Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont des supputations ! Si c’est illégal, il peut y avoir des contrôles !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Sans doute peut-il y avoir des contrôles, madame la ministre, mais c’est un fait que les volumes d’heures supplémentaires déclarés sont en complet décalage avec le cycle économique.

Pour reprendre l’exemple déjà cité, lorsqu’on considère la période allant du deuxième trimestre de l’année 2007 au deuxième trimestre de l’année 2008, on observe une augmentation de 35 % des heures supplémentaires alors que, dans le même temps, la croissance a considérablement ralenti… Il y a tout de même quelque chose qui cloche !

Même si elle est difficile à quantifier, il y a très probablement une sur-déclaration massive des heures supplémentaires, correspondant à un effet d’aubaine.

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’explication peut très bien être inverse : les heures supplémentaires étaient auparavant sous-déclarées !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Un second constat est maintenant solidement établi : le coût de cette mesure – 5 milliards d’euros par an, si l’on tient compte de toutes les exonérations fiscales et sociales – est supérieur au supplément de richesses qu’elle permet de créer, environ 3 milliards d’euros.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. D’où tenez-vous ce chiffre ?

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Autrement dit, la puissance publique se prive de 5 milliards d’euros de recettes pour un surcroît de richesses de seulement 3 milliards d’euros… Reconnaissez que c’est une aberration !

Sans compter que ces heures supplémentaires ne correspondent à aucun emploi supplémentaire, alors que l’on aurait pu penser que 3 milliards d’euros supplémentaires de richesses permettraient la création de quelques milliers d’emplois.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Au total, ce mécanisme est d’une perversité absolument diabolique : il coûte beaucoup plus cher qu’il ne rapporte, sans créer le moindre emploi, et ce alors que les déficits se creusent de manière considérable et que la dette s’accumule !

Le dispositif mis en place par la loi TEPA ne fonctionne pas ; vous avez fini par en prendre conscience, d’ailleurs sans doute plus pour des raisons politiques que par souci d’efficacité…

Vous avez aussi compris la nécessité de remettre en cause la baisse de la TVA dans la restauration.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n’est pas la loi TEPA !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Peut-être, mais il reste que le Gouvernement est revenu en arrière sur deux mesures qui étaient des pièces cardinales de sa politique, y compris sur le plan des valeurs – vous-même l’avez dit, madame la ministre.

Reconnaissez que la défiscalisation des heures supplémentaires coûte plus aux finances de l’État et aux finances sociales qu’elle ne produit de richesses supplémentaires.

Il est absolument incompréhensible de maintenir un dispositif aussi pervers !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. La vigueur de vos propos, monsieur Caffet, m’oblige à reprendre la parole pour vous dire que je ne valide pas vos calculs ; les miens sont radicalement inverses.

Selon vous, les heures supplémentaires seraient sur-déclarées. Prouvez-le !

Le rapport de l’Assemblée nationale que vous venez de citer contredit votre analyse. Il montre que les heures supplémentaires étaient auparavant sous-déclarées. Parce qu’elles étaient fiscalisées et soumises à cotisations sociales, on ne les payait pas !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. On les payait, au noir !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous préférez qu’elles soient payées au noir, madame la présidente ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ne dites pas qu’elles n’étaient pas payées !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Comment savez-vous qu’elles étaient payées, puisqu’elles n’étaient pas déclarées ? Aujourd’hui, les heures supplémentaires sont payées : il me semble que c’est plutôt un progrès !

Pour M. Caffet, il faudrait supprimer la défiscalisation parce qu’elle coûte cher et que nous avons des déficits.

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Elle coûte plus qu’elle ne rapporte !

Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est faux !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Le Conseil des prélèvements obligatoires le dit !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Voyons, ce n’est pas possible ! Les charges sont forcément inférieures à la valeur du travail sur lequel elles sont assises… Sans cela, il faudrait réformer toute de suite notre système de cotisations sociales !

Comprenez-bien l’état d’esprit du Gouvernement : à chaque plan anti-déficit, il est soucieux d’éviter les mesures qui pourraient avoir un effet récessionniste. Or toutes les mesures qui touchent le pouvoir d’achat ont un effet récessionniste. Les mesures prises doivent affecter le moins possible le pouvoir d’achat, et la croissance ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Alain Néri apostrophe Mme la ministre.)

Monsieur Néri, je vous en prie, votre voix couvre la mienne, ce n’est pas très élégant.

Stimuler la croissance suppose de permettre aux TPE et PME, que nous avons voulu systématiquement épargner parce que ce sont elles qui créent des emplois, de recourir à des heures supplémentaires défiscalisées – c’est une souplesse qu’elles nous ont demandée.

C’est pourquoi nous avons choisi de maintenir cette mesure. La supprimer conduirait à une diminution de la croissance et du pouvoir d’achat et placerait un certain nombre de TPE et de PME dans des situations extrêmement difficiles. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Vous pouvez penser l’inverse, mesdames, messieurs les sénateurs, mais sachez que les observateurs de l’économie française nous ont demandé, lors de la préparation du plan que le Premier ministre a présenté lundi dernier, de faire des économies dans nos dépenses, de ne pas dépenser plus de richesses que nous en créons.

Or, depuis une journée que nous débattons, je n’ai jamais entendu prononcer le mot « économies » sur les travées de la gauche… Taxes, taxes, taxes : vous n’avez parlé que de taxes ! Encore et toujours des taxes ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est vrai, vous ne faites aucune proposition !

M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Nous demandons seulement un retour à la normale !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Je regrette que ce débat très important se déroule à une heure aussi tardive. Il aurait mérité mieux…

Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous sommes nombreux !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Nous sommes en effet nombreux, ce qui prouve l’intérêt de notre discussion et de ces amendements, madame la ministre !

Je partage totalement les points de vue exprimés par les différents orateurs de la majorité sénatoriale ; j’ai trouvé leurs interventions très éclairantes.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Déjà sénatrice en 2007, je m’étais élevée contre la loi TEPA, notamment contre les exonérations de charges sur les heures supplémentaires.

Aujourd’hui, je souscris à l’ensemble des arguments qui ont été développés. Quant aux pièces à conviction versées au débat par M. le rapporteur général, elles ont montré le peu d’intérêt de la disposition de la loi TEPA dont nous discutons.

À cette heure tardive, bien que ne voulant pas être trop longue, je ne peux cependant pas, madame la ministre, laisser sans réponse certains de vos propos.

Selon vous, les 35 heures auraient finalement tout bridé, tout bloqué. C’est oublier que la loi TEPA a permis à certaines entreprises de geler les salaires. Où est donc l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés qui devait découler de cette loi ? À l’heure actuelle, je vous l’assure, nombre de salariés percevant le SMIC et n’ayant pas la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires n’ont enregistré aucune hausse de leur pouvoir d’achat, contrairement à ce que vous avez dit voilà quelques instants en décrivant les bienfaits de la loi TEPA.

Et que dire de l’annualisation ? Vous avez soutenu que, dans d’autres pays, le temps de travail pouvait être bien supérieur à celui qui est autorisé en France. Je vous rappelle que les salariés français peuvent travailler 45 heures par semaine, voire davantage. Et des directives voudraient nous faire aller encore plus loin. Or, dans le cadre de l’annualisation du temps de travail, les heures supplémentaires ne sont pas prises en compte.

Vous ne pouvez donc pas soutenir que les 35 heures ont, en quelque sorte, bloqué le travail en France.

Vous avez aussi oublié de nous parler des exonérations sur les bas salaires de la loi Fillon de 2003, bien antérieures à celles que contient la loi TEPA !

Comme vous le constatez, la politique d’exonérations a fait la preuve non pas de son efficacité – autrement, cela se saurait et la courbe du chômage serait bien différente de celle qui est enregistrée à l’heure actuelle –, mais bien, malheureusement, de son inefficacité à l’égard des comptes sociaux.

Je soutiens bien évidemment les deux amendements identiques présentés au nom, l’un, de la commission des affaires sociales, l’autre, de la commission des finances et qui tendent à supprimer l’article 1er de la loi TEPA.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 136 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 10 quater.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 29 :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l’adoption 175
Contre 140

Le Sénat a adopté. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 quater.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels après l'article 10 quater (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2012
Discussion générale

4

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 9 novembre 2011 :

À quinze heures :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012 (n° 73, 2011-2012).

Rapport de MM. Yves Daudigny, Ronan Kerdraon, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès, M. Jean-Pierre Godefroy, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 74, 2011-2012).

Avis de M. Jean-Pierre Caffet fait au nom de la commission des finances (n° 78 2011-2012).

À dix-huit heures :

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur le G20.

Le soir et la nuit :

3. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 9 novembre 2011, à une heure cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART