M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 74.

Cela dit, j’avoue que le fait d’évoquer la création d’un « casier psychiatrique » à propos de ces dispositions me choque quelque peu, et plus encore l’idée selon laquelle des personnes en état d’ébriété pourraient faire l’objet d’une hospitalisation d’office !

M. Roland Courteau. C’est nous qui sommes choqués !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Les personnes en état d’ébriété vont en cellule de dégrisement ; elles ne sont pas hospitalisées d’office dans les services psychiatriques !

Quant au casier psychiatrique, c’est manifestement un abus de langage. Mais vous avez vos raisons... Pourquoi stigmatiser la filière psychiatrique ? Pour les autres pathologies, on se sert des dossiers médicaux pour y rechercher les éléments aidant à prendre les décisions les plus cohérentes pour le malade ; on ne parle pas pour autant de « casier cancérologique » ou de « casier rhumatologique » !

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 468 rectifié. Le directeur de l’établissement doit évidemment saisir un collège et avoir un minimum d’informations médicales sur le patient.

Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 495 et 181.

Il est défavorable à l’amendement n° 75, qui revient à supprimer l’hospitalisation d’office.

Je vous rappelle que l’hospitalisation à la demande de l’autorité judiciaire existe. Ce dispositif a été instauré par la loi de 1990, lorsque M. Évin était ministre de la santé, une loi qu’ont votée les auteurs de l’amendement ou ceux qui siégeaient à l’époque sur les mêmes travées. Le projet de loi ne modifie pas les conditions d’hospitalisation des patients qui pourraient présenter des troubles à l’ordre public.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 183, qui est de même nature.

En revanche, il est favorable à l’amendement n° 496.

Pour les raisons que j’ai précédemment exposées, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 469 rectifié.

Il est également défavorable à l’amendement n° 26 rectifié, qui a pour objet d’étendre les cas d’intervention du juge des libertés et de la détention pour arbitrer les désaccords entre le préfet et le psychiatre sur les modalités des soins sans consentement.

L’Assemblée nationale a circonscrit les situations justifiant une saisine automatique du juge. Elle l’a réservée aux cas où le désaccord, d’une part, porte sur l’hospitalisation complète et, d’autre part, intervient au-delà des quinze premiers jours de l’hospitalisation complète.

L’amendement n° 26 rectifié revient à faire en sorte que le juge soit automatiquement saisi dès la fin de la période d’observation de 72 heures en cas de conflit entre le médecin et le préfet. Non seulement il ne répond à aucune exigence constitutionnelle, mais il nuirait à la lisibilité du projet en créant de nouveaux cas de procédures judiciaires. En outre, en déportant sur le juge la décision liée à l’évolution de la situation du patient, il ne favorisera pas la responsabilisation des autres acteurs que sont les préfets et les médecins.

De plus, il n’est pas opportun de faire intervenir un juge systématiquement en cas de désaccord. Bien des situations trouvent des solutions dans l’échange, la concertation et la communication entre les différents acteurs de la prise en charge psychiatrique. On peut donc faire l’économie d’une intervention quelque peu excessive du juge des libertés et de la détention.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 472 rectifié, 77 et 79.

Enfin, il est favorable à l’amendement n° 199.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 468 rectifié.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 495.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 496.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 469 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 211 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 160
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 472 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 24

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

2° ter Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À Paris, les mesures provisoires mentionnées à l’alinéa précédent prennent la forme d’une hospitalisation dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1. »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. L’hospitalisation d’office en urgence est, à Paris, prononcée par les commissaires de police et, dans les autres départements, par les maires.

À Paris, les personnes sont conduites à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, l’IPPP, service médico-légal d’accueil et de diagnostic psychiatrique d’urgence. Or, dans un avis rendu public le 15 février 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a estimé que cette infirmerie, en tant que lieu de privation de liberté, ne présentait pas des garanties suffisantes au regard des droits de la personne, et ce pour deux raisons essentielles.

D’une part, elle ne dispose d’aucune autonomie, étant un simple service de cette préfecture. Ses ressources lui sont assurées par la préfecture de police. À supposer que les médecins qui y exercent ne soient pas sous l’autorité hiérarchique de la préfecture de police de Paris, ils sont rémunérés par celle-ci, les conditions matérielles de leurs fonctions et la gestion de leur carrière en dépendent. Cela rappelle un peu, mes chers collègues, la situation de la médecine dans les prisons à l’époque où nous avions une médecine pénitentiaire.

L’établissement n’a donc rien à voir avec un centre hospitalier habilité à accueillir des malades mentaux. Par conséquent, les dispositions propres aux droits des personnes accueillies en hôpital ne s’y appliquent pas et aucune autorité de santé n’est compétente pour y vérifier les contenus et les modalités de soins.

D’autre part, dès lors qu’elle ne ressortit pas à la catégorie des établissements hospitaliers qui relèvent du code de la santé publique, l’IPPP n’est pas obligatoirement visitée par les magistrats des tribunaux compétents et, notamment, par le parquet.

En conséquence, ainsi que le précisait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le dispositif est propre à entretenir le doute, s’agissant de la nécessaire distance entre considérations d’ordre public et considérations médicales. Dans son avis, il recommande donc de mettre fin à cette confusion, qui n’a, je le rappelle, d’équivalent dans aucune autre ville de France.

C’est pourquoi cet amendement prévoit que, lorsque l’hospitalisation d’office en urgence est prononcée, la personne ne peut être prise en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun. Cet amendement aurait donc pour conséquence d’obliger l’IPPP à évoluer pour devenir un établissement hospitalier de droit commun.

En effet, sur le plan des principes, une situation pathologique, fût-elle d’urgence, ne doit pas être prise en charge par un établissement relevant d’une institution de police, sauf à alimenter la confusion, toujours regrettable, entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité.

Un amendement déposé à l’article 14 prévoit que la préfecture de police aura jusqu’au 1er septembre 2012 pour procéder à ce changement de statut ; un délai complémentaire pourrait d’ailleurs être envisagé.

Que l’on me comprenne bien : ce n’est pas une critique du fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police que je me permets de faire ici. Il s’agit de se référer à certains principes qui rendent nécessaire une évolution. Le ministère de l’intérieur, que j’ai interrogé, semble d’ailleurs partager cet avis. Notre discussion pourra ainsi porter sur les modalités et le lissage d’une telle décision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement, qui vient de nous être remarquablement présenté, prévoit que, dans le cadre de la procédure d’hospitalisation d’office en urgence, les personnes ne peuvent être prises en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun, l’objectif étant d’obliger l’IPPP à se transformer en un établissement hospitalier de droit commun.

Si la commission comprend l’intention de M. le rapporteur pour avis, elle préférerait cependant que l’on prenne le temps de la réflexion sur ce sujet délicat. C’est la raison pour laquelle elle a adopté l’amendement n° 504 rectifié, tendant à insérer un article additionnel après l’article 8 bis qui prévoit la remise d’un rapport sur le fonctionnement de l’IPPP.

La commission vous demande donc, monsieur le rapporteur pour avis, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement n° 27 rectifié, qui vise à supprimer la possibilité que des mesures provisoires soient prononcées ailleurs qu’à l’hôpital.

Je rappelle que les mesures provisoires prononcées par l’IPPP n’étant pas considérées comme des hospitalisations, l’adoption de cet amendement n’aurait aucun effet immédiat.

En la matière, je me rallie à l’amendement déposé par la commission des affaires sociales qui préconise la remise, dans un délai de six mois, d’un rapport relatif à l’évolution du statut et des modalités de fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 27 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je suis assez partagé sur l’attitude à adopter. En effet, la commission des lois n’est pas particulièrement friande de rapports, qui ne cessent de s’accumuler. Un rapport n’est-il pas, pour paraphraser ce que disait Clemenceau des commissions, le meilleur moyen d’enterrer un dossier ?

Cela dit, je comprends bien qu’une période d’évolution est nécessaire.

Toutefois, en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je ne peux retirer cet amendement. Il n’est reste pas moins que, sensible aux raisons avancées par Mme la secrétaire d’État, je n’éprouverai aucun ressentiment si cet amendement n’est pas adopté. (Exclamations amusées.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je viens d’apprendre que, à l’occasion de l’examen de l’un de nos amendements dont l’objet était identique à celui dont nous sommes en train de discuter, il a été décidé qu’un rapport serait remis au Parlement.

Je me dois tout de même de rappeler que nous avons institué un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et que celui-ci a été conforté dans ses fonctions. Ce Contrôleur général a pris la peine de visiter de nombreux lieux relevant de sa compétence, notamment l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, et, à la suite de cette visite, comme M. le rapporteur pour avis l’a indiqué, il a émis un avis. Or cet avis vaut largement le rapport qui devra être remis dans un délai de six mois.

En réalité, la solution au problème qui est posé consiste à adopter des mesures provisoires qui permettront la transformation de l’IPPP en un lieu conforme au droit relatif à ce type d’endroits. Il convient donc de prévoir que l’hospitalisation d’office en urgence ne peut être prise en charge que dans le cadre d’un établissement psychiatrique de droit commun.

Mes chers collègues, vous avez toutes les raisons de voter cet amendement ! Pourquoi attendre un éventuel rapport ultérieur émanant d’une autorité quelconque ? Cela signifierait, au fond, que l’avis du Contrôleur des lieux de privation de liberté n’est pas valable et qu’il convient de se référer à d’autres avis.

Je vous signale que le Conseil de Paris a adopté un vœu qui va dans le sens du présent amendement. Très honnêtement, je crois que nous nous honorerions aujourd’hui en prenant la décision de ne pas laisser perdurer sur notre territoire ce lieu qui n’a strictement rien à voir avec ce qu’on peut attendre d’un établissement où sont dispensés des soins psychiatriques.

Selon moi, point n’est besoin d’un nouveau rapport. Faisons donc confiance à l’avis du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avons nous-mêmes créé et conforté !

J’ajoute que ceux qui connaissent l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police sont tout de même bien placés pour dire qu’il doit impérativement être mis fin à la situation actuelle de cet établissement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 273, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 26, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 274, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 27, première phrase

Supprimer les mots :

et avis

Cet amendement n'a plus d’objet.

La suite de la discussion est renvoyée à la séance du vendredi 13 mai 2011.

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge
Discussion générale (début)

3

Communication relative à une nomination

M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission de l’économie a émis un vote favorable (13 voix pour et 8 abstentions) en faveur de la nomination de M. Dominique Perben à la présidence de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Acte est donné de cette communication.

4

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’équilibre des finances publiques (n° 499, 2010-2011), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Hommage à un soldat français tué en afghanistan

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, un soldat français a été tué ce matin en Afghanistan par l’explosion d’une bombe artisanale.

Cette triste nouvelle nous rappelle que nos forces armées sont engagées dans plusieurs missions dangereuses. Je veux, au nom du Sénat tout entier, leur renouveler le témoignage de notre admiration et de notre gratitude.

Je veux aussi assurer la famille de la victime, ainsi que ses proches, de notre sympathie et de notre compassion.

6

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale (suite)

Immigration, intégration et nationalité

Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 2

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (Rapport n° 491, texte de la commission n° 492).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à la dernière étape des travaux que nous avons consacrés au projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

À mes yeux, le texte adopté par la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 mai dernier, est équilibré, en partie grâce aux propositions de notre assemblée. Il reflète d’ailleurs largement les positions exprimées ici, notamment en seconde lecture.

C’est ainsi que certains ajouts qui avaient suscité des polémiques ont été supprimés : c’est en particulier le cas des dispositions relatives à la déchéance de la nationalité ou à la manifestation de volonté pour l’acquisition de la nationalité française des enfants d’étrangers, ou encore de celles qui ont trait aux pouvoirs de police du maire en matière de maintien de l’ordre lors des cérémonies de mariage.

Ce texte comporte néanmoins, et c’est là l’essentiel, certaines réformes profondes et fort utiles, dont je voudrais vous rappeler brièvement la portée. Je commencerai par celles qui modifient le plus profondément notre droit et qui sont susceptibles de concerner le plus grand nombre de personnes, avant d’évoquer celles qui, quoi qu’elles aient pu rencontrer dans les médias plus d’écho que les premières, apportent en réalité des changements plus limités au droit positif.

Le cœur de la réforme est constitué par la nouvelle architecture des mesures administratives d’éloignement.

Pour se représenter la portée de ces dispositions, largement inspirées par la directive Retour du 16 décembre 2008, il suffit de se reporter au rapport annuel relatif aux orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration : déposé par le Gouvernement en mars dernier, ce rapport présente les données consolidées relatives à l’année 2009.

Il fait apparaître que le nombre de personnes mises en cause pour des infractions à l’entrée et au séjour s’est élevé, en 2009, à 96 109. Au cours de la même année, plus de 80 000 obligations de quitter le territoire français ou arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ont été pris, et 30 270 personnes ont été placées en centre de rétention administrative.

C’est dire l’importance d’une réforme consistant à ériger une nouvelle architecture des mesures d’éloignement, en conformité avec les dispositions de la directive Retour.

Aux deux dispositifs qui préexistaient, le texte substitue une mesure unique : l’obligation de quitter le territoire français, ou OQTF.

La directive Retour impose que cette OQTF soit assortie, en principe, d’un délai de retour compris entre une à quatre semaines ; c’est un délai d’un mois qui est retenu dans le projet de loi. Toutefois, l’OQTF sera exécutable immédiatement dans certains cas énumérés de manière limitative, conformément aux vœux du Sénat, et correspondant aux situations dans lesquelles le fait de donner un délai de départ volontaire conduirait, selon toute probabilité, à l’échec de l’éloignement. L’étranger sera alors rapidement placé en rétention administrative, dans l’attente de son éloignement. L’administration pourra également lui interdire de revenir sur le territoire européen pendant une durée comprise entre une et trois années, en motivant précisément sa décision au regard de la situation personnelle de l’intéressé.

S’agissant de la procédure contentieuse applicable dans le cas des étrangers placés en rétention, la commission mixte paritaire a finalement décidé que le juge des libertés et de la détention serait saisi dans un délai de cinq jours après le placement en rétention de l’étranger, aux fins d’en autoriser la prolongation.

Tout l’intérêt de la réforme réside en effet dans la clarification de l’organisation du contentieux, résultant de l’intervention désormais préalable du juge administratif.

Dans ces conditions, fixer un délai de quatre jours pour l’intervention du juge des libertés et de la détention, comme le Sénat l’avait décidé en seconde lecture, obligeait à prévoir un délai de 48 heures pour le jugement du tribunal administratif saisi de la régularité de la mesure d’éloignement, de sorte que celui-ci se prononce moins de quatre jours après sa saisine par l’étranger faisant l’objet d’une décision de placement en rétention.

Or le vice-président du Conseil d’État a attiré notre attention sur le fait que non seulement le tribunal administratif sera sollicité plus souvent qu’il ne l’est aujourd’hui – il sera en effet la première juridiction que l’étranger pourra saisir –, mais il aura en outre à connaître de contentieux rendus plus complexes par l’apparition des notions de délai de départ volontaire et d’interdiction de retour. Aussi nous est-il apparu préférable, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de lui laisser 72 heures, et non pas 48 heures, pour se prononcer.

Comme le prévoyait le projet de loi initial, le recours devra donc être examiné dans un délai de cinq jours suivant la saisine du juge.

Dès lors, afin de préserver l’esprit de la réforme, il est nécessaire que le préfet dispose également de cinq jours pour saisir le juge des libertés et de la détention. Nous n’ignorons pas que, par rapport à celui qui est actuellement en vigueur, ce délai peut sembler long à certains. Il faut toutefois rappeler que l’amélioration de la sécurité juridique des procédures et de leur lisibilité constitue un progrès qu’on ne saurait négliger.

Il convient également de souligner que, en ce qui concerne les caractéristiques de la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention, la solution préconisée par notre assemblée a été, pour l’essentiel, retenue.

C’est ainsi que le principe « pas de nullité sans grief » a été reformulé dans les termes du code de procédure pénale, afin que les garanties accordées aux étrangers soient les mêmes que celles dont bénéficient les personnes gardées à vue, même si, sur le plan juridique, les deux situations sont évidemment très différentes.

Surtout, le principe de l’effet dévolutif de l’appel sera maintenu, ce qui est conforme à la position constamment exprimée par le Sénat lors des deux lectures. Le double degré de juridiction n’est certes pas une exigence constitutionnelle ; néanmoins, prévoir ce double degré sans que le recours en appel soit pleinement effectif pourrait être contraire aux dispositions de l’article 13 de la convention européenne des droits de l’homme.

La deuxième raison d’être du projet de loi réside dans la transposition de la directive Sanctions du 18 juin 2009. Celle-ci prévoit des normes minimales en matière de sanctions et de mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Le projet de loi permettra de responsabiliser davantage les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre, mais également d’élargir les droits des travailleurs irrégulièrement employés, en particulier en matière financière.

L’Assemblée nationale avait adopté une série d’amendements à ce dispositif, afin d’exonérer les employeurs de bonne foi des diverses sanctions administratives ou judiciaires prévues par le texte. Pour sa part, la commission des lois du Sénat avait fait valoir que l’existence d’une intention est toujours requise pour qu’une infraction pénale soit constituée en matière délictuelle.

Sur ce point, la commission mixte paritaire a trouvé un équilibre entre la position du Sénat et la préoccupation exprimée à l’Assemblée nationale de ne pas pénaliser exagérément les employeurs de bonne foi : le rappel de la nécessaire intentionnalité du délit figurera expressément au sein des dispositions pénales du code du travail sanctionnant l’emploi d’étrangers sans titre.

En revanche, la commission mixte paritaire a retenu le texte adopté par le Sénat pour ce qui concerne les dispositions relatives aux sanctions administratives, telles que la fermeture de l’établissement ou l’exclusion des marchés publics. Dans ce domaine, en tout état de cause, la mesure ne peut être prononcée par le préfet que si les faits sont graves et répétés, ce qui exclut a priori l’employeur de bonne foi.

Troisième point important du projet de loi : la création des zones d’attente ad hoc.

La commission des lois avait souhaité délimiter précisément, dans le temps et dans l’espace, la possibilité de créer de telles zones, qui donneront à l’administration les outils juridiques nécessaires pour faire face, de manière exceptionnelle, à des arrivées de groupes de migrants en dehors des points de passage frontaliers.

En définitive, la commission mixte paritaire a décidé de limiter à vingt-six jours la durée de ce dispositif, soit la durée maximale du placement en zone d’attente ordinaire. De la sorte, conformément au vœu de notre assemblée, ce dispositif conserve bien un caractère exceptionnel.

La commission mixte paritaire avait également à se prononcer sur des ajustements portant sur les dispositions relatives à la nationalité et à l’intégration, qui constituent le quatrième volet important de ce texte.

Elle s’est ralliée à la position du Sénat s’agissant de la réintroduction de la manifestation de la volonté d’être français pour les enfants nés en France de parents étrangers. Cet ajout des députés était en effet clairement contraire à la règle dite « de l’entonnoir » et présentait, par conséquent, d’indéniables risques de censure constitutionnelle.

La commission mixte paritaire a également retenu la position du Sénat en prévoyant que, pour les conjoints de Français comme pour les étrangers souhaitant être naturalisés, l’appréciation de la maîtrise de la langue française doit tenir compte de la condition de la personne.

Sur divers autres points, la commission mixte paritaire a également retenu la position du Sénat.

Il en va ainsi des mariages dits « gris », qui seront réprimés, comme les autres mariages de complaisance, par une peine d’emprisonnement de cinq ans et une amende de 15 000 euros.

De même, en matière de droit au séjour des étrangers gravement malades, conformément à la position adoptée par le Sénat, c’est seulement en l’absence de traitement disponible dans leur pays d’origine que les personnes concernées pourront se voir délivrer un titre de séjour et seront protégées contre les mesures administratives et judiciaires d’éloignement. Le préfet aura toutefois la possibilité de délivrer un titre de séjour pour des raisons humanitaires, notamment après avis d’une commission médicale.

Les deux objectifs recherchés seront ainsi satisfaits : faire passer un message clair et s’assurer que, bien entendu, des titres de séjour pourront être accordés dans les cas médicaux les plus graves.

La commission mixte paritaire a enfin décidé de retenir le texte du Sénat pour ce qui concerne le droit d’asile. C’est ainsi qu’elle a rejeté la suppression pure et simple de l’aide juridictionnelle en procédure de réexamen. Seules seront exclues de ce dispositif les personnes qui auront pu faire leur demande dans de bonnes conditions, c’est-à-dire après avoir été préalablement entendues par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile, assistées par un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle.

De la même façon, les demandeurs d’asile de France métropolitaine pourront s’opposer à leur audition par visioconférence et demander à présenter leurs observations directement devant la Cour nationale du droit d’asile.

Telles sont, mes chers collègues, les principales décisions prises par la commission mixte paritaire. Ses conclusions permettent, me semble-t-il, d’aboutir à un ensemble cohérent, qui nous donnera sans aucun doute les moyens d’atteindre nos objectifs : lutter efficacement contre l’immigration irrégulière tout en facilitant l’intégration dans les autres cas.

C’est la raison pour laquelle je vous invite à approuver, dans la version qui nous est aujourd’hui soumise, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)