Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Jean-Noël Guérini.

1. Procès-verbal

2. Candidature à un organisme extraparlementaire

3. Débat sur le bilan du dispositif d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

Mme Roselle Cros, au nom du groupe UC.

MM. Roland Courteau, Aymeri de Montesquiou, Bernard Vera, Michel Bécot.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.

4. Nomination d'un membre d’un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN

5. Questions d'actualité au Gouvernement

sommet du g8

MM. Alain Gournac, François Fillon, Premier ministre.

conséquences de la sécheresse

MM. Gilbert Barbier, Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.

finances des collectivités locales

Mme Nathalie Goulet, M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

industrie et énergie

MM. Roland Courteau, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

situation en libye

MM. Michel Billout, François Fillon, Premier ministre.

bons chiffres de l'emploi

MM. Michel Houel, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

budget et effectifs de l'éducation nationale

MM. Jean-Luc Fichet, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

dérives du comité d'entreprise d'edf-gdf suez

Mme Catherine Procaccia, M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

enfouissement des déchets radioactifs

MM. Claude Léonard, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

établissements pénitentiaires pour mineurs

Mme Jacqueline Alquier, M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

6. Désignation d'un sénateur en mission

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Noël Guérini.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Jacques Jégou pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Débat sur le bilan du dispositif d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, organisé à la demande du groupe de l’Union centriste.

La parole est à Mme Roselle Cros, orateur du groupe qui a demandé ce débat.

Mme Roselle Cros, au nom du groupe de l’Union centriste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce jour portera sur le bilan du dispositif des exonérations de charges fiscales et sociales des heures supplémentaires telles qu’elles ont été prévues par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ».

Cette loi restera la transposition législative d’engagements politiques forts du Président de la République pendant la dernière campagne présidentielle. La loi TEPA ne se limitait pas à l’abaissement du bouclier fiscal à 50 %. Son article 1er, sa principale disposition, exonérait les heures supplémentaires de charges sociales et fiscales.

Près de quatre années après le vote de cette loi, que reste-t-il aujourd’hui du principe : « Travailler plus pour gagner plus » ? L’exonération des heures supplémentaires a-t-elle tenu ses promesses ? Les projections du Gouvernement se sont-elles concrétisées, en dépit des conséquences de la crise économique qui ont totalement changé le contexte : augmentation du taux de chômage, précarisation du marché du travail, fragilisation des PME ?

La présentation de ce débat sera simple. Je tenterai d’abord, au nom de groupe de l’Union centriste, d’établir un bilan des quatre années d’application de l’article 1er de la loi TEPA ; puis je m’essaierai à une évaluation du dispositif tel qu’il est appliqué aujourd’hui.

Le bilan est mitigé : d’un côté, l’exonération des heures supplémentaires a permis un gain global en termes de pouvoir d’achat ; d’un autre côté, elle a introduit de larges distorsions dans l’économie, en créant des disparités entre de nombreuses branches du marché du travail et selon les régions.

Rappelons les bases du dispositif et ses objectifs.

Les heures supplémentaires s’entendent comme les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail, fixée à 35 heures par les lois Aubry et transcrites depuis dans le code du travail et le code rural.

Le mécanisme de défiscalisation est inclus dans l’article 81 quater du code général des impôts, selon lequel sont exonérés de l’impôt sur le revenu les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail, des heures choisies et des heures considérées comme supplémentaires. Cet article a une portée large, dans la mesure où il s’applique également à la fonction publique.

Cette première exonération est doublée des exonérations qui sont prévues aux articles du code de la sécurité sociale et qui ouvrent un droit à réduction des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, y compris pour les charges patronales.

Par sa nature juridique, le dispositif est clairement identifiable comme une niche fiscale, laquelle avait trois objectifs simples : d’abord, contourner la législation en vigueur relative à la durée hebdomadaire du travail qui s’est révélée inopérante dans certains secteurs d’activité ; ensuite, accroître le pouvoir d’achat des salariés en valorisant les revenus du travail plutôt que les revenus de transferts ou de substitution ; enfin, dynamiser l’activité économique et favoriser à moyen terme la création d’emplois. Ces objectifs étaient résumés en un triptyque : « travail, emploi, pouvoir d’achat ».

Les projections gouvernementales se voulaient transparentes. Une personne gagnant 1 500 euros de salaire brut mensuel qui effectuerait quatre heures supplémentaires hebdomadaires de travail bénéficierait d’un gain net annuel de 2 500 euros. Pour une heure de travail supplémentaire par semaine, cette même personne gagnerait près de 645 euros de plus par année. Dans l’hypothèse haute, le gain mensuel était de 150 euros, soit une augmentation de 10 % du salaire de base pour un retour de fait aux 39 heures.

L’incidence sur les finances publiques était tout sauf neutre : 4,88 milliards d’euros dès 2008, puis 5,98 milliards d’euros en régime de croisière.

Exonérer les charges pesant sur les heures supplémentaires devait avoir un effet positif, soit un gain de 70 millions d’heures supplémentaires par an, ce qui correspond à 48 000 emplois en équivalent temps plein.

Dès la première année d’application, le résultat fut encourageant, mais pas à la hauteur des objectifs et des attentes fixés par le Gouvernement. Plus de 568 000 entreprises se sont déclarées utilisatrices des exonérations d’heures supplémentaires au quatrième trimestre 2007. Quatre millions de salariés ont perçu des rémunérations exonérées.

Les résultats ont été néanmoins inférieurs aux projections. Un indice de la sous-utilisation de cette mesure se retrouve dans son coût budgétaire réel en 2008 : 4,4 milliards d’euros, soit 400 millions d’euros de moins qu’il était prévu pour financer la relance du pouvoir d’achat, mais 400 millions d’euros de moins pour le déficit.

La commission des finances du Sénat avait opportunément introduit à l’article 1er l’obligation faite au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d’évaluation de l’exonération des heures supplémentaires. Ce rapport, publié en janvier 2009, était un premier bilan d’étape sur les données constatées avant le déclenchement de la phase la plus aiguë de la crise de l’économie réelle après la crise financière.

La première conclusion que l’on pouvait tirer de ce rapport était la difficulté d’établir une méthode de chiffrage efficace. Le rapport était établi à partir des enquêtes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ou ACOSS, des enquêtes dites ACEMO, sur l’activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre, ou encore des enquêtes de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques ou DARES. Si l’évaluation est nécessaire, force est de constater que la mesure du dispositif ajoute à la complexité de la mesure elle-même.

Sur le fond, le rapport indiquait en filigrane la montée en puissance de nombreuses disparités sur le marché du travail. Ces distorsions sont présentes tant entre le secteur privé et le secteur public qu’au sein de chaque branche elle-même.

Prenons l’exemple du secteur public.

Dès la fin de l’année 2008, il est apparu que, toutes fonctions publiques confondues, l’éducation nationale bénéficiait plus des défiscalisations que les professions hospitalières, les infirmiers principalement. Sur les 263 000 agents de la fonction publique d’État qui ont été bénéficiaires des heures supplémentaires, 83 % des personnes concernées travaillaient pour l’éducation nationale. Chaque agent a perçu une indemnité moyenne de 148 euros.

À l’inverse, les heures supplémentaires dans la fonction publique hospitalière donnent lieu plus à récupération qu’à paiement. De ce fait, elles n’entrent évidemment pas dans le cadre de l’article 81 quater du code général des impôts : elles ne sont pas éligibles à l’exonération de cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu. On parle pourtant de 14 millions d’heures de travail, si l’on en croit l’enquête conduite par la mission des études statistiques et démographiques de la direction de l’hospitalisation du ministère de la santé.

En 2008, 727 millions d’heures supplémentaires ont été déclarées, soit l’équivalent de 46 600 emplois en équivalent temps plein. En dépit d’une stagnation apparente du recours aux heures supplémentaires exonérées, le gain macroéconomique pour l’année 2008 n’était pas négligeable : le dispositif aurait contribué pour 0,15 % du PIB de l’année en soutenant la consommation des ménages du fait de l’augmentation du pouvoir d’achat.

Le Gouvernement tablait sur le relais économique de l’accroissement de l’investissement des entreprises et de l’augmentation du taux d’emploi. Mais c’était avant que la crise financière n’affecte l’économie réelle !

Les cartes n’ont pas été fondamentalement rebattues. La crise a mis en évidence un fait très simple : le dispositif d’exonérations des heures supplémentaires de cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu n’était pas de taille à flexibiliser le marché du travail assez profondément pour stimuler l’emploi durablement.

La crise économique de l’année 2009 s’est caractérisée par une forte poussée du chômage dans un climat de récession et d’incertitude des entreprises sur l’avenir. Les heures supplémentaires ont joué un rôle de variable d’ajustement de la masse salariale. Elles ont permis aux entreprises de faire face à des périodes de surcharge temporaires ou saisonnières, mais le dispositif n’a pas été un levier assez puissant pour stimuler l’emploi.

La dernière enquête de l’ACOSTAT, l’organisme statistique de l’ACOSS, en date du dernier trimestre de l’année passée, nous donne des indications précieuses quant à l’état actuel du dispositif.

Entre le dernier trimestre de 2009 et celui de 2010, le volume d’heures supplémentaires a augmenté de 2,4 %. Il connaît un ralentissement par rapport aux trimestres précédents, puisque l’augmentation était de 6 % au deuxième trimestre et de 5 % au troisième trimestre.

Cette croissance est surtout très inégalement répartie selon les secteurs, et principalement dans le secteur privé. La croissance du volume des heures supplémentaires reste dynamique dans l’industrie, principalement dans la métallurgie et dans l’automobile, avec une croissance de près de 6 %.

Le secteur tertiaire connaît un sort plus mesuré, avec une croissance plus faible qui peine à atteindre 3 %. Le secteur de la construction et du bâtiment et des travaux publics est même en phase de contraction, avec un recul de près de 4 % des heures supplémentaires.

Le nombre d’heures supplémentaires augmente plus dans les entreprises de plus de dix salariés que dans les très petites entreprises.

Sur le plan géographique, l’Île-de-France est clairement en retrait ; elle perd en glissement annuel près de 1,5 % de son volume d’heures supplémentaires, mais son sort n’est rien en comparaison de ce que l’on peut observer dans les départements d’outre-mer, où, selon les chiffres de l’ACOSS, la Martinique perd plus de 5 % de son volume annuel.

Ces données attestent de la crispation du marché du travail dans une phase de sortie de crise économique.

Les secteurs bénéficiaires ont été les plus durement frappés par la crise. En revanche, le dispositif ne dynamise que trop peu les secteurs les plus riches en emplois peu qualifiés, susceptibles de créer des emplois ; je pense évidemment au secteur de la construction.

Le constat est clair : les régions les plus peuplées et les secteurs économiques les plus dynamiques ne profitent pas du dispositif. La croissance de la masse salariale dans les aires et les secteurs bénéficiaires est artificielle.

Pourtant, le coût budgétaire est important : il atteint près de 4,5 milliards d’euros annuels, pour un gain moyen de 150 euros par foyer fiscal. Il convient d’y ajouter le coût induit par les lois Aubry.

D’après le rapport budgétaire de la commission des finances du Sénat sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2011, le coût cumulé des dépenses fiscales afférentes aux lois Aubry, aux dispositifs d’exonération Fillon et aux heures supplémentaires coûterait de 12 à 15 milliards d’euros à l’État. Tout cela pour peiner à atteindre, sans le dire, les 39 heures !

Faut-il pérenniser le dispositif, compte tenu de son bilan non pas négatif, mais mitigé ? Le cadre de ce simple débat ne permet pas de répondre à cette question. La seule certitude, c’est que nous ne pourrons pas continuer à accumuler les niches fiscales, source d’une complexité administrative croissante et d’incohérences budgétaires.

Il faudrait en revanche chercher à répondre aux véritables questions, à savoir la relance de la croissance économique et la progression de la compétitivité de nos entreprises. Au regard de ces objectifs, il apparaît très nettement que la défiscalisation des heures supplémentaires n’aura pas été suffisante.

D’après les prévisions du Gouvernement, telles qu’il nous les a transmises dans le cadre du récent programme de stabilité européen, la France peut espérer une croissance économique de 2 % pour cette année. La sortie de crise de l’économie incitera-t-elle les entreprises à transformer les heures supplémentaires en emplois supplémentaires ? La confiance est-elle suffisante, dans le contexte économique actuel, pour que nos entrepreneurs prennent le risque d’une telle recomposition de la masse salariale ?

Nous pensons qu’une nouvelle orientation doit être donnée, pour répondre aux exigences de la loi TEPA et pour bien apprécier le sens et la portée des mots « travail », « emploi » et « pouvoir d’achat ».

L’emploi – il convient de le réaffirmer – est le socle stable et fondateur d’une économie construite pour la croissance et la diminution du chômage.

L’accumulation des heures supplémentaires par des personnes expérimentées employées à temps plein ne favorise pas l’accès des jeunes au monde du travail, que nous recherchons pourtant.

Dans une économie bien portante, le pouvoir d’achat est issu du travail, plutôt que de revenus de transfert. Néanmoins, le travail ne peut être convenablement rémunéré par une part croissante de primes variables et d’heures supplémentaires défiscalisées.

Cette question est d’autant plus actuelle que l’on observe depuis plusieurs mois, au sein de la zone euro, une valse des étiquettes grevant le pouvoir d’achat. Sont concernés les produits laitiers, le carburant, l’électricité, le gaz et nombre de produits alimentaires de première nécessité. En outre, la sécheresse actuelle ne pourra qu’accentuer l’enchérissement du coût de la vie qui frappe les ménages les plus modestes. Des solutions autres que l’exonération des heures supplémentaires devront être trouvées pour, au minimum, maintenir le pouvoir d’achat.

S’agissant de la compétitivité, c’est plus la question de l’organisation du temps de travail que celle de la durée hebdomadaire du travail qui doit être posée dans les entreprises. Il convient d’encourager les négociations avec l’ensemble des partenaires sociaux.

Il est temps aussi de poser la question d’un partage plus équilibré de la valeur ajoutée au sein même des entreprises, et notamment entre les salaires et les dividendes. On a pu récemment observer que les cycles économiques de ces dernières années se sont systématiquement caractérisés par une allocation de la valeur ajoutée toujours plus favorable aux actionnaires par rapport aux salariés.

Nous partageons cette préoccupation avec le Président de la République, qui avait demandé au directeur de l’INSEE, en 2009, un rapport sur le partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France, et propose aujourd’hui l’octroi de primes aux salariés en contrepartie du versement de dividendes. Mais il s’agit de nouveau d’un système de primes et non pas d’une augmentation des salaires.

Quel est donc le bilan du dispositif relatif aux heures supplémentaires ? En une phrase, si ce dispositif a été utile à court terme, il est économiquement insuffisant pour l’emploi et la croissance et budgétairement trop coûteux au regard des résultats obtenus en matière de pouvoir d’achat.

À moyen terme, les objectifs fixés par le Gouvernement en 2007 procèdent d’un impératif qui doit être pérennisé : la relance de la croissance économique par le renforcement de la compétitivité de nos entreprises.

Certains de mes collègues du groupe de l’Union centriste – je pense principalement à M. Jean Arthuis – proposent un élargissement des exonérations de charges sociales, qui serait financé par une hausse de la TVA.

La diminution du coût du travail n’est qu’un facteur parmi d’autres de l’amélioration de notre compétitivité par rapport à nos voisins européens. Elle ne doit pas pour autant porter atteinte à la progression du pouvoir d’achat, la consommation constituant un élément majeur de la croissance économique en France. Si l’on veut supprimer le recours aux exonérations des heures supplémentaires, les équations ne seront pas simples à résoudre, monsieur le secrétaire d’État !

Ce débat doit nous permettre de réfléchir à l’efficacité de ce dispositif, à partir du bilan de ses quatre années d’application, en ne sous-estimant pas l’incidence du contexte de crise, qui a certainement faussé partiellement les résultats.

C’est pour discuter de cette question avec vous tous que nous ouvrons modestement cette discussion, qui se poursuivra sans nul doute au cours des prochains mois.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en application du slogan de Nicolas Sarkozy : « Travailler plus pour gagner plus », la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », a créé un nouveau dispositif d’exonération des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu, concernant les heures supplémentaires et complémentaires.

Près de quatre ans après, quel bilan peut-on tirer de ces dispositions ? Je précise d’emblée, car c’est fondamental, que la décision de recourir aux heures supplémentaires constitue une prérogative de l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction. C’est l’employeur, et en aucun cas le salarié, qui décide de recourir ou non aux heures supplémentaires.

Il y a donc, à l’origine de ce dispositif, une confusion délibérément entretenue, destinée à faire croire aux salariés qu’ils peuvent choisir de « travailler plus », alors qu’ils n’ont aucune latitude en la matière. Il en résulte, comme on le verra, que le « procédé TEPA » est donc très habile dans sa conception, mais fondé en partie sur une illusion.

Concernant le volet « heures supplémentaires » de la loi TEPA, il faut savoir que, dès le départ, soit en 2007, ses effets négatifs avaient été annoncés par des économistes d’obédience libérale tels que Pierre Cahuc, dans le cadre du Conseil d’analyse économique. Ce dernier affirmait qu’une telle mesure aurait un effet ambivalent sur l’emploi : d’un côté, elle inciterait les entreprises à faire travailler davantage en heures supplémentaires leurs salariés, lesquels répondraient favorablement à une telle proposition ; de l’autre, elle constituerait un véritable frein à l’embauche, puisque le coût du travail effectué en heures supplémentaires serait inférieur au coût du travail normal.

Il indiquait également que s’ajouterait à cela le problème du financement, car le fait que des heures supplémentaires se substituent à des heures « normales » entraînerait une perte significative de cotisations pour les organismes sociaux, perte qu’il faudrait rapidement refinancer par des charges additionnelles.

Michel Godet, économiste et professeur au CNAM, le Conservatoire national des arts et métiers, systématiquement hostile à la réduction du temps de travail, écrivait dans La Tribune, au début de l’année 2007: « Il ne faut surtout pas soustraire les entreprises aux cotisations, comme le propose l’UMP. Cela aurait un effet d’aubaine par lequel les entreprises s’arrangeraient pour moins embaucher et faire travailler plus de salariés sous le régime des heures supplémentaires, privant ainsi le système de cotisations sociales substantielles. »

Ainsi, on peut facilement calculer que, pour une entreprise de cinquante salariés, trois heures supplémentaires par semaine et par salarié permettent d’économiser quatre embauches sur l’année L’avantage n’existe que pour les employeurs et les salariés qui bénéficient du système. Bref, le dispositif crée un effet de rente.

J’ai d’ailleurs relevé dans la presse l’exemple d’une PME ayant augmenté de 15 % ses heures supplémentaires, ce qui lui a permis de ne réaliser aucune embauche, y compris en contrat à durée déterminée : les salariés travaillent une heure et demie de plus par jour, au tarif horaire normal. Dans cet exemple, l’employeur est donc le grand bénéficiaire. Quant aux salariés, ils se disent satisfaits, ce dispositif leur permettant de boucler leurs fins de mois, ce qui montre que leur salaire est trop faible pour leur permettre de vivre décemment. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir combien d’entre eux sont assujettis à l’impôt sur le revenu.

Je souhaite également préciser que le nombre d’heures supplémentaires comptabilisé est également sujet à caution, car le risque d’une fraude concertée entre l’employeur et le salarié est grand : il est en effet plus avantageux de payer au salarié des primes, et de convertir celles-ci en heures supplémentaires non imposables et exonérées de cotisations patronales et salariales. La loi l’interdit certes, mais seules les URSSAF peuvent déceler une telle manœuvre, et ce à condition que des primes aient été versées auparavant.

On a donc vu surgir du néant, dans un premier temps, des heures supplémentaires purement fictives qui ont permis d’alimenter la communication gouvernementale, alors même que la production nationale n’augmentait pas, ce qui offrait l’exemple d’une contradiction insoluble.

Permettez-moi de citer également le rapport d’octobre 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires, lequel constitue un véritable réquisitoire contre l’exonération des heures supplémentaires : « La très forte progression du volume d’heures supplémentaires par salarié, de 34,5 % entre le deuxième trimestre 2007 et le deuxième trimestre 2008, semble notamment peu compatible avec l’évolution de la conjoncture (ralentissement de la croissance en 2008) ».

En 2008, selon le Gouvernement, 750 millions d’heures supplémentaires auraient été effectuées dans le secteur privé par 5,5 millions de salariés, soit 38 % des salariés à temps complet.

Les auteurs du rapport précité indiquaient cependant que « les entreprises ont recensé avec plus de précision les heures supplémentaires réalisées, alors que les données statistiques sur les heures supplémentaires n’existent que depuis le quatrième trimestre 2007. » Cela sonne comme un aveu !

Dès le premier trimestre de l’année 2009, le nombre d’heures supplémentaires a baissé de 11 % par rapport au dernier trimestre de l’année 2008. À partir de ce moment, il devient curieusement difficile d’obtenir des statistiques…

Le rapport du 6 octobre 2010 du Conseil des prélèvements obligatoires fait encore remarquer que « pour les salariés, la baisse de la fiscalité sur les heures supplémentaires a en principe tendance à encourager l’augmentation de l’offre de travail (incitation financière à travailler). Toutefois, l’incitation à l’accroissement du temps de travail créée par la mesure suppose que l’offre de travail, sous la forme d’heures supplémentaires, ait un impact sur son niveau effectif, ce qui n’est pas garanti. En effet, la baisse de la fiscalité sur les heures supplémentaires comporte un risque de substitution de la rémunération sous forme d’heures supplémentaires à la rémunération sous forme d’heures normales, mutuellement gagnante pour l’employeur et le salarié. Cette substitution peut d’ailleurs se produire par simple réduction de la sous-déclaration des volumes d’heures supplémentaires. La défiscalisation des heures supplémentaires conduit alors à des pratiques d’optimisation visant à maximiser l’assiette exemptée au détriment de l’assiette assujettie. »

Je veux également évoquer les effets négatifs de ce dispositif sur la création d’emplois.

Inutile en période de récession et de chômage élevé, ce dispositif se substitue à des mesures qui pourraient être directement orientées vers le retour à l’emploi, comme des formations ou des contrats aidés.

En période de retour de la croissance, même faible, il freine la création d’emplois, à rebours de l’objectif que devrait poursuivre la politique du Gouvernement.

Aussi la loi TEPA est-elle, selon nous, un mécanisme qui appauvrit la croissance en emplois. Celles de ses dispositions qui sont relatives aux heures supplémentaires constituent de surcroît un encouragement au blocage des salaires, en incitant les employeurs qui le peuvent à proposer des heures supplémentaires à des salariés supposés volontaires, au détriment d’une augmentation collective et négociée des salaires.

La crise de 2008 et la récession consécutive, en rendant inutile le recours aux heures supplémentaires, ont fait échec à l’intention manifeste consistant à individualiser les salaires.

Le mécanisme introduit par la loi TEPA s’applique seulement aux salariés dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale, c’est-à-dire aux travailleurs qui, parce qu’ils ont le plus besoin d’accroître leurs revenus, peuvent être conduits à accepter des heures supplémentaires pour un bénéfice somme toute modeste, particulièrement s’ils font partie des contribuables exonérés de l’impôt sur le revenu.

Après plusieurs années de blocage des salaires, les revendications portant sur le pouvoir d’achat sont aujourd’hui fortes ; elles s’exaspèrent en raison des difficultés quotidiennes, des informations disponibles sur les revenus considérables des dirigeants de grandes entreprises et du partage inégal des plus-values entre les actionnaires et les salariés.

De plus, comme le fait observer le Conseil des prélèvements obligatoires à propos des salariés qui n’effectuent pas d’heures supplémentaires, « la nécessité de combler la perte pour les finances publiques risque de peser sur leur pouvoir d’achat via des prélèvements obligatoires supplémentaires. »

Au total, pour les salariés concernés par les heures supplémentaires comme pour les autres, le bénéfice résultant du dispositif est largement illusoire, voire négatif.

La loi TEPA prend place dans la guerre de tranchées engagée par le patronat contre les lois de 2000 et 2002 réduisant le temps de travail et fixant à 35 heures la nouvelle durée légale hebdomadaire du travail.

Dans les branches comme dans de nombreuses entreprises, les partenaires sociaux sont parvenus, parfois difficilement, à des accords collectifs acceptables par les deux parties. Sur le terrain, le désir de rouvrir les négociations sur le temps de travail est donc modéré.

C’est pourquoi les gouvernements, soucieux de faire l’économie d’un nouveau grand débat sur ce sujet, ont mis en place, depuis 2004, des dispositifs de contournement utilisables par les employeurs à la demande, et permettant d’accroître la flexibilité du travail en cas d’augmentation de l’activité : il s’est agi d’abord des heures choisies par accord individuel entre l’employeur et le salarié, introduites en 2004, puis de la loi du 20 août 2008.

En autorisant la rémunération des heures supplémentaires au tarif des heures normales, la loi TEPA s’inscrit dans ce processus d’éclatement de la durée du travail. Ses défenseurs font notamment valoir que l’augmentation de la durée du travail, sans augmentation du coût du travail pour l’employeur, contribue à améliorer la compétitivité des entreprises françaises sur le plan international.

Je ne veux pas entrer dans des détails inutiles. Mais il est un fait avéré que l’amélioration de la compétitivité suppose d’agir sur d’autres facteurs, autrement plus importants, comme la recherche et le développement, la réindustrialisation ou la formation des travailleurs, etc.

Rechercher seulement la diminution du coût du travail conduit à des résultats limités, pour au moins deux raisons : la baisse est sans effet sur la nature et la qualité des biens exportés, et elle concerne, de plus en plus, des activités de service pour la plupart inexportables par nature.

En outre, le dispositif va à l’encontre des évolutions souhaitables sur le plan de la protection de la santé et de la sécurité des salariés : ceux-ci, pour gagner davantage, sont obligés de s’exposer à de nouvelles fatigues et à de nouveaux risques.

À cet égard, le dispositif doit être mis en rapport avec le sort réservé à la reconnaissance de la pénibilité, difficilement arrachée au patronat par les syndicats et introduite dans la loi du 9 novembre 2010 sur les retraites : nous voyons là quelle est la réalité de la préoccupation du Gouvernement sur ce sujet…

À propos du coût pour les finances publiques, notamment pour les finances sociales, du dispositif introduit par la loi TEPA dans le domaine des heures supplémentaires, il apparaît que les premières estimations ont vraiment été réalisées « au doigt mouillé »…

La perte de recettes devait être compensée par une augmentation des bénéfices des entreprises et une hausse de la consommation des salariés concernés : la relance de l’économie qui en résulterait devait entraîner une amélioration de l’emploi et des rentrées fiscales.

Ces espoirs ont malheureusement été déçus.

Si les résultats du dispositif ont été nuls, voire négatifs, la contribution de ce dernier au déficit budgétaire s’est révélée en revanche bien réelle.

Le rapport présenté au Parlement par le Gouvernement en janvier 2009 évalue à 0,15 % l’effet positif de la mesure sur la croissance du PIB, ce qui correspond à un accroissement de 3 milliards d’euros.

Par comparaison, le coût fiscal et social du régime créé par la loi TEPA a été évalué à 4,4 milliards d’euros en 2009, puis à 4,1 milliards d’euros en 2010. Il convient d’ajouter à ces montants l’effet mécanique du dispositif sur l’allégement général des cotisations sociales patronales sur les bas salaires dans la limite de 1,6 fois le SMIC.

Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, « l’efficience du dispositif semble très limitée, le gain en PIB étant en tout état de cause inférieur au coût de la mesure. »

En conséquence, le Conseil des prélèvements obligatoires propose la suppression du régime fiscal et social des heures supplémentaires issu de la loi TEPA.

Au total, compte tenu de l’absence de résultats des dispositions de la loi TEPA relatives aux heures supplémentaires, le coût de ces dernières pour les finances de l’État et les finances sociales apparaît totalement disproportionné. À ce seul titre, la loi TEPA constitue l’illustration parfaite d’une mauvaise gestion de l’économie, guidée par des considérations idéologiques et tendant à satisfaire des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.

Ce dispositif pèse sur les salaires, freine la création d’emplois et coûte plusieurs milliards d’euros aux contribuables : il sert seulement les intérêts des employeurs, aux dépens de ceux de la société.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lecture du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur le régime des heures supplémentaires m’a plongé dans le monde des Shadoks : « pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » (Sourires.)

Certes, le rapport souligne clairement que le dispositif d’exonération des heures supplémentaires présente une efficacité limitée pour un coût élevé.

Mais les trois scenarios décrits par les auteurs du rapport dans leur proposition n° 38 sont d’une complexité qui n’a d’égal que l’opacité de leur style…

Il convient de rappeler le contexte dans lequel ce dispositif a été mis en place : en 2007, l’économie mondiale était euphorique, exaltée par une croissance exceptionnelle qu’alimentait l’appétit insatiable des banques.

Dans son principe, le régime particulier des heures supplémentaires est simple : l’intégralité de la rémunération des heures supplémentaires est exonérée de l’impôt sur le revenu pour les salariés, et de cotisations sociales pour les entreprises.

Imaginé en 2007 dans une période de croissance et consacré par la loi TEPA, ce principe poursuivait à la fois un objectif politique et un objectif économique : augmenter le pouvoir d’achat des salariés en leur permettant de « travailler plus pour gagner plus » et remédier aux conséquences très négatives des 35 heures pour la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des salariés.

Cette mesure a permis l’assouplissement du dispositif des 35 heures, dont le coût cumulé depuis 1998 est estimé à 125 milliards d’euros. Elle l’a fait sans modifier la durée légale du travail, permettant aux salariés d’améliorer leur pouvoir d’achat et aux entreprises de mieux amortir leurs équipements.

La crise de septembre 2008 a complètement modifié le contexte international, européen et donc français. Aujourd’hui, après le bouleversement économique et monétaire provoqué par l’ampleur de la crise, un bilan de ce dispositif s’impose.

Soulignons-le, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires constitue une niche ; elle entraîne pour l’État une perte de recettes de l’ordre de 4,1 milliards d’euros.

Mais elle entraîne aussi, pour un contribuable payé au SMIC, le gain d’un treizième mois de salaire et un allégement de charge fiscale d’un montant annuel de 130 euros.

Les entreprises recourent aux heures supplémentaires plutôt qu’elles ne créent des emplois : si donc ce dispositif ne crée pas d’emplois, il est source de pouvoir d’achat.

S’agissant enfin de l’impact de ce dispositif sur la croissance, évalué à 3 milliards d’euros, il est inférieur à son coût, lequel, je le répète, représente une dépense fiscale, et non budgétaire.

Aussi l’efficacité de ce dispositif, qui entraîne un manque à gagner pour l’État au moment où la priorité est d’augmenter les recettes pour réduire les déficits publics, est-elle remise en question.

Assurément, des adaptations sont indispensables. Le Conseil des prélèvements obligatoires envisage trois options.

La première consiste à supprimer le régime des heures supplémentaires ; elle paraît trop radicale, et par conséquent peu vraisemblable, dans la mesure où elle conduirait à mettre en cause tout l’édifice de la loi TEPA.

Je regrette pour ma part que les 35 heures n’aient pas été supprimées ; je peux néanmoins comprendre que les entreprises, encore très fragilisées par la crise, ne souhaitent pas un nouveau bouleversement.

La deuxième option consiste à cibler le dispositif sur les revenus les plus modestes, en supprimant l’exonération d’impôt sur le revenu qui lui est associée. Une telle mesure entraînerait un surcroît de recettes pour l’État d’un montant de 1,2 milliard d’euros, mais elle conduirait à exclure les classes moyennes du bénéfice du dispositif.

La troisième option, la plus modérée mais aussi la plus confuse, consiste à réintégrer les heures supplémentaires dans le calcul de l’allégement général sur les bas salaires, entraînant 640 millions d’euros d’économies pour l’État.

Les Shadoks ont encore une fois raison : « tout avantage a ses inconvénients et réciproquement. »

Aucun scénario n’a pour l’heure été retenu, mais une approche globale des prélèvements sociaux serait une option à ne pas écarter, malgré sa complexité : plutôt que de considérer seulement l’exonération des heures supplémentaires, ne conviendrait-il pas, en effet, d’envisager une réforme des prélèvements sociaux dans leur ensemble ?

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. J’avoue que la lecture des avis de la Cour des comptes m’a plongé dans la plus grande perplexité ; aussi, je serais tenté d’esquiver un choix, alors que j’en perçois mal tous les avantages et tous les inconvénients. C’est la raison pour laquelle je chercherai une échappatoire qui permette de supprimer la dépense fiscale des heures supplémentaires telles qu’elles ont été mises en place par la loi TEPA.

Une TVA anti-délocalisation permettrait, par une baisse des charges salariales et patronales, de conserver leur statut particulier aux heures supplémentaires, qui retrouveraient, espérons-le, toute leur justification dans une reprise qui s’annonce.

Cela permettrait, d’une part, de payer un salaire net supérieur et, d’autre part, de rendre plus compétitifs les produits français, d’inverser ainsi le flux des délocalisations et donc de créer du travail en France.

Comment simplifier un système si complexe dont les conséquences sont difficilement intelligibles, même par les parlementaires, et peut-être aussi par ceux qui l’ont conçu ? En choisissant un concept qui sera compris par tous !

Pour conclure, je m’abriterai, pour masquer ma perplexité, derrière Albert Einstein, qui déclarait : « La chose la plus difficile à comprendre au monde, c’est l’impôt sur le revenu. » (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi TEPA, le deuxième dispositif phare de cette loi – après le bouclier fiscal – est aujourd’hui largement critiqué. En effet, la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas eu les effets escomptés par Nicolas Sarkozy, candidat du pouvoir d’achat des salariés grâce au « travailler plus pour gagner plus ».

Pourtant, le Gouvernement nous avait présenté ce dispositif comme une mesure favorable aux salariés. En effet, la loi TEPA instaurait en leur faveur une majoration de 25 % du montant des heures supplémentaires, contre 10 % précédemment.

Cette mesure, destinée à relancer le pouvoir d’achat et la croissance, était accompagnée de dispositions fiscales incitatives pour les entreprises, notamment les PME.

À l’époque, le groupe CRC-SPG et moi-même avions fortement dénoncé ce qui s’annonçait comme une mesure lourde de conséquences pour le budget de l’État et les comptes sociaux. Nous avions également émis de sérieux doutes quant à sa réelle efficacité sur la relance de l’emploi en France.

Dans le cadre du dispositif destiné à relancer le pouvoir d’achat et la croissance, la loi TEPA instaure une exonération d’impôts et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises, la réduction d’impôts et de cotisations sociales prévue s’adressant tant aux entrepreneurs qu’aux salariés.

Le bilan que l’on peut aujourd’hui en tirer pour le budget de l’État est hélas ! celui que nous prédisions.

En effet, la Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2010, a chiffré à 4 milliards d’euros « l’incidence », c’est-à-dire le manque à gagner pour l’État en recettes sociales et fiscales, de la mesure d’exonération de cotisations sociales et de défiscalisation des heures supplémentaires : 3 milliards d’euros en moins pour les régimes sociaux et 1 milliard d’euros de recettes fiscales en moins.

Plusieurs économistes, dont Guillaume Duval, ont également mis en accusation un dispositif qui coûte très cher à l’État pour un résultat loin des objectifs affichés par le Gouvernement. M. Duval écrit ceci : « L’État consacre en effet chaque année environ 4 milliards d’euros – 0,2 % du PIB – pour inciter les salariés et les entreprises à faire des heures supplémentaires plutôt que d’embaucher des jeunes et des chômeurs. Or un emploi coûte en moyenne 40 000 euros par an. Avec ces 4 milliards d’euros, l’État pourrait donc financer entièrement 100 000 emplois supplémentaires. »

Le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires a donc, de toute évidence, creusé le déficit de l’État sans créer une dynamique de relance de l’activité économique, pourtant tant attendue après une période de crise.

Malheureusement, ses conséquences sur les comptes sociaux et sur les créations d’emplois sont tout aussi négatives.

En effet, le supplément de travail créé par les heures supplémentaires a fortement impacté, naturellement, la création de nouveaux emplois. En 2008, les « 727 millions d’heures supplémentaires » enregistrées représentaient « l’équivalent de 466 000 emplois à temps plein ». En 2009, les heures supplémentaires sont retombées à hauteur de « 676 millions », mais cela représenterait encore près de « 434 000 emplois ».

À titre d’exemple, en 2008, alors que les heures supplémentaires augmentaient de 0,6 %, l’INSEE annonçait un recul du PIB de 0,3 % au second trimestre de 2008 et la perte de plus de 12 000 emplois dans le secteur concurrentiel, pour la première fois depuis le début de 2004, avec en particulier un recul de 45 000 postes d’intérimaire.

En 2009, avec notamment une baisse historique de 1,3 % de la masse salariale, les rentrées de cotisations ont fondu de plusieurs milliards d’euros. À l’inverse, 100 000 chômeurs de moins représenteraient 1,3 milliard d’euros de recettes en plus.

C’est donc en premier lieu d’une inversion de la politique de l’emploi et des salaires dont le financement de la protection sociale a besoin et non d’une politique de défiscalisation du travail et d’exonération de charges sociales.

Il est aberrant que les heures supplémentaires reviennent moins cher aux employeurs que les heures normales travaillées. Il n’est donc pas étonnant que les entreprises recourent aux heures supplémentaires plutôt qu’à la création d’emploi. En pratiquant ce qui s’apparente à de l’optimisation fiscale, elles ont d’ailleurs détruit plus d’emplois qu’elles ne l’auraient fait sans la loi TEPA.

M. Bernard Vera. La défiscalisation des heures supplémentaires entraîne les mêmes effets pervers que les autres exonérations de cotisations sociales. Les salariés et les comptes sociaux sont les grands perdants d’un dispositif qui a d’abord bénéficié aux entreprises, notamment aux plus grosses d’entre elles.

Ainsi, selon l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, 85 % des entreprises de plus de 2 000 salariés ont eu recours à ce dispositif, contre moins du tiers des entreprises de moins de dix salariés.

Sans compter que les heures supplémentaires ont largement servi, dans bien des entreprises, à justifier la modération des augmentations de salaire…

M. Roland Courteau. Et voilà !

M. Bernard Vera. Cependant, les salariés qui ont bénéficié des heures supplémentaires ont-ils réellement travaillé plus ? La réponse est étrangement négative. En effet, le dispositif gouvernemental a constitué une véritable aubaine pour les entreprises, permettant en réalité de légaliser bon nombre de pratiques jusque-là illégales.

Si le nombre d’heures supplémentaires réalisées a été aussi important, c’est essentiellement parce que la loi a conduit les employeurs à déclarer les heures supplémentaires alors effectuées, mais non déclarées.

D’ailleurs, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, nous mettait en garde contre toute conclusion hâtive en notant que « cette hausse peut refléter pour partie une modification des comportements déclaratifs des entreprises ». Elle explique ainsi que « des travaux d’analyse menés par [elle] montrent que toutes les heures supplémentaires ne sont pas déclarées par les entreprises à l’enquête ACEMO », l’enquête trimestrielle sur l’activité et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre.

Elle poursuit : « Il apparaît notamment que les entreprises déclarant une durée hebdomadaire collective de plus de trente-cinq heures omettaient sur les années récentes de déclarer à l’enquête une partie des heures supplémentaires régulièrement travaillées [...]. »

Elle conclut que l’entrée en vigueur de la loi TEPA, avec ses allégements de cotisations sociales, « a vraisemblablement réduit ce biais de sous-déclaration ».

Autrement dit, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, plus qu’une hausse réelle du temps travaillé, le paquet fiscal pourrait bien avoir entraîné un effet d’aubaine pour les entreprises. La fièvre déclarative des entreprises traduisait d’autant moins une augmentation de la production que le niveau de croissance du PIB était plutôt faible.

La situation s’est évidemment dégradée avec la crise financière en 2008, le ralentissement de l’activité économique et la progression du chômage technique qu’elle allait entraîner. Le slogan « travailler plus pour gagner plus » perdait d’un coup de son sens, alors que la question pour les salariés était avant tout de ne pas perdre leur emploi.

La conséquence a été une baisse des heures supplémentaires, qui n’ont d’ailleurs jamais retrouvé leur niveau de départ.

Concrètement, le gain de pouvoir d’achat est limité pour les salariés : en 2009, on estime à 3 milliards d’euros de cotisations sociales et à 1,3 milliard d’euros d’impôt sur le revenu le gain revenant aux salariés. Mais ces chiffres, rapportés à chaque salarié, démontrent la faiblesse du dispositif, puisque les salariés gagnent en moyenne à peine 550 euros par an en plus, soit la moitié d’un SMIC net.

En conclusion, l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires se révèle être une mesure néfaste au regard de la situation des comptes publics, de la réalité de la croissance et de l’activité économique, et une mesure catastrophique pour le marché de l’emploi.

C’est la raison pour laquelle les sénateurs du groupe CRC-SPG se prononcent évidemment en faveur de la suppression d’un tel dispositif, en espérant que cet avis soit partagé sur une majorité des travées de cet hémicycle.

M. le président. La parole est à M. Michel Bécot.

M. Michel Bécot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UMP se réjouit de la tenue de ce débat et tient à remercier le groupe de l’Union centriste de son initiative.

Je considère en effet qu’il est nécessaire d’évaluer les politiques que nous mettons en place. L’heure semble désormais être au bilan.

Ce sujet des heures supplémentaires est important, l’exonération fiscale et sociale de ces dernières ayant été la mesure emblématique de la première grande loi du début du quinquennat, la loi TEPA, traduction législative de la promesse de campagne du Président de la République Nicolas Sarkozy.

La valeur travail demeure pour notre groupe une valeur essentielle, une valeur vectrice de cohésion sociale, mais aussi de création de richesses.

L’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires a permis de pallier en partie les effets néfastes des 35 heures pour certaines entreprises en leur donnant la possibilité de diminuer le coût du travail via une déduction forfaitaire de cotisations patronales, pour celles d’entre elles qui ont augmenté la durée de travail de leurs salariés au-delà de la durée légale des 35 heures.

Mais elle a aussi répondu à la problématique du « travailler plus pour gagner plus » en garantissant à ces salariés une augmentation de leurs revenus via une majoration salariale, des exonérations d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales salariales.

Pour les salariés – par exemple, un ouvrier effectuant deux heures supplémentaires par semaine –, ce sont 150 euros de plus par mois. C’est loin d’être négligeable !

En 2008, 9,4 millions de salariés ont bénéficié de ce dispositif. En 2009, ils étaient 9,2 millions, malgré les conséquences de la crise économique. En 2010, le nombre semblerait avoir encore progressé.

Pour ce qui concerne la fonction publique d’État, 570 000 fonctionnaires ont bénéficié des heures supplémentaires en 2008, dont 80 % à l’éducation nationale. En 2009, les enseignants ont ainsi bénéficié de 300 millions d’euros de gain des exonérations fiscales et sociales.

Le bilan paraît par conséquent tout à fait positif pour les salariés et les fonctionnaires, et, partant, répond à la promesse de campagne de Nicolas Sarkozy.

Pour les entreprises, cette diminution du coût des heures supplémentaires a été très bénéfique également.

Rappelons que, entre 2000 et 2008, le coût du travail a bien plus progressé en France qu’en Allemagne.

L’assouplissement nécessaire des 35 heures s’est donc concrétisé à travers l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, mais a été aussi utilement renforcé en 2008 par la possibilité pour l’employeur de fixer avec les syndicats son propre contingent d’heures.

Pour les finances publiques, le coût de cette mesure est évalué à 4,4 milliards d’euros en régime de croisière, sur la base d’un volume d’heures supplémentaires de 750 millions et d’un salaire moyen de 1,25 SMIC.

Ce coût est compensé par affectation directe de recettes fiscales, par exemple la taxe sur les véhicules de société.

Là encore, le bilan est positif. Le coût économique de cette mesure est compensé par un gain de pouvoir d’achat des salariés, qui se traduit par davantage de consommation. La diminution du coût du travail pour les entreprises se traduit par davantage d’investissements et, à moyen terme, d’emplois.

Rappelons-le, lorsqu’une entreprise a recours aux heures supplémentaires, c’est pour répondre à une charge de travail momentanément trop importante. Ces heures supplémentaires lui permettent de satisfaire son client, qui n’hésitera pas alors à la solliciter à nouveau. L’entreprise pourra ainsi accroître son activité et, à terme, créer des emplois. C’est un phénomène important que l’on a souvent tendance à oublier.

Enfin, sachez que, selon un rapport remis au Parlement en janvier 2009, le dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires se traduirait par un effet favorable de 0,15 % sur le PIB.

M. Roland Courteau. C’est trop peu !

M. Michel Bécot. Le groupe UMP tire par conséquent un bilan positif du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires et restera attentif à la préservation de la valeur travail, que le Président de la République a su réhabiliter au cours des quatre dernières années.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, quel est le sens, quatre ans après, de la loi TEPA, que le Parlement a adoptée au cours de l’été 2007 ?

Revaloriser le travail, réconcilier les Français avec le succès et la compétition mondiale, tel était l’objet de cette loi !

Il s’agissait d’un texte de rupture qui mettait fin à des années d’ambiguïté : intellectuelle, d’abord, sur le sens du travail ; morale, ensuite, sur la valeur de l’argent gagné ; économique, enfin, sur l’avenir de la France dans le cadre de la mondialisation. Il convenait de mettre un terme à une période d’enlisement qui avait rendu notre marché du travail de plus en plus rigide et qui avait conduit à déprécier la valeur travail aux yeux de nos concitoyens.

Il fallait avoir le courage, et ce fut le cas de Nicolas Sarkozy, alors candidat à l’élection présidentielle, d’élaborer un programme clair dans lequel étaient levés les tabous de la société française à l’égard du travail et de l’emploi.

Avec énergie, nous avons voulu redonner confiance à nos concitoyens : confiance en eux-mêmes, afin que leur travail soit reconnu à sa juste valeur ; confiance dans les autres, en réduisant certaines pesanteurs ; confiance en l’État, qui est là pour aider nos concitoyens dans le respect de l’intérêt général.

Partant de ce constat et de ces grands principes, le Président de la République a donc proposé, dès août 2007, un projet de loi visant à atteindre un triple objectif : revaloriser le travail, améliorer la croissance potentielle de l’économie et augmenter le pouvoir d’achat des ménages.

La revalorisation du travail était indispensable, la logique qui avait conduit aux 35 heures quelque temps plus tôt étant en effet économiquement absurde.

Soit dit par parenthèse, je rappelle que c’est Dominique Strauss-Kahn qui a « inventé » sur un coin de table les 35 heures qui furent ensuite portées par Mme Aubry.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je m’en souviens parfaitement, car j’étais député à l’époque du débat sur les fameuses « lois Aubry ».

Les 35 heures nous ont en effet plongés, monsieur de Montesquiou, dans le monde des Shadoks : on pensait que, en réduisant la durée du temps de travail, c’est-à-dire en travaillant moins, on accélérerait la croissance et l’on augmenterait la richesse de la nation. C’est naturellement l’inverse qui s’est passé.

Nous vivons dans un monde dans lequel nous sommes confrontés à la concurrence des pays émergents, où les salariés travaillent toujours plus, où les entreprises produisent donc davantage et conquièrent des parts de marché, ce qui contribue à creuser nos déficits.

Voilà l’économie shadokienne inventée par celui qui allait devenir par la suite le directeur général du FMI dans les conditions que l’on sait ! Mais je referme la parenthèse.

M. Roland Courteau. Il vaut mieux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Cette décision démagogique avait été unanimement dénoncée à l’époque par les économistes du monde entier.

Le temps était venu d’en finir avec le surcroît de complexité dû aux 35 heures. Nous avons donc voulu libérer le travail après l’avoir réhabilité.

Aujourd’hui, chacun, qu’il soit entrepreneur ou salarié, peut adapter son temps de travail à ses besoins professionnels et financiers. Le dispositif que nous avons mis en place, quoi qu’en pense M. Vera, a puissamment aidé la France, dans la période de choc consécutive à la crise, à ajuster l’emploi dans un contexte de contraction très forte de l’économie.

Avant de partager les richesses, il faut les produire. Depuis la loi TEPA, ceux qui veulent travailler plus peuvent en effet gagner plus, monsieur Vera. Allez donc expliquer aux salariés, y compris aux enseignants, qui sont parmi les grands bénéficiaires de cette loi, qui ont perçu entre 500 et 600 euros de plus par an, pourquoi ils devraient y renoncer !

En accroissant l’offre de travail, la loi TEPA contribue également à augmenter la production, donc la croissance potentielle de l’économie française. Dans le rapport remis au Parlement en janvier 2009, l’impact de la mesure d’exonération des heures supplémentaires a même été réévalué, Mme Cros l’a rappelé, à 0,15 point du PIB, ce qui n’est pas négligeable.

Certes, la mise en œuvre du dispositif a été ensuite fortement perturbée par la crise internationale. De l’ordre de 730 millions en 2007 et en 2008, le volume d’heures supplémentaires mesuré a chuté à 680 millions en 2009, avec le fort ralentissement de l’économie, avant de remonter à 700 millions en 2010.

Il n’est pas étonnant que les entreprises aient eu moins recours que prévu aux heures supplémentaires en 2008 et en 2009. Dois-je rappeler que la crise a provoqué la destruction de 330 000 emplois en France ? Il ne faut donc pas faire le procès des heures supplémentaires et les accuser d’être responsables d’une situation due à la crise.

La situation économique s’est fort heureusement améliorée à partir de 2010 et l’activité continue de s’accélérer en ce début d’année, comme en témoigne la forte croissance de 1 % que nous avons enregistrée au premier trimestre de 2011.

Ce chiffre s’inscrit dans la suite logique des bonnes nouvelles de ces derniers mois : les créations d’emplois ont été plus importantes que prévues en 2010, à savoir 125 000 au lieu des 80 000 attendus au moment du projet de loi de finances, et 58 000 emplois supplémentaires ont été créés au premier trimestre de cette année ; la croissance de la production industrielle a atteint son plus haut niveau depuis trente ans, en progression de 3,4 % au premier trimestre ; la consommation des ménages reste bien orientée – 0,6 % au premier trimestre – malgré l’extinction du dispositif de la prime à la casse sur les automobiles à la fin de 2010 ; enfin, l’investissement des entreprises repart à la hausse, avec un gain de 1,9 % au premier trimestre.

Ces nouvelles devraient tous nous réjouir, tout comme l’annonce faite hier par l’OCDE d’une croissance estimée à 2,2 % pour la France en 2011.

M. Bernard Vera. On en reparlera !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Dans un contexte de post-crise très violent, cela est extrêmement positif !

Nous devrions plutôt travailler ensemble au relèvement de notre économie au lieu de dire « on en reparlera » ! Évitons de céder, par habitude, au scepticisme et à la division entre Gaulois. Le moment est venu de nous unir, en dépit des échéances électorales à venir.

Pour répondre à la demande de bilan formulée par Mme Cros et le groupe de l’Union centriste, je dirais que le cycle économique est désormais plus favorable à l’évaluation du dispositif. D’ores et déjà, nous constatons une augmentation significative du volume des heures supplémentaires, avec une hausse, au premier trimestre de 2011, de 4,6 % sur un an. Cette augmentation s’accompagne d’une amélioration substantielle du marché de l’emploi avec 58 800 créations nettes d’emplois pendant la même période.

Les chiffres le prouvent : on peut, contrairement à ce qui a été déclaré, augmenter à la fois le nombre d’heures supplémentaires et le nombre d’emplois créés.

M. Roland Courteau. C’est faux !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. En ce qui concerne le pouvoir d’achat, le dispositif de la loi TEPA a montré son efficacité dès 2008. Cette année-là, ce sont 9,4 millions de salariés – un quart des ménages français – qui ont bénéficié des allégements de charges sociales et des exonérations d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires, soit une amélioration de revenu moyenne de 450 euros par ménage.

Je suis curieux de savoir comment ceux qui trouvent que ce n’est pas assez, ou que c’est trop, comptent expliquer à ces 10 millions de ménages qu’ils vont les priver du bénéfice de ces 500 euros.

M. Bernard Vera. Vous aviez promis 2 500 euros !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. D’aucuns ont qualifié ce dispositif de cadeau aux entreprises. Sur ce point, les chiffres publiés cette semaine par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, apportent un démenti catégorique : en 2010, 80 % des allégements de cotisations sociales prévus par la loi TEPA ont bénéficié aux salariés, et pas aux entreprises.

Cette mesure a donc clairement contribué à soutenir le pouvoir d’achat des Français pendant la période troublée de la crise. Le résultat est là, malgré l’ampleur du choc qui a incontestablement perturbé la mise en application de la loi TEPA.

Fait remarquable, le pouvoir d’achat des ménages a continué à augmenter,…

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … de même que leurs dépenses de consommation. Cela a préparé le pays à sortir de la crise par le haut avec une création nette d’emplois et un redémarrage de l’activité.

M. Roland Courteau. Bref, tout va très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je voudrais par ailleurs préciser que le dispositif a pesé moins que prévu sur nos finances publiques, contrairement à ce que disait un autre procès qui nous a été intenté ce matin.

En 2010, le coût net du dispositif pour l’État a été évalué à 4,8 milliards d’euros, contre 6 milliards d’euros prévus lors de l’examen du projet de loi. L’écart provient d’une surestimation ex ante du volume d’heures supplémentaires effectuées.

Nous avons ainsi démontré que les heures supplémentaires ne sont pas préjudiciables à l’emploi, bien au contraire. Il faut donc cesser de penser l’économie à la manière des Shadoks. (MM. Aymeri de Montesquiou et Michel Bécot sourient.) Non, l’économie et l’emploi ne sont pas un gâteau qu’il faut partager !

M. Bernard Vera. C’est vous qui creusez les déficits !

M. Roland Courteau. 300 000 emplois !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je vous demande de ne plus vous référer au raisonnement sur lequel se fondaient les 35 heures. Il fut dévastateur à l’époque et il n’augurerait rien de bon pour le débat politique de l’année prochaine.

Monsieur Courteau, affirmer que les heures supplémentaires ont « économisé » des embauches,…

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … c’est ne rien comprendre au fonctionnement d’une entreprise.

M. Roland Courteau. Vous n’allez pas nous donner des leçons !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il faut ne jamais être entré dans une entreprise de sa vie pour soutenir que le chef d’entreprise a le choix entre demander à ses salariés d’effectuer des heures supplémentaires ou embaucher.

M. Roland Courteau. C’est pourtant la triste réalité !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Parler économie en continuant à opposer heures supplémentaires et créations d’emplois, c’est dramatique. C’est ne pas savoir ce qu’est un carnet de commandes, c’est ne rien comprendre au rôle d’un donneur d’ordre. Comme si le job d’un patron consistait à tuer l’emploi, et son entreprise par la même occasion. Dans quel pays vivez-vous, monsieur Courteau ?

M. Roland Courteau. Pendant qu’un patron crée des heures supplémentaires, il ne crée pas d’emploi : c’est aussi simple que cela !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je sillonne nos régions chaque semaine. Je me bats également sur les marchés internationaux. Je peux vous dire que j’y rencontre des patrons qui défendent leur entreprise. Or non seulement ils recourent aux heures supplémentaires, mais ils embauchent également. Cessez donc d’opposer les unes aux autres !

M. Roland Courteau. C’est vous qui ne comprenez rien ou qui ne voulez rien comprendre !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Prétendre qu’il faut partager le nombre d’heures travaillées, c’est être à côté de la plaque.

M. Roland Courteau. C’est vous qui êtes à côté de la plaque !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Si telle est votre analyse du marché de l’emploi,…

M. Roland Courteau. C’est un constat !

M. Bernard Vera. Et il est accablant !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. … cela promet pour la prochaine campagne présidentielle. Nous attendons ce débat avec beaucoup d’intérêt !

M. Roland Courteau. Informez-vous !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. C’est ce que je fais ! Il est très étonnant que vous en soyez resté à une vision caricaturale, shadokienne de l’économie.

M. Vera est même allé jusqu’à prétendre que les heures supplémentaires avaient permis d’arrêter de masquer des heures non déclarées. Là aussi, nous sommes dans l’économie vue par les Shadoks. Arrêtez de considérer que les chefs d’entreprise, surtout ceux qui dirigent des petites et moyennes entreprises, ne cherchent qu’à violer la loi ! Cessez d’instaurer ce climat de défiance !

Nous sommes dans une économie ouverte, en compétition avec le reste du monde. Notre intérêt est d’aider les entreprises à créer des emplois et non de multiplier les obstacles.

Cette loi a libéré de l’énergie, elle a permis aux Français de travailler plus, de gagner un peu plus, et à la France de résister à la crise la plus grave depuis quatre-vingts ans.

M. Roland Courteau. La crise a bon dos !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je souhaite que ce soit sur cette base que nous fassions tous notre analyse.

J’aurais évidemment préféré que cette crise phénoménale ne soit jamais survenue. Reste que, à l’heure où la France redémarre, chacun voit bien que la réduction des charges sur les heures supplémentaires, la possibilité de travailler plus, de gagner plus et de créer des emplois sont compatibles. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le bilan du dispositif d’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

4

Nomination d'un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Jégou membre du comité de surveillance de la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quinze, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-PIERRE RAFFARIN

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

sommet du g8

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames messieurs les ministres, mes chers collègues, le sommet de Deauville, qui commence aujourd’hui, est la première réunion du G8 depuis le début du « printemps arabe » et le tragique accident survenu le 11 mars dans la centrale de Fukushima, au Japon.

Dans ce monde bousculé, la situation délicate d’un certain nombre de pays de la zone euro et celle des États-Unis mettent en question notre capacité à faire face, collectivement, aux conséquences de la crise de la dette.

Malgré une orientation et des choix politiques courageux, la France n’échappe pas à la fébrilité et à l’anxiété des marchés.

Les défis auxquels sont confrontés cette année les dirigeants du G8 sont lourds de sens et appellent donc des réponses ambitieuses.

Par leur ampleur, leur force symbolique et les enjeux géopolitiques qu’elles contribuent à refaçonner, les révoltes arabes sont imposées en haut de l’agenda.

Cette réunion sera l’occasion pour les dirigeants du G8 de réaffirmer leur soutien aux transitions démocratiques à l’œuvre tant en Égypte qu’en Tunisie.

Les dirigeants du G8 devront également s’entendre sur des pistes de sortie de crise pour la Libye et la Syrie, des pays où la contestation populaire se heurte à une violente répression.

La démocratisation a un coût, et cet aspect devrait être également abordé. S’il ne semble pas être question pour Paris et Berlin de faire de Deauville une « conférence des donateurs », le sommet devrait coïncider avec des allégements de dette ou des aides à l’investissement.

De même, la crise du nucléaire au Japon devrait être l’un des axes de discussion de ce sommet.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le Premier ministre, dans quel état d’esprit et selon quelle logique le Gouvernement aborde le sommet du G8 de Deauville ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà une question très légèrement téléphonée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à souligner que c’est, pour notre pays, un honneur d’accueillir sur son sol les représentants des grandes puissances économiques et, à travers eux, les peuples dont ils sont les porte-parole.

Je me réjouis que l’ordre du jour de cette réunion du G8 corresponde aux priorités arrêtées par le Président de la République et la France.

L’invitation adressée aux responsables tunisiens et égyptiens sera l’occasion de parler avec eux du printemps arabe et de leur témoigner la solidarité des grandes puissances. Celle-ci passe non seulement par un appui politique, mais aussi et surtout par un soutien économique et financier, afin que ces pays réussissent leur transition vers la démocratie, encore inachevée à ce jour.

Nous avons reçu la semaine dernière le Premier ministre tunisien à Paris. La Tunisie va formuler auprès du G8 d’importantes demandes de financement en vue de réaliser des infrastructures susceptibles de rééquilibrer le développement économique entre la bande côtière, très dynamique, et l'intérieur du pays. Au regard des sommes considérables dont la Tunisie a besoin, la France et l’Europe ne pourront agir qu’avec le soutien des États-Unis, de la Chine, du Japon et des autres grandes puissances.

De la même façon, je recevrai, après cette séance de questions d’actualité, le Premier ministre égyptien, avant qu’il ne rejoigne Deauville. La réussite de la révolution en Égypte est fondamentale pour que le printemps arabe puisse faire des émules, et nous savons tous que la situation est plus délicate en Égypte qu’en Tunisie, notamment parce que l’économie égyptienne est complètement à l’arrêt depuis le début de la révolution.

Les responsables du G8 ont en outre, dès ce matin, profité de l’examen de cet ordre du jour pour condamner très fermement la répression en Syrie et pour demander une nouvelle fois au colonel Kadhafi de reconnaître la réalité et de se retirer du pouvoir, afin qu’un processus démocratique puisse s’engager en Libye.

La situation au Japon, en particulier les suites de la crise nucléaire, figure également à l'ordre du jour de ce sommet. Les pays membres du G8 manifesteront naturellement leur soutien et leur solidarité au peuple japonais ; ils proposeront de participer à la reconstruction des régions qui ont été dévastées par le tremblement de terre et le tsunami.

Dans la droite ligne des positions qu’elle a défendues à plusieurs reprises, notamment à l'occasion du sommet qui s'est réuni à Kiev pour l'anniversaire de l'accident de Tchernobyl, la France va proposer aux autres pays du G8 de créer une force d'intervention rapide susceptible de mobiliser tous les moyens des grands pays industrialisés en cas d'accident nucléaire comme celui de Fukushima. De surcroît, parce que les exigences en termes de sécurité ne sont pas, à ce jour, les mêmes dans les différents pays du globe, nous proposons de définir, au niveau international, des standards de sécurité beaucoup plus élevés que ceux qui ont généralement cours aujourd'hui.

Ce sommet du G8 sera en outre l'occasion d’évoquer, sur l'initiative de la France, la question de l’internet, avec comme fil conducteur l’idée que nous avons avancée d’un « internet civilisé ».

Internet est déjà et sera plus encore à l’avenir l’un des principaux vecteurs de la croissance dans tous les pays. Mais la démocratie, le respect de la personne et de la vie privée, toutes ces règles que nos civilisations ont construites avec le temps, doivent aussi s'appliquer sur Internet. Pour la première fois, les membres du G8 ont su se saisir de cet enjeu, qui appelle des réponses à des problèmes technologiques en même temps qu’il impose aux États de trouver des modalités de coopération dans ce domaine.

Enfin, nous avons voulu inviter au sommet de Deauville plusieurs chefs d'États africains qui ont pour caractéristique d'avoir été élus démocratiquement. C'est aussi une façon pour nous de montrer que le monde a changé et que l'on encouragera désormais les processus démocratiques, en Afrique comme ailleurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

conséquences de la sécheresse

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Ma question s'adressait à M. le ministre de l’agriculture. Toutefois, en l’absence de celui-ci, peut-être M. le Premier ministre me répondra-t-il… (Sourires.)

À ce jour, quarante-deux départements sont en situation de sécheresse déclarée, soit une moitié du territoire. Ce phénomène climatique constitue une nouvelle épreuve pour les agriculteurs, après celle qu’ils ont vécue en 2009.

Pour les éleveurs, nous pouvons déjà parler de crise. En Franche-Comté, la « grange à foin de la France », ils n’ont quasiment plus de stock de fourrage. Il faut dire qu’à la faible quantité d’herbe disponible au pâturage s’ajoutent les dégâts des campagnols qui, dans certaines communes, ont ravagé la quasi-totalité des prairies ! Dans d’autres points du territoire, la situation est tout aussi dramatique : certains éleveurs sont obligés d’abattre une partie de leur cheptel pour être en mesure de nourrir l’autre partie.

En ce qui concerne les grandes cultures, l’inquiétude est moindre, mais déjà palpable. Par exemple, dans le Jura, les pertes pourraient atteindre les deux tiers des rendements habituellement constatés.

Cette sécheresse est donc non seulement une calamité économique, mais aussi et surtout un drame humain, notamment pour les jeunes agriculteurs.

Certes, le Gouvernement se mobilise pour trouver des solutions : les mesures annoncées vont dans le bon sens, mais il faut aller plus loin.

À cet égard, que comptez-vous faire pour éviter une spéculation sur la paille et le fourrage ?

Mme Nathalie Goulet. Bonne question !

M. Gilbert Barbier. Le peu de foin commercialisé ces dernières semaines se négociait à 190 euros la tonne livrée. On ne peut laisser les éleveurs seuls face à la logique de marché ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Enfin, au-delà des mesures conjoncturelles, il est temps de penser autrement, et sur le long terme, notre gestion de l’eau, sachant que cette sécheresse n’est malheureusement pas la première qui affecte l’agriculture française.

Le groupe du RDSE, auquel j’appartiens, avait vivement déploré l’absence d’un volet sur l’eau dans la loi de modernisation agricole et y avait remédié en présentant un amendement, adopté à l’unanimité de notre assemblée, qui inscrivait la politique de stockage de l’eau au rang des priorités. L’eau est disponible si l’on sait la gérer !

Pour quelles raisons notre pays a-t-il refusé pendant vingt ans de se donner les moyens d’une telle politique, qui relève pourtant du bon sens ? Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre en ce sens ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du logement.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Barbier, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Bruno Le Maire, qui est actuellement en Chine pour le G20 agricole, et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui n'a pu être présente aujourd’hui au Sénat.

La combinaison de températures particulièrement hautes et d’une pluviométrie particulièrement basse rend en effet la situation préoccupante en ce début d'année 2011.

À l’heure où nous parlons, quarante-six départements, dont le Jura, se trouvent aujourd'hui dans une situation très difficile du fait de cette sécheresse.

Face à cela, le Gouvernement est totalement mobilisé aux côtés des agriculteurs. Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet ont d'ores et déjà pris des mesures importantes pour répondre à leurs difficultés.

Les jachères et les bandes enherbées pourront ainsi être utilisées sans aucune restriction ; Bruno Le Maire réunira lundi prochain l'ensemble des préfets pour leur donner de nouvelles instructions en ce sens.

Un système de solidarité entre les exploitants autour de l'approvisionnement des éleveurs en fourrage et en paille a également été organisé. Comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, dans un contexte aussi dramatique, des pratiques spéculatives seraient absolument insupportables.

Il sera aussi procédé au versement anticipé, à hauteur de 80 %, de la prime au maintien de la vache allaitante, ce qui représente une aide de 440 millions d'euros.

Par ailleurs, les contraintes liées aux engagements des mesures agro-environnementales territorialisées seront assouplies.

En outre, le Gouvernement a annoncé qu'il allait mobiliser dans les plus brefs délais le Fonds national de gestion des risques en agriculture afin d’évaluer et d’indemniser les pertes à la hauteur des besoins.

Enfin, Bruno Le Maire a explicitement demandé aux banques et au médiateur du crédit d'apporter des solutions aux éleveurs pour soulager leur trésorerie.

Cependant, comme vous l’avez souligné, monsieur Barbier, il faut également se préoccuper de l'avenir, notamment de la gestion de l'eau.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Au-delà du développement des mécanismes assurantiels, pour lequel le Gouvernement est mobilisé, il conviendra d’adapter les types de cultures en favorisant celles qui sont plus économes en eau, mais aussi d'investir dans des modes d’irrigation moins gourmands.

Enfin, il faudra évidemment développer les retenues collinaires. C'est le bon sens que de stocker de l'eau en hiver pour l’utiliser en été ! (M. Roger Romani applaudit.)

Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, la situation est particulièrement grave. Soyez assuré que le Gouvernement, derrière le Premier ministre, est totalement mobilisé sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

finances des collectivités locales

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Même si le spectre de la crise économique semble s’éloigner, ses effets se font durablement sentir, notamment au sein des collectivités territoriales.

Déjà victimes de difficultés financières résultant d’une fiscalité locale archaïque, certaines collectivités sont frappées de plein fouet par des emprunts toxiques.

C’est le cas de certains départements, mais aussi de certaines communautés de communes, dans un département aussi modeste que le mien, qui ont contracté des emprunts, notamment auprès de Dexia, dont les taux d’intérêt atteignent actuellement 12 %.

Les contrats de prêt ont été manifestement conclus en violation des obligations pesant sur les professionnels, et l’on peut pointer en l’espèce un manquement à l’obligation de conseil et d’information. Face à des professionnels, les maires ruraux sont bien démunis pour apprécier les clauses de variation des taux d’intérêt.

L’Assemblée nationale débattra le 8 juin prochain d’une proposition de résolution tendant à constituer une commission d’enquête sur les emprunts toxiques des collectivités commission qui devra en particulier évaluer la responsabilité des banques dans ce dossier.

Puisque l’État français est actionnaire de Dexia et que les contribuables français et européens ont largement contribué à son sauvetage, je souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour assister les élus piégés et tenter de régler les litiges en cours, qui inquiètent ces élus et paralysent leur action ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame le sénateur, je vous réponds en lieu et place de Christine Lagarde, empêchée cet après-midi.

Le Gouvernement est, comme vous, attentif à la question des prêts structurés souscrits par les collectivités locales auprès des banques.

Dès la fin de 2009, vous le savez, le Gouvernement a proposé à l’ensemble des associations de collectivités territoriales et aux banques de signer une charte afin de mettre un terme à la commercialisation et à la souscription des produits risqués que vous avez évoqués, fondés sur l’évolution d’indices parfois très éloignés du vécu et des préoccupations des collectivités territoriales.

Pourquoi une charte ? Tout simplement pour ne pas enfreindre le principe de libre administration des collectivités locales, principe garanti par la Constitution.

Par cette charte, les banques ont pris l’engagement de ne plus commercialiser de produits spéculatifs auprès des collectivités locales et de mieux les informer sur le niveau des risques encourus.

Quant aux collectivités, elles se sont engagées à renforcer la transparence sur les emprunts structurés qu’elles pourraient souscrire.

Il faut probablement aller plus loin, toujours en veillant à respecter, bien sûr, le principe de libre administration. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a nommé un médiateur des emprunts structurés, chargé de rechercher, au cas par cas, des solutions aux difficultés des collectivités locales. Ce médiateur a beaucoup travaillé et a déjà réglé nombre de situations difficiles.

M. Didier Boulaud. Il faut une table ronde ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Éric Besson, ministre. Il reste probablement des efforts à faire et c’est pourquoi un travail est entrepris par Christine Lagarde, en association avec François Baroin, ministre du budget, et Claude Guéant, ministre de l’intérieur, en vue de renforcer la médiation au service des collectivités locales. Il y aura donc très prochainement, avec un engagement encore plus important des banques, un renforcement de la médiation, de façon que le Gouvernement puisse mieux accompagner les collectivités territoriales souhaitant recevoir un tel appui.

Madame le sénateur, dans les prochains jours, vous le verrez, cette médiation, qui a déjà porté ses fruits, sera renforcée au service des collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

industrie et énergie

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. « La France qui se lève tôt, la France qui travaille dur… » Eh bien, cette France-là n’arrive plus à joindre les deux bouts !

Et qui a dit qu’il serait le Président du pouvoir d’achat ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Pourtant, aujourd'hui, tout augmente. Tout, sauf le pouvoir d’achat !

À la hausse : les produits alimentaires, les tarifs de la SNCF, les péages, les carburants, les tarifs du gaz et de l’électricité et, surtout, l’exaspération des Français.

À la baisse : la confiance des ménages.

Concernant le secteur de l’énergie, pour ceux qui ont cru aux « comptes fantastiques » de la fée libérale, le retour sur terre est amer.

Dans quel imbroglio kafkaïen nous a-t-on fourrés depuis 2002 ?

Et dire qu’un certain slogan claironne : « Nous vous devons plus que la lumière » !

Après la privatisation de GDF, malgré l’engagement pris par le ministre Sarkozy, après la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME, dernier avatar d’un processus délétère, annonciateur de fortes hausses du prix de l’électricité, voici venu le temps des hausses du prix du gaz !

M. Alain Gournac. Mais non !

M. Roland Courteau. Une augmentation de 20 % en un an et de 55 % depuis la privatisation de GDF : autant de coups de massue pour les Français !

Bien entendu, pendant ce temps-là, les dividendes des actionnaires sont également à la hausse… Mais à la hausse aussi, la précarité énergétique : 4 millions de foyers sont frappés !

Certes, le Gouvernement, dans la perspective de l’élection présidentielle, vient de geler le prix du gaz au 1er juillet : excellente nouvelle pour les Français qui pourront ainsi, durant tout l’été, se chauffer sans retenue ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

En revanche, l’hiver dernier, un Français sur dix n’a pu se chauffer, faute de moyens...

Mais le mauvais feuilleton énergétique continue.

Il y a dix ans, le Gouvernement a cédé à GDF – entreprise publique – 32 000 kilomètres de gazoducs pour presque rien. Aujourd’hui, GDF-Suez, entreprise devenue privée, vend une partie de ce réseau pour 1 milliard d’euros à la Caisse des dépôts et consignations, organisme d’État.

En fait, l’État rachète vingt fois plus cher ce qu’il a cédé à GDF il y a dix ans, et sans aucun bénéficie pour nos concitoyens.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle bonne gestion des deniers publics !

M. Roland Courteau. Comment justifiez-vous cette vente spéculative ?

Et quand allons-nous sortir de cet imbroglio énergétique kafkaïen, qui plombe le pouvoir d’achat des Français et engendre tant de précarité énergétique ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Ça, c’est une question !

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, j’essaie de comprendre…

M. David Assouline. C’était très clair !

M. Éric Besson, ministre. … en quoi l’opération de cession partielle de GRT gaz, le réseau de transport de gaz en France, par GDF-Suez serait une opération de privatisation cachée, comme vous venez de le suggérer. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. J’ai dit que c’était une opération spéculative ! Et ce sont les Français qui vont payer !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c’est ce qui s’appelle gérer l’argent des Français !

M. Éric Besson, ministre. D’abord, elle a été menée de façon totalement transparente. L’annonce en a été faite le 14 avril dernier et il s’agit clairement d’un renforcement du secteur public dans la distribution du gaz en France, laquelle reste néanmoins contrôlée par GDF-Suez.

La valorisation du capital cédé est totalement conforme à celle qui avait été retenue lors de la fusion entre GDF et Suez, en 2008. Les actifs de GRT gaz avaient été évalués, sous le contrôle de la Commission des participations et des transferts, à 5,6 milliards d’euros. Leur valeur est aujourd’hui estimée à 6,7 milliards d’euros. Où est le problème ?

M. David Assouline. C’est nous qui ne comprenons rien !

M. Éric Besson, ministre. Il y a bien eu une augmentation de la valeur de GRT gaz, mais c’est grâce à la création de valeur réalisée par GDF-Suez, qui a investi 2 milliards d’euros.

M. Paul Raoult. Il ne maîtrise pas son dossier !

M. Éric Besson, ministre. Enfin, cette opération, si elle est menée, fera de GRT gaz l’un des leaders européens dans son secteur.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas la question !

M. Éric Besson, ministre. Ce projet s’inscrit bien dans une logique industrielle qui vise à renforcer un champion français dans la gestion des réseaux et des grandes infrastructures.

Vous me permettrez de relever à ce sujet un grand paradoxe.

À l’Assemblée nationale, vos collègues députés socialistes nous reprochent une « privatisation »…

M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas la question !

M. Éric Besson, ministre. … et, en la circonstance, le reproche que vous pourriez nous faire serait presque une renationalisation partielle. Il faudrait choisir vos arguments ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

MM. Jean-Pierre Bel et Didier Boulaud. Répondez donc à la question !

M. Éric Besson, ministre. Pour ce qui concerne les prix de l’énergie, vous avez redit à juste titre que, à la demande du Premier ministre,…

M. René-Pierre Signé. On n’a pas entendu ça !

M. Éric Besson, ministre. … la formule de calcul du gaz avait été provisoirement gelée : le gaz n’a pas augmenté jusqu’au 1er juillet de l’année dernière et le tarif social du gaz a été amélioré.

Concernant l’électricité, nous avons revalorisé le niveau du tarif social de l’électricité et limité la hausse à 2,9 % jusqu’au 1er juillet de l’année dernière.

M. Roland Courteau. Il ne répond pas parce qu’il ne sait pas !

M. Éric Besson, ministre. Nous avons également créé une prime à la casse pour les chaudières à gaz et à fioul.

Nous avons donc eu en permanence la préoccupation du pouvoir d’achat des Français les plus modestes.

Reste, monsieur le sénateur, la question de l’avenir, dont nous aurons sûrement à débattre, car il faudra bien continuer à produire de l’électricité. Vous devrez donc nous expliquer comment vous entendez sortir du pétrole et du nucléaire – c’est ce qui ressort des débats internes à votre parti – tout en préservant la compétitivité de notre industrie et le pouvoir d’achat des ménages français. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Paul Raoult. On vous l’expliquera !

M. Roland Courteau. Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit !

M. Didier Boulaud. L’important, c’est qu’on en sorte ! Le reste, c’est du détail !

M. Alain Gournac. Ils en sortiront avec du vent ! Comme pour le reste !

situation en libye

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

L’envoi prochain d’hélicoptères français de combat en Libye pour réaliser des frappes au sol plus précises est le signe de l’évolution inquiétante et incertaine de la situation dans ce pays.

Bien que vous prétendiez qu’il ne s’agit pas d’un changement de stratégie, cette décision marque une intensification de notre intervention militaire et un changement significatif de la politique que poursuit votre gouvernement dans ce conflit.

Aujourd’hui, le cadre et les objectifs de protection des populations civiles fixés par la résolution 1973 de l’ONU semblent largement dépassés par la tournure que prennent les événements. Le blocage de la situation sur les plans militaire et politique est total.

Le départ du dirigeant libyen, sinon son élimination, est de plus en plus ouvertement évoqué comme but de guerre.

Après plus de deux mois de frappes aériennes, la France est entraînée dans l’engrenage de la guerre civile, avec un statut de cobelligérant auprès des insurgés, et aucune solution politique négociée n’est en vue.

En revanche, la catastrophe humanitaire ne cesse de s’amplifier. En plus des morts et des blessés, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, plus de 740 000 personnes ont quitté la Libye dans les deux derniers mois pour se réfugier dans les pays voisins, notamment la Tunisie, dans des conditions sanitaires particulièrement difficiles. Seulement 2 % de ces réfugiés sont accueillis en Europe.

La situation actuelle nécessite donc d’aboutir très rapidement à un cessez-le-feu en appuyant les efforts diplomatiques en cours. Elle nécessite également que la France et l’Union européenne acceptent d’accueillir un nombre plus important de réfugiés pour soulager les pays de la région.

La situation en Libye est l’un des sujets abordés aujourd’hui à Deauville au sommet des pays du G8.

Monsieur le Premier ministre, je réitère donc la demande de notre groupe tendant à ce que soit organisé, avant la fin de la session, un débat parlementaire permettant de soumettre à l’accord du Parlement la prolongation de notre engagement militaire, comme le prévoit l’article 35 de la Constitution ou, à défaut, par application de son article 50-1.

Dans l’immédiat, je vous demande de me préciser les initiatives que compte prendre notre pays pour trouver une solution politique à ce conflit et sortir ainsi de l’impasse dans laquelle nous semblons nous engager. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le sénateur, que serait la situation humanitaire en Libye si les forces de M. Kadhafi étaient rentrées dans Benghazi, si la ville de Misrata était tombée ?

On peut donner des leçons,…

M. Alain Gournac. Pour cela, ils sont très forts !

M. François Fillon, Premier ministre. … on peut souhaiter qu’un cessez-le-feu intervienne en se lavant les mains de la réalité de la situation sur le terrain.

M. Paul Raoult. Ce ne serait pas pire qu’aujourd'hui !

M. Didier Boulaud. Et la Syrie ?

M. François Fillon, Premier ministre. En vérité, si la France n’avait pas pris cette initiative,…

M. René-Pierre Signé. Elle a mis longtemps !

M. François Fillon, Premier ministre. … à l’heure qu’il est, les forces du colonel Kadhafi auraient pris le contrôle de l’ensemble du pays et la révolution aurait été étouffée dans l’œuf.

Aujourd’hui, nous respectons strictement les termes de la résolution des Nations unies.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On n’en est plus à l’application de la résolution des Nations unies !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous utilisons les forces de la coalition pour empêcher les troupes du colonel Kadhafi de reprendre du terrain sur les insurgés.

M. René-Pierre Signé. Il y a eu des morts !

M. François Fillon, Premier ministre. Si nous avons indiqué qu’il était possible que nous engagions des hélicoptères de combat, c’est pour relâcher la pression sur Misrata. En effet, les forces du colonel Kadhafi, vous le savez, ont à plusieurs reprises essayé de prendre cette ville en l’encerclant et il est très difficile pour les avions de la coalition de frapper ses troupes parce qu’elles sont mêlées aux populations. C’est la raison pour laquelle nous serons peut-être amenés à utiliser des hélicoptères français de combat et des hélicoptères d’autres pays de la coalition : pour empêcher les troupes du colonel Kadhafi de prendre Misrata et d’accroître leur pression sur les insurgés.

En même temps, la France multiplie les initiatives diplomatiques, au côté de la Grande-Bretagne, notamment, pour essayer de trouver le plus vite possible une solution politique à ce conflit.

C’est ainsi que nous avons été à l’origine de la mise en place d’un groupe de contact réunissant l’ensemble des pays de la coalition, y compris un certain nombre de pays arabes. Nous avons multiplié les contacts avec les forces politiques présentes sur le territoire même de la Libye pour essayer d’obtenir que se noue un dialogue entre les autorités…

M. Jacques Mahéas. Cela n’avance pas !

M. François Fillon, Premier ministre. Vous voulez peut-être vous en occuper ? Cela avancerait plus vite ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Nous serons peut-être obligés de nous en occuper dans un an, quand vous ne serez plus là !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous essayons de faire en sorte de protéger des hommes et des femmes qui se battent pour leur liberté. Vous pourriez, me semble-t-il, avoir un peu plus de respect pour le combat qui est mené ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

En tout cas, s’agissant du Parlement, je vous indique que, grâce à la révision constitutionnelle que vous n’avez pas votée, monsieur le sénateur, il y aura, bien entendu, le moment venu, à la date prévue, un débat sur l’autorisation donnée au Gouvernement français d’engager nos forces en Libye. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. Avec un vote ?

M. Paul Raoult. C’est de l’aventurisme politique !

bons chiffres de l'emploi

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Avec 1 % de croissance au premier trimestre de 2011 – un chiffre que vous avez confirmé, monsieur le ministre –, l’économie française semble à un tournant, la reprise économique qui a suivi la récession de 2009 s’accélérant.

M. Didier Boulaud. C’est la même question qu’à l’Assemblée nationale !

M. Michel Houel. Cette croissance, portée par l’investissement des entreprises et la production industrielle, est saine et porteuse d’emplois, comme l’atteste d’ailleurs la diminution régulière du chômage depuis quatre mois consécutifs. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Passe-moi la rhubarbe ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Michel Houel. Monsieur Boulaud, je connais un État européen voisin du nôtre qui aimerait bien échanger avec nous ses chiffres de l’emploi : son taux de chômage est de 21 % pour l’ensemble de la population et de 43,5 % pour les moins de vingt-cinq ans. Et c’est un gouvernement socialiste qui dirige ce pays depuis 2004 !

M. Alain Gournac. Oui, socialiste !

M. Michel Houel. De nombreuses mesures structurelles ont été prises depuis 2007 pour renforcer la compétitivité de la France : crédit d’impôt recherche, soutien aux filières industrielles, fin de la taxe professionnelle frappant les investissements, maîtrise des taux d’intérêt au travers d’un soutien sans faille à l’euro, assouplissement du marché du travail.

Cette croissance s’accompagne d’une progression des offres d’emploi, notamment à destination des cadres : en un an, celles-ci ont augmenté de 67 %. Il faut remonter à près de dix ans en arrière, j’y insiste, pour retrouver le niveau actuel.

M. Didier Boulaud. C’est donc que cela allait bien sous le gouvernement Jospin !

M. Michel Houel. Il s’agit d’un fait structurant, car ces recrutements sont une marque de confiance en l’avenir.

Cette croissance s’accompagne également d’une diminution du déficit public, non seulement du fait de recettes conformes aux prévisions, mais aussi grâce à une remarquable maîtrise des dépenses publiques. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

La majorité a pour priorité de faire en sorte que la croissance continue de se traduire par une baisse du chômage et une hausse du pouvoir d’achat des salariés,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la fée Clochette !

M. Michel Houel. … malgré la perception inverse couramment répandue.

Mme Éliane Assassi. Vous venez de la planète Mars ou quoi ?...

M. Michel Houel. C’est ainsi, chère collègue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a marché sur la Lune !

M. Michel Houel. Or, dans les prochains mois, nous pourrions voir cette dynamique altérée par le coût des importations des matières premières. Au surplus, l’inflation demeure une source de crainte pour le pouvoir d’achat des salariés.

Mme Odette Terrade et M. Charles Gautier. Et la question ?

M. Michel Houel. Monsieur le ministre, quelle est votre analyse de ces chiffres et quelles stratégies envisagez-vous pour l’avenir ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Les vrais chiffres, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le sénateur, le chômage a, il est vrai, encore reculé au mois d’avril, et cela pour le quatrième mois consécutif.

M. René-Pierre Signé. Pas pour tout le monde !

M. Jacques Mahéas. Et les 120 000 emplois précaires en plus ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous n’avions pas connu une telle situation depuis la période courant du mois de décembre 2007 au mois de mars 2008.

Il s’agit avant tout d’une excellente nouvelle pour les 10 900 personnes qui ont retrouvé un emploi au mois d’avril dernier.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est une réalité, qui doit satisfaire tout le monde. D’ailleurs, l’opposition, bien souvent, tient un tout autre langage lorsque le chômage baisse dans le département qu’elle gère !

M. Jacques Mahéas. Pas en Seine-Saint-Denis !

M. Xavier Bertrand, ministre. Elle oublie alors, bien évidemment, d’expliquer que cette baisse est due à la reprise économique, qui elle-même tient non pas au hasard, mais à l’action du Gouvernement !

Ainsi, avec ma collègue Nadine Morano, j’ai mis l’accent sur l’apprentissage pour continuer de faire baisser le taux de chômage des jeunes : celui-ci a diminué d’un peu plus de 7 % en un an. Certes, ce n’est pas assez, et, à mon goût, le rythme n’est pas assez rapide, mais nous sommes aujourd'hui sur la bonne voie.

Par ailleurs, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé d’affecter 500 millions d’euros à la lutte contre le chômage, ce qui va nous permettre de faire reculer davantage encore ce dernier dans les semaines et les mois à venir. Vous nous interrogiez sur notre stratégie, monsieur le sénateur : vous avez la réponse !

Par ailleurs, j’ai réuni ce matin l’ensemble des sous-préfets de France pour que nous menions une politique de l’emploi au plus près du terrain, bassin d’emploi par bassin d’emploi, en accordant la priorité, notamment, aux fameux métiers en tension.

Aujourd’hui, de nombreuses entreprises cherchent à recruter et ne trouvent pas satisfaction. En même temps, plus de 2,6 millions de personnes sont à la recherche d’un emploi. Nous devons rapprocher les premières des secondes pour faire baisser le chômage beaucoup plus rapidement.

Sur tous ces sujets, nous sommes totalement mobilisés. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour permettre au Gouvernement d’aller plus loin en matière d’apprentissage, vous aurez bientôt à vous prononcer sur un texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

Aujourd’hui, un choix très clair est proposé aux Français. J’ai entendu, dans ce que j’appellerai le « pseudo-projet socialiste »,…

M. Jacques Mahéas. Pourquoi « pseudo » ?

M. Xavier Bertrand, ministre. … que l’avenir des jeunes passerait par le retour des emplois jeunes ! (M. Alain Gournac s’esclaffe.) Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces emplois publics rémunérés avec l’argent public que les socialistes n’ont pas ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Mahéas. Vous en avez encore moins que nous n’en avons eu !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour ce qui nous concerne, nous le disons très clairement, la voie de l’avenir pour les jeunes, c’est l’entreprise, ce qui passe bien évidemment par un développement de l’apprentissage. Tel est le choix que nous offrirons aux Français.

Nous continuons sur cette voie, avec pour premier objectif de faire repasser le taux de chômage sous la barre des 9 %. Je suis optimiste sur ce point,…

M. René-Pierre Signé. Vous n’aurez pas le temps !

M. Xavier Bertrand, ministre. … mais il est un fait dont je suis tout à fait certain : si nous travaillons tous ensemble, nous obtiendrons de bien meilleurs résultats encore en matière d’emploi, et ce sera une très bonne nouvelle pour les Français ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Bruno Retailleau applaudissent également.)

budget et effectifs de l'éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Des sacrifices sont encore demandés pour 2011 : monsieur le ministre, l’avenir de l’enseignement est remis en cause par vos décisions de restrictions très préoccupantes pour nos écoles.

M. Didier Boulaud. Un vrai scandale !

M. Jean-Luc Fichet. Dans les milieux urbains comme dans les zones rurales, on constate la détresse des parents, des enseignants, des élus.

Jugez-en plutôt : 16 000 postes seront supprimés, dont 9 000 dans le premier degré, et 1 500 classes fermées, tandis que, de l’aveu même du ministère de l’éducation nationale, 50 800 élèves supplémentaires seront accueillis. À cela s’ajoute la suppression de 379 postes de RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ce qui empêche définitivement tout soutien aux élèves en difficulté.

De tous les pays de l’OCDE, la France est celui qui possède le plus faible nombre de professeurs par élève !

Puis-je vous remettre en mémoire cet appel à la sagesse de Victor Hugo : « Ouvrez une école et vous fermerez une prison. »

M. Jean-Luc Fichet. Voilà qui devrait guider vos arbitrages et, de plus, vous permettre de véritables économies !

La RGPP n’est que trop invoquée pour justifier vos coupes claires. Pourtant, elle n’a pas montré son utilité pour réduire la dette de notre pays, qui s’élève à 1 591 milliards d’euros.

En effet, cette politique a été lancée en 2007, à une époque où la dette s’élevait à 1 208 milliards d’euros. Vous pouvez juger de son efficacité : depuis lors, notre endettement a progressé de 383 milliards d’euros !

M. Didier Boulaud. Tout va bien !

M. Jacques Mahéas. C’est la banqueroute !

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, ce que nous demandons, c’est une prise de conscience politique : les dépenses en matière d’éducation qui n’ont pas lieu aujourd’hui devront être engagées demain ; le rattrapage sera donc plus important. En somme, l’attitude du Gouvernement pénalise à la fois le présent, par un déficit de moyens, et l’avenir, car la politique menée aujourd’hui aura des conséquences.

L’Association des maires de France s’en est elle-même émue par la voix de son président Jacques Pélissard, qui va saisir le Gouvernement pour contester la carte scolaire de 2011.

M. Didier Boulaud. C’est dire !

M. Jean-Luc Fichet. À cet égard, il réclame même « une analyse objective des besoins scolaires » avant « toute décision de réduction d’effectifs ». Il faut en effet s’assurer que, partout où elle se trouve, l’école ait les moyens de permettre la réussite des élèves.

Lors de la Nuit des écoles, les parents ont dénoncé ces mesures qui sont autant de contresens ; ils ont, à ce titre, rappelé les propos du député UMP Olivier Dassault, pour qui « il n’est plus possible de faire mieux à l’école, avec moins de moyens ».

Les auxiliaires de vie scolaire devront réduire leur temps de travail de 26 à 20 heures auprès des enfants handicapés, alors qu’ils sont indispensables.

Un sénateur du groupe socialiste. C’est une honte !

M. Jean-Luc Fichet. Terrible décision que celle qui supprime le soutien aux élèves, dont nous devons nous occuper prioritairement.

M. Alain Gournac. La question !

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, quand cesserez-vous de démanteler ce qui constitue le fondement de notre avenir et du succès des générations futures, à savoir l’école ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. Quand il n’y en aura plus !

M. Jean-Claude Gaudin. C’est scandaleux de tenir de tels propos !

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous rappeler un chiffre pour nourrir votre réflexion, car vous peinez à sortir de votre doctrine, de cette idéologie qui est ancrée à gauche depuis trente ans : toujours plus de moyens ! Pourtant, j’observe que les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et votre idéologie à vous est toujours la même : toujours plus pour les riches !

M. François Baroin, ministre. Depuis 1990, quelque 35 000 postes supplémentaires ont été créés dans l’éducation nationale, alors que l’on dénombre 540 000 élèves en moins.

M. René-Pierre Signé. Pas dans les zones rurales.

M. François Baroin, ministre. La politique suivie n’est pas simplement liée à une logique d’économies appliquée à l’éducation nationale comme à l’ensemble des ministères, dans le cadre de la maîtrise de nos finances publiques et de la réduction de nos déficits,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec les exonérations de charges !

M. François Baroin, ministre. … elle est une adaptation de la voilure et du périmètre de l’école à l’évolution démographique.

Monsieur le sénateur, si nous prenons l’exemple du département dont vous êtes l’élu, à savoir le Finistère, 350 élèves en moins ont été enregistrés à la rentrée 2010. De même, à la rentrée 2011, ce département comptera encore 463 élèves en moins.

Je connais la situation, étant moi-même un élu local. Il est logique de défendre les structures d’accueil et de flécher les postes d’enseignants en fonction de l’évolution démographique.

M. René-Pierre Signé. Vous allongez le transport scolaire !

M. François Baroin, ministre. D’ailleurs, si des classes sont supprimées, vous avez raison de le dire, vous omettez de souligner, à tort, que d’autres, dans le même temps, sont créées.

M. Jean-Luc Fichet. Venez donc sur le terrain !

M. François Baroin, ministre. Dans les départements qui connaissent une démographie vigoureuse, nous adaptons les moyens des politiques publiques à cette réalité, …

M. René-Pierre Signé. Pas dans le monde rural !

M. François Baroin, ministre. … et, dans d’autres secteurs, nous affectons des moyens en priorité au monde rural.

M. François Baroin, ministre. Dans le cadre de la gestion des relations entre l’État et les collectivités locales, les communes se voient octroyer des dotations de solidarité rurale, qui n’ont pas été affectées par les mesures d’économies et le respect des normes fixées pour nos déficits publics.

M. François Baroin, ministre. C'est la raison pour laquelle, à la demande du Premier ministre, le ministre de l’éducation nationale, dont je vous demande de bien vouloir excuser l’absence, a décidé de confier aux recteurs le soin d’adapter la carte scolaire aux réalités des académies. Telle est notre méthode.

M. Simon Sutour. C’est l’histoire racontée aux enfants !

M. Jean-Pierre Bel. On nous abuse !

M. François Baroin, ministre. Pour le reste, permettez-moi de vous dire, monsieur le sénateur, que la RGPP s’inscrit aussi dans une logique de soutien aux publics prioritaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd’hui, on a vraiment marché sur la Lune !

M. Jean-Pierre Sueur. Allez le dire dans le Finistère !

M. François Baroin, ministre. La démonstration en a été faite : pour avoir de meilleurs résultats, il faut non pas donner plus de moyens, mais adapter ceux-ci à l’évolution démographique et aux publics les plus fragiles, les plus défavorisés, ceux qui nécessitent un plus grand soutien. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Luc Fichet. C’est faux !

M. René-Pierre Signé. Venez dans le Morvan !

dérives du comité d'entreprise d'edf-gdf suez

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Ma question s'adresse à la fois à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique et à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Après un an et demi d’enquête, la Cour des comptes a remis, il y a quelques jours, un rapport sévère sur la gestion des activités du plus important comité d’entreprise de France, celui d’EDF-Gaz de France. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Quatre ans après son rapport de 2007, la Cour des comptes constate qu’une seule de ses trente-quatre recommandations a été prise en compte ; elle dénonce même une « gestion dégradée ».

Les ressources de la CCAS, la Caisse centrale des activités sociales, sont très importantes, puisqu’elles proviennent d’un prélèvement de 1 % sur la vente d’électricité, et non d’un pourcentage de la masse sur salariale, comme partout ailleurs.

Alors que ces sommes devraient servir à aider les personnels à partir en vacances, à financer la restauration ou des complémentaires santé, la Cour des comptes constate qu’elles ont été en partie utilisées, à hauteur de 1 million d’euros, pour alimenter une caisse de grève (Rires et exclamations sur les travées de lUMP.) et pour octroyer une augmentation salariale de 7,7 % en deux ans ! Certes, les 4 800 personnes employées par la CCAS ne doivent pas se plaindre…

M. Roland du Luart. Il faut que cela cesse !

Mme Catherine Procaccia. Étonnante aussi est l’OPA sur la compagnie d’André Trigano, alors même que la fréquentation et la qualité des propres centres de vacances de la CCAS sont en chute libre !

Depuis des années, les polémiques, les accusations et les rapports n’ont rien changé. Dans les années quatre-vingt, le député de ma circonscription, Robert-André Vivien dénonçait déjà ces dérives.

Pis, la liste s’allonge : il s’agit du comité d’entreprise de la RATP, de celui d’Air France, de la SNCF ou encore de SeaFrance, pour n’en citer que quelques-uns ! Ce sont toujours les plus gros, les mieux dotés, et, qui plus est, d’anciennes entreprises nationalisées. Est-ce un hasard ?...

Monsieur le ministre, j’ai interrogé, il y a plusieurs mois, les services du ministère du travail, de l’emploi et de la santé pour demander que soit précisé et renforcé le rôle des commissaires aux comptes. À ce jour, je n’ai pas obtenu de réponse.

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas bien, monsieur le ministre, de ne pas répondre aux sénateurs UMP !

Mme Catherine Procaccia. Je pense qu’il est temps maintenant de nous indiquer ce que vous comptez faire pour éviter la pérennisation de ces égarements, parfois même de ces détournements, car l’argent dont il est question est celui non seulement des abonnés d’EDF-Gaz de France et des contribuables, mais également des salariés de toutes ces entreprises, qui ne bénéficient pas des sommes qui devraient être consacrées aux œuvres sociales et culturelles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Bruno Retailleau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’industrie.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame le sénateur, vous avez raison, il faut mettre fin à certaines des dérives que vous venez de rappeler, en réformant les institutions sociales du personnel des industries électriques et gazières.

M. Didier Boulaud. Il faut terroriser les terroristes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas à la Cour des comptes de le faire !

M. Éric Besson, ministre. La Cour des comptes le souligne dans son rapport : tant la gouvernance que le financement de ces œuvres sociales doivent être modernisés, et nous partageons cette analyse.

Concrètement, qu’est-ce qui a été fait ?

La première étape consistait à clarifier le périmètre du statut des personnels des industries électriques et gazières : c’est ce qui a été fait avec le vote de l’article 25 de la loi NOME, la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

La seconde étape a été engagée par Jean-Louis Borloo, alors ministre chargé de l’énergie, qui, dans un courrier de 2010, invitait les partenaires sociaux à proposer des évolutions pour le fonctionnement des organismes sociaux, afin d’adapter ces derniers à la réalité du contexte énergétique.

Le Gouvernement a fait son travail, et il demande maintenant instamment aux partenaires sociaux de lui adresser rapidement, comme vous le souhaitez, madame la sénatrice, des propositions quant à la redéfinition de l’assiette du financement des institutions, à leur contrôle, y compris celui que vous avez évoqué, et à leur gouvernance. Xavier Bertrand et moi-même avons demandé des réponses très rapides.

Par ailleurs, mon collègue et moi-même soutenons l’action de restructuration du réseau des caisses mutuelles complémentaires d’action sociale, selon les objectifs que les partenaires se sont fixé. Ces derniers ont prévu de réduire de 106 à 42 le nombre de caisses. À ce jour, il n’en reste que 69, et nous veillons à ce que le rythme de la diminution de leur effectif soit conforme à celui qui avait été envisagé.

Vous le voyez, madame le sénateur, le Gouvernement est très attentif. Nous essayons de faire notre part de ce travail, dont une autre revient aux partenaires sociaux. Vous avez raison : ce processus a été trop long, et le rapport de la Cour des comptes montre qu’il faut désormais aller plus vite.

Je vous ai répondu très sobrement, mais n’y voyez pas la marque d’un manque de détermination : le Gouvernement est tout à fait résolu. Les dérives que vous avez rappelées doivent cesser rapidement ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

enfouissement des déchets radioactifs

M. le président. La parole est à M. Claude Léonard.

M. Claude Léonard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le laboratoire souterrain de Bure a pour objet essentiel de tester la réalisation d’ouvrages dans le milieu géologique profond, de suivre leur comportement sur la durée, d’étudier les éventuelles perturbations entraînées sur la roche, de mettre au point des méthodes d’observation et de surveillance ainsi que de former aux méthodes de stockage. Il permettra de rassembler un maximum de données techniques et scientifiques, qui pourraient déboucher, à moyen terme, sur un éventuel stockage de déchets nucléaires à vie longue.

Nous n’en sommes bien évidemment pas encore là. Cependant, le stockage de déchets nucléaires fait partie intégrante de la filière électronucléaire française, avec ses centrales de production d’électricité et ses usines de traitement de déchets. Compte tenu de l’inquiétude légitime suscitée au sein de la population française par l’accident nucléaire de Fukushima et sachant que, dans ce domaine plus que sensible, la sécurité des personnes prime avant toute autre considération, je souhaite, monsieur le ministre, vous poser trois questions.

Premièrement, le Gouvernement envisage-t-il de soumettre ce laboratoire aux tests de résistance à caractère européen qui seront mis en œuvre dans les centrales nucléaires, étant entendu, bien sûr, que les enjeux et la dangerosité de cette installation sont de nature différente, une centrale nucléaire ayant une durée de vie de quelques décennies et un site de stockage en couche géologique profonde de plusieurs millénaires ?

Deuxièmement, les études sur la réversibilité du stockage géologique seront-elles poursuivies ?

Troisièmement, et enfin, dans la mesure où le périmètre de la ZIRA – la zone d’intérêt pour la reconnaissance approfondie – de cet éventuel centre de stockage de déchets radioactifs se situe essentiellement dans la Meuse, le Gouvernement ne pourrait-il pas majorer de 10 millions d’euros les crédits alloués au GIP « Objectif Meuse » dans le cadre de l’accompagnement économique de cette opération, comme l’a fort justement demandé le représentant du conseil général de ce département le jeudi 5 mai dernier, lors de la dernière réunion du Comité de haut niveau pour l’accompagnement économique que vous présidez, monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vous connaissez parfaitement ce dossier et vous avez raison de souligner l’importance du laboratoire souterrain de Bure. Son rôle, vous l’avez dit, est de permettre l’acquisition de connaissances scientifiques et techniques dans la perspective de la mise en service d’un stockage réversible – l’adjectif est important – des déchets radioactifs de haute et de moyenne activité à vie longue.

Vous connaissez la procédure et le calendrier retenus : ils ont été établis par la loi du 28 juin 2006. Nous avons eu l’occasion ensemble, le 5 mai dernier, lorsque j’ai réuni le Comité de haut niveau pour l’accompagnement économique de ce projet, de faire le point.

Je répondrai précisément à vos trois questions.

J’évoquerai tout d’abord l’inclusion du laboratoire dans les tests de résistance actuellement conduits. Comme vous le savez, aucun risque nucléaire n’est associé aujourd’hui au laboratoire de Bure puisque celui-ci ne contient aucun déchet radioactif. Il n’est donc pas inclus, par définition, dans le périmètre actuel des ouvrages soumis aux tests de résistance.

En revanche, l’instruction de l’autorisation de création du site de stockage intégrera le retour d’expérience de la catastrophe de Fukushima. C’est essentiel, et le Gouvernement s’engage sur ce point. Nous avons un peu de temps devant nous, puisque l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, déposera sa demande d’autorisation de création en 2015.

Votre deuxième question porte sur la poursuite des études sur la réversibilité. La loi du 28 juin 2006 dispose que le projet ne pourra être autorisé qu’après le vote d’une loi sur les conditions de cette réversibilité. La réponse est donc extrêmement claire : oui, les études seront poursuivies, et l’ANDRA y travaille activement.

Enfin, pour répondre à votre troisième question, relative à la fiscalité, je souhaite rappeler l’importance du caractère interdépartemental de ce projet de stockage, qui concerne à la fois la Meuse et la Haute-Marne.

Lorsque nous nous sommes réunis, le 5 mai dernier, j’ai demandé au directeur du schéma territorial interdépartemental d’engager les concertations nécessaires avec les collectivités locales, afin que la fiscalité d’ensemble soit définie d’ici à la fin de l’année 2012 et puisse faire partie des questions évoquées lors du débat public prévu au premier semestre 2013.

Comme je m’y suis engagé, le Gouvernement présentera lui-même des propositions de scenarii acceptables pour les deux départements concernés. De même, je me rendrai avant la fin de l’année dans la Meuse ou dans la Haute-Marne – nous déciderons ensemble de ce déplacement, monsieur le sénateur –, afin d’examiner les avancées concrètes qui auront été, entre-temps, réalisées. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

établissements pénitentiaires pour mineurs

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, cette question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et concerne les établissements pénitentiaires pour mineurs, les EPM.

Au moment de l’ouverture, en 2007, des sept établissements pénitentiaires pour mineurs âgés de 13 à 18 ans, des parlementaires exprimaient leurs doutes et leurs interrogations. Ce projet apparaissait comme une volonté d’affichage politique affirmant le choix de la répression sur celui de la prévention et prétendait régler le problème de la délinquance des mineurs.

Nous dénoncions alors l’énorme disproportion des moyens destinés à ces établissements, comparée à la pénurie croissante des budgets alloués à l’action éducative en milieu ouvert et aux foyers d’hébergement éducatifs, ainsi que la confusion des genres et le risque d’un paradoxe irréductible entre les « cultures » pénitentiaire et éducative.

Aujourd’hui, force est de constater que ces réserves étaient fondées. Il convient de prendre acte de l’échec des EPM. Les incidents, voire les drames, s’y multiplient : on y casse beaucoup, on s’en prend au personnel et l’on a même pu déplorer le suicide d’un détenu.

Vous en êtes d’ailleurs conscient, monsieur le garde des sceaux, puisque vous vous êtes bien gardé d’aborder cette question lors de la récente discussion, dans cet hémicycle, du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.

Pourtant, chacun de ces établissements a coûté 12 millions d’euros d’investissement, auxquels s’ajoutent des frais de fonctionnement élevés, et tout cela sans résultats probants.

Le rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, récemment remis au chef de l’État, pointe également les dysfonctionnements de ces établissements. Il dénonce en particulier les pratiques de cette administration, qui fait passer les jeunes des EPM aux quartiers pour mineurs des prisons, non sur le fondement d’un projet établi, mais au gré des sanctions visant certains comportements, ce qui empêche tout travail de fond et confirme le leurre de « l’éducatif » dans un contexte d’enfermement.

Aujourd’hui, particulièrement à l’EPM de Lavaur, mais aussi dans d’autres établissements, des incidents graves ont amené les professionnels à exercer leur droit de retrait et à dénoncer l’absence de reconnaissance de la pénibilité de leurs fonctions ainsi que leur manque de formation.

Monsieur le garde des sceaux, quelle réponse apporterez-vous au malaise des personnels éducatifs et de surveillance ?

Quelles sont vos propositions pour les mineurs délinquants, alors que l’on sait qu’une mesure d’accompagnement éducatif en milieu ouvert permet de réduire la récidive, qui s’élève à 70 % après une incarcération, à 20 % ?

Envisagez-vous d’établir un bilan réaliste et transparent des EPM, auquel le Parlement serait associé ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame le sénateur, les établissements pénitentiaires pour mineurs sont des établissements d’un type nouveau, conformes à l’esprit de l’ordonnance du 2 février 1945, dont nous avons beaucoup parlé, ici même, la semaine dernière.

Il s’agit, pour des mineurs qui devraient de toute façon être incarcérés, de ne pas se trouver en prison comme des adultes. Dans un EPM, soixante places sont destinées à des mineurs particulièrement violents et cent vingt adultes se trouvent présents pour essayer non seulement de retenir ces jeunes, mais aussi de les former.

Nous faisons travailler dans ces établissements à la fois des agents de l’administration pénitentiaire et des fonctionnaires de la protection judiciaire de la jeunesse, c'est-à-dire des éducateurs. Vous avez raison de souligner, madame le sénateur, que la culture de ces deux services diffère. Mais telle est bien la gageure à laquelle nous tentons de répondre depuis 1945 : faire en sorte que les mineurs délinquants ne soient jamais traités comme des adultes.

Quelles que soient leurs imperfections, les EPM ont permis de sortir une partie des jeunes âgés de seize à dix-huit ans des quartiers pour mineurs des prisons. À cet égard, je considère qu’ils représentent un vrai progrès, dans l’esprit de l’ordonnance de 1945.

Il n’est donc pas question de revenir sur leur création. En revanche, il est tout à fait normal d’analyser la situation et de chercher à améliorer une institution récente, que je ne prétends nullement être parvenue à la perfection. Nous y travaillons. Le directeur de l’administration pénitentiaire ainsi que le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse se sont rendus à Lavaur, et j’ai moi-même visité l’établissement de Meyzieu, où de graves incidents se sont produits.

Nous réfléchissons à l’élaboration de référentiels nationaux afin d’améliorer ces établissements pénitentiaires pour mineurs. C’est un instrument pertinent, un bon outil, et je ne comprendrais pas que ceux qui souhaitent que les mineurs délinquants soient traités différemment des adultes en demandent la suppression !

Oui, ensemble, nous pouvons perfectionner les EPM, auxquels sont consacrés d’immenses moyens – le prix de journée y est particulièrement élevé, comme vous l’avez à juste titre souligné. Le Gouvernement et la majorité considèrent que, s'agissant de mineurs, l’investissement financier en vaut la peine, puisqu’il s’agit de sauver toute une vie. Enfin, tous les acteurs seront associés à l’amélioration de ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

6

Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 25 mai 2011, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Anne-Marie Escoffier, sénateur de l’Aveyron, en mission temporaire auprès de M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Cette mission consistera à dresser un premier bilan de l’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

Acte est donné de cette communication.

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 mai 2011, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

Proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs (n° 422, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-François Humbert, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 544, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 545, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à quinze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART