Sommaire

Présidence de Mme Catherine Tasca

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès, M. Philippe Nachbar.

1. Procès-verbal

2. Candidatures à un organisme extraparlementaire

3. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Questions orales

AVENIR DE L'IUFM D’ÉTIOLLES (91)

Question de M. Bernard Vera. – Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Bernard Vera.

conventions cifre

Question de M. René-Pierre Signé. – Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. René-Pierre Signé.

5. Modification de l'ordre du jour

6. Questions orales (suite)

exonération des cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales pour les entreprises implantées en zone de restructuration de la défense

Question de M. Daniel Laurent. – Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; M. Daniel Laurent.

suppression de l'aide administrative des directeurs d'école

Question de M. Yannick Bodin. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Yannick Bodin.

insuffisance des effectifs du service pénitentiaire d'insertion et de probation (spip) en seine-saint-denis

Question de Mme Éliane Assassi. – Mmes Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; Éliane Assassi.

protection des digues

Question de M. Philippe Madrelle. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Philippe Madrelle.

inscription au snit de la mise à 2 x 2 voies de la rn 147

Question de M. Jean-Pierre Demerliat. – MM. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports ; Jean-Pierre Demerliat.

Suspension et reprise de la séance

lutte contre le campagnol

Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ; Mme Anne-Marie Escoffier.

avenir des services publics en milieu rural

Question de M. Martial Bourquin. – MM. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

demande de solution technique de soutien pour les campagnes 2012 et 2013 de chanvre et lin

Question de M. François Marc. – MM. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire ; François Marc.

avenir des opticiens en milieu rural face à la politique de conventionnement des complémentaires santé

Question de M. Jean-Luc Fichet. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Jean-Luc Fichet.

autorisation d'exercice des médecins titulaires de diplômes obtenus hors union européenne

Question de Mme Mireille Schurch. – Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Mireille Schurch.

avenir de la radiothérapie en seine-et-marne

Question de M. Michel Billout. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Mme Mireille Schurch, en remplacement de M. Michel Billout.

situation de la communauté de communes rurales des coteaux du savès et de l'aussonnelle en haute-garonne

Question de M. Jean-Jacques Mirassou. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Jacques Mirassou.

conséquences des réductions des délais de paiement

Question de Mme Catherine Morin-Desailly. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Daniel Dubois, en remplacement de M. Catherine Morin-Desailly.

bilan et contrôle des engagements pris par les banques

Question de M. Alain Fouché. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Alain Fouché.

difficultés financières des communes confrontées à des risques industriels majeurs

Question de M. Guy Fischer. – MM. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants ; Guy Fischer.

disparition d'un mathématicien à alger en 1957

Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

7. Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

8. Rappel au règlement

M. Jean-Louis Carrère, Mme la présidente, M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

9. Communication du Conseil constitutionnel

10. Débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois

Mme Renée Nicoux, au nom du groupe socialiste ; M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l’économie.

Mmes Anne-Marie Escoffier, Évelyne Didier, MM. Jean Boyer, Jean-Louis Carrère, Gérard César, Gérard Bailly, Yves Daudigny, Yann Gaillard, Philippe Nachbar.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

11. Contractualisation dans le secteur agricole. – Discussion d'une question orale avec débat

Mme Nathalie Goulet, auteur de la question.

MM. Aymeri de Montesquiou, Gérard Le Cam, Gérard César, Daniel Soulage, Mme Maryvonne Blondin, MM. Antoine Lefèvre, Didier Guillaume, Benoît Huré.

M. le président.

Mme Renée Nicoux, M. André Reichardt.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

12. Mise au point au sujet d'un vote

Mme Nathalie Goulet, M. le président.

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Philippe Nachbar.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission de la culture ont fait connaître qu’elles proposent respectivement les candidatures de M. Robert del Picchia et de Mme Claudine Lepage pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 20 mai 2011, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-130 QPC, 2011-131 QPC et 2011-132 QPC).

Acte est donné de ces communications.

4

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

AVENIR DE L'IUFM D’ÉTIOLLES (91)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la question n° 1228, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Bernard Vera. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de la formation des enseignants, la « masterisation », entraîne de profonds bouleversements au sein des instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM.

En effet, ces instituts ne sont plus les seuls à assurer la formation des enseignants, les universités pouvant désormais proposer des masters spécifiquement destinés à la préparation aux métiers de l’enseignement. L’offre de formation est donc divisée entre autant d’universités proposant ces masters, et ce au détriment des IUFM.

La mise en œuvre de cette réforme est très inquiétante. Elle n’encourage pas les étudiants à choisir le métier de professeur des écoles, ce qui fait chuter les effectifs alors même que ces derniers étaient déjà en baisse en raison de la perte d’attractivité du métier d’enseignant.

En outre, compte tenu de la politique de rigueur budgétaire menée par le Gouvernement depuis 2007, politique qui affecte la fonction publique, les postes ouverts au concours sont de moins en moins nombreux, ce qui contribue également à réduire le nombre d’étudiants désireux de s’y présenter.

Ainsi, l’IUFM de Versailles, auquel le site d’Étiolles, dans l’Essonne, est rattaché, a perdu 55 % de ses effectifs au cours des cinq dernières années.

C’est dans ce contexte qu’a été annoncée, au début de l’année 2011, la fermeture du site d’Étiolles pour septembre 2012. Déjà fragilisé par sa position géographique, ce site l’est encore davantage par les réformes en cours et la concurrence d’universités autonomes assurant elles aussi la formation des enseignants.

L’annonce de cette fermeture a bien entendu suscité une forte mobilisation tant des personnels enseignants et administratifs que des élus locaux pour la défense d’un site de formation de proximité dans l’Essonne. Il était en effet inconcevable que l’Essonne, département jeune classé parmi les dix premiers départements français en termes de population scolaire, perde son centre de formation des enseignants. Cela aurait constitué un désengagement inacceptable de l’État en matière d’enseignement supérieur et aurait envoyé un signal négatif à l’ensemble de la communauté éducative.

À la suite de nombreuses rencontres organisées dans le département, un consensus général s’est dégagé entre les personnels administratifs et enseignants, les élus locaux et le conseil général, en faveur du maintien d’un site de formation dans l’Essonne.

Aujourd’hui, deux solutions sont évoquées. Le président de l’université d’Évry souhaite développer son université et se dit prêt à signer une convention avec l’université de Cergy-Pontoise, dont dépend l’IUFM d’Étiolles. La présidente de l’université de Cergy-Pontoise, quant à elle, est prête à envisager la continuité de l’activité de l’IUFM dans le cadre d’une convention qui maintiendrait le rattachement de l’IUFM à l’université de Cergy-Pontoise. Les deux présidents se sont rencontrés récemment afin d’étudier les termes d’une convention susceptible de faire consensus.

Madame la ministre, le 26 janvier 2010, à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé, afin de rassurer la représentation nationale, que l’avenir de ces pôles universitaires de proximité que représentent les IUFM était assuré.

Pouvez-vous donc me confirmer que l’Essonne conservera bien un site de formation des enseignants ? La revendication du maintien d’un tel site est en effet unanime. Quelles dispositions comptez-vous prendre pour répondre à cette forte exigence et pour éviter que la concurrence entre les universités d’Évry et de Cergy-Pontoise ne finisse par nuire aux formateurs et aux étudiants de l’IUFM ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Bernard Vera, vous avez souhaité m’interroger sur l’avenir de l’IUFM d’Étiolles.

Vous le savez, les IUFM et les antennes d’IUFM sont intégrés aux universités depuis la loi sur l’avenir de l’école de 2005, dite « loi Fillon ». On compte aujourd'hui vingt-huit IUFM, intégrés dans autant d’universités, et près de cent trente antennes d’IUFM.

La réforme des conditions de recrutement et de formation des personnels enseignants doit permettre d’améliorer la qualification des personnels, en vue de renforcer la réussite des élèves, de valoriser le métier d’enseignant et de faciliter la mobilité de ceux qui l’exercent au sein de l’Union européenne.

Depuis la mise en œuvre de cette réforme, les futurs enseignants effectuent une formation universitaire de cinq années, sanctionnée par l’obtention d’un diplôme national de master.

Outre la possibilité de suivre, dès la licence, des modules de préprofessionnalisation sous la forme de stages de découverte, la formation initiale des enseignants s’étend sur trois années, à savoir les deux années de master et une première année d’exercice en qualité de professeur stagiaire.

Le parcours de formation au cours des deux années de master comprend une composante de formation professionnelle de plus en plus importante, qui est majoritaire la seconde année. Cela permet une préparation progressive et effective au métier d’enseignant.

Les étudiants qui se présentent au concours sont ainsi dotés d’une véritable connaissance de leur futur métier, ce qui n’était pas le cas auparavant, et d’un diplôme de master qui facilitera, en cas d’échec aux concours de recrutement des professeurs, leur éventuelle réorientation dans le parcours Licence-Master-Doctorat, LMD, ou leur éventuelle mobilité professionnelle.

Concernant les sites des IUFM, j’ai exprimé à plusieurs reprises mon attachement au maintien des pôles universitaires de proximité. C’est tout le sens de l’action que mènent actuellement les universités, en lien avec les rectorats, afin de construire une carte de formations qui corresponde aux besoins des territoires.

En tant que pôles d’enseignement supérieur de proximité, les antennes d’IUFM doivent s’insérer dans une offre de formation à l’échelle académique qui donne à tous les étudiants l’opportunité de poursuivre leurs études dans les meilleures conditions possible, et surtout au plus près des classes.

Le site d’Étiolles est, comme vous l’avez dit, une antenne de l’IUFM de Cergy-Pontoise. Il a une capacité d’accueil de huit cents étudiants, mais n’en forme plus aujourd’hui que deux cents.

Au vu de ces éléments, le conseil d’administration de l’université de Cergy-Pontoise s’est prononcé, dans le cadre de son schéma directeur immobilier, en faveur de la fermeture du site. Il a été décidé que celle-ci interviendrait dans les cinq prochaines années, sans qu’aucune date ait été arrêtée à ce jour. Par ailleurs, en parallèle, le conseil général de l’Essonne, propriétaire des locaux actuellement occupés par l’IUFM d’Étiolles, a émis le souhait de récupérer ces locaux.

Des échanges ont eu lieu entre l’université de Cergy-Pontoise, l’université d’Évry, qui est l’université la plus proche du site, et l’ensemble des acteurs concernés, pour accompagner cette décision. Dans ce cadre, et à l’issue d’un dialogue avec le conseil général de l’Essonne, il a été décidé que l’université d’Évry accueillerait l’IUFM.

Vous pouvez donc être tranquillisé, monsieur le sénateur : la formation des enseignants continuera à être assurée en Essonne. Le recteur travaille actuellement avec les deux universités concernées, celles de Cergy-Pontoise et d’Évry, et l’ensemble des personnels à la mise en œuvre de cette nouvelle organisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Madame la ministre, votre réponse, dont je vous remercie, n’apporte pas d’engagement ferme du Gouvernement en faveur d’une solution qui soit à la hauteur de l’ensemble des enjeux auxquels est confronté le département de l’Essonne.

La formation des enseignants constitue bien entendu un enjeu national majeur, et il appartient donc à l’État de fixer les orientations et de garantir l’égal accès de tous à une formation de qualité. L’État ne peut se désintéresser de la formation des enseignants, d’autant que les difficultés que rencontre l’école primaire perdurent. C’est dès l’école maternelle et élémentaire que l’on peut réduire les inégalités d’accès au savoir et prévenir un éventuel échec scolaire.

Les IUFM en général, et celui d’Étiolles en particulier, par la haute conscience de leurs missions, la maîtrise des contenus de leurs enseignements, leur expérience accumulée, leur savoir-faire et leur capacité d’innovation pédagogique, constituent à mes yeux de précieux atouts pour agir en ce sens. Ce sont des pôles uniques de formation de proximité que nous devons encourager et soutenir.

Je ne peux donc imaginer que l’Essonne soit privée d’un lieu de formation initiale et continue des enseignants, et je compte bien entendu sur le Gouvernement, en particulier sur vous-même, madame la ministre, pour peser en ce sens dans les débats qui auront lieu au sein des deux universités.

conventions cifre

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 1264, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, les conventions CIFRE, ou conventions industrielles de formation par la recherche, constituent une aide au recrutement de jeunes doctorants en entreprise. Elles s’adressent aux entreprises qui ont un projet de recherche et de développement et qui souhaitent accéder à de nouvelles compétences scientifiques et technologiques.

À cette fin, les entreprises recrutent, grâce à cette aide, un jeune doctorant, dont le projet de recherche, mené en liaison avec un laboratoire extérieur, conduira à la soutenance d’une thèse. La convention CIFRE associe donc trois partenaires : une entreprise, un doctorant et un laboratoire de recherche, qui assure l’encadrement de la thèse.

L’entreprise recrute en contrat à durée indéterminée ou déterminée de trois ans un jeune diplômé de grade master et lui confie des travaux de recherche, objet de sa thèse.

L’Association nationale de la recherche et de la technologie, ou ANRT, qui gère les conventions CIFRE pour le compte du ministère chargé de la recherche, reçoit les dossiers de demande de subvention. Si elle valide le dossier, elle verse à l’entreprise concernée une subvention annuelle pendant trois ans.

Dans le cadre de ce dispositif, l’entreprise signe avec le laboratoire et le doctorant un contrat de collaboration spécifiant les conditions de déroulement des recherches et les clauses de propriété des résultats obtenus par le jeune chercheur.

Or le droit français impose que les résultats obtenus dans le cadre des recherches menées dans une entreprise privée appartiennent à celle-ci. Je parle bien sûr des droits patrimoniaux et non des droits moraux sur la découverte, ces derniers étant incessibles par celui qui en est l’auteur.

À l’heure de la valorisation des résultats issus du partenariat, les clauses du contrat relatives à la propriété qui sont donc négociées au cas par cas dans le cadre des conventions CIFRE sont généralement rendues caduques par les dispositions du droit français.

Madame la ministre, quel jugement portez-vous sur de tels contrats et sur les dispositions qui les régissent ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu m’interroger sur le dispositif CIFRE, qui, comme vous l’avez indiqué, a pour objet de favoriser les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les acteurs socio-économiques et de contribuer à l’emploi des docteurs dans les entreprises.

Les conventions de ce type associent trois partenaires : une entreprise, qui confie à un doctorant un travail de recherche, objet de sa thèse ; un laboratoire, extérieur à l’entreprise, qui assure l’encadrement scientifique du doctorant ; un doctorant, titulaire d’un diplôme conférant le grade de master.

Ce dispositif permet aux entreprises de bénéficier d’une aide financière pour embaucher un jeune doctorant dont les travaux de recherche, encadrés par un laboratoire public, conduiront à la soutenance d’une thèse.

L’entreprise recrute en contrat à durée indéterminée ou déterminée de trois ans un jeune diplômé de grade master, lui verse un salaire brut minimal annuel de 23 484 euros et lui confie des travaux de recherche, objet de sa thèse. Elle reçoit de l’Association nationale de la recherche et de la technologie, qui gère les conventions CIFRE pour le compte de mon ministère, une subvention annuelle de 14 000 euros pendant trois ans.

L’entreprise signe avec l’établissement de tutelle du laboratoire un contrat dont l’objet est de mettre en œuvre cette collaboration.

Ce contrat de collaboration résulte d’une négociation entre les différents partenaires qui tient compte des spécificités de chaque projet de thèse et des apports immatériels, matériels et financiers de chaque partenaire.

Il spécifie ainsi les conditions de déroulement des recherches et les clauses de propriété des résultats obtenus par le doctorant. Suivant les recommandations établies par les services du ministère chargé de la recherche, le contrat prévoit en général un partage de la propriété des résultats entre les deux partenaires.

Il en résulte un règlement de copropriété et d’exploitation, qui vise à permettre à l’entreprise de valoriser les recherches qui peuvent l’être, tout en préservant les intérêts de l’établissement, du laboratoire et du jeune chercheur.

Généralement, l’entreprise bénéficie d’une licence, parfois exclusive, d’exploitation des résultats – brevet et/ou savoir-faire – dans son domaine d’activités, et l’établissement public conserve un droit d’utilisation des résultats à des fins de recherche, ainsi que la liberté de concéder, en dehors du domaine, un droit d’exploitation à un autre partenaire.

Le contrat de collaboration prévoit également le plus souvent un retour financier lié à l’exploitation des résultats par l’entreprise dont une part non négligeable, dépendante du statut de l’établissement, revient au laboratoire et au doctorant.

L’équité du dispositif, fondé sur la négociation entre les partenaires, est ainsi garantie pour toutes les parties prenantes à une convention CIFRE.

Le positionnement des établissements dans ce type de négociations sera renforcé par la création des sociétés d’accélération du transfert de technologies qui bénéficieront de 900 millions d’euros, dans le cadre des investissements d’avenir financés par le Grand emprunt, et dont l’un des objectifs est de développer et de professionnaliser l’appui aux chercheurs dans le domaine de la valorisation de leurs travaux.

Le nombre annuel de conventions CIFRE signées a longtemps été de 700 à 800. Il s’élève aujourd'hui à 1 200 et devrait s’établir, selon les estimations, à 1 300 en 2011. Le succès de ce dispositif ne se dément donc pas et s’accroît même depuis quelques années.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Le succès du dispositif ne se dément pas, fort bien ! Mais vous parlez d’équité ; or je ne suis pas sûr que tel soit le cas. En effet, la situation me paraît un peu injuste pour les chercheurs dans la mesure où le résultat du travail appartient non plus au doctorant, qui en est l’auteur, mais à l’entreprise. Le fait que le doctorant non salarié garde l’intégralité de ses droits, contrairement à celui qui a signé un contrat dans le cadre d’une convention CIFRE, m’étonne aussi quelque peu Le statut d’un tel contrat est donc complexifié d’autant.

Le dispositif en cause s’appuie sur une disposition du droit français qu’il n’est peut-être pas possible de modifier. Vous ne m’avez pas répondu sur ce point, madame la ministre. Est-il néanmoins envisageable de faire droit aux demandes des jeunes chercheurs qui trouvent le mécanisme assez injuste, plus favorable à l’entreprise qu’à eux-mêmes ? Malgré la signature d’un contrat leur accordant une rémunération, je le répète, le résultat de leur travail leur échappe.

5

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire une communication sur le déroulement des deux débats de contrôle programmés cet après-midi à quatorze heures trente.

Par lettre en date d’hier soir, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, demande « exceptionnellement » au Sénat, compte tenu des contraintes de l’emploi du temps du ministre de l’agriculture liées à la gestion des questions relatives à la sécheresse, d’accepter d’ouvrir la séance de cet après-midi à dix-huit heures trente et de la poursuivre éventuellement le soir, sans changer l’ordre initialement prévu des débats.

Le Gouvernement sollicite également l’accord du Sénat pour que la séance prévue jeudi 26 mai soit ouverte à neuf heures au lieu de neuf heures trente, avec l’agrément du groupe Union centriste, auteur de la demande du débat sur l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

En conséquence, l’ordre du jour de cet après-midi s’établit comme suit :

À dix-huit heures trente et, éventuellement, le soir :

- Débat sur la politique forestière et le développement de la filière du bois

- Question orale avec débat de Mme Nathalie Goulet sur la contractualisation dans le secteur agricole.

6

Questions orales (suite)

Mme la présidente. Nous reprenons l’ordre du jour de ce matin, consacré aux réponses à des questions orales.

exonération des cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales pour les entreprises implantées en zone de restructuration de la défense

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1317, transmise à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, ma question porte sur les aides fiscales et sociales accordées aux entreprises en zones de restructuration de la défense.

La refonte de la carte militaire s’est accompagnée de mesures de soutien aux bassins d’emploi et aux communes concernées. Ainsi, en application de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, les entreprises implantées ou créées pour exercer une nouvelle activité dans le périmètre d’une zone de restructuration de la défense, ou ZRD, peuvent bénéficier d’une exonération de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales.

Le montant de cette exonération est total lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 40 %, puis, à partir de ce seuil, il décroît de manière linéaire pour devenir nul lorsque la rémunération horaire est égale à 2,4 SMIC.

Un décret doit préciser les modalités de l’exonération, notamment sa date d’application et l’articulation des différentes mesures d’exonération entre elles.

Dans l’attente de la parution de ce texte, il peut être admis, sur instruction de la direction de la sécurité sociale, que l’exonération s’applique uniquement lorsque la rémunération horaire est inférieure à 1,4 SMIC.

Sont concernées par cette exonération les entreprises industrielles, commerciales ou non, artisanales qui s’implantent ou se créent pour exercer une nouvelle activité dans le périmètre d’une ZRD ou dans les emprises foncières libérées par la réorganisation d’unités militaires ou d’établissements du ministère de la défense.

Or, à ce jour, ce décret n’a toujours pas été publié, alors que le dispositif expire à la fin de l’année 2012.

Dans l’agglomération de La Rochelle, ce sont 340 entreprises créées en 2010 et 1 601 emplois salariés qui sont concernés par ce dispositif. La chambre de commerce et d’industrie du département de Charente-Maritime et les représentants des entreprises nous ont fait part de leurs attentes en la matière.

Les dispositions en cause étant destinées à redynamiser le tissu économique affecté par le départ de certaines unités de l’armée, il me serait agréable, madame la ministre, que vous m’informiez de la date de parution dudit décret.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. La loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 a instauré une exonération de cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales au bénéfice des entreprises implantées ou créées pour exercer une nouvelle activité dans le périmètre d’une zone de restructuration de la défense.

Cette exonération est totale pour les rémunérations inférieures à 1,4 SMIC ; elle devient décroissante de manière linéaire puis nulle lorsque la rémunération atteint 2,4 SMIC. Elle est d’ores et déjà applicable pour ce qui concerne les salaires inférieurs à 1,4 SMIC.

Le décret fixant la formule de calcul pour la partie décroissante de l’exonération sera publié dans les tout prochains jours.

La date du 31 décembre 2012 prévue par la loi correspond non pas à la fin du bénéfice de l’exonération, mais à la date limite d’entrée dans le dispositif pour les employeurs concernés par les zones reconnues au titre de l’année 2011. Et tel est le cas de la ville de La Rochelle.

Les employeurs se trouvant dans les zones de restructuration de la défense obtiendront toutes les informations utiles de leur URSSAF.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse importante : elle va tranquilliser les chefs d’entreprise, dans la mesure où ce dispositif permet de redynamiser le tissu économique affecté, je le répète, par le départ de certaines unités de l’armée.

suppression de l'aide administrative des directeurs d'école

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 1278, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d'État, depuis la rentrée dernière, le Gouvernement a donné aux recteurs la consigne de réduire fortement le nombre des contrats aidés. Ceux-ci concernaient à la fois des personnels affectés à l’aide administrative, les EVS, c’est-à-dire les emplois de vie scolaire, et des personnels affectés à l’aide aux élèves en situation de handicap, les auxiliaires de vie scolaire ou AVS.

L’aide administrative aux directeurs d’école a été quasiment supprimée, et une grande partie des 50 000 EVS ont été renvoyés vers le chômage, dans un contexte économique et social tendu.

Cette mesure a évidemment mis les directeurs d’école dans une situation difficile. En effet, depuis 2006, leurs tâches et leurs missions n’ont cessé de s’accroître et de se complexifier, dans la gestion administrative de l’école en particulier. Ce n’est pas la faible décharge de classe dont ils bénéficient qui leur permet d’assurer l’ensemble des tâches imposées par le ministère !

En effet, l’informatique occupe désormais une place importante et la gestion des divers fichiers prend un temps considérable : je citerai, notamment, la gestion des inscriptions et de la scolarisation des élèves via Base élèves, la gestion des affectations en sixième via Affelnet, le suivi de la scolarité avec le livret personnalisé de compétences informatisé ou la saisie des résultats des évaluations nationales.

L’aide qui leur était apportée par les EVS apportait une réelle plus-value pour le fonctionnement des écoles. Sa suppression est un coup très dur porté aux directeurs d’école, qui se trouvent plongés dans une situation intolérable de surcharge de travail et de responsabilités.

En rendant plus pénible encore la fonction de directeur, le Gouvernement affaiblit en fait l’école publique. Celle-ci en avait-elle vraiment besoin ?

Le Président de la République a annoncé le déblocage de 500 millions d’euros en faveur de l’emploi aidé. Le ministre de l’éducation nationale avait affirmé que cette somme serait susceptible de permettre très bientôt le retour de l’aide administrative des directeurs d’école à son niveau initial, notamment pour l’année scolaire 2011-2012.

Madame la secrétaire d’État, je vous demande donc de prendre des engagements, pour que ces crédits bénéficient prioritairement à l’éducation nationale dès la rentrée prochaine, en termes d’emplois affectés à l’aide administrative aux directeurs des établissements scolaires et pour que chacune des demandes des écoles soit bien prise en compte.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui ne peut être présent aujourd’hui.

Comme vous l’avez souligné, les personnels employés dans le cadre des différents dispositifs de contrats aidés au sein de l’éducation nationale jouent un rôle important, voire déterminant dans la vie des établissements scolaires, où ils exercent différentes missions : épauler les directeurs d’école, contribuer au bon fonctionnement de la vie scolaire, aider à l’accompagnement des élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire.

Au vu de l’intérêt général de ces missions, le ministre de l’éducation nationale a souhaité maintenir, dans la loi de finances pour 2011, la dotation budgétaire permettant de rémunérer ces emplois de vie scolaire, qui s’élève à 136,9 millions d’euros – 133,8 millions d'euros dans l’enseignement public et 3,1 millions d'euros dans l’enseignement privé.

Comme vous le savez, ces contrats aidés sont cofinancés par le ministère chargé de l’emploi, pour la part « État », et par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, pour la part laissée à la charge des employeurs.

La répartition des taux de prise en charge a cependant connu des évolutions au cours de l’année 2010.

En effet, compte tenu de l’augmentation progressive du taux de prise en charge de ces contrats par le ministère de l’éducation nationale, qui est passé de 10 % en 2010 à 30 % en 2011, il a été envisagé pendant un temps de réduire le nombre total de ces contrats d’ici à la fin de l’année scolaire 2010-2011.

Toutefois, je veux vous rassurer : depuis lors, des décisions ont été prises afin de reconsidérer le plan de réduction initialement prévu : lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, la représentation nationale a, en effet, voté à l’unanimité un amendement visant à réaffecter 20 millions d’euros, au sein du budget de l’éducation nationale, en faveur de ce dispositif.

En outre, comme vous le savez, le Président de la République a pris des engagements sur ce sujet : 500 millions d’euros seront mobilisés en faveur de l’emploi, dont 250 millions d’euros au profit du dispositif des contrats aidés. Sachez, monsieur Bodin, que 4 000 contrats supplémentaires bénéficieront à l’éducation nationale.

Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement travaille au mieux pour mobiliser des ressources afin de répondre aux besoins prioritaires identifiés sur le terrain, en particulier dans le domaine de l’éducation nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d'État, vous reconnaissez vous-même le rôle important que jouaient ces aides auprès des directeurs d’écoles, à telle enseigne que vous avez pris un certain nombre d’initiatives sur le plan budgétaire et lancé en l’air quelques promesses.

Vous affirmez que le ministre de l’éducation nationale reconsidère sa position, puisqu’il réaffecte 20 millions d'euros en faveur de ce dispositif, et que le Président de la République accepte que 4 000 emplois aidés bénéficient à l’éducation nationale. C’est reconnaître qu’une erreur très grave avait été commise !

Le problème, c’est que vous ne parcourez qu’une toute petite partie du chemin et que les besoins réels sont dix fois plus importants. Je veux bien voir dans ces mesures un geste de votre part, mais celui-ci reste malheureusement très symbolique. Écoutez les chefs d’établissements, les directeurs et les directrices d’écoles ! Quand ils font leurs calculs et observent la réalité sur le terrain, ils se rendent compte que nous sommes, hélas, très loin du compte.

insuffisance des effectifs du service pénitentiaire d'insertion et de probation (spip) en seine-saint-denis

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 1275, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur le manque criant de conseillers d’insertion et de probation, ou CIP, particulièrement dans le département de la Seine-Saint-Denis. En 2006, j’avais déjà interpellé sur ce sujet le garde des sceaux de l’époque. Celui-ci m’avait alors assuré que tout serait mis en œuvre pour répondre à mes inquiétudes et à celles des personnels concernés.

Cinq ans plus tard, force est de constater qu’il n’en est rien et que les moyens manquent toujours. En effet, dans le département dont je suis l’élue, six professionnels titulaires et quatre stagiaires assurent la prise en charge des 996 personnes détenues à ce jour à la maison d’arrêt de Villepinte.

S’agissant des mesures dites « de milieu ouvert », quarante travailleurs sociaux titulaires et quatre stagiaires veillent à l’exécution de 8 030 mesures de justice, parmi lesquelles 750 sont encore en attente de prise en charge. Viennent s’y ajouter les 4 000 mesures du service de l’application des peines et les 600 mesures du parquet du tribunal de grande instance de Bobigny, qui seront prochainement transmises pour suivi au service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Seine-Saint-Denis, le SPIP 93.

Les professionnels de la justice dénoncent depuis de nombreuses années le manque de moyens dont ils souffrent dans l’exercice de leurs missions.

Ils n’arrivent plus à faire face à l’augmentation des mesures de justice prononcées, à la diversification de leurs interventions et à des situations sociales qui ne cessent de se dégrader.

De même, il leur est de plus en plus difficile de s’impliquer dans la mise en place de dispositifs permettant de favoriser des aménagements de peine.

À plusieurs reprises, l’ensemble des professionnels de la justice, des magistrats jusqu’aux CIP, ont manifesté leur colère face à la crise que connaît l’institution judiciaire.

Tous dénoncent les carences du budget de la justice, qui se situe au 37e rang européen, les augmentations de crédits dont vous vous vantez, madame la secrétaire d’État, ne servant qu’à financer la construction de nouvelles places de prison.

Je crois pourtant utile de rappeler que les actions du SPIP participent toutes à la prévention de la récidive, auprès tant des personnes détenues que des justiciables soumis à des mesures alternatives à l’incarcération.

À cet égard, plutôt que de mettre en cause les CIP, comme ce fut le cas dans l’affaire de Pornic, mieux vaudrait prendre toutes mesures urgentes afin de remédier au sous-effectif très important qui prévaut dans les SPIP. Alors que, après la loi pénitentiaire, une étude préconisait mille embauches de CIP pour ramener le ratio de 80 à 60 dossiers par agent, seuls 48 postes ont été ouverts au concours 2011, ce qui, au regard des départs à la retraite, revient à une création d’emploi nulle.

Je vous demande donc, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir m’indiquer les mesures concrètes que le ministère de la justice envisage de prendre afin de remédier à l’insuffisance du nombre de CIP, notamment dans le département dont je suis l’élue – mais il me semble que cette situation existe ailleurs, hélas – et de leur permettre d’exercer pleinement leur mission de service public de la justice.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Michel Mercier, qui rencontre ce matin les procureurs généraux et les procureurs de la République.

Les moyens humains dévolus au service pénitentiaire d’insertion et de probation de la Seine-Saint-Denis constituent l’une des préoccupations essentielles de la Chancellerie ainsi que de l’administration pénitentiaire. Il s’agit, en effet, de concilier des conditions satisfaisantes de travail pour ces personnels avec un fonctionnement efficace du service public pénitentiaire.

Les effectifs des services d’insertion et de probation ont nettement progressé ces dernières années, passant entre 1997 et 2010 de 1 175 à 3 198, ce qui revient pratiquement à une multiplication par trois.

Parallèlement, dans le cadre de la réforme de l’organisation et du fonctionnement des SPIP, il est envisagé de recentrer ces conseillers sur leur cœur de métier en confiant à d’autres professionnels – assistants de service social, psychologues, notamment – des actes qui relevaient jusque-là de leur champ de compétence.

De même, des personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire ont été nommés dans les SPIP afin d’assurer les enquêtes et le suivi matériel de la surveillance électronique. Ces affectations se poursuivront.

Il faut le souligner également, la titularisation en 2011 de 245 agents de la 14e promotion des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, les CPIP, actuellement en formation, ainsi que l’arrivée dans les services de 203 stagiaires de la 15epromotion, dès le 3 octobre 2011, permettront d’accroître les moyens humains disponibles.

Le recours à la réserve civile pénitentiaire, prévue par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, servira également à renforcer les effectifs de ces services, en faisant appel à des personnels expérimentés. Le budget consacré en 2011 à la réserve judiciaire et pénitentiaire a triplé par rapport à 2010.

La Chancellerie étudie, par ailleurs, les conditions dans lesquelles des agents contractuels pourront venir renforcer les effectifs des SPIP, notamment celui de la Seine-Saint-Denis, pour tenir compte des peines en attente d’exécution, qui, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, sont nombreuses dans le ressort de la juridiction.

Plus précisément, les effectifs du SPIP de la Seine-Saint-Denis sont, en équivalent temps plein, de 55,8 conseillers d’insertion et de probation, dont 8 stagiaires.

Au 1er février 2011, ce service avait en charge 7 350 mesures, soit un ratio de 145 mesures par personnel d’insertion et de probation titulaire.

Enfin, la situation des effectifs du SPIP de la Seine-Saint-Denis fera l’objet d’un examen attentif lors des prochaines commissions administratives paritaires de mobilité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien noté que la Chancellerie se préoccupait de la situation particulière de la maison d’arrêt de Villepinte, qui fera, je l’espère, l’objet d’un examen approfondi dans un avenir proche.

Cela dit, votre réponse ressemble peu ou prou à celle qui m’avait déjà été faite en 2006.

Je me suis rendue très récemment à la maison d’arrêt de Villepinte, où j’ai pris le temps de discuter avec les personnels. Force est de constater qu’ils ne ressentent pas sur le terrain les effets de vos annonces. Je leur rendrai compte, néanmoins, des éléments de réponse que vous avez bien voulu porter à ma connaissance.

Madame la secrétaire d’État, j’insiste et j’attire à nouveau votre attention sur cette situation particulièrement difficile à vivre pour les personnels, qui doivent pouvoir effectuer leurs missions de service public dans les meilleures conditions possible.

protection des digues

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 1263, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Philippe Madrelle. En début d’année a été publié un rapport commandé par la communauté urbaine de Bordeaux et intitulé « Aménagement et développement durable des zones inondables. Phase 2. Propositions d’aménagement », dont la diffusion a suscité l’inquiétude légitime de tous les habitants de la presqu’île d’Ambès, en aval de Bordeaux, et bien au-delà.

Quatorze mois après la tempête meurtrière Xynthia, le Sénat vient de voter à la quasi unanimité une proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine, dont mon collègue et ami Alain Anziani était l’auteur, après avoir été le rapporteur de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia. Ce texte témoigne de la prise de conscience et de la volonté politique de limiter et d’éviter de nouveaux drames, conséquences de ces catastrophes naturelles.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous vous rappelez comme moi la terrible tempête du mois de décembre 1999, suivie en 2009 des tempêtes Martin et Klaus. Les communes de Saint-Louis-de-Montferrand et d’Ambès, qui ont dû faire face à de graves inondations, ont alors payé un lourd tribut. Les berges constituent des périmètres sensibles qui doivent être préservés et protégés, puisqu’elles sont les premières touchées en cas de catastrophe.

Si les conclusions du document commandé par la communauté urbaine de Bordeaux ont suscité tant d’inquiétudes, c’est qu’elles sont en totale contradiction avec les conclusions du plan digues.

En effet, ce rapport prévoit, en compensation du rehaussement des digues qui sont présentes autour des zones urbaines et industrielles, un arasement de celles qui sont situées à Parempuyre, Saint-Louis-de-Montferrand et Saint-Vincent-de-Paul. Or, depuis cinquante ans, ces ouvrages ont montré leur efficacité, notamment lors des dernières marées-tempêtes de 1999, 2009 et 2010. L’abandon de toute protection mettrait de nombreuses vies en danger.

Alors que la nécessaire et indispensable préservation de la vie humaine – préalable incontournable – est désormais inscrite dans le droit de l’urbanisme, l’arasement de ces digues menacerait près de 200 maisons et près de la moitié de la population de Saint-Vincent-de-Paul, soit 500 habitants. Un tel projet, que l’on peut qualifier d’incohérent, pour ne pas dire de fou, menace également les habitants du sud d’Ambès et de Saint-Louis-de-Montferrand : 300 foyers d’habitation seraient alors concernés.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avons bien conscience que les digues ne constituent pas, à elles seules, une protection absolue, mais leur présence est essentielle ! Le problème du financement de l’entretien de ces ouvrages indispensables à la protection de la population est d’ailleurs à l’ordre du jour.

L’un des objectifs de ce projet d’arasement est la protection de l’agglomération bordelaise en période de submersion marine. Or il ferait baisser le niveau de l’eau de seulement deux à quatre centimètres, voire d’un centimètre, selon certains experts.

Monsieur le secrétaire d'État, vous en conviendrez, il existe très certainement d’autres solutions pour protéger certaines populations qu’en mettre en danger d’autres ! On ne peut faire de cette presqu’île d’Ambès et des marais de l’estuaire de la Gironde des zones d’épandage des submersions marines pour éviter la montée des eaux à Bordeaux. N’oublions pas la présence, dans cet espace, non seulement de nombreux sites industriels classés « SEVESO seuil haut », mais aussi de la centrale nucléaire du Blayais. En 1999, nous avons frôlé la catastrophe à cause des inondations : la montée imprévue des eaux a failli provoquer un accident majeur dans cette centrale nucléaire !

Avec les habitants riverains de l’estuaire de la Gironde, plus particulièrement ceux de la presqu’île d’Ambès, nous demandons que soient recherchées des solutions globales de lutte contre les inondations, qui protégeraient toutes les populations riveraines, sans exception.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez très justement rappelé, l’estuaire de la Gironde a été touché par des inondations fluviomaritimes d’ampleur lors de la tempête de 1999 et du passage de Xynthia en 2010.

À la suite des événements de 1999, les études conduites par le syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde, le SMIDDEST, en collaboration avec la communauté urbaine de Bordeaux et le syndicat mixte du schéma directeur de l’aire urbaine, ont confirmé l’interdépendance des territoires vis-à-vis des phénomènes d’inondation et la nécessité d’une approche globale appréhendant l’ensemble des projets à moyen terme susceptibles d’avoir un impact sur l’équilibre hydraulique de l’estuaire.

Trois grands secteurs actuels d’expansion de la crue fluviomaritime consacrés principalement à l’activité agricole ont été identifiés : les marais du Blayais, le secteur de Ludon-Parempuyre et les marais de la presqu’île d’Ambès, que vous avez évoqués, monsieur le sénateur.

Dans ce contexte, la communauté urbaine de Bordeaux travaille depuis plusieurs mois à l’élaboration d’un schéma de gestion des inondations sur son territoire, qui a vocation à être intégré dans un programme d’actions de prévention des inondations. Ce document, à l’échelle du territoire de la communauté urbaine de Bordeaux, prévoit d’améliorer les protections de l’agglomération et de mieux mobiliser les champs d’expansion de Ludon-Parempuyre et de la presqu’île d’Ambès.

Les études techniques en cours, qui doivent aboutir à l’été 2011, visent à limiter le nombre des habitations affectées par ces mobilisations. Ainsi, plusieurs zones au sein de ces trois grands secteurs, dont le centre de la presqu’île d’Ambès, sont libres de tout habitat et pourraient être sur-inondées.

La délimitation géographique de ces zones et les conditions techniques de leur mobilisation n’ont toujours pas été déterminées à ce jour.

Ces secteurs sont protégés des inondations résultant des grandes marées annuelles par un linéaire de digues en terre qui assure aujourd’hui la protection de l’habitat dispersé. Il n’est pas envisagé d’araser ces ouvrages qui protègent ces lieux des inondations régulières. Cette option n’est d’ailleurs pas retenue dans le projet de programme d’actions de prévention des inondations.

En outre, l’État promeut depuis un an auprès des collectivités concernées, gestionnaires de digues, la nécessité de conforter les digues et les ouvrages hydrauliques existants dans le cadre du plan national « submersions rapides », afin de garantir la protection des biens contre les inondations fréquentes. Ce plan de restauration s’inscrira également, de façon cohérente, dans le programme d’actions de prévention des inondations de l’estuaire de la Gironde.

Par ailleurs, le schéma de gestion des inondations prévoit de poursuivre l’urbanisation dans des champs d’expansion actuels de la crue. Les services de l’État ont fait connaître leur désaccord sur ce dernier point et souligné l’impossibilité d’inscrire une telle mesure au programme d’actions de prévention des inondations. La communauté urbaine de Bordeaux devrait revoir ce point dans son schéma.

L’élaboration du programme d’actions de prévention des inondations associe les collectivités en charge de l’aménagement du territoire et prévoit une phase intense de concertation au cours des prochains mois. Celle-ci prendra la forme de groupes de travail thématiques et de réunions d’information et d’écoute publiques, qui seront ouverts à tous les acteurs des territoires, au premier rang desquels les élus. Les associations de la presqu’île d’Ambès seront bien entendu conviées à participer à cette démarche d’information et de concertation.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos propos apaisants. Néanmoins, de graves inquiétudes demeurent et la polémique ne tarit pas. Il revient en définitive au préfet, représentant du Gouvernement, de trancher, puisqu’il s’agit d’une responsabilité régalienne.

Il était de mon devoir de vous interpeller et de tirer la sonnette d’alarme. En effet, vouloir transformer les marais de la presqu’île d’Ambès et ceux de l’estuaire de la Gironde en zones d’épandage des crues pour éviter la montée des eaux dans l’agglomération bordelaise, en faisant fi de la menace qui pèserait sur près de 300 foyers, ainsi que – j’insiste sur ce point ! – de la présence de la centrale nucléaire du Blayais, relèverait de l’inconscience ! J’espère que d’autres solutions seront retenues, comme vous l’avez laissé entendre, monsieur le secrétaire d'État, et qu’elles seront conformes au bon sens.

inscription au snit de la mise à 2 x 2 voies de la rn 147

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 1270, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Jean-Pierre Demerliat. La route nationale 147 Limoges-Poitiers, longue de 120 kilomètres, relie deux villes sœurs, deux départements complémentaires, et constitue une liaison transversale indispensable au développement économique, social et culturel des régions Limousin et Poitou-Charentes.

Or quelle n’a pas été la surprise des élus, des acteurs économiques et des habitants de ces deux régions, qui sont aussi des contribuables et des électeurs, de constater que le projet de mise à 2 X 2 voies de cette route nationale n’était pas inscrit à l’avant-projet du Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT.

L’année dernière, pourtant, le Gouvernement avait levé – partiellement, il est vrai – les inquiétudes qui commençaient à voir le jour à ce sujet. Le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme de l’époque avait en effet répondu à ma collègue députée de la Haute-Vienne, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : cet aménagement « fait partie des opérations inscrites à la revue des projets où sont identifiées les principales infrastructures de transports qui méritent de figurer au Schéma national en raison de leur cohérence avec les orientations du Grenelle de l’environnement ».

Monsieur le secrétaire d'État, l’inscription au SNIT de la mise à 2 X 2 voies de la RN 147 entre Limoges et Poitiers se justifie pleinement au regard des enjeux tant de sécurité routière et de congestion que d’équité territoriale et de désenclavement.

Il s’agit, en effet, d’un axe routier extrêmement fréquenté, notamment par les poids lourds. Les accidents y sont très nombreux et, souvent, particulièrement graves.

De plus, une 2 X 2 voies entre Limoges et Poitiers permettrait de mieux désenclaver et d’irriguer les territoires du Limousin et du Poitou-Charentes. En outre, elle améliorerait la liaison de la façade atlantique vers la région rhodanienne, le réseau autoroutier de l’est de la France et le Centre Europe.

Monsieur le secrétaire d'État, vous le voyez, la mise à 2 X 2 voies de la RN 147 répond parfaitement aux trois conditions justifiant l’inscription d’un projet de développement en matière routière au sein du SNIT.

Cette réalisation apparaît d’ailleurs complémentaire du projet de ligne à grande vitesse entre Limoges et Poitiers, qui, lui, figure au sein de ce schéma. À ce propos, ne serait-il pas judicieux, dans un souci de bonne politique et de saine gestion, de jumeler ces deux réalisations ?

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande instamment de tout mettre en œuvre pour que l’inscription au SNIT de la mise à 2 X 2 voies de cette route ne soit pas différée.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer, ainsi que tous les élus de la Vienne et de la Haute-Vienne mobilisés sur ce sujet, de l’attention que l’État porte à la desserte routière de ce département en général et à l’aménagement de la route nationale 147 en particulier.

Vous souhaitez que l’engagement de l’État en faveur de l’aménagement de ces routes nationales se traduise par une inscription sur les cartes des projets routiers de développement du futur Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT.

Cependant, cet aménagement n’entre pas dans la catégorie de ceux qui ont vocation à être portés sur ces documents. En effet, il a été décidé de ne faire figurer sur ces cartes que les seuls projets dont la réalisation est de nature à créer de nouvelles fonctionnalités à grande échelle, notamment s’ils ont une incidence sensible sur l’expression de la mobilité et les reports modaux, et dont la pertinence au regard des orientations du Grenelle de l’environnement doit avoir été préalablement démontrée et discutée avec les parties prenantes de ce processus à l’échelon national.

La nature et la finalité des améliorations à apporter à la RN 147 ne nous ont pas semblé justifier d’inscrire la question de son aménagement dans une telle procédure ; il en va de même, d’ailleurs, pour la plupart des projets d’amélioration du réseau routier national.

Je le répète, les projets qui visent à une adaptation des infrastructures existantes – c’est le cas des aménagements à réaliser sur la RN 147 – pour répondre à des problèmes régionaux de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou encore d’intégration environnementale et qui ne créent pas de nouvelles fonctionnalités n’ont pas vocation à être évoqués explicitement dans le SNIT. Seules les orientations qui doivent les gouverner figureront dans ce document.

Monsieur le sénateur, vous avez participé, me semble-t-il, au débat sur le Schéma national des infrastructures de transport qui a eu lieu dans cet hémicycle voilà environ trois mois. J’ai dit à cette occasion, et je le répète, que le SNIT était un document de programmation concernant les reports modaux : il n’a en aucun cas vocation à intégrer l’ensemble des routes qui doivent être élargies à 2 X 2 voies ou modernisées.

Toutefois, conscient de l’importance de la RN 147 et des inquiétudes que peut faire naître son absence sur les cartes du schéma, je suis disposé à la mentionner dans l’une des fiches de ce document, parmi les quelques infrastructures routières qui ont légitimement vocation à être transformées, à terme, en 2 X 2 voies.

Au-delà de cette mention dans le SNIT, l’aménagement de la RN 147 se poursuivra. Il se fera progressivement dans le cadre des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, qui succèdent au volet routier des contrats de plan État-région.

En conclusion, si l’élargissement de la RN 147 n’était pas initialement mentionné dans le SNIT, il figurera, à la suite de votre intervention et de celle d’autres élus, dans l’une des fiches du document. Cet itinéraire n’est donc pas du tout négligé. Je le répète, il n’a pas vocation à figurer dans le SNIT. En revanche, dans le cadre des PDMI, cette route nationale sera bien prise en compte et l’objectif d’un passage à 2 X 2 voies sera maintenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne me rassurez pas complètement – vous vous en doutez d’ailleurs ! Aussi, j’ajouterai quelques arguments en faveur d’une rapide mise à 2 X 2 voies de la route nationale 147.

Tout d’abord, cette liaison améliorerait l’irrigation de la façade atlantique de la France à partir des régions est et centre. Cet axe de circulation, la fameuse « route centre Europe Atlantique », ou RCEA, naît à l’est de deux voies qui convergent, se prolonge en une route unique, puis s’élargit en delta vers la façade atlantique. Il est important que cette liaison irrigue de manière satisfaisante non seulement Nantes et Bordeaux, mais aussi toutes les villes situées entre ces deux métropoles.

Je sais que le Gouvernement souhaite améliorer la sécurité routière, mais il le fait surtout, pour le moment, au travers de mesures coercitives. Or la mise à 2 X 2 voies d’une route aussi dangereuse que celle-ci constituerait une action préventive. Monsieur le secrétaire d’État, il faut agir sur les deux leviers, la répression et la prévention !

Enfin, Limoges et Poitiers sont les deux seules capitales de régions limitrophes que ne relie aucun moyen moderne et rapide de communication, qu’il s’agisse du TGV, de l’avion – une telle liaison, il est vrai, n’aurait pas d’intérêt entre ces deux villes – ou même d’une route à 2 X 2 voies. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, faites réfléchir ceux de vos amis politiques qui ne seraient pas encore favorables à la réalisation immédiate de ce projet.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

lutte contre le campagnol

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 1296, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, ma question, qui concerne les rats taupiers, pourrait faire sourire s’il ne s’agissait d’une véritable préoccupation pour les agriculteurs français.

Depuis 2000, le campagnol terrestre figure dans la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets de l’annexe B de l’arrêté du 31 juillet 2000.

Comme le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire le soulignait, en juin 2010, dans sa réponse à la question orale de notre collègue Gérard Bailly, « si la lutte contre son développement n’est pas obligatoire, sa propagation peut néanmoins justifier des mesures spécifiques de lutte obligatoire ».

Comme le préconisent les auteurs du programme interrégional de recherche « Campagnols terrestres et méthodes de lutte raisonnée » et du rapport de décembre 2010 de la mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, la lutte doit être prudente et raisonnée, coordonnée, collective et précoce.

Nul ne condamne l’utilisation maîtrisée et très localisée de produits chimiques, notamment de la bromadiolone, qui est reconnue comme un produit efficace et un complément indispensable aux techniques de piégeage, à la politique de protection des prédateurs ou encore à la plantation de haies, particulièrement dans les situations alarmantes.

Pourtant, la Suède, chargée par l’Europe de rédiger un rapport sur l’utilisation de ce produit, a émis un avis défavorable qui entraînera le retrait inéluctable de son homologation.

Le problème posé par l’indemnisation des dégâts est plus préoccupant encore. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé dans votre réponse à la question écrite de M. Morel-A-l’Huissier, député, publiée le 15 mars 2011, ni le Fonds national de garantie des calamités agricoles ni le Fonds national de gestion des risques en agriculture n’indemnisent aujourd’hui les dégâts provoqués par le campagnol.

Nos exploitants agricoles, conscients de leurs responsabilités, ne recourent ni systématiquement ni abusivement à des produits chimiques, en raison tant de la complexité de la réglementation européenne que de l’ampleur des investissements nécessaires pour s’adapter aux nouvelles contraintes. En revanche, ils sont confrontés à une absence d’indemnisation de leurs pertes et de leurs dommages.

Une double inquiétude, que je relaie ici, les tenaille.

D’une part, ils sont préoccupés par les délais qui leur sont imposés pour utiliser un moyen de lutte efficace, dans la mesure où l’action raisonnée contre les campagnols s’appuie sur un réseau d’épidémiosurveillance mis en place à l’occasion du plan Écophyto 2018, issu du Grenelle de l’environnement, et où, par ailleurs, l’Europe, sur les préconisations de la Suède, demande d’interdire l’utilisation de la bromadiolone.

D’autre part, ils s’inquiètent des prochaines orientations françaises et européennes d’indemnisation, puisque la Commission européenne, consultée sur la prise en compte de ce type de dégâts dans le cadre des fonds de mutualisation de la nouvelle PAC, impose à la France de démontrer le caractère exceptionnel de ces dommages.

Je serais heureuse, monsieur le ministre, que vous puissiez apaiser nos exploitants agricoles sur ces deux points.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, ce problème n’est pas du tout négligeable, contrairement à ce que vous affirmiez au début de votre intervention. J’ai particulièrement conscience de la gravité de la question.

Comme j’ai pu le constater, notamment en Franche-Comté et en Aveyron, nombre d’exploitants agricoles vivent une situation très difficile. Les campagnols terrestres sont responsables de désastres dans bien des exploitations, où des prairies entières deviennent inexploitables. En cette période de sécheresse, ils rendent encore plus difficile le fourrage et l’alimentation des animaux. En effet, une prairie infestée de campagnols a des rendements, en termes de fourrage, qui sont divisés par trois ou quatre, voire qui sont nuls.

J’ai donc demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux d’expertiser les méthodes disponibles et de me faire part des solutions envisageables pour lutter contre ce fléau. Le rapport qui m’a été remis à la fin de 2010 rappelle la nécessité, d’une part, de mettre en œuvre des principes de lutte raisonnée, en évitant l’utilisation massive de produits chimiques pouvant avoir des répercussions négatives sur l’environnement, et, d’autre part, de mener une action collective précoce et combinant tous les moyens disponibles.

Nous avons mis en place, notamment, un « contrat de lutte raisonnée » en Franche-Comté, qui formalise, pour une durée minimale de cinq ans, l’engagement des agriculteurs à poursuivre des opérations de lutte raisonnée.

Cette lutte s’appuie sur le réseau d’épidémiosurveillance mis en place dans le cadre du plan Écophyto 2018, ainsi que sur les bulletins de santé du végétal publiés dans plusieurs régions concernées par ce fléau.

Elle doit combiner des méthodes de lutte directe – piégeage des animaux, emploi d’appâts – et des techniques complémentaires, qui peuvent, elles aussi, être très efficaces. Il s’agit, notamment, d’assurer la protection des prédateurs naturels du campagnol, tels les rapaces et le renard, ainsi que de leurs habitats, et de mettre en œuvre des mesures d’aménagement du territoire.

Autre moyen de lutte efficace, le retournement des prairies a également été autorisé, sous réserve, évidemment, de les réimplanter en surfaces en herbe pour maintenir le niveau actuel et éviter des pertes en termes de captation de carbone.

Concernant le volet financier de ce dossier, madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler que les dégâts résultant du campagnol ne sont pas éligibles au Fonds national de gestion des risques en agriculture. En revanche, je souhaite que soit étudiée la possibilité de les prendre en compte dans le cadre des fonds de mutualisation, qui constituent selon moi une réponse adaptée à ce genre de fléaux agricoles. Encore une fois, il s’agit de ne pas sous-estimer les conséquences très graves de la présence de rats taupiers et de campagnols sur les cultures et le bilan des exploitations.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, si j’ai effectivement ouvert mon intervention en disant qu’une telle question « pourrait faire sourire », j’ai immédiatement précisé que je mesurais complètement la gravité du problème. J’ai pu encore m’en rendre compte le week-end dernier à l’occasion d’un déplacement en Aubrac pour la grande fête de la transhumance : les prairies y sont en effet littéralement labourées !

Puisque vous avez indiqué qu’un contrat de lutte raisonnée avait été signé avec la Franche-Comté, ne serait-il pas envisageable de faire de même avec le département de l’Aveyron dont je suis l’élue ? Cela nous permettrait d’avancer quelque peu sur le sujet.

Je me réjouis par ailleurs que vous envisagiez une indemnisation financière et j’espère que celle-ci pourra être prochainement mise en œuvre.

Reste la question du produit chimique que j’ai évoqué, à laquelle vous n’avez pas répondu. L’Europe maintiendra-t-elle sa condamnation ? À l’inverse, est-il tout de même envisageable d’avoir recours à un tel dispositif, sous réserve que son utilisation soit très raisonnée et maîtrisée ? (M. le ministre manifeste son scepticisme.)

avenir des services publics en milieu rural

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 1268, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, c’est au ministre chargé de l’aménagement du territoire que je m’adresse ce matin, dans la mesure où ma question concerne l’avenir de ce qui constitue la colonne vertébrale du monde rural : ses services publics.

Depuis plusieurs mois, des élus ruraux sont mis devant le fait accompli et n’ont plus qu’à constater, sans pouvoir aucunement dialoguer ni agir, la disparition, la raréfaction ou le déménagement de services publics essentiels aux dynamiques locales.

À chaque fois, en guise d’explication, l’État se cache derrière la sacro-sainte RGPP, la révision générale des politiques publiques, véritable rouleau compresseur qui s’applique, prétendument au nom de l’intérêt général, de manière aussi arbitraire que comptable.

Une nouvelle étape dans le démantèlement des territoires a été franchie puisque, désormais, les écoles rurales sont directement menacées. Certains maires du Doubs viennent en effet d’apprendre que leurs villages, implantés dans des territoires particulièrement enclavés en période hivernale mais enregistrant pourtant des naissances et programmant des opérations d’aménagement, allaient devoir subir des regroupements scolaires.

En s’attaquant à l’école rurale, le Gouvernement met en cause l’un des fondements de l’égalité républicaine et donne un coup de frein à tous les efforts menés par les élus pour créer des dynamiques territoriales, de la croissance, des emplois et du bien-être.

Il n’y a pas si longtemps, en 2006, la Charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, certes imparfaite, tentait de programmer sur un territoire donné un schéma d’aménagement concerté – j’insiste sur ce dernier terme –, qui intégrait de nombreux services publics, y compris régaliens. Elle prévoyait, par exemple, que tout projet de fermeture de classe ferait l’objet d’un dialogue constructif deux ans avant l’effectivité de la mesure. Tout cela semble bel et bien avoir disparu !

Il est aujourd’hui question d’expérimenter un protocole d’accord entre l’État et les opérateurs publics ; très en retrait par rapport à l’esprit de la Charte, ce document apparaît simplement comme l’un des bras armés de la RGPP. Le Doubs est l’un des départements concernés par une telle expérimentation, qui devait se terminer le 15 mai dernier.

Monsieur le ministre, ma question est simple : que répondez-vous aux élus ruraux qui, ne pouvant que déplorer le manque de concertation et d’ambition territoriale de l’État, assistent au déménagement de leurs villages ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur Bourquin, permettez-moi de faire, tout d’abord, une remarque d’ordre général : nous avons fait un choix politique qui est la réduction de l’endettement de l’État et des déficits publics sur plusieurs années.

Nous sommes ainsi amenés à prendre un certain nombre de décisions concernant les services publics : pour garantir leur efficacité, il faut parfois opérer des regroupements et une mise en commun des moyens offerts. Ce choix politique, nous l’assumons.

Il suffit de regarder ce qui passe un peu partout en Europe pour s’apercevoir que, faute d’assumer ses responsabilités en matière d’endettement et de réduction des déficits publics, on est amené, par la force des choses, à prendre des décisions encore plus lourdes et encore plus graves pour les populations. C’est précisément ce que nous voulons éviter.

Nous nous efforçons donc d’agir de manière aussi responsable que possible, dans le prolongement de la Charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, signée, le 23 juin 2006, par le Premier ministre de l’époque, quinze opérateurs de services publics et l’Association des maires de France.

Cette charte définit des objectifs précis en termes de qualité du service rendu, que le Gouvernement s’applique à atteindre.

Les dispositions de l’Accord national « + de services au public », signé le 28 septembre dernier, s’inscrivent justement en cohérence avec les principes de la Charte.

Dans ce document, neuf opérateurs de services publics, la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que l’Union nationale des points d’information et de médiation multiservices s’engagent à proposer aux usagers et aux clients une offre de services mutualisée propre à concilier qualité, proximité et respect des contraintes matérielles.

Une expérimentation a été lancée dans vingt-trois départements, dont celui du Doubs. Elle doit se conclure par la signature de contrats départementaux. Je vous rejoins d’ailleurs, monsieur le sénateur, sur la nécessité d’assurer sur ce sujet un dialogue et une concertation les plus larges possible avec les collectivités locales, notamment avec les conseils généraux, et de prévoir une évaluation à la fin pour vérifier que tous les engagements ont été remplis.

En ce qui concerne plus particulièrement La Poste, je veux souligner que nous avons sanctuarisé 17 000 points de contact. Pour la première fois, un seuil a été fixé afin d’éviter d’aller trop loin dans la réduction de la présence postale. Nous avons fait évoluer l’offre de services pour que ceux-ci puissent être rendus de manière différente, mais à un coût moindre pour le contribuable.

Sur la question de l’éducation en zone rurale, les choix d’ouvertures et de fermetures de classes doivent se faire dans le cadre d’une négociation entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales concernées.

Pour être moi-même un élu local, dans le département de l’Eure, comme mon ami Ladislas Poniatowski ici présent, je sais que la fermeture d’une classe en zone rurale peut entraîner un certain nombre de problèmes pour les usagers, pour les familles et pour les enfants, notamment en termes d’accès et de durée de transport. Pour autant, le regroupement de l’offre pédagogique doit offrir une meilleure scolarisation aux enfants et une plus grande qualité de service.

Par ailleurs, pour tenir compte des spécificités des territoires, nous avons décidé que les inspecteurs d’académie pourraient maintenir des classes à effectifs très réduits, c’est-à-dire comprenant moins de dix élèves, et cela en dépit d’un contexte budgétaire contraint.

Là encore, il s’agit d’éviter l’esprit de système : nous suivons la ligne de réduction des déficits publics, en privilégiant la concertation. Nous gardons la porte ouverte au maintien de classes à effectifs réduits de moins de dix élèves dans des zones rurales très isolées, où il n’existe pas de possibilité de regroupement. Néanmoins, dès qu’il est possible de regrouper deux ou trois classes au sein d’un même établissement scolaire pour limiter la dépense publique tout en améliorant l’offre pédagogique, nous n’hésitons pas à avancer dans ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, après vous avoir écouté attentivement, je ferai trois observations.

Premièrement, vous prétendez que des compressions de postes sont absolument nécessaires pour réduire notre endettement. Permettez-moi de vous dire que, dans ce pays, tout le monde n’est apparemment pas logé à la même enseigne !

Il n’est qu’à voir, pour s’en convaincre, le niveau de salaires des patrons du CAC 40, qui échappent souvent à toute fiscalisation, y compris lorsqu’il s’agit de grandes entreprises françaises à capitaux publics, ou la courbe des bonus versés, qui est repartie de plus belle à la hausse. Finalement, ce sont toujours les mêmes qui paient.

Deuxièmement, se rend-on vraiment compte de ce qui est en train de se passer dans la ruralité ? Si cela continue ainsi, plus personne ne pourra choisir d’habiter en ville ou dans un village. S’il n’y a plus d’écoles ni de services publics, pourtant ô combien indispensables, si ne subsiste plus qu’un point de contact postal dans de nombreux villages, on assistera, inévitablement, à un nouvel exode rural. Une telle situation serait dommageable, car la force de la France, c’est certainement d’avoir des métropoles et des villes, mais c’est aussi, sans doute, de pouvoir compter sur une ruralité active.

Troisièmement, il convient, à mon sens, de repenser en profondeur la politique d’aménagement du territoire et de s’appuyer sur des collectivités très dynamiques, qui doivent passer avec l’État des contrats pluriannuels.

La Charte des services publics en milieu rural était une avancée positive. Elle prévoyait notamment, je le répète, pour tout projet de suppression de classe, un délai de deux ans et l’ouverture d’une négociation avec le maire concerné.

Monsieur le ministre, prenons garde aux effets des regroupements pédagogiques. Dans le Doubs, par exemple, le relief est extrêmement difficile et il y a du verglas pendant quatre ou cinq mois de l’année : déplacer les enfants d’une école à une autre pose bien des problèmes, à cause du temps de transport que cette démarche implique, mais aussi des risques d’accident.

C’est pour cela qu’il vous faut agir avec un certain discernement et ne pas appliquer « votre » RGPP uniquement de façon comptable, comme c’est le cas actuellement. Si nous rejetons cette révision générale des politiques publiques, c’est d’abord, bien sûr, pour des raisons de fond. Mais nous dénonçons, en plus, sa mise en œuvre complètement aveugle, qui nuit profondément aux politiques d’aménagement du territoire.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, il faut, selon moi, revoir en profondeur toutes les décisions prises. Il y va, aujourd’hui, de la survie de certains territoires.

demande de solution technique de soutien pour les campagnes 2012 et 2013 de chanvre et lin

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 1266, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.

M. François Marc. Ma question, monsieur le ministre, porte non sur les grandes productions agricoles de notre pays, mais sur les conditions de développement offertes actuellement aux filières bio du lin, du chanvre, de la luzerne et de la fécule de pomme de terre.

Les propriétés écologiques et environnementales de ces productions sont unanimement reconnues. Pourtant, leurs filières se trouvent aujourd’hui en péril. Comme beaucoup, je m’inquiète de la disparition de l’organisation commune des marchés dans ces secteurs, ainsi que des dispositifs de soutien direct d’« aide à la transformation » dans le cadre des droits à paiement unique, dont de telles filières pâtiront inévitablement.

On sait pourtant que la PAC post-2013 devrait reconnaître ces activités du lin, du chanvre, de la luzerne et de la fécule comme étant génératrices de ce que l’on appelle le « bien public monétisable » à l’échelle communautaire. De nouveaux dispositifs de soutien similaires aux systèmes d’« aide à la transformation » sont d’ailleurs d’ores et déjà envisagés.

En attendant, il est malheureusement à craindre que les récoltes de 2012 et 2013 ne soient difficiles. Les cours des matières agricoles évoluent dans un contexte, on le sait, extrêmement tendu. La semaine dernière encore, les experts chargés d’élaborer le rapport Cyclope parlaient de « malédiction des matières premières ». La volatilité des cours aidant, on peut aisément imaginer les conséquences sur les arbitrages en termes d’assolement que prendront prochainement les agriculteurs, à savoir la réduction inéluctable des surfaces de chanvre, de lin, de fécule et de luzerne.

Or on sait qu’il est souvent difficile de remettre en culture des surfaces dont l’exploitation a été réduite pendant ne serait-ce que deux années.

Est-ce donc vraiment souhaitable ? Je ne le crois pas.

Alors que la France pâtit d’un certain retard en matière d’économie verte, il est évident qu’il revient aux politiques publiques d’assurer les conditions de développement de l’offre. Le levier réglementaire incitatif doit donc pouvoir être actionné afin de donner le ballon d’oxygène nécessaire permettant à ces productions de trouver en 2012 et en 2013 les conditions d’une rentabilité satisfaisante.

Je souhaiterais que le Gouvernement nous précise également aujourd’hui ses réelles intentions à l’égard de ces filières bio, des filières en émergence, porteuses d’avenir et essentielles pour une économie verte dont la France a besoin dans le contexte international actuel.

Monsieur le ministre, une solution technique d’appui temporaire pour les campagnes 2012 et 2013 est possible grâce aux articles 63 et 68 du règlement CE 73/2009. Pourriez-vous m’indiquer dans quelles conditions nous serions susceptibles de bénéficier de cette aide relais ? Cela éviterait que ne soient pénalisées des productions qui ont tout leur sens en termes d’économie verte.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je partage entièrement votre analyse sur la pertinence du développement des filières de la fécule de pommes de terre, du chanvre, du lin ou de la luzerne, chacune d’elles appartenant d’ailleurs à des catégories assez différentes du point de vue des dispositifs d’aides dont elles peuvent bénéficier.

Je rappelle au passage que la Haute-Normandie, ma région d’élection, est la première productrice de lin en France et parmi les premières productrices au monde.

Outre l’habillement, cette filière bénéficie de vrais débouchés tout à fait nouveaux, dans le secteur de la santé, mais aussi dans celui des transports, les fibres de lin pouvant servir, par exemple, à l’aviation ou à l’automobile. Elle présente aussi des avantages en termes de stockage de carbone, d’utilisation limitée d’intrants, de diversité des assolements.

Au total, la filière est d’un bénéfice environnemental considérable, comme vous l’avez rappelé.

Le lin fait l’objet d’un programme de promotion qui est soutenu par l’Union européenne et par la France et que nous continuerons à défendre dans les années à venir.

J’en viens aux aides dont peuvent disposer ces différentes cultures.

La luzerne est et restera intégrée dans le plan protéines. C’est l’un des enjeux stratégiques pour l’agriculture française, car nous importons trop de protéines végétales, en particulier du Brésil et de l’Argentine. C’est bien pour ces pays, mais si la France pouvait, dans les années à venir, gagner en indépendance en matière de production de protéines végétales, ce serait une excellente chose.

Je veux donc affirmer ici tout mon attachement à la défense de la production de luzerne et, je le redis, au maintien de son inclusion dans le plan protéines.

Pour le lin et la fécule de pomme de terre, nous avons maintenu un régime d’aides.

À partir de 2011, une inclusion des aides à la transformation est prévue dans le régime des aides directes découplées. Comme le calendrier était trop serré pour permettre à la filière lin de s’adapter au découplage, j’ai demandé et obtenu une prolongation d’un an, renvoyant le découplage à 2012. Cela laisse une année supplémentaire.

À compter de 2012, les aides dont bénéficient ces filières seront de toute façon intégrées dans les DPU, puisque le report obtenu est d’un an au plus.

Enfin, vous m’interrogez sur la possibilité de rouvrir l’article 68 du règlement communautaire. J’ai jusqu’au mois d’août 2011 pour prendre une décision en la matière, et c’est toujours compliqué, vous le savez. Rouvrir cet article, comme nous l’avons fait dans le cadre du bilan de santé de la PAC, signifierait redéfinir la totalité du régime d’aides dont bénéficient les agriculteurs, autrement dit prendre aux uns pour redistribuer aux autres.

Nous vivons une période de sécheresse très difficile pour tous les agriculteurs français. Les éleveurs sont les premiers pénalisés, mais, il ne faut pas se le cacher, l’ensemble des grandes cultures connaîtront des rendements plus faibles.

Je ne suis pas certain que la réouverture de l’article 68 soit aujourd’hui la solution la plus opportune. À ce stade, je préfère m’en tenir aux mesures que je vous ai annoncées, le report du découplage à 2012, le maintien de la luzerne dans le plan de soutien aux protéines afin de défendre la production de luzerne en France et, enfin, les aides spécifiques relatives au lin et au chanvre, qui ont déjà été prévues.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu nous apporter.

La prolongation d’un an que vous avez signalée est un élément intéressant que les agriculteurs pourront prendre en compte dans leur assolement. C’est une perspective plus positive que ce qui avait été annoncé jusque-là.

Reste la question portant sur la réouverture de l’article 68. Vous indiquez que, si vous la décidez, certains arbitrages seront à faire et d’autres à revoir.

J’attire votre attention sur les engagements nombreux et variés pris par le Gouvernement en matière d’économie verte et d’agriculture durable. Je pense, notamment, aux déclarations que l’on a vu fleurir ces derniers mois, voire ces dernières années, que ce soit la stratégie nationale de développement durable 2010-2013 intitulée « Vers une économie verte et équitable », la stratégie nationale de recherche et d’innovation, ou encore le rapport de mars 2010 du Commissariat général au développement durable, intitulé Les Filières industrielles stratégiques de l’économie verte, sans compter les engagements du cadre du Grenelle II, mais aussi les engagements internationaux pris dans le cadre de la convention de Stockholm.

Ce sont là des engagements forts de la part du Gouvernement. La réouverture de l’article 68 pourrait faciliter leur concrétisation.

J’ajoute que la sécurité qui est apportée aux agriculteurs par la gouvernance publique constitue un élément déterminant de leur comportement en matière d’assolement et de cultures. L’histoire ne manque pas d’exemples de ce qui peut se passer lorsque cette sécurité n’est pas assurée.

Vous avez évoqué la Haute-Normandie, grande productrice de lin. Je citerai, pour ma part, la Bretagne, qui a été une région extraordinairement productive pour le lin et le chanvre, jusqu’à ce que la politique colbertiste, voilà trois siècles, vienne stopper cet élan puisque, pour des raisons internationales, notamment en raison d’arrangements avec les Anglais, on a cessé de donner des assurances aux marchés en termes de commande publique, par exemple pour la marine de guerre.

Ainsi, on le voit, quand la gouvernance publique ne donne plus les sécurités nécessaires, les agriculteurs peuvent être dissuadés de mettre en culture des productions pourtant porteuses d’avenir.

C’est la raison pour laquelle j’insiste, monsieur le ministre, afin que vous réexaminiez éventuellement l’arbitrage dans un sens favorable à ces productions.

avenir des opticiens en milieu rural face à la politique de conventionnement des complémentaires santé

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 1262, transmise à Mme la secrétaire d'État chargée de la santé.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la secrétaire d'État, avec la politique mise en œuvre par votre gouvernement depuis 2007, le reste à charge que les assurés ont à payer pour leurs soins est toujours plus important. C’est la conséquence d’une politique de déremboursement à tout crin et d’une prise en charge par la solidarité nationale des soins d’optique et dentaires qui n’a jamais été suffisante ; nous pouvons même dire qu’elle est inexistante.

Aussi, les complémentaires santé ont mis en place des réseaux de soins avec les professionnels concernés, ce qui bien souvent permet d’obtenir une qualité de prestations supérieure pour un coût moindre.

À la suite des critiques des professionnels de l’optique, le ministère de l'économie s’est inquiété des risques de distorsion de concurrence que pouvaient comporter ces réseaux. Sur sa demande, en vertu de l’article L. 462-1 du code de commerce, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis le 28 septembre 2009 sur ce sujet précis.

Dans cet avis, l’Autorité de la concurrence ne s’oppose pas au principe de réseaux de conventionnement fermés tout en reconnaissant qu’ils « peuvent constituer le support de pratiques ayant pour effet d’exclure certains professionnels du marché ». Elle préconise ainsi la mise en œuvre de critères clairs, transparents et non discriminatoires de la part des complémentaires santé.

Pourtant, madame la secrétaire d'État, la situation concrète mérite que le Gouvernement apporte des solutions plus précises. En effet, certains professionnels d’optique, tout particulièrement dans les communes rurales, sont confrontés à un effet cumulatif de réseaux importants dont ils sont exclus.

Pour prendre le cas de ma commune, Lanmeur, l’opticien ne peut bénéficier d’un conventionnement ni avec Groupama ni avec la MGEN, ce qui réduit terriblement son chiffre d’affaires et met véritablement sa survie en question. Par ailleurs, du côté des assurés, cela signifie encore une fois un accès aux soins rendu plus difficile du fait de l’éloignement.

Mon propos n’est absolument pas de dénigrer le travail des mutuelles, qui ont un rôle aujourd’hui primordial à jouer pour la qualité des soins et une meilleure prise en charge des patients. Ce sont d’ailleurs les pouvoirs publics qui appellent eux-mêmes à « un engagement supplémentaire dans la gestion du risque et la prise en charge des soins », comme le rappelait récemment Étienne Caniard, président de la Mutualité Française.

En réalité, il s’agit de conserver un équilibre entre une offre de soins égale sur tout le territoire et l’équilibre du financement de la sécurité sociale.

Cette question est d’autant plus d’actualité que, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale de la proposition de loi de M. Fourcade modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, les députés ont adopté un amendement visant à « légaliser » cette pratique des conventionnements.

En effet, un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2010 remet en cause cette pratique en interdisant à une mutuelle de moduler le niveau de prestations suivant l’existence ou non d’un conventionnement.

Or, si je comprends le souhait des mutuelles de constituer un réseau de soins au bénéfice des patients et la nécessité de limiter les dépenses de santé, je sais aussi qu’il faut faire très attention à l’avenir de la liberté de choix. Ma crainte est que, en créant certaines obligations par la loi, on ne porte atteinte à la liberté de choix des patients comme des professionnels.

Ce n’est pas en voyant disparaître des professionnels, ces artisans indépendants que sont nos opticiens dans nos communes rurales, que nous améliorerons la prise en charge des patients.

Aussi, je voudrais savoir, madame la secrétaire d'État, quelles réponses vous pouvez apporter dès aujourd’hui pour que ces commerces de proximité ne mettent pas la clé sous la porte et pour que les habitants des communes rurales ne soient pas les victimes de politiques de conventionnement qui les dépassent.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, les réseaux de soins permettent aux organismes complémentaires de santé d’effectuer un pilotage de leur risque grâce à l’encadrement des montants des prestations de santé servies aux assurés.

En effet, en acceptant d’intégrer un réseau de soins, un professionnel de santé s’engage à respecter une grille tarifaire, ce qui contribue à la réduction des coûts et, donc, à une évolution mieux maîtrisée des cotisations.

Les réseaux de soins permettent, par ailleurs, le développement d’une politique efficace de lutte contre la fraude pour les complémentaires santé, qui disposent ainsi d’un réseau intégré de prestataires de santé.

Pour ces raisons, le Gouvernement a soutenu, comme vous le savez, l’amendement de la députée Valérie Boyer, visant à étendre la possibilité de mettre en place des réseaux de soins aux mutuelles du code de la mutualité.

Toutefois, cette possibilité ne doit ni s’accompagner d’une baisse de la qualité de l’offre de santé ni entraîner une distorsion de concurrence entre les prestataires de santé. Pour cette raison, l’amendement de Valérie Boyer a également inscrit l’obligation pour l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, de fixer, dans une charte, les principes auxquels doit obéir tout conventionnement entre les prestataires de santé et les organismes assureurs, qu’il s’agisse des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, et ce en matière notamment de transparence et de traçabilité des produits proposés.

De plus, l’Autorité de la concurrence remettra un rapport relatif aux réseaux de soins aux commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat afin d’effectuer un suivi du respect des règles de la concurrence pour les prestataires de santé.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d'État.

Permettez-moi cependant de souligner que, dans la mesure où les assurances n’acceptent de conclure des conventions qu’avec un nombre limité de professionnels par zone géographique, ceux qui ne sont pas conventionnés se trouvent forcément exclus des réseaux de soins.

J’ai évoqué tout à l'heure l’exemple de ces artisans, ces professionnels de nos communes rurales qui n’ont pas la possibilité d’intégrer des réseaux de soins et voient de ce fait leur clientèle partir à plusieurs kilomètres pour bénéficier d’un meilleur remboursement. Je peux même citer le cas d’une opticienne qui, pour ses propres lunettes, devrait se rendre chez un autre opticien pour être mieux remboursée ! On le voit, la situation est totalement aberrante.

Bien des questions se posent aussi, à commencer par celles du libre choix et, plus largement et de façon permanente, de l’accès aux soins.

Il faudrait également citer, en corollaire, la présence des commerces en zone urbaine sensible ou en zone rurale. Une telle préoccupation n’entre évidemment pas dans les objectifs des complémentaires santé. Il n’en demeure pas moins que les pratiques de conventionnement de ces organismes favorisent la désertification croissante de certaines communes.

Il serait certainement important que nous menions une réflexion, dans le cadre de la mise en place d’un « bouclier rural », sur l’accès à ces services pour nos concitoyens, comme nous devons le faire pour l’accès à un médecin, à une maternité, à La Poste, à un tribunal, au Trésor public ou aux transports publics.

Madame la secrétaire d’État, le monde rural ne doit pas être considéré comme une terre de relégation !

autorisation d'exercice des médecins titulaires de diplômes obtenus hors union européenne

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 1261, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d’État, confrontés à une véritable pénurie de médecins, les établissements hospitaliers des villes moyennes sont conduits à recruter par contrat des médecins titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne. C’est le cas des trois principaux établissements de l’Allier : Vichy, Moulins-Yzeure et Montluçon.

Ces nombreux médecins doivent exercer sous la responsabilité directe d’un chef de service, ou de l’un de ses collaborateurs, dans des conditions financières largement plus désavantageuses que celles dont bénéficient leurs confrères.

Afin de régulariser ces situations, il est possible d’autoriser individuellement ces médecins à exercer, conformément aux dispositions du code de la santé publique. La procédure d’autorisation d’exercice se traduit, pour la grande majorité d’entre eux, par un concours, le nombre maximum de places étant fixé par arrêté pour chaque spécialité. Or ce nombre est très largement inférieur aux besoins.

Ainsi, une jeune cardiologue d’origine camerounaise titulaire d’un diplôme de l’université de Saint-Pétersbourg, bien qu’ayant eu d’excellentes notes à l’ensemble des épreuves, n’a pu obtenir l’une des cinq places offertes, et ne peut donc plus exercer au sein du centre hospitalier de Montluçon. Aucune solution n’est proposée au service de cardiologie dans lequel elle travaillait. Au centre hospitalier de Moulins, c’est un anesthésiste qui a été refusé, bien qu’il ait obtenu une note de 18 sur 20.

On peut, dès lors, s’interroger sur ce concours.

Si ces situations pénalisent les praticiens, elles mettent en péril la survie des services et créent des situations ambiguës. En effet, des services de soins ne fonctionnent aujourd’hui qu’avec la tolérance des autorités administratives !

Des mesures pérennes associant les régions, via les agences régionales de santé, les ARS, et les directeurs des centres hospitaliers doivent être envisagées. Elles permettraient au candidat, après trois ans de pratique sur le territoire national, de déposer sa demande directement auprès de la commission d’autorisation d’exercice, sans passer par le filtre d’un examen ou d’un concours déguisé.

Dans l’attente de ces mesures, les dispositions dérogatoires prévues dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 permettant aux praticiens de passer un examen, et non un concours, arrivent à échéance au 31 décembre 2011. Nombre de ces praticiens expérimentés seront donc privés d’emploi, alors que de nombreux établissements de santé connaissent toujours une situation de grave pénurie.

Envisagez-vous, madame la secrétaire d’État, de prolonger cette mesure dérogatoire et d’autoriser ceux qui ont pu exercer après le 10 juin 2004 de se présenter à l’examen ? Quelles décisions pérennes comptez-vous prendre afin de régulariser la situation de ces 10 000 praticiens, dans les meilleures conditions, avant la fin de cette année ?

J’ajoute que cette mesure serait en phase avec l’esprit et la finalité de la directive « carte bleue », transposée dans le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, qui consiste à rendre l’Union européenne plus attractive pour les travailleurs hautement qualifiés des pays tiers.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la situation des médecins titulaires de diplômes délivrés par un État tiers à l’Union européenne, recrutés dans les établissements publics de santé sous le statut d’associés.

Vous me demandez si j’envisage d’augmenter le nombre de possibilités pour ces praticiens de se présenter aux épreuves de vérification des connaissances organisées dans le cadre de la procédure d’autorisation d’exercice, ce qui rendrait nécessaire de relever les quotas de candidats.

Je rappelle que la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a porté de deux à trois le nombre de possibilités, pour les candidats à l’autorisation d’exercice, de se présenter aux épreuves de vérification des connaissances et de solliciter cette autorisation. Cette année supplémentaire constitue donc un premier facteur d’accroissement des chances pour ces candidats. En outre, grâce à des procédures transitoires applicables jusqu’au 31 décembre 2011, ils ont la possibilité de présenter un examen, au lieu d’un concours, ce qui est très important.

J’ai tenu, tout d’abord, à ce que la situation particulière et l’expérience acquise par les praticiens recrutés depuis plusieurs années, qui ont en effet, madame la sénatrice, rendu de nombreux services dans les établissements de santé, soient mieux prises en compte. Il m’a paru ainsi important de revoir le processus d’évaluation, afin de privilégier les compétences pratiques des candidats. Ces médecins ont en effet un savoir-faire qu’ils mettent à la disposition de nos établissements.

J’ai également veillé à ce que ce changement ne pénalise aucun des médecins actuellement concernés. C’est pourquoi j’ai demandé à la directrice générale de l’offre de soins de saisir les directeurs des établissements de santé pour leur demander de recenser les praticiens concernés et de les inciter fortement à s’inscrire cette année à l’examen. Je rappelle que les dossiers d’inscription à l’examen de vérification des connaissances doivent être déposés avant le 31 mai 2011, soit dans quelques jours.

Par ailleurs, la directrice générale de l’offre de soins a contacté les organisations syndicales représentatives de ces professionnels afin de les sensibiliser à la nécessité de s’inscrire pour cette dernière session. Dans la mesure où le nombre de candidats qui, habituellement, tirent parti de leur possibilité de passer l’examen une troisième fois est très faible, la perte de chance sera limitée.

Enfin, j’ai demandé à mes services de prévoir une augmentation du nombre de postes ouverts au concours de 2012, afin de compenser la fin de la procédure transitoire et de permettre aux médecins concernés de trouver une voie de résolution pour la reconnaissance de leur expérience professionnelle.

La question que vous soulevez, madame la sénatrice, est pour moi essentielle, et j’ai à cœur d’y apporter de nouvelles réponses dans les semaines et les mois à venir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Je vous remercie de ces précisions, madame la secrétaire d’État, même si je ne suis pas tout à fait convaincue.

Vous dites qu’il faudra augmenter le nombre de postes ouverts et veiller à ne pénaliser aucun de ces médecins. Or s’ils échouent à ce concours, qui représente pour eux la dernière chance d’exercer, ils vont se retrouver dans l’illégalité, privés de papiers. Des sans-papiers ne peuvent pas travailler dans un hôpital ! Leur situation est donc extrêmement fragile.

Ce problème concerne surtout les petits centres hospitaliers, qui accueillent ces médecins à bras ouverts, dans la mesure où, comme vous le savez, il existe une pénurie de praticiens. Ainsi, chacun des hôpitaux de nos villes moyennes de l’Allier emploie un médecin dans cette situation.

Je compte sur votre extrême vigilance, madame la secrétaire d’État, pour que ces médecins puissent envisager un avenir professionnel dans notre pays, ne serait-ce qu’en raison de la qualité de leur formation, de l’expérience qu’ils ont acquise dans nos hôpitaux et des services qu’ils rendent depuis de nombreuses années, en étant d’ailleurs souvent financièrement désavantagés. C’est pourquoi je vous ai demandé quelles mesures pérennes vous comptiez prendre dans ce domaine. Nous serons très attentifs à votre action.

avenir de la radiothérapie en seine-et-marne

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, en remplacement de M. Michel Billout, auteur de la question n° 1283, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé.

Mme Mireille Schurch. Je vous prie tout d’abord, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Michel Billout, bloqué dans un embouteillage. Il souhaite attirer votre attention sur l’avenir de la radiothérapie en Seine-et-Marne.

Ce département dispose en effet de quatre centres de radiothérapie : deux relevant du secteur privé à but lucratif, un du secteur privé à but non lucratif et un autre du secteur public, situé au sein de l’hôpital de Lagny-sur-Marne.

Une restructuration de la radiothérapie en Île-de-France est actuellement entreprise par l’agence régionale de santé. Si elle devait aboutir, elle impacterait brutalement le département de Seine-et-Marne. Sur les quatre centres du département, seules les deux structures privées à but lucratif ne sont pas menacées de fermeture.

À aucun moment le renforcement des services de radiothérapie du centre de Forcilles et de l’hôpital de Lagny-sur-Marne n’a été, semble-t-il, envisagé, alors que ces deux structures disposent d’atouts considérables.

Le centre de Forcilles, associant radiothérapie, chimiothérapie pour les cancers de la sphère ORL, notamment, avec nutrition entérale et parentérale, a acquis dans ce domaine une expérience exceptionnelle de trente-cinq années, ce qui lui a conféré une réputation nationale et internationale.

Il est, par ailleurs, très bien expertisé par l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, dont vous me permettrez de citer un extrait du dernier rapport : « La réalisation quasi exhaustive des contrôles de qualité interne des installations de radiothérapie et les contrôles techniques de radioprotection sont un point fort du service. Le processus de formation et d’habilitation du personnel du service de radiothérapie est également un point fort ».

Cet avis vient démontrer que l’on peut se situer sous le seuil des 600 patients par an, tout en exerçant la radiothérapie de façon exemplaire. Pourtant, la radiothérapie ne doit aujourd’hui son maintien à Forcilles qu’à une décision du tribunal administratif de Melun en date du 30 mars 2010 rendue contre l’avis de votre ministère.

Le service de radiothérapie de l’hôpital de Lagny-sur-Marne est, quant à lui, également exemplaire, au niveau tant de ses compétences que de son savoir-faire, reconnu par les patients et par l’ensemble de la profession.

Ce service respecte intégralement les dix-huit critères fixés par l’Institut national du cancer, et il est le seul en Île-de-France à pratiquer l’irradiation corporelle totale, ou ICT, utilisé dans la majorité des traitements des leucémies aiguës. Il est pourtant menacé de fermeture au profit d’une clinique privée, au motif qu’il n’atteindrait pas le fameux seuil de 600 patients par an ; il n’en reçoit, en effet, que 550. Il lui manquerait donc un patient par semaine pour atteindre un seuil qui n’est, par ailleurs, justifié par aucun critère scientifique.

L’ARS a cependant indiqué qu’elle souhaitait éviter ce que l’on pourrait appeler « l’évasion médicale », en incitant les malades à se soigner plus près de chez eux. La question est donc de savoir si la disparition de deux centres sur quatre permettra de répondre à cet objectif.

De véritables coopérations entre structures pourraient au contraire être envisagées, afin de préserver et de développer ces centres, tout en permettant aux patients de continuer à choisir leur lieu de soin.

Le maintien du seul secteur privé à but lucratif ne peut être garant, à lui seul, d’un accès au soin pour tous, quels que soient les revenus, dans des délais de prise en charge raisonnables pour ce type de maladie.

Nous souhaitons donc connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour assurer l’accès des patients aux structures publiques ou privée à but non lucratif de radiothérapie en Seine-et-Marne.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à rappeler que nul ne souhaite ici mettre en péril l’offre de radiothérapie publique, bien au contraire. Ainsi, la création au sein du futur hôpital public de Jossigny d’un centre de radiothérapie public/privé, en secteur 1 exclusif, permettrait de dépasser les seuils réglementaires et d’offrir, par ailleurs, un confort pour les patients pris en charge en cancérologie dans cet hôpital.

La défense du statu quo conduirait, en revanche, à mettre à mal la radiothérapie publique. Permettez-moi d’en exposer les raisons.

L’activité de radiothérapie du centre hospitalier de Lagny-sur-Marne est, aujourd’hui, inférieure aux seuils d’activité réglementaires. Ces seuils visent simplement à définir un niveau minimal d’activité, afin de garantir la qualité des soins et la sécurité des patients. Dès lors, si l’agence régionale de santé ne prenait pas ses responsabilités en engageant une restructuration, l’insuffisance d’activité entraînerait un rejet de la conformité du service, aboutissant in fine à la fermeture des services de radiothérapie publique, c’est-à-dire exactement l’inverse de ce que M. Billout appelle de ses vœux.

Enfin, l’hôpital de Lagny-sur-Marne doit se restructurer dans les prochains mois dans, un bâtiment neuf, sur le site de Jossigny. Celui-ci comprend trois « bunkers » de radiothérapie.

Une réflexion a été entreprise afin d’organiser la radiothérapie sur le site du futur hôpital public.

Il s’agit donc non pas de « brader » le service public, mais, bien au contraire, de le garantir grâce au maintien d’une offre de soins accessible et de qualité, au sein du centre hospitalier de Jossigny.

Par ailleurs, en ce qui concerne l’établissement de santé privé d’intérêt collectif de Forcilles, qui connaît de grandes difficultés financières et de gouvernance, un travail sur le projet stratégique est engagé avec l’ARS, qui soutient cette structure.

Il s’agit avant tout de tenter d’aider l’offre publique à se maintenir, et cela dans des conditions de qualité et de sécurité.

Je rappelle, par ailleurs, que l’ARS a engagé une réflexion importante sur l’organisation de la radiothérapie en Île-de-France qui s’accompagne d’une mission d’appui menée par l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, dont les conclusions sont attendues pour juin 2011. Cela permettra d’éclairer la situation en Seine-et-Marne, tant à Lagny-sur-Marne qu’à Forcilles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de ces précisions, que M. Billout ne manquera pas de transmettre aux personnels de santé des hôpitaux concernés.

Pour ma part, je me permets de me faire à nouveau son relais auprès de vous pour insister sur la nécessité de garantir la proximité de l’offre de soins à des patients atteints de pathologies dont le traitement est difficilement compatible avec l’éloignement.

situation de la communauté de communes rurales des coteaux du savès et de l'aussonnelle en haute-garonne

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1259, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Jean-Jacques Mirassou. J’essaierai un jour d’établir des statistiques afin de déterminer quelles sont les probabilités pour que le ministre à qui une question orale est adressée soit bien au banc du Gouvernement pour y répondre…

En tout état de cause, madame la ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation de la communauté de communes rurales des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle, dans le département de la Haute-Garonne.

Nous assistons actuellement à la mise en œuvre dans ces communes de l’article 35 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, lequel a pour objet l’établissement d’un schéma départemental de coopération intercommunale prévoyant la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant au moins 5 000 habitants.

La loi autorise le représentant de l’État dans le département concerné a abaissé ce seuil pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces.

La communauté de communes rurales des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle réunit les six communes de Bonrepos-sur-Aussonnelle, Bragayrac, Empeaux, Sabonnères, Saiguède et Saint-Thomas, toutes situées dans l’arrondissement de Muret. Son territoire s’étend sur 61 000 kilomètres carrés et sa population est légèrement inférieure à 3 000 habitants.

C’est cette faiblesse numérique, par rapport au seuil de 5 000 habitants, qui a conduit le représentant de l’État à sommer – le mot est faible ! – cette communauté de communes à se réunir à une communauté de communes voisine, celle du Savès, qui compte, elle, 14 000 habitants sur dix-huit communes.

Or la communauté de communes rurales des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle n’a aucun intérêt à se dissoudre dans cette communauté de communes limitrophe, car son bassin de vie n’est pas semblable.

Avec une population rurale modeste et comptant un tiers de retraités, les six communes comptent environ 500 habitants chacune, tandis que dans l’intercommunalité voisine les administrés sont majoritairement concentrés dans trois des dix-huit communes – notamment dans l’une de ces trois communes – et forment une population périurbaine, et non pas rurale.

La localisation des bassins d’emploi et, partant, les axes de communication sont également différents : la population active de la communauté de communes concernée travaille principalement dans la périphérie ouest de l’agglomération toulousaine, alors que les bassins d’emploi de l’autre intercommunalité sont principalement situés au sud de la ville de Toulouse. Les axes routiers empruntés ne sont donc pas les mêmes.

Les six communes constitueraient ainsi pour l’intercommunalité d’accueil une excroissance territoriale et la communauté de communes qui résulterait d’une fusion aurait un contour non viable.

J’insiste sur le fait qu’une telle fusion bafouerait l’esprit même de l’intercommunalité, car cela reviendrait à faire moins bien à un coût plus élevé pour l’État et le contribuable. Une fusion avec la communauté de communes du Savès entraînerait, par exemple, une augmentation de 30 % de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, pour une perte de service de 94 % !

J’ai donc interpellé le Gouvernement afin que le représentant de l’État, qui a, je l’ai dit, la possibilité d’abaisser le seuil de 5 000 habitants, fasse profiter les communes concernées de cette disposition ou, dans le pire des cas, repousse dans le temps une décision qui, contrairement à ce qui a pu être dit, est loin d’être urgente.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’excuser mon collègue Philippe Richert, qui est retenu et m’a demandé de vous transmettre sa réponse sur l’application de l’article 35 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que je répondrai au mieux de mes compétences !

Cet article 35 prescrit l’élaboration dans chaque département d’un schéma départemental de coopération intercommunale.

L’une des orientations du SDCI est la constitution d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre d’au moins 5 000 habitants. Le seuil retenu permet de constituer un EPCI à même d’assumer, à bonne échelle, les compétences que la loi lui assigne.

Deux dérogations à ce seuil de 5 000 habitants ont été prévues.

D’une part, le seuil de 5 000 habitants n’est pas applicable aux EPCI dont le territoire comprend des zones de montagne délimitées conformément à l’article 3 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

D’autre part, pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces, le préfet peut abaisser le seuil de 5 000 habitants par décision motivée.

Le projet de schéma du département de Haute-Garonne, qui a été présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale le 15 avril 2011, contient des propositions de rationalisation des périmètres des EPCI tendant à favoriser la constitution de communautés de communes atteignant le seuil de 5 000 habitants prévu par la loi.

La communauté de communes rurales des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle est concernée par ces propositions du fait qu’elle regroupe six communes pour une population totale de 2 874 habitants, soit un nombre éloigné du seuil de création des groupements précité.

Toutefois, la proposition contenue dans le projet de schéma départemental ne mésestime pas le caractère rural de la communauté de communes des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle, puisqu’elle tend à opérer une fusion avec la communauté de communes voisine du Savès, qui présente des caractéristiques physiques similaires.

Par ailleurs, la proposition est formulée en vue d’une fusion intervenant à l’horizon 2013, de façon à prévoir le temps nécessaire à la préparation d’une fusion réussie.

S’agissant de la procédure, il convient de souligner qu’après avoir été présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale le projet de schéma a été notifié le 20 avril 2011 aux communes et EPCI intéressés, qui disposent d’un délai de trois mois pour donner leur avis.

À l’issue de cette phase de consultation, la CDCI sera à nouveau réunie et appelée à délibérer sur le projet de schéma. Pour l’éclairer dans sa décision, l’ensemble des avis des communes et EPCI sollicités lui seront communiqués.

La commission départementale de la coopération intercommunale pourra alors, le cas échéant, proposer, par voie d’amendement, des contre-propositions à la majorité des deux tiers de ses membres. Si ces contre-propositions sont acceptées dans ces conditions, elles seront alors intégrées dans le schéma, sous réserve toutefois qu’elles ne remettent pas en cause les orientations fixées par la loi en termes de rationalisation de la carte intercommunale.

Ainsi, le projet concernant la communauté de communes rurales des coteaux du Savès et de l’Aussonnelle, tel qu’il figure au projet de schéma, est susceptible d’évoluer après que les différents acteurs locaux consultés se seront prononcés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse.

La porte semble être désormais moins fermée qu’elle ne l’était il y a un mois, voire il y a encore deux semaines. Ce n’est du reste pas l’effet du hasard : tout le monde ici sait que l’élaboration des cartes intercommunales, dans quelque département de France et de Navarre que ce soit, suscite la « grogne » des élus locaux, et le mot est faible.

Tous considèrent, à juste titre, qu’une communauté de communes et un EPCI, fussent-ils de petite taille, représentent véritablement une communauté d’histoire et de destin. Il n’appartient pas à un préfet ou à la Place Beauvau de se substituer aux élus locaux pour remplir des cases en jaune ou en rouge !

Je vois dans votre réponse un début de commencement de prise en compte de cette grogne, prise en compte qui semble se traduire, pour la communauté de communes que j’évoquais, par un délai supplémentaire puisque la date butoir serait maintenant fixée à 2013.

J’insiste cependant, madame la ministre, pour que le Gouvernement explique aux préfets concernés que le temps de la concertation n’est pas du temps perdu et que ce n’est pas en imposant à toute force la mise en œuvre de la loi que l’on pourra faire la démonstration de sa cohérence !

Je m’étais engagé envers ceux qui donnent le meilleur d’eux-mêmes au quotidien dans l’intérêt de la population à interpeller le Gouvernement à ce propos. J’ai bien noté, je l’ai dit, que la discussion était encore ouverte et que le délai était prorogé jusqu’en 2013. Tous, nous resterons, bien entendu, très vigilants !

conséquences des réductions des délais de paiement

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, en remplacement de Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 1277, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

M. Daniel Dubois. Mme Catherine Morin-Desailly souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences des réductions des délais de paiement introduites par la loi de modernisation de l’économie, dite « LME ».

Prévue dans le titre II de ce texte, la diminution des délais de paiement dans les entreprises poursuit l’objectif de relancer la concurrence et de protéger les PME en imposant aux entreprises, depuis le 1er janvier 2009, un délai maximum de soixante jours pour régler les sommes dues.

Il apparaît, selon le rapport annuel 2010 de l’Observatoire des délais de paiement, qui a été remis récemment au Gouvernement, que le bilan du dispositif est plutôt encourageant.

En effet, malgré un contexte économique difficile, on souligne dans ce rapport une tendance à la réduction des délais de paiement depuis 2007, tendance qui s’est fortement confirmée après 2009. Les délais clients sont ainsi passés de cinquante et un jours de chiffre d’affaires en 2008 à quarante-neuf en 2009. Quant aux délais fournisseurs, ils ont été ramenés de cinquante-neuf à cinquante-six jours d’achats. Cette amélioration a bénéficié principalement aux PME, avec un gain évalué à 3 milliards d’euros.

La loi avait également prévu des accords dérogatoires spécifiques propres à certains secteurs afin de permettre à des entreprises qui se seraient trouvées en difficulté de bénéficier de conditions plus souples et plus graduelles.

Cependant, ces accords arrivent à échéance le 1er janvier 2012, ce qui risque d’amplifier les problèmes que rencontrent toujours certaines entreprises, confrontées à des besoins de trésorerie, en particulier pour les très petites structures, et à un déplacement de la charge des stocks en amont des filières de distribution. Ces entreprises, notamment celles dont le caractère saisonnier est très marqué, craignent, par exemple, une démultiplication des commandes de petits volumes ou d’urgence, ce qui aurait pour conséquence d’augmenter le coût des matériels.

Pour surmonter ces difficultés, l’Observatoire des délais de paiement, a préconisé cinq mesures, organisées autour de deux axes : d’une part, la mise en place de mesures d’accompagnement de portée générale et, d’autre part, le développement d’une communication institutionnelle visant autant à lutter contre les pratiques abusives qu’à aider les entreprises à modifier leurs comportements.

Madame la ministre, vous avez déjà exprimé votre volonté de ne pas modifier ce texte, ni de prolonger les dérogations. C’est pourquoi je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage d’appliquer certaines des propositions formulées ; le cas échéant, pourriez-vous nous indiquer lesquelles et si elles pourraient être effectives dès 2012 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord excuser Frédéric Lefebvre, qui n’a pu être présent ce matin et qui m’a chargée de répondre en son nom.

Mme Morin-Desailly appelle l’attention du Gouvernement sur les problèmes rencontrés par les entreprises artisanales agricoles dans l’application de la réduction des délais de paiement issue de la loi de modernisation de l’économie de 2008.

Le Gouvernement partage son souci d’améliorer le dynamisme et la compétitivité de notre économie. La LME vise précisément cet objectif. En plafonnant les délais de paiement, elle permet aux entreprises, tout particulièrement aux plus fragiles d’entre elles, d’avoir une meilleure gestion de leur « poste client » et de dégager un surcroît de trésorerie qui leur permet d’investir.

Le rapport que le président de l’Observatoire des délais de paiement, M. Jean-Hervé Lorenzi, a remis au Gouvernement le 3 mai dernier fait le constat que les objectifs de la LME en termes de délais de paiement ont été atteints. Ces délais ont de nouveau baissé en 2010, malgré la crise.

Selon la Banque de France, 3 milliards d’euros supplémentaires ont ainsi été dégagés pour les PME dès 2009, et 1,5 milliard d’euros pour les entreprises de taille intermédiaire.

Pour certains secteurs, notamment ceux qui sont exposés à une forte saisonnalité ou à la nécessité d’avoir des stocks importants, ainsi que pour des commerçants, l’adaptation à ce plafonnement des délais de paiement présentait une difficulté particulière. La mise en place d’accords dérogatoires, valables jusqu’en 2012, était prévue par la loi.

Le Gouvernement a demandé à l’Observatoire des délais de paiement d’analyser l’enjeu de l’achèvement des accords dérogatoires. Le rapport qui lui a été remis préconise de ne pas proroger ces accords : cette recommandation sera suivie par le Gouvernement.

L’Observatoire constate néanmoins que des mesures d’accompagnement sont nécessaires pour aider certaines entreprises dans leurs ultimes adaptations à cette réforme. Il pourrait notamment s’agir du développement d’outils de financement ou d’affacturage.

Afin d’apporter des solutions au plus vite, un accord de principe avec François Drouin, le président d’OSEO, a d’ores et déjà été trouvé, pour que certains fonds d’OSEO puissent être mobilisés. Des mesures opérationnelles seront mises en œuvre au cours du second semestre pour accompagner les entreprises concernées.

Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, et au médiateur du crédit de suivre la situation particulière des très petites entreprises afin de mesurer précisément l’impact de la réduction des délais de paiement sur ces entrepreneurs qui échappent pour partie aux outils d’observation actuels.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, les entreprises qui rencontrent des difficultés du fait de l’application de la LME sont au cœur des préoccupations du Gouvernement : elles seront soutenues jusqu’au bout de leur démarche.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Madame la ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous nous avez apportés. Ma collègue Catherine Morin-Desailly ne manquera pas de les relayer auprès des entreprises de Haute-Normandie qui lui avaient fait part de leurs inquiétudes.

Simplement, nous lisons aussi dans le rapport de l’Observatoire qu’un seul secteur a connu un allongement de ses délais de paiement : l’administration, en raison notamment de la mise en place du système informatique Chorus. J’espère que le Gouvernement mettra tous les moyens en œuvre pour être exemplaire sur ce point !

bilan et contrôle des engagements pris par les banques

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 1281, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, en cette période de difficultés financières, nombreuses sont les personnes qui s’interrogent sur ce qu’il est advenu des accords passés entre l’État et les banques à la suite de la crise de 2008, époque à laquelle le système bancaire avait été vivement contesté.

Le Gouvernement avait alors mis en place un vaste plan de financement de l’économie avec des moyens en faveur des banques, dont un apport de 75 milliards d’euros de garanties. En contrepartie, la ministre de l’économie avait exigé de nouvelles règles. Nous avons donc adopté en ce sens plusieurs textes l’année dernière. Je pense à la loi de régulation bancaire et financière et à la loi portant réforme du crédit à la consommation.

Au travers de ces lois, le Gouvernement avait lancé une réforme nécessaire de notre système bancaire.

S’agissant de la loi portant réforme du crédit à la consommation, de nombreux particuliers nous interpellent au sujet des problèmes qu’ils rencontrent avec certaines banques. En effet, pour de très faibles découverts, d’importants frais d’intervention et agios sont prélevés.

Il m’a été rapporté par des personnes que j’ai reçues, comme de nombreux autres élus, à ma permanence, qu’un dépassement de quelques euros du découvert autorisé, souvent compris entre 300 et 400 euros, pouvait entraîner, à chaque fois, des frais bancaires allant de 30 à 40 euros, auxquels s’ajoutent des agios de plus en plus importants.

Rien de tout cela n’est de nature à permettre aux personnes concernées de sortir de leurs difficultés, même ponctuelles. De multiples événements de ce type peuvent conduire les ménages à avoir recours en permanence à des crédits, ce qui peut les entraîner dans des situations de surendettement catastrophiques.

Afin d’anticiper ces situations d’endettement et de permettre une meilleure clarté des tarifs bancaires, nous avons adopté les différents textes que j’ai évoqués tout à l’heure.

Sur cette question importante pour les personnes en situation fragile, je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez nous indiquer l’état d’avancement de la mise en place des différentes mesures, ainsi que les dispositions qui pourraient être prises afin de réguler l’ensemble de ces frais bancaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous demande d’excuser l’absence de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui m’a demandé de vous répondre.

Le 1er mai dernier, les deux derniers tiers de la loi portant réforme du crédit à la consommation sont entrés en vigueur, amenant un bouleversement dans les pratiques de distribution du crédit à la consommation, notamment dans les magasins. Ces changements étaient nécessaires.

Il était urgent en effet d’encadrer le crédit renouvelable et de protéger les ménages en supprimant les abus et les excès de ce type de crédit.

Depuis donc le 1er mai, les cartes de fidélité des magasins ont changé de visage. Avant la réforme, elles pouvaient conduire leurs détenteurs à entrer en crédit malgré eux. Un consommateur pouvait souscrire une carte sans même être prévenu qu’un crédit renouvelable y était associé. S’il faisait ultérieurement un paiement avec sa carte, le crédit pouvait être activé automatiquement. Payer comptant nécessitait d’être vigilant et de penser à le demander explicitement.

Aujourd'hui, la logique est inversée : les cartes de fidélité associées à un crédit ont obligatoirement une fonction de paiement au comptant qui est activée en priorité. Les consommateurs ne peuvent plus entrer en crédit malgré eux. Ils ont désormais le choix entre crédit classique et crédit renouvelable pour leurs achats importants. Pour toutes les demandes de crédit de plus de 1 000 euros en magasin ou à distance, si les vendeurs proposent un crédit renouvelable, ils ont désormais l’obligation de proposer un crédit classique en alternative.

Les durées de remboursement et le coût des crédits renouvelables vont également diminuer.

Avant la réforme, les consommateurs pouvaient être séduits par des mensualités faibles qui entraînaient souvent des durées de remboursement abusivement longues. Mais un crédit qui n’en finit pas de se rembourser est un crédit qui coûte cher au consommateur.

La loi prévoit désormais une vitesse minimale de remboursement des crédits renouvelables, pour empêcher les abus : elle garantit un remboursement en trois ans après chaque utilisation pour un crédit de moins de 3 000 euros, en cinq ans si le crédit dépasse 3 000 euros.

La loi a enfin renforcé les sécurités à l’entrée en crédit, en particulier en magasin. Les prêteurs ont désormais l’obligation de vérifier la solvabilité des emprunteurs. En cas de crédit sur le lieu de vente ou à distance, cette vérification reposera sur une fiche remplie par le vendeur et par le consommateur, un véritable « point budget ». Pour les crédits de plus de 3 000 euros, les informations contenues dans cette fiche devront être étayées par des justificatifs.

La loi a également instauré un comité chargé de préfigurer la création d’un registre national des crédits aux particuliers, qui rendra ses conclusions en juillet. La création de ce registre a pour objectif d’améliorer encore l’évaluation de la solvabilité des consommateurs et de prévenir le surendettement.

Par la loi du 1er juillet 2010, le Gouvernement a également voulu adopter des mesures fortes pour améliorer l’accompagnement des personnes qui connaissent des difficultés d’endettement.

Depuis le 1er novembre 2010, les mesures de la loi destinées à mieux accompagner les personnes surendettées sont applicables.

La durée des plans de surendettement est réduite, passant de dix ans à huit ans.

La durée d’inscription des personnes surendettées au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, passe de dix ans à cinq ans. Ce sont 120 000 personnes qui sont sorties du fichier dès le 1er novembre 2010.

La loi accélère les procédures de surendettement, parce qu’une procédure qui dure est difficile à vivre au plan personnel comme au plan familial : la Banque de France dispose désormais de trois mois, au lieu de six mois, pour décider de l’orientation des dossiers de surendettement. La durée de 95 % des procédures de rétablissement personnel est réduite, passant de dix-huit mois à six mois.

La loi suspend les voies d’exécution ouvertes aux créanciers contre les biens des personnes surendettées : la procédure de surendettement doit être le temps du règlement des difficultés et non celui du harcèlement.

La loi impose aux banques d’assurer la continuité des services bancaires des personnes surendettées pour empêcher les fermetures sauvages de comptes bancaires quand une banque apprend que l’un de ses clients est surendetté.

Depuis le 1er novembre 2010, la loi aide enfin les personnes surendettées à trouver des solutions.

Les commissions de surendettement ne pourront plus refuser aux personnes surendettées qui sont propriétaires de leur logement l’accès aux procédures de surendettement, car la procédure de surendettement doit permettre à tous de trouver des solutions.

Le but de l’ensemble de ces mesures est d’encadrer le crédit à la consommation pour empêcher les abus et les excès, afin de prévenir le surendettement et de mieux accompagner les personnes surendettées, en créant donc les conditions d’un crédit responsable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la ministre, j’ai bien noté tous les efforts réalisés par le Gouvernement. Aucun de ses prédécesseurs n’en avait fait autant dans ce domaine !

Dans cette question, j’ai tenu à évoquer les petits découverts de ces personnes qui cumulent souvent fragilité financière et précarité professionnelle. Je souhaite que le Gouvernement reste attentif à ces cas, qu’il empêche les abus et qu’il suive de près les pratiques des banques, qui sont loin d’être toujours tout à fait correctes.

difficultés financières des communes confrontées à des risques industriels majeurs

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la question n° 1271, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Guy Fischer. Madame la présidente, je tiens à remercier M. Gérard Longuet d’avoir accepté de me répondre.

Vivant dans le département du Rhône, à proximité de ce que nous appelons « la vallée de la chimie », j’ai souhaité attirer l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement sur les mesures financières à mettre en œuvre en faveur des communes confrontées à des risques industriels majeurs.

De nombreuses contraintes pèsent en effet sur les maires de ces communes, particulièrement les plus pauvres. C’est le cas de Pierre-Bénite, dans le département du Rhône, qui détient, avec la ville de Saint-Fons, le double record d’être la ville la plus proche d’un site Seveso – Arkema – et d’abriter la population la plus pauvre des villes concernées.

L’Association nationale des communes pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, AMARIS, souligne d’ailleurs que vivent dans les zones à risques majoritairement des foyers aux revenus modestes, voire non imposables. Le centre-ville est constitué d’un bâti très dégradé, mais la plupart des projets de constructions nouvelles ou d’amélioration de l’habitat sont bloqués.

C’est également le cas de plusieurs communes situées dans le département de l’Isère, et concernées par des plans de prévention des risques technologiques, ou PPRT. Je pense notamment au PPRT de Jarrie, qui s’applique à quatorze communes, couvrant 4 700 habitations individuelles, dont 1 000 sont dans le périmètre d’expropriation, 42 000 appartements, 680 commerces ou activités, mais également plusieurs établissements publics.

Or le plan de prévention des risques technologiques, s’il est une nécessité en matière de sécurité, ne réglera pas, loin s’en faut, l’ensemble des problèmes financiers auxquels sont confrontés les particuliers, les communes et les entreprises « non Seveso ».

En effet, les habitants sont contraints de réaliser des travaux pour assurer leur sécurité et le Gouvernement a fait passer, en loi de finances, de 40 % à 30 % le crédit d’impôt consenti au titre des travaux de protection du bâti des particuliers, ce qui remet en question la participation des industriels et des communes qui s’étaient pourtant engagés, en juin 2010, à l’époque où le Gouvernement avait fait l’effort d’augmenter ce crédit d’impôt.

La même loi de finances pour 2011 a, en outre, abaissé le plafond des travaux, le faisant passer de 30 000 euros à 10 000 euros. Enfin, cet avantage fiscal ne concerne que les zones de prescription, les zones de recommandation en étant exclues.

Quant à la ville de Pierre-Bénite, dont j’ai cité l’exemple tout à l’heure, la plupart de ses équipements publics se situent en périmètre de prescription sur le bâti et elle n’a donc pas les moyens d’entretenir son patrimoine, sauf à alourdir fortement la fiscalité des ménages.

Au total, en France, ce sont près de mille maires qui, étant confrontés à de tels problèmes, souhaitent ardemment des moyens exceptionnels pour pouvoir conserver le tissu industriel et les emplois de leur commune tout en améliorant le cadre de vie de leurs administrés. Face à de telles situations, seule la solidarité nationale pourrait permettre de desserrer l’étau qui enserre ces communes.

Monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il adopter pour répondre à l’attente de ces élus locaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, que je tiens à mon tour à remercier d’avoir bien voulu répondre à M. Guy Fischer, retardé ce matin pour des raisons tout à fait indépendantes de sa volonté.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Cher Guy Fischer, en ma qualité d’élu local, je partage votre préoccupation. Il s’agit d’un sujet majeur, sur lequel je pense que nous aurons encore à travailler ensemble.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, a pris connaissance avec intérêt de votre question portant sur le financement des plans de prévention des risques technologiques, plans dont l’impact, tant sur les communes que sur les riverains, fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de ses services.

Elle rappelle néanmoins que les PPRT, instaurés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003, ont pour objectif d’améliorer et de pérenniser la coexistence des sites industriels dits « à risques » avec les riverains, particuliers ou acteurs économiques.

Au travers des PPRT, il s’agit de définir collectivement les conditions d’un aménagement durable conciliant le développement urbain et l’industrie.

À cet effet, le PPRT définit divers types de mesures. Tout d’abord, des mesures de réduction des risques à la source dans les installations industrielles sont prises dans le cadre de la réglementation des installations classées, avant même que le PPRT ne soit approuvé. Ces mesures sont, bien évidemment, intégralement financées par les industriels.

Ensuite, des mesures foncières d’expropriation et de délaissement peuvent éventuellement être prescrites par les PPRT dans les zones restant soumises à un risque grave pour la vie humaine. Ces mesures sont prises en charge par les industriels, l’État et les collectivités percevant la contribution économique territoriale, dans le cadre de conventions tripartites.

Enfin, dans les zones d’aléas moins importants que ceux qui entraînent des mesures d’expropriation, mais toujours graves pour la vie humaine, la loi prévoit que des prescriptions de renforcement du bâti peuvent être décidées. Ces travaux, dont le coût ne peut excéder 10 % de la valeur vénale du bien, sont à réaliser par le propriétaire. À cet égard, la loi de finances pour 2011 a prévu un crédit d’impôt à hauteur de 30 % du montant des travaux et avec une assiette éligible de 10 000 euros pour un ménage.

Certes, ce dispositif est encore insuffisant. C’est la raison pour laquelle les services de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet travaillent en lien avec les représentants du monde industriel et des collectivités afin d’améliorer cette aide, via notamment la création d’un dispositif complémentaire qui soutiendrait davantage les particuliers.

Comme indiqué précédemment, le PPRT peut également être l’occasion, en particulier dans les communes fortement concernées par les risques accidentels, de réorienter globalement l’urbanisme. C’est le cas, monsieur Fischer, des communes que vous avez citées.

Aussi, concernant les communes en grande difficulté, il est possible de prévoir des modes de financement complémentaires et d’inciter à la participation d’autres acteurs, y compris les industriels ou d’autres collectivités.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, la réponse que vous portez à ma connaissance ne peut me satisfaire pleinement, car, en la matière, il est autant question de justice sociale que de sécurité. Pourquoi les habitants subiraient-ils une triple peine : vivre dans une zone à risques, voir leur bien inéluctablement dévalorisé et avoir à payer des travaux imposés ? De surcroît, cette situation concerne majoritairement des foyers aux revenus modestes, voire des foyers non imposables, et donc dans l’impossibilité de faire face à des travaux dont le coût moyen estimé serait compris entre 10 000 et 15 000 euros par foyer.

Ne serait-il pas envisageable de se doter plutôt d’outils d’urbanisme ? Pourquoi, par exemple, ne pas créer une nouvelle opération programmée d’amélioration de l’habitat, une « OPAH risques », afin que l’État puisse aider les propriétaires, occupants comme bailleurs, à effectuer au mieux leurs travaux?

J’en viens aux communes. Je me suis procuré quelques éléments chiffrés sur les coûts qu’elles doivent supporter sans soutien de l’État. À Pierre-Bénite, cela équivaut, en termes de masse salariale, au poste de manager des risques – il faut un véritable responsable –, à une partie du poste de chef de projet, une partie du poste de directeur général, une partie du poste de collaborateur du maire, ainsi qu’à des postes dans les services d’urbanisme réglementaire, pour un total d’environ 100 000 euros. Le système d’appel automatisé coûte pour sa part 3 600 euros.

En outre, les travaux sur les bâtiments publics pour la mise aux normes face aux risques entraînent, en général, un surcoût de 3 % pour une construction neuve, et le double en réhabilitation. Pour les travaux actuellement envisagés, le surcoût est évalué à 40 000 euros. Soit un total de 143 600 euros !

Pis, aucune aide n’est prévue pour financer le déplacement, sur la commune, d’un stade situé en zone d’expropriation.

J’en appelle donc non seulement au Gouvernement, mais également à l’ensemble de mes collègues : mille maires sont concernés ! Il est urgent que nous nous réunissions autour d’une table pour trouver des solutions.

disparition d'un mathématicien à alger en 1957

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 1265, adressée à M. le ministre de la défense et des anciens combattants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je souhaite aujourd’hui attirer votre attention sur la disparition, en 1957, à Alger, de Maurice Audin, jeune mathématicien français.

Maurice Audin était un opposant, membre du Parti communiste algérien, interdit en septembre 1955. Il était père de trois enfants.

Maurice Audin a organisé en septembre 1956, avec d’autres membres de sa famille, l’exfiltration à l’étranger de Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA. Pour cette raison, il a été arrêté à son domicile, le 11 juin 1957, par le capitaine Devis, le lieutenant Philippe Erulin et plusieurs militaires du 1er régiment étranger de parachutistes. Depuis, plus personne n’a eu de nouvelles de Maurice Audin !

Les pouvoirs publics ont jusqu’à présent laissé entendre que Maurice Audin se serait, par la suite, évadé. Pourtant, de nombreux éléments, dont l’enquête de l’historien Pierre Vidal-Naquet, établissent qu’il est mort sous la torture. Or, jusqu’à ce jour, la République n’a pas reconnu l’assassinat et, sur le plan judiciaire, l’affaire s’est terminée en 1962 par un premier non-lieu, puis en 2002 par un second.

Néanmoins, l’exigence de vérité sur la disparition de Maurice Audin n’a jamais cessé de s’exprimer. Il est en effet plus que jamais nécessaire de révéler la vérité sur les atrocités commises pendant cette guerre coloniale qui a fait des centaines de milliers de morts.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour contribuer au rétablissement des faits. Cela comprend notamment la levée du secret défense concernant les documents en lien avec cette affaire, point sur lequel achoppe aujourd’hui la manifestation de la vérité.

Je crois que la France, cinquante-cinq ans après les faits, doit la vérité, ne serait-ce qu’à la femme et aux enfants de Maurice Audin.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Madame Borvo Cohen-Seat, vous interrogez le Gouvernement sur une affaire très grave, présente dans la mémoire de tous ceux qui, dans notre pays, souhaitent mieux comprendre ce qu’a été, pour l’ensemble de nos compatriotes, la guerre d’Algérie.

Universitaire, militant pour l’indépendance de l’Algérie, Maurice Audin a été porté disparu en 1957, à la suite de son arrestation à Alger par des militaires français. Une plainte a été déposée par son épouse dès le 4 juillet 1957. Cette plainte a conduit à un non-lieu, prononcé en avril 1962, pour insuffisance de charges.

Si les proches, la famille, les amis politiques de Maurice Audin ont soutenu de façon constante que ce dernier était décédé au cours d’une séance de torture – appelons un chat un chat – conduite par des officiers du renseignement de l’armée française, il semble que les pouvoirs publics aient au contraire considéré à l’époque que Maurice Audin s’était évadé durant un transfert de son lieu de détention et qu’il n’avait plus donné de signes de vie depuis cette évasion.

En 2001, l’épouse de Maurice Audin a souhaité déposer une nouvelle plainte pour séquestration et crime contre l’humanité après les révélations d’un général sur cette affaire. Un nouveau non-lieu a toutefois été prononcé par la justice française en juillet 2002.

Dans le cadre de cette dernière procédure judiciaire, et c’est la précision que je tenais à vous apporter, le ministère de la défense n’a, à aucun moment, été saisi par le magistrat instructeur d’une quelconque demande de déclassification ou de communication d’informations éventuellement liées à cette affaire qui seraient protégées par le secret de la défense nationale.

Mes prédécesseurs et moi-même n’avons jamais eu à nous prononcer sur une telle demande, pas plus d’ailleurs que la Commission consultative du secret de la défense nationale, dont l’avis est requis, en pareil cas, aux termes de l’article L. 2312-1 du code de la défense.

Madame la sénatrice, je tiens à vous assurer, et je vous prie de croire à ma forte conviction personnelle, que, si des faits nouveaux qui justifieraient la réouverture de l’information judiciaire devaient être portés à la connaissance de la justice, il va sans dire que le ministère de la défense et des anciens combattants, qui ne peut que souscrire à l’exigence de vérité que vous avez évoquée, étudierait avec bienveillance, dans le respect des procédures prévues par la loi, toute éventuelle demande de déclassification de documents protégés qui lui serait adressée.

En effet, plus de cinquante ans après les faits, il semblerait raisonnable que la France mette enfin sa conscience en paix avec le souvenir de la tragédie algérienne, sous tous ses aspects, et l’affaire Maurice Audin est l’un de ceux qui méritent d’être totalement connus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous comprendrez sans doute qu’elle ne puisse pas me satisfaire.

Je souscris bien évidemment à votre constat - aucune procédure judiciaire n’a véritablement abouti -, mais je tiens à préciser que Mme Josette Audin avait écrit au Président de la République, en juin 2007, pour lui demander que le mystère incompréhensible, vous l’avouerez, de la disparition de son mari soit éclairci, sans que l’on ait jugé bon de lui répondre...

Pourtant, des faits nouveaux ont été versés au dossier : le général Aussaresses a notamment avoué avoir ordonné au lieutenant Charbonnier d’interroger Maurice Audin au moment de son arrestation. L’hypothèse selon laquelle l’interrogatoire se serait achevé par la mort de la personne interrogée paraît donc tout à fait plausible, et le contraire n’a pas été démontré.

J’espère donc que l’existence d’éléments nouveaux pourra être prise en considération pour que la France et, en l’occurrence, votre ministère, accepte de lever le secret défense sur des informations qui, de toute façon, existent.

7

Nomination de membres d’un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. Je rappelle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication ont respectivement proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Robert del Picchia et Mme Claudine Lepage membres du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

8

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Carrère. Madame la présidente, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement, qui traite de l’ordre du jour fixé par le Sénat sur la base des conclusions de la conférence des présidents.

Comme vous le savez, nous sommes dans une semaine de séances réservée par priorité au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques par la représentation nationale. C’est le Président de la République lui-même qui a voulu par cette formule donner la maîtrise de certains débats aux parlementaires.

Par conséquent, je suis très étonné que nous ayons été en fin de matinée, et ce d’une manière quelque peu légère, c’est le moins que l’on puisse dire, informés d’un changement d’horaire ! Une telle modification serait due, m’a-t-on dit, à la gestion du problème de la sécheresse. Mais voyons, celle-ci sévit dans notre pays depuis plusieurs semaines !

Dès lors je m’interroge : pourquoi avoir attendu tout ce temps pour s’en préoccuper ? Et ce problème récurrent va-t-il désormais modifier l’ordre du jour de nos séances ?

Je constate qu’à quinze heures M. le ministre était à l’Assemblée nationale pour répondre à des questions au Gouvernement, sans doute relatives à la sécheresse d’ailleurs…

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture. Exactement !

M. Jean-Louis Carrère. Alors, monsieur le ministre, cela signifie-t-il que Sénat compte moins, que son travail est moins considéré, qu’il s’agisse de la sécheresse ou d’un autre sujet ? En tout cas, notre ordre du jour et nos horaires font l’objet d’un traitement pour le moins cavalier !

Comme vous tous, mes chers collègues, je suis un élu et j’ai l’ambition de représenter au mieux le territoire qui est le mien et ceux qui m’ont élu !

Aussi, monsieur le ministre, compte tenu de l’engagement qui avait été pris par le Président de la République et par le Gouvernement, ce que vous venez de faire au Sénat est d’une totale discourtoisie !

Mme la présidente. Monsieur Jean-Louis Carrère, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, je souhaiterais répondre à M. Carrère. En effet, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve l’agriculture en ce moment, il me semble tout à fait légitime que le ministre de l’agriculture ait souhaité s’occuper en priorité des paysans et des agriculteurs en détresse.

Je suis très heureux, mesdames, messieurs les sénateurs, de parler avec vous de la politique forestière de la France. Mais, aujourd’hui, l’urgence me paraît être le traitement de la situation économique des éleveurs, la définition des mesures nécessaires pour les aider, la prise en considération des interrogations légitimes des parlementaires, que sont également les députés, face à la situation des agriculteurs.

M. Jean-Louis Carrère. Mais ce n’est pas normal !

M. Bruno Le Maire, ministre. Que le ministre de l’agriculture soit présent à quinze heures à l’Assemblée nationale pour répondre aux questions des députés sur la sécheresse me paraît donc légitime, je le répète.

Qu’à seize heures quinze il étudie les mesures susceptibles de remédier aux problèmes urgents de trésorerie des éleveurs en France me paraît tout aussi légitime.

M. Jean-Louis Carrère. Vous auriez pu le faire hier lorsque vous étiez dans votre circonscription !

M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, monsieur le sénateur, que l’on reporte de quelques heures un débat sur la politique forestière pour permettre au ministre de l’agriculture de répondre à l’urgence des éleveurs ne me paraît pas discourtois ; c’est tout simplement justifié. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous pouviez le faire hier !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’étais sur le terrain !

M. Jean-Louis Carrère. C’est cela, vous êtes un laboureur !

9

Communication du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 20 mai 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-152 QPC) et qu’elle lui a adressé, le mardi 24 mai 2011, deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-153 et 2011-154 QPC).

Acte est donné de ces communications.

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Débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste et de la commission de l’économie, le débat sur la politique forestière et le développement de la filière du bois.

La parole est à Mme Renée Nicoux, au nom du groupe socialiste.

Mme Renée Nicoux, au nom du groupe socialiste. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette année internationale des forêts, je me félicite que notre Haute Assemblée se penche sur cet enjeu crucial qu’est l’avenir de la politique forestière. En rapport avec ce qui vient d’être dit, j’ajouterai que peut-être la sécheresse aura-t-elle aussi des conséquences sur la forêt, comme cela s’est produit en d’autres moments.

La France possède le troisième parc forestier de l’Union européenne, avec plus de quinze millions d’hectares sur son territoire métropolitain et huit millions d’hectares outre-mer, ce qui représente presque un tiers du territoire. Cette situation est prégnante outre-mer, où le pourcentage du territoire occupé par la forêt est encore plus élevé, pour atteindre 96 % en Guyane.

Cet héritage inestimable est un atout indéniable pour notre pays. Aussi notre attitude en la matière doit-elle dépasser les clivages politiques. Notre politique forestière doit nécessairement s’inscrire dans le long terme et nécessiter une continuité de l’action publique.

Il est de notre devoir de la valoriser, et cela d’autant plus dans la période actuelle. Nous sommes à l’aube d’un changement radical de nos modes de vie et de consommation. Les changements climatiques, l’épuisement de nos ressources, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et le développement nécessaire des énergies renouvelables doivent nous pousser à repenser notre société.

Dans tous ces domaines, la forêt a un rôle à jouer, car elle est au carrefour d’enjeux multiples : des enjeux environnementaux, en tant que puits de carbone et élément de préservation de la biodiversité, enjeux sociaux, en tant que lieu de loisirs, de détente et de relation des citoyens avec la nature, enjeux économiques, à travers la richesse et les emplois qu’elle génère.

Pourtant, nous sommes obligés de constater que, malgré ses ressources importantes, notre pays est loin d’être l’un des leaders européens sur le marché du bois.

Certains considèrent que le potentiel de la forêt française est aujourd’hui sous-exploité et que sa gestion ne s’inscrit pas dans une logique durable. La forêt est tout simplement un « potentiel dormant » et la conséquence est sans appel : la filière bois est le deuxième poste de déficit commercial de notre économie alors que l’Allemagne, avec une superficie moindre, onze millions d’hectares contre plus de quinze millions d’hectares pour la France métropolitaine, est le deuxième exportateur de bois.

Depuis plusieurs années, les professionnels de la filière bois tirent la sonnette d’alarme. La nécessité de structurer cette filière et de se doter d’une véritable stratégie nationale dans ce domaine n’a jamais été aussi forte.

Pourtant, la France peine à le faire, et ce n’est pas par manque d’intérêt. Personne ne peut dire ici que les pouvoirs publics et les élus se désintéressent de la forêt, bien au contraire. Des Assises de la forêt aux discours d’Urmatt et d’Égletons, en passant par les nombreuses initiatives des parlementaires sur ce sujet et la multiplication des rapports, chacun semble avoir pris conscience de la nécessité de valoriser la forêt et d’inscrire l’action dans le long terme.

Mais c’est ici que réside l’un des problèmes : les débats sur l’avenir et les enjeux de la forêt sont toujours pavés de bonnes intentions, mais ils ne se concrétisent que trop rarement dans les faits.

À ce manque de concrétisation viennent s’ajouter une dégradation et un affaiblissement généralisé des services publics en charge de la politique forestière. Avec l’éclatement de l’administration des eaux et forêts en 1964, la disparition des directions départementales de l’agriculture et de la forêt, l’affaiblissement de la recherche forestière, les effets de la Révision générale des politiques publiques et le démantèlement de l’Office national des forêts, la situation est plus que préoccupante !

Si nous souhaitons une gestion durable de la forêt, les pouvoirs publics doivent maintenant traduire les discours en actes. En disant cela, je suis parfaitement consciente des difficultés qui existent pour structurer cette filière et je sais parfaitement que des initiatives très intéressantes se mettent en place un peu partout en France, au travers, par exemple, des plans pluriannuels régionaux de développement forestier. Mais force est de constater qu’aucune réelle stratégie nationale de la forêt ne permet actuellement de structurer ce secteur. Certaines décisions actuelles, notamment budgétaires, tendent même plutôt à affaiblir cette filière qu’à la renforcer.

Le débat que nous avons aujourd’hui doit donc nous amener à nous poser deux questions simples. Quelle est l’ambition de la France vis-à-vis de sa politique forestière et quelles sont les actions à mettre en œuvre sur le long terme pour les concrétiser ?

En premier lieu, il faut s’interroger sur l’avenir de nos forêts en tant que telles, et tout particulièrement sur l’avenir du bois en tant que ressource, sans oublier la gestion de notre patrimoine forestier, car, en ce domaine, nous pouvons être plus qu’inquiets !

Le constat est simple et je l’ai déjà évoqué : la filière bois est profondément déficitaire et incapable de répondre aux besoins actuels du marché. Nous disposons de l’une des plus grandes forêts européennes et, malgré cela, nous importons plus de trois millions de mètres cubes de sciages de résineux. Dans le même temps, nous n’exploitons que 40 % de la croissance naturelle du bois. En Guyane, la situation est encore plus critique. Malgré un potentiel énorme, la filière forêt bois est à peine développée et doit faire face à une concurrence de plus en plus forte des produits provenant du Brésil et même de la France métropolitaine !

Dans cette optique, la promesse du Président de la République à Urmatt d’augmenter de 40 % la production de bois d’ici à 2020 pour atteindre vingt et un million de mètres cubes supplémentaires semble irréaliste pour la seule forêt de France métropolitaine.

Nous savons tous que plusieurs facteurs sont imputables à cette situation.

D’abord, notre forêt est constituée aux deux tiers de feuillus. Or l’industrie du bois réclame actuellement de la matière résineuse pour accompagner l’essor de la construction bois.

À cela, il faut ajouter que toutes les ressources en bois ne sont pas mobilisables et, de toute façon, elles ne doivent pas l’être pour des raisons de préservation de la biodiversité ou de la qualité des sols.

Il faut aussi tenir compte du fait que certaines surfaces ne sont pas exploitables dans des conditions économiques satisfaisantes ; c’est, par exemple, le cas dans certaines régions de montagne, où le coût de débardage est supérieur à la valeur du bois.

Par ailleurs, nous ne devons pas oublier le rôle essentiel que jouent ces grands massifs forestiers dans la captation de C02.

En second lieu, nous sommes face à un véritable problème de structuration de la filière bois, en amont comme en aval.

En amont, le problème vient des difficultés rencontrées pour gérer efficacement les massifs forestiers en raison du morcellement de la propriété forestière qui rend l’exploitation de la ressource bois extrêmement difficile.

Aujourd’hui, 3,8 millions de propriétaires privés possèdent 70 % des surfaces forestières. Mobiliser les réserves qui se trouvent dans cette forêt privée est une absolue nécessité, mais cela ne pourra se faire qu’en instaurant un véritable service public au service des propriétaires privés. La mise en place d’un outil de regroupement forestier foncier pourrait être une solution intéressante.

Dans cette optique, le rôle et les moyens des centres régionaux de la propriété forestière doivent être renforcés. En effet, ces établissements sont les seuls outils publics d’aide aux sylviculteurs, permettant à ces derniers une meilleure mobilisation et une meilleure appréciation de leur patrimoine. Or le développement de ces centres est aujourd’hui fortement limité, notamment du fait de la Révision générale des politiques publiques, alors même que les besoins s’accroissent. Le Centre national professionnel de la propriété privée forestière manque également de moyens pour coordonner ses actions et atteindre ses objectifs.

D’autres solutions existent.

D’abord, les plans pluriannuels régionaux de développement forestier, instaurés par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, pourraient apporter des réponses de par leur rôle d’identification des massifs insuffisamment exploités et de définition des actions prioritaires. Espérons qu’ils soient opérationnels le plus rapidement possible.

Ensuite, nous avons la proposition de France Bois Industries Entreprises, qui souhaite la création d’un plan « Feuillus » dont l’objectif viserait à augmenter l’utilisation des feuillus français dans la construction.

Ce manque de structuration en amont nuit au développement de l’industrie du bois. L’accès à la ressource bois peut s’avérer extrêmement difficile, pouvant conduire à des pénuries dans certains secteurs, générant par là même une envolée des prix.

L’instabilité de l’approvisionnement va de pair avec la frilosité des industries qui hésitent à investir dans la transformation et préfèrent recourir aux importations. Il est impératif d’améliorer l’accès à cette ressource pour les industries.

Pour ce faire, plusieurs solutions devront être examinées : la création d’un observatoire économique de la filière, qui permettrait de donner plus de visibilité et de transparence sur le prix de vente du bois ; la mise en place de plateformes d’approvisionnement, afin que l’offre et la demande puissent se rencontrer plus facilement ou encore la généralisation des contrats d’approvisionnement ; mais aussi et surtout, une révision complète de la politique de gestion des ressources forestières, à commencer par la politique de reboisement.

Avec la suppression du Fonds forestier national en 2000, le renouvellement des forêts s’effectue essentiellement par la régénération naturelle. La dynamique de développement de la forêt de production a été stoppée. Ce fonds avait permis de planter deux millions d’hectares et de financer quelque quarante mille kilomètres de pistes ou de routes forestières. Et ce sont ces arbres-là que nous exploitons aujourd’hui !

Il faut rappeler que personne n’avait remis en cause la pertinence ou les résultats de ce fonds lors de sa suppression ; celle-ci était la conséquence d’un problème d’acceptation de la taxe forestière, jugée par l’ensemble des contribuables trop inadaptée et négative.

Il manque donc aujourd’hui un véritable outil national de développement pour la forêt. Cette situation a été pointée du doigt à plusieurs reprises, notamment à la suite des différentes tempêtes.

Dans un rapport remis par Jean Puech au Président de la République en avril 2009, il était proposé de créer un fonds de reboisement et d’adaptation au changement climatique. Depuis, des actions ont été menées, comme le lancement du Fonds stratégique bois en septembre 2009. Cependant, les professionnels de la filière bois le trouvent inadapté aux besoins.

Il est impératif d’en faire un outil vraiment stratégique ou d’envisager la création d’un nouveau fonds ayant pour vocation principale de soutenir le reboisement.

C’est un préalable indispensable à une politique forestière raisonnée, ambitieuse et responsable, car, sans politique active de plantation, la France sera très vite limitée dans ses marges de manœuvres. Il faut garder à l’esprit que plus de quarante ans sont nécessaires pour constituer ou reconstituer une ressource forestière.

Or, en quinze ans, la quantité de plants forestiers vendus est passée de 110 millions à 28 millions par an, ce qui ne permet ni de renouveler les surfaces ni de répondre aux besoins de l’industrie à l’horizon 2030. Selon les pépiniéristes forestiers français, il faudrait revenir au minimum au niveau de plantation des années quatre-vingt-dix, soit environ 140 millions de plants annuels pour atteindre ces objectifs.

Dans ce cadre, et au vu de la structure de la demande en bois de construction et des ressources présentes sur le territoire français, certains préconisent la plantation de résineux. En effet, actuellement, en France, 59 % des volumes sur pied sont représentés par les feuillus et 41 % par les résineux. Or le sciage de résineux équivalait en 2009 à 80 % de la production de notre pays ! Une gestion rationnelle de nos ressources disponibles est donc indispensable. Il convient de mener des recherches visant à réintroduire le bois de feuillus dans la construction, conformément à ce qui se faisait auparavant, tout en menant des actions en faveur des résineux.

La France doit se doter d’une vraie politique industrielle du bois. En mars dernier, nombre d’acteurs de la filière avaient d’ailleurs appelé de leurs vœux la mise en place d’« un groupe de travail interprofessionnel et ministériel dont la mission serait de réfléchir aux moyens de moderniser notre ressource forestière et de professionnaliser notre sylviculture ».

Monsieur le ministre, cette demande est-elle à l’ordre du jour ? Dans le même esprit, la création d’une interprofession nationale du bois, seule capable de créer des synergies, paraît indispensable. Avec un acteur unique et identifié, les échanges avec les pouvoirs publics seront facilités et le dialogue entre les différents acteurs de la filière, privilégié.

Cette structuration de la filière amont du bois devrait bien sûr s’accompagner d’une remise à plat des différents usages de la forêt, afin de promouvoir le bois sous toutes ses formes et tous ses aspects, tout en luttant contre les conflits d’usage.

Sur ce point, les débats sont parfois vifs, notamment entre les défenseurs de la forêt de production et ceux de la forêt multifonctionnelle. Pourtant, je pense que ces deux visions sont très largement conciliables. Je tiens d’ailleurs à rappeler que, dans l’approche multifonctionnelle de la forêt, la production doit avoir une place de choix.

Tout d’abord, en matière environnementale, la forêt doit jouer un rôle central pour atteindre les objectifs que la France s’est fixés.

À ce titre, je tiens à préciser que certains engagements devront nécessairement être adaptés à certaines situations. Je relaye ici des inquiétudes émanant de Guyane. En effet, dans le cadre des négociations internationales concernant l’accord sur le climat pour l’après-2012, la Commission européenne ambitionne de stopper, au plus tard en 2030, la diminution de la couverture forestière de la planète et de réduire la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % d’ici à 2020. Il est important que ces démarches prennent en compte la situation de la forêt guyanaise, fort peu exploitée. Il est vital non seulement que les besoins internes de la Guyane soient couverts par l’exploitation de ses bois, mais aussi que ces derniers trouvent des débouchés naturels dans les départements d'outre-mer, l’Hexagone, l’Europe, ou ailleurs...

Concernant les engagements pris par la France au niveau européen dans le cadre du paquet « énergie-climat », la forêt a bien évidement un rôle central à jouer. Le Grenelle de l’environnement, encore plus ambitieux, est venu compléter l’objectif des « trois fois vingt », qui vise, d’ici à 2020, à diminuer de 20 % la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre et à porter à 20 % la part des sources d’énergies renouvelables. C’est une bonne chose, mais à condition que soit mise en place une véritable régulation entre les différents usages du bois, pour que la concurrence exacerbée qui existe entre le « bois énergie » et le « bois industrie » n’aboutisse pas à l’épuisement de la ressource.

Je tiens à souligner que la multiplication des appels à projets, CRE 1, CRE 2, CRE 3, CRE 4, favorisant les gros projets à vocation de production énergétique, ne peut que fragiliser les petites et moyennes installations qui jouent un rôle structurant en milieu rural.

En effet, ces grosses unités consomment énormément de matières premières, qu’elles sont obligées d’aller chercher de plus en plus loin, et font de la concurrence au « bois industrie ». Il serait souhaitable que les installations de biomasse utilisent davantage de déchets et de bois de récupération !

À l’heure du développement durable, il serait judicieux de favoriser les projets utilisant les ressources locales, afin de développer les circuits courts, réduisant de fait nos émissions de CO2. Les massifs forestiers étant particulièrement présents dans les zones les moins favorisées économiquement et socialement, ce type d’implantation participera au dynamisme économique de nos territoires. Valoriser l’exploitation de la forêt doit permettre le développement local d’espaces ruraux fragiles.

Les défis de la filière bois sont nombreux, ils doivent nous conduire à repenser notre politique en matière de forêt privée et, parallèlement, à l’accompagner d’un service public renforcé de la forêt.

J’évoquerai donc l’avenir de l’ONF, l’Office national des forêts, qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Cet organisme gère 25 % de la surface boisée nationale et effectue 40 % des ventes de bois en France. Il remplit également de nombreuses missions d’intérêt général, comme la défense des forêts contre les incendies, la restauration des terrains en montagne ou la préservation du littoral. C’est donc un acteur stratégique incontournable de notre politique forestière, ainsi que l’outil d’une politique volontariste en faveur de la filière bois.

Or, en pleine négociation du contrat quinquennal liant l’État à l’ONF, les attaques portées contre le modèle français de gestion publique des forêts et le régime forestier refont surface. Ces attaques proviennent de l’administration centrale elle-même, comme nous avons pu le constater avec la diffusion d’une note émanant de la direction générale du trésor et destinée à la ministre de l’économie. Dans ce document sont proposées des pistes de réforme proprement inacceptables au regard de la gestion durable de notre patrimoine forestier communal.

Ainsi, le modèle économique de l’ONF serait exclusivement recentré sur des activités de contrôle et de production de services non marchands, la gestion des forêts communales étant déléguée sous forme de concession à des prestataires privés, ce qui conduirait finalement à l’abandon pur et simple des parcelles boisées les moins rentables. Les frais de garderie payés par les communes forestières seraient considérablement augmentés, ce qui, à terme, pourrait aboutir à la suppression du versement compensateur de l’État, lequel permettait pourtant à toutes les communes, quelle que soit leur capacité contributive, de bénéficier d’une gestion de même qualité de leur domaine forestier.

Il revient à l’État d’assumer ses responsabilités en termes d’aménagement du territoire et de protection des espaces naturels ; les collectivités n’ont pas à en supporter tous les coûts ! De plus, toutes ces réflexions contredisent totalement les orientations proposées par M. Hervé Gaymard dans son rapport, publié l’année dernière, et dont nous pouvions approuver certaines orientations, en regrettant cependant qu’il ait totalement oublié de prendre en considération l’outre-mer !

Ce rapport soulignait en effet que la politique forestière devait s’articuler autour de trois lignes forces : stabilité institutionnelle, confiance légitime entre tous les acteurs, et ambition, qu’il s’agisse de la mobilisation du bois ou du respect des enjeux environnementaux. Il était proposé, d’une part, d’associer les communes forestières au contrat signé entre l’État et l’ONF et, d’autre part, de recapitaliser l’ONF à hauteur de 300 millions d’euros, ce qui permettrait selon nous à cet organisme de repartir sur de bonnes bases.

Toutes ces propositions semblent bien loin désormais ! Pourtant, nous avons tous conscience des problèmes financiers rencontrés par l’ONF. Le rapport remis par notre collègue Joël Bourdin, au nom de la commission des finances, intitulé L’ONF à la croisée des chemins, était, à ce titre, riche d’enseignements. Les activités rémunératrices de l’ONF, qui sont liées à la vente de bois, sont soumises à la volatilité des cours et aux aléas climatiques. Ainsi, la chute du cours du bois a rendu intenable la situation financière de l’ONF. De plus, ses charges augmentent plus vite que ses recettes et aucune anticipation de ce déséquilibre n’a été envisagée dans le contrat d’objectifs 2007-2011.

Cependant, ces seuls éléments ne sauraient expliquer la crise traversée par l’ONF, bien au contraire. Comme l’a démontré la Cour des comptes, il apparaît que cette situation préoccupante est en grande partie liée aux choix managériaux effectués par le Gouvernement et au fait que n’ont pas été respectés les engagements contractuels, en ce qui concerne tant le montant des financements alloués que les délais de certains paiements.

M. Jean-Louis Carrère. Il y avait une urgence !

Mme Renée Nicoux. Les problèmes managériaux et les restructurations brutales ont conduit à une vague de suicides des personnels.

Pourtant, est-il nécessaire de rappeler que les forestiers de l’ONF constituent une richesse inestimable. Leurs connaissances et leur qualité d’expertise sont indispensables pour notre forêt ; ils nous permettront d’atteindre les objectifs que nous nous fixerons !

Dans le même temps, l’ONF n’est pas rémunéré à la hauteur des missions d’intérêt général qu’il assume, puisque la moitié des coûts de celles-ci restent à sa charge !

Monsieur le ministre, comment développer la filière bois si, dans le même temps, nous démantelons un maillon essentiel de cette filière, à savoir l’ONF ? Je le répète, l’avenir de cet organisme est indissociable de celui de notre politique forestière. Si le Gouvernement remet en cause son existence et tente de transférer au secteur privé l’ensemble de ses activités marchandes, un coup fatal sera porté à notre régime forestier, qui est déjà en difficulté !

Beaucoup de chemin reste à parcourir. Structurer la filière bois tout en donnant des perspectives durables et raisonnées à notre politique forestière s’avérera particulièrement complexe, chacun en a conscience. Mais de nombreuses solutions existent et je pense très sincèrement que la situation difficile que nous traversons actuellement est en grande partie due à un manque de volonté politique. Il faut que les moyens mis en place soient en adéquation avec les objectifs identifiés.

J’espère que ce débat donnera lieu à une vraie réflexion et à des propositions concrètes. Nous ne pouvons plus nous en tenir aux discours. Le Président de la République avait déclaré à Urmatt : « La France n’a pas de pétrole. La France n’a pas de gaz. Mais la France a des territoires ruraux, une géographie, des ressources naturelles qui représentent un potentiel formidable. » Nous faisons tous ce même constat ; maintenant il faut passer aux actes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l’économie.

M. Philippe Leroy, au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’évoquer certaines difficultés qui justifient l’organisation du débat qui nous réunit aujourd’hui, je tiens à débuter mon propos par un éloge vibrant de la forêt, d’une part, et de l’action gouvernementale, d’autre part.

La forêt, quoi qu’on en dise, se porte bien. Par mon discours, dans la mesure où l’on n’aide bien que les gens bien portants, je ne voudrais pas laisser entendre qu’elle serait condamnée à un déclin profond.

Elle couvre près de 30 % du territoire, à la satisfaction générale, et s’accroît chaque année d’environ 25 000 hectares. Par sa superficie, c’est l’une des grandes forêts d’Europe. Multifonctionnelle, notre forêt n’a pas seulement un rôle de production de bois ; elle rend également des services sociaux et environnementaux importants. La filière bois, qui transforme les produits forestiers, compte aujourd’hui encore 450 000 salariés directs ou indirects, soit autant qu’il y a vingt ans. Peu de secteurs économiques ont fait preuve d’une telle performance !

Or l’entretien de cette forêt ne coûte pas cher à l’État. C’est même l’un des secteurs les moins pourvus en crédits publics. Le budget consacré à la forêt s’élève en effet, pour l’année 2011, à seulement 360 millions d’euros, ce qui paraît tout à fait modeste si l’on songe aux services qu’elle rend.

Privés du FFN, le Fonds forestier national, les professionnels de la forêt demandent aux pouvoirs publics un effort financier modeste, mais ferme, qui viendrait compléter, dès cette année, les sommes prévues, pour faire face au défi forestier que nous avons à relever.

J’en reviens à mon éloge de l’État et du Gouvernement, qui, au cours des dernières années, a relancé les bases d’une politique forestière forte.

J’en veux pour preuve les deux discours du Président de la République, tenus respectivement à Urmatt et Égletons. De mémoire d’homme, et les forestiers ont la mémoire longue, on n’avait pas entendu un Président de la République s’exprimer publiquement sur les politiques forestières.

Mais, de mémoire d’homme également, on n’avait pas connu un événement comparable au Grenelle de l’environnement : c’est au Gouvernement que l’on doit l’invention de cette démarche fondamentale, qui a déjà porté ses fruits dans le domaine de la filière bois.

À la suite du Grenelle de l’environnement, en effet, l’État a pris des mesures pour encourager l’usage du bois dans la construction : les effets en sont très nettement perceptibles dans le secteur du bâtiment.

Le Grenelle de l’environnement a également conduit à la création d’un fonds stratégique destiné aux industries du bois.

Il apparaît donc clairement que le Gouvernement n’est pas resté indifférent aux problèmes de la politique forestière.

Le Grenelle de l’environnement a permis l’émergence d’un consensus : il est souhaitable de mobiliser une plus grande quantité de bois dans la forêt française, afin notamment de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la production nationale d’énergie en 2020. C’est du bois, en effet, que viendra une grande partie de l’accroissement de la production d’énergie renouvelable.

Nous savons que nous sommes en mesure de produire jusqu’à vingt millions de mètres cubes supplémentaires de bois, dont une moitié de grumes et l’autre de bois d’industrie ou d’énergie.

L’un des principaux résultats du Grenelle de l’environnement est d’avoir favorisé l’acceptabilité sociale de cet objectif : tout le monde s’accorde à penser qu’il est possible d’accroître les récoltes d’un volume pouvant atteindre vingt millions de mètres cubes, sans abîmer la forêt française ni l’affaiblir sur le plan environnemental.

C’est pourquoi je dis avec conviction qu’un bon travail a été accompli.

Un autre aspect, également important à mentionner, appelle une analyse plus critique.

En effet, chaque fois que la filière bois bénéficie, comme aujourd’hui, d’une reprise économique, on enregistre une aggravation du déficit extérieur sectoriel…

Les esprits simples en concluent que la filière bois est condamnable, puisqu’elle représente le deuxième poste déficitaire de notre commerce extérieur.

On entend dire que les forestiers ne seraient pas malins, qu’il suffirait de faire ceci ou cela. Bref, y a qu’à… La filière serait incapable de se mobiliser : elle exporte des bois bruts et importe des produits finis ; les forestiers organisent mal l’approvisionnement de leur aval, les scieurs ne s’adaptent pas aux besoins du marché et les transformateurs industriels accusent un retard technologique.

Tout n’est pas si simple ! Si les problèmes étaient seulement ceux-là, ils auraient été résolus depuis longtemps…

Le fait est que la filière se porte plutôt bien et que le nombre de salariés du secteur demeure constant.

En réalité, le déficit est imputable pour un tiers à la faiblesse technologique des fabricants de meubles, c’est-à-dire aux insuffisances des activités de design : aussi n’est-ce pas la faiblesse technologique de nos industries qui est en cause, mais les carences du design français dans le domaine des ameublements en bois.

M. Gérard César. En effet !

M. Philippe Leroy. Alors que nous affichons de bonnes performances dans les secteurs du vêtement, du prêt-à-porter et de la haute couture, les fabricants français de meubles en bois, à l’évidence, ne font pas le poids.

Les deux tiers restant du déficit, comme l’a fait observer Mme Renée Nicoux, ont un caractère structurel : il se trouve que nous manquons aujourd’hui de bois résineux, au point de devoir chaque année en importer trois millions de mètres cubes.

M. Jean-Louis Carrère. En Aquitaine, il y a des forêts en déshérence !

M. Philippe Leroy. La raison en est que la France est essentiellement un pays de forêts feuillues. Les résineux français sont relativement bien récoltés, traités et transformés, mais nous n’en produisons pas suffisamment. Or les marchés ne consomment pas de façon massive le bois feuillu que nous produisons en grande quantité.

Il n’est donc pas juste de condamner la filière bois actuelle et de mettre en cause sa capacité. Les problèmes sont de nature structurelle : nous produisons beaucoup de feuillus, et pas suffisamment de résineux.

Il y a cinquante ans, le même constat avait conduit à la création du Fonds forestier national, destiné à reboiser la France en essences résineuses. J’aurai l’occasion, tout à l’heure, d’évoquer l’abandon regrettable de ce fonds.

Il s’agit à présent de faire le point sur l’application du volet forestier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Vous-même, monsieur le ministre, vous êtes bien battu pour que les articles relatifs à la politique forestière aillent dans la bonne direction.

M. Gérard César. C’est vrai !

M. Philippe Leroy. S’agissant d’abord des plans pluriannuels régionaux de développement forestier, qui représentent une innovation fondamentale permettant de mettre en place, massif par massif, des mesures d’amélioration, nous croyons savoir que leur élaboration se heurte à un certain nombre de difficultés.

Il nous a été indiqué que les comités chargés de leur préparation ne travaillaient pas tous avec la même efficacité, et que la cohabitation, au sein de ces comités, des représentants des chambres d’agriculture et des acteurs forestiers n’allait pas toujours sans mal : la mise en place concrète des plans s’en trouverait ralentie.

S’agissant ensuite du réseau des gestionnaires forestiers professionnels, dont l’organisation est prévue par l’article 64 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et qui ont vocation à animer la filière, la parution du décret fixant leur statut semble avoir été un peu retardée. C’est un sujet sur lequel je souhaite aussi vous interroger.

Il semble que des difficultés soient également apparues dans l’application du droit de préférence, instauré par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche pour faciliter les regroupements fonciers en permettant à des propriétaires forestiers d’acheter plus aisément les parcelles riveraines. Sur ce point aussi, une clarification et une accélération du rythme me semblent nécessaires.

Je veux enfin évoquer les dispositions de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche issues d’un amendement présenté par la commission de l’économie du Sénat et créant des assurances contre les aléas climatiques dans le secteur forestier. Gérard César, rapporteur de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le groupe d’études « forêt et filière bois » du Sénat et moi-même sommes très attachés à ce dispositif, de nature à permettre une meilleure résistance des forêts face aux aléas climatiques. Ceux-ci mettent particulièrement en danger les forêts privées, en raison de la volonté insuffisante des propriétaires de reconstituer des parcelles qui leur ont fait perdre beaucoup d’argent.

Nous attendons, monsieur le ministre, le décret d’application relatif à ces assurances. Nous vous remercions pour les batailles que vous avez conduites, et pour celles que vous devrez conduire afin de faire accepter par le ministère des finances ce principe qui, même si son application n’est pas aujourd’hui parfaite, représente un progrès considérable.

Je veux à présent revenir au cœur du volet forestier de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche : il s’agit des plans pluriannuels régionaux de développement forestier.

Des crédits starter, des crédits de démarrage et de reboisement seront nécessaires pour préparer les récoltes nouvelles que nous avons évoquées, essentiellement attendues dans les forêts privées – par comparaison, les forêts domaniales et communales produiront au mieux deux millions à trois millions de mètres cubes supplémentaires au cours des prochaines années.

Selon les experts, les sommes nécessaires à la relance du reboisement sont comprises entre cinquante millions et cent millions d’euros par an pendant quelques années.

Comme vous, monsieur le ministre, nous placions certaines espérances dans le fonds « chaleur » créé à l’issue du Grenelle de l’environnement. Malheureusement, l’essentiel de ses moyens sont consacrés à d’autres secteurs.

Une autre source de financement, sur laquelle je sais que vous travaillez beaucoup, consisterait à faire bénéficier les forêts de certains moyens issus du fonds « carbone » destiné au financement du stockage du gaz carbonique.

Pour ma part, je m’interroge sur la possibilité technique, économique et politique de mettre en place, dans des délais compatibles avec le calendrier de nos projets, un système attribuant aux forêts des ressources du fonds « carbone ».

Je crains que, dans l’immédiat, nos espérances ne soient déçues par la réalité. C’est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur la manière dont nous pourrions mobiliser les quelques crédits nécessaires au démarrage de la politique forestière ambitieuse que, comme vous, nous appelons de nos vœux.

À la suite de Mme Nicoux, je considère que les besoins de reboisement illustrent les inconvénients de la suppression du Fonds forestier national. Il ne s’agit pas, en mobilisant les cinquante millions à cent millions d’euros que nous vous demandons, de reconstituer ce fonds, mais de recréer un effort important et continu en faveur de l’enrésinement, et aussi du reboisement en essences feuillues.

Faute de cet effort, nous risquons de ralentir le rythme des récoltes et de nous placer, à moyen et à long terme, en situation de déséquilibre forestier.

La forêt s’invente avec cinquante années d’avance. Les reboisements conçus aujourd’hui par les aménageurs forestiers porteront leurs fruits dans cinquante ou cent ans.

Je pense, monsieur le ministre, qu’il est fondamental de replanter chaque année, comme nous le faisions auparavant, plus de cent millions de plants, alors que nous en plantons seulement vingt-huit millions aujourd’hui.

Je crois que nous devons garder à l’esprit cet objectif ambitieux : replanter chaque année cent dix millions de plants. Ainsi, nous pourrons adapter nos forêts à nos nouvelles espérances et les rendre peu à peu résilientes en prévision d’éventuels changements climatiques dans les prochaines années.

Quant au fonctionnement actuel de la filière bois, dont les professionnels sont parfois jugés incapables de s’organiser, je veux souligner que, depuis quelque temps, des interprofessions se mettent en place, sur la base de la contribution volontaire obligatoire pour les activités de l’amont et d’une taxe affectée pour ce qui concerne l’industrie.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, il n’est pas exact de soutenir que les professionnels du bois restent passifs face aux évolutions en cours. S’il est vrai que des progrès peuvent être faits, les critiques qui leur sont adressées sont quelquefois un peu injustes.

Je veux aussi vous mettre en garde contre un problème que nous pourrions rencontrer, dans l’immédiat ou dans les années qui viennent : celui des conflits d’usages entre les bois d’énergie, les bois d’industrie et les grumes.

En Allemagne, des usines de panneaux ont déjà fermé, faute de pouvoir se fournir en matières premières en raison de la concurrence entre la production d’énergie et la production de panneaux.

Je ne souhaite pas que de pareilles situations se produisent en France, et que les appels portant sur les bois énergie soient à ce point alléchants qu’ils découragent la production de bois industriel, beaucoup plus intéressante pour notre économie et pour l’emploi.

Assurons-nous donc, monsieur le ministre, que les appels portant sur les bois énergie restent modestes, pour ne pas risquer de déstructurer la filière, et que l’augmentation de la puissance du chauffage au bois soit en phase avec l’amélioration des récoltes.

En somme, il s’agit de permettre un fonctionnement harmonieux de ces divers mécanismes.

Ce panorama ne serait pas complet si je n’évoquais deux sujets qui me tiennent à cœur, à savoir la situation de l’Office national des forêts et celle de la recherche et de l’enseignement dans le domaine forestier.

Monsieur le ministre, au moment où l’ONF s’apprête à négocier avec l’État son prochain contrat d’objectifs, sa situation mérite un examen particulier. Non seulement l'État ne finance plus entièrement les actions de l'ONF en matière environnementale, ses actions sur la forêt, mais encore il a mis à sa charge l’accroissement du taux de cotisation pour les pensions de ses personnels fonctionnaires – c’est la question du compte d'affectation spéciale pour les pensions –, mesure qui pèse fortement sur ses comptes.

De fait, si le budget de l’ONF est aujourd’hui structurellement déséquilibré, la raison essentielle n’est pas à chercher dans la diminution des frais de garderie qu’il facture aux communes. C’est pourquoi il est nécessaire de réexaminer les contributions respectives de l'État et des communes au budget de l'ONF.

Au sein de cet hémicycle, nous soutenons tous les communes forestières, qui, à travers le régime forestier, apportent un concours précieux à l'État pour la conduite d'une grande politique économique, sociale et environnementale.

Monsieur le ministre, je conclurai en évoquant brièvement le second sujet qui me tient à cœur, et je sais qu’il vous préoccupe également.

Nous devons reconstituer en France une grande pensée forestière. Notre pays ne compte plus d'école forestière au sens noble du terme, formant des sylviculteurs, des ingénieurs forestiers susceptibles d'être des experts internationaux, des aménageurs capables, par exemple, de porter la forêt européenne dans le concert mondial, de porter la forêt guyanaise comme modèle d'une gestion équilibrée des forêts intertropicales. La recherche et l'enseignement dans le domaine forestier ne nous permettent plus de tenir une juste place dans les discussions relatives aux normes qui s'imposent à nos industries. Plus largement, d’ailleurs, force est de constater que nous ne tenons plus suffisamment notre place dans la définition par les États des normes technologiques applicables aux autres activités industrielles.

Monsieur le ministre, les uns et les autres, nous devons prendre conscience des lacunes de la recherche et de l'enseignement en matière forestière. Les actions qui sont conduites dans ce domaine sont appréciables, elles le sont par des personnes à l'évidence intéressées et compétentes, mais en nombre trop restreint et avec des moyens insuffisants pour permettre à la France de tenir un rang mondial dans les industries du bois et dans la pensée forestière.

Pour en avoir discuté avec elle, je souscris par exemple à l’idée de Mme Nicoux – vous voyez, mes chers collègues, un consensus s’est fait jour parmi nous – de mettre sur pied des équipes pluridisciplinaires afin de promouvoir l’utilisation plus massive, d’ici à quelques années, du bois feuillu dans la construction.

J’espère que cela ne restera pas un vœu pieux… Monsieur le ministre, nous pouvons vous faire confiance, car vos états de service en matière forestière ne sont pas si mauvais que cela. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’abandonne les rats taupiers, qui nous ont occupés ce matin, pour aborder maintenant les problèmes de la forêt. (Sourires.)

Le journal Le Monde, dans son édition des 22 et 23 mai, titrait, dans sa page Débats : « En cette année internationale de la forêt, consacrée par l'ONU à la lutte contre la déforestation, n'est-il pas tout aussi urgent de renouer avec l'imaginaire perdu des arbres ? »

M. Yvon Collin. C’est beau ! (Sourires.)

Mme Anne-Marie Escoffier. Et l'auteur de l'article de nous emmener au pays où se déploie « l'exaltation des plaisirs enfantins trouvés à l'intérieur de la cabane de branchages », de nous transformer en acrobate sur les parcours d'accrobranches ou de nous inviter à relire Italo Calvino et son Baron perché, précurseur de l'engouement pour ces nouvelles formes d'hôtel de pleine nature.

Je ne suis pas assurée, monsieur le ministre, que ces préoccupations journalistiques soient pleinement partagées par nos amis forestiers et par ceux qui se demandent comment faire évoluer la filière bois. Vous savez leurs inquiétudes, des inquiétudes auxquelles a voulu répondre le Président de la République dans ses interventions à Urmatt et à Égletons.

Le constat est clair : la forêt française est la troisième plus vaste d'Europe ; elle occupe 30 % de notre territoire national et génère 450 000 emplois. Mais, en même temps, elle est la moins productive et la France se doit de recourir largement aux importations de bois. Le secteur forêt-bois représente ainsi le deuxième poste de déficit commercial de la France.

Les raisons de cette mauvaise performance sont à rechercher autant dans le morcellement de la forêt française, dans son appartenance, pour près des quatre cinquièmes, à des propriétaires privés dont l'activité liée à l'exploitation du bois n’est qu’accessoire, que dans la nature même des bois, car ont été privilégiés les feuillus au détriment des résineux, utilisés pour les activités industrielles.

Dans ce contexte, compte tenu du caractère stratégique de la forêt et de la filière bois, appelée à devenir, selon vos propres mots, monsieur le ministre, « une filière d'avenir au cœur de la croissance verte et écologique », plusieurs objectifs, ambitieux, ont été fixés : le développement de l'usage du bois dans la construction et pour l'énergie, le renforcement de la structuration de la filière bois, la mobilisation de la ressource et la gestion des risques.

L'Office national des forêts, outil de cette volonté, tient une place privilégiée dans ce plan stratégique, même s'il ne gère qu'un cinquième de la surface forestière, celle qui appartient à l'État et aux collectivités territoriales.

La détérioration de sa situation financière, relevée par la Cour des comptes, due autant à l'effondrement du chiffre d'affaires dans le secteur du bois qu’à l'augmentation progressive du taux des cotisations patronales imposées par l'État, a nécessité que soient prises des mesures urgentes.

Les propositions faites par notre collègue Joël Bourdin et par Hervé Gaymard, président du conseil d'administration de l'ONF, ont eu pour objectif d'optimiser l’organisation interne de l'office, de rentabiliser ses interventions dans le cadre de sa politique commerciale et d'améliorer, en les clarifiant, les relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Il serait important, quelques mois après le dépôt du rapport de M. Gaymard, de mesurer lesquelles de ces mesures peuvent être concrètement mises en œuvre et leur impact sur l'évolution de la politique forestière nationale.

Je n'ignore pas l'inquiétude qu'ont fait naître ces réflexions et les craintes exprimées tout dernièrement par les organisations syndicales à l'occasion de la signature, le 14 avril dernier, d'un protocole d'accord, inquiétudes relatives à la diminution programmée des effectifs de 1,5 % par an, au renforcement d'une tendance ultra-productiviste pour la forêt – tendance décomplexée par la préservation d'îlots de biodiversité –, à la standardisation des produits de la filière bois et à la priorité accordée au tout-résineux après celle qui avait été accordée au tout-feuillus, enfin, à un management par objectifs éprouvant pour le personnel.

Nombreux sommes-nous à penser que la réorganisation qui se met en place auprès des personnels de l'ONF est indispensable, mais tout aussi nombreux sont ceux qui estiment incontournables les mesures urgentes pour permettre aux forestiers privés de réinvestir la forêt, conformément aux objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement.

Réinvestir, pour eux, passe assurément par des mesures fiscales. Parmi les plus significatives, on relève avec satisfaction les mesures patrimoniales – exonération partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les propriétés de bois et de forêts ou bien encore exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit –, le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt pour lutter contre le morcellement des propriétés forestières, le taux réduit de TVA pour les travaux sylvicoles et d'exploitation consécutifs aux tempêtes de 1999, le compte épargne d’assurance pour la forêt, créé par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche.

Mais ne faudrait-il pas aller plus loin pour inciter véritablement les propriétaires forestiers à investir dans leur patrimoine et, par exemple, transformer les exonérations fiscales en crédit d'impôt, supprimer les taxes lors de l'achat de parcelles devant être boisées, reconnaître les dégâts des gibiers aux forêts et en faire supporter le coût aux chasseurs quand il est avéré qu'ils en sont à l'origine ou, enfin, dédier un fonds carbone à la reconstitution forestière ?

Ce sont autant de mesures qui justifieraient que les moyens financiers alloués à la forêt aillent au-delà des 360 millions d'euros prévus au programme 149 « Forêt » de la loi de finances pour 2011.

J'en viens maintenant à la priorité qui devrait être donnée à l'activité liée au bois d'œuvre.

L'utilisation du bois dans la construction devrait être multipliée par dix : ossatures en bois, charpentes, menuiseries intérieures et extérieures et revêtements de façade sont autant d'utilisations possibles de nos ressources en bois dès lors que celles-ci proviennent de résineux, qui sont plus adaptés que les feuillus, en l’état actuel des techniques, aux matériaux de construction.

Or, comme je l'ai indiqué, priorité a trop longtemps été donnée aux feuillus et les efforts rendus possibles à l'époque du Fonds forestier national, jusqu'en 1997, ont été suspendus, laissant les surfaces exploitées livrées à elles-mêmes.

Comment, dès lors, répondre à l'objectif gouvernemental qui est de multiplier par dix le seuil minimum d'incorporation du bois dans les constructions neuves, et ce depuis 2010 ? La suppression préconisée du permis de construire pour les travaux d'isolation thermique des habitations par l'extérieur est-elle si difficile à mettre en œuvre que l'on n’en voie guère aujourd'hui le bénéfice ?

Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre volonté d'encourager la politique forestière et le développement de la filière bois sous toutes ses formes. Je mesure combien il peut être lourd et difficile d’actionner en même temps tous les partenaires concernés, à savoir les services publics, les collectivités locales, les entreprises, les agriculteurs.

Aujourd'hui, je crains, et avec moi bien des collègues du groupe RDSE, auquel j'appartiens, que les espoirs mis dans les ambitions déclarées du discours d’Urmatt ne soient pour beaucoup que de faux espoirs.

Certes, je n'ai pas le talent oratoire de Chateaubriand, pair de France, qui, dans ce même palais, le 21 mars 1817, demandait qu'une attention particulière fût portée à la forêt française, mais, avec lui, je voudrais éviter que « les forêts précèdent le peuple et les déserts les suivent ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons, à travers ce débat, la politique forestière dans notre pays en 2011, année internationale de la forêt, à un moment où se prépare le nouveau contrat d’objectifs État-ONF 2012-2016, alors même que le Président de la République a assigné des objectifs nouveaux à cette filière, objectifs que beaucoup jugent irréalisables et contraires aux intérêts de la forêt.

À Urmatt, le chef de l’État a défendu, d’une part, l’idée d’augmenter la mobilisation du bois afin de combler le déficit commercial de la France et, d’autre part, de favoriser le bois énergie afin d’atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020.

Une augmentation de la récolte de bois de 50 % est irréaliste. Depuis la suppression, en 1997, du Fonds forestier national, laquelle est la cause d’un reboisement insuffisant, le renouvellement des forêts s’effectue aujourd’hui principalement par régénération naturelle. Nous devons donc reprendre les plantations adaptées à nos besoins et aux milieux naturels, qui prennent en compte le réchauffement climatique tout en préservant la résilience des écosystèmes.

Prétendre qu’il faudrait exploiter l’intégralité de l’accroissement naturel de la forêt est un non-sens : sur le plan environnemental, d’abord, car c’est méconnaître les cycles biogéochimiques et aller à l’encontre de l’objectif de préservation de la biodiversité ; sur le plan économique, ensuite, car ce raisonnement ignore le coût d’accès à la ressource, par exemple en montagne, qui fait qu’il ne serait pas nécessairement rentable d’accroître le niveau d’exploitation dans certaines parcelles.

En outre, la rentabilité de la forêt ne se mesure pas simplement en mètres cubes de bois coupés. Croire cela reviendrait à ignorer les fonctions environnementales et sociales de ce milieu.

Sur le plan environnemental, la forêt filtre et purifie l’eau à moindre coût, lutte contre l’érosion des sols, fixe le dioxyde de carbone et constitue un réservoir de biodiversité.

Sur le plan social, elle remplit une fonction primordiale, héritée de l’abolition des privilèges à la Révolution, avec les promenades en forêt, la chasse, les loisirs...

De surcroît, les intérêts court-termistes de la rentabilité ignorent l’idée fondamentale selon laquelle le temps de la forêt n’est pas celui du marché. Je pense à la chênaie Colbert en forêt du Tronçais, dans l’Allier, chère à ma collègue Mireille Schurch, qui comprend des chênes de plus de quatre cents ans, de véritables cathédrales végétales...

Enfin, la situation n’est pas homogène entre la forêt publique et la forêt privée. Cette dernière se caractérise par une gestion sous-optimale qui s’explique, entre autres, par son morcellement en près de 3,5 millions de petites propriétés de un à quatre hectares. Sans doute les propriétaires privés sont-ils attachés à leur patrimoine, mais ils n’ont pas toujours la volonté ni souvent l’opportunité financière de le valoriser. Pour cela, il faut aider les propriétaires forestiers, qu’ils soient publics ou privés, à s’inscrire dans une stratégie collective, et seule la puissance publique est à même de coordonner tous ces efforts.

En ce qui concerne l’aval de la filière, ce qui doit nous motiver, c’est le développement d’une filière bois à haute valeur ajoutée. Cela passe avant tout par la valorisation du bois d’œuvre, dont les métiers présentent une grande richesse sur le plan des savoirs et des techniques et qui constitue un gisement considérable d’économies de matières premières d’origine géologique auxquelles il se substitue. Et ce d’autant plus que, du point de vue commercial, le déficit de la filière bois est avant tout lié au bois d’œuvre et de trituration.

Le développement du bois-énergie à tout prix, notamment sous forme de plaquettes, n’a de sens que s’il ne se fait pas au détriment du bois d’œuvre. Certes, il s’agit d’une énergie renouvelable, mais l’impact sur l’effet de serre n’est pas nul et seul un usage local, en circuit court, permet de réduire cet impact. S’il est utile de développer raisonnablement le bois de chauffage, celui-ci doit rester un usage complémentaire de la production de bois d’œuvre.

Par ailleurs, la concurrence déloyale des filières illégales pénalise durement toute la filière bois française. On estime à près de 40 % la part illégale de nos importations de bois ! Un outil de traçabilité adéquat pourrait être un bon complément aux certifications, surtout s’il prenait en compte la distance parcourue afin de favoriser les circuits courts.

J’en viens au régime forestier, dont une note de Bercy, récente et, je dois le dire, délirante, préconise une refonte du régime forestier en vue de privatiser la gestion des forêts communales. À cette fin, il est prévu d’augmenter les coûts pour les collectivités, de majorer les frais de garderie en changeant l’assiette pour en faire un versement forfaitaire à l’hectare, qui prendrait en compte tous les services rendus par la forêt. Or une rémunération des services écosystémiques étranglerait financièrement encore un peu plus les communes ! Si vous me permettez une parenthèse, je dirai qu’il convient de rester prudent sur ce sujet qui peut être la porte ouverte à une marchandisation totale de la nature, en s’appuyant sur le mirage de la compensation écologique.

Ainsi, nous ne pouvons que dénoncer cette volonté de privatisation rampante de l’ONF, qui vise à ouvrir toutes les activités rentables aux opérateurs privés pour ne laisser à l’Office que les missions de service public jugées non rentables. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si cette idée saugrenue a été définitivement abandonnée ?

Aujourd’hui, la forêt publique est libre d’accès et elle doit le rester. L’État doit prendre ses responsabilités en maintenant le versement compensateur et en n’augmentant pas les frais de garderie.

Enfin, il ne s’agit pas seulement d’argent : depuis plusieurs années, à l’ONF, le dialogue social est rompu, comme en témoignent les suicides intervenus récemment ; il convient de réfléchir aux causes du mal-être des forestiers.

Leur travail perd de son sens, la volonté d’augmenter la production sylvicole est contredite par la baisse des effectifs. L’idée de protection d’un patrimoine national disparaît au profit d’intérêts exclusivement commerciaux. La professionnalisation compartimente, cloisonne les métiers, augmentant par là même leur dangerosité. L’intérêt national et le statut de fonctionnaire d’État vont de pair, c’est pour nous une évidence. La transmission des connaissances et des compétences nécessite une meilleure prévision dans la gestion des ressources humaines, et ces considérations devraient prévaloir sur la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Rappelons en effet que les plantations d’aujourd’hui ne seront exploitées que dans cinquante ou soixante ans.

Monsieur le ministre, ma conclusion prendra une forme interrogative : quelles missions veut-on réellement assigner à la forêt aujourd’hui, comment rééquilibrer la gestion des forêts publiques et celle des forêts privées, comment redonner du sens au métier des forestiers ?

La réflexion est aujourd’hui essentiellement économique, avec une vision court-termiste, sclérosée par la recherche de la rentabilité. Le discours du Grenelle de l’environnement et les objectifs affichés ne devraient-ils pas plutôt conduire à un renforcement du rôle de l’Etat ?

Enfin, je le répète, il n’y a pas de politique forestière sans moyens : des moyens institutionnels, humains et forestiers. Vouloir faire croire le contraire, c’est jouer les illusionnistes, la communication, l’affichage, sans véritable politique volontariste au service de la forêt et de l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Claude Biwer applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous est proposé aujourd’hui est d’une importance capitale en termes de développement, d’énergie, de diversification et d’innovation.

D’abord, la filière bois concerne l’aménagement du territoire, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales, grâce aux possibilités qu’elle recèle en termes d’activité économique et énergétique.

Ensuite, les richesses forestières constituent un atout important pour le développement de nos territoires. Sénateur de la Haute-Loire, donc d’un département forestier, je connais la diversité des richesses que crée cette production, particulièrement appréciée en zone de montagne.

Oui, dans certains de nos départements, la forêt est une source incontournable de richesses naturelles et d’activités de production diverses.

Le débat organisé aujourd’hui au Sénat sur la politique forestière et le développement de la filière bois est l’occasion de nous sensibiliser sur la nécessité de soutenir une filière dont l’avenir est à prendre en compte sur tous nos territoires. La forêt est présente partout en France à des niveaux différents. Si elle montre des couleurs et des visages multiples selon les régions, partout, elle constitue un atout.

En effet, la surface boisée de la France métropolitaine progresse depuis 1820 pour atteindre aujourd’hui 17 millions d’hectares, représentant 27 % de la surface du territoire. L’essentiel – 91 % – est constitué de forêts, de résineux ou de feuillus, le reste étant souvent des îlots de peupliers ou des arbres isolés.

Au côté de l’agriculture, la forêt occupe une place économique non négligeable et concourt à l’avènement de nombreuses filières organisées entre la production, la transformation, la consommation, l’entretien ou tout simplement la valorisation et la promotion. Après la filière verte, il y a la filière bois, l’énergie bois, la construction bois, la promotion et la valorisation de tout un secteur économique.

Comme l’a souligné un précédent intervenant, la forêt, richesse économique, richesse naturelle, est appréciée des chasseurs, mais aussi de ceux qui souhaitent se ressourcer, trouver la tranquillité.

La forêt, c’est aussi un enjeu en termes d’occupation foncière, d’attractivité économique. Comme on parle de surface agricole utile, pourquoi pas ne pas parler de surface forestière utile, pour laquelle un vrai projet de territoire doit exister au service de nos économies locales. C’est un enjeu pour demain, pour les générations futures.

L’homme ne doit pas l’ignorer. Il doit l’organiser dès l’instant de la plantation en adaptant les espèces au sol, au climat, à l’orientation. Il doit aussi organiser son développement, puis sa destination.

La forêt est une réalité, une force, une chance. Nous sommes face à une activité diversifiée. En effet, la filière bois emploie actuellement 231 000 salariés et réalise 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Elle regroupe des activités relevant de l’agriculture – la sylviculture – et de l’industrie – travail du bois, meubles, papeterie. Ces activités sont implantées sur l’ensemble du territoire. Les exploitations forestières et les scieries de petites dimensions côtoient les entreprises de menuiserie ou les grandes entreprises de charpentes, traverses, poteaux... La forêt doit être soutenue par une politique ambitieuse, y compris sur le plan du transport. Ainsi, le fret ferroviaire ne doit pas être oublié ; il doit au contraire être revu, sachant que des gares aujourd’hui désaffectées arrivent au cœur des entreprises concernées. Dans mon département, des voies ferrées s’arrêtent au milieu de zones forestières.

La forêt française présente une grande biodiversité, avec cent vingt-huit essences de bois. Or la biodiversité n’est-elle pas au cœur des préoccupations actuelles ? La forêt française, qui est la première en Europe pour les feuillus et la troisième pour les résineux, s’étend chaque année. Elle couvrait 11 millions d’hectares en 1950 et 16 millions d’hectares en 2006, mais elle est très morcelée.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, promulguée le 27 juillet 2010, visait à améliorer cette situation. Mais parallèlement, elle a suscité des inquiétudes, notamment chez les petits propriétaires qui redoutaient l’impossibilité d’acquérir les parcelles limitrophes. Les esprits se sont calmés, mais les inquiétudes furent réelles.

Chaque année, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le stock de bois sur pied s’accroît en raison de l’augmentation des surfaces, des progrès des pratiques sylvicoles, mais aussi d’une plus forte concentration en C02 dans l’atmosphère, qui agit comme un « dopant » pour la forêt. Le volume annuel de production, qui était de 81,3 millions de mètres cubes en 1996, atteignait 103,1 millions de mètres cubes en 2006. Dans le même temps, la récolte commercialisée est passée de 33,3 millions à 36,5 millions de mètres cubes.

Si l’on ajoute 22 millions de mètres cubes autoconsommés par les propriétaires et environ 8 millions de mètres cubes de bois mort, on ne récolte en fait que 60 % de l’accroissement naturel annuel, ce qui est pour le moins surprenant. On estime que 36 millions de mètres cubes n’ont pas été prélevés et viendront accroître le stock de bois sur pied. Notre forêt, sous-exploitée, nécessite des initiatives nouvelles. Les pôles d’excellence rurale, institués en 2006, ont démontré que la filière bois exigeait des initiatives valorisantes. Plus de 100 projets sur 300 en témoignent, et il s’agit non pas de projets de guichet, mais bien de projets d’initiatives.

Soucieux de ne pas dépasser le temps de parole qui m’a été imparti, je conclurai en rappelant que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a surtout exprimé la volonté de l’État d’avoir une véritable politique forestière dynamique. Elle prend en compte non seulement les principes de développement et de gestion durable, mais également la protection et la mise en valeur du patrimoine forestier naturel remarquable, sans oublier les hommes qui y travaillent quotidiennement, puisqu’elle comporte un important volet social, y compris en matière d’insertion. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le ministre, je me suis inscrit dans ce débat pour vous entretenir, en tant que sénateur des Landes, des problèmes qui se posent à propos du massif des Landes de Gascogne et, plus spécifiquement, au lieu de me livrer à je ne sais quel jeu politique ou politicien, vous faire quatre propositions.

Le massif des Landes de Gascogne a subi en 2009 une tempête, la deuxième en dix ans, dont l’ampleur est la plus importante que nous ayons connue depuis le développement de la sylviculture du pin maritime dans les années mille huit cent cinquante. La tempête Martin en 1999 avait amputé le massif forestier de près de 18 % de son volume sur pied, et la tempête Klaus a dévasté plus de 35 % du volume restant. Après ces deux événements climatiques, c’est la moitié du volume initial qui a disparu. L’exploitation des chablis n’a pas permis leur valorisation comme l’avait assuré le ministre Michel Barnier, lors de la présentation de son plan intitulé « La valorisation par l’exploitation ».

Toutes les enquêtes montrent la vitesse à laquelle les prix des bois se sont érodés. Malgré cela, l’État, grâce aux primes au transport des bois attribuées aux exploitants forestiers, a continué à dépenser de l’argent public sans qu’il profite aux véritables sinistrés, les producteurs.

Afin de redonner confiance à la filière dans son intégralité, il a été envisagé d’intégrer à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 un volet assurantiel concernant le patrimoine forestier. Il est indéniable que les effets d’annonces ont supplanté la mise en œuvre d’une réelle assurance forestière. Un dispositif hybride et difficilement applicable présentant une épargne défiscalisée privée à vocation assurantielle a fini par satisfaire le Gouvernement, qui a donc renoncé à toute ambition en la matière.

Se dresse devant nous un tout autre défi qui n’a rien de médiatique mais dont les générations futures pourront profiter aisément si nous le menons à bien. Il est désormais de notre devoir de redonner confiance aux producteurs publics et privés dans la culture et l’entretien de leur forêt afin de les coupler au mieux avec nos outils de transformation. Monsieur le ministre, les productions et la mise en vente de plants forestiers s’écroulent depuis 1999, et il est compréhensible que, sans une assurance convenable, les producteurs hésitent à réinvestir exactement comme leurs prédécesseurs. Ces hésitations et atermoiements mettent en péril, en Aquitaine, les équilibres de la filière forêt-bois tels qu’ils s’étaient établis depuis de nombreuses décennies.

Pour donner un nouvel élan à notre filière, qui est tout de même le second poste déficitaire de notre balance commerciale, nous devons imaginer un mode de financement d’une réelle assurance forestière novateur. Ainsi, devant notre intérêt collectif à l’égard de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, nous envisageons de rendre à la forêt une partie des services environnementaux qu’elle assume en la matière.

Les nombreuses parcelles non reboisées après les tempêtes Lothar et Martin de 1999 sur le territoire national pourraient faire l’objet d’une prime carbone liée à leur remise en culture. Cette remise en culture permettrait, dans un premier temps, de redonner à des terres abandonnées leur vocation de stockage de carbone et, dans un second temps, participerait à assurer l’avenir de la filière forêt-bois.

Cette dotation carbone couplée à une aide à la remise en culture serait dédiée à la création d’un fonds de garantie destiné à constituer la base financière d’une réelle assurance forestière. Elle serait prélevée sur les produits les moins vertueux en la matière, tels le béton, le fioul, certains produits alimentaires importés, les pellets, etc.

De ce fait, les communes forestières, l’État et les sylviculteurs privés, qui représentent 90 % de la surface forestière du massif des Landes de Gascogne, et 75 % de la surface et de la production nationales, réinvestiraient l’avenir de notre filière. Le seul moyen d’asseoir une réelle politique forestière d’envergure est de la doter d’un outil financier qui s’exonère de l’annualité budgétaire et du temps que certains veulent exclusivement politico-médiatique.

M. Jean-Louis Carrère. Ma deuxième proposition, monsieur le ministre, est de revoir la dotation des centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, face au travail colossal que représente l’accompagnement des sylviculteurs pour le nettoyage et la reconstitution des parcelles détruites par les tempêtes.

La réforme générale des politiques publiques menée par le Gouvernement a, comme dans de nombreux services publics, hypothéqué l’efficience des centres régionaux de la propriété forestière et de l’Office national des forêts. Comme cela a été dit à plusieurs reprises avant moi, il faut trouver une réponse beaucoup plus positive à ces questions.

Pour ce faire, l’outil idéal de vulgarisation des techniques forestières et de mobilisation des bois que représente le CRPF doit être doté des moyens suffisants à la mise en œuvre de ses missions régaliennes et à celles qui sont induites par les catastrophes naturelles exceptionnelles que nous venons de subir.

La propriété privée, souvent très morcelée, nécessite un accompagnement public de nature technique, juridique et fiscale qui permette son exploitation. De manière générale, sans cette mobilisation des surfaces privées, l’une de nos plus belles richesses naturelles se dépréciera. Au niveau Aquitain, il est nécessaire, notamment durant l’attaque des scolytes que subissent actuellement, entre autres, les sylviculteurs landais, de pouvoir au jour le jour accompagner les propriétaires pour qu’ils surmontent les épreuves morales, techniques et administratives du nettoyage et de la reconstitution de leur patrimoine.

Ma troisième proposition consiste à mettre en place des structures collectives d’approvisionnement et de traitement des sciages en Aquitaine et le couplage des unités de transformation à des terminaux de cogénération.

Je m’explique.

Les scieries aquitaines ont, en comparaison des unités présentes en Autriche, en Allemagne ou en Scandinavie, de faibles capacités de production. De plus, la majorité des unités de sciages nationales sont découplées d’unité de production d’énergie. C’est là aussi une caractéristique nationale qui désavantage nos sciages par rapport aux importations. En effet, la production d’énergie et sa revente à un tarif préférentiel fixé par l’État permet aux scieries étrangères concurrentes, outre la qualité des bois transformés, d’exporter en France des sciages à des prix très concurrentiels, car ils intègrent en partie les bénéfices liés à la production d’énergie.

Il est donc nécessaire de promouvoir les projets de cogénération portés par les scieries françaises afin de leur permettre de limiter les distorsions de concurrence avec nos concurrents européens. Cette difficulté ne se présentera pas tous les jours, mais il faut en tenir compte.

De plus, en amont, il faut faciliter l’accès à la matière première de ces scieries par le biais de structures d’exploitation coopératives leur permettant des économies d’échelle en matière de prospection et de regroupement.

Enfin, en aval, il faut promouvoir, M. Leroy l’a dit tout à l’heure, les outils coopératifs de finition, d’aboutage, de séchage ou de lasurage.

Ma dernière préconisation, monsieur le ministre, consiste en une incitation fiscale au regroupement des entrepreneurs de travaux forestiers pour l’émergence de sociétés d’exploitation et de transport de bois. Pourquoi ? Parce que nous avons trop souvent constaté que les entrepreneurs de travaux forestiers, les ETF, comme il est convenu de les appeler, étaient sous-dimensionnés avec une seule personne salariée, c’est-à-dire un directeur salarié, et n’étaient pas de taille à créer une situation dynamique par rapport à la filière. Il nous semble donc qu’en limitant durant deux ans aux activités complémentaires les prélèvements sur les entreprises qui feraient le choix de se regrouper, nous inciterions la restructuration, la professionnalisation et l’émancipation de ces ETF.

De la sorte, monsieur le ministre, face à des cataclysmes tels que ceux que nous venons de vivre et dans lesquels, faute d’une action politique nationale cohérente, nous restons englués dix ans après, nos ETF seraient plus à même de concurrencer leurs collègues européens.

Vous le voyez, monsieur le ministre, et je ne me lance pas dans une polémique à cette tribune, toutes ces actions qui n’ont pas connu de réponse positive dans l’urgence requièrent une grande volonté politique. Cela a été rappelé par le Président de la République et je suis tout à fait de cet avis. Il faut essayer, me semble-t-il, de redonner à la forêt cet espoir sans lequel nombre de territoires ne seront pas replantés.

Je vous incite à lire, monsieur le rapporteur, vous qui nous disiez que tout allait bien, l’éditorial d’avril du président de la revue aquitaine Forêt de Gascogne – revue qui n’est pas connue pour ses postures gauchistes –, paru sous le titre« Inciter à défricher ». Vous constaterez que, avec une certaine amertume, il dénonce tous les manquements des politiques publiques envers cette forêt de résineux.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’une grande politique publique en la matière. Nous espérons que l’action du Gouvernement nous aidera à surmonter ce moment difficile. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis du choix qui a été fait de consacrer un temps de débat parlementaire exclusivement à la politique forestière et à la filière bois. Trop souvent, ce secteur d’activité économique important est évoqué au détour d’un texte de loi agricole beaucoup plus vaste. Malgré toute notre bonne volonté, nous ne pouvons pas lui consacrer toute l’attention qu’il mériterait. Néanmoins, pour ce qui me concerne, en tant que rapporteur du récent projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je me suis efforcé de traiter avec soin le volet forestier que comportait ce texte.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je suis particulièrement désireux de connaître l’état d’avancement de son application par le Gouvernement. Notre collègue Philippe Leroy, qui est l’initiateur du débat d’aujourd’hui, vous a notamment interrogé sur la mise en œuvre des plans pluriannuels régionaux de développement forestier. J’appuie également sa demande concernant l’application de l’article 68 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui concerne le compte épargne d’assurance pour la forêt.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas M. Leroy qui est l’initiateur de ce débat, c’est le groupe socialiste !

M. Gérard César. En tout cas, il a mis ses qualités, que nous connaissons tous, au service de ce débat.

M. Jean-Louis Carrère. Rendons à César ce qui est à César !

M. Gérard César. C’est pourquoi je suis là ! (Sourires.)

Ce dispositif, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé, avec le soutien de M. le président Emorine, et qui concernait tout ce qui a trait à l’assurance, vise à étendre la couverture de la forêt française contre les risques d’incendie et de tempête, alors que 5 % seulement de la forêt privée est aujourd’hui assurée.

Ce mécanisme est indispensable, en l’absence d’une procédure d’indemnisation publique des propriétaires forestiers touchés par une catastrophe naturelle. Bien sûr, le compte épargne d’assurance pour la forêt aura un coût pour les finances publiques, puisque la prime d’assurance sera exonérée d’impôt sur le revenu. Mais je n’ose croire, monsieur le ministre, que le souci d’éviter ce coût puisse expliquer le retard de parution des décrets d’application attendus.

À propos de dépense fiscale, j’ai relevé avec grand intérêt que M. le Président de la République, lors de sa récente visite à Égletons en Corrèze, a annoncé que l’ensemble des dispositifs fiscaux incitatifs existant au bénéfice de la forêt allaient être remis à plat d’ici à la fin de l’année. C’est une urgence absolue. À défaut de crédits supplémentaires, il faut au moins s’assurer que notre politique forestière dispose d’aides fiscales bien calibrées. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que ce réexamen aura bien lieu dans le délai imparti par le Président de la République ?

Enfin, pour conclure, je voudrais évoquer la situation du premier massif forestier de France : celui de l’Aquitaine.

Vous savez que la forêt d’Aquitaine est stratégique, dans la mesure où elle produit des bois résineux, particulièrement du pin maritime, qui sont ceux dont notre pays manque globalement. Or ce massif a été durement touché par les tempêtes Martin de 1999 et Klaus de 2009, et ne s’en est toujours pas remis.

La situation s’est même aggravée ces dernières années, puisqu’une attaque phytosanitaire de grande ampleur à suivi la tempête de 2009. On estime que les scolytes et chenilles processionnaires ont détruit 30 000 hectares de plus, soit 7 millions à 10 millions de mètres cubes de bois, ou l’équivalent d’une récolte annuelle. La situation des pins touchés par la chenille processionnaire ne peut malheureusement que s’aggraver avec la sécheresse actuelle.

Le traitement de la chenille processionnaire est indispensable, mais il n’a pas besoin d’être généralisé. Il suffirait de traiter sélectivement 30 000 hectares de jeunes pins, plus particulièrement en lisière des forêts.

Les professionnels de la filière demandent que ce traitement soit intégralement financé sur fonds publics. Cette demande me paraît légitime, d’abord parce que les propriétaires forestiers ont déjà été fortement sinistrés par les tempêtes, sans être indemnisés correctement, ensuite parce que l’État a aussi sa part de responsabilité : le département de la santé des forêts a en effet lourdement sous-estimé la gravité du problème à ses débuts et n’a pas jugé bon d’organiser le traitement dès 2010.

Je précise que la profession n’attend pas tout de l’État. Elle sait aussi se prendre en main et s’apprête à mettre en place pour 2012 une caisse de prévoyance, qui alimentera un fonds d’intervention phytosanitaire.

Nous souhaitons également que le Conseil interprofessionnel du pin maritime, le CIPM, qui représente la plus grande forêt cultivée d’Aquitaine, voie très rapidement le jour.

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des éléments de réponses que vous voudrez bien m’apporter sur des sujets qui sont aussi importants pour le devenir de la forêt française en général que pour celle d’Aquitaine en particulier. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est d’une grande importance pour notre pays et nos territoires.

La forêt recouvre plus de 28 % de la surface de la France et plus de 45 % de celle de mon département, le Jura, une particularité qui lui a permis d’être le premier producteur de jouets en bois, avec, notamment, la maîtrise de la tournerie et de la tabletterie.

C’est dire l’importance économique et environnementale de la forêt. Mais encore faut-il qu’elle soit correctement exploitée – après avoir vécu plus de six décennies dans ce milieu forestier, j’irai même jusqu’à dire qu’elle doit être convenablement « cultivée » !

Qu’en est-il réellement ? Pratique-t-on seulement la cueillette, de temps à autre, ou cultive-t-on réellement la forêt ? Les deux pratiques coexistent sur le terrain.

Certains propriétaires forestiers, qui ont souvent hérité d’un bien de famille, n’ont aucune connaissance du milieu et laissent faire la nature, d’où une productivité parfois bien faible. Il arrive aussi que les communes ne répondent pas aux propositions de l’ONF destinées à replanter, élaguer ou éclaircir les forêts et, dans ces cas également, la productivité est très défaillante. On peut d’ailleurs, à ce titre, regretter la fin du Fonds forestier national, le FFN, qui servait à financer les plantations.

En revanche, des parcelles sont exploitées de façon rationnelle avec des prélèvements réfléchis, réguliers, et avec des travaux d’entretien qui facilitent la croissance maximale des arbres. Je veux signaler ici le travail de conseil réalisé par les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, les coopératives forestières, les syndicats de propriétaires forestiers, les chambres d’agriculture, très utiles pour les propriétés privées, ainsi que l’ONF, qui œuvre pour les forêts communales soumises au régime forestier, à condition toutefois que de solides volontés communales se manifestent.

Après des années de fortes turbulences pour nos forêts, marquées par des cours très variables, diverses tempêtes et plusieurs épisodes de sécheresse qui ont provoqué des maladies et des attaques d’insectes sur nos résineux, la forêt française aurait bien besoin d’un peu de stabilité, et de regarder l’avenir avec plus de sérénité.

Car le besoin en bois ne fera qu’augmenter pour la construction, les composites, les panneaux d’isolation et le bois-énergie. C’est pourquoi il est important, monsieur le ministre, que nous ayons des politiques forestières qui encouragent vraiment, et par tous les moyens, une gestion et une exploitation rationnelles de l’ensemble des parcelles forestières, communales ou privées.

Pour répondre à ces objectifs, il faut, selon moi, remédier au moins à deux handicaps importants.

Le premier est le manque de dessertes de certains massifs forestiers, principalement en montagne. Je tiens à signaler le travail important réalisé par les différents services forestiers au bénéfice d’associations syndicales autorisées, ou ASA, pour créer des voiries permettant d’accéder aux parcelles dans de bonnes conditions et d’assurer une gestion régulière de celles-ci. Mais encore faut-il qu’il y ait suffisamment de crédits pour accompagner tous ces projets et permettre de réaliser des investissements susceptibles d’apporter une grande plus-value à la filière. Hélas, ce n’est pas toujours le cas !

À propos des questions de voirie, on nous signale souvent les contraintes, voire les interdictions qui sont imposées aux projets se situant dans des zones Natura 2000 – c’est le cas de 28 % de la surface forestière du Jura. Nombre d’espaces sont ainsi sanctuarisés par la présence de faune ou de flore qui prime souvent sur l’intérêt économique de tel ou tel investissement, alors même que la France a indéniablement besoin d’une véritable forêt de production. Le ministère de l’environnement préférerait une forêt multifonctionnelle. Pourquoi pas ? À condition, bien sûr, de ne pas restreindre ses capacités de production !

Je souhaiterais que ce débat soit l’occasion de prendre acte de l’absolue priorité du désenclavement des parcelles forestières, lequel permettra d’augmenter la ressource en forêt privée mais aussi de mieux exploiter et tirer profit, dans les forêts communales, du bois d’éclaircie, des branchages et des houpiers, en incluant nos besoins pour le bois-énergie.

Deuxième handicap : nos forêts privées souffrent souvent de leur morcellement, ce qui ne permet pas une gestion et une exploitation des bois rationnelles. Nous devons chercher à favoriser au maximum leur regroupement, comme nous avons commencé à le faire dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMA. Mais nous devons aller plus loin, notamment en encourageant les ASA, qui peuvent servir à regrouper les offres par massifs pour les petits propriétaires. Cela leur permettra de bénéficier de conseils de gestions – comme je l’ai dit, ils n’ont pas toujours les connaissances nécessaires –et de mieux valoriser leurs produits.

Monsieur le ministre, si nous voulons réussir notre politique de bois-énergie, il serait opportun, lorsqu’un projet de chaufferie collective voit le jour et requiert les crédits de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, de demander, voire d’imposer une solution contractuelle avec les communes forestières et les propriétaires privés locaux pour garantir un approvisionnement de proximité.

En Franche-Comté, près de 400 chaufferies-bois ont été réalisées grâce au plan bois-énergie, avec l’ADEME et l’accompagnement financier des collectivités locales, ce qui a permis de susciter une importante demande en bois. C’est pourquoi, pour les futurs projets, il importe d’assurer un bon approvisionnement local de bois déchiqueté ou de plaquettes. Il serait en effet absurde de faire venir ce bois de loin : cela anéantirait les bénéfices des économies d’énergie et augmenterait encore le nombre de camions sur les réseaux routiers.

M. Philippe Leroy. C’est vrai !

M. Gérard Bailly. Je voudrais aussi évoquer le vœu des communes forestières de ne pas voir l’Office des forêts démantelé ou supprimé. On sait en effet que celui-ci est mis à mal financièrement par le surcoût lié aux pensions, qui s’élève à 50 millions d’euros et pourrait atteindre 90 millions d’euros en 2016. Il va falloir trouver une solution acceptable par toutes les parties.

Je voudrais aussi être le porte-parole d’un certain nombre de communes qui ont souscrit des prêts du Fonds forestier national sous forme de travaux exécutés par l’État, dits « prêts en travaux ». Elles souhaiteraient reprendre la gestion des peuplements créés, ce que leur autorise à faire une circulaire du 31 août 1998, qui avait instauré un dispositif de remboursement anticipé. Dans mon département, 86 communes avaient fait ce choix. Or certaines aimeraient quitter ce dispositif et souhaiteraient connaître rapidement les conditions de sortie. Il paraît, monsieur le ministre, qu’une circulaire est rédigée, mais qu’elle n’est pas signée à ce jour… Je vous remercie des informations que vous pourrez nous donner à ce sujet.

Je conclus : notre forêt doit produire plus et mieux ! Notre filière bois est un atout considérable pour notre pays, l’emploi, notre économie et nos communes forestières. À nous de lui témoigner plus de considération ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’entrerai pas ce soir dans des considérations techniques sur la politique forestière.

Je ne parlerai pas, non plus, du débat relatif au programme forêt ou aux frais de garderie. Mes collègues Renée Nicoux – rappelons qu’elle est à l’origine de ce débat – et Jean-Louis Carrère sont intervenus précédemment sur ces thèmes avec force et compétence.

Je parlerai de confiance. Dans notre pays, nos concitoyens ont tissé au fil des siècles un lien particulier avec leur forêt. Le traumatisme causé par les tempêtes de décembre 1999 et de janvier 2009 témoigne de cet attachement et de cette place particulière qu’occupe la forêt dans notre vie.

Dans le département de l’Aisne, les forêts couvrent environ 123 000 hectares sur 7 369 kilomètres carrés, dont 70 % sont détenus par des propriétaires privés. La forêt publique comprend pour sa part treize forêts domaniales, soit 24 %, et 84 forêts communales – 5 % – ou établissements publics relevant du régime forestier.

À eux seuls, les massifs de Retz, en forêt de Villers-Cotterêts, ainsi que ceux de Saint-Gobain et de Coucy-Basse représentent 21 335 hectares.

Ces forêts, gérées par l’Office national des forêts, jouent un rôle parfaitement identifié dans l’aménagement et le développement durable des territoires, dans le domaine économique et de l’emploi en zone rurale – exploitation de la ressource en bois, valorisation des produits forestiers et de la filière bois –, en matière de préservation de l’environnement, de biodiversité et de qualité des paysages, mais aussi au travers des fonctions sociales – accueil du public, pratiques sportives et cynégétiques, tourisme, etc. Elles constituent les principaux espaces naturels du département ouverts au public.

Pourtant, depuis plus d’un an, un conflit oppose l’ONF à la population et aux élus locaux à propos de la forêt de Saint-Gobain. L’exploitation actuelle est perçue comme brutale et uniquement organisée pour renflouer les caisses de l’ONF. Coupes à blanc, coupes en lisière de village ayant un impact désastreux sur le paysage ou destruction des chemins forestiers sont dénoncées localement.

Ce conflit illustre parfaitement l’incompréhension qui peut régner aujourd’hui entre les populations de communes forestières et l’ONF, qui bénéficiait pourtant d’une excellente image et d’une réputation sans taches.

Jusqu’à ce jour, l’ONF a en effet su développer dans le département de l’Aisne des partenariats efficaces avec les collectivités locales pour assurer l’entretien et la propreté générale des forêts domaniales avec, comme corollaire, la mise en place de nombreuses actions liées au développement touristique et à l’accueil du public dans les massifs domaniaux. Des conventions d’objectifs sont ainsi conclues depuis 1999 avec le conseil général et viennent d’être renouvelées.

Mais l’ONF, vraisemblablement frappée par la RGPP – à moins qu’il n’y ait une autre explication ? – ne se retrouve-t-elle pas contrainte de privilégier une vision de rendement de son action ?

Le rapport d’information, fait au nom de la commission des finances du Sénat, sur l’enquête de la Cour des comptes sur l’ONF souligne la dégradation de la situation financière de l’Office depuis 2008.

Les forêts communales et domaniales sont un bien public qui appartient à l’ensemble de la population qui se l’est approprié. Leur gestion doit donc demeurer publique. Les deux piliers de celle-ci doivent rester équilibrés : la gestion économique, mais également les missions d’intérêt général comme la préservation de la biodiversité.

Cette incompréhension grandissante de l’action de l’ONF est selon moi dangereuse, monsieur le ministre. Hervé Gaymard parle de « confiance légitime » dans son rapport remis au Président de la République le 15 octobre 2010.

C’est bien là le mot essentiel. À l’heure où les projets de filières bois et de création de réseaux de chaleur se multiplient, il est primordial de restaurer ce climat de confiance entre l’ONF et les acteurs locaux.

C’est indispensable à la poursuite d’une politique forestière ambitieuse sur nos territoires ; c’est essentiel à la poursuite des efforts engagés pour développer les filières bois sur nos territoires ; c’est essentiel au regard des enjeux environnementaux et sociaux de ces filières, notamment en termes d’emplois créés.

Ainsi, dans l’Aisne, une étude préalable à la réalisation d’un schéma départemental pour la structuration d’une filière bois-énergie, remise au conseil général, estime que près de 2 400 emplois pourraient être créés au niveau régional dans le secteur de la construction des chaufferies, infrastructures et équipements, dont près de 40 % dans le département.

Une telle politique ne peut être que co-construite. Comme le souligne, là encore, M. Gaymard, l’ONF doit être l’outil d’une politique ambitieuse de la filière bois.

Sans cette confiance réciproque entre, d’une part, les acteurs locaux que sont les associations et les collectivités locales, notamment les communes et, d’autre part, l’ONF, le défi de la filière bois ne pourra pas être relevé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme certains d’entre vous le savent peut-être, j’ai assuré pendant plusieurs années la présidence de la Fédération nationale des communes forestières, la FNCOFOR, fonction dans lesquelles j’avais du reste succédé à notre ancien collègue Jacques-Richard Delong.

C’est à ce titre que nous nous sommes livrés à une sorte de petit coup d’État lorsque j’ai paraphé, pour la première fois, le contrat État-ONF 2007-2011, en vigueur encore aujourd'hui, signé à l’occasion de l’assemblée générale des communes forestières le 24 juin 2006 à Épinal ; agréable souvenir… Néanmoins, ce souvenir est un peu troublé dans la mesure où, quelques semaines après la signature, j’ai vu poindre des charges additionnelles, liées au financement de la retraite des fonctionnaires, à l’établissement d’un bail pour des maisons forestières antérieurement mises à disposition de l’établissement… Je crois bien m’être laissé aller à dire à ce propos, à l’occasion de ma dernière assemblée générale de la FNCOFOR, à l’automne 2007 à Clermont-Ferrand, que l’État s’apprêtait à « reprendre d’une main ce qu’il avait donné de l’autre ». Mais qui s’en étonnerait ?

Aujourd’hui, l’équilibre financier de l’ONF, qui a de surcroît été confronté à la grave crise économique de 2008-2009, reste précaire.

La question de ce « CAS pension » – en l’occurrence le taux de contribution des opérateurs de l’État au compte d’affectation spéciale des pensions civiles des fonctionnaires – est devenue cruciale pour l’avenir de l’établissement, ainsi que le soulignait le remarquable rapport de M. Hervé Gaymard au Président de la République.

La hausse additionnelle de ce taux – prétendument stabilisé à 33 % en 2006, actuellement de 65 % et toujours en progression de trois points environ par an, soit à terme un surcoût annuel net de l’ordre de 80 millions d’euros – a constitué un véritable « choc des retraites ». C’est là l’expression employée par la Cour des comptes, dans une mission effectuée en 2009, qui a fait l’objet d’un rapport d’information de notre collègue Joël Bourdin et d’une audition en commission des finances le 21 octobre 2010.

Il est aujourd’hui question que les communes forestières signent tout de même le contrat 2012-2016. Je ne peux certes que m’en féliciter.

Elles le feront sans doute, en dépit de l’amertume qu’a suscitée dans la forêt publique la divulgation d’un rapport confidentiel de quatre inspecteurs généraux de l’administration. Le président de la FNCOFOR, mon successeur Jean-Claude Manin, vous a fait part de son sentiment en évoquant les appels – selon lui déplacés – de ces hauts fonctionnaires au sens de la responsabilité des élus que contenait, semble-t-il, ce document, voué comme tous ses pareils en dépit d’une confidentialité affirmée, à une divulgation rapide.

Les dernières années ont permis d’approfondir le partenariat entre l’ONF et les communes forestières dans de nombreux domaines, pourtant réputés difficiles : augmentation de la mobilisation des bois, plus 750 000 mètres cubes récoltés au bout de cinq ans, développement des ventes groupées et des contrats de ventes de bois façonnés, mise en place d’une Commission nationale de la forêt communale... De plus, cette évolution s’est faite dans une période particulièrement défavorable sur le plan économique et tout en réalisant des efforts de réorganisation interne de l’ONF et en assumant une réduction d’effectifs sans précédent : moins 20 % en dix ans.

Les conditions d’une réflexion de fond objective sur une contribution des communes forestières plus équitable et plus incitative en faveur d’une gestion forestière durable et dynamique– sujet sensible s’il en est, notamment au sein de notre assemblée – sont peut-être pour la première fois enfin réunies.

Mais le rendez-vous de la préparation de ce nouveau contrat pour l’ONF et les forêts publiques sera manqué si ni l’ONF ni les communes forestières n’ont les moyens de poursuivre leur travail au sein d’un établissement rendu et maintenu structurellement déficitaire, où les relations sociales comme celles qui sont entretenues avec les partenaires ne pourront que redevenir conflictuelles. Ce serait là un grand malheur pour la forêt publique, mais je suis sûr, monsieur le ministre, que vous êtes capable de l’éviter ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nachbar.

M. Philippe Nachbar. Madame le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite du débat que nous avons aujourd’hui car, si le développement de la filière bois est devenu, selon une expression jadis célèbre, une « ardente obligation », il n’en a pas toujours été ainsi.

À Urmatt, puis à Égletons, le Président de la République a su rappeler le rôle essentiel que la forêt française doit tenir dans notre économie et la nécessité de réduire notre déficit d’autant plus paradoxal que nous avons le troisième massif forestier d’Europe.

Ma région, la Lorraine, cinquième région forestière de France par son taux de boisement, a d’ores et déjà anticipé ce mouvement, et c’est avec plaisir que je signale qu’elle accueille le premier pôle d’enseignement et de recherche dans ce domaine. Un rapport rendu public voilà quelques jours par le conseil économique et social régional fait l’inventaire des atouts et des faiblesses de la filière bois et pose quelques questions de fond qui vont bien au-delà des limites de ma région et que je reprends ici.

De quelle marge de manœuvre disposons-nous sur un marché du bois de plus en plus mondialisé ? Comment aider l’effort d’investissement de la première transformation des scieries et des entreprises de seconde transformation, investissement d’autant plus lourd que nombre de ces entreprises sont de petite taille ? Comment stimuler la montée en puissance du bois dans la construction ? Enfin, comment éviter un conflit que l’on constate souvent entre le bois énergie et le bois industrie ?

Rien ne se fera, monsieur le ministre, si l’on veut renforcer la filière bois sans les communes forestières, et c’est le point sur lequel je voulais insister, après quelques-uns de ceux qui m’ont précédé, notamment Yann Gaillard.

En France, la forêt publique domaniale et communale représente 25 % de la surface de notre forêt et 40 % de la production de bois. C’est dire à quel point son rôle est essentiel compte tenu du morcellement et des difficultés que connaît la forêt privée.

Les communes forestières ont engagé un partenariat étroit avec l’ONF pour développer la filière bois, valoriser les ressources de la forêt publique tout en travaillant avec la forêt privée et répondre ainsi aux attentes des collectivités locales, qui, de plus en plus, créent des chaufferies bois. Plusieurs dizaines de communes de mon département, la Meurthe-et-Moselle, ont mis en place de telles installations. L’une de ces communes, Blâmont – 1 200 habitants – a créé une chaufferie bois qui alimente l’ensemble des bâtiments communaux – le collège, la maison de retraite – à la satisfaction de tous. Ce sont de telles opérations qu’il nous faut pouvoir encourager et développer.

C’est la raison pour laquelle il est essentiel de préserver la situation financière de la forêt communale et, bien sûr, en premier lieu, de ne pas imaginer comme solution possible l’augmentation des droits de garde, faute de quoi nombre de communes renonceront purement et simplement à exploiter une forêt par ailleurs fragilisée par la tempête de 1999, notamment dans l’ouest et l’est de la France.

Comme vous le savez, monsieur le ministre – certains de mes prédécesseurs à cette tribune l’ont rappelé – les communes forestières se sont inquiétées il y a quelques mois lorsqu’elles ont eu connaissance d’une note de la direction du trésor remettant en cause le régime forestier et le rôle de l’ONF, et ce en contradiction avec le rapport qu’Hervé Gaymard a remis en octobre dernier au Président de la République.

Le conseil d’administration de la FNCOFOR, dont je fais partie – je parle sous l’autorité de Yann Gaillard, qui a succédé à Jacques-Richard Delong – nous avait alertés, et vous lui aviez répondu, monsieur le ministre, par un courrier très clair et très précis, qui a apaisé les craintes des communes forestières. C’est la raison pour laquelle je serais très heureux aujourd’hui que vous puissiez réaffirmer devant le Sénat, qui représente l’ensemble des communes de France, en particulier ce soir les 12 000 communes forestières car ce sont elles qui sont mises à l’honneur, votre volonté de maintenir le régime forestier essentiel au développement de la forêt communale, la mission de service public de l’ONF, sans laquelle rien ne se fera, et le versement compensateur de l’État à l’ONF au titre des services rendus aux communes.

Votre engagement permettra à la préparation du futur contrat de plan État-ONF pour 2012-2016 de se dérouler dans les meilleures conditions. Je sais l’attachement que vous portez à la forêt française et à l’avenir de la filière bois, et je ne doute pas que vous aurez à cœur de donner à cet égard tous apaisements au Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

(M. Guy Fischer remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs orateurs l’ont dit, l’avenir de la politique forestière française est un enjeu majeur. Je me réjouis de pouvoir en discuter avec vous cet après-midi, avec quelques heures de retard, je le reconnais volontiers, mais, cela dit, j’étais ce matin au Sénat pour parler des rats taupiers notamment, j’y suis cet après-midi, j’y serai encore ce soir, et quand je n’étais pas au Sénat, j’ai essayé de trouver un peu de temps pour être sur le terrain auprès des paysans.

Si je souscris évidemment à l’éloge de Philipe Leroy envers la forêt et les massifs forestiers français, je partage également les inquiétudes qui ont été exprimées par un certain nombre d’entre vous, notamment par Jean-Louis Carrère, sur la forêt des Landes, durement touchée par la tempête Klaus, laquelle a laissé des stigmates qui sont visibles encore aujourd’hui. À ce propos, croyez bien que je veille tout particulièrement au déblocage des 415 millions d’euros promis sur huit ans pour reconstituer 150 000 hectares de forêt. Cela me paraît indispensable pour préserver l’avenir de la forêt des Landes.

La forêt, vous l’avez tous dit, représente plus d’un tiers du territoire français, soit 16 millions d’hectares, et je rappelle, comme Renée Nicoux, que s’y ajoutent 8 millions d’hectares de la forêt tropicale guyanaise. C’est donc aussi un enjeu majeur pour les départements et les territoires d’outre-mer.

La forêt est, à l’évidence, une chance pour la France.

C’est un enjeu stratégique dans la lutte contre le changement climatique en raison de la captation de carbone que permettent les forêts.

C’est un élément déterminant du développement des territoires ruraux. Il n’y aura pas de ruralité sans développement des massifs forestiers.

C’est évidemment aussi un atout économique majeur puisque la forêt représente un chiffre d’affaires de 60 milliards d’euros et 425 000 emplois directs.

On parle beaucoup dans les journaux et dans les médias de l’importance de l’industrie automobile, je ne la conteste pas, mais la forêt compte plus d’emplois que l’industrie automobile et il me semble que l’on en parle moins.

On vante sans cesse les mérites de l’aéronautique française ; c’est, bien entendu, mérité, mais l’excédent commercial lié à l’agriculture et à la forêt est bien plus important que celui de l’aéronautique. Par conséquent, je souhaite que nous remettions la question forestière au cœur des débats politiques et économiques de la nation. De ce point de vue, je me réjouis que nous puissions avoir un débat sur ce sujet aujourd’hui.

La forêt est un atout, mais cet atout n’est pas assez valorisé. Nous en avons discuté lors de l’adoption de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le président Emorine avait déjà beaucoup insisté sur ce sujet, M. Philippe Leroy également. C’est un atout que nous avons délaissé pendant plusieurs années à force de ne pas prendre un certain nombre de décisions qui s’imposent.

La France possède le troisième massif forestier européen et nous avons une filière bois déficitaire – cela a été rappelé – d’environ 7 milliards d’euros en 2010. Nous avons 30 % du territoire en forêts et la France exporte 9,3 milliards d’euros de produits en bois pour en importer 15,7 milliards d’euros.

Pour dire les choses simplement, il y a quelque chose qui cloche. Il y a quelque chose qui ne va pas dans le royaume de la forêt française et qui mérite d’être changé.

Ce déficit est lié à plusieurs éléments dont deux me paraissent essentiels.

Le premier, c’est le manque de compétitivité de la filière dans un certain nombre de domaines, et je rejoins ce qui a été dit sur la question du design mobilier. Quand vous demandez aujourd’hui à des jeunes quels meubles ils veulent acheter, vous constatez que, malheureusement, ce ne sont pas ceux que nous fabriquons. Il est donc nécessaire de revoir la conception de ces produits.

Le second élément, c’est le manque de résineux, comme l’a dit Philippe Leroy. Les résineux sont moins coûteux et permettent d’avoir des objets d’usage plus courant. Ils permettent donc d’avoir des débouchés économiques plus faciles.

Sur ce sujet, il y a des solutions. Je ne vois pas pourquoi l’Allemagne, qui a sensiblement la même proportion de forêts que nous, sur un territoire plus petit, emploie 175 000 personnes de plus que nous dans sa filière. Dans la situation économique actuelle, pouvons-nous faire une croix sur la possibilité d’avoir 175 000 emplois supplémentaires ?

Comment peut-on faire pour gagner en compétitivité, pour réorganiser cette filière, pour mettre en place tous les leviers économiques qui permettront de l’exploiter au mieux ?

D’abord, permettez-moi une remarque générale qui a déjà été formulée par bon nombre d’entre vous : tout cela demande une stratégie de long terme. S’agissant du bois, on ne peut pas obtenir des résultats en un an, deux ans, voire trois ans comme ce peut être le cas dans certaines filières économiques. C’est une affaire de décennie, si l’on veut vraiment en tirer le meilleur parti. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous nous engagions d’un point de vue stratégique en matière de valorisation de la forêt.

La première action dans laquelle nous devons nous engager, c’est le renforcement de notre tissu industriel. Il n’y aura pas de valorisation de la forêt s’il n’y a pas en aval une industrie de la forêt – scieries, industrie du panneau, industrie du papier – qui soit la plus performante possible. Nous avons mis en place le fonds bois en 2009 pour répondre à cet impératif. Il est complété par les subventions Adibois et par des prêts d’OSEO depuis cette année. Je souhaite que nous fassions le maximum pour que ce fonds soit utilisé de la manière la plus efficace possible.

Il s’agira ensuite, une fois que nous aurons développé cette industrie, de trouver des débouchés dans la construction et l’énergie. Il ne suffit pas d’avoir des industries de transformation, encore faut-il qu’elles aient les débouchés les plus opérationnels possibles.

Nous avons multiplié par dix le seuil d'incorporation du bois dans les constructions neuves. Je peux me tromper, mais j’ai l’impression que, grâce aux mesures que nous avons mises en œuvre, la filière bois pour la construction est en train de prendre, en France, un essor nouveau. Il me semble même que, d'un point de vue culturel, la préférence traditionnelle des Français pour les maisons en pierre par rapport aux maisons en bois n’est plus aussi prégnante.

Par ailleurs, nous avons augmenté le tarif de rachat de l'électricité produite à partir du bois. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis battu – à Matignon, pour être très précis – pour que ce tarif tienne compte des petites structures et ne soit pas réservé aux très grandes scieries. En effet, à défaut, ce sont quasiment les trois quarts des scieries françaises qui auraient été exclues du bénéfice de ce tarif de rachat.

La question des conflits d’usage entre bois d'industrie et bois d'énergie, soulevée par Philippe Leroy, appelle des réponses très précises.

Tout d’abord, nous avons des obligations d'expertise sur la ressource pour chaque projet. Des cellules « biomasse » ont été mises en place auprès de tous les préfets afin de suivre ce dossier et de conduire les expertises nécessaires. Dans les cas difficiles, l’expertise est même assurée par le ministère de l’agriculture. En Bourgogne, par exemple, nous sommes ainsi en train d'examiner un certain nombre de conflits d'usage.

De manière plus générale, nous suivons deux principes très simples pour résoudre les conflits d'usage.

Premièrement, la hiérarchie des usages – bois d'œuvre, puis bois d'industrie, puis bois énergie – est le seul chemin vertueux, le seul qui soit réellement créateur de valeur.

Deuxièmement, nous attachons une importance particulière au respect de la performance énergétique des projets, car nous ne pouvons évidemment pas nous permettre de gaspiller de la biomasse, qui est une ressource rare. C’est pourquoi nous devons choisir les projets qui ont les rendements les plus élevés.

En outre, nous devons nous engager dans la voie du renforcement de l'interprofession.

Ce qui est vrai pour l'agriculture – j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises – l’est aussi pour la filière bois : il n'y a d'avenir pour le bois que dans une interprofession unie. Une interprofession rassemblée, c’est une interprofession qui gagne !

Les divisions, les querelles de chapelles, l’incapacité à se rassembler sont le drame de l'agriculture française, et notamment de la forêt. Comme pour les autres filières agricoles, il faut, je l’ai déjà dit et je n’aurai de cesse de le répéter, une interprofession unie pour la forêt.

S’agissant du secteur de la viticulture, nous avons réussi à rassembler les interprofessions dans un certain nombre de régions en vue de gagner des parts de marché en France et à l'étranger. Je ne vois pas pourquoi nous n’arriverions pas à faire de même pour la filière bois. J'en appelle à la responsabilité de tous les acteurs de cette filière, que j’ai eu l'occasion de rencontrer il y a quelques jours : ils doivent apprendre à travailler ensemble pour passer d'une logique de confrontation à une logique de coopération.

Nous devons également œuvrer en faveur d’une gestion dynamique de la forêt. À cet égard, je répondrai à toutes les questions très précises qui m'ont été posées.

Tout d’abord, nous avons étendu le plan simple de gestion à la majorité des forêts de plus de 25 hectares, ce qui doit permettre une meilleure programmation des coupes et donc une meilleure sylviculture. Le décret, qui se trouve actuellement au secrétariat général du Gouvernement, sera publié dans les tout prochains jours. C’est un moyen d’optimiser la gestion des forêts de plus de 25 hectares.

Par ailleurs, nous avons publié en décembre 2010 la circulaire sur les plans régionaux de développement forestier, qui précise les modalités d'élaboration de ces derniers. Le travail a commencé dans toutes les régions, sous la houlette des préfets. Certes, monsieur Leroy, des améliorations sont toujours possibles ; si des difficultés devaient apparaître, nous les corrigerions.

Pour ce qui est de la création du statut de gestionnaire forestier, il va de soi que les 120 experts forestiers sont opposés à la remise en cause de leur monopole. Ils déplorent notamment que le statut proposé n'assure pas l'indépendance des gestionnaires forestiers professionnels.

Pour régler la difficulté, nous avons proposé d'interdire aux gestionnaires forestiers professionnels la vente de bois provenant des parcelles dont ils ont la gestion. Afin d’éviter tout problème juridique, j’ai soumis au Conseil d’État le projet de décret que j’ai préparé en vue de parer aux difficultés liées au statut de gestionnaire forestier.

La mesure concernant le droit de préférence des propriétaires voisins doit permettre de lutter contre le morcellement forestier des massifs français, qui constitue un handicap important.

Cette mesure est opérationnelle depuis l’entrée en vigueur de la loi, mais je ne vous dissimulerai pas que son application soulève de gros problèmes quant à la publicité de vente ou à la recherche des voisins. Il est vrai que l'on combat ici une habitude ancestrale : le morcellement des forêts et le droit de préférence des propriétaires voisins.

Je souhaite donc travailler, en concertation avec les professionnels, à la réécriture de cet article, puis trouver le véhicule législatif le plus approprié pour procéder à la modification nécessaire. Même si nous savons qu’il nous faut aller vite, car cette disposition est indispensable à la mise en œuvre d’une meilleure gestion de la forêt, nous reprenons la copie et nous la corrigeons en tenant compte des problèmes posés.

Une gestion dynamique de la forêt passe aussi, bien entendu, par la révision du contrat d'objectifs de l'Office national des forêts, qui doit aboutir en juillet 2011.

Je voudrais redire ici, avec la plus grande gravité, que nous sommes tous attachés à cette institution forestière. Il est hors de question de remettre en cause le régime forestier et la mission de service public qu’assure l'ONF au bénéfice de nos communes. Il est tout à fait regrettable que des notes émanant de très sympathiques directeurs, sous-directeurs ou chefs de bureau de l'administration centrale aient circulé dans la presse. Libre à eux d'exprimer leur position sur le sujet, mais, en République, c'est encore le Gouvernement, donc le ministre, qui tranche !

Il n'y aura privatisation ni de l'ONF ni des forêts communales, tout simplement parce que cela ne correspond ni à l'intérêt général ni à l’intérêt des forêts.

En revanche, nous le savons tous, le service public a un coût, et l’ONF est en déficit. Ainsi que l’a fort justement souligné Hervé Gaymard dans son rapport, l’État, l’ONF et les communes forestières sont tous responsables de la pérennité de ce modèle. L'État prendra ses responsabilités, mais je compte aussi sur l'ONF et les communes forestières pour réaliser des efforts – nous en discuterons tous ensemble – en vue de parvenir à un équilibre financier acceptable.

C’est une chose que de transformer le bois, le couper, mieux le gérer, mieux organiser les parcelles, trouver des débouchés, et ce avec le soutien de l'ONF, mais encore faut-il, comme Jean Boyer l’a dit tout à l'heure, pouvoir transporter le bois.

Nous avons pris, en 2009, un décret visant à autoriser le transport de bois rond dans des véhicules de plus de 40 tonnes sur des itinéraires spécifiques définis au niveau départemental. Mes services travaillent à améliorer la cohérence entre les départements et la cartographie des itinéraires, notamment pour ce qui concerne le département des Landes.

M. Bruno Le Maire, ministre. Certes, je connais la position de M. Henri Emmanuelli sur le sujet, mais il me semble essentiel de prévoir un transport adéquat.

Mme Évelyne Didier. Vu l’état des chemins…

M. Bruno Le Maire, ministre. Je sais que l'état des chemins et des routes départementales est un vrai sujet.

M. Jean-Louis Carrère. Et le Grenelle de l’environnement ?...

M. Bruno Le Maire, ministre. En matière d’arbitrage, ma collègue Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même cherchons toujours, vous le savez, à trouver une voie de passage qui soit la plus responsable possible.

Enfin, il me semble important de faire face aux aléas climatiques et sanitaires.

Nous avons mis en place, avec la loi de modernisation, un dispositif assuranciel, auquel Gérard César et Jean-Paul Emorine sont, je le sais, particulièrement attachés, afin d’améliorer la protection financière des propriétaires forestiers face aux tempêtes.

Les décrets de défiscalisation de l'assurance forêt et le compte épargne forêt seront opérationnels dans peu de temps. Ils doivent d'abord recevoir l'avis du Comité national de la gestion des risques en forêt, qui a été créé par décret au mois de mars dernier. L'arrêté de nomination paraîtra très prochainement et nous pourrons ensuite publier des décrets qui tiendront compte des propositions formulées par Jean-Louis Carrère, car elles me semblent aller tout à fait dans le sens que j’ai indiqué à propos de la mise en place du dispositif assuranciel.

Mais avant de mettre en place ce dispositif, nous devons régler immédiatement, je le dis à l’attention de Gérard César et de Jean-Louis Carrère, pour le massif des Landes, les difficultés sanitaires qui se posent depuis maintenant plusieurs années.

Nous avons une divergence d'appréciation, je ne le cache pas, sur la chenille processionnaire.

Je me suis renseigné à plusieurs reprises auprès de mes services : les dernières observations – menées en partenariat avec les professionnels, je tiens à le préciser – montrent que les défoliations de lisières ont diminué par rapport à 2009 et que les défoliations de peuplements ont quasiment disparu, avec moins de 400 hectares touchés. Tels sont les résultats dont je dispose, mais je suis prêt à en reparler avec vous, quand vous le souhaiterez, monsieur César.

M. Gérard César. D’accord !

M. Bruno Le Maire, ministre. Dès lors, en toute responsabilité, il ne me semble vraiment pas nécessaire de prévoir un traitement, sachant que le seul traitement efficace a un coût financier et qu’il présente un risque particulièrement élevé en termes de toxicité. J'estime donc que le bilan coût/avantage est négatif.

En revanche, s'agissant des scolytes, qui sont un vrai problème, les professionnels m'en ont parlé à plusieurs reprises, il n'existe qu'une seule stratégie de lutte efficace, qui se déroule en trois temps. Premièrement, je l’ai vu sur place, la priorité absolue est de procéder à la récolte et à l'éloignement des bois scolytés. Deuxièmement, il faut recourir à un traitement insecticide des piles de bois. Troisièmement, enfin, il est nécessaire de broyer les jeunes peuplements non commercialisables et les rémanents de l'exploitation forestière, de manière à s'assurer de l’éradication des scolytes.

À la suite des remarques qui m’ont été faites, notamment par les élus landais, le plan d'action contre les scolytes, élaboré avec les représentants locaux de la filière, a été lancé le 15 mars dernier, c'est-à-dire voilà quelques semaines seulement. Il représente, je le précise, un coût de 7 millions d'euros pour le budget de l'État, mais cette somme permet de financer le traitement systématique des piles de bois en bordure de route, qui a donc commencé à cette date.

Enfin, s'agissant de l’hylobe, ce charançon qui mange les jeunes plants et pose lui aussi d’importants problèmes sanitaires, nous avons réagi très rapidement : j’ai autorisé, à la demande de la profession, et quelles que soient les critiques qui m’ont été adressées, une dérogation de cent vingt jours pour le traitement au Suxon Forest.

M. Jean-Louis Carrère. C’est très bien !

M. Gérard César. Ça marche !

M. Bruno Le Maire, ministre. J’estime qu’il fallait répondre d’urgence à la préoccupation des professionnels et que, dès lors, il n’y avait pas d’autre solution.

Avant de conclure, je soulignerai la nécessité de relancer l’investissement en forêt, sujet sur lequel Renée Nicoux a, avec raison, beaucoup insisté. C’est en effet une nécessité absolue, car nous n’avons plus aujourd’hui les moyens de garantir le renouvellement des volumes exploités.

Le niveau des plants vendus est au plus bas depuis trente ans.

M. Bruno Le Maire, ministre. Si ma mémoire est bonne, il ne représente plus aujourd’hui qu’un tiers du niveau de 1990.

M. Jean-Louis Carrère. C’est dramatique !

M. Bruno Le Maire, ministre. La situation est donc préoccupante.

Si l’on ne fait rien, non seulement notre déficit en résineux risque de se creuser, mais en outre certaines essences d’arbres, telles que le hêtre, aujourd’hui largement représenté en France – je pense à la hêtraie de Lyons-la-Forêt, dans mon département, qui est l’une des plus belles d’Europe –, pourraient avoir totalement disparu de nos forêts dans une centaine d’années.

Il y a donc urgence à réagir. On ne peut pas compter uniquement sur la résilience naturelle des forêts : il faut reboiser, et reboiser intelligemment, en augmentant la part des résineux et en assumant cette augmentation.

Investir en forêt, c’est également, je tiens à le souligner, soutenir la recherche en génétique forestière et en sylviculture.

J’ai demandé à l’l’INRA – Institut national de la recherche agronomique –, au CEMAGREF – Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts –, au CIRAD – Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement –, et au FCBA – institut technologique forêt, cellulose, bois-construction-ameublement –, qui entretiennent des liens très forts avec l’ONF, de travailler ensemble sur ces questions majeures de recherche forestière.

C’est un élément d’excellence essentiel pour la sylviculture française ; c’est également la seule solution pour adapter nos massifs forestiers aux changements climatiques qui touchent aujourd'hui l’ensemble du territoire français.

Pour retrouver les conditions de l’investissement en forêt, il n'y a qu’une seule solution – vous l’avez tous évoquée, et je me réjouis qu’il existe un consensus sur ce sujet –, c’est la réforme de la fiscalité forestière.

La fiscalité forestière actuelle est illisible ; elle n’incite pas à la mobilisation du bois ; elle n’incite pas à l’investissement en forêt.

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Président de la République l’a redit avec force à Égletons, la réforme de la fiscalité forestière est une priorité absolue pour relancer l’investissement en forêt.

Je rappelle au passage que la plupart des dispositifs fiscaux seront de toute façon caducs en 2013. Il y a donc urgence à avancer dans ce domaine.

À la demande du Président de la République, je travaille à une remise à plat de la fiscalité forestière. Celle-ci doit être incitative et prendre en compte le temps important qui est nécessaire pour obtenir le retour économique de l’investissement en forêt.

Je tiens à vous dire, cher Gérard César, qu’il y aura donc bien une remise à plat de la fiscalité forestière et que je souhaite, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, parvenir avant la fin de l’année à des solutions concrètes sur ce sujet. C’est une priorité absolue à mes yeux car, si rien n’est fait, toute notre action pour reboiser, pour favoriser l’industrie forestière, pour lui ouvrir des débouchés, pour relancer nos exportations, pour lutter contre les crises sanitaires dans le massif des Landes, tout cela n’aura servi à rien, faute de perspectives d’avenir pour la sylviculture française.

M. Gérard César. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Au-delà de ces dispositifs fiscaux, nous devons aussi faire preuve d’imagination pour ce qui est du financement.

Il nous faut tirer un meilleur parti de la biomasse forestière, en approfondissant les partenariats avec l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –, ou le fonds « chaleur ».

Nous devons inventer une méthode de rémunération des sylviculteurs pour leur contribution au stockage de carbone. En effet, alors qu’il existe une rémunération carbone pour les éleveurs qui, avec beaucoup de détermination et de courage, continuent à pratiquer l’élevage sur herbe, avec toutes les difficultés que cela peut comporter, notamment en zone de montagne, je ne vois pas pourquoi il n’existerait pas de rémunération des sylviculteurs au titre du stockage de carbone.

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est une solution qui me paraît prometteuse, même si elle est difficile à mettre en place.

À cet égard, je tiens à souligner que le paquet « énergie-climat » nous offre une solution très simple et très pragmatique. À partir de 2013, les industriels devront acheter aux enchères leurs quotas d’émissions. Au moins la moitié du revenu de ces enchères devra financer des actions de lutte contre le changement climatique. Je souhaite donc que, conformément à ce que le Président de la République a déclaré à Égletons, une juste part de ce revenu des enchères soit affectée à la forêt. C’est encore la solution la plus simple pour garantir la rémunération de la contribution des forestiers au stockage de carbone.

Vous le voyez, nous ne manquons ni d’imagination, ni d’inventivité, ni surtout de détermination pour défendre l’avenir de la filière sylvicole française. Elle le mérite, et je me réjouis qu’un débat sur ce sujet ait pu avoir lieu aujourd'hui au Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

11

Contractualisation dans le secteur agricole

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 6 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire sur la contractualisation dans le secteur agricole.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Nathalie Goulet interroge M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire sur la contractualisation dans le secteur agricole.

« Les contrats entre producteurs et premiers acheteurs, obligatoires dans la filière des fruits et légumes depuis mars, et dans la filière laitière depuis le mois d’avril, constituent une mesure phare de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, adoptée en juillet 2010.

« Face à des cours agricoles fortement volatils et à la fin annoncée des quotas laitiers en 2015, la généralisation de ces contrats vise à offrir aux producteurs une visibilité sur les débouchés de leur production, pour des volumes déterminés et une période déterminée. Si les modalités de fixation du prix sont intégrées au contrat, le prix en revanche n’y est pas garanti.

« En outre, si les contrats semblent adaptés dans une filière où les volumes peuvent être facilement prévus sur le moyen terme, et notamment dans la filière laitière, ils semblent moins l’être dans la filière des fruits et légumes. Les aléas climatiques impactant les volumes de nombreuses récoltes rendent en effet difficile pour ces exploitations un engagement contractuel sur trois ans. De surcroît, ce type de contrat ne semble pas adapté aux marchés physiques des fruits et légumes, notamment les marchés d’intérêt nationaux.

« À l’heure où le ministre souhaite étendre les contrats à l’alimentation animale, elle souhaiterait savoir, au vu de la mise en œuvre des premiers contrats, quels ajustements sont envisageables, pour permettre à ces instruments de jouer leur rôle de sécurisation du revenu des agriculteurs, tout en prenant en compte les réalités et les aléas du monde agricole. »

Mes chers collègues, compte tenu de l’heure à laquelle nous abordons ce débat, dont la durée prévue est d’environ deux heures, je demanderai à chacun des intervenants de bien vouloir respecter scrupuleusement son temps de parole, car je serais fort marri de devoir faire des rappels à l’ordre. (Sourires.)

La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question.

Mme Nathalie Goulet, auteur de la question. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture, mes chers collègues, je regrette également que cette question orale vienne en discussion à une heure aussi tardive.

M. Didier Guillaume. Nous aussi !

Mme Nathalie Goulet. Quand, voilà un peu moins d’un an, j’ai voté la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, ce fut certes avec quelques réserves, mais les débats que nous avions eus laissaient espérer une meilleure appréhension de l’agriculture, et notamment de ses enjeux stratégiques.

Certains avaient alors marqué à l’égard de la contractualisation des suspicions qui, aujourd’hui, s’avèrent plus que légitimes. Je dirai même que la situation résultant des premiers mois de contractualisation est dramatique pour le secteur laitier et me fait pratiquement regretter d’avoir voté ces dispositions.

Monsieur le ministre, vous avez fait le pari que la contractualisation était un moyen de régulation. Or, à ce stade, on peut considérer que ce pari est perdu.

Je vous ai écrit au sujet des difficultés rencontrées par les producteurs, des clauses abusives et des pressions qu’ils subissaient. Avant le mois d’avril, je vous ai demandé un report des délais pour la mise en place de la contractualisation.

On légifère sur des principes, et leur application met en lumière certains décalages avec les réalités et les attentes des producteurs sur le terrain.

Errare humanum est, persevare diabolicum… Aujourd'hui, nous en sommes là !

Puisque rien n’est obligatoire avant l’élaboration d’une réglementation européenne en 2015, pourquoi tant de hâte ?

Monsieur le ministre, au cours des débats, vous nous aviez expliqué que vous souhaitiez que la France soit en tête de la politique de contractualisation et entraîne derrière elle les autres pays européens.

Un étudiant médiocre de première année de droit vous dirait que le contrat est fondé sur le consentement libre et éclairé et sur la détermination de la chose et du prix, pour peu que celui-ci soit au moins déterminable.

Le consentement, pièce maîtresse de notre droit des contrats, est violé en permanence par des clauses abusives dans les contrats proposés aux producteurs de lait et par la disparité entre les cocontractants. Des contrats types contiennent de multiples clauses abusives.

Certes, l’interprofession a publié un guide des bonnes pratiques contractuelles, dont la finalité est de « faciliter l’écriture des propositions de contrat », et va mettre en place une commission interprofessionnelle des pratiques qui donnera des avis sur toutes les questions relatives au contrat. Toutefois, ces structures n’ont pas une réactivité suffisante et, tout comme le médiateur institué par vos services, ne disposent d’aucun pouvoir de police.

En effet, les premiers retours du terrain relatifs à la contractualisation, un peu plus d’un mois après l’entrée en vigueur de l’obligation dont elle fait l’objet, me laissent peu enthousiaste. J’ai reçu nombre de témoignages d’agriculteurs dans le doute, soumis à la pression de coopératives, redoutant la dépendance économique vis-à-vis des entreprises laitières, d’autant que le contrat ne peut garantir le prix.

Le site de l’APLI, l’Association des producteurs de lait indépendants, recense de multiples exemples de clauses abusives. Ainsi, à l’occasion de la campagne 2010-2011, les producteurs appliquent le double quota, qui constitue un véritable scandale. De quoi s’agit-il ?

Une partie du lait – volume B – est payée en fonction des cours du beurre et de la poudre, produits industriels échangés sur le marché mondial. L’autre partie – volume A –continue d’être rémunérée selon les indicateurs des accords interprofessionnels des mois de juin 2009 et d’août 2010, dont fait partie l’indicateur de flexibilité, qui est le reflet de la stratégie de l’entreprise au regard des produits industriels. Avec un renforcement de l’alignement des prix A et B sur le marché mondial, les producteurs perdent de plus en plus de visibilité sur leur revenu et sur l’orientation de leur système de production.

De plus, comment être sûr que des entreprises ne s’autoriseront pas à « ajuster » le prix du volume B à la baisse en cas de progression des cours mondiaux ?

Nous devons exiger une maîtrise publique et collective des volumes pour garantir stabilité et pérennité des systèmes de production laitière en Europe.

Il faut aussi empêcher que la filière laitière devienne une filière intégrée, dans laquelle le producteur n’aurait plus le choix de son collecteur. À cette fin, il convient de porter une attention particulière aux clauses qui pourraient représenter une forme d’intégration, faisant des éleveurs les salariés pauvres d’une industrie riche, alors même que c’est d’eux que dépend la qualité du lait.

La coopérative ne saurait, par ailleurs, être reconnue comme une organisation de producteurs.

Prenons l’exemple d’un grand industriel du lait. Pour lui, le contrat constitue un enjeu de pouvoir. Les producteurs sont invités à se rassembler au sein de groupements de producteurs, héritiers des actuels groupements de livreurs, et à signer un contrat. Ces groupements de producteurs réfléchissent à une fusion à l’échelle de l’Ouest pour évoluer vers une organisation de producteurs. Cette dernière sera garante du contrat collectif passé entre les producteurs et l’entreprise, contrat qui sera validé dans les prochains mois.

L’industriel dissuade les éleveurs de se rassembler en organisation de producteurs à vocation commerciale. Un leader européen du fromage ne cache pas son intention, si un tel cas de figure se présentait, de se montrer implacable dans les négociations commerciales et de fermer le robinet des achats de lait quand bon lui semble.

Il s’agit bien, monsieur le ministre, d’un abus de position dominante !

Comme un certain nombre de mes collègues, je formulerai des propositions, tendant par exemple à prévoir une clause de résiliation et de non-renouvellement des contrats. À cet égard, nous suggérerons d’instaurer notamment une « dissymétrie » en faveur du plus faible, le respect de la liberté d’initiative du producteur de s’associer ou de sortir d’une association, de transmettre son exploitation ou d’en changer la nature juridique.

La capacité de celui qui s’engage aujourd’hui est aussi importante.

La branche laitière de la FNSEA – fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles – prône une organisation collective et économique des producteurs au motif que la massification de l’offre est un élément stratégique du rééquilibrage du rapport de force entre les producteurs et les transformateurs. En effet, aujourd'hui on compte en France 85 000 producteurs de lait pour 540 entreprises de collecte.

Seulement, il se trouve que l’obligation de contractualisation a précédé, dans le calendrier, les dispositions réglementaires relatives aux organisations de producteurs. Or les producteurs de lait se voient fortement incités, voire contraints à signer des contrats avec des coopératives alors même que les organisations de producteurs ne sont pas encore concrétisées.

Nous avons mis, monsieur le ministre, la charrue avant les bœufs !

Inutile de vous décrire les chantages ou les pressions exercés par les coopératives, qui ne voient pas d’un bon œil se regrouper les producteurs !

Ce décalage est d’autant plus préjudiciable que la durée des contrats, qui n’est pas négligeable – cinq ans –, lie le producteur et l’empêche d’adhérer à une organisation de producteurs concurrente.

Il existe donc un problème manifeste de calendrier dans la mise en œuvre de ces contrats qui rend plus compliqué la tâche de l’interprofession pour mener ces deux actions de structuration de front.

Il faut laisser le temps aux producteurs de s’organiser avant de contracter. Toutes les organisations doivent être consultées : l’APLI, la Confédération paysanne, la Coordination rurale...

J’espère, monsieur le ministre, que vous saurez être vigilant et vous montrer ferme à l’égard des acheteurs qui exercent des pressions pour que les producteurs signent des contrats qui sont manifestement déséquilibrés. Il convient de protéger ces professionnels.

De même, j’espère que vous entendrez l’appel des nombreux représentants des producteurs qui appellent à ne pas signer individuellement des contrats avant que la sécurité juridique – car c’est bien de cela qu’il s’agit – et l’équité des relations soient établies.

Vous le savez, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur dès que l’on est convenu de la chose et du prix. Or, dans les contrats actuels, ni le prix ni les volumes ne sont garantis.

La jurisprudence et la loi n’ont cessé de prôner la défense du plus faible des cocontractants ; aujourd'hui, ce n’est pas le cas.

La question du prix, parce que celui-ci détermine la rémunération du producteur, reste un élément central du contrat. Là encore, sur le papier, l’intention est bonne, mais, dans la réalité, l’effet de la contractualisation sur les prix est plus modéré : à partir du moment où le contrat est obligatoire, les laiteries conservent une position dominante dans les relations contractuelles et sont donc mieux armées pour fixer le prix d’achat du lait.

Aujourd'hui, la problématique à laquelle sont confrontés les producteurs concerne la défense du niveau du prix du lait. Je suis sûre que de nombreux autres orateurs évoqueront ce sujet.

Il est nécessaire que le prix du lait ne soit pas seulement aligné sur des cours ou déterminé en fonction des quotas, mais qu’il soit aussi fixé en fonction du prix de revient.

Hier, les producteurs recevaient 50 % du prix du lait le mois de la traite et, ensuite, le reste. Aujourd’hui, rien ne leur est remis le mois de la traite et le montant qui leur est versé l’est en deux fois le mois suivant ! Combien de temps les agriculteurs vont-ils continuer à être les banquiers des transformateurs ?

Le texte en vigueur conduit à ce que le niveau du prix dépende de la capacité des producteurs de lait à s’organiser. Or, à ce jour, ils ne sont pas organisés.

Le contrat n’apporte de garantie ni sur les volumes ni sur les prix.

Un système dans lequel les producteurs gèrent la production avant la transformation : là est la solution. Or nous en sommes loin ! Je sais, monsieur le ministre, que vous n’approuvez pas un tel mécanisme. C’est pourtant celui qui, comme j’ai pu le constater sur le terrain, correspond aux souhaits formulés.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture. Par l’APLI !

Mme Nathalie Goulet. Notamment, mais pas seulement !

Je n’ai pas de liens privilégiés avec l’APLI, monsieur le ministre ! Il y a des producteurs de lait dans mon département, comme il y en a dans le vôtre ! Tous ont besoin d’explications et je ne crois pas qu’il faille fermer la porte à la discussion avec les uns ou les autres. Mieux vaut tenter de trouver la solution la meilleure pour permettre à la France de garder une stratégie en matière de production laitière.

M. Bruno Le Maire, ministre. Effectivement, il y a besoin de beaucoup d’explications !

Mme Nathalie Goulet. Sans doute, monsieur le ministre, et c’est la raison pour laquelle j’ai sollicité ce débat dans le cadre de la politique de contrôle parlementaire que nous menons dans cette assemblée. Je crois qu’il est bon, en effet, de pouvoir expliciter les dispositions légales quelques mois après qu’elles ont été votées.

J’en ai pratiquement fini avec l’exposé de ma question. Vous le voyez, monsieur le président, j’ai été aussi brève que possible, pour permettre à chacun de s’exprimer et pour laisser au ministre le temps de nous donner les explications que nous attendons.

Je voudrais précisément vous entendre, monsieur le ministre, à propos de la sécheresse puisque, cet après-midi même, vous vous êtes longuement exprimé sur cette question à l’Assemblée nationale et que vous avez rencontré les professionnels à ce sujet.

Je tiens à attirer votre attention sur le problème de l’interdiction du broyage des céréales, qui devient absolument crucial dans nos départements.

En tout cas, j’aimerais que, à l’issue de ce débat, vous puissiez rassurer les producteurs de lait qui souhaitent temporiser en ce qui concerne la conclusion des contrats.

Comment comptez-vous renforcer le niveau du revenu des producteurs pour assurer une répartition équitable du prix final du lait ?

Quelles adaptations réglementaires pensez-vous apporter, au vu des difficultés d’application qui commencent à émerger, quelques semaines seulement après la publication du décret ?

Surtout, monsieur le ministre, comment entendez-vous sanctionner les clauses abusives et dans quels délais ? L’enjeu est la préservation d’une production laitière dont la France est fière et le maintien de producteurs de lait qui, dans les deux régions normandes comme ailleurs dans notre pays, sont fiers de leur métier ? (MM. Gérard Le Cam et Martial Bourquin applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. « Rien n’étonne plus les hommes que le bon sens », écrivait Ralph Waldo Emerson. Il semblerait néanmoins, monsieur le ministre, que vous ayez choisi ce bon sens comme socle des nouvelles relations entre les producteurs et les acheteurs.

En réponse à la crise sans précédent de 2009, vous avez conçu la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP, comme une boîte à outils répondant aux besoins de l’agriculture et des agriculteurs pour tendre vers l’efficacité, le pragmatisme et l’équité. L’un de ses outils principaux est le contrat entre les producteurs et les acheteurs.

La question de Mme Goulet permet au Parlement d’exercer pleinement son contrôle en vous interrogeant sur le bilan des premiers contrats entrés en vigueur pour la filière des fruits et légumes et pour la filière laitière.

La garantie de revenus stables et décents aux agriculteurs par le biais de la contractualisation, bien qu’elle relève du simple bon sens, constitue une révolution dans la réorganisation de l’agriculture française.

Quels enseignements peut-on tirer des contrats conclus dans la filière des fruits et légumes depuis le 1er mars et dans la filière laitière depuis le 1er avril ? Certains contrats ont été qualifiés d’inacceptables par les producteurs et par vous-même. Les industriels ont-ils révisé leurs positions ou campent-ils sur celles-ci, alors qu’elles ont été rejetées par les autres protagonistes ?

Où en est la contractualisation prévue entre éleveurs et céréaliers pour l’alimentation animale ? Qu’en est-il du secteur ovin ? Quels seront les ajustements pour les autres filières ?

Vous avez voulu des contrats révisables, sous l’autorité des pouvoirs publics et du médiateur des contrats. Quel est le bilan de l’activité du médiateur à ce jour ?

Vous l’avez souligné, les producteurs ne peuvent plus attendre encore. Il faut donc avancer rapidement dans toutes les filières. Ainsi, vous avez commandé un audit des abattoirs, dont les premiers résultats devraient être connus en juillet. Quelles autres mesures avez-vous mises en place ? Quel est leur calendrier ?

Si les investissements des agriculteurs s’amortissent sur douze ans en moyenne, on peut néanmoins considérer comme une première avancée le fait que les contrats prévoient une durée allant jusqu’à cinq ans. Ainsi, se trouvent assurées une meilleure lisibilité et plus grande pérennité, dans la relation entre les parties, des modalités de détermination des prix par la définition des conditions d’évolution et d’adaptation des prix et de la périodicité.

Êtes-vous favorable à la généralisation de la contractualisation de tous les maillons d’une filière, en la rendant optionnelle pour les agriculteurs, comme ceux-ci le demandent avec insistance, et obligatoire pour les industriels ?

La contractualisation, outil sécurisant pour le producteur et pour la filière, ne règle toutefois pas le problème central de la volatilité des prix. La libéralisation totale de l’agriculture constitue une erreur majeure, une erreur stratégique, selon vos propres termes. Une régulation des marchés agricoles eux-mêmes est donc indispensable.

Pour que les contrats soient équitables, des indicateurs de tendance de marchés nationaux et internationaux sont indispensables. L’Observatoire des prix et des marges, installé en novembre, a déjà rendu ses travaux préliminaires sur la viande bovine. Il en est ressorti que les éleveurs étaient les seuls à ne pas pouvoir répercuter sur leurs prix la hausse de leurs coûts de production. Quelles mesures allez-vous prendre en conséquence ? L’Observatoire a-t-il formulé des remarques concernant d’autres filières ?

La gestion des risques est un facteur essentiel de sécurité des revenus. La contractualisation doit mentionner les volumes et les caractéristiques des produits fournis. Elle offre ainsi au producteur une meilleure visibilité sur ses débouchés, mais elle peut aussi le fragiliser, les aléas climatiques n’étant pas susceptibles d’être contractualisés.

C’est pourquoi le groupe du RDSE a toujours plaidé pour la mise en place d’une assurance récolte obligatoire, interrégionale et interfilières.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Rendre cette assurance obligatoire en ferait baisser le coût en mutualisant les risques et constituerait donc une forme de péréquation. On peut espérer que le dispositif retenu par la LMAP permettra de tendre vers une amélioration de la situation.

Quels sont, à ce jour, les taux de pénétration dans les différentes filières ? Où en est-on du rapport que le Gouvernement devait remettre avant la fin du mois de janvier sur les conditions et modalités de mise en œuvre d’une réassurance publique ?

Faute de cette réassurance, il n’y aura pas de lancement d’une assurance fourrages ni de développement fort de l’assurance multirisque climatique actuelle pour les grandes cultures et la viticulture.

La sécheresse qui s’installe dans nos zones céréalières et herbagères ne fera qu’aggraver la situation et livrer à la spéculation le marché des denrées alimentaires.

Vous défendez les producteurs, qui sont souvent de petits producteurs. Vous avez été entendu par la Commission européenne et avez obtenu la modification du redoutable autant qu’obscur droit européen de la concurrence afin de permettre aux producteurs de se regrouper en organisations de producteurs. Ce sera le moyen d’agir dans un environnement agricole international concurrentiel et faussé, car spéculatif, et donc dévastateur pour les exploitations familiales.

Une proposition de règlement de la Commission européenne visant à rééquilibrer les relations entre producteurs et acheteurs est actuellement en discussion au Parlement européen et au Conseil. Elle reprend plusieurs recommandations du groupe d’experts de haut niveau constitué en octobre 2009 pour réfléchir à l’avenir du secteur laitier et préparer la suppression des quotas.

Cette proposition tend à autoriser la conclusion de contrats en laissant les États membres libres de décider de leur caractère obligatoire. Elle vise aussi à permettre aux producteurs de se regrouper sur une base plus large, par exception au droit de la concurrence. On y reconnaît votre engagement, monsieur le ministre.

Vous êtes reconnu comme un défenseur de la compétitivité de notre agriculture. En conséquence, vous devrez convaincre nos partenaires, et souvent concurrents, au prochain sommet du G20, d’agir en amont sur l’instabilité des prix agricoles.

Les agriculteurs sont inquiets, car ils ne sont pas en mesure d’amortir les coups de boutoir du marché qui soumettent leurs revenus à trop d’aléas. Ils veulent que les pouvoirs publics français et européens trouvent un équilibre entre péréquation, mutualisation, solidarité, d’une part, et liberté d’entreprendre, d’autre part. Le contrat apparaît comme la meilleure réponse à leurs aspirations. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour sa généralisation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mesure phare de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la contractualisation méritait un débat parlementaire au moment où sa mise en œuvre devient effective. Aussi je tiens à remercier notre collègue Nathalie Goulet, sénatrice de l’Orne, d’avoir pris cette initiative.

La contractualisation nous a été présentée comme une réponse aux conséquences de l’ouverture des marchés. Nous pensons que c’est une mauvaise réponse. En effet, la contractualisation mise en place par la loi de modernisation agricole ne parviendra ni à juguler les dérives du système capitaliste et les crises qu’il entraîne ni à sécuriser les relations commerciales, car elle s’inscrit dans un système malade sans en changer les règles du jeu !

C’est pourquoi le principe d’une contractualisation obligatoire ne sera pas à même de remplacer les mesures de régulation nécessaires pour le secteur agricole, mesures qui relèvent de la responsabilité des États. C’est ce que nous nous efforcerons de montrer dans un premier temps.

Ensuite, le mode contractuel est l’expression même d’un rapport de forces. Il confirme la volonté du Gouvernement de s’engager dans une gestion purement privée des relations commerciales agricoles. Cependant, le contrat n’est pas suffisant pour équilibrer les relations entre les différents acteurs.

En conséquence, même si la politique agricole était orientée, comme nous le souhaitons, vers une juste rémunération du travail, une régulation des stocks, un bannissement de la spéculation, une régulation des prix, la relation contractuelle pourrait encore se traduire par un déséquilibre dans les relations commerciales entre producteurs et acheteurs.

Lors des débats sur la loi de modernisation agricole, les sénateurs de l’opposition et de la majorité ont tous constaté, ainsi que vous-même, monsieur le ministre, l’ampleur de la gravité de la crise du secteur agricole qui a touché l’ensemble des agriculteurs et l’ensemble des secteurs.

Rappelons quelques chiffres mentionnés dans le rapport du Sénat sur la LMAP : après une baisse de 23 % en 2008, le revenu net par actif non salarié des exploitations professionnelles a chuté, toutes productions confondues, de 32 % en 2009. Les producteurs de céréales, oléagineux et protéagineux ont enregistré une baisse du revenu atteignant près de 50 %. Pour les producteurs de fruits et légumes, la baisse est de 53 % en arboriculture fruitière et de 34 % en horticulture.

Si le revenu agricole a augmenté en 2010, il reste inférieur de 15 % à la moyenne des revenus français. L’alimentation représente 15 % du budget des ménages, mais seulement 4 % des bénéfices reviennent aux producteurs. Vous avez expliqué cette hausse du revenu agricole, monsieur le ministre, par des facteurs conjoncturels, comme l’embargo russe sur les céréales, qui a fait remonter le cours du blé, et par l’action du Gouvernement, notamment auprès de la Commission européenne, pour « l’obliger à intervenir sur les marchés ».

Cette analyse montre à quel point le secteur agricole livré au libéralisme est fragilisé. Il est soumis sans garde-fous à la volatilité des marchés, qui s’explique, comme le notait l’étude d’impact sur la LMAP, par diverses causes : les aléas climatiques et sanitaires, le décalage entre l’évolution de la demande et la réponse de l’offre, le caractère périssable d’un grand nombre de produits, la non-mobilité des actifs matériels ou encore le lien de la production agricole avec le sol.

La sécheresse qui sévit dans le pays depuis plusieurs semaines va encore créer de nouvelles difficultés pour un nombre important d’exploitants, les plus touchés étant pour le moment les éleveurs, car la sécheresse a déjà des conséquences dramatiques sur les fourrages.

Depuis le début du mois, les premières coupes de foin montrent des rendements en baisse de 30 % à 40 % selon les zones. Et, au-delà de ses conséquences physiques, la sécheresse ne manquera pas d’entraîner des appétits spéculatifs sur les matières premières agricoles.

Monsieur le ministre, vous avez proposé la mise à disposition des jachères. Cet après-midi, vous avez suggéré que le Fonds de garantie des calamités agricoles, qui est doté d’une centaine de millions d’euros, soit réuni fin juin ; c’est un bon début. Cette situation de crise montre à quel point il est vital que l’État soutienne ses agriculteurs. Cela s’impose d’autant plus que la LMAP a prévu de supprimer le Fonds national de garantie contre les calamités agricoles, fondé sur la solidarité, au profit du Fonds national de gestion de risques en agriculture, qui privilégie l’assurance individuelle.

Dans ce cas précis, quels bénéfices les producteurs peuvent-ils tirer de la contractualisation pour faire face à la crise ? Ils doivent, dans tous les cas, assumer la forte augmentation des prix des intrants et les pertes financières liées aux phénomènes climatiques. Ils supportent seuls les risques d’une filière qui s’enrichit dans ses derniers maillons. C’est pourquoi nous n’étions pas d’accord avec vous quand vous avez déclaré en octobre dernier, monsieur le ministre, que « disposer de contrats signés constitue la meilleure garantie de revenu si le marché se retourne ».

M. Gérard Le Cam. Dans ce contexte économique de plus en plus tendu, avec la multiplication des crises sanitaires, énergétiques ou d’origine climatique, il est nécessaire, à l’échelon européen, de promouvoir une politique agricole commune qui n’abandonne pas le principe d’une régulation horizontale, par exemple au niveau de la production et de l’offre ; une politique plus juste qui favorise la diversité des productions et les petites exploitations en gérant les volumes, en limitant les importations abusives, en favorisant les exportations dans un cadre équilibré.

La contractualisation seule n’empêche pas la concurrence entre producteurs ou entre bassins de production. Elle n’empêche pas le dumping social et environnemental. Certains économistes considèrent qu’elle aura des conséquences sur le comportement des transformateurs et des collecteurs, qui se demanderont avant d’investir dans telle ou telle région : « Qui sera le plus compétitif, demain, pour produire des céréales de bonne qualité ou du lait à une saison où j’en ai besoin ? » Ils considèrent que cela renforcera les écarts entre ceux qui sont aptes à remplir le cahier des charges et à en tirer une valeur ajoutée et ceux qui ont plus de difficultés et qui voyaient leur revenu garanti par la politique agricole commune.

Ensuite, quelle portée peut avoir la contractualisation quand on sait que, face à sept centrales d’achats et 11 500 entreprises agroalimentaires, il existe 507 000 exploitations agricoles, dont 326 000 exploitations professionnelles ? Sans doute la même que la charte de bonne conduite que Nicolas Sarkozy avait signée avec la grande distribution…

Le président de la section laitière de la fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles de l’Ouest remarquait récemment à propos des contrats laitiers : « Tout ce que j’ai lu jusqu’à présent me donne plutôt le sentiment que les entreprises cherchent à imposer leurs conditions aux éleveurs et à se défaire au maximum de leurs obligations envers eux. » En bref, on ne règle rien !

De plus, l’ensemble des syndicats de la profession se montrent très critiques sur le contenu même des contrats et sur les pratiques abusives auxquelles ils pourraient donner lieu.

S’il est fait état d’une référence de prix, celle-ci ne constitue en aucun cas un prix fixe : il ne s’agit que d’une modalité de calcul. De plus, les clauses de sauvegarde se multiplient afin de permettre aux entreprises de déroger à l’application des indices interprofessionnels. S’agissant du lait, ont été relevées plusieurs clauses visant à imposer des volumes à produire avec une obligation de régularité ou permettant aux entreprises de se dégager de leurs obligations de collecte en cas d’intempéries. Ces dispositions ne sont pas acceptables et nous ne pouvons que les dénoncer ici. De quelles armes disposera le producteur pour se défendre contre de telles pratiques ? La concentration de la production a paru constituer une solution séduisante mais, ne nous y trompons pas, elle laissera au contraire des agriculteurs sur le bord de la route.

La question de la cession du contrat en même temps que la cession de l’exploitation qui pourrait être refusée par l’entreprise est une aberration !

Enfin, il est profondément choquant que certaines clauses constituent des entraves à la liberté syndicale, principe à valeur constitutionnelle. Ce fut le cas pour les contrats Lactalis que vous avez pointés du doigt, monsieur le ministre : la clause imposée par l’entreprise stipulait que les contrats seraient annulés si les producteurs cessaient de livrer leur lait ou se mettaient à manifester.

Mme Nathalie Goulet et Mme Maryvonne Blondin. Exactement !

M. Gérard César. Il s’agit là d’un droit de vie ou de mort qu’elle s’accorde sur les exploitations. C’est intolérable dans un État de droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, montée des risques climatiques, prise en compte des impératifs environnementaux, volatilité accrue des prix agricoles, réduction des soutiens publics et démantèlement des instruments d’intervention sur les marchés : notre agriculture vit depuis quelques années un véritable bouleversement.

La LMAP, votée voilà près d’un an, avait pour objectif de permettre à la « ferme France » de faire face au nouveau contexte en favorisant la structuration des filières et en permettant à l’agriculteur de mieux gérer ses risques.

Avec le renforcement des interprofessions, lié à l’obligation du regroupement des producteurs, la contractualisation est l’un des moyens proposés pour mieux structurer les filières agricoles et agro-alimentaires.

L’enjeu n’est pas mince. Pour les acteurs de la filière laitière, avec la fin des quotas européens en 2015, produire ne suffira plus : il faudra savoir vendre et s’assurer des débouchés.

Anticiper la réforme de la PAC était nécessaire, et le groupe de travail sénatorial présidé par Jean-Paul Emorine et coprésidé notamment par Jean Bizet est à la manœuvre pour vous aider, monsieur le ministre, dans cette affaire délicate.

Bien entendu, la France se bat pour une PAC forte après 2014, qui donnerait plus de place à la régulation. Mais nous ne reviendrons pas au système semi-administré d’hier. Une majorité d’États membres reste fondamentalement attachée à l’orientation de la PAC vers le marché.

En ma qualité de rapporteur de la LMAP, j’ai donc soutenu la mise en place de la contractualisation, en lui apportant quelques adaptations.

En premier lieu, nous avons tenu, avec votre accord, monsieur le ministre, à ce que la contractualisation soit d’abord l’affaire des interprofessions. Ainsi, la loi prévoit que le cadre contractuel fixé par accord interprofessionnel remplacera celui qui est fixé par l’État. Ce dernier définit donc simplement un régime par défaut. Il appartient aux acteurs du monde agricole de se mettre d’accord pour déroger à ce cadre.

En second lieu, par souci d’équité, j’ai veillé à ce que les coopératives soient soumises à la même obligation de contractualisation avec leurs adhérents que les autres opérateurs. Ce qui me paraît aller de soi, c’est que le coopérateur apporte l’intégralité de sa production à sa coopérative.

La loi a fixé en juillet 2010 le cadre de la contractualisation. Il restait à donner à cette contractualisation une consistance.

Aucun accord interprofessionnel n’étant intervenu, ce sont deux décrets qui ont défini par défaut le régime contractuel.

Dans le secteur du lait, les acheteurs ont l’obligation de proposer un contrat aux producteurs depuis le 1er avril. Dans celui des fruits et légumes, les contrats sont obligatoires depuis le 1er mars.

Si la contractualisation est et demeure, je le répète, un excellent principe, sa mise en œuvre suscite plusieurs interrogations.

Tout d’abord, la relation reste déséquilibrée entre les producteurs et les industriels qui leur achètent leur production. Les regroupements en organisations de producteurs puissantes n’ont pas encore eu lieu, ce qui ne met pas les producteurs en position de force dans la négociation, mais cet état de fait est de leur responsabilité.

En ce qui concerne le secteur du lait, je n’ai pas l’impression que les industriels aient proposé des contrats d’intégration, ce qui était la crainte initiale des producteurs. Cependant, ce déséquilibre a une traduction concrète : les clauses des contrats sont rédigées de manière plus favorable à l’acheteur qu’au producteur de lait. Certains contrats prévoient que le prix sera fixé non pas en fonction d’indices de tendance mais « de manière à conserver la compétitivité » du secteur d’activité, ce qui ouvre la voie à une renégociation permanente.

En conséquence, peu de contrats ont été signés à ce jour. Une grande méfiance prévaut et nous attendons avec impatience le rapport du médiateur des contrats, qui doit contribuer à rapprocher les points de vue.

Quelles mesures pourraient être envisagées pour que la contractualisation soit plus équilibrée dans le secteur du lait, entre producteurs et industriels ? C’est à cette question qu’il faut s’atteler pour réussir la contractualisation dans cette filière.

Ensuite, dans le secteur des fruits et légumes, la conclusion de contrats pour trois ans paraît difficilement compatible avec l’activité de vente sur les marchés de carreau. Sur ces marchés, on trouve le plus souvent de petits producteurs et des produits dont la disponibilité dépend fortement des conditions météorologiques, et la marchandise n’étant pas stockable, elle doit être vendue. Bref, la logique économique de ces marchés est plutôt celle d’achats d’opportunité.

Or l’amende due par les acheteurs qui n’ont pas proposé de contrat ou qui ont proposé des contrats non conformes au décret est très dissuasive, si bien que des petits acheteurs, notamment des supermarchés de taille moyenne, préfèrent s’insérer dans des gros circuits d’approvisionnement plutôt que de gérer leurs relations avec une multitude de producteurs locaux.

Il serait donc souhaitable de simplifier la contractualisation pour ce type d’activité et de ne pas pénaliser les petits producteurs, qui risquent de se retrouver avec leur marchandise invendue, faute de cadre juridique adapté.

En conclusion, monsieur le ministre, comme je m’interroge sur les perspectives pour la contractualisation, je vous poserai trois questions.

Premièrement, peut-on étendre le principe de la contractualisation au secteur de la viande bovine ?

Deuxièmement, la contractualisation peut-elle être étendue tout au long de chaque filière, faute de quoi le milieu de filière sera pénalisé ? Pour ma part, j’estime que les distributeurs doivent, eux aussi, pouvoir être responsabilisés.

Troisièmement, pour amortir les variations des prix de l’alimentation animale, une contractualisation interfilières est-elle envisagée ? Monsieur le ministre, vous avez été à la manœuvre pour obtenir un accord le 3 mai dernier, mais il s’agit davantage d’un engagement moral que d’un dispositif contraignant pour les parties.

Telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur la contractualisation, mesure phare de la LMA. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie ma collègue Nathalie Goulet de nous donner l’occasion de débattre de la contractualisation dans le secteur agricole.

Mon intervention sera complémentaire de la sienne puisque je n’évoquerai que la filière des fruits et légumes, pour laquelle l’application de l’obligation de contractualisation n’est pas facile.

Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de rappeler mon soutien au principe de la contractualisation, qui doit aboutir à une meilleure transparence des transactions et à une amélioration de la régulation des marchés.

Pour les fruits et légumes, nous constatons deux secteurs bien distincts : grande distribution et marché traditionnel.

Les ventes à la grande distribution représentent 90 % de la production de fruits et légumes frais. La contractualisation ne semble pas poser de problèmes à la production. Par ailleurs, en ce qui concerne les grandes surfaces, elles souhaitaient, me semble-t-il, ce type d’organisation. C’est sûrement très utile pour adapter l’offre à la demande, sécuriser et réguler ainsi l’approvisionnement de la grande distribution.

Est-ce à dire qu’il n’y aura plus de problèmes de régulation de marchés ? Pour avoir lu avec intérêt les contrats de plusieurs centrales, je pense, monsieur le ministre, qu’il reste encore beaucoup à faire à cet égard pour satisfaire les producteurs et limiter les crises.

Nous souhaitons vivement que, pour perfectionner ces contrats, vous puissiez vous appuyer sur une interprofession bien structurée et forte et que les secteurs professionnels et interprofessionnels prennent bien en compte les problèmes de tous les acteurs.

À côté de la grande distribution existent les ventes au marché traditionnel.

Les ventes sur les carreaux, dans les marchés d’intérêt national ou dans les marchés de gros – 19 marchés d’intérêt national et environ 40 marchés de gros – ainsi que sur les marchés de gré à gré sont souvent liées à une ou plusieurs productions locales. D’une manière générale, il s’agit de l’ensemble des lieux où se rencontrent producteurs et acheteurs. Tous ceux qui produisent les marchandises visées sont concernés, car même ceux qui vendent au détail directement aux consommateurs écoulent presque toujours une partie de leur marchandise sur les marchés de gros.

Aujourd’hui, l’ensemble des 19 marchés d’intérêt national représentent à eux seuls 2 280 opérateurs permanents, 26 000 emplois permanents, 4 150 producteurs réguliers, 62 500 acheteurs. Il convient d’ajouter les marchés de gros et les marchés de producteurs. Ce n’est donc pas négligeable.

Qu’apportent ces marchés ? Quel type de produits y trouve-t-on ?

Ces marchés apportent des produits de saison, extra frais, qui sont cueillis au bon moment, ont du goût, de la saveur et sont très variés. Les restaurateurs recherchent ces produits : leurs achats sont souvent spontanés et relèvent fréquemment du coup de cœur.

La France est reconnue à l’UNESCO pour sa gastronomie. Nous avons besoin, pour notre cuisine renommée, de produits de qualité, de la production variée de nos terroirs.

Alors que la grande distribution supprime tous les ans des références de petites productions, et ce sont autant de fruits ou de légumes qui, à court terme, vont disparaître, il faut laisser faire cette mise en marché spontanée, qui nous permet de maintenir de très anciennes variétés de fruits et de légumes. Ces produits, très goûteux, représentent nos terroirs.

Pour les producteurs qui pratiquent la vente directe de ce type de produits, ce marché ne suffit pas : ils ne peuvent y être présents tous les jours pour écouler toute leur production. Ils ont besoin des grossistes, de leur savoir-faire ainsi que de leur clientèle.

Or, aujourd’hui, les producteurs et les grossistes ne peuvent pas appliquer la contractualisation telle qu’elle est proposée.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué par courrier à mon collègue député Jean Dionis du Séjour que l’application du décret concernant la contractualisation peut à tout moment être suspendue si un accord interprofessionnel est conclu et que vous envisagiez d’assouplir les règles de mise en œuvre de la contractualisation des ventes au carreau. Pouvez-vous nous indiquer ce que vous comptez faire ?

Je tiens à redire que la contractualisation sur ce type de marché traditionnel, qui rassemble à un moment précis producteurs, acheteurs et marchandises, est, par sa nature même, très difficile à réformer. Il s’agit d’acheter de gré à gré, en toute liberté, souvent de petites quantités provenant de petits producteurs habitués à défendre le prix des denrées déposées sur le carreau. Après cette rencontre physique, chacun se sépare, sans autre engagement que celui de livrer la marchandise.

Ces productions sont difficilement programmables compte tenu des aléas climatiques et sanitaires, mais aussi des contraintes d’exploitation, de main-d’œuvre, etc. Seule cette commercialisation de gré à gré constitue un marché libre qui pourra donner quelques indications de tendances de prix, le reste étant pour une grande part contractualisé.

Quelle solution peut apporter le Gouvernement ?

Monsieur le ministre, en de nombreuses occasions, vous nous avez démontré votre attachement à notre agriculture. Une fois de plus, nous faisons appel à vous pour que soit prise en considération la situation particulière de nos marchés traditionnels.

Sur ces marchés, les opérations de vente et de transmission de la marchandise à l’acheteur étant simultanées, les acteurs vous proposent de prendre en compte, à titre de contrat, le bon de livraison ou, éventuellement, la facture. Le bon de livraison rédigé sur le marché est en fait le seul contrat précis qui peut être réalisé, le seul qui donnera aux pouvoirs publics tous les éléments souhaités.

Faut-il absolument garder ces marchés professionnels ?

Monsieur le ministre, l’importance de ces marchés est bien supérieure aux 7 % à 10 % de produits qu’ils traitent. Ils sont précieux pour nos territoires, en termes de proximité, d’économie, d’emploi. Ils sont indispensables pour la conservation de nos productions régionales. Ils nous permettent d’identifier et d’animer nos territoires.

Je ne veux pas tomber dans le catastrophisme, mais je crains que, si le marché traditionnel ne conserve pas sa liberté, nous n’ouvrions toutes grandes les portes de l’importation !

En effet, les grossistes, qui détiennent 20 % du marché des fruits et légumes, ne vont pas rester les bras croisés et se laisser mourir sur place. Ils préparent déjà leur reconversion à l’importation : c’est plus facile et plus simple ! Chez nous, dans le Sud-Ouest, leurs yeux sont déjà tournés vers Perpignan, qui est la base d’échanges avec l’Espagne.

Monsieur le ministre, à quel avenir pouvons-nous nous attendre pour ce secteur ? Nous ne pouvons nous résoudre à voir disparaître ces marchés, car ils constituent une authentique richesse pour notre pays, sans même parler de tous ceux qu’ils font vivre. Nous comptons sur votre compétence et votre détermination pour clarifier et simplifier cette procédure, afin de rendre plus acceptable par tous ce mode de commercialisation. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Souffrez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’une Finistérienne remplace une Morbihannaise. En effet, Odette Herviaux, qui s’était beaucoup impliquée dans la discussion de la LMAP, n’avait pas prévu le report du présent débat.

Les producteurs laitiers ont reçu les propositions de contrat au cours des mois de mars et d’avril 2011. Il s’agissait, je vous le rappelle, de la mesure emblématique de la LMAP ; certains la qualifiaient même de « potion magique » pour remédier aux crises structurelles et conjoncturelles qui frappaient durement les agriculteurs. La filière laitière était alors le symbole de ce monde agricole en crise.

Mais que cette potion est dure à avaler pour les producteurs !

Même si certains contrats prennent en considération les préconisations du guide interprofessionnel des bonnes pratiques contractuelles, diffusé par l’interprofession du lait le 1er mars dernier, il ressort des premières analyses menées par les professionnels et les organisations syndicales que l’emprise des industriels a tendance à se renforcer. Ce terrible constat plonge les producteurs dans un désarroi bien compréhensible, alors que la loi était censée rééquilibrer les rapports de force économiques à leur profit.

En réalité, les industriels proposent de nombreuses clauses parfaitement inacceptables, qui dégradent la position des agriculteurs, les ravalant au rang de sous-traitants dociles et silencieux. Cette mise sous tutelle est inacceptable. Elle conduit d’ailleurs de nombreux responsables syndicaux à conseiller très fortement d’attendre avant de signer ces contrats.

L’analyse détaillée des orientations concrètes mises sur la table par les transformateurs ne laisse pas de surprendre. À titre d’exemples, je citerai : l’instauration de clauses de sauvegarde remettant en cause le suivi des indices interprofessionnels pour la fixation du prix ; l’imposition d’un volume à produire aux producteurs après quotas, avec une obligation de régularité des livraisons ; de nouveaux critères de qualité du lait, hors accord interprofessionnel ; le conditionnement de la collecte à des critères d’accès à l’exploitation fixés par l’entreprise ; le dégagement des obligations de collecte des entreprises en cas d’intempéries ; des clauses de subordination à l’entreprise sur la cessibilité ou les évolutions d’exploitations… Mais il y a encore p1us révélateur de l’état d’esprit de certains industriels : des entraves à l’exercice du droit syndical, voire son interdiction unilatérale.

Il apparaît donc clairement que, pour un grand nombre de transformateurs, ces contrats ne sont qu’un prétexte pour concrétiser leur projet d’intégration des producteurs, rendant ces derniers entièrement dépendants du bon vouloir de quelques actionnaires, de surcroît peu préoccupés par la dignité humaine, économique et financière de ceux qui rendent possible leur commerce.

J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous aviez vous-même dénoncé les premiers contrats proposés par les laiteries. Alors, pourquoi ne pas nous avoir écoutés ? Dès l’examen de votre projet de loi, nous vous avions alerté sur les dangers d’une détermination librement consentie du prix, sans garantie par la puissance publique d’un prix plancher couvrant au moins les coûts de production, seule à même de rééquilibrer des relations commerciales largement défavorables aux agriculteurs, et plus fondamentalement d’assurer la pérennité de leurs exploitations.

La méthode que vous avez adoptée a même aggravé ces difficultés : la préparation du projet de loi s’est faite en moins de six mois ; le choix de la procédure accélérée par le Gouvernement a réduit à trois semaines le temps d’examen des sénateurs et des députés ; la mise en place de la contractualisation a été décidée par décret, à marche forcée, sans accord formel des syndicats agricoles et des interprofessions concernées, qui demandaient plus de temps.

Pourquoi n’avez-vous pas voulu prendre en considération les positions transpartisanes en faveur d’une contractualisation négociée dans le cadre des interprofessions ? Nous n’avons cessé de rappeler que les principes d’un régime contractuel agricole étaient déjà présents dans les accords interprofessionnels agricoles à long terme. Ces contrats, véritablement collectifs, sont en effet conclus entre les représentants de la profession agricole et ceux des industries agroalimentaires, voire de la distribution. Visant à organiser la commercialisation des produits agricoles, ils peuvent être étendus, de façon obligatoire, à tous les acteurs de la filière, après enquête publique.

D’une façon générale, est-il besoin ici de l’indiquer, un contrat doit être équilibré et reprendre les droits et engagements des deux parties, dans le cadre d’une véritable négociation collective.

Face à ces mauvaises intentions, qui ne sauraient être considérées comme des erreurs ou des cafouillages techniques, la puissance publique doit assumer ses responsabilités, notamment en encourageant et en soutenant le regroupement des producteurs.

Pouvez-vous nous communiquer le contenu et le délai de parution du décret relatif à l’organisation des producteurs ? Votre réponse est cruciale, car les producteurs ne pourront rien négocier seuls face à l’entreprise agro-alimentaire ou le distributeur.

Pouvez-vous également nous garantir que le rapport, prévu pour la fin juin, du médiateur de la contractualisation laitière, dont nous ne mettons pas l’impartialité en doute, servira à corriger les graves dysfonctionnements que nous observons ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, grâce à l’adoption de la fameuse LMAP, l’année 2010 fut une année charnière pour l’agriculture. Cependant, avec la menace de la sécheresse qui se précise, cette année 2011 s’annonce tout aussi cruciale.

Près de la moitié des départements subissent des restrictions d’usage de l’eau. À l’heure actuelle, les assureurs ont déjà anticipé les pertes, en évaluant en moyenne à 15 % la baisse de rendement pour les céréales à paille et le colza.

Si la menace persiste, les déséquilibres entre production et demande vont aller s’accentuant, ouvrant la porte, à nouveau, à la spéculation sur ces matières premières agricoles.

Plus généralement, l’évolution générale de l’offre et de la demande de grains et singulièrement de blé, de maïs et d’oléagineux laisse augurer d’une situation d’approvisionnement plus serrée au cours des prochaines années, dont les conséquences peuvent être préoccupantes pour les pays importateurs et, en France, pour l’élevage utilisateur de grains.

La première réponse à apporter est, bien sûr, une augmentation de la production de grains, de fait abandonnée depuis la première réforme de la PAC en 1992, qui a entraîné l’installation du système des jachères. Il nous faut: produire plus et produire mieux, c’est-à-dire mettre en place une croissance durable.

Parallèlement, pour maîtriser au mieux la régulation de cours, il faut encourager l’installation de stocks physiques, qu’ils soient publics ou privés. La profession propose d’ailleurs un plan silos de 5 millions de tonnes.

La contractualisation, autre pilier de cette régulation souhaitée par tous, a été prévue dans la LMAP, mais n’est pas encore totalement entrée dans les faits, il s’en faut. Certains secteurs, comme le lait et les fruits et légumes, sont à ce jour couverts cette obligation qui leur a, hélas ! été imposée par voie réglementaire, à défaut d’avoir été véritablement négociée.

Vous avez d’ailleurs, monsieur le ministre, nommé il y a quelques semaines un médiateur de la contractualisation laitière pour veiller aux bonnes relations entre producteurs et acheteurs lors de la conclusion ou de l’exécution desdits contrats, afin de prévenir tout litige.

Néanmoins, pour ce qui concerne le lait, je ne peux que noter la réticence d’une partie des éleveurs laitiers, qui contestent le fait de ne pouvoir s’organiser en tant que producteurs alors que, dans le cadre de cette régulation, l’Europe et vous-même, monsieur le ministre, aviez bien rappelé la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs en leur permettant de se regrouper en organisations.

Qu’en est-il donc de ce « mini-paquet européen » censé autoriser l’organisation des producteurs par rapport à la répression des fraudes, mais qui n’est toujours pas entré dans les faits ?

Dans le domaine des fruits et légumes, la LMAP a certes constitué une véritable avancée pour sécuriser les transactions commerciales pour les groupements de producteurs, mais force est de constater que les variations climatiques ont des répercussions sur les productions soit à la hausse, soit à la baisse. Un engagement à hauteur de 100 % des achats sur une période de trois ans paraît donc peu en phase avec la réalité de certains marchés, notamment les marchés de gré à gré. Ne faudrait-il pas adapter cette mesure à ce cas particulier, comme l’a déjà souligné notre collègue Nathalie Goulet ?

Plus largement, il apparaît que ces contrats devraient être étendus à l’ensemble de la chaîne et pas simplement entre le producteur et son premier acheteur. Si ce dernier ne peut rien répercuter sur l’aval, il ne pourra pas tenir.

La grande distribution doit être impliquée dans ces contrats. Il est temps, monsieur le ministre, que ce verrou saute !

Enfin, en tant que représentant d’une région non seulement céréalière mais aussi d’élevage, je souhaite revenir sur le projet de contractualisation entre ces deux filières. Celles-ci travaillent sur un projet d’accord de contractualisation volontaire « céréaliers-éleveurs », en phase finale de discussion entre les partenaires situés en amont de la filière. Cette négociation regroupe des producteurs de céréales et d’oléo-protéagineux, des éleveurs, des organismes coopératifs collecteurs de céréales et des fabricants et négociants d’aliments du bétail. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette initiative.

À l’heure où les éleveurs souffrent d’ores et déjà de la sécheresse, où certains d’entre eux, vu l’état des pâturages, doivent abattre des bêtes avant l’heure pour dégager des liquidités et ainsi acheter du fourrage pour nourrir le reste du troupeau, il est indispensable de créer les conditions d’une meilleure visibilité pour ces professionnels.

Or il ne peut y avoir d’avantages pour les éleveurs que si la démarche de contractualisation est adoptée tout au long de la filière, du producteur de grain au distributeur de produit fini. Il convient donc de prévoir un enchaînement de trois contrats types, connectés entre eux. Puis, pour que l’approche précédente porte ses fruits, une contractualisation « en aval », entre les éleveurs et leurs groupements, les abattoirs, les ateliers de découpe et la grande distribution est indispensable pour permettre la répercussion de l’évolution du coût des matières premières sur le produit final.

À défaut, la démarche entreprise au niveau de l’amont verrait ses effets immédiatement accaparés par la distribution, sans aucun bénéfice pour les éleveurs.

Par ailleurs, l’Observatoire des prix et des marges doit être sollicité, et un comité de suivi au niveau ministériel nécessairement installé.

Il s’agit d’une préoccupation partagée par toutes les filières.

En outre, l’inscription, par la présidence française, de la volatilité des prix des matières premières agricoles à l’ordre du jour du G20 est une initiative majeure.

Enfin, un consensus s’est fait jour, partagé par les organisations internationales associées, sur la pertinence du sujet, la nécessité de travailler ensemble et d’améliorer la connaissance du fonctionnement de ces marchés, préalable indispensable à un début de coordination internationale visant à prévenir les risques et à y répondre. C’est ce volet de régulation des prix qui a fait l’objet de propositions de la France dans le cadre du G20 agricole, tenu ces derniers jours à Buenos Aires.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, des éclaircissements que vous voudrez bien nous apporter sur les différents éléments de ce dossier de la contractualisation.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs d’entre nous ont évoqué l’actualité, notamment la sécheresse. En regard de cette urgence climatique, la contractualisation, dont nous débattons ce soir, semble un sujet moins prioritaire pour le monde agricole et les agriculteurs, quelles que soient les filières.

Cette sécheresse qu’on annonce dramatique va avoir des répercussions très fortes dans les départements. Vous avez pris des initiatives, monsieur le ministre. Nous attendons d’en voir les résultats.

Nous tenons cependant à réaffirmer que cette sécheresse doit recevoir une réponse en termes de solidarité nationale, faute de quoi la situation économique des exploitations agricoles de notre pays se trouvera très dégradée.

Je reviens à présent au thème de la question orale.

Il y a un an, nous discutions ici même du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Le groupe socialiste avait voté contre l’ensemble du texte. Cette position était cohérente non seulement avec les propositions que nous avions défendues au cours du débat, mais également avec les ambitions que nous portons pour l’agriculture de notre pays. (M. Jean-Paul Emorine s’exclame.). Mais oui, monsieur Emorine !

Certaines des dispositions inscrites dans ce projet de loi semblaient pourtant aller dans le bon sens, et nous n’avions pas manqué de le souligner. Je pense notamment à l’article 1er, qui tentait de définir une politique de l’alimentation de la nation – c’était une première ! –, mais également à l’article 4, qui modifiait le code de commerce pour mieux encadrer certaines pratiques commerciales.

Je note également que plusieurs des propositions que nous avions présentées au cours du débat avaient reçu des soutiens sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, mais pas celui du Gouvernement...

En revanche, nous nous sommes résolument opposés à l’article 3 de la LMAP, qui constituait le cœur de ce texte, sa « tête de gondole » en quelque sorte, puisqu’il instituait le principe de la contractualisation dans le secteur agricole. Non que nous soyons opposés à l’émergence d’un cadre contractuel ! Bien au contraire, pour nous, la contractualisation doit être un élément essentiel dans les échanges économiques concernant les produits de l’agriculture, étant entendu qu’elle doit être accompagnée d’une régulation au niveau européen.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler que l’un de vos prédécesseurs avait mis en place les contrats territoriaux d’exploitation, les CTE,…

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Didier Guillaume. …tant décriés à l’époque par certains. Après que de nombreux contrats de ce type avaient été signés, tout le monde, y compris leurs détracteurs, s’était aperçu qu’il s’agissait d’un bon dispositif,…

M. Didier Guillaume. … propre à assurer le redéploiement de l’agriculture et la valorisation de la multifonctionnalité.

Il faut permettre à chacun de nos agriculteurs de vivre de son travail et non d’aides ou de subventions, qui, si elles peuvent se révéler nécessaires, ne doivent pas être une fin en soi. C’est l’enjeu économique de l’agriculture ; il y va tout bonnement de son avenir.

Si nous avions voté contre ce fameux article 3, c’est parce que la contractualisation telle que vous la conceviez ne nous paraissait pas de nature à remplir le rôle de moteur économique que vous vouliez lui donner.

À notre sens, il convenait de respecter deux exigences absolues pour réussir le pari de la contractualisation : d’une part, mieux associer les interprofessions, comme l’ont dit nombre d’orateurs avant moi ; d’autre part, garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, afin de rééquilibrer les relations commerciales amont-aval qui leur sont largement défavorables.

La question orale posée par notre collègue présente un intérêt majeur : elle nous permet de faire le point sur la contractualisation prévue par la LMAP un an après l’adoption de celle-ci.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la minute qu’il me reste, j’évoquerai la situation du secteur des fruits et légumes.

La contractualisation devait y apporter de la sérénité, l’ambition étant de sécuriser les revenus des producteurs. Or force est de constater aujourd'hui qu’elle n’a en rien eu de tels effets : depuis son entrée en vigueur, elle s’est malheureusement opérée à marche forcée, sans que l’interprofession soit toujours associée, et, pour l’instant, peu de contrats ont été signés.

Je veux le souligner à mon tour, dans tous les départements, la contractualisation pose un vrai problème sur les marchés d’intérêt national et sur les marchés de gré à gré. Or il est absolument exclu qu’elle puisse empêcher, dans le cadre des circuits courts, la poursuite des ventes directes.

À notre sens, la contractualisation doit porter sur une durée suffisamment longue pour aboutir à un partenariat « gagnant-gagnant » entre acheteurs et vendeurs. Lorsque le Gouvernement annonce, par la voix de son secrétaire d'État chargé du commerce, qu’il veut réduire la durée de contractualisation à moins d’un an, il prend l’orientation inverse de celle qui est souhaitable.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, la contractualisation devrait tout simplement avoir pour objectif de permettre aux agriculteurs de vivre de leur métier ; c’est ce que nous souhaitons tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Benoît Huré.

M. Benoît Huré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, la contractualisation est désormais obligatoire entre les acheteurs et les producteurs de lait, de fruits et légumes et d’agneaux de moins de douze mois, les producteurs étant cependant libres de refuser les contrats.

Il s’agit aujourd’hui d’un outil indispensable pour conforter l’agriculture française et consolider son avenir, malgré un contexte national et européen contraint et une situation internationale plus que difficile.

En soutenant la contractualisation et son extension, d’abord, prochainement, comme je l’espère, à la filière bovine, puis, à terme, à toutes les autres filières, nous pensons agir en faveur tant de l’agriculteur que du consommateur, lequel doit rester au cœur de nos préoccupations.

J’ai déjà abordé le sujet lors de précédents débats, mais je tiens à rappeler cet exemple : depuis le début des années quatre-vingt-dix, le prix de la viande bovine payé au producteur a baissé de près de 10 %, alors que celui qui est supporté par le consommateur a crû de 50 %.

Sur la même période, les agriculteurs ont connu une hausse du cours des céréales et du lait, pour ne citer que ces deux productions, hausse qui a été immédiatement répercutée sur les produits transformés, mais, par la suite, ces mêmes cours ont nettement baissé sans que, pour autant, le consommateur voie le moindre changement sur les prix des denrées alimentaires pratiqués par la grande distribution.

La contractualisation permet également de replacer au centre des débats et des politiques les interprofessions, qui voient désormais renforcée leur capacité à agir. Une interprofession réussie favorise un partage plus équitable des marges entre producteurs, transformateurs, distributeurs, et donc des prix acceptables pour les producteurs comme pour les consommateurs.

Au niveau européen, monsieur le ministre, vous défendez la régulation et la transparence des marchés agricoles, ce qui va de pair avec la contractualisation. Nous ne pouvons que vous soutenir dans votre démarche et vous assurer de notre volonté de poursuivre à vos côtés dans cette voie. Je me réjouis également de voir les mesures contenues dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche reprises à ce même niveau européen. Vous avez su remettre l’agriculture française à sa place de leader européen, et nous vous en remercions.

Votre travail permet au monde agricole de saisir la chance qui lui est offerte de mieux reprendre en main son avenir et d’avoir ainsi une meilleure visibilité sur ses débouchés, et surtout sur ses revenus. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, lorsqu’elle a fixé l'ordre du jour de nos travaux, la conférence des présidents n’avait pas envisagé que la séance d’aujourd'hui puisse se poursuivre au-delà de minuit. Or il paraît souhaitable, à mes yeux, d’achever le débat en cours.

Je vous propose donc de poursuivre la séance au-delà de minuit.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens pour ma part à aborder la situation du secteur de la viande, qui traverse une crise sans précédent depuis de nombreuses années sans percevoir le moindre signe d’amélioration. Éleveurs porcins, ovins, bovins : c’est toute une profession qui est actuellement en plein désarroi.

Crise du revenu depuis quatre ans, augmentation du prix de l’alimentation pour le bétail, envolée brutale des cours des céréales l’été dernier, blocage des abattoirs à la fin de l’année dernière, tout démontre que le secteur va mal et que le système actuel est en train de péricliter.

La hausse continue des coûts de production, conjuguée à la stagnation des prix de vente et à la concurrence internationale des pays émergents, met fortement en péril la pérennité du secteur de l’élevage français. Privés de perspectives d’avenir, de nombreux éleveurs sont amenés à abandonner la profession, tandis que les jeunes s’en détournent.

Certains n’hésitent plus à dire que la filière de l’élevage est en train de mourir ; et ce constat amer, je ne peux que le partager. Si rien ne se passe à très brève échéance, nous serons témoins de nombreux drames.

La priorité absolue est, bien évidemment, d’assurer un revenu décent aux éleveurs. C’est en vertu de cet objectif que la contractualisation a été proposée comme solution dans le cadre de la LMAP.

De ce point de vue, que pourrait apporter la contractualisation au secteur de l’élevage ? Et surtout, comment tirer les leçons des premiers écueils qu’a connus l’instauration d’une contractualisation obligatoire dans les autres secteurs ?

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la publication du décret sur la contractualisation obligatoire pour l’élevage en juillet prochain. Est-ce à dire qu’un seul décret sera pris pour l’ensemble des filières ?

Il faut absolument veiller à ne pas fondre dans un même moule des élevages et des productions très différentes, ni à se limiter, comme pour le lait ou les fruits et légumes, à la seule relation commerciale entre l’agriculteur et son premier acheteur.

Dans le secteur de l’élevage, encore plus que dans les autres, il convient d’aborder les choses plus en amont, d’encadrer tous les types de relations commerciales ayant une influence sur le secteur, tant entre fabricants d’aliments pour animaux et éleveurs qu’entre éleveurs, transformateurs et distributeurs. Il est nécessaire d’apporter à chaque maillon de la filière des outils de gestion des prix.

Comme pour tout autre secteur, il convient d’élaborer une négociation collective, passant par un renforcement des interprofessions, et des indicateurs de prix, pour rééquilibrer le pouvoir de négociation de chaque acteur, ce qui n’a été le cas ni pour le lait ni pour les fruits et légumes.

Des outils permettant de lutter contre la volatilité extrême des cours des céréales, ou tout du moins de la gérer au mieux, doivent être mis en place. Il importe en effet d’avoir à l’esprit que les coûts alimentaires représentent 60 % à 70 % du coût de revient des élevages monogastriques – porcs et volailles. C’est donc une problématique centrale pour les éleveurs.

L’accord volontaire « d’engagement de prise en compte des variations excessives des prix de l’alimentation animale dans les négociations commerciales », signé le 3 mai dernier, est censé apporter des réponses à cette situation de crise. Ce document a le mérite de démontrer la nécessité de l’intervention de l’État pour réguler le système, apporter des garanties aux agriculteurs et rééquilibrer les relations commerciales.

Cependant, il soulève un certain nombre d’interrogations. Tout d’abord, la mise en place de cet accord semble une bien maigre solution face à l’ampleur de la crise traversée par les agriculteurs. Ensuite, nous ignorons tout des bases sur lesquelles se feront les négociations. Enfin, si ces négociations venaient à aboutir, nous craignons que leurs résultats ne soient synonymes d’une revalorisation en bout de chaîne, et donc d’une augmentation du prix de la viande pour le consommateur. Si tel est le cas, un problème en remplacera un autre !

Une logique de marge doit primer sur une logique de prix, et le partage de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de production faire l’objet d’une extrême vigilance.

De ce point de vue, nous attendions beaucoup du premier rapport de l’Observatoire des prix et des marges. Or ses conclusions ont suscité de nombreuses polémiques, révélant qu’aucun maillon de la filière ne s’enrichissait vraiment et que les marges restaient faibles. L’augmentation des prix en grande distribution depuis une dizaine d’années serait liée à des charges nouvelles chez les transformateurs, notamment des charges d’ordre sanitaire. Les producteurs, qui, eux aussi, ont dû faire face à des normes plus contraignantes, ont été les seuls à ne pas avoir pu répercuter leurs coûts de production sur les prix.

Tout cela reflète bien le rapport de forces totalement déséquilibré dans les relations commerciales, et ce au détriment des éleveurs.

Les conclusions de l’Observatoire des prix et des marges sont d’autant moins satisfaisantes que de nombreuses études, émanant notamment de l’UFC-Que Choisir, montrent une augmentation des prix à la consommation de la viande sur la période 2000-2010 pouvant aller de 40 % à 50 %. À titre d’exemple, le kilo de bœuf coûte en moyenne 3,07 euros à la production et 11,61 euros à la consommation.

Il revient donc à l’Observatoire des prix et des marges de faire un énorme travail de recherche complémentaire pour collecter des données objectives, car il est difficilement imaginable que personne ne s’enrichisse dans cette chaîne de production alors que les prix à la consommation augmentent.

Et la situation déjà difficile des éleveurs ne risque pas de s’améliorer avec la sécheresse actuelle, qui entraîne des problèmes d’approvisionnement en fourrage ! Il est d’ailleurs clair que la sécheresse, sur laquelle je conclurai mon intervention, va avoir des répercussions dramatiques, en particulier pour les éleveurs, mais aussi pour le monde agricole en général.

Face à des aléas climatiques récurrents, il apparaît nécessaire de mettre en place de nouveaux systèmes de solidarité entre les filières, de manière à éviter les pénuries. Pourraient ainsi être envisagés des contrats interfilières assurant une gestion de l’offre et de la demande en paille et fourrages et s’appuyant sur une plateforme d’échanges entre bassins allaitants et bassins céréaliers.

Monsieur le ministre, dans la mesure où vous êtes vous-même favorable au développement de relations contractuelles entre les filières céréalières et d’élevage, pourriez-vous nous préciser vos propositions en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en réponse aux conséquences de l’ouverture des marchés que le Gouvernement, via la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, a notamment mis en place une contractualisation obligatoire entre producteurs et acheteurs. Cette voie de régulation des marchés, faut-il le rappeler, avait été fortement souhaitée par la profession agricole, plus particulièrement par les producteurs de lait.

La formalisation écrite des relations commerciales entre les producteurs et leurs premiers acheteurs devient donc la règle. Elle a pour objectif de donner plus de visibilité, aux agriculteurs, d’abord, dans un but de protection, mais aussi aux transformateurs et aux distributeurs, avec l’objectif de maîtriser, pour les premiers, leurs débouchés sur de longues périodes, et, pour les seconds, leurs approvisionnements.

Cette obligation de contrat écrit, couplée à l’interdiction, depuis le 28 janvier dernier, des remises, rabais et ristournes pour les transactions de fruits et légumes frais, constitue une réelle avancée en faveur de la stabilisation des revenus des producteurs français, avancée qu’il nous faut saluer.

Cependant, même s’il semble encore un peu tôt pour dresser un bilan objectif de la mise en œuvre des premiers contrats passés entre producteurs et acheteurs, certaines interrogations sur les modalités de ces contrats, relayées par les représentants du monde agricole, méritent dès à présent d’être prises en considération ; des réponses doivent y être apportées rapidement.

Trois points me paraissent devoir être relevés.

Tout d’abord, d’un point de vue général, les exploitants agricoles français sont actuellement soumis à d’importantes contraintes issues, d’une part, de l’hypervolatilité des cours des matières premières et, d’autre part, de la hausse importante du coût des intrants, notamment la facture énergétique.

Monsieur le ministre, afin de garantir un revenu final correct aux agriculteurs, il me semble nécessaire, en ce qui concerne les modalités de détermination du prix d’achat, de travailler à l’intégration d’une variable prenant en compte les coûts de production supportés par le producteur.

Par ailleurs, l’obligation de contrat ne porte que sur le premier acheteur. Dans ce cadre, les coopératives sont considérées comme premier acheteur et les centrales d’achat qui se fournissent auprès de ces coopératives n’ont pas d’obligation de contractualisation. Dans un contexte particulièrement tendu entre les producteurs et la distribution, il semble important de réfléchir aux modalités de généralisation de cette obligation aux centrales d’achat des grandes et moyennes surfaces, même si elles n’interviennent pas en tant que premier acheteur.

Dans le secteur des fruits et légumes, plus particulièrement, le choix d’une durée minimale de contractualisation de trois ans vise, par l’effet de lissage ainsi produit, à contribuer à restaurer la stabilité des prix des produits. Ce dispositif semble toutefois encore peu adapté à la volatilité, en termes de volume, ainsi qu’à la diversité des productions concernées. Les aléas climatiques – la sécheresse que notre pays rencontre à l’heure actuelle en constitue un exemple frappant – peuvent notamment affecter de manière totalement imprévisible les quantités de productions livrables.

Une attention toute particulière doit donc être apportée, dans la rédaction des contrats, aux modalités de révision du contrat, qui constituent déjà une mention obligatoire, afin de permettre une souplesse et une réactivité accrues en cas d’aléas climatiques.

N’oublions cependant pas qu’il existe, par ailleurs, d’autres problèmes qui ne pourront pas être réglés par la contractualisation : il s’agit notamment de ceux qui sont liés aux différences importantes de coûts de main-d’œuvre entre les pays de l’Union européenne. C’est un poste important de charges dans le secteur des fruits et légumes. Les régions frontalières, comme l’Alsace, souffrent particulièrement du manque d’harmonisation en la matière des politiques sociales et fiscales nationales.

Dans le secteur laitier, enfin, si le choix d’une contractualisation minimale de cinq années va dans le sens d’une stabilité à moyen terme des revenus pour les producteurs, il faut toutefois veiller à ce que la collecte du lait soit égale pour tous, qu’ils se trouvent en montagne, proches ou éloignés d’une usine. Le lait doit continuer à être collecté sur l’ensemble du territoire national. Or, à ce jour, les coopératives laitières ne représentent que 20 % de la collecte nationale, alors qu’aux Pays-Bas ou au Danemark on n’est pas loin des 100 %. Cela perturbe la distribution, qui a la possibilité de s’alimenter ailleurs que dans l’Hexagone. Des efforts sur la structuration du secteur laitier sont donc encore à mener.

En conclusion, je dirai que, si tout ne peut pas être réglé grâce à la contractualisation, il faut travailler autant que faire se peut à améliorer le dialogue entre producteurs et distributeurs et, pour que cela fonctionne, il est nécessaire d’avoir une organisation économique des producteurs et des interprofessions forte et solide, de manière à pouvoir répondre aux attentes des distributeurs et des consommateurs.

Monsieur le ministre, les enjeux liés à la réforme de la PAC, maintenant proche, doivent tous nous inciter à travailler au renforcement de l’organisation et de la structuration des grandes filières agricoles nationales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, on reproche parfois au Sénat d’agir avec lenteur. Cette fois, il faut reconnaître qu’il se hâte avec lenteur !

Les contrats ont été institués le 1er avril dernier pour le lait – c’est à cette date qu’est paru le décret concernant ce secteur – et le 1er mars dernier pour les fruits et légumes. (M. Gérard César acquiesce.) Nous dressons donc le bilan de mesures qui sont en vigueur depuis seulement deux mois, voire à peine un mois pour certaines. Quant aux coopératives, elles n’ont pas encore adopté les dispositions nécessaires à la mise en place de ces contrats, puisqu’elles ont jusqu’au 1er juillet prochain pour le faire.

Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d’être un peu plus prudent que vous dans l’appréciation que je porte sur la mise en œuvre de ces dispositifs. Comme le disait un Président de la République, que je respecte d’ailleurs, comme je le fais de tous les titulaires passés, présents ou futurs de cette fonction, il faut savoir « laisser du temps au temps ». (Sourires.)

Seconde remarque générale, je crois en la contractualisation. Je l’ai défendue à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et je continue à y croire. Je suis convaincu que l’avenir nous donnera raison, comme à tous ceux qui ont soutenu cette démarche. La contractualisation est, à mes yeux, le seul moyen de gagner en visibilité, donc en prévisibilité, au profit de l’ensemble des agriculteurs de France.

J’en viens au fond du sujet, et j’évoquerai tout d’abord le réquisitoire que Mme Goulet a prononcé contre les contrats.

Comme c’est votre anniversaire aujourd'hui, madame Goulet (Sourires.),…

Mme Nathalie Goulet. C’était hier, maintenant ! (Nouveaux sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. … à quelques minutes près, en effet, je n’aurai pas la discourtoisie de critiquer trop violemment votre dénonciation de ce bébé âgé d’un mois et demi à peine que sont les contrats laitiers.

Toutefois, permettez-moi de relever quelques inexactitudes dans vos propos.

Vous critiquez les contrats dans les coopératives, en soulignant qu’ils sont une source d’inquiétude. Or ils n’existent pas encore ! Je le répète, les coopératives ont jusqu’au 1er juillet prochain pour régulariser leur situation. À partir du moment où elles disposent d’un volume global apporté par les producteurs qui en sont membres et qui sont associés à leur capital, elles sont appelées à définir, dans ce cadre collectif qui leur est propre, la façon dont elles mettent en place le contrat.

Vous déplorez le problème spécifique né de la distinction, au sein des quotas, entre les volumes A et B, ces derniers étant, selon vous, rémunérés à des tarifs absolument scandaleux et inacceptables dans le cadre des contrats. Je vous rappelle que, aujourd'hui, les volumes B non seulement ne sont pas payés, mais font en outre l’objet de pénalités de la part de la Commission européenne pour cause de surproduction, laquelle n’est pas acceptable dans le cadre des quotas.

M. Benoît Huré. Exactement.

M. Bruno Le Maire, ministre. Par ailleurs, vous affirmez qu’il faudrait attendre que les organisations de producteurs existent pour mettre en place les contrats. Néanmoins, ces organisations existent déjà, madame Goulet ! C’est bien parce que la Commission européenne a constaté que nous avions mis en place les contrats que nous nous orientons, en toute logique, vers un renforcement des organisations de producteurs. Si nous n’avions pas institué les contrats – je reviendrai sur cette éventualité –, nous ne renforcerions pas les organisations de producteurs.

Enfin, vous me dites que les producteurs sont pieds et poings liés à cause de ces contrats. Dois-je vous rappeler, madame Goulet, que personne ne force les producteurs à les signer ? (M. Gérard César acquiesce.) Les contrats sont obligatoires pour les industriels, et uniquement pour eux, comme cela a très bien été expliqué tout à l’heure. Les producteurs sont libres, s’ils le souhaitent, d’en rester au dispositif antérieur.

M. Bruno Le Maire, ministre. Ces quelques remarques préliminaires étant faites, je veux vous souhaiter, de nouveau, un très joyeux anniversaire ! (Applaudissements.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, gouverner, c’est prévoir.

Il serait irresponsable de la part du Gouvernement de ne pas anticiper la fin des quotas prévue en 2015. On peut être favorable ou hostile à leur disparition : cela se discute, je le reconnais bien volontiers.

Néanmoins, nous faisons partie d’une communauté européenne dont les règles s’imposent à tous. Dès le premier jour de mes fonctions, il m’est apparu que la position française consistant à défendre les quotas était vouée à l’échec au sein de l’Union européenne. Elle ne nous aurait pas permis d’engager ce qui me tient le plus à cœur, c'est-à-dire la régulation des marchés. Pour obtenir cette dernière, il fallait cesser d’illusionner les producteurs au sujet des quotas ! (Marques d’approbation sur les travées de lUMP.) Nous devions reconnaître que notre position n’était plus tenable en Europe, qu’elle isolait la France et qu’elle nous empêchait de prendre le leadership pour la réforme de la politique agricole commune après 2012.

M. Bruno Le Maire, ministre. Prévoir, c’est également assumer la concurrence de nos voisins et se défendre contre elle. L’Allemagne, en particulier, qui est devenue depuis quelques années un grand producteur agricole, récupère nos propres quotas pour vendre, avec des prix inférieurs aux nôtres, le lait que nous devrions, nous, produire en France. Nous ne pouvons ignorer cette réalité.

Prévoir, c’est aussi faire en sorte que notre production de lait ne soit pas chaque année inférieure à nos quotas, comme c’est le cas depuis près de dix ans maintenant. Dois-je rappeler aux sénatrices et aux sénateurs présents ce soir – je les remercie d’ailleurs d’être restés si tard en séance pour débattre de ce sujet, qui nous tient tous à cœur – que, depuis plus de dix ans, la France sous-réalise de 8 % à 10 % de ses quotas laitiers ? Cela signifie que notre pays offre le revenu de ses propres agriculteurs aux producteurs de lait allemands, parce qu’il n’est pas capable de réaliser ses quotas.

Prévoir, c’est également sortir les producteurs de l’instabilité chronique qu’ils subissent depuis des années.

En effet, de deux choses l’une : soit la situation qui existait précédemment dans le secteur était parfaite et tous les producteurs de lait en France vivaient royalement grâce aux revenus considérables garantis par des prix de production à la tonne extrêmement élevés, personne ne pleurant donc sur leur sort ; soit, au contraire, comme je le crois profondément, la situation des producteurs de lait dans notre pays était intenable, les prix étant souvent trop bas, avec de trop fortes variations, ce qui obligeait le ministre de l’agriculture en fonctions à intervenir, à la marge de la légalité – reconnaissons-le –, pour imposer des prix à des industriels qui n’étaient plus disposés à les accepter.

À l’évidence, je le répète, la situation était intenable. Il fallait changer le système et passer à autre chose. C’est exactement ce que nous avons fait avec les contrats laitiers.

Pour autant, je ne prétends pas que le mois et demi qui s’est écoulé depuis la publication du décret m’a laissé béat de satisfaction et que j’ai été totalement ravi de l’attitude des industriels. Au contraire, j’ai moi-même dénoncé cette dernière.

Je le répète de nouveau à cette tribune, devant la représentation nationale : je regrette profondément l’attitude qu’ont eue certains industriels, parmi les plus importants du secteur, lors de la mise en place de ces contrats. Ils auraient pu – disons-le clairement – jouer davantage le jeu. C’était leur intérêt, celui des producteurs et, tout simplement, celui du pays. Cet épisode a achevé de me convaincre que, en France, hélas, les représentants de la nation et de l’État restent les seuls garants de l’intérêt général.

En revanche, nous voyons progressivement se conclure sur certains points du territoire des contrats tout à fait convenables. Certains industriels, que je ne peux pas citer nommément dans cet hémicycle, ont bien joué le jeu. Ils ont accepté de récompenser leurs producteurs. Ils ont offert à ces derniers des contrats, courant sur plusieurs années, dont les conditions, en termes d’indicateurs de prix, de volumes, de dispositifs de révisions et de clauses de cession – les producteurs y sont très attachés – sont tout à fait satisfaisantes et conformes au guide de bonnes pratiques édicté par l’interprofession.

Quant aux autres industriels, je leur demande de respecter les règles qui ont été fixées. Nous avons mis en place un médiateur, qui devra s’assurer du caractère équitable des contrats proposés, et je veillerai à ce que cet impératif soit respecté.

Je n’accepterai pas que certains contrats, comme cela a pu être le cas, remettent en cause les droits syndicaux des producteurs ou laissent entendre que ces derniers ne peuvent ou ne doivent s’organiser pour négocier les prix avec les industriels. Il me revient de rappeler la règle de droit et de faire en sorte que la relation entre producteurs et industriels soit équitable.

Naturellement, nous voulons améliorer encore l’organisation des producteurs. L’interprofession a joué le jeu. Elle a élaboré un guide de bonnes pratiques et même mis en place, dans plusieurs départements, des systèmes d’appui pour les producteurs et des points d’aides à la signature des contrats. Je tiens à les en féliciter. Ces documents seront signés dans les semaines et les mois à venir – je n’ai aucun doute à cet égard –, puis leurs dispositions seront mises en œuvre.

Par ailleurs, quand le paquet « lait », dont je rappelle qu’il a été porté par la France – il a été mis sur la table du Conseil de l’Union européenne par le ministre français de l’agriculture –, aura été définitivement adopté, comme je le souhaite, nous pourrons obtenir une modification du droit de la concurrence, afin que les producteurs aient la possibilité de s’organiser de façon encore plus collective, pour négocier leurs contrats avec les industriels en étant encore davantage en position de force.

Dans le cas de la France, les producteurs seront autorisés à se rassembler jusqu’à un seuil fixé à 3,5 % de la production laitière communautaire et à un tiers de la production nationale. Cela signifie, par exemple, que tous les producteurs de lait de Bretagne auront la possibilité, s’ils le souhaitent, de se regrouper au sein d’une organisation unique pour négocier le prix et la quantité du lait vendu aux industriels. Le paquet « lait » introduira donc un changement en profondeur pour tous les producteurs.

Dès lors, me direz-vous, pourquoi n’a-t-on pas attendu d’avoir ce paquet « lait » et cette modification du droit de la concurrence européen pour mettre en place les contrats ? La raison est très simple : la Commission observe de près ce que nous faisons, afin de déterminer si nous croyons aux contrats et les mettons vraiment en place.

La France, je le rappelle, est la seule à porter l’idée de la modification du droit de la concurrence européen, la seule à réclamer une meilleure organisation des producteurs, la seule à avoir souligné la nécessité d’une relation plus équitable entre agriculteurs et industriels. Si jamais elle renonce et faillit sur la question des contrats, c’est la modification du droit de la concurrence et le paquet « lait » qui seront remis en cause à la fin de l’année !

Si je tiens tellement à ce que nous ne perdions pas une minute pour mettre en place les contrats, c’est parce que je souhaite que, d’ici à la fin de l’année, nous adoptions le paquet « lait » avec tout ce qui l’accompagne, à savoir la modification du droit de la concurrence ainsi que le renforcement et le regroupement des producteurs.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez tous interrogé sur la filière viande. Je souhaite, dès à présent, vous répondre au sujet de ce secteur, avant d’évoquer celui des fruits et légumes.

Dans la filière viande, également, les contrats sont indispensables. Et je me contente d’observer les faits !

On nous disait, voilà quelques années, que la filière agneau était condamnée en France. On nous expliquait, et c’était vrai, que la Nouvelle-Zélande inondait le marché avec des agneaux qui étaient en fait des sous-produits de la filière laine et dont la valeur était nulle, en les vendant à des prix bien trop compétitifs pour que nous puissions lutter. Par conséquent, il valait mieux, selon certains, que les agriculteurs français abandonnent cette production.

Or, force est de le constater, une nouvelle organisation du secteur, en l’occurrence le regroupement des producteurs, ainsi que la mise en place de contrats de premier et de deuxième niveaux passés entre les agriculteurs et les industriels – auxquels, je l’espère, la grande distribution s’associera demain ... –, a permis de sauver la filière agneau française. Vous reconnaîtrez aussi que le bilan de santé de la PAC, qui a permis de redistribuer 120 millions d’euros en faveur de la filière, a également contribué à ce sauvetage.

Sans ces contrats, c’en était fini de la filière agneau française !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis avec beaucoup de gravité : si la filière bovine, à laquelle je suis viscéralement attaché, comme vous tous ici, car elle est une partie de l’identité de la France et de nos territoires, ne prend pas, prochainement, un certain nombre de décisions, sur lesquelles nous travaillons depuis plusieurs mois, elle connaîtra des difficultés dont elle ne se relèvera pas.

Si elle ne met pas en place le GIE, ou groupement d’intérêt économique, pour l’exportation, elle ne parviendra pas à gagner des parts de marché à l’étranger. Si l’audit de l’ensemble des abattoirs français n’est pas mené à son terme, elle ne rattrapera pas son retard de compétitivité par rapport à l’Allemagne. Si les interprofessions ne se regroupent pas davantage, nous ne réussirons pas à mieux valoriser la viande bovine française. Enfin, si nous ne définissons pas davantage d’indications géographiques protégées, de labels de qualité ou d’autres dispositifs du même ordre, le prix de nos races à viande continuera d’être aligné sur celui de la vache de réforme, ce qui ne manquera pas, bien sûr, de pénaliser les revenus des producteurs. Il est urgent que cette filière se réforme !

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes également battus en faveur de la mise en place de dispositifs d’assurance au sein de cette filière ; j’y suis tout à fait favorable.

La sècheresse dramatique qui plonge actuellement des dizaines de milliers de producteurs dans une détresse terrible, sur l’ensemble du territoire français, nous montre qu’il est indispensable de prévoir un dispositif de réassurance publique, qui permettra d’offrir des sécurités financières à nos éleveurs.

À défaut, nous serons encore contraints d’activer le Fonds national de garantie des calamités agricoles, comme ce sera le cas dans quelques semaines, sur ma demande, et de faire payer par l’État ce que les agriculteurs n’auront pas pu vendre, soit, pour les seuls éleveurs, la totalité de leur production. C’est infiniment regrettable !

J’en viens aux contrats interfilières, pour lesquels je plaide depuis des mois. Je regrette que nécessité fasse loi en la matière et qu’il ait fallu une sècheresse pour que se mette en place un tel dispositif.

Pourquoi ces contrats ne sont-ils pas disponibles dès maintenant ? Pourquoi a-t-on tant tardé ? Pourquoi certains dirigeants agricoles n’ont-ils pas su prendre en main le destin des filières dont ils ont la responsabilité ?

Le calendrier s’accélère aujourd’hui, et je m’en réjouis. Les contrats entre les filières de l’élevage et celles des grandes productions seront signés, au plus tard, dans trois semaines ou un mois, car l’urgence s’en fait sentir. Il est dommage que ces documents n’aient pas été prêts un peu plus tôt ; cela aurait sans doute permis de prévenir les difficultés actuelles en termes de mise à disposition de fourrage et de paille.

Je tiens à rassurer Aymeri de Montesquiou, qui a plaidé pour la mise en place de ce dispositif : nous irons plus vite que prévu, et j’espère que les premiers contrats entre céréaliers et éleveurs pourront être signés avant le 1er juillet prochain, en vue de garantir les prix ainsi que des quantités suffisantes de fourrage pour nourrir les bêtes. Celles-ci en ont bien besoin en cette période de sècheresse !

En ce qui concerne maintenant les fruits et légumes, le décret relatif à ce secteur est entré en vigueur le 1er mars 2011. Nous avons privilégié la voie réglementaire pour une raison très simple : il y avait urgence à agir, et l’interprofession m’avait fait savoir, très clairement, qu’elle n’était pas prête à signer un accord.

S’il y a bien une filière qui doit faire évoluer ses relations commerciales, c’est celle des fruits et légumes ! La contractualisation écrite a été mise en place dans ce secteur afin d’en modifier les pratiques, qui sont loin d’être excellentes, et de contribuer à changer les mentalités.

Qu’on ne me dise pas que le texte de ce décret n’a pas été discuté ! Il a fait l’objet d’une longue négociation avec les organisations professionnelles agricoles, qui l’ont majoritairement approuvé.

Tel qu’il est rédigé, ce décret est tout à fait applicable. Certains me disent que trois ans, c’est trop long. D’autres estiment que des durées plus courtes seraient de nature à nuire aux intérêts des producteurs. Ces derniers ont raison : si nous voulons inscrire nos relations commerciales dans la durée, il faut leur donner du temps. Cela n’empêche nullement de réviser les prix et les quantités, bien sûr ; d’ailleurs, le contrat le prévoit. Cela n’interdit pas non plus aux producteurs qui le souhaitent de contractualiser seulement une partie de leur production.

En effet, c’est l’acheteur qui doit commercialiser et contractualiser 100 % des volumes achetés. Pour ma part, je comprendrais tout à fait qu’un producteur ne s’engage que pour une partie de sa production, afin de s’assurer un revenu minimum et de garantir la stabilité d’une partie de ses ressources.

Si une disposition de ce décret mérite éventuellement d’être révisée, c’est celle qui est relative aux carreaux des producteurs des marchés de gros.

J’ai écouté attentivement ce que disait Daniel Soulage sur ce sujet sensible, dont m’ont également saisi plusieurs producteurs ; enfin, j’ai appris ce qui s’était passé à Agen, dans ce département que je connais bien. Nous aménagerons donc le décret afin de tenir compte des spécificités des carreaux de producteurs.

Une fois encore, je ne suis pas un garçon buté ! Comme je l’ai dit lors du débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois, je suis le premier à reconnaître les erreurs qui ont été commises et à vouloir les corriger. S’agissant du cas particulier des carreaux, nous modifierons donc le dispositif.

Je retiens la proposition de Daniel Soulage visant à ce que les factures et bons de livraison tiennent lieu, dans ce cas précis, de contrats. Je ferai expertiser cette mesure ; si elle est juridiquement possible, nous la mettrons en œuvre.

Dans ce secteur des fruits et légumes, nous nous heurtons à des résistances qui tiennent tant aux principes qu’à l’organisation et de la filière. Celle-ci doit évoluer afin de laisser davantage de place à l’organisation et à la mutualisation des intérêts des producteurs. En cas d’échec, ces derniers connaîtront, là encore, des difficultés très importantes. Or j’ai pour souci premier et constant de défendre les intérêts de tous les producteurs agricoles de ce pays.

Pour conclure, je tiens à rappeler que le dispositif de contractualisation constitue non pas une solution miracle, mais un outil au sein d’une réflexion plus large, qui s’articule autour de trois piliers indispensables.

Le premier est la meilleure organisation des producteurs.

Ce qui ruine l’agriculture française, c’est le défaut d’organisation des producteurs. Ce qui rend si difficile la vie des agriculteurs français, c’est l’insuffisante solidarité entre les filières professionnelles, la non-organisation entre producteurs, industriels et distributeurs, enfin l’absence de coopération et de dialogue, pourtant indispensables, à l’intérieur d’une seule et même filière.

Voilà désormais deux ans que j’assume les fonctions de ministre de l’agriculture. Lors des réunions entre les professionnels que j’anime au rythme de trois ou quatre par semaine, j’assiste aux divisions, aux querelles, aux affrontements pricocholins. Je regrette profondément ces conflits car, au bout du compte, ce sont toujours les producteurs, ceux qui sont sur le terrain, qui en paient le prix.

Si nous voulons que les filières s’en sortent dans le monde et l’Europe d’aujourd’hui, il faut que les producteurs s’organisent davantage.

Le deuxième pilier indispensable est la régulation européenne des marchés.

Il n’est pas possible de mettre en place une libéralisation totale des marchés agricoles. Je veux le répéter avec force : les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres. Le temps de la production agricole n’est pas celui de la production industrielle ou de services. Ce secteur est en effet soumis à une irréversibilité qui n’existe dans aucune autre forme de production.

La production agricole, c’est la vie, et l’on ne peut pas tout changer, dans ce domaine, du jour au lendemain. On ne peut pas demander à une vache de cesser de fournir du lait dans les deux jours ou les trois prochaines semaines ! On ne peut ni interrompre une production de fruits et légumes en quelques jours ou quelques semaines, ni la calibrer au kilogramme près, alors que l’on ne sait rien des conditions météorologiques à venir. De même, on ne saurait maîtriser le rendement d’une parcelle de blé ou de colza. Il faut impérativement tenir compte de cette réalité, afin de s’orienter vers une régulation des marchés.

Réguler les marchés, c’est sauver l’agriculture européenne ! Ce combat mérite d’être mené.

Enfin, le troisième pilier indispensable est celui de la lutte contre la volatilité des prix agricoles à l’échelle mondiale.

Il serait temps que les responsables des pays les plus puissants de la planète, qui s’occuperont – pour une fois ! – d’agriculture, à la demande du Président de la République, lors de la prochaine réunion du G20, comprennent que le blé, le maïs, le riz et l’élevage sont aussi importants que le pétrole.

Il n’y a aucune raison de s’être autant battu pour mieux organiser les marchés pétroliers et énergétiques mondiaux, certes stratégiques pour la bonne marche du monde, et d’avoir délaissé à ce point l’agriculture, les matières premières agricoles, le blé et le riz.

Ces questions, également, sont stratégiques pour la planète ! En effet, lorsqu’un peuple n’est pas nourri, il se révolte, et l’instabilité qui en résulte est tout aussi dangereuse que celle qui naît de la pénurie de pétrole, de gaz ou des autres matières premières énergétiques. J’espère que les États membres participant à la réunion du G20 à Paris, les 22 et 23 juin prochains, auront compris, à la suite des négociations intenses que j’ai conduites durant un an à travers le monde, qu’il en va de leur intérêt de s’entendre sur la régulation des marchés agricoles, sur la lutte contre la volatilité des cours et sur une meilleure gouvernance agricole mondiale. Tel est mon vœu pour ce G20 organisé par la France ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Mmes Renée Nicoux et Maryvonne Blondin applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec cette question orale avec débat sur la contractualisation dans le secteur agricole.

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Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, lors du scrutin n° 218 du jeudi 19 mai 2011 sur l’ensemble du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, Mme Jacqueline Gourault souhaitait s’abstenir.

Je vous remercie par avance, monsieur le président, de bien vouloir faire procéder à cette rectification au Journal officiel.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 25 mai 2011, à quatorze heures trente :

1. Débat sur l’état de la recherche en matière d’obésité.

2. Débat : « Quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 25 mai 2011, à zéro heure trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART