compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier du vendredi 18 novembre 2011, une décision du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 191-2011, n° 194-2011, n° 195-2011, n° 196-2011 et n° 197-2011 QPC).

Acte est donné de cette communication.

3

Question préalable (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Première partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
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Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (projet n° 106, rapport n° 107).

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A. – Autorisation de perception des impôts et produits

Première partie
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Article 2

Article 1er

I. – La perception des impôts, produits et revenus affectés à l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers habilités à les percevoir continue d’être effectuée pendant l’année 2012 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi.

II. – Sous réserve de dispositions contraires, la présente loi s’applique :

1° À l’impôt sur le revenu dû au titre de 2011 et des années suivantes ;

2° À l’impôt dû par les sociétés sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 ;

3° À compter du 1er janvier 2012 pour les autres dispositions fiscales.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

B. – Mesures fiscales

Article 1er
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Rappel au règlement (dans une discussion de texte de loi)

Article 2

I. – Le I de l’article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. L’impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 6 088 € le taux de :

« – 5,50 % pour la fraction supérieure à 6 088 € et inférieure ou égale à 12 146 € ;

« – 14 % pour la fraction supérieure à 12 146 € et inférieure ou égale à 26 975 € ;

« – 30 % pour la fraction supérieure à 26 975 € et inférieure ou égale à 72 317 € ;

« – 41 % pour la fraction supérieure à 72 317 €. » ;

2° Le 2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le montant : « 2 336 € » est remplacé par le montant : « 2 385 € » ;

b) À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, le montant : « 4 040 € » est remplacé par le montant : « 4 125 € » ;

c) À la fin du troisième alinéa, le montant : « 897 € » est remplacé par le montant : « 916 € » ;

d) Au dernier alinéa, le montant : « 661 € » est remplacé par le montant : « 675 € » ;

3° Au 4, le montant : « 439 € » est remplacé par le montant : « 448 € ».

II. – À la première phrase du second alinéa de l’article 196 B du même code, le montant : « 5 698 € » est remplacé par le montant : « 5 817 € ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure générale,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Rien que des femmes, cela change !

Mme Marie-France Beaufils. … mes chers collègues, l’article 2 du projet de loi de finances pour 2012 porte, comme d’habitude, sur le barème de l’impôt progressif sur le revenu.

Je ne ferai pas de longs développements sur notre conception générale de la fiscalité et la place que doit y trouver l’impôt sur le revenu, présumé le plus juste de nos impôts puisqu’il tient compte du revenu des assujettis. Nous avons souvent regretté qu’il n’occupe pas une place plus importante dans l’architecture de nos prélèvements obligatoires. En fait, c’est une véritable réhabilitation de l’impôt que nous entendons exprimer et une vraie progressivité que nous voulons mettre en œuvre,…

M. Roger Karoutchi. À 72 %, c’est de la progressivité !

Mme Marie-France Beaufils. … afin de mieux faire vivre le principe selon lequel chacun doit contribuer, en fonction de ses capacités, à l’intérêt général.

Nous souhaitons donc rendre toute sa place à l’impôt sur le revenu et en accroître le rendement, et cela pour une raison simple : il est temps d’imprimer à notre droit fiscal une évolution majeure, en abandonnant les vieilles formules de taxation indirecte de la consommation qui pénalisent les ménages les plus modestes et en rendant à l’impôt direct républicain toutes ses vertus.

Depuis dix ans, la majorité gouvernementale soutient, sans avoir toujours mesuré l’ampleur des conséquences, une politique qui a conduit au doublement de la dette publique, au creusement des déficits, à l’atonie de la croissance.

Si nous tirons quelques leçons de cette gestion, c’est d'abord que le taux de nos prélèvements obligatoires n’a jamais été aussi élevé, à plus de 44 %. Vous vous souvenez peut-être des déclarations d’un ancien Président de la République, selon lesquelles au-dessus de 40 % de prélèvements on était dans une société socialiste ! Ce n’est pourtant pas le cas, me semble-t-il…

M. Roger Karoutchi. Cela dépend !

Mme Marie-France Beaufils. En dix ans, le nombre de chômeurs de catégorie 1 est passé de près de 2 millions à 3 millions !

Le bilan du quinquennat, nous le connaissons : une croissance faible en 2007, une surchauffe financière et une récession en 2008 ; à peine relancée, la machine se fatigue à nouveau et le commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires évalue à 0,6 % le taux de croissance de notre PIB en 2012, même si Mme la ministre annonçait hier un taux de 1 %.

Tous les paris économiques tentés par la majorité de droite depuis dix ans ont échoué à résoudre les problèmes que subissent nos compatriotes : la stagnation des salaires et du pouvoir d’achat, la désindustrialisation, la précarisation du travail, les difficultés d’intégration des jeunes dans l’entreprise, rien n’a été résolu !

Par contre, il est vrai que les personnes dont les revenus sont les plus élevés ont vu baisser leurs impôts, que les entreprises ont gagné de nouvelles niches fiscales et la suppression de la taxe professionnelle, que les patrimoines les plus importants sont de plus en plus épargnés.

Du côté de la baisse de la pression fiscale sur les plus riches, les objectifs auront été atteints ! Quant aux grands groupes, ils ont engrangé de très bons résultats et amélioré leur rentabilité.

Cet argent n’a pas fait le bonheur de la grande majorité des habitants de notre pays. Nous voulons donc mieux traiter cette population, comme l’avait souhaité le Président de la République dans l’une de ses déclarations, en faisant en sorte que cet impôt progressif soit plus efficace.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.

M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour réduire la dette et améliorer l’équilibre budgétaire de la France, la solution est simple : si je compare ce problème à celui posé par le remplissage d’une baignoire, il faut à la fois réduire l’écoulement de l’eau et ouvrir plus grand le robinet.

Or je regrette que le Gouvernement et le Président de la République essaient uniquement de réduire les dépenses, alors que la gravité de la situation commande d’augmenter aussi les recettes.

Il serait donc tout à fait opportun de créer une ou plusieurs tranches d’impôt sur les très hauts revenus. Dans le système actuel, en effet, les gens les plus favorisés peuvent tout de même faire un effort.

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-36, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« – 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 € et inférieure ou égale à 100 000 € ;

« – 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 € et inférieure ou égale à 250 000 € ;

« – 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 € et inférieure ou égale à 500 000 € ;

« – 47,5 % pour la fraction supérieure à 500 000 €. » ;

La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Le redressement des finances publiques passe à la fois par des économies budgétaires et par un effort fiscal supplémentaire, chacun contribuant alors dans la juste proportion de ses moyens. Nous devons donc accepter le principe de cet effort fiscal et, plus encore, celui d’une réelle équité dans sa répartition ; cela passe par un signal fort pour plus de justice fiscale.

Actuellement, la tranche d’impôt sur le revenu la plus élevée est de 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros par part. Dans un souci de solidarité nationale, le présent amendement vise à créer trois nouvelles tranches d’imposition sur le revenu aux taux de 42,5 %, 45 % et 47,5 %, afin de mettre plus fortement à contribution les très hauts revenus.

Mme la présidente. L'amendement n° I-40, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

1° Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et inférieure à 100 000 €

2° Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« – 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 € ;

« – 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 € ; »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement a pour objet de poser de nouveau la question des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu et de revenir sur le rendement même de cet impôt.

L’impôt sur le revenu est, au fond, assez mal défini. L’un de ses défauts essentiels réside dans son assiette, par trop réduite, notamment au regard de la contribution sociale généralisée, qui s’apparente de plus en plus à un impôt sur le revenu minimal.

Cette étroitesse de l’assiette de l’impôt relativise toujours le débat que nous avons sur les taux d’imposition des tranches du barème. À nos yeux, la question du taux marginal est donc importante, sans être nécessairement déterminante.

Il ne s’agit pas pour nous d’un dogme immuable de notre système fiscal, d’un signe fort qu’il conviendrait de préserver coûte que coûte : c’est tout simplement une nécessité.

Nous nous attachons depuis de longues années à défendre et à illustrer le principe constitutionnel en vertu duquel chacun contribue à la charge publique à proportion de ses facultés.

Je ne citerai pas ici les termes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais les conditions sont peut-être réunies, dans notre assemblée, pour leur donner un relief particulier. Il est bon aussi que l’opinion publique puisse entendre les propositions que nous sommes en mesure de porter.

La défense et l’illustration de ce principe passent, à notre sens, par un double mouvement de renforcement de la progressivité de l’impôt par le biais du barème et de rééquilibrage du traitement de la matière fiscale pour chacune des catégories de revenu. Cet amendement vise à favoriser le premier terme de ce mouvement, en affirmant plus clairement la progressivité du barème.

C’est aussi pour des raisons évidentes de rendement de l’impôt que nous avons déposé cet amendement. Si l’on s’en tient aux seuls contribuables dont le revenu excède 100 000 euros, cette mesure est susceptible de rapporter 7 à 10 milliards d’euros de recettes.

Autant de recettes qui permettraient de prendre en charge les dépenses utiles, de réduire les déficits et, donc, dans les années à venir, de diminuer les impôts de tout le monde et d’éviter à la France les travers de l’austérité durable !

Mme la présidente. L'amendement n° I-170, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et inférieure à 100 000 € ;

II. - Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - 46 % pour la fraction supérieure à 100 000 €.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-80 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou, Jarlier et Delahaye, Mme Dini, MM. Amoudry, Merceron, Dubois, Deneux et J. Boyer, Mme Gourault, M. Détraigne, Mmes Férat et N. Goulet et MM. Tandonnet, Capo-Canellas, Namy, Roche, Lasserre et Maurey, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et inférieure ou égale à 150 000 euros

II. – Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« – 45 % pour la fraction supérieure à 150 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ;

« – 50 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-111, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et inférieure à 100 000 euros ;

II. – En conséquence, après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« - 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros. » ;

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement est, à nos yeux, essentiel. En période de crise, dans un contexte budgétaire marqué par la raréfaction de l’argent public et la régression de la solidarité, il importe de donner un signal fort à nos concitoyens à travers l’impôt sur le revenu.

Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à considérer que le système social français est moins redistributif qu’il y a vingt ans. Une étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, le 16 novembre dernier vient de l’établir.

Depuis 1990, le système est moins redistributif. En particulier, la redistribution qui était assise sur l’impôt sur le revenu s’effectue dans des conditions nettement moins favorables.

Ces éléments ont été confirmés dans une étude récente menée par trois économistes de renom, à savoir Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez, dans un ouvrage bien connu publié il y a quelques mois.

Cet ouvrage montre comment les systèmes fiscaux très progressifs mis en place aux États-Unis et en Europe dans les années soixante ont été peu à peu démantelés via la baisse du taux maximal de l’impôt sur le revenu.

Mes chers collègues, c’est dans ce contexte de déperdition manifeste des effets redistributifs de l’impôt sur le revenu que nous vous proposons aujourd'hui cet amendement.

Bien sûr, le Gouvernement prévoit une taxation provisoire de 3 % des revenus à partir de 500 000 euros par part pour les contribuables célibataires et à partir d’un million d’euros pour les contribuables soumis à imposition commune, mais cette taxation est selon nous bien faible. Notre système fiscal demeure injuste, les contribuables aisés payant moins d’impôts, proportionnellement à leurs revenus, que les Français moyens et modestes.

Nous souhaitons donc rétablir une forme d’équilibre, réintroduire davantage de progressivité, restaurer la confiance de nos concitoyens dans l’impôt et, bien sûr, parvenir à l’équilibre des comptes publics, madame la ministre, car c’est là une préoccupation que nous partageons tous.

Dans cette période particulièrement troublée, nous devons aujourd'hui en France, comme l’ont fait les Allemands en instaurant une tranche à 45 %, comme l’ont fait les Britanniques en créant une tranche à 50 %, envoyer le signal que la fiscalité sur les revenus doit être plus importante pour les revenus les plus élevés.

Tel est dont l’objet de l’amendement n° I-111, qui tend à créer une tranche supplémentaire à 45 % pour la fraction de chaque part de revenu qui excède 100 000 euros.

Si elle était adoptée, cette disposition constituerait la première étape d’une réforme bien plus vaste, que nous pourrions envisager pour la suite, de la fiscalité des revenus. Toutefois, dès aujourd'hui, je le répète, ce serait là envoyer un signal très fort à nos concitoyens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-36, I-40 et I-111 ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je rappelle, pour la clarté de nos débats, que l’amendement n° I-36 de M. Masson vise à créer une tranche à 41 % pour la fraction supérieure à 70 830 euros et inférieure ou égale à 100 000 euros ; à 42,5 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et inférieure ou égale à 250 000 euros, à 45 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros et inférieure ou égale à 500 000 euros ; à 47,5 % pour la fraction supérieure à 500 000 euros.

L’amendement n° I-40 du groupe CRC a pour objet de créer deux tranches supplémentaires : une tranche à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros et une autre à 50 % pour la fraction supérieure à 250 000 euros.

L’amendement n° I-111 du groupe socialiste tend à créer une tranche à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros.

François Marc a montré, une fois de plus, que l’impôt sur le revenu avait perdu en progressivité, notamment depuis la réforme de 2006 et le passage de sept à cinq tranches d’imposition. Cet impôt est même devenu dégressif pour les contribuables très aisés, car le taux net d’imposition décroît après le dernier centile de la distribution.

Je rappelle qu’il n’est pas le seul impôt sur le revenu. La CSG, la contribution sociale généralisée, dont l’assiette est plus large et qui est un impôt proportionnel, a un rendement de 88,7 milliards d’euros pour 2012, contre 58,4 milliards d’euros pour l’impôt sur le revenu.

Je précise, afin que nous ayons une vision globale de la fiscalité des personnes physiques, que le Gouvernement crée à l’article 3 un troisième impôt sur le revenu applicable aux seuls contribuables dont les revenus excèdent 250 000 euros et dont l’assiette, comme le barème, est encore différente.

Je tire deux enseignements de cet état des lieux. Le premier, c’est qu’il serait peut-être plus clair et plus lisible de regrouper tous ces dispositifs en un seul. Le second, c’est que, à droit constant, et en l’absence de réforme globale de la fiscalité des personnes physiques, à laquelle certains ici sont très attachés, il faut rétablir de la progressivité dans le dispositif. À cet effet, il faut à la fois réduire les niches fiscales et « reprofiler » le barème.

Quelles conséquences opérationnelles allons-nous en tirer ?

Mes chers collègues, nous n’allons pas aujourd'hui refonder l’impôt sur le revenu des personnes physiques, car nous n’en avons ni les moyens ni le temps. Cela étant, il faudra bien le faire un jour. Pour l’heure, nous allons adopter des amendements qui visent à éclairer l’avenir et à faire sens pour le présent.

L’amendement n° I-111 du groupe socialiste tend à créer une seule tranche supplémentaire, à un taux d’imposition correct – fixé à 45 % – pour la fraction supérieure à 100 000 euros. Si je commence par évoquer cet amendement, c’est parce qu’il me semble être le plus rationnel.

Si nous créions deux tranches supplémentaires, comme nous le propose le groupe CRC, nous devrions, par souci de cohérence, supprimer l’article 3 du projet de loi de finances. En effet, le produit du nouvel impôt crée par le Gouvernement à l’article 3 est sensiblement équivalent à celui de l’une des tranches que souhaite instaurer le groupe CRC. Pour ma part, je préfère que nous conservions l’article 3.

Je rappelle que dans la version initiale du texte, telle qu’elle a été transmise par l’Assemblée nationale, ce nouvel impôt était d’une durée limitée. Il était en effet prévu que cette surtaxation – il s’agit en fait d’une nouvelle modification du barème – disparaisse dès le retour à l’équilibre de nos finances publiques. La commission des finances du Sénat l’a pérennisée. Telle est la raison pour laquelle je préfère que nous conservions l’article 3.

J’ajoute, Madame la ministre, qu’il est assez intéressant qu’un gouvernement de droite, car vous l’assumez comme tel, propose un impôt sur le revenu à l’assiette large,…

Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Eh oui !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … plus large en tout cas, et qui taxe selon un même barème progressif les revenus du travail et les revenus du capital. Puisque vous vous rangez aux propositions que formule le groupe socialiste depuis des années, il faut le faire sur l’ensemble des impositions sur le revenu ! Nous y reviendrons.

Je souhaite que le Sénat se rallie à l’amendement n° I-111 du groupe socialiste. Je le dis notamment à nos collègues du groupe CRC. Vous avez votre cohérence, mes chers collègues, je ne la nie pas – vous avez d’ailleurs déposé un amendement de suppression de l’article 3. Toutefois, il me semble nécessaire, je le répète, de conserver le nouvel impôt créé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale. On engrange ! Ce nouvel impôt repose sur des bases proches des nôtres. Il faut instaurer une tranche supplémentaire à 45 %, car créer deux tranches, ce serait aller vers des eaux tout de même assez fortes pour les contribuables.

J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° I-36 de M. Masson.

Enfin, madame la présidente, je demande le vote par priorité de l’amendement n° I-111.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La priorité est de droit.

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 % pour la fraction supérieure à 100 000 euros, comme tend à le prévoir l’amendement auquel Mme la rapporteure générale demande à l’hémicycle de se rallier.

Nous sommes contre cette proposition, comme nous sommes opposés à toutes les créations de tranches supérieures. En effet, si l’objectif aujourd'hui est que ceux qui ont le plus contribuent davantage à la solidarité, il faut frapper les ménages qui sont véritablement les plus aisés. De ce point de vue, la contribution de solidarité à la réduction des déficits que propose le Gouvernement à l’article 3 est un outil beaucoup plus puissant et bien plus efficace. (M. François Marc manifeste son scepticisme.)

Je vais vous expliquer pourquoi, monsieur Marc. C’est très simple : le dispositif du Gouvernement permet un rendement de 400 millions d’euros pour 20 000 foyers. La mesure que propose le groupe socialiste aurait un rendement de 500 millions d’euros pour 300 000 foyers. Vous voyez bien que vous ne touchez pas les mêmes personnes.

Pour notre part, nous considérons que l’assiette doit être très large et inclure à la fois les revenus des personnes physiques et ceux du patrimoine. En effet, les revenus des personnes véritablement aisées sont non pas des revenus d’activité ou de retraite, mais des revenus du patrimoine. C’est à partir de 250 000 euros par part – ce seuil nous semble pertinent – que la bascule s’opère : c’est alors davantage grâce à son patrimoine qu’à ses revenus d’activité que l’on est riche.

Le seuil que nous proposons nous paraît adapté à la taxation des ménages véritablement aisés. La contribution de solidarité à la réduction des déficits, je le rappelle, va progressivement faire passer le taux de fiscalité de l’impôt sur le revenu de 41 % à 45 %.

Si l’on prend en compte l’ensemble des mesures annoncées par le Premier ministre, le taux de fiscalité des revenus du patrimoine sera, pour la première fois dans notre pays, le même que celui des revenus du travail. Nous aurons autant mis à contribution les revenus du patrimoine que ceux du travail.

J’ajoute que si l’on met en parallèle la situation de la France et celle de l’Allemagne – une comparaison à laquelle on procède beaucoup sur ces travées –, on constate que les revenus du patrimoine en France sont taxés 15 % de plus qu’en Allemagne. C’est cela l’équité ! Cette solidarité est nécessaire à la réduction de nos déficits.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos I-36, I-40 et I-111.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.