compte rendu intégral

Présidence de M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. François Fortassin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 143 de la loi n° 2010–1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, le rapport sur les conséquences de la prise en charge par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger des contributions employeur pour pensions civiles des personnels titulaires de l’État qui lui sont détachés.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Il est disponible au bureau de la distribution.

3

Article 5 (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article 5 (nouveau)

Délégués des établissements publics de coopération intercommunale

Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 793 [2010–2011], texte de la commission n° 68, rapport n° 67).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 5, dont je rappelle les termes :

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article additionnel après l'article 5

Article 5 (nouveau) (suite)

L’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – Le projet de schéma est élaboré en collaboration par la commission départementale de la coopération intercommunale et le représentant de l’État dans le département.

« Pour son élaboration, le représentant de l’État dans le département présente à la commission son analyse de la situation et ses recommandations pour atteindre les objectifs fixés au II.

« La commission recueille l’avis des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants et des maires des communes qui y sont incluses, dans le délai de deux mois à compter de leur saisine ; elle entend, sur leur demande, les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission départementale de la coopération intercommunale adopte le projet de schéma à la majorité de ses membres.

« Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement.

« Le projet est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable.

« Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, la commission départementale de la coopération intercommunale saisit pour avis conforme la commission départementale de la coopération intercommunale du ou des autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. À défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. Les modifications du schéma résultant, le cas échéant, de ces avis sont intégrées au projet préalablement à la consultation prévue à l’alinéa précédent. » ;

2° Après le IV, sont insérés un IV bis et un IV ter ainsi rédigés :

« IV bis. – À l’issue des consultations, la commission départementale de la coopération intercommunale adopte, dans le délai d’un mois, à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés, une proposition finale de schéma départemental qui fixe la liste des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, pour chacun d’entre eux, énumère les communes incluses dans chaque projet de périmètre, définit la catégorie dont il relève et en détermine le siège. À défaut, la proposition finale est établie par le représentant de l’État dans le département.

« La proposition finale indique en outre les modifications pouvant en résulter pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes par application des articles L. 5211-18, L. 5212-27 et L. 5212-33.

« Elle est notifiée au maire de chaque commune concernée afin de recueillir l’accord du conseil municipal. Pour chaque établissement public, cet accord doit être exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes incluses dans le périmètre proposé représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. À défaut de délibération d’un conseil municipal dans le délai de trois mois à compter de la notification, l’accord est réputé donné. La consultation prévue au présent alinéa n’est pas organisée lorsque la proposition finale conserve le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre existant.

« L’accord donné dans les conditions prévues à l’alinéa précédent entraîne dans les périmètres concernés l’adoption définitive du schéma.

« Lorsqu’une proposition de périmètre issue de la proposition finale n’a pas recueilli la condition de majorité prévue au troisième alinéa du présent IV bis, la commission départementale de la coopération intercommunale entend les maires des communes, les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission statue à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés sur la constitution des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre couvrant les aires géographiques dans lesquelles l’accord des communes concernées n’a pas été recueilli. Pour chaque établissement, elle fixe la liste des communes incluses dans le périmètre, définit la catégorie dont il relève et détermine son siège.

« À défaut d’adoption par la commission départementale de coopération intercommunale dans le délai de deux mois suivant l’achèvement de la procédure de consultation sur la proposition finale, le schéma définitif est arrêté par le représentant de l’État dans le département.

« Le schéma fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département.

« Il est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux.

« L’arrêté emporte retrait des communes incluses dans le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres.

« IV ter. – Le schéma peut être révisé selon la même procédure pendant l’année qui suit celle du prochain renouvellement général des conseils municipaux. »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, mon intervention, si je puis dire, aura valeur de rappel au règlement.

Nous reprenons en cet instant une discussion entamée mercredi après-midi. Cette discussion n’ayant pu être achevée dans le délai de quatre heures habituellement consacré à l’espace réservé aux groupes, elle a bénéficié la nuit dernière, entre une heure et quatre heures, d’une « rallonge ».

Monsieur le président, ces conditions de travail sont inadmissibles. Cela étant, elles étaient tout à fait prévisibles, puisque le groupe majoritaire du Sénat, ainsi que je l’ai entendu dans le cabinet de départ, a évoqué une séance nocturne dès mercredi à quatorze heures trente, cependant que le président de séance n’a jugé opportun d’en parler qu’à dix-huit heures, ce même jour.

Pourquoi avoir tant attendu pour annoncer une décision qui, apparemment, avait déjà été prise ?

À notre demande, la conférence des présidents avait décidé que la séance publique reprendrait ce matin, avant de se poursuivre cet après-midi. Mais que s’est-t-il passé cette nuit ? Nous avons prolongé les débats sans même les achever ! Vous avez poussé au maximum, pour aboutir à un échec : la proposition de loi n’est toujours pas adoptée !

À deux heures du matin, j’ai interpellé le président de séance pour lui signaler que, vraisemblablement, la proposition de loi ne pourrait pas être adoptée à quatre heures. Malheureusement, la suite m’a donné raison.

Il est assez scandaleux que, au moment où s’ouvre une nouvelle session, alors qu’un nouveau président vient d’être élu, les semaines sénatoriales d’initiative se déroulent ainsi. Il s’agit d’un temps créé pour la concertation, et non pas destiné à permettre le passage en force de textes au service d’intérêts particuliers ou de ceux d’un groupe politique.

Et pourtant, que faites-vous de ce débat, mes chers collègues de la majorité sénatoriale ? Une simple tribune politicienne à l’approche du congrès des maires de France ! (Mme Nathalie Goulet rit.) Pensez-vous vraiment que les maires se satisfassent d’un tel jeu purement électoraliste, alors que nous aurions pu travailler dans la sérénité ?

Pendant des années, vous avez reproché au Gouvernement ce genre d’improvisation.

Mme Catherine Procaccia. Toutefois, il s’agissait de projets de loi et non de propositions de loi !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il n’y a pas de hiérarchie !

Mme Catherine Procaccia. Nous avons tous des obligations vis-à-vis de nos électeurs, que nous assumons en siégeant ici, sur ces travées. Certes, si vous arrivez au pouvoir, peut-être ferez-vous voter une loi sur le non-cumul des mandats, ainsi que vous le préconisez, et peut-être aurez-vous alors tout loisir de nous faire travailler jour, nuit et week-end. (M. Roger Karoutchi rit.) Pour l’instant, il n’en va pas ainsi !

Les discussions sur l’intercommunalité sont fondamentales pour les élus et les territoires que nous représentons au Sénat. Aussi, monsieur le président, nous ne pouvons laisser la nouvelle majorité gouverner avec de telles méthodes, accepter la manière dont elle considère l’opposition, la rabrouant à longueur de séance pour lui signifier – il est vrai que nous étions nombreuses en séance cette nuit : « Sois belle et tais-toi ! ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l'article.

M. Jean-Claude Lenoir. Nous voici au cœur du débat sur l'intercommunalité. Je souscris aux propos tenus à l’instant par notre collègue et je considère, moi aussi, que les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas dignes, ne sont pas compatibles avec l’obligation qui nous incombe de légiférer sereinement, à des horaires convenables et selon un calendrier fixé à l’avance.

La loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales fut le quatrième texte à traiter la question de l'intercommunalité. Cette proposition de loi est donc le cinquième.

M. Richard et M. Sueur se souviennent certainement, comme moi, des débats qui ont eu lieu en 1991 et en 1992, comme je me souviens, également, de l’examen de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, dite « loi Chevènement ».

Ainsi, le Parlement, les députés comme les sénateurs, a disposé de tout le temps nécessaire pour débattre. Au final, nous sommes parvenus à un résultat appréciable, ces lois sur l'intercommunalité étant soutenues par la plupart des élus.

Pourtant, la première loi adoptée en la matière, la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, avait heurté, car, pour la première fois, il était question de communautés de communes, d'une nouvelle organisation territoriale.

Malgré tout, et j’ai pu le constater en tant que représentant – et c’est un honneur – d’un département rural,…

Mme Nathalie Goulet. Comme moi !

M. Jean-Claude Lenoir. … les élus ont compris qu’une autre forme d’organisation était nécessaire. Nous étions alors très éloignés de débats de nature politicienne.

La loi Chevènement, quant à elle, est allée beaucoup plus loin en revêtant un caractère coercitif. Pourtant, les débats qui ont accompagné son examen n’ont jamais pris un tour politicien, contrairement à ceux que nous connaissons en ce moment. La mise en œuvre de ses dispositions a fait l’objet d’un large consensus.

Moi qui suis parlementaire depuis déjà un certain nombre d'années, même si je ne siège au Sénat que depuis quelques semaines seulement, je puis témoigner que, sur le terrain, l'intercommunalité est un sujet qui nous rassemble tous. La plupart des élus ont compris qu’il était nécessaire de définir une nouvelle organisation et de coopérer.

Le troisième texte, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La loi Raffarin !

M. Jean-Claude Lenoir. … dont il a été moins question au cours de nos débats, a précisé un certain nombre de points concernant les compétences des différentes collectivités.

Enfin, a été adoptée la loi de décembre 2010, que certains voudraient bien aujourd'hui détricoter.

J'éprouve un réel malaise à la lecture de l'article 5 de la présente proposition de loi. Au cours d’une réunion à laquelle j'assistais hier soir dans mon département en présence d’un certain nombre d'élus, j’ai donné lecture, devant eux, de cet article. Aussi attachés soient-ils à la promotion de l'intercommunalité et attentifs à la prise en compte de l’avis des maires, ils ont été quelque peu éberlués par la grande complexité du dispositif qui nous est proposé dans cet article.

Pour ma part, je crois au pragmatisme, je sais comment les choses se passent dans mon département, je sais comment sont fixés les nouveaux périmètres des intercommunalités après des débats que j'organise. Faisons donc confiance aux hommes et aux femmes qui représentent l'État ou les collectivités locales !

Aux termes de la loi de décembre 2010, le schéma départemental de coopération intercommunale devait être arrêté par le représentant de l’État dans le département avant le 31 décembre 2011. Ainsi, avant la fin de l'année, nous aurions disposé d’une première carte, aucunement définitive, une sorte d’arrêt sur image. Dans le cadre de ces nouveaux périmètres, nous aurions continué à travailler, notamment sur la définition des compétences. Nous disposions jusqu’à la mi-2013 pour ce faire.

Les préfets ont formulé un certain nombre de propositions. Les nombreuses discussions qui ont eu lieu au sein de la commission départementale de coopération intercommunale de l’Orne, dont je suis membre, ont permis d’obtenir des avancées importantes. D’autres réunions sont prévues dans les prochains jours, qui permettront de progresser encore.

Il demeure cependant un vrai problème, monsieur le ministre : à la fin de l'année, le département dont je suis l'élu comportera des zones que j’appellerai « grises », zones correspondant aux parties de son territoire pour lesquelles aucun consensus ne s’est fait jour s’agissant de la fixation du périmètre des intercommunalités.

Monsieur le ministre, que se passera-t-il si, le 31 décembre prochain, en dépit de l’avis favorable émis par la CDCI dans les conditions fixées par la loi, c'est-à-dire à la majorité des deux tiers, subsistent de telles zones grises sur le territoire départemental ?

De grâce, ne renvoyons pas cette question aux calendes grecques – je reconnais que l'expression n'est pas très bien choisie aujourd'hui ! –,…

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas de bon augure ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir. ... alors que, d'une façon générale, les élus se sont fortement mobilisés dans cet exercice et souhaitent obtenir des avancées.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, j’interviendrai plus tard dans l’après-midi sur cette proposition de loi. Dans l’immédiat, je voudrais moi aussi revenir sur les conditions de son examen.

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, il ne serait pas inopportun de rappeler les règles applicables au temps imparti à l’examen des textes présentés par les différents groupes au cours de la semaine sénatoriale d’initiative.

Lors de l’examen, par le Sénat, de la réforme constitutionnelle de 2008, que j’avais moi-même défendue dans cette enceinte, je me souviens que nous étions tous convenus, à gauche comme à droite, de ne pas adopter la règle du « temps législatif programmé », que l’Assemblée nationale s’apprêtait à inscrire dans son règlement intérieur. En contrepartie, l’ensemble des groupes s’étaient ralliés à un système équilibré et avaient accepté que l’examen des textes présentés par chacun d’entre eux au cours de la semaine parlementaire d'initiative ne dépasse par le temps, contraint, dévolu aux niches. Tous les groupes, je le répète, avait accepté cette règle.

C’est pourquoi je m'étonne de ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Le texte inscrit dans cette niche a toutes les raisons d'être, mais son examen ne devait pas dépasser quatre heures. Or nous sommes déjà à huit heures de débats, et nous devrions même atteindre douze heures dans la mesure où une quarantaine d'amendements restent à examiner.

Ce qui se passe aujourd’hui est la négation même de l'accord que je viens de rappeler, cet accord aux termes duquel les groupes s’étaient engagés, en contrepartie de l’absence de tout temps programmé, à respecter le temps qui leur était imparti pour l’examen de leurs textes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, je vous le dis en toute tranquillité : le groupe UMP s’étonne que cet accord, qui n’a que trois ans – il ne remonte pas à la préhistoire – soit déjà mis à mal à peine un mois après le changement de majorité. J’imagine donc que, avec le soutien du président du Sénat et du président de la commission des lois, la prochaine niche de l’UMP pourra passer de quatre à douze heures. Et, dans ces conditions, il pourrait en être de même de celle des autres groupes. Je me demande comment, dans ces conditions, pourra être organisé le temps réservé à l’initiative parlementaire. Si le temps imparti à chaque groupe par la conférence des présidents peut être multiplié par deux ou par trois, nous allons être confrontés à des difficultés d’organisation de notre travail.

Monsieur Sueur, au-delà de toute autre considération sur les niches réservées aux groupes, est-il raisonnable que ce texte, auquel vous accordez une importance majeure, soit finalement discuté et adopté un vendredi après-midi, par une douzaine de parlementaires ? Et cela, parce que vous avez porté de quatre à douze heures le temps qui vous était imparti et parce que vous avez modifié l’ordre du jour du Sénat au dernier moment.

L’organisation du travail parlementaire nécessite le respect des décisions de la conférence des présidents. Et celle-ci ne peut pas, du jour au lendemain, revenir sur ses décisions sans risquer de tout perturber.

En outre, je ne suis pas convaincu qu’agir ainsi traduise un respect absolu de la réforme constitutionnelle de 2008. Une telle pratique remet en cause le partage du temps parlementaire et délégitime la décision qui avait été acceptée par tous les présidents de groupe en 2008 : pas de temps contraint comme à l’Assemblée nationale, et respect du temps des niches et des temps de parole.

Ce n’est pas ce qui a eu lieu aujourd’hui. Je considère que c’est un premier accroc qui n’est pas de bon augure pour l’avenir.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai entendu quelques paroles qui me paraissent inappropriées.

J’ai eu l’honneur d’être député pendant dix ans, sénateur pour la même durée, secrétaire d’État pendant deux ans, soit un total de vingt-deux ans. J’ai, pendant cette période, participé à d’innombrables séances de nuit. Jamais je n’ai protesté, vous pourrez le vérifier dans le compte rendu intégral de l’Assemblée nationale ou dans celui du Sénat. J’ai toujours tenu à accomplir mon mandat.

Disons les choses comme elles sont. Selon les procédures qui sont en vigueur, la conférence des présidents a la capacité de proposer l’organisation d’un débat sur un sujet donné, tel jour à telle heure. C’est exactement ce qu’elle a fait le 26 octobre en proposant d’inscrire à l’ordre du jour du Sénat la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Monsieur Karoutchi, lorsque, le 26 octobre, M. Ollier a accepté l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Sénat, il ne s’était pas rendu compte que ce texte tombait sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Et il ne s’en était toujours pas rendu compte lors de la conférence des présidents qui s’est réunie voilà deux jours.

Et puis, un quart d’heure avant le début de la discussion, l’article 40, invoqué par le Gouvernement, s’est abattu sur ce texte.

Que s’est-il produit alors ? Nous avons passé deux heures à discuter de ce sujet, mais dans les pires des conditions, avant que la commission des finances nous sorte de ce mauvais pas et trouve une solution pour permettre au débat de s’instaurer.

La vérité est de nature strictement politique. Je n’aime pas que l’on parle de coup de force : il n’y a eu aucun coup de force.

Je le rappelle, les décisions de la conférence des présidents sont soumises à l’approbation du Sénat souverain réuni en séance publique. Or, le Sénat a adopté mercredi soir les modifications de l’ordre du jour qui lui ont été proposées.

Lorsque la conférence fait une proposition au Sénat, et que ce dernier y souscrit, nous sommes dans l’exercice de la démocratie.

M. Roger Karoutchi. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La vérité est toute simple : il y a une majorité au Sénat, et nous ne nous en excusons pas, monsieur Karoutchi. Cette majorité a considéré qu’il y avait des objectifs politiques,…

M. Roger Karoutchi. Voilà, dites cela !

Mme Chantal Jouanno. Tout est politique !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … comme le fait l’opposition d’aujourd’hui, qui était la majorité d’hier, madame Jouanno. Nous tirons parti de la Constitution et du règlement pour faire en sorte que nos objectifs politiques soient atteints. Nous le faisons dans le strict respect de la Constitution et du règlement.

Mme Chantal Jouanno. Certainement pas !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous avez fait cela hier ; …

Mme Catherine Procaccia et M. Roger Karoutchi. Non !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … nous le faisons aujourd’hui !

Nous prenons toutes nos responsabilités. Nous considérons que la réforme territoriale entraîne de vraies difficultés. Sauf à être en dehors de la réalité, après avoir rencontré plusieurs centaines d’élus locaux, force est de constater que des problèmes se posent.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous estimons que cela est prioritaire, c’est notre choix politique,…

M. Roger Karoutchi. Dîtes-le !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je le dis, je ne m’excuse pas de faire de la politique, et vous non plus, me semble-t-il.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous considérons qu’il est urgent d’apporter des réponses concrètes aux difficultés qui se posent et de remédier au mécontentement des élus locaux sur un certain nombre de points très précis.

M. Roger Karoutchi. Je suis d’accord !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Votre groupe aussi, monsieur Karoutchi, puisque, hier, Mme Troendle a déclaré que ce texte était important, essentiel.

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous entendons, nous, y compris les élus du groupe UMP, ce que disent les élus locaux.

M. Roger Karoutchi. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, considère qu’il faut changer la loi. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Je vous citerai sa déclaration.

En fait, la situation est simple : vous faites de la politique ; nous aussi !

M. Roger Karoutchi. Je vais vous répondre !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous considérons qu’il est très important de remédier à la situation dans laquelle se trouvent les élus locaux. À cette fin, la conférence des présidents a proposé d’inscrire la présente proposition de loi à l’ordre du jour des travaux du Sénat. C’est ce qui a été fait : c’est tout. Nous sommes dans le strict respect du règlement, de la Constitution et des lois.

Mme Éliane Assassi. Il faut cesser les polémiques et nous remettre au travail.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous allons y passer une heure de plus !

M. Roger Karoutchi. C’est votre problème ; c’est vous qui avez voulu cette séance.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’apporter quelques précisions.

Monsieur Sueur, vous avez déclaré ne jamais avoir émis de réclamation quant aux horaires de travail du Sénat ou de l’Assemblée nationale. Pourtant, je me souviens que vous avez pris la parole, ici même, pour protester contre les conditions de débats de certains textes.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je parlais non pas des horaires, mais du fond.

M. Philippe Richert, ministre. Vous étiez de ceux qui, chaque fois que nous siégions en séance de nuit, nous expliquaient que ce n’était pas admissible,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas du tout !

M. Philippe Richert, ministre. … car vous considériez qu’il s’agissait de textes importants qui méritaient d’être examinés dans la sérénité.

Mme Troendle a démontré qu’il était nécessaire d’apporter des précisions à l’actuelle loi de réforme des collectivités territoriales et d’ajuster certaines de ses dispositions. C’est pourquoi nous aurions pu vous suivre sur la proposition de loi initiale, qui comportait un article. Mais la commission en a ajouté onze, dont certains « à rallonge ». Nous ne sommes donc plus dans la même situation.

Si nous étions d’accord, comme l’a indiqué Catherine Troendle, pour préciser certaines dispositions de la loi de réforme des collectivités territoriales, nous ne pouvons accepter de remettre à plat, de détricoter, comme l’a dit Jean-Claude Lenoir, l’ensemble du texte de loi.

Très tôt, ce matin, Hervé Maurey a rappelé que l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, avait écrit à des parlementaires, que des membres de tous bords politiques avaient saisi le président du Sénat pour lui demander de maintenir la date du 31 décembre 2012, afin que la loi puisse s’appliquer partout où c’est possible.

Il est en effet important, à la veille du prochain congrès de l’Association des maires de France, de ne pas mettre en stand by, sous un prétexte de nature politique, les évolutions qui sont possibles dans une majorité de départements où les élus attendent de disposer du schéma afin de pouvoir le décliner.

Dans certains départements, il subsistera ce que vous appeliez des « zones grises ». Mais si le schéma est nécessairement départemental, rien n’oblige à ce que l’ensemble du schéma départemental soit revu en fonction des objectifs les plus élevés. Nous n’atteindrons pas la perfection, ni le 31 décembre 2011, ni plus tard.

En d’autres termes, si le 31 décembre 2011, un schéma comprend une zone qui n’a pas encore été « traitée », il sera possible, dans la plage d’une année et demie qui suivra l’adoption du schéma, de travailler sur les compétences, sur la mise en œuvre de chaque intercommunalité et d’apporter les précisions utiles sur les territoires considérés.

C’est ce que disait la Fédération nationale des élus de l’intercommunalité par la voix de son président. Et aujourd’hui encore, des responsables politiques, y compris des socialistes disent : ne bloquez pas, laisser-faire !

Après avoir voulu apporter des précisions qui auraient été utiles, et que nous aurions pu soutenir, vous êtes en train, malheureusement, de bloquer l’élaboration des schémas dans un grand nombre de départements, d’abord en introduisant de nouveaux délais, ensuite en suscitant une nouvelle fois le sentiment que l’on ne pourra pas conduire le processus à son terme. Or tout permet de le faire, il faut simplement en avoir la volonté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la réorganisation des collectivités et des intercommunalités est un dossier important. Veillons donc à nous mettre au service de l’intérêt général et ne captons pas ce sujet pour le réduire à un débat politicien. Je l’ai indiqué d’entrée de jeu, je le répète en cet instant, cette raison m’empêchera d’approuver certains amendements. Je le regrette profondément parce qu’il aurait été bienvenu de préciser, sur quelques points, les dispositions de la loi de réforme des collectivités territoriales. Je regrette que nous n’ayons pas saisi cette occasion de nous mettre d’accord, bien au-delà des clivages habituels, pour élaborer une proposition de loi qui nous aurait permis de faire mieux, d’aller plus vite et plus loin, dans l’intérêt des élus locaux qui portent ces dossiers. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)