M. le président. Pour répondre à cette très longue question, la parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous avez parfaitement décrit le processus engagé, et je mesure votre passion et votre engagement pour ce dossier, que vous connaissez parfaitement.

Oui, la société E.ON exploite à Gardanne une tranche de 250 mégawatts, dite à lit fluidisé circulant, ou LFC, mise en service en 1967.

Vous évoquez la candidature de ce groupe à l’appel d’offres biomasse, dit CRE 4. Effectivement, E.ON a déposé un dossier complet auprès de la Commission de régulation de l’énergie, le 28 février dernier, pour la conversion de sa tranche LFC de 250 mégawatts.

Actuellement, cette tranche LFC fonctionne à partir du charbon et du coke. Le projet d’E.ON prévoit une conversion en une tranche de 150 mégawatts, inférieure certes, mais fonctionnant exclusivement à partir de la biomasse.

La Commission de régulation de l’énergie a procédé à l’instruction de cet appel d’offres et a adressé à Nathalie Kosciusko-Morizet et à Éric Besson, respectivement en charge de l’environnement et de l’énergie, son analyse des offres, ainsi que le classement qu’elle en a fait, dans sa délibération du 19 mai denier.

Cette analyse fait actuellement l’objet d’une instruction par la direction générale de l’énergie et du climat. Afin de désigner le lauréat, il importe en effet de s’assurer que les projets sont bien compatibles avec la ressource biomasse disponible.

Les ministres chargés de l’environnement et de l’énergie prendront prochainement leur décision, à l’issue de cette dernière instruction. L’efficacité technique de la solution, la préoccupation environnementale seront, bien entendu, au cœur de cette décision. Cette dernière donnera lieu à un avis de la CRE, publié au Journal officiel, en même temps que les extraits des autorisations d’exploiter délivrées au lauréat de l’appel d’offres.

Comme vous le souhaitez, le Gouvernement sera bien sûr très vigilant quant à l’évolution de ce site en termes d’emplois. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

réforme de la pharmacovigilance

M. le président. La parole est à Mme Christiane Longère.

Mme Christiane Longère. Ma question s’adresse à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Monsieur le ministre, le système sanitaire français traverse actuellement une crise sans précédent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ? On croyait que tout allait bien !

M. Jacques Mahéas. En fait, tout va de plus en plus mal !

Mme Christiane Longère. En effet, à la suite du scandale de l’affaire Mediator de ce début d’année, l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, a déjà publié à la mi-janvier un rapport public, faisant suite ou précédant d’autres rapports de sources diverses, qui pointait ce qu’elle appelait les « mensonges du laboratoire Servier ».

Il ressort notamment de ce rapport que les autorités sanitaires avaient manqué une occasion de retirer le médicament Médiator du marché en 1995 et que la molécule en question aurait dû être retirée dès 1999 partout dans le monde.

Souvenons- nous du travail réalisé par le Sénat dès 2006 et du remarquable rapport de mes collègues Hermange et Payet, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments, intitulé « Médicament : restaurer la confiance ».

Dès ces années-là, le manque de transparence et l’insuffisante indépendance des acteurs à l’égard de l’industrie pharmaceutique avaient été soulignés avec force.

Nous attendons maintenant le rapport de la mission commune d’information du Sénat intitulée « Mediator : évaluation et contrôle des médicaments ».

Cette semaine, l’IGAS vient de rendre un second rapport sur la pharmacovigilance et la gouvernance de la chaîne du médicament, dont les conclusions dénoncent « la responsabilité des pouvoirs publics, trop lents à dérembourser le médicament Mediator et globalement trop faibles dans leur pilotage de la chaîne du médicament ». Ce rapport, peu tendre avec le système actuel, fait des propositions sans demi-mesure pour réformer le système du médicament.

Il préconise notamment de mettre fin à l’encombrement thérapeutique, afin de diminuer le nombre de médicaments.

Sur le plan institutionnel, il propose également de simplifier et d’épurer le système, en fusionnant la commission de transparence, qui accorde les autorisations de remboursement, et le comité économique des produits de santé.

Ce rapport montre la volonté d’une remise à plat de notre système actuel.

Pourriez-vous nous exposer, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement compte prendre pour assainir notre système du médicament ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame le sénateur, il faut absolument que les Français reprennent confiance dans les médicaments.

M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut qu’il y ait clairement un « avant » et un « après » le drame du Mediator.

J’ai pu m’appuyer, pour présenter la réforme du médicament, sur les travaux de la mission parlementaire de l’Assemblée nationale et, même si le rapport de la mission d’information du Sénat n’est pas encore définitif, je veux saluer le travail de François Autain, de Marie-Thérèse Hermange et de l’ensemble des sénateurs qui ont participé à cette mission.

Nous disposons maintenant des éléments nous permettant de repenser complètement le système de « police du médicament », qui a été défaillant dans l’affaire du Mediator, et de proposer une réforme d’une très grande ampleur.

M. David Assouline. Vous ne serez plus là !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si l’on veut qu’il y ait un « avant » et un « après », il faut tout d’abord se mettre d’accord sur le principe selon lequel seuls les médicaments vraiment utiles doivent être mis sur le marché et remboursés.

Ensuite, il ne faut pas hésiter un instant à retirer un médicament du marché quand il provoque des effets indésirables importants, de façon que le principe de précaution profite bien aux patients, et pas au médicament, comme cela a été le cas avec le Mediator.

Enfin, il convient d’imposer une transparence totale dans le système de santé, et plus spécifiquement dans le système du médicament.

C’est sur ces trois points que j’ai voulu fonder cette réforme d’ampleur. Le texte sera présenté au conseil des ministres avant la trêve estivale, de façon qu’il puisse être débattu au Parlement avant la fin de l’année.

Que ce soit sur la transparence, sur la pharmacovigilance, sur l’information des patients, sur la formation et l’information des professionnels de santé, il nous faut revoir complètement notre système de « police du médicament ».

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ne va pas seulement changer de nom pour s’appeler l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Encore que cela montre bien la vraie finalité de cette agence, c’est-à-dire la sécurité des patients. Cela va surtout nous permettre de refonder ce lien de confiance que j’évoquais au début de ma réponse.

Sur toutes les boîtes de médicaments qui seront commercialisées à l’avenir, les patients auront la possibilité de signaler d’éventuels effets indésirables tant au laboratoire qu’à l’Agence, ce qui ne doit pas nous empêcher de réaffirmer que ceux qui sont en première ligne, qui savent le mieux ce qui est bon ou non pour les patients, ce sont les professionnels de santé, à commencer par les médecins.

Je tiens à dire que cette réforme va leur permettre de disposer d’outils supplémentaires, plus fiables encore, de nature à garantir au mieux la sécurité des Français. C’est une exigence que l’on doit à ceux qui ont révélé le drame du Mediator, à ceux qui en ont été les victimes, mais plus largement aux 64 millions de Français qui attendent de nous une sécurité maximale.

Je remercie l’ensemble des parlementaires pour la façon dont se déroulent ces débats : il n’y a pas d’esprit partisan. Cela montre que l’intérêt général se situe bien au-dessus des querelles politiciennes. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Denis Badré applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

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Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 23 juin 2011, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Adrien Gouteyron, sénateur de la Haute-Loire, en mission temporaire auprès de M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, et de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Cette mission portera sur les chrétiens d’Orient.

Acte est donné de cette communication.

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Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Discussion générale (suite)

Bioéthique

Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 638, rapport n° 637).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la bioéthique
Article 1er

M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 15 juin dernier, a adopté un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.

S’alignant sur la position de l’Assemblée nationale, elle a prévu l’engagement de la responsabilité de ceux qui n’informeraient pas leur parentèle d’une anomalie génétique , voté l’inscription sur la carte Vitale d’une mention précisant que son titulaire a été informé de la législation sur le don d’organes ; confirmé le droit à l’assistance médicale à la procréation, ou AMP, pour les couples hétérosexuels stériles, mais sans définir leur mode d’union ni sa durée ; mis en place le don d’ovocytes par les nullipares, avec l’autoconservation de gamètes comme contrepartie ; autorisé la congélation ultrarapide des ovocytes dans le cadre de l’AMP, mais sans prévoir de procédure de suspension ou d’interdiction de cette technique, mesures qui devront donc, si elles deviennent nécessaires, être adoptées dans un projet de loi.

La commission mixte paritaire s’est rangée à l’avis du Sénat sur le diagnostic prénatal, sur l’application directe du contrôle de la CNIL aux CECOS, centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains, et sur le fait que la tenue d’états généraux devra obligatoirement précéder toute réforme en matière de bioéthique.

Par ailleurs, alors que l’Assemblée nationale n’estimait pas nécessaire une révision des lois de bioéthique quand le Sénat souhaitait une révision tous les cinq ans, nous sommes finalement parvenus à la solution de compromis suivante : information annuelle du Parlement au travers du rapport d’activité de l’Agence de la biomédecine, mais révision systématique tous les sept ans, précédée obligatoirement par un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et par la tenue d’états généraux de la bioéthique.

Dans l’ensemble, la commission mixte paritaire a donc poursuivi le travail de compromis amorcé, lors de la deuxième lecture, par notre assemblée.

Madame la secrétaire d’État, vous nous présenterez sans doute ce que vous considérez comme les avancées contenues dans ce texte. Pour ma part, je n’en vois guère. Le don croisé de reins entre donneurs vivants est une mesure bien modeste pour un projet de loi de bioéthique. Toute vie sauvée grâce à cette procédure sera évidemment une victoire, mais je crains que nous ne nous heurtions rapidement à la difficulté concrète qu’il y aura à mobiliser simultanément quatre salles d’opération dans nos hôpitaux pour pratiquer ce genre de greffes.

La très grande qualité des débats dans notre assemblée, lors de chacune des deux lectures, ne doit donc pas masquer la faiblesse des résultats obtenus. En maintenant l’anonymat du don de gamètes, en refusant le transfert d’embryon après la mort du père, en nous opposant à la gestation pour autrui et à l’accès à l’assistance médicalisée à la procréation pour les couples homosexuels, nous n’avons, à mon sens – mais je suis bien seul dans cette affaire ! –,…

M. Alain Milon, rapporteur. … pas su faire évoluer notre droit avec la société française.

Enfin, nous savons bien que l’enjeu fondamental de ce texte était la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Sur ce point, la rédaction que nous avons finalement retenue marque, selon moi, un recul incontestable par rapport à celui de 2004. Je regrette profondément que nous ayons adopté un texte qui mêle ambiguïtés juridiques, dispositions déclaratoires et conditions impossibles à remplir, sans laisser à la discussion parlementaire la chance de suivre son cours.

Refuser la correction, manifestement nécessaire, d’une malfaçon majeure du texte de l’Assemblée nationale, à savoir l’interdiction de la recherche sur l’ensemble des lignées de cellules souches, qu’elles soient embryonnaires ou non, est faire peu de cas du travail de législateur.

Imposer d’échouer de toutes les manières possibles dans ses recherches avant de pouvoir en conduire sur les cellules souches embryonnaires, comme le fait l’article 23 du projet de loi, est un déni de la démarche scientifique.

Quant à inscrire dans le texte que les recherches alternatives aux recherches sur l’embryon doivent être promues et que les parents doivent être informés de l’utilisation des embryons donnés à la science, cela relève de l’idéologie, non du droit. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)

M. Alain Milon, rapporteur. Il a été soutenu, dans cet hémicycle ou ailleurs, que, malgré ce texte, les recherches sur les cellules souches embryonnaires pourraient continuer à être conduites dans les mêmes conditions que sous le régime de la loi de 2004. Je n’en suis pas persuadé, et je constate surtout que la lourde tâche de mettre en œuvre ce nouveau dispositif incombera, dans les faits, à l’Agence de la biomédecine. Je plains ceux qui auront cette charge, ainsi que celle de défendre devant les tribunaux les autorisations accordées.

En mettant en place un régime d’interdiction avec des dérogations particulièrement ambiguës, nous, législateur, avons renoncé à établir des règles simples, claires et compréhensibles par tous. Nous nous sommes dessaisis de la mission que nous ont confiée nos concitoyens de dire le droit, préférant nous abriter derrière une autorité administrative qui devra découvrir notre intention cachée derrière les contradictions et les demi-mots.

Je l’ai dit, il n’y avait, en ce domaine, qu’une alternative : autoriser la recherche ou l’interdire. Je souhaite, même si nos positions étaient inconciliables, rendre hommage à celle – j’insiste sur ce singulier –, celles et ceux qui ont été cohérents jusqu’au bout dans leurs votes.

Dans sa rédaction définitive, cet article 23 ne satisfait ni à l’éthique de conviction ni à l’éthique de responsabilité, et ne traduit en rien les concessions que les idées abstraites ou les principes doivent nécessairement faire à la réalité.

M. Alain Milon, rapporteur. Il ne relève pas non plus du doute qui habite chacun d’entre nous sur les questions de bioéthique. Il n’est qu’une barrière de mots permettant d’éluder les questions que les Français se posent, permettant de ne pas expliquer ce qu’est la recherche, comment elle progresse, à quoi elle sert, ce qui anime celles et ceux qui la font, ce qui relève de la science et ce qui relève de la loi.

Certes, la science ne dicte pas le droit, mais, je le répète, défions-nous des lois qui prétendent dicter la vérité scientifique.

M. Alain Milon, rapporteur. Certains peuvent se réjouir en pensant que ce texte préserve les principes fondateurs de notre civilisation. Je ne le crois pas. Je pense que c’était l’encadrement clair de l’autorisation, tel que l’avait prévu par deux fois notre commission des affaires sociales, qui permettait de préserver la dignité humaine dès le début de la vie.

On a aussi parlé de la force des symboles. Je crois que celui que nous offrons, avec ce texte, aux jeunes Français et aux pays étrangers est celui d’un pays aux choix ambigus, dans lequel je ne reconnais pas ce que doit être, à mon sens, un pays de liberté et de responsabilité.

M. Alain Milon, rapporteur. Je ne l’ai jamais caché, à titre personnel, même si j’en suis fort marri, je voterai contre le texte qui nous est aujourd’hui soumis. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP, ainsi que sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vos travaux en commission mixte paritaire ont permis d’aboutir à un texte équilibré, qui recueille l’approbation du Gouvernement. Vous avez su trouver les compromis nécessaires sur les dispositions restant en discussion, et je vous en remercie.

C’est un texte de compromis, en effet. Par nature, la loi de bioéthique nécessite de cheminer sereinement vers les plus justes compromis. Sur ce chemin, vous avez eu le souci constant, monsieur le rapporteur, madame la présidente, de respecter tous les points de vue sans renoncer à défendre vos convictions. Je tiens à vous en remercier, ainsi que les membres de la commission, et tous les sénateurs et sénatrices qui se sont impliqués dans ces travaux dans un esprit d’écoute, d’ouverture et de dialogue.

La bioéthique nous conduit à nous poser sur l’humain des questions dont chacun mesure la difficulté et les enjeux. Quand commence la vie humaine ? Qu’est-ce qu’être humain ? Quelle société humaine voulons-nous ?

L’approche des questions de bioéthique nécessite ainsi de concilier les principes éthiques, le progrès médical et scientifique, les attentes individuelles. C’est la mission du législateur. À lui de fixer les règles appropriées, avec le souci constant des meilleurs équilibres.

Ces équilibres ne sont pas immuables : les évolutions de la science et de la société peuvent rendre nécessaire l’adaptation des règles posées. En 1994, lors de l’adoption des premières lois de bioéthique, le législateur avait soumis l’ensemble des dispositions adoptées à une clause de révision. La dimension novatrice de la loi justifiait ce choix, il convenait d’évaluer la pertinence des principes et des règles posés.

Près de vingt ans plus tard, on peut estimer que la loi de bioéthique nécessite davantage des adaptations qu’une remise en chantier périodique. C’était la position du Gouvernement. Votre assemblée a néanmoins souhaité maintenir une clause de révision à cinq ans, portée à sept ans par la commission mixte paritaire. Le Gouvernement en prend acte.

Le texte soumis à votre adoption est mesuré. Il propose plus des ajustements que des bouleversements.

Pour autant, les ouvertures sont réelles et obéissent à deux préoccupations majeures : mieux répondre aux besoins des patients face aux techniques biomédicales ; promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique.

Par ailleurs, entre la rupture et la continuité avec les lois qui précèdent, ce texte privilégie la continuité. Certains d’entre vous le regrettent. Les exigences du vivre ensemble fondent ce choix de continuité. Le Gouvernement le soutient.

Je voudrais, en premier lieu, insister sur les avancées de ce texte, pour les patients et leurs droits, d’une part, pour le débat public, d’autre part.

Le projet de loi conforte les droits des patients et des personnes face aux techniques biomédicales.

En premier lieu, les patients bénéficieront d’une information renforcée sur l’intérêt et les limites des applications biomédicales. Je donnerai trois exemples.

L’Agence de biomédecine mettra à leur disposition une information sur l’utilisation des tests génétiques.

La femme enceinte se verra délivrer une information claire et loyale sur les examens de dépistage proposés dans le cadre du diagnostic prénatal. Vous avez souhaité préciser que l’information devait aussi être adaptée à la situation de la femme enceinte. Pour être bien comprise, l’information doit en effet être personnalisée et répondre aux attentes de la patiente. Si la patiente ne souhaite pas être informée sur le dépistage prénatal, son choix doit bien entendu être respecté.

La transparence sera faite sur les résultats obtenus par les centres d’assistance médicale à la procréation en matière de lutte contre l’infertilité.

En deuxième lieu, la protection des patients et de leurs droits fait l’objet d’une vigilance accrue.

En cas de diagnostic de maladie génétique grave pour un patient, les membres de sa parentèle pourront accéder au diagnostic et à une prise en charge, dans le respect des souhaits de ce dernier s’agissant des modalités de l’information ; c’est l’objet de l’article 1er.

L’article 4 ter réprime pénalement la commande de tests génétiques en dehors des cas prévus par la loi, par exemple pour des tiers en dehors d’une prescription médicale.

L’article 5 quinquies A affirme la protection des donneurs d’organes à l’encontre des discriminations en matière d’assurance.

Enfin, l’article 24 bis prévoit que les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être utilisées qu’à des fins médicales et scientifiques, et doivent faire l’objet de recommandations de bonnes pratiques.

En troisième lieu, le don d’organes et de gamètes sera facilité.

Tout d’abord, le projet de loi renforce l’information sur le don d’organe délivrée notamment aux jeunes, dans les établissements d’enseignement et lors des journées d’appel de préparation à la défense ; c’est l’objet des articles 5 bis et 5 septies.

La carte Vitale et le dossier médical personnel, le DMP, mentionneront la délivrance de l’information sur le don d’organe ; c’est l’objet des articles 5 sexies et 5 ter.

Surtout, le champ des donneurs vivants est étendu, et le don croisé d’organes proposé par le Gouvernement est adopté. C’est l’objet de l’article 5. Vous avez souhaité aller au-delà et l’autoriser pour les personnes unies par des liens étroits et stables, d’une durée minimale de deux ans.

Enfin, dans le champ de l’assistance médicale à la procréation, l’AMP, l’Assemblée nationale a souhaité faire évoluer la loi sur deux points importants, maintenus par la commission mixte paritaire : en autorisant expressément, à l’article 19, la vitrification des ovocytes, pour faciliter les parcours d’AMP, étant entendu qu’il ne s’agit pas de vitrifier des ovocytes pour « convenance personnelle », c’est-à-dire pour retarder le moment de concevoir un enfant ; en étendant, à l’article 19 A, aux donneurs n’ayant pas procréé la possibilité de donner leurs gamètes, afin de réduire la pénurie actuelle d’ovocytes en France.

En quatrième lieu, comme votre assemblée l’a voulu, l’article 1er A autorise la ratification de la convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, signée le 4 avril 1997. Les droits des patients s’en trouveront, là encore, confortés.

Je voudrais également souligner que le projet de loi s’attache à promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique.

Tout d’abord, la transparence des recherches sur l’embryon et des recherches génétiques est renforcée.

Le rapport de l’Agence de biomédecine comportera un bilan détaillé des avancées de la recherche sur l’embryon, notamment un comparatif des recherches sur les cellules souches embryonnaires et les autres cellules pluripotentes.

L’article 12 bis prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les recherches relatives aux anomalies cytogénétiques et sur leur financement.

Ensuite, le champ des applications biomédicales relevant d’une veille éthique est étendu : l’article 24 sexies prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les enjeux éthiques des sciences émergentes ; l’article 24 ter prévoit un rapport du Comité consultatif national d’éthique sur le champ de compétences élargi de l’Agence de biomédecine.

Enfin, la loi garantit le débat public sur la bioéthique : un débat annuel sera organisé au Parlement à l’occasion de la remise du rapport de l’Agence de biomédecine, et les réformes dans le champ de la bioéthique seront obligatoirement soumises au débat public, comme le prévoit l’article 24 ter A. Il est indispensable, en effet, de donner la parole aux citoyens dans ce domaine.

Je souhaite maintenant revenir sur certaines évolutions réalisées dans le domaine de l’AMP et des recherches sur l’embryon que le présent texte écarte pour préserver le vivre ensemble.

Pour ce qui concerne l’AMP, le projet de loi supprime la levée de l’anonymat sur les dons de gamètes. L’Assemblée nationale a souhaité privilégier les liens éducatifs et affectifs plutôt que les liens biologiques. Le Gouvernement, suivi par le Sénat, s’est rallié à ce point de vue.

Dans ce texte est confirmée la finalité médicale de l’AMP. Je vous le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit non pas de porter un jugement sur les aspirations des hommes et des femmes qui souhaitent accéder à l’AMP pour d’autres motifs que l’infertilité médicale, mais, au contraire, d’y être attentif et d’accompagner ces personnes en souffrance. Pour autant, l’AMP doit rester une réponse médicale à un problème médical. Le projet de loi écarte en conséquence le recours à l’AMP pour d’autres motifs d’infertilité.

Enfin, ce texte rejette le recours à l’AMP lorsqu’il met en jeu des principes éthiques fondamentaux : le respect de la dignité humaine ; le refus de la marchandisation dans le cadre de la gestation pour autrui ; l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cas du transfert post mortem d’embryon.

J’en viens aux recherches sur l’embryon.

L’article 2 de la convention d’Oviedo, qu’il vous a paru important de ratifier, dispose : « L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. » La science n’est pas au-dessus des lois et des principes d’éthique ; elle s’intègre dans une société dont elle doit respecter les valeurs. N’oublions pas que l’un des piliers de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et donc de la bioéthique, c’est la volonté d’encadrer les expérimentations scientifiques sur l’homme…