Sommaire

Présidence de Mme Monique Papon

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès, M. Jean-Paul Virapoullé.

1. Procès-verbal

2. Questions orales

mise en œuvre du projet de ligne à grande vitesse en normandie

Question de Mme Catherine Morin-Desailly. – M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports ; Mme Catherine Morin-Desailly.

ventes de listes d'appartements aux étudiants par certaines agences immobilières

Question de M. Yannick Bodin. – MM. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports ; Yannick Bodin.

situation du lycée agricole de wallis-et-futuna

Question de M. Robert Laufoaulu. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Robert Laufoaulu.

sanctions disciplinaires voire pénales à l'encontre des fonctionnaires en application de l'article 40 du code de procédure pénale

Question de M. René Vestri. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. René Vestri.

avenir des zones de revitalisation rurale

Question de M. Jean Boyer. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Jean Boyer.

meilleure adaptation des concours financiers de l’état aux collectivités de guyane

Question de M. Georges Patient. – Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de la vie associative ; M. Georges Patient.

plan cancer ii et augmentation des moyens consacrés à la recherche scientifique relative aux causes environnementales du cancer

Question de Mme Françoise Laborde. – Mmes Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; Françoise Laborde.

violences urbaines dans le 19e arrondissement de paris

Question de M. Roger Madec. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Roger Madec.

application aux élections sénatorales des dispositions relatives au financement des campagnes électorales

Question de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Jean-Jacques Hyest.

pérennisation de la fondation pour les œuvres de l'islam de france

Question de M. Jean-Pierre Chevènement. – Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé ; M. Jean-Pierre Chevènement.

discrimination salariale au détriment des travailleurs frontaliers

Question de Mme Patricia Schillinger. – M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes ; Mme Patricia Schillinger.

incertitudes persistantes concernant l'avenir du centre de vallon-pont-d'arc du creps paca

Question de M. Michel Teston. – Mme Chantal Jouanno, ministre des sports ; M. Michel Teston.

problèmes posés aux artisans du fait du régime des auto-entrepreneurs

Question de Mme Marie-France Beaufils. – M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Mme Marie-France Beaufils.

remboursement des frais d'expédition et de réexpédition de biens achetés par correspondance

Question de Mme Catherine Procaccia. – M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Mme Catherine Procaccia.

situation critique du système électrique en martinique

Question de M. Serge Larcher. – MM. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Serge Larcher.

Délocalisation de l'usine Fralib du groupe Unilever

Question de Mme Isabelle Pasquet. – M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Mme Isabelle Pasquet.

Avant-projet du schéma national des infrastructures de transports

Question de M. Jacques Mézard. – M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; M. Jacques Mézard.

avenir du tunnel routier de la ville d'Angoulême

Question de M. Michel Boutant. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Michel Boutant.

prolifération du frelon asiatique

Question de M. Jean Milhau. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Jean Milhau.

Mme la présidente.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Vietnam

4. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Relations avec les collectivités territoriales

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

MM. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.

Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Christian Poncelet, Claude Biwer, Jean-Pierre Sueur, Jean-Michel Baylet, Rémy Pointereau, Mme Jacqueline Gourault, MM. Georges Patient.

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

MM. Benoît Huré, Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

5. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat italien

6. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Relations avec les collectivités territoriales

Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales

(suite)

État B

Amendement no II-240 du Gouvernement. – MM. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. – Adoption.

Adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », modifiés.

État D

Amendement no II-31 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption.

Adoption des crédits du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales », modifiés.

Article 79. – Adoption

Article 80

Amendement no II-59 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Jacques Jégou. – Adoption.

Amendement no II-12 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.

Amendement no II-192 de M. Gérard Collomb. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-193 de M. Gérard Collomb. – MM. Edmond Hervé, le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Jacques Hyest, François Marc. – Rejet.

Amendements identiques nos II-34 rectifié quater de M. Jacques Blanc et II-163 rectifié de M. François Fortassin. – MM. Jacques Blanc, François Fortassin, le rapporteur spécial, le ministre, Pierre Bernard-Reymond, Jean Boyer, Jean Faure, François Marc, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Bruno Sido, René-Pierre Signé. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l’article 80

Amendement no II-199 de M. Michel Sergent. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Article 81

Mme Marie-France Beaufils.

Amendement no II-13 de la commission. – M. le rapporteur spécial. – Retrait.

Amendement no II-14 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre. – Adoption.

Amendement no II-273 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre, Jean-Pierre Sueur. – Adoption.

Amendements nos II-220 rectifié et II-57 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait de l’amendement no II-57 ; adoption de l’amendement no II-220 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 82

Amendement no II-274 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre, Alain Vasselle. – Adoption.

Amendement no II-16 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre, Alain Vasselle, le président de la commission, Jean-Pierre Sueur, Jean Louis Masson. – Adoption.

Amendement no II-17 de la commission. – MM. le rapporteur spécial, le ministre, Alain Vasselle. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 83 à 85. – Adoption

Article 86

Amendements identiques nos II-18 rectifié de la commission et II-195 de M. Jean-Pierre Bel. – MM. le rapporteur spécial, Jean-Pierre Sueur, le ministre, le président de la commission, Jean Louis Masson, François Patriat, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption des deux amendements.

Amendement no II-58 de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur spécial, le ministre. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 86

Amendement no II-198 de M. Georges Patient. – MM. Georges Patient, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

Amendement no II-196 de M. Georges Patient. – MM. Georges Patient, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-197 de M. Georges Patient. – MM. Georges Patient, le rapporteur spécial, le ministre. – Rejet.

Amendement no II-200 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur spécial, le ministre, le président de la commission. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Modification du calendrier budgétaire

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Enseignement scolaire

MM. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Mmes Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, MM. Yannick Bodin, Philippe Darniche, Mmes Françoise Laborde, Brigitte Gonthier-Maurin ; MM. Pierre Martin, Jean-Jacques Pignard, Mme Françoise Cartron, M. Robert Laufoaulu, Mme Maryvonne Blondin, MM. Dominique de Legge, Jean-Luc Fichet, René-Pierre Signé, Claude Domeizel.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

État B

Amendement no II-241 du Gouvernement. – MM. le ministre, Gérard Longuet, rapporteur spécial ; Yannick Bodin. – Adoption.

Amendement no II-148 de M. Jacques Legendre, au nom de la commission de la culture. – MM. Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; Gérard Longuet, rapporteur spécial ; le ministre, Mmes Françoise Cartron, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Charles Revet, Pierre Martin, Mme Catherine Troendle, M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis ; Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Adoption.

Amendement no II-147 de M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture. – MM. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis ; Gérard Longuet, rapporteur spécial ; le ministre, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Philippe Darniche, Charles Revet, Jean-Luc Fichet, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Dominique de Legge, Yannick Bodin, Mme Françoise Cartron. – Adoption.

Amendement no II-145 de M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture. – MM. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis ; Gérard Longuet, rapporteur spécial ; le ministre, Mmes Maryvonne Blondin, Brigitte Gonthier-Maurin. – Adoption.

Adoption des crédits de la mission, modifiés.

Article 73 quater. – Adoption

Article additionnel après l'article 73 quater

Amendement no II-221 rectifié de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Gérard Longuet, rapporteur spécial ; le ministre. – Rejet.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Jean-Paul Virapoullé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

mise en œuvre du projet de ligne à grande vitesse en normandie

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, auteur de la question n° 1053, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite attirer votre attention sur la mise en œuvre du projet de ligne à grande vitesse Paris-Normandie dont le Président de la République a annoncé la réalisation lors de sa visite au Havre, le 16 juillet 2009.

Si l’objectif de cette ligne est de faire en sorte que Paris se dote, dans le cadre du Grand Paris, d’une porte maritime, je souhaiterais obtenir quelques assurances sur le fait que le projet concerne bien tout le territoire normand. La future LGV normande doit en effet être l’occasion d’engager une réflexion d’ensemble sur l’aménagement de ce territoire, et je rappelle que ce projet ne sera viable que s’il concerne un tracé desservant Paris-Rouen-Caen-Le Havre.

C’est, en effet, un projet transrégional que l’on doit avoir pour ambition d’élaborer, car il est d’une importance considérable pour l’avenir économique de l’Île-de-France, de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie.

À ce propos, je tiens à souligner l’action conjointe, au sein de l’association pour la promotion du TGV Paris-Normandie, des trois conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, les CESER, et de l’ensemble du monde consulaire de ces trois régions.

À cet égard, je tiens à relayer l’inquiétude exprimée par les présidents des trois CESER face à la difficile mise en œuvre de ce dossier depuis l’annonce du Président de la République. Même si l’on ne peut que se féliciter de l’inscription, au printemps dernier, de ce projet au schéma national des infrastructures de transport, la place qui lui a été accordée ne contribue pas à rassurer les acteurs régionaux.

Cette inquiétude n’a fait que croître en apprenant que le débat public ne devrait intervenir qu’à l’automne 2011 pour s’achever en février 2012 si, comme on peut le souhaiter, RFF a bien saisi la Commission nationale du débat public d’ici à la fin du mois de janvier 2011. Aussi vous demanderai-je, monsieur le secrétaire d'État, de veiller à ce qu’il en soit ainsi, voire, si possible, de faire en sorte que le débat public commence dès la mi-2011.

Enfin, j’aimerais obtenir des assurances quant au délai de mise en œuvre de ce projet, concernant notamment le calendrier de réalisation des travaux. Il faut dès maintenant envisager le projet de manière qu’il soit mené jusqu’à son terme et que la LGV relie in fine le portuaire à l’aéroportuaire, c'est-à-dire que la ligne aille du Havre à Roissy.

En effet, au vu de son coût, un tel chantier ne peut se réaliser que par phases. S’il paraît sans aucun doute réaliste que la première tranche s’arrête à La Défense, j’insiste sur le fait que l’on doit envisager de prolonger, à terme, le tracé de cette ligne jusqu’à Roissy, ce qui permettrait de connecter la Normandie au réseau TGV français et européen.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Madame la sénatrice, lors de son déplacement au Havre, le 6 juillet dernier, Jean-Louis Borloo a bien entendu la requête de l’ensemble des élus en faveur d’un calendrier resserré pour la ligne nouvelle. Aussi a-t-il demandé à Réseau ferré de France et à Jean-Pierre Duport, président du comité de pilotage, d’accélérer le plus possible la date de lancement du débat public, qui portera sur l’ensemble de l’ouvrage Paris-Normandie, dont la section Paris-Mantes constituerait une première tranche fonctionnelle. Il en résulte un calendrier resserré.

Pour que le débat public soit engagé à l’automne 2011, Réseau ferré de France doit saisir la Commission nationale du débat public, la CNDP, dès février 2011, sur la base d’un dossier simplifié.

Les études techniques, économiques et environnementales constituant le dossier de saisine de la CNDP et le dossier support du débat ont commencé dès septembre 2010 et se poursuivront pendant un an. Elles s’appuieront sur le dossier stratégique déjà présenté par RFF et sur toutes les contributions qui ont été apportées par les collectivités et organismes associés.

Le comité de pilotage ainsi que les comités territoriaux sont tenus régulièrement informés des résultats de ces études. C’est ainsi que les premiers scénarios ont pu être présentés au dernier comité territorial réuni le 14 octobre dernier à Rouen.

Le débat public sera l’occasion de présenter diverses options de passage et d’éclairer les décideurs sur les conditions de poursuite de cette opération, notamment pour ce qui concerne le ou les tracés à retenir pour les études opérationnelles qui suivront.

Madame la sénatrice, je sais l’importance que vous attachez à ce projet, et je partage votre idée selon laquelle il doit s’agir d’un grand projet d’aménagement pour la France, notamment pour les trois régions concernées, à savoir l’Île-de-France, la Basse-Normandie et la Haute-Normandie.

Ce matin, après avoir répondu à deux questions orales sans débat, ici, au Sénat, je vais participer à l’inauguration d’un nouveau tronçon de ligne TGV en direction de la Suisse. Ne doutez pas que, au cours des trois heures que je passerai avec le responsable de RFF, je ne manquerai pas d’évoquer la ligne à grande vitesse en Normandie et demanderai le respect du calendrier afin que ce projet puisse voir le jour le plus tôt possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de votre réponse. Toutefois, une question demeure en suspens. J’aimerais avoir l’assurance qu’il est envisagé de prolonger, à terme, la ligne grande vitesse pour relier le portuaire à l’aéroportuaire, c'est-à-dire Le Havre via Rouen à Roissy.

ventes de listes d'appartements aux étudiants par certaines agences immobilières

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 1051, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.

M. Yannick Bodin. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les ventes de listes d’appartements aux étudiants par certaines agences immobilières, communément appelées les « marchands de listes ».

Le principe est simple : une agence immobilière fournit au client une liste de logements à louer, moyennant le versement d’une somme d’argent. C’est ensuite au locataire potentiel de contacter directement les propriétaires.

Cependant, dans les faits, règne un véritable scandale dans la mesure où les marchands de listes n’assurent pas le service promis.

En effet, les annonces ne sont pas réactualisées, correspondent rarement à la demande formulée à l’origine par l’étudiant, ou les contacts ne sont pas joignables. Lorsque les clients mécontents exigent le remboursement de la somme versée au départ, les marchands de listes, la plupart du temps, refusent. Bref, il s’agit d’une pure escroquerie et d’une exploitation des jeunes étudiants, qui sont dans l’angoisse de trouver un logement.

Chaque année, cette arnaque continue à faire de nombreuses victimes : les étudiants, manquant de temps pour trouver un logement, sont attirés par le moindre coût de cette pratique, en comparaison avec les traditionnels frais d’agence.

Pourtant, une loi existe, mais le cadre réglementaire qu’elle fixe reste limité : elle oblige à établir une convention écrite avec « les caractéristiques du bien recherché, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à ce dernier » et précise que le paiement ne peut plus avoir lieu avant la transmission de la liste.

Actuellement, les contrats ne sont pas assez précis pour établir une réelle obligation de respecter le souhait du client. Les caractéristiques des logements recherchés se limitant à quelques critères, il est ensuite facile soit de proposer des appartements correspondant assez peu à la recherche initiale, soit de fournir une liste ne comportant qu’un ou deux appartements.

Il est donc nécessaire d’imposer des contrats plus détaillés, qui obligent les agences immobilières à remplir le service qu’elles promettent, à savoir mettre en relation propriétaires et locataires en accord sur une offre locative.

Par ailleurs, le paiement du service rendu devrait s’effectuer une fois le client satisfait, ce qui serait un gage de sérieux et dissuaderait les agences de fournir la même liste à des dizaines et des dizaines de clients.

J’ai noté que le Gouvernement a récemment demandé à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, d’enquêter sur ce sujet afin de mieux contrôler les agences immobilières qui se livrent à de telles pratiques. Nous serons nombreux à examiner les conclusions de cette enquête et serons surtout attentifs à la suite que donnera le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, il est primordial de réformer le marché locatif, car les étudiants sont impuissants face à l’explosion des prix et de la demande. Vous le savez, il n’existe, en France, que 160 000 logements pour 1,3 million d’étudiants. Il appartient donc à l’État de faire en sorte que ceux-ci puissent se loger rapidement, à des coûts raisonnables et dans le cadre de contrats sérieusement encadrés.

Pouvez-vous me dire où en est le Gouvernement sur ce sujet, qui, croyez-moi, préoccupe à chaque rentrée des milliers d’étudiants et de familles ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez soulevé un vrai problème.

L’activité de marchand de listes est régie par les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet. Une carte portant la mention « marchand de listes » doit être sollicitée auprès de la préfecture compétente pour l’exercice de cette activité.

Afin de garantir que les offres figurant sur les listes correspondent à des biens effectivement mis sur le marché, cette réglementation prévoit l’obligation, pour le professionnel, de conclure une convention écrite avec le propriétaire du bien, ainsi qu’une convention avec l’acheteur de listes ou de fichiers, en vue de préciser notamment les caractéristiques du bien recherché et les moyens à mettre en œuvre pour que ne figurent sur la liste que des biens disponibles.

Par ailleurs, aucune somme d’argent ou rémunération n’est due au marchand de listes ou ne peut être exigée de lui préalablement à la parfaite exécution de son obligation de fournir effectivement les listes ou fichiers.

Malgré ce dispositif juridique contraignant, des pratiques consistant à proposer des listes non actualisées ou ne correspondant pas aux critères de choix ont été constatées – vous l’avez souligné, monsieur le sénateur –, constat que nous partageons, hélas !

Afin de mettre un terme à ces pratiques illicites, mon collègue Benoist Apparu a demandé au secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation de mobiliser la DGCRF pour étendre ses contrôles aux marchands de listes, lesquels ont débuté le 11 octobre dernier.

Plus généralement, M. le secrétaire d’État chargé du logement a demandé aux partenaires, notamment à l’UNPI, l’Union nationale de la propriété immobilière, à l’UNIS, l’Union des syndicats de l’immobilier, et à la FNAIM, la Fédération nationale des agents immobiliers, de lui faire des propositions pour moraliser la location des micro-surfaces.

Le Gouvernement attend bien évidemment rapidement de leur part des propositions sur la question des marchands de listes, en vue de faire évoluer ce dispositif. Comme vous connaissez bien cette question, monsieur le sénateur, vos suggestions, ou celles d’éminents collègues, seront les bienvenues.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le secrétaire d'État, je tiens à vous remercier de votre réponse, car elle témoigne du fait que cette préoccupation est unanimement partagée.

Néanmoins, ce souci est récurrent : chaque année, lors de la rentrée universitaire notamment, les étudiants se plaignent d’avoir payé pour obtenir des listes qui ne correspondent pas à la demande qu’ils ont formulée ou nous signalent que le contact indiqué ne leur répond pas.

Certes, des contrôles ont été mis en place ; mais ceux-ci, on le sait, sont la plupart du temps ponctuels.

Par ailleurs, de quels moyens disposez-vous ? Quels résultats peut-on attendre ? Les cas d’espèce sont multiples dans la seule ville de Paris, et je ne pense pas que vous ayez les moyens de réaliser ces contrôles au-delà du périphérique, si je puis dire, voire ailleurs, alors que l’ensemble de notre pays est concerné.

Tôt ou tard – et le plus tôt sera le mieux ! –, une initiative législative devra s’imposer pour encadrer cette pratique. Certes, on peut faire confiance aux agences immobilières, qui font elles-mêmes confiance aux étudiants et les respectent. Mais lorsque les agissements s’apparentent quelque peu à de l’escroquerie, il faut envisager de réprimer.

situation du lycée agricole de wallis-et-futuna

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu, auteur de la question n° 1031, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Robert Laufoaulu. Ma question concerne le lycée agricole de Wallis, dossier que j’ai porté depuis ces dernières années avec le président de l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna et qui a reçu le soutien total des différentes autorités locales.

Ce lycée est un peu notre enfant, mais il doit le jour à l’écoute et à la réactivité de Bruno Le Maire et de Marie-Luce Penchard, que je remercie tous deux, ainsi qu’à l’aide de Luc Chatel dans la mesure où le ministère de l’éducation nationale prête ses locaux.

Actuellement, en effet, les enseignements agricoles ont démarré dans un collège de Wallis, et l’effectif dépasse soixante-dix élèves.

À la rentrée 2012, le lycée qui doit voir le jour devrait compter plus d’une centaine d’élèves. Sa création et son développement répondent à une orientation vitale pour un territoire aussi isolé que Wallis-et-Futuna.

Pour filer la métaphore, je dirai que ce lycée, pour grandir, pour prendre son essor et devenir adulte, a d’abord besoin d’un décret officialisant son existence. Je sais que ce décret est en cours de préparation et je souhaiterais savoir à quel moment sa parution est prévue.

Mais il faut aussi des moyens matériels, financiers et humains. Pourriez-vous m’apporter des précisions sur ce point, sachant que le ministère de l’outre-mer, en prévision de l’ouverture du lycée en janvier 2011, a accordé une délégation de crédits de 60 000 euros, sur les 110 000 euros nécessaires, pour l’amélioration des équipements ?

Nous comptons beaucoup sur l’aide du Gouvernement pour trouver dès que possible les 50 000 euros complémentaires, correspondant à l’achat d’un tracteur nécessaire à l’enseignement agricole qui sera délivré.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Bruno Le Maire, lequel participe en ce moment au conseil des ministres.

Monsieur Laufoaulu, les préoccupations que vous exprimez sur l’avenir du lycée agricole de Wallis-et-Futuna témoignent de l’intérêt et de l’attention que vous manifestez à l’égard de l’enseignement agricole, reconnu comme une filière de réussite et d’insertion sociale et professionnelle dans les territoires, par la diversité de son offre de formation et l’originalité de son ancrage local.

Comme vous le savez, le projet de décret portant création de l’établissement public national d’enseignement et de formation agricoles, dénommé « lycée professionnel agricole de Wallis-et-Futuna », est entré dans la phase finale de consultation auprès des ministres de l’éducation nationale, de l’outre-mer et du budget. Sa parution au Journal officiel est prévue en décembre 2010, pour une mise en application au 1er janvier 2011.

L’accompagnement de cette création, dont vous avez été l’un des initiateurs, a été prévu de la façon suivante.

Pour la prise en charge des coûts d’investissement, le ministère chargé de l’outre-mer s’est engagé sur le versement, dès la création du lycée professionnel agricole, d’un montant de 60 000 euros.

Au titre des coûts de fonctionnement, la subvention versée par le ministère de l’agriculture sur le programme 143 a, de son côté, progressé de 12 %. Cette augmentation correspond à une enveloppe supplémentaire de 8 000 euros, qui a été budgétée dès l’année 2010.

Toutes les possibilités de financement complémentaires au fonctionnement de cet établissement seront examinées avec beaucoup d’attention. Enfin, je souligne que sa dotation en emplois passe de 7,5 équivalents temps plein travaillé pour l’année 2010 à 8 équivalents temps plein pour l’année 2011.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Je tiens à remercier Mme la secrétaire d’État pour cette réponse. J’attends bien sûr la visite de Mme Penchard et de M. Le Maire, qui viendront certainement voir ce lycée. Ils seront accueillis avec beaucoup d’attention et de reconnaissance.

sanctions disciplinaires voire pénales à l'encontre des fonctionnaires en application de l'article 40 du code de procédure pénale

M. le président. La parole est à M. René Vestri, auteur de la question n° 1073, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. René Vestri. Madame la secrétaire d’État, je veux attirer votre attention sur l’obligation de dénonciation faite aux fonctionnaires par l’article 40 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004.

Cette obligation juridique s’impose non seulement aux fonctionnaires de police mais aussi à toutes les catégories de fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.

En effet, cet article 40 stipule que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Alors que les termes de ce texte paraissent clairs, force est de constater que les modalités d’application de cette disposition sont plus que variables et parfois même arbitraires.

J’en veux pour preuve un cas particulier survenu dans mon département des Alpes-Maritimes. Conformément aux dispositions générales de l’article 40, un élu a dénoncé aux plus hautes autorités de l’État les conditions d’attribution d’un marché public portant sur un montant de 150 millions d’euros.

Moi-même, interpellé par différentes associations, je suis intervenu auprès du préfet pour appuyer le dossier, mais aucune réaction des instances de l’État n’est venue étayer ma demande.

Je ne comprends pas cette attitude et je crains que cette situation ne fasse qu’accroître la défiance des citoyens envers l’État, les collectivités locales et la justice.

Aussi, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous m’apporter des précisions sur les modalités d’application de l’article 40 du code de procédure pénale et celles de l’article 434-1 du code pénal ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Michel Mercier, qui participe en ce moment au conseil des ministres.

Monsieur Vestri, comme vous l’avez rappelé, l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale couvre un domaine beaucoup plus large que d’autres obligations légales qui imposent un devoir de révélation à certaines autorités. Il n’opère pas de distinction entre les crimes et délits selon leur gravité.

Il concerne tous les crimes et délits dont aurait connaissance un fonctionnaire, un officier public ou toute autorité constituée.

Ces personnes sont soumises à des devoirs et à des obligations plus étendus que les citoyens ordinaires, puisque leurs fonctions imposent de servir l’intérêt général dont l’État est le garant.

Cette exigence a été rappelée depuis de nombreuses années par les gardes des sceaux successifs. En effet, l’absence de révélation par l’administration de faits portés à sa connaissance, à l’occasion de l’exercice de ses missions, conduit cette dernière à apprécier, au lieu et place du ministère public, l’opportunité des poursuites. Elle a donc une obligation de révélation.

À l’inverse, et pour les mêmes raisons, un signalement adressé au parquet au titre de l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale ne lie pas le ministère public. Ce dernier conserve l’opportunité des poursuites, comme pour toutes les plaintes et dénonciations dont il est saisi. Le parquet apprécie en effet les suites qu’il convient de réserver au signalement, selon les distinctions précisées à l’article 40-1 du code de procédure pénale introduit par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, à savoir la mise en mouvement de l’action publique, l’engagement d’alternatives aux poursuites ou le classement sans suite.

La loi précitée a également institué, à l’article 40-2 du code de procédure pénale, le principe d’un avis du parquet aux plaignants, aux victimes et aux personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 40 du même code, quand des poursuites ou des alternatives aux poursuites ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement.

Cette information réciproque des autorités administratives et judiciaires sur les infractions dénoncées et les suites qui leur sont réservées à travers l’avis paraît de nature à faciliter, dans le respect des attributions de chacun, un fonctionnement transparent de la vie publique, conforme aux attentes légitimes de nos concitoyens.

Les prescriptions de l’article 40 du code de procédure pénale ne sont assorties d’aucune sanction pénale.

Mme la présidente. La parole est à M. René Vestri.

M. René Vestri. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de rappeler les contraintes de l’article 40.

Dans le cas que je viens d’évoquer, il s’agit d’un marché public de 150 millions d’euros, au sujet duquel le doute était flagrant et la tentative de fraude certaine. Le maire ayant été avisé, il a immédiatement bloqué le marché. C’est donc la preuve qu’il s’est passé quelque chose.

Je pars d’un principe très simple : pour apprécier, il faut comparer. Or, j’ai pu constater que, dans une affaire portant sur 3 000 euros, des perquisitions avaient été immédiatement opérées, des mises en garde à vue avaient été effectuées, et l’ensemble d’un conseil municipal avait été appelé à témoigner. Il s’agissait, je le répète, de 3 000 euros. Or, dans le cas particulier que je viens d’évoquer, madame la secrétaire d’État, c’était un marché public de 150 millions d’euros ! Et rien, rien n’a été fait ! Voilà ! C’est tout !

avenir des zones de revitalisation rurale

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1047, transmise à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.

M. Jean Boyer. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les zones de revitalisation rurale ont été mises en place avec pour objectif de soutenir des zones difficiles, des zones où la population s’en va, sans retour peut-on dire. Il s’agit de zones où la disponibilité de terrain à destination de construction individuelle, artisanale ou industrielle présente un prix compétitif ; mais, comme vous le savez, madame le secrétaire d’État, les hommes, dont les responsables d’entreprise, choisissent leur lieu de vie ou d’activité, et les élus sont souvent désarmés devant ces décisions.

Créées le 4 février 1995 par la loi sur les territoires ruraux, ces zones ont été améliorées en 2005, avec des dispositifs fiscaux appréciables, ainsi que par une incitation à enrichir l’intercommunalité.

Madame la secrétaire d’État, en France, le zonage est parlant. Par exemple, dans mon département, la Haute-Loire, 188 communes sur 260 sont en zones de revitalisation rurale. Ce n’est pas une exception, puisque trois départements français sont totalement en zones de revitalisation rurale. Ces zones couvrent environ un tiers du territoire national.

Reconnaissons que ces aides sont très appréciables et qu’elles sont non pas des privilèges mais des compensations souvent liées à la topographie, au climat et, bien sûr, à la démographie.

Inutile de vous dire que nous souhaitons très vivement le maintien de ce dispositif permettant d’accompagner les territoires ruraux les plus sensibles.

Madame la secrétaire d’État, bien que conscients des difficultés budgétaires nationales, nous souhaiterions très vivement le maintien, voire l’ouverture de ces aides à certaines initiatives, comme la création d’emploi par exemple.

Nous souhaiterions également, et cela en toute objectivité, que ces zones soient prioritaires dans le cadre des pôles d’excellence rurale, car il faut agir vite dans certains secteurs, avant qu’il ne soit trop tard.

Je vous remercie beaucoup de bien vouloir m’indiquer les perspectives envisagées dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Boyer, vous le savez, les zones de revitalisation rurale, créées par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, regroupent les territoires ruraux les plus fragiles, en déprise démographique ou ayant des handicaps structurels sur le plan socio-économique.

Le classement en zones de revitalisation rurale concerne environ un tiers des communes françaises, représentant 8 % de la population. Les entreprises installées dans ces zones bénéficient d’exonérations des cotisations sociales patronales et d’exonérations fiscales. Environ 500 millions d’euros sont octroyés chaque année au titre de ces exonérations.

Ce dispositif est essentiel pour l’attractivité et le développement économique des territoires ruraux les plus fragiles. C’est pourquoi, lors du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 11 mai dernier, le Premier ministre a décidé de renforcer le ciblage de ce dispositif, afin de le rendre encore plus efficace.

Ainsi, l’article 65 du projet de loi de finances prévoit une ouverture très importante du dispositif d’exonération en faveur des entreprises, puisqu’il l’étend à la reprise et à la transmission d’entreprises, contribuant ainsi à la pérennité du tissu d’entreprises artisanales en milieu rural, enjeu majeur pour ces territoires.

Cet élargissement s’accompagne d’un ciblage du dispositif sur les entreprises de moins de dix salariés pour une durée d’exonération fiscale de huit ans.

Enfin, le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire a chargé le ministre en charge de l’aménagement du territoire de proposer les évolutions nécessaires concernant les critères retenus pour la définition de zones de revitalisation rurale et permettant d’accompagner les territoires ruraux les plus sensibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Ma réponse sera courte et claire. Madame la secrétaire d'État, nous nous réjouissons que ces mesures d’accompagnement perdurent dans nos zones difficiles.

meilleure adaptation des concours financiers de l’état aux collectivités de guyane

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 1037, adressée à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Georges Patient. Madame la secrétaire d'État, une fois de plus, j’attire l’attention du Gouvernement sur la situation critique des finances des collectivités locales de Guyane. La situation financière de ces dernières se démarque en effet de celle des autres départements d’outre-mer par des produits de fiscalité directe plus faibles, en raison des particularités du département : un produit intérieur brut qui est le plus bas des quatre départements d’outre-mer, un taux de croissance démographique de 3,9 % qui est le plus dynamique des régions françaises, un seuil de pauvreté qui est le plus important de France, plus de 50 % des foyers fiscaux disposant d’un revenu inférieur à 9 400 euros, contre seulement 26 % en métropole.

Pour compenser la croissance inévitable des charges des collectivités locales de Guyane, croissance forcément supérieure à la progression de leurs recettes, la seule véritable solution demeure, pour l’heure, une meilleure adaptation des concours financiers de l’État aux réalités de la Guyane.

Pour ce faire, l’État doit adapter la dotation globale de fonctionnement, véritable outil de péréquation, en se fondant sur des critères plus opérants, tels que le revenu moyen par habitant, le nombre d’élèves scolarisés sur le territoire par rapport à la population totale et la situation sociodémographique avec sa pyramide des âges à base très élargie qui n’a rien à voir avec les standards nationaux.

En outre, l’État doit dans l’immédiat supprimer le plafonnement qui frappe la dotation superficiaire, institué pour les seules communes de Guyane et faisant perdre annuellement à celles-ci 16 millions d’euros, quitte à instaurer une péréquation de ce montant entre les seules communes de Guyane.

Enfin, l’État doit rétrocéder aux communes de Guyane les 27 millions d’euros qui leur font défaut au titre de l’octroi de mer. Il faut préciser que ce sont les seules communes d’outre-mer à subir un tel prélèvement.

Au total, au titre de ces deux recettes, ce sont 43 millions d’euros qui échappent chaque année aux communes de Guyane.

Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de me faire savoir ce que peuvent espérer les collectivités de Guyane sur tous ces points.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur la situation des finances des collectivités locales de Guyane.

Je vous prie tout d’abord d’excuser M. Brice Hortefeux, qui participe en ce moment au conseil des ministres.

Par principe, les dotations de l’État aux collectivités territoriales des départements et régions d’outre-mer sont, chaque fois que cela est possible, identiques au droit commun métropolitain, le principe constitutionnel d’unité s’appliquant.

Les communes d’outre-mer bénéficient ainsi, à l’instar des communes de métropole, d’une dotation globale de fonctionnement composée d’une part forfaitaire et d’une part de péréquation, celle-ci étant toutefois calculée dans des conditions favorables.

En effet, le mode de calcul de la dotation d’aménagement ultramarine traduit la solidarité nationale en faveur des communes d’outre-mer, puisque leur est affectée une quote-part prélevée sur la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la dotation de solidarité rurale, ainsi que la dotation nationale de péréquation plus favorable que celle qui résulte de leur strict poids démographique au sein de la population nationale totale.

En outre, la réforme de la dotation globale de fonctionnement de 2005, en instituant une dotation forfaitaire indexée sur la population, a été largement favorable aux collectivités de Guyane, qui connaissent, comme vous l’avez rappelé, une croissance démographique élevée.

En instituant une part indexée sur la superficie, cette réforme a également été favorable à certaines communes très étendues des départements d’outre-mer, notamment en Guyane.

L’ensemble de ces dispositions est donc largement à l’avantage des collectivités de Guyane, qui bénéficient de montants de dotation globale de fonctionnement bien supérieurs aux moyennes nationales, attestant de la prise en compte des particularités du département.

Ainsi, en 2010, tandis que le montant moyen de dotation globale de fonctionnement par habitant des communes s’élevait à 240 euros à l’échelon national, le montant moyen en Guyane atteignait 280 euros, soit près de 17 % de plus.

Pour 2011, alors que l’enveloppe des concours financiers de l’État est gelée, et tandis qu’un certain nombre de collectivités verront leur dotation globale de fonctionnement diminuer, les communes guyanaises continueront de bénéficier du mécanisme leur garantissant annuellement une progression de leur dotation globale de fonctionnement totale.

S’agissant plus spécifiquement de l’octroi de mer, les 27 millions d’euros que vous évoquez n’échappent pas à la Guyane, puisqu’ils sont attribués au département, qui, depuis 1974, perçoit une part du produit de l’octroi de mer. Cette part dans les recettes des communes guyanaises demeure significative, puisqu’elle représente en moyenne 47 % des recettes fiscales totales.

Enfin, s’agissant des recettes fiscales, le constat d’une insuffisance d’identification des bases fiscales de contributions directes en Guyane est largement partagé. Un travail important d’identification de ces bases est en cours de réalisation dans le cadre de la démarche de restructuration financière des communes et devrait, à terme, permettre un surcroît de recettes fiscales.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Madame la secrétaire d'État, il faut comparer ce qui est comparable. La Guyane est un vaste département de quelque 90 000 kilomètres carrés, qui connaît une très forte croissante démographique, la plus importante de France et l’une des plus importantes du monde, et un produit intérieur brut par habitant qui ne représente pas la moitié du niveau français.

Il est donc tout à fait naturel qu’un effort soit consenti pour ce département en raison de sa démographie. Mais ce que nous réclamons, c’est une meilleure application du droit commun, et je m’arrêterai sur les deux recettes que vous avez citées : l’octroi de mer et la dotation superficiaire. Elles doivent être appliquées en Guyane, comme elles le sont en France métropolitaine et dans les autres départements d’outre-mer.

Alors que l’étendue des communes permettait pour une fois à la Guyane de bénéficier d’une dotation importante, le montant de la dotation superficiaire a été plafonné par rapport à celui de la dotation de base à 3 euros l’hectare, et cela uniquement pour ce département, puisque ce n’est pas le cas des autres départements d’outre-mer, ni de la France métropolitaine, où la dotation a même été augmentée pour les communes de montagne !

Il en va de même pour l’octroi de mer : alors qu’il est intégralement versé aux communes de Martinique, de Guadeloupe et de la Réunion, l’État, de façon unique et inique, prélève une part de 27 millions d'euros par an au profit du conseil général de Guyane, qui connaît des difficultés financières. On a presque une péréquation entre pauvres ! Nous réclamons donc à juste titre que ces sommes soient rétrocédées aux communes de Guyane.

Si l’on ajoute à ce prélèvement sur l’octroi de mer l’amputation de la dotation superficiaire, ce sont 43 millions d'euros que perdent les communes de Guyane. Certes, les sommes concernées, versées pour partie au conseil général et pour partie aux communes, profitent à la Guyane. Mais la plupart des communes sont en déficit et, tant qu’on ne leur restituera pas ces sommes, le marasme qu’elles connaissent actuellement perdurera !

Voilà pourquoi j’insiste à nouveau sur cette question, que je ne pose d’ailleurs pas pour la première fois.

plan cancer ii et augmentation des moyens consacrés à la recherche scientifique relative aux causes environnementales du cancer

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 1041, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.

Mme Françoise Laborde. Madame la secrétaire d'État, voilà plus d’un an déjà, le Président de la République annonçait le lancement du Plan cancer 2009-2013, dit Plan cancer II, qui doit mobiliser un budget de 750 millions d’euros, afin de financer la lutte contre le cancer, première cause de mortalité par maladie en France.

Après avoir qualifié d’ « inacceptables » les inégalités tant sociales que géographiques des patients face à ce fléau, le Président de la République avait désigné la consommation de tabac et d’alcool comme étant la principale responsable de cette pandémie.

En conséquence, le Plan cancer II met en œuvre un volet Prévention principalement dédié à ces deux facteurs, ainsi qu’à la promotion d’une alimentation équilibrée ou encore d’exercices physiques quotidiens.

Le volet environnemental des causes de la maladie en est complètement absent. Pourtant, depuis la publication des conclusions concordantes de plusieurs études indépendantes au niveau international, de nombreux médecins spécialisés en oncologie s’accordent à reconnaître que 80 % des cancers ont une cause environnementale.

Cet oubli est donc dramatique, pour ne pas dire coupable. Compte tenu de l’avancée des connaissances scientifiques et médicales, le principe de précaution doit être appliqué pour la contamination de l’eau, de l’air, des sols et de la nourriture par des produits cancérigènes.

Je pense en particulier à l’usage de certains pesticides dans l’agriculture ou encore de plastiques, comme le bisphénol A, dans l’industrie agroalimentaire.

Seule une volonté politique forte peut orienter et mobiliser les moyens nécessaires à la recherche scientifique, en vue d’identifier le rôle exact des polluants dans l’apparition des cancers. La France doit s’atteler à cette tâche et intensifier son effort de recherche dans ce domaine. Pour atteindre cet objectif, elle doit notamment rassembler des disciplines scientifiques complémentaires telles que la carcinogenèse, la toxicologie in vivo, in vitro, in silico, la toxicologie génomique, l’épidémiologie descriptive et analytique, l’épidémiologie moléculaire, les biostatistiques ou la biosurveillance.

La mise en place de ces nouveaux outils est urgente. Elle traduirait non seulement une prise de conscience nouvelle, mais surtout une volonté d’agir. Les solutions sont nombreuses. Je pense notamment à la création d’une chaire « environnement et cancer » et d’un institut de recherche sur les causes du cancer adossé à l’un des cancéropôles, ainsi qu’à la promotion et au développement de la chimie verte et, plus largement, des technologies vertes.

C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir préciser, d’une part, le montant qui sera consacré à la recherche des causes environnementales dans le cadre du Plan cancer II et, d’autre part, la date prévue pour la mise en place de passerelles clairement identifiées entre les différents cancéropôles français et le Pôle national applicatif en toxicologie et écotoxicologie, récemment créé. Enfin, il est essentiel que le Gouvernement puisse traduire en actes les résultats des recherches scientifiques, et ce de façon beaucoup plus réactive.

Pour illustrer mon propos, je rappelle que les particules fines diffusées dans l’atmosphère par les moteurs automobiles diesels sont reconnues comme hautement cancérigènes. Les mesures fiscales incitant à l’achat de véhicules automobiles diesels, mises en place par le précédent gouvernement, représentent donc un danger pour la santé publique. Que comptez-vous faire pour y remédier ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez, d’une part, sur les moyens consacrés à la recherche scientifique relative aux causes environnementales du cancer et, d’autre part, sur l’existence de passerelles entre les centres de recherche.

Tout d’abord, je tiens à souligner que l’une des mesures phare du Plan cancer 2009-2013 concerne l’identification des risques liés à l’environnement général et professionnel.

En effet, 2,3 millions d’euros ont été directement consacrés en 2009 au financement de projets de recherche sur les risques environnementaux et comportementaux. D’ici à la fin du plan, 15 % de la recherche en cancérologie aura été consacrée à l’analyse des risques environnementaux et comportementaux.

Concernant l’existence de passerelles, je puis vous assurer, madame la sénatrice, que les différentes disciplines de recherche sont d’ores et déjà mobilisées, afin d’associer divers spécialistes sur certains types de cancer.

De même, la recherche compétitive en toxicologie, en génétique et épidémiologie moléculaire, ainsi qu’en recherche clinique interventionnelle, est réactivée via sept appels à projet de recherche portant sur les risques environnementaux et comportementaux et financés par l’Institut national du cancer, l’INCA, en 2009 et en 2010, à hauteur de 1,5 million d’euros.

Un appel à projet en écotoxicologie lancé par l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, sera également cofinancé par l’INCA à hauteur de 2 millions d’euros pour les projets en lien avec le cancer.

Concernant la coordination entre différents pôles de recherche relative aux causes environnementales, l’INCA et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, organiseront un colloque international sur les causes environnementales des cancers dans le courant de l’année 2011.

En 2010, les deux agences ont lancé un appel à projets conjoints, qui a permis la sélection de huit projets à hauteur de 1 million d’euros, en complément des cinq projets déjà soutenus par l’ANSES dans le cadre du Programme national de recherche en environnement-santé-travail.

Je tiens par ailleurs à rappeler que le Plan cancer s’articule avec le volet recherche du Plan national santé-environnement 2009-2013, qui vise notamment à renforcer la recherche sur les interactions entre la qualité des milieux environnementaux et la santé des populations, ainsi qu’à développer la recherche sur certaines pathologies en forte augmentation du fait de l’exposition des populations aux polluants environnementaux.

J’évoquerai enfin les instruments de recherche destinés à l’ensemble de la communauté scientifique travaillant sur ces sujets.

Trois cohortes, qui font partie des très grandes infrastructures de recherche, pilotées par l’Institut de recherche en santé publique, l’IRESP, et l’Institut thématique santé publique, sont soutenues financièrement par l’INCA et la Ligue nationale contre le cancer, pour un montant annuel de 3 millions d’euros.

En outre, l’INCA et les cancéropôles Nord-Ouest et Grand Sud-Ouest participent au financement de la cohorte AGRICAN. Celle-ci, composée de plus de 180 000 personnes, doit mettre en lumière les effets à long terme des pesticides.

Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, la recherche sur les causes environnementales du cancer tient une place importante au sein de ce plan national, et les moyens qui lui sont alloués nous permettront de mieux connaître ce type de risque et d’adapter nos politiques de lutte en fonction des données de la recherche dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui comporte de nombreux chiffres et renseignements, et que je relirai bien sûr avec attention.

J’insiste toutefois sur la difficulté à disposer, face au lobbying industriel, d’une expertise objective, ce qui me conduit à faire appel à votre vigilance. Au demeurant, sachez que je continuerai à suivre avec attention les évolutions du Plan cancer.

violences urbaines dans le 19e arrondissement de paris

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec, auteur de la question n° 1012, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Roger Madec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le droit à la tranquillité et le droit à la sécurité sont reconnus par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; leur non-respect constitue une inégalité sociale supplémentaire.

Des élus parisiens, bien que démunis de pouvoirs de police, mobilisent des moyens sans précédent pour soutenir les clubs de prévention, les structures de prise en charge sanitaire de la toxicomanie ou des systèmes innovants tels que les équipes de correspondants de nuit, dans un contexte de désengagement du Gouvernement dans les domaines sociaux et éducatifs.

J’ajoute que les élus parisiens sont engagés dans une démarche partenariale et constructive de coproduction avec les services de la préfecture de police, dans le cadre de la signature des contrats de sécurité d’arrondissement.

En tant qu’élu local, je mesure quotidiennement non seulement le dévouement de nos policiers, mais aussi les difficultés qu’ils rencontrent pour assurer pleinement leur mission. Je ne m’associe donc pas aux propos parfois irresponsables tenus à leur encontre. Je souhaite, en outre, rendre hommage au préfet de police Michel Gaudin, qui est un grand fonctionnaire.

Cependant, je ne peux m’empêcher de vous interpeller sur la politique de sécurité mise en place depuis huit ans.

L’abandon en 2002 de la police de proximité par le ministre de l’intérieur de l’époque – il occupe aujourd’hui les plus hautes fonctions de l’État –, confirmé par les gouvernements successifs depuis 2007, ainsi que la suppression programmée, mais discrète, de 5 000 postes de policiers d’ici à 2011 dans les arrondissements parisiens – il a été indiqué aux syndicats que les départs ne seront pas remplacés durant une année –, dans un contexte d’approfondissement de la crise économique et sociale du pays, se traduisent par une aggravation et une généralisation des atteintes à la tranquillité des habitants dans les espaces publics et privés, particulièrement dans les halls d’immeuble.

Ce phénomène est aussi aggravé par la multiplication du nombre de trafics de stupéfiants orchestrés, à la vue de tous, à l’intérieur des immeubles, qui accroît, auprès de nos concitoyens, un sentiment d’impunité.

Les commissariats locaux ont-ils réellement les moyens de combattre ce fléau, dès lors que les moyens importants se concentrent sur le démantèlement des gros trafics ?

Cette détérioration des effectifs est fortement ressentie sur le terrain, et les habitants considèrent à juste titre que la police n’est plus « à leurs côtés » et n’a pas les moyens nécessaires pour réagir au plus vite et se déplacer rapidement en cas d’infraction signalée.

Je me félicite de la progression du taux d’élucidation des crimes et délits par nos forces de police. Malheureusement, une telle réussite cache d’autres chiffres plus inquiétants.

Entre 2008 et 2009, les violences physiques crapuleuses ont augmenté de 17,5 % et les violences physiques non crapuleuses, de plus de 21% entre 2001 et 2009.

Plus grave, les menaces de violence et de chantage, quant à elles, ont enregistré une hausse de 157,08 % de 2001 à 2009.

Que dire de la délinquance de proximité, appellation moderne de l’ancienne « délinquance de voie publique », pour laquelle le Président de la République avait prédit, à la fin de l’année 2007, une baisse de 10 % ? Or, dans le 19arrondissement de Paris, aucune baisse significative n’est intervenue. Au contraire, nous observons une recrudescence inquiétante – de près de 16 % entre 2008 et 2009 – des infractions relatives aux atteintes volontaires à l’intégrité physique.

Ainsi le sentiment d’insécurité reste-t-il lourdement ancré dans le paysage social de l’Est parisien.

En conséquence, madame la secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir m’indiquer quels moyens supplémentaires visibles et concrets vous allez mettre en place afin que le droit à la sécurité et à la tranquillité publique soit assuré pour tous dans Paris.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Madec, je vous prie de bien vouloir excuser M. Brice Hortefeux, qui se trouve en ce moment même au conseil des ministres et qui m’a demandé de vous répondre.

Il apparaît toutefois que votre question originelle portait davantage sur les violences qui se sont déroulées dans le 19arrondissement de Paris au cours de la fête nationale.

Comme les années précédentes, la préfecture de police a mis en place un dispositif renforcé de sécurisation et de surveillance de la voie publique durant les deux jours traditionnellement sensibles des 13 et 14 juillet.

Dans le 19e arrondissement, comme dans les arrondissements voisins, la présence policière des effectifs locaux sur la voie publique a été renforcée par des unités départementales et des effectifs de forces mobiles, à hauteur d’une demi-compagnie de CRS. Leur déploiement a été optimisé afin d’assurer une forte visibilité des effectifs en tenue et de procéder à des arrestations en flagrant délit, par des policiers en civil. Douze équipages de la BAC, la brigade anti-criminalité, civile ont ainsi été engagés.

Des mesures spécifiques ont été prises pour lutter contre les phénomènes potentiels de violences urbaines, tels que des incendies de véhicules ou de containers ou des jets de projectiles.

Durant les deux nuits, les effectifs territoriaux ont été spécialement dédiés à des missions de sécurisation générale et de surveillance des festivités locales. La sécurisation des zones sensibles a été assurée par des effectifs en civil pour procéder au contrôle et à l’arrestation de tout individu au comportement suspect et susceptible de commettre une infraction.

Les compagnies de sécurisation et d’intervention de Paris, les CSI 75, les forces mobiles et les unités de la BAC 75 N ont été fortement mobilisées dans les quartiers sensibles du 19e arrondissement, notamment les quartiers Danube-Solidarité, Curial-Cambrai et Orgues de Flandre. Six sections de la CSI 75, soit 18 équipages, ont été mises à disposition, ainsi que quatre équipages motocyclistes. En outre, une demi-compagnie de CRS a été positionnée place du Général Cochet, en réserve d’intervention et sécurisation.

Ces moyens importants ont permis de faire cesser très rapidement les troubles qui ont pu être constatés au cours de ces festivités et d’interpeller leurs auteurs pour les mettre à la disposition de la justice.

Ainsi, dans la nuit du 13 juillet, les effectifs de la CSI 75 ont arrêté cinq individus qui avaient dressé des barricades dans la cité Curial-Cambrai et qui étaient en possession de bouteilles en verre, d’engins incendiaires et de pétards de forte puissance. Ils ont été immédiatement placés en garde à vue.

L’incident majeur a été l’incendie qui s’est déclaré à la fin du bal dans l’enceinte de la caserne des pompiers de la place de Bitche, à la suite de jets de pétards et de feux d’artifices.

Aucun autre incident grave n’a été porté à la connaissance des services.

Au total, une vingtaine d’interpellations ont été réalisées durant les deux nuits sur le 19e arrondissement, entraînant toutes des placements en garde à vue, notamment pour violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique et jets de projectiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Avec tout le respect que je vous dois, madame la secrétaire d’État, vous n’avez pas compétence pour me répondre, même si tous les membres d’un gouvernement sont engagés par les décisions gouvernementales.

Par conséquent, je regrette que le ministre de l’intérieur ne soit pas là, d’autant que d’autres ministres seront présents tout à l’heure pour répondre aux questions de mes collègues. La situation – je suis désolé de le dire – est donc quelque peu inconvenante.

Madame la secrétaire d’État, ma question ne portait pas uniquement sur les incidents du 14 juillet, qui constituent un épiphénomène concentré sur deux jours. Sur le fond, je constate que vous ne m’avez apporté aucune réponse, ce qui me laisse sur ma faim.

Pour faire face à la suppression de postes, les forces de police, à Paris comme dans d’autres métropoles urbaines, gèrent la pénurie, en donnant le meilleur d’elles-mêmes.

Je le répète, il est fort dommage que la police de proximité mise en place par un ancien ministre de l’intérieur qui siège aujourd’hui dans notre assemblée ait été démantelée, sans qu’aucune solution concrète ait été apportée par la suite.

application aux élections sénatorales des dispositions relatives au financement des campagnes électorales

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 1052, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la présidente, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, la révision de la législation sur le financement des campagnes électorales et son extension aux élections sénatoriales ont été évoquées à plusieurs reprises.

La question a en particulier été soulevée par le groupe de travail présidé par M. Pierre Mazeaud et mis en place par le président de l’Assemblée nationale – l’Assemblée nationale adore s’occuper de nous ! – qui plaidait pour l’extension de la loi aux campagnes électorales sénatoriales, mais la modestie des dépenses engagées dans ce cadre ne rend pas particulièrement urgente une telle réforme. En outre, celle-ci impliquerait le remboursement des dépenses afférentes et aurait donc un coût.

Il faut néanmoins rappeler que les règles générales prévues par le code électoral en matière de dépenses électorales s’appliquent à l’élection sénatoriale.

À cet égard, subsiste une incertitude juridique quant à la portée dans le temps de la notion de « dépenses électorales ».

La législation prévoit en effet que constitue une dépense électorale une dépense engagée dans l’année précédant l’élection. Il s’agit là d’une norme générale, s’appliquant à toutes les élections. Or, en l’absence de textes interprétatifs de cette notion pour l’élection des sénateurs, il est arrivé, semble-t-il, que le ministère de l’intérieur retienne la période couvrant toutes les dépenses engagées pendant la durée du mandat.

Cette question n’est pas innocente, d’autant qu’elle pourrait se poser, de la même manière, pour les cantons de moins de 9 000 habitants – l’établissement de comptes de campagne n’est pas prévu dans ce cas – et pour toutes les communes qui ne sont pas concernées par le remboursement des frais de campagne. Cela va donc bien au-delà des élections sénatoriales.

Madame le secrétaire d’État, pourriez-vous donc m’apporter une réponse claire permettant de lever cette incertitude juridique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, je vais vous livrer la réponse de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur cette question relative à l’application aux élections sénatoriales des dispositions relatives au financement des campagnes électorales.

Il convient tout d’abord de rappeler que, aux termes de l’article L.308-1 du code électoral, les seules dispositions qui s’appliquent aux candidats aux élections sénatoriales sont celles des deuxième et cinquième alinéas de l’article L.52-8 du même code, prohibant le financement des campagnes par les personnes morales ou les États étrangers.

Je tiens toutefois à vous préciser que, lorsque l’article L.52-4 du code électoral s’applique – ce n’est actuellement pas le cas pour les élections sénatoriales –, la notion de « dépense électorale » s’apprécie bien pour la seule année précédant le mois de l’élection, et non pas pour l’ensemble de la durée du mandat.

Au-delà de ce point précis, l’extension de la loi relative au financement des campagnes électorales aux élections sénatoriales a effectivement été proposée par le groupe de travail présidé par Pierre Mazeaud dans son rapport rendu en 2009.

Je sais par ailleurs qu’un groupe de travail a été constitué, au sein de la commission des lois que vous présidez, afin de réfléchir aux différentes modifications qu’il conviendrait d’apporter à notre législation électorale.

Le Gouvernement est tout à fait ouvert à une réflexion sur ce sujet. En tout état de cause, il appartiendra au Sénat de se prononcer, le moment venu, sur ce sujet, qui touche aux modalités même d’élection de ses membres.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Je vous remercie de cette réponse, madame le secrétaire d’État, même si, bien entendu, ce n’est pas tout à fait celle que j’attendais. Vous nous dites en effet que nous ne sommes pas vraiment visés par ces dispositions, mais que, dans tous les cas, la période prise en compte est d’un an avant le mois de l’élection.

Il est vrai que nous travaillons actuellement, d’ailleurs en collaboration avec le ministère de l’intérieur, sur des évolutions possibles du dispositif. Mais je pense qu’il est important que nos collègues dont les sièges seront renouvelés en septembre prochain disposent d’une certaine sécurité juridique s’agissant des dépenses qu’ils pourraient engager à cet effet.

J’attire de nouveau votre attention, madame le secrétaire d’État, sur le fait que cette question ne se limite pas aux seules élections sénatoriales, mais peut aussi concerner les cantons de moins de 9 000 habitants et les communes qui ne sont pas soumises aux obligations existantes en matière de comptes de campagne.

Il faudrait donc, me semble-t-il, que la règle générale tendant à comptabiliser les dépenses électorales sur une période d’un an précédant les élections – et pas plus – soit bien précisée dans les textes de loi.

pérennisation de la fondation pour les œuvres de l'islam de france

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, auteur de la question n° 1055, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame le secrétaire d’État, je veux attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur une question difficile, mais importante : la pérennisation de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France.

Ce projet a vu le jour dès 1999, dans le but de permettre à nos concitoyens de confession musulmane de pratiquer leur culte à l’égal des personnes qui se réclament de l’une des trois autres religions traditionnelles.

Alors ministre de l’intérieur, je citais volontiers l’historien Maurice Agulhon : s’il y a place pour trois, il doit y avoir place pour quatre à la table de la République. J’ai lancé à cette époque une consultation, une istichara, qui a abouti à la création du Conseil français du culte musulman – le CFCM – par M. Nicolas Sarkozy, mon successeur au ministère de l’intérieur.

Le projet de fondation dans le but d’améliorer les conditions d’exercice du culte des musulmans français a été « institutionnalisé » au travers de la création, le 31 mai 2005, de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France.

Cette institution est chargée de trois missions, dont la principale est la construction et la gestion des lieux de culte, en accord avec les maires des communes concernées, qui, souvent, mettent à disposition des terrains sous le régime de baux emphytéotiques.

Forte de sa reconnaissance en Conseil d’État, de la caution de l’administration par sa présence au sein du conseil d’administration, de l’engagement de la Caisse des dépôts et consignations, du dépôt d’une somme non négligeable - un million d’euros allouée en vue de son financement par une entreprise française ; d’autres entreprises opérant à l’étranger, notamment dans des pays musulmans, étaient également conviées à contribuer à son action –, forte donc de tous ces avantages tout à fait spécifiques auxquels venait s’ajouter l’accord, dans un premier temps, de toutes les parties musulmanes, cette fondation disposait initialement d’atouts considérables.

Que s’est-il passé ?

Des difficultés ont surgi – je ne l’ignore pas – au sein de son conseil d’administration et la collecte de fonds supplémentaires, par rapport à la dotation originelle de un million d’euros, s’est trouvée interrompue.

Ces dysfonctionnements tiennent d’abord à la composition du conseil d’administration, liée aux équilibres difficiles à trouver, au sein du CFCM, entre les trois fédérations principales de l’islam de France : l’Union des organisations islamiques de France – l’UOIF –, la Fédération nationale des musulmans de France – la FNMF – et la Fédération nationale de la Grande Mosquée de Paris – la FNGMP.

Chacune a effectivement son propre dispositif de financement et c’est là, madame le secrétaire d’État, la question qui se pose : va-t-on s’accommoder d’un système dans lequel chacun dispose de ses propres réseaux, de ses propres relais, de ses propres donateurs ?

Selon moi, il appartient à l’État républicain de faire en sorte que les financements que les uns et les autres peuvent obtenir, de l’Algérie, de l’Arabie Saoudite, du Maroc, de tel ou tel autre pays du Golfe, puissent transiter par le canal de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, de façon que l’argent collecté soit mis en commun.

C’est un test, madame le secrétaire d’État, pour ce que l’on appelle l’islam de France, et non pas l’islam en France !

L’islam de France ne peut se résumer à la juxtaposition de réseaux plus ou moins financés par des pays étrangers. L’État a son mot à dire sur cette question. J’ajoute que l’objectif doit rester de mettre à contribution les entreprises françaises.

Une politique cohérente doit donc être élaborée, tenant compte des besoins des musulmans de France et faisant naturellement une juste place aux différentes sensibilités de l’islam. Ils peuvent s’entendre ! Ce sont des hommes et, en plus, comme je leur ai déjà dit, ce sont des musulmans.

C’est à l’État de faire en sorte que ces équilibres puissent être trouvés et, s’il saisit l’opinion, il aura l’appui de la majorité des musulmans.

Je souhaite donc que vous m’indiquiez, madame le secrétaire d’État, les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour assurer la pérennité de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France.

Je vous demande aussi de m’indiquer le montant des fonds dont elle dispose actuellement à la Caisse des dépôts et consignations.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, que vous avez interrogé sur la Fondation pour les œuvres de l’islam de France. Voici la réponse qu’il m’a demandé de vous faire.

Permettez-moi, tout d’abord, de souligner que le Conseil français du culte musulman est progressivement devenu l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics pour toutes les questions relatives à l’exercice du culte musulman sur le territoire français.

En tout juste sept ans d’existence, le CFCM et les vingt-cinq conseils régionaux du culte musulman sont devenus le visage et la voix des quelque cinq millions de personnes dans notre pays qui, dans leur unité comme dans leur diversité, se reconnaissent dans la religion musulmane ou s’en sentent proches.

La légitimité du CFCM s’est d’ailleurs renforcée à la faveur des scrutins de 2005 et 2008 et de l’action déterminée du recteur Dalil Boubakeur, qui a été le premier à présider aux destinées de cette institution, et de son successeur depuis juin 2008, le professeur Mohammed Moussaoui.

Fort de cette représentativité et de cette légitimité, aujourd’hui incontestables, le CFCM entretient désormais avec l’État, à l’instar des autres instances représentatives des cultes, un dialogue régulier sur des sujets aussi importants que la lutte contre les actes à caractère raciste, la police des funérailles et les carrés confessionnels, l’abattage rituel, le pèlerinage à La Mecque ou la formation des aumôniers et des cadres religieux musulmans.

Vous vous interrogez, par ailleurs, sur le rôle joué par la Fondation pour les œuvres de l’islam de France.

Créée par un décret en Conseil d’État du 31 mai 2005, elle a vocation, comme l’indiquent ses statuts, à faciliter la construction et la gestion des lieux de culte, en lien avec les maires et les communes concernés. Elle s’est dotée d’instances décisionnelles en octobre 2007, voilà donc trois ans.

Comme pour toutes les fondations reconnues d’utilité publique, l’État siège à son conseil d’administration. Son représentant ne dispose toutefois d’aucun droit de vote et émet simplement, en tant que commissaire du Gouvernement, des avis juridiques sur le fonctionnement général de la fondation et les projets qu’elle est amenée à soutenir.

Ainsi, il n’appartient pas aux pouvoirs publics de se substituer aux fédérations musulmanes composant le conseil d’administration de la Fondation pour les œuvres de l’islam de France, qu’il s’agisse, par exemple, de décider de la collecte des ressources de l’institution ou de déterminer des projets de construction de lieux de culte.

Force est de constater que, ces dernières années, les fédérations n’ont pas estimé que la Fondation devait être le vecteur privilégié de leur action. Nous en prenons acte : c’est aux musulmans de France eux-mêmes qu’il revient de choisir s’ils souhaitent, ou non, utiliser cet outil.

Les services de l’État n’en restent pas moins, naturellement, très attentifs et soucieux d’entretenir un dialogue régulier et approfondi avec les responsables des structures représentatives de l’islam de France. C’est dans le cadre de ce dialogue qu’ont vocation à être évoquées toutes les questions intéressant le culte musulman.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Madame le secrétaire d’État, la réponse de M. Brice Hortefeux ne me convient pas : elle marque que l’État renonce à faire en sorte que l’islam de France se constitue conformément aux principes qui ont été posés dès l’origine, par une déclaration signée de tous les représentants de toutes les sensibilités de cet islam de France.

Le but à atteindre est évidemment, non seulement de faciliter la construction de mosquées, mais aussi d’éviter l’intrusion de politiques étrangères qui peuvent chercher à influencer, par ce biais, telle ou telle fraction de la communauté des musulmans de France.

Il était tout de même possible, par un dialogue de conviction, de conduire les différentes sensibilités de l’islam de France à admettre le principe d’un transit commun des fonds qu’elles reçoivent, à charge pour elles, ensuite, de redistribuer ces fonds d’une manière équitable entre elles.

Si j’ai bien compris la réponse de M. Brice Hortefeux, celui-ci se contente de l’existence du CFCM et n’applique pas les règles de clarté qui auraient dû aller de pair avec la création de la Fondation.

Je le regrette, je le regrette pour la République, pour les musulmans de France et pour le concept même d’un islam de France !

discrimination salariale au détriment des travailleurs frontaliers

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la question n° 1034, adressée à M. le ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur la situation des travailleurs frontaliers exerçant en Suisse, et plus particulièrement sur les différences de traitement pratiquées entre salariés de nationalité suisse et frontaliers.

Monsieur le ministre, de nombreux travailleurs alsaciens exerçant une activité salariée en Suisse ont pris l’habitude d’y être traités différemment des employés de nationalité suisse. Travailler en Suisse est avantageux en termes de rémunération, mais il n’en demeure pas moins fréquent de constater que, pour le même travail, les salariés alsaciens sont moins rémunérés que leurs collègues de nationalité suisse.

Si certaines différences de traitement sont dues à la non-reconnaissance de diplômes et de savoir-faire français, des entreprises suisses ont même franchi un cran supplémentaire dans la discrimination, en fondant celle-ci sur la santé du franc suisse par rapport à l’euro. C’est ainsi que, en septembre dernier, les salariés frontaliers de l’entreprise Stöcklin ont dû consentir à une diminution de 6 % de leur salaire. Sont concernés par cette baisse uniquement les 120 travailleurs frontaliers sur les 350 que compte l’entreprise.

Outre la chute d’activité liée à la crise, l’entreprise argue, pour justifier cette mesure et pour ne viser que les travailleurs frontaliers, de la santé du franc suisse par rapport à l’euro. Le cours de la monnaie helvétique compenserait alors la perte de salaire des travailleurs frontaliers par une hausse de leur pouvoir d’achat.

Parmi les frontaliers, 24 ont refusé cette mesure à cause de son caractère discriminatoire, et ont été licenciés.

Il est choquant et inadmissible qu’il soit demandé aux seuls travailleurs frontaliers de fournir des efforts et de consentir, sous la menace d’un licenciement, à des baisses de salaire.

Cela est tout à fait contraire aux accords de libre circulation conclus entre la Suisse et l’Union européenne, accords censés garantir aux ressortissants suisses et européens une égalité de traitement en ce qui concerne l’accès à l’emploi, les conditions de travail et tous les autres avantages pouvant contribuer à faciliter l’intégration des travailleurs dans le pays d’accueil.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si le Gouvernement compte rappeler à la Suisse ses obligations dans le cadre des accords bilatéraux passés avec l’Union, et obtenir ainsi des autorités suisses la condamnation de ce genre de politiques salariales ?

Plus précisément, dans le cadre de la collaboration franco-suisse, le Gouvernement envisage-t-il, pour déceler ces pratiques hautement discriminatoires et y mettre fin, de demander à la Confédération helvétique de mettre en œuvre les mesures d’accompagnement à la libre circulation prévues en marge des accords bilatéraux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Wauquiez, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Madame le sénateur, je suis très heureux de vous répondre, puisque nous avons souvent travaillé ensemble sur différents sujets liés notamment aux affaires sociales et à l’emploi.

Vous m’interrogez aujourd’hui sur la coopération transfrontalière, qui est très importante pour la France. Chaque année en effet, ce sont près de 10 millions de travailleurs français qui sont concernés par ces problématiques transfrontalières, avec la Suisse, mais aussi, principalement, avec l’Allemagne, le Luxembourg ou la Belgique.

Vous le savez, le rapport remis en juin dernier par le député Étienne Blanc, la sénatrice Fabienne Keller et la députée européenne Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, dresse un constat édifiant sur l’importance du nombre des travailleurs transfrontaliers, mais aussi sur les difficultés auxquelles ils se heurtent.

Dans ce contexte, madame le sénateur, vous avez plus particulièrement appelé mon attention sur la situation en Suisse, notamment sur le cas très révélateur d’une entreprise suisse qui a décidé de son propre chef de faire varier les salaires des travailleurs frontaliers français, en considérant que l’évolution du taux de change entre l’euro et le franc suisse leur était devenue très favorable.

Le Gouvernement fait preuve de la plus grande vigilance sur ce sujet, afin de s’assurer que la Suisse remplit tout simplement, ni plus ni moins, les obligations qui sont les siennes, notamment celles qui résultent de l’accord conclu avec l’Union européenne sur la libre circulation des personnes.

D’après les informations que j’ai pu recueillir, il s’agirait d’un cas isolé, et le gouvernement suisse nous a réaffirmé sa détermination à veiller à ce qu’il ne se reproduise pas.

Dans l’immédiat, en ce qui concerne les salariés de cette entreprise, le mieux est de leur recommander de saisir rapidement les tribunaux compétents afin de contester les réductions salariales. Ils peuvent également engager une action judiciaire pour discrimination, sur la base de l’accord sur la libre circulation des personnes.

Par ailleurs, nous avons saisi la Commission tripartite cantonale de Bâle-Campagne, qui regroupe des représentants des salariés, des employeurs et des autorités cantonales, afin qu’elle procède à un examen de ce dossier.

Madame le sénateur, vous le voyez, le Gouvernement suit avec attention ce dossier, qui est certes isolé, mais qui témoigne de manière exemplaire des difficultés auxquelles nos travailleurs transfrontaliers peuvent se heurter.

Ce n’est notre conception ni de l’Europe ni des relations avec la Suisse !

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Je remercie M. le ministre de sa réponse, et lui sais gré d’avoir déjà engagé des actions.

Je serai vigilante, car certains de ces travailleurs frontaliers ont tout de même subi une diminution de leur salaire de 6 %. En outre, ces salariés sont pénalisés par les horaires de travail – ce sont non pas les 35 heures, mais les 40 ou les 42 heures ! –, n’ont que quatre semaines de vacances par an, et un niveau de protection sociale différent.

Cela étant, nous sommes très heureux que ces Français puissent travailler en Suisse, puisque, vous le savez parfaitement, nous avons des zones sinistrées en Alsace. Il ne faudrait pas que les salariés soient doublement pénalisés.

Monsieur le ministre, je pense que nous nous reverrons ultérieurement pour faire le point sur cette question.

incertitudes persistantes concernant l'avenir du centre de vallon-pont-d'arc du creps paca

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 1058, adressée à Mme la ministre des sports.

M. Michel Teston. Madame la ministre, le cinquantième anniversaire du centre de Vallon-Pont-d’Arc du CREPS Provence-Alpes-Côte d’Azur a été célébré le 1er octobre 2010. À cette occasion, Mme Yade, alors secrétaire d’État chargée des sports, avait transmis à M. le préfet de l’Ardèche un message dans lequel elle soulignait le renforcement dans ses missions, comme dans ses moyens, de l’établissement ardéchois du ministère des sports, Pôle ressources national sports de nature.

Pour confirmer cette volonté de renforcement, elle mettait notamment en exergue « l’effort en moyens humains » réalisé par le ministère avec l’affectation à cet établissement d’un nouvel emploi de professeur depuis le 1er septembre. Or j’ai récemment été informé qu’un professeur doit partir à la retraite le mois prochain, et que, pour l’instant, il n’est pas remplacé. L’effort aura donc été bref...

Mme Yade évoquait aussi la réalisation d’investissements d’amélioration ou de mise en sécurité des installations, sans toutefois en préciser le contenu ni le calendrier.

Des incertitudes importantes demeurent donc quant à la réelle mise en œuvre des moyens tant humains que matériels qui sont indispensables au développement du centre de plein air de Vallon-Pont-d’Arc.

Par ailleurs, la « gouvernance » de l’établissement, à la suite de son rattachement à un CREPS situé hors de sa région administrative, reste problématique, alors qu’aucune garantie n’a été apportée, notamment quant à la possibilité de double gouvernance régionale du CREPS PACA ou encore à la mise en place de services à comptabilité distincte.

Lors de l’entretien qu’elle m’avait accordé le 8 avril dernier, Mme Yade m’avait fait part de ses intentions de réaliser un programme pluriannuel d’investissements liés aux missions confiées au centre de Vallon-Pont-d’Arc et de proposer une concertation réunissant les acteurs concernés et des élus du territoire.

Ces intentions, réaffirmées dans son message du 1er octobre, seraient susceptibles, si vous étiez en mesure de les confirmer et d’en préciser la matérialisation prochaine, madame la ministre, d’apaiser les inquiétudes persistantes des personnels comme des élus du territoire.

Je souhaite donc, madame la ministre, que vous m’indiquiez précisément quels sont les investissements immobiliers envisagés ainsi que le calendrier prévisionnel de leur réalisation.

Je vous demande aussi de m’assurer que la table ronde prévue au sujet, notamment, de la gouvernance de cet établissement pourra être organisée dans un délai raisonnable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Chantal Jouanno, ministre des sports. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, le centre de Vallon-Pont-d’Arc fait partie du patrimoine et de l’histoire du ministère des sports.

Si les sports de nature connaissent aujourd’hui un tel succès dans notre pays, c’est en partie parce que ce centre de Vallon-Pont-d’Arc et quelques autres institutions comme l’École nationale de ski et d’alpinisme, l’ENSA, l’École nationale de voile et des sports nautiques, l’ENV, et l’Union nationale des centres sportifs de plein air, l’UCPA, les ont légitimés et ont formé les éducateurs pour les enseigner et encadrer ceux qui les pratiquent.

Avec le Pôle ressources national sports de nature implanté sur son site, il fournit aux cadres des services territoriaux de l’État les savoirs et les méthodes qui leur permettent d’apporter un concours aux départements chargés de l’élaboration des plans départementaux des espaces.

Le réseau ainsi constitué des correspondants des sports de nature est l’une des explications du développement harmonieux de ces sports, respectueux de l’environnement et des autres usages. Les conflits rencontrés sont souvent réglés avec l’aide de fonctionnaires qui sont capables de porter un jugement équilibré sur les intérêts en présence.

C’est pourquoi, dans le contexte du rattachement du centre de Vallon-Pont-d’Arc au CREPS PACA le 1er septembre dernier, comme vous l’avez rappelé, le ministère des sports a tenu à renforcer ses moyens pour assurer la continuité de ses missions.

Ses moyens humains ont récemment été renforcés avec un poste supplémentaire de professeur de sport – le départ à la retraite sera bien remplacé – et la prise en charge sur le budget du ministère du financement d’un poste de chargé de mission au Pôle ressources national, qui était auparavant imputé sur le budget de l’établissement.

Des travaux d’amélioration et de sécurisation du parcours d’eaux vives, à hauteur de 130 000 euros, sont en cours, ainsi que des travaux de mise en sécurité des installations. Ils sont assurés par le budget de l’État sur l’exercice 2010.

Au-delà des chantiers en cours, une réflexion de fond doit être engagée sur l’ampleur et la nature de la rénovation des installations d’hébergement. Il faut en effet prendre en compte les besoins actuels de l’établissement, mais aussi les activités que ce site pourrait développer sur la proposition des différents partenaires du centre.

C’est pourquoi le préfet de l’Ardèche a reçu mission d’organiser une concertation sur ce sujet avec tous les acteurs concernés et les élus. La première réunion se tiendra le jeudi 16 décembre avec les collectivités locales, en présence des représentants des services régionaux et départementaux de l’État et de la direction du CREPS.

Cette concertation sera complétée par les conclusions de la mission d’analyse que le directeur du CREPS de PACA remettra à la fin de l’année. Elles pourront nourrir la réflexion des parlementaires qui sont attachés à développer les missions du centre de Vallon-Pont-d’Arc.

Le plan d’investissement, élaboré dans la concertation, pourra ainsi être présenté au début de l’année 2011.

Vallon-Pont-d’Arc, vous le rappeliez, monsieur le sénateur, a fêté le 1er octobre son cinquantième anniversaire. Pourtant, la mission dont il était investi dès l’origine, l’éducation et la sensibilisation à la découverte de la nature par l’activité physique, est d’actualité ; je dirai même qu’elle est une mission du futur.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Je prends acte des réponses apportées par Mme la ministre, notamment de celles qui ont trait à la tenue d’une table ronde, qui débutera le 16 décembre prochain avec les principaux acteurs concernés et les élus.

Cette table ronde me paraît nécessaire pour deux raisons.

La première, c’est qu’il est important de permettre à tous les acteurs concernés de pouvoir disposer du même niveau d’information au sujet des moyens humains, matériels et financiers que le ministère est disposé à engager sur ce centre.

La seconde raison, c’est qu’il me paraît nécessaire de pouvoir régler, ou du moins pointer un certain nombre de difficultés à la suite du rattachement du centre de Vallon-Pont-d’Arc à un CREPS qui est situé dans une région administrative différente.

À cet égard, pourquoi ne pas faire de Vallon-Pont-d’Arc un centre national des sports de nature ? Pourquoi ne pas lui donner la dénomination de « CREPS PACA Rhône-Alpes » ou de « CREPS Grand Sud-Est » ?

Bien sûr, au-delà des mots et des intentions affichées, ce qui importe, c’est que le ministère donne des garanties afin que ce centre puisse exercer pleinement ses missions, qui sont essentielles, vous l’avez rappelé, madame la ministre, et doivent, à notre sens, être maintenues, protégées et développées sur ce site.

problèmes posés aux artisans du fait du régime des auto-entrepreneurs

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 975 à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’un des objectifs affichés dans le cadre de la création du statut de l’auto-entrepreneur était la lutte contre le fléau du travail illégal.

Or les résultats sont contraires à ces annonces. Le régime des auto-entrepreneurs a cassé un système qui donnait satisfaction aux artisans comme aux clients. Ainsi, 80 000 artisans de ce pays, dont la seule ambition était de continuer à travailler dans leur secteur, avec la passion qu’on leur connaît, ont cessé leur activité.

Monsieur le ministre, vous dégradez les conditions d’exécution des chantiers en ne faisant pas respecter les mêmes règles selon que l’on est artisan ou auto-entrepreneur. Cette concurrence déloyale repose sur un régime fiscal et social préférentiel, une absence de contrôle des qualifications ainsi que des garanties réduites ou inexistantes pour les clients.

L’année dernière, en France, le nombre de procès-verbaux dressés pour travail illégal a bondi de 27 %. Une enquête menée par l’URSSAF de la Haute-Vienne chez les auto-entrepreneurs révèle que ce statut ne protège en rien contre de telles dérives. Près d’un dossier sur deux révèle des anomalies, dont plus de 12 % portent sur la dissimulation du chiffre d’affaires.

Le président de l’URSSAF de ce département va jusqu’à dire, dans un article paru en septembre dans la presse locale, que « ce nouveau statut ressemble fort à une légalisation du travail illégal et à la promotion de la concurrence déloyale ».

M. Novelli, alors secrétaire d’État, considérait qu’il avait dopé la création d’entreprises avec ce nouveau statut. Une telle affirmation ressemble fort à un mensonge par omission puisque, après sept années de hausse, l’INSEE nous a informés que le rythme des créations d’entreprises ne relevant pas du régime de l’auto-entreprise a ralenti de 21,5 % entre 2008 et 2009. En région Centre, les créations d’entreprises employant des salariés ont chuté de près de 30 % entre 2009 et 2008. On est bien obligé de s’interroger !

Monsieur le ministre, les artisans que j’ai rencontrés sont très en colère. Ils ne comprennent pas que vous fassiez le choix de la dérégulation, alors qu’ils sont attachés au travail bien fait et fondé sur des règles qui privilégient l’intérêt de leurs clients.

En outre, 51 % des auto-entrepreneurs n’ont aucune activité et 15 % ont déclaré moins de 1 000 euros par an. Sans chiffre d’affaires et donc sans cotisation, aucun droit à une pension vieillesse ne pourra être ouvert. C’est inacceptable !

L’auto-entrepreneuriat est souvent une forme de salariat déguisé, puisque des entreprises vont jusqu’à faire démissionner des salariés pour les « recycler » dans ce nouveau statut. C’est une nouvelle catégorie de travailleurs « auto-exploités », sans garanties, sans droits et sans protection, qui a ainsi été créée, et qui tire vers le bas l’ensemble du secteur de la petite entreprise.

Les artisans, activités de services ou commerçants souffrent de la création du statut d’auto-entrepreneur.

Je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin de mettre sur un pied d’égalité artisans et auto-entrepreneurs, dans l’intérêt de chacun d’entre eux, en respectant les règles et les valeurs qui président à l’artisanat.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique. Madame la sénatrice, je tiens à excuser Frédéric Lefebvre, empêché, qui m’a demandé de vous donner la réponse suivante.

Le régime de l’auto-entrepreneur a révélé le profond désir d’entreprendre des Français : on a dénombré 322 000 inscriptions en 2009 et près de 600 000 en 2010, à ce jour. Ce régime attire d’ailleurs les artisans, puisque, dans ce secteur, 60 % des créations d’entreprises sont faites sous le régime de l’auto-entrepreneur.

Ce dernier n’a pas vocation à remplacer les statuts classiques des entreprises, mais il vise à faciliter l’exercice d’activités générant un chiffre d’affaires limité. Lorsque l’activité produit un chiffre d’affaires supérieur aux seuils, les auto-entrepreneurs deviennent des entrepreneurs individuels soumis aux règles communes, ou bien ils créent leur société.

Le régime de l’auto-entrepreneur ne suscite aucune concurrence déloyale en termes d’exigence de qualification ou d’assurance obligatoire.

Les règles de qualification des auto-entrepreneurs sont, sans aucune dispense, identiques à celles des autres artisans. Il est exact que l’obligation de qualification n’était jusqu’à présent pas contrôlée lors de la création, mais ne faisait l’objet que de contrôles inopinés intervenant durant la vie de l’entreprise. Le Gouvernement a corrigé cette situation par un décret publié le 12 mars 2010, et applicable depuis le 1er avril. Désormais, tous les artisans et les auto-entrepreneurs souhaitant créer leur activité doivent, au préalable, attester leur qualification.

Depuis le 1er avril dernier, les auto-entrepreneurs exerçant à titre principal sont tenus de s’immatriculer au répertoire des métiers, auprès de la chambre des métiers et de l’artisanat, comme les autres artisans. La dispense d’affiliation consulaire dont bénéficient les auto-entrepreneurs ne vaut qu’en cas d’activité exercée à titre complémentaire. Cette dispense d’affiliation ne les exonère pas de la déclaration au centre de formalités des entreprises.

L’auto-entrepreneur est une entreprise comme une autre et doit respecter les règles de l’exercice de son activité. Celle-ci est soumise à la réglementation applicable à tous les professionnels du secteur, en termes de formation et de qualification professionnelle préalable, d’application des normes techniques, d’hygiène et de sécurité, de déclaration et d’emploi des salariés, d’assurance et de responsabilité ou encore de facturation à la clientèle.

La limitation du chiffre d’affaires des auto-entrepreneurs est une caractéristique intrinsèque du régime. Elle leur permet de disposer d’un environnement administratif particulièrement simplifié, notamment pour l’exercice d’activités complémentaires ou pour le démarrage d’une activité.

Les auto-entrepreneurs bénéficient d’une couverture sociale semblable à celle des autres entrepreneurs individuels, tout particulièrement en matière de maladie et de maternité. Au-delà d’un montant minimum – fixé à 200 fois le SMIC horaire – nécessaire pour éviter qu’une façade d’activité ne génère indûment des droits à la retraite, l’activité d’auto-entrepreneur permet de valider des droits à la retraite dans des conditions tout à fait équivalentes à celles de l’ensemble des travailleurs indépendants.

Le régime de l’auto-entrepreneur arrive désormais en phase de maturité. Mon collègue Frédéric Lefebvre devrait prochainement faire des propositions pour clarifier le fonctionnement du régime, en termes d’obligations déclaratives ou d’accès à la formation professionnelle.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Je souhaiterais pour ma part que, loin de se contenter de recenser le nombre d’inscrits entre 2009 et 2010, on puisse savoir précisément ce que sont devenus tous ces auto-entrepreneurs, ce qui nous permettrait d’avoir une analyse plus fine de la situation.

Les représentants des organisations professionnelles de mon département de l’artisanat que j’ai rencontrés sont unanimes à souligner le décalage qui existe entre le bilan présenté par le Gouvernement et la réalité. Je souhaiterais donc que le bilan soit plus partagé par les professionnels.

Vous avez précisé, monsieur le ministre, que les auto-entrepreneurs doivent désormais présenter un diplôme attestant leur qualification lors de la création de leur activité. Mais j’aimerais bien savoir en pratique comment cette exigence est vérifiée et quels sont les moyens à disposition pour ce faire.

Par ailleurs, les conditions d’exercice des artisans et des auto-entrepreneurs n’étant pas équivalentes, de quelles garanties, de quelle sécurité disposent les clients des auto-entrepreneurs ? Pourtant, comme je l’ai déjà souligné, ces derniers ont bien souvent besoin de la garantie décennale.

De surcroît, l’obligation de formation à la gestion n’est toujours pas mise en œuvre pour le moment.

Ce statut continue donc de susciter de nombreuses interrogations de notre part, d’autant qu’aucune amélioration de la situation de l’auto-entrepreneur ne semble se profiler à l’horizon.

Au final, l’auto-entrepreneur se trouve bien souvent dans la situation d’un ouvrier peu qualifié à qui l’on demande, aujourd’hui, de prendre des responsabilités, mais qui risque, demain, de payer lourdement le fait de ne pas avoir été déclaré dans les mêmes conditions qu’un salarié en activité dans son entreprise.

remboursement des frais d'expédition et de réexpédition de biens achetés par correspondance

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 979, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, la séance des questions du mardi matin ayant été annulée à deux reprises, j’ai dû patienter plusieurs semaines avant de pouvoir poser cette question, qui intéresse tous les consommateurs. Je me réjouis donc de pouvoir vous la poser aujourd’hui et je vous remercie par avance de votre réponse.

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 15 avril 2010 un arrêt sur les frais d’expédition en cas de retour d’un objet commandé par correspondance.

Cet arrêt intéresse tous les consommateurs français qui, depuis la loi du 26 juillet 2005, disposent d’un délai de sept jours francs pour exercer leur droit de rétractation, sans avoir à justifier des motifs ou à payer des pénalités.

Or, en France, certaines entreprises prévoient dans leurs conditions générales de vente qu’en cas de rétractation les acheteurs seront remboursés du seul prix de l’objet, et non des frais d’expédition exposés.

Le juge européen considère dans son arrêt du 15 avril 2010 qu’une réglementation nationale qui permet au fournisseur d’imputer les frais d’expédition au consommateur dans le cas où ce dernier exerce son droit de rétractation est contraire au droit européen.

La Cour de justice estime en effet que « le fait d’imputer au consommateur, en plus des frais directs de renvoi des marchandises, les frais d’expédition est de nature à remettre en cause une répartition équilibrée des risques entre les parties dans les contrats conclus à distance, en faisant supporter au consommateur l’ensemble des charges liées au transport des marchandises ».

Certaines clauses existantes peuvent donc désormais être considérées comme abusives.

Je voudrais savoir si le Gouvernement prévoit de mettre ces conditions générales de vente en conformité par rapport à cette nouvelle décision européenne, et s’il entend modifier le code de la consommation, de quelle manière et dans quel délai.

Enfin, la décision de la Cour de justice ne me paraissant pas très claire sur les frais de réexpédition, j’aimerais obtenir des précisions sur le cas des frais liés au retour de l’objet par l’acheteur au vendeur dans le délai de sept jours. Ces frais sont-ils à la charge du vendeur ou du client ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Vous l’aurez compris, madame la sénatrice, je vous réponds en lieu et place de mon collègue Frédéric Lefebvre, empêché, qui m’a demandé de vous transmettre ses excuses.

Vous souhaitez connaître les mesures qui seront prises en France pour rendre les contrats de vente conclus à distance conformes à la décision du 15 avril 2010 de la Cour de justice des Communautés européennes relative à l’imputation des frais d’expédition des marchandises lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation dans le cadre d’un contrat de vente conclu à distance.

La CJCE a en effet été saisie d’une question préjudicielle sur l’interprétation de l’article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive 97/7/CE relative aux contrats de vente à distance, question posés par une société de vente par correspondance allemande dans le cadre d’un litige qui l’opposait à une association de consommateurs.

La Cour a dit pour droit qu’une réglementation nationale qui permettrait au fournisseur, dans un contrat conclu à distance, d’imputer les frais d’expédition des marchandises au consommateur qui exerce son droit de rétractation serait contraire à l’article 6, paragraphes 1 et 2, de cette directive.

Il convient de noter qu’en France aucune réglementation n’a jamais autorisé les vendeurs à distance à imputer les frais d’expédition des marchandises aux clients qui ont exercé leur droit de rétractation.

La directive 97/7/CE a été transposée par l’ordonnance du 23 août 2001. Les paragraphes 1 et 2 de l’article 6 de la directive ont, par cette ordonnance, été repris aux articles L. 121-20 et L. 121-20-1 du code de la consommation.

Dans l’esprit du législateur français, il a toujours été parfaitement clair que la directive 97/7/CE ne permet pas aux professionnels de la vente à distance d’imputer au consommateur qui se rétracte les frais d’expédition de la marchandise. À cet égard, le considérant 14 de la directive indique que, pour que le droit de rétractation ne reste pas de pure forme, les éventuels frais supportés par le consommateur lorsqu’il exerce ce droit doivent être limités aux frais directs de renvoi des marchandises.

Cependant, dans la pratique, certains professionnels ont interprété l’obligation de remboursement qui leur était faite comme une obligation de remboursement du prix du produit hors frais d’expédition.

C’est pourquoi, à l’occasion de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service du consommateur, dite loi Chatel, l’article L. 121-20-1 a été modifié et précisé pour qu’il ne soit plus l’objet d’interprétations erronées.

Désormais, la première phrase de l’article L. 121-20-1 est ainsi rédigée : « Lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel est tenu de rembourser le consommateur de la totalité des sommes versées, [...]. »

En conclusion, la décision de la Cour du 15 avril 2010, qui rappelle les principes de la directive 97/7/CE, ne nécessite pas d’adaptation de notre droit national, puisque, lors de la transposition en droit interne, en 2001, de cette directive, la France avait déjà intégré ce principe et l’a conforté à l’occasion du vote de la loi Chatel du 3 janvier 2008.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Votre réponse est très claire, monsieur le ministre, mais il est regrettable que les consommateurs doivent parfois se battre pour que les vendeurs à distance appliquent la législation en vigueur.

En ce qui concerne les frais de réexpédition, j’ai bien compris qu’ils ne pouvaient pas être remboursés. Quand il s’agit d’un petit objet, ce n’est pas grave. En revanche, si vous voulez réexpédier dans le délai de sept jours un lave-linge, un lave-vaisselle ou un réfrigérateur, les frais de réexpédition deviennent assez prohibitifs. Il faudrait donc progresser également dans ce domaine.

situation critique du système électrique en martinique

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher, auteur de la question n° 1075, transmise à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

M. Serge Larcher. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans mon département comme dans l’ensemble des départements d’outre-mer, la construction des équipements et des réseaux d’électricité a été réalisée avec un très grand retard par rapport à l’Hexagone.

L’écart du niveau d’équipement s’est progressivement creusé et n’a jamais été comblé.

Ainsi, le réseau de transport d’électricité présente aujourd’hui de telles faiblesses en Martinique que la sécurité de l’alimentation électrique pour l’ensemble des usagers n’est pas assurée.

Les moyens de production sont incontestablement insuffisants et la puissance installée cumulée de l’île ne respecte plus les standards usuels en production insulaire similaire.

Face à cette situation, la politique d’investissement apparaît aujourd’hui largement insuffisante. Elle repose, par ailleurs, sur des prévisions de croissance de la demande d’électricité pour les vingt prochaines années qui demeurent notoirement en deçà des besoins réels.

De nombreux dysfonctionnements pénalisent, de ce fait, l’activité économique de la Martinique.

Nombre d’entreprises se sont donc équipées de groupes électrogènes autonomes.

Pourtant, la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité de février 2000 énonce les grands principes du service public de l’électricité et propose les moyens d’améliorer la sécurité des réseaux et la qualité de l’électricité. Elle aurait dû permettre une remise à niveau des équipements.

Cependant, l’arrêté pour l’application du décret relatif aux niveaux de qualité et aux prescriptions techniques prévus par cette loi n’a été pris qu’en 2007, et il ne définit, pour les départements d’outre-mer, ni seuils ni critères d’évaluation des systèmes électriques.

Pour tous les départements d’outre-mer, en effet, la mention « réservée » figure dans les champs à renseigner par l’arrêté.

En l’état, les dispositions prévues par la loi de février 2000 n’y sont donc pas applicables, alors que le niveau de qualité et de sécurité de l’alimentation électrique constitue un enjeu majeur pour ces territoires en mal de développement.

Ceux-ci sont privés de tout objectif en matière de niveau de qualité exigible.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, connaître précisément les initiatives que le Gouvernement compte prendre afin de combler le vide actuel.

De plus, ne croyez-vous pas qu’il y a lieu de prévoir des moyens plus importants et mieux adaptés aux impératifs de développement économique de nos régions d’outre-mer ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, les réseaux électriques dans les départements d’outre-mer, contrairement aux réseaux en métropole, ne sont pas interconnectés à un réseau continental et n’ont donc pas l’avantage dont disposent les grands systèmes interconnectés pour faire face à d’éventuels aléas. En outre, les DOM connaissent une croissance importante de leur demande en électricité, entre 2,5 et 3 % par an en moyenne pour la Martinique.

Les contraintes qui pèsent sur les systèmes électriques dans les DOM sont fortement liées à ces deux spécificités.

L’augmentation croissante de la consommation est en effet à l’origine de fréquentes chutes de tension sur les réseaux, notamment pendant les heures de pointe. L’impact de ces chutes de tension sur la qualité de l’électricité est d’autant plus perceptible pour les usagers qu’il est accentué par le caractère isolé de ces réseaux insulaires.

La priorité pour la qualité de l’électricité dans les départements d’outre-mer réside donc dans un premier temps dans la réduction des chutes de tension. C’est pourquoi un arrêté spécifique a été pris le 24 décembre 2007 en application du décret de 2007 relatif aux niveaux de qualité, qui prévoit des dispositions à la fois pour les chutes de tension et les coupures d’alimentation sur les réseaux. Cet arrêté fixe des seuils précis concernant les niveaux de tension dans les DOM.

Dans un second temps, des seuils et des critères précis pour les coupures d’alimentation sur les réseaux devront également être arrêtés une fois la question des chutes de tension résolue.

La définition de ces critères nécessitera que des études soient menées afin de fixer des seuils techniquement réalistes.

Les prévisions de consommations pour les années à venir ne semblent pas sous-estimées par rapport aux besoins réels.

Ainsi, le bilan prévisionnel réalisé en 2007 pour la Martinique prévoyait une consommation de plus de 1700 gigawatts par heure en 2010, alors que la consommation effective cette même année devrait être de l’ordre de 1600 gigawatts par heure.

S’agissant de la politique d’équipement et de modernisation, il faut souligner que le niveau d’investissement par usager, pour les réseaux électriques en Martinique, est supérieur d’environ 50 % à celui qui est réalisé en métropole.

Le montant de ces investissements, pour la Martinique, atteindra 30 millions d’euros en 2012 et en 2013 – contre 25 millions d’euros actuellement –, afin notamment de renforcer l’alimentation de l’agglomération de Fort-de-France. Cet effort important est justifié par un programme de lutte contre l’aléa cyclonique mis en place en 2008, après le cyclone Dean, et par les prévisions de croissance de la consommation pour les années à venir.

J’ajoute que le Fonds d’amortissement des charges d’électrification constitue une aide supplémentaire à destination des autorités concédantes, à hauteur d’environ 17 millions d’euros par an pour l’outre-mer, dont plus de 2 millions d’euros par an pour la Martinique.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Je suis heureux que le Gouvernement ait pris des initiatives pour essayer de combler le vide dans lequel nous sommes depuis quelque temps. L’arrêté a été pris en 2007, mais, jusqu’à présent, il n’a eu aucun effet dans les départements d’outre-mer.

La fréquence des coupures de courant est inquiétante, monsieur le ministre, à tel point que, à l’heure actuelle, lorsque l’on regarde un film à la télévision, on n’est jamais sûr d’en voir la fin. Il s’agit d’un handicap très important pour un département à vocation touristique, quand les îles voisines, qui sont nos concurrentes, disposent d’un réseau électrique leur garantissant une qualité de fourniture nettement meilleure.

Par ailleurs, cette situation porte également préjudice aux ménages, car outre les chutes de tension et les coupures d’alimentation, on constate aussi des surtensions, qui provoquent des dégâts énormes en endommageant irrémédiablement des appareils électroménagers. Dans de tels cas, il est très difficile de faire admettre à EDF sa responsabilité.

Néanmoins, je ne désespère pas de l’amélioration de la qualité de la distribution du courant électrique à l’avenir. Il s’agit là d’une question essentielle, l’électricité étant un élément indispensable du développement, mais aussi du confort des ménages.

délocalisation de l'usine fralib du groupe unilever

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, auteur de la question n° 1068, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Mme Isabelle Pasquet. La direction d’Unilever France a annoncé son intention de fermer l’usine Fralib de Gémenos, dans le département des Bouches-du-Rhône, qui produit notamment du thé et des infusions sous la marque « Éléphant », implantée dans la région marseillaise depuis plus d’un siècle.

Que l’on me permette de rappeler certaines pratiques « industrielles » qui conduisent droit dans le mur le dialogue social et l’économie de notre pays.

En 1976, la multinationale Unilever achète Fralib à Pernod-Ricard.

En 1988, avec un bel opportunisme, Unilever délocalise son site de Marseille à Gémenos pour profiter des subventions européennes liées à la revitalisation d’un territoire sinistré à la suite de la disparition des chantiers navals de La Ciotat.

En 1998, Unilever ferme son site du Havre et transfère la production en Belgique. Moins d’un tiers des salariés sont reclassés à Gémenos.

En 2006, enfin, la multinationale crée en Suisse, donc hors de la zone euro, Unilever Supply Chain Company, USCC, entité dont la seule fonction est d’assécher les marges des sites de production.

Ce sont ainsi chaque année 200 millions d'euros qui manquent au produit intérieur brut de notre pays et 67 millions d'euros qui échappent aux services fiscaux français, tandis qu’Unilever a distribué quelque 750 millions d'euros à ses actionnaires au titre de l’année 2008.

En vingt ans, la productivité par salarié a progressé d’environ 50 %, avec un volume de production sensiblement égal entre 1989 et 2009, alors que les effectifs passaient de 286 à 185 salariés.

Monsieur le ministre, mon collègue député et ami Michel Vaxès vous a déjà interrogé sur ce sujet, le 23 novembre dernier. Ce jour-là, vous sembliez déjà vous préparer à une reconversion du site et de ses salariés.

Vous avez demandé au préfet d’organiser une table ronde, qui s’est tenue vendredi 26 novembre. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les représentants d’Unilever n’ont convaincu personne, pas même le préfet, du caractère inéluctable de la fermeture de l’usine.

Je voudrais citer une phrase d’un courrier adressé par votre prédécesseur, M. Estrosi, aux parlementaires : « Mon intention, vous le savez, c’est de remettre le “fabriqué en France” au cœur de notre stratégie de développement industriel. »

Monsieur le ministre, je vous pose de nouveau la question, en espérant que votre réponse sera cohérente avec les propos tenus lors de la table ronde : jusqu’à quand le Gouvernement va-t-il s’accommoder de délocalisations d’entreprises motivées par des raisons purement financières ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, nous partageons une conviction : la France n’a pas d’avenir sans une industrie forte. Le maintien et le développement de notre industrie sont donc une priorité pour le Gouvernement, comme pour tous les groupes politiques du Sénat.

En ce qui concerne Fralib, le groupe Unilever a annoncé le 28 septembre dernier son intention de fermer le site de Gémenos au début de 2011. Cette entreprise a pour activité le mélange et le conditionnement de thés et d’infusions.

La direction d’Unilever justifie cette fermeture par des raisons liées à l’évolution du marché du thé, notamment la montée en puissance des gammes de distributeurs, et par les caractéristiques propres du site de Gémenos. Selon elle, ce site représenterait en effet 5 % de la production européenne de thés d’Unilever, mais 27 % des coûts.

Devant cette volonté d’Unilever de fermer le site de Gémenos, j’ai demandé au préfet des Bouches-du-Rhône d’étudier attentivement ce dossier, afin notamment que, dans l’hypothèse d’une confirmation de la fermeture du site, aucun salarié ne soit laissé au bord du chemin.

Le préfet a ainsi organisé, vendredi 26 novembre dernier, une table ronde avec l’ensemble des acteurs concernés. À l’issue de cette réunion, il a proposé aux organisations syndicales et aux représentants de Fralib et d’Unilever de créer un groupe de travail, animé par le responsable de l’unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Ce groupe de travail doit examiner de manière approfondie l’ensemble des scénarios pouvant déboucher sur une solution autre que la fermeture du site, notamment la réinstallation, par Unilever, d’une usine de conditionnement de thé, l’installation d’une autre activité du groupe Unilever, ou encore l’établissement d’une nouvelle entreprise, qui reprendrait les salariés. Les conclusions du groupe de travail doivent être rendues avant la prochaine réunion du comité d’entreprise, le 13 décembre.

Par ailleurs, j’ai demandé au préfet d’examiner les mesures d’accompagnement qui pourraient, le cas échéant, être prises et mises en œuvre afin qu’un avenir soit assuré à chacun des 182 salariés du site de Gémenos et que les engagements d’Unilever en matière de revitalisation du territoire soient à la hauteur de la réputation et des moyens financiers de cette grande entreprise.

Comme vous le voyez, madame la sénatrice, nous essayons de travailler sur toutes les hypothèses, y compris une reprise d’activité ou une poursuite de celle-ci sous d’autres formes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le ministre, vous reprenez quasiment mot pour mot le compte rendu des travaux de la table ronde que j’ai pu obtenir de la préfecture des Bouches-du-Rhône.

Je voudrais apporter une précision concernant les chiffres donnés par Unilever.

Effectivement, la production de Fralib ne représente que 5 % de la production de thés d’Unilever, mais ce groupe a fait le choix de faire fabriquer à Gémenos des sachets de 1,6 gramme, et non de 2 grammes comme dans les autres usines. Cela explique le tonnage relativement faible produit sur ce site, avec des coûts forcément supérieurs.

Cela étant, lors de cette table ronde, à aucun moment Unilever n’a évoqué les profits réalisés grâce aux gains de productivité obtenus dans cette usine, ni le sous-investissement dont celle-ci a souffert : en quatre ans, Fralib n’a bénéficié que de 5 % des 85 millions d’euros investis dans les usines européennes du groupe.

Il faut mettre Unilever face à ses responsabilités, et j’espère que le Gouvernement jouera un rôle important dans le traitement de ce dossier.

avant-projet du schéma national des infrastructures de transports

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1066, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Jacques Mézard. L’avant-projet du schéma national des infrastructures de transports, publié le 12 juillet dernier, expose les priorités françaises en la matière pour les vingt ou trente années à venir.

À la lecture de ce document, en particulier des cartes qu’il contient, intitulées « Réponses aux enjeux d’équité territoriale et de désenclavement », je suis outré de constater que le Massif central et l’Auvergne sont purement et simplement oubliés. Rien n’est prévu, notamment, pour le désenclavement du Cantal, en particulier de l’arrondissement d’Aurillac.

Je n’entends pas lancer ici un combat contre cet avant-projet, dont je partage nombre d’objectifs, mais je demande que les territoires les plus enclavés ne soient pas laissés à l’écart du développement.

Améliorer l’accessibilité des territoires est en principe l’un des objectifs poursuivis au travers de cet avant-projet, dont je voudrais citer la page 15 : « Améliorer la performance du système de transport dans la desserte des territoires, c’est d’abord améliorer les capacités du système de transport à permettre aux populations et aux acteurs économiques l’accès aux territoires. […] Il renvoie en outre à une notion d’équité des territoires face aux besoins de mobilité des individus dans une perspective d’aménagement durable du territoire. »

Je souscris à cet objectif. Nous ne demandons qu’une chose : qu’il soit mis en œuvre ! Malheureusement, ce qui est proposé est en totale contradiction avec « l’équité territoriale » recherchée. Les grands axes de développement contournent le Massif central. En matière de fret ferroviaire, il y a un grand trou au centre de la France. Pour les transports collectifs, sur quarante opérations préconisées, aucune ne concerne le Massif central. Rien n’est prévu concernant la route nationale 122, qui finit en cul-de-sac à Figeac, alors que Castres, qui connaît la même problématique avec une RN 126 en impasse, se verra reliée à Toulouse, ce dont nous nous en réjouissons.

Il n’est pas acceptable que, en 2010, une préfecture soit encore délibérément privée de tout moyen efficace d’accès, la route nationale 122 étant difficilement praticable et comportant encore des passages où la vitesse est limitée à 30 kilomètres à l’heure, monsieur le ministre, tandis que son prolongement de Figeac à l’autoroute A 20 est injustement refusé à ce jour.

C’est le problème récurrent du désenclavement qui est au cœur du débat. Il n’est pas raisonnable de justifier le manque d’infrastructures par le manque de population. Monsieur le ministre, je vous demande de prendre en compte ces observations et d’inclure dans le projet définitif de schéma national les dispositions nécessaires pour permettre le désenclavement du Cantal et de sa préfecture, qui est devenu, malheureusement, le territoire le plus mal desservi de France.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser M. Thierry Mariani, qui est en déplacement. Il m’a demandé de vous transmettre sa réponse, dont je vais maintenant vous donner lecture.

Vous souhaitez la prise en compte de la desserte d’Aurillac dans l’avant-projet de schéma national des infrastructures de transports, qui a été rendu public à la mi-juillet.

Je tiens à vous rassurer quant à l’importance qu’attache l’État au désenclavement du Cantal et à l’aménagement de la RN 122.

Les aménagements qui restent à réaliser sur la RN 122 pour que celle-ci puisse répondre dans de bonnes conditions aux besoins légitimes, en matière de mobilité, des territoires et des populations du Cantal, ne relèvent pas de la catégorie des projets ayant vocation à figurer explicitement dans le schéma national. En effet, seuls les projets de développement dont la réalisation introduit de nouvelles fonctionnalités et peut avoir une incidence sur l’expression de la mobilité à l’échelle du système de transport dans son ensemble ont vocation à y figurer. Une ligne ferroviaire à grande vitesse, une autoroute, un contournement de ville venant conforter une continuité autoroutière sont, typiquement, les projets concernés.

Les projets qui visent à une adaptation plus localisée des infrastructures existantes – c’est le cas des aménagements à réaliser sur la RN 122 – pour répondre à des problèmes locaux de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou encore d’intégration environnementale et qui ne viennent pas créer de nouvelles fonctionnalités et influencer à grande échelle les comportements avec induction de nouveaux trafics ou des reports modaux n’ont pas vocation à figurer dans le schéma.

Ces projets seront progressivement réalisés dans le cadre des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, en cohérence avec les orientations qui auront été retenues dans le schéma national des infrastructures de transports.

Ainsi, l’aménagement de la RN 122 se poursuit aujourd'hui dans le cadre de l’actuel PDMI de la région Auvergne. Celui-ci prévoit, par exemple, la réalisation de la déviation de Sansac-de-Marmiesse, pour un montant de 32,2 millions d’euros, les acquisitions foncières liées à la déviation de Polminhac, pour un montant de 4 millions d’euros, ou encore la mise en place de créneaux de dépassement, pour un montant de 10 millions d’euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. La réponse que vient de lire M. le ministre est terrible pour notre territoire ! Elle ne correspond pas aux cartes contenues dans l’avant-projet du schéma national des infrastructures de transports, intitulées « Réponses aux enjeux d’équité territoriale et de désenclavement ». Une telle réponse, qui s’apparente à un flot d’eau tiède, marque un mépris absolu pour notre territoire, dont la situation va être encore aggravée. Cela ne pose manifestement aucun problème au Gouvernement, qui choie à juste titre les îles ultramarines, mais désespère les habitants de l’île terrestre que constitue notre territoire.

Permettez-moi de vous donner un seul exemple, monsieur le ministre, pour étayer mon propos. Je suis venu du Cantal à Paris dimanche afin d’être présent en séance lundi matin. N’ayant pu prendre ni l’avion – il n’y a qu’une ligne, et il y avait malheureusement un peu de neige sur la piste –, ni le train – il était trop tard –, il m’a fallu faire neuf heures de route sous la neige pour rejoindre Paris. Il n’en était pas ainsi voilà vingt ou trente ans, car notre territoire était alors mieux desservi.

Certes, ce n’est sans doute pas très important à l’échelle du territoire national, mais il ne me semble pas de bonne politique de renvoyer aux calendes grecques, comme vous le faites, l’aménagement du territoire. La réponse dont vous venez de me donner lecture, monsieur le ministre, est difficilement acceptable !

avenir du tunnel routier de la ville d'Angoulême

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 1097, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Michel Boutant. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le problème de la mise aux normes du tunnel de la Gâtine, sis sur le territoire de la commune d’Angoulême.

Les tunnels, on le sait, font l’objet d’une mise aux normes depuis le terrible accident qui s’est produit sous le tunnel du Mont-Blanc voilà une dizaine d’années.

Le tunnel de la Gâtine est d’une importance capitale pour la circulation dans et autour de la ville. Il est ainsi utilisé non seulement par une grande partie des Angoumoisins, mais également par les habitants des communes périphériques et, plus généralement, par toutes les personnes qui souhaitent traverser rapidement la cité charentaise du Nord au Sud afin de rejoindre les grands axes de circulation en direction de Libourne, de Périgueux, de Poitiers ou le pôle d’échange intermodal de la gare. Quotidiennement, ce sont plus de 17 000 véhicules qui empruntent cette voie.

Il ne s’agit donc pas d’un tunnel à usage exclusivement communal. Pourtant, on exige aujourd’hui de la ville d’Angoulême qu’elle finance seule sa mise aux normes. Les critères à respecter pour cette mise en conformité ont été définis dans les décrets n° 2000-63 du 25 août 2000 et n° 2006-20 du 29 mars 2006, ainsi que dans le décret n° 2005-701 du 24 juin 2005, portant sur les obligations des collectivités.

Le tunnel, dans sa forme actuelle, est trop étroit pour accueillir deux sens de circulation et une galerie d’évacuation pour les usagers. Le gabarit, déjà limité à 3,50 mètres par la ville en 2006, devrait être réduit à 2,25 mètres.

Le montant des travaux s’élèverait à 14,5 millions d’euros pour 300 mètres de tunnel, somme absolument considérable pour une municipalité de 42 000 habitants, surtout dans la situation de gel des dotations aux collectivités locales que nous connaissons. Ce montant correspond à l’équivalent de dix années de programmes d’entretien de la voirie communale ou à deux annuités de dépenses de travaux d’investissement. De plus, l’encours de la dette de la ville d’Angoulême reste, malgré les efforts considérables de la municipalité, deux fois supérieur à la moyenne nationale des villes de même strate.

Plusieurs autres solutions ont été envisagées par la ville, notamment le passage à un sens unique de circulation. Cette option n’a pour le moment pas été retenue, le coût des travaux nécessaires étant au final sensiblement le même que celui d’une remise aux normes. La question de l’opportunité de celle-ci pourrait aussi se poser, compte tenu de la longueur de ce tunnel, surtout à un moment où le Président de la République et le Premier ministre s’interrogent sur la sévérité des normes qui s’imposent à nos collectivités.

Il est en tout cas regrettable que l’État exige de la ville qu’elle finance seule ce projet, dans la mesure où l’État avait participé à la réalisation de l’ouvrage, voilà plus de trente ans, et où, contrairement à ceux des huit autres communes de France concernées par une telle remise aux normes, le tunnel de la ville d’Angoulême est justement le seul qui ne soit pas à usage uniquement communal. Si un bien public profite à tous, au-delà des habitants du secteur géographique où il se trouve, alors l’État devrait intervenir.

Monsieur le ministre, je me demande, à l’instar des élus de la ville d’Angoulême, si l’on n’exige pas trop d’une ville qui donne pourtant déjà beaucoup. L’État ne pourrait-il pas verser une aide exceptionnelle et participer ainsi au financement des travaux de mise aux normes du tunnel routier d’Angoulême ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ne pouvant être présente ce matin, elle m’a prié de vous faire part de sa réponse.

Vous avez appelé son attention sur l’investissement lourd que représente l’opération de mise aux normes du tunnel routier de la Gâtine, situé à Angoulême, et sollicitez une participation financière de l’État à la mise en œuvre du projet de rénovation de cet ouvrage.

Mme Kosciusko-Morizet est convaincue de l’importance de ce tunnel, qui est un enjeu pour la ville d’Angoulême et son agglomération, compte tenu notamment du niveau de trafic.

Cependant, cet ouvrage appartenant à une collectivité territoriale et ne faisant pas partie du réseau routier national, le ministère ne peut malheureusement pas contribuer financièrement à ces travaux, en raison du partage des compétences en matière d’infrastructures routières. En effet, l’État a transféré aux collectivités territoriales une partie du réseau routier dont il avait auparavant la charge. À la suite de ce partage, notamment, tous les travaux d’infrastructures routières ont été sortis des contrats de projet, lorsqu’ils existent, l’État n’entretenant plus que les infrastructures relevant strictement de sa compétence.

Par ailleurs, votre département participe au financement de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique. À cet égard, depuis la réalisation de la ligne TGV Est européenne, qui relie Paris à Strasbourg et sera prolongée, à terme, au-delà du Rhin, les collectivités territoriales sont systématiquement associées au financement de ce type d’infrastructures. Ainsi, la contribution du département du Bas-Rhin au financement de la ligne TGV Est européenne s’était élevée à 75 millions d’euros.

Il est donc logique que votre département participe au financement de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, monsieur le sénateur. Le Gouvernement souhaite que les travaux puissent débuter dans les meilleurs délais, afin que la mise en service ait lieu dès 2016.

Enfin, Mme Kosciusko-Morizet connaît votre projet de réalisation d’un bus à haut niveau de service de la communauté d’agglomération du grand Angoulême. Un dossier a été déposé dans le cadre du deuxième appel à projets en faveur des transports urbains lancé le 4 mai 2010. Cet appel est désormais clos. Il rencontre un réel succès : plus de quatre-vingts projets ont été déposés par cinquante-sept autorités organisatrices. Je tiens également à souligner que vingt projets sont portés par dix agglomérations participant à la démarche EcoCité.

Le projet d’Angoulême répond aux objectifs du Grenelle de l’environnement et aux enjeux d’une mobilité durable. Il sera d’ailleurs examiné par le comité technique qui se réunira les 1er et 2 décembre prochains. Les lauréats de l’appel à projets seront désignés dans les prochaines semaines. J’espère, monsieur le sénateur, que votre projet sera retenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Votre réponse est paradoxale, monsieur le ministre.

Pour justifier la non-intervention de l’État en faveur de la commune d’Angoulême, vous arguez que les compétences ont été partagées et que l’État ne s’occupe plus désormais que de la voirie relevant strictement de la sienne.

Or, en tant que président d’un conseil général, vous savez aussi bien que moi que les départements continuent malgré tout à participer au financement des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers. Ainsi, dans le cadre du dernier contrat de plan État-région, le mien a contribué à hauteur de 67 millions d’euros aux travaux effectués sur la voirie nationale. Je ne peux donc accepter votre réponse, monsieur le ministre.

Par ailleurs, bien que la loi portant réforme des collectivités territoriales interdise un certain nombre de financements croisés, l’État est aujourd'hui le premier à exiger le recours à de tels financements, en particulier en matière de développement ferroviaire. À cet égard, vous avez évoqué la ligne à grande vitesse Est européenne : il en va de même pour la réalisation de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le département de la Charente étant appelé à apporter 30 millions d’euros, la communauté d’agglomération d’Angoulême 10 millions d’euros et la ville de Cognac, pourtant distante de quarante kilomètres, 4 millions d’euros.

Je ne peux donc souscrire à vos arguments, monsieur le ministre ; votre sourire témoigne d’ailleurs que vous-même n’y croyez pas !

prolifération du frelon asiatique

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Milhau, auteur de la question n° 1046, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

M. Jean Milhau. La prolifération du frelon asiatique est devenue un véritable fléau depuis l’apparition de cet insecte dans le sud-ouest de la France en 2004.

Cette espèce invasive se développe de manière exponentielle en raison de son cycle de reproduction très rapide. Cela entraîne la destruction des ruchers et a des conséquences sur la biodiversité. Mais nos populations se trouvent également affectées et ainsi mises en danger. Les services d’incendie et de secours n’intervenant plus qu’en cas de péril sur la voie publique, les particuliers doivent faire détruire à leurs frais les nids par des sociétés privées. Or ces nids sont souvent situés à la cime des arbres, ce qui nécessite l’utilisation d’une nacelle, d’où un coût difficilement supportable pour un ménage, pouvant varier entre 150 euros et 1 000 euros.

Au mois de janvier 2010, le Gouvernement avait indiqué qu’un projet d’arrêté visant à classer le frelon asiatique comme espèce invasive était en préparation et qu’une mission interministérielle était en cours, afin d’étudier des solutions techniques fiables permettant d’assurer le contrôle de l’espèce.

À ma connaissance, cette mission n’a toujours pas publié son rapport à ce jour, alors que c’est à l’automne que les nids deviennent visibles. Il y a urgence à les détruire, et tous les moyens doivent être mis en œuvre, qu’il s’agisse du piégeage des femelles fondatrices ou de l’attribution de crédits spécifiques à la recherche, afin de freiner cette prolifération, de préserver la qualité et la biodiversité de notre environnement et de défendre notre écosystème, qui est tributaire des pollinisateurs autochtones.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer à quelle date la mission interministérielle rendra son rapport et quelles mesures spécifiques seront retenues pour procéder le plus rapidement possible à la destruction des nids et lutter contre cette espèce invasive ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur Milhau, la question que vous avez adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement intéresse non seulement les apiculteurs, évidemment concernés au premier chef, mais également une grande partie de la population, car le développement d’espèces invasives, dans le domaine animal comme dans le domaine végétal, peut affecter la biodiversité.

Le frelon à pattes jaunes, originaire d’Asie, est un prédateur de l’abeille domestique. Comme vous l’avez rappelé, son inscription sur l’une des nombreuses listes de nuisibles a, dans un premier temps, été envisagée, mais cet insecte n’est pas connu pour porter atteinte à la biodiversité. D’ailleurs, les interventions contre lui ne relèvent pas des dispositions prévues par le code de l’environnement pour la protection de la nature.

Le contrôle de l’expansion du frelon à pattes jaunes pose avant tout des problèmes d’ordre technique. Faute de pouvoir envisager l’éradication de cette espèce, deux voies complémentaires méritent d’être explorées : d’une part, les possibilités de protection ponctuelle des ruchers ; d’autre part, le contrôle de la dynamique des populations de cet insecte. Chacune de ces deux voies nécessite des solutions techniques fiables, qui font encore défaut. Par exemple, le piégeage des reines sortant d’hibernation a été conseillé par un institut technique, mais déconseillé par le Muséum national d’histoire naturelle. Les avis divergent également sur l’opportunité de détruire les nids.

La mission conjointe réunissant des inspecteurs généraux des ministères chargés de l’agriculture, de la santé et de l’environnement vient de s’achever, et son rapport orientera les choix juridiques et techniques à effectuer. D’ores et déjà, l’administration du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement apporte son soutien au Muséum national d’histoire naturelle, qui travaille à réunir et à valider les données naturalistes relatives à l’expansion de cette espèce en France et contribue à la recherche de solutions nouvelles, en coordination avec un laboratoire de l’Institut national de la recherche agronomique implanté à Bordeaux, auquel les services du ministère apportent également leur soutien financier.

Vous m’avez interrogé sur la date de publication du rapport et sur les suites qui y seront apportées. Je puis vous indiquer que les inspecteurs généraux missionnés ont remis leurs conclusions et que leurs propositions sont en cours d’analyse. Le rapport sera publié dans les tout prochains jours.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Milhau.

M. Jean Milhau. Je remercie M. le ministre de ces informations.

Je n’ignore pas que ce frelon participe à la biodiversité et qu’il n’est pas question de l’éradiquer. Toutefois, je pense qu’il convient de lutter contre sa prolifération.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Jean Milhau. Par conséquent, je souhaite que la mission en cours puisse nous apporter un éclairage et des pistes pour lutter contre un fléau qui touche en effet non seulement les apiculteurs, mais également l’ensemble du monde rural.

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous prie de remercier en notre nom M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, d’avoir permis la tenue dans de très bonnes conditions de cette séance tardive de questions orales, malgré la réunion du conseil des ministres.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Vietnam

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de la commission de la culture, de l’éducation et de la jeunesse de l’Assemblée nationale du Vietnam, conduite par son vice-président, M. Le Van Hoc. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

La délégation rencontrera notamment nos collègues Christian Poncelet, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Vietnam, et Jean-Claude Carle, vice-président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, afin de renforcer les échanges et la coopération entre les deux assemblées dans l’organisation, notamment, du travail parlementaire.

Au nom de la Haute Assemblée, je souhaite à nos collègues la bienvenue et forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à fortifier les liens et l’amitié entre nos deux pays et nos deux peuples. (Nouveaux applaudissements.)

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Article 99 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Deuxième partie

Loi de finances pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 110 rectifié, rapport n° 111).

Relations avec les collectivités territoriales

Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales (interruption de la discussion)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 79 à 86) et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui regroupe les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales inscrits en dotations budgétaires et les moyens de la Direction générale des collectivités locales, la DGCL, représente 2,5 milliards d’euros dans une enveloppe des concours de l’État aux collectivités territoriales de 59 milliards d’euros, voire de 99 milliards d’euros si l’on ajoute la fiscalité transférée et les dégrèvements.

Vous pouvez constater que je me garde bien d’employer les termes d’ « effort financier de l’État », que notre assemblée a bannis à l’occasion du vote de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, pour les remplacer par ceux de « concours financiers de l’État » aux collectivités territoriales.

Sur les crédits mêmes de la mission, la commission des finances a peu d’observations à présenter.

En effet, la plupart des dotations retracées par la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se voient appliquer la règle du gel en valeur des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. Il s’agit, en particulier, de la dotation forfaitaire « titres sécurisés », de la dotation de développement urbain, la DDU, de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, de la dotation « régisseurs de police municipale » et de la dotation globale d’équipement des départements.

Pour les dotations générales de décentralisation, les DGD, qui sont calculées en fonction des charges transférées, quelques ajustements mineurs sont prévus.

On note aussi que les dotations outre-mer qui obéissent à des règles d’indexation spécifiques échappent, de fait, à la règle du gel en valeur. C’est le cas, en particulier, de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires versée à Mayotte.

Pour ce qui concerne les crédits de fonctionnement de la Direction générale des collectivités locales, on observe une forte hausse des moyens en autorisations d’engagement, qui correspond, notamment, à une progression des dépenses d’informatique en faveur du projet Colbert départemental. On attend beaucoup de cet outil pour améliorer la qualité des échanges de données entre les préfectures et la DGCL, notamment lors de la répartition de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.

S’agissant de la péréquation, la commission des finances proposera d’adopter un amendement qui tend à créer, dans le prolongement des conclusions d’un groupe de travail du Comité des finances locales, le CFL, une dotation de solidarité rurale cible pour soutenir particulièrement les 10 000 communes les plus pauvres sans pénaliser les autres, dans le même esprit que la dotation de solidarité urbaine cible actuelle.

L’examen du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » appelle deux observations.

Première observation, il convient de signaler que la très forte augmentation des montants en cause est due au fait que, en 2011, le compte de concours financiers retracera les reversements de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de cotisation foncière des entreprises, d’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux et de taxe sur les surfaces commerciales alors qu’il n’avait plus à retracer les reversements de taxe professionnelle en 2010. Nous revenons donc à un niveau habituel.

Seconde observation, la première section du compte, qui retrace des avances accordées aux collectivités locales, est, depuis longtemps, très peu active. La commission des finances proposera un amendement de suppression de ces crédits.

Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

En conclusion, je voudrais évoquer ce qui me semble être un élément central du projet de budget pour 2011 pour la mission, et qui apparaît surtout au travers des articles rattachés : la question du rôle et de la place du Comité des finances locales. Cette instance de concertation et de décision, qui rassemble les collectivités et l’État, a fait la preuve de sa compétence et de son efficacité.

Fondamentalement, le gel des dotations et le fait que la préservation des éléments de péréquation est désormais inscrite dans la loi, qui fixe elle-même les montants des diverses composantes de la DGF des collectivités territoriales, privent le CFL d’une grande part de ses compétences.

Or je crois profondément nécessaire de préserver cette instance de concertation entre l’État et les collectivités territoriales, car elle permet de progresser et d’aboutir sur des sujets importants : je pense, notamment, aux groupes de travail que le CFL a constitués sur la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et sur la dotation de solidarité rurale, la DSR.

Il nous faudra donc restaurer à son profit des marges de manœuvre dans un contexte moins favorable que celui de la période passée, durant laquelle le CFL était amené à répartir la progression des concours de l’État. Ces marges de manœuvre, le CFL pourra les retrouver d’une part en procédant aux ajustements des dotations en fonction de critères territoriaux, d’autre part en participant à la définition des règles de la péréquation horizontale, qui est un sujet central dans un contexte de gel des dotations de l’État aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le bref laps de temps qui m’est imparti pour évoquer devant vous les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, je développerai trois thèmes qui ont particulièrement retenu l’attention de la commission des lois.

Premièrement, la commission des lois a noté que les collectivités territoriales seraient soumises, en 2011, à un degré inédit de modération budgétaire : une part importante des concours de l’État fera l’objet d’un « gel en valeur » à hauteur du montant ouvert en loi de finances initiale de 2010.

Cette association des acteurs locaux à l’effort de lutte contre les déficits publics, s’il a été accepté et compris par la commission des lois, a suscité certaines remarques.

Tout d’abord, je rappellerai que les collectivités sont loin d’être les premières responsables de la dégradation de nos finances publiques.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Au 31 décembre 2009, la dette locale ne représentait en effet que 10,5 % de la dette publique totale. Dès lors, l’idée que le gel serait une « garantie de non-baisse », selon les termes employés par le Gouvernement, et qu’il serait finalement un facteur de protection des finances locales nous semble pour le moins contestable.

Ensuite, la limitation de la croissance des concours de l’État vient s’ajouter aux réformes déjà menées, notamment au remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, qui a très sensiblement réduit l’autonomie fiscale des collectivités : celles-ci sont donc de plus en plus dépendantes des décisions prises au niveau central. Or le pouvoir central n’est pas forcément un donneur d’ordres facile à vivre : l’État donne toujours plus de responsabilités aux collectivités, mais quelquefois moins de moyens.

Enfin, la commission des lois s’est inquiétée d’une autre mesure, qui doit favoriser la diminution des dépenses des collectivités : il s’agit de la modulation des dotations de l’État en fonction de critères dits « de bonne gestion ».

La commission des lois est réservée, voire perplexe, devant ce projet : comment sera-t-il possible de définir des critères de bonne gestion qui soient valables pour toutes les collectivités, indépendamment de leurs caractéristiques ? En quoi ce projet s’inscrit-il dans la promotion du principe constitutionnel de libre administration ?

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Pourquoi l’État serait-il mieux placé que les élus locaux pour distinguer ce qui relève d’une gestion vertueuse et performante de ce qui, à l’inverse, est source de gabegie ?

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Bref, nous nous interrogeons sur la légitimité de cette réforme qui, en l’état, ne nous semble ni opportune ni juste.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Deuxièmement, la commission des lois s’est intéressée de près à l’état des finances départementales.

En effet, la crise de 2008-2009 a révélé la fragilité structurelle des départements, qui sont soumis à un fort effet de ciseaux et doivent supporter les coûts induits par le financement des dépenses sociales. Celles-ci représentent désormais 62 % de leurs charges de fonctionnement.

Dans ce cadre, la commission des lois a pris acte de la création de la mission d’appui chargée de venir en aide aux départements les plus en difficulté, dont le Parlement sera amené à débattre lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Elle a également noté que la réforme de la prise en charge de la dépendance permettrait certainement d’apporter une réponse aux problèmes rencontrés par les départements dans le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

Toutefois, la commission des lois estime que ces initiatives ne sauraient, à elles seules, restaurer la viabilité des finances des départements. Elle considère ainsi qu’il sera nécessaire, à terme, de revoir les modalités de financement de toutes les prestations sociales portées par les départements, afin soit d’augmenter le taux de couverture des dépenses sociales par l’État, soit de revoir les mécanismes de fixation du montant du droit à compensation.

En dernier lieu, je dirai quelques mots sur la participation des collectivités territoriales au processus normatif.

Tout d’abord, je tiens à saluer l’action de la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, qui a rempli ses missions de manière exigeante et constructive, et qui a examiné pas moins de 108 textes de janvier à septembre 2010.

Plus généralement, la commission des lois a constaté que le Gouvernement avait fait certains efforts pour mieux prendre en compte l’incidence des normes sur les collectivités territoriales. Ainsi, un processus de révision des normes a été lancé, en lien étroit avec les associations d’élus, et un « moratoire » sur les normes nouvelles a été mis en place par le biais d’une circulaire de juillet dernier pour soulager les acteurs locaux, qui sont trop souvent étouffés par les normes techniques édictées par l’État. S’il est trop tôt pour juger de l’efficacité concrète de ces mesures, elles démontrent toutefois que les mentalités sont en train de changer à l’échelon central.

Telles sont les observations que la commission des lois voulait porter à la connaissance du Sénat, et sous le bénéfice desquelles elle a cependant donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose de quinze minutes au total pour intervenir.

Nous avons beaucoup de difficultés à tenir les horaires prévus. Je formulerai un certain nombre de propositions à ce sujet lors de la conférence des présidents qui se tiendra demain, mais, dans l’immédiat, je demande à tous les orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mois après la réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle, l’examen du projet de budget de cette mission nous offre l’occasion de porter de nouveau un regard d’ensemble sur la place que l’État accorde aux collectivités territoriales.

Le constat est alarmant : les atteintes répétées, réforme après réforme, au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales font aujourd’hui sentir leurs effets à un point tel que l’équilibre budgétaire de ces dernières s’en trouve fortement et inéluctablement menacé.

Plusieurs éléments nous amènent à établir ce constat.

En premier lieu, il nous est annoncé que, entre 2011 et 2014, les concours de l’État feront l’objet d’un « gel en valeur » à hauteur du montant ouvert en loi de finance initiale de 2010, soit 50,45 milliards d’euros.

Ce gel annonce une baisse d’au moins 1 milliard d’euros des concours de l’État pour 20 000 communes. Cela signifie rien de moins qu’une asphyxie de nos régions, de nos départements et de nos communes, alors que, dans le même temps, l’État continue de se désengager de ses responsabilités en transférant de nombreuses compétences sans les assortir des moyens correspondants.

À l’échelon tant national que local, l’État persiste à mener une politique fiscale injuste au profit des plus riches, tandis que les départements font face à une hausse soutenue des dépenses sociales. Ces dernières sont liées, certes, aux effets de la crise économique, mais aussi à la mise en œuvre du revenu de solidarité active, dont l’État doit pourtant assurer la compensation – je vous renvoie à notre proposition de loi sur ce sujet –, ainsi qu’à divers transferts de compétences.

En second lieu, l’année 2011 sera celle de l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités, 2010 ayant été une année de transition durant laquelle l’État versait une petite compensation aux collectivités. Les effets de la réforme se feront pleinement sentir dès 2011.

Lors des débats sur la suppression de la taxe professionnelle, M. Estrosi s’était engagé à ce qu’elle ne déséquilibre pas les investissements et les politiques d’aménagement des collectivités et des territoires. Or, comme nous l’avions prédit, les investissements des collectivités locales ont diminué de 2,1 % en 2010, et ce n’est qu’un début.

Le Gouvernement voit en cette baisse une marque de prudence des collectivités dans la gestion de leur budget. Il se dit certainement que lorsqu’on leur serre la ceinture, elles dépensent mieux ! Eh bien non, les collectivités ne dépensent pas mieux ! Elles sont simplement contraintes d’interrompre, de reporter des projets. Ce sont bien évidemment les usagers des services publics qui souffrent en premier lieu de cette situation, l’état des routes se dégradant et le nombre de logements diminuant. Les entreprises de la voirie et du bâtiment, qui se voient contraintes de réduire leurs effectifs, en pâtissent également.

Au final, c’est donc la situation de l’emploi qui se détériore, alors que vous vous targuez de vouloir la préserver, voire de l’améliorer, avec la suppression de la taxe professionnelle, qui, selon vous, devait inciter les entreprises à embaucher. Aujourd’hui, la diminution des investissements contraint les entreprises à licencier. Encore une fois, vous jouez des apparences et vous donnez d’une main ce que vous reprenez de l’autre, mais nous ne sommes pas dupes, et les citoyens non plus.

Enfin, à l’occasion de l’ouverture du dernier congrès de l’Association des maires de France, M. Sarkozy s’est félicité d’avoir mis en place une réforme des collectivités territoriales « équilibrée ». Il n’a apparemment pas écouté les inquiétudes exprimées par les maires et les différents élus… Continuant sa politique de dénigrement de l’échelon local, il montre du doigt nos collectivités en leur imputant, et en leur faisant subir, les conséquences du déficit budgétaire national.

À propos de politique de dénigrement, j’aimerais attirer l’attention sur un projet ahurissant du Gouvernement : la mise en place d’une modulation des dotations de l’État aux collectivités en fonction de « critères de bonne gestion » !

Certains d’entre nous se demandent déjà quels pourraient ces « critères de bonne gestion ». Pour ma part, je m’interroge avant tout sur les objectifs de ce projet, qui me paraît pernicieux. Il s’agit encore une fois de stigmatiser les élus, souvent bénévoles, en présumant leur mauvaise gestion, alors même qu’ils tentent d’être des contre-pouvoirs et les « amortisseurs sociaux » de votre politique antisociale et sélective. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Le Gouvernement devrait comprendre – je pense en fait qu’il feint de l’ignorer – que si la situation financière de nos villes est effectivement tendue, c’est à cause non pas d’une gestion irresponsable des élus, mais de sa politique de dotations restrictives, dont le présent projet de loi de finances est l’illustration. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pourrons voter ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Christian Poncelet.

M. Christian Poncelet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des finances des collectivités territoriales et lui demander de bien vouloir indiquer au Sénat dans quelles conditions celles-ci, appelées à participer à l’effort de redressement du solde des finances publiques de notre pays, pourront assumer, l’an prochain, l’intégralité de leurs missions.

M. Jean-Pierre Sueur. Bonne question !

M. Christian Poncelet. Ai-je besoin de rappeler que les collectivités territoriales sont un agent important de notre activité économique ? Elles assurent en effet près de 74 % de l’investissement public en France, et elles ont ainsi largement contribué à sortir notre pays de la récente crise économique.

Nombreuses sont, par exemple, les communes de mon département, les Vosges, qui ont tenu à jouer pleinement leur rôle dans la bataille contre la crise. Comme le conseil général, elles l’ont fait en investissant.

Faut-il également préciser que les collectivités tiennent un rôle majeur dans le domaine de l’action sociale ? Pour s’en convaincre, il n’est que de constater la forte demande sociale procédant de la dégradation du marché du travail, demande qu’elles sont appelées à satisfaire en assurant une grande partie du financement nécessaire.

Comment, en fonction de leurs ressources propres et des moyens qui leur seront consentis dans le cadre du budget pour 2011, pourront-elles accomplir leurs missions au service de la population et conserver leur bénéfique niveau de partenariats ?

Considérons, dans un premier temps, la situation financière de ces collectivités, notamment celle des départements : certains connaissent une situation précaire, voire sont à la veille de la faillite, au point que, lors du récent congrès de l’Assemblée des départements de France, les 102 présidents de conseil général ont, à l’unanimité, appelé le Gouvernement à rechercher des remèdes durables, sans exclure le recours à une procédure d’urgence.

M. Alain Le Vern. C’est bien !

M. Christian Poncelet. Pour sa part, M. le Premier ministre a constaté publiquement que certains départements connaissaient de grandes difficultés financières.

Cette dégradation de leur situation financière s’explique d’abord par la perte insidieuse de la liberté fiscale des collectivités. Dès 2011, les départements ne pourront plus fixer le taux et déterminer le produit que d’un seul impôt, la taxe sur le foncier bâti, ce qui explique que la recette attendue du point d’impôt supplémentaire ait nettement régressé.

M. Alain Le Vern. Très bien !

M. Christian Poncelet. À titre d’exemple, dans le département des Vosges, la valeur de ce point d’impôt est passée, pour le seul impôt dont le taux peut être fixé, à savoir la taxe sur le foncier bâti, à 600 000 euros en 2011, au lieu de 7 millions d’euros précédemment au titre de l’ensemble constitué par la taxe professionnelle, la taxe d’habitation, la taxe sur le foncier bâti et la taxe sur le foncier non bâti. L’écart, à l’évidence, est important.

M. Christian Poncelet. Cette dégradation financière s’explique également par les pertes liées à des compensations très partielles par l’État des transferts de compétences effectués.

Cette dégradation financière s’explique aussi par le dynamisme des allocations universelles de solidarité versées par les départements pour le compte de l’État, alors que les rentrées fiscales connaissent une progression très modérée.

C’est là l’effet de ciseaux souligné par tous, entre des recettes peu dynamiques et des dépenses, essentiellement sociales, en forte croissance. Cela pose le problème du financement des allocations de solidarité. Pour y apporter une solution durable, ne conviendrait-il pas d’assurer ce financement à partir, par exemple, d’un prélèvement sur le produit de la contribution sociale généralisée ? Ce ne serait pas illogique. Cette idée a d’ailleurs été exposée à Avignon.

Cette présentation de la situation des finances locales fournit l’occasion de mettre l’accent sur l’importance des créances que les collectivités territoriales ont acquises sur l’État à la suite de transferts de compétences non accompagnés des crédits globaux correspondants.

Cette affaire est, certes, ancienne. Le principe de compensation financière des transferts de compétences a été posé dès les premières lois de décentralisation de 1982 et de 1983, puis érigé en principe constitutionnel en mars 2003. Conformément à la loi du 13 août 2004, la compensation financière s’opère par le fractionnement d’impôts nationaux

Cependant, dès la mise en œuvre de la décentralisation, des écarts ont été relevés entre les crédits prévus et ceux effectivement versés. L’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, en fournit un exemple probant. En fin de compte, c’est une créance importante sur l’État que les départements ont ainsi accumulée à la suite des différents transferts de compétences. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Le montant de cette créance a atteint, pour mon département des Vosges, 137 millions d’euros sur une période de six ans ; pour l’année 2011, il serait de l’ordre de 50 millions d’euros, soit l’équivalent d’un demi-budget annuel départemental d’investissement, investissement indispensable au soutien à l’activité économique du département !

Il est à noter que, dans ce domaine, aucun gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite, n’a respecté la loi de 1982, et que l’accroissement de ces dettes de l’État crée une situation financière insupportable pour les départements.

Aussi serons-nous très attentifs à la réponse que vous voudrez bien apporter, monsieur le ministre, à la question suivante : quand, et selon quelles procédures, le Gouvernement entend-il donner une solution au lancinant problème des compensations des transferts de compétences et assurer aux collectivités intéressées le juste retour des crédits correspondants ? Peut-être la mise en place de la péréquation horizontale à partir de la croissance escomptée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ou des droits de mutation à titre onéreux permettra-t-elle d’alimenter deux fonds dédiés à la protection sociale. J’ai cependant pu observer, lors du congrès d’Avignon des 20 et 21 octobre derniers, qu’aucun département ne s’estimait riche ! (Sourires.) L’opération sera donc particulièrement difficile à réaliser…

Comment, dès lors, les départements pourront-ils établir leur budget pour 2011, alors que sont en quelque sorte entérinées la diminution des recettes et l’augmentation des dépenses ? C’est une équation qui paraît impossible à résoudre et je crains que, en l’état, il ne faille improviser.

D’ailleurs, constatant la détérioration résultant de la réduction relative des recettes face à l’augmentation forte des dépenses liées aux transferts de compétences subis, la Cour des comptes a cru déceler chez les responsables des collectivités territoriales ce qu’elle nomme le « ressenti d’une perte d’autonomie ».

M. Jean-Pierre Sueur. Un grand ressenti !

M. Christian Poncelet. Que faut-il penser de cela après examen des principales dispositions budgétaires pour 2011 ?

Pour lever les craintes et permettre aux collectivités d’avoir une démarche budgétaire plus assurée, vous voudrez bien, monsieur le ministre, apporter au Sénat les précisions qu’il m’a paru utile de demander et les réponses aux questions qu’il m’a semblé opportun de poser aujourd’hui, à l’heure où les collectivités préparent leur budget. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. Alain Le Vern. Retenez-le, ou il va faire un malheur !

M. Jean-Pierre Sueur. Votez contre, monsieur Poncelet !

M. Christian Poncelet. Cher collègue, je pourrais citer des circonstances historiques où vous avez voté par discipline des textes que vous n’approuviez pas !

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, venant après celle du président Poncelet, mon intervention vous paraîtra peut-être fade, mais elle participe du même esprit puisque, élus d’une même région, nous rencontrons des difficultés analogues, dont les chiffres cités donnent la mesure.

La France se trouvant dans une situation financière et budgétaire particulièrement contrainte, il n’est guère étonnant que le Gouvernement ait cru devoir procéder, pour l’année 2011, au gel des dotations versées par l’État aux collectivités territoriales.

J’observe, néanmoins, que ce gel conduit, en réalité, à une baisse de 1,5 % du montant de ces crédits, si l’on tient compte du taux d’inflation retenu pour 2011. Les communes, les intercommunalités, les départements et les régions vont donc se trouver contraints de réduire quelque peu leur train de vie l’année prochaine. L’exercice sera sans doute bien plus facile pour les collectivités relativement aisées que pour les communes rurales, qui n’ont déjà pas beaucoup de ressources, ou les départements ruraux, qui n’en ont guère plus ; je pense bien entendu aux communes du département que je représente dans cette assemblée, la Meuse.

Le seul motif de satisfaction que je retiens des propositions formulées par le Gouvernement tient à la progression de 6 %, malgré tout, des dotations de solidarité. Cependant, sur quelle base sera calculé ce pourcentage ?

À l’énoncé des chiffres, il apparaît clairement qu’un réel problème se pose : 836 communes urbaines recevront 1,3 milliard d’euros de DSU en 2011, soit 1,531 million d’euros par ville ; dans le même temps, 34 866 communes rurales vont se partager 850 millions d’euros – c’est dire qu’elles ne jouent pas dans la même cour !

En six ans, les crédits de ces deux dotations de solidarité ont certes doublé, mais ils sont passés de 400 millions d’euros à 850 millions d’euros pour la DSR, et de 600 millions d’euros à 1,3 milliard d’euros pour la DSU. L’écart entre les deux dotations se trouve donc accru.

Pourquoi une telle différence de traitement entre communes urbaines et communes rurales ? Je demande solennellement au Gouvernement de mettre fin à cette disparité, qui n’est absolument pas justifiée.

Dans cette enceinte, nous évoquons régulièrement la péréquation, que nous appelons tous de nos vœux, mais elle peine à s’instaurer. On sait que le calcul des dotations de l’État reposait, à l’origine, sur le produit de la taxe locale, qui variait fortement entre les villes et les villages. En d’autres termes, les villes qui étaient riches dans les années soixante et soixante-dix perçoivent aujourd’hui encore un montant de DGF plus important que les autres !

Ces différences de traitement sont tout simplement insupportables et peuvent être chiffrées : la garantie de progression minimale qui avait été instaurée en 1993 a cristallisé les anciennes disparités financières et le complément de garantie, créé en 2004, les a maintenues.

Je me suis fait communiquer le détail de la DGF perçue par la ville de Paris : en 2010, son montant s’est élevé à 1,242 milliard d’euros, soit plus de 600 euros par habitant, alors que les communes rurales de mon département perçoivent moins de 100 euros par habitant ; cette situation me paraît tout à fait anormale ! Bien sûr, Paris n’est pas la seule ville à bénéficier d’un tel traitement, mais son cas est assurément le plus emblématique. Au total, les crédits affectés au complément de garantie de la DGF s’élèvent à 5 milliards d’euros, mais leur répartition repose toujours sur des situations acquises de longue date.

Monsieur le ministre, si vous cherchez des moyens budgétaires pour renforcer la péréquation, vous disposez là d’un gisement non négligeable. Je sais que vous y puisez déjà un peu, puisque vous prévoyez d’opérer en 2011 une réfaction pouvant aller jusqu’à 5 % de ce complément de garantie, mais il faut aller plus loin encore. Il y a urgence en la matière, car il n’est pas normal de laisser subsister de telles injustices dans la répartition de la DGF. C’est la raison pour laquelle je me permets d’insister sur ce point.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Claude Biwer. Au total, le mode de calcul de la DGF avantage aujourd’hui encore les collectivités les plus riches. On a vraiment le sentiment qu’il existe, en France, des communes de première et de seconde zone ; il est temps de mettre véritablement en application la politique que nous appelons tous de nos vœux.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour mettre un terme aux disparités que j’ai soulignées, en tout cas pour aller dans le bon sens, afin de permettre aux communes les plus pauvres de mieux mettre en valeur leurs atouts.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes vœux de réussite dans votre mission, qui est difficile. Je vous souhaite en outre beaucoup de courage, tant le mécontentement des élus locaux de notre République est profond !

J’ai écouté avec grand intérêt les orateurs précédents, qui ont parlé avec beaucoup de conviction. On pourrait presque s’attendre à ce que même ceux d’entre eux qui appartiennent à la majorité votent contre les crédits de cette mission ! J’accorde cependant volontiers à M. le président Poncelet que, dans la vie politique, il arrive que l’on doive faire preuve de discipline, quelles que soient les sensibilités. (M. Christian Poncelet acquiesce.)

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela étant, quand le vote n’est acquis qu’au prix de la discipline, ce n’est pas très satisfaisant, convenons-en !

Monsieur le ministre, je commencerai par relever un élément positif : j’ai bien noté que la DSU progressera de 77 millions d’euros et la dotation de développement urbain, la DDU, de 50 millions d’euros. On aurait pu souhaiter une plus forte croissance, mais enfin ces augmentations ne seront pas inutiles dans les zones urbaines et les quartiers en difficulté.

Cela étant dit, je ne centrerai pas mon propos, évidemment, sur les 2,5 milliards d’euros de crédits de cette mission, qui ne représentent qu’une faible part des relations financières entre l’État et les collectivités locales, dont le volume total atteint 99 milliards d’euros.

Je tiens à redire, à la suite de M. Poncelet et de Mme Mathon-Poinat, combien il nous paraît inacceptable que l’on puisse imaginer que le montant des dotations de l’État soit calculé, à l’avenir, en fonction de la « bonne gestion » des collectivités locales.

Qui, dans une République ayant choisi la décentralisation, peut juger de la bonne gestion des collectivités locales, sinon les citoyennes et les citoyens ? Nous considérons que ces mots étaient véritablement de trop, car ils sont offensants pour les élus locaux. Dans la République, seuls les électeurs sont juges,…

M. Jean-Jacques Hyest. Il existe malgré tout quelques critères d’appréciation !

M. Jean-Pierre Sueur. … et je ne sais pas qui, parmi nous, accepterait qu’il y eût un comité chargé de juger de la bonne ou mauvaise gestion des diverses collectivités locales !

M. Jean-Pierre Raffarin a beaucoup insisté pour que l’on inscrive dans la Constitution le principe de l’autonomie fiscale des collectivités locales.

Un sénateur de l’UMP. L’autonomie financière !

M. Jean-Pierre Sueur. Toutefois, depuis lors, cette autonomie régresse. En tant que président de région, M. Le Vern peut témoigner que les régions ne disposent plus d’aucune autonomie, puisque leur budget dépend de manière pratiquement exclusive des dotations de l’État.

M. Alain Le Vern. Nous sommes sous tutelle !

M. Jean-Louis Carrère. M. le ministre est bien placé pour le savoir !

M. Jean-Pierre Sueur. Il était bien d’inscrire dans la Constitution l’autonomie fiscale des collectivités, mais dans les faits celle-ci se réduit chaque jour davantage.

Au sein des 99 milliards d’euros que j’évoquais tout à l’heure, 21 milliards d’euros correspondent soit à des dégrèvements, soit à des compensations d’exonérations fiscales décidées par l’État. Cela signifie que le contribuable national est devenu le principal contribuable local.

Cette situation me semble profondément malsaine, et elle s’aggravera encore, nous le savons tous, avec la réforme de la taxe professionnelle. Nous souhaitons donc que les collectivités locales jouissent d’une plus grande autonomie fiscale, au rebours de l’évolution que nous constatons actuellement.

En matière de concours de l’État aux collectivités territoriales, nous nageons, monsieur le ministre, dans un océan de complexité ! Je sais que la DGCL compte d’éminents experts en ce domaine, auxquels je rends hommage pour leur grande connaissance du sujet, mais je ne suis pas sûr que l’on trouve plus de dix personnes dans ce pays qui soient capables d’appréhender en totalité le système des concours financiers de l’État aux collectivités locales.

M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai ! Je peux en témoigner !

M. Roland du Luart. Pour une fois, je suis d’accord avec vous !

M. Jean-Pierre Sueur. Leur architecture est devenue tellement incompréhensible que cela constitue un problème pour la démocratie : lorsque plus personne ne comprend rien, il est très difficile, pour les citoyens et les élus, de peser dans le débat…

M. Christian Poncelet. La Cour des comptes l’a reconnu !

M. Jean-Pierre Sueur. Il faudra donc parvenir à une simplification.

Je terminerai mon propos en abordant le sujet de la péréquation. L’écart de richesse va de un à deux entre les régions, de un à quatre entre les départements, de un à mille entre les communes. La situation est donc profondément inégalitaire, en l’absence d’adéquation entre les charges des collectivités locales et leurs ressources. C’est pourquoi la péréquation devrait être beaucoup plus forte.

Nous ne cessons de parler de péréquation, mais pour ma part je soutiens que, dans l’ensemble qui constitue la DGF, la part de la péréquation réelle ne dépasse pas 10 %.

Je sais bien que l’on m’objectera qu’il existe dix dotations de péréquation : la DDR, la dotation globale d’équipement, ou DGE, la DDU et sept autres au sein de la DGF, à savoir la dotation de fonctionnement minimale, dont la fonction de péréquation est modeste, la dotation de péréquation des régions, la dotation d’intercommunalité, la dotation de péréquation urbaine, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, la dotation de solidarité rurale et enfin la dotation nationale de péréquation.

Mais, très franchement, l’examen attentif de ce dispositif révèle que, derrière les mots, la péréquation n’a pas toujours l’ampleur que l’on veut bien lui attribuer.

En effet, le montant de dotations dites de péréquation comme la DSU et la DSR est souvent le résultat de calculs relatifs à la dotation forfaitaire ; autrement dit, il s’agit d’un reliquat. La DSR, par exemple, ne permet en réalité qu’une très faible péréquation. En outre, si la dotation d’intercommunalité joue certes un rôle en la matière, telle n’est pas sa vocation essentielle, le statut d’instance intercommunale étant dépourvu de tout lien avec le degré de richesse !

Ce système présente donc de nombreux effets pervers. En réalité, on n’ose pas mettre en œuvre une véritable péréquation. Il serait préférable qu’il y ait moins de dotations de l’État et de transferts de fiscalité, et plus de péréquation au sein des dotations qui subsisteraient.

Je conclurai en évoquant la « rupture », dont il a beaucoup été question voilà quelque temps dans notre pays. Provoquer une rupture serait souhaitable pour nos collectivités locales, en leur donnant les moyens d’investir davantage, en instaurant une plus grande solidarité, ce que ne permet pas l’effort actuel de péréquation, trop faible, et en renforçant la décentralisation, c’est-à-dire les libertés locales, car nous avons le sentiment qu’un certain nombre de dispositions récentes – je pense à la réforme des collectivités territoriales – vont plutôt dans le sens de la recentralisation.

Pour la solidarité, pour la décentralisation, pour les libertés locales et pour l’investissement, il faut une autre politique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’adoption du désastreux projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, dans les conditions et sous les pressions que l’on sait, particulièrement dans cette enceinte, l’examen des ressources que ce projet de loi de finances alloue parcimonieusement aux collectivités territoriales démontre, s’il en était encore besoin, le peu de considération que le Gouvernement porte aux collectivités et aux élus qui les gèrent avec volonté et dévouement, dans un esprit de solidarité.

La loi de finances de 2010 avait donné naissance à la contribution économique territoriale, destinée à remplacer la taxe professionnelle. On nous avait promis que la suppression de cette dernière n’affecterait en aucun cas la capacité financière des collectivités et que l’État se porterait garant en cas de défaillance budgétaire.

M. Pierre Bernard-Reymond. Et c’est vrai !

M. Jean-Michel Baylet. Ce n’est pas la réalité !

Nous avons surtout constaté une régression majeure de l’autonomie fiscale des collectivités : comme cela a été souligné par l’ensemble des intervenants, quelle que soit leur sensibilité politique, les régions ont totalement perdu leur pouvoir de modulation fiscale, tandis que les départements ont vu le leur divisé par trois, passant de 36 % à 12 % !

Parallèlement, le gel des dotations de l’État pèsera lourdement sur les perspectives d’investissement des collectivités, en particulier pour celles d’entre elles qui ne bénéficieront pas du fonds national de garantie individuelle des ressources ou de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

Enfin, cette réforme inique entraînera un transfert massif de l’impôt vers les ménages, dont la contribution aux ressources locales va passer de 48 % à 72 %. Voilà un message qui réjouira certainement, en cette période de Noël, les plus modestes de nos compatriotes, ceux-là mêmes qui se débattent au quotidien dans des situations dramatiques, en raison de la crise économique.

En tout cas, le gel de l’ensemble des dotations pour trois ans est une nouvelle attaque frontale contre les libertés locales. Et ce n’est là que le dernier avatar d’une politique visant à orchestrer, depuis maintenant huit ans, le recul de cette autonomie financière pourtant inscrite, grâce à la réforme Raffarin, à l’article 72-2 de la Constitution ! À quelle fin, si ce n’est transférer aux collectivités une part de plus en plus importante du trop lourd déficit de l’État et faire supporter aux élus locaux la responsabilité d’une incurie budgétaire qui incombe à la majorité ?

Concrètement, 14 000 communes ou intercommunalités auront vu leurs dotations baisser en 2010 en euros courants, alors que l’enveloppe normée progressait encore de 0,6 %. L’année prochaine, elles seront 25 000 à subir cet étranglement financier qui leur ôtera toute marge de manœuvre. À cela s’ajoute l’étouffement des départements et des régions. En 2010, vingt-sept départements sont au bord de la cessation de paiement ; l’an prochain, ils seront peut-être quarante ou cinquante, du seul fait de leur incapacité à faire face à l’effet de ciseaux créé par des charges toujours plus lourdes et des ressources toujours plus rares.

Monsieur le ministre, ne restez pas sourd à la colère de ces milliers d’élus locaux de tous bords, pour qui il est de plus en plus difficile d’établir un budget permettant de satisfaire les besoins de leurs administrés, en raison de la ponction que leur impose l’État. Il est absurde de faire croire et de vouloir se persuader que c’est en donnant moins aux collectivités qu’elles dépenseront moins, alors même que les besoins locaux, particulièrement en matière de services publics, n’ont jamais été aussi criants.

Les collectivités territoriales ont toujours réussi, jusqu’à présent en tout cas, à satisfaire à l’obligation légale de voter des budgets non déficitaires qui s’impose à eux. De plus, la part du déficit des administrations publiques locales dans le déficit public a diminué cette année et représente maintenant à peine 10 % de celui-ci. Dans ces conditions, comment l’État, qui n’a pas voté un budget en équilibre depuis 1980, peut-il prétendre faire la leçon aux élus locaux ? Comment une majorité qui a porté notre dette publique de 900 milliards d’euros en 2002 à 1 700 milliards d’euros en 2011 ose-t-elle donner des leçons de gestion ? Il est tout simplement inconcevable que les mêmes prétendent moduler demain les dotations de l’État en fonction de critères de « bonne gestion », critères qu’ils définiraient eux-mêmes, au mépris du principe de libre administration.

Il est faux de dire que les collectivités sont dans l’impasse parce qu’elles auraient trop dépensé et même, prétend-on parfois, trop embauché.

Je vous rappellerai, monsieur le ministre, que les transferts de compétences massivement opérés depuis 2004 n’ont pas été accompagnés des compensations intégrales que la loi impose à l’État. Les conseils généraux n’ont ainsi reçu que 8 milliards d’euros sur les 12 milliards d’euros que l’État aurait dû leur verser au titre des prestations sociales dont ils ont la charge. C'est la raison pour laquelle le groupe RDSE a déposé une proposition de loi visant à obliger l’État à compenser intégralement les charges dues au titre des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.

Ce sont aussi les collectivités qui financent à hauteur de 96 % les budgets des services départementaux d’incendie et de secours – la charge est assumée à 56 % par les conseils généraux – et qui supportent les conséquences financières de décisions prises par l’État, par exemple le surcoût de la mise en œuvre du dispositif ANTARES.

Je vous rappellerai également que les embauches effectuées par les collectivités correspondent à des transferts de personnels ou à des besoins réels de nos administrés.

Je vous rappellerai enfin que l’État a opéré l’ensemble de ces transferts de façon coercitive, sans aucune concertation, alors que la recherche du consensus aurait dû être la seule ligne directrice. Dans mon département, le préfet a ainsi demandé au conseil général son avis sur le transfert de la gestion des routes nationales, tout en précisant que ce transfert aurait lieu de toute façon ! Et l’on passa outre, en effet, l’avis négatif du conseil général, exprimé à l’unanimité moins une voix…

En conclusion, l’avenir est sombre pour nos collectivités, particulièrement dans les zones rurales. En restreignant les possibilités de cofinancement et de subventions, votre loi portant réforme des collectivités territoriales contraindra les élus à revoir leurs projets d’investissement et à abandonner, ou même à privatiser, pour la plus grande satisfaction de certains, des services publics.

La perspective que vous ouvrez en étranglant les finances locales, c’est donc celle de la disparition des solidarités locales. Les radicaux de gauche, ainsi que la majorité des membres du RDSE, la refusent avec détermination. En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget s’inscrit dans un contexte très contraint, et pourtant l’État maintient ses dotations et ses concours aux collectivités territoriales.

Après la réforme de la taxe professionnelle et celle des collectivités territoriales, je souhaiterais, dans le prolongement du congrès de l’Association des maires de France qui s’est tenu la semaine dernière, faire quelques observations pour relayer les interrogations et les inquiétudes des élus.

Au-delà du projet de budget de cette mission, qui ne retrace qu’une petite partie de l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales, j’évoquerai les problèmes que les élus rencontrent en matière de finances locales.

Ma première observation portera sur la fusion de la dotation globale d’équipement et de la dotation de développement rural pour créer, sur l’initiative conjointe des ministres de l’intérieur et de la ruralité, dans le prolongement du Comité interministériel de l’aménagement et du développement du territoire, une nouvelle dotation d’équipement des territoires ruraux.

Cette fusion, associée à la simplification des critères de répartition de la dotation et à l’uniformisation des procédures d’attribution, vise à mieux répondre aux besoins d’équipement exprimés. C’est un signe positif adressé aux communes rurales.

Monsieur le ministre, permettez-moi toutefois d’exprimer, à ce stade, la crainte que cette fusion ne pénalise au final les communes ou les intercommunalités. La DDR était plutôt, ces derniers temps, réservée aux intercommunalités.

M. Jean-Michel Baylet. Elle a été créée pour cela !

M. Rémy Pointereau. Des précisions quant aux critères d’éligibilité à la nouvelle dotation et au périmètre exact des actions qu’elle pourra financer seraient sans doute utiles. Certains départements ayant cessé leurs aides aux communes, il conviendrait qu’elle soit répartie de façon équitable entre communes et intercommunalités.

Ma deuxième observation portera sur la péréquation verticale, en particulier la DGF, qui est la dotation engendrant le plus d’inégalités entre collectivités. Les maires ruraux sont inquiets. La dotation forfaitaire de base des communes varie de 64 euros à 128 euros par habitant en fonction de la taille de la commune : nous devons réduire, à terme, cette distorsion qui pénalise la ruralité.

Je formulerai une troisième observation sur la réforme de la taxe professionnelle, dont nous discuterons surtout lors de l’examen des articles non rattachés, en particulier de l’article 59.

L’année 2011 constitue un tournant pour les finances locales. Maire d’une commune rurale et président de l’association des maires de mon département, j’attire en particulier l’attention sur la part de l’impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, attribuée aux communes au titre de la production d’énergie d’origine éolienne. Nous avons déjà eu un débat sur cette question l’an passé. Le relèvement de cette part à 5 euros par kilowatt, contre 2,913 euros l’année dernière, proposé dans le projet de loi de finances est une petite avancée. Mais cela est encore nettement insuffisant, puisqu’il faudrait que cette part atteigne au minimum 8 euros par kilowatt pour compenser les pertes de recettes par rapport à l’ancienne taxe professionnelle. Les simulations effectuées le montrent bien, et de nombreux maires s’interrogent, à l’approche de la préparation de leur budget pour 2011, sur la réalité de leurs ressources.

Avant la réforme de la taxe professionnelle, les recettes fiscales par éolienne étaient, en moyenne, de l’ordre de 30 000 euros, à répartir entre communes, communautés de communes et département. Depuis, ces recettes ont chuté au-dessous de 10 000 euros par éolienne. Des communes ayant anticipé l’implantation d’éoliennes sur leur territoire se trouvent aujourd’hui pénalisées au regard des prévisions. J’ai donc déposé plusieurs amendements, que je présenterai à l’article 59, visant, d’une part, à relever la part de l’IFER dévolue aux communes à 8 euros par kilowatt, et, d’autre part, à modifier la répartition du produit de cet impôt au profit des communes, afin que celles-ci perçoivent 50 % de celui-ci, les communautés de communes 40 % et les départements 10 %. En effet, les départements ne peuvent prétendre à une part aussi élevée que prévu initialement, à savoir 30 %, dans la mesure où toutes les démarches sont réalisées par le bloc communal et que les nuisances éventuelles sont plus locales que départementales.

En ce qui concerne les départements, l’annonce faite il y a quelques mois par le Gouvernement, à la suite du rapport Jamet, d’une aide aux départements en situation d’urgence financière est très positive. Le contrat de stabilité proposé, aux termes duquel les départements pourront recevoir une avance, voire une dotation, en contrepartie d’un programme de stabilisation de leurs dépenses, me paraît relever du bon sens. J’avais écrit au Premier ministre pour demander que le Cher, qui compte parmi les dix départements les plus en difficulté, puisse bénéficier de ce soutien. J’ai noté avec satisfaction que le Gouvernement traduirait cette démarche dans le prochain projet de loi de finances rectificative.

Telles sont, monsieur le ministre, les interrogations que je souhaitais vous soumettre.

Pour conclure, je tiens à vous renouveler mes félicitations pour votre nomination et à vous assurer de toute ma confiance. Nous ne doutons pas que vous saurez soutenir les collectivités territoriales dans leur ensemble, rétablir des équilibres parfois fragiles sur certaines parties de notre territoire en confortant la ruralité, corriger des inégalités et remédier aux pertes de recettes dues à la trop grande faiblesse de bases de calcul retenues dans la loi de finances de 2010.

M. Jean-Louis Carrère. Votez-lui un bon budget, alors !

M. Rémy Pointereau. Cela permettra, j’en suis sûr, un aménagement du territoire plus équilibré et plus harmonieux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant déjà été dites, je me bornerai à formuler quelques remarques.

Premièrement, en gelant les dotations aux collectivités locales pendant trois ans, l’État appelle celles-ci à participer à la lutte contre les déficits publics. Bien sûr, on ne peut pas y être opposé. Néanmoins, comme cela a été rappelé tout à l’heure, cette participation doit demeurer à la mesure de nos responsabilités, sachant que les collectivités locales ne sont à l’origine que de 10 % de l’endettement global de la France.

Je voudrais relayer ici l’angoisse des élus. Ce gel fait suite à la réforme de la taxe professionnelle, qui correspond à une recentralisation fiscale : l’État dispose désormais de deux leviers d’action sur les recettes des collectivités locales. Celles-ci craignent donc de ne plus pouvoir assumer leurs missions.

Monsieur le ministre, malgré les paroles rassurantes de Mme Lagarde, les Français savent que la situation n’est pas bonne et que les temps à venir vont être durs. Or si les collectivités locales n’ont plus les moyens de mettre en œuvre un certain nombre de politiques de proximité, la situation deviendra de plus en plus insupportable pour nos concitoyens. Il faut que le Gouvernement en prenne conscience avant qu’il ne soit trop tard.

Deuxièmement, je regrette que le Gouvernement ait obtenu la suppression, par le biais d’une seconde délibération à l’Assemblée nationale, de plusieurs dispositions favorables aux collectivités territoriales. Monsieur le président du Sénat, monsieur le ministre, nous espérons que, dans cette assemblée qui représente les collectivités territoriales, le Gouvernement saura faire preuve d’un peu plus d’habileté. Nous espérons surtout que nos collègues ne se laisseront pas aller à voter une seconde délibération qui viserait à annuler des décisions que nous aurions prises auparavant.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Louis Carrère. Ils l’ont déjà fait !

Mme Jacqueline Gourault. Troisièmement, si la dotation de garantie diminue globalement de 130 millions d’euros, soit de 2,54 %, elle connaît une évolution différenciée selon les communes. Nous souhaiterions donc que le Gouvernement procède à des simulations plus précises des effets de la baisse de la dotation de garantie.

Quatrièmement, comme l’a déjà relevé mon collègue Rémy Pointereau, la fusion de la DGE et de la DDR suscite une grande inquiétude. Nous espérons qu’aucune commune n’y perdra. En outre, nous souhaiterions que la commission d’élus conserve le rôle essentiel qu’elle jouait jusqu’à présent.

Pour terminer, je voudrais évoquer, à la demande de plusieurs de mes collègues, les élections aux chambres départementales de coopération intercommunale, les CDCI, même si ce sujet est un peu à la marge de notre débat.

Mme Nathalie Goulet. Pas tant que cela !

Mme Jacqueline Gourault. La loi portant réforme des collectivités territoriales prévoit l’élection d’une commission départementale de la coopération intercommunale dans chaque département. Nous souhaiterions que le décret correspondant paraisse le plus rapidement possible, en tout cas avant que ne s’engage la campagne des élections cantonales, qui pourraient perturber quelque peu les élections aux CDCI. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s’élèvent pour 2011 à 2,55 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,51 milliards d’euros en crédits de paiement. Cette enveloppe ne représente que 2,6 % du montant total des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, qui dépasse 98 milliards d’euros.

Cette mission retrace les crédits affectés aux collectivités locales au titre de la dotation générale de décentralisation, des dotations d’investissement et d’autres aides spécifiques de l’État aux collectivités qui sont intégrées dans le périmètre des dotations concernées par le gel en valeur pour les trois prochaines années, conformément à la règle d’évolution « zéro valeur » posée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

L’article 20 du projet de loi de finances gèle les dotations de fonctionnement, telles que la dotation générale de décentralisation, et l’article 21 gèle quant à lui les dotations d’investissement, telle la dotation globale d’équipement.

Cette stagnation des dotations aura des effets négatifs sur les capacités d’intervention des collectivités. D’ores et déjà, la note de conjoncture publiée le mercredi 17 novembre par Dexia Crédit Local annonce un recul de 2,1 % des investissements publics locaux en 2010. Cette baisse se poursuivra l’année prochaine, puisque le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une diminution de 3,1 % du montant du Fonds de compensation pour la TVA.

Plus grave encore sera l’incidence de la réduction des concours financiers de l’État sur les départements-régions d’outre-mer, qui, en raison de compétences plus larges que celles des collectivités métropolitaines, ont des charges nécessairement plus élevées. Les dépenses de fonctionnement par habitant des collectivités territoriales des DOM sont en effet largement supérieures à la moyenne de celles des collectivités françaises : l’écart est de 82 % pour les régions, de 88 % pour les départements et de 17 % pour les communes !

Outre l’effet des charges de personnel, ce déséquilibre résulte également du poids des dépenses sociales dans les budgets des collectivités territoriales d’outre-mer. Cela induit nécessairement une situation particulièrement tendue, notamment pour les finances départementales. En raison de l’importance de ces dépenses sociales, la sous-compensation pèse plus lourd en valeur absolue dans les budgets départementaux d’outre-mer que dans ceux de métropole.

Les DOM présentent également des spécificités historiques qui justifient un effort accru en matière d’investissement : infrastructures de transports, équipements scolaires, logement social. En raison de besoins importants, les dépenses d’investissement des collectivités territoriales devraient logiquement être supérieures à celles des collectivités métropolitaines. Or tel n’est pas le cas : elles sont plus faibles en raison du poids des dépenses de fonctionnement, qui obère la capacité d’investissement ; cela engendre de nombreuses insatisfactions locales. En l’état actuel des choses, elles assurent pourtant à elles seules plus de 70 % des investissements publics, qui sont de loin le premier moteur de l’activité économique des départements d’outre-mer.

Sans cesse, nous alertons sur cette situation et réclamons une meilleure adaptation des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales des départements d’outre-mer, voire l’attribution d’une dotation de rattrapage. Les réponses qui nous sont faites reposent exclusivement sur la responsabilisation des élus et l’accentuation de la pression fiscale directe et indirecte sur une population dont le quart seulement est assujetti au paiement de l’impôt sur le revenu, puisque les départements d’outre-mer bénéficieraient déjà d’importantes dotations de l’État, en raison de règles de droit commun qui leur seraient plus favorables.

Si la hausse de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales des DOM est certes supérieure à celle de la DGF des collectivités métropolitaines, cela résulte d’une croissance démographique plus forte. Il est normal que les dotations de l’État prennent en compte cet élément, puisqu’une part importante de la DGF est déterminée par le nombre d’habitants.

La mission sénatoriale qui s’était rendue dans les DOM en 2009 avait pris la pleine mesure de la situation, en identifiant de réels problèmes. Dans son rapport, qui a été largement diffusé, elle a émis plus de quinze propositions visant à améliorer la situation financière des collectivités locales. Le Gouvernement a paru les entendre, mais à ce jour il n’y a pas donné suite. Je reprends certaines de ces propositions au travers d’amendements qui, je l’espère, seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.)

(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. Benoît Huré.

M. Benoît Huré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits pour 2011 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » me conduit à formuler les quelques remarques suivantes.

Alors qu’une crise économique et financière sans précédent accable le monde et la France, je constate avec satisfaction que le Gouvernement démontre, au travers de ce projet de budget, qu’il continue malgré tout à soutenir fortement les collectivités territoriales, dont plus de 60 % des recettes proviennent de l’État. On note, en particulier, une augmentation des crédits de la dotation de développement rural et de la dotation de solidarité urbaine, ce qui témoigne d’une grande attention portée à la situation des territoires fragiles.

Ce projet de budget s’inscrit en outre dans l’actualité de la réforme territoriale, à laquelle le Sénat a apporté une contribution déterminante, largement inspirée par son enracinement dans les réalités territoriales.

Si l’évolution du bloc communal et intercommunal se trouve confortée, la possibilité de mieux travailler ensemble offerte aux départements et aux régions renforcera les rôles nécessaires et complémentaires de ces deux institutions, tout en répondant à la nécessité incontestée de simplifier et de clarifier le mode d’élection des représentants des territoires.

La suppression de la taxe professionnelle est compensée et les modalités de la répartition de l’impôt économique nouveau qui lui succède reflètent une volonté, qui devra être encore réaffirmée à l’avenir, de renforcer la péréquation entre territoires.

En revanche, j’éprouve une vive inquiétude, à l’horizon des mois et même des semaines à venir, pour certains conseils généraux. En effet, les départements, outre les missions classiques qui échoient à toutes les autres collectivités, ont le devoir de mettre en œuvre les politiques de solidarité, les charges liées à la prise en charge de la dépendance et au RMI-RSA étant en train d’exploser.

Le Premier ministre, en décembre dernier, a lui-même reconnu la gravité de la situation ; il a nommé un expert, M. Pierre Jamet, dont les conclusions sont claires.

Même si, à compter de 2012, les perspectives budgétaires des conseils généraux reposent sur des fondamentaux plus solides, grâce à la mise en œuvre du financement par la nation de la dépendance au titre du « cinquième risque », il n’en reste pas moins que certains départements, dont celui des Ardennes, où se conjuguent les effets d’une démographie vieillissante et d’une situation économique difficile, ne pourront pas attendre cette échéance, l’équation budgétaire de 2011 étant quasiment impossible à résoudre.

Les 150 millions d’euros de dotation exceptionnelle récemment dégagés par le Gouvernement en faveur de quelques dizaines de départements n’apportent qu’une partie de la réponse pour certains conseils généraux se comptant sur les doigts d’une main, dont celui des Ardennes. Pour ceux-ci, les conclusions de la mission d’appui constituée sur l’initiative du Premier ministre attestent la nécessité de verser en urgence une dotation de secours spécifique.

Monsieur le ministre, je fais confiance à l’ancien sénateur et président de conseil général que vous êtes pour relayer cet appel pressant auprès du Premier ministre. Je vous renouvelle mes félicitations et mes encouragements pour la responsabilité ministérielle qui vient de vous être confiée. Je voterai les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite aborder devant vous en toute transparence ce dossier complexe. Quelles que soient nos responsabilités, ce n’est qu’ainsi que nous pourrons avancer ensemble, pour le bien de la nation.

La discussion des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des articles rattachés constitue l’un des trois moments du débat sur les finances locales que ménage l’examen du projet de loi de finances. En effet, la semaine dernière, vous avez déjà adopté la première partie du projet de loi de finances et son volet relatif aux prélèvements sur recettes de l’État au profit des collectivités territoriales, et j’aurai le plaisir, en fin de semaine ou en début de semaine prochaine, de vous retrouver pour examiner les articles relatifs à la clause de rendez-vous de la réforme de la taxe professionnelle.

L’importance de ces débats et des articles associés résulte de deux orientations majeures de ce projet de loi de finances : l’application concrète de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales, d’une part, la mise en œuvre du gel des concours financiers et la poursuite de l’effort de péréquation, d’autre part.

Avant de présenter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je voudrais exposer brièvement ces orientations, en ayant bien conscience des difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés au sein de nos collectivités territoriales.

En ce qui concerne tout d’abord la clause de rendez-vous de la taxe professionnelle, ce projet de loi de finances répond de manière concrète, comme le Gouvernement s’y était engagé, à une attente forte des parlementaires et des élus locaux.

Cette clause de rendez-vous permet d’établir une première évaluation de la réforme. Les collectivités territoriales, je tiens à le redire ici, n’ont pas été asphyxiées par la suppression de la taxe professionnelle. D’ailleurs, le montant de la compensation-relais de la taxe professionnelle perçue cette année marque une sensible augmentation – à hauteur de 3,7 % – par rapport au produit de la taxe professionnelle perçue l’an dernier. Ce ne sont pas des chiffres arbitraires, c’est la réalité ! Cela représente, quoi que l’on puisse dire, 1,1 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour les collectivités locales.

Certes, la territorialisation des nouvelles ressources continue de faire débat. À mon sens, elle légitime les outils de péréquation qui doivent être progressivement mis en œuvre : pour les échelons régional et départemental, un mécanisme de péréquation assis sur la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée, la CVAE ; pour le seul niveau départemental, le mécanisme relatif aux droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, introduit l’an dernier sur l’initiative du député Marc Laffineur ; enfin, pour l’échelon communal, l’examen de ce projet de loi de finances permet d’ouvrir le débat sur l’instauration, dès 2012, d’un nouveau dispositif de péréquation des ressources communales et intercommunales selon les modalités décrites à l’article 63.

Tout le monde est favorable à la péréquation, à condition que l’effort repose d’abord sur les autres. Je n’ai cessé de le constater depuis bientôt trente ans que j’exerce des responsabilités.

Le Gouvernement souhaite établir une feuille de route pour les travaux que nous aurons à conduire en 2011, en étroite concertation avec le Comité des finances locales, monsieur le rapporteur spécial. Nous aurons l’occasion de débattre de ces différents mécanismes dans les tout prochains jours. Enfin, nous avons dû adapter les instruments de mesure des écarts de richesse aux nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Étant donné les évolutions intervenues, il était nécessaire de trouver de nouvelles bases.

Cette mesure est indispensable pour la répartition des dotations de péréquation. C’est l’objet de l’article 86 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui prévoit de conserver en 2011, pour la part de potentiel fiscal assise sur la seule taxe professionnelle, les données utilisées pour le calcul du potentiel fiscal en 2010, c'est-à-dire en fait les données de 2009.

Ce choix a été fait pour ne pas perturber trop gravement la répartition des dotations de péréquation au moment où se mettent en place les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Naturellement, l’an prochain, un nouveau potentiel fiscal prendra en compte les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales.

J’en viens maintenant à la stabilisation en valeur, pour la période 2011-2013, des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Cette décision a été prise lors de la deuxième conférence des déficits publics. Elle s’inscrit dans le cadre des conclusions du rapport Carrez-Thénault et vise à appliquer aux concours financiers de l’État la même règle d’évolution que celle que l’État fixe pour ses propres dépenses.

L’effort de maîtrise des finances publiques concerne en effet l’ensemble des dépenses publiques, d’autant que le contribuable final est toujours le même. Bien entendu, les dettes des collectivités ne sont cependant pas du même niveau que celles de l’État ; personne ne saurait prétendre le contraire.

Pour mémoire, je souhaite rappeler que le gel ne porte que sur une enveloppe de 50,4 milliards d’euros, alors que l’effort financier global de l’État en faveur des collectivités territoriales est nettement supérieur, puisqu’il atteint 77 milliards d’euros en comptant les concours financiers et les dégrèvements législatifs d’impôts locaux, et en réalité 99 milliards d’euros en ajoutant la fiscalité transférée en compensation des transferts de compétences. Cela représente tout de même le premier poste de ce projet de budget, loin devant, par exemple, celui de l’éducation nationale, qui s’élève à 61,7 milliards d’euros.

De surcroît, ce gel s’accompagne de plusieurs engagements forts.

Premièrement, la stabilisation des concours financiers de l’État ne concernera pas toutes les dotations. En effet, conformément aux préconisations de MM. Carrez et Thénault, le Fonds de compensation pour la TVA n’est pas inclus dans le périmètre du gel. Les dotations aux collectivités territoriales ne seront donc pas pénalisées par la croissance des investissements que celles-ci pourraient engager. Le produit des amendes de police est également exclu du périmètre du gel.

Deuxièmement, les effets de la réforme de la taxe professionnelle, notamment la création de la nouvelle dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ne pèseront pas sur les autres concours financiers de l’État.

Troisièmement, les dotations de péréquation vont continuer à progresser. Cela témoigne de notre souhait de renforcer l’équité entre les territoires ; j’y reviendrai tout à l’heure lors de l’examen des amendements.

Ainsi, l’article 80 précise que la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale augmentera de 77 millions d’euros, monsieur Sueur. La dotation de solidarité rurale croîtra, quant à elle, de 50 millions d’euros. Cela représente une augmentation de 6,2 % pour chacune de ces deux dotations. Elle sera certes gagée par la baisse d’autres composantes de l’enveloppe gelée, notamment de certaines parts de DGF.

Je précise toutefois que, s’agissant de l’écrêtement du complément de garantie, celui-ci ne sera plus appliqué de manière uniforme comme les années précédentes, mais en fonction du potentiel fiscal des communes. C’est une vraie mesure de redistribution, particulièrement protectrice pour les petites communes, les communes les plus fragiles. J’ajoute qu’un amendement adopté à l’Assemblée nationale a permis de dégager une ressource de 149 millions d’euros, qui soulagera les contraintes au sein du financement de la péréquation.

Enfin, je voudrais rappeler l’engagement très fort du Président de la République de réduire le poids des normes pesant sur les collectivités territoriales. Un moratoire sur les normes nouvelles est d’ores et déjà en vigueur depuis le 6 juillet dernier, et un travail s’engage sur le stock de normes existantes, en liaison avec les trois associations d’élus nationales.

Je voudrais à présent présenter brièvement les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Leur montant est modeste au regard de l’effort global de l’État au profit des collectivités territoriales, puisqu’il se décompose pour 2011 en 2,626 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et en 2,58 milliards d’euros de crédits de paiement.

Je vais vous prouver que, même pour cette mission budgétaire, l’immobilisme n’est pas de mise.

Tout d’abord, l’article 82 du projet de loi de finances prévoit de fusionner la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural, pour créer une nouvelle dotation d’équipement des territoires ruraux. Elle sera dotée de 615 millions d’euros ; il n’y a donc pas de diminution. Son fonctionnement permettra d’améliorer et de simplifier la gestion des crédits déconcentrés à l’échelon des préfectures, d’élargir le champ des projets éligibles, et donc de mieux répondre aux besoins des territoires ruraux, notamment pour le montage de projets, conformément aux attentes exprimées par les collectivités territoriales lors des assises des territoires ruraux.

Par ailleurs, quelques dotations sont abondées afin de répondre à des besoins spécifiques. C’est le cas de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires de Mayotte, ou encore du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, qui progressent respectivement de 5 millions d’euros et de 10 millions d’euros.

Enfin, la dotation de développement urbain est reconduite sur l’ensemble de la période 2011-2013, et l’État continuera ainsi d’apporter son soutien aux projets des communes les plus défavorisées dans le domaine économique et social.

Telles sont les principales orientations dont je voulais vous faire part avant de répondre de façon plus spécifique aux orateurs. Leurs questions ont été tellement nombreuses que je vais essayer de les regrouper par thèmes.

Nous savons tous que la situation est difficile, dans notre pays et ailleurs. Tous les jours ou presque, des informations nous parviennent sur la fragilité de la situation de certains de nos partenaires. Dans ces conditions, il est normal que l’État consente des efforts, et il est aussi normal que les collectivités y participent. Il ne saurait en être autrement : nous ne serions pas responsables si nous tenions un autre langage. Cela étant, il faut évidemment tenir compte de la situation spécifique des collectivités territoriales.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, nous reviendrons sur ce sujet en fin de semaine ou au début de la semaine prochaine. Aux orateurs ayant affirmé que la suppression de la taxe professionnelle avait entraîné une forte dégradation de la situation des collectivités, je ferai observer que s’il est tout à fait exact que celles-ci ne disposent plus des mêmes marges de manœuvre qu’auparavant, il n’en demeure pas moins que le montant de la contribution apportée par l’État aux collectivités territoriales a été supérieur de 1,1 milliard d’euros en 2010 par rapport à 2009. Nous sommes donc allés au-delà de la garantie qui avait été donnée de maintenir son niveau. Lors du congrès de l’Association des maires de France, j’ai entendu un intervenant affirmer que sa commune avait vu sa dotation baisser de 50 % : cela n’est pas possible !

Cela ne veut pas dire que tout est simple et que les collectivités territoriales n’ont pas perdu une partie de leurs marges de manœuvre financières, mais la réalité est que le montant de la dotation est supérieur en 2010 de 1,1 milliard d’euros à ce qu’il a été l’année précédente.

En ce qui concerne les départements, il est clair, monsieur Poncelet, qu’ils subissent un véritable effet de ciseaux, entre la croissance des dépenses, notamment dans le domaine social, en particulier pour financer la prise en charge de la dépendance, et l’évolution difficile des ressources, liée notamment à une chute des recettes tirées des droits de mutation.

Une première réponse à cette situation sera d’accompagner les départements les plus fragiles grâce à deux dotations.

M. Christian Poncelet. Il faut faire vite !

M. Philippe Richert, ministre. Mais surtout, au-delà de la question des normes, il convient d’accompagner les départements dans la prise en charge de la dépendance. Ce grand chantier sera lancé, en concertation avec les collectivités, notamment les départements.

Je me souviens que, lors du débat dans cette enceinte sur l’instauration de l’APA, nous avions demandé que 50 % de la dépense soit compensée par l’État. Or le gouvernement de M. Jospin avait refusé de fixer à cette hauteur la norme de participation de l’État ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.) Et aujourd’hui, certains demandent une compensation totale ! Soyons raisonnables, ce n’est pas possible !

M. Jean-Michel Baylet. C’est faux ! En 2002, la compensation atteignait 50 % !

M. Philippe Richert, ministre. J’étais présent sur ces travées quand cela s’est passé, monsieur le sénateur ! Je maintiens ce que j’ai dit !

M. Jean-Louis Carrère. Puisque vous tenez tant à ce que cette norme soit fixée, faites-le !

M. Philippe Richert, ministre. Comme les comptes rendus des débats au Sénat l’attestent, le gouvernement de l’époque n’avait pas voulu inscrire dans la loi la compensation de 50 % que nous demandions, parce qu’il savait très bien que la dépense irait croissant.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement va engager ce débat, car il est essentiel !

M. Christian Poncelet. Tout à fait !

M. Philippe Richert, ministre. Nous allons ouvrir le chantier du 5e risque.

Monsieur le rapporteur spécial, j’ai bien noté que vous ne souhaitiez pas que le rôle du Comité des finances locales soit réduit. Nous allons donc travailler, en particulier sur la dotation de solidarité rurale, pour laquelle il jouera un vrai rôle.

J’en viens aux critères de bonne gestion. Il ne s’agit évidemment pas de distinguer les bons et les mauvais gestionnaires. Cependant, les dotations reprennent la plupart du temps les dépenses, quelle que soit la façon dont ces dépenses ont été calculées. Ceux qui hier avaient fait des efforts en matière de taxe professionnelle sont donc handicapés puisque l’État compense celle-ci même lorsque les taux étaient élevés, même lorsque certaines régions avaient augmenté leur fiscalité de 80 % d’une année sur l’autre ! Nous devons pouvoir discuter et nous accorder sur la base de critères communs.

Il est bien évident que le niveau d’autonomie fiscale et financière des collectivités a baissé avec la réforme. La maîtrise des recettes se situe entre 8 et 10 % pour les régions, entre 12 et 20 % pour les départements et aux alentours de 40 %, en moyenne, pour les communes. Ce n’est pas tant sur les recettes que sur les dépenses que se trouvent les marges de manœuvre et il en est de même en Allemagne.

Une étude sur les recettes réalisée par la mission d’inspection IGF-IGA montre que les ratios d’autonomie financière sont, entre 2011 et 2003, de 55,9 % contre 41,7 % pour les régions, de 67 % contre 58,6 % pour les départements et de 63,7 % contre 60,8 % pour les communes. L’autonomie financière a donc progressé depuis cette période. Je tenais à le souligner, car il importe de parler des recettes, mais aussi des dépenses.

Pour ce qui concerne les élections à la commission départementale, dès que le Conseil constitutionnel se sera prononcé, nous soumettrons une proposition de décret au Conseil d’État. Lorsqu’il nous reviendra, probablement au début du mois de janvier, nous vous le ferons parvenir. Dès le mois de décembre, nous contacterons les préfectures concernant la mise en place des relations avec les collectivités territoriales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon temps de parole étant épuisé, je répondrai plus complètement aux questions qui m’ont été soumises lors de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale

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Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat italien

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, de Mme Rossana Boldi, présidente de la commission des affaires européennes du Sénat italien. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Mme la présidente Boldi est une élue du Piémont, une région frontalière de la France, surtout de la Savoie, et elle nous fait l’honneur d’être parfaitement francophone.

Mme la présidente BOLDI est accompagnée de notre excellent collègue, M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes du Sénat.

Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie que notre collègue porte à notre institution et surtout au développement de la coopération entre le Palais Madame et notre Sénat, spécialement dans les affaires européennes où nous avons à nous rapprocher pour mettre en œuvre le traité de Lisbonne.

Au nom du Sénat de la République, je forme des vœux pour que son séjour en France contribue à renforcer les liens de notre amitié transalpine au sein de l’Europe et je lui souhaite, en votre nom, la plus cordiale bienvenue. (Nouveaux applaudissements.)

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Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Deuxième partie

Loi de finances pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 20101, adopté par l’Assemblée nationale.

Relations avec les collectivités territoriales

Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

(suite)

relations avec les collectivités territoriales

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Relations avec les collectivités territoriales

2 626 445 045

2 580 219 788

Concours financiers aux communes et groupements de communes

815 149 747

775 816 490

Concours financiers aux départements

491 662 164

491 662 164

Concours financiers aux régions

891 929 648

891 929 648

Concours spécifiques et administration

427 703 486

420 811 486

Relations avec les collectivités territoriales - Compte spécial : Avances aux collectivités territoriales
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 50 et état D

M. le président. L'amendement n° II-240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Concours financiers aux communes et groupements de communes

106 517

106 517

Concours financiers aux départements

44 051

44 051

Concours financiers aux régions

2 750 627

2 750 627

Concours spécifiques et administration

3 787 943

3 787 943

TOTAL

6 689 138

6 689 138

SOLDE

6 689 138

6 689 138

 

La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Cet amendement tend à majorer les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » afin de compenser aux collectivités territoriales, sous la forme de crédits budgétaires – principalement la dotation générale de décentralisation, ou DGD –, plusieurs transferts de compétences ne pouvant être compensés grâce à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.

Cet amendement vise à ajuster les montants de ces droits à compensation pour 2011 en fonction de données dont le Gouvernement ne disposait pas lors du dépôt du présent projet de loi de finances pour 2011. La plupart d’entre eux sont définitifs et ont été validés par la Commission consultative sur l’évaluation des charges.

Comme chaque année, au moment de la discussion du projet de loi de finances au Sénat, le Gouvernement présente les derniers ajustements nécessaires au vu des données disponibles. En réalité, je vous propose tout simplement des dotations supplémentaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. Cet amendement vise à tirer les conséquences de données dont le Gouvernement ne disposait pas lors du dépôt du projet de loi de finances. Il permet de dégager 6 689 138 euros sur la DGD.

C’est une bonne nouvelle : la commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-240.

Mme Marie-France Beaufils. Le groupe CRC-SPG s’abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », figurant à l’État B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Compte spécial :

Avances aux collectivités territoriales

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 79

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales », figurant à l’état D.

État D

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Avances aux collectivités territoriales

86 695 000 000

86 695 000 000

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

6 800 000

6 800 000

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

86 688 200 000

86 688 200 000

M. le président. L'amendement n° II-31, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

800 000

800 000

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

TOTAL

800 000

800 000

SOLDE

- 800 000

- 800 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Depuis 1996, aucune avance n’a été attribuée à des collectivités territoriales en application de l’article 14 de la loi du 23 décembre 1946. La commission des finances vous propose donc de supprimer ces crédits.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. La non-consommation des crédits peut s’expliquer par la faiblesse des taux d’intérêt, mais nous n’avons aucune certitude pour les prochaines années. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial : « Avances aux collectivités territoriales », figurant à l’État D.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 79 à 86, ainsi que les amendements portant article additionnel, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Relations avec les collectivités territoriales

Article 50 et état D
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 80

Article 79

L’article L. 2572-65 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2013 » ;

2° La seconde phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« La dotation est indexée chaque année sur le taux d’évolution du nombre d’élèves scolarisés dans les écoles préélémentaires et élémentaires constaté entre l’antépénultième et l’avant-dernière année précédant l’année de son versement. » ;

3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En 2011, le montant de la dotation, calculé comme indiqué au deuxième alinéa, fait l’objet d’une majoration de 5 millions d’euros qui évolue, à compter de 2012, selon le même taux d’évolution que celui prévu à cet alinéa. » – (Adopté.)

Article 79
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article additionnel après l’article 80

Article 80

Le même code est ainsi modifié :

1° L’article L. 2334-7 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa du 1°, les mots : « Pour 2005 » sont remplacés par les mots : « Pour 2011 », le montant : « 60 € » est remplacé par le montant : « 64,46 € » et le montant : « 120 € » est remplacé par le montant : « 128,93 € » ;

b) Le dernier alinéa du 1° est supprimé ;

c) Au 2°, à la première phrase, le montant : « 3 € » est remplacé par le montant : « 3,22 € », l’année : « 2005 » est remplacée par l’année : « 2011 », le montant : « 5 € » est remplacé par le montant : « 5,37 € » et la deuxième phrase est supprimée ;

d) La dernière phrase du premier alinéa du 3° est ainsi rédigée :

« En 2011, ces montants sont identiques à ceux perçus au titre de 2010, après minoration, le cas échéant, en application du 1.2.4.2 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et majoration, le cas échéant, en application du II du 6 du même article. » ; 

e) Le quatrième alinéa du 4° est ainsi rédigé :

« En 2011, les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national bénéficient d’une attribution au titre de leur complément de garantie égale à celle perçue en 2010. La somme des attributions au titre du complément de garantie des communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national est minorée de 130 millions d’euros en 2011 par rapport à 2010. Cette minoration des attributions est répartie parmi les communes concernées en proportion de leur population et de l’écart relatif entre le potentiel fiscal par habitant de la commune et le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national. Cette minoration ne peut être supérieure à 6 % du complément de garantie perçu l’année précédente. » ;

f) Le 5° est inséré après le quatrième alinéa du 4° ;

g) La seconde phrase du cinquième alinéa du 4° est ainsi rédigée :

« À compter de 2011, pour le calcul de ce taux de référence, il n’est pas tenu compte de l’évolution de la dotation forfaitaire liée aux variations de la population telle que définie par l’article L. 2334-2, ni des évolutions liées aux éventuelles minorations des composantes de la dotation forfaitaire prévues aux 3° et 4°. » ;

h) (nouveau) La première phrase du seizième alinéa est complétée par les mots : «, y compris, le cas échéant, les communes insulaires du territoire métropolitain situées dans les surfaces maritimes classées en parc naturel marin, mentionné à l’article L. 334-3 du code de l’environnement » ;

i) (nouveau) La deuxième phrase du seizième alinéa est complétée par les mots : « ou lorsqu’il s’agit de la part d’une commune insulaire du territoire métropolitain située dans une surface maritime classée en parc naturel marin, mentionné à l’article L. 334-3 du code de l’environnement ; »

j) (nouveau) Après l’année : « 2007 », la fin de la dernière phrase du seizième alinéa est remplacée par une phrase ainsi rédigée :

« À compter de 2011, le montant de cette dotation est égal à son montant versé au titre de 2010. » ;

2° L’article L. 3334-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3334-3. – Chaque département reçoit une dotation forfaitaire.

« À compter de 2005, la dotation forfaitaire de chaque département, à l’exception du département de Paris, est constituée d’une dotation de base et, le cas échéant, d’une garantie.

« En 2011, chaque département perçoit une dotation de base par habitant égale à 74,02 €.

« Il perçoit, le cas échéant, une garantie égale en 2005 à la différence entre le montant qu’il aurait perçu en appliquant à sa dotation forfaitaire de 2004 un taux de progression égal à 60 % du taux de croissance de l’ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement, d’une part, et sa dotation de base pour 2005, d’autre part.

« En 2011, le montant de la garantie est égal à celui perçu en 2010.

« En 2011, la dotation forfaitaire du département de Paris est égale à la dotation forfaitaire perçue en 2010. » ;

2° bis (nouveau) À la deuxième phrase du deuxième alinéa des articles L. 6264-3 et L. 6364-3, les références : « aux premier, troisième, quatrième et cinquième alinéas de » sont remplacées par le mot : « à » ;

3° L’article L. 3334-7-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2011, le montant de la dotation de compensation est égal, pour chaque département, au montant perçu en 2010. » ;

4° L’article L. 4332-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2011, le montant de la dotation forfaitaire de chaque région est égal au montant perçu en 2010 diminué d’un taux de 0,12 %. » ;

5° Le II de l’article L. 5211-29 est ainsi modifié :

a) Les quatre premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« À compter de 2011, la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés d’agglomération est égale à 45,40 €.

« À compter de 2011, la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés de communes ne faisant pas application des dispositions de l’article 1609 nonies C du code général des impôts est égale à 20,05 € par habitant.

« À compter de 2011, la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés de communes faisant application des dispositions du même article 1609 nonies C est égale à 24,48 € par habitant.

« À compter de 2011, la dotation par habitant de la catégorie des communautés de communes qui remplissent les conditions visées à l’article L. 5214-23-1 du présent code est majorée d’une somme lui permettant d’atteindre 34,06 €. » ;

b) La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée :

« À compter de 2011, le montant moyen par habitant correspondant à la majoration est égal à celui perçu en 2010. » ;

6° Le septième alinéa du I de l’article L. 5211-30 est ainsi rédigé :

« À compter de 2011, le montant de la dotation totale par habitant due à chaque communauté urbaine est égal à celui perçu en 2010. » ;

7° L’article L. 5334-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de 2011, le potentiel financier des communes concernées est calculé conformément aux dispositions de l’article L. 2334-4. » ;

8° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5842-8, les mots : «, telle que fixée par le comité des finances locales » sont supprimés ;

9° (nouveau) Le III de l’article L. 5211-30 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 3° En 2011, pour le calcul du coefficient d’intégration fiscale tel que défini dans le présent article, sont retenus en lieu et place des recettes de taxe professionnelle les produits de compensation relais perçus en 2010 par les communes et établissements publics de coopération intercommunale en application du II de l’article 1640 B du code général des impôts. » ;

10° (nouveau) Les deux dernières phrases de l’article L. 2334-11 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« La garantie calculée conformément à l’article L. 2334-7 et le montant mentionné au 3° du même article perçus par la commune fusionnée la première année sont calculés conformément à ce même article, après addition des montants respectifs perçus à ce titre l’année précédente par les communes qui fusionnent. »

M. François Marc. Je demande la parole sur l’article, monsieur le président.

M. le président. Vous n’étiez pas inscrit, mon cher collègue, je ne puis donc pas vous donner la parole.

M. Jean-Pierre Sueur. D’habitude, on peut s’inscrire au dernier moment, en séance !

Mme Nathalie Goulet. Pas dans le projet de loi de finances !

M. le président. L'amendement n° II-59, présenté par MM. Dallier et Jégou, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

1A° Dans le troisième alinéa de l'article L. 2334-2, les mots : « en 2009 et en 2010 » sont remplacés par les mots : « en 2009, 2010 et 2011 » ;

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Cet amendement, cosigné par notre collègue Jean-Jacques Jégou, vise à prolonger d’une année – et d’une année seulement, je vous rassure, monsieur le ministre – un dispositif que la Haute Assemblée avait adopté voilà deux ans.

Ce dispositif était destiné à éviter que certaines communes – moins d’une trentaine –, dont le potentiel financier est inférieur de plus de 20 % à la moyenne de leur strate, ne soient pas trop pénalisées par le changement du mode de recensement de la population retenu par l’INSEE.

Les recensements complémentaires réalisés en 2005 et 2006 montraient que la population de ces communes allait croître de plus de 15 %. Mais le nouveau mode de calcul retenu par l’INSEE avait brutalement fait « disparaître » cette population supplémentaire. Les dotations de ces collectivités étaient donc appelées à diminuer.

Nous avions exposé ce problème lors de l’examen de la loi de finances pour 2009. La Haute Assemblée, après un avis favorable du Gouvernement, avait adopté ce dispositif transitoire pour deux années. Nous vous demandons aujourd’hui de le prolonger d’une année supplémentaire, en sachant qu’il faut en fait compter cinq ans pour que ces communes retrouvent, statistiquement, la population qu’elles avaient décomptée antérieurement.

Une telle demande me semble raisonnable : en coupant en quelque sorte la poire en deux, elle permettrait d’atténuer les difficultés de ces communes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement a été évoqué par M. Jégou en commission dès l’examen de la première partie du projet de loi de finances.

Son coût serait très limité, sans doute moins d’un million d’euros, et il a été gagé par la commission des finances grâce au prélèvement effectué sur le Fonds d’aide au relogement d’urgence, le FARU, au profit de la DGF.

Je souhaite néanmoins connaître la position du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Jusqu’à récemment, les recensements avaient lieu tous les six ans. Ils étaient complétés, en cas de forte croissance démographique, par un recensement complémentaire.

Désormais, les nouvelles modalités du recensement permettent un ajustement permanent du nombre d’habitants dans les communes.

Lors d’un recensement complémentaire, l’augmentation du nombre de logement était prise en compte sur la base de quatre habitants par logement. Puis, l’on s’est aperçu que le nombre d’habitant par logement était, en réalité, inférieur.

Afin de remédier à cette situation, le Sénat avait adopté, dans la loi de finances de 2009, un dispositif transitoire de deux ans. Il s’agissait de donner aux communes qui avaient réalisé un recensement complémentaire le temps de s’adapter puisqu’elles avaient perçu plus de crédits que ceux auxquels elles avaient droit.

Les deux ans sont passés et les auteurs de l’amendement nous proposent de reconduire le dispositif pour une année supplémentaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, la reconduction de ce dispositif serait, il faut en être conscient, contraire à la péréquation. En outre, elle créerait une exception aux principes qui s’appliquent à toutes les autres communes.

Enfin, je l’ai rappelé, l’augmentation de 77 millions d’euros des crédits de la DSU devrait, dans le contexte difficile que nous connaissons, permettre de compenser la non-reconduction du dispositif.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Jégou. Nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde, monsieur le ministre.

Nous avons proposé ce dispositif transitoire dans le projet de loi de finances pour 2009, avec mon ami Philippe Dallier, afin de remédier à l’injustice que représente une rétroactivité de trois ans. Car en fait, au 1er janvier 2011, on retiendra la population du 1er janvier 2008.

Les communes qui ont construit des logements, comme le Gouvernement le leur demandait, sont pénalisées. Pour ma part, j’ai construit plus de 3 500 logements dans une commune de 20 000 habitants, et celle-ci se trouve ainsi concernée.

Les logements construits comptaient pour quatre habitants dans les recensements complémentaires. Or, le répertoire des immeubles localisés, le RIL, qui est utilisé dans le nouveau mode de recensement, retient, pour ma commune, 2,4 habitants par logement. Dans certains cas, on compte 2,1 habitants par logement. Sur cette base, la population de ma commune sera sans doute estimée, au 1er janvier 2011, à 18 500 ou 18 600 habitants, alors qu’elle sera en réalité proche de 21 000 habitants.

Les incidences de cette sous-estimation sont particulièrement lourdes, et pas seulement pour certaines communes de l’Est parisien. Lors de l’adoption du dispositif transitoire, nous ignorions le nombre exact des communes qui seraient concernées. Aujourd’hui, nous savons que vingt-deux communes sont visées, notamment des communes du Sud-Ouest – les services de votre ministère peuvent l’attester ! Estimé dans un premier temps à 4 millions d'euros, le coût de la mesure qui vous est proposée s’élève en fait à moins de 2 millions d'euros.

Il s’agit donc, monsieur le ministre, d’une opération quasiment nulle, d’autant que des économies de plusieurs dizaines de millions d’euros ont été réalisées à l’occasion de la discussion budgétaire.

Refuser la prolongation d’une année de cette mesure est une bien mauvaise manière faite à ces communes, souvent pauvres, qui ont participé à l’effort de construction de logements supplémentaires et comptent notamment 20 % de logements sociaux. Avec cet amendement, nous vous demandons, monsieur le ministre, de reconsidérer le principe d’équité.

Voilà deux ans, les services de la direction générale des collectivités locales considéraient que le dispositif transitoire qui était proposé était dramatique. Nous avions alors éprouvé beaucoup de difficulté à les convaincre qu’il s’agissait en fait d’une mesure d’équité. Puis, ils ont reconnu que la montagne avait accouché d’une souris !

Mes chers collègues, je m’adresse tout particulièrement à ceux d’entre vous qui ont un mandat de maire : sans doute avons-nous eu tort d’accepter le nouveau mode de recensement. En effet, à cause de ce système de calcul, on « rétropédale », si je puis dire, dans la mesure où les communes qui construisent des logements pour accueillir de nouveaux habitants enregistrent un retard de versement de trois ans. Or, certaines de ces communes ont déjà des recettes inférieures de 40 % à la moyenne de la strate, je pense notamment aux Pavillons-sous-Bois et à Plessis-Trévise, que j’ai l’honneur d’administrer.

Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, je considère que le Gouvernement pourrait à tout le moins s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement !

M. le président. Monsieur Dallier, l’amendement n° II-59 est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier. Oui, monsieur le président, et je vais vous en donner la raison.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’apporter une correction d’ordre technique à votre propos.

Il ne faut pas laisser croire à nos collègues que nous avons recensé des habitants fantômes ! Dans tout recensement complémentaire, on compte la population nouvelle réelle…

M. Philippe Richert, ministre. Évidemment !

M. Philippe Dallier. … mais aussi la population nouvelle fictive sur la base de quatre habitants par futur logement – la règle est précise – dès lors que les immeubles commencent à sortir de terre.

M. Philippe Richert, ministre. C’est cela !

M. Philippe Dallier. Dans ma commune, le recensement complémentaire, qui a été réalisé en 2006, a montré que la population était passée de 17 500 à plus de 21 000 habitants. Il ne s’agit pas d’habitants fantômes : les immeubles qui étaient en construction en 2006 sont aujourd'hui habités.

Monsieur le ministre, on demande aux maires de construire des logements pour répondre à la demande. Mais, il faut le savoir, lorsque la population d’une commune s’accroît de 15 %, le maire doit aussi financer la construction d’écoles, d’équipements publics. Et dans ces conditions, une commune dont le potentiel financier est inférieur de 20 % à la moyenne de la strate a, croyez-le bien, grand besoin d’aide !

Avec cet amendement, nous vous demandons un petit coup de pouce pour une année supplémentaire et un avis de sagesse du Gouvernement nous conviendrait parfaitement.

M. Jean-Jacques Jégou. Cela ne coûte rien, monsieur le ministre !

M. René-Pierre Signé. Ils ont bien de la chance ceux qui comptent de nouveaux habitants !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-12, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première et deuxième phrases

Remplacer les mots :

à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen

par les mots :

au potentiel fiscal moyen 

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement d’appel tend à modifier le seuil à partir duquel les communes se voient appliquer la minoration du complément de garantie prévue par l’article 80 du projet de loi de finances.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, obtenir des informations précises sur l’impact du dispositif proposé sur les collectivités concernées, notamment sur la progressivité du mécanisme visant à épargner les moins riches et les moins peuplées d’entre elles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Afin de dégager des marges de manœuvre au sein d’une enveloppe des concours financiers qui est gelée, il est prévu de reconduire en 2011 la mesure d’écrêtement du complément de garantie des communes introduite en 2009.

Alors que cet écrêtement a été opéré de manière uniforme en 2009 et en 2010, il sera modulé, en 2011, en fonction du potentiel fiscal des communes. Il est ainsi prévu de n’assujettir que les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 75 % du potentiel fiscal moyen constaté au niveau national. Pour une commune donnée, le prélèvement n’excédera pas 6 % du complément de garantie perçu en 2010. Concrètement, cette mesure devrait concerner moins de 6 500 communes.

L’amendement de la commission des finances vise à rehausser le seuil d’assujettissement en n’effectuant de prélèvement que sur les communes dont le potentiel fiscal est supérieur au potentiel fiscal moyen.

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car il ne mettrait plus à contribution que 3 000 communes. Afin de dégager les 130 millions d’euros prévus, les prélèvements opérés sur ces communes seraient, il faut en être conscient, nettement plus importants. On passerait ainsi d’un taux d’écrêtement moyen de 3,68 % à 5,83 %, soit quasiment le plafond pour toutes les communes assujetties. Les contributions de certaines communes seraient alors à la limite du supportable.

Lors de la vraie répartition qui sera opérée au début de l’année 2011, ce mécanisme pourrait alors ne pas fonctionner. En effet, les chiffres dont nous disposons aujourd'hui émanent de simulations réalisées avec les données de 2010.

Le mécanisme tel qu’il est prévu est équilibré et juste. Alors que cet écrêtement s’appliquait à 36 700 communes en 2009 et en 2010, il ne concernera que 17 % des communes en 2011, soit près de six fois moins. Par ailleurs, 10 % seulement des 27 000 communes de moins de 2 000 habitants sont contributrices, et ce pour un écrêtement moyen représentant 0,36 % du complément de garantie perçu en 2010.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Si cet amendement devait être adopté, la péréquation, que vous souhaitiez renforcer voilà un instant, y perdrait 3,2 millions d’euros !

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-12 est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement était, je le répète, un amendement d’appel. En fait, nous souhaitions avoir des explications parce que la baisse du complément de garantie avait provoqué, l’an dernier, une diminution des dotations pour environ 13 000 communes.

M. le ministre nous a expliqué que, cette année, le Gouvernement a fait un choix différent puisqu’il a ciblé la baisse sur les communes se situant dans une strate inférieure et qu’ainsi, seules 6 200 communes seront concernées. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° II-12 est retiré.

L'amendement n° II-192, présenté par MM. Collomb, Sueur, Rebsamen, Anziani et Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer (trois fois) les mots :

constaté au niveau national

par les mots :

de leur strate démographique, telle que définie à l'article L. 2334-3 du code général des collectivités territoriales

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour répondre au besoin de financement interne à la DGF, vous proposez entre autres, monsieur le ministre – vous en avez d’ailleurs parlé tout à l'heure ! –, de diminuer de 130 millions d’euros le complément de garantie attribué aux communes.

La modulation dans l’ajustement à la baisse du complément de garantie de la dotation forfaitaire des communes est établie en prenant en considération l’écart entre le potentiel fiscal par habitant de chaque commune et le potentiel fiscal par habitant moyen constaté sur le plan national.

La référence à la moyenne nationale du potentiel fiscal par habitant, sans qu’il soit tenu compte des strates démographiques, conduit à nier toute réalité à l’existence de charges territoriales différentes selon les catégories de communes.

Pour les villes, cela revient à ignorer le fait que le monde urbain cumule des charges de centralité et, dans les quartiers en difficulté, ce que j’appellerai des charges de centralisation des pauvretés. Voilà qui est susceptible de faire subir une ponction maximale à des villes qui, au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, font par ailleurs l’objet d’une priorité du fait d’un nombre important de logements sociaux ou d’une proportion conséquente de bénéficiaires de l’aide personnalisée au logement, l’APL.

Enfin, je le rappelle, les différentes strates démographiques sont prises en considération pour l’établissement de la dotation forfaitaire et d’un certain nombre de dotations de péréquation.

C’est pourquoi, mes chers collègues, dans un souci de justice, nous vous invitons à prendre en compte les strates démographiques pour l’appréciation du potentiel fiscal dans la procédure d’écrêtement du complément de garantie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La commission est défavorable à cet amendement.

Comme nous l’avons précisé tout à l'heure, s’en tenir à la limite de 0,75 fois le potentiel fiscal national, comme le prévoit le texte du Gouvernement, aboutit à limiter le nombre de communes concernées. Le potentiel fiscal national se situe à peu près à la hauteur du potentiel fiscal des communes de la strate de 8 000 habitants.

L’adoption de cet amendement reviendrait à toucher 20 000 communes, alors que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale ne vise qu’environ 6 200 communes, celles qui ont le potentiel fiscal le plus élevé sur le plan national.

Par ailleurs, le choix de la comparaison des potentiels fiscaux par strate reviendrait à pénaliser les communes ayant déjà un potentiel fiscal très faible. À titre d’exemple, le potentiel fiscal moyen national est de 740 euros et le potentiel fiscal moyen des communes de 500 à 999 habitants est de 474,64 euros.

La commission est défavorable à cet amendement, dont l’adoption reviendrait à pénaliser les communes ayant un faible potentiel fiscal.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement est injuste !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Si nous adoptions le dispositif proposé par M. Sueur, dont nous comprenons par ailleurs la logique, 55 % des communes de moins de 1 000 habitants seraient concernées, avec un écrêtement moyen supérieur à 3 %, contre 0,36 % avec la mesure retenue par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends tout à fait les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, mais cet amendement pose la question récurrente de la péréquation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne proposez pas la bonne solution !

M. Jean-Pierre Sueur. Si l’on veut accorder des crédits supplémentaires pour certains quartiers urbains très difficiles où se concentrent misère, pauvreté et problèmes divers alors que l’on évolue dans une enveloppe fermée, il est bien évident que ce que l’on donne aux uns sera retiré aux autres !

Cet amendement est fondé sur des considérations de justice, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. … mais il entre, monsieur le président de la commission, dans le dossier global de la répartition de sommes qui n’augmentent malheureusement pas eu égard aux charges de chacun.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-193, présenté par MM. Collomb, Rebsamen, Anziani et Hervé, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigé :

« Toutefois, pour les communes éligibles, soit à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, soit à la dotation de solidarité rurale, la minoration ne peut être supérieure à 2 % du complément de garantie perçu l'année précédente. »

La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Cet amendement obéit au principe de justice que notre collègue Jean-Pierre Sueur vient d’évoquer. Il prévoit de limiter la diminution du complément de garantie à 2 % pour les communes éligibles soit à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, soit à la dotation de solidarité rurale.

Monsieur le président de la commission des finances, à ce stade de la discussion, permettez-moi de répéter ce que j’ai dit lors de la discussion générale : il est capital de prendre le temps de dresser un état des lieux de la fiscalité locale et des finances locales, …

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !

M. Edmond Hervé. … car nous ne pouvons continuer de procéder au coup par coup.

M. François Marc. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à préserver les communes bénéficiaires de dotations de péréquation.

Compte tenu du nombre de communes éligibles, est-il justifié d’opérer cette distinction, même si l’on peut par ailleurs en admettre le principe ?

En effet, 34 000 communes touchent la DSR et 900 perçoivent la DSU. Il en résulte que seules 1 000 communes seraient concernées par un écrêtement plafonné à 6 %, contre 2 % pour les autres. Dans ce cas, il conviendrait de modifier les seuils de déclenchement du prélèvement sur le complément de garantie.

La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment défavorable à cet amendement.

Dans le débat qui s’est instauré voilà un instant, j’ai entendu, de toutes les travées, monter le souhait de voir renforcer la péréquation.

L’objectif du Gouvernement est bien de faire de la péréquation puisqu’il limite à 6 % le prélèvement effectué au titre du complément de garantie perçu en 2010. Comme M. le rapporteur spécial vient de rappeler, quelque 6 500 communes seront concernées, contre 36 700 en 2009 et en 2010.

J’ajoute que moins de 10 % des 27 000 communes de moins de 1 000 habitants sont contributrices, pour un prélèvement moyen de 0,36 %.

Si nous voulons que la péréquation soit effective, il faut passer du discours aux actes. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. Je remercie M. Jarlier d’avoir repris en séance publique un chiffre qu’il avait déjà cité en commission des finances : 34 000 communes bénéficient de la DSR. Ce seul chiffre suffit à démontrer qu’il n’y a pas de péréquation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais m’efforcer de démontrer le caractère circulaire de cet éternel débat.

L’amendement précédent avait pour objet d’aider les communes dont certains quartiers sont en grandes difficultés. Il a été réfuté au motif qu’allouer des crédits supplémentaires à ces communes aurait des conséquences préjudiciables pour des milliers d’autres communes. Je le comprends.

Le présent amendement, plus mesuré, ne vise que les communes percevant la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de solidarité rurale, laquelle bénéficie à 34 369 communes, ce qui, M. Hervé l’a rappelé, démontre que cette dotation n’a pas vraiment un effet péréquateur.

Vous nous opposez une nouvelle fois que ce dispositif, favorable aux communes percevant la DSU et la DSR, pénaliserait plusieurs milliers d’autres communes. Mais, monsieur le ministre, dans la mesure où nous évoluons dans une enveloppe fermée, il est impossible de redistribuer des crédits sans que personne ne soit perdant.

Si nous élaborons un code prévoyant, à l’article 1er, que tout le monde est favorable à la péréquation et, à l’article 2, que chaque collectivité doit, au titre de l’exercice en cours, toucher au moins autant que l’année précédente, le débat est clos et le problème ne se pose plus. Naturellement, si l’enveloppe était ouverte, il en irait tout autrement !

Si nous voulons progresser, il faut rompre avec ce système circulaire, profondément conservateur, car il ne nous permet pas d’aller dans le sens d’une véritable péréquation. Il s’agit d’un exercice difficile, et nous en avons une nouvelle illustration avec les différents amendements qui ont été déposés sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront cet amendement. Nous sommes dans une situation quelque peu particulière, puisque, en fait, on demande à des communes de contribuer au financement des dotations de solidarité qu’elles perçoivent.

Il m’avait semblé que l’amendement présenté par nos collègues du groupe socialiste, qui vise simplement à limiter à 2 % la minoration au titre du complément de garantie, aurait au moins pu trouver une oreille attentive.

Le blocage tient au fait que nous évoluons dans une enveloppe fermée et gelée. L’an dernier, cette enveloppe avait progressé de 0,6 %. Cette majoration, cumulée à l’évolution des versements perçus par les collectivités au titre du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, était censée permettre une augmentation de l’enveloppe de 1,2 %, et couvrir ainsi le taux d’inflation retenu en loi de finances.

Or, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010, le produit du FCTVA pour les collectivités territoriales était inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale. Le différentiel était de plus de 220 millions d’euros. En d’autres termes, les collectivités se sont ainsi vu priver d’une contribution de 220 millions d’euros.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, nous vous invitons à regarder la situation avec une plus grande attention. Pourquoi ne pas retenir le dispositif prévu dans cet amendement afin que les communes éligibles à une dotation de solidarité, parce que leur population est socialement très fragile, ne voient pas leurs moyens réels baisser à cause d’une minoration trop importante au titre du complément de garantie perçu en 2010 ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Depuis le début de l’après-midi, on ne cesse de nous présenter la péréquation comme un outil formidable ! Permettez-moi de faire quelques observations.

Tout d’abord, cela a été rappelé, de très nombreuses communes perçoivent la DSR. Mais, mes chers collègues, la DSR, comme la DSU d’ailleurs, est une dotation de péréquation versée à des communes ne disposant que de faibles ressources. Il me paraît donc paradoxal que l’on nous invite, au nom de la péréquation, à supprimer la DSR et la DSU et à trouver d’autres moyens de péréquation.

Ensuite, chaque fois que l’on propose une mesure de péréquation, il se trouve toujours quelqu’un pour dire : d’accord, mais pour nous, il ne faut rien changer. Si bien que l’on ne fait jamais de péréquation. Et nous verrons tout à l’heure qui votera l’amendement relatif aux conseils généraux qui a été adopté par l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, voilà maintenant un certain nombre d’années que je siège au Parlement. J’ai entendu bien des élus défendre la péréquation, à la condition que leurs ressources soient préservées, que rien ne change pour eux.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, il faut en finir avec ce système d’une extrême complexité et peu transparent, fait de péréquations croisées et de petits arrangements.

M. Philippe Richert, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. Il faut admettre que certaines collectivités, communes et départements, sont riches…

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. … alors que d’autres ne peuvent pas assumer leurs fonctions essentielles.

M. le ministre l’a rappelé, la Constitution française ne reconnaît pas l’autonomie fiscale ; elle reconnaît seulement l’autonomie financière.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest. En Allemagne, où l’autonomie fiscale n’existe pas non plus, la répartition des dotations entre les collectivités est décidée par l’État, votée par le parlement fédéral, en fonction des besoins et des objectifs des collectivités.

Si nous parvenions à sortir de notre débat strictement franco-français, incompris partout ailleurs, nous aurions sans doute beaucoup progressé. Si l’on se refuse à réduire les dotations de certaines collectivités, si l’on veut que personne ne soit perdant, il est bien évident que l’on ne peut pas faire de la péréquation. Mais alors, il faut le dire, …

M. Bruno Sido. Et l’assumer !

M. Jean-Jacques Hyest. … pour faire changer les choses.

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Je ne donnerai pas de leçon. Je veux simplement évoquer l’expérience que j’ai vécue en qualité d’ancien maire de Rennes et ex-président de la communauté d’agglomération de Rennes Métropole.

M. Bruno Sido. Elle est richissime !

M. Edmond Hervé. En 1993, nous avons mis en place la taxe professionnelle à taux unique.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien !

M. Edmond Hervé. L’écart par habitant était alors de 1 à 60. Dans ces conditions, il était impossible de conduire une politique d’aménagement du territoire ou de solidarité.

En moins de cinq ans, pour satisfaire aux exigences de solidarité, nous avons ramené cet écart de 1 à 4, et ce au détriment de la ville-centre. Il est vrai que Rennes et son agglomération était alors en plein développement et qu’il est plus facile de faire de la péréquation en période d’expansion qu’en période de récession.

M. Bruno Sido. Eh voilà !

M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, je tenais à vous livrer cette expérience, car chacun doit reconnaître, quelle que soit sa sensibilité, qu’il existe des cas d’authentique péréquation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Nous sommes inquiets, car le développement de la péréquation, que nous appelons tous de nos vœux, pourrait être entravé si cet amendement n’était pas adopté.

Le Gouvernement souhaite imposer à toutes les collectivités, y compris à celles qui perçoivent la DSR ou la DSU, une ponction pouvant aller jusqu’à 6 %.

Nous considérons que cela pose un problème grave : d’un côté, on veut améliorer la péréquation en abondant les dotations et, de l’autre côté, on prive les communes bénéficiaires d’une partie de leurs moyens. En d’autres termes, on leur retire d’une main ce qu’on leur donne de l’autre.

Dans ces conditions, l’objectif du législateur ne sera pas atteint. Le présent amendement vise précisément à nous prémunir contre cet effet pervers redoutable en limitant la ponction que subiront les communes bénéficiaires de la DSU ou de la DSR.

Mes chers collègues, je ne peux donc que vous inviter à adopter cet amendement de bon sens, qui préserve l’objectif de péréquation sur lequel nous sommes tous d’accord.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Je tiens à apporter une précision afin de relativiser notre débat.

Le prélèvement au titre du complément de garantie sera le même pour toutes les communes. Or le complément de garantie, issu d’une réforme des critères de calcul de la dotation globale de fonctionnement, varie selon les communes et ne dépend pas du niveau de leur richesse.

J’attire donc votre attention sur l’effet pervers de ce système qui pourrait, en fait, pénaliser certaines communes indépendamment du niveau de leur complément de garantie.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi d’apporter deux précisions.

Madame Beaufils affirme que les collectivités pauvres et fragiles verront leurs moyens baisser. Je rappelle à cet égard que la DSU est en augmentation de 77 millions d’euros. Pour moi, il s’agit non pas d’une diminution, mais d’une augmentation sensible, tangible.

En ce qui concerne le complément de garantie, la question est de savoir à partir de quel niveau il convient de faire une péréquation. Nous avons retenu le seuil de 75 % du potentiel fiscal moyen afin d’avoir une assise assez étendue sans pour autant aller trop loin. En outre, le prélèvement est plafonné à 6 %. Nous pouvons ainsi appliquer une contribution sur une base suffisamment large pour permettre une réelle péréquation.

Néanmoins, nous le savons, il ne s’agit pas du Grand Soir de la péréquation. Il faut simplement faire preuve d’une plus grande hardiesse, car l’on ne peut pas continuer à se satisfaire de discours : il faut passer aux actes.

Monsieur Hervé, il reste à définir le seuil en deçà duquel une collectivité peut être considérée comme pauvre et les critères globaux de péréquation qu’il convient de mettre en place, car nous ne disposons plus des quatre bases sur lesquelles ces calculs étaient réalisés.

Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, nous devrons travailler ensemble sur ce sujet. Mais nous ne pouvons pas continuer à reporter les décisions d’une année sur l’autre, car certaines collectivités sont en difficultés. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-193.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° II-34 rectifié quater est présenté par MM. J. Blanc, Faure, Bernard-Reymond, Cazalet, Pierre, B. Fournier, J. Boyer, Alduy, Amoudry et Le Grand et Mme Payet.

L'amendement n° II-163 rectifié est présenté par MM. Fortassin, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et de Montesquiou, Mmes Escoffier et Laborde, et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° II-194 est présenté par M. Repentin.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 13 et 14

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l’amendement n° II-34 rectifié quater.

M. Jacques Blanc. Cet amendement a pour objet de revenir à la lettre et à l’esprit de la loi du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, votée à la quasi-unanimité du Sénat, après avoir été défendue par un excellent rapporteur, notre collègue Jean Boyer.

Dans ce texte, qui a donné un nouveau souffle aux parcs nationaux, on avait pris en compte le fait que les communes situées au cœur d’un parc national sont soumises à des réglementations qui freinent leurs activités et leurs ressources.

Sur proposition de M. Jean-Pierre Giran, auteur du rapport au Premier ministre intitulé Les parcs nationaux : une référence pour la France, une chance pour ses territoires, le Parlement avait voté le principe, par le biais d’une majoration de la dotation globale de fonctionnement, d’une compensation calculée au prorata de la superficie communale située dans le cœur du parc national. Avec cette mesure, extrêmement ciblée, était reconnu le besoin de compensation.

Le principe de cette dotation a été remis en cause lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2010, ce qui avait profondément ému l’ensemble des collectivités intéressées.

La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement nous a permis de revenir à l’esprit de la loi initiale, et donc de rassurer l’ensemble des acteurs.

Malheureusement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, l’Assemblée nationale a une nouvelle fois remis en cause le fondement même de la démarche, en ouvrant le bénéfice de cette majoration à des communes, certes tout à fait intéressantes, mais qui ne sont soumises à aucune réglementation spécifique et qui n’ont pas une situation particulière.

Laisser en l’état la mesure adoptée à l’Assemblée nationale reviendrait à ouvrir une porte extrêmement dangereuse. C’est pourquoi nous vous proposons, avec cet amendement, d’en revenir à l’esprit même de la loi sur les parcs nationaux, afin de consacrer vraiment la démarche innovante qui avait été adoptée alors.

Les communes insulaires sont respectables, mais elles ne sont pas contraintes par les réglementations que doivent respecter les communes situées au cœur de nos parcs nationaux.

M. René-Pierre Signé. Il veut le beurre et l’argent du beurre !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour présenter l’amendement n° II-163 rectifié.

M. François Fortassin. Il ne s’agit pas de vouloir le beurre et l’argent du beurre ! Nous voulons seulement revenir à l’esprit de la loi initiale.

J’irai dans le sens de mon collègue Jacques Blanc, car il existe dans ce pays un parti de la montagne qui, n’en déplaise à certains, dépasse les clivages politiques !

La dotation créée par la loi de 2006 relative aux parcs nationaux a pour objet de compenser les servitudes spécifiques d’ordre réglementaire qui sont supportées par les communes situées au cœur de ces parcs.

Voilà plusieurs années que je suis le Tour de France avec un grand intérêt. En dépit de toutes les précautions que nous avons prises, nous ne sommes jamais parvenus à obtenir une arrivée d’étape au cœur du parc national. À mes yeux, il aurait été pourtant extrêmement important d’y parvenir, car les paysages sont parmi les plus somptueux qui soient. Cela aurait donné une autre image de la beauté de notre pays qu’une arrivée dans une station de sports d’hiver en été, au Pont d’Espagne notamment !

Je vous donne la raison du refus qui nous a été opposé : au cœur d’un parc national, il ne peut y avoir la moindre publicité sur les maillots !

M. René-Pierre Signé. On ne peut vouloir tous les avantages !

M. François Fortassin. Nous n’avons pas tous les avantages, monsieur Signé !

Nous parlons de contraintes réglementaires que, précisément, les trois communes marines riveraines d’un parc naturel marin, Ouessant, Molène et Sein dans le Finistère, n’ont pas à supporter ! Par conséquent, je ne vois pas pourquoi elles partageraient les 3 millions d’euros de la dotation répartie à enveloppe fermée.

De plus, les parcs nationaux ont déjà donné un exemple de solidarité. En effet, lorsque se sont ajoutés, aux parcs nationaux – six sur le territoire métropolitain et un sur l’île de Port-Cros – le parc amazonien de Guyane et le parc national de la Réunion, il a été accepté que ces derniers soient traités de la même façon que les autres, et donc que le montant de l’enveloppe de 3 millions d’euros soit partagé en un nombre plus important de parts.

En l’occurrence, nous ne parlons pas de parc national. Par conséquent, il s’agit d’un dévoiement de la loi, et même d’une OPA ! Voilà pourquoi je défends cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 194 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos II-34 rectifié quater et II-163 rectifié ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Les arguments avancés par nos collègues Jacques Blanc et François Fortassin montrent bien que ces amendements posent une question sensible.

Il est vraiment dommage d’opposer communes de montagne et communes insulaires. Par conséquent, nous devons trouver une solution permettant d’éviter une telle opposition. Ces amendements identiques méritent que l’on donne quelques éléments d’information précis et objectifs, justement pour tenter d’y parvenir.

La dotation « parc national » a été créée à la demande des élus de la montagne, pour prendre en compte les contraintes réglementaires fortes des communes classées en « cœur de parc national ». Cette dotation très ciblée résulte d’une demande forte des élus de la montagne.

Premier élément d’information, les parcs naturels marins sont une création de l’État qui prévoit certes des contraintes, mais ces dernières sont moins fortes que celles qui s’imposent aux parcs nationaux.

Deuxième élément d’information utile à rappeler : le ministère de l’environnement a en projet plusieurs autres parcs. Six sont en cours de création : le parc naturel marin Côte Vermeille, le parc naturel marin à l’ouvert des estuaires de la Somme, de l’Authie et de la Canche, le parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et des pertuis charentais, le parc naturel marin du bassin d’Arcachon et son ouvert, le parc naturel marin normand-breton et le parc naturel marin des Glorieuses.

D’autres sont en cours d’instruction préliminaire : un parc naturel marin sur le secteur dit du Mor Braz, un autre en Martinique et un troisième autour du Cap Corse.

Tous ces parcs ne comporteront pas des communes insulaires situées en leur cœur, mais si rien ne bouge, il faut s’attendre à de nouvelles tensions.

Troisième élément d’information : la dotation « parc national » est une dotation répartie sous enveloppe fermée, dont le montant est limité à 3 millions d’euros.

Quatrième élément d’information : la formule de calcul de la dotation « parc national » est telle qu’elle donne des résultats qui privilégient l’intégration du territoire au sein d’un parc, indépendamment de la superficie de ce territoire.

De ce fait, chacune des îles concernées, qui, par nature, est à 100% dans le parc marin, a une dotation « parc national » de 79 510 euros, ce qui est très largement supérieur à toutes les dotations qui existent par ailleurs. Par exemple – cela concerne M. Jean Faure –, Saint-Christophe-en-Oisans, dans l’Isère, n’a touché que 62 000 euros en 2009 et 57 000 euros en 2010, puisque la part des trois îles a pesé sur les dotations de toutes les communes qui bénéficiaient de cette dotation « cœur de parc ».

Contrairement à ce qu’avait toujours dit le Gouvernement, la part prélevée pour les îles de la mer d’Iroise s’est élevée au total non pas à moins de 100 000 euros, mais bien à 238 530 euros ! Cette somme correspond à 7 % de la dotation qui était attribuée initialement à une cinquantaine de communes.

Cinquième élément d’information : deux des trois communes insulaires qui sont visées dans le Finistère ont un potentiel fiscal et financier vraiment très en dessous de la moyenne de leur strate.

Le paysage étant dressé, il paraît évident que l’on ne peut pas revenir à la situation antérieure à la loi Grenelle II. Pour autant, il faut trouver pour ces trois communes un complément de dotation qui leur permettra de disposer, compte tenu de leur isolement et de leur place dans notre patrimoine, de moyens financiers pour assurer le maintien de leur population.

Faut-il trouver ce complément dans la dotation « parc national » ou sur l’ensemble de la DGF ? Peut-on déterminer une part fixe de ce montant qui serait prélevée avant distribution du solde de la dotation « parc national » ? Faut-il créer une dotation spécifique « parc marin » pour bien isoler ces deux catégories de parcs qui correspondent à des problématiques très différentes ?

Nous n’avons pas eu le temps de proposer un autre dispositif permettant à la fois de soutenir les communes situées dans un parc national et les communes insulaires du littoral qui sont situées dans un parc marin.

Il faut sans doute scinder ces dotations pour éviter d’opposer communes insulaires et communes de montagne et aussi anticiper sur les légitimes attentes des communes qui entreront prochainement dans le parc marin ou dans un parc national ; elles ne sont pas systématiquement situées en montagne.

Dans l’immédiat, il me paraît justifié de ne pas pénaliser les communes de montagne concernées par cette dotation. Aussi, dans l’attente d’une solution, nous pourrions adopter cet amendement et préparer avec le Gouvernement un texte susceptible de vous être soumis soit en commission mixte paritaire, soit lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, et réglant définitivement ce problème. À défaut, nous aurons chaque année de nouvelles demandes pour les parcs marins et les parcs nationaux, et nous opposerons de façon parfaitement décalée la montagne au secteur insulaire, ce qui est tout à fait dommageable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Vous l’avez bien compris, il y a déjà eu des aller-retour sur ce sujet ! La mesure, abrogée par la loi Grenelle II, a été réintroduite à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. Aujourd’hui, nous sommes de nouveau face à une demande de suppression !

C’est un vrai dossier. Si nous acceptons cet amendement, il est clair que les trois communes insulaires d’Ouessant, de Molène et de Sein connaîtront une diminution importante de leurs ressources. Voilà la réalité !

Par ailleurs, comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial, la dotation étant répartie sous enveloppe fermée, les communes qui sont aujourd’hui dans un cœur de parc national « traditionnel » seront touchées par la mesure.

Dans les années à venir, de nouveaux parcs nationaux seront créés, en mer et dans d’autres zones, de montagne ou non. Par conséquent, nous devrons certainement redéfinir une stratégie globale. Il paraît en effet difficile d’imaginer la création au coup par coup d’une mesure spécifique adaptée à chaque cas de figure, d’autant que nous avons déjà du mal à nous sortir du maquis actuel ! Méfions-nous d’une telle façon de faire sous prétexte que plus personne n’y retrouve ses petits !

À la suite de la suggestion du rapporteur spécial, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat, sachant que, quelle que soit la mesure qui sera adoptée, nous rouvrirons inévitablement ce débat. Les aller-retour que nous avons connus montrent bien qu’il n’existe pas de situation idéale.

M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, pour explication de vote.

M. Pierre Bernard-Reymond. Avant de vous raconter l’histoire d’un hold-up, permettez-moi de saluer la sagesse du Gouvernement et du rapporteur sur ce dossier.

À l’article 20 de la loi de 2006 sur les parcs nationaux, il était prévu d’allouer une dotation globale de fonctionnement, éventuellement majorée, aux communes dont le territoire est pour tout ou partie compris dans le cœur d’un parc national, auparavant qualifié de zone centrale du parc.

Ces communes supportent en effet des servitudes réglementaires spécifiques. J’insiste sur l’aspect réglementaire, car il ne s’agit pas uniquement de problèmes liés aux zones de montagne ou aux zones à handicaps naturels. Ces servitudes réglementaires limitent, voire interdisent certaines activités, par exemple en matière de chasse, de pêche, d’exploitation de carrières, d’activités hydroélectriques, de prises de vues, de prises de sons, d’usage de produits phytosanitaires, de lignes électriques aériennes.

Trois millions d’euros sont consacrés à cette compensation pour l’ensemble des parcs de métropole et d’outre-mer. Cette somme étant intangible, la dotation attribuée à chaque commune diminue au fur et à mesure que de nouveaux parcs se créent. C’est un bel exemple de solidarité et de responsabilité en matière de finances publiques !

Cette disposition, qui date de 2006, a été confirmée à l’article 145 de la loi Grenelle II.

Or voici que, par le biais d’un subtil amendement voté à l’Assemblée nationale, trois îles de la mer d’Iroise, Sein, Molène et Ouessant, comprises dans le périmètre d’un parc naturel marin, ne supportant donc pas les contraintes réglementaires qui s’imposent aux communes des parcs naturels nationaux, s’invitent à la distribution, et pour une part telle que cela frise la provocation.

Comment expliquer en effet que les communes d’Ouessant, de Molène et de Sein, dont les superficies varient de 0,60 kilomètre carré à 15 kilomètres carrés, perçoivent chacune la somme de 79 150 euros alors que, dans les Hautes-Alpes, la commune de Pelvoux, dont le territoire est compris dans le cœur d’un parc, ne touche que 26 104 euros pour 83 kilomètres carrés ? Quant à La Chapelle-en-Valgaudémar, elle ne perçoit que 40 300 euros pour une superficie de 110 kilomètres carrés.

J’ajoute que ces communes de montagne doivent également entretenir de très vastes espaces se situant hors de la zone cœur de parc, lesquels n’ont rien à voir avec la superficie des îles en question.

Bien que j’aie beaucoup de respect pour la Bretagne et la mer d’Iroise, pour ces îles magnifiques, et surtout pour leurs habitants, dont nous connaissons l’histoire valeureuse et les traditions culturelles très riches, je considère que la ficelle est un peu grosse !

Monsieur le rapporteur, il faut en effet remédier à la situation dans laquelle se trouvent ces communes. Toutefois, aucune mesure ne devra être prise au détriment de l’accord formel inscrit dans la loi relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux et dans le Grenelle II. Rétablissons donc un peu de sérieux dans cette affaire et respectons les engagements pris en 2006 et en 2010 !

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

M. Jean Boyer. Cet article fait ressurgir en moi le souvenir du projet de loi relatif aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux, dont j’avais été le rapporteur. Ce texte, mes chers collègues, nous avait rassemblés, car la nature et sa préservation n’ont pas de couleur politique, personne n’ayant le monopole de la défense de la qualité de vie !

Je n’ai que peu de chose à ajouter aux interventions d’orateurs aussi éminents que Jacques Blanc et François Fortassin. Je tiens simplement à préciser qu’il existe trois catégories de parcs.

Il s’agit d’abord des parcs situés en zones de montagne, où vivent – je cite ces chiffres de mémoire – 241 habitants : 237 dans celui des Cévennes, et 4 dans celui des Écrins. Viennent ensuite les parcs marins. Enfin, dans une troisième catégorie, on trouve des parcs comme celui de la Camargue, qui a fait ici même l’objet de réflexions particulières. La définition du statut de ce parc soulevait des difficultés, car il n’était ni en zone de montage ni en secteur maritime et il fallait en outre tenir compte du droit de propriété et de la production du riz.

Les parcs constituent une richesse. Ils créent des contraintes qui – cela a été dit – ont un coût. Il est fondamental de ne pas diluer la dotation qui leur est affectée pour protéger la nature en la préservant de l’empreinte de l’homme et de la pollution !

C’est donc avec une forte détermination que je voterai cet amendement. (Mme Nathalie Goulet applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Faure, pour explication de vote.

M. Jean Faure. Tout à l’heure, René-Pierre Signé disait que nous voulions le beurre et l’argent du beurre !

Mes chers collègues, nous parlons de communes situées au cœur d’un parc national, au service de notre patrimoine national. Certains sites figurent même sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

La contrepartie, c’est que le territoire de ces communes est mis « sous cloche », et leurs habitants sont privés de développement économique.

Dans mon département, la magnifique commune de Villard-Saint-Christophe s’étend sur 50 000 hectares. Sur les 800 habitants qui y vivaient naguère, il n’en reste que 50, qui doivent entretenir ce vaste espace pour les touristes, les visiteurs et, surtout, les scientifiques.

Dès lors, comment justifier que les îles de Sein ou d’Ouessant, qui sont sans nul doute confrontées à des difficultés, mais dont la superficie ne dépasse pas quelques dizaines d’hectares, puissent bénéficier d’une dotation six, huit voire dix fois supérieure à celle qui sera allouée aux communes situées dans le cœur d’un parc naturel de montagne ? C’est un peu comme si des gens, dont vous ne connaissez ni l’identité ni les motivations, s’invitaient à votre table pour festoyer avec vous ! (Murmures.)

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la création de nouveaux parcs, le parc national entre Champagne et Bourgogne par exemple, ou encore le plan national d’actions pour la sauvegarde des zones humides, soulèveront d’importantes difficultés. Peut-être devrons-nous envisager une dotation plus élevée, assortie de critères d’octroi clairement arrêtés. Pour l’heure, nous nous contentons de corriger une erreur et de réparer une injustice.

M. Jacques Blanc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Après toutes les attaques menées contre ces trois modestes îles bretonnes, accusées de s’inviter à un festin, de perpétrer un hold-up, la parole est à la défense !

Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que c’est la loi de la République, votée par le Parlement, qui a créé le parc naturel marin d’Iroise.

M. François Marc. Il s’agissait de contribuer à la préservation des ressources, des moyens d’existence et des activités des trois communes situées sur ces trois îles.

M. Roland Courteau. Il est bon de le rappeler !

M. François Marc. Mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, certains d’entre vous étaient intervenus avec des vibrations dans la voix, le cœur battant, pour plaider la cause de l’île de Sein. La disposition que vous souhaitez aujourd’hui supprimer avait alors été adoptée.

Le patrimoine que constituent ces trois îles attire chaque année 300 000 visiteurs pendant quelques semaines d’été. Tout le reste de l’année, il faut bien vivre !

Par ailleurs, vous soutenez, ce qui est inexact, que ces îles ne sont soumises à aucune servitude spécifique et vous en concluez qu’il n’est pas légitime qu’elles perçoivent la dotation parc naturel.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur spécial, de nous avoir indiqué que le potentiel financier très maigre de ces territoires légitimait une dotation de l’État.

Je souhaite rappeler, pour répondre à toutes ces attaques, qu’il n’est pas question de hold-up : ces communes bénéficient d’une telle dotation pour plusieurs raisons.

La création du parc naturel marin a engendré des contraintes préjudiciables au développement ou au maintien des activités. Vous le savez, la plupart des activités pratiquées par les habitants sont dépendantes de la mer : pêche professionnelle et de loisir, navigation de plaisance, chasse maritime, ostréiculture. Et toutes les mesures visant à protéger le milieu marin et l’environnement ont des répercussions considérables sur ces activités.

Ainsi, l’île de Sein, dont l’activité de pêche est déjà très fragile, est confrontée à l’instauration d’un cantonnement, à savoir une zone interdite à la pêche. Par ailleurs, le ramassage du goémon est suspendu autour de l’île depuis la création du parc marin.

Les îles d’Ouessant et de Molène, qui abritent des entreprises de récolte ou de transformation d’algues, voient le développement de cette activité traditionnelle en mer d’Iroise encadré depuis deux ans par des réglementations limitant le nombre de pratiquants et les périodes de pêche.

Il existe aussi des contraintes liées aux aménagements nécessaires à la protection des milieux marins.

Au-delà de ces exigences, qui pèsent sur le développement économique, les communes doivent faire des efforts financiers pour réaliser les aménagements qui leur sont demandés : amélioration des conditions d’assainissement ; révision des conditions de carénage des navires de plaisance, afin d’éviter toute forme de toxicité ; gestion des zones de mouillage pour limiter leur impact sur les herbiers de zostères ; entretien de l’estran pour éviter la dégradation des sites de nourricerie des oiseaux limicoles ; éradication des espèces prédatrices des oiseaux marins protégés ; enfin, efforts de sensibilisation et de gestion des flux de visiteurs en période estivale.

Toutes ces réalisations représentent des contraintes lourdes. J’ajoute que des obligations administratives, auxquelles vous êtes tous sensibles, mes chers collègues, occasionnent également des dépenses importantes.

Avant de mettre en place un projet en lien avec la mer, les élus insulaires doivent presque systématiquement réaliser une étude d’incidence pour démontrer l’absence d’impact sur l’environnement, ce qui conduit inévitablement à des dépenses d’expertise fort coûteuses.

M. Roland Courteau. Évidemment !

M. François Marc. Il est tout à fait légitime que des aides soient apportées à ces trois îles, qui subissent de plein fouet les conséquences de la création du parc naturel, dont nous ne contestons pas au demeurant la nécessité.

L’adoption de cet amendement reviendrait à supprimer la dotation créée en 2010, ce qui fragiliserait la situation financière de ces trois communes alors qu’elles doivent faire face aux multiples contraintes qui leur sont imposées.

Il convient donc, comme l’ont indiqué M. le rapporteur spécial et M. le ministre, de poursuivre notre réflexion sur ce sujet. Pour le moment, ces trois communes doivent pouvoir continuer à bénéficier de la dotation qui leur a été allouée l’année dernière. Je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter ces amendements identiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, j’ai encore plusieurs orateurs inscrits pour explication de vote sur ces amendements. Nous devons nous montrer plus raisonnables.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, je suis confus de prendre la parole en cet instant, mais je souhaite simplement rappeler que la discussion d’un projet de loi de finances est encadrée par des contraintes constitutionnelles que nous avons le devoir de respecter.

La conférence des présidents a arrêté un calendrier pour l’examen des crédits des missions. Nous devions consacrer une heure trente à la mission « Relations de l’État avec les collectivités territoriales ». Le débat qui s’est engagé sur les parcs naturels nationaux est passionnant, mais ces derniers ne représentent que trois millions d’euros, dont 300 000 euros pour les trois îles concernées.

M. le rapporteur spécial a fait une proposition qui, selon moi, va dans le bon sens : le délai qui nous sépare de la commission mixte paritaire devrait en effet nous permettre de trouver, avec le Gouvernement, une rédaction satisfaisante.

Il reste seize amendements à examiner sur cette mission. D’ores et déjà, nous devons prévoir de reporter la discussion des crédits de la mission « Politique des territoires », initialement prévue ce soir. Je demande donc à ceux qui s’étaient préparés pour cet examen de se rendre disponibles samedi après-midi.

Nous sommes saisis de très nombreux amendements, qui font suite à de passionnantes discussions générales, mais tout cela est particulièrement chronophage.

La commission des finances se réunira samedi matin pour examiner les amendements relatifs aux articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances. Quoi qu’il en soit, nous devons prévoir de travailler dimanche matin, après-midi et soir, afin de pouvoir boucler la discussion budgétaire dans les délais que nous octroie la Constitution.

J’en appelle donc à votre esprit de synthèse, mes chers collègues ! Demain matin, nous examinerons les crédits de la mission « Outre-mer », sur laquelle une trentaine d’amendements ont été déposés. Si nous poursuivons notre travail au rythme de sept ou huit amendements par heure, je vous laisse imaginer le décalage horaire qui résultera de cet examen…

Il est donc vraisemblable – je ne dis pas cela pour hâter vos propos, mes chers collègues – qu’au train où vont les choses, nous poursuivrons, samedi après-midi et samedi soir, l’examen des différentes missions dont la discussion aura été décalée parce que, chaque jour, nous aurons pris du retard.

Mes chers collègues, tous les fonds visant à aider les communes situées dans des parcs naturels sont certes merveilleux, mais nous devons prendre conscience que nous sommes sortis de l’État providence. L’époque des opérations « gagnant-gagnant », qu’il était si commode de mettre en œuvre, est désormais révolue. Le présent projet de loi de finances porte, ne l’oublions pas, un déficit prévisionnel de 92 milliards d’euros. Notre sens des responsabilités nous fait obligation d’imaginer d’autres stratégies et d’autres trajectoires.

M. le président. Mes chers collègues, je vous appelle tous à faire un effort de concision.

La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.

M. Bruno Sido. En qualité d’ancien rapporteur de la loi Grenelle II, permettez-moi de m’étonner de la manière dont on légifère en France.

Dans le cadre du Grenelle II, nous avions solennellement décidé que les trois communes dont nous débattons ici n’émargeraient pas à une dotation qui est destinée aux parcs nationaux. Or, je ne sais à quelle heure de la nuit, des députés – dont j’ignore le nombre – sont revenus sur cette décision.

Je ne veux pas être injuste avec les trois communes concernées, mais j’estime que procéder ainsi est une mauvaise manière de légiférer. Par ailleurs, ponctionner le fonds destiné aux parcs nationaux ne constitue pas une bonne réponse au problème qui nous occupe.

Cela dit, bien que proche de Colombey-les-Deux-Églises, je connais bien ces trois communes, ou du moins ces trois îles, car Molène est peut-être rattachée à la commune d’Ouessant. Il suffit de lire Queffélec pour savoir que l’île de Sein est submergée pratiquement à chaque tempête s’accompagnant de marées à fort coefficient. Nous connaissons les difficultés de cette île, l’isolement de Molène et la rigueur du climat d’Ouessant.

Je constate toutefois que ces trois communes sont situées dans un parc naturel marin, et non dans un parc national. J’appelle donc l’attention du Gouvernement sur la nécessité, à moyens constants, de trouver des solutions pour ces territoires, en particulier pour l’île de Sein. Cette commune, qui, je le rappelle, a reçu le titre de compagnon de la Libération, est celle qui souffre le plus. Il faut aider ses habitants, de moins en moins nombreux, en particulier ses collégiens. Les îles de Molène et de Sein présentent des difficultés spécifiques ; le cas d’Ouessant est différent.

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, il ne s’agit pas ici d’opposer des communes maritimes à des communes de montagne ; il s’agit de faire respecter une loi que nous avons votée, d’assumer des engagements que nous avons pris. Les communes situées au cœur des parcs nationaux sont soumises à des régimes spécifiques en matière, par exemple, de permis de construire ou d’exercice de certaines activités.

En revenant sur nos engagements, nous risquons de créer une suspicion, dangereuse, dans ces territoires qui ont adhéré à l’objectif fixé par la loi du 14 avril 2006 en s’inscrivant dans une démarche de développement durable.

Le parc national des Cévennes a longtemps été le seul parc habité de France. Il n’a pas été pas facile de faire comprendre aux agriculteurs que, désormais au cœur d’un parc national, ils avaient besoin d’autorisations pour pratiquer certains modes de culture. Que penseront-ils si nous revenons aujourd’hui sur les engagements que nous avons pris ?

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

M. René-Pierre Signé. Après l’intervention de M. Jean Arthuis, je serai bref.

Les représentants des parcs naturels nationaux voudraient avoir toujours autant d’aides et un peu moins de contraintes. Très bien ! Mais le classement en parc naturel national est porteur de contraintes, les communes qui en sont membres devant préserver des territoires qui constituent des fleurons de la France.

Les exigences qui s’appliquent aux parcs nationaux s’imposent également aux parcs naturels régionaux, dont on ne parle jamais. Les gestionnaires de ces parcs veulent eux aussi préserver le patrimoine naturel, paysager et bâti de leurs territoires, mais ils reçoivent beaucoup moins d’aides.

Je m’aperçois donc que ce sont les nantis – c’est-à-dire les parcs nationaux – qui se plaignent le plus et que les communes membres d’un parc naturel régional, dont les habitants sont pourtant soumis aux mêmes contraintes, sont eux quelque peu oubliées.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Comme l’a rappelé M. le rapporteur spécial, une dotation est attribuée aux communes dont le territoire est compris dans un cœur de parc national. Si une commune n’appartient pas à un parc national, elle n’a donc pas à émarger à cette dotation.

J’ajoute que les gestionnaires de parcs naturels nationaux n’ont pas de leçons de solidarité à recevoir. La dotation, initialement prévue pour sept parcs, est aujourd’hui partagée entre les dix parcs existants.

M. René-Pierre Signé. Il y a trente-six parcs naturels régionaux.

M. François Fortassin. Mais mon cher collègue, faites voter une dotation pour les parcs régionaux ou faites-les passer dans la catégorie des parcs nationaux ! Je n’y vois pas d’inconvénient !

Cela dit, il faut aussi trouver une solution pour remédier à la situation difficile que connaissent les communes bretonnes.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-34 rectifié quater et II-163 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous indique que nous avons consacré quarante-cinq minutes à la discussion de ces deux amendements identiques.

Je mets aux voix l'article 80, modifié.

(L'article 80 est adopté.)

Article 80
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 81

Article additionnel après l’article 80

M. le président. L'amendement n° II-199, présenté par MM. Sergent, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 80, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de 2011, lorsque la population d'une commune définie au deuxième alinéa de l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales authentifiée au 1er janvier 2010 est inférieure de 10 % ou plus à celle authentifiée au 1er janvier 2009 en raison de la mise en œuvre du nouveau protocole de collecte relatif à la définition des résidences secondaires, la dotation de base prévue au 1° de l'article L. 2334-7 revenant à cette commune est majorée d'une fraction de la différence entre le montant de la dotation de base perçue en 2009 et le montant de la dotation perçue en 2010.

Cette fraction est égale à 90 % en 2011, 80 % en 2012, 60 % en 2013, 40 % en 2014 et 20 % en 2015.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement traite d’un sujet auquel est très attaché notre collègue et ami Michel Sergent, qui est retenu dans le Pas-de-Calais.

Le nouveau protocole de collecte préparé par l’INSEE pour le recensement de la population et mis en application depuis 2007 tend à exclure de la population prise en compte au titre des résidences secondaires pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, les personnes vivant dans des mobil homes installés dans des campings qui ne sont pas ouverts à l’année.

Cette nouvelle définition, particulièrement restrictive, de la notion de résidence secondaire a entraîné, en 2010, des pertes de recettes budgétaires importantes pour les communes concernées.

Ainsi, la commune de Rang-du-Fliers, dans le Pas-de-Calais, a perdu près de 30 % de sa dotation de base en 2010, en raison de la non-prise en compte, dans ce nouveau recensement, de près de 80 % des résidences secondaires qui y sont implantées.

Cette disposition pénalise donc fortement les communes touristiques dans lesquelles les campings ne sont ou ne peuvent être ouverts à l’année. Elle introduit ainsi une inégalité de traitement entre les communes.

Or, aucun mécanisme de lissage n’est mis en œuvre pour amortir cette perte de recettes et permettre aux collectivités territoriales concernées de passer ce cap difficile, qu’elles n’avaient pas prévu. Par ailleurs, ces collectivités seront confrontées, comme toutes les autres en 2011, au gel des dotations, à la diminution de leur dotation de garantie et de leur dotation de compensation de la taxe professionnelle.

C’est la raison pour laquelle, afin de limiter les conséquences de ces nouvelles règles de recensement pour les collectivités concernées, nous proposons, par cet amendement, de créer un mécanisme de lissage applicable à compter de 2011 et jusqu’en 2015, et tendant à majorer la dotation de base perçue par la commune d’une fraction de la perte de recettes.

La garantie, fixée à hauteur de 90 % la première année, passe ensuite à 80 %, à 60 %, à 40 % et, enfin, à 20 % en 2015.

Je pense, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, que vous comprendrez les raisons qui nous ont conduits à présenter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La commission comprend les raisons qui justifient cette proposition, mais les auteurs de l’amendement ne donnant pas d’élément chiffré sur le nombre de communes concernées, elle souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Avec cet amendement, nous revenons sur un débat que nous avons déjà eu tout à l’heure. M. Jean-Pierre Sueur propose un lissage des pertes engendrées par les nouvelles modalités de recensement lorsque celles-ci provoquent une baisse de la population enregistrée au titre des résidences secondaires.

Vous l’avez bien compris, l’évolution de la DGF étant quasiment gelée, tous les postes de dépense ont été évalués. Le coût du recensement de la population sur la dotation de base a ainsi été estimé à 40 millions d’euros pour les communes et la mise en place d’un tel dispositif n’a pas été envisagée lors de la fixation du montant de la dotation globale de fonctionnement. Une dépense supplémentaire ne pourrait se faire, dès lors, qu’au détriment des dotations de péréquation.

Comprenez qu’aujourd’hui notre souci est de renforcer la péréquation, plutôt que de créer des dispositifs tendant à augmenter les dotations de base. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, dans le cas qui nous intéresse, l’effet sur la masse serait extrêmement faible. En revanche, les conséquences pour les communes disposant d’un nombre considérable de mobil homes dans des campings qui ne sont pas ouverts toute l’année seraient, elles, très importantes. Pour notre part, nous préférons prendre en compte les difficultés auxquelles sont confrontées certaines communes, notamment celle Rang-du-Fliers, dans le Pas-de-Calais.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-199.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Ce vote sera connu dans le Pas-de-Calais !

Article additionnel après l’article 80
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 82

Article 81

I. – Le même code est ainsi modifié :

1° L’article L. 2334-13 est ainsi modifié :

a) Au début de la dernière phrase du cinquième alinéa, les mots : « En 2009 et en 2010 » sont remplacés par les mots : « À compter de 2009 » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En 2011, les montants mis en répartition au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale augmentent respectivement de 77 millions d’euros et de 50 millions d’euros par rapport aux montants mis en répartition en 2010. » ;

2° La seconde phrase du second alinéa de l’article L. 2334-18-1 est ainsi rédigée :

« À titre dérogatoire, le présent alinéa ne s’applique pas de 2009 à 2011. » ;

3° Les trois derniers alinéas de l’article L. 2334-18-2 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de 2009, les communes éligibles au titre de l’article L. 2334-16 perçoivent une dotation égale à celle perçue l’année précédente, majorée, le cas échéant, de l’augmentation prévue à l’article L. 2334-18-4. Pour les communes situées dans la première moitié des communes de la catégorie des communes de 10 000 habitants et plus, classées en fonction de l’indice synthétique de ressources et de charges défini à l’article L. 2334-17, la dotation est égale à celle perçue l’année précédente, augmentée du taux prévisionnel, associé au projet de loi de finances de l’année de versement, d’évolution des prix à la consommation des ménages hors tabac et majorée, le cas échéant, de l’augmentation prévue à l’article L. 2334-18-4. Les communes qui n’étaient pas éligibles à la dotation l’année précédant l’année de versement bénéficient d’une attribution calculée en application du présent article. » ;

4° L’article L. 2334-18-4 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, les mots : « En 2009 et en 2010 » sont remplacés par les mots : « En 2010 et en 2011 » ;

b) (nouveau) Au 2°, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « trente ».

II. – En 2011, le montant de la dotation de développement urbain prévue à l’article L. 2334-40 du même code est fixé à 50 millions d’euros.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2011 au Comité des finances locales, le CFL, à la fin du mois de septembre, M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, nous avait expliqué que, parallèlement au gel des dotations de l’État, hors fonds de compensation pour la TVA, le Gouvernement voulait renforcer la péréquation.

Il avait ajouté que le niveau communal était celui qui souffrait le plus de la crise. Je ne pouvais que partager ce constat, car nos populations sont particulièrement touchées par la baisse du nombre d’emplois.

L’augmentation de la DSU et de la DSR de 6,23 % semble donc positive pour le système de péréquation, même si, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, cette évolution s’accompagnera d’une réduction des ressources d’autres collectivités. Dans certains cas d’ailleurs, les collectivités qui en pâtiront seront les mêmes que celles qui en bénéficieront. J’ajoute que les dotations de compensation sont elles aussi concernées.

La prise en compte de situations spécifiques dans les communes urbaines dont la population est fortement fragilisée et qui comptent une proportion de logements sociaux bien supérieure à 20 % a fait l’objet d’une étude conduite par un groupe de travail sur la DSU au sein du Comité des finances locales.

La suggestion du Gouvernement va dans le sens des propositions qui ont été faites par ce groupe de travail.

Mais, je le répète, les communes intéressées sont toujours sensibles à un accompagnement financier rapidement mobilisable, d’autant que les fonds nécessaires à la politique de la ville ont fortement diminué depuis deux ans.

L’article 81 maintient la forme actuelle de la dotation de développement urbain, la DDU, qui, comme la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, traduit la volonté de l’État d’orienter l’utilisation de ces 50 millions d’euros vers des projets définis – pour ne pas dire décidés à l’avance – par le Gouvernement, et qui seront mis en œuvre par l’intermédiaire du préfet. C’était l’un des reproches majeurs fait par les communes concernées par la DDU au moment de sa création.

Je continue de penser que les gestionnaires de collectivités qui perçoivent la dotation de développement urbain ont besoin de crédits d’intervention plus rapidement mobilisables. Comme ils l’ont fréquemment rappelé, cela donnerait une efficacité accrue à la « DSU cible », telle qu’elle est prévue dans ce texte.

M. le président. L'amendement n° II-13, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le comité des finances locales répartit la croissance de la dotation de solidarité rurale entre les deux fractions prévues aux articles L. 2334-21 et L. 2334-22.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Je retire cet amendement qui est satisfait à la fois par le texte de l’Assemblée nationale et par un amendement que nous examinerons dans un instant.

M. le président. L’amendement n° II-13 est retiré.

L'amendement n° II-14, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéas 10 à 12

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

4° Au début du premier alinéa de l'article L. 2334-18-4, les mots : « En 2009 et en 2010 » sont remplacés par les mots : « En 2010 et en 2011 ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Le mécanisme de la DSU est reconduit à l’identique en 2011. Il convient de ne pas le modifier, même légèrement, dans l’attente d’une véritable réforme de la DSU.

C’est pourquoi l’amendement voté à l’Assemblée nationale, qui tend à ouvrir à la marge l’éligibilité de la « DSU cible » à une petite dizaine de communes, ne nous paraît pas pertinent, d’autant qu’il ne serait pas sans conséquence sur l’attribution de la DSU aux communes qui y sont actuellement éligibles. La commission des finances souhaite donc un retour au texte initial du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le présent amendement vise à supprimer la mesure introduite à l’Assemblée nationale, consistant à inclure, pour l’éligibilité à la « DSU cible », les communes de 5 000 à 9 999 habitants, ce qui porterait de vingt à trente le nombre de communes concernées.

Il s’agissait de reprendre la même proportion que celle qui avait été retenue pour les communes de 10 000 habitants et plus, soit environ un tiers des communes éligibles bénéficiant de la « DSU cible ».

L’amendement adopté à l’Assemblée nationale semble cohérent dans ce contexte actuel de répartition de la DSU, en ce qu’il permet d’assurer une certaine justice entre les deux catégories démographiques éligibles à la DSU.

Cependant, il conduit, cette année encore, à modifier à la marge la répartition de la DSU, dans l’attente d’une réforme de plus grande ampleur.

Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse, comme il l’a fait lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-273, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer six alinéas ainsi rédigés : 

5° La section 1 du Chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :

a) Au second alinéa de l'article L. 2334-20, les mots : « deux fractions » sont remplacés par les mots « trois fractions » ;

b) Le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « La variation annuelle de la dotation de solidarité rurale est répartie par le Comité des finances locales entre ces trois fractions » ;

c) Après l'article L. 2334-22, il est inséré un article L. 2334-22-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2334-22-1.- La troisième fraction de la dotation de solidarité rurale est attribuée aux dix mille premières communes de moins de 10 000 habitants, parmi celles éligibles au moins à l’une des deux premières fractions de la dotation de solidarité rurale, classées en fonction croissante du rapport entre leur potentiel financier par habitant et le potentiel financier moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique.

« Le montant attribué à ces communes au titre de cette fraction est calculé dans les conditions prévues à l’article L. 2334-22. » 

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. L’adoption de cet amendement important permettrait de créer une « DSR cible », à l’instar de la « DSU cible » qui existe déjà.

Malgré le gel en valeur des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, le projet de loi de finances prévoit d’augmenter la dotation de solidarité rurale de 50 millions d’euros, soit une progression de 6,23 % par rapport à 2010, afin de soutenir les communes rurales. Cette mesure est la bienvenue, mais elle n’est pas suffisante.

À la suite des travaux menés dans le cadre du groupe de travail du Comité des finances locales, il est en effet apparu nécessaire de mieux répartir la dynamique de la dotation sur les communes les plus en difficulté. C’est précisément l’objet de cet amendement.

Il est ainsi proposé d’instaurer, en plus des fractions « bourg-centre » et « péréquation », une troisième fraction de la DSR en faveur des 10 000 communes rurales les moins favorisées.

Cette troisième fraction serait spécifiquement répartie en faveur des 10 000 communes présentant le potentiel financier le plus éloigné du potentiel financier moyen de leur strate. Le calcul des attributions au titre de cette troisième fraction se ferait dans les mêmes conditions que pour la fraction « péréquation ».

Les prérogatives du Comité des finances locales ne seraient pas modifiées. En effet, le CFL aurait ainsi toute latitude, dans les limites fixées dans le code général des collectivités territoriales, pour répartir l’accroissement de la DSR entre les trois fractions.

Cette fraction « DSR cible » permettrait aussi au Comité des finances locales de concentrer le bénéfice de l’accroissement de la dotation de solidarité rurale sur les communes les plus en difficulté et de remédier ainsi au saupoudrage des attributions constaté, notamment au titre de la fraction « péréquation », qui concerne, je le rappelle, 34 369 communes en 2010.

J’ajoute que cette « DSR cible » ne change rien aux deux fractions « bourg-centre » et « péréquation », et ne porte que sur l’augmentation des crédits de la DSR. Elle s’inscrit dans la même logique que la « DSU cible » actuelle.

Enfin, cet effort particulier de péréquation portera à la fois sur la fraction « bourg-centre » et sur la fraction « péréquation ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui vise à créer une troisième fraction de la DSR au bénéfice des 10 000 communes rurales les moins favorisées.

En effet, cet amendement tire les conséquences des travaux menés par le groupe de travail du CFL sur la DSR depuis 2009. Il constitue une réponse au saupoudrage des attributions constaté au titre de la fraction « péréquation ».

Cette troisième fraction, que l’on pourrait qualifier, comme M. le rapporteur spécial vient de le dire, de « DSR cible », ouvrirait la possibilité, pour le CFL, de concentrer le bénéfice de l’accroissement de la DSR sur les communes les plus en difficulté.

En outre, le Gouvernement est favorable au fait que le Comité des finances locales décide librement de la répartition de la DSR entre les trois fractions « bourg-centre », « péréquation » et « DSR cible ».

Nous constatons, avec cet amendement, que le rôle du Comité des finances locales peut être conforté, ce qui répond, monsieur le rapporteur spécial, à une question que vous avez posée dans votre intervention liminaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme l’a souligné M. Edmond Hervé lors de la défense de son amendement, la DSR est, de par sa conception même, très peu péréquatrice.

M. le rapporteur spécial nous propose de corriger quelque peu cette situation en instaurant un dispositif concernant les communes qui sont relativement plus pauvres que les autres.

Dans ces conditions, nous voterons cet amendement qui, je le souligne, laisse intactes toutes les prérogatives du Comité des finances locales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-273.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-220 rectifié, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 2334-41 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, après les mots : « les communes de métropole éligibles », sont insérés les mots : « l'année précédente » ;

b) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Les attributions sont arrêtées par le représentant de l'État dans le département, sous forme de subventions. Ces subventions sont attribuées en vue de la réalisation de projets d'investissement ou d'actions dans le domaine économique et social. La subvention accordée ne doit pas avoir pour effet de faire prendre en charge tout ou partie des dépenses de personnel de la commune. Le représentant de l'État dans le département arrête les attributions de subventions sur la base d'objectifs prioritaires fixés chaque année par le Premier ministre après avis du Conseil national des villes. »

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai d’abord l’amendement n° II-57, puisque l’amendement n° II-220 rectifié est plutôt un amendement de repli.

M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° II-57, présenté par M. Dallier, et ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Ce montant est réparti selon les modalités définies aux articles L. 2334-16 à L. 2334-18-4 du même code ;

La dotation de développement urbain visée aux articles L. 2334-41 et L. 2334-42 du même code est supprimée à compter du 1er janvier 2012.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Philippe Dallier. Avec l’amendement n° II-57, je tenais à poser une nouvelle fois la question de la DDU qui, je le rappelle, a été créée à l’issue de la période de cinq ans durant laquelle la DSU a été doublée, passant de 600 millions d’euros à 1,2 milliard d’euros.

Au terme de cette période, la question s’est posée de savoir s’il convenait de continuer à augmenter la DSU. La réponse a été positive, ce dont je me félicite. Parallèlement, Mme Fadela Amara a initié une réforme de la DSU qui visait à concentrer les moyens sur les communes les plus en difficulté, mais cette réforme a avorté.

Décision avait donc été prise de continuer à augmenter la DSU, à un rythme d’environ 70 millions d’euros par an – 77 millions d’euros cette année – et de créer en parallèle une DDU – dotée de 50 millions d’euros – destinée à soutenir les projets d’investissement des communes les plus en difficulté.

Après quelques années, force est de constater que le bilan de la DDU est assez contrasté, ce qui ne manque pas de m’étonner. En effet, chaque année, différentes associations d’élus l’ont souligné, certains crédits restent inutilisés. Cette situation est d’autant plus regrettable que cette dotation vise précisément à aider les communes qui connaissent les plus grandes difficultés.

Ce dysfonctionnement s’explique par plusieurs raisons.

D’abord, le dispositif est techniquement compliqué : d’une part, il faut attendre le milieu de l’année pour savoir si l’on est éligible à la DDU ; d’autre part, il faut signer une convention avec l’État, et la subvention n’est perçue que lorsque les travaux sont terminés.

Par ailleurs, les communes les plus en difficulté ne peuvent pas présenter des dossiers d’investissement importants chaque année. Une fongibilité a donc été mise en place au profit de la DSR, ce que certains trouvent satisfaisant. Je considère pour ma part que c’est regrettable pour les communes de banlieues les plus défavorisées.

L’amendement n° II-57 a donc pour objet de revenir à l’ancien système, c’est-à-dire de conserver l’enveloppe globale de quelque 120 millions d’euros – 127 millions d’euros cette année – et de la répartir entre toutes les collectivités qui sont éligibles à la DSU, sachant que, dans la réforme avortée de Mme Amara, les augmentations à venir étaient concentrées sur les communes les plus en difficulté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no II-57 ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement a un double objet : la simplification des modalités d’attribution de la DDU, en les unifiant avec celles de la DSU dès 2011 ; la fusion de la DDU avec la DSU au 1er janvier 2012.

Si l’objectif d’une fusion à l’échéance de 2012 peut être envisagé dans un souci de clarification et de simplification des modalités d’attribution des dotations de péréquation urbaines, l’unification des conditions d’éligibilité de la DSU et de la DDU dès 2011 risque de poser des problèmes, notamment en raison des projets qui sont actuellement déjà en attente de financement.

La commission est réservée sur ce dispositif et elle souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Notre collègue Philippe Dallier propose une mesure de simplification par la fusion de deux dotations.

Le Gouvernement est défavorable à la suppression de la DDU pour plusieurs raisons.

Premièrement, on peut relever, dans un certain nombre de communes, une sous-consommation des crédits mis en répartition au titre de la DDU. Cette dotation reste néanmoins un outil intéressant de soutien aux villes cumulant à la fois une insuffisance des ressources et la présence de populations en grande difficulté. Certaines villes ont su pleinement mobiliser les ressources mises à leur disposition à ce titre.

Deuxièmement, en se focalisant sur les cent villes les plus en difficulté, on évite le saupoudrage des aides. Les subventions allouées ont un réel effet de levier sur les projets financés.

Troisièmement, l’essentiel des dysfonctionnements a pour origine des difficultés de gestion, liées notamment au calendrier de mise en œuvre des modalités de calcul des dotations.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement préfère l’amendement de repli n° II-220 rectifié, qui n’a pas encore été présenté, car il tend à une simplification des démarches. L’objectif est à la fois de maintenir la spécificité de la DDU et rendre son utilisation la plus simple possible.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° II-57, au profit de l’amendement n° II-220 rectifié, qui a sa préférence.

M. le président. Monsieur Dallier, l'amendement n° II-57 est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier. Je réjouis que l’amendement n° II-220 rectifié, que je n’ai pas encore présenté, ait déjà recueilli l’avis favorable du Gouvernement. C’est formidable ! (Sourires.)

La DDU était une fausse bonne idée. Il s’agit d’un dispositif compliqué, né dans un contexte particulier, qui a engendré bien des difficultés. Cela dit, je retire l’amendement n° II-57

M. le président. L'amendement n° II-57 est retiré.

Veuillez maintenant nous présenter l’amendement no II-220 rectifié, mon cher collègue.

M. Philippe Dallier. Cet amendement vise à simplifier la situation actuelle. En effet, il suffira qu’une commune ait été éligible à la DSU au titre de l’année « n - 1 » pour pouvoir présenter un dossier. De plus, avec la fin du mode de conventionnement avec l’État, on pourra trouver un mode d’administration plus simple des dossiers.

Cet amendement marque une avancée. Dans la mesure où il est accepté par le Gouvernement, j’en resterai là. Je considère toutefois qu’il conviendrait de revenir à l’ancien système et de concentrer la DSU sur les communes les plus en difficulté.

L’idée de Mme Amara était bonne, mais elle s’est heurtée, comme souvent, à des oppositions. Tant pis si ma commune sort de la DSU, mais la concentration des crédits sur les communes les plus pauvres est une nécessité. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° II-220 rectifié ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La commission émet bien évidemment un avis favorable sur cet amendement. Pour une fois que l’on s’engage dans une simplification des procédures, il faut profiter de l’occasion !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-220 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 81, modifié.

(L'article 81 est adopté.)

Article 81
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 83

Article 82

I. – Le chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :

1° L’intitulé de la section 4 est ainsi rédigé : « Dotation d’équipement des territoires ruraux » ;

1° bis (nouveau) L’article L. 2334-35-1 est abrogé ;

2° La section 5 est abrogée ;

3° La section 6 devient la section 5 et les articles L. 2334-41 et L. 2334-42 deviennent respectivement les articles L. 2334-40 et L. 2334-41 ;

3° bis (nouveau) Au quatrième alinéa de l’article L. 2334-41, la référence : « L. 2334-42 » est remplacée par la référence : « L. 2334-41 » ;

3° ter (nouveau) À la fin de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2334-42, la référence : « L. 2334-41 » est remplacée par la référence : « L. 2334-40 » ;

4° Les articles L. 2334-32 à L. 2334-35 et L. 2334-36 à L. 2334-39 sont ainsi rédigés :

« Art. L. 2334-32. – Il est institué une dotation budgétaire, intitulée dotation d’équipement des territoires ruraux, en faveur des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et des communes répondant aux critères indiqués à l’article L. 2334-33. Le montant de cette dotation est fixé à 615 689 257 € pour 2011. À compter de 2012, chaque année, la loi de finances détermine le montant de cette dotation par application du taux de croissance de la formation brute de capital fixe des administrations publiques prévu pour l’année à venir, tel qu’il est estimé dans la projection économique présentée en annexe au projet de loi de finances de l’année.

« Art. L. 2334-33. – Peuvent bénéficier de la dotation d’équipement des territoires ruraux :

« 1° Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre :

« a) Dont la population n’excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d’outre-mer ;

« b) Dont la population est supérieure à 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d’outre-mer et n’excède pas 60 000 habitants, et dont :

« – soit toutes les communes répondent aux critères d’éligibilité indiqués au 2° ;

« – soit le potentiel fiscal moyen par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel fiscal moyen par habitant de l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de même catégorie et dont toutes les communes ont une population inférieure à 15 000 habitants ;

« 2° Les communes :

« a) Dont la population n’excède pas 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d’outre-mer ;

« b) Dont la population est supérieure à 2 000 habitants dans les départements de métropole et 3 500 habitants dans les départements d’outre-mer et n’excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d’outre-mer et dont le potentiel financier moyen par habitant est inférieur à 1,3 fois le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes dont la population est supérieure à 2 000 habitants et n’excède pas 20 000 habitants ;

« c) Les communes de Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient de la dotation.

« Art. L. 2334-34. – Les circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna, les communes ainsi que leurs groupements dont la population est inférieure à 60 000 habitants des collectivités d’outre-mer, de Nouvelle-Calédonie et de la collectivité territoriale de Mayotte bénéficient d’une quote-part de la dotation d’équipement des territoires ruraux dont le montant est calculé par application au montant total de cette dotation du rapport, majoré de 33 %, existant entre la population de chacune des collectivités et groupements intéressés et la population nationale, telle qu’elle résulte du dernier recensement de population. Le montant de cette quote-part évolue au moins comme la masse totale de la dotation d’équipement des territoires ruraux mise en répartition.

« Art. L. 2334-35. – Après constitution de la quote-part au profit des circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna, des communes ainsi que des groupements de communes des collectivités d’outre-mer, de Nouvelle-Calédonie et de la collectivité territoriale de Mayotte mentionnée à l’article L. 2334-34, les crédits de la dotation d’équipement des territoires ruraux sont répartis entre les départements :

« 1° Pour 70 % du montant total de la dotation :

« a) À raison de 50 % en fonction de la population regroupée des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre éligibles ;

« b) À raison de 50 % en fonction du rapport, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre éligible, entre le potentiel fiscal moyen par habitant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de sa catégorie et son potentiel fiscal moyen par habitant ;

« 2° Pour 30 % du montant total de la dotation :

« a) À raison de 50 % répartis entre les départements, en proportion du rapport entre la densité moyenne de population de l’ensemble des départements et la densité de population du département, le rapport pris en compte étant plafonné à 10 ;

« b) À raison de 50 % en fonction du rapport, pour chaque commune éligible, entre le potentiel financier moyen par habitant de l’ensemble des communes appartenant au même groupe démographique et son potentiel financier moyen par habitant.

« La population à prendre en compte pour l’application du présent article est celle définie à l’article L. 2334-2.

« Les données servant à la détermination des collectivités éligibles à la dotation d’équipement des territoires ruraux ainsi qu’à la répartition des crédits de cette dotation sont relatives à la dernière année précédant l’année de répartition.

« Le montant de l’enveloppe calculée selon les critères définis aux 1° et 2° doit être au moins égal à 90 % et au plus égal à 110 % du montant de l’enveloppe versée au département l’année précédente. Dans le cas contraire, ce montant est soit majoré à hauteur de 90 %, soit diminué à hauteur de 110 % du montant de l’enveloppe versée l’année précédente. Ces modalités de calcul sont opérées sur la masse globale répartie au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux, après constitution de la quote-part mentionnée à l’article L. 2334-34. En 2011, elles sont basées sur la somme des crédits répartis entre les départements en 2010, en application des articles L. 2334-34 et L. 2334-40 dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° … du … de finances pour 2011.

« Art. L. 2334-36. – Les crédits de la dotation visée à l’article L. 2334-32 sont attribués par le représentant de l’État dans le département aux bénéficiaires mentionnés à l’article L. 2334-33, sous forme de subventions en vue de la réalisation d’investissements, ainsi que de projets dans le domaine économique, social, environnemental et touristique ou favorisant le développement ou le maintien des services publics en milieu rural. La subvention ne doit pas avoir pour effet de faire prendre en charge tout ou partie des dépenses de fonctionnement courant, hormis les cas prévus par décret en Conseil d’État, des communes ou établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre bénéficiaires.

« Ces subventions doivent être notifiées en totalité au cours du premier trimestre de l’année civile.

« Art. L. 2334-37. – Dans chaque département, il est institué auprès du représentant de l’État une commission composée :

« 1° Des représentants des maires des communes dont la population n’excède pas 20 000 habitants dans les départements de métropole et 35 000 habitants dans les départements d’outre-mer ;

« 2° Des représentants des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la population n’excède pas 60 000 habitants.

« Pour chacune de ces catégories, les membres de la commission sont désignés par l’association des maires du département.

« Si, dans le département, il n’existe pas d’association de maires ou s’il en existe plusieurs, les membres de la commission sont élus à la représentation proportionnelle au plus fort reste par deux collèges regroupant respectivement les maires ou les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale appartenant à chacune des deux catégories mentionnées aux 1° et 2°.

« Les représentants des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre visés au 2° doivent détenir la majorité des sièges au sein de la commission.

« À chacune de ses réunions, la commission désigne un bureau de séance. Le secrétariat de la commission est assuré par les services du représentant de l’État dans le département.

« Le mandat des membres de la commission expire à chaque renouvellement général des conseils municipaux.

« La commission fixe chaque année les catégories d’opérations prioritaires et, dans des limites fixées par voie réglementaire, les taux minimaux et maximaux de subvention applicables à chacune d’elles. Le représentant de l’État dans le département arrête chaque année, suivant les catégories et dans les limites fixées par la commission, la liste des opérations à subventionner ainsi que le montant de la subvention de l’État qui leur est attribuée. Il en informe la commission.

« La commission n’est pas instituée dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

« Art. L. 2334-38. – Les investissements pour lesquels les communes et leurs groupements à fiscalité propre sont susceptibles de recevoir des subventions de l’État dont la liste est fixée par voie réglementaire ne peuvent être subventionnés au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux.

« Art. L. 2334-39. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la présente section. »

II (nouveau). – Le même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article L. 1614-6, les mots : « globale d’équipement des communes et » sont remplacés par les mots : « d’équipement des territoires ruraux des communes et la dotation globale d’équipement » ;

2° Au 8° de l’article L. 2331-6, au 5° du I de l’article L. 2572-55, à l’article L. 5211-23 et à la deuxième phrase du 3° de l’article L. 5334-19, les mots : « globale d’équipement » sont remplacés par les mots : « d’équipement des territoires ruraux » ;

3° À l’article L. 2522-1, la référence : « L. 2334-35 » est remplacée par la référence : « L. 2334-37 » ;

4° À l’article L. 2572-63, la référence : « L. 2334-33 » est remplacée par la référence : « L. 2334-34 » ;

5° L’intitulé du sous-paragraphe 4 du paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section 4 du chapitre III du titre VII du livre V de la deuxième partie est ainsi rédigé : « Dotation d’équipement des territoires ruraux » ;

6° À l’article L. 2573-54, les références : « et L. 2334-33 et les articles L. 2334-37 à L. 2334-39 » sont remplacées par les références : «, L. 2334-33 et L. 2334-38 » ;

7° À la première phrase de l’article L. 5334-18, les mots : « ou d’un syndicat d’agglomération nouvelle » sont supprimés et aux première et seconde phrases du même article, les mots : « globale d’équipement » sont remplacés par les mots : « d’équipement des territoires ruraux ».

III (nouveau). – L’article 104-1 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État est abrogé.

M. le président. L'amendement n° II-274, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 31, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La subvention ne doit pas avoir pour effet de faire prendre en charge tout ou partie des dépenses de fonctionnement courant regroupant principalement les frais de rémunération des personnels, les dépenses d'entretien et de fourniture et les frais de fonctionnement divers correspondant aux compétences de la collectivité, hormis celles accordées au titre d’une aide initiale et non renouvelable lors de la réalisation d’une opération.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La rédaction de l’article 82 ne permet pas, en l’état, une mise en œuvre en 2011 de la nouvelle dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR.

En effet, il ne définit pas les dépenses de fonctionnement courant pouvant exceptionnellement être financées au titre de la DETR, ce qui contraint la commission d’élus dans le choix des catégories de projets éligibles en 2011, et pourrait retarder le lancement des appels à projets.

Le présent amendement vise à répondre à cette préoccupation : il propose une définition des dépenses de fonctionnement courant, étant précisé qu’elles sont financées à l’appui d’un projet et ne sont pas renouvelables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je suis prêt à soutenir l’amendement de Pierre Jarlier, mais je m’inquiète que l’on puisse s’engager dans des dépenses de fonctionnement, même à titre exceptionnel, par le biais de l’ancienne DDR et de l’ancienne DGE. Nous n’avons jamais fait cela dans le passé !

M. Jackie Pierre. C’est exact !

M. Alain Vasselle. S’engager dans de telles dépenses de fonctionnement, alors que nous avons des difficultés pour financer tous les projets, me semble pour le moins aventureux !

Monsieur le ministre, je me permets d’attirer votre attention sur ce risque. Il faut rapidement encadrer la situation et publier une circulaire d’application très précise ! (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Je tiens à rassurer M. Vasselle : l’amendement de la commission ne change en rien le droit existant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-274.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-16, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 41

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés : 

« La commission fixe chaque année les catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, les taux minima et maxima de subvention applicables à chacune d'elles.

« Le représentant de l'État dans le département arrête chaque année, suivant les catégories et dans les limites fixées par la commission, la liste des opérations à subventionner ainsi que le montant de la subvention de l'État qui leur est attribuée. Il porte à connaissance de la commission la liste des opérations sous maîtrise d’ouvrage communale qu’il a retenues. La commission est saisie pour avis des projets de subventions portant sur des opérations présentées par les établissements publics de coopération intercommunale.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Le rôle de la commission d’élus de la nouvelle DETR est défini restrictivement par rapport à celui de la commission d’élus de la DDR actuelle.

Le présent amendement vise à redonner un pouvoir consultatif à la commission d’élus sur la liste des opérations et des subventions, établie par le représentant de l’État dans le département, comme cela se faisait au titre de la DDR.

L’amendement distingue toutefois les opérations menées par les communes, qui feront simplement l’objet d’un « porter à connaissance » – comme c’est le cas actuellement dans les commissions d’élus de la DGE –, et les opérations plus importantes, conduites par les établissements publics de coopération intercommunale, qui feront l’objet d’un avis de la commission, comme c’est le cas aujourd’hui au sein de la commission d’élus de la DDR.

J’ajoute que ces commissions travaillent avec efficacité et que les élus y sont très attachés. Elles permettent une concertation entre les élus et les préfets sur l’opportunité et la faisabilité des projets structurants menés à une échelle intercommunale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. La future commission des plans d’équipement des territoires ruraux combinera un pouvoir d’orientation et de programmation et un pouvoir de choix des projets.

Grâce à la fusion entre la DGE et la DDR, les crédits de la nouvelle entité s’élèveront à un total de 615 millions d’euros, dont 80 % proviendront de la DGE et 20 % de la DDR.

Messieurs les sénateurs, vous connaissez le fonctionnement des commissions d’élus de la DDE. Réunies en sous-préfecture, ces dernières définissent les principes d’intervention à partir desquels le sous-préfet répartit les crédits, en étroite relation avec les élus de la commission.

En ce qui concerne la DDR, les commissions d’élus vont aujourd’hui plus loin, puisqu’elles examinent chaque projet séparément.

La fusion des deux dotations pose donc une question de méthode. Doit-on privilégier l’examen individuel de chaque dossier par la commission d’élus ? Doit-on considérer que, une fois les principes d’intervention définis, l’individualisation des crédits doit être traitée par la sous-préfecture et les représentants de l’État ?

Le rapporteur spécial propose que la nouvelle commission n’étudie séparément que les dossiers intercommunaux. Pour les communes, les dossiers répondant aux principes fixés par la commission seraient validés par l’État, sans être examinés isolément.

Tout en garantissant le rôle de la commission, qui fixe les orientations en amont, le Gouvernement estime, dans une optique de simplification, qu’il serait préférable d’éviter l’examen séparé de certains dossiers, qui provoque une disparité de traitement des projets en fonction de leur origine. En effet, avec une telle procédure, les dossiers communaux seront validés d’office, ou du moins très rapidement, alors que les dossiers intercommunaux devront être examinés par une commission qui devra se réunir à cet effet.

Le Gouvernement souhaite simplifier les procédures. Je préfère donc que la nouvelle commission fixe les grands principes et que pour le reste, l’on fasse confiance aux services de l’État pour étudier les dossiers.

M. Jean-Claude Gaudin. C’est sage !

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je vous invite donc à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l’amendement n° II-274 est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Oui, monsieur le président, et ce pour une question de principe.

Les élus des commissions jouissaient jusqu’ici d’un pouvoir de décision, ou d’avis, sur les projets les plus importants. C’était aussi l’occasion pour eux de définir des priorités, de dialoguer avec le préfet sur les projets structurants de leurs territoires, notamment à l’échelle intercommunale. Il me paraît important que les élus conservent cette prérogative dans la nouvelle commission.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Chat échaudé craint l’eau tiède ! (Sourires.)

En qualité de président de l’association des maires de l’Oise, je préside régulièrement la commission d’élus de la DGE, et je copréside avec le préfet la commission d’élus de la DDR. J’ai donc une véritable expérience en la matière.

Le présent projet de loi risque de modifier la nature de ces dotations, en fusionnant deux fonds destinés à financer des projets dont les caractéristiques sont différentes.

M. René-Pierre Signé. Les fonds sont différents mais fongibles !

M. Alain Vasselle. Au titre de la DGE, on finance des équipements. Au titre de la DDR, on finance également des équipements, mais à vocation économique. En d’autres termes, les projets sont subventionnés s’ils permettent la création d’emploi ou une offre de service à la population. Le taux de la subvention reste à l’appréciation de la commission d’élus de la DDR et fait l’objet d’un échange entre élus et représentants de l’État.

La fusion des deux fonds sera à l’origine d’un mélange des genres et les élus risquent d’avoir bien du mal à s’y retrouver.

C’est pourquoi il me paraît préférable, dans un premier temps, de suivre la commission, à moins que le Gouvernement ne donne des garanties suffisantes contre les effets pervers du dispositif.

Combien de fois avons-nous dû nous opposer à des préfets ou à des secrétaires généraux de préfectures qui souhaitaient faire financer par les collectivités des services ou des équipements permettant à l’État de se désengager ? Je pense notamment aux relais de services publics, encouragés par l’État, dont les collectivités auraient sans doute été amenées à financer les dépenses d’investissement et de fonctionnement. Je m’y suis opposé et nous avons fort heureusement réussi à éviter ce type de financements.

Cependant, si, demain, les commissions d’élus sont simplement chargées de définir les domaines d’intervention, et si les préfets – qui reçoivent leurs instructions du ministre de l’intérieur – ont les mains libres pour agir, je crains que le fonctionnement du nouveau fonds ne connaisse quelques dérives. Je suis donc très réticent sur l’idée exprimée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous devons préserver une relation de grande confiance entre le représentant de l’État et les élus. C’est le sens de l’amendement de la commission des finances, qu’a présenté Pierre Jarlier.

Je ne suis pas persuadé que nous puissions dans l’instant élaborer une bonne rédaction, mais nous avons besoin de monnaie en vue de la commission mixte paritaire. À cette fin, le Sénat ne peut pas adopter en l’état toutes les dispositions votées à l’Assemblée nationale. Je m’engage à définir d’ici à la CMP, en relation étroite avec le Gouvernement, une rédaction appropriée qui lèvera toutes les ambigüités.

Pour ces raisons, je maintiens l’amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Je tiens tout d’abord à rappeler que les crédits en question sont et resteront des crédits d’État. Il ne s’agit pas de crédits destinés à compenser d’éventuels transferts de compétences.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez bien comment fonctionne une commission d’élus de DGE. Elle arrête des principes, définit les catégories d’équipements et de projets qui peuvent être retenus. Évitons tout climat de défiance ; efforçons-nous au contraire d’élaborer un mode de fonctionnement plus rapide.

Combien de fois ai-je entendu, au Sénat comme ailleurs, qu’il fallait assouplir les modes de fonctionnement, les normes et les règles afin d’instruire les dossiers plus rapidement. Avec le présent amendement, la commission va définir des principes d’intervention avant d’étudier certains dossiers de manière séparée. Il aurait été plus simple de fixer clairement les attributions des commissions d’élus, afin d’éviter tout dérapage, puis de s’en remettre à l’État pour l’application des procédures. Il s’agit, je le répète une nouvelle fois, de crédits d’État. Il est donc cohérent de confier leur gestion aux services de l’État.

Pour autant, si j’ai la garantie que cette question fera l’objet d’un examen avec le Gouvernement avant la CMP, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

Il faut qu’une relation de confiance mutuelle s’installe entre l’État et les collectivités. Je suis prêt à faire un pas dans ce sens, mais il faut éviter de mettre en place un système encore plus lourd que le précédent. Les élus se plaignent souvent que les réunions des commissions durent du matin au soir, quasiment sept jours sur sept. Le Gouvernement vous propose aujourd’hui une mesure permettant d’accélérer les procédures, d’aller directement à l’essentiel. J’ajoute que le dispositif du Gouvernement respecte le partage des responsabilités entre l’État et les collectivités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe votera l’amendement de la commission des finances pour les raisons de principes exposées par M. Jarlier et reprises par M. Arthuis.

Comme l’a indiqué M. Vasselle, nous connaissons bien le fonctionnement de ces commissions. Elles jouent un rôle positif, tant pour la DGE que pour la DDR.

Dans la mesure où l’on veut fusionner les deux fonds, il est à nous yeux de bon sens de fusionner également les deux commissions d’élus. Elles pourront ainsi continuer de s’exprimer comme elles le font actuellement. Les élus apprécient d’être associés aux décisions qui sont prises ; ils doivent continuer à l’être.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Cette année, par un simple coup de crayon, le préfet de la Moselle a transféré à la DGE la moitié des crédits dont il disposait au titre de la DDR.

Je ne vois pas où réside l’innovation du nouveau système. Je ne vois pas davantage pourquoi nous nous posons des questions de nature métaphysique puisque, aujourd’hui, un préfet peut, indépendamment des votes de la commission d’élus, transférer de manière arbitraire des crédits de la DDR vers la DGE.

Au Parlement, on nous explique que la DGE et la DDR sont deux dotations distinctes, dont les finalités et les contextes sont différents ! J’ai donc été très surpris par la décision du préfet de la Moselle.

On s’achemine maintenant vers un nouveau système, mais le problème essentiel demeure : les arbitrages rendus par les préfets quant aux attributions de la DGE et de la DDR sont-ils purement techniques, ou bien tiennent-ils compte du contexte politique ? En Moselle, on peut parfois s’interroger sur ce point !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-17, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 44

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... -  Pour 2011, la commission instituée par l’article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales est constituée des commissions mentionnées aux articles L. 2334-35 et L. 2334-40 du même code dans leur rédaction antérieure à la loi n° …du … de finances pour 2011.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Afin de ne pas retarder les attributions de subventions en 2011, le présent amendement prévoit que la commission d’élus compétente pour la dotation de développement rural, la DDR, soit constituée en 2011 de la fusion des deux commissions existantes, celle chargée de la dotation globale d’équipement, la DGE, et celle chargée de la DDR.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. J’approuve bien évidemment cet amendement, mais il faudra nous expliquer, monsieur le ministre, comment va fonctionner cette commission.

En effet, les modalités de fonctionnement des commissions en charge de la DGE et de la DDR étaient fort différentes. Ainsi, pour la DGE, on distinguait selon que cette dotation concernait les communes de moins de 2000 habitants ou de plus de 2000 habitants. Cette distinction va-t-elle subsister ? Aura-t-on encore une liberté d’appréciation pour définir les domaines d’intervention auprès de chaque collectivité ?

Je suis assez inquiet de la manière dont ce fonds va fonctionner. J’espère que les circulaires d’application permettront d’y voir un peu plus clair, car l’on ne peut pas se contenter de voter une fusion de deux fonds sans en mesurer pleinement les conséquences.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 82, modifié.

(L'article 82 est adopté.)

Article 82
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 84

Article 83

Le montant du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées prévu à l’article L. 2335-2-1 du code général des collectivités territoriales est fixé à 10 millions d’euros en 2011. – (Adopté.)

Article 83
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Article 85

Article 84

Au 3° de l’article L. 3334-6-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « revenu minimum d’insertion » sont remplacés par les mots : « montant forfaitaire mentionné au 2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles ». – (Adopté.)

Article 84
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 86

Article 85

Le 1° du II de l’article L. 5211-33 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« À compter de 2011, cette garantie s’applique lorsque leur coefficient d’intégration fiscale est supérieur à 0,6. » ;

2° Le second alinéa est ainsi modifié :

a) Dans la première phrase, les mots : « en 2005 » sont supprimés ;

b) La seconde phrase est supprimée. – (Adopté.)

Article 85
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Articles additionnels après l'article 86

Article 86

I. – L’article L. 2334-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2334-4. – I. – Pour l’année 2011, le potentiel fiscal d’une commune est déterminé par application aux bases communales des quatre taxes directes locales du taux moyen national d’imposition de chacune de ces taxes. Pour la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d’habitation, les bases retenues sont les bases brutes de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l’assiette des impositions communales. Les taux moyens nationaux sont ceux constatés lors de la dernière année dont les résultats sont connus. Pour la taxe professionnelle, les bases et le taux moyen sont ceux utilisés pour le calcul du potentiel fiscal en 2010.

« Le potentiel fiscal est majoré du montant perçu l’année précédente au titre de la part de la dotation forfaitaire correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998).

« Pour les communes appartenant à un établissement public faisant application du régime fiscal mentionné à l’article 1609 nonies C ou de celui mentionné à l’article 1609 quinquies C, le potentiel fiscal est majoré de la part de la dotation de compensation prévue au premier alinéa de l’article L. 5211-28-1 perçue par l’établissement public de coopération intercommunale l’année précédente, correspondant aux montants antérieurement perçus au titre du I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée avant prélèvement effectué en application du 1 du III de l’article 29 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002). Cette part est répartie entre les communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale au prorata des diminutions de base de taxe professionnelle, dans chacune de ces communes, ayant servi au calcul de la compensation prévue au I du D de l’article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée. Le montant ainsi obtenu est minoré du prélèvement subi par l’établissement public de coopération intercommunale en application du 1 du III de l’article 29 de la loi de finances pour 2003 précitée, réparti entre les communes au prorata de leur population.

« II. – À compter de 2012, le potentiel fiscal d’une commune est déterminé par application aux bases communales des impositions directes locales du taux moyen national d’imposition de chacune de ces impositions. Les impositions prises en compte sont celles mentionnées au I de l’article 1379 du code général des impôts, à l’exception des impositions prévues aux 6°, 7° et 8° de cet article.

« Il comprend en outre les montants prévus aux deuxième et troisième alinéas du I.

« Les bases retenues sont les bases brutes de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l’assiette des impositions communales.

« Le potentiel fiscal est majoré des montants prévus aux 1.1 et 2.1 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010.

« Le potentiel financier d’une commune est égal à son potentiel fiscal, majoré du montant de la dotation forfaitaire perçu par la commune l’année précédente, hors la part prévue au premier alinéa du 3° de l’article L. 2334-7. Il est minoré le cas échéant des prélèvements sur le produit des impôts directs locaux mentionnés aux deux derniers alinéas de l’article L. 2334-7 subis l’année précédente. Pour la commune de Paris, il est minoré du montant de sa participation obligatoire aux dépenses d’aide et de santé du département constaté dans le dernier compte administratif, dans la limite du montant constaté dans le compte administratif de 2007.

« Le potentiel financier par habitant est égal au potentiel financier de la commune divisé par le nombre d’habitants constituant la population de cette commune, tel que défini à l’article L. 2334-2. »

II. – Le III de l’article L. 2531-13 du même code est par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2011, les bases et les taux de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour l’application du II en 2010. »

III. – L’article L. 3334-6 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pour l’année 2011, les bases et le taux moyen de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour le calcul du potentiel fiscal en 2010.

« À compter de 2012, les impositions prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal sont celles mentionnées au I de l’article 1586 du code général des impôts, à l’exception des impositions prévues au 2° de cet article. Le potentiel fiscal d’un département est déterminé par application aux bases départementales des impositions directes locales du taux moyen national d’imposition de chacune de ces impositions.

« Le potentiel fiscal est majoré des montants prévus aux 1.2 et 2.2 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010. »

IV. – L’article L. 4332-5 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’année 2011, les bases et le taux moyen de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010 ; »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de 2012, les impositions prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal sont celles prévues à l’article 1599 bis du code général des impôts. Le potentiel fiscal d’une région est déterminé par application aux bases brutes servant à l’assiette des impositions régionales du taux moyen national d’imposition de chacune de ces impositions. Il est majoré des montants prévus aux 1.3 et 2.3 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010. »

V. – Le II de l’article L. 5211-30 du même code est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Pour l’année 2011, les bases et les taux moyens de taxe professionnelle retenus pour l’application du présent article sont ceux utilisés pour le calcul du potentiel fiscal en 2010. Pour les établissements publics de coopération intercommunale créés ou ayant connu des changements de périmètre après le 1er janvier 2010, les bases de taxe professionnelle retenues sont égales à la somme des bases de taxe professionnelle des communes membres de l’établissement au 31 décembre 2010 utilisées pour le calcul de leur potentiel fiscal 2010.

« À compter de 2012, le potentiel fiscal d’un établissement public de coopération intercommunale est déterminé par application aux bases d’imposition des taxes directes locales de l’établissement du taux moyen national d’imposition de chacune de ces impositions. Les impositions prises en compte sont celles mentionnées à l’article 1379-0 bis du code général des impôts, à l’exception du premier alinéa du V et du VI.

« À compter de 2012, le potentiel fiscal de chaque établissement public de coopération intercommunale est calculé par adjonction au potentiel fiscal, tel que défini à l’alinéa précédent, des potentiels fiscaux de chacune de leurs communes membres appartenant à l’établissement au 31 décembre de l’année précédente, tels que définis à l’article L. 2334-4, hors la part prévue au troisième alinéa.

« Les bases retenues sont les bases brutes de la dernière année dont les résultats sont connus servant à l’assiette des impositions intercommunales.

« Le potentiel fiscal est majoré des montants prévus aux 1.1 et 2.1 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-18 rectifié est présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-195 est présenté par MM. Bel, Sueur et Patriat, Mme Bricq, MM. Rebsamen et Percheron, Mme Alquier, M. Hervé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. Alinéas 5 à 8

Supprimer ces alinéas.

II. Alinéas 15 et 16

Supprimer ces alinéas.

III. Alinéas 20 et 21

Supprimer ces alinéas.

IV. Alinéas 24 à 27

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-18 rectifié.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La commission considère que la méthode retenue par l’article 86 pour définir le potentiel fiscal en 2011 est très satisfaisante. Elle écarte en effet la compensation-relais qui fausserait les calculs de richesse des communes.

En revanche, aucune simulation précise ne permet d’analyser les effets de la nouvelle définition du potentiel financier et fiscal proposée pour 2012.

Étant donné que plusieurs modifications de la fiscalité économique locale figurent dans le projet de loi de finances, il nous semble judicieux d’attendre de connaître les effets de ces ajustements pour redéfinir les critères de potentiel fiscal et financier. Il faudra pour cela engager une concertation avec les assemblées parlementaires et le Comité des finances locales, le CFL, avant de figer un dispositif dans le marbre de la loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° II-195.

M. Jean-Pierre Sueur. La suppression de la taxe professionnelle, dans la loi de finances pour 2010, entrera pleinement en application pour les collectivités territoriales à compter du 1er janvier 2011, avec la perception par celles-ci des nouveaux impôts créés ou transférés par l’État.

Cette réforme a bouleversé l’architecture des finances locales et, depuis lors, nous n’arrêtons pas de corriger et d’adapter les dispositions votées l’année dernière, souvent de manière précipitée et improvisée.

Au nombre de ces modifications indispensables à effectuer, il y a celle concernant le potentiel fiscal et financier. Ces deux notions, essentielles pour la répartition de très nombreuses dotations dites de péréquation, prennent en compte, pour leur calcul, les bases de fiscalité locale directe de l’année précédente.

S’il a été possible de calculer le potentiel fiscal en 2010, en prenant pour référence les bases de fiscalité existantes en 2009, le calcul du potentiel fiscal 2011 est plus difficile puisqu’il n’existe plus de base de taxe professionnelle depuis le 1er janvier 2010.

Les collectivités territoriales ont donc perçu cette année une compensation-relais.

L’article 86 vise à prendre en compte les bases de taxe professionnelle 2009, déjà retenues pour le calcul du potentiel fiscal en 2010. Cette solution présente l’inconvénient de geler la mesure des inégalités à celles de 2009.

L’article prévoit également dès maintenant les modalités de calcul du potentiel fiscal à compter de 2012, en prenant pour référence et pour chaque collectivité territoriale, le panier de ressources fiscales et budgétaires attribuées en remplacement de la taxe professionnelle ainsi que les dotations de compensation et du Fonds national de garantie individuelle des ressources, le FNGIR.

Or, sur ce point, nous ne pouvons vous suivre. Que savons-nous de l’application réelle des nouveaux impôts et de leur perception par les différentes collectivités territoriales ? Nous n’y voyons pas clair du tout. En effet, l’administration ne dispose d’aucune donnée post-réforme de la taxe professionnelle autre que celles utilisées par la mission Durieux-Subremon pour la réalisation du rapport remis au Gouvernement en juin dernier. Ce sont donc des données provisoires établies sur des périmètres 2009.

De même, les aménagements à la réforme sont encore nombreux dans le projet de loi de finances pour 2011. Il suffit de lire les 378 alinéas, soit 37 pages, de l’article 59, dont nous aurons l’honneur de discuter la semaine prochaine.

Il apparaît donc dangereux de fixer dès aujourd’hui les modalités de définition du potentiel fiscal à compter de 2012. De toute façon, à quoi rime encore la définition d’un potentiel fiscal quand les collectivités concernées ont perdu toute autonomie fiscale ? M. Patriat, qui connaît bien ces sujets, nous dirait que c’est le cas des régions pour l’ensemble des ressources qu’il est proposé de prendre en compte.

Nous souhaitons protéger les collectivités territoriales de toutes mauvaises surprises. C’est la raison pour laquelle nous proposons par notre amendement de supprimer les dispositions fixant le potentiel fiscal à compter de 2012 et demandons au Gouvernement de fournir au plus vite les simulations nécessaires à son établissement dans les meilleures conditions possibles afin de pouvoir apporter des réponses sérieuses à l’ensemble des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. J’ai sans doute le tort d’être trop succinct dans mes exposés, mais je pense qu’il n’est pas toujours nécessaire d’utiliser tout le temps de parole qui nous est imparti…

Vous avez bien compris que, pour évaluer le potentiel financier ou fiscal de nos collectivités, nous ne disposons plus des mêmes bases que par le passé, puisque celles-ci ont disparu.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est clair !

M. Philippe Richert, ministre. Dès lors, nous devons mettre en place à compter de 2012 de nouvelles bases de calcul pour définir ce potentiel fiscal. Préalablement, les services de l’État devront se livrer à un travail d’évaluation afin que nous disposions, en 2012, des outils qui nous permettront d’appliquer ou, le cas échéant, de modifier les orientations que nous avons prises.

Nous sommes trop souvent contraints de réaliser des simulations dans l’urgence, deux ou trois mois avant l’application d’une mesure. Pour une fois que nous avons la chance de disposer d’une année complète pour réaliser ce travail, il serait opportun de la mettre à profit !

C’est la raison pour laquelle je demande à M. le rapporteur de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, sur le fond, la convergence est totale entre la commission des finances et le Gouvernement.

Toutefois, nous n’avons pas eu accès aux documents faisant apparaître le fruit de ces simulations. Par ailleurs, il est évident que les clauses de revoyure qui étaient prévues dans le courant de l’année 2010 n’ont pas pu opérer, parce qu’il faut attendre la constatation effective des mises en recouvrement et le redéploiement de ces ressources dans les différentes collectivités territoriales.

Par conséquent, il y a peut-être là un peu de précipitation législative de la part du Gouvernement. Nous savons que nous débattrons d’un projet de loi de finances rectificative au printemps 2011 : à cette date, nous aurons une connaissance précise des recouvrements et nous pourrons alors procéder aux ajustements qui s’avéreraient nécessaires.

M. Philippe Richert, ministre. Il s’agit de fixer dès à présent dans la loi des principes, des orientations.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je pense qu’il serait opportun de prendre quelques mois supplémentaires pour porter un regard plus lucide sur les conséquences de la réforme que nous avons votée voilà un an.

C’est la raison pour laquelle la commission des finances fait cette proposition par voie d’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Je suis contre la suppression de la taxe professionnelle, aussi bien sur le fond que sur la forme !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est un peu tard ! (Sourires.)

M. Charles Pasqua. Elle a été supprimée !

M. Jean Louis Masson. Le débat que nous avons aujourd’hui illustre parfaitement les tares de la procédure qui a été suivie pour supprimer la taxe professionnelle.

Un jour, en se levant, le Président de la République a décidé qu’il fallait supprimer la taxe professionnelle. Alors, sans réfléchir, on a lancé la réforme et, aujourd’hui, un an après son adoption, on ne sait toujours pas où l’on va.

La suppression de la taxe professionnelle comme la méthode utilisée pour y parvenir sont des scandales !

Franchement, le Président de la République aurait mieux fait de réfléchir à deux fois avant de lancer cette réforme improvisée.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean Louis Masson. Après le psychodrame des transferts de taxe d’habitation, voilà un nouveau psychodrame ! Et ce n’est sans doute pas le dernier… On a le sentiment que ceux qui nous dirigent font un peu n’importe quoi. (Protestations sur les travées de lUMP. –Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Je me tourne vers vous, monsieur le ministre, vous qui êtes aussi président de région.

J’ai organisé hier le débat d’orientation budgétaire au sein de la collectivité que je préside, et je constate les effets pervers dans les territoires de cette loi de suppression de la taxe professionnelle, adoptée à la hussarde.

Cette réforme a été faite à la hâte, sans concertation et sans simulation préalable. Les collectivités, en particulier les régions, qui n’auront plus d’autonomie fiscale – ou peut-être 10 % avec les cartes grises et une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers –, vont perdre d’abord l’effet base et l’effet taux. Ainsi, la région que j’ai l’honneur de présider perdra 1,2 % de ses ressources.

Vous dites que vous allez maintenir le niveau de soutien financier aux collectivités locales, monsieur le ministre, mais vous n’avez pas encore réalisé les simulations. Ce manque de projection montre bien que l’engagement que vous avez pris ne sera pas tenu, et que les collectivités locales, à qui l’on demande toujours plus, ne pourront pas faire face.

Vous mettez en avant une hypothétique cagnotte qui découlerait d’un retour de la croissance, que vous avez d’ailleurs tendance à surestimer. Au final, vous savez fort bien que les collectivités vont perdre de l’argent.

De surcroît, j’ai appris hier avec stupéfaction que l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, que nous devions percevoir de la SNCF, allait être refacturée par l’entreprise publique dans le cadre de la convention que nous avons avec elle.

Je vous laisse imaginer l’état dans lequel vont se trouver les collectivités locales !

C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement de mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. J’ai bien compris que certains membres de cette assemblée étaient opposés à la suppression de la taxe professionnelle. Pourtant, à droite comme à gauche, il était fréquent de la qualifier d’ « impôt « imbécile ».

M. Didier Guillaume. Son remplacement l’est aussi !

M. Philippe Richert, ministre. Le Parlement – et non le Président de la République – a décidé de supprimer la taxe professionnelle. Il m’arrive de rencontrer des chefs d’entreprises qui sont heureux de cette décision, en particulier ceux qui dirigent des sociétés qui investissent et qui sont en concurrence avec des entreprises étrangères pour exporter.

M. Didier Guillaume. Je connais des chefs d’entreprise qui sont moins heureux !

M. Philippe Richert, ministre. Aujourd’hui, je n’ai pas peur de dire que je suis fier d’avoir été de ceux qui ont voté la suppression de la taxe professionnelle.

Il nous faut maintenant réfléchir à la manière dont nous pouvons, à la suite de cette suppression, redéfinir les nouvelles bases de l’évaluation de la richesse des collectivités, c’est-à-dire leur potentiel financier.

Mme Christiane Demontès. Il aurait fallu y penser avant !

M. Philippe Richert, ministre. Il est clair que nous n’aurons plus les mêmes bases.

Il est arrivé dans le passé que nous prenions des décisions sans disposer d’évaluations suffisamment fines. Je vous propose donc aujourd’hui d’inscrire dans ce projet de loi de finances les orientations qui devront présider à cette évaluation pour 2012, afin de disposer de tous les éléments nécessaires permettant à nos services, pendant l’année à venir, de travailler dans le sens souhaité.

Vous nous avez reproché de ne pas avoir pris suffisamment notre temps. Prenons-le maintenant ! Réalisons ce travail d’évaluation en amont. Telle est la raison pour laquelle j’ai demandé tout à l’heure le rejet des amendements. Je comprends très bien que certains d’entre vous reviennent sur la suppression de la taxe professionnelle. C’est comme un leitmotiv, mais moi, je continue à dire que c’était une bonne chose de la supprimer.

M. Didier Guillaume. Il fallait la remplacer par quelque chose !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, il n’y a pas, me semble-t-il, matière à se crisper de part et d’autre.

M. Philippe Richert, ministre. Je ne me crispe pas !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Rien ne s’oppose à ce que vos services procèdent à ces simulations sur la base du texte que vous nous soumettez. À ce moment-là, lorsque nous devrons voter, nous aurons une vision exacte des conséquences de ces dispositions.

Vos services peuvent tout à fait, me semble-t-il, sans que l’on ait voté ces dispositions, procéder aux simulations prévues, éventuellement à d’autres si elles apparaissent plus justifiées, car je suis convaincu que, dans les prochains mois, nous aurons quelques correctifs à apporter à la législation.

Si nous fixons dès aujourd'hui les éléments déterminants du potentiel fiscal et financier, nous risquons d’être dans l’obligation de revoir notre copie.

Dès lors, oui aux simulations, et nous nous prononcerons en pleine connaissance de cause lorsque vous nous les présenterez ! Voilà pourquoi nous maintenons notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous comprenons que le nouveau ministre veuille étrenner ses galons en justifiant un certain nombre de positions prises par le Gouvernement dans la précipitation, mais on ne peut pas laisser dire qu’il y aurait les modernistes, d’une part, qui seraient pour la suppression de la taxe professionnelle, et les rétrogrades, d’autre part, qui s’arc-bouteraient sur une forme d’imposition obsolète.

M. Philippe Richert, ministre. C’est bien la réalité !

M. Jean-Jacques Mirassou. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il fallait initier des mutations, mais à condition de les accompagner de simulations.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous n’allons pas refaire le débat sur la taxe professionnelle !

M. Jean-Jacques Mirassou. Or, au moment où nous parlons, vous êtes absolument incapables de le faire parce que ces dispositions ayant été votées dans la précipitation, vous en êtes réduits à résoudre une équation à multiples inconnues et, manifestement, vous n’êtes pas équipé des logiciels adéquats.

Vous nous dites avoir rencontré des chefs d’entreprise qui étaient contents de la suppression de la taxe professionnelle, nous, nous en avons rencontré quelques-uns qui se rendaient compte, lorsque vous obligez les conseils généraux…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On ne va pas refaire le débat : vous avez vu l’heure ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Mais nous sommes en plein dans le débat !

Lorsque vous obligez les conseils généraux, disais-je, à réduire la voilure en ce qui concerne leurs investissements, les entreprises en pâtissent parce que, dans le bâtiment et les travaux publics, le nombre de réalisations diminue.

Dans ces conditions, il me paraît raisonnable – monsieur Arthuis, je vais vous faire plaisir – d’écouter les propos émis avec tant de sagesse et de voter les deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-18 rectifié et II-195.

(Les amendements sont adoptés.)

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! C’est la sagesse !

M. le président. L'amendement n° II-58, présenté par M. Dallier, est ainsi libellé :

Alinéa 9, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il est également minoré des dépenses de fonctionnement engagées par la commune, relatives à la sécurité publique ainsi qu'à la vidéo-surveillance, constatées dans le dernier compte administratif.

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Cet amendement, s’il était adopté, pourrait être un premier geste de reconnaissance de l’effort financier réalisé par les collectivités locales en matière de sécurité publique.

C’est un sujet sur lequel je suis intervenu à différentes reprises.

Il est vrai que nombre de communes, notamment les communes de banlieue situées dans des zones particulièrement difficiles, ont été – j’allais dire – dans l’obligation de créer une police municipale et de se doter d’un équipement de vidéosurveillance.

Les charges de fonctionnement qui en découlent, au-delà de l’investissement pour la vidéosurveillance, sont très importantes et pèsent sur le budget de ces communes.

Il y aurait deux façons de traiter ce problème.

La première serait de réclamer à l’État des dotations supplémentaires. Je me doutais bien que ce n’était pas dans cette direction qu’il fallait chercher.

La seconde serait ce que je vous propose ici, c'est-à-dire de défalquer du potentiel financier les dépenses de fonctionnement engagées par les collectivités locales pour leur police municipale et pour le fonctionnement de la vidéosurveillance.

Le coût serait neutre pour l’État et cela permettrait de montrer que l’effort réalisé par ces collectivités est pris en considération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Les dépenses de fonctionnement liées à la police municipale et à la vidéosurveillance sont lourdes pour les communes et sont souvent des dépenses quasi obligatoires pour elles du fait de l’absence des services de l’État.

Mais il paraît difficile d’intégrer toutes ces dépenses dans le calcul du potentiel financier. En revanche, elles pourraient être prises dans les critères de charges de la péréquation.

La commission demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et demande le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Dallier, l'amendement n° II-58 est-il maintenu ?

M. Philippe Dallier. Non, je le retire et j’attends le Grand Soir de la péréquation. En effet, lorsqu’on recherchera les critères de charges,…

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. On en trouvera !

M. Philippe Dallier. … puisqu’il s’agit d’une mission éminemment régalienne, il faudra bien prendre en considération celui-là.

Je crains seulement que le Grand Soir de la péréquation ne soit pas encore pour demain !

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes pas dans le bon groupe pour le Grand Soir !

M. le président. L'amendement n° II-58 est retiré.

Je mets aux voix l'article 86, modifié.

(L'article 86 est adopté.)

Article 86
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Modification du calendrier budgétaire

Articles additionnels après l'article 86

M. le président. L'amendement n° II-198, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 86, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la dernière phrase du 2° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, le mot : « triple » est remplacé par le mot : « quadruple ».

II. - Ce même 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le solde est attribué à l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. »

III. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de l'augmentation de la part de la dotation forfaire de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

IV. - Les conséquences financières résultant pour l'État du III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Cet amendement, mes chers collègues, vise à mettre fin à une injustice faite à la seule collectivité de Guyane, qui voit depuis 2005, le montant de sa dotation superficiaire plafonné.

Celle-ci est, en effet, plafonnée à trois fois le montant perçu par les communes guyanaises au titre de la dotation de base, ce qui prive la Guyane d’une ressource très importante.

Pour un territoire de 90 000 kilomètres carrés, ce sont plus de 16 millions d’euros de perte financière chaque année. Cette collectivité d’outre-mer rencontre pourtant de multiples handicaps qu’il paraît légitime de compenser par une dotation superficiaire pleinement perçue.

Notre amendement prévoit donc deux solutions pour remédier à ce problème.

D’une part, il est proposé de relever le plafond du montant de la dotation superficiaire perçue par les communes à quatre fois le montant perçu au titre de la dotation de base.

Il s’agit donc, comme l’évoque le rapport de la mission d’information sénatoriale, d’assouplir progressivement le plafonnement de cette dotation.

D’autre part, il est proposé d’affecter le solde de la dotation superficiaire – c’est-à-dire pour le montant qui excède le plafond – à l’intercommunalité dont la commune bénéficiaire est membre.

En effet, cette solution permet de mener une politique de péréquation entre les communes de Guyane, qui, pour certaines d’entre elles, présentent une forte activité économique mais disposent d’une petite superficie, par exemple Cayenne, la capitale, qui ne possède que 24 kilomètres carrés.

Il peut également être envisagé d’attribuer ce solde à un fonds de péréquation destiné exclusivement aux communes de Guyane.

Cet amendement vise donc simplement à reconnaître enfin les droits auxquels la Guyane peut légitimement prétendre. C’est une mesure de justice et d’équité entre tous les territoires français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Nous n’avons aucune simulation sur l’incidence de cette proposition. La commission en demande le retrait et souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. La situation particulière des départements d’outre-mer, notamment de la Guyane, mérite des aides de l’État adaptées.

C'est la raison pour laquelle, en plus de la prise en compte de la population, nous avons accepté, pour la Guyane en particulier, de prendre en compte la taille des communes, qui peuvent être très étendues.

L’introduction d’une dotation proportionnelle à la superficie a donc été très favorable à certaines communes étendues de Guyane. Ainsi, malgré le plafonnement, des communes de Guyane ont enregistré dès 2005 une augmentation de plus de 14 % de leur dotation forfaitaire totale contre 1 % pour les autres communes.

En 2010, alors qu’en moyenne, à l’échelon national, la part superficie représente 1,6 % de la dotation forfaitaire des communes, elle représente pour les communes guyanaises en moyenne 23 % de leur dotation forfaitaire. Tandis que le montant moyen de DGF par habitant s’élevait à 240 euros au niveau national, le montant moyen en Guyane atteignait 280 euros. Il convient de noter que ce montant élevé de DGF est surtout dû à l’existence de la part superficiaire qui, malgré le plafonnement, est très largement favorable aux communes.

En outre, la réforme de la dotation globale de fonctionnement de 2005, en instituant une dotation forfaitaire indexée sur la population, a été largement favorable aux collectivités de Guyane, qui font preuve d’une croissance démographique élevée.

Un tel choix aurait donc une incidence sur la répartition de la DGF au sein d’une enveloppe très contrainte qui ne peut être augmentée, comme le prévoit votre amendement. Une dépense supplémentaire ne pourrait se faire qu’au détriment des dotations de péréquation.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Patient, l'amendement n° II-198 est-il maintenu ?

M. Georges Patient. Il l’est, monsieur le président.

J’avais déjà présenté cet amendement l’an dernier et j’avais obtenu la même réponse : absence de simulation.

Monsieur le ministre, ce que nous demandons, c’est l’application pure et simple du droit commun. Cette dotation est faite non pas seulement pour la Guyane, mais pour tous les territoires français. La Guyane, pour une fois, pouvait bénéficier d’une dotation qui compensait un certain nombre d’autres handicaps.

Donc, nous ne comprenons pas que ce plafonnement s’applique uniquement à la Guyane, alors qu’en métropole, pour les communes de montagne, la dotation a été majorée à 5 euros l’hectare.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah, les communes de montagne !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. L'amendement n° I-196, présenté par MM. Patient, S. Larcher, Lise, Gillot, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 2, 16, 18 et 20

Remplacer les mots :

utilisant l'énergie radiative du soleil

par les mots :

photovoltaïque

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. La mission commune d’information du Sénat portant sur la situation des départements d’outre-mer, dans son rapport « Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l’avenir », a fait le constat, déjà bien établi, d’un recensement lacunaire de la population des DOM.

Malgré la nouvelle méthode de l’INSEE, ayant pris effet en 2009, qui mesure annuellement la croissance démographique, et permet une évaluation plus juste de celle-ci et corollairement des dotations d’État, il n’en demeure pas moins qu’à ce jour force est de constater que, dans de nombreux cas, les dotations de l’État dans les DOM demeurent sous-évaluées.

Cette sous-évaluation s’explique, d’une part, par les difficultés de recensement liées à l’importance de la population vivant notamment dans des logements illégaux recensés et, d’autre part, par l’importance de la population vivant en situation irrégulière, plus difficilement identifiée par les services de recensement que la population en situation régulière.

Ce phénomène se pose avec une très grande acuité en Guyane, où la population en situation irrégulière est importante. En effet, le nombre d’immigrés illégaux y est évalué à environ 40 000, sur une population d’environ 220 000 personnes. Si l’on prend l’exemple de la capitale, Cayenne, son maire a indiqué que la population de sa ville « était plus proche de 70 000 habitants que des 50 000 recensés officiellement par l’INSEE ». C’est également le cas des villes frontières telles que Saint-Laurent du Maroni – frontière avec le Surinam – et Saint-Georges-de-l’Oyapock – frontière avec le Brésil –, où les décalages sont grands entre le recensement officiel et la réalité du terrain. Et l’on pourrait prendre d’autres exemples de communes subissant le même sort !

Ces décalages sont d’autant plus importants puisque le recensement de la population est un critère de répartition de la dotation forfaitaire de la DGF. Or, les collectivités d’outre-mer sont déjà très fragiles sur le plan financier.

Cet amendement prévoit donc que le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à élaborer des propositions pour améliorer les modalités de recensement de la population afin de garantir que les dotations de l’État soient ajustées à la situation réelle des collectivités territoriales.

Nous avons déjà présenté l’année dernière le même amendement. À l’occasion de son examen, le rapporteur spécial de la mission « Outre-mer » M. Éric Doligé, qui avait participé à la mission d’information, était convenu qu’il était important de prendre en compte les spécificités locales. On ne peut à la fois multiplier les rapports et ne jamais leur donner de suite.

Notre amendement s’inscrit dans la continuité de ce rapport ; c’est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter une telle mesure. Nous espérons cette fois-ci que nous serons entendus. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. L’amendement vise à demander l’élaboration d’un rapport pour voir comment répondre aux spécificités de la Guyane.

Permettez-moi, en précisant que le Gouvernement est défavorable à cet amendement, de rappeler trois données.

Premièrement, par principe, les dotations de l’État aux collectivités territoriales des départements et régions d’outre-mer sont, chaque fois que possible – cela a été dit tout à l’heure – identiques au droit commun métropolitain dans le respect de l’article 73 de la Constitution.

Deuxièmement, la répartition de la dotation globale de fonctionnement obéit à des critères stricts identiques pour l’ensemble des collectivités d’une même catégorie. La DGF des communes est établie à partir de calculs relevant, d’une part, des caractéristiques physico-financières communales et, d’autre part, de compensations et garanties dont les niveaux d’attribution ont des raisons historiques. Il est, par conséquent, impossible de déroger à des règles s’imposant à toutes les collectivités au profit de catégories particulières de communes.

Troisièmement, il convient de rappeler que les dotations des communes ultramarines sont calculées dans les conditions très favorables que j’ai évoquées tout à l’heure. Sans revenir sur ce sujet, je rappellerai simplement que le montant moyen de DGF par habitant en Guyane atteint 280 euros.

Enfin, la part « péréquation » de la DGF est calculée dans des conditions très favorables, qui traduisent la solidarité nationale en faveur des communes d’outre-mer. Une quote-part prélevée sur la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, sur la dotation de solidarité rurale et sur la dotation nationale de péréquation leur est en effet affectée. Ces conditions sont plus favorables que la prise en compte de leur strict poids démographique au sein de la population nationale totale.

Le montant de cette quote-part est ainsi calculé par application au montant mis en répartition au plan national du rapport majoré de 33 % entre la population d’outre-mer et la population nationale totale. Avant 2005, je le rappelle, cette majoration n’était que de 10 %.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour explication de vote.

M. Georges Patient. Monsieur le ministre, je pense que votre réponse concerne en fait l’amendement n° II-197, que je vais maintenant présenter.

M. Philippe Richert, ministre. Non, non !

M. Georges Patient. Celui que je viens de présenter vise à prévoir la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement sur les modalités de prises en compte de la population réelle des départements d’outre-mer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-196.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est normal, le débat n’a pas eu lieu !

M. le président. L'amendement n° II-197, présenté par MM. Patient, Antoinette, Gillot, S. Larcher, Lise et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 86, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2011, un rapport précisant les possibilités de prise en compte, pour la répartition de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales de Guyane, du revenu moyen par habitant, des dépenses scolaires ainsi que des particularités géographiques de ces collectivités.

La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Je ne sais pas s’il est nécessaire que je présente mon amendement puisque M. le ministre m’a déjà donné son avis ! Je vais résumer mon propos.

La situation des départements d'outre-mer, tant démographique que géographique, nécessite que soient pris en compte pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement de ces collectivités des critères particuliers, tels que le revenu moyen par habitant, les dépenses scolaires, ainsi que les spécificités géographiques de ces collectivités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la répartition de la dotation de base de la DGF des communes de Guyane. Il est vrai qu’elles ont des problèmes particuliers, car elles sont très grandes.

Ce sujet est certes intéressant – il est en effet important de prendre en compte les particularités de ces collectivités –, mais je note que c’est le second rapport qui nous est proposé en deux amendements !

Pour notre part, nous ne sommes pas très favorables à l’élaboration constante de nouveaux rapports. La commission est donc réservée sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Pour les mêmes raisons que sur l’amendement précédent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-197.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-200 rectifié, présenté par MM. Sueur, Marc et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 86, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa du I de l'article 108 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, les mots : «, constituant l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour souscrire au souhait de M. Arthuis, j’indique simplement que cet amendement est défendu : son texte suffit à sa bonne compréhension.

J’ajoute que j’ai rectifié son texte, conformément au vœu de M. le rapporteur spécial. Je pense qu’ainsi il pourra répondre aux attentes de la commission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Cet amendement ayant été rectifié pour tenir compte de ses remarques, la commission des finances y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Je pense, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il est important, pour l’évaluation des contributions de l’État, de prendre en compte non pas simplement la part de dotations versées par l’État, mais bien l’ensemble du périmètre permettant aux collectivités de fonctionner dans les meilleures conditions possibles, compte tenu de la conjoncture difficile dans laquelle nous sommes. C’est ainsi que nous arrivons aux 99 milliards d’euros que nous avons pris comme référence tout à l’heure.

Il ne nous semble pas opportun de disjoindre l’ensemble des contributions de l’État et des aides qu’il apporte par ailleurs, notamment les mises à disposition. Je souhaite qu’il soit toujours possible d’avoir une vision globale des efforts de l’État en direction des collectivités ; il est important de ne pas perdre de vue cette dimension.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’aimerais dissiper un doute : M. le ministre a-t-il bien eu connaissance de l’amendement rectifié, qui, je le rappelle, est ainsi rédigé : « Au quatrième alinéa du I de l’article 108 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, les mots : ", constituant l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales" sont supprimés. » ?

Cet amendement vise, comme nous l’avons évoqué lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2012, à entériner la notion de concours de l’État aux collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Sueur. Intervention très pertinente !

M. le président. Dans ces conditions, quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Compte tenu de ces précisions et du caractère plus rédactionnel de l’amendement ainsi rectifié, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-200 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 86.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

Modification du calendrier budgétaire

Articles additionnels après l'article 86
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Enseignement scolaire

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’indique à ceux de nos collègues qui nous ont rejoints depuis quelques instants que l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » devait durer une heure trente et que nous y avons consacré quatre heures. Dans ces conditions, nous sommes obligés de reporter à samedi la discussion des crédits de la mission « Politique des territoires ».

J’espère que, d’ici à minuit, nous pourrons achever la discussion des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sur lesquels cinq amendements ont été déposés.

En revanche, trente-deux amendements ont été déposés sur les crédits de la mission « Outre-mer », qui seront examinés demain matin. J’espère, monsieur Patient, que vous ne présenterez pas de nouveau les deux amendements qui ont été examinés il y a un instant, cela nous permettra ainsi de gagner un peu de temps ! (Sourires.)

Je lance donc un appel et je vous invite, mes chers collègues, à intervenir de manière aussi concise que possible, faute de quoi je ne vois pas comment nous pourrions achever l’examen du projet de loi de finances le mardi 7 décembre.

En tout état de cause, nous siégerons samedi après-midi, samedi soir et sans doute dimanche matin, dimanche après-midi et dimanche soir.

Enseignement scolaire

Modification du calendrier budgétaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 48 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire » (et l’article 73 quater).

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant de rapporteur spécial de la commission des finances, je vous indique d’emblée que le montant des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est considérable. Il s’élève à 61,8 milliards d’euros, soit 21,6 % des crédits de paiement du budget de l’État.

Près de 94 % de ces crédits sont consacrés aux dépenses de personnels, sachant que les emplois relevant de la mission représentent 49 % des effectifs de la fonction publique de l’État.

Afin d’illustrer la difficulté de notre travail, je souhaite formuler deux observations.

Première observation, l’effort courageux de réduction des effectifs que vous faites, monsieur le ministre, permet de réaliser en année pleine une économie de 366 millions d’euros, soit très exactement – j’ai le goût des statistiques – 0,6 % de la masse salariale annuelle de votre administration.

Toutefois, cette économie est largement pondérée. D’abord, les mesures catégorielles qui ont été adoptées en faveur des enseignants – elles sont d’ailleurs légitimes, puisque ces derniers doivent assumer l’effort de baisse des effectifs – s’élèvent à 199 millions d’euros. Ensuite, les dispositions générales relatives à la fonction publique ont des conséquences financières à hauteur de 130 millions d’euros. Enfin, le traditionnel glissement-vieillesse-technicité, ou GVT, s’ajoute à quelques mesures techniques pour un total de 89 millions d’euros. Dès lors, l’économie réelle n’est que d’une cinquantaine de millions d’euros, pour une diminution d’effectifs de l’ordre de 16 000 postes.

Nous voyons ainsi l’utilité, mais également les limites de ces réductions d’effectifs. Et je n’évoque même pas le compte d’affectation spéciale « Pensions » !

Deuxième observation – elle est peut-être encore plus importante –, les chiffres que vous nous avez communiqués, monsieur le ministre, permettent de mesurer les difficultés d’application de votre schéma d’emplois.

Les effectifs relevant de la mission « Enseignement scolaire » sont plafonnés à 983 070 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. L’essentiel d’entre eux dépendent du ministère de l’éducation nationale. En effet, seulement 2,1 % des emplois relevant de cette mission dépendent du ministère de l’agriculture.

Le plafond d’emplois du programme Enseignement technique agricole est fixé à 14 876 ETPT, soit une baisse de 214 unités par rapport à l’année précédente.

Cependant, et je tiens à le souligner au nom de la commission des finances, les chiffres présentés dans les documents budgétaires pour l’année 2011 ne tiennent compte ni des conséquences de l’amendement que nous avions adopté l’année dernière pour rétablir 150 emplois au sein du programme Enseignement technique agricole, ni du moratoire annoncé à la rentrée 2010 par M. Bruno Le Maire, qui porte sur 75 emplois.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, il nous serait extrêmement utile de connaître le plafond d’emplois réel de ce programme. Au demeurant – ma collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, y reviendra sans doute dans quelques instants –, des baisses d’effectifs dans des établissements de petite taille peuvent aboutir à des suppressions de classes, voire menacer la pérennité de certains établissements.

Pour autant, l’essentiel des effectifs relevant de la mission « Enseignement scolaire » dépendent du ministère de l’éducation nationale. En l’occurrence, la situation est assez paradoxale.

En effet, on constate une hausse de 4 000 ETPT alors qu’il est proposé de supprimer 16 000 emplois à la rentrée prochaine ! Cela tient à des raisons assez complexes ; je vous renvoie à cet égard au rapport spécial de la commission des finances. Mais je tenais à évoquer ce point en séance pour souligner les interrogations que finissent par susciter certains documents chiffrés.

Je souhaite également adresser un satisfecit à votre administration, monsieur le ministre. Cette année, la mise en œuvre des décisions que je viens d’évoquer sera déconcentrée au niveau des académies, ce qui paraît extrêmement pertinent. En effet, si les académies doivent effectivement réduire leurs dépenses de personnels, elles ne sont pas tenues de le faire toutes de la même manière. D’une part, les problèmes auxquels elles sont confrontées peuvent être très différents. D’autre part, les diminutions d’effectifs peuvent prendre plusieurs formes, par exemple des regroupements de classes ou une réorganisation de l’offre scolaire.

Nous souscrivons donc à la méthode qui a été retenue. Nous souhaitons simplement pouvoir bénéficier d’une évaluation ou, du moins, d’informations précises dans la loi de règlement, afin de connaître les conditions concrètes de mise en œuvre des décisions dans les différentes académies.

Par ailleurs, je note que les suppressions d’effectifs sont beaucoup plus importantes dans l’enseignement primaire. Pour 2011, elles s’élèvent à 9 000, contre seulement 4 800 dans le secondaire. Cela tient à la fois aux effectifs de base et, surtout, au comportement des enseignants du primaire. Dans la mesure où, pour diverses raisons, ces derniers partent en retraite plus tardivement, la baisse du nombre de postes budgétaires est moins importante que dans les projections du Gouvernement.

En résumé, il y a 9 000 suppressions d’emplois dans l’enseignement primaire, 4 800 dans le secondaire et 600 dans l’administration centrale et les services extérieurs du ministère de l’éducation nationale. Au sein de l’enseignement privé – je me tourne vers notre collègue Jean-Claude Carle –, 1 633 postes sont également supprimés. L’effort est donc réparti.

Toutefois, cet effort significatif n’aboutit pas à une diminution des effectifs qui relèvent du ministère de l’éducation nationale, dont le plafond d’emplois est revalorisé de 20 359 ETPT entre 2010 et 2011. En réalité, il s’agit d’une « correction » ; je vous renvoie à la page 34 du rapport de la commission des finances, où le phénomène est expliqué.

Comme je le soulignais à l’instant, les départs en retraite sont évalués, mais ils ne sont pas nécessairement déterminés au moment où le projet de budget nous est présenté. Et, quand ces départs se révèlent inférieurs aux projections, nous avons des « sureffectifs ». Monsieur le ministre, vous avez décidé à juste titre d’intégrer ces sureffectifs dans vos documents budgétaires. Mais, comme l’opération consiste à faire « réapparaître » des effectifs qui existaient déjà, elle n’est effectivement pas forcément facile à comprendre par tous.

En outre, monsieur le ministre, vous avez affiché l’année précédente la suppression de 18 202 emplois au titre de la réforme du recrutement. Des élèves enseignants, qui étaient auparavant comptabilisés parmi les effectifs du ministère, ont été renvoyés vers le statut d’étudiant. Or force est de reconnaître qu’une partie de leur temps de travail était consacrée à des activités d’enseignement ou de suppléance d’enseignants. Dès lors, un tiers des emplois supprimés des documents budgétaires, soit 6 000 unités, y réapparaissent, pour la bonne raison qu’ils n’auraient jamais dû en être exclus.

Pour plus d’informations, et afin de ne pas abuser de mon temps de parole, je vous renvoie, comme je l’ai dit, à la page 34 du rapport de la commission des finances. Et, quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, nous serons extrêmement attentifs aux explications statistiques qui nous seront apportées dans le débat et lors de l’examen du projet de loi de règlement.

Une des explications réside dans la mise en place du système Chorus pour contrôler vos effectifs, monsieur le ministre. Et ce contrôle fait réapparaître 1 300 personnels dont nous ne savons pas très bien où ils étaient auparavant. Ce sont les mystères d’une très grande administration. Je le dis en souriant, mais 20 000 emplois sur 1 million, cela représente tout de même 2 %. Et une marge d’erreur de 2 %, c’est beaucoup !

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’il sera difficile – vous le savez mieux que quiconque – de poursuivre le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux sans se poser à un moment ou à un autre la question de l’offre scolaire.

Vous connaissez la contrainte. Elle a d’ailleurs eu des effets positifs ; des services ont été mutualisés et des moyens ont été optimisés.

Pour autant, nous arrivons à un point où il devient difficile de ne pas s’interroger sur l’offre scolaire, sur sa diversité et sur sa répartition. Nous aimerions connaître votre sentiment sur cette question, monsieur le ministre.

En outre, nous devons rendre la diminution des effectifs compatible avec deux orientations, qui nous paraissent extrêmement pertinentes : d’une part, la personnalisation pédagogique auprès des élèves, c'est-à-dire le suivi individualisé ; d’autre part, la responsabilisation des établissements telle que vous l’avez menée dans le programme « collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite », le programme CLAIR.

Je terminerai en abordant un point que je soulève sans grand succès chaque année.

Soucieux de voir renforcer la responsabilité des établissements, nous souhaiterions que soit réglé le lancinant problème du décret d’application permettant la création des établissements publics d’enseignement primaire, les EPEP, qui correspondent à une nécessité sur le terrain.

Nonobstant les observations ou interrogations que je viens de formuler et la précision quantitative et statistique que je viens de solliciter, monsieur le ministre, je vous informe que la commission des finances, dans sa majorité, approuve le projet de budget de la mission « Enseignement scolaire » et propose au Sénat de l’adopter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme notre collègue Gérard Longuet, j’interviens en tant que rapporteur spécial, mais un rapporteur spécial qui n’a pas approuvé les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

En fait, ces crédits témoignent d’une logique comptable de réduction des dépenses publiques et de suppressions de postes à laquelle je ne souscris pas.

Depuis la loi de finances pour 2008, ce sont ainsi près de 57 000 emplois qui ont été supprimés au sein de l’éducation nationale.

Centrer ainsi exclusivement la politique scolaire sur la diminution du nombre de fonctionnaires, c’est agir négativement sur la capacité de l’éducation nationale à remplir de manière satisfaisante ses missions !

D’ailleurs, monsieur le ministre, permettez-moi de m’étonner de votre silence sur le rapport de synthèse relatif à la préparation de la rentrée 2010, que l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche vous a remis au mois de juillet dernier, alors même que vous prétendez faire de l’évaluation de la performance une priorité.

J’évoquerai d’abord les emplois administratifs, qui, s’ils sont moins visibles que les enseignants, n’en constituent pas moins un rouage essentiel du fonctionnement du système éducatif.

En effet, 2 600 suppressions postes ont déjà été réalisées depuis 2007 et on en programme 600 nouvelles en 2011, alors même que le rapport précité évoque des personnels « sous tension », parfois même « en souffrance », et décrit le profond malaise qui règne dans les services administratifs départementaux, dont les capacités sont parfois « sollicitées au-delà du raisonnable ».

Le projet de budget prévoit la suppression de 15 400 postes d’enseignants.

Ainsi, le premier degré perd 8 967 postes. Selon le ministère, dont c’est la seule explication, ce chiffre comprend la résorption de « surnombres » liés à des départs en retraite plus faibles que prévus en 2010. Reste que, concrètement, pour 2011, seules 3 000 places seront ouvertes au concours externe, alors que plus de 9 000 enseignants doivent partir en retraite et que le nombre d’élèves devrait progresser de 4 000 à 5 000 à la rentrée 2011, et ce alors même que le rapport de la Cour des comptes publié en mai dernier préconisait un plus grand investissement en direction du primaire, lequel est sous-doté de 15 % par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE.

À l’inverse, vous proposez, monsieur le ministre, d’augmenter la taille des classes, de mettre fin à la scolarisation dès deux ans, d’agir sur le remplacement des enseignants absents en créant un vivier constitué de retraités et d’étudiants. Remplacer ainsi au pied levé un enseignant devant une classe de maternelle ou de CE2 ne s’improvise pas !

Une fois encore, face à un problème réel – le non-remplacement des absences de courtes durées –, vous proposez une solution de bricolage. Ainsi, vous créez au passage de nouveaux emplois précaires… Nous sommes loin de la déclaration du Chef de l’État, qui se disait prêt, en janvier dernier, « à envisager la titularisation progressive des contractuels » dans la fonction publique.

Vous continuez de diminuer le nombre de postes du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, – 2247 postes en moins entre la rentrée 2009 et la rentrée 2010 – alors que l’écart entre les meilleurs élèves et ceux les plus en difficulté va croissant. Ce ne sont pas les deux heures d’aide personnalisée qui peuvent permettre la bonne prise en charge de ces derniers.

Dans le second degré, la dernière rentrée, avec 25 000 élèves en plus et 3 000 à 4 000 emplois en moins du fait de la suppression des postes de stagiaires, s’est déjà caractérisée par une gestion « tendue » des enseignants et un recours accru aux non-titulaires.

Du fait de l’entrée en application de la réforme contestée du lycée, la contrainte budgétaire s’est donc portée sur les collèges et les moyens de remplacement : titulaires remplaçants insuffisants dans certaines disciplines, davantage de postes partagés entre plusieurs établissements, davantage de postes occupés par des contractuels, recours accru aux vacataires pour assurer la suppléance.

Ces difficultés vont s’amplifier en 2011 puisque, avec environ 60 000 élèves de plus, attendus principalement dans les collèges et les lycées professionnels, vous supprimez 4 800 emplois d’enseignants sans aucun motif si ce n’est celui de respecter le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite.

M. Roland Courteau. C’est bien triste !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Le gonflement de l’enveloppe des heures supplémentaires, qui dépasse le milliard d’euros, ne réglera pas tout. Le rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’éduction nationale, l’IGAEN, relève ainsi que, dans la plupart des académies, le volume des heures supplémentaires a atteint un seuil difficile à dépasser.

Je dirai également un mot sur le programme Vie de l’élève, qui comprend notamment les personnels d’éducation, les conseillers principaux d’éducation, les CPE, les assistants d’éducation, les emplois de vie scolaire, les EVS, les auxiliaires de vie scolaire individuels, les AVS-i, la médecine scolaire, bref tous les personnels qui accompagnent les élèves dans leur scolarité. Ce programme, pour lequel les deux tiers des crédits ne relèvent pas des dépenses de personnel, est révélateur de la précarisation d’un pan entier des missions assignées à l’école. Le cas de la scolarisation des enfants handicapés et de l’absence de pérennité de ces postes – AVS comme EVS – est le plus symptomatique.

Pour conclure, je voudrais évoquer la situation de l’enseignement agricole, enseignement encore une fois maltraité par la loi de finances. Nous en avons d’ailleurs largement discuté en commission des finances. Le moratoire promis pour le public, mais dont la concrétisation budgétaire est introuvable dans le projet annuel de performance, aura été de courte durée. Un nouveau cycle de suppressions d’emplois s’engage pour 2011 : 145 suppressions de postes, dont 100 postes d’enseignants et 45 postes d’administratifs, alors que le point de rupture est déjà atteint.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Comment les établissements vont-ils continuer à fonctionner demain ?

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Cette situation est intenable pour les équipes, pour les élèves, mais aussi pour leurs familles. À chaque rentrée, des élèves sont refusés par centaines dans l’enseignement agricole public et, en moyenne, deux sites sont rayés de la carte, laissant apparaître de véritables déserts scolaires en milieu rural.

Il faut mettre fin à cette équation infernale qui veut que moins d’enseignants engendre moins d’élèves, pour un coût par élève finalement de plus en plus élevé. Il faut cesser la politique du double jeu qui veut qu’une année on tient des assises de l’enseignement public quand, la suivante, on continue la casse de l’outil d’enseignement public, comme si de rien n’était.

Pour toutes ces raisons, je ne peux que vous recommander, mes chers collègues, de ne pas suivre l’avis de la commission des finances. Je vous invite donc à ne pas voter l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Roland Courteau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation générale des crédits de la mission, car elle a déjà été faite par Gérard Longuet. Je rappellerai simplement que les cinq programmes dépendant de l’éducation nationale représentent 60,5 milliards d’euros, soit une progression de 1,6 % par rapport à 2010.

Cette augmentation d’environs 1 milliard d’euros est très loin d’être négligeable puisqu’elle représente l’équivalent du budget d’un département comme la Haute-Savoie.

Je souhaite maintenant me concentrer sur les points qui ont attiré tout particulièrement l’attention de la commission de la culture : la situation de l’enseignement privé, le remplacement des enseignants, les effets de la mastérisation, la situation de la médecine scolaire et les écoles numériques rurales.

Premier point, les suppressions de postes dans le privé. En 2010, pour 16 000 suppressions de postes dans l’ensemble de l’éducation nationale, 1 400 postes ont été supprimés dans le privé. En 2011, on enregistre toujours 16 000 suppressions globales, mais 1 633 suppressions dans le privé, soit une accélération de 16 % de l’effort demandé au privé en une année ! C’est disproportionné. Les familles aisées, contrairement à ce que l’on veut faire croire, ne seront pas les seules affectées : n’oublions pas qu’environ 12 % des élèves du privé sont des boursiers. J’ajoute que dans le privé 22 % des écoles possèdent moins de trois classes. Les suppressions de postes entraîneront donc des fermetures de classes, voire d’établissements, un peu partout. Pour préserver la liberté de choix des familles, la commission de la culture a déposé un amendement permettant de rétablir environ 300 postes dans le privé sans toucher au public.

Deuxième point, le remplacement des enseignants. Il n’est pas satisfaisant – tous les parents d’élèves nous le disent – alors même que près de 3 milliards d’euros y sont consacrés. Pour améliorer son efficience, il faut d’abord construire des outils de prévision robustes qui donnent une image fiable des besoins et des potentiels de remplacement. En outre, la rigidité du dispositif pose problème : le système est appuyé prioritairement sur des titulaires cantonnés strictement sur des zones trop étroites. Je fonde de bons espoirs sur votre récente note de service aux recteurs, monsieur le ministre, qui corrige le tir en supprimant, notamment, le délai de carence de quinze jours.

Troisième point, la mastérisation. Les premiers échos qui nous parviennent à son sujet sont mitigés. La commission ne remet en cause ni l’élévation du niveau de qualification ni la suppression de l’année en IUFM. Mais, si nous avons évité l’écueil du pédagogisme, nous n’avons pas encore remporté le défi de la professionnalisation.

La préparation au métier d’enseignant n’est pas encore suffisante. Les maquettes des masters et des concours devraient en tenir davantage compte alors qu’elles se cantonnent encore trop à la vérification de connaissances académiques. Un bagage disciplinaire solide est une bonne chose, mais il ne suffit pas pour motiver, instruire et aussi tenir des enfants. Cette capacité n’est pas innée, elle s’apprend.

Quatrième point, la situation de la médecine scolaire. Médecins et infirmières scolaires jouent un rôle primordial auprès des élèves, j’en suis convaincu : ils sont les confidents dont la capacité d’écoute permet de prévenir bien des incidents.

Aujourd’hui, le manque de personnel se fait cruellement ressentir, mais les postes ouverts au concours sont loin d’être tous pourvus. L’attractivité de ces professions pose en effet un problème. Après un doctorat en médecine et plusieurs années d’exercice libéral ou hospitalier, les médecins scolaires débutants se voient proposer 1 755 euros de traitement mensuel brut. C’est désormais moins qu’un interne en médecine et, au sein même de l’éducation nationale, les équivalents des médecins du travail pour les personnels reçoivent le double. La commission de la culture a donc déposé un amendement donnant un signe fort en faveur de la médecine scolaire.

Enfin, et ce sera mon dernier point, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est étonnée de ne trouver aucun prolongement du plan Écoles numériques rurales dans le projet de loi de finances pour 2011. Ce dispositif a pourtant permis, à la satisfaction générale, de gommer la fracture numérique. Le président de la commission, Jacques Legendre, a donc proposé de prolonger ce mouvement grâce à un amendement qui devrait permettre d’équiper 2 500 communes supplémentaires. C’est un effort modéré en faveur d’un investissement capital pour nos territoires.

Si nous voulons, mes chers collègues, améliorer les performances du système éducatif dans un contexte budgétaire difficile, il ne sert à rien de réfléchir en termes de gestion de grandes masses. Il faut travailler à l’affectation différenciée des moyens selon les besoins des élèves et selon les besoins des territoires, qui souffrent de grandes disparités entre eux.

J’ose affirmer que l’égalité des chances, mission première de l’éducation nationale, aujourd’hui à la peine, passe désormais par l’inégalité de traitement. J’espère que la mission commune d’information que le Sénat vient de constituer sur le système éducatif apportera des éléments de réponse.

En attendant ses conclusions, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous réserve de l’adoption des trois amendements que j’ai évoqués. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les amendements que nous avons adoptés depuis plusieurs années pour abonder le budget de l’enseignement agricole étaient contraints par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et nous ont obligés à ponctionner les crédits de l’éducation nationale. C’est avec regret que nous avons arbitré ainsi entre des voies de formation d’égale valeur et dignité.

Ces mouvements de correction répétés d’année en année ont pu nourrir des projets d’exclusion de l’enseignement agricole hors de la mission « Enseignement scolaire ». Je ne peux que me réjouir, monsieur le ministre, de l’arbitrage du Premier ministre, qui a décidé du maintien de la maquette traditionnelle de la mission.

L’option contraire aurait trahi l’esprit de la LOLF, aurait réduit à néant les espoirs de coopération entre les deux ministères et aurait ramené l’enseignement agricole à son rôle de variable d’ajustement à la moindre crise.

Je suis également satisfaite de voir augmenter de 2,5 %, après plusieurs années de décrue, les crédits de l’enseignement agricole. Il me faut, néanmoins, regretter le recul des crédits de la formation continue des enseignants du public. À l’heure où tout le système éducatif se concentre sur la personnalisation des parcours et l’adaptation aux besoins des élèves, mouvement que l’enseignement agricole a lui-même largement anticipé, la formation des enseignants doit faire l’objet d’un soin tout particulier.

L’augmentation significative des crédits hors dépenses de personnel résulte de l’évolution des subventions aux établissements privés. Il s’agit de prendre en compte les obligations juridiques découlant de l’application du code rural et des protocoles signés en 2009 avec les fédérations du privé pour régler l’échelonnement du rattrapage des subventions. Je me félicite de l’application par le ministère de l’agriculture des derniers protocoles d’accord, qui définissent désormais un cadrage fiable à moyen terme de l’évolution des subventions. Cependant, je sais d’expérience combien l’exécution peut modifier les équilibres trouvés en loi de finances. C’est pourquoi il nous faudra rester collectivement vigilants.

Comme les années précédentes, le plafond d’emploi du programme a baissé. Même si je regrette une évolution qui ne se justifie pas si l’on souhaite développer l’offre de formation, je suis consciente de la gravité du contexte économique et je reconnais les efforts réalisés par le ministère de l’agriculture pour protéger relativement l’enseignement agricole. En revanche, il faut bien le reconnaître, la lisibilité des documents budgétaires pourrait être grandement améliorée.

Après une perte de 5 500 élèves environ entre les rentrées 2005 et 2008, je ne peux que me réjouir de la stabilisation des effectifs autour de 171 000 élèves à la rentrée 2009. Cette stabilisation est encore fragile et, selon les premières estimations, l’effectif serait reparti à la baisse à la rentrée 2010. Je déplore que la demande forte des jeunes et des parents ne soit pas entièrement prise en compte.

Je suis fermement opposée à toute logique de rationnement et à tout pilotage des effectifs par une enveloppe budgétaire définie a priori. À l’inverse, ce sont les crédits qui devraient être adaptés à la demande des familles et des élèves. Aujourd’hui, 2 000 élèves sont accueillis dans les maisons familiales et rurales, sans être financés par l’État, parce qu’ils s’ajoutent au nombre maximum d’élèves pris en charge par l’État. Je souhaite que tout soit fait pour que tous les jeunes qui désirent entrer dans l’enseignement agricole y trouvent une place.

Comme chaque année, j’aimerais réitérer mon souhait de renforcement des coopérations entre l’éducation nationale et l’enseignement agricole, dans le respect des spécificités de chacun. J’ai ressenti, monsieur le ministre, une réelle volonté d’aller dans ce sens. Je crois que l’éducation nationale peut voir l’enseignement agricole comme un foyer vivant d’expérimentation et d’innovation. Je citerai, comme exemple, le remplacement des enseignants par le biais de l’intervention de titulaires sur zone de remplacement – les TZR – dans l’enseignement agricole, mais aussi l’apprentissage des langues, l’information et l’orientation des élèves, ou encore l’organisation de concours de recrutement et d’examens nationaux. Ce sont là autant de domaines dans lesquels il est possible de progresser mutuellement. Il est donc souhaitable que des relations solides et confiantes se nouent entre les deux ministères pour inaugurer une nouvelle ère de dialogue et de coresponsabilité.

Étant donné le traitement « convenable » dont est l’objet l’enseignement agricole, je vous propose d’adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon avis s’est concentré cette année sur le bilan de la première année de la réforme de la voie professionnelle. Je tiens à rappeler que, à titre personnel, je n’étais pas opposée par principe à un parcours de bac professionnel en trois ans. Néanmoins, je m’inquiétais du sort des élèves les plus fragiles, qui perdaient un an pour se remotiver après des années de collèges souvent pénibles. Je souhaite saluer avant tout la mobilisation sans faille de l’ensemble des personnels, qui ont été mis à rude épreuve. Leur action a toutefois permis d’atténuer les répercussions d’une réforme précipitée sur la scolarité des élèves.

Le premier point positif à souligner, c’est que le discours de revalorisation de la voie professionnelle a été entendu par les familles. Pour les parents comme pour les élèves, le bac professionnel en trois ans est désormais un bac comme les autres. Il est chargé de la même valeur rituelle et porte la même espérance de promotion sociale. Cette appréciation globale ne peut cependant pas masquer des défauts d’organisation, ni un vrai risque de perte de substance de la voie professionnelle.

L’élaboration de la carte des formations et de la répartition des flux d’élèves entre le CAP et le bac professionnel est un enjeu capital. Je regrette l’orientation excessive vers le CAP à l’issue du collège. Cette dernière, parfois appelée orientation de « précaution », relève plus sûrement de l’orientation par l’échec, et par défaut bien entendu. Le danger serait de transformer le CAP en voie de relégation et de construire une voie professionnelle à deux vitesses.

En outre, force m’est de constater que les difficultés repérées l’année dernière sur le positionnement de la certification intermédiaire, sur l’effectivité des passerelles et sur la conduite de l’accompagnement personnalisé n’ont pas été réglées. Sont venues s’ajouter de nouvelles difficultés cette année, du fait de l’hétérogénéité croissante des classes et l’organisation défaillante des périodes de formation en milieu professionnel. Les entreprises ont perdu leurs repères et hésitent à accueillir les nouveaux élèves – certains ont parfois moins de quinze ans – qui sont d’ailleurs livrés à eux-mêmes pour trouver un stage.

J’avais évoqué l’an passé l’image d’une onde de choc pour caractériser la réforme du bac professionnel. Je préfère parler aujourd’hui d’un ébranlement des fondations de l’enseignement professionnel. Il existe un risque bien réel de « déprofessionnalisation » et de « technologisation » de la voie professionnelle. Cela résulte de la conjonction de plusieurs facteurs : un flux d’élèves traditionnellement orientés vers le technologique ; un affaiblissement de la rupture pédagogique avec le collège ainsi que de la formation en entreprise ; le déclassement du BEP comme diplôme professionnalisant ; l’insistance excessive sur l’accès au BTS. Cette évolution me paraît néfaste. Il faut impérativement préserver la spécificité de la voie professionnelle car elle donne aux élèves les moins à l’aise à l’école une chance de valoriser leurs aptitudes et de s’insérer socialement grâce à l’apprentissage d’un métier.

En outre, la mastérisation se télescope avec la réforme du bac professionnel, et leur articulation demeure problématique. Nous risquons d’assister au tarissement du vivier habituel de recrutement des professeurs de lycée professionnel. Les masters appropriés ont été créés à la hâte dans les universités et restent largement invisibles pour les candidats potentiels. Dans de nombreuses spécialités, un peu partout, on rencontre la même situation. Ainsi, personne ne s’est présenté pour suivre une formation en préparation au concours. À cela s’ajoutent des problèmes de financement qui freinent la reconversion de salariés, alors qu’environ la moitié du corps en est actuellement issue.

J’ai enfin été extrêmement frappée de constater une grande disparité entre les élèves du fait de la mise en œuvre de la réforme. Le pilotage ministériel me paraît insuffisant pour définir un schéma directeur garantissant l’égalité de traitement des élèves. Les politiques académiques prennent le pas sur le cadrage national et elles sont elles-mêmes minées par l’autonomie accrue des établissements. Je partage le souci de tenir compte de la réalité du terrain dont vous faites preuve, monsieur le ministre. Néanmoins, les divergences entre les académies et les établissements ont atteint un point qui ne me paraît pas acceptable, ni au nom de l’efficacité, ni au nom des principes.

C’est pourquoi, à titre personnel, je ne voterai pas les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Nous en sommes parvenus aux interventions des représentants des groupes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2011 de la mission « Enseignement scolaire » répond à deux objectifs : d’une part, la mise en œuvre concrète des engagements du Président de la République en matière de maîtrise des dépenses publiques ; d’autre part, la garantie pour tous les élèves de l’acquisition des connaissances fondamentales.

Ce budget illustre clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement scolaire. La mission « Enseignement scolaire » reste ainsi la plus importante du budget de l’État, avec plus de 61 milliards d’euros. Nous nous satisfaisons que ses crédits soient en hausse de 1,6 % par rapport à 2010.

Pour autant, la mission ne fait pas exception et contribue à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, 16 120 emplois ne seront pas remplacés en 2011. Vous avez, monsieur le ministre, la volonté de mener des réformes ambitieuses avec le souci permanent de la performance du système éducatif. Et vous le démontrez en évaluant au plus près du terrain les réalités et besoins des établissements scolaires.

Nous soutenons votre politique de réforme visant à favoriser la réussite de tous les élèves et à leur garantir l’acquisition d’un socle commun de compétences. La réforme de l’école élémentaire se poursuivra en 2011 avec un programme Enseignement scolaire public du premier degré de plus de 18 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2010. Plus de 29 milliards d’euros seront consacrés en 2011 au programme Enseignement scolaire public du second degré, prévoyant l’acquisition des connaissances et des compétences indispensables pour favoriser l’orientation des élèves.

La poursuite de cette politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007 repose aujourd’hui sur trois piliers : l’aide personnalisée apportée à chaque élève, la responsabilisation des établissements et la valorisation des enseignants, qui bénéficient d’un nouveau « pacte de carrière ».

Je commencerai donc par la personnalisation du suivi de l’élève, car l’accompagnement individuel est le meilleur rempart contre l’échec scolaire. Il s’agit de poursuivre l’individualisation de la prise en charge, afin de mieux répondre à la diversité des élèves et aider chacun d’eux à trouver sa voie.

Cette personnalisation est présente à tous les niveaux de la scolarité : à la maternelle et en élémentaire, avec les deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée et les stages gratuits de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances scolaires pour les élèves de CM 1 et de CM 2 qui rencontrent des difficultés scolaires ; au collège, avec les deux heures d’accompagnement éducatif pour les élèves ayant besoin d’un encadrement personnalisé.

Ces mesures ont été reconduites et amplifiées par la mise en œuvre de la réforme du lycée, qui se traduit notamment par des dispositifs de tutorat, de stages de mise à niveau dans les nouvelles classes de seconde et d’accompagnement individualisé. Nous saluons ces avancées notables car il est important de porter une attention particulière à la réussite de chaque élève.

Ensuite, le Gouvernement a laissé davantage d’autonomie aux établissements, afin de mieux adapter les réponses pédagogiques aux besoins des élèves. Cette orientation va de pair avec une plus grande responsabilisation des recteurs, des inspecteurs et des chefs d’établissements dans leurs domaines de compétence, afin de prendre en compte les réalités quotidiennes du terrain. Ainsi, 25 % des heures d’enseignement de seconde seront librement organisées par chaque lycée, sur proposition du conseil pédagogique.

Enfin, la mission « Enseignement scolaire » prévoit le financement de mesures en faveur de la gestion des personnels et de la revalorisation de la condition enseignante.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le nouveau pacte de carrière des enseignants, ambitieux et complet, répond à quatre engagements : une meilleure formation des enseignants, initiale et continue ; un plus grand accompagnement tout au long de leur vie professionnelle ; des possibilités plus larges et réelles de mobilité et d’évolution de parcours ; un métier mieux considéré et mieux rémunéré.

Cette reconnaissance accrue permettra aux enseignants de s’investir pleinement dans leur mission : la réussite de chaque élève.

Je souhaiterais revenir plus particulièrement sur la réforme de la formation des enseignants. L’allongement de la durée de formation initiale à cinq ans permettra sans conteste de leur offrir une meilleure spécialisation. Le nouveau concours permet ainsi de conjuguer connaissances théoriques et académiques, mais aussi connaissances pédagogiques, puisque la pratique professionnelle fait partie intégrante du cursus des nouveaux arrivants. Cette réforme a été mise en place récemment, j’en conviens, monsieur le ministre, mais quel bilan pouvez-vous d’ores et déjà en tirer ?

L’objectif est ainsi de construire une politique de ressources humaines ambitieuse, avec des enseignants mieux formés, mieux accompagnés et mieux payés. À ce jour, cependant, des ajustements paraissent encore nécessaires pour mener à bien cette réforme.

Je souhaiterais aussi, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur les mesures annoncées par le Gouvernement pour résoudre les problèmes, trop souvent constatés, de non-remplacements des enseignants et donc de rupture dommageable dans l’enseignement de certaines matières. En effet, des postes restent inoccupés durant de longues périodes, ce qui suscite l’incompréhension très légitime des familles.

Si la politique d’enseignement que vous menez est ambitieuse, elle n’en est pas moins novatrice, puisque vous avez ouvert quatre chantiers d’expérimentation sur notre territoire.

Tout d’abord, onze nouveaux internats d’excellence ont été ouverts pour accueillir des élèves motivés, mais ne bénéficiant pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études : c’est la concrétisation de la politique d’égalité des chances, de promotion sociale et d’accès à l’excellence.

Ensuite, le dispositif « Cours le matin, sport l’après-midi », expérimenté dans 124 établissements scolaires, concernera plus de 7 000 élèves.

Par ailleurs, des établissements de réinsertion scolaire accueillant des élèves ayant été exclus de leur établissement seront créés.

Enfin, le lancement du programme CLAIR, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite, renforcera la stabilité des équipes éducatives, facteur de réussite scolaire et de meilleure maîtrise des situations de violence.

Je voudrais également appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la mise en place d’écoles numériques. De nombreuses initiatives ont été prises, en particulier en milieu rural. Il est important de les soutenir, car les moyens sont très limités dans beaucoup de communes. Le numérique, qui n’en est qu’à ses balbutiements sur le plan scolaire, est certainement appelé à se développer rapidement. Nous avons le devoir de l’accompagner.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire à votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire, de consolider les réformes entreprises et d’assurer l’équité de traitement des territoires en renforçant les chances de réussite de chaque élève et en permettant d’assurer la qualité des enseignements.

Vous pouvez compter sur le soutien du groupe UMP pour accompagner le nécessaire mouvement de modernisation de l’enseignement scolaire que vous poursuivez. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Merci !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un budget de 62 milliards d’euros, le concours de plus d’un million d’agents de la fonction publique en charge de douze millions d’élèves, l’enseignement scolaire est assurément une priorité de l’action gouvernementale. Reste que, selon les estimations, 130 000 à 150 000 jeunes sortent encore du système éducatif sans aucune qualification. Cela représente 20 % d’une classe d’âge, un jeune sur cinq !

Hormis assurer le socle commun de connaissances, comme le réaffirme la loi sur l’école de 2005, la mission de l’éducation nationale doit porter une ambition fondamentale.

Cette ambition doit être de « favoriser la réussite », mais aussi et surtout d’« assurer l’épanouissement personnel et intellectuel des élèves » afin que ceux-ci fassent le meilleur choix, soit celui de l’enseignement supérieur, soit celui de la professionnalisation. Il faut que ce choix, les jeunes soient aidés à le faire de manière éclairée, qu’ils soient soutenus et conseillés tout au long de leur parcours, que ceux qui les conseillent connaissent vraiment le monde du travail, de l’entreprise et cessent de les orienter par défaut.

La question de l’orientation reste un immense problème. La mission « Jeunesse » que nous avons conduite il y a deux ans au Sénat l’a bien rappelé : l’orientation, de par son mode organisationnel, est l’une des grandes carences de notre système. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire quelles sont ces nouvelles mesures, que vous avez évoquées lors de votre audition, qui ont été mises en œuvre depuis la rentrée scolaire ?

L’école, dont le système, vous en conviendrez, est très normatif, ne convient pas à tous. Je pense aux jeunes qui sont en situation de décrochage scolaire ou à ceux rendus inadaptables en raison de leur situation sociale ou familiale. Pourtant, tous les jeunes ont droit à la scolarité. Il faut donc trouver des voies et des moyens pour répondre à cet impératif.

En ce sens, l’ouverture lors de cette rentrée scolaire des établissements spécifiques, tels que les internats d’excellence ou les établissements de réinsertion scolaire, est une bonne chose.

Avec des classes de taille adaptée, un « dépaysement » des jeunes par rapport à leur milieu souvent précaire, un encadrement spécialisé, les ERS sont une solution à la violence de certains jeunes en situation de « précarité éducative et scolaire ». Ainsi, malgré les incidents de Craon, en Mayenne, l’expérimentation doit absolument se poursuivre.

Acceptons de mettre les moyens correspondant à cette ambition pour l’enseignement scolaire en termes non seulement d’enseignants, mais également de personnel d’assistance éducative : assistantes sociales, médecins scolaires, psychologues, CPE, ... Ce sont eux qui permettent de prévenir certaines violences ou décrochages. Rappelons, comme notre rapporteur spécial, que la médecine scolaire reste le parent pauvre de l’éducation nationale, hélas !

On comprend qu’il faille que chaque ministère participe à l’effort de redressement des déficits publics de notre pays, mais quand on parle des « leviers d’efficience de l’enseignement scolaire », notamment des moyens à mettre en œuvre pour ne pas remplacer un enseignant sur deux partant à la retraite, je trouve qu’il y a là un risque. Certes, il nous faut raisonner en termes de taux d’encadrement, mais il y a tout de même des postes spécifiques qui disparaissent. Je pense aux RASED.

Mme Maryvonne Blondin. C’est vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je pense également à la suppression des intervenants en langues étrangères en primaire. Permettez-moi de vous dire en tant que linguiste que, en dépit de la bonne volonté des instituteurs pour se former, rien ne remplacera les professionnels ou les locuteurs natifs pour mettre en place correctement les bases et les premiers réflexes.

Mme Catherine Morin-Desailly. Aussi je voudrais que les discussions sur les rythmes scolaires, qui procèdent d’une excellente initiative, soient menées non pas au travers du prisme de la réduction des moyens, mais en fonction de l’intérêt des jeunes et d’un système équilibré. Nous serons très attentifs sur ce point.

On remarque bien l’écueil qu’il y a à ne raisonner qu’en termes de réduction d’effectifs. L’enseignement privé sous contrat, comme l’a également rappelé M. le rapporteur spécial, qui connaît une forte croissance depuis 2002, devrait fermer ces trois prochaines années 1 000 écoles, 100 collèges, et 70 lycées.

Que l’on soit pour ou contre l’enseignement privé – ma remarque s’adresse à certains de mes collègues –, reste que ce sont des élèves qu’il faudrait de toute façon scolariser.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Exactement !

Mme Catherine Morin-Desailly. Portons cette ambition : que l’éducation nationale soit attentive aux besoins de chacun, en les adaptant à l’évolution des jeunes et selon les territoires. En ce sens, la recommandation du député Frédéric Reiss visant à sortir du modèle de l’école unique, en prônant l’esprit d’initiative des équipes, l’élaboration d’expérimentations à partir d’un projet commun, doit être suivie.

S’adapter aux évolutions rapides de notre monde, voilà une obligation ! L’école du XXIe siècle doit prendre en compte que l’internet et les nouvelles technologies sont devenus omniprésents dans notre quotidien, avec toutes les conséquences culturelles, sociales et économiques que cela induit. Les jeunes de primaire, qui savent se servir d’un téléphone mobile, d’un lecteur MP3 ou d’un iPad, sont certainement de plus grands utilisateurs de l’internet et de supports numériques que leurs enseignants.

Or, si ces nouveaux médias sont incontestablement une source d’enrichissement des connaissances, ils représentent un risque de perte de repères et de manque de hiérarchisation de l’information. La dissolution du sens critique, la mise en péril de leur intimité, les effets sur la santé, la violence des images, dont le rôle ne peut être minimisé, sont des craintes que l’on peut avoir.

Il est frappant de constater, alors que les jeunes vivent désormais dans un monde multimédiatique omniprésent, que l’école et la famille les laissent sans accompagnement par rapport à ces nouveaux outils. La proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur pour avis, a été l’occasion d’une prise de conscience du rôle fondamental que doit assumer l’école de la République.

Intégrer ce monde numérique dans sa culture et ses pratiques est essentiel. Or l’école est en décalage, en termes de supports pédagogiques, avec l’environnement numérique dans lequel ces jeunes grandissent. La France est classée vingt-quatrième sur vingt-sept par la Commission européenne pour l’utilisation des technologies numériques à l’école. C’est inquiétant !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Certes !

Mme Catherine Morin-Desailly. Par ailleurs, au-delà du simple enseignement dans le cadre du brevet informatique et internet, le B2i, les enseignants sont-ils vraiment sensibilisés au rôle éducatif qui doit être le leur ?

Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous nous aviez précisé que vous feriez l’annonce au salon de l’éducation, le 25 novembre, d’un plan de développement des usages du numérique à l’école. Peut-on maintenant en savoir plus ?

Dans ce domaine, je note que le projet de budget n’a pas prévu de crédits dédiés. À cet égard, je regrette que le plan de développement du numérique dans les écoles rurales, qui a été un grand succès, n’ait pas été prolongé. Des demandes sont en effet restées insatisfaites malgré la rallonge budgétaire consentie l’année dernière et au-delà des 70 millions d’euros qui avaient été répartis par académie afin de permettre le cofinancement de tableaux numériques.

C’est pourquoi je me félicite que notre commission, sur l’initiative de son président, propose d’introduire dans le projet de loi de finances, via un amendement, une enveloppe de 25 millions d’euros. Il y a en effet une attente forte sur ce sujet, attente que j’ai encore pu mesurer dans mon propre département, vendredi dernier, lors d’une visite de canton.

Même si ce ne sont pas les mêmes missions budgétaires, 25 millions d’euros, c’est également le coût de la carte musique. En l’occurrence, peut-être y aurait-il un choix à faire ? Quoi qu’il en soit, il nous faut avant tout répondre à une priorité, à savoir la formation des jeunes.

Toujours dans ce domaine, on pourrait aussi évoquer la formation initiale et continue des enseignants, cette dernière étant notoirement insuffisante dans de nombreux domaines. Au reste, cela ne date pas d’aujourd’hui. Nombre d’anciens enseignants qui siègent dans cet hémicycle pourraient en parler en connaissance de cause.

La formation est un vaste sujet. C’est aussi dans ce secteur qu’il y aurait matière à agir, pour autant qu’on ait réglé ce qui cause beaucoup d’inquiétudes ces derniers temps : la mastérisation. Notre collègue Jean-Jacques Pignard évoquera en détail ce point.

Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire au nom du groupe de l’Union centriste. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son intervention télévisée du 16 novembre, le Président de la République n’a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». On ne pouvait pas mieux avouer aux Français que l’éducation ne faisait pas partie des priorités du Gouvernement. Pourtant, si un poste budgétaire est à préserver, surtout en période de crise, c’est bien celui-là.

L’éducation n’est pas une charge, l’éducation est un investissement, déterminant pour l’avenir d’un pays.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Yannick Bodin. Investir dans l’éducation, c’est permettre à un pays de s’enrichir, notamment par une augmentation des gains de productivité. L’OCDE l’a encore rappelé en septembre dernier. Nous ne pouvons que déplorer l’absence de prise en compte des recommandations de cette instance internationale par le Gouvernement.

Je vous le demande en effet, monsieur le ministre : avec une hausse de 1,5 % du budget de l’enseignement scolaire, hausse équivalente à l’inflation, peut-on sérieusement prétendre que nous traitons l’éducation comme un secteur d’avenir de notre pays ? Les 61,79 milliards d’euros que vous nous proposez n’atteignent même pas les objectifs prévus au titre de la programmation pluriannuelle 2009-2011, à savoir 63,2 milliards d’euros.

La mission « Enseignement scolaire », loin de représenter une priorité, est emblématique des économies réalisées par le Gouvernement, même si elle absorbe 21,6 % des crédits de paiement du budget général de l’État.

Pour masquer les nombreuses coupes sévères, des expérimentations sont régulièrement annoncées dans les médias, comme le dispositif CLAIR, les internats d’excellence, les ERS. Mais ce ne sont pas ces quelques initiatives créées dans la précipitation – on en voit parfois les résultats – et sans concertation avec les personnels concernés qui nous permettront de faire oublier les accablants résultats décriés par les rapports et classements nationaux et internationaux.

Permettez-moi seulement de vous rappeler que, parmi les élèves de quinze ans de trente pays européens, la France occupe désormais le dix-septième rang pour la compréhension de l’écrit et la culture mathématique et le dix-neuvième rang pour la culture scientifique. Quelques expérimentations ciblées ne font donc que masquer l’absence de la véritable politique globale d’éducation dont notre pays a besoin.

Les conséquences des sacrifices de l’éducation nationale sont nombreuses.

La réduction continue des postes depuis cinq ans, alors que les effectifs d’élèves sont en constante augmentation, est la preuve même que le Gouvernement n’a qu’une obsession : faire des économies ! Vous avez déjà supprimé près de 50 000 postes en quatre ans et vous voulez encore en éliminer 16 000 en 2011. Comment pensez-vous être crédible lorsque vous prétendez que l’éducation reste une priorité du Gouvernement ?

On a bien vu que vous essayez de regonfler le solde officiel des emplois pour 2011 en le majorant de 20 000 emplois « retrouvés ». Mais la situation sur le terrain n’est plus tenable dans beaucoup d’établissements.

Les conséquences néfastes de ces suppressions massives de postes sont fortement ressenties par les élèves et leurs parents.

Du côté du personnel de l’éducation nationale, un climat de tension généralisée règne, la démotivation et le découragement s’installent progressivement. Les chefs d’établissement et les équipes de direction sont cantonnés dans une gestion de moyens de plus en plus difficile et ils ont perdu toute marge d’autonomie.

La rentrée de 2010 a représenté pour beaucoup le summum du recul de ces dernières années. Il est à craindre que la situation ne fera qu’empirer l’année prochaine.

Quant aux étudiants qui souhaiteraient devenir professeurs, ils sont découragés avant même d’avoir commencé leur métier et parfois avant même d’avoir commencé leurs études.

Un exemple démonstratif : en septembre dernier, au concours de professeur des écoles dans l’académie de Créteil, seuls 1 324 candidats ont tenté leur chance à l’écrit, contre 2 747 l’an dernier. Comment souhaitez-vous motiver les nouvelles générations à entrer à l’éducation nationale ?

Ce qu’on leur offre aujourd’hui se résume à bien peu de chose : pas de formation professionnelle, pas de moyens suffisants pour mener à bien leurs projets éducatifs. Il est évident que les témoignages actuels ne donnent pas envie de poursuivre dans cette voie professionnelle. Le nombre de démissions et d’arrêts maladie des stagiaires à deux mois de cette rentrée 2010 est d’ailleurs un signe alarmant.

L’éducation n’est plus une priorité politique. Derrière la quasi-stagnation du budget de cette mission dans son ensemble se cachent d’importantes réductions de moyens. Ainsi, les dépenses de fonctionnement ou celles d’intervention du premier degré enregistrent des baisses respectives de 6,4 % et de 5 %. Dans le secondaire, les crédits pédagogiques diminuent de 5 % pour le collège et de 7,22 % pour le lycée général et technologique.

En revanche, l’enseignement privé est privilégié puisque, proportionnellement, on y supprime deux fois moins de postes que dans l’enseignement public. Pourtant, dans le premier degré, les établissements privés accueilleront 2 400 élèves de moins que cette année, alors que les établissements publics verront leurs effectifs augmenter de 3 900 élèves.

C’est l’idée même d’école républicaine qui est aujourd’hui menacée : l’idée d’une école pour tous, qui donne ses chances à tous.

Je pense ainsi à la réduction continue des réseaux d’aides spécialisés aux élèves en difficulté, RASED, qui ne sont plus affectés sur leur « cœur de métier », à la confusion que vous entretenez entre aide personnalisée et aide spécialisée. Je pense aux enfants handicapés, pour qui la possibilité même d’être scolarisés est compromise. Je pense aux enfants de deux ans à qui l’école ferme ses portes, alors que les bénéfices d’un accueil anticipé sont unanimement démontrés. Je pense aux élèves qui quittent l’école primaire en rencontrant des difficultés, et pour qui le choc du passage au collège est brutal, et souvent fatal. Je pense à tous ceux qui subissent leur orientation au lieu de la choisir. Je pense à tous ceux qui redoublent sans pour autant sortir de l’échec scolaire.

Un chiffre, que tout le monde connaît et dénonce, est révélateur de la situation : 150 000 élèves quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification. Il est facile de déclarer que demain tous les enfants de CE1 sauront lire. Mais encore faut-il se donner les moyens d’y parvenir. Le socle commun de connaissances et de compétences doit être acquis par tous les élèves à la fin du collège.

Les enquêtes et rapports se multiplient pour pointer les failles de notre système éducatif. Et ces failles ne vont pas en se comblant, loin s’en faut. Le haut conseil de l’éducation est sans appel : « Non seulement le collège ne parvient pas à réduire les inégalités scolaires d’origine sociale, mais il aurait même tendance à les accroître. » Là encore, les chiffres de nos voisins européens devraient nous faire réfléchir : en France, un lycéen de milieu défavorisé a deux fois moins de chances d’entrer dans l’enseignement supérieur qu’un Espagnol ou un Irlandais de même milieu.

Face à ces échecs, il faut agir énergiquement et prioritairement. Vous et vos amis de l’UMP, monsieur le ministre, avez l’habitude de clamer que les socialistes ne proposent rien. Permettez-moi de faire la démonstration du contraire. Ne faites pas semblant de ne pas entendre nos propositions.

La formation des maîtres par exemple, ne doit pas être décomposée mais plutôt renforcée, afin de leur donner la possibilité de transmettre le socle commun de connaissances et de compétences inscrit dans la loi de 2005, mais aussi de leur permettre d’individualiser la pédagogie en fonction des besoins variables des élèves. Par ailleurs, une réelle autonomie, en termes de dotation, doit être accordée à tous les établissements, pour la mise en œuvre de leurs projets.

Le programme socialiste prévoit également de concrétiser l’idée de mixité sociale en reconsidérant la sectorisation et en créant un indice de mixité sociale, y compris pour les établissements privés. Le collège ne doit plus être conçu seulement comme une antichambre du lycée d’enseignement général mais bien comme une continuité logique de l’école élémentaire, pour qu’en fin de scolarité obligatoire soit acquis le socle commun de connaissances et de compétences. Les liens entre les lycées et l’enseignement supérieur doivent être renforcés pour permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’acquérir un diplôme.

Voilà des propositions claires et structurantes, susceptibles d’aider tous les élèves, le corps enseignant, et d’assurer la pérennité de l’école républicaine.

Pour conclure, je vous livrerai une pensée de Condorcet que je vous invite, monsieur le ministre, à méditer : « La nation qui a les meilleures écoles est la première nation au monde. Si elle ne l’est pas aujourd’hui, elle le sera demain. » Comptez sur les socialistes pour qu’il en soit ainsi dans un proche avenir sinon un avenir proche !

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. L’impératif de réduction des dépenses publiques n’épargne malheureusement pas l’enseignement scolaire, et si cette réduction entraîne des difficultés dans l’enseignement public, les conséquences sont encore plus lourdes pour l’enseignement privé : en 2011, 2012 et 2013, cette politique risque d’entraîner la fermeture de plusieurs centaines d’écoles, une centaine de collèges, et 70 lycées du réseau de l’enseignement catholique. Ces chiffres peuvent paraître au-delà du raisonnable, mais pourtant, ils risquent d’être réalistes.

Il n’est pas question, bien sûr, de chercher à exonérer l’enseignement privé des efforts nécessaires pour assainir les finances publiques, et celui-ci comprend très bien que cet assainissement exige une réduction de l’emploi public, compte tenu du poids des charges en personnel supportées par le budget de l'État.

C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il a restitué 4 600 emplois au cours des quatre dernières années, en s’efforçant de redéployer les moyens d’enseignement d’académies excédentaires vers des académies déficitaires, en regroupant des établissements et en fermant des classes.

Seulement, il semble que les prélèvements d’emplois envisagés pour les trois années à venir, avec 16 000 retraits par an au total, ne sont pas absorbables selon la méthode que vous envisagez de mettre en place, monsieur le ministre, sauf à remettre en cause la diversité de l’offre éducative faite aux enfants dans notre pays, l’accompagnement des élèves en grande difficulté scolaire dans des établissements spécialisés, et – j’insiste sur ce dernier point en tant qu’élu d’un territoire rural – à mettre en péril l’aménagement du territoire français caractérisé par la présence harmonieuse d’établissements scolaires publics et privés.

Dans le budget de l’enseignement scolaire, le principe de parité a toujours été appliqué pour faire respecter la règle des « crédits limitatifs ». Ce principe, qui a été établi pour brider la croissance de l’enseignement privé, se heurte aujourd’hui à la volonté de plus en plus grande des familles d’inscrire leurs enfants dans l’enseignement privé.

À ce propos, il est nécessaire de considérer que les 135 000 enseignants dont dispose l’enseignement privé, associé à l'État par contrat, effectuent leur service devant élèves, contrairement à l’enseignement public, qui dispose de réserves plus importantes. Cela signifie qu’à chaque retrait d’emploi d’enseignant de l’enseignement privé sous contrat correspond une disparition de classe en premier degré, ou d’offre de formation en second degré.

Il est donc nécessaire de prendre des décisions pour mieux accompagner l’évolution des effectifs dans le privé, revoir peut-être la règle des « 80-20 », qui est aujourd’hui totalement inadaptée et qui a des conséquences particulièrement néfastes pour cet enseignement privé.

J’ai bien entendu l’intervention de notre collègue rapporteur pour avis Jean-Claude Carle, et je voterai naturellement son amendement. Cependant, il me semble qu’il risque d’être insuffisant par le nombre de postes qui est proposé. C’est la raison pour laquelle je me permets de vous interpeller pour essayer d’augmenter cette dotation et, en fonction de cette réponse, je voterai votre budget.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. La mission interministérielle « Enseignement scolaire » aura, en 2011, le plus gros budget au sein de la loi de finances, représentant 21,6 % des crédits de paiement et 49 % des emplois autorisés. Est-ce pour autant un motif de satisfaction, monsieur le ministre ? Permettez-moi simplement de vous rappeler la formule emblématique de Michelet : « Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. Et la troisième ? L’éducation. »

Cette mission est, bel et bien, la plus fondamentale de toutes et il est tout à fait normal qu’elle bénéficie de moyens exceptionnels. Cette année, pourtant, avec 39 000 élèves de plus inscrits dans le second degré, le budget de la mission n’augmente que d’à peine 1,6 %. Cette augmentation de façade cache en réalité la politique de ressources humaines plus que catastrophique induite par la révision générale des politiques publiques, RGPP.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. À la rentrée 2008, 11 200 postes d’enseignants avaient été supprimés, puis 13 500 en 2009 et 16 000 en 2010. Pour 2011, ce sont encore 16 000 postes qui vont disparaître. Au total, plus de 50 000 postes auront été supprimés depuis 2007. Comment espérer remédier aux nombreux maux dont souffre l’école, avec toujours moins de personnel et de moyens ? Les rapports sur la situation alarmante de l’école primaire, du collège et du lycée se suivent et se ressemblent. Même les analyses internationales pointent du doigt les dysfonctionnements de notre système éducatif.

C’est pourquoi je regrette amèrement les choix budgétaires de votre gouvernement. En 2007, la France avait 22,6 élèves par classe en primaire et 24,3 dans le secondaire, plus que la moyenne de l’OCDE, soit respectivement 21,4 et 23,9 élèves. À chaque rentrée scolaire, la question des effectifs par classe ressurgit. Les enseignants et les familles sont de plus en plus inquiets, surtout dans les établissements les plus défavorisés, premiers touchés par les conséquences dramatiques des classes surchargées.

Toujours selon l’OCDE, le système français est devenu l’un des plus inéquitables. Triste bilan pour votre gouvernement ! Ainsi, au fil de la scolarité les inégalités se creusent, et les enfants les plus défavorisés n’acquièrent même plus à l’école le socle commun minimum. Ils ne parviennent plus à se hisser vers l’enseignement supérieur, alors que c’était le cas jusque dans les années soixante-dix. L’ascenseur social est en panne. L’école de la République n’assure plus l’égalité des chances qui, pourtant, constitue la base de notre pacte républicain et de notre cohésion sociale.

Alors, monsieur le ministre, pourquoi continuez-vous à ne considérer le budget de l’éducation nationale qu’à travers le spectre de la logique comptable et de la réduction des dépenses publiques ? Centrer la politique scolaire sur la diminution du nombre de fonctionnaires est une orientation désastreuse, qui conduit à fragiliser davantage encore les académies, pourtant censées devenir de véritables centres de décision dotés des moyens nécessaires à leurs missions.

Si je redoute les conséquences de ces restrictions d’ordre quantitatif, je crains tout autant le risque d’une diminution de la qualité de l’enseignement, liée à votre réforme du mode de recrutement et de formation des enseignants. Le bilan de la mastérisation est plus que mitigé. Les crédits accordés à la formation sont diminués de plus de 40 %, et les enfants sont désormais confiés à temps plein à des stagiaires qui n’ont jamais reçu la moindre formation pédagogique. C’est dramatique.

Le problème du remplacement des enseignants absents est aussi aggravé par la mise en place de ce nouveau système de recrutement. Faudra-t-il recruter de nouveaux remplaçants pour compenser l’absence des nouveaux stagiaires ? Non, vous préférez nous proposer de créer un vivier constitué de retraités ou d’étudiants ! Est-ce de cette façon que vous souhaitez, monsieur le ministre, atteindre l’objectif pour 2011 d’un taux de remplacement de 94 % dans le primaire et de 96 % dans le secondaire ? J’ai du mal à croire que ces mesures déraisonnables puissent améliorer l’accompagnement des élèves vers la réussite.

Je voudrais aussi aborder le cas particulier de la réforme de la voie professionnelle et de son bac en trois ans, qui, malgré mes inquiétudes, a été bien accueillie. Les passerelles entre les différentes filières fonctionnent. Par exemple, 12 % des élèves ont emprunté la passerelle menant de la dernière année de CAP vers une première professionnelle en 2009, contre 0,15 % en 2008 ; c’est un succès ! Pour qu’il soit complet, de nouveaux efforts doivent être consentis pour assurer un accompagnement personnalisé indispensable des élèves de cette filière qui choisiraient de continuer vers le BTS.

De plus, la revalorisation du bac professionnel ne doit pas conduire à la dévalorisation du CAP. Il faut donc mettre tout en œuvre pour que les effets positifs de la réforme ne soient pas qu’un feu de paille. Je m’inquiète des effets de la mastérisation. Jusqu’à présent, les enseignants étaient pour la plupart des professionnels, et c’était un gage de la transmission des savoirs. C’est pourquoi cette réforme de la formation crée sans aucun doute des tensions.

Par ailleurs, pour aller de l’avant dans la revalorisation des filières, il est indispensable et urgent de moderniser notre méthode d’orientation. L’enseignement professionnel est encore aujourd’hui considéré par un trop grand nombre de conseillers d’orientation, d’enseignants et de familles comme une voie de relégation pour les élèves en difficultés. Dans cette même logique, l’organisation actuelle du collège doit être repensée afin que la filière professionnelle constitue définitivement une orientation choisie par des élèves motivés.

Enfin, avant de conclure, je voudrais évoquer la situation des personnels non enseignants, qui ne sont pas épargnés par vos choix budgétaires.

Les emplois de vie scolaire sont directement menacés par la baisse du taux de prise en charge des contrats aidés, pénalisant ainsi les écoles, qu’elles soient situées en banlieue ou en zone rurale.

Les crédits consacrés aux AVS, indispensables à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, ont été légèrement augmentés par l’Assemblée nationale, mais ils demeurent très insuffisants. La précarité reste de mise ; le problème de la continuité des contrats est alarmant. Les enfants sont accompagnés par un AVS qui, le plus souvent, change en cours d’année scolaire. La relation qui s’établit dans le temps est une relation de confiance, personnalisée, humaine et n’est donc pas interchangeable, du moins pas sans conséquences affectives et matérielles pour le confort de l’enfant et la sérénité de sa scolarisation.

Pour toutes ces raisons, il est urgent de pérenniser les contrats d’AVS. Il s’agit d’un véritable métier,…

M. Roland Courteau. Tout à fait !

Mme Françoise Laborde. … exercé par des personnes de grande qualité. Il est indispensable de mettre en place une vraie formation pour les professionnaliser et une vraie rémunération pour les stabiliser. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Quant aux crédits de la médecine scolaire, s’ils sont en hausse, c’est après avoir été amputés de 20 % en 2008. Par ailleurs, le recrutement des médecins scolaires est de plus en plus difficile et le nombre d’enfants ayant bénéficié du bilan de santé dans leur sixième année ne fait que diminuer depuis 2005. Dans ce domaine, comme dans ceux que j’ai évoqués précédemment, le bilan de vos choix budgétaires est loin d’être encourageant.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, d’année en année, les conditions d’enseignement ne cessent de se dégrader pour les élèves comme pour les enseignants : suppressions de postes, difficultés concernant les remplacements, diminution de l’offre de formation initiale et continue des enseignants, surcharge des classes, problèmes liés à l’orientation, sans oublier, bien sûr, la non-scolarisation des enfants de deux ans.

M. Roland Courteau. Quel gâchis !

Mme Françoise Laborde. Le budget que vous nous présentez ne laisse entrevoir aucune amélioration sur l’ensemble de ces points. La majorité des membres du groupe du RDSE votera donc contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget 2011 de la mission « Enseignement scolaire » s’inscrit dans la continuité de l’entreprise de déconstruction de notre service public de l’éducation menée par le Gouvernement depuis 2007, avec toujours le même credo : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ainsi, 16 000 emplois seront supprimés en 2011, et ce rythme devrait être maintenu au cours des deux prochaines années.

En 2010, le nombre de postes supprimés avoisinait déjà les 16 000, mais l’essentiel de ces suppressions portait sur les stagiaires, du fait de la réforme de la formation des enseignants. Cette année, cette source est tarie et, pour 2011, apparaissent dans les documents budgétaires des « corrections techniques » venant gonfler le plafond d’emplois de 20 359 ETPT.

Quel paradoxe ! D’un côté, vous affichez la volonté de poursuivre des suppressions massives d’emplois, en conformité avec la RGPP, et, de l’autre, vous semblez découvrir un tel « gisement ». En réalité, une partie correspond à un désajustement entre vos prévisions de départs à la retraite et leur réalisation. Cette inadéquation, liée aux effets de la réforme Balladur des retraites, était pourtant déjà signalée dans le rapport annuel de performances de 2009.

Cette année, vous choisissez d’inscrire dans le plafond d’emplois les moyens destinés à financer les stages en responsabilité proposés aux étudiants en master, moyens qui étaient l’année dernière budgétisés en crédits ; même opération concernant des emplois de vacataires-enseignants, recrutés pour faire face aux besoins de remplacement.

Ces corrections, nous dit-on, sont entreprises dans un souci « d’exhaustivité et de sincérité ». Ce jeu d’écriture budgétaire vient, en réalité, confirmer l’insincérité des budgets successifs, que je dénonce depuis 2007. Il suffit pour s’en convaincre de se plonger dans la lecture des projets annuels de performances pour constater, d’année en année, un recul terrible en termes de lisibilité et de transparence, ce qui réduit à la portion congrue le pouvoir de contrôle des parlementaires.

Ce manque de transparence est renforcé, cette année, par la décision de laisser aux recteurs « le soin de faire la chasse aux postes ». Car c’est bien de cela qu’il est question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans le cadre du schéma d’emplois 2011-2013, les recteurs et les inspecteurs d’académie se sont ainsi vu assigner l’objectif de supprimer des postes en s’appuyant sur ce que vous qualifiez de « gisements d’efficience » à mobiliser. Quid; alors, de l’objectif d’amélioration de la qualité de l’enseignement ? Il est forcément sacrifié quand il ne s’agit que de satisfaire au dogme aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

C’est d’ailleurs au nom de ce dogme que sont supprimés 4 500 postes d’EVS, emplois sans lesquels il est impossible, dans les conditions actuelles, d’assurer la scolarisation des enfants handicapés ; une scolarisation qui nécessite d’ailleurs de vrais emplois, qualifiés, stabilisés et correctement rémunérés. Sur ce point, vous refusez toujours d’avancer.

M. Claude Bérit-Débat. Vous faites du sur-place !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quelles seront les conséquences de ces orientations sur le terrain à la rentrée 2011 ?

Dans le premier degré, ce sont bien 8 967 emplois en moins pour les écoles. Compte tenu de la hausse des effectifs en préélémentaire – 13 900 effectifs supplémentaires prévus en 2011 –, je m’inquiète donc très fortement, d’une part, de la dégradation des conditions d’accueil des enfants à la maternelle et, d’autre part, de la fin programmée de l’accueil des enfants de deux ans.

Nous le savons, faute d’une volonté politique de consacrer des postes et des classes en nombre suffisant, l’accueil des deux ans a subi de plein fouet le contrecoup de la pression démographique des trois-cinq ans. Ainsi, le taux de scolarisation des deux ans ne cesse de baisser ; il pourrait chuter à 12,7 % en 2011, et ce alors même que de nombreuses études ont démontré les effets bénéfiques d’une scolarisation précoce, dans un cadre adapté, pour les enfants des milieux les plus défavorisés.

Or, dans le premier degré, parmi les leviers retenus pour supprimer des postes, figurent justement la taille des classes et la scolarisation des enfants de deux ans.

Dans le second degré, 4 800 emplois d’enseignants et 200 emplois administratifs disparaissent à la rentrée 2011, alors que le nombre d’élèves devrait augmenter d’environ 62 000. Cette année, si nous ne disposons pas de la ventilation des suppressions, nous pouvons aisément émettre des hypothèses.

En lançant la réforme du lycée, Nicolas Sarkozy s’était engagé à ce qu’elle se fasse à moyens constants. C’est donc logiquement vers le collège et le lycée professionnel que l’on va se tourner. Or c’est justement là que les effectifs prévus pour la rentrée 2011 sont en hausse : de 35 300 élèves au collège et de 14 000 en lycée professionnel. Comment imaginer, dès lors, que ces suppressions seront sans effet sur la qualité de l’enseignement ?

D’autant que, là aussi, les leviers d’action recommandés sont connus : augmentation du nombre d’élèves par classe par le relèvement des seuils d’ouverture et de fermeture de classes ; accroissement du poids des heures supplémentaires , auxquelles le budget prévoit de consacrer plus de 1 milliard d’euros ; recours massif aux personnels non titulaires et précaires, l’enveloppe pour les vacations passant de 44 millions d’euros en 2010 à 70 millions d’euros en 2011 ; réduction des moyens de remplacement des personnels ; rationalisation de l’offre de formation – entendez : limitation du nombre d’heures de cours. Tout cela, selon le document retraçant le schéma d’emplois 2011-2013, « sans dégrader les performances globales ». Mais, dans la réalité, c’est bien l’effet inverse que l’on constate.

Comment supprimer des postes alors que la lutte contre l’échec et la violence scolaire suppose plus d’adultes et plus de pédagogie dans les établissements ? On sait le sort qui est fait aux conseillers principaux d’éducation depuis quatre ans, et tout le monde souligne la pénurie d’infirmières et de médecins scolaires. Je pense également aux RASED, dont le nombre a diminué de 2 247 depuis la rentrée de 2009. Quant au nombre de départs en formation, il confine au ridicule et confirme leur mise en extinction.

Même difficulté pour les établissements de réinsertion scolaire, les ERS, expérimentation engagée dans la précipitation et dont je demande la suspension. À Nanterre, monsieur le ministre, plus d’un mois après l’ouverture d’un ERS, les conditions de fonctionnement, d’apprentissage et d’éducation y sont préoccupantes. Parents et enseignants viennent de s’adresser à vous pour réclamer l’affectation de personnels qualifiés et formés, personnels dont il ne peut être fait l’économie pour un travail de remédiation efficace.

Comment donc sanctuariser les établissements sans en sanctuariser les moyens et en y développant les emplois précaires ?

Même observation concernant la formation initiale et continue des enseignants, pourtant élément clef de la réussite des enfants. Force est de constater que tous les écueils pointés par les opposants – majoritaires – à cette réforme sont en train de se vérifier.

Le rapport qui vous a été remis cet été par l’IGAENR, l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sur la préparation de la rentrée 2010 n’est pas pour me rassurer. Ce rapport évoque l’instauration d’une « diversité kaléidoscopique des situations ». Dans les académies, cela se traduit par des écarts de temps de formation considérables : des périodes de « stages » allant de 96 à plus de 160 heures ; des actions de « compagnonnage » du tuteur mobilisant de 36 à 108 heures ; des périodes de formation variant d’une soixantaine à plus de 150 heures.

À ces inégalités s’ajoutent une forte diminution des moyens consacrés à la formation continue des enseignants. Dans le premier degré, le nombre de semaines de formation financées chute de plus de 61 % par rapport à 2009. Dans le second degré, les crédits sont divisés par deux et les moyens alloués au remplacement diminuent.

Ces choix budgétaires contribuent à fragiliser les plans de formation des enseignants, alors même que de nouvelles obligations sont créées au bénéfice des nouveaux professeurs stagiaires.

Je m’interroge donc : où les académies trouveront-elles demain de nouvelles marges de manœuvre pour réaliser les 16 000 suppressions annoncées pour 2012 et pour 2013…

M. Roland Courteau. Très bonne question !

M. Claude Bérit-Débat. Il n’y a pas de marges de manœuvre !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … et alors même que la plupart des économies ont déjà été réalisées ?

La prochaine étape pourrait concerner la déstructuration territoriale, spatiale, de l’école. Comment ne pas faire le rapprochement avec d’autres réformes conduites par le Gouvernement, comme celle des collectivités territoriales ? Se posera alors la question primordiale de l’égalité de traitement sur tout le territoire.

Le rapport de Frédéric Reiss, recyclant le projet des EPEP, trace la voie, comme le dernier rapport du Haut Conseil de l’éducation ou celui du député Jacques Grosperrin – quel unanimisme ! –, d’une école du socle commun. On y voit se dessiner l’institutionnalisation d’une école à deux vitesses où les disciplines « doivent être au service du socle » et où le collège ainsi transformé ne serait plus officiellement un lieu de préparation à la poursuite d’études mais un lieu de « triage » des élèves.

Cela signifierait que notre service public de l’éducation, loin d’affronter les difficultés réelles et de relever les défis d’éducation et de formation de ce nouveau millénaire, renonce à l’ambition qui le fonde depuis toujours et que nous défendons : celle d’un égal accès de tous, sur l’ensemble du territoire, à un haut niveau de culture générale, relevant le défi d’émancipation de chacune et de chacun.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe CRC-SPG votera résolument contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une longue partie de ma vie, par vocation, a été consacrée, de diverses manières, à l’éducation nationale. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’interviens ce soir.

Le combat pour la réussite de nos jeunes concitoyens est partagé. Variant au fil du temps, les idées, les approches, les propositions, les moyens mis en œuvre n’ont cependant pas permis d’atteindre les objectifs visés. L’exercice est difficile : il convient donc de faire preuve d’une grande humilité et de beaucoup de modestie !

La rapidité et l’ampleur des bouleversements sociétaux ne doivent pas annihiler les valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’institution éducative : le respect, la discipline et la reconnaissance de l’autorité du maître.

Le parcours éducatif de l’élève, son comportement, ses résultats ne dépendent pas exclusivement de l’institution scolaire. Son environnement familial, son lieu de vie, ses activités personnelles sont autant de facteurs extérieurs qui influent sur les vecteurs favorisant la réussite ou l’échec.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Pierre Martin. Comment ne pas être étonné de constater, alors que les moyens – 1 milliard d’euros supplémentaires pour 2011 – et les efforts consentis sont toujours en progression, que les fondamentaux dans les matières telles que le français et les mathématiques ne sont pas acquis ou sont mal assimilés par une partie grandissante des élèves ? Cela démontre que les problèmes persistent, voire s’amplifient pour certains.

Dans son processus d’évolution, l’enfant, dès son jeune âge, mérite une attention particulière…

M. René-Pierre Signé. Dès deux ans !

M. Pierre Martin. … et je suis aujourd’hui convaincu – après avoir étudié cette question avec ma collègue Monique Papon, ce qui a donné lieu à un rapport d’information – que, de deux à trois ans, les jardins d’éveil…

M. Claude Bérit-Débat. C’est une mauvaise solution !

M. Pierre Martin. … se révèlent une solution favorable et propice pour les premiers pas de la socialisation. Essayons !

M. René-Pierre Signé. Rien ne peut remplacer l’école maternelle !

M. Claude Bérit-Débat. Non à vos jardins d’éveil !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous ne partageons pas vos choix de société !

M. Pierre Martin. L’école maternelle, dont on loue les qualités en France, constitue naturellement le relais pour assurer la continuité de cette découverte, pour donner à celle-ci une ouverture plus large et pour préparer l’entrée à l’école élémentaire obligatoire.

Ces préambules éducatifs sont très précieux pour l’édification des bases indispensables à la traversée sans encombre des années de classes élémentaires et à la préparation de l’entrée en classe de sixième.

Le collège, puis le lycée doivent pouvoir conduire chaque individu vers une formation à la fois diplômante et qualifiante, en développant, pour celles et ceux qui le souhaitent, la formation en alternance.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Pierre Martin. À cet égard, indiscutablement, les mentalités doivent évoluer ; les mondes de l’entreprise et de l’éducation doivent être partenaires, et ce dans l’intérêt de tous. L’entrée dans la vie active ne doit plus être vécue comme un « saut » dans l’inconnu ; la découverte du monde du travail doit se vivre au cours de la vie scolaire.

En fonction des réalités territoriales, de l’organisation économique et sociale, de nos institutions républicaines, le monde de l’éducation doit être en mesure d’analyser les besoins, de s’adapter à la demande, en s’appuyant sur des établissements autonomes, dirigés par des directeurs ayant un pouvoir et le devoir de prendre en compte les particularités locales. Ce « capitaine », au-delà de la gestion de l’établissement, a également vocation à assurer la responsabilité pédagogique de l’équipe.

Nous, responsables politiques, avons à imaginer les outils et les ingrédients permettant à tous les acteurs, enfants, parents, enseignants, chefs d’établissement, mais aussi responsables d’entreprises ou d’administrations, publiques ou privées, de trouver les recettes personnalisées de la réussite.

Oui, la dynamisation de notre système scolaire repose sur le principe d’union de toutes les compétences et de tous les acteurs. Elle ne doit pas être uniquement affaire d’argent, elle doit aussi être affaire de bon sens…

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Pierre Martin. … puisque tous ces jeunes dont on doit se préoccuper représentent, par leur diversité, la richesse du pays.

Tous ne sont pas aptes à apprendre et à comprendre dans les mêmes conditions. Mais tous doivent pouvoir se former sans connaître l’angoisse de l’orientation ou la crainte de l’échec. L’erreur est humaine ; elle ne doit pas concourir à une quelconque forme de renonciation ou d’abandon, mais être au contraire source de progrès. Et ce message doit être accepté et compris par l’ensemble des partenaires qui composent l’environnement scolaire de l’élève. Il faut penser à l’intérêt de chacun des enfants plus qu’à l’égalité de tous les enfants.

Dans une France où l’espérance de vie s’allonge pour de multiples raisons, la jeunesse est une chance, un atout, car elle représente la force vive de demain. Il est de notre devoir de l’encourager dans sa volonté et son désir de progresser, de se former, de s’ouvrir à ce monde en perpétuel mouvement,…

M. Pierre Martin. … en lui offrant les meilleurs lieux de l’acquisition des connaissances et de l’apprentissage des techniques, où s’imposent le respect, la tolérance, la solidarité et la recherche de l’excellence.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Pierre Martin. Le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires que vous avez mis en place, monsieur le ministre, doit à la fois permettre de dresser un bilan des expériences engagées depuis quelques années et envisager l’organisation des temps scolaires la plus adaptée pour les succès recherchés et attendus, mais aussi d’identifier les meilleurs leviers susceptibles d’assurer une progression de l’enfant-élève pour le préparer à son entrée dans le monde adulte.

Au chapitre des bonnes idées, le soutien individuel, la mobilisation contre l’illettrisme et les auxiliaires de vie scolaire sont non pas des dispositifs gadgets, mais bel et bien des mesures de bon sens, testées, approuvées et reconnues, qui ne peuvent que conduire l’élève sur la voie de la réussite scolaire.

Lors de votre audition devant la commission de la culture, vous avez, monsieur le ministre, renouvelé votre détermination à « passer de l’école pour tous à l’école de la réussite de chacun ». J’adhère bien entendu à cette ambition et je souhaite que nous puissions tous ici la partager.

M. René-Pierre Signé. Cela va prendre du temps !

M. Pierre Martin. C’est pourquoi je voterai le budget que vous proposez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le peu de temps qui m’est imparti, je voudrais évoquer deux points qui font aujourd'hui débat : la formation des maîtres et l’évaluation.

Concernant la formation des maîtres, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, je ne suis pas de ceux qui regrettent les IUFM tels qu’on les a connus hier : une formation théorique déconnectée des réalités, des apriori pédagogiques issus d’une idéologie souvent fumeuse…

M. René-Pierre Signé. C’est faux !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Non, c’est vrai, il a raison !

M. Jean-Jacques Pignard. … et le verbiage d’intervenants qui eussent été bien incapables de faire classe ! Ces réalités m’ont poussé à saluer votre choix de privilégier, pour les jeunes maîtres, le contact direct avec les enfants et l’apprentissage sur le terrain.

M. Yannick Bodin. Ce n’est pas une question de contact !

M. Jean-Jacques Pignard. Mais force est de constater que la réalité n’est pas toujours conforme à l’ambition affichée.

La mastérisation continue de sacrifier souvent au pédagogisme, au détriment de la pratique. Deux stages de 108 heures, soit quatre jours par trimestre, ne sont, vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre, vraiment pas suffisants. Et ils le sont d’autant moins que ces jeunes débutants se voient confier, à l’issue de ce master, une classe à plein-temps.

Mme Françoise Cartron et M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !

M. Jean-Jacques Pignard. A priori, ce n’est pas une mauvaise chose, mais à une condition toutefois, et elle est capitale : qu’ils puissent bénéficier du soutien et de l’expérience d’un véritable tuteur. Or c’est là que le bât blesse !

La situation telle qu’on peut l’appréhender après trois mois offre un paysage pour le moins contrasté.

M. Claude Bérit-Débat. Là, nous sommes d’accord !

M. Jean-Jacques Pignard. Certaines académies jouent le jeu, d’autres beaucoup moins. Vous avez souhaité qu’il soit procédé à une évaluation. Il est urgent qu’elle ait lieu, afin que nous puissions notamment gommer ces disparités.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Au demeurant, la formation ne concerne pas que les débutants.

Dans notre société en pleine mutation, le développement de l’école numérique est une priorité absolue, et je rejoins en cela le point de vue exposé tout à l'heure par ma collègue Catherine Morin-Desailly. Encore faut-il que les enseignants soient formés à ces nouvelles pratiques, et tout au long de leur carrière, car, s’il est un secteur qui bouge en permanence, c’est bien celui-là.

Les recteurs d’académie proposent chaque année 18 heures de formation aux enseignants. Puissent-ils les réserver, pour l’essentiel, à ces formations !

Ils ne devraient pas non plus négliger l’enseignement artistique.

M. Jean-Jacques Pignard. Les recommandations faites en leur temps par M. Éric Gross pourraient utilement être prises en compte.

Je n’ignore pas que vous êtes contraint par les réalités budgétaires. Mais c’est justement quand l’argent se fait plus rare que l’innovation doit se faire plus prégnante,...

M. Roland Courteau. C’est facile à dire !

M. Jean-Jacques Pignard. … quitte à bouleverser un peu les habitudes et l’inertie d’une grande maison comme la vôtre !

À cet égard, je ne prendrai qu’un seul exemple : la loi du 13 août 2004, qui prévoit la création des établissements publics d’enseignement primaire, laquelle va dans le sens d’une rationalisation et d’une mutualisation, attend toujours ses décrets d’application. Certes, le Haut Conseil de l’éducation a émis un avis négatif, mais il n’est que consultatif.

Selon moi, vous auriez tout à gagner, monsieur le ministre, à faire d’abord confiance à votre bon sens et à celui des enseignants de terrain, plutôt qu’à celui de certains experts. Que la RGPP s’applique aux experts, cela ne me gêne pas ; qu’elle s’applique aux enseignants de terrain, cela me dérange un peu plus.

La dernière idée mûrie par ces brillants cerveaux est d’abolir toute notation. Quitte à paraître démodé, je persiste à penser, eu égard à ma longue expérience d’enseignant, qu’une note permet aux élèves de se situer par rapport aux autres…

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Mais si !

M. Jean-Jacques Pignard. … et à eux-mêmes, à condition, bien sûr, que l’enseignant ait la manière.

M. Jean-Jacques Mirassou. Tout cela, c’est fini !

M. Jean-Jacques Pignard. Un bon maître saura toujours expliquer à tel élève que c’est grâce à son travail que sa note est passée de 5 à 10 et à tel autre que c’est son absence de travail qui l’a fait chuter de 15 à 8.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Notre époque aime la complication !

Je conclurai mon intervention par une note d’humour.

Un jeune maître en début de carrière m’a expliqué sa perplexité d’avoir à évaluer ses élèves de cours préparatoire sur trente compétences. Je ne les énumérerai pas toutes, mais certaines conviendraient aussi, me semble-t-il, à la classe politique prise dans son ensemble, sénateurs et ministres inclus : « comprendre des phrases nouvelles » ; « lire à haute voix un texte préparé par avance » ; « construire une phrase ayant un sens » ; « comprendre les règles d’un jeu collectif » ;…

M. Jean-Jacques Pignard. … « s’engager lucidement dans l’action ». (Sourires.)

M. Claude Bérit-Débat. Voilà qui est bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le ministre, je vais vous faire une confidence, il se trouve aussi dans cette liste une compétence que je n’ai pas acquise et qui m’aurait fait tripler mon cours préparatoire : « déterminer par addition ou soustraction le résultat d’une augmentation » ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça, c’est pour le budget !

M. Jean-Jacques Pignard. Mais vous n’êtes pas concerné, monsieur le ministre, car vous avez élaboré un budget ! (Sourires.)

Comme la plupart de mes collègues centristes, je voterai ce budget, malgré ses imperfections, espérant que vous tiendrez compte de mes préoccupations concernant la formation. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Mme Françoise Laborde et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, le budget que vous défendez ressemble à un exercice de bon élève appliqué.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. C’est un compliment !

M. Luc Chatel, ministre. Je suis très touché ! (Sourires.)

Mme Françoise Cartron. Attendez la suite, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

En effet, vous parlez d’une légère hausse des crédits, d’une maîtrise de la masse salariale, de l’optimisation des ressources de votre ministère. Vous êtes donc bien un bon élève, mais qui se trouve, hélas ! dans une mauvaise classe, le gouvernement auquel vous appartenez ne sachant programmer que des soustractions ou des divisions !

M. Pierre Martin. Ce sont les opérations les plus difficiles ! (Nouveaux sourires.)

Mme Françoise Cartron. La hausse annoncée de 1,5 % des crédits est purement cosmétique …

Mme Françoise Cartron. … dans la mesure où elle correspond à peine à l’inflation, alors même que la programmation pluriannuelle présentée en 2009 prévoyait une augmentation de 2,8 % pour l’année prochaine.

En réalité, avec 16 000 suppressions de postes en 2011, ce sont 65 400 emplois qui auront été supprimés en cinq ans.

M. Roland Courteau. Un record !

Mme Françoise Cartron. II ne s’agit plus d’optimisation des ressources humaines : c’est la mise en péril des fondations de l’éducation nationale,…

Mme Françoise Cartron. … même si, moyennant quelques astuces techniques, vous venez de retrouver miraculeusement 20 000 postes !

Ces fondations sont d’ailleurs également mises en péril par la prétendue réforme de la formation des enseignants, qui n’avait d’autre finalité que de récupérer quelque 15 000 postes.

Aujourd’hui, la réalité est catastrophique. Sous prétexte de mastérisation et de prétendue élévation du niveau des enseignants, vous avez propulsé devant des élèves des jeunes professeurs qui n’ont pas été formés au métier d’enseignant et se retrouvent démunis, désorientés face aux difficultés de ce métier, qu’ils découvrent brutalement.

M. Roland Courteau. C’est scandaleux !

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est irresponsable !

Mme Françoise Cartron. À titre de compensation, vous aviez promis un tutorat pour ces jeunes professeurs.

M. Claude Bérit-Débat. Où sont les tuteurs ?

Mme Françoise Cartron. Mais, le plus souvent, ce tutorat n’a pas été organisé ou s’est résumé à un simple échange de courriels avec des professeurs titulaires, en général débordés et fort peu disponibles.

Au demeurant, toujours à la pointe du progrès, vous avez fait distribuer des DVD intitulés « Tenue de classe », censés se substituer aux cours de pédagogie. Le visionnage de ce film est édifiant : une voix off explique comment se comporter en classe, où se placer pour se faire respecter, etc.

M. Luc Chatel, ministre. C’est bien !

Mme Françoise Cartron. Ancienne enseignante, je suis stupéfaite de découvrir que le métier d’enseignant, c’est simple comme une notice vidéo !

Aujourd’hui, le collectif « Stagiaire impossible » regroupe ces jeunes professeurs qui témoignent de leur angoisse et de leur détresse au moment d’entrer en classe. Ils ont à cœur de réussir la mission qui est la leur, à savoir enseigner et transmettre, mais paniquent devant l’ampleur d’une tâche qu’ils doivent assumer seuls.

Combien ont démissionné et combien vont le faire ? Combien se détourneront définitivement de ce métier avec un sentiment d’échec bien lourd à porter pour leur avenir professionnel ?

M. Roland Courteau. C’est le risque ! Et on ne peut pas le mesurer !

Mme Françoise Cartron. Aussi est-il urgent de les entendre et de résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés ! Les élèves qui leur sont confiés en seront les premiers bénéficiaires.

Rappelons que le syndicat des inspecteurs d’académie s’est ému, le 31 octobre dernier, des résultats perceptibles de cette politique. Les associations de parents d’élèves s’inquiètent à leur tour et n’ont, hélas ! reçu à ce jour aucune réponse à leurs questions. Nous sommes en plein pilotage à vue, mais cela semble être la doctrine de ce gouvernement ! J’en veux pour preuve la réforme des programmes des lycées, si bien préparée que les manuels ne sont toujours pas disponibles partout, trois mois après la rentée scolaire !

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est scandaleux !

Mme Françoise Cartron. Pour appliquer les prochaines suppressions de postes, vous avez décidé de déconcentrer la gestion de la réduction des effectifs. Ainsi, chaque recteur d’académie devra trouver les fameux « gisements d’efficience » exigés par votre administration. En clair, il s’agit de « raboter » tous les emplois, fussent-ils vitaux pour la qualité du service public d’éducation. Les recteurs auront donc le choix entre la suppression de la scolarisation à deux ans, malgré la demande des parents, la baisse de l’encadrement, la fermeture de classes, le recours systématique à des vacataires pour effectuer les remplacements, la limitation de l’offre pédagogique ou des coupes dans les personnels administratifs.

En bref, vous appliquez au service public le plus essentiel à notre République les méthodes managériales de la grande distribution. Cette gestion des effectifs à flux tendu a déjà fait beaucoup de dégâts, et la situation s’aggravera encore cette année.

De plus, je pense que les conséquences du vote de la réforme des retraites n’ont pas été suffisamment prises en compte. De nombreuses enseignantes mères de trois enfants ne vont pas avoir d’autre choix que de faire valoir leurs droits à la retraite à la rentrée prochaine, afin de bénéficier du régime antérieur et de ne pas être pénalisées en travaillant plus longtemps. C’est un comble !

Toujours optimiste, néanmoins, vous considérez que l’éducation nationale, même amputée de ses moyens, progresse. C’est sans doute vrai, mais grâce à l’engagement de ses personnels, passionnés par leur travail, qu’ils vivent pour nombre d’entre eux comme une mission. Cela n’est pas le fait de votre politique d’expérimentation tous azimuts,…

M. Roland Courteau. Ça, c’est sûr !

Mme Françoise Cartron. …qui ne profite qu’à un tout petit nombre d’élèves, les autres, c'est-à-dire la plupart, étant pénalisés par la redistribution des moyens globaux grâce à laquelle ces expérimentations sont financées.

Tout cela s’inscrit, selon vous, dans le cadre d’un effort nécessaire d’économies, auquel doivent participer toutes les administrations, l’éducation nationale mettant en œuvre avec zèle la fameuse RGPP.

Les promesses passées du Président de la République, lors de son discours de Versailles, sont oubliées, voire reniées. Permettez-moi de le citer : « La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l’occulte parce qu’elle conduit à ne plus s’interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l’on prend. »

M. Claude Bérit-Débat. Il avait raison !

Mme Françoise Cartron. Visiblement, les universités n’ont pas eu à subir cette politique de rigueur. Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche nous l’a confirmé. Tant mieux !

Pourtant, les derniers rapports et évaluations internationaux ont pointé les mauvais résultats de nos élèves. Cela justifierait, à mon avis, une pause dans les réductions budgétaires appliquées à l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, vous venez d’être reconduit dans vos fonctions. Je formule le vœu que ce « redoublement » vous soit utile et vous permette de vous rendre compte que notre école publique mérite une tout autre ambition. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’évoquer dans ce débat la situation éducative du territoire le plus éloigné de la métropole.

Si l’ancien enseignant que je suis n’a plus guère le temps de se plonger dans l’étude des orientations pédagogiques, il garde néanmoins un œil attentif sur le fonctionnement de l’enseignement à Wallis-et-Futuna.

Il y a maintenant une quinzaine d’années, les responsables du territoire avaient souhaité le classement de Wallis-et-Futuna en zone d’éducation prioritaire. Le dossier était sur le point d’aboutir, quand un changement de Gouvernement est venu tout remettre en question.

La ZEP n’a donc pas été mise en place et les problèmes demeurent, à commencer par un taux d’échec très supérieur à la moyenne nationale. Bien sûr, notre isolement géographique et un choix très restreint de filières n’y sont pas étrangers. Cependant, le manque ou l’inadéquation des moyens matériels et humains y sont aussi pour beaucoup.

La décentralisation n’ayant pas encore atteint les rivages de Wallis-et-Futuna, c’est à l’État, selon le statut du territoire, qu’incombe la charge de l’éducation, y compris l’immobilier. Or, celui-ci, qui était déjà très dégradé, est désormais, après le passage du cyclone Tomas, dans un état de délabrement avancé.

Lors des discussions entre les responsables du territoire et les parents d’élèves, qui demandaient un engagement sérieux dans des travaux de réparation, aussi bien à Wallis qu’à Futuna, il a été décidé d’y consacrer la quasi-totalité des crédits « éducation nationale » restants du contrat de développement 2007-2011, soit 2 millions d’euros à utiliser cette année et l’an prochain.

Ces crédits ne suffiront cependant pas à la mise aux normes des établissements. Il faudra que ce problème soit sérieusement examiné, car il n’est pas normal que les enfants de Wallis-et-Futuna ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que leurs camarades des autres collectivités françaises.

Soyez remercié, monsieur le ministre, de votre réactivité à la suite du passage du cyclone Tomas. Les travaux ont commencé, mais l’inquiétude des parents demeure quant aux regroupements scolaires qui vont survenir dans le cadre de la reconstruction. Pouvez-vous, s’il-vous-plaît, nous rassurer sur ce point ?

Par ailleurs, tout en vous disant ma reconnaissance pour les crédits octroyés en 2011 en faveur du lycée, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur d’autres priorités pour cette année.

Il s’agit tout d’abord des collèges de Lano et de Lavegahau, qui requièrent également des travaux urgents et importants.

Toujours du fait du cyclone, des besoins de première nécessité restent criants au collège de Sisia, qu’il s’agisse des logements de fonction, de la clôture ou même du matériel scolaire. En effet, le bâtiment, dont la construction est en cours de finition, ne dispose pas du premier équipement.

Les crédits de fonctionnement des collèges et du lycée méritent, eux aussi, attention. En effet, il y a de réels besoins de financement des périodes de formation en milieu professionnel des élèves préparant le baccalauréat professionnel. À ce jour, la totalité de ces formations se déroule en Nouvelle-Calédonie. Des solutions sont actuellement recherchées à Fidji, et j’espère que le ministère sera actif sur ce dossier.

Je ne saurais terminer mon intervention sans dire un mot de la situation de l’enseignement primaire et des conditions pédagogiques dans lesquelles travaillent les enfants.

La convention de 1969 confie l’enseignement primaire à la mission catholique, mais celle-ci reçoit l’aide de l’État. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, d’avoir abondé les crédits inscrits à ce titre en 2010. Cependant, dans la durée, cette aide demeure insuffisante. Les discussions qui ont commencé entre les responsables du territoire et ceux de l’enseignement, pour réfléchir sur le renouvellement de cette convention d’ici à 2012, doivent permettre d’analyser en profondeur cette situation afin que soient prises les décisions qui s’imposent.

J’aimerais beaucoup connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur la renégociation de cette convention.

Dans l’espoir de vous entendre réaffirmer l’engagement fort de l’État dans le domaine de l’enseignement scolaire à Wallis-et-Futuna, c’est avec confiance que je voterai votre budget. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’ouvrir cette intervention par deux citations.

« N’use pas de violence dans l’éducation des enfants, mais fais en sorte qu’ils s’instruisent en jouant : tu pourras par là mieux discerner les dispositions naturelles de chacun. »

« L’éducation doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant, le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses potentialités. »

Plus de deux millénaires séparent les propos de Platon et l’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant. Mais quelle belle conception de l’éducation ! Et toujours d’actualité, n’est-ce pas ?

Mais quelle est la vôtre à vous, monsieur le ministre ?

À considérer votre discours de la dernière rentrée, je serais tentée de penser que vous adhérez à ces principes. Hélas, si je regarde la traduction chiffrée de vos beaux discours, je suis bien forcée de constater qu’il y a loin des paroles aux actes.

Mme Maryvonne Blondin. Le modèle prôné par Platon et inscrit dans l’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant suppose de s’intéresser aux conditions de vie de l’élève, aux inégalités sociales et de naissance, et d’avoir la volonté de doter notre système éducatif des moyens de palier ces inégalités. Malheureusement, avec ce budget, c’est loin d’être le cas.

Dans son dernier rapport, la Défenseure des enfants lance un cri d’alarme sur la situation des enfants pauvres. Il faut savoir que 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Or les risques d’un cercle vicieux de la précarité sont réels si les enfants n’ont pas accès à un capital social et culturel suffisant.

Logement insalubre, difficulté ou absence d’accès aux soins, situation familiale instable, mal-être psychologique sont les maux quotidiens de ces enfants. La plupart d’entre eux sont ainsi condamnés à subir le déterminisme social.

Vous le savez, mes chers collègues, les conditions de vie des élèves sont une composante essentielle de leur réussite. Or les défis contemporains sont nombreux : augmentation de la précarité, crainte du déclassement social, éclatement des structures familiales, crise de l’autorité parentale ou encore désaffection des institutions.

La réussite de chaque élève – c’est bien l’objectif affiché – ne saurait se passer de personnels médico-sociaux présents au cœur même de notre dispositif éducatif : médecins, infirmières, psychologues et assistantes sociales doivent travailler de concert à l’accomplissement individuel de chaque élève.

Notre rapporteur a évoqué tout à l’heure la médecine scolaire. Je suis, moi aussi, très alarmée par le manque de moyens de cette médecine, qui remplit un rôle spécifique de prévention, située au carrefour du médical, du pédagogique et du familial.

M. Roland Courteau. Exactement !

Mme Maryvonne Blondin. Elle contribue à lutter contre l’échec scolaire en permettant d’identifier les troubles susceptibles d’affecter les capacités d’apprentissage des élèves. Elle intervient dans la détection de la maltraitance, dans la prise en charge individuelle des enfants handicapés, ainsi que dans l’éducation à la santé.

Elle répond aux problèmes actuels de la société, qui touchent dramatiquement nos jeunes : lutte contre l’obésité – vous le savez, il y a dans les ZEP deux fois plus d’obèses qu’ailleurs –, tentatives de suicides, conduites addictives, ignorance du respect dû à l’autre, etc. Son rôle est également important en matière de contraception. Je rappelle que, chaque année, on compte encore 15 000 interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des mineures.

Plus d’un tiers des élèves disent avoir mal au ventre avant d’aller à l’école le matin ! Nous l’avions déjà signalé lorsqu’il a été question de l’absentéisme scolaire : en France, seulement 45 % des élèves se sentent bien à leur place à l’école, contre 81 % dans les autres pays de l’OCDE.

Votre budget ne dote pourtant la médecine scolaire que de 440 millions d’euros, soit moins de 0,73 % des 61 milliards d’euros qui sont affectés à l’éducation nationale:

On ne dénombre que 1238 médecins titulaires, soit un médecin pour plus 10 000 élèves,…

M. Roland Courteau. Chiffre proprement scandaleux !

Mme Maryvonne Blondin. … et beaucoup de ceux qui sont en place vont partir à la retraite très prochainement. Or rien n’est fait pour attirer les jeunes médecins vers ce travail.

Vous avez ouvert des postes d’infirmières, évidemment sans beaucoup de succès compte tenu des conditions de travail et de rémunération.

J’aurais aussi voulu vous parler des auxiliaires de vie scolaire. Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur ce sujet. Malheureusement, rien ne change, ou plutôt tout s’aggrave. Cette année, c’est un véritable feuilleton auquel nous sommes confrontés : des articles sont régulièrement publiés dans la presse, et c’est d’ailleurs sans doute ce qui permet aux préfets de mobiliser des AVS. Beaucoup de parents d’enfant handicapé vous ont adressé des courriers décrivant l’ampleur de leurs difficultés.

Cette année, le droit du travail a été bafoué : les AVS ont signé des contrats en juillet et, un mois plus tard, ils ont été licenciés par SMS ! C’est insensé, monsieur le ministre !

Mme Maryvonne Blondin. Mon temps de parole étant épuisé, je m’en tiendrai là, concluant seulement par une citation, de Victor Hugo cette fois :

Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire

À vous tous, que c’était à vous de les conduire,

Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ?

(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a entrepris de réduire les effectifs dans la fonction publique et singulièrement à l’éducation nationale, qui emploie le plus grand nombre de fonctionnaires. Je souscris à cette politique. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conditions dans lesquelles s’opèrent ces réductions et sur leurs conséquences éventuelles.

Depuis la loi Debré de 1959, l’État verse aux écoles privées une subvention de fonctionnement proportionnelle au nombre d’élèves qui y sont accueillis et paie le salaire de leurs enseignants. Pour maintenir un statu quo, le ministère Chevènement avait mis en place, en 1985, la règle tacite dite des « 80-20 », qui consiste à réserver 80 % des postes d’enseignants au public et 20 % au privé.

Monsieur le ministre, je souhaite savoir si, pour l’avenir, vous envisagez de réajuster cette règle des « 80-20 » afin de tenir compte de l’évolution du rapport entre les effectifs du public et ceux du privé. Tandis que les effectifs du public accusent un léger fléchissement depuis une dizaine d’année, je crois savoir que ceux du privé stagnent, voire évoluent très légèrement à la hausse.

Ma deuxième remarque porte sur la différence de marge de manœuvre entre les deux secteurs. En effet, les 135 000 enseignants du privé exercent directement leur mission éducative auprès des élèves, tandis que les 800 000 enseignants du public ne sont pas tous affectés à l’enseignement proprement dit : une part non négligeable – 10 % à 15 % – des effectifs du public n’exercent pas directement leurs fonctions auprès des élèves, notamment lorsqu’ils sont détachés sur des emplois syndicaux ou associatifs, titulaires sur zone de remplacement ou en surnombre. Le privé ne dispose pas, lui, de ces « réserves » de personnels.

Cette année, l’enseignement public bénéficiera de 5 600 régularisations des « surnombres », alors que l’on observe une accélération de l’effort demandé au privé, de 16,5 % par rapport à l’année dernière, avec 1 633 postes supprimés, contre 1 400 l’année dernière...

La politique de réduction de l’emploi public, affichée comme un objectif prioritaire, n’a donc pas les mêmes répercussions sur les deux secteurs. Je souhaite savoir si, dans la détermination du nombre de postes, cet élément est pris en compte cette année et le sera pour les années à venir.

Dans l’immédiat, je me réjouis de la position de la commission de la culture, qui, sur l’initiative du rapporteur Jean-Claude Carle, a adopté un amendement destiné à rééquilibrer la situation.

Ma troisième observation découle des deux précédentes : si l’on ne prend pas en considération les évolutions réelles des effectifs public/privé et la réalité des taux d’encadrement, on s’expose à des fermetures de classes, notamment en milieu rural et particulièrement dans les régions où, historiquement, l’enseignement privé est le plus important, comme l’Alsace, les Pays de la Loire ou la Bretagne.

J’ai pu observer plusieurs exemples qui révèlent à quel point ce désengagement provoque des redéploiements du milieu rural au profit de la ville. Je n’ignore pas, bien sûr, l’histoire de nos écoles, ni les débats relatifs à la laïcité et à la liberté scolaire. Mais ce désengagement n’est pas neutre pour les finances de nos communes lorsqu’elles doivent se substituer au privé, construire des écoles et assumer leur fonctionnement.

En ces temps de restrictions budgétaires pour tout le monde, une approche pragmatique et globale des situations est plus que jamais souhaitable.

M. Yannick Bodin. Vous êtes là pour représenter un lobby ou pour défendre l’intérêt général ?

M. Dominique de Legge. Enfin, d’une façon plus générale, je voudrais souligner que notre pays est l’un de ceux qui affectent le plus de moyens humains et financiers à l’enseignement secondaire, sans pour autant que nos résultats reflètent cet effort.

On doit s’interroger sur la cause de cette situation. Je pense au nombre d’options dans le second degré, si consommatrices d’heures d’enseignement. Je pense aussi au cloisonnement des matières et des spécialités. Des options très peu enseignées conduisent à ne pas pouvoir offrir des postes à temps plein. Pour éviter de sous-utiliser les compétences, pourquoi ne pas chercher à les mutualiser ? On pourrait aussi imaginer des passerelles entre des matières « voisines », comme le français et l’histoire, et introduire ainsi davantage de souplesse dans la gestion des ressources humaines.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez nous éclairer sur de possibles évolutions dans ces domaines, en dépassant la seule considération des effectifs comptables, au profit d’une réflexion sur la rationalisation du contenu des enseignements.

En conclusion, je dirai que je souscris aux efforts nécessaires d’assainissement des finances publiques, qui passent notamment par la réduction des emplois publics. Mais je suis convaincu qu’il faut accomplir cette démarche avec pragmatisme et l’accompagner de la recherche de solutions visant à améliorer les contenus et l’organisation des enseignements. Élèves, enseignants et finances publiques ont tout à y gagner. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2010, l’enseignement agricole comptait 173 000 élèves, 838 établissements et 90,2 % de taux d’insertion professionnelle : autant dire du jamais vu !

Pourtant, enseignement et formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires souffrent d’un désintérêt alarmant de la part du Gouvernement.

La rapporteur elle-même s’en est inquiétée en commission de la culture, dénonçant la logique de rationnement et le pilotage des effectifs par l’offre de formation, c’est-à-dire par l’enveloppe budgétaire définie a priori Il faut pourtant permettre à tous ceux qui le souhaitent de suivre cet enseignement d’excellence.

Toutefois, nous pouvons saluer la décision du Premier ministre de maintenir le programme Enseignement technique agricole dans la mission « Enseignement scolaire ». En effet, l’agriculture ne représentant que 20 % de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, une autre décision aurait été perçue comme un signal particulièrement négatif face à la richesse des formations.

Le budget paraît en hausse, mais veillons à ne pas nous laisser tromper par ce leurre grossier. Les crédits affichent certes une hausse de 2,5 %, mais l’enseignement agricole est familier des ajustements budgétaires de dernière minute. Cela explique que, de 2006 à 2010, le programme 143 ait bénéficié d’abondements de 29,39 millions de l’éducation nationale. Le transfert total au budget de l’agriculture aurait donc encore fragilisé le budget de l’enseignement agricole.

Si, de 1995 à 2005, les effectifs ont augmenté de 10 % dans l’enseignement agricole, il n’empêche que celui-ci souffre d’un cruel manque de professeurs. De nombreuses classes à faible effectif ont dû être fermées. Les effets sont particulièrement graves en milieu rural.

La diminution du plafond du programme est l’enjeu majeur. Il diminue de 214 équivalents temps plein pour 2011 par rapport à 2010, et le plafond d’emplois est fixé à 14 876 équivalents temps plein. Cela laisse entrevoir la véritable volonté politique du Gouvernement, qui, sous couvert d’augmentation des crédits, supprime des postes. Des effectifs d’enseignants, des emplois sont toujours aujourd’hui menacés, des titulaires ne sont pas remplacés, des postes sont précarisés. Cela représente 300 personnes pour cette rentrée 2010.

L’enseignement agricole participe à l’effort de réduction des dépenses publiques et à l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire en départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, avec 120 départs à la retraite non renouvelés en 2011.

Ce nombre est jugé « raisonnable » par le ministre de l’agriculture. Il faut cependant savoir que l’enseignement agricole présente des caractéristiques d’organisation bien différentes de l’enseignement général et que les professeurs y sont moins nombreux. La rapporteur du Sénat, joignant sa voix à celle du député Yves Censi, rapporteur à l’Assemblée nationale, s’est émue de cette diminution du nombre d’enseignants.

Le moratoire dont l’enseignement public a bénéficié de la part du Gouvernement pour 2010 n’était qu’un leurre. C’était reculer pour mieux sauter puisque les suppressions de postes vont bien avoir lieu en 2011. Les reports de charge d’année en année sont aussi un des problèmes prégnants dans l’enseignement agricole. Ce n’est qu’un artifice visant à masquer la diminution des financements. La clarté est la forme la plus difficile du courage. Or, à ce titre, la sincérité du budget peut être remise en cause.

Que penser des fermetures de classes en milieu rural, du refus d’accepter des élèves alors que la demande grandit ? C’est un raisonnement à la logique absconse, qui ne se justifie que sur un plan cyniquement financier. Les postes supprimés, c’est une offre moindre à terme, donc plus d’élèves refusés et mis au ban de la scolarité.

Le bilan net de l’ouverture de classes fait apparaître un solde de 25,5 classes en moins pour 2008-2009, de 65 classes en moins pour 2009-2010. Il faut mettre un terme à cet appauvrissement des moyens, qui est parfaitement délibéré. Vous annoncez, monsieur le ministre, que vous allez étudier la pertinence d’un maintien de classes de petits effectifs Mais ne s’agit-il pas, une fois de plus, que d’un vœu pieux ?

On assiste désormais essentiellement à des fermetures et à des regroupements qui ne prennent pas en compte la réalité des attentes des territoires. Les parents qui n’ont pas d’offre locale ne pourront pas faire bénéficier leurs enfants de cet enseignement d’excellence. On diminue les effectifs pour montrer que les effectifs diminuent au lieu d’attribuer les effectifs en fonction de la demande.

De plus, les réformes promises, comme la réforme du lycée et du baccalauréat professionnel, n’ont pas été mises en place. Il y a également des craintes que certaines structures du type maison familiale ne puissent pas aller jusqu’au baccalauréat professionnel, ce qui les condamne à court terme.

L’enseignement agricole ne doit pas être sacrifié sur l’autel du déficit public. Le choix du Gouvernement est celui du désengagement de l’État sans cap pour l’avenir. Dans ces conditions budgétaires, l’autonomie prévue dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est difficilement applicable.

Comment agir ? Il faut faire en sorte d’assurer une juste stabilisation des effectifs, voire une augmentation pour permettre à l’enseignement agricole d’avoir la place qu’il mérite. Les effectifs des professeurs doivent répondre à la demande, c'est-à-dire correspondre au nombre d’élèves, et non l’inverse.

La spécificité de cet enseignement doit être respectée et encouragée. À l’heure où l’on prône l’innovation, voilà un modèle ! Mais je crains qu’il ne faille plutôt dire que c’était un modèle. En effet, les réductions d’effectifs entraînent la destruction d’un secteur d’innovation reconnu.

Que dire du peu d’égard manifesté par le Gouvernement quant à la qualité de l’enseignement agricole ? Investir pour l’emploi permet à tous les jeunes de s’insérer dans le monde du travail, même à ceux qui sont le plus en difficulté. J’en déduis que ce n’est pas la priorité du Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas vos arbitrages et encore moins ce qui les motive, sinon des questions d’argent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, l’école est toujours proclamée fabrique de la nation, creuset de la République, mais son désarroi inquiète les Français, sans que cette inquiétude ait vraiment gagné les classes dirigeantes.

À peine préconise-t-on des journées de réflexion sur l’éducation, à l’heure où l’ascenseur social enregistre de multiples pannes et où l’illettrisme explose, ce qui devrait tout de même démontrer l’importance de la question scolaire.

Un jeune sur deux se dit angoissé quant à son avenir, sans que l’école lui apparaisse comme une planche de salut. La baisse du niveau scolaire et la violence que connaissent trop d’établissements ont nourri une crise de confiance.

L’école n’est pas coupable de la fracture sociale. Elle la subit, et peut-être l’amplifie en croyant la réduire. Notre école est élitiste. Les acquis initiaux marquent, pour les élèves, une avance indéniable, et l’inégalité est déjà en place. Dualité sociale, dualité culturelle.

Chaque année, 120 000 élèves sortent sans maîtriser le « lire, écrire et compter ». Pour eux, c’est d’abord le redoublement, pourtant fort critiqué, puis la mise à l’écart de la voie générale et l’orientation vers la voie professionnelle, ce qui passe bien à tort pour une déchéance.

Faut-il supprimer les notes pour éviter tout découragement ? Je crois que vous y êtes opposé, monsieur le ministre. La note doit-elle être considérée comme un échec ou une évaluation ? C’est là une vraie question. Certes, la note est susceptible d’enfermer l’élève dans une bulle négative, voire une détestation de l’école, peu propice à la progression recherchée.

Quoi qu’il en soit, avec ou sans notes, l’orientation donnée engage notre responsabilité. La machine à exclure est en route.

Et pourtant, comment oublier que la lutte contre l’illettrisme est une grande cause ? Il est en effet affligeant de laisser sortir du primaire un élève qui ne sait pas lire.

L’allongement de la durée de la scolarité obligatoire aurait été une bonne idée si l’on avait, plus que modestement, élargi cette scolarité à l’apprentissage de nouveaux domaines, en particulier des nouvelles technologies, qui conditionnent l’entrée dans la société moderne.

La personnalisation des parcours, notion que vous appréciez particulièrement, monsieur le ministre, devait se traduire par toute une série d’actions de soutien, de la maternelle à l’université : aide personnalisée de deux heures hebdomadaires, stages de remise à niveau en français et en maths pendant les vacances scolaires, généralisation progressive de l’accompagnement éducatif entre seize heures et dix-huit heures, pour n’évoquer que l’école primaire. L’idée serait intéressante si elle n’était gâchée par la mesure de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui entraîne une chute impressionnante du nombre d’enseignants : près de 65 400 postes supprimés depuis 2005, malgré la poussée démographique scolaire. Vous dites une chose et faites son contraire !

M. René-Pierre Signé. Les conséquences sont lourdes : efficacité contestable des aides aux élèves en difficulté, redoublement toujours trop utilisé, fermetures d’écoles ou surcharge des classes, remplacements non assurés, multiplication des heures supplémentaires, offre éducative en baisse, non-scolarisation des enfants de deux ans, sans parler d’une journée scolaire trop longue dans une semaine trop courte.

Croyez-vous sérieusement, monsieur le ministre, que la réduction du nombre d’enseignants et la suppression d’heures de cours à l’école primaire, destinée à économiser des postes, permettront d’enrayer le déclin ?

M. Roland Courteau. Certainement pas !

M. René-Pierre Signé. La politique de restriction budgétaire, reconduite et accentuée chaque année, selon une logique toute comptable, affiche sans complexe votre volonté de faire de l’école une machine à sélectionner, par une stratégie éducative de tri social.

S’il est vrai, comme vous l’affirmez – permettez-moi cependant d’en douter – que les moyens sont suffisants, les résultats, eux, ne le sont pas !

Au moment où l’école doit donner un sens à l’identité nationale, surtout dans les zones où la nationalité est découplée, où doit être affirmée la volonté du vivre ensemble, que Renan appelait joliment le « plébiscite permanent », on peut craindre que l’éducation nationale ne porte les prémices d’une école à deux vitesses, véritable machine à sélectionner : réussite pour les uns, avenir incertain pour les autres.

Monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas ce projet de budget, qui, loin de rechercher la réussite pour tous, continue à creuser les injustices. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est vraiment pas facile d’être le dernier à prendre la parole à cette heure tardive !

Je ne reprendrai pas ce qui a déjà été dit, qu’il s’agisse de la suppression nette de 16 000 emplois en 2011, et de près de 66 000 en cinq ans, des conditions de travail des enseignants et de leur formation, ou encore des auxiliaires de vie scolaire, évoqués par plusieurs intervenants. J’ai reçu, pas plus tard qu’hier, de nombreux courriers relatifs à ce dernier sujet, et il est vrai que la situation à cet égard est tout à fait anormale.

Pour ma part, j’aborderai deux thèmes qui, bien qu’importants, sont à mon avis trop souvent passés sous silence : d’une part, l’aménagement du rythme scolaire pour permettre aux élèves de faire du sport l’après-midi ; d’autre part, la protection de la vie privée des jeunes sur Internet.

L’expérimentation « Cours le matin, sport l’après-midi » trouve son origine dans une circulaire diffusée l’année dernière. Celle-ci part du principe qu’un tel aménagement du rythme scolaire « peut permettre aux élèves de mieux vivre leur scolarité, d’accroître leur motivation et leur épanouissement et contribuer ainsi à leur réussite scolaire » et qu’il permet en outre « d’améliorer le climat des établissements et d’endiguer les phénomènes de violence à l’école ». Voilà en effet une bonne chose !

Cette expérimentation va se dérouler sur trois ans et vous avez promis, monsieur le ministre, d’accorder à ce titre une dotation de 5 000 euros par établissement. Toutefois, je n’ai pas réussi à repérer cette somme dans le budget, ni pour 2010 ni pour 2011 ! Mais peut-être cette ligne budgétaire m’a-t-elle échappé.

J’aimerais savoir, monsieur le ministre, quels sont, à terme, les objectifs de cette expérimentation. S’agit-il de la généraliser ? Est-elle destinée à organiser différemment la scolarité des jeunes en difficulté ?

Je souligne l’implication des collectivités locales dans cet aménagement du rythme scolaire puisqu’elles participent au budget de fonctionnement des collèges concernés et mettent à disposition les différents équipements nécessaires tels que terrains de sport ou gymnases. Or les représentants des collectivités locales semblent absents des comités de pilotage mis en place.

J’en viens à la protection de la vie privée des jeunes sur Internet, sujet rarement évoqué.

Il faut savoir que 70 % des moins de 11 ans utilisent Internet, que 19 % des 9-10 ans et 50 % des 11-12 ans possèdent un téléphone portable. Bon nombre de jeunes sont utilisateurs des réseaux sociaux. Chacun sait aussi qu’il est possible de photographier ou filmer des scènes avec des portables, et les jeunes maîtrisent ces fonctions avec une dextérité proprement époustouflante.

Les dangers sont connus : si l’on ne prend pas de précautions, les informations mises sur les réseaux sociaux, ineffaçables, deviennent accessibles par des milliers d’amis ou prétendus amis. Or, bien souvent, les jeunes n’ont pas suffisamment conscience – pas plus d’ailleurs que bon nombre d’entre nous – que la vie privée est un capital qu’il faut préserver.

L’éducation nationale a un rôle à jouer à cet égard, non pas pour affoler les enfants en mettant seulement l’accent sur les dangers, mais pour les responsabiliser et leur faire adopter les bons réflexes sur Internet.

Je voudrais saluer ici l’initiative de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui vient d’envoyer aux 40 000 classes de cours moyen deuxième année un document de huit pages sur le thème « Protège ta vie privée sur Internet ». Y sont notamment développés les sujets suivants : « les technologies actuelles permettent de suivre les individus à la trace », « Internet est un vaste espace de liberté … mais on a aussi le devoir de respecter les autres ».

Pareil travail de sensibilisation, monsieur le ministre, ne devrait-il pas être réalisé par le ministère de l’éducation nationale ? Sincèrement, je pense que la réponse est oui.

Sans doute nous objecterez-vous qu’une telle opération pourrait entrer dans le cadre de l’opération « école numérique », que vous avez lancée l’an dernier à grands coups de trompette. Le problème, c’est que la dotation instaurée à cet effet l’année dernière a disparu du projet de budget que nous examinons aujourd’hui !

Monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l’envahissement de l’informatique dans notre vie quotidienne, l’éducation nationale a le devoir de former des citoyens responsables, capables de remettre en cause l’information qu’ils reçoivent, c'est-à-dire des citoyens libres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dix-huit mois après ma nomination au ministère de l’éducation nationale, et quelques jours après l’élargissement de mes responsabilités à la jeunesse et à la vie associative, je suis très heureux de présenter devant votre assemblée mon deuxième projet de budget pour l’éducation nationale.

J’ai en effet le plaisir de vous redire que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour relever un défi absolument majeur et passer, vous l’avez rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, de « l’école pour tous », véritable leitmotiv durant de très nombreuses années, à « la réussite de chacun ».

Je veux tout de suite rassurer les membres du groupe socialiste, en particulier M. Bodin : ce budget reste bien le premier budget de l’État, avec 60,505 milliards d’euros alloués à l’éducation nationale, soit une progression de 1,6 % par rapport à l’année dernière.

Ainsi, dans une situation économique mondiale passablement perturbée et dans un contexte budgétaire difficile pour la plupart des pays développés, notamment pour certains États européens, la France fait le choix d’augmenter encore le budget qu’elle consacre à l’éducation. Elle continue en outre de faire de l’éducation nationale le premier employeur de notre pays, avec près d’un million de fonctionnaires.

Passer de « l’école pour tous » à « la réussite de chacun » est un objectif ambitieux. Nous avons, depuis une trentaine d’années, réussi à relever un défi majeur, celui de la massification du système éducatif. Quand j’ai formulé cette remarque en commission, des sénateurs du groupe socialiste m’ont aimablement fait remarquer que j’avais déjà dit la même chose l’année dernière… Mais cela me paraît plutôt rassurant ! Cela signifie en effet que la politique que nous menons en matière éducative maintient son cap.

M. Yannick Bodin. Il y a le mur au bout !

M. Luc Chatel, ministre. Quoi qu'il en soit, aujourd’hui, le collège accueille 100 % des jeunes d’une même génération ; le lycée, 66 %, alors que, au début des années quatre-vingt, cette proportion n’était que de 22 %. Nous avons donc multiplié par trois le nombre de jeunes qui se présentent aujourd’hui au baccalauréat.

Toutefois, et vous avez été un certain nombre à le souligner, si nous avons relevé le défi de la quantité, nous n’avons pas encore – toutes les enquêtes internationales le démontrent – relevé celui de la qualité. Relever le défi de la qualité revient à faire en sorte qu’il y ait bien pour chacun une solution telle qu’il puisse trouver sa place à la sortie du système éducatif.

Dans quelques jours, les résultats pour l’année 2010 de l’enquête PISA seront dévoilés, et nous aurons à nous interroger sur notre système. L’un de nos sociologues de l’éducation, Christian Baudelot, dit souvent que la France est « le pays du grand écart », avec, d’un côté, une élite plutôt rétrécie, représentant environ 10 % de la population scolaire, mais qui possède de grandes qualités si on la compare à celle des grands pays développés, et, de l’autre, une part importante d’élèves en grande difficulté, qui représente environ 20 % de la population scolaire.

Nous avons donc devant nous une double gageure : augmenter la proportion de notre élite – dans certains pays développés, elle représente 17 % à 18 % de la population – et, en même temps, réduire celle des élèves en grande difficulté.

Cela suppose que nous agissions ensemble dans trois directions, ainsi que plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, l’ont rappelé.

D’abord, nous devons être capables de nous adapter à la diversité des élèves en personnalisant notre enseignement. Quand vous dialoguez avec des enseignants, ce que vous faites très régulièrement en tant qu’élu local, ils vous disent tous que leur plus grande difficulté est liée à l’hétérogénéité des classes. Face à vingt-cinq ou trente élèves, il faut être capable à la fois de détecter celui qui a le plus gros potentiel, pour le porter vers l’excellence, et de tenir compte de ceux qui ont de grandes difficultés, qui risquent de décrocher et de quitter le système éducatif sans qualification et sans diplôme. Eh bien, résoudre ce problème implique personnaliser notre enseignement.

Comment procéder ?

Il convient de mettre en place, tout au long de la scolarité, dès le plus jeune âge, c'est-à-dire à partir de la maternelle, une aide personnalisée. Par exemple, dans le cadre du plan de lutte contre l’illettrisme, que j’ai tenu à lancer au Salon du livre au mois de mars dernier, nous mettons en place deux heures d’aide personnalisée, qui permettront de prendre à part les élèves rencontrant des difficultés dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux. On les aide ainsi à lire et à calculer, de manière qu’ils ne quittent pas le système éducatif du premier degré sans maîtriser les bases.

Cette personnalisation des parcours, nous la développons tout au long de la scolarité, en organisant par exemple des stages de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances – plus de 200 000 élèves en ont bénéficié en 2009. Nous proposons également, au collège mais aussi dans les réseaux de l’éducation prioritaire et les écoles d’outre-mer, l’accompagnement éducatif, cette fameuse réponse à la problématique des « orphelins de 16 heures ». Plus d’un million d’élèves qui étaient jusqu’alors laissés à eux-mêmes sont désormais pris en charge, tous les soirs, pour des activités de soutien scolaire, des activités culturelles et sportives.

Bien évidemment, la personnalisation des parcours est au cœur de deux sujets que plusieurs orateurs – Mme Colette Mélot et Mme Catherine Morin-Desailly, notamment – ont évoqués : la réforme du lycée d’enseignement général et technologique, que nous avons mise en œuvre à la rentrée de 2010, et la rénovation de la voie professionnelle, qui monte en puissance après son entrée en vigueur en 2009.

S’agissant de la réforme du lycée, vous m’avez interrogé, madame Morin-Desailly, sur le processus d’orientation. Effectivement, nous avons voulu le faire évoluer pour passer d’un système couperet dans lequel, à quatorze ans, il faut décider de ce qu’on doit faire dans la vie, et pour toute sa vie, à un système progressif et réversible, qui autorise le changement de trajectoire et reconnaît le droit à l’erreur. On a le droit de se tromper ! On a le droit, à quatorze ans, de ne pas savoir ce qu’on va faire de sa vie ! On a le droit de cheminer et d’être accompagné dans ce cheminement !

L’éducation nationale doit donc être capable de construire des parcours progressifs, en proposant des changements de parcours et des passerelles. Toute la réforme du lycée est conçue autour de cette idée.

S’agissant de la voie professionnelle – je réponds ici à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, que je sais très engagée sur cette question –, nous obtenons des résultats encourageants quinze mois après la mise en œuvre de la réforme dont elle a fait l’objet.

À la rentrée de 2010, la réforme a été appliquée aux classes de première. Nous avons constaté une augmentation très significative des poursuites d’études, au niveau des élèves de BEP, celles-ci concernant 66 % d’une classe d’âge en 2010, contre 50 % en 2009. C’était l’objectif ! Nous voulons pousser davantage d’élèves vers le niveau du « bac pro », c’est-à-dire vers la qualification et l’obtention d’un diplôme. Le nombre d’inscrits en première professionnelle augmente de 40 % entre la rentrée de 2010 et celle de 2009, ce qui correspond à un effectif d’environ 47 000 élèves.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces résultats sont encourageants.

Outre la personnalisation des parcours, le deuxième axe qui doit nous permettre de relever les défis actuels est celui de l’autonomie.

Faisons confiance aux acteurs locaux ! L’éducation nationale ne peut plus être totalement pilotée depuis le 110, rue de Grenelle. Nous devons donner davantage de marges de manœuvre à ceux qui connaissent le mieux nos élèves : les chefs d’établissement, les professeurs, les acteurs locaux. Il faut faire confiance, responsabiliser, rompre avec les rigidités du système éducatif et les décisions venues d’en haut. Il faut cesser de brider les initiatives prises sur le terrain.

Accorder plus d’autonomie aux établissements, c’est ce que nous avons fait avec la réforme du lycée. Les questions du dédoublement de classe et de la dotation horaire ont été évoquées : les décisions en ces matières relèvent dorénavant, après avis du conseil pédagogique, du chef d’établissement. C’est un vrai progrès en termes d’adaptation aux situations rencontrées localement dans les établissements scolaires.

Le renforcement de l’autonomie passe également par l’expérimentation : nous devons aussi faire confiance aux acteurs locaux s’agissant de leur capacité à mettre en œuvre des réponses adaptées à la situation.

M. Gérard Longuet a rappelé l’importance du dispositif, clair, sur lequel nous misons. Aujourd’hui, nous avons donné à 105 collèges et lycées une autonomie en matière de recrutement, de projet pédagogique et de vie scolaire. Nous verrons, en fonction de l’évaluation des pratiques constatées dans ces 105 établissements, s’il y a matière à étendre le dispositif.

Quoi qu’il en soit, faire confiance aux acteurs locaux pour recruter certains professeurs, parce que ceux-ci ont choisi de travailler dans un établissement difficile, parce qu’ils ont été préparés à cela, parce qu’ils ont adhéré à un projet pédagogique, parce qu’ils se sentent à l’aise dans une équipe pédagogique, me semble être la meilleure réponse que nous puissions apporter aux difficultés rencontrées dans certains collèges ou lycées.

M. Claude Domeizel vient d’évoquer une autre expérimentation, concernant la place du sport à l’école.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Expérimentation très judicieuse !

M. Luc Chatel, ministre. Ce projet nous permet tout d’abord d’expérimenter un nouveau rythme scolaire. Mais nous savons aussi que le sport véhicule des valeurs comparables à celles de l’école : l’acceptation de la règle, le respect de l’autre, notamment de celui qui est chargé de faire appliquer la règle, la valorisation de l’effort, le travail en équipe. Ces valeurs, connues au sein des établissements scolaires, se retrouvent effectivement dans la pratique du sport.

Ainsi, 7 000 élèves bénéficient de cette expérimentation « cours le matin, sport l’après-midi », et je peux rassurer M. Domeizel : les crédits pédagogiques correspondants ont bien été intégrés à la ligne voulue, à hauteur de 5 000 euros par établissement.

Dans le cadre des expérimentations encourageant l’autonomie, je veux aussi évoquer nos internats d’excellence.

Ils offrent une vraie réponse à des élèves méritants, qui réussissent à l’école mais qui, s’ils restaient dans leur environnement familial, auraient peu de chances, nous le savons, d’aller au bout de leurs possibilités et risqueraient fort de quitter prématurément le système éducatif. En effet, je suis désolé de le dire, on a peu de chances de réussir scolairement et a fortiori d’être admis dans une grande école quand on partage un appartement de 40 mètres carrés avec sept autres personnes.

Les internats d’excellence consistent donc à proposer le meilleur à des élèves qui ont du talent et des qualités pour l’école. C’est l’esprit même de l’école de la République, tel que, je pense, nous l’avons toutes et tous en tête.

Enfin, en matière d’expérimentations et d’autonomie, il faut parler des établissements de réinsertion scolaire – ERS –, destinés à des élèves qui sont très perturbateurs et doivent être sortis de leur milieu éducatif habituel.

Je vais vous décevoir, madame Gonthier-Maurin, mais nous n’allons pas suspendre cette expérience. Nous pensons effectivement qu’il manquait un maillon dans la chaîne de réponses à la situation des élèves en grande difficulté, entre les classes relais et les établissements où des mineurs sont placés sur décision judiciaire.

Nous prévoyons, pour l’accueil de ces élèves très perturbateurs en ERS, un taux d’encadrement important, de l’ordre d’un encadrant pour un élève. Cela démontre que nous savons aussi mobiliser des moyens lorsque c’est nécessaire.

Nous poursuivrons donc cette expérimentation des établissements de réinsertion scolaire, chers au président Arthuis, comme il l’a montré dans son département de la Mayenne.

Le troisième axe de la stratégie que nous menons concerne la gestion de nos ressources humaines, pour laquelle nous développons une politique audacieuse et dynamique.

La plus belle ressource de l’éducation nationale, c’est sa ressource humaine : tous ces acteurs, ces passionnés qui travaillent pour elle. On ne s’improvise pas enseignant ! L’enseignement est un métier de passion : on s’y engage parce qu’on a une vocation !

Nous devons valoriser davantage cet engagement et c’est l’esprit du nouveau pacte de carrière que j’ai voulu sceller avec les enseignants.

Il consiste, tout d’abord, à mieux valoriser leur engagement sur un plan financier.

Je vous rappelle que, sur les économies réalisées grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, 178 millions d’euros sont redistribués aux enseignants. Cette année, nous avons augmenté les traitements de tous les enseignants ayant moins de sept ans d’ancienneté, soit 170 000 enseignants. Cela s’est traduit, très concrètement, par une augmentation mensuelle de 157 euros nets pour les professeurs stagiaires, mentionnés à plusieurs reprises par les orateurs, le jour de leur prise de fonctions, à savoir le 1er septembre dernier.

Quel pays fait aujourd’hui confiance à ses enseignants et reconnaît leur valeur au point de leur accorder, dans la crise que nous connaissons, une augmentation d’environ 10 % au moment de la rentrée scolaire ? Je n’en connais pas d’autres !

Toutefois, la reconnaissance de l’engagement des enseignants n’est pas uniquement financière.

Elle se manifeste aussi, par exemple, dans le droit individuel à la formation – le DIF – que nous avons instauré à la dernière rentrée scolaire. Ce DIF, qui existait ailleurs, mais n’était pas accessible aux personnels de l’éducation nationale, permet aux enseignants d’aller se former pendant les vacances scolaires, dans une limite de 20 heures par an, pour une réorientation professionnelle.

Nous travaillons également à une prise en compte renforcée du bien-être au travail, à travers l’accord que j’ai signé avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale. Celui-ci prévoit un accompagnement médical et un bilan de santé systématique de tous les personnels.

Nous nous intéressons à l’accompagnement tout au long de la carrière, qui s’organise autour d’entretiens d’évaluation et doit permettre aux enseignants, notamment grâce à un portail de la mobilité mis à leur disposition, de pouvoir envisager des évolutions de carrière, voire d’autres perspectives, comme celle d’une deuxième carrière. Il est essentiel de mieux les accompagner dans leur parcours professionnel.

Vous avez été nombreux à évoquer la question de la réforme de la formation professionnelle des enseignants.

Effectivement, nous avons souhaité que nos enseignants soient mieux formés – au niveau master – et mieux préparés aux défis du monde d’aujourd’hui. Cette évolution se traduit par une exigence disciplinaire forte, mais aussi par une capacité d’adaptation à l’évolution des connaissances. C’est un gage d’excellence académique pour les futurs professeurs : il s’agit avant tout de recruter les meilleurs dans leur discipline. En outre, le fait d’être recruté au niveau du master permet de bénéficier d’une initiation à la recherche et, donc, d’acquérir le désir de se perfectionner tout au long de sa carrière professionnelle.

Nous avons également voulu que la formation académique initiale au niveau soit complétée par un enseignement pratique, en mettant en place un certain nombre de stages. Il s’agit là d’une formation à la réalité de la classe, d’une formation « par » la pratique professionnelle plus que d’une formation « pour » la pratique professionnelle.

À l’issue de ce processus – 108 heures de stage au cours des deux années de master –, les stagiaires doivent disposer de méthodes de travail et avoir amélioré leur pratique.

M. Charles Revet. C’est très bien ! Indispensable !

M. Luc Chatel, ministre. Il faut ensuite mettre en place un accompagnement tout au long du parcours professionnel.

Je veux rassurer un certain nombre d’entre vous, en particulier M. Jean-Claude Carle et M. Yannick Bodin, sur ce sujet.

D’abord, nous n’avons pas enregistré plus de démissions de professeurs stagiaires cette année que l’année dernière. Ensuite, dans l’enquête que nous avons effectuée, nous avons repéré moins de 1 % de stagiaires en difficulté. Enfin, le taux de congé maladie se situe entre 3 % et 4 %, contre 5 % environ l’année dernière.

Vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous suivons de très près les indicateurs de ressources humaines, afin d’accompagner nos professeurs stagiaires.

J’en viens maintenant à un autre outil en matière de gestion des ressources humaines, que vous avez été nombreux à évoquer : les remplacements.

Considérant que le système des remplacements ne fonctionnait pas bien à l’éducation nationale, j’ai pris un certain nombre d’engagements forts dans ce domaine.

À la rentrée de 2010, nous avons assoupli les frontières des zones de remplacement et renforcé le pilotage des remplacements. Dans chaque académie, un référent a été désigné et nous disposons, dans chaque établissement scolaire, d’un pilote chargé de l’organisation des remplacements.

L’objectif est de rechercher systématiquement la solution de remplacement en interne, dès le premier jour d’absence de l’enseignant, sans attendre le fameux délai de carence, qui faisait qu’on attendait parfois pendant quatorze jours une solution qui n’arrivait jamais.

Nous avons également constitué des viviers académiques de personnels contractuels remplaçants, nous permettant, lorsque les TZR ne sont pas disponibles, de recourir à des jeunes diplômés ou à des personnes qualifiées. Par exemple, dans l’académie d’Orléans-Tours, 146 retraités ont été recrutés. Le fait qu’un jeune retraité de l’éducation nationale vienne, de temps en temps, donner quelques heures de cours en remplacement d’un professeur absent me semble entrer parfaitement dans le cadre du lien entre les générations.

Ainsi, j’ai de bons résultats à vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de remplacement. Dans le second degré, où les difficultés sont souvent plus importantes, le rendement du remplacement est en hausse : il est passé de 76 % à la rentrée de 2009 à 80 % en 2010, après trois mois d’activité. Le taux de mobilisation s’est donc amélioré grâce à la méthode mise en œuvre.

J’évoquerai à présent la question du schéma d’emplois en commençant par revenir sur la méthode.

J’ai indiqué au début de mon propos que l’éducation nationale restait à la fois le premier budget de l’État et le premier employeur public. À ce titre, compte tenu du contexte que j’ai rappelé, l’éducation nationale ne peut pas s’exonérer de l’effort collectif de réduction de la dépense publique et d’économies budgétaires qui est réalisé par le Gouvernement.

Cela étant posé, il existe deux façons de procéder.

Nous pouvions évidemment décider de fonctionner comme précédemment : l’autorité supérieure, le 110, rue de Grenelle, c’est-à-dire le ministre, décidait de la répartition des économies tirées du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – 16 000 postes – et, de manière autoritaire, nous les affections par académie, par cycle, par type d’emplois, etc.

J’ai pensé qu’il était une autre méthode qui permettait d’associer l’ensemble de nos acteurs, et en particulier nos personnels d’encadrement : les académies, les recteurs, les inspecteurs d’académie, les chefs d’établissement. Toute société humaine organisée peut être mieux structurée et gagner ainsi en efficacité. Ma conviction profonde est que l’éducation nationale peut continuer à dégager des gains d’efficacité. Ces gains, nous les obtiendrons désormais en travaillant avec les acteurs concernés. C’est l’idée qui fonde cette nouvelle méthode de gestion.

Plusieurs d’entre vous, notamment M. Longuet, sont revenus sur les corrections techniques apportées au plafond d’emplois : d’un côté, 16 000 postes sont supprimés et, de l’autre, une régularisation concerne 20 359 emplois. Ces corrections sont effectuées, je tiens à le souligner, dans un souci de transparence et de sincérité. Il me semblait en effet essentiel que l’ensemble des moyens d’enseignement effectivement consacrés aux élèves apparaissent bien dans les documents budgétaires.

Il ne s’agit pas de créations d’emplois puisque ces emplois existaient déjà, ainsi que les crédits correspondants. Simplement, ils n’étaient pas inscrits dans le plafond d’emplois ministériel. J’ai donc souhaité qu’un recensement exhaustif soit réalisé cette année.

Ainsi, dans le cadre de la réforme du recrutement des enseignants, des stages en responsabilité devant les élèves – je viens d’en parler – sont proposés aux étudiants : 5 833 emplois, qui n’avaient pas été évoqués au moment où cette réforme a été présentée, sont intégrés à ce titre.

De même, 2 900 emplois de vacataires enseignants, recrutés pour faire face aux besoins de remplacement en cours d’année n’étaient pas intégrés. Ce sont des emplois hors titre II. Il s’agit donc d’une régularisation.

M. Longuet a évoqué la mise en œuvre de CHORUS, qui modifie les modalités de décompte des supports d’agents rémunérés sur une base non indiciaire et se traduit par un ajustement du plafond d’emplois, en l’occurrence à hauteur de 1 300 équivalents temps plein.

Autre exemple : dans le programme Enseignement public du premier degré, les effectifs d’enseignants sont relevés de 5 600 emplois à compter du 1er janvier 2011, pour tenir compte des surnombres qui sont attendus au titre de l’année scolaire 2010-2011, en raison de la diminution des départs à la retraite, nettement moins nombreux que prévu, cela a été dit tout à l’heure.

Monsieur Longuet, vous posez une question très pertinente. Qu’en est-il de l’avenir de ce schéma d’emplois ? Finalement, peut-on continuer à travailler sur la personnalisation et l’autonomie avec un cap de schéma d’emplois comme celui qui a été fixé par le Gouvernement ?

Je voudrais rappeler à votre assemblée que, en 1990, 604 300 élèves de plus entraient dans le système éducatif, pour 45 267 enseignants de moins. Donc, vingt ans après, le taux d’encadrement est nettement supérieur à celui que nous avons connu au début des années quatre-vingt-dix.

M. Luc Chatel, ministre. J’ai la conviction profonde que nous pouvons continuer à mener une politique de personnalisation, d’autonomie, de motivation de nos personnels à travers la nouvelle gestion des ressources humaines, tout en prenant notre part de l’effort budgétaire collectif.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’enseignement privé et la part qui lui est réservée dans ce projet de budget pour 2011.

M. de Legge a rappelé le principe du « 80-20 » qui avait été mis en place au milieu des années quatre-vingt par l’un de mes prédécesseurs, aujourd'hui membre de votre assemblée, Jean-Pierre Chevènement. Depuis, tous les ministres de l’éducation nationale se sont tenus à cette règle non écrite selon laquelle l’enseignement privé représente, grosso modo, 20 % de l’ensemble du dispositif de l’éducation nationale.

À ce titre, la part des crédits affectés à l’enseignement privé est de 20 % du total. C’est la répartition à laquelle je me suis astreint dans la préparation du budget pour 2011. Simplement, comme l’a très bien précisé M. de Legge, l’enseignement privé présente des spécificités : tous les professeurs sont devant des élèves et il n’y a pas de surnombre ; en outre, certaines fonctions n’existent pas, tels les TZR, les RASED ou certains postes d’assistants d’éducation.

M. Yannick Bodin. Ils ne s’embêtent pas avec tout ça : les professeurs sont recrutés sur dossier !

M. Luc Chatel, ministre. Nous avons donc tenu compte de la spécificité de l’enseignement privé. Alors que le ratio de 20% aurait dû, par une stricte application comptable, aboutir à la suppression de 3 200 postes – 20 % de 16 000 – dans l’enseignement privé, nous avons déduit tous les postes que je viens d’évoquer, pour arriver à un total de 1 633. Par conséquent, 16 000 emplois sont supprimés et 1 633 concernent l’enseignement privé.

Différents orateurs ont également évoqué la question de la scolarisation des élèves handicapés. Bien que ce sujet me tienne à cœur, je serai bref car le temps me manque pour être exhaustif.

Nous accueillons actuellement 197 000 élèves handicapés dans nos écoles, en milieu ordinaire, c’est-à-dire plus de 10 000 élèves de plus que l’année dernière. Nous avons donc bien progressé en cette rentrée et nous allons continuer.

Nous avons ouvert 268 unités pédagogiques d’intégration – aujourd’hui dénommées unités localisées pour l’inclusion scolaire, ou ULIS – de plus que l’année dernière, c’est-à-dire que nous avons dépassé le cap des 2 000 unités de ce type créées.

Depuis la dernière rentrée, nous avons également ouvert 72 CLIS, classes d’intégration scolaire, concernant le premier degré, et 340 enseignants spécialisés supplémentaires sont au service des enfants handicapés.

Cela vous montre que nous mettons en œuvre le schéma d’emplois avec discernement. Lorsque des priorités s’imposent, nous n’hésitons pas à faire appel à des moyens supplémentaires.

Pour finir, je répondrai à quelques questions précises qui m’ont été posées.

En ce qui concerne le numérique à l’école, sur lequel nous allons revenir dans quelques instants, je rappelle que le Gouvernement avait lancé un plan « écoles numériques rurales » dans le cadre du plan de relance. Ce dernier est maintenant derrière nous, mais j’ai tenu à ce que nous mobilisions des moyens nouveaux dans le cadre d’un plan d’envergure sur le numérique à l’école, qui sera concentré sur les compétences de l’éducation nationale.

Nous mettons l’accent non pas sur l’acquisition de matériels, qui relève des collectivités territoriales – votre assemblée est évidemment très au fait de ces questions, notamment après le débat sur la réforme des collectivités territoriales –, mais sur la formation des enseignants au numérique et la constitution de ressources pédagogiques. C’est ainsi qu’un nouveau portail sera mis à la disposition des enseignants, que des « chèques-ressources » seront créés pour les collèges et les lycées, de manière que les professeurs puissent bénéficier de ces ressources pédagogiques nouvelles.

Je dirai un mot sur l’enseignement technique agricole, cher à Mme Férat.

Je me réjouis qu’un accord entre Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, et moi-même, sous l’autorité du Premier ministre, ait permis de ne pas changer de maquette, comme cela avait été envisagé un instant, et surtout de mettre en place de véritables synergies entre nos équipes. Cette dynamique nous permettra de travailler au plus près des réalités du terrain et de vos besoins.

Votre assemblée est, je le sais, très attentive à l’enseignement technique agricole, et je répondrai précisément à Gérard Longuet que le plafond d’emplois pour cet enseignement est de 14 876.

Monsieur Laufoaulu, certaines écoles, à Wallis-et-Futuna, sont aujourd’hui complètement inadaptées aux risques de cyclone, de tsunami ou de tremblement de terre.

Vous le savez, nous avons encore la compétence sur les investissements dans votre collectivité territoriale, et les financeurs, notamment l’Union européenne, ne s’engageront dans des travaux lourds de mise aux normes des établissements que si ceux-ci sont à l’abri des risques en question. Cela signifie que nous devons engager une réflexion globale sur le nombre d’établissements, leur taille, leurs équipements, leur implantation, en concertation avec l’ensemble des habitants.

Enfin, concernant la renégociation de la convention prévoyant de déléguer l’enseignement primaire à la mission catholique, le préfet a installé, le 20 octobre dernier, une commission de réflexion sur la rédaction de cette future convention, commission aux travaux de laquelle vous participez, monsieur le sénateur. Le vice-recteur organise des réunions chaque mois sur ce sujet. Je veillerai bien entendu à ce que de bonnes conditions soient réservées, dans le cadre de ce renouvellement, à l’enseignement primaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, en cette période difficile pour de nombreux Français, notre société a plus que jamais besoin d’école. En effet, le savoir ou les compétences que l’on acquiert, et qui se concrétisent par l’obtention d’un diplôme, sont d’abord des armes anti-crise.

Dans cette société de la connaissance, notre école doit être en mesure d’évoluer, d’innover, d’expérimenter, de s’adapter au monde d’aujourd’hui. C’est précisément les orientations du budget que je vous propose d’adopter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 73 quater (nouveau)

M. le président. Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

État b

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

61 905 592 899

61 794 779 866

Enseignement scolaire public du premier degré

18 041 381 861

18 041 378 200

Dont titre 2

17 992 044 010

17 992 044 010

Enseignement scolaire public du second degré

29 414 678 794

29 414 667 497

Dont titre 2

29 262 954 828

29 262 954 828

Vie de l’élève

3 948 199 070

3 883 575 448

Dont titre 2

1 769 799 984

1 769 799 984

Enseignement privé du premier et du second degrés

7 082 258 209

7 082 202 629

Dont titre 2

6 335 469 799

6 335 469 799

Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 122 299 598

2 081 971 177

Dont titre 2

1 348 786 685

1 348 786 685

Enseignement technique agricole

1 296 775 367

1 290 984 915

Dont titre 2

819 643 987

819 643 987

M. le président. L'amendement n° II-241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

Vie de l'élèveDont Titre 2

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

392 537

321 664

392 537

321 664

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

7 7367 736

7 7367 736

TOTAL

400 273

400 273

SOLDE

- 400 273

- 400 273

La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Le présent amendement vise à minorer de 400 273 euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, les crédits de la mission « Enseignement scolaire », afin de tirer les conséquences de l’ajustement des transferts de compétences à certaines régions et, en particulier, au syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.

Cette minoration se répartit entre une baisse de 392 537 euros des crédits du programme 214, Soutien de la politique de l’éducation nationale, et une baisse de 7 736 euros des crédits de personnel hors compte d’affectation spéciale « Pensions » du programme 143, Enseignement technique agricole.

Ces ajustements concernent donc le transfert au STIF des services de l’éducation nationale qui sont en charge de l’organisation et du fonctionnement des transports scolaires, ainsi que le transfert aux régions de personnels techniques, ouvriers et de service de l’enseignement technique agricole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Le rapporteur est très impressionné par la maîtrise des finances publiques dont fait preuve le Gouvernement à travers cet amendement, et plus particulièrement par les 7 736 euros qui sont retirés du programme Enseignement technique agricole en raison du déplacement des personnels TOS. (Sourires.)

L’avis est favorable, monsieur le ministre. Étonné, mais favorable ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, tout d’abord, je ne veux pas croire que chaque projet de budget soit l’occasion de cibler le STIF et la région Île-de-France. Il semblerait pourtant que cela devienne presque une manie…

Ensuite, la compensation des transferts de charges aux collectivités territoriales par l’actualisation des taux de la TIPP ou des crédits de la dotation générale de décentralisation et de la dotation globale d’équipement reste très théorique. Vous savez très bien que les collectivités territoriales ne s’y retrouveront pas, comme nous l’avons souligné à l’occasion de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

En d’autres termes, les prétendues compensations ne couvrent pas les charges qui sont régulièrement transférées depuis un certain temps aux collectivités, et le décalage ne fait que s’aggraver d’année en année.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple du transfert des personnels TOS, que j’ai personnellement suivi au sein de la région Île-de-France. Au moment où il a été envisagé de transférer ces personnels aux collectivités, le ministère de l’éducation nationale a commencé par ne plus pourvoir les postes vacants et n’a plus créé aucun poste de TOS. Ensuite, quand il s’est agi d’évaluer la masse salariale pour ajuster le montant de la compensation financière, il n’a été tenu aucun compte de l’évolution des carrières.

Voilà pourquoi, au final, la gestion des personnels TOS coûte beaucoup plus cher aux régions et aux départements que le montant des aides ou des compensations versées par l’État. Et le retard, loin d’être comblé au fil des ans, s’accumule.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons absolument pas voter un amendement qui, une nouvelle fois, alourdit la charge des départements, des régions, mais aussi, en l’occurrence, des communes, alors que l’État se désengage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-241.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-148, présenté par M. Legendre, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2 

25 000 000

25 000 000

25 000 000

25 000 000

Vie de l’élèveDont Titre 2 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2 

Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2 

25 000 000

25 000 000

Enseignement technique agricoleDont Titre 2 

TOTAL

25 000 000

25 000 000

25 000 000

25 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. La commission de la culture est particulièrement attachée à cet amendement, qui vise à financer le prolongement du dispositif des écoles numériques rurales,…

M. Charles Revet. C’est une nécessité !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. … lequel avait été engagé, il est vrai, dans le cadre du plan de relance.

Au printemps 2009, a été lancé un programme d’équipement numérique d’écoles situées dans des communes de moins de 2 000 habitants, dont les moyens sont généralement limités. Il s'agissait de doter les écoles rurales d'ordinateurs, de tableaux interactifs et autres matériels informatiques, pour assurer l'égalité de tous les élèves, sur l’ensemble du territoire national, face à l'enjeu de la maîtrise des nouvelles technologies. En contrepartie, il a été demandé aux communes de concourir au financement en assumant certaines charges comme l’abonnement Internet à haut débit de l’école.

Doté initialement de 50 millions d'euros, pour financer l'équipement de 5 000 écoles, ce plan a finalement, compte tenu de l'ampleur des demandes émanant de communes rurales volontaires, bénéficié de 67 millions d'euros.

Alors même que de nombreuses communes rurales doivent encore être équipées, aucune prolongation financière de ce plan n’est prévue dans le projet de loi de finances pour 2011. Vous venez d’indiquer, monsieur le ministre, que l’éducation nationale ferait quelques efforts dans les domaines qui relèvent directement de sa compétence, mais nous savons que, faute de poursuivre ce plan, de nombreuses écoles en milieu rural ne pourront pas être équipées avant longtemps.

Nous avons tous constaté, lors de nos déplacements, l’intérêt des élèves et l’enthousiasme des enseignants pour ce dispositif et nous voulons absolument donner aux écoles situées en milieu rural la chance de pouvoir en bénéficier.

Voilà pourquoi nous proposons de prélever 25 millions d'euros sur les sommes très importantes qui sont provisionnées pour payer les heures supplémentaires. Il ne s’agit que d’un trait de plume, mais il permettra, cette année, de poursuivre cet effort en faveur de quelque 2 500 communes supplémentaires.

Nous espérons, monsieur le ministre, que vous serez favorable à cet amendement, qui apparaît particulièrement légitime à l’ensemble des membres de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis, applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est très partagée. L’école numérique rurale, fille du plan de relance, est en effet un succès, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission de la culture, mais cet enfant, parfaitement légitime, pose toutefois deux problèmes à la commission des finances.

Premièrement, si le dispositif « écoles numériques rurales » a permis d’apporter un soutien à des communes ou à des regroupements intercommunaux qui, en son absence, n’auraient certainement pas pu accéder à ce type d’équipements, il a aussi créé une sorte de précédent qui vient contrarier la répartition traditionnelle des responsabilités entre, d’un côté, le ministère de l’éducation nationale, lequel prend en charge les salaires des enseignants – en l’occurrence ceux du primaire –, et, de l’autre, les communes, qui assument les dépenses relative aux équipements. Or le présent amendement rompt avec ce principe.

Deuxièmement, vous proposez, monsieur Legendre, de gager cet amendement par un redéploiement des crédits destinés à financer les heures supplémentaires des professeurs de l’enseignement secondaire, lesquelles s’inscrivent dans ce vaste et pertinent projet qu’est la réforme des lycées.

Nous serions naturellement enclins à émettre un avis favorable sur cet amendement, qui constitue assurément un progrès. Il n’en est pas moins contraire à la logique traditionnelle de répartition des charges entre les collectivités et l’État et, par ailleurs, il pourrait affecter le projet de l’État de mettre en place un enseignement plus suivi et plus personnalisé au lycée.

Cela étant, je reconnais que l’effort demandé, qui s’élève à 25 millions d’euros, ne représente qu’une faible part du budget consacré au financement des heures supplémentaires dans les lycées, qui mobilise 1 milliard d’euros.

La commission aimerait donc recueillir votre avis, monsieur le ministre. Sans doute le suivra-t-elle, si vous savez être convaincant ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Je reconnais que cet amendement est séduisant pour l’élu rural que je suis. Je n’ignore pas le succès du plan que vous avez évoqué, monsieur Legendre, puisque près de 8 000 écoles ont pu être équipées en tableaux blancs interactifs ou en chariots roulants d’ordinateurs portables grâce aux moyens exceptionnels dégagés par l’État. Pour ces écoles, c’est incontestablement un grand progrès.

Tout à l’heure, Catherine Morin-Desailly rappelait que le niveau d’équipement numérique des écoles restait insuffisant dans notre pays, ce retard ayant d’ailleurs motivé le plan numérique que je viens de lancer.

Mais les arguments avancés par M. Longuet sont tout aussi pertinents.

D’abord, le plan de relance avait par nature vocation à être limité dans le temps, mesdames, messieurs les sénateurs. Le projet de budget que vous examinez actuellement met d’ailleurs fin à de nombreuses dispositions du plan de relance. Du reste, la principale source de réduction du déficit budgétaire pour l’exercice 2011 réside dans l’arrêt de mesures exceptionnelles qui avaient été prises à la suite de la crise de 2008-2009.

Ensuite, il y a peu, vous avez longuement débattu de la question des partages de compétences entre les différents niveaux de collectivités. Comme l’a rappelé M. Longuet, le législateur a voulu, dans les premières lois de décentralisation, qu’il a adoptées voilà plus de vingt-cinq ans et qui ont depuis été confirmées à plusieurs reprises, séparer les responsabilités entre, d’une part, l’État, qui prend en charge les aspects éducatifs et pédagogiques, y compris les salaires des enseignants et, d’autre part, les collectivités, qui assurent toute la dimension matérielle, dont relèvent notamment les investissements dans les bâtiments et les achats de fournitures.

En dehors du cadre exceptionnel du plan de relance, l’État peut-il continuer à investir dans le matériel ? Je suis certes sensible au fait que ces 25 millions d’euros permettraient d’équiper 2 500 écoles, mais je rappelle que notre pays compte 55 000 écoles, dont plus de la moitié sont des écoles rurales. Je vous laisse imaginer la masse des crédits qu’il faudrait mobiliser pour financer l’équipement de toutes ces écoles !

Je voudrais toutefois proposer une solution de repli au président Legendre.

En premier lieu, d’après les contacts que nous avons pu avoir, le commissariat aux investissements d’avenir, qui travaille sur l’équipement numérique, ne serait pas insensible à la question de l’équipement des écoles en milieu rural. Cette institution pourrait donc fournir une première source de financement.

En second lieu, dans le cadre du plan numérique que je viens d’annoncer, l’éducation nationale a décidé de renforcer ses partenariats avec les associations d’élus et de collectivités territoriales, notamment l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France. Les conventions-cadres que nous sommes en train de rédiger reposent notamment sur un partenariat qui consiste, pour l’État, à renforcer son engagement sur son cœur de métier, à savoir la formation des enseignants et les ressources pédagogiques, et, pour les collectivités territoriales, à investir en contrepartie dans les équipements.

Nous pourrions ainsi conclure avec l’AMF un accord aux termes duquel les communes s’engageraient à investir dans l’équipement numérique, en contrepartie des moyens déployés par l’État concernant les ressources pédagogiques et la formation des enseignants.

En conclusion, cet amendement me séduit en tant qu’élu local, mais je peux difficilement y être favorable en tant que ministre de l’éducation nationale, compte tenu du précédent qu’il pourrait créer en matière d’investissements dans des compétences qui ne sont pas celles de l’État.

En conséquence, l’avis est plutôt défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Je ne peux pas retirer cet amendement, monsieur le ministre.

Les solutions de repli que vous proposez ne présentent aucune garantie.

Par ailleurs, nous ne demandons pas que les 25 millions d’euros de crédits que nous proposons de dégager soient utilisés dans les mêmes conditions que dans le cadre du plan « écoles numériques rurales », mais qu’ils servent à poursuivre l’effort engagé. Nous devons continuer à amorcer ce grand mouvement, qui s’avère absolument indispensable.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Nous avons, nous aussi, une double lecture de cet amendement. En effet, nous sommes partagés.

Le plan d’équipement des petites écoles rurales est un vrai succès. Il a impulsé une dynamique dans nos territoires ruraux. Il correspond à ce que nous défendons tous : l’égalité des territoires et des moyens.

Aujourd’hui, nous sommes au milieu du gué. Il y a, d’une part, les collectivités et les écoles qui ont pu être équipées et, d’autre part, toutes celles qui, aujourd’hui, aimeraient pouvoir bénéficier d’un prolongement de ce plan.

Nous approuvons l’intérêt et la nécessité de ce plan, mais ce qui nous pose problème, c’est bien évidemment la source de son financement. Il est fait appel à une ligne budgétaire relative aux heures supplémentaires.

Lors de la réforme des lycées, on nous a expliqué que le choix avait été fait de recourir aux heures supplémentaires, absolument nécessaires pour la mise en place de cette réforme ambitieuse, plutôt que de l’appuyer sur de nouveaux postes.

On le voit donc bien, il n’est pas question de création de postes.

Même si nous reconnaissons l’intérêt d’équiper les écoles rurales, cette façon de déshabiller Pierre pour habiller Paul ne peut nous satisfaire. Nous ne pouvons « opposer », si je puis dire, l’égalité des territoires ruraux et l’ambition légitime de réussite du grand projet de réforme des lycées.

Telle est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Sur le principe, on ne peut qu’être favorable à la proposition d’abonder les crédits en faveur du prolongement du dispositif des écoles numériques rurales, qui a été engagé dans le cadre du plan de relance.

Lancée sur l’initiative du ministère en 2009, ce dispositif a suscité beaucoup d’intérêt, puisque 7 000 communes de moins de 2 000 habitants en ont bénéficié.

Cet intérêt s’explique par le fait que les écoles françaises disposent d’un ordinateur seulement pour douze élèves et ont moins de 30 000 tableaux interactifs.

Ces chiffres nous situent très en deçà par rapport à la plupart des pays voisins.

Point plus préoccupant, il existe une grande disparité d’équipement entre les territoires, ce qu’avait d’ailleurs mis en lumière un rapport de la Cour des comptes en décembre 2008.

Force est de constater, de ce point de vue, une absence de politique et d’ambition à l’échelon national. Ce sont les collectivités territoriales qui financent les ordinateurs, les logiciels, les connexions au réseau. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce plan avait reçu une grande écoute et avait recueilli un tel succès.

Monsieur le ministre, à l’occasion du Salon européen de l’éducation, vous avez annoncé un plan pour le numérique à l’école. Celui-ci déclencherait, notamment, la mise en œuvre de chèques ressources numériques pour les établissements, permettant à ces derniers d’acquérir des ressources numériques pédagogiques. Qui financera ces chèques ?

Vous venez d’indiquer que vous aviez eu l’engagement de pouvoir créer des coopérations avec des associations d’élus, notamment avec l’Association des maires de France, l’AMF. Là encore, je m’interroge. Chacun, dans cette enceinte, connaît l’état des ressources des collectivités territoriales : demandera-t-on encore à ces dernières des efforts supplémentaires sans leur donner l’assurance d’une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire ?

Il serait donc utile de réfléchir à la création d’un budget pérenne destiné à équiper les écoles et à développer l’usage du numérique. Il convient de se donner les moyens d’une véritable ambition.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je voterai cet amendement.

Chacun a rappelé l’enjeu que représentait le plan ENR et l’engouement qu’a suscité son lancement.

Si l’on interrogeait les responsables des communes qui en ont bénéficié, il se révélerait que seul un petit nombre d’entre eux saurait que le financement émanait du grand emprunt. En ne poursuivant pas cet élan, le sentiment d’injustice serait grand.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Si l’on faisait un moratoire des giratoires, on financerait tout ! (Sourires.)

M. Charles Revet. J’entends bien que les équipements relèvent de la responsabilité des communes, mais dès lors que l’opération a été lancée, qu’elle est un succès et qu’elle répond à des besoins, il faut la poursuivre. C’est l’objet du dispositif proposé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, pour explication de vote.

M. Pierre Martin. Je peux témoigner que, dans les écoles qui sont équipées, les enfants sont très intéressés et, surtout, on constate une motivation nouvelle de la part des enseignants, ce qui est un élément important.

Par ailleurs, le financement fait l’objet d’un partenariat. Aux crédits de l’État viennent souvent s’ajouter ceux du département, afin que la commune n’ait pas trop à débourser, étant entendu qu’il s’agit de petites communes rurales. Il faut encourager ce partenariat.

C’est pourquoi je voterai l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris si je vous dis que m’inscris tout à fait dans la même logique que mes collègues.

Étant maire d’une petite commune rurale, je constate à l’évidence cet engouement, mais aussi un sentiment d’injustice chez les communes qui ne sont pas équipées.

Au nom du principe d’égalité d’accès aux nouvelles technologies, j’appelle de tous mes vœux au vote de cet amendement.

J’irai même au-delà, mais peut-être est-ce présomptueux de ma part, monsieur le ministre : il serait sans doute nécessaire que ce budget soit reconduit non seulement l’année prochaine, mais également les trois ou quatre années suivantes, afin de permettre d’équiper le plus grand nombre de communes rurales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous avez dit, à juste titre, que les lois de décentralisation ont donné des compétences aux collectivités territoriales.

Néanmoins, à mon sens, le rôle de l’État est d’amorcer un certain nombre d’initiatives, comme celle dont nous débattons.

Il l’a fait en ce qui concerne 2010. Il faut poursuivre l’effort en 2011 et profiter de cet exercice pour contractualiser avec les communes.

Mais il serait risqué d’interrompre cette initiative dès 2011.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Telle est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Comme mes collègues, je soutiens cet amendement, au nom du groupe Union centriste.

Monsieur le ministre, le succès de l’opération a été grand. Les premières communes mobilisées ont eu accès immédiatement au financement. Mais, très peu de temps après, les communes voisines inscrites dans la même dynamique ont appris qu’il n’y avait plus de financement disponible.

Il conviendrait, pour le moins, que le financement des dossiers déposés soit mené à bien, par souci d’équité.

On peut jouer, bien sûr, sur les compétences des uns et des autres, mais les efforts accomplis par les collectivités territoriales vont bien au-delà de leurs strictes obligations, en matière d’investissements, en termes d’intervenants dans les domaines sportif, culturel, notamment par des financements exceptionnels à caractère pédagogique.

Tout cela ne relève pas forcément de la compétence première des collectivités territoriales. Mais, pour ces dernières, la frontière peut être dépassée quand il s’agit de l’intérêt de l’enfant et de la mise en œuvre de pratiques indispensables.

Le numérique en fait partie et, je le redis, il me paraît très important de prendre en compte cette dimension. Ne l’oublions pas, selon un classement de la Commission européenne, nous sommes le vingt-quatrième pays sur vingt-sept dans le domaine de l’équipement numérique. Tout le monde doit y mettre un peu du sien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l’évidence, je suis séduit par l’amendement présenté par le président de la commission de la culture, M. Legendre, mais le gage proposé me paraît incertain.

Monsieur le ministre, nous avons eu à nous prononcer sur un décret d’avances faisant apparaître une insuffisance de crédits de 370 millions d’euros pour rémunérer vos collaborateurs, et ce pour l’année 2010.

Par conséquent, j’émets l’hypothèse que les marges de manœuvre pour 2011 ne doivent pas être considérables.

Je ne suis donc pas sûr que le gage proposé permette de financer cet équipement numérique, dont je ne sous-estime cependant pas l’intérêt.

Par ailleurs, le recours à l’emprunt national pour les investissements d’avenir ne doit pas être une façon de compenser des insuffisances budgétaires. Il n’a été conçu que pour des investissements d’une autre nature.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À titre personnel, je suis donc extrêmement réservé sur le crédit de ce gage, monsieur le président Legendre.

J’ai le sentiment que les crédits de personnels sont juste à niveau, et pas plus. Aussi, prélever 20 millions d'euros, c’est prendre le risque de ne pas disposer des crédits suffisants en fin d’année 2011 pour rémunérer les collaborateurs de M. le ministre de l’éducation nationale.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Je suis l’élu d’un département proche du vôtre, monsieur le ministre, et qui a apprécié la mise en place des écoles numériques rurales.

Pour autant, je tiens à rappeler que les circonstances sont tout à fait exceptionnelles. Le Gouvernement, réagissant avec raison à la crise économique de l’automne 2008, a lancé un plan de relance en 2009.

Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans cette logique.

J’ai des responsabilités politiques : je préside un groupe auquel beaucoup de mes collègues appartiennent. Ils ont applaudi debout le Premier ministre rappelant le devoir de rétablir les finances publiques.

Mes chers collègues, comme l’a souligné le président de la commission des finances, nous voyons bien que ce gage s’impute sur un budget dont nous ne sommes absolument pas certains qu’il permette de financer toutes les dépenses qui sont au cœur de la responsabilité de l’État, c'est-à-dire de payer les enseignants pour développer une politique de personnalisation de l’enseignement et de réussite individuelle de chacun des élèves.

C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues – mais je n’en voudrais à personne de ne pas me suivre ! –, par cohérence avec la logique de la commission des finances et la lutte pour réduire le déficit public et devant l’incertitude du gage, à surseoir à ce statut.

Cela me paraît d’autant plus raisonnable qu’un tel précédent en ouvrirait la voie à d’autres demandes similaires. Je ne vois absolument pas pourquoi nous n’aurions pas, demain, des demandes reconventionnelles, récurrentes ou complémentaires de collectivités locales dans ce domaine des équipements.

Je vous mets donc en garde, mes chers collègues. Nous voulons le bien des écoles, des enfants, des enseignants et, à cet égard, je partage totalement votre sentiment, monsieur Martin. Toutefois, nous devons tenir compte d’une logique de répartition des responsabilités. Les collectivités locales ont leur budget, laissons-les l’assumer.

Un moratoire des giratoires permettrait peut-être d’apporter une réponse à un besoin plus immédiat, celui de la réussite de nos jeunes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-148.

Mme Françoise Laborde. Le groupe RDSE s’abstient.

Mme Françoise Cartron. Le groupe socialiste également !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le groupe CRC-SPG de même !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-147, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2 

Vie de l’élèveDont Titre 2 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2 

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2 

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

Enseignement technique agricoleDont Titre 2 

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je partage votre volonté de voir l’éducation nationale, premier employeur de France, effectuer « des gains d’efficacité », pour reprendre vos termes Cela fait quinze ans que je répète chaque année à cette tribune, lors des débats budgétaires, que l’inflation des moyens n’est pas la solution et que tant le secteur public que le secteur privé doivent participer aux efforts de productivité, proportionnellement, bien sûr, à leur importance respective.

L’amendement que je vous soumets ne traduit en aucune façon une vision idéologique de l’éducation nationale. Pour ma part, je n’oppose pas l’enseignement privé à l’enseignement public. L’enseignement privé fait partie intégrante de notre système éducatif. La liberté d’enseignement, principe auquel je suis attaché, est inscrite dans la Constitution. J’ai l’habitude des débats budgétaires, je sais que les lobbies œuvrent à cette occasion, mais cet amendement ne m’a pas non plus été dicté par l’un d’entre eux.

Je suis aujourd'hui intimement convaincu que la situation dans laquelle se trouve l’enseignement privé aura des conséquences dramatiques : elle entraînera des fermetures de classes, puis d’établissements. Ce sont souvent des établissements de proximité, situés dans des zones rurales, qui seront obligés de fermer, faute de moyens.

J’ajoute que l’effort que vous exigez de l’enseignement privé, monsieur le ministre, me paraît disproportionné par rapport à celui qui est demandé à l’enseignement public : 16 000 postes seront supprimés dans l’ensemble du système éducatif, dont 1 633 dans l’enseignement privé, soit beaucoup plus qu’au cours de l’exercice passé. Sur ces 16 000 suppressions, 5 600 correspondent à des régularisations de surnombres. Il s’agit donc de réductions non pas effectives, mais purement comptables.

Par ailleurs, vous l’avez dit vous-même, les conditions ne sont pas les mêmes dans l’enseignement privé et dans l’enseignement public. L’enseignement privé n’a pas de titulaires de zone de remplacement, ou TZR, ni d’enseignants en surnombre.

Il me semble donc souhaitable, et même nécessaire, de transférer 4 millions d’euros du programme Soutien de la politique de l’éducation nationale vers le programme Enseignement privé du premier et du second degrés. Il n’est évidemment pas question, pour reprendre les propos de Mme Blondin, de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Cette somme n’est pas prise sur les crédits de l’enseignement public.

À l’évidence, je suis guidé par le désir de maintenir l’équité entre les deux systèmes, mais j’ai surtout l’intime conviction, née de nos rencontres avec un certain nombre d’acteurs tant du public que du privé, que si nous ne transférons pas ces crédits, correspondant à 100 équivalents temps plein travaillé, les établissements privés seront dans des situations catastrophiques. Je ne souhaite pas que nous en arrivions là, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. J’ai eu l’occasion tout à l’heure de rappeler la règle qu’applique le Gouvernement en matière de répartition des crédits entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Cette règle, qui existe depuis vingt-cinq ans, a été appliquée par tous mes prédécesseurs. J’ai tenu à l’appliquer à mon tour.

Certains d’entre vous ont souhaité la remettre en question. Alors que, pendant des années, elle a été plutôt favorable à l’enseignement privé, aujourd’hui, il semblerait qu’elle lui soit défavorable. Mais c’est le principe de la règle : elle s’applique jusqu’à ce qu’elle soit rediscutée et renégociée.

La règle de répartition est simple : 20 % des effectifs égalent 20 % des crédits et des moyens. Son application comptable aboutirait à la suppression de 3 200 postes dans l’enseignement privé.

Cependant, j’ai entendu les arguments des responsables de l’enseignement privé, que vous avez très justement fait valoir, monsieur le rapporteur spécial.

L’enseignement privé a des spécificités. Certains postes n’existent pas dans l’enseignement privé, en particulier les enseignants en surnombre, les titulaires remplaçants, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.

C’est pourquoi les suppressions de postes ont été recalculées en déduisant ces postes qui n’existent pas dans le privé. Nous sommes ainsi arrivés au nombre de 1 633 non-renouvellements de personnels de l’éducation nationale pour l’exercice 2011. Je n’ai pas le sentiment, monsieur le rapporteur pour avis, qu’il s’agit là d’un effort disproportionné.

Permettez-moi d’apporter une précision sur l’évolution des suppressions de postes par rapport à l’année dernière.

Si moins de postes ont été supprimés dans l’enseignement privé l’année dernière, c’est parce que nous avions alors choisi, vous vous en souvenez, de supprimer les postes de professeurs stagiaires dans le cadre de la mastérisation. Nous ne pouvions supprimer plus de postes de professeurs stagiaires dans le secteur privé qu’il n’en existait.

Aujourd'hui, nous supprimons 1 633 postes, soit un peu plus que l’année dernière, mais cela ne correspond pas à une répartition différente des suppressions.

Par ailleurs, j’entends dire ici ou là que les élèves seraient plus nombreux dans l’enseignement privé. Or l’évolution du nombre d’élèves est exactement la même dans le public et dans le privé, soit une hausse de 0,3 % en cette rentrée dans chacun des deux secteurs. Ce critère n’interfère donc pas dans la répartition des crédits.

Enfin, monsieur le rapporteur pour avis, vous évoquez les 5 600 enseignants qui n’étaient pas devant élèves dans l’enseignement public. Certes, ils n’étaient pas devant élèves, mais il s’agissait bien d’enseignants en chair et en os, qu’il a fallu rémunérer. La situation de ces enseignants résulte de l’écart entre le nombre postes ouverts aux concours de recrutement et le nombre de départs en retraite. Elle est la conséquence de prévisions erronées et de mauvais ajustements. Ces 5 600 postes vont être résorbés.

En tout état de cause, les professeurs qui n’étaient pas devant élèves n’ont pas été pris en compte dans le calcul des suppressions de postes, par souci d’équité entre l’enseignement privé et l’enseignement public, comme vous le souhaitiez.

Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à ne pas adopter cet amendement. Je considère que l’enseignement privé et l’enseignement public ont fait l’objet d’un traitement équitable dans le cadre de la préparation de ce projet de budget.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-147 est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

Je le répète, plus que le souci de préserver l’équité entre le secteur public et le secteur privé, j’ai l’intime conviction que les établissements privés, et surtout les familles, vont connaître des situations difficiles.

D’autres que moi partagent ce point de vue, notamment – il m’a autorisé à le dire – M. le président du Sénat, avec qui je me suis entretenu de cette question et qui soutient l’initiative de la commission de la culture.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour explication de vote.

Mme Nicole Bonnefoy. Mon intervention portera non pas sur l’enseignement public et l’enseignement privé, mais sur la situation des EVS, les emplois vie scolaire, et des AVS, les auxiliaires de vie scolaire.

Un amendement visant à rétablir les crédits nécessaires au financement de ces emplois aidés a été présenté à l’Assemblée nationale par mes collègues socialistes. Il a été adopté à l’unanimité, en commission et en séance publique. Je m’en félicite, même s’il est nécessaire de travailler sur la pérennité de ces postes devenus indispensables pour l’accompagnement des élèves et le soutien au travail des enseignants.

Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des EVS-AVS actuellement en poste et dont les contrats sont renouvelables à la date du 30 novembre 2010, c'est-à-dire aujourd'hui. Voilà quelques jours, ils ont appris brutalement la fin de leur contrat.

Les crédits nécessaires au financement de ces emplois aidés ayant été rétablis par l’Assemblée nationale, il serait normal qu’ils servent en priorité à assurer la continuité de ces contrats renouvelables, faute de quoi ces personnes seront licenciées.

Les titulaires de ces contrats attendent votre réponse, monsieur le ministre. Pourriez-vous les rassurer ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.

M. Philippe Darniche. Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je soutiendrai l’amendement de M. le rapporteur pour avis, Jean-Claude Carle.

Monsieur le ministre, vos chiffres ne sont pas ceux que présentent les responsables de l’enseignement privé.

Pour être élu d’un département où l’enseignement privé représente 52 % des effectifs, ce qui est un taux élevé, je crois qu’on ne peut pas suspecter la crédibilité des objections formulées par ces responsables, qui nous ont apporté la démonstration comptable que le secteur de l’enseignement privé est aujourd'hui étranglé.

Il a déjà connu des suppressions de postes les années précédentes. Il a fait tous les efforts possibles pour se conformer à la volonté du Gouvernement et resserrer ses effectifs pour des raisons budgétaires. Il a procédé à des réaménagements particulièrement difficiles, sans mot dire.

Cependant, aujourd'hui, si ses responsables se plaignent d’un étranglement total, cela signifie que, devant le nombre insuffisant d’enseignants, ils seront dans l’obligation d’augmenter le nombre d’élèves par classe. Il en résultera naturellement une disparité importante, source d’inégalité.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’invite l’ensemble de nos collègues à voter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je pense que nous sommes tous attachés à la liberté d’enseignement et au libre choix des familles.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas la question !

M. Charles Revet. C’est un aspect très important : il est légitime qu’une famille puisse choisir l’établissement scolaire qui lui paraît adapté pour ses enfants.

Monsieur le ministre, je ne conteste pas, et d’ailleurs je n’ai pas les éléments pour le faire, la règle que vous avez rappelée de répartition des crédits entre l’enseignement public et l’enseignement privé.

Toutefois, je constate que, dans ma région, la Vendée, où l’enseignement privé n’est pas particulièrement développé, tous les établissements privés ont dû refuser des élèves au motif qu’ils ne pouvaient pas les accueillir dans des conditions normales. Il me semble que cela modifie quelque peu la donne, monsieur le ministre ! Si ces établissements avaient pu ouvrir des postes, les chiffres seraient probablement différents de ceux que vous avez indiqués.

Parce que je suis profondément convaincu que les familles doivent avoir le choix, je voterai l’amendement présenté par M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle.

M. Yannick Bodin. Le même problème se pose dans le public !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Fichet. J’ai été attendri par la plaidoirie de M. le rapporteur pour avis sur le problème des écoles privées rurales contraintes à la fermeture, ce qui entraîne des souffrances que je comprends bien.

Cependant, j’aimerais que l’on fasse preuve de la même ferveur lorsqu’il s’agit de défendre les petites écoles publiques rurales…

M. Charles Revet. Mais c’est le cas !

M. Jean-Luc Fichet. … qui, elles aussi, subissent des suppressions de postes, ce qui les contraint également à la fermeture. Elles n’assurent plus alors leur mission de service public, à laquelle nous devrions être attentifs en premier lieu.

J’indique également à M. Revet que, comme je l’ai souligné lors de mon intervention tout à l'heure, les suppressions de postes dans l’enseignement agricole empêchent aujourd'hui un certain nombre d’élèves d’intégrer ces établissements.

J’insiste donc sur la nécessité de porter la même attention à l’enseignement agricole, qui est une offre d’enseignement indispensable en milieu rural.

M. Charles Revet. Absolument !

M. Jean-Luc Fichet. Enfin, j’observe que pour pouvoir proposer une offre complète aux familles, on est prêt à ouvrir un crédit de 4 millions d’euros. C’est une attention particulièrement charitable en faveur des écoles privées. Vous n’avez pas autant d’égards envers le secteur public !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je serai brève, car beaucoup de choses ont déjà été dites, notamment par mon collègue Jean-Luc Fichet.

Oui, mes chers collègues, les suppressions de postes entraînent bien des fermetures de classes et précipitent les difficultés ! (Mme Françoise Cartron et M. Yannick Bodin acquiescent.) Or l’enseignement privé n’est pas le seul à en subir les conséquences : le secteur public est tout aussi concerné !

En tout état de cause, nous avons une nouvelle fois la démonstration que le projet de budget présenté par le Gouvernement ne permet pas de répondre aux besoins de l’école d’aujourd'hui !

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.

M. Dominique de Legge. Je souscris aux propos de notre collègue Charles Revet, et souhaite vous faire part d’un témoignage allant dans le même sens.

Dans mon département, certaines demandes d’admission en école privée ne sont pas satisfaites. Par conséquent, la règle dite des « 20-80 », que M. le ministre évoquait tout à l’heure, devrait être pondérée en fonction de la réalité, c'est-à-dire des demandes effectives des familles. Évitons de figer définitivement un seuil !

Je n’ai pas les moyens d’entrer dans une polémique sur les chiffres et les « 20-80 ». En revanche, je partage l’intime conviction de notre collègue Jean-Claude Carle.

Je n’ai pas non plus l’intention de prendre part à une querelle entre enseignement public et enseignement privé. J’observe simplement que, dans mon département, les fermetures de classes dans les établissements privés, outre qu’elles portent atteinte à la liberté de choix des familles, obligent les communes à engager des investissements extrêmement lourds. Or je ne suis pas certain que celles-ci en aient tout à fait les moyens aujourd'hui…

Le premier sujet de préoccupation des collègues maires que je rencontre est bien le financement de leurs écoles avec des taux de subventions très faibles !

Par conséquent, je milite pour une approche qui soit véritablement pragmatique. C’est pourquoi je voterai l’amendement proposé par M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Une politique d’ensemble a des contraintes. Certes, la maîtrise des effectifs de la fonction publique, que la majorité de notre Haute Assemblée soutient, ne fait plaisir à personne. Mais il s’agit d’un effort national. Est-il équitablement réparti ?

Comme M. le ministre vient de nous le rappeler, en 2011, la diminution des effectifs dans l’enseignement privé représentera 11,9 % de la baisse totale, alors que ses effectifs représentent en moyenne 20 % des effectifs totaux de l’enseignement. En clair, compte tenu de son poids réel, l’enseignement privé est proportionnellement moins sollicité.

Nous pourrions évidemment adopter l’amendement de notre collègue Jean-Claude Carle – personnellement, je n’en voudrais à personne de le voter –, mais cela aurait pour effet de remettre en cause la cohérence d’ensemble d’une politique.

Sincèrement, sauf à vouloir décourager M. le ministre de mener une politique courageuse, il ne me semble pas possible de soutenir l’amendement de mon excellent collègue Jean-Claude Carle.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Nous connaissons toute l’histoire de l’enseignement privé et de l’enseignement public en France ; c’est une histoire à présent séculaire.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Elle est même multiséculaire, mon cher collègue ! L’enseignement existait avant Jules Ferry. Il était dispensé par l’église catholique, apostolique et romaine dans toutes les communes de France avant la Révolution !

M. Yannick Bodin. En effet, monsieur le rapporteur spécial !

Au sein de la Haute Assemblée, il nous est arrivé de nous opposer avec une certaine violence sur la question des relations entre enseignement public et enseignement privé.

Et puis, à certains moments de l’Histoire, les accords qui sont intervenus ont permis à la « paix », si je puis employer ce terme, de s’installer. Il y avait bien longtemps que nous n’avions pas rouvert ce dossier pour en débattre aussi longuement.

Pourquoi le faire maintenant, alors que la position de M. le ministre, même si je n’accepte pas la logique consistant à supprimer des postes, est pour une fois équilibrée ?

Mes chers collègues, ne rouvrons pas un certain nombre de plaies !

Comme l’a souligné mon collègue Jean-Luc Fichet, les difficultés des écoles rurales et les risques de fermetures de classes que vous évoquez concernent aussi bien l’école publique que l’école privée. Toutes deux sont confrontées à des problèmes de cette nature en raison des contraintes budgétaires qui nous sont infligées aujourd'hui.

C’est pourquoi je souhaiterais que nous n’ayons pas à nous prononcer sur cet amendement et que, sur un tel sujet, nous continuions à avoir des échanges pacifiques.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Mme Françoise Cartron. Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement.

Tout au long de la soirée, on nous a parlé de la nécessité d’une rigueur budgétaire et d’un esprit de responsabilité. L’état de nos finances publiques étant alarmant, on nous a expliqué qu’il fallait contribuer à résoudre de telles difficultés grâce l’arme que représentent les « gains d’efficience ».

Or ceux qui ont expliqué cela font à présent le contraire au travers de deux amendements !

Alors que nous-mêmes avions dénoncé la difficulté de mettre en œuvre ces règles de réduction d’effectifs, vous nous dites maintenant que l’application de ces dernières à l’école privée empêcherait certains enfants d’être admis dans les établissements d’enseignement.

Mais le problème est identique dans l’enseignement public, mes chers collègues !

Des enfants de trois ans sont refusés dans les écoles maternelles, faute de places et de personnels ! D’ailleurs, d’après les statistiques, c’est plus particulièrement le cas dans les quartiers difficiles, où les besoins sont pourtant les plus importants !

Je pense que, en l’occurrence, nous devrions appliquer le principe de parallélisme des formes.

Monsieur le ministre, vous nous avez fait la démonstration que la règle que vous appliquiez était juste, en appliquant les mêmes critères à l’enseignement privé et à l’école publique.

Dès lors, sauf à remettre en cause la politique globale de réduction budgétaire et de « gains d’efficience », je ne vois pas comment nous pourrions voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-147.

(L'amendement est adopté.)

M. Yannick Bodin. On parlera de la loi « Carle » !

M. le président. L'amendement n° II-145, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2 

Vie de l’élèveDont Titre 2 

1 000 0001 000 000

1 000 0001 000 000

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2 

Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2 

1 000 0001 000 000

1 000 0001 000 000

Enseignement technique agricoleDont Titre 2 

TOTAL

1 000 000

1 000 000

1 000 000

1 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Lors de la discussion générale sur les crédits de la mission, j’évoquais les médecins et les infirmières scolaires, qui jouent, me semble-t-il, un rôle aussi important que les enseignants. En effet, leur intervention permet souvent de « déminer » – passez-moi l’expression – des situations susceptibles de dériver et d’avoir de lourdes conséquences.

Or ces professions manquent d’attractivité. J’ai mentionné tout à l’heure le traitement brut mensuel des médecins scolaires débutants, qui s’élève à 1 755 euros, mais le problème se pose également pour les infirmières scolaires.

Il importe donc de rendre ces métiers plus attractifs afin d’avoir un recrutement plus important.

Certes, la contractualisation avec des médecins libéraux ou des infirmières libérales est peut-être une solution. Mais, aujourd'hui, je pense que nous devons adresser un signal aux médecins et aux infirmières scolaires.

Je vous propose donc un amendement tendant à mobiliser un million d’euros en ce sens. Là encore, il s’agit non pas de l’inscription de fonds supplémentaires, mais d’un redéploiement de crédits entre deux programmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. L’appel à la sagesse est général. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.

Mme Maryvonne Blondin. Nous avons été fort nombreux à déplorer la pénurie de médecins scolaires, à regretter leur trop faible rémunération et à dénoncer leurs conditions de travail, qui sont de plus en plus lourdes.

Aucun poste de médecin scolaire n’a été ouvert depuis 2006, c'est-à-dire depuis plusieurs années. Or la situation des élèves et, plus généralement, de notre société a beaucoup évolué.

Pour assurer un suivi médical relativement rapproché, il faudrait créer 700 postes de médecins. Cela correspond grosso modo aux 700 ETPT – il s’agissait de vacataires – qui, en 2006, effectuaient de telles tâches et permettaient ce suivi.

Toutefois, je pense que cela ne suffirait pas. Il faudrait également, me semble-t-il, revaloriser la grille indiciaire des personnels concernés, pour l’ensemble des catégories et à tous les échelons.

Par ailleurs, ces professionnels souhaitent voir leurs compétences reconnues en matière de santé publique. Ils sont en effet particulièrement bien formés dans ce domaine. La mise en place de la coordination des acteurs médicaux par les agences régionales de santé, les ARS, pourrait inciter certains de ces professionnels à se diriger vers la médecine scolaire.

M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle vient d’évoquer la possibilité de recours à la profession libérale. Or c’est là une véritable crainte pour les personnels médicaux de l’éducation nationale, qui - ils l’ont déjà exprimé – ne veulent ni d’une privatisation ni d’une introduction de l’activité libérale dans le service public de l’enseignement !

Vous l’avez compris, il faut un véritable plan de relance pour rendre les postes de médecine scolaire plus attractifs. Nous y sommes favorables.

Cependant, et je rejoins les remarques que mes collègues ont formulées sur ce point, cet amendement ne prévoit pas d’engager des crédits supplémentaires. L’auteur de cet amendement nous propose de prélever les crédits, au sein du programme 214 de Soutien de la politique de l’éducation nationale, sur les moyens des rectorats et des inspections académiques dans le cadre de l’action « Pilotage et mise en œuvre des politiques éducatives », laquelle est déjà touchée par une baisse de ses crédits de 13 %, puisqu’ils passent de 414 millions d’euros en 2010 à 361 millions d’euros en 2011 !

En raison de ces difficultés liées aux crédits, nous nous abstiendrons.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous partageons unanimement le constat de M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle, concernant la médecine scolaire.

Deux chiffres ont été avancés tout à l’heure dans le débat : on compte plus de 1 200 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves.

Tous les syndicats de l’éducation nationale ont d’ailleurs interpellé la représentation parlementaire sur l’extrême gravité de la situation de la médecine scolaire. Ils ont souligné, notamment, l’indécence des salaires des médecins.

L’amélioration de la situation de ces médecins devra passer par la revalorisation de leur statut et de leurs rémunérations. Je rappelle que, en 2008, les effectifs de médecine scolaire ont été amputés de 20 %. Résultat, la proportion d’élèves ayant bénéficié du bilan santé, dans la sixième année, continue de chuter : 73,5 % en 2005 et seulement 66 % en 2009.

Je comprends le souci de M. le rapporteur pour avis. Cependant, j’ai le sentiment que l’on continue à ne pas prendre la mesure de la situation ni des actions qui devraient être engagées. En effet, ce ne sont pas de simples réajustements, alimentés par des redéploiements, qui pourront améliorer sensiblement la situation.

Une fois de plus, tout cela témoigne de l’inéquation du budget qui nous est proposé. En conséquence, je m’abstiendrai.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-145.

Mme Françoise Laborde. Le groupe RDSE s’abstient.

Mme Maryvonne Blondin. Le groupe socialiste également !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le groupe CRC-SPG de même !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 73 quater qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Enseignement scolaire

Article 48 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article additionnel après l'article 73 quater (début)

Article 73 quater (nouveau)

Au plus tard le 30 juin de chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les moyens financiers et en personnels consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves handicapés.  – (Adopté.)

Article 73 quater (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article additionnel après l'article 73 quater (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 73 quater

M. le président. L'amendement n° II-221 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Beaufils et Didier, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 73 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au plus tard le 30 avril 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport dressant un état des lieux de la carte des formations de l'enseignement agricole technique et détaillant les moyens financiers et en personnels consacrés à l'enseignement agricole public et privé et leur évolution depuis 2005.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Depuis plusieurs années, l’enseignement agricole est en état de choc du fait d’une insécurité budgétaire insupportable. Les arbitrages et les pratiques budgétaires successifs ont, en effet, instauré la pénurie du fait des suppressions de postes, d’une sous-évaluation dramatique du plafond des emplois, tant enseignants qu’administratifs, de gels ou de reports de crédits.

Cette situation se traduit sur le terrain par une profonde dégradation de l’offre de formation, des refus d’élèves, une déstabilisation de la carte scolaire. C’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs exercices budgétaires, le Parlement a adopté des mesures d’urgence pour apporter des corrections.

Au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, tous les rapporteurs pointent du doigt les limites d’une telle politique, qui met en péril la pérennité de cet enseignement dont chacun s’accorde à reconnaître l’excellence en termes d’insertion professionnelle et de remédiation. Ainsi, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat s’interrogent « sur la soutenabilité d’une telle politique à moyen terme ».

Pourtant, et cela a été dit, cent quarante-cinq nouvelles suppressions d’emplois interviennent, alors que les effectifs scolarisés augmentent.

En outre, le budget souffre, cette année plus que jamais, d’un manque de lisibilité et de transparence, ainsi que de l’absence d’éléments relatifs à l’exécution budgétaire de 2010. Se pose, en effet, la question du respect des engagements votés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 et du moratoire sur les suppressions de postes dans l’enseignement agricole public annoncé par le ministre de l’agriculture.

Lors du débat budgétaire de l’année dernière, un amendement est venu abonder de 50 ETPT le plafond d’emplois d’enseignants du programme 143, ce qui correspondait, selon les engagements pris par le ministre, à 150 emplois physiques à la rentrée de 2010.

À la lecture des documents concernant le projet de budget pour 2011, force est de constater que, si les 50 ETPT votés l’année dernière ont bien été abondés, l’extension de cette mesure en année pleine n’a pas eu lieu.

Ainsi, ces effectifs dégelés existent bien, les enseignements devant se poursuivre jusqu’en juin, mais ils ne sont pas comptabilisés sur le budget pour 2011. Nous n’avons donc aucun moyen de vérifier la réalisation des engagements votés au Parlement ni aucune trace du moratoire dans le projet annuel de performance, le PAP. C’est un comble, quand on est en mesure de nous dire que 3 ETPT ont été transférés de l’éducation nationale pour une classe de fleuristes !

La même opacité règne sur la répartition des suppressions d’emplois : on indique la suppression de 100 postes d’enseignants et de 45 postes de personnels administratifs. Or, dans son rapport, M. le rapporteur spécial souligne que le ministère de l’agriculture a « envisagé de faire supporter l’essentiel des suppressions d’emplois sur les personnels enseignants », ce qui lui fait écrire que le PAP « ne présente dès lors pas une image tout à fait fiable de la politique d’emploi dans l’enseignement agricole pour 2011 ».

Toutes ces raisons ont donc motivé le dépôt de cet amendement, qui vise à doter les parlementaires d’un rapport dressant un état des lieux précis de la carte des formations de l’enseignement agricole technique et détaillant les moyens financiers et en personnels qui lui sont consacrés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Mon collègue, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, Bruno Le Maire, vous l’aurait également dit, madame le sénateur.

Je vous rappelle qu’il existe un Observatoire national de l’enseignement agricole créé en 1996, qui est présidé aujourd’hui par M. Henri Nallet, ancien ministre. Cette instance a justement pour objet de produire des études et des recherches sur l’enseignement agricole public et privé. Ses travaux sont objectivées et rendus publics.

En outre, un Panorama de l’enseignement agricole est réalisé chaque année par le ministère de l’agriculture. Je vous invite à consulter sur le site internet de ce même ministère les données d’évaluation.

Quant aux éléments d’exécution budgétaire de 2010, ils seront disponibles au travers du rapport annuel de performance qui sera transmis au Parlement au printemps prochain.

Pour toutes ses raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-221 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Article additionnel après l'article 73 quater (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 1er décembre 2010, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011).

Examen des missions :

Outre-mer (+ articles 77 à 77 quinquies)

MM. Marc Massion et Éric Doligé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 18) ;

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 113, tome III) ;

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome IV) ;

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome VII).

Sport, jeunesse et vie associative (+ article 87 quater)

M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 30) ;

MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 114, tome VIII).

Recherche et enseignement supérieur (+ article 78)

MM. Philippe Adnot et Philippe Dominati, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 22) ;

MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 114, tome VII) ;

MM. Michel Houel et Daniel Raoul, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome VI).

Santé (+ articles 86 bis à 86 nonies)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 26) ;

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 113, tome V).

Engagements financiers de l’État

Compte spécial : participations financières de l’État

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 12) ;

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome VIII).

Provisions

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 21).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 1er décembre 2010, à une heure vingt-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART