Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

MM. Jean-Pierre Godefroy, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

3. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)

Article 17 AA

Amendement n° 29 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendement n° 30 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendement n° 153 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.

Amendement n° 32 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery.

MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; Richard Yung. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 29 et 30 ; rejet des amendements nos 153 et 32.

Amendement n° 31 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 17. – Adoption

Article 17 ter (supprimé)

Mme Bariza Khiari, MM. David Assouline, Richard Yung, Jean-Pierre Sueur, Mme Éliane Assassi.

Amendement n° 219 de la commission. – M. le rapporteur.

Amendement n° 180 de M. Philippe Dominati. – M. Philippe Dominati. – Retrait.

M. le ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. David Assouline, François Zocchetto, Richard Yung, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Anziani, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, MM. Philippe Dominati, le rapporteur. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement no 219 rétablissant l'article.

Suspension et reprise de la séance

Article 19

Amendement n° 42 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 143 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.

Amendement n° 40 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 41 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.

Amendement n° 154 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 154, 42, 143 et 40 ; retrait de l’amendement no 41.

Amendement n° 144 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 21 ter

Mme Bariza Khiari, M. David Assouline.

Amendements identiques nos 43 de M. Richard Yung, 155 de Mme Éliane Assassi et 185 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Richard Yung, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre, Mme Bariza Khiari, MM. David Assouline, Jean-Pierre Fourcade. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 141 rectifié de Mme Colette Giudicelli. – Mme Élisabeth Lamure, MM. le rapporteur, le ministre, Richard Yung. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 23

M. Roland Courteau.

Amendements identiques nos 44 de M. Richard Yung, 156 de Mme Éliane Assassi et 186 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Anne-Marie Escoffier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 45 de M. Richard Yung. – MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 46 de M. Richard Yung. – Rejet.

Amendement n° 50 de M. Richard Yung.

Amendement n° 47 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 51 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 48 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 50, 47, 51 et 48.

Amendements identiques nos 49 de M. Richard Yung et 187 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Gisèle Printz, Anne-Marie Escoffier.

Amendement n° 55 de M. Richard Yung. – Mme Gisèle Printz.

Amendement n° 52 de M. Richard Yung. – Mme Gisèle Printz.

Amendement n° 53 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 54 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

Amendement n° 56 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 49, 187 rectifié, 55, 52 à 54 et 56.

Amendement n° 57 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 24

Amendements identiques nos 58 de M. Richard Yung et 157 de Mme Éliane Assassi. – M. Richard Yung, Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 25

Amendements identiques nos 59 de M. Richard Yung, 158 de Mme Éliane Assassi et 188 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Catherine Tasca, Marie-Agnès Labarre, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 60 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 61 de M. Richard Yung. – Rejet.

Amendement n° 63 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 62 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 64 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 26

Amendement n° 66 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 30

Mme Bariza Khiari, M. David Assouline.

Amendements identiques nos 67 de M. Richard Yung, 159 de Mme Éliane Assassi et 189 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. David Assouline, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 68 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendements identiques nos 70 de M. Richard Yung et 190 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Richard Yung, Jacques Mézard.

Amendement n° 208 du Gouvernement. – M. le ministre.

MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; David Assouline, Richard Yung. – Rejet des amendements identiques nos 70 et 190 rectifié ; rejet de l’amendement no 208.

Amendements nos 71, 82, 69 de M. Richard Yung. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 33

Amendements identiques nos 160 de Mme Éliane Assassi et 191 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 84 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 76 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 78 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 81 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 77 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 79 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre, David Assouline. – Rejet.

Amendements identiques nos 75 de M. Richard Yung, 161 de Mme Éliane Assassi et 192 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Richard Yung, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 83 de M. Richard Yung. – M. Michel Teston.

Amendement n° 193 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.

Amendement n° 80 de M. Richard Yung. – M. Michel Teston.

MM. le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des amendements nos 83, 193 rectifié et 80.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

4. Modification de l’ordre du jour

5. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)

Article 34

MM. Richard Yung, David Assouline.

Amendements identiques nos 162 de Mme Éliane Assassi et 194 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Mézard, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 85 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 86 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendement n° 87 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 86 et 87.

Amendement n° 88 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 218 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Amendement n° 89 de M. Richard Yung. – MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 90 de M. Richard Yung. – MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 91 de M. Richard Yung. – MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 92 de M. Richard Yung. – Mme Catherine Tasca, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 93 de M. Richard Yung. – Mme Catherine Tasca.

Amendements identiques nos 94 de M. Richard Yung et 195 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Catherine Tasca, M. Jacques Mézard.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 93, 94 et 195 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 34 bis (suppression maintenue)

Amendement n° 95 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 37

MM. Richard Yung, David Assouline.

Amendements identiques nos 96 de M. Richard Yung et 163 de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.

Mme Catherine Tasca, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le ministre.

Adoption de l'article.

Article 38

Amendements identiques nos 98 de M. Richard Yung, 164 de Mme Éliane Assassi et 197 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Bariza Khiari, Marie-Agnès Labarre, Anne-Marie Escoffier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 99 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 39

Amendements identiques nos 100 de M. Richard Yung et 165 de Mme Éliane Assassi. – M. Jean-Pierre Sueur, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre, Richard Yung. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 217 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 40. – Adoption

Article 41

Amendements identiques nos 102 de M. Richard Yung, 167 de Mme Éliane Assassi et 199 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. David Assouline, Mmes Marie-Agnès Labarre, Anne-Marie Escoffier, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 104 de M. Richard Yung. – MM. David Assouline, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 43 (supprimé)

Article 45. – Adoption

Article 49

Amendement n° 169 de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 106 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendement n° 107 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 106 et 107.

Adoption de l'article.

Article 54. – Adoption

Article 57 A. – Adoption

Intitulé du chapitre II

Amendement n° 108 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Catherine Tasca, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.

Article 57 B. – Adoption

Article 57

Amendement n° 171 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.

Amendement n° 109 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

Amendement n° 110 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 171, 109 et 110.

Amendement n° 111 de M. Richard Yung. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 61

Amendement n° 172 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.

Amendement n° 114 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendement n° 112 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

Amendement n° 113 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.

MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 172, 114, 112 et 113.

Adoption de l'article.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, déposé ce jour sur le Bureau de notre assemblée.

3

Article 13 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 17 AA

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 357, texte de la commission n° 393, rapport n° 392).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, au chapitre III.

TITRE II (SUITE°

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS 

Chapitre III

Dispositions diverses relatives aux titres de séjour

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 17

Article 17 AA

(Non modifié)

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa de l’article L. 313-12 est supprimé ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 431-2 est supprimé ;

3° L’article L. 316-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 316-3. – Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, l’autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin. La condition prévue à l’article L. 311-7 du présent code n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle.

« Le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en vertu de l’article 515-9 du code civil, en raison des violences commises par son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, est renouvelé. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 29, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’article 17 AA tend à supprimer deux articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA. Nous considérons que la suppression de ces articles constitue un véritable recul du droit des femmes.

À cet égard, je vous renvoie à lecture de l’article L.431-2 du CESEDA, que l’alinéa 3 de l’article 17 AA vise à supprimer et qui a trait aux violences conjugales.

Les associations de défense des droits des femmes sont très attachées à cet article dans sa rédaction actuelle, car il permet de libérer efficacement les victimes en leur permettant d’obtenir un titre de séjour indépendant.

Le projet de loi revient sur cette avancée majeure en subordonnant les possibilités de délivrance et de renouvellement des titres de séjour pour les victimes de violences conjugales au fait que le juge prononce une ordonnance de protection.

Nous nous étonnons de cette mise en cause du droit acquis, alors même que la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants a considéré que l’ordonnance de protection s’ajoutait aux dispositions antérieures et ne les remplaçait pas.

Je tiens à vous faire part de notre indignation face à ce recul alors même que nous venons de voter, voilà à peine quelques mois, la loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de ces deux alinéas.

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement de plein droit ».

II. – Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 431-2, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement de plein droit ».

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à mieux protéger les victimes de violences conjugales.

Le dispositif tel qu’il est prévu actuellement laisse au bon vouloir – que je ne remets pas en cause, mais nous sommes dans un État de droit – des préfets le renouvellement du titre de séjour des conjointes et conjoints de Français entrés au titre du regroupement familial.

Nous proposons que les personnes qui ont été victimes de violences conjugales puissent bénéficier de plein droit du renouvellement de leur carte de séjour sans que cela relève du pouvoir d’appréciation du préfet. De plus, la condition de placement sous ordonnance de protection est déjà restrictive.

Nous considérons que l’article 17 AA en l’état actuel n’offre qu’une protection relative, fragile et précaire aux personnes victimes de violences conjugales.

Une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon ou de son mari. Pour mettre fin à cette hécatombe, il faut s’engager fermement du côté des victimes de ces violences.

M. le président. L'amendement n° 153, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le mot : « et », la fin de la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 431-2 est ainsi rédigée : « en accorde le renouvellement ».

II. - Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Notre amendement vise deux objectifs.

D’une part, il s’agit de garantir l’automaticité du renouvellement de la carte de séjour pour les femmes victimes des violences de leur conjoint et qui ont rompu la vie commune avec celui-ci pour cette raison.

Actuellement, ce renouvellement est laissé à la libre appréciation du préfet, ce qui crée une situation intolérable pour ces femmes contraintes de choisir entre subir les violences de leur conjoint ou le quitter et prendre le risque de perdre leur droit à séjourner en France.

Il s’agit ici de protéger des personnes qui sont dans une grande détresse, de leur permettre de défendre leurs droits et de se protéger de l’auteur des violences.

Il importe également de créer une cohérence avec le droit existant : les violences commises après l’arrivée en France mais avant la première délivrance de carte de séjour temporaire donnent actuellement droit pour le conjoint victime de violence à une carte de séjour temporaire de manière automatique.

D’autre part, si ce projet de loi prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison des violences commises par son conjoint, nous souhaitons qu’il soit étendu à toute personne qui « a bénéficié » de cette ordonnance de protection, car de tels documents ne sont valables que quatre mois, ce qui pourrait pénaliser les femmes qui en ont bénéficié et sont en attente de leur renouvellement, notamment en raison des délais d’instruction.

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié il y a trois ans maximum

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 17 AA, s’il supprime à notre grand regret un article essentiel pour la protection des victimes de violences conjugales, en propose un autre.

Bien que le rapporteur écrive qu’il s’agit d’une simplification à droit constant, nous considérons qu’il s’agit d’un recul face à un droit acquis.

En effet, contrairement à ce qui est actuellement prévu dans le CESEDA, il faudra désormais à la victime, afin d’obtenir de plein droit la délivrance ou le renouvellement de sa carte de séjour, une ordonnance de protection.

Cette ordonnance de protection a été créée par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes et aux violences au sein du couple ; elle permet au juge aux affaires familiales de prendre en urgence et pour une durée maximale de quatre mois l’ensemble des mesures propres à assurer la protection de la victime.

Les auteurs de cet amendement proposent de prendre en compte dans le dispositif le caractère temporaire et limité de l’ordonnance de protection : quatre mois au maximum.

Concrètement, il s’agit de permettre au préfet d’accorder de plein droit un titre de séjour aux personnes victimes de violences qui ont fait l’objet d’une ordonnance de protection il y a trois ans au maximum et non plus aux seules personnes qui bénéficient à ce moment précis d’une ordonnance de protection.

Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 17 AA est extrêmement réducteur et il exclut du dispositif de protection de nombreuses femmes battues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur l’amendement n° 29, j’indique à ses auteurs que la commission a émis un avis défavorable uniquement parce que l’inquiétude ayant justifié cet amendement était liée à une erreur matérielle commise par les députés, qui, depuis, a été corrigée par la commission.

Les amendements nos 30 et 153, qui soulèvent la question du renouvellement automatique du titre de séjour, appellent une explication identique. Le droit actuellement applicable, issu des dispositions de la loi du 9 juillet 2010, qui permet de lier ordonnance de protection et délivrance ou renouvellement automatique du titre de séjour de la victime de violence conjugale, nous paraît déjà suffisamment protecteur. Il ne paraît pas souhaitable d’aller au-delà, étant entendu qu’en cas de procédure pénale ultérieure le préfet pourra décider du renouvellement du titre de séjour au regard des circonstances de l’espèce.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 30 et 153.

Enfin, la commission est également défavorable à l’amendement n° 32, en grande partie pour les explications déjà données à propos de l’amendement n° 153. Je souligne également qu’il n’y a pas de substitution en la matière mais que la protection a été rajoutée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement est également défavorable à ces quatre amendements.

En effet, l’article 17 AA a une portée strictement rédactionnelle. Les victimes de violences conjugales peuvent toujours recevoir une carte de séjour temporaire ou obtenir le renouvellement de celle-ci lorsqu’elles bénéficient d’une ordonnance de protection judiciaire. Ce droit au séjour est repris dans la rédaction proposée à cet article.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 29.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, ce que nous remettons en cause, c’est précisément le fait que les victimes de violences conjugales doivent obtenir une décision de protection temporaire par le juge. Voilà le fond du problème et, de ce point de vue, la réponse apportée n’est pas satisfaisante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 192 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 30.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 193 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 316-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 316-1. - Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle.

« En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée à l'étranger ayant déposé plainte ou témoigné. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article tend à mieux protéger les personnes victimes de traite humaine, notamment celles qui ont le courage de témoigner et de porter plainte, malgré les risques importants de représailles.

Introduite par la loi du 18 mars 2003, cette pratique tendant à échanger un témoignage contre une promesse de régularisation comporte de grands risques pour les personnes qui témoignent. D’autant que, en échange, le Gouvernement ne se montre pas très généreux.

Actuellement, les personnes concernées ont un délai de réflexion de trente jours pendant lequel aucune mesure d’éloignement ne peut être prononcée. Ce délai est interrompu si l’étranger renoue, de sa propre initiative, avec les auteurs des infractions.

À l’échéance de ce terme, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » d’une durée minimale de six mois peut être délivrée. Cette disposition est le fruit de la transposition d’une directive d’avril 2004 dont l’article 8 précise que les victimes du proxénétisme ou d’atteintes à la dignité humaine, comme l’exploitation de la mendicité ou l’esclavagisme, et qui témoignent ou portent plainte contre les auteurs de ces infractions doivent se voir délivrer un titre de séjour valable pendant une période minimale de six mois. Nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de se limiter à cette durée : nous souhaiterions que la durée du titre de séjour soit étendue à un an.

De plus, nous considérons que la carte de séjour temporaire doit être délivrée de plein droit, car les personnes victimes qui décident de porter plainte ne doivent pas, de nouveau, se trouver dans une situation précaire un an après, d’autant plus quand la justice a reconnu le préjudice qu’elles ont subi et que les auteurs des faits ont été condamnés.

Il nous semble alors évident que la personne, si elle ne constitue pas une menace pour l’ordre public, doit pouvoir bénéficier de plein droit d’une carte de résident. Pour constituer une véritable protection, il est indispensable que cette carte soit alors délivrée de plein droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à rendre automatique la délivrance d’une carte de séjour à l’étranger qui porte plainte ou témoigne dans une affaire relative à la traite des êtres humains ou de proxénétisme. Il propose également de rendre automatique la délivrance d’une carte de résident à ce même étranger en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.

À l’heure actuelle, une telle délivrance relève du pouvoir d’appréciation du préfet. Il paraît important de conserver un tel pouvoir à l’autorité administrative, sinon nous risquons de voir apparaître des dépôts de plaintes à vocation dilatoire, motivés par la seule recherche d’un titre de séjour.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. La faculté laissée au préfet ne doit pas devenir une obligation, car il importe de vérifier au préalable l’authenticité de la relation des faits.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17 AA.

(L'article 17 AA est adopté.)

Article 17 AA
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 17 ter (supprimé)

Article 17

(Non modifié)

I, I bis, II à IV. – (Non modifiés)

V (nouveau). – Après le mot : « titulaire », la fin du neuvième alinéa de l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code ; ». – (Adopté.)

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Article 17
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 19 (Texte non modifié par la commission)

Article 17 ter

(Supprimé)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Le but de l'amendement que nous propose la commission est de modifier un texte datant d’il y a dix ans qui satisfait tout le monde, associations comme administration. Ce n’est pas la décision du Conseil d’État qui vous pose problème, me semble-t-il : en effet, vous aviez déjà cherché en 2006 à modifier ce texte alors qu’il n’y avait pas à l’époque de décision du Conseil d’État.

Vouloir remplacer l’accessibilité effective des soins par leur simple disponibilité revient à condamner les étrangers. C’est au moins une condamnation à mort pour ceux d’entre eux qui devront retourner dans leur pays d’origine : 60 % des individus qui vivent avec le VIH dans le monde n’ont pas accès à un traitement, 25 % des morts de tuberculose pourraient être évités. C’est au moins une condamnation à la clandestinité pour ceux qui resteront en France afin de se faire soigner.

En l'occurrence, il ne s’agit pas de tourisme médical. En moyenne, les étrangers malades qui demandent leur titre de séjour le font après six années de séjour sur notre territoire ; le tourisme médical est le fait des riches, pas des pauvres.

Cet amendement pose aussi problème en termes de santé publique. Si les étrangers décident de rester en France pour se faire soigner malgré tout, ils basculent dans la précarité et la clandestinité. Ce faisant, non seulement ils renoncent à un traitement régulier, mais ils augmentent également les risques de contamination et de contagion, voire, dans certains cas, d’épidémie. C’est, à terme, l’ensemble de la société qui risque d’être touchée : les conséquences en seront donc d’autant plus graves. Les traitements contre certaines maladies sont des actes de prévention collective : c’est la société qui se protège ainsi. Si vous mettez à bas ces protections, vous nous faites courir un risque à tous.

Pis, vous ne contribuez pas, contrairement à ce que vous pouvez penser, à améliorer le financement de la santé publique, bien au contraire ! Lorsqu’on est privé de soin, assez logiquement, la pathologie empire. In fine, il faut des moyens plus lourds pour la soigner, qu’il s’agisse de traitements ou de modes d’intervention. À titre d’exemple, on a, dans ces conditions, davantage recours aux urgences, plus coûteuses, qu’aux médecins de ville.

C'est la raison pour laquelle nous souhaitons un réel accès aux soins pour les étrangers. Nous nous opposerons au compromis proposé par notre rapporteur : selon nous, il n’y a pas de compromis possible lorsqu’il est question de santé, un sujet d’humanité.

Mes chers collègues, alors qu’il ne s’agit que de 0,8 % des étrangers résidant en France, allons-nous fouler au pied nos valeurs au nom d’inepties idéologiques ?

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Nous connaissons votre volonté de traquer toujours plus la fraude, votre paranoïa absolue en la matière. Dès lors, vous cherchez à anticiper tous les moyens possibles et imaginables de contourner la loi. Or, on le sait, il y aura toujours des moyens de la contourner. Il est donc impossible de tout prévoir, de tout empêcher dans un projet de loi, sauf à en finir avec la société de droit et de liberté dans laquelle nous vivons.

Face à la question de la santé, de la vie humaine, la réponse était totalement consensuelle par le passé. Notre tradition, depuis longtemps et au-delà même des principes républicains, ne tenait pas compte de l’origine ou des papiers de celui qui rencontrait un problème de santé, qui était atteint d’une maladie grave, car on prenait d’abord en compte l’être humain.

Désormais, on met en avant ceux qui peuvent détourner la loi. Cette vision est absurde.

Même si la recherche d’un compromis par M. le rapporteur était louable, il se trouve que la rédaction à laquelle il a abouti est pire que celle d’avant. Nous allons d’ailleurs le démontrer et nous lui demandons de réfléchir à nos arguments.

L’article 17 ter avait été introduit en commission par le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale en première lecture, devenu depuis secrétaire d’État chargé des transports, Thierry Mariani. L’avantage d’une telle procédure était bien de se passer d’une étude d’impact qui laisserait voir l’inutilité de cette mutation.

Officiellement, on nous dit que cette évolution fait suite à une décision du Conseil d’État du 7 avril 2010. En réalité, il n’en est rien !

Cette décision porte préjudice au système actuel nous soutient-on également. C’est pourquoi il faut durcir les règles pour éviter un déferlement de malades, un tourisme thérapeutique. On croit rêver ! Voilà une belle méconnaissance de la situation et de ce qu’est aujourd’hui le tourisme thérapeutique dans le monde. Ce sont en effet plus souvent des Français aisés qui se rendent dans les pays émergents, en Inde par exemple, pour se faire soigner que des ressortissants de ces pays qui viennent en France. Mais passons…

En décembre 2009, dans son dernier rapport, le Conseil interministériel de contrôle de l’immigration a montré que le nombre de cartes distribuées était stable en 2008, après avoir diminué de 12 % en 2007, et concernait environ 30 000 personnes, soit 0,8 % des étrangers. Au vu de ces chiffres, l’invasion ne semble pas nous guetter…

Je rappelle que cette carte n’est pas donnée n’importe comment. Il est vrai que, à vous entendre, on pourrait croire qu’on la distribue à tout-va.

Dans un premier temps, la personne étrangère sollicite la délivrance de ce titre de séjour à la préfecture. Cette demande est accompagnée d’un rapport médical détaillé qui est rédigé par un médecin ou un praticien hospitalier.

Dans un deuxième temps, un médecin de l’Agence régionale de santé apprécie la situation au regard de quatre critères : l’état de l’étranger nécessite-t-il une prise en charge ? Le défaut de celle-ci entraîne-t-il des conséquences d’une exceptionnelle gravité ? Si oui, l’étranger peut-il effectivement avoir accès à un traitement approprié dans son pays ? En l’état actuel, quelle est la durée prévisible du suivi médical à prévoir ?

Le médecin adresse alors un avis signé sur la base de ces quatre questions.

Enfin, dans un troisième temps, la préfecture rend sa décision.

Je vous laisse juges, chers collègues. Est-ce ce que l’on considère comme une procédure bienveillante vis-à-vis de l’étranger ce que je viens de vous décrire ? Pensez-vous que celle-ci laisse cours à un certain nombre d’abus ? Je précise que seules les pathologies graves, celles qui mettent en jeu le pronostic vital, sont aujourd’hui considérées comme nécessitant la délivrance du titre de séjour.

Ce régime est juste. Il n’est donc pas utile de le changer.

Mme Bariza Khiari. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. Cet article est certainement l’un des articles phare de ce projet de loi.

Vous le savez comme moi, notre pays regarde et écoute ce débat, qui est porteur de valeurs fondamentales. Il ne s’agit pas simplement de faire du droit ; nous parlons d’hommes et de femmes malades.

Je vous rappelle que ce n’est pas la première fois que nous abordons ce sujet. Par deux fois déjà la commission des lois a supprimé l’article 17 ter, suppression qui a été sanctionnée une fois en séance publique. Pourquoi recommence-t-on une quatrième fois à en discuter ?

Notre collègue Sueur parlera tout à l’heure bien mieux que moi de l’amendement présenté par M. Dominati.

M. David Assouline. Il n’est même pas là !

M. Richard Yung. Oui, mais malheureusement ses mauvaises idées sont présentes. Il est sur la ligne de l’Assemblée nationale.

La commission des lois, pour sa part, nous propose une nouvelle rédaction de cet article sur deux points.

Tout d’abord, son amendement n° 219 vise à remplacer les mots « qu’il ne puisse effectivement bénéficier » par les mots « de l’absence ». Ensuite, il tend à insérer les mots « sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l’autorité administrative » – donc, le préfet – « après avis du directeur général de l’agence régionale de santé ».

Je dis tout de suite que nous ne sommes pas favorables à cette rédaction.

Si cet amendement était adopté, des personnes gravement malades seraient renvoyées vers des pays où elles n’auraient aucun accès à leur traitement.

Quelle différence existe-t-il entre la notion d’« inexistence » initialement proposée, qui a été remplacée par la notion d’« indisponibilité », et la notion d’« absence qui a finalement été retenue » ?

Si cet amendement était voté, le préfet serait juge en dernier lieu des critères médicaux à la place de l’autorité médicale aujourd’hui compétente. Franchement, ce ne serait pas un cadeau qu’on lui ferait, d’autant que je ne crois pas qu’il soit dans ses attributions de prendre des mesures d’ordre sanitaire et humanitaire.

Je le répète, l’amendement vise à intégrer une nouvelle disposition qui prévoit la prise en compte de « circonstance humanitaire ». Ce circuit de décision est complexe et ne permettra pas de garantir que des étrangers malades ne seront pas renvoyés sans solution de traitement vital.

Enfin, si cet amendement était adopté, le secret médical serait systématiquement levé. Comme l’a rappelé la circulaire du 5 mai 2000, l’intervention de l’autorité médicale – le médecin inspecteur de santé publique ou le médecin de l’Agence régionale de santé – « vise à préserver le secret médical, tout en s’assurant que le demandeur remplit les conditions fixées par la loi ». Dans le dispositif proposé par la commission des lois, nous n’avons plus ces garanties.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que cet amendement, qui vise évidemment à trouver un accord entre la position des ultras de l’Assemblée nationale – comment se nomment-ils déjà ?... la droite populaire ! – et le Sénat, est un mauvais compromis. Nous pensons que le Sénat, en commission des lois et en séance plénière, avait été sage de supprimer la rédaction de l’article 17 ter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis convaincu que ce débat est essentiel. Ce qui est en jeu, c’est une certaine idée de la France.

On peut considérer a priori que ceux qui demandent des papiers d’identité sont des falsificateurs, que ceux qui veulent se marier sont des tricheurs,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il y en a !

M. Jean-Pierre Sueur. … que leur mariage est suspect et que ceux qui sont malades sont probablement des menteurs.

Si l’on écrit la loi en partant de tels préjugés, on n’est pas fidèle aux principes de la République. On fabrique une loi en vertu de laquelle un certain nombre d’hommes et de femmes, surtout s’ils sont étrangers, sont avant tout des suspects.

Mes chers collègues, je vous demande de ne pas avancer sur ce chemin, d’autant que, comme vient de le rappeler Richard Yung, le Sénat a déjà refusé à plusieurs reprises, à une large majorité, d’adopter cet article 17 ter. Continuons ! C’est une certaine idée de la France qui est en cause, la France dont parlait Malraux en évoquant Jeanne d’Arc, la France miséricordieuse, secourable, qui considère que, lorsqu’un être humain est malade, il a le droit d’être secouru.

Vous pouvez afficher une espèce de réalisme un peu blasé, mais « tous ces gens-là » sont des êtres humains.

Nous considérons que cette question est très importante, monsieur le ministre, car elle a à voir avec l’humanisme. Ces êtres humains seraient menacés de mort si nous ne les accueillions pas dans des hôpitaux. La France s’honore donc à leur porter secours.

La loi qui est en vigueur actuellement fonctionne bien. Aucune difficulté ne se pose aujourd’hui. Avez-vous connaissance de tricherie dans vos départements, mes chers collègues ? Qui peut avancer cet argument ? Si personne ne le peut, pourquoi changer ce qui existe ?

C’est donc une idée de la France miséricordieuse et secourable à l’égard d’autrui que je défends. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Ce sont les mots d’André Malraux, de Charles Péguy, c’est vrai, mais j’ai bien le droit de les utiliser et de citer ces personnages dans une assemblée parlementaire de la République française !

Dans ce débat, nous touchons aux valeurs dont se réclame la République française depuis toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Tout comme mes collègues qui viennent d’intervenir, je soutiens que l’heure est grave.

L’article 17 ter avait fort heureusement été supprimé en première lecture au Sénat. Réintégré à l’Assemblée nationale, il a de nouveau été éliminé par notre commission. Il prévoit une modification du titre de séjour « étranger malade », jusqu’à présent accordé à ceux qui ne peuvent effectivement bénéficier des soins nécessaires au traitement de maladies graves dans leur pays d’origine, pour restreindre ce droit aux seuls étrangers dont les soins seraient « indisponibles » sur leur territoire.

Cette notion était floue, mais surtout suffisamment floue pour permettre une interprétation des plus restrictives et augmenter ainsi les statistiques d’expulsion du Gouvernement, quitte à risquer la vie d’un homme. Elle renvoyait à la notion de présence d’un traitement sur le marché du médicament qui est totalement dissocié de la disponibilité effective de ce médicament.

Or voilà que cette mesure est réintroduite par l'amendement n° 219, certes sous une forme nouvelle, mais qui, sous des airs de compromis, ne cache que trop mal la gravité de ce qu’il propose. Il s’agit de la pire version de cet article !

Ainsi les étrangers malades ne se verraient plus délivrer une carte de séjour que dans le cas d’« absence » d’un traitement approprié dans le pays dont ils sont originaires. Le fait qu’ils ne puissent effectivement y être soignés ne sera pas pris en compte, ce qui revient à condamner à mort certains étrangers qui, renvoyés dans leur pays, n’y seront jamais soignés, car le fait que le traitement existe ne signifie malheureusement pas forcément la prise en charge du malade.

Par ailleurs, l’introduction de circonstances humanitaires dérogatoires pourrait être une bonne chose, mais pas si elles sont appréciées par le préfet, comme le prévoit l’amendement. L’autorité administrative ne peut en aucun cas se substituer à l’autorité médicale, aujourd’hui compétente et seule à même d’apprécier des critères médicaux.

De plus, cette nouvelle rédaction lève le secret médical. Or, comme l’a rappelé la circulaire du 5 mai 2000, l’intervention de l’autorité médicale instituée par le législateur en 1997-1998 « vise à préserver le secret médical, tout en s’assurant que le demandeur remplit les conditions fixées par la loi ».

Le nouveau dispositif complexe proposé par la commission des lois obligera les étrangers gravement malades à lever le secret médical pour soumettre leur situation médicale, sans garantie, sous couvert de « circonstance humanitaire exceptionnelle », à la libre appréciation du préfet.

Enfin, il supprime de fait toute possibilité de contrôle effectif du juge sur la question de l’accès et de la disponibilité des soins dans le pays de renvoi, alors même que le juge administratif, lorsqu’il est saisi par un étranger atteint d’une pathologie d’une exceptionnelle gravité, peut annuler une mesure d’éloignement.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement, qui dégrade les conditions d’accès aux soins des plus précaires tout en augmentant les risques d’exposition et de contamination de la population, ce qui pourrait même, au final, augmenter les coûts de fonctionnement des hôpitaux.

Ce nouvel article aura pour conséquence de rejeter dans l’illégalité de nombreux patients, avec un report financier de leur traitement sur l’aide médicale d’État. Il est tout simplement dangereux, aussi bien en termes de droits accordés aux étrangers que de sécurité sanitaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.- Mme Gisèle Printz applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 219, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La première phrase du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifiée :

1° Les mots : « qu'il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l'absence » ;

2° Après le mot : « originaire » sont insérés les mots : «, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous discutons à nouveau, en deuxième lecture, du titre de séjour accordé à un étranger malade. Pour défendre cet amendement, je voudrais formuler plusieurs observations liminaires, notamment rappeler des éléments du contexte.

Jusqu’en avril 2010, la jurisprudence du Conseil d’État imposait seulement à l’administration de vérifier l’existence dans le pays d’origine de structures médicales susceptibles de permettre à l’étranger de recevoir un traitement approprié, sans tenir compte de sa capacité à y accéder effectivement.

Dans deux arrêts rendus le 7 avril 2010, le Conseil d’État a fait évoluer cette jurisprudence. Il a considéré qu’il appartenait au préfet, non seulement de vérifier qu’un refus de séjour ou un éloignement forcé n’induirait pas de conséquences d’une exceptionnelle gravité sur l’état de santé de l’intéressé, mais également de s’assurer que l’étranger serait effectivement en mesure d’accéder aux soins requis dans son pays.

L’article 17 ter du projet de loi avait donc pour objet de revenir à la situation du droit antérieure aux deux arrêts rendus par le Conseil d’État. En effet, les magistrats administratifs et les juges en particulier s’interrogeaient sur leur capacité à apprécier concrètement les conditions de l’accès effectif aux soins dans un pays donné pour pouvoir fonder la décision de renvoi d’un étranger malade dans son pays d’origine.

Cet article a été supprimé en première lecture par le Sénat, d’abord en commission des lois, puis en séance publique. Réintroduit en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, il a été de nouveau rejeté par la commission des lois du Sénat.

L’amendement que je soutiens vise à atteindre un double objectif.

Il a pour objet, d’une part, de rappeler le principe qui était en vigueur avant 2010, principe dont on peut aisément comprendre le sens et l’intérêt pour nous, mais dont l’application suscite des inquiétudes. Bien évidemment, nous sommes tous d’accord pour considérer, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, qu’il n’est pas normal de renvoyer un étranger gravement malade dans son pays d’origine s’il ne peut y être soigné.

Dans le cadre de la discussion parlementaire, nous nous sommes donc efforcés de trouver une rédaction qui garantisse à la fois le principe en vigueur jusqu’en 2010 et la santé des étrangers gravement malades. Dans la pratique, le ministère de la santé édicte régulièrement des circulaires précisant les circonstances dans lesquelles un titre de séjour est accordé à un étranger atteint d’une grave maladie ; sont particulièrement concernées les personnes atteintes du sida.

L’amendement a d’autre part pour objet de permettre, dans certains cas, la prise en compte de circonstances particulières tenant à la situation du demandeur : il serait explicitement prévu que l'autorité administrative puisse prendre en compte des considérations humanitaires exceptionnelles pour l'attribution du titre, après avoir recueilli l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé.

Une telle rédaction introduit dans la loi l’intention claire du législateur de se prémunir contre toute déviance possible en matière de refus de titre de séjour à un étranger gravement malade.

J’ajoute que le dispositif proposé ne trahit nullement le secret médical, puisque la décision finale revient au médecin.

Par cet amendement, il est simplement question de remplir ce double objectif et de le traduire clairement dans la loi, afin d’éviter toute ambiguïté. Tel était mon souci, en tant que rapporteur et en tant parlementaire. Comme tout le monde, je le dis clairement, je suis convaincu qu’il est hors de question pour la France de renvoyer un étranger gravement malade dans son pays si l’on sait qu’il ne pourra pas s’y soigner.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai déposé cet amendement, au nom de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

À la première phrase du 11° de l'article L. 313-11 du même code, les mots : « qu'il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l'indisponibilité ».

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Quel changement entre la première et la deuxième lecture ! À l’orée de cette deuxième lecture, j’avais déposé un amendement reposant sur les fondamentaux de la première lecture. Mais la situation a changé.

Mes chers collègues, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui seraient proches des situations humaines délicates et, de l’autre, ceux qui voudraient rejeter les cas difficiles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Quelle est la situation ? En fait, une pratique qui fonctionnait depuis de nombreuses années et qui permettait à 5 500 étrangers de bénéficier d’un statut particulier a été perturbée par une jurisprudence. Depuis sont survenus des dysfonctionnements qui pouvaient donner lieu à des interprétations différentes. Nous sommes dans notre rôle de législateurs en voulant corriger ou orienter cette jurisprudence, en tout cas en fixant la loi.

Nombre de nos collègues considèrent que les étrangers atteints de pathologies lourdes nécessitent une attention particulière. Pour autant, lorsqu’on nous explique, par exemple, qu’il faut accorder un statut particulier à une personne originaire du Maroc souffrant de symptômes anxio-dépressifs, parce que les conditions économiques y sont moins favorables qu’en France, nous constatons un dévoiement de la jurisprudence.

Ce point a fait l’objet de discussions, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. J’avais déposé un amendement en première lecture, mais je n’ai pas été suivi par la commission des lois ni par certains collègues de la majorité, qui ont autant de cœur que vous, comme j’ai, je pense, autant de cœur que vous. En deuxième lecture, le pragmatisme de la commission comme celui du Gouvernement – M. le ministre nous a expliqué lors de la discussion générale que le Gouvernement était animé d’un souci d’efficacité – ont permis d’aboutir à un amendement déposé par le rapporteur en séance publique qui me convient. Il me paraît mesuré, « bien dosé » : il permet de faire un sort particulier aux pathologies lourdes en autorisant le maintien sur notre territoire, mais en même temps il revient à la législation rigoureuse qui était appliquée depuis plusieurs années dans notre pays.

C'est la raison pour laquelle je retire mon amendement au profit de celui de la commission.

M. le président. L’amendement n° 180 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 219 ?

M. Claude Guéant, ministre. Comme l’ont souligné plusieurs orateurs, il s’agit d’un débat important, qui porte sur des principes auxquels nous adhérons tous, me semble-t-il, dans cet hémicycle.

Ce que souhaite le Gouvernement, c’est la poursuite du dispositif né en 1998 et qui a été appliqué jusqu’en avril 2010. Plusieurs orateurs ont souligné à quel point celui-ci était satisfaisant. La France peut effectivement s’honorer du dispositif qui a été mis en place. J’en donnerai pour preuve le fait qu’il s’applique à des personnes qui ne sont pas en séjour régulier ; j’ajoute que 6 000 personnes environ en bénéficient chaque année.

S’agissant de la lourde pathologie du sida, qui nous inquiète tous, je rappellerai qu’une instruction du ministère de la santé datant de l’été dernier et adressée aux ARS précisait expressément que « dans l’ensemble des pays en développement, il n’est pas encore possible de considérer que les personnes séropositives peuvent avoir accès aux traitements antirétroviraux ». Dès lors, le ministère de la santé invitait les ARS à autoriser le séjour de ces personnes pour raisons de santé.

Comme M. le rapporteur l’a indiqué, c’est à la suite de l’arrêt Jabnoun du Conseil d’État d’avril 2010 que le Gouvernement a souhaité modifier le texte. Le Conseil a estimé – c’est un fait nouveau – que, lorsque le malade ne peut avoir accès à un traitement dans son pays d’origine pour des raisons socio-économiques, il convient que l’assurance maladie française le prenne en charge. Nous trouvons que c’est excessif.

Telle est la raison pour laquelle nous préconisons d’en revenir purement et simplement à la loi telle qu’elle a été appliquée de 1998 à 2010, loi qui a fait l’objet, si j’ai bien compris, d’une appréciation unanimement positive.

M. le rapporteur a déposé un amendement visant à améliorer encore ce dispositif. Il tend, ce que ne permettait pas la loi de 1998, à accorder des autorisations de séjour supplémentaires pour des raisons humanitaires.

Le Gouvernement trouve que cet amendement qui, de surcroît, a d’autres vertus rédactionnelles de clarification, est bienvenu et il s’y rallie.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Permettez-moi de m’indigner contre l’acharnement tout à fait affligeant qui est mis à porter atteinte au droit des étrangers gravement malades.

Je m’attarderai peu sur l’amendement de M. Dominati, puisqu’il vient d’être retiré. Je dirai simplement qu’il eût été catastrophique qu’il soit adopté et qu’il constituait un véritable recul par rapport aux travaux qui ont été réalisés dans notre assemblée.

Je rappelle que le concept d’« indisponibilité » des traitements a été clairement rejeté en séance publique au Sénat en première lecture, ainsi que récemment par la commission des lois.

Comme M. Buffet le rappelle dans l’objet de son amendement dit « de compromis », si la commission des lois a supprimé cette disposition, c’est parce qu’elle n’était ni suffisamment claire ni suffisamment protectrice des droits des étrangers malades. Il est donc nécessaire que le Sénat campe sur ses positions progressistes et rejette une fois de plus cette atteinte flagrante aux droits des étrangers gravement malades.

L’amendement n° 219, bien qu’il nous soit présenté comme un dispositif destiné à « clarifier la rédaction » actuelle du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et à « supprimer toute ambiguïté » vient en fait sceller le sort des étrangers gravement malades vivant sur notre territoire.

Cet amendement a d’ailleurs suscité de vives critiques et de nombreuses inquiétudes de la part de plusieurs associations et collectifs de défense des droits des malades – Act up, Aides, le Comité médical pour les exilés, le COMEDE, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, l’ODSE, entre autres. Toutes désapprouvent la rédaction de cet amendement !

Quant à la notion d’ « absence de traitement », elle est pire que tout ! En effet, un pays peut posséder un traitement contre une maladie grave, tel le sida, sans que ce traitement soit pour autant présent en quantité suffisante. Il peut également n’être disponible qu’à un prix prohibitif ou être réservé à une certaine classe de la population. Le traitement peut donc ne pas être absent, mais rester cependant effectivement inaccessible à une grande majorité de malades.

Quant au 2° de cet amendement, il induit que le préfet sera juge en dernier lieu des critères médicaux à la place de l’autorité médicale aujourd’hui compétente. En effet, le préfet se verra confier in fine le soin de juger s’il s’agit d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle », sans intervention d’un médecin, pourtant seul compétent pour apprécier les critères médicaux, et sans recours juridictionnel effectif.

Lorsqu’un étranger gravement malade apprendra que le directeur général de l’agence régionale de santé a transmis un avis négatif au préfet et que c’est ce dernier qui statuera en dernier lieu sur sa situation et jugera si son cas relève ou non d’une circonstance humanitaire exceptionnelle, nul doute qu’il sera tenté de lui révéler sa pathologie. S’il était adopté, cet amendement entraînerait donc une levée quasi systématique du secret médical.

Je ne comprends pas pourquoi ce texte nous est présenté comme un compromis entre la version actuelle du CESEDA et celle qui a été rejetée par le Sénat. D’une part, nous ne sommes pas en commission mixte paritaire, mais en séance publique, où nous examinons le texte en deuxième lecture. D’autre part, il est clair qu’il s’agit de durcir de façon drastique les conditions de séjour en France des étrangers malades et, de fait, de les expulser vers la mort dans leur pays d’origine, où ils ne pourront jamais être soignés.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. J’ai attentivement écouté M. le rapporteur et M. le ministre. Il faudrait donc partir du postulat que tout le monde a les mêmes soucis pour les malades étrangers et que personne n’a le monopole du cœur sur ce sujet.

J’avoue que je ne comprends pas pourquoi vous voulez modifier le texte existant, qui est à l’honneur de la France et qui fonctionne bien.

M. Dominati nous a expliqué que son amendement était un dispositif « anti-dépressifs marocains », avant de changer de cible et de se concentrer sur le vrai débat. Sa proposition excessive n’est donc plus en discussion.

Nous sommes tous d’accord sur le fait que le système tel qu’il existait était humain, correct et fonctionnait bien. Alors pourquoi le changer ? Si le Gouvernement souhaite le modifier aujourd'hui, c’est en raison de la jurisprudence du Conseil d’État. En effet, selon M. Guéant – et M. Dominati –, le problème est que cette jurisprudence risque d’entraîner des abus parce que les remboursements de la sécurité sociale seraient plus avantageux en France qu’à l’étranger.

Pourtant, l’amendement de compromis n’est pas rédigé dans ce sens. C’est compliqué à faire ! Vous proposez de remplacer les mots : « non-accès effectif » par les mots : « absence de traitement ». Or cela ne permettra en aucun cas de résoudre l’unique problème que vous évoquez, monsieur le ministre, car l’absence de traitement ne règle pas le problème du remboursement, bon ou mauvais, par la sécurité sociale du pays étranger.

Les problèmes sont beaucoup plus concrets ; ils ont été décrits ici. Un malade atteint du sida, ou d’une autre maladie – vous avez indiqué, monsieur le ministre, que pour cette maladie, vous étiez particulièrement attentif et généreux, mais il y a d’autres maladies très graves et très lourdes –, peut ne pas avoir accès à un traitement dans son pays pour des raisons financières, mais également parce qu’il est éloigné de l’endroit où celui-ci est délivré. On sait que de tels problèmes existent dans de nombreux pays. La qualité de l’hospitalisation est également un problème, le risque étant grand parfois que l’état du patient ne soit plus grave en sortant de l’hôpital qu’en y entrant.

Ces critères ne peuvent être appréciés que par un médecin, par des autorités sanitaires, non par un préfet ! Or vous nous dites aujourd'hui que ce préfet pourra renvoyer un étranger malade dans son pays d’origine uniquement après avoir vérifié que le traitement requis y existe. C’est incroyable !

Combien de milliers de personnes seront-elles concernées ?

Vous ne voyez pas qu’à vouloir sans arrêt empêcher les abus, vous provoquez des dégâts chez ceux qui n’en commettent pas ! Peut-être pensez-vous qu’il y a plus d’abus que de bénéficiaires légitimes du dispositif ? Vous êtes complètement dans une autre logique. Pourquoi légifère-t-on alors que 99,9 % de ces bénéficiaires, compte tenu des procédures que j’ai décrites tout à l’heure, n’en abusent pas ? Ils ne sont de toute façon pas en état de chercher à le faire, tout simplement parce qu’ils sont dans la détresse absolue et qu’ils souffrent de pathologies lourdes.

Peut-être, monsieur Dominati, un dépressif marocain a-t-il commis un abus un jour, mais légiférer pour empêcher que cela ne se reproduise pas, c’est probablement priver des centaines d’étrangers malades de la possibilité de se soigner. C’est incroyable que vous n’entendiez pas cet argument tout simplement humain ! En outre, cet article ne jouera en rien sur la régulation des flux migratoires.

Le Sénat a jusqu’à présent toujours été sensible à ces arguments, il a toujours considéré qu’il ne s’agissait pas, sur ce point précis, d’un affrontement idéologique. On vous demande donc, monsieur le rapporteur, de marquer votre différence avec la façon dont l’Assemblée nationale et le Gouvernement ont apprécié les choses.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Je fais partie de ceux qui pensaient que le texte, tel qu’il avait été adopté en première lecture, n’apportait pas de réponse à un problème existant et qu’il était donc normal que nous revenions en deuxième lecture sur cette question.

Quel est le problème ? Jusqu’aux décisions précitées du Conseil d’État rendues en avril 2010, il n’y avait pas, semble-t-il, de difficulté d’interprétation de la loi.

Puis, le Conseil d’État a considéré que le médecin instructeur devait non seulement vérifier l’existence de la structure de soins dans le pays d’origine, mais également la possibilité d’accès effectif aux soins.

Un premier problème se pose : comment le médecin peut-il concrètement vérifier l’accès effectif aux soins ? Mais en outre, on s’est assez rapidement rendu compte que, derrière les termes « accès effectif aux soins » se posait le problème du financement.

Bien sûr, chacun souhaite qu’on puisse soigner toutes les personnes malades de la terre entière et que tout le monde puisse être nourri et éduqué correctement ! Les 343 sénateurs souscrivent à de tels objectifs. Toutefois, nous devons regarder la réalité en face : il n’est pas possible d’ignorer la question du financement.

En commission, nous avons essayé de trouver une solution et je pense sincèrement que le texte proposé par François-Noël Buffet, au nom de la commission, en apporte une.

L’amendement tend à proposer un dispositif en deux temps. Tout d’abord, le médecin de l’ARS devra vérifier s’il y a ou non existence d’une structure de soins. Ensuite, car ce seul aspect ne nous aurait pas suffi, il tend à prévoir que, en cas de circonstance humanitaire exceptionnelle – on ne peut imaginer que des circonstances humanitaires exceptionnelles, sinon ce serait dramatique –, l’étranger malade pourra être accueilli.

Pour ma part, j’imagine mal une autorité administrative ne pas suivre l’avis médical en la matière. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Mes chers collègues, vous faites un procès d’intention au préfet et à l’autorité administrative !

À mon sens, il n’y aura aucun problème. Et même s’il y avait des contentieux, je suis certain que les juridictions administratives interpréteraient les notions d’« absence » et de « circonstance humanitaire exceptionnelle » dans un sens extensif et favorable aux droits des personnes.

Mes chers collègues, la commission et son rapporteur ont mené un travail très sérieux. Je pense donc que nous devons voter cet amendement pour avoir un dispositif applicable. Certes, il est plus facile de se voiler la face que de résoudre des problèmes réels… (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je souhaite formuler trois observations.

Premièrement, je pense que le fait de remplacer la notion d’« indisponibilité » par celle d’« absence » ne règle pas le problème.

Mme Éliane Assassi. Au contraire, cela l’aggrave !

M. Richard Yung. En effet, ma chère collègue.

Même si les médicaments et les soins existent, on n’y a pas accès à Niamey, à Ferkessédougou ou à Bouaké !

Deuxièmement, et je réagis aux propos de notre collègue François Zocchetto, je me demande comment on appréciera concrètement en pratique la situation de la personne et l’existence d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Qu’est-ce qu’une circonstance humanitaire exceptionnelle ? Une épidémie de choléra ? Ou le simple fait qu’un individu soit malade ?

Et comment des autorités sarthoises ou alsaciennes pourront-elles évaluer si la situation de telle ou telle personne en Afrique noire ou dans une autre région du monde relève d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle » ? Ni le préfet ni le directeur général de l’agence régionale de santé ne disposeront des éléments suffisants pour en juger ! Ils seront donc contraints de solliciter l’avis du consulat. Et comment voulez-vous que les consulats, qui manquent déjà d’effectifs, ne serait-ce que pour délivrer des passeports, puissent procéder à des expertises médicales ou sanitaires ? Vous rêvez !

Troisièmement, je voudrais revenir sur les chiffres qui ont été évoqués. On nous a affirmé que tout allait bien auparavant, mais que l’arrêt Jabnoun du Conseil d'État – instance composée, comme chacun sait, de membres coupés des réalités ! (Sourires.) – aurait ouvert les hôpitaux français à toute la misère du monde…

Mais regardons objectivement les chiffres ! Nous venons tous de recevoir le rapport du Gouvernement au Parlement intitulé « Les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration » du mois de mars de 2011. À la rubrique « Étranger malade » pour les premiers titres de séjour délivrés en France, les chiffres pour 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 sont respectivement de 7 315, 6 568, 5 680, 5 738 et 5 945.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ! C’est vraiment l’invasion ! (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Vous le voyez, les chiffres traduisent en réalité une baisse. Et le stock de titres de séjour, qui est d’environ 30 000, reste constant, parce que, fort heureusement, des personnes guérissent et rentrent dans leur pays. En clair, le flux régule le stock !

Par conséquent, je pense que les arguments avancés pour justifier une telle position sont fallacieux.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lors de l’examen du présent projet de loi en première lecture, la majorité du Sénat avait fait preuve de sagesse en supprimant l’article 17 ter.

La seule réponse possible aux maladies graves qui mettent en danger la vie même des personnes est évidemment l’accès aux soins. Tout le reste n’est que littérature.

Pour vous, lorsque les traitements existent dans le pays d’origine d’une personne, il est inutile de prendre en compte sa situation économique. En d’autres termes, qui n’a pas les moyens de se soigner peut mourir tranquillement !

Dans son amendement récent, M. le rapporteur évoque la notion de « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Je ne suis pas linguiste, mais il y a fort à parier que cela concernera uniquement le sida ! Or la situation de personnes sous dialyse relève aussi d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Pour le dire crûment, renvoyer une personne sous dialyse dans un pays où le traitement n’est pas assuré, c’est la condamner à mort ! Alors, que chacun prenne ses responsabilités !

À mon sens, vous voulez faire de l’affichage politique ! Comme l’a rappelé notre collègue, les étrangers malades concernés ne sont pas nombreux et les chiffres n’augmentent pas. Car les médecins sont des personnes responsables. Et, si vous les prenez pour des irresponsables, dites-le clairement !

Vous voulez propager l’idée que les étrangers viennent dans notre pays pour « manger le pain des Français » et « profiter des largesses de notre système de sécurité sociale » ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Patrick Courtois. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or il faut se sortir cette idée de la tête. Après tout, vous êtes des gens sérieux ; alors, soyons précis !

Nombre d’étrangers sont des personnes jeunes, célibataires, qui travaillent, paient leurs cotisations à la sécurité sociale, contribuant ainsi à son financement, et n’ont jamais recours aux soins ! C’est une réalité que vous devriez mettre en avant, vu l’optique financière et comptable qui est la vôtre !

En fait, je pense que vous êtes abusés par les pratiques des riches. (Protestations sur les travées de lUMP.) Le tourisme médical des riches est très fréquent, dans les deux sens. De même que des étrangers riches se font soigner en France, parfois sans payer, des Français riches se rendent dans des pays qui ne prennent même pas en charge la santé de l’ensemble de leur population pour y subir des opérations de chirurgie esthétique ou bénéficier de soins dentaires spécialisés et payer moins cher. Et vous, vous vous laissez abuser par de telles pratiques !

Mes chers collègues, en adoptant l’amendement de M. le rapporteur, c'est-à-dire en refusant de revenir à la raison, vous vous rendrez complices d’un grave acte d’inhumanité ! Je pense à la situation des personnes dont la vie serait menacée ! Je pense aussi aux risques de contagion dans les pays qui présentent des défaillances sanitaires ! Et je ne parle pas seulement du sida ; cela concerne également, hélas, d’autres maladies ! Ne prenons pas de tels risques !

M. Claude Léonard. Scandaleux !

Mme Éliane Assassi. Comment ça, « scandaleux » ? Donnez-nous donc votre avis au lieu de vociférer !

M. Claude Léonard. Vous ne savez pas ce qu’est l’exercice médical !

Mme Éliane Assassi. Si ! Justement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. La question est de savoir s’il existe un argument qui nous conduirait à préférer l’amendement de M. le rapporteur. Y a-t-il lieu de modifier la position qu’avait adoptée le Sénat à une très large majorité ? Mes chers collègues, si un tel argument n’existe pas, mieux vaut en rester à notre position initiale.

M. Jacky Le Menn. C’est le bon sens !

M. Jean-Pierre Sueur. Premièrement, il est patent que l’adoption de l’amendement de notre rapporteur aurait pour conséquence de renvoyer des personnes gravement malades vers des pays où elles n’auraient aucun accès aux traitements nécessaires ! (Approbations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de lUMP.)

En effet, quelle différence y a-t-il entre la notion d’« inexistence », qui était proposée initialement, celle d’« indisponibilité », qui l’a ensuite remplacée, et celle d’« absence », qui figure actuellement dans l’amendement de M. le rapporteur ? L’existence, la disponibilité ou encore la présence d’un traitement ne garantissent plus qu’un étranger malade résidant en France puisse être effectivement soigné en cas de renvoi dans son pays d’origine.

Prenons le cas du sida. Les traitements antirétroviraux sont réputés disponibles dans la quasi-totalité des pays du monde. Mais, en moyenne, 37 % des personnes nécessitant un traitement antirétroviral contre l’infection VIH y ont effectivement eu accès en 2009 dans les pays d’Afrique subsaharienne ; ce sont les chiffres de l’ONUSIDA.

Il est donc indiscutable que l’adoption d’un tel amendement aurait pour effet le renvoi des personnes porteuses, par exemple, du virus du sida vers des pays où elles ne pourraient pas être soignées.

Deuxièmement, si l’amendement est voté dans la rédaction que nous a présentée notre collègue M. François-Noël Buffet, l’autorité administrative sera juge en dernier ressort des critères médicaux, et ce à la place de l’autorité médicale, qui est évidemment compétente. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Certes, vous proposez d’intégrer une nouvelle notion, celle de « circonstance humanitaire exceptionnelle ». Mais c’est à l’autorité administrative, après avis d’une autre autorité administrative, qu’il appartiendra d’en juger. Il n’y aura donc pas d’avis médical a priori.

On peut considérer, à l’instar de M. Zocchetto, que le texte prévoit implicitement le recours à un avis médical par l’autorité administrative. Mais, dans ce cas, pourquoi ne pas le préciser explicitement ? C’est là la faille de votre raisonnement, mon cher collègue.

Par conséquent, la rédaction qui fut retenue par la grande majorité du Sénat et par vous-même est évidemment meilleure que celle qui nous est proposée aujourd'hui par souci de compromis.

Troisièmement, en cas d’adoption d’un tel amendement, le secret médical serait systématiquement levé.

Comme cela est rappelé dans la circulaire du 5 mai 2000, l’intervention de l’autorité médicale instituée par le législateur « vise à préserver le secret médical, tout en s’assurant que le demandeur remplit les conditions fixées par la loi. » À l’opposé, le dispositif complexe proposé par notre rapporteur obligerait à la levée du secret médical d’étrangers gravement malades, et leur situation médicale serait soumise sans garantie aucune, sous couvert de « circonstance humanitaire exceptionnelle » à la libre appréciation de l’autorité administrative.

Mes chers collègues, j’ai avancé trois arguments, qui me paraissent clairs, et je n’ai pas entendu d’arguments contraires. Alors, de deux choses l’une : ou bien il y a des arguments contraires à chacun des trois arguments que je viens de présenter et, dans ce cas, il faut les énoncer, ou bien il n’y en a pas et, dans ce cas, je ne vois pas pourquoi le Sénat se déjugerait par rapport à sa position antérieure.

Hier, lors d’un vote au cours duquel le Sénat est revenu sur ce qui avait été décidé à l’unanimité en première lecture, j’ai dit que j’acceptais ce vote, mais que je ne le comprenais pas.

Il en va de même ici. Si vous changiez d’avis, mes chers collègues, je ne le comprendrais vraiment pas. C’est pourquoi, avec toute la conviction qui est la mienne, je vous demande de ne pas modifier votre position.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Cet amendement, je le redis, marque une véritable régression. Je m’exprimerai d’un point de vue juridique, en répondant à l’intervention de notre collègue Zocchetto, dont je ne partage absolument pas la façon de voir.

Le droit applicable aujourd'hui est celui qui a été posé par les deux arrêts Jabnoun de 2010. Pendant des années, le Conseil d’État avait ignoré l’article du CESEDA en considérant que la notion de disponibilité du traitement était assez formelle. Il suffisait que le traitement existe pour qu’il soit considéré comme disponible. Puis, le Conseil d’État s’est posé tout d’un coup avec force la question que certains veulent éluder : qu’est-ce qu’un traitement disponible ?

Le Conseil d’État a finalement estimé qu’il y avait deux façons de considérer la disponibilité : d’une part, la disponibilité matérielle– le traitement existe ; il peut être dispensé dans un hôpital, un hôpital américain, par exemple –, d’autre part, la disponibilité en tant qu’accessibilité.

Pour la première fois, le Conseil d’État a posé le principe selon lequel, pour que le traitement soit accessible, il fallait que les conditions socio-économiques soient telles que l’étranger puisse y avoir accès.

Ce qui est intéressant, c’est que le commissaire du Gouvernement, qui a été suivi par le Conseil d’État, a précisé – et nous devrions en être honorés et prendre d’autant plus ce jugement en considération – que son analyse s’appuyait sur les travaux du Parlement pour avoir une approche concrète et pragmatique.

Mes chers collègues, aujourd'hui, il nous est proposé de balayer cette vision pragmatique au profit d’un leurre. Tout le monde serait généreux, tout le monde serait honnête. Finalement, peu importe que l’on soit riche ou pauvre, si un traitement est présent sur le marché…

Quels arguments nous oppose-t-on ? S’agit-il d’un problème financier ? Certainement pas ! Malheureusement, nous le savons tous, même en étant les plus généreux qui soient, le dispositif ne concernera qu’un nombre très limité de cas. Il ne s’agit donc pas d’un problème de coût. Où est donc la difficulté ?

Selon moi, il s’agit d’un problème humanitaire. Est-il humain d’accorder, selon que l’étranger est pauvre ou riche, la mort ou la vie ? S’il n’est pas acceptable d’instaurer une discrimination sur des critères financiers, il convient de préciser que toutes les personnes malades ont droit au même traitement et à la même situation administrative !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, dans un premier mouvement, vous avez-vous-même reconnu que la loi était satisfaisante. Alors, pourquoi vouloir la changer ?

Vous avez affirmé que l’amendement n° 219 de la commission constituait une amélioration. Tel n’est pas le cas, selon moi. Présenté comme un texte de compromis, cet amendement marque un recul pour les étrangers malades, et ce pour au moins quatre raisons.

Premièrement, il vise à remplacer la condition de non-accès effectif par la condition d’absence de traitement, ce qui supprime de fait le droit au séjour et la protection contre l’éloignement des étrangers gravement malades résidant en France.

Deuxièmement, il tend à substituer le préfet à l’autorité médicale dans l’appréciation in fine de la situation médicale, sous couvert de l’examen de circonstances humanitaires exceptionnelles.

Troisièmement, il tend à supprimer toutes les garanties procédurales instituées par la loi de 1997-1998, au premier rang desquelles se trouve le respect effectif du secret médical.

Quatrièmement, il vise à supprimer, de fait, toute possibilité de contrôle effectif du juge sur la question de l’accès et même de la disponibilité des soins dans le pays de renvoi. Pourtant, bien avant l’intervention de la jurisprudence du Conseil d’État, le juge administratif, lorsqu’il était saisi par un étranger atteint d’une pathologie d’une exceptionnelle gravité, annulait une mesure d’éloignement sur deux.

Ce sont donc quatre raisons de ne pas voter l’amendement n° 219.

Mes chers collègues, l’heure est grave, cela a été dit. Comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, nous nous honorons tous d’appartenir à une société clémente et miséricordieuse. J’espère que notre assemblée sera, au-delà de ces qualificatifs, juste, civilisée, c'est-à-dire humaine !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Malgré toutes les explications que je viens d’entendre, je me pose encore un certain nombre de questions sur l’amendement n° 219, qui vise à rétablir l’article 17 ter, avec les modifications apportées par M. le rapporteur.

Selon moi, il existe un vrai problème concernant l’accessibilité des étrangers aux soins et le renvoi de ces derniers dans leur pays d’origine. Il existe également une difficulté à propos du rôle du préfet qui se substitue à l’autorité médicale : que devient le secret médical ?

Cet amendement durcit le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. J’ai peur qu’il ne supprime purement et simplement le droit de séjour des étrangers pour raison de santé.

Que fait-on de la protection des malades ? Comment lutte-t-on contre les risques de contagion ? On ne peut pas, d’un côté, déplorer en France une baisse de la vigilance collective et de la vaccination – qu’il s’agisse simplement de la rougeole ou de la tuberculose – et, de l’autre, laisser des malades errer avec des pathologies bien plus graves, en les privant de l’accès aux soins. Je pense, notamment, au Sida.

Comme mes collègues qui se sont exprimés avant moi, je pense qu’il ne faut pas dépenser toute notre énergie à traquer les étrangers malades. Ceux-ci ne sont pas si nombreux qu’on le croit. Je préférerais que nous les soignions.

Monsieur le ministre, n’est-il pas possible d’établir une carte sanitaire de l’ensemble des pays d’origine afin d’être un peu plus impartiaux ?

Vous l’aurez compris, je voterai contre l’amendement n° 219 de la commission des lois, comme la majorité des membres du RDSE.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. Je souhaite reprendre la parole sur deux points.

Ainsi que M. Yung, j’ai feuilleté la page 43 du rapport présenté par la commission en vue de la première lecture. Les arrêts dont il est question datent de l’année 2010. Comme vous, je me fonde sur la politique antérieure à 2010. L’objet de l’amendement initial était de rétablir un système qui fonctionnait à peu près correctement avant les arrêts du Conseil d’État. Si vous étiez logiques avec vous-mêmes, vous voteriez l’amendement n° 219 de la commission.

M. Philippe Dominati. Monsieur Sueur, je suis surpris par votre premier argument, à savoir que nous avons débattu de ce point en première lecture et qu’il n’y a pas lieu d’y revenir en seconde lecture. Selon vous, l’Assemblée nationale s’est prononcée, il y a eu un jugement, nous n’avons pas besoin d’étudier cette question de nouveau.

M. David Assouline. Vous ramez !

M. Philippe Dominati. En réalité, un travail a été accompli en commission et dans les groupes politiques. Des évolutions politiques sont intervenues. Ce qui vous gêne dans cette discussion, c’est que vous, vous êtes restés figés sur une position idéologique et sur les débats de première lecture !

M. David Assouline. N’importe quoi ! Ramez, ramez !

M. Jean-Pierre Sueur. Quand on est malade, ce n’est pas idéologique, c’est concret !

M. Philippe Dominati. Lorsque M. Assouline affirme que nous faisons des dégâts, je ne suis pas d’accord avec lui. Nous adaptons la politique migratoire à la réalité quotidienne. C’est vous qui feriez des dégâts avec un certain laxisme, un immobilisme, un statu quo qui en fait vous arrangeraient bien ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. En quoi cela m’arrangerait-il ?

M. Philippe Dominati. Vous ne pouvez pas nous reprocher nos choix, car ils tiennent compte des problèmes humains.

M. David Assouline. Vous n’avez pas de cœur !

M. Philippe Dominati. Tous ces points ont été étudiés en commission, M. Zocchetto l’a souligné. Nous avons essayé de prendre en considération tous les cas et de faire correspondre la politique d’accueil de notre pays avec la possibilité d’apporter des réponses humaines dans certaines situations particulières, sans pour autant ouvrir les vannes de l’immigration, comme vous voudriez le faire !

M. David Assouline. Mais oui, c’est ça…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un tel discours ne vous rapporte rien. Il rapporte des voix au Front national !

M. David Assouline. Vous n’avez pas de cœur !

M. Philippe Dominati. Vous n’avez pas le monopole du cœur !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je suis d’accord avec un certain nombre de nos collègues qui se sont exprimés. Comme eux, je suis intimement et profondément convaincu du sens de la responsabilité des médecins – Mme Borvo Cohen-Seat l’a rappelé tout à l’heure et je suis absolument d’accord avec elle.

Un des arguments invoqués contre cet amendement est qu’il donnerait intégralement à l’administration le pouvoir de décider et que, finalement, l’aspect santé serait occulté. Je rappelle que l’administration prendra sa décision en s’appuyant sur un avis médical rédigé par des médecins responsables. J’attire également votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la détermination de l’existence d’un traitement approprié relève de la compétence du médecin inspecteur qui, depuis mars 2007, dispose d’un répertoire de fiches établies par les services compétents du ministère des affaires étrangères et européennes, répertoire qui indique exactement la situation des soins et des capacités de soin dans tous les pays du monde.

Je suis donc intimement persuadé que les médecins auront la main. In fine, c’est eux qui décideront et fixeront les règles. Pourquoi donc être inquiets puisque nous sommes tous convaincus de la grande responsabilité des médecins ?

Enfin, j’en viens à mon dernier point. Une association a fait passer un petit document avant la séance d’après lequel toute voie de recours serait évacuée. Sachons raison garder ! Une décision administrative peut toujours, à tout moment, faire l’objet d’un recours ! En l’occurrence, la décision du préfet, quelle qu’elle soit, pourra être contestée et le juge administratif pourra à n’importe quel moment être saisi. De ce fait, comme l’a souligné François Zocchetto, une jurisprudence sera établie.

Je tenais à insister sur ces quelques points essentiels en ce qui concerne cet amendement, sans chercher forcément à répondre à tous les arguments qui ont été développés par les différents orateurs. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 219.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe CRC-SPG et, l’autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 194 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 169
Contre 156

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’article 17 ter est rétabli dans cette rédaction.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 17 ter (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 21 ter

Article 19

(Non modifié)

La sous-section 7 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code est complétée par un article L. 313-15 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-15. – À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l’article L. 313-10 portant la mention “salarié” ou la mention “travailleur temporaire” peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigé. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 42, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

et supprimer les mots :

, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de prévoir la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et suit une formation.

Il est tout à fait évident que, depuis la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit au jeune majeur qui a été pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans.

L’article 19 étend cette possibilité aux jeunes majeurs recueillis par l’aide sociale à l’enfance entre seize ans et dix-huit ans, mais ne prévoit, dans cette hypothèse, qu’une simple possibilité de délivrance. Au-delà de cette simple possibilité, les auteurs de cet amendement souhaitent que l’étranger suivant une formation et confié à l’aide sociale à l’enfance entre seize ans et dix-huit ans puisse obtenir de plein droit la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire ».

Par ailleurs, cet amendement vise également à supprimer la condition portant sur l’obligation de ne plus entretenir de lien fort avec son pays d’origine. Je rappelle que l’article 10 de la convention relative aux droits de l’enfant prévoit, en effet, le droit au maintien des liens familiaux. Par conséquent, en l’état, si notre amendement n’était pas adopté, le présent article 19 serait contraire à la convention internationale précitée.

Enfin, de manière générale, nous nous opposons au postulat qui sous-tend cette disposition, à savoir l’idée, de plus en plus répandue dans certains milieux, selon laquelle un étranger, à partir du moment où il entre sur notre territoire, devrait oublier son passé, son identité, ses racines. De notre point de vue, un étranger a sa place en France dès lors qu’il est en situation régulière ; nous ne lui demandons pas de renier son passé, car nous pensons qu’il peut se sentir chez lui, au sein de la République française, en demeurant ce qu’il est, tout en étant, bien entendu, attaché aux lois de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L’amendement n° 143, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries et Mme Tasca, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation

par les mots :

est scolarisé, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de ses études

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à modifier la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 19 du présent projet de loi, qui traite du cas des jeunes étrangers mineurs isolés confiés à l’aide sociale à l’enfance, ou ASE, entre seize ans et dix-huit ans. En l’état actuel de sa rédaction, cet alinéa dispose que, pour prétendre à l’obtention, à sa majorité, d’un titre de séjour portant la mention « étudiant », « salarié », ou « travailleur temporaire », le jeune placé à l’ASE après ses seize ans devra justifier de six mois de « formation qualifiante », en référence à la formation en alternance.

Or un jeune dépourvu de titre de séjour l’autorisant à travailler ne peut absolument pas s’inscrire dans ce type de formations professionnelles, qui sont réservées aux personnes en situation régulière munies d’une autorisation de travail, l’autorisation de travail constituant un préalable à l’inscription exigée par les établissements.

L’article L. 341-4 du code du travail, modifié par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, dite « loi Borloo », ne reconnaît en effet un droit à l’autorisation de travail en vue de la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation que pour l’étranger qui a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance avant qu’il ait atteint l’âge de seize ans et qui est toujours pris en charge au moment où il présente sa demande.

Dès lors, cet alinéa tel qu’il est rédigé, n’a aucun sens puisque aucune personne ne sera concernée par le cas hypothétique prévu par l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction issue de l’article 19.

Par ailleurs, le délai de six mois prévu par l’alinéa 2, est lui aussi surréaliste, dans la mesure où, une fois le mineur isolé de plus de seize ans placé à l’ASE, il conviendra, pour l’équipe éducative, de déterminer son niveau scolaire et ses attentes. Puis, il faudra procéder à diverses modalités administratives, relatives à l’état-civil ou au passeport, et chercher un établissement scolaire susceptible de l’accueillir. Ensuite, dans de nombreux cas, ce jeune devra suivre des cours de français, ce qui, in fine, implique que, dans la majorité des cas, il ne pourra pas justifier des six mois de scolarité requis.

Dès lors, il est essentiel d’adopter cet amendement, qui tient compte de la réalité des faits constatés en pratique et permet de délivrer un titre de séjour temporaire à ces jeunes, qui, à défaut seront à nouveau livrés à eux-mêmes dès la fin de leur prise en charge par l’ASE, c’est-à-dire dès leur majorité, sans emploi, sans papiers, donc sans perspectives d’avenir.

La nature des titres temporaires que l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit de délivrer dans ces cas, permet, quoi qu’il advienne, de s’assurer de l’insertion professionnelle du jeune concerné, puisque le renouvellement du titre de séjour portant la mention « travailleur temporaire » et « salarié » est subordonné à l’exercice d’une activité professionnelle ; quant au renouvellement du titre de séjour portant la mention « étudiant », il est subordonné au caractère réel et sérieux des études. Dans ce dernier cas, un jeune qui se verra délivrer un titre de séjour « étudiant » pourra ensuite, s’il trouve une activité professionnelle, demander le statut « salarié » ou « travailleur temporaire », selon la nature de son contrat de travail.

M. le président. L’amendement n° 40, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

six

par le mot :

trois

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée, de plein droit, au jeune majeur qui a été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans. En revanche, les textes en vigueur sont muets quant au droit au séjour, à sa majorité, d’un mineur isolé, entré en France entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans.

Le nouvel article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pallie cette carence, en permettant la délivrance à un étranger, confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans, d’une carte de séjour temporaire, portant la mention « salariés » ou « travailleur temporaire ». Pour bénéficier de cette nouvelle procédure, l’étranger doit justifier du suivi « réel et sérieux » d’une formation professionnelle qualifiante.

Cependant, la condition de durée de cette formation professionnelle, fixée à six mois, nous paraît trop restrictive. Monsieur le rapporteur, à l’inverse de ce que vous avez prétendu en première lecture, nous ne pensons pas que cette condition de durée constitue une « solution équilibrée ».

En effet, entre ses seize ans et ses dix-huit ans, le mineur confié à l’aide social à l’enfance doit, dans bien des cas, suivre une formation de remise à niveau scolaire ainsi que des cours de langue française. C’est pourquoi il nous paraît plus réaliste de réduire à trois mois la durée de la formation qualifiante requise.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui pourrait recevoir dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » peut en faire la demande dès l'âge de seize ans s'il souhaite travailler, notamment dans le cadre d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Pour beaucoup de mineurs isolés, le travail représente l’une des rares échappatoires susceptibles de leur permettre d’améliorer substantiellement leurs conditions de vie, de s’intégrer davantage dans la société via le renforcement du lien social avec autrui et de s’épanouir.

Or, en l’état du droit, avant de signer un contrat d’apprentissage, de suivre une formation en alternance ou même d’effectuer un stage en entreprise, le mineur étranger doit être titulaire d’une autorisation de travail. Dans ce contexte, il apparaît logique et nécessaire de faire en sorte que la carte de séjour temporaire soit délivrée à partir de seize ans, dès lors que le mineur confié à l’aide sociale à l’enfance souhaite effectivement accomplir une formation professionnelle ou travailler. Une telle disposition est de nature à favoriser l’émancipation, l’intégration et le bien-être du mineur isolé.

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 313-15. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10, portant la mention “salarié” ou la mention “travailleur temporaire”, peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre une formation, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, après avis de l'équipe pédagogique de la structure d'accueil. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé.

« L'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui pourrait recevoir dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire une carte de séjour temporaire portant la mention “salarié” ou “travailleur temporaire” peut en faire la demande dès l'âge de seize ans s'il souhaite travailler, notamment dans le cadre d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. »

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Le projet de loi prévoit une régularisation des mineurs étrangers isolés arrivés en France entre seize et dix-huit ans, une fois qu’ils sont devenus majeurs. Néanmoins, cette régularisation ne serait accordée qu’à titre exceptionnel – quand les mineurs arrivés avant l’âge de seize ans sont régularisés de droit –, ce qui conférerait à l’administration un pouvoir discrétionnaire ne permettant pas de sécuriser le parcours juridique de ces jeunes.

Nous souhaitons donc supprimer le caractère exceptionnel de la délivrance du titre de séjour, ainsi que les conditions fixées en termes de durée de formation. Sans cela, les dispositions du nouvel article 19 risquent de ne concerner qu’une minorité de jeunes.

Par ailleurs, nous souhaitons que le mineur étranger isolé, s’il souhaite travailler, puisse recevoir un titre de séjour portant la mention « salarié » ou la mention « travailleur temporaire » dès ses seize ans. En effet, pour l’accomplissement de formations professionnelles nécessitant la signature d’un contrat d’apprentissage ou se réalisant en alternance, les mineurs étrangers doivent avoir une autorisation de travailler. Nous ne voyons aucune raison de les exclure d’une formation professionnalisante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 154 tend à supprimer la condition de suivi d’une formation depuis six mois ainsi que la référence aux liens que le jeune pourrait avoir conservés avec sa famille restée dans le pays d’origine. Or il est important de laisser au préfet la possibilité d’examiner l’ensemble de la situation du jeune majeur, notamment ses liens familiaux dans son pays d’origine. Cela me paraît même essentiel !

En outre, comme on l’a déjà souligné, notre objectif est de ne pas encourager les filières d’immigration irrégulière.

Quant à la deuxième partie de cet amendement, la commission des lois estime qu’elle est satisfaite, notamment par l’article L. 311-3 du CESEDA.

Par conséquent, nous demandons le retrait de l’amendement n° 154. À défaut, notre avis sera défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 42, sur lequel j’émets un avis défavorable, il me faut lever une ambiguïté : la formule « sous réserve de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine » signifie que le titre de séjour est attribué lorsque le jeune majeur n’a plus de liens forts dans son pays d’origine, et non l’inverse, comme pourrait le laisser croire l’objet écrit de l’amendement.

L’avis est défavorable sur l’amendement n° 143, qui repose lui aussi sur un malentendu, et je ne fais que me répéter puisque tous ces amendements ont déjà été examinés en première lecture.

En principe, un mineur isolé est dispensé de titre de séjour et ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement. C’est la règle ! Toutefois, entre seize et dix-huit ans, s’il souhaite exercer une activité professionnelle – ce qui inclut les formations professionnelles en apprentissage ou en alternance –, il reçoit de plein droit une carte de séjour temporaire dès lors qu’il remplit les conditions prévues à l’article L. 313-11 du CESEDA.

La commission estimant que la condition de suivi de la formation depuis au moins six mois offre un bon équilibre entre la volonté de tenir compte des efforts d’intégration réalisés par le mineur et le souci de ne pas encourager les filières d’immigration irrégulière – c’est une préoccupation constante –, elle est défavorable à l’amendement n° 40.

Enfin, la commission considère que l’amendement n° 41 est satisfait par les dispositions de l’article L. 311-3 du CESEDA. Elle demande donc à ses auteurs de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement partage l’excellente argumentation de M. le rapporteur et exprime un avis défavorable sur ces cinq amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 41 est-il maintenu ?

M. Richard Yung. Nous le retirons, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 41 est retiré.

L'amendement n° 144, présenté par Mme Boumediene-Thiery, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et M. Hervé, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Après l'article L. 313-15 du même code, il est inséré un article L. 313-16 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-16 – Les méthodes médico-légales de détermination de l'âge d'un étranger, qui affirme être mineur, sont proscrites, en particulier le recours à des examens osseux. En cas de doute sur l'âge de l'intéressé placé à l’aide sociale à l’enfance, ce dernier sera autorisé à démontrer par tout autre moyen qu'il a moins de dix-huit ans. Il sera notamment fait application de la présomption de validité des actes d'état civil étrangers, prévue à l'alinéa 1 de l'article 47 du code civil. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 19 est relatif aux mineurs isolés confiés à l’aide sociale à l’enfance et cet amendement concerne les méthodes de détermination de leur âge. Il va dans le sens des recommandations et doléances émises à ce sujet par le Conseil national de l'Ordre des médecins, lequel demande que « les actes médicaux réalisés non dans l'intérêt thérapeutique du patient mais dans le cadre des politiques d'immigration soient bannis, en particulier les radiologies osseuses ».

Cette demande, relayée par l’Ordre des médecins, émane précisément de la Déclaration européenne des professionnels de santé pour un accès aux soins de santé sans discrimination. Elle fait suite à l’avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques, en date du 23 juin 2005, au rapport de l’Académie nationale de médecine du 22 janvier 2007 et aux différentes recommandations de la Défenseure des enfants.

Il est donc nécessaire d'interdire ces pratiques pour déterminer l'âge d'un étranger dont la minorité est remise en cause par l'administration et de lui permettre de justifier son âge par tout autre moyen.

En effet, il est fréquent que l’âge d’étrangers confiés à l’aide sociale à l’enfance soit remis en cause par l’administration, qui exige que des tests osseux soient pratiqués sur ces jeunes. Si, selon les tests réalisés, les intéressés ont plus de dix-huit ans, ils doivent quitter les foyers dans lesquels ils ont été placés et sont reconduits en centre de rétention administrative, afin d’être expulsés du territoire français.

Or il est scientifiquement avéré que ces examens osseux ne sont fiables qu’à dix-huit mois près. Dès lors, un étranger réellement mineur, par exemple âgé de dix-sept ans, peut subir les conséquences négatives de tels examens, à la connotation quelque peu « nauséabonde », alors qu’il est dans son bon droit.

En cas de doute sur la véracité des actes d'état civil fournis par l'intéressé, l'administration pourra, notamment, faire application de l'article 47 du code civil et saisir le procureur de la République de Nantes, afin qu'il soit procédé à la vérification de l'authenticité de ces actes.

On peut donc éviter les examens osseux tout en respectant les modalités juridiques mises en place par notre droit civil pour lever tout doute quant à la véracité d’un acte de naissance étranger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mon explication sera identique à celle que j’avais donnée en première lecture. Ce système n’est peut-être pas le meilleur, mais c’est celui que nous avons actuellement à notre disposition. Je précise en outre que, si doute il y a, il bénéficie au mineur.

Donc, si un meilleur système est élaboré, il conviendra le moment venu d’y avoir recours, mais, en l’état, nous utilisons celui qui existe. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Il est défavorable pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Article 19 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 23

Article 21 ter

Le premier alinéa de l'article L. 623-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces peines sont également encourues lorsque l'étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. »

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. L’article 21 ter, une fois encore issu des réflexions poussées de certains de nos collègues députés qui, manifestement, ne manquent pas d’imagination, marque à nouveau notre différence d’approche en matière d’immigration.

L’étranger serait quelqu’un dont il faudrait se méfier. Et voici donc sa malignité démontrée au travers du « mariage gris ».

On connaît le mariage, on connaît le mariage blanc ou nul. Il existe désormais une nouvelle catégorie : le « mariage gris ». Selon vous, chers collègues de la majorité, il est le fait d’étrangers qui se marient à des Français – plutôt des Françaises, d’ailleurs, dans la majorité des cas – en vue d’avoir des papiers, une carte de séjour. Il a manifestement été consommé, mais il est gris parce que l’un des deux conjoints a ou aurait trompé l’autre sur les motifs de l’union.

Je m’arrête là pour la description. J’avoue que, si des situations de ce genre peuvent éventuellement se présenter, nous sommes bien en peine, en tant que législateur, pour intervenir.

De quel droit allons-nous juger de la véracité du consentement de quelqu’un, de la validité de ses sentiments ? Quelle preuve doit-on apporter ? Cela se compte-t-il en nombre de fleurs offertes ? L’étranger devra-t-il écrire des lettres enflammées pour prouver sa passion ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Catherine Deroche. Cela se fait encore ? (Sourires.)

Mme Bariza Khiari. Si celles-ci sont d’une belle écriture – en français, bien sûr ! –, recevra-t-il du même coup une note satisfaisante à l’examen sur son niveau de langue ? On en revient à Voltaire…

Comment un juge pourra-t-il juger qu’un étranger « a dissimulé ses intentions à son conjoint, pour reprendre les termes de votre projet de loi » ?

À mon sens, on entre là dans des querelles privées assez difficiles à trancher.

En amour, il arrive que l’on se trompe : on croit aimer et l’on finit par se rendre compte que l’on se leurre ; on change d’avis et l’on demande alors le divorce. Nombre de couples autour de nous ont connu ce parcours : ils ne sont pas tous frauduleux pour autant ! Pourquoi une telle suspicion dès lors que le mariage implique des étrangers ?

Cela nous ferait presque rire si les peines encourues n’étaient pas si lourdes : sept ans de prison et 30 000 euros d’amende, soit autant que pour proxénétisme et traite d’êtres humains ! Croyez-vous, chers collègues, que cette peine soit en adéquation avec le délit constaté, s’il est avéré ?

Et quel pouvoir met-on ainsi entre les mains du conjoint français, qui pourra disposer aisément d’une arme contre son compagnon en cas de difficulté de couple ! Cette inégalité dans le couple me paraît dangereuse et porteuse de conflits assez malsains.

Laissons au contraire nos compatriotes faire preuve de discernement sur leurs relations. Ils sont adultes et doués de raison. Il me semble qu’on les estime capables de réfléchir avant de s’engager puisqu’on leur donne le droit de vote à dix-huit ans. Cela devrait également être valable en amour !

C’est pourquoi nous nous opposerons à l’article 21 ter et à tout amendement qui prétendrait en améliorer le dispositif.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Si l’on voulait bien, dans cet hémicycle, examiner cette question d’un point de vue un peu plus large, on ne pourrait que se réjouir de voir la France enregistrer 85 000 mariages mixtes, soit un tiers des mariages célébrés dans notre pays. Tous ceux qui observent le fonctionnement de nos sociétés modernes et qui s’intéressent aux mécanismes d’intégration qui y sont à l’œuvre, qui y assurent la cohésion sociale, savent qu’un tel chiffre est le signe le plus fort qui soit !

Il existe, dans le monde, des modèles qu’on appelle parfois « communautaristes » et qui ont plus particulièrement cours dans les pays anglo-saxons : les communautés y vivent en quelque sorte accolées les unes aux autres et l’on y compte très peu de mariages mixtes. La France, où l’on prétend aujourd'hui débattre sur la laïcité, offre un véritable contre-exemple de ce modèle ! En fin de compte, la proportion de mariages mixtes en France montre que, malgré toutes les difficultés que nous connaissons, malgré tout ce que l’on a fait pour concentrer un certain nombre de communautés dans des zones délimitées et qui aboutit à la constitution de ghettos, notre pays affiche tout de même une bonne performance en termes d’intégration par le biais du mariage.

Le mélange, ou du moins la possibilité du mélange, c’est aussi cela, la République ! (Mme Bariza Khiari acquiesce.)

Or on ne se rend pas compte qu’ici, à travers une disposition non essentielle, prise une fois encore parce qu’il faut à tout prix empêcher la fraude, on montre du doigt ce qui devrait être au contraire valorisé.

L’alternative est toujours la même dans ce débat : soit on joue sur les peurs, soit on cherche au contraire à favoriser tout ce qui peut renforcer la cohésion sociale et le « vivre ensemble », et ce qui est digne d’être valorisé, on ne le traque pas, on ne le considère pas avec suspicion !

Par ailleurs, cette disposition risque de créer la situation absurde décrite par Mme Khiari. Dans nos sociétés, il est difficile de juger de la sincérité des alliances. Ce qu’on sait, c’est que, d’une manière générale, en France, un mariage sur deux finit par un divorce. Les conjoints concernés n’en sont pas pour autant accusés de fraude ! Or, si cet article est adopté, en cas de désunion, on soupçonnera systématiquement les conjoints étrangers d’avoir voulu frauder.

De fait, comme l’a justement souligné Mme Khiari, cette disposition tend à donner à l’un des conjoints un pouvoir considérable sur l’autre, et un pouvoir qui pourra s’exercer de façon radicale puisque les peines encourues sont très lourdes !

On sait bien qu’une fois sur deux, lorsqu’un couple se déchire, les choses se passent très mal et que les conjoints ne se comportent pas toujours de la façon la plus noble. C’était le sujet d’un reportage diffusé lors du journal de vingt heures de France 2, il y a deux jours ; ce n’est pas la meilleure part de l’être humain qui s’exprime alors ! Dans le cas d’une union entre deux conjoints de nationalités différentes, l’un Français et l’autre étranger, cette disposition ouvrira la porte, s’il y a divorce, à tous les chantages et à tous les abus de pouvoir.

Pourquoi prendre une telle mesure ? Quel est le nombre de « mariages gris », tels qu’ils sont définis dans cet article, dont vous avez eu connaissance ? Une dizaine, tout au plus...

Il existe déjà bien des procédures, des filtres et des conditions à satisfaire pour contrôler la validité des mariages mixtes. Va-t-on encore « pourrir la vie » de milliers de nos concitoyens à cause d’une dizaine de cas de fraudes ?

Vous nous dites que cette mesure vise à renforcer la cohésion sociale, à améliorer la vie en société. C’est l’inverse qui va se produire… Mais je vois que mon temps de parole est épuisé ; je poursuivrai donc mon raisonnement à l’occasion d’une explication de vote.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 155 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 185 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 43.

M. Richard Yung. Avec l’article 17 ter, la présente disposition est l’une des plus importantes du projet de loi, car elle est très chargée politiquement et émotionnellement. À nos yeux, c’est l’un des points les plus critiquables de ce texte.

Cet article au parcours chaotique, introduit par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui semble avoir des lumières particulières concernant les mariages entre étrangers et Français, vise à punir les mariages dits « gris » – un nouveau concept, inventé par les députés ! – de sept ans d’emprisonnement et 30 00 euros d’amende. Ils n’y sont pas allés avec le dos de la cuiller ! Vraiment, ce n’est pas bien, pour un étranger, d’épouser un Français si jamais on a des intentions qui ne relèvent pas de l’amour véritable…

M. Jean-Patrick Courtois. Non, ce n’est pas bien !

M. Richard Yung. La commission des lois du Sénat avait considéré que cette notion de « mariage gris » ne tenait pas debout, car elle pouvait tout à fait entrer dans le cadre de la législation relative au mariage de complaisance, curieusement appelé « mariage blanc ». Ne manque plus, dans cette nomenclature, que le « mariage noir » : ce serait sans doute celui où les deux conjoints sont animés de mauvaises intentions et se trompent mutuellement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Richard Yung. Le « mariage blanc », je le rappelle, est puni, aux termes de l’article 623-1 du CESEDA, de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende : excusez du peu !

Pour des raisons liées, je l’imagine, à des débats internes à la majorité, l’Assemblée nationale a souhaité modifier cette rédaction et rétablir celle qu’elle avait adoptée initialement. La commission des lois du Sénat, en deuxième lecture, s’en est tenue à sa position relative au maintien des peines prévues à l’article L. 623-1 du CESEDA.

Pour nous, les choses sont claires : nous considérons que le rattachement de ces cas à la législation relative au mariage de complaisance – solution soutenue par le rapporteur, adoptée en commission, puis en séance plénière ! – est parfaitement inutile, superfétatoire, et participe d’une agitation de surface dont nous savons bien à quoi elle est destinée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 155.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette disposition, telle qu’elle est a été rédigée par l’Assemblée nationale, est grave. Comme l’ont dit les orateurs précédents, nous avons bien compris que l’objectif était, une fois encore, de montrer du doigt les étrangers, pour des raisons politiques qui, pourtant, ne vous profitent apparemment pas tant que cela ; mais vous avez certainement vos raisons pour agir ainsi...

Cette disposition relative aux mariages entre un Français et une étrangère ou une Française et un étranger sera, par ailleurs, très difficilement applicable. Richard Yung l’a indiqué, la loi prévoit d’ores et déjà une série de procédures et de contrôles visant à vérifier qu’un mariage n’est pas contracté simplement dans le but d’obtenir des papiers. Les instruments de lutte contre les mariages de complaisance existent, et les sanctions pénales également.

Pourquoi ne pas utiliser les dispositifs existants, plutôt que de créer cette catégorie des « mariages gris », une notion assez épouvantable, qui stigmatise particulièrement les couples mixtes ? Je suis d’accord avec Richard Yung : il ne manque plus que le « mariage noir » !

Selon moi, vous ne pouvez pas créer cette nouvelle catégorie de mariages, qui ne relève pas seulement d’une subtilité sémantique, et cela pour une raison simple : pourquoi n’appliquerait-on pas aussi cette disposition à un mariage entre personnes de même nationalité ? Ainsi, un vieux monsieur qui aurait épousé une jeune femme, s’apercevant que celle-ci ne l’aime pas, pourrait invoquer un « mariage gris ». De même pour une dame âgée qui aurait convolé avec un jeune homme...

Cette disposition est donc contraire au principe de l’égalité des personnes devant le mariage. À l’évidence, cela ne tient pas !

Par ailleurs, quelle que soit la nationalité des époux, les preuves de l’escroquerie aux sentiments seront très difficiles à établir.

Enfin, vous donnez des armes aux familles, de toutes obédiences, qui refusent les mariages hors de leur communauté, sous la forme de moyens de pression considérables destinés à empêcher ces unions. Et cela, c’est vraiment très grave !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 185 rectifié.

M. Jacques Mézard. Certains voient la vie en rose, en particulier dans la partie gauche de cet hémicycle (Sourires.) ; d’autres, comme notre collègue député Claude Goasguen, rapporteur du présent texte à l’Assemblée nationale, la voient en noir. Il écrit en effet dans son rapport, pour justifier le rétablissement de la rédaction initiale : « Les dispositions retenues par le Sénat nient le caractère aggravant que constitue la dissimulation de l’objet véritable de l’union contractée à l’époux français, qui, lui, est sincère. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) C’est tout de même extraordinaire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est indécent !

M. Jacques Mézard. Là réside tout le problème, et il est loin d’être négligeable !

Mais je veux en revenir au problème juridique important que pose cet article. Celui-ci est-il utile ? Et comment les juges pourront-ils l’appliquer ? Après tout, une loi est tout de même faite pour être mise en œuvre...

L’objectif visé au travers de cette disposition, qui, cela a été dit, n’avait pas été initialement proposée par le Gouvernement, mais qui a été introduite par l’Assemblée nationale, relève purement et simplement de l’affichage médiatique : il sera techniquement impossible d’appliquer les peines prévues, qui sont aussi lourdes que pour le proxénétisme – jusqu’à sept ans d’emprisonnement ! –, et risquent de produire, a contrario, des effets pervers.

L’article 21 ter, dans la version du Sénat, disposait : « Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ». La rédaction des députés est la suivante : « Les peines sont portées à sept d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende lorsque l’étranger a contracté mariage, contrairement à son époux, sans intention matrimoniale ».

Je souhaite bon courage aux magistrats qui auront à déterminer l’absence d’intention matrimoniale, surtout lorsqu’il faudra appliquer une peine qui peut atteindre sept ans d’emprisonnement ! Chacun sait que l’on ne se marie pas toujours par amour, ce qui n’est prohibé ni en droit pénal ni en droit civil. Il suffit de s’être frotté un certain temps aux affaires matrimoniales pour savoir que c’est une réalité...

Cette disposition est donc absolument inapplicable, et n’a donc d’autre intérêt que l’affichage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je pourrais comprendre les propos des différents orateurs si le texte d’origine avait été maintenu. Or ce n’est pas le cas puisque la commission des lois, en première lecture, avait rectifié ce texte en rétablissant le droit commun, en énumérant les conditions de recevabilité du recours de droit commun et en réduisant la peine encourue de sept à cinq ans.

En deuxième lecture, la commission des lois est de nouveau revenue sur la rédaction de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je demande à chacun de ne pas oublier qu’en l’espèce il y a des victimes.

M. David Assouline. Le Gouvernement pourrait tout de même être plus long dans ses explications !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je tiens à remercier M. le rapporteur des explications qu’il donne aux pages 40 et 41 du rapport, car elles sont tout à fait objectives. Seule la conclusion ne nous convient pas, c’est-à-dire le maintien de l’article 21 ter, puisque le texte qui nous est proposé vise à appliquer les peines prévues contre l’incrimination de mariage de complaisance « lorsque l’étranger qui a contracté le mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ».

Je le répète : puisque nous nous situons ici dans le domaine pénal, comment le parquet prouvera-t-il la dissimulation des intentions ? Ce n’est pas réaliste ! Notre droit comporte déjà suffisamment de dispositions qui permettent d’appliquer des sanctions pénales en matière de mariage sans avoir besoin d’en ajouter une nouvelle, qui, d’ailleurs, n’a strictement aucun intérêt pratique, et dont l’effet d’affichage me paraît tout à fait pervers.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Nous ne pouvons raisonnablement pas voter une disposition aussi problématique.

Je peux éventuellement comprendre la volonté de protéger nos concitoyens, mais il me semble que, avec cet article 21 ter, on frise le ridicule.

Je rappelle que l’obtention de la citoyenneté française par mariage exige que soient réunies des conditions strictes, notamment quatre ans de vie commune. Dans ces conditions, je pense que le compatriote concerné aura tôt fait de juger si l’amour que lui témoigne son conjoint est sincère ou non. De même, le renouvellement de la carte de séjour est conditionné par la communauté de vie.

En d’autres termes, il existe déjà dans notre droit des dispositions empêchant les personnes mal intentionnées d’obtenir des droits par le mensonge ou par la fraude. Doit-on aujourd’hui aller plus loin en nous immisçant dans la vie privée d’un couple pour juger de la validité du consentement des deux époux ? Tous les couples font face à ces problèmes, ces difficultés, ces doutes.

Je suis d’avis que nous laissions à chacun le soin de discerner les raisons de l’échec d’une relation. Je doute qu’un juge puisse apprécier objectivement la réalité d’une tromperie sentimentale. Il devra pourtant le faire aux termes de cet article, qui aura pour conséquence la description exhaustive de la vie du couple en plein tribunal. Les salles d’audience ne sont pas le lieu d’un déballage aussi intime !

Oui, les mariages sans amour existent, comme on vient de le rappeler ; les mariages par intérêt se pratiquent, nous en avons tous été témoins.

M. David Assouline. Surtout dans la bourgeoisie ! (Sourires.)

Mme Bariza Khiari. On ne se marie pas toujours pour de bonnes raisons. Cela tient d’ailleurs rarement à des questions d’obtention de papiers ; ce sont plus souvent des affaires d’argent ou d’alliance entre familles qui sont en jeu. Étrangement, ces cas ne sont pas abordés ici, et ils ne font pas l’objet d’une pénalisation. Vous ne traitez que du mariage frauduleux ayant pour but l’obtention de papiers !

Qui plus est, l’étranger est seul visé, le conjoint français étant supposé de bonne foi. Pourtant, en général, les deux époux sont parfaitement conscients de la situation, car leur union tient sur cette sincérité. Croyez-vous réellement que l’on puisse mentir à quelqu’un pendant un, deux, trois, voire, pour une naturalisation, quatre ans ?

Bien sûr, on peut se tromper en amour : cela arrive ! Soyons sérieux, tâchons d’envisager un tel cas sereinement, sans impliquer l’État ni la justice, a fortiori quand les peines encourues sont équivalentes à celles qui sont réservées à la traite d’êtres humains.

Voilà pourquoi le groupe socialiste demande au Sénat de supprimer l’article 21 ter.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Ainsi que l’indiquait notre collègue M. Mézard à l’instant, parmi les raisons que nous avons invoquées à l’appui de la demande de suppression de cet article figurent la question de la nécessité de légiférer et, bien sûr, celle de l’applicabilité d’une telle disposition.

Or, M. Mézard l’a bien démontré, cet article ne sera pas ou sera très difficilement applicable. Par conséquent, comme un certain nombre d’autres mesures figurant dans ce projet de loi, il correspond uniquement à une volonté d’affichage. Il aura toutefois des conséquences dramatiques pour beaucoup de personnes.

Monsieur le ministre, nous souhaitons comprendre très sincèrement ce qui vous motive. D’ailleurs, pour la qualité de nos débats et pour qu’ils soient bien compris, notamment par les personnes qui les suivent et les étudient, il serait souhaitable que vous soyez plus explicite et que vous ne vous contentiez pas simplement d’indiquer que vous suivez l’avis du rapporteur. Fournir des explications permet en effet à la fois d’éclairer les débats et de témoigner un certain respect à l’égard des parlementaires que nous sommes en répondant aux arguments que nous défendons.

Vous avez tenu ces propos très énigmatiques : « N’oublions pas qu’il y a des victimes ! »…

Mme Bernadette Dupont. C’est vrai !

M. David Assouline. Peut-être pouvez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre ; vous savez, moi, je suis un peu bête…

M. Jean-Patrick Courtois. C’est vrai ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. … et je n’ai pas compris vos propos. Par conséquent, si des éléments importants ou des enjeux d’une certaine ampleur ont motivé le législateur en la matière, je vous invite à nous l’indiquer. Nous pourrons ainsi apprécier la gravité du danger existant et, le cas échéant, suivre vos recommandations sur ce point.

Permettez-moi de profiter du temps qui me reste pour faire une remarque que je n’ai pas pu avancer auparavant, mais qui vient étayer ce que nous ne cessons de vous répéter : parfois, pour afficher une certaine détermination, vous ne faites que créer de nouveaux problèmes.

Monsieur Guéant, vous nous avez confirmé hier qu’il fallait maintenant restreindre l’immigration légale, c’est-à-dire, d’une part, le nombre d’étrangers admis à venir travailler dans notre pays – ils représentent 20 000 personnes par an – et, d’autre part, les personnes admises sur notre territoire au titre du regroupement familial, soit environ 120 000 personnes.

Vous avez déjà plusieurs fois durci les conditions du regroupement familial. Toutes les lois qui ont été votées visaient d’ailleurs à éviter les fraudes et les abus. Vous souhaitez modifier de nouveau les dispositions relatives au regroupement familial, mais il est difficile d’aller plus loin en la matière sans remettre en cause le droit absolu, humain, de vivre en famille ! Il est naturel qu’un étranger venant s’installer en France pour y travailler souhaite que sa famille le rejoigne !

Comptez-vous légiférer à nouveau sur le sujet et toucher à ce droit ? J’irai même plus loin : en la matière, on a tellement touché le fond que les femmes et les enfants qui viennent en France au titre du regroupement familial le font parce qu’ils n’ont vraiment pas d’autre choix. Par conséquent, quelle que soit la nature des nouvelles dispositions qui seront prises, ils viendront.

Monsieur Guéant, que feriez-vous si, installé légalement à l’étranger, vous aviez besoin de vivre avec votre conjointe et vos enfants et que c’était votre droit ? Pour ma part, en tout cas, je sais ce que je ferais ! Vous pouvez légiférer tant que vous voulez, ces personnes viendront s’installer en France parce que le droit de vivre en famille est ce qu’il y a de plus fondamental. Or vous plongez dans l’illégalité et l’épouse et les enfants !

Dans le même temps, vous vous indignez : « Oh là là, il y a des femmes qui vivent recluses chez elles, sous la coupe d’hommes qui veulent leur faire porter la burqa ! Oh là là, il y a des enfants qui plongent dans la délinquance ! » Ceux, précisément, qu’on a marginalisés ! Vous vous offusquez de la présence toujours plus nombreuse de clandestins, de sans-papiers, de gens qui vivent en dehors des, de femmes voilées, etc. ! Mais arrêtez donc plutôt de prendre des dispositions de ce type, qui ne font qu’empêcher les étrangers de s’intégrer !

Quand on cherche à aller plus loin dans une matière – en l’espèce, l’immigration légale – qui ne constitue pas un abus et ne représente aucune menace, pour prendre une posture devant l’opinion publique, notamment à l’approche d’élections, on suscite exactement l’inverse de l’effet souhaité. C’est ce que vous ferez si vous remettez en cause l’immigration légale. (Mme Bariza Khiari applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Puisque M. Assouline m’invite à être plus disert dans mon explication, notamment sur le fait qu’il y ait des victimes dans ce type d’affaires, je précise que l’article 21 ter prévoit la possibilité de soumettre au juge l’appréciation d’une tromperie sur le mariage, ce qui suppose qu’une personne s’estimant victime dépose une plainte pour ce fait.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne souhaitais pas intervenir dans ce débat, mais tous ces professeurs de vertu commencent à m’exaspérer quelque peu. (Marques de vive approbation sur les travées de lUMP.) J’ai pourtant une très grande patience !

Pour ma part, je retiens trois éléments.

Premièrement, le mariage de convenance existe. Je n’ai pas entendu de maire parmi nos collègues de la gauche, mais ayant été maire pendant trente-trois ans, j’ai célébré chaque année un certain nombre de mariages de complaisance visant, pour un des conjoints, à se procurer des papiers.

Tous ceux qui ont géré une ville, quelle qu’elle soit, ces dernières décennies, l’ont constaté.

Deuxièmement, des mécanismes de règlement amiable ou des dispositions pénales permettent de lutter contre ces mariages de complaisance. Il me semble que l’Assemblée nationale est allée trop loin dans sa rédaction initiale ; ainsi que l’a très justement fait valoir M. Mézard, il est inutile d’échafauder un dispositif aussi sévère.

Troisièmement, jusqu’à l’intervention de M. le rapporteur, je n’ai entendu personne dire que la commission des lois du Sénat était revenue à un texte plus équilibré et acceptable. Depuis le début de l’examen des articles, on fait comme si l’on discutait encore du texte de l’Assemblée nationale, et non de celui de la commission ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Bariza Khiari. Pas du tout !

M. David Assouline. Vous n’avez pas écouté !

M. Jean-Pierre Fourcade. Par conséquent, la commission ayant fait ce qu’il fallait pour rendre ces dispositions raisonnables, le groupe UMP votera contre les amendements de suppression, et ce malgré toutes les leçons qui nous ont été administrées sur l’amour, le mariage, etc. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. Reprenez votre sieste !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ça, c’est insultant !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43, 155 et 185 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 141 rectifié, présenté par Mmes Giudicelli, Lamure et G. Gautier, M. J. Gautier, Mme B. Dupont, MM. Demuynck, Vasselle, Nègre et Couderc, Mme Rozier et MM. Lefèvre et Ferrand, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

a dissimulé ses intentions à son conjoint

par les mots :

l’a fait aux mêmes fins à l’insu de son conjoint

La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à rédiger plus clairement l’incrimination pénale visant les personnes ayant contracté un mariage dans le seul but d’acquérir un droit au séjour alors que leur conjoint, lui, était animé d’une véritable intention matrimoniale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je sollicite le retrait de l’amendement n° 141 rectifié, car il me semble que ce dernier est totalement satisfait par le texte de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. David Assouline. C’est presque plus long que tout à l’heure !

M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 141 rectifié est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, mes collègues cosignataires et moi-même ne souhaitons pas retirer cet amendement. Son objet est purement rédactionnel et il me semble que la rédaction que nous proposons est plus claire que celle qui a été retenue par la commission.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Alors, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je partage l’opinion du rapporteur ; au demeurant, c’est souvent le cas… (Rires.)

Le présent amendement me laisse pantois : je n’en saisis pas la signification. Chère collègue, vous affirmez qu’il « vise à rédiger plus clairement l’incrimination pénale », mais, pour ma part, je n’y comprends rien. Par conséquent, je voterai contre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 21 ter.

(L'article 21 ter est adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT

Chapitre IER

Les décisions d’éloignement et leur mise en œuvre

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Article 21 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 24 (Texte non modifié par la commission)

Article 23

L’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 511-1. – I. – L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L. 121-1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants :

« 1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;

« 2° Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;

« 3° Si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;

« 4° Si l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;

« 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.

« La décision énonçant l’obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l’indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.

« L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l’étranger est renvoyé en cas d’exécution d’office.

« II. – Pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine. Eu égard à la situation personnelle de l’étranger, l’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

« Toutefois, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français :

« 1° Si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;

« 2° Si l’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ;

« 3° S’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

« a) Si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

« b) Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

« c) Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

« d) Si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

« e) Si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;

« f) Si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.

« L’autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa.

« III. – L’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français.

« L’étranger à l’encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen, conformément à l’article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l’étranger en cas d’annulation ou d’abrogation de l’interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire.

« Lorsque l’étranger ne faisant pas l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.

« Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification.

« Lorsqu’un délai de départ volontaire a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour, prenant effet à l’expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.

« Lorsque l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu’il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l’obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l’interdiction de retour poursuit ses effets, l’autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans.

« L’interdiction de retour et sa durée sont décidées par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français.

« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de retour. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de retour, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France. Cette condition ne s’applique pas :

« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;

« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2.

« Lorsqu’un étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire assortie d’une interdiction de retour justifie, selon des modalités déterminées par voie réglementaire, avoir satisfait à cette obligation dans le délai imparti, au plus tard deux mois suivant l’expiration de ce délai de départ volontaire, l’interdiction de retour est abrogée. Toutefois, par décision motivée, l’autorité administrative peut refuser cette abrogation au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l’intéressé. » 

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Monsieur le président, mon présent propos vaudra également présentation de l’amendement n° 44.

L’article 23 du présent projet de loi vise, d’une part, à fusionner les différentes mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière – OQTF et APRF – et, d’autre part, à créer une interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF. Ces dispositions, fruits d’une interprétation abusive de la directive Retour, ne sont pas acceptables.

Le texte proposé par l’article 23 pour le II de l’article L. 511-1 du CESEDA est censé transposer en droit français l’article 7, paragraphe 4, de la directive précitée, qui énumère trois hypothèses dans lesquelles l’État peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire : « s’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ».

Ces dispositions traduisent la volonté du législateur communautaire d’encadrer étroitement les cas dans lesquels un État membre peut supprimer le délai accordé au migrant pour quitter volontairement le territoire.

Or, aux termes des alinéas 11 à 20 de l’article 23, l’administration peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans huit cas différents.

Les cas prévus aux alinéas 12 et 13 correspondent aux deux dernières situations envisagées par l’article 7, paragraphe 4, de la directive : la personne constitue un danger pour l’ordre public ; la demande de séjour est manifestement non fondée ou frauduleuse.

En revanche, les six possibilités énumérées aux alinéas 14 à 20 ne sont manifestement pas conformes à ce que la directive Retour désigne comme « un risque de fuite ».

Les hypothèses envisagées aux alinéas 15 à 17 sont particulièrement discutables. L’absence de demande de titre de séjour est considérée comme la volonté de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français. Or les pratiques préfectorales rendent difficile, voire impossible, le simple dépôt d’une demande de titre de séjour. J’en veux pour preuve le fonctionnement chaotique des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui n’acceptent que dix demandes de titre de séjour chaque jour pour les étrangers sollicitant une régularisation au titre de la vie privée ou familiale. Dans ces conditions, de nombreux étrangers sont contraints de patienter pendant plusieurs jours devant les locaux de la préfecture. Une telle situation n’est pas tolérable !

Par ailleurs, l’hypothèse prévue à l’alinéa 20 ouvre la voie à l’arbitraire de l’administration, car il n’est pas rare qu’un étranger ne soit pas en possession d’un document de voyage ou d’identité en cours de validité ou qu’il ne puisse pas en obtenir le renouvellement auprès de son consulat, en l’absence notamment de titre de séjour en cours de validité.

L’ensemble de ces hypothèses et le caractère très large des critères retenus laissent un pouvoir discrétionnaire à l’administration pour refuser un délai de départ volontaire. Or la directive Retour dispose que le départ volontaire doit être la règle.

L’article 23 comprend une autre disposition que nous ne pouvons accepter. Les alinéas 22 à 32 autorisent les autorités préfectorales à assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour, accompagnée, en outre, d’une extension de l’interdiction à tout le territoire Schengen grâce au signalement dans le système d’information Schengen, le SIS.

Ces mesures soulèvent de nombreuses difficultés, notamment au regard du droit d’asile.

S’agissant de la durée de l’IRTF, elle varie selon que l’obligation de quitter le territoire est ou non assortie d’un délai de départ volontaire. Il est à craindre que les autorités préfectorales ne notifient largement aux étrangers renvoyés des OQTF sans délai de départ volontaire et, dans cette hypothèse, la durée maximale de l’IRTF sera de trois ans.

Par ailleurs, l’article 23 prévoit la possibilité de solliciter l’abrogation de l’IRTF, mais exige dans le même temps que l’intéressé soit hors de France ou assigné à résidence. Or, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « l’impossibilité d’en demander l’abrogation si l’étranger n’apporte pas lui-même la justification de sa résidence hors de France constituerait une méconnaissance du droit à un recours effectif ».

Enfin, cette mesure de bannissement est de nature à porter gravement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, notamment pour l’étranger conjoint d’un ressortissant français.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer les dispositions iniques de l’article 23. (Mme Catherine Tasca applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 44 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 156 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 186 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 44 a été défendu.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 156.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 23, présenté comme la transposition de la directive Retour, doit être dénoncé avec vigueur.

En effet, il institue une peine de bannissement et regroupe l’obligation de quitter le territoire français et l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière en une seule procédure. Cette OQTF sera décidée et mise à exécution par l’administration, c'est-à-dire par le préfet et non par le juge, pourra être immédiate et assortie d’une interdiction de retour s’appliquant éventuellement à l’ensemble du territoire européen.

Au mépris du droit des étrangers, cet article transpose les dispositions les plus dures de la directive européenne, ignorant celles qui protègent les étrangers, dans un unique objectif comptable et déshumanisé d’augmentation des expulsions pour atteindre, par tous les moyens, les objectifs d’expulsions que le Gouvernement se fixe à lui-même en vue d’attirer un certain électorat.

Il s’agit, là encore, d’une mesure d’affichage prise au détriment des étrangers.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 186 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, si nous demandons la suppression de l’article 23, c’est parce qu’il porte fondamentalement une atteinte disproportionnée aux droits des étrangers et ne respecte pas la clause du droit plus favorable de la directive Retour.

Ce dernier texte n’envisage que trois hypothèses dans lesquelles l’administration peut ne pas accorder de délai de départ : elles viennent d’être rappelées. Or le présent article vise huit motifs. En d’autres termes, et nous l’avons déjà indiqué, l’absence de délai de départ devient la règle, alors que la logique inverse prévaut dans la directive.

Pour mémoire, près de 80 000 mesures d’éloignement sont déjà prononcées chaque année par voie administrative. Ce chiffre engendre un contentieux énorme et alimente l’engorgement patent des juridictions. Dans les faits, l’élargissement des motifs justifiant une OQTF accroîtra ce contentieux, sans que, bien entendu, la justice dispose des moyens nécessaires.

La commission Mazeaud recommandait pourtant de suivre la logique inverse, à savoir de réserver les mesures d’éloignement aux étrangers en situation d’être vraiment éloignés. Elle proposait également, comme la directive Retour au demeurant, de développer les retours volontaires. Or, si le dispositif proposé était adopté, mécaniquement, les délais ne seraient pas respectés. De surcroît, son coût serait nettement supérieur à celui des retours volontaires.

En outre, l’article 23 tend à faciliter la délivrance de l’interdiction de retour, à rebours des préconisations de la directive, qui donne aux États la capacité de ne proposer des délais de retour inférieurs au droit commun que dans un certain nombre de cas limitatifs et motivés. Or, dans le présent texte, cette faculté est généralisée à l’encontre de toutes les personnes présentes sur le territoire de façon irrégulière.

L’administration pourra se contenter de motiver la procédure qu’elle engage par le seul constat de la présence irrégulière, tandis qu’il appartiendra à l’étranger de démontrer l’existence de circonstances particulières pour prouver qu’il n’était pas sur le point de fuir.

Les dispositions de l’article 23 nous inquiètent donc profondément. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. En première lecture, la commission avait émis un avis défavorable sur des amendements de même nature : elle maintient cet avis. Il ne s’agit que de transposer en droit français la directive Retour, ce qui ne soulève aucun problème particulier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Il s’agit ni plus ni moins de la transposition de la directive Retour. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44, 156 et 186 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 45, 46 et 50. Au reste, la démonstration aussi brillante que détaillée qu’a faite notre collègue Roland Courteau me dispensera de présenter longuement ces trois amendements, fondés sur la conformité aux articles 6 et 12 de la directive Retour.

Je rappellerai simplement que, aux termes de l’article 12 de cette directive, « les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles ».

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À tout moment, l'autorité administrative peut décider d'accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs humanitaires ou autres à un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire français. »

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 45 et 46 ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Un débat a déjà eu lieu sur ce sujet et je ne crois pas utile de revenir sur le fond : la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 50, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 11 à 21

Supprimer ces alinéas.

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 47, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, lorsque son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale

II. - Alinéas 12 à 20

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Conformément à l'esprit du législateur communautaire, nous proposons que l'obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire ne puisse être prononcée que si la personne concernée représente une menace pour l'ordre public ou pour la sécurité nationale. Le délai de départ volontaire doit demeurer la règle.

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Supprimer les mots :

ou manifestement infondée ou

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Nous estimons qu'aucune demande de délivrance ou de renouvellement de titre ne peut être « manifestement infondée », même si elle ne correspond pas aux conditions légales dans lesquelles l'étranger se voit attribuer, de plein droit, une carte de séjour temporaire.

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 14 à 20

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° S'il existe un risque de fuite.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Conformément au paragraphe 4 de l'article 7 de la directive Retour, nous proposons de réduire de huit à trois les hypothèses dans lesquelles l'administration peut prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Lors des débats en première lecture, la commission avait émis un avis défavorable sur des amendements similaires. Elle émet le même avis en deuxième lecture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’article 23 transpose très fidèlement la directive Retour. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les amendements nos 49 et 187 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 187 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 22 à 32

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l’amendement n° 49.

Mme Gisèle Printz. Les alinéas 22 à 32 de l’article 23 prévoient la création d’une interdiction de retour sur le territoire français.

Ces dispositions, qui participent du développement de la répression administrative en matière de droit des étrangers, tendent à instituer pour ces derniers un véritable bannissement, qui serait applicable à tout l’espace Schengen pendant une période maximale de cinq ans.

Cette épée de Damoclès menacerait tous les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement puisque, en dépit de l’extrême gravité de cette mesure, aucune catégorie d’étrangers ne serait explicitement protégée.

De fait, de nombreux étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner sur le territoire français – conjoints de Français ou de résidents en France, parents d’enfants français, membres de la famille de Français… – en seraient bannis, de manière discrétionnaire, et pour une durée allant de deux à cinq ans.

Or nous considérons que cette mesure de bannissement est contraire à la Constitution, aux termes de laquelle « l’autorité judiciaire » est la « gardienne de la liberté individuelle. »

Ces dispositions méconnaissent également l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… »

Je le rappelle, le Conseil constitutionnel considère qu’une mesure d’interdiction du territoire ne peut être prononcée « sans égard à la gravité du comportement de l’étranger ».

Par ailleurs, la directive prévoit que l’octroi d’un délai de départ volontaire doit être la règle et son refus l’exception. Cela implique que les IRTF automatiquement liées aux OQTF sans délai aient également un caractère exceptionnel. Or le projet de loi inverse cette logique, en prévoyant un dispositif dans lequel l’IRTF serait la règle et non l’exception.

Enfin, le signalement au fichier SIS de toute personne faisant l’objet d’une IRTF pose également problème, car il ne constitue pas un impératif au regard de la directive. J’ajoute que cette disposition ne respecte pas non plus le principe de proportionnalité des inscriptions à ce fichier.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer les alinéas 22 à 32 de l’article 23.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 187 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Certes, il s'agit ici de la transposition de la directive Retour. Cependant, je note que le dispositif prévu dans le présent texte ne manquera pas d’encourager l’administration à prononcer de façon quasi-systématique des obligations de quitter le territoire français assorties d’une interdiction de retour de trois ans, soit le délai maximal.

Je dois le souligner également, rien dans les textes ne permet aujourd'hui de garantir que le dépôt d’une demande d’asile empêchera automatiquement le prononcé d’une interdiction de retour. Les demandeurs déboutés en France avec une interdiction de retour fondée sur des motifs aussi imprécis ne pourront demander protection dans un autre État membre de l’espace Schengen à cause de leur signalement au système d’information qui vient d’être évoqué, ce qui rendra la situation de ces étrangers particulièrement difficile.

Tout semble fait pour encourager le maintien du demandeur d’asile débouté dans une situation irrégulière puisque, si ce dernier se maintient en France, le redoutable l’article 23 l’empêchera de solliciter de nouveau une protection ou une régularisation.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 22 à 28

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes auxquelles un titre de séjour a été accordé, qui ont été victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes, ne peuvent faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français.

La parole est à Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Si la directive Retour prévoit bien une possibilité d’interdiction de retour, elle l’a assortie d’une restriction qui n’est pas reprise par l’article 23.

Cette limite est prévue au paragraphe 3 de l’article 11 de la directive, qui dispose que « les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée… »

Soucieux du respect de la loi européenne, nous proposons de nouveau de transposer dans notre législation ces dispositions, qui vont dans le sens d’une meilleure protection des migrants en situation de faiblesse ou de danger.

Au cours de la première lecture, M. le rapporteur avait argué que ces dispositions seraient « satisfaites par le droit en vigueur ». Or cela est inexact.

Certes, l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle aux personnes qui portent plainte ou qui témoignent dans une procédure judiciaire pour traite des êtres humains ou proxénétisme. Par ailleurs, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné.

Cependant, force est de constater qu’aucune disposition du présent projet de loi ne protège expressément ces personnes contre une IRTF.

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 23, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le signalement inscrit dans le système d'information Schengen est effacé dès lors que l'étranger n'est plus sous la contrainte d'une décision d'interdiction de retour.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. L’alinéa 23 de l’article 23 prévoit que le prononcé d’une interdiction de retour sur le territoire français entraînera automatiquement un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

Je rappelle que cette disposition n’est pas prévue par la directive Retour.

Dans sa rédaction initiale, cet alinéa 23 ne prévoyait pas l’annulation du signalement. Cette carence tendait à faire peser sur les personnes soumises à une IRTF une très grande précarité administrative, pouvant conduire à une restriction légalement injustifiée de leur liberté de circulation lors de leur retour ou de leur transit sur l’espace Schengen.

En première lecture, le rapporteur a renvoyé au domaine réglementaire la fixation des modalités de désinscription du SIS, ainsi que celle des conditions dans lesquelles un étranger qui a obtempéré à une mesure d’éloignement pourra obtenir l’abrogation de l’éventuelle IRTF.

Toutefois, ces modifications ne sont pas suffisantes. Conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient aux parlementaires que nous sommes de fixer le principe selon lequel le signalement européen des étrangers frappés par une IRTF prend automatiquement fin dès que celle-ci est levée, que ce soit par annulation de la décision par le tribunal administratif ou par acceptation du délai de retour volontaire.

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’alinéa 25 de l’article 23 permet à l’administration d’assortir une OQTF sans délai de départ volontaire d’une IRTF d’une durée maximale de trois ans. Cette disposition n’est pas acceptable, car les alinéas 11 à 20 de l’article 23 donnent à l’administration la possibilité de prononcer un refus de délai de départ volontaire dans un nombre très important de situations.

De fait, de nombreux migrants risquent de se voir soumis à une mesure de bannissement.

Au travers de cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité pour l’administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire.

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour sur le territoire français sollicite l'admission au séjour au titre de l'asile en vue de formuler une demande d'asile, la mesure d'interdiction de retour est suspendue jusqu'à ce que la demande de l'intéressé ainsi que le recours qu'il aura éventuellement sollicité aient été instruits par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou la Commission nationale du droit d'asile. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Conformément à la convention de Genève du 28 juillet 1951, nous proposons qu’une mesure d’IRTF ne puisse en aucun cas faire obstacle à la possibilité de demander l’admission au séjour au titre de l’asile.

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 29, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

II. – Alinéas 30 et 31

Supprimer ces alinéas.

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les articles L. 524-3 et L. 541-2 du même code sont abrogés.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Il est imposé aux personnes de remplir une condition de résidence hors du territoire français afin d'introduire une requête en relèvement contre une interdiction du territoire français ou une demande d'abrogation d'une mesure d'expulsion.

Pourtant, certaines personnes sont inexpulsables, soit en raison de leurs fortes attaches en France ou de leur état de santé, soit parce qu'elles se trouvent dans l'impossibilité de retourner dans leur pays d'origine parce qu’elles sont refugiées ou victimes de traite ou de réseaux.

Cet amendement tend donc à supprimer la condition de résidence hors de France pour la recevabilité d'une requête en relèvement d'une interdiction du territoire français ou d’une mesure d'expulsion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces sept amendements ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 49 et 187 rectifié visent à supprimer la nouvelle interdiction de retour sur le territoire qui, je le rappelle, est issue des travaux du Sénat en première lecture et a été acceptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Outre que, me semble-t-il, un bon équilibre a été trouvé et que des garanties sérieuses ont été établies, la directive Retour est ici correctement transposée.

J’émets par conséquent un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

L’amendement n° 55 est satisfait par le droit en vigueur. J’en demande donc le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Il en va de même s’agissant de l’amendement n° 52.

J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 53, de même que sur l’amendement n° 54. Je précise au passage que la situation des personnes soumises à une interdiction de retour ne sera pas différente de celle des autres étrangers qui sollicitent l’admission au séjour au titre de l’asile sans disposer de visa. Ils pourront donc toujours déposer une demande d’asile.

Enfin, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 56.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement partage tout à fait les avis et les demandes de retrait de la commission.

Je rappelle que la transposition de la directive est une obligation constitutionnelle et qu’il n’est guère concevable de revenir sur le texte de cette directive, surtout lorsqu’il s’agit, comme avec l’amendement n° 53, d’aller franchement à rebours de ce qu’elle prévoit.

Je précise en outre que la création de l’interdiction de retour est entourée de garanties. En effet, cette mesure est prononcée au cas par cas et elle doit être motivée. Elle peut, du reste, être abrogée à tout moment.

Par ailleurs, l’interdiction de retour ne porte pas atteinte au droit d’asile : si un étranger éloigné avec interdiction de retour se trouve menacé dans son pays d’origine et revient en France solliciter l’asile, sa demande sera, bien sûr, examinée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 187 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 57, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L’autorité administrative peut s’abstenir d’imposer, peut lever ou peut suspendre une interdiction d’entrée, dans des cas particuliers pour des raisons humanitaires. »

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Il ressort de l’analyse du présent projet de loi que le Gouvernement n’a transposé que les dispositions les plus répressives de la directive Retour. Tel est le cas, notamment, de la possibilité d’assortir les décisions de retour d’une interdiction d’entrer sur le territoire.

En revanche, les dispositions favorables aux migrants ont été écartées. Il en va ainsi du paragraphe 3 de l’article 11 de la directive, lequel dispose que « les États membres peuvent s’abstenir d’imposer, peuvent lever ou peuvent suspendre une interdiction d’entrée dans des cas particuliers, pour des raisons humanitaires ».

Or il nous appartient de respecter le mieux possible la lettre de la loi européenne en transposant dans notre législation ces dispositions, qui vont dans le sens d’une meilleure protection des migrants en situation de faiblesse ou de danger.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Je précise que les dispositions de l’alinéa 28 de l’article 23 prévoient déjà que l’administration tient compte de la situation de l’étranger pour prononcer ou non cette mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 23.

(L'article 23 est adopté.)

Article 23
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 25 (Texte non modifié par la commission)

Article 24

(Non modifié)

À l’article L. 511-3 du même code, les références : « du 2° et du 8° » sont remplacées par les références : « du 2° du I et du b du 3° ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 58 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 157 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 58.

M. Richard Yung. Par coordination avec notre proposition de suppression de l’article 23, nous proposons de supprimer également l’article 24, car nous restons hostiles à la possibilité, pour l’autorité administrative, de refuser un délai de départ volontaire à l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa d'un autre État de l'espace Schengen. Nous considérons en effet que ce délai est nécessaire pour permettre à l’intéressé d’organiser son départ.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 157.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous demandons, nous aussi et pour les mêmes raisons, la suppression de l’article 24.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. En vertu des mêmes raisons de coordination, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 et 157.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 24 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 26

Article 25

(Non modifié)

Après le même article L. 511-3, il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 511-3-1. – L’autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu’elle constate :

« 1° Qu’il ne justifie plus d’aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ;

« 2° Ou que son séjour est constitutif d’un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale ;

« 3° Ou que, pendant la période de trois mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française.

« L’autorité administrative compétente tient compte de l’ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l’intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.

« L’étranger dispose, pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d’un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. À titre exceptionnel, l’autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

« L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d’exécution d’office. 

« Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 59 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 158 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 188 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour défendre l’amendement n° 59.

Mme Catherine Tasca. Lors de la première lecture, nous avions déjà déposé un amendement de suppression de cet article, que nous qualifions d’article « anti-Roms ». En guise de réponse, M. Hortefeux nous avait enjoint de lire plus attentivement la directive 2004/38/CE, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

La relecture attentive de la directive, à laquelle nous avait invités le ministre, nous amène aujourd’hui à vous présenter à nouveau un amendement tendant à supprimer l’article 25. Vous le voyez, monsieur le ministre, nous ne nous décourageons pas, car nous croyons aux vertus du débat parlementaire et à notre capacité de persuasion.

En effet, le texte proposé par le Gouvernement échoue à transposer convenablement la directive parce qu’il aborde ce texte avec des œillères, qui ne lui permettent que de voir les éventuels avantages dont pourrait tirer profit la population des Roms, laquelle l’obsède depuis l’été dernier.

Mais ce texte s’adresse à tous les citoyens de l’Union, et pas seulement aux Roms. De plus, il traite d’un aspect fondateur de l’Union, la liberté de circulation des personnes.

Il est donc essentiel, selon nous, de transposer le plus justement possible cette directive, qui offre aux ressortissants communautaires des garanties et droits importants dans leurs déplacements et leur séjour au sein de l’Union européenne.

L’article 25 pose de nombreux problèmes.

L’alinéa 4 définit de manière très orientée la notion d’abus de droit, sans tenir compte des recommandations de la Commission et la Cour de l’Union européenne, sans tenir compte non plus de la directive, aux termes de laquelle «une mesure d’éloignement ne peut pas être la conséquence automatique du recours à l’assistance sociale ».

L’alinéa 5 de l’article 25 reprend textuellement certains éléments de l’article 27 de la directive, qui prévoit des garanties pour identifier l’existence d’une menace à l’ordre public et dont la transposition ne satisfaisait pas la Commission. Toutefois, la reprise n’est que partielle. Le Gouvernement oublie, par exemple, que « l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver » la mesure d’éloignement pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique. Le Gouvernement oublie aussi que « des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues ».

Enfin, le dernier alinéa de l’article 25 laisse entendre qu’un ressortissant communautaire pourrait être expulsé sans bénéficier du délai de départ volontaire. Or la directive, en son article 30, paragraphe 3, précise bien que cette éventualité ne peut intervenir « qu’en cas d’urgence dûment justifié ». La Commission a insisté sur ce point dans sa communication de 2009 visant à aider et à orienter les États dans l’exercice de transposition. La Commission écrit que « la justification d’un éloignement dans l’urgence doit être proportionnée et reposer sur des éléments réels » et que « l’appréciation du caractère d’urgence doit être étayée clairement et séparément ».

Nous refusons donc la transposition de la directive « Liberté de circulation » telle qu’elle est proposée à l’article 25, car cette transposition est lacunaire et orientée de manière à permettre au Gouvernement de poursuivre sa politique anti-Roms.

Il est inacceptable que le principe fondateur de l’Union européenne qu’est la liberté de circulation soit utilisé à de telles fins.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 158.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article étend l’OQTF aux ressortissants européens qui abuseraient des droits à séjourner sur le sol français. Il mentionne le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de conserver un droit au séjour afin de bénéficier des prestations sociales.

Transposer dans le CESEDA un abus de droit exclusivement pour les étrangers est largement contestable, d’autant plus que l’expulsion vise des citoyens européens contrevenant au principe de libre circulation et de séjour des Européens sur le territoire des États membres.

Pourtant, l’abus de droit qui touche actuellement au domaine de la fiscalité permet à l’administration de sanctionner les manœuvres de certains contribuables mettant en œuvre des opérations juridiques dans le seul et unique but de diminuer leurs contributions à l’impôt.

Tout cela revient à créer, là encore, une suspicion envers les étrangers et à opérer une nouvelle distinction entre les bons et les mauvais émigrés, ceux de l’Union européenne cette fois, envisagés sous l’angle exclusif de l’abus des avantages qu’offre le territoire français.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 188 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nos motivations sont très proches de celles qui ont été exprimées par nos deux collègues.

L’article 25 nous paraît en contradiction avec le principe de liberté de circulation des personnes et, partant, avec la directive européenne 2004/38/CE.

La notion d’abus de droit soulève des difficultés.

Tout d’abord, à l’alinéa 4 de l’article 25, l’abus de droit est caractérisé par « le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises » pour ce maintien « ne sont pas remplies », mais aussi par « le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d’assistance sociale », et je pense que c’est ce qui était fondamentalement visé.

L’appréciation que pourra faire l’autorité administrative, aux termes de l’alinéa 6, laisse aussi un très large pouvoir d’interprétation puisqu’elle tiendra compte de l’ensemble des circonstances relatives à la situation de l’intéressé, notamment la durée de son séjour en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle.

Une autre notion extrêmement difficile à caractériser juridiquement lors de contentieux est celle de l’intensité des liens de la personne avec son pays d’origine. Là encore, cette formulation donne lieu à nombre de possibilités pour les praticiens du droit.

Telles sont, brièvement exposées, les raisons pour lesquelles nous considérons, nous aussi, que l’article 25 doit être supprimé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.

Je précise que, dans le cadre de cet article, nous avons pris soin de tenir compte des engagements du Gouvernement concernant la situation des Roms et des Bulgares.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

En tout état de cause, je veux m’élever contre les affirmations de Mme Catherine Tasca selon lesquelles le Gouvernement pourrait avoir une politique fondée sur des critères ethniques. Ce n’est nullement le cas. Simplement, il applique le droit européen, qui, en l’espèce, prévoit certes la libre circulation des ressortissants de l’Union européenne, mais avec des limites. Ce sont ces limites que le Gouvernement retient : par exemple, la limite d’ordre public et la limite de charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 59, 158 et 188 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

décision motivée

insérer les mots :

indiquant les délais et voies de recours

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai également l’amendement n° 61.

M. le président. J’appelle donc l'amendement n° 61, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Alinéa 2 

Supprimer les mots :

, ou un membre de sa famille

Veuillez poursuivre, madame Khiari.

Mme Bariza Khiari. L’amendement n° 60 tend à renforcer les droits de la défense pour l’étranger qui se voit notifier une obligation de quitter le territoire en prévoyant que les délais et voies de recours lui sont indiqués. Il faut en effet se mettre à la place de la personne qui se trouve face à la jungle des procédures administratives du CESEDA !

Il s’agit donc simplement de faire en sorte que soit consenti l’effort d’information nécessaire, car, comme nous le savons tous ici, qui avons travaillé sur ce projet de loi, le droit des étrangers est un droit technique et très difficile.

La mention des délais et voies de recours nous paraît essentielle pour que l’étranger puisse envisager sa défense.

J’en viens à l’amendement n° 61.

Nous craignons que la rédaction prévue à l’article 25 n’autorise l’autorité administrative à prononcer une OQTF à l’encontre d’un ressortissant étranger du seul fait qu’il appartient à la famille d’un migrant ne disposant pas ou plus de droit au séjour, alors que la directive 2004/38/CE confère des droits aux ressortissants communautaires, mais aussi aux membres de leur famille.

Il est donc nécessaire de transposer les dispositions de la directive protégeant les familles des ressortissants communautaires.

Inutile de vous dire, monsieur le ministre, que la France est citée parmi les plus mauvais élèves en ce qui concerne cette transposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur l’amendement n° 60, la commission émet un avis défavorable. Je rappelle très clairement que les délais et voies de recours sont toujours notifiés avec les décisions administratives.

Concernant l’amendement n° 61, l’avis de la commission est également défavorable. Le texte fait bénéficier les membres de la famille du régime plus favorable dont bénéficient les ressortissants communautaires en la matière, comme c’est d’ailleurs le cas en droit positif. La mention dans l’article de la notion de « membre de sa famille » ne vise en aucun cas la possibilité d’éloigner une personne du seul fait qu’elle serait membre de la famille d’un migrant ne disposant pas d’un droit au séjour. Il importe que ce point soit également le plus clair possible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Comme la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4, deuxième et troisième phrases

Supprimer ces phrases.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Les deux dernières phrases de l’alinéa 4 de l’article 25 viennent expliciter la signification de la notion d’abus de droit, qui justifierait l’expulsion de ressortissants communautaires et de leur famille du territoire.

En première lecture, le rapporteur indiquait : « Il sera, me semble-t-il, difficile de prouver l’abus de droit au court séjour, les personnes concernées n’étant soumises à aucune formalité particulière ou enregistrement pour pouvoir séjourner moins de trois mois.

« Il convient de garder à l’esprit qu’une personne qui rentre chez elle après deux mois et trois semaines et qui revient un mois plus tard utilise un droit que lui garantit le droit communautaire. Seule une personne qui effectue des passages répétés de part et d’autre d’une frontière dans un court laps de temps pourrait en tout état de cause être concernée par le présent article.

« Par ailleurs, l’abus du système d’aide sociale sera également difficile à prouver. »

M. le rapporteur avait donc émis, au nom de la commission, un avis de sagesse, mais il n’avait pas été suivi par la majorité. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de nouveau de supprimer les dernières phrases de l’alinéa 4 parce qu’elles ne sont pas compatibles avec le droit communautaire, en espérant que, cette fois, la sagesse l’emportera.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis que j’avais formulé en première lecture n’avait effectivement pas suffi à emporter la décision du Sénat ! (Sourires.) Aujourd'hui, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 63.

Je rappelle que la définition proposée à cet article est conforme à la directive « Libre circulation », en particulier à son article 14.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas de ressortissants de l’Union Européenne ou de leurs familles, les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.

« Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement vise à mieux protéger les ressortissants communautaires et les membres de leurs familles contre les mesures d’éloignement du territoire.

Pour cela, nous proposons de transposer littéralement le paragraphe 2 de l’article 27 de la directive relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

Ce paragraphe constitue une garantie. Nous l’avons souligné à plusieurs reprises : le Gouvernement n’hésite pas à transposer les mesures qui l’arrangent, mais laisse bien trop souvent de côté les garanties offertes par le droit européen.

Ainsi, il nous semble important de préciser dans ce texte que les mesures d’ordre public permettant d’éloigner des ressortissants communautaires du territoire français ne peuvent être invoquées que si elles sont directement liées au cas individuel de la personne concernée. Elles ne peuvent l’être si elles reposent sur des raisons de prévention générale.

Ces garanties visent notamment à protéger la communauté Rom de certains gouvernements qui oublient parfois le droit afin de faire du chiffre ou de créer le buzz.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend pourtant à transposer mot pour mot les dispositions de la directive « Libre circulation » relatives aux garanties en matière de mesures d’éloignement dont bénéficient les ressortissants de l’Union européenne.

D’une part, le projet de loi prend déjà en compte les principales garanties prévues par la directive, à savoir la caractérisation précise de la menace pour l’ordre public et la nécessité pour l’administration de prendre en considération l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé. D’autre part, la plupart des garanties que tend à introduire cet amendement existent déjà dans le droit en vigueur ou résultent d’une jurisprudence constante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je rappelle que l'article 25 du projet de loi a justement été modifié pour parachever la transposition de la directive de 2004. Ainsi, l’OQTF prise sur un motif d’ordre public est davantage encadrée.

L’alinéa 5 précise que le comportement personnel de l’intéressé doit constituer « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française ».

J’ajoute que nous avons informé la Commission européenne des amendements apportés au projet de loi pour parachever la transposition de la directive et qu’elle en a pris acte sans demander d’éclaircissements supplémentaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 64, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés : 

« Art. L. 511-3-2. - En cas d'urgence, le ressortissant d'un État membre de l'Union européenne se voit notifier par écrit la décision l'enjoignant à quitter le territoire dans des conditions lui permettant d'en saisir le contenu et les effets.

« Les motifs précis et complets d'ordre public ou de sécurité publique qui sont à la base d'une décision le concernant sont portés à la connaissance de l'intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l'État ne s'y opposent.

« L'intéressé peut introduire un recours dans un délai de cinq jours et peut se voir indiquer le délai imparti pour quitter le territoire français qui ne peut, sauf urgence dûment justifiée, être inférieur à un mois à compter de la date de notification. »

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Le Gouvernement s’obstinant à interpréter les dispositions du droit communautaire selon ses désirs et selon ses besoins électoraux, nous proposons de transposer de manière littérale les articles 30 et 31 de la directive « Libre circulation ».

Je rappelle que la Commission européenne, offusquée comme nous le fûmes par la politique menée cet été par le Gouvernement à l’encontre des Roms, a menacé très fortement la France d’ouvrir une procédure en manquement en raison de la mauvaise transposition de la directive « Libre circulation ». Elle estime notamment que la France n’a pas transposé cette directive de manière à en rendre les dispositions complètement efficaces et transparentes.

Les griefs de la Commission européenne portent particulièrement sur la transposition des garanties entourant les mesures d’éloignement. Sont expressément visés les articles 30 et 31 de la directive, qui prévoient une procédure de notification par écrit et des garanties procédurales comme l’accès aux voies de recours juridictionnelles.

Certes, la transposition en droit interne n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de la directive, et la Cour de justice des Communautés européennes admet qu’un contexte juridique général peut être satisfaisant dès lors que celui-ci assure effectivement la « pleine application de la directive d’une façon claire et précise ».

La Cour de Luxembourg ajoute, dans une jurisprudence constante, que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre « avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l’exigence de sécurité juridique ». Cette exigence requiert que, au cas où la directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient « mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits ».

C’est pourquoi la Commission européenne demande une transposition expresse des garanties prévues par la directive.

Nous connaissons votre argument selon lequel ces garanties existeraient déjà dans le droit en vigueur ; c’est ce que vous venez de déclarer, monsieur le rapporteur. Vous ne verrez donc pas d’inconvénient à ce que ces garanties soient réaffirmées ici.

Au-delà de ces arguments juridiques, nous insistons, comme nous l’avons fait en première lecture, sur la transposition de ces éléments de la directive. En effet, nous remarquons que le Gouvernement transpose beaucoup plus volontiers les mesures répressives, comme l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours du délai de la rétention permis par la directive Retour, que les mesures qui garantissent les droits des ressortissants communautaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, pour les raisons que j’ai exposées au sujet de l'amendement n° 62.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Je précise que, si la Commission européenne avait envisagé la procédure que M. Charles Gautier a évoquée, elle ne l’a pas engagée, ce qui fait une différence importante.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Article 25 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 30

Article 26

L’article L. 511-4 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre » sont supprimés ;

1° bis (Supprimé)

2° Le dernier alinéa est supprimé.

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« 12° L'étranger ressortissant d'un pays tiers qui est membre, tel que défini à l'article L. 121-3, de la famille d'un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. »

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement tend à récrire l’alinéa 4 de l'article 26.

Le dernier alinéa de l’article 26 restreint l’interdiction d’expulser les membres de la famille d’un ressortissant communautaire qui sont issus de pays tiers aux personnes qui bénéficient d’un droit au séjour permanent.

Pour le coup, on ne peut accuser le Gouvernement – au demeurant, ce n’est pas notre genre ! (Sourires) – de ne pas transposer correctement la directive « Liberté de circulation ». En effet, cet article reprend précisément les dispositions du paragraphe 2 de l’article 28 de la directive.

Ce que nous craignons, c’est que, sous couvert de transposition, on ne rogne sur les droits des membres de la famille des ressortissants communautaires.

Concrètement, le dernier alinéa de l’article L. 511-4 du CESEDA, que l’article 26 du projet de loi tend à supprimer, prévoit que, même s’il ne peut justifier être entré régulièrement en France ou s’il s’est maintenu sur le territoire après l’expiration de la validité de son visa, l’étranger ressortissant d’un pays tiers qui est membre de la famille d’un ressortissant communautaire ne peut faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière. Or ce dernier alinéa permet à de nombreux couples mixtes de poursuivre leur vie en famille sans être inquiétés.

Avec la modification prévue par le texte actuel de l’article 26, tous les conjoints de ressortissants communautaires qui n’ont pas obtenu le droit au séjour permanent sont potentiellement expulsables. C’est pourquoi nous proposons cette nouvelle rédaction de l’alinéa 4.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

Le présent amendement tend à réintroduire à l’article 26 la protection dont bénéficient les membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne contre l’éloignement. Or, désormais, ces personnes relèvent non pas de procédures d’éloignement de droit commun, prévues à l’article L. 511-1 du CESEDA, dont la rédaction a été révisée à l’article 23 du présent projet de loi, mais de procédures spécifiques inscrites à l’article 25. Dès lors, elles seront toujours protégées contre l’éloignement dans les cas où elles bénéficient actuellement de cette disposition puisque l’article 25 ne prévoit pas, dans ces différents cas, qu’elles puissent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Article 26
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 33 (début)

Article 30

L’article L. 551-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 551-1. – À moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de quatre jours, lorsque cet étranger :

« 1° Doit être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;

« 2° Fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;

« 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;

« 4° Fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une décision d’éloignement exécutoire mentionnée à l’article L. 531-3 du présent code ;

« 5° Fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l’article L. 533-1 ;

« 6° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;

« 7° Doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;

« 8° Ayant fait l’objet d’une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire. »

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. L'article 30 prévoit de faire passer le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention de quarante-huit heures à quatre jours.

Cet allongement s’appuie sur deux arguments principaux.

Le premier argument est clairement affirmé à la page 249 du rapport établi par la commission des lois de l’Assemblée nationale en vue de l’examen en première lecture de ce texte : le juge des libertés et de la détention est un empêcheur d’expulser en rond, parce qu’il a le malheur de vouloir faire respecter l’État de droit.

Mes chers collègues, croyez-vous sincèrement que le Conseil constitutionnel sera sensible à une proposition qui affiche clairement sa volonté de contourner l’État de droit, au nom de l’efficacité de la politique migratoire ? Le Conseil constitutionnel doit-il estimer, comme vous, que l’étranger n’est pas un homme comme les autres et qu’il a, de ce fait, moins de droits ?

Selon les estimations de la CIMADE, avec cette mesure, ce ne sont pas moins de 4 000 étrangers qui pourraient être expulsés sans le moindre accès au juge des libertés et de la détention.

La majorité estime par ailleurs que les procédures actuelles sont trop enchevêtrées et que cela nuit à la bonne administration de la justice, objectif de valeur constitutionnelle.

D’une part, il n’est pas certain que porter atteinte aux droits de l’homme puisse servir de caution au respect d’un objectif de valeur constitutionnelle. D’autre part, je cherche en quoi le recours au juge des libertés et de la détention, dans un délai de quarante-huit heures, a rendu la bonne administration de la justice impossible...

Ce n’est donc pas la justice qui fonctionne mal : c’est bien plutôt votre politique migratoire qui est entravée.

Par ailleurs, je ne crois pas que réaliser 25 000 expulsions par an soit un objectif de valeur constitutionnelle !

L’existence de deux procédures conjointes mais distinctes – administrative, d’un côté, judiciaire, de l’autre – découle d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Chacune des juridictions statue sur la matière qui lui échoit : le juge judiciaire se prononce sur la liberté individuelle quand le juge administratif examine la légalité de l’arrêté qui lui est soumis. La bonne administration de la justice suppose le respect de cette séparation et une absence de confusion des procédures.

Le juge des libertés et de la détention et le juge administratif travaillent indépendamment l’un de l’autre ; cela doit perdurer. La justice ne s’en portera que mieux !

En toute circonstance, le juge des libertés et de la détention doit intervenir le plus rapidement possible. C’est le sens des amendements que nous vous présenterons.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, la rédaction de l’article 30 représente une réelle entorse au texte de notre Constitution.

La rétention administrative constitue une mesure privative de liberté. En conséquence, pour le bon fonctionnement de notre justice et pour le respect des droits de l’homme, il est impératif qu’un juge du siège ait à se prononcer rapidement sur le bien-fondé d’un placement en rétention administrative.

Actuellement, l’intervention du juge des libertés et de la détention se fait sous quarante-huit heures, un délai raisonnable qui nous permet de respecter les exigences de notre Constitution. Vous, vous proposez de porter ce délai à quatre jours.

Il s’agit manifestement d’une régression, que vous ne parvenez pas à justifier. Jusqu’à présent, vous aviez jugé qu’un délai de deux jours était raisonnable, et le Conseil constitutionnel le pensait aussi. Comment croyez-vous que ce dernier réagira devant le peu d’arguments que vous avancez pour le modifier, lui qui se fonde sur la nécessité d’avoir un délai aussi court que possible ?

Il nous semble important de ne pas encourir une énième censure, plus que prévisible, en décidant de ne pas modifier le dispositif actuel.

Vous estimez que le droit des étrangers est entravé par l’existence de deux procédures distinctes : une administrative et une judiciaire. Soit ! Selon vous, c’est parce que ces deux procédures s’enchevêtrent que le bon fonctionnement de la justice est freiné.

Aujourd’hui, notre justice fonctionne pourtant correctement dans ce domaine : le juge des libertés et de la détention intervient rapidement et peut libérer tous les étrangers qui ne devraient pas se trouver dans les centres de rétention parce que la procédure d’interpellation n’est pas conforme au droit ; il applique la loi avec rigueur et limite ainsi le nombre de cas étudiés par le juge administratif.

Ce n’est pas le bon fonctionnement de la justice que le juge des libertés et de la détention perturbe, ce sont vos chiffres d’expulsions ! Le juge est responsable non pas de la politique migratoire, mais simplement de l’application de la loi. Si vous ne remplissez pas vos quotas, essayez de les modifier plutôt que de vous attaquer à l’État de droit !

Que le juge des libertés et de la détention soit un « empêcheur d’expulser en rond », quoi de plus normal ? C’est sa mission que de faire respecter la loi et de s’opposer à ce que l’on interpelle quelqu’un en niant ses droits et en se fondant notamment, comme cela peut arriver, sur la couleur de sa peau.

De manière assez constante, pour un ministre de l’intérieur, le droit, le juge, la justice sont sources d’ennuis et de tracas, et ce dans tous les domaines. On se doute à vous entendre, monsieur le ministre, que c’est encore vrai aujourd’hui et qu’il serait plus simple pour vous d’expulser avec plus de célérité. D’aucuns appelleront cela la recherche de l’efficacité… Cependant, pour l’équilibre de notre démocratie, jamais la recherche de l’efficacité ne doit venir contrarier le droit.

Votre intervention en la matière risque, de plus, dans la pratique, d’être contre-productive. La mutation que vous préconisez n’est pas simplement contraire au droit : elle va de surcroît provoquer un embouteillage de la juridiction administrative.

En effet, le juge des libertés et de la détention sert souvent aussi d’« entonnoir » : il permet au juge administratif de n’être finalement saisi que de peu de cas. Si vous supprimez ce verrou, vous allez conséquemment augmenter le nombre de cas sur lesquels la juridiction administrative aura à se pencher. À effectifs constants, puisque vous n’avez pas prévu d’augmenter ses moyens en personnels – sans doute une telle proposition tomberait-elle sous le coup de l’article 40 de la Constitution… –, il n’est pas certain qu’elle puisse le faire sans entraîner un allongement général des délais de jugement, ce qui aggraverait des situations déjà bien difficiles.

Au final, vous allez désorganiser la justice alors que vous prétendez vouloir en améliorer le fonctionnement.

Bref, on marche sur la tête ! Et cela vaut pour de nombreux articles : je ne pense pas que, à force de pinailler, vous obteniez les effets escomptés.

Plutôt que de nous soumettre cinq lois sur l’immigration en quelques années, il aurait été préférable, avant de commencer à discuter de la suivante, de lancer un audit sur l’application de la précédente. Ce faisant, on aurait pu savoir si les dispositions votées avaient servi à quelque chose, connaître la manière dont elles avaient été mises en œuvre et réfléchir aux moyens de les rectifier.

On passe d’une loi à l’autre, sans jamais avoir le recul nécessaire. C’est nier le rôle du Parlement !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 67 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 159 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 189 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 67.

M. David Assouline. L’article 30 modifie l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en prévoyant de nouveaux cas autorisant l’administration à placer un étranger en rétention administrative.

Il en va ainsi du placement en rétention administrative pour un étranger qui doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français. Cette dernière s’assimile à une « double peine » administrative et institue, de fait, le bannissement du territoire européen.

Nous sommes fortement opposés à un tel cas de figure et la rédaction de l’article L. 551-1 du CESEDA n’a pas lieu de l’intégrer.

Par ailleurs, les alternatives à la rétention sont insuffisantes. L’article 15 de la directive Retour prévoit pourtant que « d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives », dès lors qu’elles peuvent être appliquées efficacement, doivent se substituer à la rétention. La consignation des documents d’identité, l’obligation de pointer auprès des services de police constituent, par exemple, des solutions efficaces.

En outre, la nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 551-1 du CESEDA tient compte de l’allongement de la durée de rétention initiale à quatre jours, allongement qui ne trouve aucune justification comme je m’en suis déjà expliqué.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 159.

Mme Éliane Assassi. L’article 30 augmente la durée pendant laquelle l’administration peut maintenir l’étranger en rétention administrative sans l’intervention du juge judiciaire, qui passe ainsi de quarante-huit heures à quatre jours.

Le juge n’étant pas saisi dans de si brefs délais pour se prononcer sur la validité de la présence en rétention de l’étranger, il ne peut donc intervenir pour interpréter le caractère nécessaire de la mesure.

La rétention est pourtant une mesure de privation de liberté, et l’on ne saurait donc la prendre à la légère.

La directive Retour affirme que les mesures de rétention administrative ne peuvent concerner que des étrangers dont la possibilité d’éloignement est fortement probable. Elle conditionne ce placement en rétention à des perspectives d’éloignement que ne prévoit pas l’article 30 du projet de loi.

Enfin, le nouveau dispositif instaure, selon nous, une discrimination entre l’étranger qui fera l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention et celui qui se verra placé en rétention administrative par l’administration.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous proposons également la suppression de l’article 30, car nous considérons que celui-ci va bien au-delà des prescriptions de la directive Retour.

Cette directive pose en effet le principe suivant : s’agissant des étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement, les États membres doivent privilégier toute autre solution moins répressive que la rétention ; il peut s’agir, par exemple, de la remise du passeport ou de l’obligation de pointage. Elle impose, dans le même registre, que l’étranger soit laissé en liberté s’il n’existe pas de risque de fuite.

Au final, la rétention administrative dont il est ici question devrait ne concerner que les étrangers pour lesquels les autres mesures se révéleraient inefficaces ou une forte probabilité d’éloignement existerait.

En définitive, c’est l’inverse qui a été choisi, en faisant du placement en rétention – c'est-à-dire une mesure privative de liberté – la norme, et cela, qui plus est, alors même que l’interdiction de retour crée encore un nouveau motif de placement.

Nous sommes loin du principe juridique de la clause de droit plus favorable ! Au contraire, l’article 30 est plus sévère que la directive.

Il est en outre révélateur de la différence d’appréciation entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

En première lecture, en effet, le Sénat avait, sur proposition de la commission des lois, ramené de cinq jours à quarante-huit heures, soit la durée prévue par le droit en vigueur, la durée initiale du placement en rétention par le préfet. C’était la conséquence de l’adoption par la commission, à l’article 37, de l’amendement qui visait à rétablir le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention en matière de rétention à quarante-huit heures, au lieu des cinq jours initialement prévus par le projet de loi.

Aujourd’hui, nous avons à débattre d’un nouveau texte élaboré par la commission, qui nous propose un délai de quatre jours. Il s’agit, en réalité, d’une « tentative de négociation » avec l’Assemblée nationale. Il reste que cette disposition pose un vrai problème tant nous sommes là à la limite de ce qu’il est possible de prévoir en termes de délai. Il est très vraisemblable qu’elle sera l’un des points d’achoppement avec le Conseil constitutionnel, qui sera, à n’en point douter, saisi du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.

Je tiens à donner quelques éléments d’explication sur la modification de fond de la procédure de saisine du juge des libertés et de la détention lorsque l’étranger est placé en centre de rétention.

Le projet de loi initial fixait le report de l’intervention du juge à cinq jours. En première lecture, cette disposition m’était apparue comme une solution certes imparfaite, puisqu’elle reportait l’intervention du seul juge compétent pour vérifier la régularité de la privation de liberté à cinq jours, mais comme une solution tout de même préférable au statu quo qui laisse aujourd'hui les procédures enchevêtrées ; ce point avait d’ailleurs été souligné dans le rapport Mazeaud.

Le Sénat, suivant en cela la commission des lois, avait toutefois supprimé cette disposition, estimant qu’un tel report présentait un risque d’inconstitutionnalité en privant l’étranger d’un recours contre les conditions de cette privation de liberté pendant un délai trop long.

Je rappellerai brièvement les repères dont nous disposons en la matière.

En 1980, le Conseil constitutionnel a estimé qu’une durée de sept jours de rétention sans contrôle de l’autorité judiciaire était excessive, arguant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ».

Par ailleurs, le Conseil a validé en 1997 une saisine du juge judiciaire au bout de quarante-huit heures, au lieu de vingt-quatre heures, pour prolonger la rétention.

Je précise enfin que le Conseil constitutionnel n’avait pas eu à se prononcer sur le délai de quatre-vingt-seize heures en zone d’attente, fixé par le législateur en 1992.

Au total, par ces décisions, le Conseil indique seulement qu’un délai de quarante-huit heures n’est pas contraire au principe du « plus court délai possible », alors qu’un délai de sept jours est excessif.

Compte tenu de ces éléments, la commission des lois du Sénat a adopté un amendement du président Hyest tendant à fixer le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention à quatre jours, délai qui existe déjà, faut-il le rappeler, en matière de zones d’attente.

Telles sont, mes chers collègues, les conditions dans lesquelles la commission a été amenée à vous soumettre le présent texte de l’article 30. Ces explications vaudront évidemment pour les amendements à venir. Je vous proposerai notamment d’adopter, à l’article 34, un amendement visant à fixer à quatre jours le délai de jugement du juge administratif, afin d’éviter l’enchevêtrement des contentieux et de préserver la « valeur ajoutée » de la réforme.

Dès lors que la commission des lois a exprimé le souhait de voir le juge des libertés et de la détention intervenir au bout de quatre jours, il convenait de coordonner cette décision avec l’intervention du juge administratif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Vous ne serez pas surpris que j’émette, au nom du Gouvernement, un avis défavorable à ces amendements, comme vient de le faire à l’instant M. le rapporteur.

L’allongement de la durée de la rétention administrative se situe en effet au cœur de la réforme proposée à travers ce texte ; la commission des lois en a finalement validé le principe, et je tiens à saluer l’évolution de sa position.

En effet, l’organisation actuelle des interventions du juge administratif et du juge judiciaire se caractérise par un enchevêtrement des procédures, comme l’a souligné, notamment, la commission Mazeaud. Cette situation crée régulièrement des cas juridiquement absurdes. Il arrive ainsi qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger sur le fondement d’une mesure d’éloignement qui sera ensuite annulée par le juge administratif.

Cet état du droit n’assure pas un respect de l’objectif visé par la directive Retour, à savoir un contrôle juridictionnel rapide de la légalité du placement en rétention.

Il est donc proposé que les deux juges interviennent dans l’ordre logique de leurs compétences, dont on oublie trop souvent qu’elles sont différentes. D’abord, le juge administratif se prononce sur la légalité des décisions d’éloignement et de placement en rétention. Ensuite, le juge des libertés et de la détention se prononce sur la prolongation de la rétention aux fins de reconduite à la frontière.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous sommes en effet au cœur de la réforme.

Je m’étonne toutefois que l’on continue à vouloir justifier l’article 30 par la nécessité de transposer la directive Retour.

Il me semble au contraire que cet article contredit le texte européen, qui préconise de recourir le moins possible aux mesures privatives de liberté et de favoriser au contraire les mesures alternatives comme l’assignation à résidence ou l’obligation de pointage au commissariat. L’article 30 me semble, à l’inverse, révélateur d’une véritable volonté d’enfermement.

Par ailleurs, la supériorité du juge administratif, c’est-à-dire, en quelque sorte, d’un pouvoir politique sur le pouvoir judiciaire, n’est pas acceptable, non seulement parce qu’il s’agit d’un recul de l’État de droit, mais aussi parce que, dans les faits, on voit mal comment le juge des libertés et de la détention pourrait intervenir si la personne a déjà été expulsée.

M. Jean-Pierre Sueur. Très logique !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je vais être bref puisque je voulais précisément développer le problème que soulève l’ordre que vous jugez logique, monsieur le ministre, entre le juge administratif et ensuite le juge des libertés et de la détention. Très franchement, s’il s’agit de faire du chiffre et d’aller plus vite, on a compris ce que cela voulait dire. Cela signifie que les juges des libertés et de la détention vont avoir à statuer sur des cas qui n’existent plus concrètement puisque les intéressés auront déjà été expulsés, surtout si, à cette volonté, s’ajoute celle d’exécuter rapidement les décisions.

Petit à petit, on voit se dessiner, au travers de ce projet de loi, une conception de l’État où les préfets, l’administration, prennent le pas sur tout. Tout à l’heure, c’était sur les médecins, maintenant, c’est sur les juges. Je vois vers quel type d’État vous voulez aller, monsieur Guéant. Il est normal que vous en soyez un partisan, vous défendez votre corps d’origine. Mais la France, ce n’est pas cela, ce n’est pas la préfectorale partout. Il y a des garde-fous et le juge est vraiment le garant d’une liberté. Ce dernier entrave très peu les procédures mais permet tout de même d’éviter l’arbitraire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais apporter une précision.

La saisine du juge des libertés et de la détention ne porte que sur un seul objet, le maintien ou non de la personne en centre de rétention administrative. Ce magistrat n’est en effet nullement compétent pour apprécier la demande sur le fond.

Ainsi, le retenu qui, au terme du délai de quarante-huit heures, serait autorisé à quitter le centre de rétention, comme ce peut être le cas aux termes de la procédure actuellement en vigueur, n’échapperait pas pour autant à la procédure d’expulsion et de renvoi dans son pays d’origine. Il faut que les choses soient claires.

Le présent texte ne change rien à cette situation. Le juge administratif reste en la matière le seul magistrat compétent pour apprécier la situation sur le fond, ce que ne fait en aucun cas le juge judiciaire, en l’occurrence le juge des libertés et de la détention, qui, je le répète, ne se prononce que sur le maintien ou non de la personne en rétention.

Mme Éliane Assassi. Quand la personne a été expulsée, cela ne sert plus à rien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Il est des affirmations que je ne peux entendre sans réagir.

Ainsi, il a été dit que le juge administratif était le représentant du pouvoir exécutif.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est faux !

M. Claude Guéant, ministre. Outre que je ne suis pas sûr que les juges administratifs apprécient cette remarque, je tiens à souligner que l’indépendance de la justice administrative a été reconnue par le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Claude Guéant, ministre. Par ailleurs, il est également inexact d’affirmer qu’un étranger faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière peut être reconduit avant que le juge ne se soit prononcé. Je rappelle que le recours est suspensif.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ferai simplement remarquer que l’explication que nous a donnée M. le rapporteur nous oriente plutôt vers une conclusion opposée : puisque le juge des libertés et de la détention se prononce sur le maintien en rétention, il est bon qu’il se prononce le plus vite possible !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les choses sont parfaitement claires : la procédure d’expulsion est suspendue le temps que le juge administratif statue.

Mais l’on oublie aussi de citer la procédure de référé-liberté, qui figure dans le texte, et qui constitue une autre voie de recours pour la personne retenue. Il y a donc un arsenal juridique réel, qu’il ne faut pas ignorer.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67, 159 et 189 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après la référence :

L. 561-2,

insérer les mots :

et s'il existe des perspectives raisonnables d'éloignement,

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le paragraphe 4 de l’article 15 de la directive Retour dispose : « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres [...], la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté. »

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée, le 30 novembre 2009, sur l’interprétation de ce paragraphe. Selon sa jurisprudence, il est nécessaire que, « au moment du réexamen de la légalité de la rétention par la juridiction nationale, il apparaisse qu’il existe une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien ».

Nous regrettons que le présent projet de loi ne comporte aucune disposition en vue de transposer cette obligation de remise en liberté.

C’est pourquoi nous proposons de conditionner le placement en rétention administrative à l’existence de « perspectives raisonnables d’éloignement ». Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement qui est satisfait par les dispositions de l’article 33. (M. le président de la commission des lois approuve.) À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Je fais la même analyse que M. le rapporteur, à savoir que la loi dispose déjà qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° 68 est-il maintenu ?

M. Richard Yung. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 70 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 190 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Tous deux sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

quatre jours

par les mots :

quarante-huit heures

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 70.

M. Richard Yung. L’article 30 tend à modifier l’article L. 551-1 du CESEDA, qui fixe le régime du placement en rétention administrative, en faisant passer la durée de la rétention administrative de deux à quatre jours.

Cet allongement s’inscrit dans une réforme d’ensemble du contentieux de l’éloignement, mise en œuvre par les articles 34 et 37 du projet de loi, dont la principale innovation, d’ailleurs néfaste à mon avis, est d’inverser l’intervention du juge administratif et du juge judiciaire.

En première lecture, l’article 30 avait été amendé, sur proposition du rapporteur et contre l’avis du Gouvernement. Cette modification visait à ramener à quarante-huit heures, au lieu de cinq jours, la durée de rétention administrative décidée par le préfet, avant l’intervention du juge judiciaire.

L’Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement de son rapporteur tendant à rétablir le délai de cinq jours.

La commission des lois de notre assemblée a tenté de trouver une solution médiane, en proposant un délai de quatre jours. Ce compromis, qui me semble plus proche des desiderata du Gouvernement que des souhaits que nous avions exprimés en première lecture, ne me paraît pas satisfaisant.

Mes chers collègues, comme pour d’autres dispositions que nous avions adoptées et qui représentaient autant d’avancées, l’Assemblée nationale est revenue sur notre proposition. Nous vous demandons à travers cet amendement de revenir à notre position initiale, car il n’y a aucun argument tangible pour prolonger la durée de rétention à quatre ou à cinq jours.

Pour avoir discuté de cette question avec ceux qui s’occupent des lieux de rétention, je sais que c’est pour eux un problème majeur, car cela veut dire que c’est autant de main-d’œuvre policière qui va être occupée à gérer non plus deux, mais quatre jours de rétention. Pendant ce temps-là, les bandits courent les rues ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Voilà le vrai problème !

Nous vous proposons donc de conserver le délai de quarante-huit heures.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 190 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous proposons également de ramener de quatre à deux jours le délai d’intervention du juge en matière de rétention administrative, conformément à la position adoptée par le Sénat en première lecture.

J’entends qu’il puisse y avoir – comme je l’ai indiqué tout à l’heure – une négociation, ce qui est tout à fait logique. Je vois M. le président de la commission réagir à mon propos : je n’ai pas critiqué le fait qu’il y ait une négociation, je dis simplement que, en faisant un tel choix, on anticipe sur la tenue de la commission mixte paritaire.

Or, quels sont les arguments juridiques apportés au Sénat pour justifier qu’il change d’avis ? Je dois avouer que je n’ai pas été vraiment convaincu. En lisant le rapport de la commission, j’ai même été plutôt convaincu du contraire.

C’est effectivement l’un des points les plus délicats sur le plan de l’appréciation juridique de ce texte. Le but visé dans cette négociation, c’est d’éviter un problème au niveau constitutionnel, ce que je comprends parfaitement. Mais le Sénat avait pris une position à la fois réaliste et courageuse en première lecture et il n’existe, à mon sens, aucune raison de capituler, tout au moins avant la commission mixte paritaire.

M. le président. L'amendement n° 208, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

quatre

par le mot :

cinq

La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Je tiens de nouveau à saluer le travail de réflexion mené par la commission des lois. Les positions du Gouvernement et celles de la commission sont maintenant très proches, aussi bien sur l’articulation à mettre en œuvre pour l’exercice des compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire que sur la question du délai.

Avec l'amendement n° 208, nous souhaitons porter le délai d’intervention du JLD de quatre à cinq jours, car nous estimons qu’il s’agirait d’une réforme extrêmement utile. Loin d’être contraire à nos principes constitutionnels, elle permettrait, au contraire, de mieux les respecter.

Ainsi, elle garantirait une « bonne administration de la justice », qui est un objectif de valeur constitutionnelle découlant des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et le respect de la compétence de la juridiction administrative, reconnue comme un principe de valeur constitutionnelle.

Certains se demandent – M. le rapporteur s’en est fait l’écho – si le report à cinq jours est bien compatible avec le principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.

J’ai trois réponses à apporter à cette interrogation.

Première réponse : comme M. le rapporteur l’a décrit tout à l’heure de façon scrupuleuse, le Conseil constitutionnel n’a jamais estimé qu’un délai de cinq jours ne serait pas acceptable. Dans une décision de 1997, il a validé le délai actuel de quarante-huit heures ; dans une décision de 1980, il a censuré un délai de sept jours ; s’agissant des zones d’attente, il n’a pas jugé inconstitutionnel un délai de quatre jours. Pour autant, le Conseil n’a pas fixé de bornes plus précises.

J’ajoute qu’il a admis, dans une décision de novembre dernier, un délai de quinze jours pour les hospitalisations sans consentement. Bien que la matière soit différente, le raisonnement pourrait être transposé à la rétention, d’autant que nous ne proposons pas un délai de quinze jours, mais simplement un délai de cinq jours.

Deuxième réponse : lorsque le Conseil d’État a examiné le présent projet de loi, il a validé le report à cinq jours de l’intervention du JLD. Certes, le Conseil d’État n’est pas le Conseil constitutionnel. Mais le vice-président du Conseil d’État a émis un second avis favorable à ce délai devant le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le CSTACAA, notamment pour des raisons pratiques sur lesquelles je reviendrai.

J’ajoute que le délai de quatre jours semble comporter un certain nombre de risques au regard de l’objet principal de la réforme. En effet, si le juge administratif ne peut pas se prononcer dans ce délai, nous risquons d’être de nouveau confrontés à cet enchevêtrement des compétences que nous voulons tous éviter, tout au moins les partisans de la réforme.

Troisième réponse : en pratique, comme il sera le premier juge saisi et comme des motifs de saisine supplémentaires sont institués dans ce projet de loi, le juge administratif risque d’être saisi d’un plus grand nombre de recours qu’auparavant. Il nous semble opportun qu’il puisse disposer d’un délai de trois jours pour se prononcer. C’est du reste cette considération qui a amené le CSTACAA à se prononcer en faveur du délai de cinq jours.

Étant donné qu’il est exclu d’amputer de vingt-quatre heures le délai dont dispose l’étranger placé en rétention pour former un recours, et comme nous ne voulons pas non plus réduire le temps imparti au juge pour statuer, nous souhaitons que le délai de cinq jours soit conservé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si on diminue encore les effectifs, on passera à un délai de sept jours !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les trois amendements pour les raisons que j’ai expliquées tout à l’heure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cher collègue Jacques Mézard, c’est en partie à cause de moi que la commission a modifié sa position sur la question. Nous réfléchissons, nous disposons d’informations nouvelles, notre position peut quelquefois évoluer. Ce n’est pas en restant figé que l’on légifère efficacement !

J’avais déjà fait part de mes doutes. Pour moi, le problème principal provient de l’absence d’unification des juridictions. Il semble que ce ne soit pas possible de modifier cet état de fait, sauf à opérer le bouleversement constitutionnel souhaité par certains. Nous allons peut-être le faire dans un autre domaine, alors vous voyez, mes chers collègues, des ouvertures sont toujours envisageables !

Si l’on supprimait le Conseil d’État, l’affaire sera réglée : les juridictions judiciaires seraient compétentes. Dans certains pays, il n’y a qu’un seul ordre de juridiction. Mais notre organisation, qui est ancienne, ne le permet pas. Il est vrai que la situation est complètement absurde et incompréhensible si l’on n’est pas familier des arcanes de notre organisation juridictionnelle : une juridiction se prononce sur le maintien en rétention, l’autre sur le fond.

Monsieur le ministre, j’ai entendu vos arguments pour passer du délai actuel de deux jours à cinq jours. La tâche des préfectures est dure. Tous ceux qui ont fréquenté les services des étrangers des préfectures savent qu’il est très difficile d’être à la fois respectueux des personnes et de faire appliquer la législation. Il est évident qu’un délai de cinq jours permettrait au tribunal administratif d’être saisi le premier.

Nous devons cependant prêter attention au problème constitutionnel. Nous avions d’ailleurs récemment mis en garde l'Assemblée nationale et le Gouvernement sur le doute constitutionnel qui pesait sur la LOPPSI. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, un délai de sept jours est trop long. En ce qui concerne les zones d’attente, le délai est de quatre jours. Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, qui est une référence, elle a également fixé le délai à quatre jours. On peut m’objecter que les situations ne sont pas identiques, car en l’espèce il est question de la garde à vue. Mais il s’agit également d’une mesure privative de liberté. Vous l’avez indiqué, et j’en conviens parfaitement, les deux ne sont pas de même nature, mais il est tout de même possible d’établir des correspondances.

Évidemment, je comprends que les juridictions administratives soient débordées. Un tribunal administratif que je connais mieux que les autres croule sous ces recours, car sa juridiction englobe Roissy.

Honnêtement, si l’on renforce les moyens des juridictions administratives, elles pourront faire face, même en quatre jours, et sans disparités.

Je connais le sentiment du vice-président du Conseil d’État, qui a souligné les difficultés que rencontreraient les juridictions administratives pour statuer en quatre jours. Le juge administratif devrait pouvoir intervenir avant que le juge judiciaire ne traite de la question de la liberté : certes, mais sans courir de risque constitutionnel !

Dès le départ, j’ai fait part de mes doutes à ce sujet. C’est pourquoi, après avoir réfléchi de longues semaines à la suite de la première lecture du texte dans notre assemblée, j’ai décidé de proposer à la commission, qui m’a suivi dans sa majorité, un délai de quatre jours, qui me paraît garantir une plus grande efficacité.

Comme je l’ai dit, je ne suis absolument pas hostile à l’inversion, monsieur le ministre. Mais il me semble que notre solution est raisonnable, et qu’elle nous permettra peut-être d’éviter une censure du Conseil constitutionnel.

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est vrai qu’un délai de cinq jours serait sans doute idéal, mais on aurait aussi pu proposer six jours puisque seul le délai de sept jours a été censuré. Cela donnerait de l’aisance aux tribunaux administratifs, car tout n’est qu’une question d’organisation.

M. David Assouline. Et pourquoi pas quinze jours ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Toutefois, la commission des lois tient au délai de quatre jours, qui a recueilli, je le répète, la majorité, alors qu’il n’y avait pas eu de majorité en première lecture pour le délai de cinq jours.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 70 et 190 rectifié.

M. David Assouline. Le raisonnement politique que j’ai développé tout à l’heure ne doit pas être analysé comme une remise en cause de l’indépendance de la justice administrative : cette indépendance est, pour moi, évidente et constitutionnellement établie.

Par ailleurs, les propos que vient de tenir le président de la commission des lois sont clairs : son argumentation montre qu’il est difficile de dire si le Conseil constitutionnel acceptera telle ou telle mesure.

Aujourd'hui, le seul argument qui est avancé, c’est qu’il faut essayer de trouver un entre-deux entre le délai de deux jours d’aujourd'hui, qui est accepté par le Conseil constitutionnel, et celui de sept jours, qu’il a rejeté dans l’une de ses décisions. Cela ressemble à du marchandage : on espère que le délai de quatre ou de cinq jours passera, car il est au milieu des deux bornes.

La nécessité d’allonger le délai n’est pas justifiée. D’ailleurs, M. Hyest a pointé le problème : si l’on ne propose pas 7, 8, 9 ou 10 jours, c’est uniquement parce que le délai de sept jours a déjà été rejeté. À aucun moment, des arguments portant sur l’efficacité du dispositif n’ont été avancés.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Mes chers collègues, le Conseil constitutionnel refuse le délai de six jours, car il est trop long. Le Gouvernement veut essayer le délai de cinq jours : M. Hyest, qui est un fin connaisseur de ces questions, estime que l’on est dans une zone de danger constitutionnel et nous propose quatre jours. Nous, nous voulons deux jours. Je vous propose un compromis : trois jours ! (Exclamations amusées.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 70 et 190 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements nos 82 et 69.

M. le président. L'amendement n° 82, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’étranger mineur ne peut, à quelque titre que ce soit, être placé en rétention.

« Le placement en rétention prévu au présent article ne peut être ordonné lorsque l'étranger est parent d'au moins un enfant mineur résident en France et qu'il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Il peut, même s'il ne dispose pas de garanties de représentation, et par dérogation aux conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 561-1, être assigné à résidence. »

L'amendement n° 69, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au présent article ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne est immédiatement remise en liberté. »

Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’amendement n° 71 vise à résoudre un problème d’importance.

Aux termes de l’alinéa 9 de l’article 30, un étranger peut être placé en rétention lorsqu’il doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour. Or interdire le retour sur le territoire français, cela s’appelle le bannissement. Nous l’avons dit en première lecture, nous le répétons aujourd’hui, nous sommes contre le fait que quelqu’un puisse ne jamais revenir, soit sur le territoire français, soit sur le territoire européen.

Je rappelle que l’interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF, avait été supprimée par le gouvernement Jospin en 1998. En rétablissant ce dispositif, on franchit une étape supplémentaire, car une telle interdiction vaut non seulement pour la France, mais aussi pour le reste de l’Union européenne.

De surcroît, aucun dispositif n’est prévu afin de protéger de ce bannissement des catégories d’étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner en France. Or la directive Retour exclut explicitement les personnes victimes de traite des êtres humains ainsi que celles qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités.

Enfin, le présent projet de loi ne prévoit pas de mécanisme d’annulation de l’inscription de l’étranger sous le coup d’une IRTF au système d’information Schengen lorsque celle-ci aura été abrogée ou annulée, alors que l’inscription dans ce fichier se traduirait par l’impossibilité d’obtenir un visa ou un titre de séjour dans un pays européen.

Nous ne saurions souscrire à un tel dispositif. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à dire très fort avec nous : « Non au bannissement ! » Une telle mesure ne fait pas partie, j’y insiste, monsieur le ministre, des traditions républicaines de notre pays.

J’en viens à l’amendement n° 82.

L’article 17 de la directive Retour dispose que « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort pour la période appropriée la plus brève possible ».

Pour notre part, nous proposons de dire clairement que la place des enfants n’est pas en centre de rétention.

Je suis sûr que vous êtes nombreux, mes chers collègues, à avoir, comme moi, visité les centres de rétention.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous savez donc que l’on n’est pas tellement fier d’y voir des enfants.

Nous proposons une assignation à résidence pour les parents d’enfants qui se verraient notifier une mesure d’éloignement afin de nous mettre en conformité avec la directive et, surtout, de protéger les enfants de cette expérience peu souhaitable pour eux.

Quant à l’amendement n° 69, je considère qu’il est défendu.

Je répète donc notre message, qui est simple : « Non au bannissement ! » – ce n’est pas conforme à nos traditions républicaines – et « Non aux enfants dans les centres de rétention ! »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Par cohérence avec l’article 23, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 71.

En ce qui concerne l’amendement n° 82, j’indique que le droit positif prévoit déjà le fait qu’une famille puisse être assignée à résidence. Toutefois, l’objet de cet amendement est de rendre une telle assignation obligatoire et d’interdire la rétention.

Gardons la possibilité de pouvoir placer les familles en rétention, car certaines circonstances rendent cette décision nécessaire. La supprimer priverait d’efficacité une grande partie des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des parents.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur l’amendement n° 69.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 71.

M. Jean-Pierre Sueur. Les réponses laconiques de M. le rapporteur et de M. le ministre me confortent dans ma position.

Introduire dans notre dispositif législatif le bannissement n’est pas anodin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un bannissement. Le bannissement, c’est pour les citoyens !

M. Jean-Pierre Sueur. Exiger que les enfants ne puissent pas être placés en centre de rétention, chacun peut le comprendre.

Je n’ai donc pas besoin de fournir d’explications supplémentaires. Je souhaite simplement que le Sénat adopte une position très claire sur ces points.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 30.

(L'article 30 est adopté.)

Article 30
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 33 (interruption de la discussion)

Article 33

Le livre V du même code est ainsi modifié :

1° Le titre VI devient le titre VII ;

2° L’article L. 561-1 devient l’article L. 571-1 et le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « territoire, », sont insérés les mots : « d’obligation de quitter le territoire français, d’interdiction de retour sur le territoire français, » ;

b) Les mots : « ou d’extradition » sont remplacés par les mots : «, d’extradition ou de remise sur le fondement d’un mandat d’arrêt européen » ;

3° Les articles L. 561-2 et L. 561-3 deviennent respectivement les articles L. 571-2 et L. 571-3 ;

4° Après le titre V, il est rétabli un titre VI ainsi rédigé :

« TITRE VI

« ASSIGNATION À RÉSIDENCE

« Chapitre IER

« Art. L. 561-1. – Lorsque l’étranger justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d’origine, ni se rendre dans aucun autre pays, l’autorité administrative peut, jusqu’à ce qu’existe une perspective raisonnable d’exécution de son obligation, l’autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l’assignant à résidence, par dérogation à l’article L. 551-1, dans les cas suivants :

« 1° Si l’étranger fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ;

« 2° Si l’étranger doit être remis aux autorités d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;

« 3° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en application de l’article L. 531-3 ;

« 4° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;

« 5° Si l’étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal.

« La décision d’assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, cette durée ne s’applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article, ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code.

« L’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l’autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L’autorité administrative peut prescrire à l’étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l’article L. 611-2. Si l’étranger présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, l’autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu’aux lieux d’assignation.

« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4.

« Art. L. 561-2. – Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au II de l’article L. 511-1 qu’il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l’article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l’assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois.

« Art. L. 561-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Chapitre II

« Assignation à résidence avec surveillance électronique

« Art. L. 562-1. – Dans les cas prévus à l’article L. 551-1, lorsque l’étranger est père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code, l’autorité administrative peut prendre une décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l’étranger.

« La décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l’autorité administrative pour une durée de cinq jours.

« La prolongation de la mesure par le juge des libertés et de la détention s’effectue dans les mêmes conditions que la prolongation de la rétention administrative prévue au chapitre II du titre V du présent livre.

« Art. L. 562-2. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique emporte, pour l’étranger, interdiction de s’absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par l’autorité administrative ou le juge des libertés et de la détention en dehors des périodes fixées par ceux-ci.

« Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le seul lieu désigné par le juge des libertés et de la détention pour chaque période fixée. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à la personne assignée le port, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, d’un dispositif intégrant un émetteur.

« Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre chargé de l’immigration et le ministre de la justice. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

« Le contrôle à distance de la mesure est assuré par des fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie nationales qui sont autorisés, pour l’exécution de cette mission, à mettre en œuvre un traitement automatisé de données nominatives.

« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Dans la limite des périodes fixées dans la décision d’assignation à résidence avec surveillance électronique, les agents chargés du contrôle peuvent se rendre sur le lieu de l’assignation pour demander à rencontrer l’étranger. Ils ne peuvent toutefois pénétrer au domicile de la personne chez qui le contrôle est pratiqué sans l’accord de celle-ci.

« Le non-respect des prescriptions liées à l’assignation à résidence avec surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4.

« Art. L. 562-3. – Les modalités d’application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

5° Après l’article L. 552-4, il est inséré un article L. 552-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 552-4-1. – À titre exceptionnel, le juge peut ordonner l’assignation à résidence avec surveillance électronique dans les conditions prévues aux articles L. 562-1 à L. 562-3 lorsque l’étranger est père ou mère d’un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l’entretien et à l’éducation dans les conditions prévues à l’article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et ne peut pas être assigné à résidence en application de l’article L. 561-2 du présent code. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 160 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 191 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 160.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 33 définit le nouveau régime de l’assignation à résidence applicable aux étrangers qui font l’objet d’une mesure d’éloignement. Il prévoit ainsi que la durée de cette nouvelle assignation à résidence, prononcée par l’autorité administrative, peut être de six mois renouvelables et peut concerner des étrangers auxquels un délai de départ volontaire n’a pas été accordé quand ceux-ci ne peuvent quitter le territoire français.

Il est également prévu que la surveillance électronique, mesure pénale normalement réservée aux personnes qui sont mises en examen ou condamnées par l’autorité judiciaire, peut être étendue aux étrangers parents d’enfants mineurs qui font l’objet d’une assignation à résidence.

Cette mesure pourrait être prise par l’autorité administrative les cinq premiers jours, ôtant ainsi la garantie du juge des libertés et de la détention, alors que, dans le cadre de la procédure pénale, seule l’autorité judiciaire est compétente pour décider d’une telle mesure.

Cet article aboutit à une criminalisation des étrangers dont la seule faute est de ne pas posséder de papiers. Il nous semble inconcevable que des personnes fassent l’objet de mesures relevant du champ pénal sous le seul motif qu’elles sont étrangères !

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 191 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous déposons de nouveau, nous aussi, un amendement de suppression de cet article.

Je constate que, pour cette deuxième lecture, l’Assemblée nationale face au Sénat, c’est pire que la force Licorne à Abidjan. (Marques d’amusement sur les travées socialistes.) Pourtant, la position que nous avions retenue en séance publique était assez sage.

Cet article, dont nous souhaitons la suppression, définit un nouveau régime de l’assignation à résidence, laquelle sera prononcée par l’autorité administrative et non par le juge des libertés et de la détention, à la différence de l’assignation à résidence judiciaire. Or, pour dire les choses clairement, la directive Retour n’impose aucunement aux États d’assigner systématiquement à résidence les personnes dont l’éloignement est reporté. L’assignation à résidence ne constitue qu’une mesure parmi d’autres.

Nous n’avons aucune objection de principe contre l’assignation à résidence, qui est souvent justifiée. C’est son caractère systématique qui nous heurte. Encore est-il heureux qu’ait été maintenu l’accord de la personne, que nous avions proposé par amendement en première lecture, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Mais il est fait fi des autres hypothèses fondant un report de l’éloignement que vise l’article 9 de la directive.

Le Conseil constitutionnel a aussi fixé, dans sa décision du 8 décembre 2005, un cadre très précis à l’assignation à résidence sous bracelet électronique, imposant notamment une adéquation avec l’objectif visé et une décision d’un juge.

Or le régime ici défini nous semble disproportionné : aucun juge n’intervient ; la faculté d’imposer l’assignation à résidence à des demandeurs d’asile, à des réfugiés statutaires reconnus par d’autres pays ou aux étrangers qui décident d’exercer un recours contre l’obligation de quitter le territoire français peut être interprétée comme une sanction contre l’exercice d’un droit, ce qui n’est ni justifiable ni conforme aux dispositions de la directive.

Malgré nos appels réitérés, ces mesures ont été systématiquement rejetées depuis le début de la navette. Nous ne pouvons donc que demander la suppression de cet article.

Je rappelle que, en première lecture, les amendements que nous avions présentés, qui certes avaient été adoptés contre l’avis du Gouvernement, visaient à ce que la durée maximale de l’assignation à résidence s’établisse à vingt jours et non à quarante-cinq jours.

On peut toujours nous rétorquer qu’il y a pire ailleurs et que de nombreux autres pays ont des durées bien plus longues.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a toujours pire !

M. Jacques Mézard. Reste qu’il serait préférable de revenir à ce que la Haute Assemblée avait initialement voté en première lecture.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans la mesure où ces amendements identiques visent à supprimer les modalités de l’assignation à résidence, la commission ne peut émettre qu’un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques.

J’ai entendu tout à l’heure plusieurs orateurs exprimer le vœu que des mesures moins coercitives que le placement en rétention soient développées. C’est précisément l’objet de cet article.

Dans cette optique, le bracelet électronique est un allègement considérable par rapport au placement en rétention.

J’ajoute à l’intention de M. Sueur que, dans notre esprit, le bracelet électronique permet de traiter la question des familles. Je lui indique également, parce que personne n’a plaisir à voir des enfants en centre de rétention administrative, que des centres ont été spécialement aménagés pour l’accueil des familles.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, le bracelet électronique est « moins pire » que la prison. Reste que le problème n’est pas de savoir ce qui est pire – il y a toujours pire dans d’autres pays ! –, mais qui décide.

Sous prétexte qu’il s’agit d’étrangers, on veut se passer de l’avis du juge. Mais comment peut-on vouloir imposer une assignation à résidence sans son intervention ? Cela n’est pas possible !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 160 et 191 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

Supprimer les mots :

, d'interdiction de retour sur le territoire français

II. - Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Cet amendement vise à supprimer toute référence à la notion d’interdiction de retour sur le territoire français. Il est cohérent avec nos amendements précédents, notamment ceux qu’a défendus Jean-Pierre Sueur tout à l’heure, qui a parlé de « bannissement ».

Cette disposition serait laissée à la discrétion des préfectures. Ce faisant, il est à craindre qu’elle ne devienne en réalité systématique, alors que ses conséquences seraient très graves pour les étrangers concernés.

Le fait de mentionner que l’administration devra tenir compte de la durée de présence sur le territoire, de la nature et de l’ancienneté des liens avec la France, de la menace à l’ordre public que représente l’étranger n’apporte aucune garantie suffisante.

La formulation plutôt vague des éléments que l’administration doit examiner avant de prononcer un « bannissement » laisse à penser qu’il sera difficile en pratique de contester une telle interdiction de retour.

Par conséquent, nous demandons la suppression, à l’article 33, de toute référence à l’interdiction de retour sur le territoire français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12 

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Si le délai de départ volontaire qui a été accordé à l'étranger est expiré ;

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L’article 33 prévoit une liste de cas pour lesquels l’administration peut assigner l’étranger à résidence.

Est notamment concerné l’étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, sans délai de départ volontaire. Cette disposition est inacceptable car nous sommes défavorables à la privation d’un délai de départ volontaire.

Cette mesure tend à précariser encore davantage la situation de l’étranger qui effectue des démarches en vue d’obtenir un titre de séjour.

Elle oblige l’étranger à déposer dans la précipitation un recours contre l’OQTF et à organiser rapidement sa défense. Je rappelle en effet que, à défaut de réaction dans les quarante-huit heures, il risque d’être expulsé. Le Gouvernement réduit ainsi de manière totalement arbitraire et injustifiée les délais durant lesquels l’étranger est susceptible de contester la mesure dont il fait l’objet. Cette procédure constitue une violation du droit à un recours effectif et des droits de la défense.

En cohérence avec nos amendements précédents, nous demandons la suppression de toute référence à l’OQTF sans délai de départ volontaire dans l’article 33.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16 

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger qui a sollicité le dispositif d'aide au retour après avoir été placé en rétention, peut, dans les conditions fixées par le présent article, être assigné à résidence.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Les auteurs de cet amendement considèrent que les étrangers qui ont sollicité le dispositif d’aide au retour, après avoir été placés en rétention, doivent pouvoir bénéficier de l’alternative à la rétention que constitue l’assignation à résidence.

En effet, le fait que la personne veuille prendre part au dispositif d’aide au retour témoigne de sa volonté de coopérer et réduit le risque de fuite ; il n’est donc plus approprié de la maintenir en rétention.

De plus, cette mesure permettra de désengorger les centres de rétention administrative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car l’article du CESEDA dont il est question concerne le cas où l’étranger est dans l’impossibilité de quitter le territoire français, ce qui ne correspond pas à la situation visée par les auteurs de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Par définition, l’étranger placé en centre de rétention administrative ne s’est pas inscrit dans une démarche de départ volontaire. Il pourrait paraître paradoxal de lui octroyer, de surcroît, une aide au retour.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est parent d'au moins un enfant mineur résident en France et qu'il justifie contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, l'autorité administrative autorise l'étranger à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L’article 17 de la directive Retour dispose que « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort pour la période appropriée la plus brève possible ».

Les auteurs de cet amendement proposent de systématiser l’assignation à résidence pour les parents d’enfants qui se verraient notifier une mesure d’éloignement afin de se mettre en conformité avec la directive et, surtout, de protéger le plus possible les enfants de l’expérience difficile et souvent traumatisante du séjour en centre de rétention.

En effet, les associations de terrain mais aussi le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dénoncent régulièrement les mauvaises conditions de vie dans les centres de rétention administrative.

Plusieurs d’entre nous ont visité ces centres et sont parvenus à la conclusion, comme le soulignait mon collègue Jean-Pierre Sueur, que ce n’est pas la place des enfants. On ne peut se construire au milieu de la souffrance et de la détresse. Ne doit-on pas tout mettre en œuvre pour éviter aux enfants de séjourner dans ces locaux sinistres ?

C’est pourquoi nous considérons qu’il convient de systématiser l’assignation à résidence pour les parents d’enfants qui se verraient notifier une mesure d’éloignement et placer en rétention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette problématique a déjà été abordée à l’occasion des amendements précédents. L’assignation à résidence ne peut pas être systématisée. Le choix doit naturellement rester possible.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est favorable à un traitement au cas par cas.

Il est donc défavorable à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16 

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision d'assignation à résidence est assortie d'une autorisation provisoire de travail.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Nous demandons que l’assignation à résidence soit assortie d’une autorisation provisoire de travail.

L’article 33 prévoit que l’administration puisse prendre une décision d’assignation à résidence plutôt que de placer l’étranger sous le coup d’une OQTF en centre de rétention. Nous soutenons cette approche.

Il est précisé que cette assignation à résidence peut être prise pour une durée maximale de six mois. Six mois, c’est long, et les personnes concernées devront trouver des moyens de subsistance. S’ils n’ont pas la possibilité de travailler, comment vont-ils survivre pendant cette période ?

De plus, l’article 33 prévoit une exception pour les étrangers sous le coup d’une mesure de reconduite à la frontière qui ont commis un crime et purgé leur peine. Ceux-ci, s’ils ne peuvent être expulsés, peuvent également être assignés à résidence. Dans ce cas, la durée maximale de six mois ne s’applique pas. Si ces personnes doivent rester plus de six mois assignées à résidence, il est impératif qu’elles puisent travailler.

Pour toutes ces raisons, nous demandons que leur soit accordé le droit à une autorisation provisoire de travail.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Considérant que la personne doit être éloignée à moyen terme, les conditions pour qu’elle exerce un emploi ne paraissent pas réunies.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. La personne ne devant rester qu’un bref moment en France, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les prescriptions liées à l'assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d'accès des mineurs au système éducatif.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement vise à consacrer le droit d’accès des mineurs au système éducatif.

Nous proposons de poser clairement dans la loi le principe selon lequel les prescriptions liées à l’assignation à résidence ne peuvent faire obstacle au droit d’accès des mineurs au système éducatif. Nous ne disons pas que ce droit leur est refusé, mais nous pensons qu’il est préférable de le graver dans le marbre de la loi que nous sommes en train d’élaborer.

Il s’agit non seulement de transposer les articles 14 et 17 de la directive Retour, mais également de rappeler qu’en France l’école est obligatoire, que l’on ait ou non des papiers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le caractère obligatoire de l’instruction des enfants mineurs est déjà garanti par l’article L. 131-1 du code de l’éducation, même si leurs parents sont en situation irrégulière.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement rejoint l’appréciation de M. le rapporteur : il est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. À moins qu’il ne serve à masquer une opposition de fond à notre amendement, l’argument qui nous est opposé n’est guère satisfaisant.

En effet, lorsque nous légiférons sur des sujets particuliers, nous n’avons de cesse de vouloir spécifier ou sanctuariser certaines dispositions. Si l’on devait exclure systématiquement de la loi tout ce qui est garanti ailleurs, dans d’autres domaines, bien souvent, on ne légiférerait pas !

Cet amendement a également un sens politique. Par votre soutien, vous manifesteriez qu’aucune dérive n’est possible ; vous nous donneriez un gage. Je ne vois pas en quoi cela dénaturerait votre projet de loi.

Une fois de plus, vous refusez de laisser transparaître, dans la rédaction retenue, le fait que les étrangers sont des êtres humains, qu’ils ont des droits garantis, notamment celui pour les mineurs d’être scolarisés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. L’éducation est régie par un code spécifique : le code de l’éducation. Celui-ci dispose que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ».

Par conséquent, une disposition d’ordre général répond complètement à la préoccupation que vous avez exprimée.

M. le président. Monsieur Yung, l'amendement n° 79 est-il maintenu ?

M. Richard Yung. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 75 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 161 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 192 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 20, seconde phrase

Remplacer le mot :

quarante-cinq

par le mot :

vingt

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 75.

M. Richard Yung. En l’état du droit, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours, renouvelable une fois – soit quarante jours.

Parallèlement, le présent article du projet de loi vise à permettre à l’autorité administrative d’assigner un étranger à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois – soit quatre-vingt-dix jours. Il y a donc une différence très sensible entre les deux délais.

Or il nous semble qu’une mesure administrative particulièrement contraignante, qui restreint la liberté, ne doit pouvoir excéder dans sa durée une décision prononcée par un magistrat.

Le Sénat, dans sa sagesse, avait souscrit à ce raisonnement et avait adopté, en première lecture, cet amendement initié par le groupe CRC-SPG, le groupe socialiste et le RDSE.

En deuxième lecture, le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale est revenu sur la disposition – comme sur beaucoup d’autres. Nous aimerions rappeler que cet article, qui libère le pouvoir coercitif de l’administration, peut faire craindre une utilisation excessive de l’assignation à résidence.

Or l’urgence imposée pour la rétention administrative privative de liberté, qui justifie que le juge administratif soit tenu de statuer dans un délai très bref, n’existe nullement en matière d’assignation à résidence.

Les étrangers soumis à une assignation à résidence doivent donc selon nous bénéficier du même régime de contentieux administratif que ceux qui disposent d’une pleine liberté.

Pour ces différentes raisons, nous demandons que le pouvoir du juge administratif en matière d’assignation à résidence soit calqué sur celui du juge des libertés et de la détention et que la durée de cette assignation soit réduite de quarante-cinq jours à vingt jours.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 161.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre collègue Richard Yung vient de rappeler l’historique de cette disposition, qui a été supprimée par nos collègues députés après avoir été adoptée dans cet hémicycle. À mon tour, je vous propose de revenir à notre position initiale, et de réduire de quarante-cinq jours à vingt jours la durée de l’assignation à résidence.

Le juge des libertés et de la détention, saisi par l’administration dans le cadre d’une demande de prolongation du maintien en rétention, peut ordonner l’assignation à résidence d’un étranger pour une durée maximale de vingt jours.

L’étranger qui fera l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention et celui qui se verra assigné par l’administration doivent être traités équitablement. C’est pourquoi la durée de l’assignation à résidence, qui est contraignante et qui porte atteinte à la liberté d’aller et venir, ne doit pas excéder vingt jours.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 192 rectifié.

M. Jacques Mézard. Cet amendement se justifie par les mêmes raisons que celles qui viennent d’être avancées par nos deux collègues. Nous souhaitons que le Sénat reste cohérent avec la position qu’il avait adoptée en première lecture.

L’alinéa 20 de l’article 33 permet à l’administration de prononcer une assignation à résidence pour une durée pouvant aller jusqu’à quarante-cinq jours, renouvelable une fois, soit quatre-vingt-dix jours. Ce délai nous paraît tout à fait disproportionné au regard de l’article 41 du texte, qui prévoit que le juge des libertés et de la détention – un magistrat indépendant – peut ordonner la prolongation de la rétention pour une durée maximale de vingt jours.

Il s’agit non seulement d’une question de cohérence avec l’ensemble du texte, mais aussi de principe. En effet, il ne nous paraît ni normal ni équitable que l’administration dispose de prérogatives plus étendues qu’un magistrat indépendant, gardien de la liberté individuelle et du droit d’aller et venir.

A fortiori, ce dispositif ne respecte pas les exigences de l’article 15 de la directive Retour, qui tend non pas à systématiser la décision d’assignation à résidence, mais à la prévoir parmi d’autres mesures possibles.

J’ai rappelé tout à l’heure que nous n’étions aucunement opposés à l’assignation à résidence, car, comme l’a justement rappelé M. le ministre, elle vaut mieux qu’une mesure de rétention. Toutefois, nous demandons de revenir au texte qui avait été adopté à la majorité en première lecture dans cette assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.

Sur le fond, je rappelle que le délai de quarante-cinq jours est le même en cas de rétention ou d’assignation à résidence. Même si les étrangers sont retenus d’une façon différente, ils seront éloignés et, dans les deux cas, nous sommes dans l’attente d’un laissez-passer consulaire. C’est la raison pour laquelle ces situations sont traitées de façon identique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’analyse du Gouvernement, monsieur le président, est la même que celle de M. le rapporteur. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 75, 161 et 192 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 83, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 22 à 36

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Les alinéas 22 à 36 de l’article 33 du projet de loi prévoient, comme alternative à la rétention, de créer pour les étrangers en instance d’éloignement, parents d’enfants mineurs, une assignation à résidence « sous surveillance électronique ».

L’objectif serait de limiter l’enfermement des enfants dans les centres de rétention administrative. S’il s’agit là d’une louable intention, il convient de rappeler que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait conduire systématiquement à interdire tout placement de famille avec enfant en centre de rétention administrative.

Nous demandons donc la suppression de ces alinéas, et ce pour plusieurs raisons, que je vais essayer de résumer.

Tout d’abord, il s’agit d’une mesure pénale qui s’appliquera à des personnes qui ne sont ni mises en examen ni condamnées par l’autorité judiciaire.

Ensuite, les conditions dans lesquelles une telle mesure sera mise en place sont très floues. C’est aux forces de police ou de gendarmerie, déjà bien « distraites » de leurs missions premières que sont le maintien de l’ordre public et la recherche des infractions, que reviendront le suivi et le contrôle du bracelet électronique durant l’assignation à résidence. Les conditions d’utilisation et d’application de ce bracelet étant complexes, ce suivi et ce contrôle seront à n’en pas douter difficilement gérables pour elles, d’autant que les moyens techniques et humains nécessaires ne suivront pas.

Par ailleurs, de quelles garanties bénéficieront les personnes assignées qui devront supporter du bracelet électronique ? Quid du contrôle sur les conditions et sur la durée d’utilisation de ce bracelet ?

Enfin, le Gouvernement présente cette solution, qu’il aurait paradoxalement préféré ne pas voir adoptée, comme une alternative à la rétention, « préférable à un placement en rétention » selon M. le ministre.

L’assignation à résidence simple est déjà une atteinte à la liberté d’aller et venir de l’étranger. Quant à l’assortir d’une surveillance électronique, dont les contraintes sont, on le sait, difficiles à supporter…

Pourquoi vouloir ainsi répondre à une difficulté qui ne se pose qu’en raison de la politique d’immigration suivie par le Gouvernement ? Le problème est bien la rétention, dont la durée est encore allongée. Les personnes qui sont enfermées dans les centres de rétention administrative n’ont souvent pas grand-chose à y faire : elles sont privées de liberté au seul motif qu’elles risquent de se soustraire à une mesure d’éloignement. C’est une sanction bien sévère à notre sens pour avoir seulement méconnu le régime administratif du séjour.

Telles sont les principales raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de ces alinéas.

M. le président. L'amendement n° 193 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 24

Remplacer le mot :

administrative

par le mot :

judiciaire

II. - Alinéa 25

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Cette décision peut être prise pour une durée de cinq jours.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. La proposition que nous avions faite, à l’alinéa 24, sur la nécessité d’obtenir l’accord de l’étranger, qui avait été retenue par le Sénat en première lecture, a été reprise dans le présent texte.

Nous rappelons que nous sommes très favorables à l’utilisation de la surveillance électronique, mais il est évident qu’une telle surveillance constitue une peine, une sanction, reconnue comme telle d’un point de vue législatif et judiciaire. Il est donc nécessaire que de telles mesures soient prononcées par le juge judiciaire, et non par l’administration.

Dans sa décision du 8 décembre 2005 portant sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, le Conseil constitutionnel a indiqué qu’une mesure de placement sous surveillance électronique devait être prononcée par un juge au motif que, même si elle est moins contraignante, ce qui est réel, que le placement dans un centre de rétention, elle constitue toujours une atteinte à la liberté. Seul le juge, qu’il soit judiciaire ou administratif, peut porter atteinte de la sorte à la liberté d’aller et venir.

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 24 et 25

Remplacer les mots :

l'autorité administrative

par les mots :

le juge des libertés et de la détention, avec l'accord de l'intéressé,

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Dans le cas où nous n’obtiendrions pas la suppression des alinéas 22 à 36 de l’article 33, nous demandons au moins que, aux alinéas 24 et 25, le juge des libertés et de la détention soit substitué à l’autorité administrative.

L’article 33 permet en effet à l’autorité administrative de soumettre l’étranger, lorsque l’assignation à résidence est impossible, c’est-à-dire lorsque l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, à une surveillance électronique sous forme de bracelet électronique fixe.

Or seule l’autorité judiciaire est compétente pour décider d’un tel placement. L’assignation à résidence sous surveillance électronique est en effet une mesure pénale, prise par une autorité judiciaire, dans un cadre législatif très précis, avec le consentement du prévenu ou du condamné.

Pourquoi cette mesure, qui est attentatoire à la liberté d’aller et venir, devrait-elle donc être décidée par l’autorité administrative, contrairement à la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 portant sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ?

Le projet de loi consacre ici encore un recul important du rôle du juge des libertés et de la détention au profit de l’administration. Certains estiment que ces juges sont trop permissifs, compte tenu des décisions de remise en liberté qu’ils prennent. Le Gouvernement, quant à lui, considère que ces décisions font échec aux mesures d’éloignement.

L’amélioration apportée en première lecture sur l’initiative de Jacques Mézard, qui conditionne l’assignation à résidence à l’accord de l’étranger, est certes intéressante, mais il nous semble qu’il faut aller plus loin. L’assignation à résidence avec surveillance électronique est une mesure attentatoire à la liberté. Elle doit donc être décidée par le juge des libertés et de la détention, et non par l’autorité administrative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons déjà eu en première lecture. Jusqu’à présent, le bracelet électronique traduisait l’exécution d’une peine. Il change de nature dans le présent projet de loi afin de constituer une alternative au placement en rétention. La décision sera effectivement prise par l’administration, mais elle le sera sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui pourra statuer dans un délai de cinq jours. Voilà la réalité des faits.

Cette alternative au placement en rétention peut présenter, à certains égards, un avantage évident et constitue une avancée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements, monsieur le président.

Le placement sous surveillance électronique – je m’en tiendrai à l’aspect juridique de la question – est en l’espèce non pas une peine, mais une mesure de surveillance. Aucun principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que le législateur investisse l’autorité administrative du pouvoir de prononcer une mesure de surveillance pour assurer l’exécution d’une décision qui relève de sa compétence.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 83.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous refusons que le placement sous surveillance électronique, qui s’apparente pour l’heure à une peine et qui ne peut être prononcé que par un juge, ne devienne un instrument administratif.

Sans doute ce dispositif sera-t-il adopté, mais je pense tout de même qu’il n’est pas possible de contraindre quelqu’un à une telle mesure en l’absence de condamnation pénale et sans l’intervention d’un juge.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 33.

(L'article 33 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 33 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale

4

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 13 avril 2011, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a demandé la modification de l’ordre du jour de la séance du jeudi 14 avril 2011.

L’ordre du jour s’établit donc comme suit :

Jeudi 14 avril

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (n° 405, 2010-2011) ;

(Conformément au droit commun défini à l’article 29 ter du règlement, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de deux heures) ;

2°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (texte de la commission, n° 393, 2010-2011) ;

3°) Projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 395, 2010 2011) ;

(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)

5

Article 33 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 34

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre III, au chapitre II.

TITRE III (suite)

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT

Chapitre II

Dispositions relatives au contentieux de l’éloignement

Section 1

Dispositions relatives au contentieux administratif

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 34 bis (suppression maintenue)

Article 34

Le chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Procédure administrative et contentieuse

« Art. L. 512-1. – I. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant. L’étranger qui fait l’objet de l’interdiction de retour prévue au troisième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander l’annulation de cette décision.

« L’étranger peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle au plus tard lors de l’introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.

« II. – L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision, ainsi que l’annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant.

« Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au I.

« Toutefois, si l’étranger est placé en rétention en application de l’article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.

« III. – En cas de décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif l’annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l’étranger a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français, et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français qui l’accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d’assignation. Toutefois, si l’étranger est assigné à résidence en application du même article L. 561-2, son recours en annulation peut porter directement sur l’obligation de quitter le territoire ainsi que, le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d’interdiction de retour sur le territoire français.

« Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. Il peut se transporter au siège de la juridiction judiciaire la plus proche du lieu où se trouve l’étranger si celui-ci est retenu en application de l’article L. 551-1 du présent code. Si une salle d’audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il peut statuer dans cette salle.

« L’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d’un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise.

« L’audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l’intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L’étranger est assisté de son conseil s’il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu’il lui en soit désigné un d’office.

« Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l’obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l’objet en cours d’instance d’une décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l’administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d’assignation.

« Art. L. 512-2. – Dès notification de l’obligation de quitter le territoire français, l’étranger auquel aucun délai de départ volontaire n’a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d’avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend.

« Art. L. 512-3. – (Non modifié)

« Art. L. 512-4. – (Non modifié) Si l’obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas.

« Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d’assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l’étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l’autorité administrative en application du II de l’article L. 511-1 ou du sixième alinéa de l’article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification.

« Art. L. 512-5. – (Non modifié) L’étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut solliciter un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine, sauf s’il a été placé en rétention.

« Art. L. 512-6. – L’annulation de la décision relative au séjour emporte abrogation de la décision d’interdiction de retour qui l’accompagne le cas échéant, y compris lorsque le recours dirigé contre celle-ci a été rejeté selon la procédure prévue au III de l’article L. 512-1. »

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, au mois de mars dernier, vous avez fixé un objectif minimal de 28 000 éloignements en 2011, objectif que vous souhaitez aujourd’hui dépasser.

En dépit de l’adoption de cinq lois répressives au cours des huit dernières années, les précédents objectifs n’ont pas été atteints. Pour gonfler les chiffres, vous êtes contraint de recourir à plusieurs subterfuges, dont le plus absurde est sans aucun doute l’expulsion des étrangers dont le visa est périmé et qui sont en train de rentrer chez eux spontanément !

La faiblesse du taux d’exécution des décisions d’éloignement prononcées, moins de 30 %, s’explique par le défaut de délivrance d’un laissez-passer consulaire – c’est un aspect sur lequel il est plus difficile d’agir, puisque cela dépend de la bonne ou de la mauvaise volonté des pays concernés – et par la libération des migrants placés en rétention suite à un contrôle des conditions d’interpellation.

Afin de surmonter le premier obstacle, vous avez souhaité renforcer « la pression » sur les États « qui ont un taux de délivrance inférieur à la moyenne de 31 % ».

Il est un autre obstacle plus difficile à surmonter. Dans un avis du 21 mars dernier, le Conseil d'État a considéré que la directive Retour, plus favorable que notre législation actuelle, pouvait être invoquée par les justiciables à l’encontre de l’arrêté de reconduite à la frontière les concernant. D’où votre souhait de voir aboutir l’article 34, qui allonge le délai de saisine du juge des libertés et de la détention pour la prolongation de la rétention. C’est le débat que nous venons d’avoir sur la durée de quatre jours.

Par ailleurs, vous voulez inverser l’ordre d’intervention des juges judiciaire et administratif, ce qui n’est d’ailleurs ni prévu ni recommandé par la directive Retour.

Si une telle disposition entrait en vigueur, les étrangers retenus seraient traités comme les personnes soupçonnées de liens avec une entreprise terroriste, qui peuvent être maintenues en garde à vue pendant quatre jours !

En outre, l’application de cette disposition entraînerait l’expulsion de migrants ayant fait l’objet d’une procédure irrégulière que le juge judiciaire aurait annulée.

Telles sont les remarques préliminaires que je souhaitais formuler sur l’article 34.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article est important. Il organise une refonte globale du contentieux administratif dans le domaine du droit des étrangers. De plus, il s’agit d’une disposition autonome du projet de loi, puisqu’aucun texte de directive n’exige de telles modifications. Il ne saurait donc être question ici de transposition.

Il s’agit de faire un lien avec ce que l’article 30 propose, puisque le juge administratif interviendra désormais avant le juge des libertés et de la détention.

Je le répète, on se trompe en nous affirmant que cela permet d’améliorer l’administration et le fonctionnement de la justice. En effet, les syndicats des magistrats administratifs ont clairement affirmé qu’ils ne pourraient pas faire face à l’afflux de demandes que cette disposition provoquera immanquablement. Le juge administratif devra intervenir plus fréquemment alors que les effectifs ne changeront pas. Vous voulez donc faire plus avec le même nombre, quand nos juridictions sont déjà en surchauffe. La seule conséquence en sera l’engorgement des tribunaux.

Par ailleurs, l’article 34 diffère l’intervention de l’avocat à l’arrivée de l’étranger en centre de rétention sans pour autant reporter le délai de recours contentieux, alors que ce délai est extrêmement bref.

Retarder l’intervention de l’avocat tout en maintenant la notification comme point de départ du délai de recours contentieux pèsera trop lourdement sur le droit à un recours effectif: Et ne me dites pas que les associations sont là pour aider juridiquement les étrangers ! Elles font un travail d’accompagnement, mais elles ne remplacent pas un avocat.

En peu de temps, l’étranger devra se repérer dans un vrai dédale administratif ; curieuse manière de vouloir l’aider...

Le droit au recours effectif est un droit consacré non seulement par le Conseil constitutionnel, mais aussi par la Convention européenne des droits de l’homme. J’espère que l’ensemble de nos collègues mesurent le recul que nous opérerons si nous votons cet article en l’état.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 162 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 194 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 162.

Mme Éliane Assassi. L’article 34 concerne le contentieux des étrangers, plus spécifiquement la procédure de recours devant le juge administratif des étrangers placés en rétention administrative avant éloignement.

Pour nous, cet article crée une justice expéditive pour les étrangers, privant ainsi ceux qui font l’objet d’une mesure privative de liberté d’un accès effectif au juge judiciaire par un contournement du juge des libertés et de la détention.

Dans cet article, le juge administratif intervient avant le juge judiciaire en cas de placement en rétention administrative, ce qui aboutit à une confusion des rôles. En vertu de l’article 66 de la Constitution, c’est au juge judiciaire de contrôler le respect des droits et libertés de ces personnes. Il est compétent pour statuer sur la validité de la prolongation de la rétention, qui constitue une mesure privative de liberté, et il est chargé de vérifier la régularité de la procédure d’interpellation, ainsi que l’accès de la personne retenue à l’exercice effectif de ses droits.

De plus, la nouvelle mesure d’interdiction de retour sur le territoire français sera examinée par un juge unique, ce qui nous semble inacceptable en l’absence de motif d’urgence dérogatoire. C’est une entorse au principe de la collégialité, qui est une garantie contre l’arbitraire.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 194 rectifié.

M. Jacques Mézard. Il s’agit également d’un amendement de suppression.

Nous avions eu raison contre la majorité en première lecture, en soulignant que la tenue d’audiences au sein même des centres de rétention administrative constituait une atteinte à la publicité des débats, principe qui participe de l’équité d’un procès.

C’est ce qu’a rappelé très clairement et avec force le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars dernier relative à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dans un raisonnement qui s’applique parfaitement à la rédaction de l’article 34 tel qu’il a été voté en première lecture.

La Cour de cassation avait pourtant déjà donné les premiers coups de semonce en 2008, par trois arrêts tout à fait explicites.

Si ce point a heureusement été éclairci, et de la bonne manière, il n’en demeure pas moins que le reste de l’article 34 continue de nous poser problème.

En l’état actuel, cet article organise une procédure nouvelle devant le juge administratif en matière de contentieux de l’éloignement. Aucun des griefs que nous avions soulevés n’a été écarté, puisque les deux assemblées sont globalement en accord sur l’économie du dispositif.

Ainsi en est-il du délai de recours de quarante-huit heures seulement contre les obligations de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, de l’absence de rapporteur public ou du délai démesurément court, soixante-douze heures, dans lequel le juge devra statuer.

Surtout, nous ne voyons strictement aucune justification à ce que ce soit un juge unique qui statue sur la légalité de l’interdiction de retour, la dérogation à la collégialité étant seulement justifiée par une urgence qui n’existe pas ! Il en est de même de la restriction de l’accès à l’aide juridictionnelle ; pourtant, la possibilité pour une des parties à l’instance d’en solliciter le bénéfice jusqu’à ce que la juridiction rende sa décision est un principe constant de notre droit.

En fait, derrière cet article se cache la mise en œuvre des conclusions de la commission Mazeaud pour organiser ce que nous considérons comme un recul des garanties procédurales dont devraient pourtant bénéficier les étrangers, comme tout justiciable dans un État de droit.

Nous n’acceptons pas d’entériner un tel recul.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les amendements identiques nos 162 et 194 rectifié visent à supprimer l’article 34, qui détermine les modalités de recours administratif contre les mesures d’éloignement.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

J’observe d’ailleurs qu’une telle suppression aurait pour effet de faire disparaître toute possibilité de recours à l’encontre des décisions d’obligation de quitter le territoire français et d’interdiction de retour, ainsi que la possibilité, nouvelle, de contester la décision de placement en rétention par une procédure spécifique.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 162 et 194 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

L'étranger peut également, dans un délai d'un mois suivant la notification de cette décision, exercer un recours administratif gracieux et hiérarchique. Le délai initial de trente jours pour formuler un recours contentieux devant le tribunal administratif est prorogé par l'exercice d'un recours administratif préalable.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Nous proposons ici d’améliorer le projet de loi par l’instauration d’un recours administratif préalable gracieux et hiérarchique.

Tout étranger recevant de la préfecture une décision de refus ou de retrait de son titre de séjour accompagnée d’une obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de trente jours pour déposer un recours contentieux devant le tribunal.

En l’état actuel du droit, ce délai ne peut en aucun cas être prolongé par un recours gracieux ou hiérarchique.

Ce faisant, les étrangers qui forment un recours préalable sont peu nombreux. L’exercice de ce type de recours s’avère en général inutile puisque seul le recours contentieux permet d’empêcher l’exécution de la mesure d’éloignement.

Pourtant, en matière administrative, les recours précontentieux présentent plusieurs avantages.

Premièrement, ils permettent à un requérant de demander à l’administration un nouvel examen de sa situation.

Deuxièmement, ils ont pour effet d’alléger la charge de travail pesant sur les tribunaux, laquelle ne nous laisse pas indifférents.

La mise en place de recours administratifs préalables contre les OQTF apparaît donc souhaitable, car elle répond à la double exigence d’efficacité et de respect du droit au recours.

Pour toutes ces raisons, je vous propose d’adopter le présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Cet amendement vise à instaurer un recours hiérarchique contre les mesures d’éloignement, recours qui pourrait être formé dans un délai d’un mois et prorogerait d’autant le délai de recours contentieux.

Un tel report ne semble pas souhaitable dans le cas d’une mesure devant être exécutée à brève échéance. Le Conseil d’État a d’ailleurs validé le délai d’un mois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 86, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 7, 8 et 9

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 10

1° Deuxième phrase

Supprimer les mots :

et contre la décision refusant un délai de départ volontaire,

2° Dernière phrase

Supprimer les mots :

le cas échéant, sur la décision refusant un délai de départ volontaire

III. - Alinéa 15, première phrase

Supprimer les mots :

auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé

IV. - Alinéa 16

1° Article L. 512-3, premier alinéa

Supprimer les mots :

ou, si aucun délai n’a été accordé, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français

2° Article L. 512-3, second alinéa, première phrase

Supprimer les mots :

ou, si aucun délai n’a été accordé, avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative

V. - Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’article 34 du présent projet de loi prévoit que les migrants qui font l’objet d’une OQTF sans délai de départ volontaire disposent d’un délai de quarante-huit heures pour en demander l’annulation.

Cette disposition pose, en pratique, de nombreuses difficultés. Je rappelle que pendant le délai de quarante-huit heures le migrant pourrait être amené à contester dans un même recours non seulement l’OQTF, mais aussi la décision relative au séjour, celle qui le prive d’un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, l’interdiction de retour sur le territoire français, soit cinq décisions administratives !

Compte tenu de l’interprétation extensive des dispositions de l’article 7 de la directive Retour, il est à craindre que l’OQTF soit très souvent prononcée sans délai de départ volontaire. Nous avons eu le sentiment que tel était l’objectif du Gouvernement, la procédure étant plus facile à mettre en œuvre.

De nombreux migrants risqueraient ainsi de devoir ester en justice dans un délai très court et suivant une procédure extrêmement complexe. Je vous laisse imaginer la difficulté qu’éprouvera un étranger incarcéré dans un centre de rétention, qui ne parle pas le français, qui n’a pas d’interprète et qui ne connaît pas le droit pour formuler un recours de ce genre !

Par coordination avec les amendements que nous avons précédemment présentés, nous proposons de supprimer toutes les références à l’OQTF sans délai de départ volontaire.

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 7

Remplacer les mots :

suivant sa notification par voie administrative

par les mots :

à compter du moment où il a pu exercer son droit à l'assistance d'un conseil

II. - Alinéa 10, première phrase

Remplacer les mots :

suivant sa notification

par les mots :

à compter du moment où il a pu exercer son droit à l'assistance d'un conseil

III. - Alinéa 16

Article L. 512-3, second alinéa, première phrase

Remplacer les mots :

suivant sa notification par voie administrative

par les mots :

à compter du moment où il a pu exercer son droit à l'assistance d'un conseil

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Si, comme le prévoient les articles 31 et 34 du projet de loi, l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat est différé jusqu’à l’arrivée de l’étranger au centre de rétention, il est anormal que le délai de recours contentieux, déjà extrêmement bref, commence à courir dès la notification de la mesure de placement en rétention, alors que plusieurs heures peuvent s’écouler avant qu’elle ne soit effectivement mise en œuvre.

L’étranger ne pouvant aucunement introduire un recours juridictionnel pendant le trajet vers le centre de rétention, il convient de traduire expressément dans la loi l’adage contra non valentem agere non currit praescriptio. Admettez que nous élevons le niveau du débat et la qualité juridique de nos échanges ! (Sourires.) Je traduis, pour ceux qui auraient oublié leur latin : la prescription ne court pas contre celui qui se trouve dans l’impossibilité d’agir.

Nous vous proposons donc d’appliquer ce sage adage.

Retarder l’intervention de l’avocat en maintenant la notification comme point de départ du délai de recours grèverait lourdement à la fois les droits de la défense et le droit à un recours effectif. Plusieurs décisions de la Cour européenne des droits de l’homme vont dans ce sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 86 tend à supprimer de l’article 34 les mentions relatives à l’OQTF sans délai de départ volontaire.

La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement dans la mesure où le dispositif qu’il prévoit de supprimer a été mis en place par l’article 23 du texte. Émettre un autre avis serait contraire à ce que nous avons voté voilà quelques instants.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 87. Il est important que le délai commence impérativement à courir à compter de la remise à l’étranger de la notification des mesures le concernant, comme c’est d’ailleurs ordinairement l’usage en matière de décision administrative.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’adoption de l’amendement n° 86 aurait pour effet de faire obstacle à toute reconduite avant l’expiration du délai de recours de trente jours, alors même que l’étranger s’est déjà vu notifier l’obligation de quitter sans délai le territoire français. Cet amendement est de même inspiration que les précédents, qui ont tous pour objet de retarder l’effectivité du départ. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 87, j’observe que le délai de recours de quarante-huit heures n’est pas nouveau. Il est déjà en usage et est considéré comme raisonnable puisqu’il permet de concilier les droits de l’étranger et l’effectivité de l’éloignement. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 10, après la première phrase 

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ce recours est suspensif de la décision d'éloignement sur le fondement de laquelle l'arrêté de placement en rétention est prononcé.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement se justifie par son texte même. Nous demandons qu’un recours suspensif soit possible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Il ne serait pas logique que le recours contre le placement en rétention soit suspensif de la mesure d’éloignement, car, par définition, l’exécution de la mesure d’éloignement met fin à la rétention.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 218, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 11, première phrase, et alinéa 14

Remplacer les mots :

soixante-douze heures

par les mots :

quarante-huit heures

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les modifications qui ont été votées au sujet de l’intervention du juge des libertés et de la détention.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable, par coordination.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 218.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 89, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11, deuxième et dernière phrases

Supprimer ces phrases.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. La justice est dans la rue ! Le 9 février dernier, 40 % des magistrats administratifs ont fait grève, ce qui est énorme pour cette profession, afin de manifester leur opposition à ce projet de loi, plus particulièrement à la disposition visant à permettre la délocalisation des audiences dans des salles spécialement aménagées à proximité immédiate des centres de rétention administrative ou en leur sein.

Le Conseil constitutionnel ayant confirmé, en censurant l’article 101 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qu’il n’est pas possible de tenir des audiences au sein même d’un centre de rétention, M. le rapporteur a supprimé cette faculté lors de l’examen du texte en commission. Néanmoins, cette suppression ne change rien au problème puisque les audiences n’auront plus lieu dans le centre, mais dans une pièce juste à côté.

Cette mesure vise à réduire les coûts des escortes nécessaires pour conduire les étrangers des centres de rétention vers les juridictions administratives, ce qui permettrait au ministère de l’intérieur de réaliser des économies. Cependant, qu’en est-il de l’impact de cette disposition sur le budget du ministère de la justice, déjà exsangue ?

Le Gouvernement a-t-il chiffré le coût du temps perdu par les magistrats dans les transports ? Par exemple, le tribunal de Strasbourg se trouve à 180 kilomètres du centre de rétention le plus proche... Le temps que le juge passera à parcourir cette distance sera autant de temps perdu pour le traitement des dossiers, ce qui risque de désorganiser les juridictions.

Le Gouvernement a-t-il pris en compte l’impact de la délocalisation sur les autres dossiers ? Celle-ci entraînera sans aucun doute un effet d’éviction sur les autres dossiers et s’accompagnera d’un allongement des délais de jugement pour tous les contentieux autres que le contentieux des étrangers.

Le Gouvernement a-t-il prévu des postes de juges administratifs supplémentaires ou des postes de greffiers ?

Cette justice « sur place » ne satisfait ni les règles du procès équitable ni les exigences de publicité des débats. Imposer au tribunal de siéger dans un lieu relevant exclusivement de la police met gravement en doute l’indépendance et l’impartialité de la justice, qui sont au cœur du procès équitable.

Les dispositions prévues à l’alinéa 11 de l’article 34 du projet de loi ne garantissent pas le respect du droit à un procès équitable, tel qu’il résulte des articles 66 de la Constitution et 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Elles sont contraires à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans trois arrêts du 16 avril 2008, a considéré que, pour respecter les règles d’indépendance et d’impartialité, la salle d’audience doit être identifiée comme un lieu judicaire à part entière, signalisée, dans un bâtiment distinct qui n’apparaisse pas comme une extension du centre de rétention.

La justice ne saurait être rendue dans un lieu dépourvu de solennité et qui, de surcroît, appartient à l’une des parties. La tenue d’audiences délocalisées risque d’accroître la confusion parfois déjà présente dans l’esprit des justiciables entre l’administration et le juge administratif.

Les dispositions prévues à l’alinéa 11 de l’article 34 du projet de loi sont également contraires au principe de la publicité des débats, qui découle de l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

D’après la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la publicité des débats « ne peut être correctement assurée dans des centres de rétention administrative dont l’accès est réglementé, contrôlé et subordonné à l’autorisation donnée par l’une des parties au procès ».

En outre, les centres de rétention étant souvent isolés, excentrés et difficiles d’accès, il est à craindre que les droits de la défense soient gravement entravés lors des audiences délocalisées. Ce type d’audiences poserait inévitablement des problèmes en termes de déplacement pour les familles et les soutiens. Elle rendrait également plus difficiles la transmission des pièces nécessaires à la défense et les conditions d’entretien avec l’avocat ou les membres de l’entourage susceptibles d’aider l’étranger à la préparation de sa défense. Quant au respect de la confidentialité de ces entretiens et l’accès de l’étranger au dossier s’il souhaite assurer seul sa défense, ils ne seraient pas non plus garantis.

Les dispositions prévues à l’alinéa 11 de l’article 34 du projet de loi risquent, enfin, d’ouvrir une brèche juridique. Il est, en effet, à craindre que des audiences délocalisées soient organisées, à l’avenir, dans des établissements pénitentiaires. La mise en place d’une justice d’exception pour les étrangers placés en rétention pourrait, à terme, déboucher sur une remise en cause des droits des personnes placées en détention. Cette crainte est d’autant plus justifiée que le droit des étrangers est devenu depuis quelques années un terrain d’expérimentation pour réformer les autres pans de notre droit.

Les principes fondamentaux de notre État de droit ne sauraient être ainsi bafoués !

Monsieur le président, je vous présente mes excuses pour avoir dépassé le temps de parole qui m’était imparti, mais j’annonce par avance que je ne m’exprimerai pas au titre des explications de vote.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la commission a supprimé la possibilité de tenir des audiences au sein même des centres de rétention administrative.

En revanche, conserver la possibilité de tenir des audiences au siège de la juridiction judiciaire la plus proche semble répondre à un objectif de bonne administration de la justice. Soyons raisonnables !

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. La faculté d’utiliser des locaux plus proches des centres de rétention administrative ne porte en aucune façon atteinte aux droits de l’étranger. Les audiences se tiennent dans des lieux spécialement dédiés, aménagés pour permettre l’exercice de la justice.

J’ajoute, pour l’information de M. Assouline, que le centre de rétention le plus proche de Strasbourg se trouve à Geispolsheim, soit à moins de dix kilomètres du tribunal administratif.

M. André Reichardt. Exact ! Je le confirme !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 89.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 90, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 13, deuxième phrase

Après les mots :

Elle se déroule

supprimer les mots :

sans conclusions du rapporteur public,

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement tend à garantir la lecture des conclusions du rapporteur public lors de chaque audience. Le contentieux des étrangers est un contentieux technique, c’est pourquoi l’expertise du rapporteur public y est nécessaire.

Les juges administratifs, auxquels on retire le temps nécessaire pour traiter les dossiers et la garantie de la collégialité, s’inquiètent des conditions dans lesquelles ils vont devoir rendre la justice, dans des affaires lourdes de conséquences pour les personnes concernées. Certes, le contentieux des étrangers explose, mais cette situation ne justifie pas de mettre en place une justice « d’abattage », où les dossiers sont traités à la va-vite.

Nous nous opposons donc à la suppression de la lecture des conclusions du rapporteur public lors des audiences où sont jugés les recours contre les décisions de placement en rétention ou d’obligation de quitter le territoire prises par l’administration.

Nous sommes également très sceptiques quant à l’idée d’introduire des jurys populaires dans le contentieux des étrangers, évoquée par M. Guéant dans une interview au Figaro Magazine du 8 avril 2011. Il semble d’ailleurs que cette réforme soit plus qu’une idée, puisqu’elle serait déjà à l’étude. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus aujourd’hui, monsieur le ministre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

En effet, les dispositions actuelles de l’article L. 512-2, alinéa 4, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient que, dans les procédures d’urgence, le rapporteur public ne dépose pas de conclusions. L’article 34 ne pose donc pas de difficulté particulière, dès lors qu’il s’agit d’une procédure d’urgence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Cette procédure n’est pas nouvelle, c’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 91, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 15, deuxième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L’étranger reçoit les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l’article L. 511-1.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je regrette de ne pas avoir obtenu de réponse à la question informative que j’avais posée à M. le ministre de l’intérieur !

L’article L. 512-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction proposée par l’article 34, dispose que le migrant soumis à une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire « est informé qu’il peut recevoir communication des principaux éléments » de la décision qui lui a été notifiée.

D’après notre rapporteur, cette disposition vise à transposer l’article 12, paragraphe 2, de la directive Retour. Ce dernier dispose, certes, que « les principaux éléments des décisions liées au retour » sont fournis aux étrangers qui en font la demande. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la directive s’applique, selon son article 4, paragraphe 1, « sans préjudice des dispositions plus favorables » : les autorités françaises peuvent donc parfaitement mettre en place un régime plus protecteur pour les migrants.

Étant donné le délai très court dont bénéficie le migrant pour demander l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire – quarante-huit heures –, nous considérons que les principaux éléments de la décision administrative doivent lui être automatiquement communiqués afin qu’il puisse préparer au mieux sa défense, car il y va du respect du droit à un procès équitable.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Je tiens cependant à préciser que, lorsque l’on notifie les droits, on notifie les pièces du dossier ; surtout, le texte de la commission prévoit déjà que l’étranger est systématiquement informé qu’il peut recevoir, dans une langue qu’il comprend, les principaux éléments des décisions le concernant. Cette rédaction me semble donc équilibrée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Monsieur le président, je confirme le commentaire de M. le rapporteur : le projet de loi prévoit expressément la possibilité, pour l’étranger, de solliciter cette traduction dans une langue qu’il comprend. Il s’agit d’un grand progrès par rapport à la situation actuelle. Le Gouvernement souhaite donc s’en tenir à cette rédaction qui garantit un procès équitable, conformément à la directive Retour ; c’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 92, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Article L. 512-3, second alinéa, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ni avant que le juge des libertés et de la détention n’ait statué

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. L’article 34 organise le nouveau déroulement de la procédure contentieuse devant le juge administratif pour les étrangers faisant l’objet de mesures d’éloignement, c’est-à-dire d’obligations de quitter le territoire français dont nous avons déjà beaucoup discuté. Il modifie, en conséquence, les articles L. 512-1 à L. 512-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’amendement n° 92 vise l’article L. 512-3 nouveau qui précise l’effet suspensif des recours formés contre les obligations de quitter le territoire français. Ainsi, ces obligations ne peuvent être exécutées d’office avant l’expiration du délai de départ volontaire et si un recours a été formé dans ce laps de temps, l’administration doit attendre qu’il ait été jugé.

Par ailleurs, si l’obligation de quitter le territoire français n’a pas été assortie d’un délai de départ volontaire, le demandeur d’asile bénéficie de deux jours pour contester la décision. Monsieur le ministre, nous estimons que la brièveté de ce délai de quarante-huit heures fait peser des menaces importantes sur l’exercice du droit d’asile ! Vous savez que le demandeur d’asile placé en rétention ne peut recevoir l’assistance d’un avocat pour l’aider à introduire un recours juridictionnel. Vous savez aussi que ce sont souvent les associations présentes dans ces centres de rétention qui assument cette aide à l’exercice du recours. Or comment pourraient-elles assumer cette mission en si peu de temps !

Il résulte également de cette nouvelle rédaction que, dans l’hypothèse où le recours n’est pas formé à temps et où une demande n’a pas pu être enregistrée en rétention, la mesure pourra être exécutée à tout moment, avant même que l’étranger n’ait été présenté devant le juge judiciaire. Cette incongruité est liée au fait que le délai de saisine de ce juge va être porté à quatre jours par ce projet de loi, au lieu de quarante-huit heures actuellement.

Un étranger pourra donc être reconduit à la frontière avant même que le juge des libertés et de la détention n’ait pu examiner la légalité de son interpellation et le respect de ses droits tout au long de la procédure, ce que nous ne pouvons accepter !

Les auteurs de cet amendement souhaitent donc que l’obligation de quitter le territoire français puisse être suspendue jusqu’à ce que le juge des libertés et de la détention statue sur la régularité du placement en centre de rétention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a rendu un avis défavorable. Nous en avons évoqué les motifs lorsque nous avons discuté de la procédure et du rôle de chacun des juges amenés à intervenir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Cette question a effectivement déjà été évoquée tout à l’heure. La phase de rétention relève de la compétence exclusive du juge administratif, puisqu’il s’agit d’une décision administrative ; le Conseil d’État et la Cour de cassation ont adopté des positions totalement convergentes sur ce point.

J’ajoute que, comme l’a dit M. le rapporteur à une autre étape de la discussion, l’étranger a la possibilité de former un référé-liberté devant le juge administratif s’il estime qu’il est porté atteinte à ses libertés fondamentales.

Je rappelle enfin à Mme Tasca, qui a souligné le rôle joué par les associations dans la défense des étrangers, que ces dernières sont mandatées et rémunérées par les pouvoirs publics pour effectuer cette mission.

Mme Catherine Tasca. Cela ne change rien au problème du délai !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 93, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Supprimer les mots :

, sauf s’il a été placé en rétention

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Je rappelle que l’esprit de la directive Retour est de favoriser le retour volontaire des migrants en situation irrégulière grâce, notamment, au versement d’une aide au retour et à la réinsertion dans le pays d’origine. Or l’alinéa 19 de l’article 34 exclut du dispositif d’aide au retour volontaire les migrants placés en rétention.

Soucieux de respecter l’esprit de la directive, les auteurs de cet amendement proposent donc de rétablir le droit des personnes retenues à solliciter le bénéfice d’un dispositif d’aide au retour dans leur pays d’origine.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 94 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 195 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Tous deux sont ainsi libellés :

Alinéa 19

Remplacer les mots :

a été

par le mot :

est

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l’amendement n° 94.

Mme Catherine Tasca. Cet amendement rétablit la rédaction adoptée en première lecture au Sénat et permet de lever une ambiguïté rédactionnelle : la personne qui a été libérée de sa rétention doit pouvoir bénéficier d’une aide au retour. Or la rédaction actuelle laisse à penser que toute personne ayant fait l’objet d’une rétention, fondée ou non, en est exclue.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 195 rectifié.

M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet de rétablir une disposition que notre assemblée avait adoptée, sur ma proposition, en première lecture. Il s’agit de lever une ambiguïté : la personne qui a été libérée de sa rétention doit pouvoir bénéficier d’une aide au retour.

Or, selon la rédaction votée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, toute personne qui a fait l’objet d’une rétention, fondée ou non, est exclue du bénéfice des dispositifs d’aide au retour. Cette disposition présente, selon moi, deux inconvénients.

En premier lieu, notre objectif est de faire en sorte qu’une personne libérée de sa rétention administrative puisse bénéficier d’une aide au retour. En effet, nous ne souhaitons pas réserver le bénéfice de ce dispositif aux seules personnes n’ayant jamais été retenues, notamment parce que la rétention peut avoir été jugée illégale – on n’a d’ailleurs pas répondu à cet argument que j’avais soulevé ; je viens de relire les pages 50 et 51 du rapport relatives à ce sujet – : il serait donc incohérent de priver une personne de l’exercice d’un droit en raison d’une décision initialement illégale !

En second lieu, et je remercie M. le rapporteur d’avoir repris cet argument, permettre à cette personne de bénéficier de l’aide au retour augmente les chances de la voir obtempérer. Il faut donc savoir quels sont les objectifs véritablement visés ! On nous parle souvent d’efficacité, or l’adoption de cet amendement permettrait d’améliorer l’efficacité du projet de loi. Mais le seul argument retenu par la commission pour ne pas confirmer notre position de première lecture serait qu’« il peut sembler choquant que [ces personnes] puissent bénéficier d’une aide financière pour partir » !

Quitte à être efficaces, soyons-le jusqu’au bout en rétablissant la rédaction que nous avions adoptée en première lecture – unanimement, si mes souvenirs sont bons !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 93 prévoit que l’étranger puisse bénéficier de l’aide au retour même lorsqu’il a été placé en rétention.

Or, le placement en rétention traduisant le refus de l’étranger de se conformer aux décisions de l’administration, il ne serait pas logique que celui-ci puisse continuer à bénéficier de cette possibilité d’aide au retour.

L’avis est donc défavorable.

S’agissant des amendements identiques nos 94 et 195 rectifié, la commission a finalement estimé qu’il n’était pas souhaitable que l’étranger qui a déjà été placé en rétention, mais a été libéré et n’a pas obtempéré à une mesure d’éloignement bénéficie de l’aide au retour.

Aussi, l’avis est également défavorable.

Pour autant, il faut peut-être que nous éclaircissions un point : il est vrai, monsieur le ministre, qu’une mesure de placement en rétention annulée par le tribunal est censée, dès lors, ne pas exister. Sur un plan juridique, elle disparaît. La question se pose donc de savoir si, dans ce cas particulier, l’intéressé peut bénéficier de l’aide au retour ou pas. J’ai évidemment une position sur le sujet, mais c’est plutôt votre point de vue que nous souhaitons connaître.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Il est défavorable à ces trois amendements.

Toutefois, pour répondre à la question parfaitement pertinente que M. le rapporteur a posée, sur une suggestion de M. Jacques Mézard, il me semble clair que, dans le cas évoqué, le Gouvernement rétablirait l’aide au retour.

Mmes Catherine Tasca et Bariza Khiari. C’est une bonne nouvelle !

M. Claude Guéant, ministre. En l’occurrence, ce qui était en cause, c’était la sollicitation d’une aide au retour, et non son attribution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 94 et 195 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.

(L'article 34 est adopté.)

Article 34 bis

(Suppression maintenue)

Article 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 37

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le chapitre Ier du titre III du livre V du même code est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l'article L. 531-1 est ainsi rédigé :

« Cette décision qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les délais prévus à l'article L. 531-5 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation peut être exécutée d'office. » ;

2° Le premier alinéa de l'article L. 531-3 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions de l'article L. 531-5 » ;

3° Il est ajouté un article L. 531-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 531-5. - I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision prévue au présent chapitre peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision. Le même recours en annulation peut également être dirigé contre la décision relative au séjour et la décision mentionnant le pays de destination qui l'accompagnent le cas échéant.

« L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine.

« Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au II.

« II. - En cas de décision de placement en rétention, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification.

« Le président, ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative, statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

« L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. L'audience se déroule sans conclusions du rapporteur public.

« L'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent. La décision ne peut être exécutée avant l'expiration d'un délai de soixante-douze heures suivant sa notification ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin n'ait statué.

« Le jugement du président du tribunal administratif ou du magistrat désigné par lui est susceptible d'appel dans un délai d'un mois devant le président de la cour administrative d'appel territorialement compétente ou un magistrat désigné par ce dernier. Cet appel n'est pas suspensif.

« Si la décision est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. »

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Vous le voyez, mes chers collègues, nous ne présentons pas uniquement des amendements de suppression. Nous défendons aussi des amendements de restauration, si j’ose dire. (Sourires.)

Dans le cas présent, il est question du règlement « Dublin II ».

Ce sujet doit tout de même être abordé, car il m’a semblé que nous étions parvenus à un accord sur ce point.

Je crois que le problème est assez bien connu – il s’agit de la règle du retour au pays de première entrée dans le territoire de l’Union européenne – et je ne le développerai pas plus avant.

Il se trouve qu’un certain nombre d’États membres, en particulier la Grèce, ne font pas face à leurs obligations. Sans assommer notre assemblée des différents jugements existant dans ce domaine, j’en citerai un : l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme le 21 janvier 2011 – cette date n’est pas très lointaine – dans une affaire concernant une personne renvoyée de Belgique en Grèce et pour laquelle les deux pays ont conjointement été condamnés pour violation du droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette jurisprudence, premier pas vers la refonte du règlement « Dublin II », nous devons maintenant la suivre…

En première lecture, la commission et tous les sénateurs, dans leur grande sagesse, avaient choisi de prendre en compte cette condamnation et d’instaurer un recours de plein droit suspensif contre les décisions de renvoi vers les autres pays de l’Union européenne. Pour ma part, je pensais que le Gouvernement avait également pris acte de cet arrêt, puisqu’il avait décidé – M. Brice Hortefeux l’avait fait savoir – de suspendre les transferts vers la Grèce.

Il nous apparaît clairement que le règlement « Dublin II » ne peut être appliqué de façon automatique, comme par le passé. Il faut prévoir des mécanismes de recours.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, il nous semble logique de rétablir cet article, qui prend en compte l’évolution de la jurisprudence s’agissant du règlement « Dublin II ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable. Il nous a effectivement semblé nécessaire d’attendre que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme se stabilise, afin de savoir très précisément comment faire évoluer notre droit et d’y apporter les modifications pertinentes. Telle est la position de la commission, mais le Gouvernement nous éclairera sans doute sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Je voudrais d’abord rappeler que la remise des demandeurs d’asile, dite « Dublin » correspond non pas à une logique d’éloignement, mais à une logique de coopération entre des États membres de l’Union européenne au titre de l’observation de la première arrivée.

Par ailleurs, une question prioritaire de constitutionnalité a été introduite sur le sujet. Elle a été examinée par le Conseil d’État, le 21 mars dernier, celui-ci n’ayant pas souhaité la transmettre au Conseil constitutionnel. Il en ressort que l’introduction d’un recours suspensif contre les décisions de réadmission ne nous est pas imposée juridiquement. (M. Richard Yung s’exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 34 bis demeure supprimé.

Section 2

Dispositions relatives au contentieux judiciaire

Article 34 bis (suppression maintenue)
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Article 38

Article 37

L’article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours » ;

2° Au début de la deuxième phrase, les mots : « Il statue » sont remplacés par les mots : « Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine ».

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. Je profiterai de ma prise de parole sur l’article, monsieur le président, pour présenter l’amendement n° 96.

Cet article 37, qui a moins fait parler de lui que les dispositions concernant la déchéance de nationalité ou les mariages gris, est pourtant au cœur du projet de loi. Il est fondamental !

Il vise à repousser de quarante-huit heures à quatre jours le délai à l’issue duquel l’administration doit saisir le juge des libertés et de la détention, si elle souhaite maintenir un étranger en rétention.

Il tend également à réduire le délai dans lequel le juge des libertés et de la détention doit se prononcer sur la demande de maintien en rétention.

Nous réaffirmons notre ferme opposition à ces dispositions, étant rappelé que nous avions réussi à convaincre la commission des lois de partager avec nous cette opposition.

M. Gérard Longuet, offrant déjà ses services au Gouvernement, avait échoué, à l’époque, à rétablir cet article. Mais le Gouvernement a trouvé une majorité peut-être plus docile à l’Assemblée nationale et n’a eu aucun mal à restaurer la version initiale de son projet de loi.

C’est ainsi que nous sommes saisis d’un compromis élaboré par le rapporteur et le président de la commission des lois du Sénat.

Sur le fond, ce compromis de dernière minute ne change rien. Si elles étaient adoptées, ces dispositions auraient pour conséquence de faire intervenir le juge administratif avant que le juge des libertés et de la détention se soit prononcé sur le maintien en rétention. De nombreux étrangers risqueraient ainsi, pendant un délai de quatre jours, d’être reconduits à la frontière, même s’ils ont fait l’objet d’une procédure irrégulière que le juge judiciaire aurait annulée.

Pour justifier ce choix, il est affirmé que cette solution permettrait d’éviter que le juge des libertés et de la détention ne maintienne en rétention l’étranger sous le coup d’une mesure illégale que le juge administratif va annuler. C’est le principal argument que l’on nous assène s’agissant de ce nouveau dispositif. Il ne nous convainc pas, car l’interpellation est l’événement déclenchant la procédure et conduisant l’étranger en rétention. C’est le cœur du travail du juge des libertés et de la détention, qui la contrôle.

Ces dispositions visent uniquement à rendre inopérante l’intervention du juge judicaire – nous l’avons dit, le Gouvernement n’aime pas les juges –, qui, d’après ce même Gouvernement, serait laxiste et ferait obstacle aux expulsions des migrants en situation illégale.

Elles posent aussi de nombreux problèmes de principe.

Elles sont contraires à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu ».

Elles sont contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel considère que le contrôle du juge judiciaire doit intervenir « dans le plus court délai possible » – quatre ou cinq jours, ce n’est pas le délai le plus court possible ! – ou « dans les meilleures délais ».

Ainsi, dans sa décision en date du 9 janvier 1980, le Conseil constitutionnel a jugé que l’exigence de brièveté du délai était satisfaite par un délai de quarante-huit heures, et non par un délai de cinq, six ou sept jours. Il y a donc fort à parier que le Conseil aurait sanctionné le délai de cinq jours. Qu’en sera-t-il de celui de quatre jours ? Nous n’en savons rien, mais nous le saurons puisque, comme vous l’imaginez bien, mes chers collègues, nous interrogerons le Conseil constitutionnel sur ce point.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de confirmer la position que nous avons adoptée en première lecture, en votant notre amendement n° 96.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. L’article 37 est un article crucial dans l’édifice que constitue ce projet de loi. Il prévoit de repousser l’intervention du juge des libertés et de la détention à quatre jours, au lieu des quarante-huit heures prévues actuellement.

Je l’ai déjà dit, ces mesures nous interpellent quant à leur constitutionnalité.

Le Conseil constitutionnel a déjà repoussé, dans une décision de 1980, un délai d’intervention de sept jours, tout en confirmant régulièrement cette jurisprudence. Mais, d’après vous, chers collègues de la majorité, il n’a rien dit sur un délai inférieur. Ce n’est pas complètement vrai : il a déjà fait allusion à la nature des délais, considérant que « la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible ». Le plus court délai possible, il n’est pas nécessaire de sortir de Saint-Cyr pour dire que c’est quarante-huit heures, et non quatre jours.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les Saint-Cyriens ne sont pas les spécialistes des délais !

M. David Assouline. Je ne comprends pas que l’on perde autant de temps sur une mesure que le Conseil constitutionnel va probablement sanctionner, ce qui fragiliserait tout votre édifice.

Pis, ces dispositions contreviennent aussi à l’esprit de la directive Retour.

En effet, celle-ci exige que le contrôle juridictionnel de la légalité de la rétention intervienne dans les meilleurs délais. Vous nous dites sans cesse qu’il faut transposer la directive, que le projet de loi nous met en conformité avec le droit européen et que nous ne pourrions y trouver à redire. Mais sur ce point, vous sortez du cadre de la directive. Pourquoi ? Vous faites de la transposition à dimension variable…

Les meilleurs délais sont pratiqués actuellement – quarante-huit heures ; la justice fonctionne correctement. Tenons-nous-en là !

Dernier point, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales précise, dans le paragraphe 3 de son article 5, – vous pouvez aller vérifier – que « toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires […] ». Il ne s’agit donc pas des juridictions administratives. Nous sommes bien d’accord sur ce point, je l’espère !

Ce même paragraphe se poursuit ainsi : « [elle] a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure ». Il me semble aussi que cette formulation est assez claire.

Aussi, mes chers collègues, je vous demande de rester proches de ces textes fondamentaux et de ne pas autoriser cette mutation contraire à notre Constitution.

Nous en avons parfaitement conscience, si vous demandez cette modification, c’est parce que vous savez qu’elle aura pour principale conséquence de permettre au juge administratif de statuer sur la légalité de la mesure d’éloignement avant même que l’étranger ait comparu devant le juge des libertés et de la détention, ce dernier ayant, lui, pour mission de contrôler les conditions d’arrestation, de placement en garde à vue et de maintien en centre de rétention administrative.

Ainsi, les étrangers pourront être éloignés sans que le juge des libertés et de la détention ait pu exercer son contrôle sur la validité de l’interpellation. Il s’agit d’un contournement manifeste, que rien ne légitime. L’efficacité a ses limites. La première d’entre elles est notre droit et notre Constitution.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 96 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 163 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

L’amendement n° 96 a été défendu.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 163.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 37 tend à instaurer un délai de quatre jours, au lieu de 48 heures, pour l’intervention du juge des libertés et de la détention.

Actuellement, l’étranger en instance d’expulsion est présenté au juge des libertés et de la détention, dans un délai de 48 heures, et seulement ensuite au juge administratif. Cet article inverse donc le déroulement de la procédure, tout en allongeant le délai de privation de liberté qui précède la consultation du juge judiciaire, pourtant garant des libertés en vertu de l’article 66 de la Constitution.

C’est au juge administratif que reviendrait le pouvoir de juger le bien-fondé d’une mesure privative de liberté, et ce dans des délais bien trop longs, ce qui rend la mesure doublement inconstitutionnelle puisque, selon le Conseil constitutionnel, les délais doivent être les meilleurs possibles.

Il s’agit, pour le Gouvernement, de priver les étrangers d’une garantie sans doute considérée comme une entrave à sa politique d’immigration, qui résume assez bien l’inefficacité d’une politique du chiffre, menée au mépris du droit et des libertés fondamentales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons déjà tranché cette question lors de l’examen de l’article 30, en adoptant le report à quatre jours de l’intervention du JLD.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 96 et 163.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l’article.

Mme Catherine Tasca. Même si nous commençons à lasser certains collègues, ce sujet mérite que nous y insistions.

L’article 37, en repoussant à quatre jours le délai dans lequel l’administration doit saisir le juge des libertés et de la détention, est sans doute celui qui, au quotidien, dégradera le plus les droits et garanties dont bénéficient les migrants. Cet allongement du délai de 48 heures à quatre jours aura pour conséquence, nous l’avons tous dit, de retarder la saisine du juge judiciaire et permettra, de fait, à l’administration d’éloigner un retenu avant même que la légalité de sa rétention ait pu être examinée.

Nous ne croyons évidemment pas à l’argument de la clarification des procédures, avancé par le Gouvernement. Il ne s’agit pas non plus, selon nous, contrairement à ce que vous disiez hier, monsieur le ministre, de rétablir l’ordre logique de la procédure.

L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, selon l’article 66 de la Constitution, se trouve là véritablement bafouée. En première lecture, le Sénat avait supprimé l’article 37. J’appelle donc tous mes collègues à ne pas céder à la tentation d’un retour en arrière.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Selon vous, il y a les bons juges – les juges judiciaires – et les mauvais ! (Mme Catherine Tasca s’exclame.) Il arrive, ma chère collègue, que le juge administratif se prononce dans des délais brefs et dès lors la décision est en effet applicable. Que je sache, le juge administratif juge en droit et connaît les dossiers !

Mme Catherine Tasca. Heureusement !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parfois, certains propos me dérangent...

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président de la commission, pourquoi a-t-on créé un juge des libertés et de la détention ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour éviter que les personnes ne restent trop longtemps en rétention, bien sûr.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais à partir du moment où le juge administratif se prononce, la question est purgée puisque, de toute façon, la décision est prise, la rétention ne s’applique plus. C’est pour cette raison que nous tenons beaucoup au délai de quatre jours. (M. Richard Yung s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Il me semble qu’au fil des heures de débat la même ambiguïté demeure, malgré toutes les explications que le rapporteur, le président de la commission ou moi-même pouvons réitérer. Le juge des libertés et de la détention a pour compétence d’autoriser la prolongation de la rétention, c’est tout !

Mme Catherine Tasca. Ou de ne pas l’autoriser !

M. Claude Guéant, ministre. Effectivement. En revanche, il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légalité de la rétention ou de la décision initiale de placement.

M. David Assouline. Personne n’a dit cela !

M. le président. Je mets aux voix l’article 37.

(L’article 37 est adopté.)

Article 37
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Article 39

Article 38

L’article L. 552– du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552–2. – Le juge rappelle à l’étranger les droits qui lui sont reconnus et s’assure, d’après les mentions figurant au registre prévu à l’article L. 553–1 émargé par l’intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d’un nombre important d’étrangers pour l’appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l’information des droits et à leur prise d’effet. Il informe l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice, dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l’audience et au prononcé de l’ordonnance. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 98 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement n° 164 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 197 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 98.

Mme Bariza Khiari. Le présent article supprime l’obligation d’informer l’étranger de ses droits « au moment de la notification de la décision de placement » dans un centre de rétention administrative. Cette obligation est remplacée par une disposition vague et imprécise, selon laquelle l’étranger est informé de ses droits « dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement ».

Peu nous chaut les débats, à notre sens futiles et dérisoires, sur l’opportunité de préciser que l’étranger est informé de ses droits « dans les meilleurs délais possibles ». En l’occurrence, l’ajout de l’épithète « possibles » n’est pas le nœud du problème. En effet, dans les deux hypothèses, l’esprit et le venin de la disposition introduite par le Gouvernement restent les mêmes et demeurent lourds de conséquences ; les droits des étrangers se trouvent mis entre parenthèses pendant la période qui s’étend de la notification de la décision de placement à l’arrivée effective au centre de rétention administrative.

En outre, sachant que le délai pendant lequel un étranger peut former un recours contre la mesure d’éloignement est de 48 heures, de nombreux étrangers, arrivés dans un centre de rétention de longues heures après leur placement théorique dans ce dernier, sont privés de la possibilité de contester la mesure d’éloignement dont ils font l’objet. Cet article est donc une entrave au droit au recours, posé notamment par l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Enfin, cette disposition crée un véritable vide juridique entre le placement théorique d’un étranger dans un centre de rétention administrative et son arrivée effective.

En effet, la privation de liberté que subissent les étrangers durant le transfert est dépourvue de tout cadre juridique : en l’espèce, ni le régime de la garde à vue ni celui de la rétention administrative ne sont applicables. En conséquence, les étrangers ne sont plus ni protégés ni titulaires d’aucun droit.

Au vu de ces différents éléments, il nous paraît indispensable de supprimer cet article, qui n’est pas viable juridiquement et représente une atteinte aux droits fondamentaux des étrangers.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 164.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article réduit les droits des étrangers en assouplissant les délais au terme desquels le juge des libertés et de la détention est tenu de notifier les droits dont bénéficient ces derniers lors de la rétention, ce qui les place en état de les faire valoir. Ils ne sont donc plus assurés d’en bénéficier dès la notification de la décision, mais seulement « dans les meilleurs délais ».

Aussi, nous souhaitons que soient supprimées ces dispositions qui mettent entre parenthèses les droits des étrangers.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l’amendement n° 197 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. L’article 38, qui concerne les conditions de notification et d’exercice des droits lors de la rétention, marque un véritable recul en ce qui concerne ces droits et garanties. Comme à l’article 7, les motifs autorisant que soient retardés la notification et l’exercice par l’étranger de ses droits sont formulés de façon très imprécise. L’appréciation in concreto des circonstances particulières par le juge n’est pas suffisamment encadrée. Ainsi, le mot « notamment » vient réduire son champ d’intervention, et ouvre la voie à l’invocation par l’administration de justifications hasardeuses ou impropres.

Compte tenu de la brièveté du délai de recours, de nombreuses personnes, parce que leurs droits auront été notifiés volontairement, se verront dans les faits privées de leur droit à un recours effectif ; en effet, elles n’auront pas eu suffisamment de temps pour préparer correctement leur défense.

Heureusement, la commission avait modifié les motifs de purge des nullités en les alignant sur le droit commun. Il n’en reste pas moins que le présent texte limite véritablement ce devoir de notification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements, dès lors qu’ils visent à supprimer l’article 38, qui prévoit les modalités d’intervention du juge des libertés et de la détention en cas de placement en rétention. Vous l’imaginez bien, nous avons besoin de cette disposition.

Par ailleurs, j’ai beaucoup entendu parler de « meilleurs délais possibles ». J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la commission est revenue à la rédaction initiale, en rétablissant les termes « dans les meilleurs délais », ce qui a un vrai sens sur le plan juridique.

Mme Catherine Tasca. Ce qui n’est pas du tout la même chose, en effet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Il est identique à celui que M. le rapporteur a exprimé, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 98, 164 et 197 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 99, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il s'assure également que l'étranger n'a pas été privé de la possibilité d'exercer ses droits pour une durée excessive du fait d'un délai anormalement long entre la notification du placement en rétention et l'arrivée au centre de rétention.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. L’article 38 permet de dédouaner l’administration, dans l’hypothèse où elle ne respecterait pas les droits des étrangers.

En l’état actuel du droit, l’étranger est informé de ses droits au moment de la notification de son placement en rétention. Le présent projet de loi modifie le dispositif à son détriment, dans la mesure où la notification des droits intervient dans les meilleurs délais possibles, à compter de l’arrivée au lieu de rétention. De fait, l’étranger n’est plus protégé pendant le transfert entre le lieu de son interpellation et celui de sa détention.

Afin de rétablir l’équilibre nécessaire à la préservation des droits de l’étranger, en particulier les droits de la défense et le droit au recours effectif, notre assemblée avait adopté un amendement, en première lecture et sur proposition du rapporteur, permettant au juge de vérifier que l’étranger n’a pas été privé de l’exercice de ses droits pendant une durée excessivement longue. Cependant, à l’Assemblée nationale, un amendement du rapporteur est venu supprimer cette avancée, jugée « superfétatoire ».

Il faut croire qu’il est « superfétatoire » de s’assurer que le juge, dans le cadre de mesures privatives de liberté, garantit les droits fondamentaux des étrangers.

Nous sentons, mes chers collègues, que les arguments avancés à l’Assemblée nationale ne sont pas recevables ; nous en appelons donc à votre sagesse pour reprendre cet amendement, que nous avions voté en première lecture, et qui consacre l’État de droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’objet de cet amendement est de rétablir la mention introduite par la commission des lois en première lecture, selon laquelle le juge des libertés et de la détention doit s’assurer que le délai entre la notification du placement en rétention et l’arrivée au centre de rétention n’a pas été anormalement long, afin de tenir compte du fait que l’étranger ne pourra désormais exercer ses droits seulement une fois qu’il sera arrivé au centre.

L’Assemblée nationale est revenue sur ce dispositif ; en deuxième lecture, nous rétablissons donc la situation antérieure.

En approfondissant la question, nous avons constaté que certains juges des libertés et de la détention, qui effectuent parfois une telle vérification, ont une pratique contestable consistant à estimer de manière quelque peu arbitraire le temps de parcours de l’escorte. Il s’agit de la jurisprudence dite « Mappy », du nom du site internet bien connu de recherche d’itinéraires routiers. Il n’est pas souhaitable que les juges des libertés et de la détention procèdent de cette manière. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas proposé à la commission de réintroduire ce dispositif.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable, d’autant que certaines raisons, notamment l’encombrement, peuvent justifier un déplacement vers le centre qui n’est pas le plus proche.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38.

(L'article 38 est adopté.)

Article 38
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Article 40

Article 39

Après l'article L. 552–12 du même code, il est inséré un article L. 552–13 ainsi rédigé :

« Art. L. 552–13. – En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 100 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 165 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 100.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous êtes toutes et tous des juristes avisés. Pour défendre la suppression – ô combien justifiée ! – de cet article, il suffit de le lire : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger. »

C’est extraordinaire ! (Mme Catherine Tasca opine.) Si une telle disposition était votée, on instaurerait dans notre législation ce que j’appellerais le droit à géométrie variable, la décision par essence aléatoire. Bien entendu, le juge a un pouvoir d’appréciation, mais l’existence d’un motif de nullité est irréfutable !

On nous affirme que certains motifs de nullité ne sont pas sérieux ou qu’il est préférable de ne pas examiner, que certaines formalités substantielles ne le seraient pas réellement. La question est de savoir si le motif porte atteinte aux droits de l’étranger ; mais à quoi cela correspond-il ?

À mon sens, si la procédure est nulle, le fait même de pouvoir décider de ne pas relever la nullité au motif que l’irrégularité à l’origine de celle-ci ne porterait pas atteinte aux droits de l’étranger est insoutenable sur le plan juridique ; tout le monde le comprend. Dans ces conditions, une nullité est une nullité, et on ne peut distinguer les nullités qui seraient avantageuses pour les étrangers de celles qu’il faudrait méconnaître.

Monsieur le ministre, on parle parfois en mathématiques des formes souples ; nous considérons que cette conception relève d’une sorte de droit mou, bizarre, à géométrie extrêmement variable. Ce n’est tout simplement pas conforme au droit, et en tous les cas irrespectueux des droits des étrangers.

J’espère de tout cœur que vous n’allez pas persister dans votre volonté de voir adopté un tel article. C’est pourquoi, vous l’avez compris, nous plaidons pour sa suppression.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 165.

Mme Éliane Assassi. La disposition prévue à l’article 39, qui, comme le précise le rapport écrit, est identique à celle que l’article 10 du projet de loi tend à introduire relativement aux zones d’attente, limite le pouvoir d’appréciation du juge judiciaire.

Désormais, une irrégularité n’entraînera la mainlevée de la mesure de maintien en rétention que si elle présente un caractère substantiel et a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l’étranger.

Selon nous, une telle mesure, réalisée au détriment des droits des étrangers, vise à passer sous silence des irrégularités de procédure, ce qui ne peut se justifier.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous demandons purement et simplement la suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Imaginons qu’un étranger rencontre un interprète, lui explique sa situation ; l’interprète émarge la feuille justifiant son intervention. On oublie cependant de préciser le nom de l’interprète qui est intervenu, ce qui constitue une irrégularité formelle. Une telle erreur doit-elle entraîner la nullité totale de la procédure, alors que l’on sait pertinemment que l’interprète a été vu et qu’il a signé le document ? Telle est la nature des irrégularités visées.

Pour se prémunir contre ces nullités non substantielles, la commission des lois a modifié l’article 39 et repris quasiment in extenso les dispositions de l’article 802 du code de procédure pénale, dont l’application est parfaitement connue dans ces circonstances et qui a fait l’objet, de la part la Cour de cassation, d’une abondante jurisprudence qui n’est pas sujette à interprétation, bien au contraire ! Nous avons donc toute garantie à cet égard.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.

En l’occurrence, il ne s’agit pas de formes souples ou de géométrie variable ; il s’agit simplement de droit. Les décisions de la Cour de cassation font autorité en la matière. Cet article est strictement conforme à la jurisprudence constante de la Haute juridiction.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Pour notre part, nous pensons que les dispositions de l’article 39 visent de manière implicite à empêcher les juges de se prononcer.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Mais non !

M. Richard Yung. En effet, les éléments sur lesquels ces derniers pourraient se prononcer sont placés hors de leur portée, alors même que cette décision est bien de leur ressort. En outre, cet article vise tous les juges, y compris la Cour de cassation, juge suprême de l’ordre judiciaire ; vous bâillonnez la Cour de cassation ! Voilà qui est tout de même extraordinaire !

Vous aurez à vous justifier auprès du Conseil constitutionnel, qui sera sans doute très intéressé par les explications que vous pourrez lui donner.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! Nous le saisirons !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Afin d’éclairer tout à fait la Haute Assemblée, je souhaite donner lecture de l’article 802 du code de procédure pénale : « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d’une demande d’annulation ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu’elle concerne. »

M. André Reichardt. Silence radio ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 et 165.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 217, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

ne peut prononcer la nullité 

par les mots :

ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Article 39
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Article 41

Article 40

À l’article L. 552-3 du même code, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours ». –  (Adopté.)

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Article 40
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Article 43

Article 41

L’article L. 552–7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 552–7. – Quand un délai de vingt jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de quatre jours mentionné à l’article L. 552–1 et en cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, ou lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi.

« Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou de l’absence de moyens de transport, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que l’une ou l’autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l’administration, pour pouvoir procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement dans le délai de vingt jours mentionné au premier alinéa.

« Le juge statue par ordonnance dans les conditions prévues aux articles L. 552–1 et L. 552–2. S’il ordonne la prolongation de la rétention, l’ordonnance de prolongation court à compter de l’expiration du délai de vingt jours mentionné au premier alinéa du présent article et pour une nouvelle période d’une durée maximale de vingt jours.

« Par dérogation aux dispositions de l’alinéa précédent, si l’étranger a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées, le juge des libertés et de la détention près le tribunal de grande instance de Paris peut, dès lors qu’il existe une perspective raisonnable d’exécution de la mesure d’éloignement et qu’aucune décision d’assignation à résidence ne permettrait un contrôle suffisant de cet étranger, ordonner la prolongation de la rétention pour une durée d’un mois qui peut être renouvelée. La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder six mois. Toutefois, lorsque, malgré les diligences de l’administration, l’éloignement ne peut être exécuté en raison soit du manque de coopération de l’étranger, soit des retards subis pour obtenir du consulat dont il relève les documents de voyage nécessaires, la durée maximale de la rétention est prolongée de douze mois supplémentaires.

« L’article L. 552–6 est applicable. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 102 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 167 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 199 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 102.

M. David Assouline. L’article 41 allonge à quarante-cinq jours la durée maximale de rétention administrative, au lieu de trente-deux jours aujourd’hui, et met en place un régime dérogatoire de rétention administrative pouvant atteindre jusqu’à dix-huit mois pour les étrangers sous mesure d’interdiction pénale du territoire national ou d’expulsion en raison d’activités terroristes. Nous parlerons plus précisément de ce régime dérogatoire lors de l’examen du prochain amendement.

L’allongement à quarante-cinq jours serait justifié, selon le Gouvernement, par la nécessité de transposer la directive Retour, par la nécessité d’augmenter l’ « efficacité » de la procédure d’éloignement et par celle de disposer de plus de temps pour obtenir un plus grand nombre de laissez-passer consulaires, documents indispensables afin de pouvoir expulser un étranger retenu.

Aucun de ces arguments ne résiste à l’analyse.

D’abord, cette mesure n’est dictée par aucun impératif de transposition d’une quelconque directive européenne ; elle est même en contradiction avec les engagements pris par le Gouvernement français au moment de l’adoption de la directive Retour.

Mes chers collègues, souvenez-vous : la directive Retour contenait alors des fourchettes tellement larges pour la durée de rétention qu’un certain nombre d’associations s’étaient en effet élevées contre la directive Retour, arguant que celle-ci permettait des durées de rétention de plusieurs mois. Le Gouvernement s’était engagé à ne pas augmenter la durée alors en vigueur en France.

Ensuite, le taux d’obtention de laissez-passer après les trente-deux jours actuels de rétention n’ayant été, en 2008, que de 2,28 %, et la grande majorité des reconduites étant réalisée durant les dix premiers jours de rétention, la quasi-totalité avant le dix-septième jour, cette mesure ne conduira qu’à une augmentation « à la marge » du nombre de mesures d’éloignement.

Une telle mesure ne se justifie donc pas au regard des objectifs que cherche à atteindre le Gouvernement.

En revanche, le recours accru à la rétention administrative et l’allongement de sa durée auront malheureusement une incidence certaine et considérable sur les souffrances infligées aux étrangers.

Pour ceux qui ont visité ces centres de rétention ou qui le font régulièrement – c’est le cas de certains d’entre nous dans cet hémicycle (L’orateur se tourne vers ses collègues du groupe socialiste.) –, ce qui frappe le plus c’est que ces mesures de rétention administrative qui, par définition, ne s’appliquent pas à des délinquants, à des personnes jugées pour avoir commis un acte répréhensible juridiquement, concernent des êtres humains en souffrance et accablées psychologiquement ; et je ne parle même pas des enfants.

Or nous savons – et le personnel présent dans les centres ne cesse de nous le répéter – que plus le temps passe plus les souffrances et le désespoir grandissent, entraînant une multiplication des tentatives de suicide. Il est impensable que nous ayons sans cesse allongé le nombre de jours de rétention depuis les années quatre-vingt et que, aujourd’hui, nous passions de trente-deux à quarante-cinq jours. Une telle mesure est incompréhensible, et les centres ne sont pas prêts à y faire face.

Je développerai un exemple tiré de ma propre expérience de visite de ces centres lors de mon explication de vote.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 167.

Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 41 porte à quarante-cinq jours, au lieu de trente-deux jours actuellement, la durée maximale de rétention administrative des étrangers et met également en place un régime dérogatoire pour les étrangers qui font l’objet d’une interdiction pénale ou d’une expulsion pour terrorisme pour lesquels la durée de la rétention peut aller jusqu’à un an.

Cette disposition est abusive car la rétention administrative doit, par définition, être la plus courte possible : sa seule fin étant l’attente de l’éloignement de l’étranger, elle ne peut se muer en une mesure punitive devant déboucher sur une privation de liberté. C’est pourtant ce qu’instaure cet article, et nous nous inquiétons de la banalisation de la privation de liberté des étrangers.

De plus, l’argument de la transposition de la directive Retour invoqué par le Gouvernement est peu crédible. En effet, la directive dispose que la rétention doit être le dernier recours possible en vue de garantir l’éloignement, et si elle fixe un seuil maximal pour la durée de rétention, elle n’impose aucunement aux États membres d’augmenter cette durée !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° 199 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. L’article 41 porte de quinze à vingt jours la durée de la première prolongation de la rétention, et à vingt jours la durée maximale de la seconde prolongation, soit un allongement de la durée totale de rétention de trente-deux à quarante-cinq jours. Il conduit, une nouvelle fois, à une banalisation de la privation de liberté en instituant la rétention en « mode de gestion » de la politique d’immigration, pour reprendre les termes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Encore une fois, la directive Retour vise au contraire à faire de la privation de liberté l’ultime recours, au bénéfice de mesures alternatives à l’enfermement. Par conséquent, devrait, en toute logique, s’appliquer la clause du droit national plus favorable. Or les mesures alternatives sont marginalisées, au profit de la généralisation de la mesure la plus sévère.

Rappelons que l’objectif annoncé est de permettre de faciliter l’éloignement dans les cas où l’obtention de laissez-passer aurait échoué. Mais, de fait, en allongeant la durée maximale de rétention, la durée moyenne de rétention, pourtant de dix jours, devrait augmenter. Pourquoi alors allonger dans de telles proportions la durée maximale, si la durée moyenne est aussi faible ? Dans ces conditions, à quoi sert une telle mesure puisque, selon la CIMADE, en 2009, seules 3 000 personnes ont fait l’objet d’une rétention au-delà du vingt-huitième jour ? Quel en est la véritable finalité ?

Nous sommes, me semble-t-il, en décalage total avec ce que devrait être une gestion maîtrisée de la politique migratoire. En 2007, dans son rapport public, la Cour des comptes relevait : « La relance de la politique d’éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière, partie intégrante d’une politique globale d’immigration a été engagée avant même que l’adaptation nécessaire des capacités des centres de rétention ne soit assurée. [...] Le doublement du nombre de reconduites à la frontière a été obtenu au prix d’un accroissement important des moyens mobilisés pour le fonctionnement des centres, mais aussi dans les préfectures et dans les services de police et de gendarmerie, sans que l’ensemble des dysfonctionnements existant en amont de la rétention ait été corrigé. Il conviendrait d’avoir une mesure plus précise de l’efficacité de l’action publique à chaque stade de la procédure. »

S’ajoute à cela un surcoût budgétaire peu opportun, vous en conviendrez, dans la période actuelle. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que l’article 41 soit supprimé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les propos qui ont été tenus sont assez justes. La directive Retour n’impose aucun délai en la matière. Le délai de rétention maximal, actuellement de trente-deux jours, passera à quarante-cinq jours.

Au-delà de l’aspect théorique, il faut regarder factuellement comment les choses se passent.

La durée de rétention moyenne est de l’ordre de onze à douze jours. Depuis longtemps, nous sommes confrontés à des difficultés au cours des derniers jours de rétention, notamment faute de laissez-passer consulaires. Le passage de trente-deux à quarante-cinq jours vise à aider le Gouvernement à obtenir de tels laissez-passer. Ainsi, dorénavant, les personnes qui doivent manifestement être éloignées et qui ne peuvent pas l’être en raison de la carence d’un tel document ne seront pas remises en liberté.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.

Il est tout à fait clair que l’allongement du délai ne se justifie que s’il est utile. L’autorisation de maintien en rétention, je le rappelle, est délivrée par le juge des libertés et de la détention au vu des justificatifs que lui fournit l’administration sur la crédibilité du délai nécessaire jusqu’au retour.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Mes chers collègues, je souhaite vous faire part du coût de cette mesure pour la collectivité. Chacun appréciera…

Il nous est, une fois encore, confirmé que le délai moyen de rétention est de dix à douze jours. Ce dispositif marginal coûtera 533 millions d’euros, hors coût d’intervention des préfectures et des juridictions. Cette somme est importante, alors que nous avons tant besoin de moyens pour permettre à nos concitoyens de vivre mieux.

Les débats sur la durée de rétention ont une histoire. Chaque fois que ce délai a été prolongé, l’argument fut le même : dans certains cas, un délai supplémentaire est nécessaire afin de pouvoir obtenir les papiers permettant l’expulsion des personnes concernées. Le délai est passé de douze à vingt jours, etc.

Aujourd’hui, vous voulez le faire passer de trente-deux à quarante-cinq jours. Et pourquoi pas demain à cinquante ou soixante jours ? Dans certaines situations, ce laps de temps sera nécessaire. Continuez !

En attendant, c’est l’esprit même, si je puis dire, du centre de rétention et de la rétention administrative qui est en jeu. Vous banalisez la situation ! Passer dix, vingt, trente-deux jours dans un centre de rétention, ce n’est pas la même chose que d’y rester quarante-cinq jours. D’ailleurs, les centres de cette nature ne sont même pas adaptés à leur destination. Allez à Vincennes, au Mesnil-Amelot : il est impossible d’y demeurer quarante-cinq jours sans être réellement affecté par les conditions de vie ! De nombreux droits accordés, y compris aux personnes emprisonnées, ne le sont pas aux personnes placées en rétention.

Vous continuez sur une pente qui met la préservation d’un minimum de dignité, de droits humains au second plan par rapport à des objectifs chiffrés. Trois mille personnes seraient maintenues en rétention au-delà de vingt-huit jours. Certes, cette donnée témoigne d’une certaine efficacité eu égard aux chiffres que vous vous êtes fixés. Mais les chiffres ne sont pas tout, et nous voulons défendre certaines valeurs dans cet hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 102, 167 et 199 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. L’alinéa 5 de l’article 41 est le fruit du vote d’un amendement du Gouvernement adopté en première lecture par le Sénat.

Il s’agit de mettre en place un régime dérogatoire de rétention administrative au-delà de la période maximale de quarante-cinq jours inscrite dans le projet de loi pour les étrangers condamnés à une peine d’interdiction du territoire français pour des actes de terrorisme ou qui font l’objet d’une mesure d’expulsion pour « un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées ».

En première lecture, nous avions déjà demandé la suppression de cette disposition. Nous réitérons aujourd'hui notre demande, d’autant que, lors des débats, la réponse du ministre avait été laconique.

Si cette mesure était définitivement adoptée, elle permettrait de maintenir en rétention administrative, et ce jusqu’à dix-huit mois, des personnes étrangères qui, même si elles ont entièrement purgé leur peine, sont frappées d’une peine supplémentaire, c’est-à-dire d’une interdiction du territoire français ou d’un arrêté d’expulsion. Le juge des libertés et de la détention se prononcerait une première fois pour prolonger la rétention d’un mois, puis plusieurs fois jusqu’à six mois. Si, dans ce laps de temps, les autorités n’ont pas été en mesure d’expulser la personne, soit en raison de « l’obstruction volontaire » imputable à l’étranger, soit du fait de retards dans l’obtention des documents de voyage nécessaires, le juge pourra alors décider de prolonger la rétention de douze mois supplémentaires.

Nous sommes totalement opposés à une telle mesure.

Tout d’abord, cette nouvelle rétention administrative servirait dans les cas où il y aurait toutes raisons de croire que l’assignation à résidence ne permettrait pas un « contrôle suffisant » de la personne. Le Gouvernement n’a pas démontré en quoi le système des assignations à résidence, bien qu’il soit loin d’être satisfaisant sur le plan des garanties procédurales, ne constituerait pas, dans ce cas d’espèce, une alternative valable. Pourquoi proposer une telle mesure, alors que le Gouvernement lui-même vient d’introduire dans la LOPPSI un dispositif répondant à la même finalité et permettant de soumettre au bracelet électronique certains étrangers condamnés pour terrorisme, mais non expulsables ?

Par ailleurs, le placement d’une telle personne dans un cadre de rétention des migrants, jusqu’à une durée de dix-huit mois, entrerait en infraction avec le droit à la liberté inscrit dans la Convention européenne des droits de l’homme.

Le Gouvernement affirme en effet que cette mesure est nécessaire non seulement lorsque la personne n’a pas de documents de voyage, mais aussi dans les cas où la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à la France de surseoir à une expulsion pendant qu’elle examine la requête d’un individu, ainsi que dans ceux où l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d’asile ont conclu que l’intéressé risque d’être soumis à la torture ou à des mauvais traitements à son retour, tout en refusant à cette personne le statut de réfugié.

Mais alors, dans cette hypothèse, l’enfermement de cette personne jusqu’à dix-huit mois serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Les personnes visées ont certes commis des faits graves, mais elles ont été punies et ont purgé leur peine.

Autre point préoccupant, porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ou encore tenter de se protéger du retour en raison d’un risque de torture peut conduire à une privation de liberté de dix-huit mois. Cela va dissuader plus d’un étranger qui va y réfléchir à deux fois avant d’exercer ses droits.

De surcroît, il faut tout de même rappeler que la seule finalité de la rétention administrative est d’organiser le départ d’un étranger et qu’elle ne peut être ordonnée que le temps strictement nécessaire à la mise en œuvre de ce dernier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis est défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Je me permets d’exprimer une certaine surprise au vu de cet amendement. Je rappelle que sont concernées des personnes déjà condamnées pour des faits de terrorisme et qui présentent encore de la dangerosité. Chacun comprendra aisément que cette dangerosité est réduite si ces personnes se trouvent en milieu fermé plutôt qu’en milieu ouvert.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. La disposition en cause pose, le rapporteur l’a constaté lui-même, « le problème de la coexistence au sein des mêmes centres de rétention d’étrangers [y compris d’enfants !] en simple procédure d’éloignement et appelés à ne rester que quelques jours et d’étrangers terroristes ou liés au terrorisme qui y resteraient beaucoup plus longtemps ».

Monsieur le ministre, je comprends bien qu’il ne s’agit pas d’une retenue comme les autres. Maintenir aussi longtemps en rétention des étrangers dont la situation n’a rien à voir soulève un vrai problème, auquel vous ne répondez pas par la mesure que vous nous proposez.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41.

(L'article 41 est adopté.)

Article 41
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Article 45

Article 43

(Supprimé)

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Article 43
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Article 49

Article 45

À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 555-1 du même code, les mots : « quarante-huit heures » sont remplacés par les mots : « quatre jours ». – (Adopté.)

Chapitre III

Dispositions diverses

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Article 45
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Article 54

Article 49

I. – (Non modifié)

II. – Le titre III du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Autres cas de reconduite

« Art. L. 533–1. – L’autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger, sauf s’il est au nombre de ceux visés à l’article L. 121-4, doit être reconduit à la frontière :

« 1° Si son comportement constitue une menace pour l’ordre public.

« La menace pour l’ordre public peut s’apprécier au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales sur le fondement des articles du code pénal cités au premier alinéa de l’article L. 313-5 du présent code, ainsi que des 1°, 4°, 6° et 8° de l’article 311-4, de l’article 322-4-1 et des articles 222-14, 224-1, 227-4-2 à 227-7 du code pénal ;

« 2° Si l’étranger a méconnu les dispositions de l’article L. 5221-5 du code du travail.

« Le présent article ne s’applique pas à l’étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de trois mois.

« Les articles L. 511-4, L. 512-1 à L. 512-3, le premier alinéa de l’article L. 512-4, le premier alinéa du I de l’article L. 513-1, les articles L. 513-2, L. 513-3, L. 514-1, L. 514-2 et L. 561-1 du présent code sont applicables aux mesures prises en application du présent article. »

M. le président. L'amendement n° 169, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article est relatif aux étrangers en situation régulière. Il permet de multiplier les cas de reconduite à la frontière de ces derniers, et porte à trois ans la durée de refus d’accès au territoire français pour un étranger reconduit à la frontière pour trouble à l’ordre public ou travail clandestin au cours d’un séjour légal.

Certes, la directive européenne du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres affirme, en son article 27, que les pays européens peuvent apporter des restrictions à la liberté de circulation pour des motifs d’ordre public. Toutefois, – j’y insiste – elle précise aussi que le comportement de l’étranger doit constituer « une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société » et que « l’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures ».

Pourtant, cet article fonde l’expulsion sur certaines condamnations pénales !

Comme dans ses autres dispositions, l’objectif de ce projet de loi est ici de limiter encore, par tous les moyens, l’entrée des étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou non. Vous faites décidément feu de tout bois, monsieur le ministre !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 49, que vise à supprimer cet amendement, définit les modalités de la reconduite à la frontière pour cause d’atteinte à l’ordre public.

Par ailleurs, ce cas de reconduite existe déjà dans le droit positif et il n’est pas question de le supprimer.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cette fois encore, vous me permettrez de m’étonner de cet amendement.

En effet, cet article tend à éviter le retour dans notre pays de personnes dont le comportement compromet gravement l’ordre public. Sa rédaction est très claire : sont visés ici les vols aggravés, les trafics de stupéfiants et ces violences à l’encontre de membres de la famille dont il a été question plus tôt dans la journée.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 106, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’alinéa 7 de l’article 49 tend à expliciter et à développer une notion nouvelle, celle de la « menace pour l’ordre public » pouvant justifier le prononcé d’un arrêté de reconduite à la frontière à l’encontre de personnes entrées en France pour un court séjour.

D’après le texte soumis à notre examen, cette notion pourrait s’apprécier au regard de la commission de certains faits passibles de poursuites pénales.

Cette disposition, introduite en première lecture à l’Assemblée nationale au travers d’un amendement du Gouvernement, fait partie des mesures autonomes du présent projet de loi, c'est-à-dire qui ne sont pas prévues par les directives que nous sommes en train de transcrire. Elle n’est imposée par aucune des trois directives déjà mentionnées.

Le caractère imprécis et juridiquement peu rigoureux de la rédaction de cette disposition est, selon nous, source d’insécurité juridique. La notion de menace pour l’ordre public risquerait, en effet, de donner lieu à une interprétation abusive de la part de l’administration.

Il est à craindre qu’un étranger n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pénale puisse se voir notifier un arrêté de reconduite à la frontière, à l’issue, par exemple, d’une garde à vue consécutive à la commission des faits cités dans l’article.

Si cette disposition était adoptée en l’état, des personnes en situation régulière qui seraient simplement soupçonnées d’avoir commis certains faits ou d’en avoir été les complices risqueraient également de tomber sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière.

Une telle disposition n’est pas acceptable, nous semble-t-il. Des migrants ne sauraient être expulsés en raison d’infractions pour lesquelles ils n’ont pas été condamnés ! À l’instar de toutes les personnes présentes sur le territoire français, les ressortissants étrangers doivent pouvoir bénéficier de la présomption d’innocence, ce principe fondamental de notre État de droit.

Par ailleurs, l’énumération de certaines infractions telles que l’occupation illégale d’un terrain public ou privé ou l’exploitation de la mendicité vise clairement les ressortissants d’États tiers d’origine Rom. Ces derniers, d'ailleurs, sont aujourd'hui le sujet d’un petit dessin amusant en première page d’un quotidien du soir. (Mme Bariza Khiari sourit.)

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer l’alinéa 7 de l’article 49.

M. le président. L'amendement n° 107, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 7

Remplacer les mots :

au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales

par les mots :

au regard d’une condamnation définitive

II. – Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Le présent amendement vise à limiter le risque d’insécurité juridique que nous avons précédemment pointé en substituant aux termes flous « au regard de la commission de faits passibles de poursuites pénales » les mots « au regard d’une condamnation définitive ». Je viens d’argumenter sur cette question.

Par ailleurs, nous proposons de supprimer l’alinéa 8 du présent article, qui rend possible la reconduite à la frontière des personnes vivant régulièrement sur le territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 106 tend à supprimer la liste des faits passibles de poursuites pénales pouvant justifier une reconduite à la frontière. Or ces derniers constituent déjà, dans les textes en vigueur comme dans la jurisprudence administrative, des éléments qui peuvent être pris en compte pour évaluer une menace contre l’ordre public.

En outre, contrairement à ce que craignent les auteurs de l’amendement, ces dispositions ne pourront être utilisées à l’encontre des Roms, puisque l’article 49 ne concerne pas les ressortissants communautaires.

La commission émet donc un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 107. Le droit permet déjà au préfet de considérer qu’il existe une menace contre l’ordre public sans qu’il y ait de condamnation pénale. Je vous renvoie sur ce point, mes chers collègues, à une décision rendue le 8 juillet 2008 par la cour administrative d’appel de Lyon, qui a estimé qu’un vol par effraction commis en réunion dans un véhicule en stationnement sur la voie publique constituait une telle menace, même si aucune poursuite pénale n’a été engagée.

Par ailleurs, la possibilité de reconduire une personne travaillant sans autorisation a été validée par la décision du Conseil constitutionnel du 13 mars 2003.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. C’est également un avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 49.

(L'article 49 est adopté.)

Article 49
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Article 57 A

Article 54

I, II et II bis. – (Non modifiés)

III. – (Supprimé) 

M. le président. Je mets aux voix l'article 54.

(L'article 54 est adopté.)

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TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES DROITS SOCIAUX ET PÉCUNIAIRES DES ÉTRANGERS SANS TITRE ET À LA RÉPRESSION DE LEURS EMPLOYEURS

Chapitre Ier

Dispositions relatives au travail dissimulé

Article 54
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Intitulé du chapitre II

Article 57 A

(Non modifié)

I A. – Le 3° de l’article L. 8221–5 du code du travail est ainsi rédigé :

« 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

I. – L’article L. 8222-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « s’acquitte » ;

2° Au début du 1°, les mots : « S’acquitte » sont supprimés ;

3° Le 1° bis est abrogé ;

4° Au début du 2°, les mots : « S’acquitte » sont supprimés.

II. – La section 6 du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :

« Section 6

« Délivrance d’attestations relatives aux obligations déclaratives et de paiement

« Art. L. 243–15. – Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimal en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, et périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du présent code et L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d’exigibilité et, le cas échéant, qu’elle a souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l’exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé. 

« Les modalités de délivrance de cette attestation ainsi que son contenu sont fixés par décret.

« Le particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin ou de ses ascendants ou descendants n’est pas concerné par les dispositions du présent article. » – (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives à l’emploi d’étrangers sans titre

Article 57 A
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Article 57 B

M. le président. L'amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet intitulé par les mots :

de travail

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Cet amendement tend à faire disparaître les références à la notion de défaut de titre dans les dispositions du code du travail relatives à la lutte contre le travail illégal.

En effet, il existe déjà dans le code une référence efficace et suffisante : celle de défaut d’autorisation de travail. L’ajout de la notion de défaut de titre serait source de confusion et serait inopérante.

Depuis son introduction dans le code du travail, toute la législation sur la prévention et la répression de l’emploi illégal des travailleurs étrangers est fondée sur l’emploi de travailleurs étrangers démunis d’autorisation de travail. La référence en la matière est l’article L. 8251–1 du code du travail. C’est le seul critère réellement objectivable d’un emploi irrégulier.

En première lecture, M. le rapporteur nous avait fait savoir qu’il considérait notre amendement comme satisfait. En effet, la commission des lois en première lecture avait remplacé les mots « absence de titre de séjour » par les termes « absence de titre », sans plus de précision. Toutefois, cette modification nous semble insuffisante. Nous tenons à la notion de défaut d’autorisation de travail. C'est pourquoi nous proposons la modification de l’intitulé de ce chapitre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Une fois n’est pas coutume : la commission a émis un avis favorable sur cette précision rédactionnelle. (Marques d’étonnement sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement. (M. Richard Yung applaudit.)

M. André Reichardt. C’est la fête ! (Sourires.)

M. Richard Yung. Alléluia ! (Nouveaux sourires.)

Mme Catherine Tasca. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

L'intitulé du chapitre II du titre IV est ainsi modifié.

Intitulé du chapitre II
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Article 57 (Texte non modifié par la commission)

Article 57 B

Au premier alinéa de l'article L. 8251–1 du code du travail, les mots : « par personne interposée » sont remplacés par le mot : « indirectement ». – (Adopté.)

Article 57 B
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Article 61 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 57

(Non modifié)

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre II de la huitième partie du même code est complété par un article L. 8251–2 ainsi rédigé :

« Art. L. 8251–2. – Nul ne peut, directement ou indirectement, recourir sciemment aux services d’un employeur d’un étranger sans titre. »

II. – L’article L. 8271–17 du même code est complété par les mots : « et de l’article L. 8251–2 interdisant le recours aux services d’un employeur d’un étranger sans titre ».

III. – (Non modifié)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 171, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

1° Supprimer le mot :

sciemment

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À cet effet, toute personne ayant recours aux services d'un employeur, directement ou indirectement vérifie, selon la procédure établie par la réglementation en vigueur, auprès des administrations territorialement compétentes, l'existence du titre autorisant tout nouveau salarié étranger embauché par son cocontractant et figurant sur la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier, à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par pôle emploi.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Au travers de cet amendement, nous demandons, à l’alinéa 2 de l’article 57, la suppression du terme « sciemment », qui, selon nous, rendrait inefficace la lutte contre le travail irrégulier.

En effet, dans la pratique, il serait impossible de démontrer que le recours aux services d’un employeur d’un étranger sans titre a été fait « sciemment », c'est-à-dire en toute connaissance de cause, et cette disposition serait donc de peu de portée. Il nous semble que l’interdiction doit être claire et totale.

Par ailleurs, nous proposons que l’employeur qui sous-traite soit tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même. Créer un délit pour les employeurs d’étrangers sans autorisation de travail ne suffit pas. Il faut l’accompagner pour l’employeur d’une obligation de vérifier la régularité de ces travailleurs à tous les niveaux de sous-traitance.

M. le président. L'amendement n° 109, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer le mot :

sciemment

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Le problème est simple : le texte précise ici que le recours d’un employeur aux services d’un étranger sans titre est interdit lorsqu’il est fait « sciemment », et nous proposons de supprimer cet adverbe.

En effet, il ne sera pas facile de démontrer que l’employeur a agi en toute connaissance de cause. Il suffit de caractériser les faits, nous semble-t-il. Ici, nous pouvons très bien nous priver d’un adverbe, conformément d'ailleurs au vœu constamment répété par M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah ! Ce sont surtout des « notamment » dont nous ne voulons pas, car l’énumération visée n’est jamais complète !

M. le président. L'amendement n° 110, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À cet effet, toute personne ayant recours aux services d'un employeur, directement ou par la personne interposée, vérifie, selon la procédure établie par la réglementation en vigueur, auprès des administrations territorialement compétentes, l'existence du titre autorisant tout nouveau salarié étranger embauché par son cocontractant et figurant sur la liste nominative des salariés étrangers employés par ce dernier, à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par pôle emploi.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 57 du présent projet de loi vise à créer pour les employeurs un délit de recours à un étranger non muni d’un titre de séjour. Cette disposition a ainsi pour objet de créer une nouvelle infraction visant plus spécifiquement les donneurs d’ordres.

Pour notre part, nous pensons qu’il est possible d’aller plus loin et qu’il serait particulièrement opportun d’obliger les donneurs d’ordres à vérifier en amont les autorisations de travail des employés du sous-traitant.

Cet amendement a pour objet d'amener l'employeur qui sous-traite une prestation à vérifier les conditions d'engagement des travailleurs embauchés pour effectuer cette prestation.

L'employeur qui sous-traite serait ainsi tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même.

En effet, la procédure de vérification est organisée, vous le savez, mes chers collègues, par l’article R. 5221–41 du code du travail, qui impose la transmission à l’administration par l’employeur d’une copie du document produit par l’étranger aux services préfectoraux dans les deux jours qui précèdent l’embauche. L’administration notifie alors sa réponse dans un délai de deux jours ouvrables. À défaut de réaction de sa part, l’obligation de vérification est réputée accomplie.

Ainsi, pour ne pas être tenu solidairement responsable, le donneur d’ordre devrait simplement apporter la preuve qu’il a bien effectué préalablement les démarches de vérification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Sur les amendements nos 171, 109 et 110, la commission a émis un avis défavorable.

L’article 57 introduit une nouvelle infraction destinée à responsabiliser les donneurs d’ordres : celle du recours volontaire aux services d’un employeur d’un étranger sans titre.

L’auteur de ce délit tel qu’il est proposé encourt une peine de cinq ans de prison et une amende de 15 000 euros.

Rappelons que les personnes qui recourent aux services d’un employeur doivent vérifier que leur cocontractant n’emploie pas des étrangers sans titre. À cette fin, elles doivent se faire remettre par leur cocontractant – cela est absolument essentiel – la liste nominative des salariés étrangers soumis à autorisation de travail.

À défaut, le donneur d’ordre engage sa responsabilité financière et encourt des sanctions pénales.

La connaissance pourra être démontrée par le défaut de vérification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

J’ajouterai aux explications données par M. le rapporteur que le mot « sciemment » a peut-être le défaut d’être un adverbe, mais il présente l’avantage de permettre de bien distinguer le délit, qui est par nature intentionnel, d’une erreur ou d’un abus dont l’employeur pourrait être la victime, ce dernier cas étant une hypothèse que l’on ne peut pas exclure non plus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 111, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

sans titre

par les mots :

non muni d'une autorisation de travail

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

sans titre

par les mots :

non muni d'une autorisation de travail

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Mme Tasca ayant montré brillamment et efficacement qu’il était judicieux de substituer au défaut de « titre » celui « d’autorisation de travail », je ne m’étendrai pas davantage, la même cause produisant le même effet.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement, qui avait déjà été déposé en première lecture, est satisfait par le texte de la commission.

Aussi, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 57.

(L'article 57 est adopté.)

Article 57 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Article 61 (Texte non modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 61

(Non modifié)

Après l’article L. 8254–2 du même code, sont insérés deux articles L. 8254–2–1 et L. 8254–2–2 ainsi rédigés :

« Art. L. 8254–2–1. – Toute personne mentionnée à l’article L. 8254–1, informée par écrit par un agent mentionné à l’article L. 8271–1–2, par un syndicat de salariés, un syndicat ou une association professionnels d’employeurs ou une institution représentative du personnel que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser cette situation.

« L’employeur mis ainsi en demeure informe la personne mentionnée au premier alinéa des suites données à l’injonction. Si celle-ci n’est pas suivie d’effet, la personne mentionnée au premier alinéa peut résilier le contrat aux frais et risques du cocontractant.

« La personne qui méconnaît le premier alinéa ainsi que son cocontractant sont tenus, solidairement avec le sous-traitant employant l’étranger sans titre, au paiement des rémunérations et charges, contributions et frais mentionnés à l’article L. 8254–2.

« Art. L. 8254–2–-2. – Toute personne condamnée en vertu de l’article L. 8256–2 pour avoir recouru sciemment aux services d’un employeur d’un étranger sans titre est tenue solidairement avec cet employeur au paiement des rémunérations et charges, contributions et frais mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 8254–2. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 172, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 8254–2–1. - Toute personne mentionnée à l'article L. 8254–1, constatant auprès des services de l'administration, que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint à son cocontractant, par lettre avec accusé de réception, de faire cesser cette situation dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réponse de l'administration.

II. - Alinéa 5

Supprimer le mot :

sciemment

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’objet du présent amendement est d’éviter que le simple fait de ne pas avoir été informé de l’emploi de travailleurs sans papiers par son sous-traitant puisse couvrir juridiquement l’employeur.

Cet article ouvre en effet une possibilité d’échapper à la responsabilité solidaire de l’employeur, c'est-à-dire à la contribution de chacun des cocontractants à une condamnation du juge en cas de travail illégal, puisqu’il suffit de suivre la procédure prévue et d’en garder trace : il suffira donc à l’employeur d’envoyer au sous-traitant une lettre qui l’enjoint de mettre fin à l’emploi illégal pour être exonéré de toute responsabilité !

Dans l’optique du renforcement de la lutte contre le travail illégal, nous estimons nécessaire que l’employeur qui sous-traite soit tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même.

Le seul fait de se soustraire à la vérification des conditions d’embauche des salariés de son sous-traitant devrait pouvoir entraîner la responsabilité in solidum de l’employeur.

L’amendement que nous avions déposé à l’article 57 imposait au maître d’ouvrage et à l’entrepreneur principal l’obligation de vérifier les conditions d’embauche des salariés sous-traitants.

Il les contraignait, après vérification, d’enjoindre l’employeur sous-traitant de cesser de faire travailler une personne qui n’est pas munie d’une autorisation de travail enregistrée par les services de l’administration.

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 8254–2–1. - Toute personne mentionnée à l'article L. 8254–1, constatant auprès des services de l'administration que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint son cocontractant, par lettre avec accusé réception, de faire cesser cette situation dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réponse de l'administration.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Nous proposons une nouvelle rédaction des alinéas 2 à 4 de l’article 61 pour ouvrir une porte de sortie, qui permettra d’échapper à la condamnation in solidum. C’est vraiment le jour du latin !

L’article 61 complète le dispositif de la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage avec son cocontractant.

Lorsqu’une entreprise est informée par écrit par un agent de contrôle du travail illégal ou un syndicat de salariés que son cocontractant ou l’un de ses sous-traitants emploie du personnel en situation irrégulière, elle doit aussitôt lui ordonner de mettre fin à cette situation.

L’entreprise fautive mise en demeure informe le donneur d’ordre des suites données à l’injonction, lequel peut résilier le contrat aux frais et risques de son cocontractant si la situation perdure.

Cette procédure donne l’illusion d’une plus grande responsabilisation des donneurs d’ordres.

Mais, en regardant de plus près, force est de constater qu’il n’en est rien !

Une société pourra s’exonérer de toute responsabilité en envoyant une simple lettre recommandée à son sous-traitant lui enjoignant de faire cesser la pratique d’emploi de travailleur irrégulier.

Cette simple lettre suffira à absoudre le donneur d’ordre et à prouver sa bonne foi, alors que, normalement, dans le cadre de leurs relations de travail, il ne pouvait ignorer la situation.

Aussi, notre amendement tend à obliger le donneur d’ordre à avoir un rôle plus actif dans la lutte contre l’emploi irrégulier de travailleurs par ses sous-traitants.

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer le mot :

sciemment

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’article 61 tend à renforcer la responsabilité pécuniaire dans le cadre des contrats commerciaux.

La finalité de la réglementation est d’amener les différents employeurs concernés par la même situation et contractuellement liés à vérifier les conditions d’engagement des travailleurs.

Ainsi, toutes les entreprises intervenant dans le cadre d’une chaîne de sous-traitance sont incitées à contrôler la situation administrative de leurs salariés.

Nous regrettons que le projet de loi ouvre une porte de sortie pour échapper à ces condamnations.

Comme je l’ai dit précédemment, il sera en effet facile pour une société de se prémunir de cette obligation en envoyant à ses sous-traitants une simple lettre.

J’en viens à l’utilisation de l’adverbe « sciemment ». Sachant que la commission fait la chasse à toute cette terminologie discutable, je pense que vous suivrez notre proposition concernant ce mot, monsieur le président de la commission…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas dans ce cas-là !

M. Richard Yung. Certes, ce n’est pas le mot « notamment », mais le mot « sciemment »,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas pareil !

M. Richard Yung. … néanmoins cela se rapproche !

En tout état de cause, l’utilisation de l’adverbe « sciemment », à l’alinéa 5 de l’article 61, participe de cette échappatoire offerte aux donneurs d’ordres.

L’emploi de main-d’œuvre irrégulière en connaissance de cause serait impossible à démontrer.

Aussi, nous demandons la suppression du mot « sciemment ».

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots : 

sans titre

par les mots :

non muni d'une autorisation de travail

II. - Alinéas 4 et 5

Remplacer les mots : 

sans titre

par les mots :

sans autorisation de travail

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les préoccupations des auteurs de ces amendements sont satisfaites par le texte de la commission qui responsabilise le maître d’ouvrage.

D’une part, il lui interdit, aux termes de l’article 57, de recourir volontairement aux services d’un employeur de salariés étrangers sans titre de travail.

D’autre part, il lui impose de mettre en œuvre une procédure d’injonction de faire cesser cette situation dès qu’il a connaissance de cette dernière.

Dans les deux cas, il engage sa responsabilité solidaire au paiement des rémunérations, charges et contributions qui sont dues.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pour ne pas tomber sous le coup de l’infraction, il doit impérativement vérifier la régularité de la situation des salariés de son cocontractant en se faisant remettre la liste évoquée tout à l’heure.

À défaut de vérification de cette liste, sa responsabilité est encourue et sa condamnation sera prononcée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est responsable !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 172, 114, 112 et 113.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse et les conclusions de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 61.

(L'article 61 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 61 (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité
Discussion générale

6

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 14 avril 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (n° 404, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 405, 2010-2011).

2. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 357, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 392, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 393, 2010-2011).

3. Projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles (Procédure accélérée) (n° 344, 2009-2010).

Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 394, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 395, 2010-2011).

Avis de M. Marcel-Pierre Cléach, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 367, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART