années – les HSA – ont été effectuées dans l’enseignement public par 232 615 enseignants du second degré. Plus d’un enseignant sur deux – 56 % d’entre eux – effectuent des HSA, soit en moyenne 2,19 HSA par enseignant.

Au total, 1,096 milliard d’euros dans l’enseignement public, soit 84 % du total, et 218,4 millions d’euros dans le privé, soit 16% du total, ont été consacrés au financement de l’ensemble des heures supplémentaires.

Ainsi, dans les crédits de la mission, 319 millions d’euros devraient être consacrés, comme l’an passé, aux seules exonérations de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, conformément aux dispositions de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ».

Le présent amendement vise donc à supprimer, dans l’enseignement public et privé, les surcoûts induits par les exonérations sur les heures supplémentaires au titre de la loi TEPA. Il faut revenir sur le recours massif aux heures supplémentaires annuelles, lequel est extrêmement répandu dans l’enseignement scolaire du second degré.

Je veux dénoncer, non pas les dérives de la révision générale des politiques publiques, mais ses effets pervers. La RGPP conduit à supprimer des postes avec une rigueur mathématique alors que, en généralisant l’augmentation légale du temps de travail des enseignants devant les élèves – sans donc modifier leur temps de travail global –, notamment dans le secondaire, des économies substantielles pourraient être réalisées.

Ainsi, si nous augmentions simplement de deux heures le temps de travail par semaine, nous pourrions, selon les calculs, économiser 44 000 postes. Cette augmentation devrait être considérée dans un cadre annuel. Il est ainsi nécessaire de réfléchir à la durée des vacances scolaires annuelles, lesquelles sont bien trop longues en France et pèsent sur notre système éducatif.

Ces 44 000 postes économisés grâce à la hausse du temps de travail des professeurs permettraient de dégager les marges nécessaires à la revalorisation des salaires – même si elle a eu lieu, comme l’a rappelé M. le ministre –, à la création de nouveaux postes d’éducateurs spécialisés dans les zones d’éducation prioritaire ou dans les zones de violence. Elle permettrait également d’augmenter le nombre de postes d’infirmières scolaires.

Sur ce sujet, je partage l’avis de Mme Blondin, même si je déplore qu’elle ait accusé le Gouvernement de ne pas faire le travail. L’un des problèmes de la santé scolaire, c’est la pesanteur du système administratif. Depuis vingt ou trente ans, le nombre de postes dans ce secteur n’a pas augmenté. C’est aujourd'hui une priorité.

Si cet amendement était adopté, nous pourrions non seulement augmenter le nombre d’infirmières scolaires, mais également celui de médecins scolaires et surtout celui d’assistantes sociales. Il n’est pas acceptable aujourd'hui de compter une infirmière scolaire pour 10 000 élèves, sachant, en outre, que l’on assiste à une recrudescence des maladies infectieuses et que, dans les lycées, les avortements de gamines sont de plus en plus nombreux, faute de prévention, de suivi, de soins.

Tel est l’objet de cet amendement, que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de supprimer environ un quart des crédits, soit 319 millions d’euros, destinés au financement des heures supplémentaires effectuées par les enseignants.

Notre collègue Yves Pozzo di Borgo vise les exonérations de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu prévues par la loi TEPA. Parallèlement, il propose qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions d’annualisation du temps de travail des enseignants.

Je rappelle que les crédits du titre 2 permettant la rémunération des heures supplémentaires recouvrent des situations diverses. Ils permettent le financement des heures supplémentaires années, de plus en plus utilisées pour faire face aux besoins de remplacements permanents en cours d’année, comme l’a montré notre rapport. Ils servent aussi au financement des heures supplémentaires effectives qui permettent, entre autres, d’assurer le remplacement des enseignants absents pour de courtes durées. Enfin, ils financent les heures d’interrogation dans les classes préparatoires aux grandes écoles.

Je rappelle également que les exonérations d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales prévues dans la loi TEPA, visées par notre collègue, concernent les différentes catégories d’heures supplémentaires. Mais, d’une part, les exonérations d’impôt sur le revenu sont une dépense fiscale qui ne relève pas des crédits de la mission « Enseignement scolaire » et, d’autre part, il ne peut pas être dérogé aux dispositions législatives et réglementaires applicables pour le paiement des cotisations sociales.

En d’autres termes, en réduisant de près de moitié les crédits inscrits au titre des HSA dans le projet de loi de finances pour 2012, l’amendement qui vous est soumis ce soir conduirait, s’il était adopté, à limiter le nombre d’heures supplémentaires effectuées.

Pour vos rapporteurs spéciaux, le recours aux heures supplémentaires permet en partie de satisfaire des besoins permanents. Reste qu’il conviendrait de procéder à des recrutements.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, les enseignants sont aujourd'hui les premiers bénéficiaires du dispositif instauré par la loi TEPA. C’est une bonne chose, car celui-ci permet d’augmenter la rémunération, et donc le pouvoir d’achat, des enseignants volontaires pour travailler davantage. Si l’on supprimait aujourd'hui ces heures supplémentaires, le pouvoir d’achat de ces enseignants diminuerait de 6 % à 7 %.

En outre, ce dispositif a permis de mettre en place la personnalisation que j’évoquais tout à l’heure. À titre d’exemple, conformément au souhait du Président de la République, nous avons instauré au collège l’accompagnement éducatif, c'est-à-dire l’accueil des fameux « orphelins de seize heures ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Dominique Gillot. Ce ne sont pas des orphelins !

M. Luc Chatel, ministre. Tous les soirs, un million de collégiens – des élèves qui étaient auparavant laissés à eux-mêmes après seize heures – sont désormais accueillis.

Ce mot n’a rien d’insultant. Nous avons tous dans nos départements des élèves dont les deux parents travaillent ou qui vivent dans des familles monoparentales. Il n’y a donc pas lieu de s’offusquer.

Mme Dominique Gillot. Le mot « orphelins » a un sens !

M. Luc Chatel, ministre. Le rôle de l’éducation nationale était d’apporter une solution à ce problème. Telle est la raison pour laquelle nous avons institué l’accompagnement éducatif. Il s’agit d’un soutien scolaire personnalisé entre seize heures et dix-huit heures, sous la forme d’activités culturelles ou sportives.

Cet accompagnement, monsieur Pozzo di Borgo, est rendu possible grâce à la rémunération d’heures supplémentaires. C’est la raison pour laquelle nous sommes très attachés à ce dispositif.

De plus, comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial, un certain nombre d’heures supplémentaires sont incompressibles dans la mesure où elles permettent de pallier les absences ponctuelles de professeurs.

J’ai bien compris l’esprit de votre amendement. En fait, vous souhaitez engager une réflexion globale sur la mission des enseignants, sur le contenu de leur travail et sur leur temps de service. C’est là un bon débat, que nous avons déjà eu, notamment en commission. Toutefois, comme je vous l’ai déjà dit, le Gouvernement n’a pas l’intention d’ouvrir ce dossier d’ici à la fin de la législature.

En revanche, c’est un bon sujet de débat pour les échéances du printemps prochain, si l’on en juge par les propositions que l’on entend ici ou là. Comme M. Carle l’a dit tout à l’heure lors de son intervention, il faut réfléchir à l’évolution des missions de l’école et des enseignants ainsi qu’aux questions de statut et de rémunération.

En tout état de cause, le Gouvernement n’est pas favorable à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires des enseignants.

Mme la présidente. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° II-365 est-il maintenu ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Si j’ai pris le cas des enseignants, c’est parce qu’ils représentent la moitié des postes dans la fonction publique.

De façon plus générale, nous avons en France un véritable problème de temps de travail. Les 35 heures, qui posent des difficultés dans le privé, ont également des incidences dans le public.

Permettez-moi d’évoquer une campagne qui a actuellement lieu en Chine sur internet. Il est dommage que Jean Besson, le président du groupe interparlementaire d’amitié France-République populaire de Chine, ne soit pas là, car il pourrait vous le confirmer.

Le gouvernement demande pourquoi il faudrait nous aider, nous, les Européens, et nous prêter de l’argent alors que notre PIB est trois fois supérieur à celui de la Chine, que nous travaillons trente-cinq heures par semaine, que nous partons à la retraite à l’âge de cinquante-cinq ans – ce n’est d’ailleurs pas exact – et que nous bénéficions de temps de vacances fantastiques. Les Chinois se demandent pourquoi, alors qu’ils travaillent soixante-dix heures par semaine, ils devraient financer la paresse des Européens !

C’est un des problèmes auquel nous devrons faire face dans les années à venir. Si nous voulons relancer l’économie, tout en faisant des économies budgétaires, nous allons devoir aborder la question du temps de travail dans la fonction publique de l’État, dans la fonction publique territoriale et dans le privé.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis. Il y a des sujets plus importants !

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement me permettait de vous exposer le problème. Je regrette simplement que, depuis cinq ans, le Gouvernement, que je soutiens pourtant, n’ait pas eu le courage de l’aborder. Nous avons perdu du temps !

Je sais, monsieur le ministre, que les décisions viennent de plus haut. Sinon, vous auriez peut-être accepté mon amendement.

La campagne présidentielle va encore nous faire perdre six mois, mais ce sujet ressurgira à l’avenir.

Je retire donc cet amendement, qui visait à engager le débat.

Mme la présidente. L'amendement n° II-365 est retiré.

L'amendement n° II-391, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

607 985

607 985

Vie de l’élèveDont Titre 2

4 074 701

4 074 701

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

                   

17 635 713

                   

17 635 713

Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2

14 384 428

151 012

14 384 428

151 012

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

1 540 538

1 540 538

TOTAL

38 243 365

38 243 365

SOLDE

- 38 243 365

- 38 243 365

La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Cet amendement d’ajustement n’a aucune conséquence sur les moyens qui sont dévolus à l’éducation nationale. Il s’agit d’un simple transfert et d’un changement de périmètre.

Il concerne tout d’abord le transfert à la Nouvelle-Calédonie de plusieurs compétences en matière d’enseignement du second degré public et privé, d’enseignement primaire privé, de santé scolaire et de documentation pédagogiques, qui interviendra le 1er janvier prochain.

Ce transfert de crédits porte sur 38 092 353 euros, qui viendront majorer la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

La deuxième partie de l’amendement tire les conséquences budgétaires du transfert au STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, des services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, qui participaient à l’exercice des compétences transférées en 2009 en matière de plan de déplacements urbains, d’organisation et de fonctionnement des transports scolaires. Cela concerne une somme assez marginale au regard de la mission qui vous est proposée ce soir, puisqu’elle s’élève à 151 012 euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet de prendre en compte deux transferts. Le premier entraîne une minoration de crédits de 38,1 millions d’euros, le second une minoration de 151 012 euros.

Monsieur le ministre, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances comprennent le sens de cet amendement, qui prend en compte les transferts de compétences et de services du ministère de l’éducation nationale en application de dispositions législatives.

Un amendement « miroir », l’amendement n° II-374, a majoré en conséquence les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », mais pour des montants différents. Il porte en effet sur une somme de 41,3 millions d’euros pour la Nouvelle-Calédonie, et de 196 000 euros pour le STIF. Le Gouvernement peut-il nous expliquer si d’autres transferts de compétences et de crédits, depuis d’autres missions que la mission « Enseignement scolaire », concernent la Nouvelle-Calédonie et le STIF ?

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux estiment qu’il est regrettable que le présent amendement leur soit parvenu il y a quelques heures à peine,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis. Bien sûr, c’était prévu avant !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. … et qu’il n’ait pas été déposé en même temps que l’amendement n° II-374. Cela nous aurait permis de l’examiner plus en détail, en amont de la séance publique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure pour avis. Absolument !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Cela dit, dans la mesure où la commission des finances a proposé le rejet des crédits de la mission, elle ne peut pas être favorable à cet amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Je voudrais apporter deux précisions à la suite des propos tenus par le rapporteur spécial.

Tout d’abord, si cet amendement vous est parvenu tardivement, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que les discussions avec les représentants de Nouvelle-Calédonie étaient encore en cours il y a quelques jours. J’ai d’ailleurs reçu la semaine dernière la ministre chargée de l’éducation nationale sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. Nous avions à affiner les montants du transfert au 1er janvier.

Ensuite, je ne suis pas le ministre chargé des collectivités territoriales, mais je peux vous dire que le différentiel entre la majoration de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et la minoration du budget de la mission « Enseignement scolaire » trouve son explication dans le fait que la majoration dépasse le seul transfert depuis la mission « Enseignement scolaire », même si sa part en est la plus conséquente. Je ne peux pas vous donner le détail des montants émanant des autres ministères, mais, concernant celui dont j’ai la charge, la somme que j’ai évoquée tout à l’heure correspond bien à cette opération !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. Parmi la liste des crédits que vous nous proposez de minorer figure le programme « Vie de l’élève », qui subit une minoration de près de 4 millions d’euros. Les crédits transférés à la Nouvelle-Calédonie seraient affectés en dépenses de fonctionnement et d’intervention, notamment en matière de santé scolaire.

Nous trouvons que ce transfert n’est pas adapté à la situation réelle de la médecine scolaire en Nouvelle-Calédonie.

La convention entre l’État et la Nouvelle-Calédonie « relative à l’organisation d’un service unique de gestion », qui traite de la santé scolaire, couvre un champ d’action minimal calqué sur celui qui prévaut en métropole, dont nous avons déjà souligné les carences.

Elle ne prend pas en compte la spécificité des problèmes de santé auxquels sont confrontées les familles et l’institution scolaire en Nouvelle-Calédonie. Je pense en particulier au type d’habitat propre au territoire. Il est donc indispensable de pouvoir mettre en œuvre des programmes de formation spécifiques, notamment sur l’hygiène de base.

Les inégalités territoriales en matière d’accès à la santé y sont particulièrement criantes. Ainsi, la province Nord et les îles sont insuffisamment dotées en personnels médicaux. Dans certaines provinces, songez que le dépistage des caries dentaires au collège se fait par tirage au sort !

Monsieur le ministre, les 4 millions d’euros du programme « Vie de l’élève » affectés à la médecine scolaire en Nouvelle-Calédonie ne sont pas du luxe pour ce territoire, où la santé scolaire aurait eu besoin, comme dans bien d’autres régions d’ailleurs, d’un véritable plan de rattrapage.

Ne serait-ce que pour cette raison, nous nous opposons à l’amendement déposé par le Gouvernement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-391.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

J’ai été saisie, dans le délai limite, d’une demande d’explication de vote de la part de Mme François Férat.

Vous avez la parole, ma chère collègue.

Mme Françoise Férat. Au terme de la discussion de cette mission, permettez-moi de revenir sur quelques points concernant l’enseignement agricole. C’est un sujet, vous le savez, dont je ne me lasse pas.

Si celui-ci a connu une légère évolution de ses crédits, il paie néanmoins son écot à la RGPP, puisque 280 emplois sont encore supprimés. Il se devait de contribuer à l’effort mais, je veux le dire ici, les limites de l’exercice ont été atteintes. Aller au-delà freinerait son développement.

Je me félicite de la levée de la réserve de précaution demandée par le ministre de l’agriculture. Celle-ci est de nature à répondre à un certain nombre de contraintes. Nous devrons être particulièrement vigilants sur d’éventuels gels de crédits.

Les effectifs sont en légère hausse. Il nous faut veiller à ce que le budget soit cohérent et adapté aux effectifs.

Pardonnez-moi d’insister, les crédits doivent être à la hauteur des besoins des jeunes et des familles. Nous serons attentifs à l’exécution du budget 2012 et au suivi du montant des reports de charge, tout comme nous surveillerons la mise en œuvre prochaine du plan triennal, tant sur l’aspect budgétaire que sur la qualité du dialogue entre l’ensemble des acteurs de l’enseignement agricole.

Je le rappelle, l’enseignement agricole est bien complémentaire de l’éducation nationale. Je ne reviendrai pas sur la convention qui vient d’être signée, car vous l’avez rappelée, monsieur le ministre. C’est une convention que j’appelais de mes vœux depuis de nombreuses années.

Vous le savez, je suis personnellement attachée à toutes les composantes de l’enseignement agricole, qu’il soit public ou privé. Je veux ici rappeler la qualité de cet enseignement, en matière tant de réussite aux examens que d’insertion professionnelle.

Cet après-midi, au cours de la séance des questions au Gouvernement, le ministre de l’agriculture a rappelé les chiffres du commerce extérieur liés à l’agriculture : ils présentent un excédent commercial de plus de 7 milliards d’euros ! Derrière ces chiffres, nous percevons la valeur de ce que représente l’agroalimentaire dans notre pays : l’excellence de nos produits – permettez-moi d’évoquer la viticulture, je ne suis pas champenoise pour rien ! – l’importance de l’aménagement de notre espace rural, sans oublier la noble mission de nourrir les hommes.

Tout cela et bien d’autres choses encore, nous le devons à l’enseignement agricole, à ces hommes et ces femmes qui ont choisi un jour d’étudier dans un de ces établissements. Nous le devons à tous les acteurs de l’enseignement agricole, dont l’excellence n’est plus à démontrer.

En conclusion, permettez-moi de vous dire que nous devons faire preuve d’un optimisme prudent, mesuré et vigilant. À nous de regarder l’avenir de l’enseignement agricole avec lucidité, mais aussi avec une forte volonté de le préserver.

Dans cette perspective, le groupe UCR votera les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 51 septies et 51 octies et les amendements portant article additionnel qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Enseignement scolaire. »

Enseignement scolaire

Article 32 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 51 octies (nouveau)

Article 51 septies (nouveau)

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 351-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 351-3. – Lorsque la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles constate que la scolarisation d’un enfant dans une classe de l’enseignement public ou d’un établissement mentionné à l’article L. 442-1 du présent code requiert une aide individuelle dont elle détermine la quotité horaire, cette aide peut notamment être apportée par un assistant d’éducation recruté conformément aux modalités définies à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 916-1.

« Si cette scolarisation n’implique pas une aide individuelle mais que les besoins de l’élève justifient qu’il bénéficie d’une aide mutualisée, la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles en arrête le principe. Cette aide mutualisée est apportée par un assistant d’éducation recruté dans les conditions fixées au premier alinéa de l’article L. 916-1 du présent code. 

« Si l’aide nécessaire à l’élève handicapé ne comporte pas de soutien pédagogique, ces assistants d’éducation mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article peuvent être recrutés sans condition de diplôme.

« Les personnels en charge de l’aide à l’inclusion scolaire exercent leurs fonctions auprès des élèves pour lesquels une aide a été reconnue nécessaire par décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles. Leur contrat de travail précise le nom des écoles et des établissements scolaires au sein desquels ils sont susceptibles d’exercer leurs fonctions. 

« L’aide individuelle mentionnée au premier alinéa du présent article peut, après accord entre l’inspecteur d’académie et la famille de l’élève, lorsque la continuité de l’aide est nécessaire à l’élève en fonction de la nature particulière de son handicap, être assurée par une association ou un groupement d’associations ayant conclu une convention avec l’État.

« Les modalités d’application du présent article, notamment la désignation des personnes chargées de l’aide mentionnée aux deux premiers alinéas et la nature de l’aide, sont déterminées par décret. » ;

2° L’article L. 916-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Des assistants d’éducation peuvent être recrutés par les établissements d’enseignement mentionnés au chapitre II du titre Ier et au titre II du livre IV pour exercer des fonctions d’assistance à l’équipe éducative en lien avec le projet d’établissement, notamment pour l’encadrement et la surveillance des élèves. Lorsqu’ils sont recrutés pour l’aide à l’inclusion scolaire des élèves handicapés, y compris en dehors du temps scolaire, leur recrutement intervient après accord de l’inspecteur d’académie. Ils peuvent également être recrutés par les établissements mentionnés à l’article L. 442-1, après accord de l’inspecteur d’académie, pour exercer des fonctions d’aide à l’inclusion scolaire des élèves handicapés, y compris en dehors du temps scolaire. » ;

b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « accueil et à l’intégration scolaires » sont remplacés par les mots : « inclusion scolaire » ;

c) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « accueil et à l’intégration » sont remplacés par les mots : « inclusion scolaire » et la troisième occurrence du mot : « à » est remplacée par la référence : « au premier alinéa de ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 51 septies a été adopté à l’Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement. Il concerne les modalités de recrutement des assistants de scolarisation.

Je voudrais dire un mot sur ces assistants, nouvellement introduits dans le budget au programme 230, « Vie de l’élève », à l’action n° 3. Il est expliqué dans le programme annuel de performance qu’ils vont progressivement se substituer aux contrats aidés : 2 000 sont budgétés en 2012, mais 2 300 sont annoncés pour la rentrée 2012, sans que l’on sache s’il s’agit de 2 300 ou de 300 assistants supplémentaires !

Ces assistants de scolarisation seront recrutés sous statut d’assistant d’éducation, ou AED, et signeront des contrats de trois ans renouvelables une fois.

Vous apportez ainsi plusieurs modifications au code de l’éducation. Si les besoins d’un élève justifient qu’il bénéficie d’une aide non individuelle mais « mutualisée », alors l’assistant d’éducation est directement recruté par l’établissement concerné, après accord de l’inspecteur d’académie. Vous ouvrez également cette possibilité aux établissements privés sous contrat.

Cela signifie qu’ils seront payés sur les crédits du titre 6 et ne seront donc pas intégrés dans le plafond d’emploi. On ne progresse donc ni vers moins de précarité ni vers plus de transparence, du fait notamment des difficultés de vérification de l’utilisation des crédits du titre 6. Or on sait le sort réservé aux cagnottes, à l’image des crédits pédagogiques, qui ont été divisés par quatre cette année, «faute d’utilisation », nous avez-vous dit, monsieur le ministre…

De plus, je m’étonne que, dans la réécriture par le Gouvernement de l’article L.351-3 du code de l’éducation, ait disparu à l’alinéa 4, avant modification dudit article, la mention suivante : « Ces assistants d’éducation bénéficient d’une formation spécifique leur permettant de répondre aux besoins particuliers des élèves qui leur sont confiés. », alors que vous expliquez vouloir remplacer les contrats aidés par des professionnels mieux formés et plus qualifiés ! Or, si l’aide ne comporte pas de soutien pédagogique, ces assistants peuvent aussi être recrutés sans condition de diplôme.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc que vous clarifiiez cet élément et que vous nous indiquiez ce que pourrait contenir le décret qui doit déterminer les modalités d’application de cet article, notamment la désignation des personnes chargées de l’aide mutualisée, ainsi que la nature de celle-ci.

Ces observations étant faites, j’indique par avance que je me prononcerai en faveur de l’amendement présenté par la commission des finances.

Mme la présidente. L'amendement n° II-28, présenté par MM. Foucaud et Haut, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

II. - Le rapport prévu à l’article 121 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et à l’article 160 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est remis chaque année au plus tard le 30 juin.

La parole est à M. Claude Haut, rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. Cet amendement vise à compléter un article additionnel adopté par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement.

Sans contester, bien évidemment, la nécessité de soutenir l’insertion des personnes handicapées, Thierry Foucaud et moi-même souhaitons que le Gouvernement fasse enfin un bilan des mesures adoptées en matière de handicap à l’école. M. le ministre a évoqué ce point il y a quelques minutes.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, puis du projet de loi de finances pour 2011, le Parlement avait adopté un amendement tendant à la remise, chaque année, d’un rapport sur les conditions de scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés ; les incertitudes entourant les contrats aidés pour l’aide aux enfants handicapés soulèvent de nombreuses inquiétudes des parents, des enfants et des personnels éducatifs.

Il serait notamment souhaitable que la même personne puisse effectuer un suivi des enfants handicapés. Or, aujourd’hui, le recrutement sous statut précaire fragilise la situation professionnelle de la personne concernée.

C’est pourquoi nous demandons de nouveau qu’un rapport soit remis chaque année sur les conditions de scolarisation en milieu ordinaire des enfants handicapés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. J’ai rappelé tout à l’heure l’effort consenti par le ministère de l’éducation à destination des enfants handicapés.

L’article 51 septies, qui a été adopté par l’Assemblée nationale, prévoit de préciser dans le code de l’éducation les modalités d’action des 2 000 emplois d’assistants de scolarisation annoncés par le Président de la République au moment de la Conférence nationale du handicap. Les inspecteurs d’académie pourront recruter ces assistants d’éducation sur des missions d’aide mutualisée. Cela signifie qu’ils pourront être recrutés soit pour des missions individuelles spécifiques, soit pour des missions mutualisées.

La commission des finances du Sénat demande un rapport. Je note qu’une disposition similaire avait déjà été adoptée lors du projet de loi de finances pour 2011. Mes services fourniront à votre assemblée, dans les prochains jours, le rapport sur l’exercice 2010.

Je ne suis pas opposé sur le principe à cet amendement, même si la remise d’un rapport est déjà prévue dans la loi de finances pour 2011.

Le Gouvernement s’en remet donc, sur ce point, à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-28.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 51 septies, modifié.

(L'article 51 septies est adopté.)

Article 51 septies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Articles additionnels après l'article 51 octies (début)

Article 51 octies (nouveau)

Après l’article L. 914-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 914-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 914-1-1. – Les personnels enseignants et de documentation mentionnés à l’article L. 914-1 peuvent bénéficier d’avantages temporaires de retraite dès leur cessation d’activité. Ces avantages, dont la charge financière est intégralement supportée par l’État, sont destinés à permettre à ces personnels de cesser leur activité dans les mêmes conditions que les maîtres titulaires de l’enseignement public.

« L’ouverture des droits aux avantages temporaires de retraite est subordonnée au respect des conditions suivantes :

« 1° Les bénéficiaires doivent être titulaires d’un contrat définitif ou d’un agrément au moment où ils sollicitent leur admission au régime temporaire de retraite ;

« 2° Les bénéficiaires doivent justifier d’une durée de services en qualité de personnels enseignants et de documentation habilités par agrément ou par contrat à exercer leurs fonctions dans les établissements d’enseignement privés liés par contrat à l’État ou reconnus par celui-ci. Les services d’enseignement en tant que maître délégué, les services de direction et de formation exercés concomitamment à une activité d’enseignement, les périodes de formation ainsi que les périodes accomplies au titre du service national actif sont pris en compte dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Toutefois, la condition de durée de services n’est pas opposable aux bénéficiaires qui se trouvent dans l’incapacité permanente d’exercer leur fonction ;

« 3° Les bénéficiaires doivent satisfaire à l’une des conditions auxquelles est subordonnée la possibilité pour les maîtres titulaires de l’enseignement public de demander la liquidation de leur pension.

« Les avantages temporaires de retraite sont liquidés en ne prenant en compte que les services mentionnés au 2° du présent article, augmentés des majorations de durée d’assurance prévues aux articles L. 351-4, L. 351-4-1 et L. 351-5 du code de la sécurité sociale et des majorations pour enfants prévues par les régimes de retraite complémentaire mentionnés au livre IX du même code.

« Un coefficient de minoration ou de majoration est applicable aux avantages temporaires de retraite dans les mêmes conditions que pour les maîtres titulaires de l’enseignement public.

« Les avantages temporaires de retraite cessent d’être versés aux bénéficiaires auxquels aucun coefficient de minoration n’est applicable lorsqu’ils peuvent bénéficier d’une pension de vieillesse du régime général de sécurité sociale liquidée à taux plein. Ils cessent également d’être versés aux bénéficiaires auxquels un coefficient de minoration est applicable lorsqu’ils atteignent l’âge auquel le coefficient de minoration applicable à leur pension de vieillesse du régime général de sécurité sociale est le plus proche du coefficient de minoration qui était appliqué aux avantages temporaires de retraite.

« Les limites d’âge et les règles de cumul de pension de retraite et de rémunération des revenus d’activité applicables aux maîtres titulaires de l’enseignement public le sont également aux personnels enseignants et de documentation mentionnés à l’article L. 914-1 du présent code dans des conditions fixées par voie réglementaire.

« Les bénéficiaires des avantages temporaires de retraite ainsi que leurs ayants droit bénéficient des prestations en nature des assurances maladie et maternité du régime général de sécurité sociale.

« Les conditions dans lesquelles les maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat avec l’État en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française cessent leur activité et sont autorisés à cumuler les avantages temporaires de retraite institués par ces collectivités et les rémunérations servies directement ou indirectement par l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont fixées par voie réglementaire.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 51 octies.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je m’abstiens !

(L'article 51 octies est adopté.)

Article 51 octies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Articles additionnels après l'article 51 octies (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 51 octies

Mme la présidente. L'amendement n° II-29, présenté par MM. Foucaud et Haut, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 51 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 30 avril 2012, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport sur le nombre de maîtres auxiliaires, d’enseignants contractuels et de vacataires recrutés par le ministère de l’éducation nationale depuis le 31 décembre 2005, et détaillant la répartition de ces emplois par académie, leur incidence sur le plafond d’emplois du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, ainsi que le recours aux services d’agences publiques ou privées.

La parole est à M. Claude Haut, rapporteur spécial.

M. Claude Haut, rapporteur spécial. Selon le ministère de l’éducation nationale et comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, le nombre de professeurs contractuels a augmenté de 76 % entre le 31 décembre 2005 et le 31 décembre 2010, révélant un recours accru à des personnels non titulaires pour assurer les métiers du service public de l’enseignement.

Afin de mieux connaître la précarisation du métier d’enseignant en France, le présent amendement vise à prévoir la remise d’un rapport au Parlement avant le 30 avril 2012, qui préciserait le nombre de maîtres auxiliaires, d’enseignants contractuels et de vacataires recrutés par le ministère, et qui détaillerait la répartition de ces emplois par académie, leur incidence sur le plafond d’emplois, ainsi que le recours aux services d’agences publiques ou privées.

En effet, il est de plus en plus fréquent que le ministère de l’éducation nationale ait recours aux services de Pôle emploi pour recruter ces professeurs contractuels alors que, dans le même temps, il diminue le nombre de postes offerts aux concours, ce qui n’est pas acceptable.

Une meilleure information sur ces postes de contractuels éclairerait le Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je répondrai, comme je le fais régulièrement, en citant les chiffres exacts concernant les contractuels dans l’éducation nationale.

En 2002-2003, l’effectif des enseignants non titulaires était de 28 200 en moyenne sur l’année scolaire. En 2009-2010, il était de 22 700 enseignants, soit 5,6 % des moyens d’enseignement de l’éducation nationale.

Je vous rappelle que le recours à des personnels contractuels est indispensable dans certains domaines de l’éducation nationale : d’abord, pour remplacer les enseignants titulaires absents de manière plus souple et réactive que ne le permet le système de titulaires remplaçants ; ensuite, pour recruter des professeurs spécialisés, notamment dans les lycées professionnels.

Le Gouvernement a beaucoup agi pour les contractuels. Un protocole d’accord a été signé au mois de mars dernier sur la sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels de la fonction publique. Un projet de loi a été rédigé pour permettre l’accès à l’emploi titulaire et l’amélioration de l’emploi des agents contractuels. Par ailleurs, nous avons effectué un recensement : 13 000 personnes pourraient être concernées par le passage à un poste de titulaire. Ce chiffre est considérable. De réelles avancées sont donc enregistrées dans ce domaine.

Dans la mesure où je réponds régulièrement à des questions sur ce sujet, que ce soit dans le cadre d’auditions ou de questions au Gouvernement, je ne suis pas certain qu’un nouveau rapport soit nécessaire.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis. Lors de la présentation de mon rapport pour avis, j’ai souligné que la commission de la culture avait besoin de plus de transparence et de lisibilité en ce qui concerne la répartition de ces emplois et leur incidence par rapport au plafond d’emplois.

Le rapport demandé par la commission des finances va dans le sens voulu par la commission de la culture. Nous y sommes donc très favorables.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Il est bien tard ce soir pour débattre d’un budget aussi important.

Cela dit, je trouve éminemment paradoxal que l’on demande des rapports alors que l’on n’adopte pas les crédits de la mission concernée et que l’on est contre la politique voulue par le Gouvernement dans ce cadre.

Néanmoins, je salue l’initiative. Il est important que nous y voyions plus clair et que nous sachions ce que représentent ces postes sur le plan budgétaire.

Monsieur le ministre, vous avez fourni tout à l’heure des explications qui ont provoqué l’ire de la présidente de commission de la culture, car elle y a vu une mise en cause des enseignants. Étant ancien enseignant moi-même, je n’ai pas ressenti le rappel du coût d’un enseignant sur une année scolaire, voire sur la durée d’une vie professionnelle, comme une attaque. Ne souhaitons-nous pas tous que le personnel de l’éducation nationale soit très majoritairement employé en CDI ?

Nous avons besoin, plus particulièrement lors des débats budgétaires, de toutes les informations disponibles sur les sujets dont nous discutons. Les précisions demandées ici me semblent donc aller de soi. Néanmoins, compte tenu du paradoxe dont j’ai fait état précédemment, je m’abstiendrai.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-29.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 51 octies.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-117 rectifié bis est présenté par Mme Férat, M. Arthuis et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine.

L'amendement n° II-369 est présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Beaufils et Didier et M. Foucaud.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 51 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 30 avril 2012, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’enseignement agricole technique et supérieur détaillant l’évolution, depuis 2005, de la carte des formations, des effectifs d’élèves accueillis, des moyens financiers et en personnels, dans les établissements publics et dans les établissements privés.

La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l'amendement n° II-117 rectifié bis.

Mme Françoise Férat. Depuis la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, force est de constater, année après année, au cours des différentes auditions préparatoires à l’étude du budget, qu’il est difficile d’appréhender la situation réelle de l’enseignement agricole. Un rapport permettant une analyse spécifique serait nécessaire à cette fin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° II-369.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement, que je présente pour la deuxième année consécutive, vise à obtenir du Gouvernement la remise d’un rapport détaillant l’évolution, depuis 2005, dans l’enseignement agricole technique et supérieur, de la carte des formations, des effectifs d’élèves accueillis, des moyens financiers et en personnels, dans les établissements publics et privés.

À partir de 2005, les effectifs des personnels de l’enseignement technique public n’ont cessé de se réduire, quel que soit le corps considéré. Les ingénieurs deviennent de plus en plus minoritaires parmi les enseignants. Dans le même temps, la proportion d’enseignants non titulaires augmente.

Depuis plusieurs années, l’enseignement agricole est en état de choc. Arbitrages et pratiques budgétaires successifs ont instauré la pénurie, ainsi que j’ai pu le constater cette année, lors des déplacements en régions que j’ai faits avec le Comité permanent de défense et de développement de l’enseignement agricole public.

Voilà plusieurs exercices budgétaires que le Parlement a adopté des mesures d’urgence pour apporter des corrections, mesures dont nous ne retrouvons pas toujours la transcription en exécution budgétaire.

En 2012, nous assistons à une nouvelle saignée – elle est d’ailleurs inégalée – avec 280 suppressions de postes.

Les documents budgétaires dont nous disposons sont parcellaires, manquent de lisibilité et de transparence notamment dans la gestion du plafond d’emplois. Nous sommes donc privés d’une vision d’ensemble, sur le plan tant national que local, alors même que cet enseignement fait la preuve de son efficacité.

Je connais l’existence et les rapports de l’Observatoire national de l’enseignement agricole, l’ONEA. Monsieur le ministre, vous les aviez invoqués l’année dernière pour donner un avis défavorable à mon amendement.

Mais, depuis 2008, le rapport de l’ONEA est devenu thématique et ne comporte plus de panorama de l’enseignement agricole, qui est pris en charge par la direction générale de l’enseignement et de la recherche au sein du ministère de l’agriculture. Or le panorama produit aujourd’hui par la DGER est lacunaire.

Par exemple, sur la question de l’évolution des effectifs des personnels, il ne distingue plus le second degré du supérieur et nous prive ainsi d’éléments de comparaison dans le temps.

C’est pourquoi cette question des effectifs et de leur évolution, primordiale, figure dans le rapport que je demande.

Autre exemple, le panorama de la DGER offre peu de recul chiffré sur l’évolution des effectifs d’élèves et, surtout, il ne fait pas la distinction entre les élèves qui sont scolarisés dans le public et ceux qui le sont dans le privé.

Enfin, sur l’exécution budgétaire, l’information est insuffisante, l’épisode du moratoire sur les suppressions d’emploi, invisible dans le projet de loi de finances rectificative comme dans le projet de loi de finances de 2011, en est une preuve flagrante.

Aussi, dans un souci de transparence et de parfaite information des parlementaires comme de l’opinion publique, je demande que l’on adopte cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Ces deux amendements visent à demander un rapport, avant le 30 avril 2012, sur l’enseignement agricole public et privé, détaillant notamment la carte des formations et les moyens financiers et en personnels.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin avait déjà déposé cet amendement l’année dernière. Cette année, notre collègue Jean Arthuis a présenté un amendement qui, avant d’être rectifié, n’allait pas aussi loin que celui de Mme Gonthier-Maurin mais qui est maintenant strictement identique.

Je partage la position de Mme Gonthier-Maurin sur la situation de l’enseignement agricole, qui est particulièrement préoccupante, avec la suppression de 280 nouveaux postes à la rentrée 2012, dont 60 % dans l’enseignement public, qui n’accueille pourtant que 37 % des élèves scolarisés.

Hors titre 2, les crédits d’aide sociale, qui incluent les bourses d’étude, sont en baisse de 0,5 % par rapport à l’an dernier. Je n’évoquerai pas le nombre des élèves boursiers à cette heure avancée, mais un certain nombre d’éléments pourront utilement être transmis.

Enfin, les dépenses de fonctionnement et d’intervention sont pratiquement toutes en baisse de 2 % à 3 %.

Dans ce contexte, il est urgent de mieux connaître la situation actuelle en termes d’offres de formation, au regard de la répartition des moyens dont dispose l’enseignement technique agricole.

Tel est le sens des deux amendements qui nous sont proposés, auxquels la commission des finances a donné un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-117 rectifié bis et II-369.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 51 octies.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Articles additionnels après l'article 51 octies (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

10

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 2 décembre 2011 :

À dix heures cinq :

1. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).

Examen des missions :

- Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Provisions

Compte spécial : Gestion du patrimoine immobilier de l’État (+ articles 64 quater et 64 quinquies)

MM. Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 14) ;

Mme Jacqueline Gourault, rapporteure pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome X) ;

Mlle Sophie Joissains, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome XV).

- Engagements financiers de l’État

Compte spécial : Accords monétaires internationaux

Compte spécial : Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

Compte spécial : Participations financières de l’État

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 12) ;

M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 111, tome VIII).

- Régimes sociaux et de retraite

Compte spécial : Pensions (+ articles 65 et 66)

M. Francis Delattre, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 22) ;

Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome IV).

- Remboursements et dégrèvements

Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale (rapport n° 107, annexe n° 24).

À quatorze heures trente et le soir :

2. Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (n° 106, 2011-2012).

Examen des missions :

- Immigration, asile et intégration

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 15) ;

MM. Alain Néri et Raymond Couderc, rapporteurs pours avis de la commission des affaires étrangères et de la défense (avis n° 108, tome IX) ;

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome II) ;

Mme Corinne Bouchoux, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome XI).

- Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 48, 48 bis et 48 ter)

Compte spécial : Développement agricole et rural

MM. Yannick Botrel et Joël Bourdin, rapporteurs spéciaux (rapport n° 107, annexe n° 3) ;

MM. Gérard César, Mmes Odette Herviaux et Renée Nicoux, MM. Henri Tandonnet et Raymond Vall, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 111, tome I).

- Conseil et contrôle de l’État (+article 49 quater)

M. Charles Guené, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 6) ;

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome IV) ;

M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome VI).

- Pouvoirs publics

M. Jean-Paul Emorine, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 20) ;

M. Michel Delebarre, rapport pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome XVI).

- Direction de l’action du Gouvernement

Budget annexe : publications officielles et information administrative

M. Philippe Dominati, rapporteur spécial (rapport n° 107, annexe n° 9) ;

Mme Laurence Cohen, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 109, tome II) ;

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome V) ;

Mme Virginie Klès, rapporteur pour avis de la commission des lois (avis n° 112, tome XVII).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 2 décembre 2011, à une heure cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART