Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

Secrétaires :

Mmes Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux.

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

MM. Thierry Foucaud, le président.

3. Candidature à un organisme extraparlementaire

4. Transmission du projet de loi de finances pour 2011

5. Renvoi pour avis

6. Loi de finances pour 2011. – Discussion d'un projet de loi

Discussion générale : M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

M. Yvon Collin.

7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

8. Candidature à un organisme extraparlementaire

9. Loi de finances pour 2011. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite) : Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. Thierry Foucaud, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Fourcade, Nicolas About, Mme Marie-France Beaufils, MM. Éric Doligé, Jean-Jacques Jégou, François Marc, Bernard Vera, Jean-Paul Virapoullé.

Suspension et reprise de la séance

MM. Bernard Angels, Philippe Dominati, François Rebsamen, Edmond Hervé.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

11. Communication relative à une commission mixte paritaire

12. Organisation de la discussion budgétaire

MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le président.

13. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

Mme Sylvie Desmarescaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mon rappel au règlement porte sur le droit d’amendement.

Il paraît nécessaire, avant d’entamer la discussion budgétaire, non seulement d’insister sur les prérogatives du Parlement, mais aussi de rappeler à l’ordre le Gouvernement. En effet, hier, à l’Assemblée nationale, ce dernier a une nouvelle fois bafoué le Parlement et méprisé les députés, y compris ceux de sa propre majorité.

En abusant de la pratique de la seconde délibération, qui aboutit de fait à un vote bloqué – il s’agissait de supprimer une quarantaine d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale –, le Gouvernement, par l’entremise de François Baroin, ministre du budget, a une nouvelle fois eu recours à une procédure qui fait violence aux assemblées.

Cela intervient après le recours, ici même, au Sénat, à la procédure du vote bloqué lors de l’examen du projet de loi portant réforme des retraites, et après les pressions inadmissibles, à la limite des pratiques républicaines, exercées sur les sénateurs pour qu’ils valident d’extrême justesse le projet de réforme des collectivités territoriales, si majoritairement contesté.

La preuve en est donc une nouvelle fois apportée, le Gouvernement considère que le débat parlementaire est inutile.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, à quoi bon entamer la discussion si nous savons que toute proposition, même mineure, sera retoquée par le Gouvernement ? À quoi bon mener le débat parlementaire ? Quel est désormais le sens de celui-ci ?

Nous demandons donc solennellement que le Gouvernement s’engage dès maintenant à prendre réellement en compte les travaux du Sénat.

Vous l’aurez bien sûr compris, ma démarche n’est pas partisane. Elle concerne le respect des assemblées, du principe de la séparation des pouvoirs et, tout simplement, de la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein d’un organisme extraparlementaire.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Jacques Pignard pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, en remplacement de M. Jean-Léonce Dupont.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Transmission du projet de loi de finances pour 2011

M. le président. J’ai reçu aujourd’hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.

Le projet de loi est imprimé sous le numéro 110, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances et pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.

5

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2011 (n° 110), dont la commission des finances est saisie au fond est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires sociales et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

6

 
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2011

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2011 (projet n° 110, rapport n° 111).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre du budget.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur, avec Christine Lagarde, de vous présenter le projet de loi de finances pour 2011, approuvé hier par l’Assemblée nationale.

Compte tenu de l’état de ma voix, je vous demande un peu d’indulgence à mon égard. Au demeurant, cela n’a rien à voir avec la séance d’hier à l’Assemblée nationale, qui s’inscrivait pleinement dans l’application du règlement de cette assemblée, lequel autorise le Gouvernement à solliciter une seconde délibération.

En matière de finances publiques nationales et, plus généralement, européennes, il y a un avant-crise et un après-crise. Incontestablement, la crise économique aura eu un effet important sur l’état de nos finances publiques. Le transfert de dettes de la sphère privée vers la sphère publique, la crise grecque, l’attaque menée cette année contre l’euro – Christine Lagarde évoquera certainement ce point au cours de son intervention – ont renforcé notre détermination à mener une politique vertueuse en matière de finances publiques.

Nous devons absolument réduire le déficit public de façon importante. La reprise sera d’autant plus pérenne qu’elle sera soutenue par le redressement de nos finances publiques.

Nos objectifs en matière de réduction du déficit nous ont conduits à effectuer des choix responsables, justes et équitables, comme nous le démontrerons au cours du débat devant la Haute Assemblée.

Je laisserai à Christine Lagarde le soin d’expliquer l’impact réel de la crise sur les caisses de l’État.

Je rappellerai simplement que, dans le cadre d’un effondrement des recettes fiscales, nous avons fait le choix courageux de ne pas augmenter les impôts afin de permettre aux amortisseurs sociaux de jouer leur rôle. Notre pays a pu ainsi traverser la crise le moins mal possible.

Je m’arrêterai quelques instants sur les objectifs définis dans ce projet de loi de finances en matière de réduction des déficits publics, ce qui me permettra de décrire la méthode retenue dans ce texte.

Pour l’année prochaine, la réduction du déficit de l’État sera de l’ordre de 60 milliards d’euros, soit près de 40 %. C’est une baisse historique. Parce qu’il tourne le dos à des années d’augmentation du budget de l’État, parce qu’il appelle un véritable changement des mentalités et des habitudes à l’égard de la dépense publique, le budget 2011 marquera l’histoire de nos finances publiques.

Cette réduction du déficit, ce dernier passant de près de 150 milliards d’euros à 92 milliards d’euros en 2011, s’explique par la combinaison de la maîtrise des dépenses, du redressement des recettes et de la fin de mesures exceptionnelles, tels le plan de relance de l’économie et les investissements d’avenir essentiellement.

Concernant le déficit public, nous nous sommes fixé un objectif intangible : passer de 7,7 % du PIB en 2010 à 6 % en 2011. Une telle réduction ne s’est jamais vue non plus dans les cinquante dernières années. C’est un effort considérable.

Certains doutent de notre capacité à y parvenir. Nous nous efforcerons d’apporter tous les arguments contraires. J’aimerais rappeler que, voilà un an, on nous accusait déjà d’insincérité et d’irréalisme lorsque nous prévoyions une croissance de 0,75 % et un déficit de 8,5 % du PIB pour 2010. Pourtant, cette année, nous faisons davantage : 1,6 % de croissance et 7,7 % de déficit ! Ces chiffres montrent que la stratégie économique et financière mise en place depuis de nombreuses années est indiscutablement en train de produire ses fruits.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est nul besoin de recourir aux grands auteurs de la pensée économique pour savoir que les déficits d’aujourd’hui sont les dettes de demain et les impôts d’après-demain. C’est bien la raison pour laquelle notre détermination en matière de réduction des déficits doit être sans faille et sans faiblesse, quels que soient les débats que nous pouvons avoir ici ou là. C’est un choix politique et c’est un choix économique. C’est également une question de souveraineté, comme l’a souvent rappelé le Premier ministre. Je crois qu’il est tout à fait en phase avec la réalité de ce que peuvent représenter ces déficits comme épée de Damoclès sur les générations actuelles et suivantes.

Concernant les axes définis pour réduire les déficits, sur lesquels nous allons engager le débat, deux possibilités s’offraient à nous : soit augmenter les impôts, soit réduire les dépenses, voire faire les deux, ce qui pourrait être tentant pour certains. Il est incontestable que, lorsque la dépense publique d’un pays représente plus de 56 % de sa richesse nationale, c’est l’axe prioritaire sur lequel il faut intervenir.

Le Gouvernement a écarté l’augmentation d’impôt pour deux raisons.

Il s’agit d’un engagement du Président de la République depuis 2007, et nous le tiendrons. Nous refusons cette facilité, d’autant qu’il existe, comme je le disais à l’instant, de véritables marges de manœuvre du côté de la baisse des dépenses publiques.

Il s’agit également d’un choix économique. La France a le triste privilège d’appartenir au peloton de tête mondial pour son niveau de prélèvements obligatoires. Ce serait donc irresponsable d’augmenter encore davantage ces prélèvements. Nous n’augmenterons donc ni l’impôt sur le revenu, ni l’impôt sur les sociétés, ni la TVA.

Notre pays détient également un record en termes de dépense publique. C’est l’un des niveaux les plus élevés au monde. Notre seul levier d’action pour réduire nos déficits est donc la maîtrise de la dépense dans la durée.

Les moyens de l’État feront l’objet d’une réduction en termes réels puisqu’ils seront stabilisés en valeur. L’inflation étant estimée à 1,5 % en 2011, il s’agit d’une baisse réelle des dépenses de l’État. Cette stabilisation en valeur, hors dette et pensions qui sont des dépenses héritées du passé, est un premier axe de travail et d’action sur l’une des sources essentielles de dépense publique qu’est l’État. Nous travaillerons également sur les sources de dépenses que constituent la sécurité sociale et les collectivités locales.

Une telle diminution des dépenses est inédite dans l’histoire budgétaire de notre pays. Cette baisse n’est pas ponctuelle, et la règle du « zéro valeur » sera maintenue les années suivantes.

Comment, concrètement, allons-nous réduire les dépenses de l’État ? Nous allons jouer aussi bien sur les dépenses de fonctionnement que sur les dépenses d’intervention. Nous réduirons le train de vie de l’État à travers la première et la deuxième phase de la révision générale des politiques publiques. À titre d’exemple, je citerai la politique de réduction du parc automobile de l’État, la mise en place d’un service des achats de l’État, la mutualisation en matière de logistique et de services informatiques…

Nous poursuivrons la réduction des effectifs dans la fonction publique, qui a déjà permis de supprimer 100 000 postes depuis 2007. Nous avons opté pour un nombre de suppressions équivalent dans le budget triennal – 97 000 postes –, alors même que les départs en retraite commencent à être un peu moins importants.

Dans ce contexte, nous allons aussi poursuivre toutes les mesures d’économie additionnées les unes aux autres. Pour le ministre du budget, il y a non pas de petites économies, des économies symboliques, mais une addition d’efforts partagés à la mesure des moyens des uns et des autres.

La baisse des dépenses de l’État ne se fera pas à l’aveugle. Certains budgets seront préservés – je pense aux budgets de la justice, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de la sécurité intérieure – au sein même d’un budget contraint avec des choix à effectuer. Nous définissons des priorités en les mettant en lumière.

Pour la sécurité sociale, la réforme des retraites, la reprise de la dette sociale par la CADES et la maîtrise renforcée des dépenses, notamment celles de l’assurance maladie, permettront de maintenir la trajectoire fixée.

Nous prévoyons que l’ONDAM, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, évoluera à un rythme historiquement bas : 2,9 % en 2011 après 3 % en 2010. Pour la première fois depuis 1997, l’ONDAM a été respecté en 2010.

S’agissant des collectivités territoriales, je ne doute pas que nous aurons un débat utile et efficace sur ce sujet avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs. Il y aura une stabilisation en valeur des concours de l’État hors fonds de compensation de la TVA. C’était une demande des élus à laquelle le Gouvernement a répondu. Le FCTVA évoluera donc librement en fonction de l’investissement réalisé par les collectivités locales. La clause de revoyure de la réforme de la taxe professionnelle permettra d’assurer la péréquation horizontale, tout aussi nécessaire. En cela, le projet de loi de finances tire les conséquences de certaines de vos recommandations.

J’ajoute, enfin, que la structure de l’enveloppe des concours de l’État aux collectivités locales a été largement bouleversée du fait de plusieurs réformes : la réforme de la fiscalité locale ; l’instauration de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la cotisation foncière des entreprises en lieu et place de la taxe professionnelle ; la réforme du circuit des amendes de police.

Notre stratégie d’inflexion de la dépense repose ensuite sur la réduction des dépenses fiscales. Vous le savez, la réduction des niches sociales et fiscales devrait permettre un gain de 10 milliards d’euros. C’est bien supérieur à l’objectif de notre programme de stabilité qui fixait une réduction de 2 milliards d’euros par an pendant trois ans.

Travailler sur les niches, c’est encore travailler sur les dépenses. Nous pouvons avoir des débats sur tel ou tel point, mais réduire de 10 milliards d’euros les niches fiscales, c’est réduire de 10 milliards d’euros les dépenses de l’État sous forme d’exonération ou de crédit d’impôt.

Construire un budget revient donc naturellement à opérer des choix. Dans un souci d’équité, l’effort de maîtrise des dépenses sur les uns et les autres s’efforce, naturellement – je dis bien « naturellement » –, de protéger les publics les plus fragiles. Nous préservons le RSA dont la vocation est d’être un véritable « bouclier social » en favorisant l’activité et en luttant contre la pauvreté. Il continuera sa montée en puissance en 2011 et au cours des années suivantes.

S’agissant des niches fiscales et sociales, il a été décidé de supprimer celles qui bénéficiaient aux particuliers employeurs et aux structures agréées, et, en contrepartie, de préserver intégralement les avantages fiscaux. Je rappelle, concernant cette mesure qui a fait l’objet de débats, qu’elle ne touchera pas les publics les plus défavorisés. Je prends cet exemple car il est révélateur : voilà un dispositif qui bénéficiait d’avantages de nature fiscale et de nature sociale. Nous avons fait le choix de préserver les avantages fiscaux et de remettre en cause les avantages sociaux.

Je voudrais souligner un point important concernant la politique de réduction des niches fiscales. L’objectif est de protéger notre État-providence et notre politique de redistribution : 70 % des gains réalisés en réduisant les niches fiscales et sociales, soit près de 7 milliards d’euros, seront affectés aux organismes de sécurité sociale. Cela correspond évidemment à un souci de préservation d’un modèle auquel nous sommes très attachés. Ce dernier, pendant la crise que nous venons de traverser, a été mis en difficulté mais a aussi montré ses vertus. Il doit être réformé et protégé en termes d’endettement pour permettre aux générations suivantes de bénéficier des mêmes efforts de solidarité et de redistribution que ceux dont nous avons profité.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, nos choix s’inscrivent dans la continuité de notre stratégie mise en place depuis la crise. Ils sont intangibles et clairs : réduire le déficit public, baisser les dépenses publiques, ne pas augmenter les impôts. Ils montrent que nous protégeons les plus fragiles. Nos choix sont cohérents – nous avons en tout cas la faiblesse de le penser.

Ce budget est le socle sur lequel nous devons, après cette crise difficile, retrouver la croissance. Le Gouvernement propose une vision à long terme. Notre système fiscal est complexe et marqué par des particularités, et tout le monde s’accorde sur la nécessité de le réformer. Le Président de la République a proposé aux Français que le Gouvernement présente une réforme de la fiscalité du patrimoine par le biais d’un projet de loi de finances rectificative au printemps 2011. C’est un engagement qui a été pris et qui sera respecté. Ce sera un complément très précieux et très utile au projet de loi de finances pour 2011 et à la loi de programmation des finances publiques que vous avez d’ores et déjà votée. L’objectif de cette réforme est simple : avoir une fiscalité équitable, acceptable, acceptée par tous, et assurer une meilleure compétitivité de notre pays dans un contexte international très concurrentiel.

Nous aurons également un rendez-vous avec un collectif budgétaire assez dense. Il y sera question de la révision des valeurs locatives. Nous commencerons par les baux commerciaux. Nous traiterons également du soutien apporté aux conseils généraux des départements en difficulté.

Vous le voyez, les travaux de nature à réduire le déficit, à améliorer la compétitivité et à exprimer la solidarité de l’État vis-à-vis de nos partenaires comme les collectivités territoriales qui sont parfois dans la difficulté nous permettront de nous retrouver.

Je vous remercie encore de votre compréhension pour un souffle qui manque mais une voix qui ne me fera pas défaut longtemps, car je sais la qualité des débats qui nous attendent. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, j’organiserai mon propos tout d’abord autour de l’examen de la situation macroéconomique de la France et des atouts dont cette dernière dispose pour améliorer sa sortie de crise ; je me concentrerai ensuite sur trois objectifs majeurs qui sous-tendent l’articulation de ce projet de loi de finances pour 2011.

S’agissant de la situation macroéconomique actuelle de notre pays, la sortie de crise est très clairement d’ores et déjà avérée, comme le montrent les chiffres de la croissance aux deuxième et troisième trimestres. Au deuxième trimestre 2010, je vous le rappelle, la croissance du produit intérieur brut français a été de 0,7 %, après 0,2 % au premier trimestre. Au deuxième trimestre de 2010, pour la première fois depuis la crise de 2008, l’investissement des entreprises a progressé. Je rappelle que, pendant la période de crise, c’était le facteur de croissance qui s’était effondré le plus brutalement et le plus gravement.

Au troisième trimestre – les chiffres viennent de tomber –, la croissance a atteint 0,4 %. C’est un chiffre qui consolide l’entrée dans l’après-crise et qui est intéressant car, si on l’examine attentivement, on s’aperçoit que la consommation a augmenté deux fois plus vite qu’au deuxième trimestre : elle est de 0,6 % alors qu’elle était auparavant de 0,3 %.

L’investissement des entreprises continue de progresser, même si ce n’est pas dans les mêmes proportions qu’au deuxième trimestre 2010. Nous avions alors eu un effet de base extrêmement important.

On s’aperçoit également – et c’est fort intéressant dans le contexte d’une des mesures que nous proposons dans ce projet de loi de finances – que les Français ont recommencé à investir dans le logement.

Je pense que la croissance du deuxième semestre 2010 sera au moins aussi bonne que celle du premier semestre 2010. En effet, les perspectives pour le quatrième trimestre 2010 sont bien orientées, comme l’indiquent la plupart des enquêtes de conjoncture.

La France est donc bien en sortie de crise, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure. Je me souviens encore d’un certain nombre de commentaires critiquant la politique économique qui nous ont été adressés. À ceux qui disaient : « votre plan de relance est insuffisant », je réponds que nous avons injecté 45 milliards d’euros dans l’économie française entre 2009 et 2010, soit 2,4 % du PIB, mesure qui a été jugée « appropriée » par le FMI. À ceux qui nous disaient : « les banques ont été privilégiées », je réponds simplement que, dans cette relance indispensable, nous devions réamorcer les circuits financiers, et que l’État français y gagne au passage 2,4 milliards d’euros en intérêts sans avoir pris le moindre risque ; nous aurions certes pu prendre un risque nous offrant des potentialités de plus-values, mais c’était un risque.

À ceux qui nous reprochaient alors de ne pas soutenir suffisamment la consommation des ménages, moteur de la croissance française, qui nous invitaient à faire plus, je répondrai que, contrairement à ce qui s’est passé dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, la consommation des ménages n’a pas connu le moindre trimestre de baisse dans notre pays.

Grâce à notre politique économique et au plan de relance, la France a mieux traversé la crise que ses partenaires. Ainsi, alors que l’activité économique de l’Allemagne s’est effondrée de 4,7 % en 2009, celle de la France n’a baissé que de 2,6 %.

Nous avions dit que nous sortirions de la crise dès lors que l’économie française recommencerait à créer de l’emploi, lequel mobilise toute notre attention.

Depuis le début de cette année, la France a créé plus de 100 000 emplois nets, cependant que l’emploi salarié a rebondi au troisième trimestre – 44 600 postes créés, après 24 000 postes créés au deuxième trimestre de 2010. Nous avons d’ores et déjà dépassé l’objectif que nous nous étions assigné dans la loi de finances pour 2010, à savoir la création par l’économie française de 80 000 emplois. Nous sommes donc sur une tendance positive.

Plus généralement, le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, après avoir connu un pic à 9,6 %, est maintenant redescendu à 9,3 %. Ainsi, trimestre après trimestre, ce taux décroît dans notre pays.

Là encore, je me rappelle les incantations de certains, qui affirmaient que le taux de chômage atteindrait 11 % ; or les politiques que nous avons mises en place et la vigueur de nos entreprises nous ont permis de faire face à la crise.

Alors que nous sommes en train de sortir de la crise, que constatons-nous dans l’ensemble des économies des pays développés ?

D’abord, le chômage s’est accru dans l’ensemble de ces pays : il a augmenté non seulement dans les pays de la zone euro, mais aussi aux États-Unis, où le taux de chômage frise les 10 %, ce qui n’était pas arrivé depuis des décennies.

Ensuite, l’endettement public de la plupart des pays développés a crû, parfois dans des proportions très fortes : l’augmentation représente 40 points de produit intérieur brut aux États-Unis et 20 points en Europe. Cet endettement était évidemment nécessaire, parce que l’État était le seul à même de relancer la machine économique.

Enfin, le centre de gravité de l’économie mondiale s’est déplacé vers l’Est, et probablement vers le Sud. Si l’on en juge par les prévisions de croissance notamment pour la Chine, le Brésil ou la Russie, un certain nombre des pays émergents deviendront à terme les moteurs de l’économie mondiale.

Dans cette sortie de crise, la France dispose de six atouts pour lui permettre de rebondir.

Premièrement, sa demande intérieure, mesurée par la croissance de la consommation, est toujours restée positive et dynamique : elle ne s’est pas tarie sur un seul trimestre pendant la période de crise.

Deuxièmement, le territoire français reste attractif pour les investisseurs. La demande mondiale qui lui est adressée devrait croître de 11,8 % en 2010 et de 7,7 % en 2011.

Ce matin, j’assistais à la présentation par l’Agence française pour les investissements internationaux des chiffres des investissements étrangers en France : on comptabilise 639 nouveaux projets d’investissements, dont 62 % représentent une création nette de valeurs, ce qui est équivalent aux chiffres de 2007, c'est-à-dire avant le déclenchement de la crise.

Troisièmement, nous sommes parvenus à maîtriser l’inflation, qui a atteint 1,5 % en 2010. C’est une bonne nouvelle à la fois pour notre économie – c’est un signe de stabilité – et pour le pouvoir d’achat des ménages, car une inflation faible et maîtrisée favorise la consommation.

Quatrièmement, la France a jusqu’à présent préservé sa signature d’émetteur souverain sur les marchés, ce qui lui permet de financer et de refinancer sa dette dans des conditions particulièrement favorables. Au-delà de nos sensibilités politiques, nous devons tous, collectivement, être très attentifs au maintien de la qualité de cette signature.

Cinquièmement, notre démographie est relativement favorable, avec le deuxième niveau de fécondité d’Europe. C’est un élément fondamental en science économique, l’un des seuls sur lesquels il soit possible d’établir des prévisions.

Enfin, sixièmement, notre croissance est bien orientée si on la compare avec celle des pays du pourtour méditerranéen. Nous tablons ainsi sur une progression du produit intérieur brut de 1,5 % en 2010 – c’est acquis – et de 2 % en 2011.

J’entends déjà certains faire observer que notre prévision de croissance est supérieure, alors que la demande mondiale adressée à la France ne progressera que de 7,7 % en 2011, contre environ 11 % en 2010. En fait, nous considérons qu’un certain nombre de réformes que nous avons engagées porteront leurs fruits, libéreront les énergies créatrices de valeur dans notre pays et nous permettront de répondre beaucoup plus efficacement qu’à ce jour à la demande intérieure.

J’en viens maintenant aux grandes priorités de ce projet de budget pour 2011 qu’a présenté à l’instant François Baroin.

La première priorité de notre politique économique, c’est l’emploi, bien sûr. En la matière, notre objectif est de ramener avant la fin de l’année 2012 le taux de chômage à ses niveaux d’avant-crise, avec une attention particulière portée aux jeunes et aux seniors, ce qui n’est pas antinomique.

Cet objectif est ambitieux, mais il peut être atteint. Ainsi, le retour aux créations d’emplois depuis le début de l’année 2010 et la baisse du taux de chômage nous conduisent à réviser à la hausse nos prévisions pour 2010-2011 : alors que nous tablions sur 80 000 créations d’emplois, ce sont finalement 100 000 emplois qui seront créés.

En octobre dernier, j’indiquais devant l’Assemblée nationale que cette estimation était prudente. Mon optimisme n’a pas été pris en défaut, car cet objectif a été dépassé dès le troisième trimestre.

La prévision du projet de loi de finances pour l’emploi total, soit plus 167 000 emplois non salariés et emplois aidés en 2010, sera donc sans aucun doute dépassée cette année.

Pour 2011, le redressement des créations d’emplois devrait se poursuivre avec plus 160 000 emplois dans le seul secteur marchand et plus 228 000 emplois au total, en incluant le secteur non marchand. Là encore, je considère, au vu des évolutions récentes constatées, que nos estimations peuvent être confortées. Je ne les révise pas par prudence, mais nous sommes tout à fait dans une prévision conservatrice.

Nous allons tout faire pour accentuer cette tendance, en jouant sur deux leviers.

Premièrement, nous allons nous mobiliser sur la formation professionnelle. Aux termes de la profonde réforme qui a été adoptée par le Parlement et qui entre en vigueur, la collecte des fonds sera rationalisée et l’offre de formation sera en meilleure adéquation avec les besoins de l’économie. Ce sera un grand chantier pour l’année 2011.

Deuxièmement, nous voulons soutenir les formations en alternance, en particulier l’apprentissage des jeunes, domaine dans lequel nous avons obtenu de bons résultats. Cet instrument a fait ses preuves, et c’est pourquoi nous allons poursuivre notre politique en la matière.

La deuxième priorité de notre politique économique, sur laquelle s’est exprimé François Baroin, est la résorption des déficits.

Pour de multiples raisons, à la fois politiques et économiques, nous poursuivrons avec vigueur et détermination la réduction des déficits.

Sur le plan politique, c’est une question de souveraineté nationale.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il est indispensable que notre pays ne se retrouve pas à la merci de tel ou tel financeur ou refinanceur, victime de ses desiderata, par l’effet d’une dette qui serait devenue trop lourde à porter et dont nous ne pourrions assurer convenablement le remboursement.

C’est aussi une question de justice à l’égard des générations futures, car nous ne pouvons pas éternellement vivre à crédit et faire porter à ces dernières le poids de la dette.

Mme Nicole Bricq. Et la CADES ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Enfin, sur le plan de la politique économique, il est évidemment nécessaire de rétablir la confiance, notamment celle des agents économiques, afin que ces derniers ne constituent pas une épargne de précaution au motif d’une mauvaise gestion des finances publiques.

M. François Marc. Il fallait commencer en 2007 !

Mme Christine Lagarde, ministre. J’évoquais dernièrement ce sujet avec mon homologue allemand, alors que nous débattions des politiques de réduction tendancielle des déficits et de la dette.

Alors que nous sortons de la crise, après avoir légitimement creusé les déficits et accru notre endettement, nous devons en revenir à des méthodes de fonctionnement beaucoup plus raisonnables qui nous permettent d’atteindre les trois objectifs que je viens de mentionner. Nous devons le faire par une maîtrise stricte et durable des dépenses budgétaires de l’État et – nous l’espérons – des collectivités locales, et un effort sans précédent de réduction des dépenses fiscales et des niches sociales, comme vient de l’indiquer François Baroin.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !

Mme Christine Lagarde, ministre. Pour y parvenir, nous proposons dans ce projet de loi de finances une série de mesures courageuses : des mesures de financement de la réforme des retraites, auxquelles prendront part l’ensemble des acteurs, y compris les patrimoines les plus taxés puisque nous avons relevé d’un point l’impôt sur les hauts revenus et sur les revenus du capital, nonobstant le bouclier fiscal et l’application de toute autre mesure d’exonération ; des mesures de financement de la dette sociale, qui mettent à contribution principalement le secteur de l’assurance ; des mesures de réduction du déficit de l’État.

Parmi ces dernières mesures, je n’en citerai que trois.

Premièrement, nous avons décidé de réduire les avantages fiscaux en faveur de l’énergie photovoltaïque. Cette décision, parfaitement légitime, ne trahit aucune hostilité de la part de Bercy à l’égard du Grenelle de l’environnement et de la nécessaire politique en faveur de l’environnement et de la croissance durable ; simplement, nous avons considéré que les objectifs en la matière ont été atteints et qu’il n’est pas nécessaire, dans ces conditions, de maintenir des avantages fiscaux pouvant conduire à des excès et à des abus.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxièmement, nous supprimons le régime de faveur accordé, par dérogation, aux offres dites triple play en matière de TVA, dont le coût, du fait de l’évolution technologique, a été multiplié par trente en quatre ans, passant de 27 millions d’euros en 2006 à 835 millions d’euros en 2010. Il était indispensable de recadrer cet avantage, justifié à l’époque où il avait été mis en place.

Troisièmement, nous avons procédé à la réduction homothétique – le « rabot » – de 10 % d’un ensemble de niches fiscales. Cette mesure n’est pas assimilable à une augmentation d’impôt dans la mesure où ce sont les contribuables qui ont délibérément « choisi » de profiter de ces niches.

Nous avons donc fait le choix de privilégier la réduction des dépenses fiscales par rapport à l’augmentation générale des impôts, que nous refusons. C’est une question d’efficacité économique et de justice.

À cet égard, le Gouvernement est bien évidemment sensible à la nécessité d’équilibrer l’effort entre les ménages, d’une part, et les entreprises, d’autre part. Ainsi, ces dernières contribueront à hauteur de 60 % à cet effort en 2011, et à plus de 50 % en 2012.

Notre troisième priorité, sur laquelle je m’attarderai un peu plus longuement, est la compétitivité de notre économie.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Dans un monde qui, comme je l’indiquais tout à l’heure, change fondamentalement avec l’apparition de multiples centres de gravité et l’émergence des nouveaux pôles de concurrence que sont les pays émergents, notre compétitivité dépend de la capacité de notre économie à se positionner en haut de la chaîne de valeur dans tous les secteurs d’activités et de notre aptitude à conserver sur le territoire français notamment des activités à haute valeur ajoutée, mais pas seulement : ainsi, les centres de recherche et développement peuvent nous permettre de nous maintenir en haut de cette chaîne, mais à condition qu’une base industrielle puisse nourrir leurs efforts dans ce domaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous le savez pour avoir beaucoup contribué à ces évolutions, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons pris, depuis 2007, un certain nombre de mesures dans le cadre de cette politique économique et fiscale destinée à améliorer notre compétitivité. Je me réfère là aux investissements d’avenir – le grand emprunt –, à la modification en profondeur de notre fiscalité locale, avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale, plus intelligente et ciblée sur l’encouragement du secteur industriel et des PME, et, évidemment, au crédit d’impôt recherche, sur lequel je reviendrai dans un instant.

Nous avons aussi intensifié notre politique de soutien à l’exportation. Les PME et les entreprises de taille intermédiaire doivent impérativement exporter plus. L’affirmer ne suffit pas, il faut aussi repositionner les acteurs publics soutenant l’exportation. Ainsi, nous avons profondément modifié Ubifrance pour en faire un acteur compétitif et efficace auprès des entreprises. Nous avons également modifié les instruments financiers d’aide à l’export, afin que nos entreprises soient en capacité d’affronter les marchés extérieurs et de s’y implanter.

Les mesures que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2011, centré sur la compétitivité des entreprises, visent à intensifier ces efforts de réforme structurelle, en agissant dans trois directions.

Le premier volet a trait aux mesures en faveur de l’investissement.

S’agissant de l’investissement immobilier des ménages, comme je l’indiquais tout à l’heure, les chiffres du troisième trimestre de 2010 démontrent que les ménages ont recommencé à investir dans la pierre.

Avec Benoist Apparu, nous avons refondu les trois régimes existants – le crédit d’impôt pour les intérêts d’emprunt, le dispositif du Pass-foncier prévoyant une taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit pour la construction de certains logements, et le prêt à taux zéro – pour créer un nouveau prêt à taux zéro amélioré et simplifié, dont nous espérons qu’il sera moins coûteux budgétairement et plus efficace vis-à-vis des Français souhaitant continuer à investir dans l’immobilier.

S’agissant de l’investissement des entreprises et de sa dynamisation, nous avons engagé, d’abord avec Luc Chatel puis avec Christian Estrosi, un travail de concertation avec les entreprises dans le cadre des états généraux de l’industrie. Le but recherché est la détermination des dispositifs les plus efficaces pour soutenir l’investissement.

Nous avons parlé de la contribution économique territoriale, qui permet de mieux cibler les investissements que nous souhaitons solliciter. Mais, bien évidemment, nous trouvons parmi ces dispositifs le crédit d’impôt recherche, qui, de l’avis de tous les investisseurs étrangers, est l’un des facteurs majeurs d’attractivité du territoire français.

Vous connaissez le diagnostic, mesdames, messieurs les sénateurs : la France souffre d’une insuffisance de la recherche privée ; c’est l’effort de recherche et développement qui conditionne notre croissance à long terme ; l’enjeu est donc absolument stratégique pour notre pays, eu égard à la concurrence mondiale que j’évoquais tout à l’heure.

À ce stade de mon intervention, je voudrais donc plaider en faveur du crédit d’impôt recherche, qui, tant dans son architecture que dans ses effets, est probablement l’un des outils fiscaux de politique économique les mieux calibrés, examinés et analysés.

À cet égard, je tiens à saluer la préparation d’un certain nombre de rapports sur la question, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au sein de l’Inspection générale des finances ou de votre commission des finances. Je pense notamment, monsieur le président Arthuis, à l’excellent rapport de M. Christian Gaudin.

Dans tous ces rapports, on trouve sensiblement les mêmes cinq conclusions, que je voudrais rappeler brièvement.

M. François Marc. Ça coûte cher !

Mme Christine Lagarde, ministre. La question est la suivante : cette mesure rapporte-t-elle gros ?

Mme Nicole Bricq. À certains, oui ! Il y a des effets d’aubaine !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous disposons d’éléments de réponse sur ce point. J’insiste une nouvelle fois sur le fait que le crédit d’impôt recherche est l’un des rares outils fiscaux dont on mesure avec un peu de sérieux les effets. Mais ce n’est pas parce qu’on en mesure les effets qu’il faut impérativement décapiter le dispositif !

Première conclusion, un euro de crédit d’impôt recherche génère de un à trois euros de dépenses de recherche supplémentaires. À ceux qui dénoncent un effet d’aubaine, je réponds donc que ce n’est pas du tout le cas : les entreprises qui utilisent le crédit d’impôt recherche multiplient leurs investissements personnels.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En Europe centrale !

Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxième conclusion, un euro investi dans le crédit d'impôt recherche se traduit par une augmentation du produit intérieur brut de deux euros à l’horizon de quinze ans. Voilà pour le retour sur investissement !

Troisième conclusion, en 2008, première année d’application de la réforme du crédit d’impôt recherche, on a pu constater que les entreprises ont accru de 1,5 milliard d’euros leur effort de recherche et développement.

Quatrième conclusion, la même année, c’est-à-dire en 2008, 3 000 entreprises supplémentaires sont entrées dans le dispositif ; 60 % d’entre elles n’avaient jamais mené de programme de recherche et développement auparavant.

Cinquième conclusion, pas moins de deux tiers de ces nouveaux bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont des petites et moyennes entreprises.

Je sais par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, quels arguments vont m’être opposés : certains chiffres grandiloquents vont être évoqués. J’attire votre attention sur le fait qu’un certain nombre d’entre eux – les plus élevés, ceux que vous allez probablement utiliser dans vos argumentations – incluent le remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche au titre du plan de relance.

Je crois donc qu’il faut raison garder : la juste appréciation de la qualité et de la valeur d’un outil exige de bien mesurer et de bien comprendre quel est le risque, quel est le coût, quel est le retour sur investissement, et ce sans se focaliser sur une année de « dégorgement des tuyaux », si vous me permettez cette expression.

Nous avons eu, à l’Assemblée nationale, des débats nourris sur le sujet. Si je comprends la logique suivie par l’Assemblée nationale, qui a souhaité raboter quelque peu le crédit d'impôt recherche, je crois que nous devons être extrêmement vigilants à cet égard et ne pas considérer cet outil comme n’importe quel autre outil. Ce dispositif est très particulier et, de mon point de vue, extrêmement stratégique.

Mais je sais pouvoir faire confiance à la sagacité de la commission des finances et de la Haute Assemblée dans ce processus d’appréciation des effets du crédit d'impôt recherche et de l’utilité qu’il représente pour notre économie.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il y a eu un peu trop de lobbying sur le sujet !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je l’ai subi aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons l’habitude !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le deuxième volet en matière de réforme structurelle concerne la taxe systémique sur les établissements financiers, la « taxe sur les banques » pour faire simple.

Ajoutée à la contribution au financement de la supervision du secteur bancaire, que nous avons mise en œuvre au début de l’année, et à la contribution exceptionnelle au Fonds de garantie des dépôts instaurée à la fin de l’année 2009, cette taxe portera la contribution des banques à un milliard d’euros en 2013.

Ce dispositif conforte très clairement la position de la France, à un moment où elle prend la présidence du G20 pour toute l’année 2011, pour inciter et encourager, dans une démarche quasi-kantienne, l’ensemble de ses partenaires à adopter le même type de pratiques. Aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le cas, mais c’est un combat que nous mènerons aussi.

Enfin, j’en viens au troisième volet de l’effort de réforme structurelle.

J’honorerai bien entendu, au côté de François Baroin, l’engagement que nous avons pris dans l’article 76 de la loi de finances pour 2010, consistant à revenir devant la Haute Assemblée pour évoquer la réforme de la taxe professionnelle : ses effets ; les questions sensibles qu’elle soulève, notamment en matière de péréquation ; le volume, l’assiette et le taux de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou l’IFER. Ce rendez-vous me permettra de donner suite à l’excellente initiative qu’a prise votre président de la commission des finances d’organiser, à la fin du mois de septembre, un débat sur les conséquences et les effets de la réforme de la taxe professionnelle.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les observations que je souhaitais faire, à titre liminaire, à l’aube de l’examen de ce budget.

Je tiens à remercier tout particulièrement la commission des finances, son président, son rapporteur général et tous ses membres, qui ont examiné avec beaucoup de patience et d’intelligence ce projet auquel nous allons consacrer tant de temps. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entrons dans le troisième stade de notre chronologie budgétaire d’automne.

Le premier stade est celui de la programmation des finances publiques – la trajectoire – : comment retrouver une situation raisonnable, alors que celle que nous connaissons aujourd’hui est encore très compromise ?

Le deuxième stade est celui du financement de la sécurité sociale. À cet égard, je voudrais rendre hommage à nos collègues de la commission des affaires sociales et à mon homologue Alain Vasselle, car le travail réalisé est très remarquable.

Le troisième stade est, si j’ose dire, celui de la « loi mère », la loi de finances.

Je vais m’efforcer de vous apporter quelques éléments de cadrage à ce sujet, en évoquant – dans l’ordre – la dette, le déficit, les recettes, les dépenses. Ma conclusion portera sur le dixième anniversaire d’un texte qui devait nous apporter le salut : la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite LOLF.

Mais je voudrais dire, en introduction, toute la reconnaissance de la commission des finances aux deux ministres en charge de ces dossiers.

Je voudrais indiquer à M. le ministre du budget que nous l’écouterons aujourd’hui avec encore plus d’attention que d’habitude (Sourires.) et, surtout, que nous le soutiendrons dans toutes les mesures difficiles qu’il faut prendre. Nous veillerons à ce que le Sénat ne dégrade pas les efforts indispensables de réduction des dépenses fiscales, indépendamment du lobbying souvent excessif auquel des catégories professionnelles ne craignent pas de se livrer, avec des méthodes frisant parfois les pressions indécentes.

MM. Robert del Picchia et Yvon Collin. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais en outre inscrire mon propos dans l’analyse de la situation macro-économique faite par Mme Christine Lagarde. Nous sommes bien dans une situation paradoxale, nous sommes bien en sortie de crise, mais un point doit plus particulièrement attirer notre attention : notre déficit de compétitivité ne cesse de se creuser.

Regardez les chiffres du troisième trimestre de l’année 2010, mes chers collègues : nous pouvons, en les observant, soit nous réjouir, soit nous désespérer.

Nous pouvons peut-être nous réjouir, car un taux de croissance de 0,4 % du produit intérieur brut, la moyenne de la zone euro, est un bien meilleur résultat que celui que certaines Cassandre nous prédisaient.

Nous pouvons nous désespérer, ou au moins exprimer de fortes préoccupations, s’agissant de notre solde extérieur, car, dans cette période où la croissance redémarre, celui-ci ne cesse de se détériorer.

La consommation, quoi que certains disent sur ce point, se porte assez bien ; mais, au fur et à mesure qu’elle se relance, elle contribue à déséquilibrer davantage le solde extérieur.

M. Jean-Jacques Jégou. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On ne peut donc que souscrire aux propos de Mme Christine Lagarde, quand elle met l’accent sur la compétitivité et la préparation de l’avenir.

J’en viens à mon premier sujet, c’est-à-dire à la dette.

Le projet de loi de finances pour 2011 a simplement pour objectif de ralentir la progression de la dette. Quand j’entends parler de rigueur et de mesures douloureuses, peut-être celles-ci le sont-elles dans certains domaines, mais il ne s’agit que de freiner la progression de la dette.

Qu’il me soit permis de rappeler que le point de retournement en ce domaine, celui au-delà duquel, enfin, la dette régressera en capital – en d’autres termes l’équilibre primaire – n’est prévu, dans notre programmation des finances publiques, que pour 2013. Si l’on s’inscrit bien dans cette trajectoire, cette dette, qui est un fardeau de plus en plus lourd, continuera inéluctablement à progresser jusque-là.

Nous en avons un témoignage très clair en observant les crédits affectés aux charges financières. Depuis les exercices 2005 et 2006, nous nous situons à un étiage compris entre 35 milliards d’euros et 40 milliards d’euros. Nous allons franchir – je n’ose dire allègrement – la limite des 40 milliards d’euros – 45 milliards ? 50 milliards ? – pour atteindre très rapidement, dans trois ou quatre ans, le niveau de 55 milliards d’euros, et ce dans le respect de la trajectoire fixée par la loi de programmation triennale des finances publiques.

Donc, si la loi de finances pour 2011 est difficile à élaborer, les suivantes le seront davantage,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … n’ayons aucune illusion à ce sujet. Ce n’est qu’un constat matériel : quand on doit dégager 40 milliards d’euros pour payer le remboursement et les intérêts, il faut faire des efforts. Mais lorsque le montant s’élève à 55 milliards d’euros, les efforts à consentir sont plus importants. C’est une réalité à laquelle on ne peut échapper, mes chers collègues.

Évoquons maintenant le déficit.

Nous pouvons nous réjouir ensemble que, par rapport à la prévision pour 2010, le déficit diminue de 60 milliards d’euros. Cela étant, qu’est-ce qui, dans cette réduction, représente un vrai effort de notre part et de celle du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Jégou. Pas grand-chose !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Regardons les choses.

Mme Nicole Bricq. Nous les avons regardées !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Considérez-vous comme anormal que l’on s’efforce de synthétiser les principaux éléments au début de l’examen du projet de loi de finances, chers collègues ? Je pense être dans mon rôle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sur cet écart, seuls deux éléments résultent de décisions relevant du Gouvernement : l’augmentation des dépenses, qui est contenue à 4,5 milliards d’euros, et les effets des mesures nouvelles sur les recettes, pour 1,7 milliard d’euros.

Les autres facteurs essentiels qui expliquent l’écart de déficit d’une année à l’autre sont les suivants.

Tout d’abord, il faut citer l’évolution spontanée des recettes fiscales – 12 milliards d’euros –, c’est-à-dire l’effet de retour à la croissance, que, par définition, on constate à droit constant.

Ensuite, l’arrêt du plan de relance est important, puisque, même si nous regrettons les rapports très agréables que nous avons eus pendant la durée de sa mission avec Patrick Devedjian, il n’en reste pas moins que le plan de relance est fait pour ne pas se répéter. Donc, il est naturel que l’on engrange une comparaison favorable de 8,2 milliards d’euros.

Enfin, nous avons un effet comptable résultant de la réforme de la taxe professionnelle ; simplement, celle-ci, pour des raisons purement techniques, coûte 5,3 milliards d’euros de moins que l’année précédente.

Tout cela contribue à la diminution du déficit budgétaire, et l’on ne peut que s’en réjouir.

Mon propos est simplement de focaliser l’attention sur ce qui relève de véritables efforts effectués par le Gouvernement, et ce propos, vous le voyez, relativise ce que l’on peut entendre ici ou là sur le caractère extraordinairement rigoureux de ce budget.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, ce budget est raisonnable, sérieux ; mais, à mon sens, ce n’est vraiment pas ce que l’on pourrait appeler un budget de rigueur.

Le projet de loi de finances comporte des dispositions qui réduisent le déficit d’administrations publiques autres que l’État, c’est-à-dire les administrations sociales, et c’est une bonne chose.

Il faut enfin souligner que ce projet de loi de finances aura des effets importants sur l’avenir. C’est, en quelque sorte, un « PLF à retardement », car toutes les mesures qui réduiront les dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu vont se traduire – c’est une excellente chose – par un rendement en 2012, en 2013 et les années suivantes.

Mais si les réductions de niches fiscales ne « rapportent » qu’environ 500 millions d’euros en 2011, leur rendement sera de 2,7 milliards d’euros en 2012 et de 3,6 milliards d’euros en 2013. C’est un aspect tout à fait positif, qu’il faut souligner.

J’en viens aux recettes, et plus exactement à la préservation des recettes, c’est-à-dire à la lutte contre l’excès de dépenses fiscales, avant d’évoquer, en quelques mots, la réforme fiscale à venir.

Le Premier ministre a eu le très grand mérite d’annoncer au mois de mai des orientations qui s’appliquent dans une large mesure à ce budget.

Je pensais, pour ma part, que la réduction, le rabot, de 10 % des avantages fiscaux aurait pu avoir une base encore plus large. L’Assemblée nationale, dans ses votes, a élargi la démarche ; nous le ferons encore, je l’espère.

Je voudrais rappeler que, dans une période comme celle que nous vivons, la réduction proportionnelle est en réalité la méthode la plus juste, la plus équitable, la plus incontestable, car c’est celle qui fait participer tout le monde à l’effort nécessaire. S’il est bien sûr compréhensible que l’on examine de façon plus technique, plus détaillée tel ou tel régime, le fond du raisonnement, c’est tout de même bien la réduction proportionnelle des avantages.

Permettez-moi de redire un propos qui n’est pas seulement une plaisanterie. Lorsqu’on s’adresse à une catégorie qui a été favorisée depuis longtemps par une exonération, une incitation, un avantage quelconque et qu’on lui demande aujourd’hui des efforts en soutenant qu’elle conservera 90 % de ses privilèges, normalement, on devrait avoir en face de soi des individus satisfaits de conserver 90 % de ce qui n’est qu’un avantage financé par les deniers publics.

Lorsqu’on entend les raisonnements qui nous sont tenus sur le crédit d’impôt recherche ou les emplois à domicile, on se dit que les bénéficiaires de ces mesures devraient avoir le réalisme et l’honnêteté de constater que l’essentiel est conservé et leur est garanti.

En ce qui concerne, par exemple, les emplois à domicile, le « rabot » ne s’applique pas au dispositif fiscal, qui est intégralement préservé.

Mes chers collègues, nous ne devons pas trop être victimes des intérêts particuliers et il faut être capable de rappeler que, dans une période difficile, des efforts doivent être faits par toutes et tous, des efforts proportionnés aux capacités contributives.

À mon avis, le talent et le grand mérite du Premier ministre britannique, madame le ministre, c’est de dire avec franchise que, mieux on est pourvu, plus on doit faire d’efforts, et que, dans une période comme celle que nous connaissons actuellement, nul ne peut s’en exonérer.

Je suis de ceux qui pensent que c’est ce langage qu’attend l’opinion publique,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … en tout cas l’opinion sérieuse et responsable, et que rien ne sert d’essayer de caresser quelques intermédiaires ou lobbies dans le sens du poil, car en réalité ils sont – j’en ai la conviction – très peu représentatifs, sinon de leurs propres intérêts.

Pour ce qui est de la préservation des recettes, nous nous efforcerons de vous soutenir, et nous vous soumettrons quelques idées complémentaires.

Par ailleurs, nous allons aborder un thème que la commission des finances a fait sien depuis déjà un certain temps : l’adaptation des assiettes fiscales à l’évolution des technologies. En d’autres termes, le monde change, les technologies se modernisent,…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et les fraudes aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … les habitudes des consommateurs et leur comportement se modifient. La fiscalité peut-elle rester identique ?

S’agissant, par exemple, des « étranges lucarnes », doit-on ne considérer que la technologie par laquelle s’exprimaient Léon Zitrone, Pierre Bellemare ou Catherine Langeais ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou. C’était le bon temps !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les choses n’ont-elles pas un tout petit peu changé depuis ? Cette démarche est commune à la commission des finances et à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous estimons que ce sujet doit être mis sur la table et traité de façon responsable.

De la même façon, les plates-formes de transaction sur Internet sont un sujet que nous avons souhaité mettre au premier plan de nos préoccupations. D’ailleurs, madame le ministre, la crise irlandaise est là pour illustrer et mettre en valeur nos propos.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Lorsque nous proposons de taxer les achats d’espaces publicitaires sur de grandes plates-formes Internet, nous observons que c’est la seule solution pour récupérer un peu de contribution, afin de faire participer ces fonctions économiques à nos besoins collectifs, à nos services publics. (Mme la ministre opine.)

Souvenons-nous que l’entreprise la plus emblématique, celle qui a d’ailleurs suscité l’intérêt du Président de la République pour le sujet, c’est une entreprise dont le siège est en Irlande.

Mme Christine Lagarde, ministre. Effectivement !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Bien entendu, nous ne pouvons que compatir au malheur actuel des structures financières de ce pays. Nous sommes solidaires dans l’euro, et un dispositif d’aide mutualisé est susceptible de se mettre en place.

Cependant, madame le ministre, n’est-il pas indispensable, par souci d’équité à l’égard d’autres États comme la Grèce ou le Portugal, de demander au gouvernement irlandais, au titre des conditionnalités, de bien vouloir réviser sa politique fiscale ?

Mme Nicole Bricq. Ah ! Il y a longtemps que nous le demandons !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Un certain consensus existe ici même sur le sujet, me semble-t-il.

Ne conviendrait-il pas de demander au gouvernement irlandais d’éviter de pratiquer du dumping et d’avoir des attitudes qui – on peut le constater avec les problèmes que connaît aujourd’hui l’Irlande – ne sont pas une solution pour disposer d’un modèle économique pérenne, pour se mettre à l’abri des difficultés ou des crises ?

De telles politiques, qui sont des politiques non coopératives, devraient normalement évoluer au moment où il est fait appel à la solidarité communautaire, qui est sans doute la seule solution pour disposer d’une visibilité sur les années à venir.

Nous inscrivons nos propositions dans ce cadre pour que les acheteurs de biens ou de services sur les grandes plates-formes soient soumis à une taxation raisonnable et que les petits États qui ont mis en place des fiscalités très attractives se voient contrariés dans leurs politiques non coopératives.

Ces politiques ont d’ailleurs été critiquées, en termes beaucoup plus vifs que ceux que je viens d’employer, par le président de notre commission des finances, qui a déclaré : « Le Grand-Duché nous fait les poches ! » En effet, la TVA s’applique, même si c’est à un taux faible, aux plates-formes qui sont installées sur son territoire,…

M. Jean-Jacques Jégou. Et même sur notre territoire !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … et non pas aux consommateurs de services auxquels il est fait appel et qui habitent dans les États les plus peuplés de l’Union européenne.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais à présent, en quelques mots, évoquer les dépenses.

Même si la norme de dépenses est de plus en plus exigeante, certaines économies évoquées dans le projet de loi de finances mériteraient d’être documentées avec davantage de précision.

Je rappelle que, dans ce projet de budget pour 2011, les recettes nettes ne couvrent que 70 % des dépenses nettes, ce taux se situant à mi-chemin entre le point le plus bas qui avait été atteint en 2009, à savoir 55 %, et le niveau de 2007, c’est-à-dire 86 %.

Il est donc indispensable d’agir sur les dépenses, et de le faire de façon volontaire. À cet égard, si nous observons un réel effort sur le personnel, et plus encore sur les investissements – les dépenses les plus maltraitées dans ce budget –, nous constatons que, en raison des contraintes qu’elles subissent, les dépenses de fonctionnement et d’intervention n’ont pas diminué de 5 %, comme cela avait été annoncé au printemps. Il faut dire que, compte tenu des dépenses concernées, constituées notamment de nombreuses dépenses de guichets, c’est-à-dire de droits qu’il faut bien honorer, il était difficile d’atteindre cet objectif.

Enfin, notre dernière préoccupation en matière de dépenses tient à la permanence des méthodes employées. Les normes exprimées en taux d’évolution, aussi excellentes soient-elles, n’ont en effet de sens que si les bases retenues sont homogènes, c’est-à-dire si l’on ne procède pas, chaque année, à des rectifications opportunes de périmètres. De ce point de vue, il est de mon devoir de dire que la situation n’est pas encore satisfaisante, et que l’État est encore très loin de s’astreindre à la discipline en vigueur chez les agents économiques privés, en particulier les grandes entreprises.

La présentation des comptes d’une entreprise obéit en effet à des normes strictes, et les analystes financiers veillent scrupuleusement à ce que toute rectification de méthode soit justifiée et détaillée. (Mme la ministre opine.)

En guise de conclusion, je dirai quelques mots sur la loi du 1er août 2001 organique relative aux lois de finances, dont nous allons fêter le dixième anniversaire au cours de l’exercice à venir.

Si elle a permis d’innover et de fixer un cap en matière de pluriannualité, il me semble que seule la révision constitutionnelle annoncée par le Premier ministre et le Président de la République permettra d’assurer tout à la fois la prééminence des lois financières sur toute autre forme de législation et la pluriannualité, donc le respect par les lois financières annuelles des engagements pris à ce titre à l’échelon européen.

Dans un registre plus critique, force est de constater que la LOLF n’a pas permis de redonner du sens au principe d’universalité budgétaire. L’« agencisation » de l’État, c’est-à-dire la prolifération des affectations de recettes, qui permettent de sanctuariser certaines dépenses et certaines fonctions, n’a fait que galoper année après année, loi de finances après loi de finances. (M. Jean-Jacques Jégou opine.) En la matière, nous sommes très loin des intentions initiales, qui trouvaient leur source dans l’ordonnance du 2 janvier 1959, l’une des pierres angulaires de la Ve République.

En multipliant ainsi les affectations, les opérateurs – que nous avons le plus grand mal à contrôler –, les agences et les taxes en tout genre, nous avons largement tourné le dos aux principes de bon sens sur lesquels nous avions fondé le redressement de l’État à partir de 1958.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, si la démarche de performance est utile et nécessaire, les observateurs que nous sommes ont parfois le sentiment qu’elle s’est transformée en machine administrative, dépourvue de réelle signification politique, qui tourne sur elle-même pour sa propre satisfaction.

Il faut s’interroger sur l’usage que l’on fait des indicateurs de performance. S’agit-il de critères permettant de piloter l’allocation des ressources et de réaliser des économies budgétaires, ou de simples pratiques administratives qui ne trouvent leur justification qu’en elles-mêmes ?

Madame, monsieur les ministres, nous allons cheminer ensemble quelques semaines, d’abord au cours de cette discussion budgétaire, ensuite lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, dont nous pourrons peut-être anticiper certains aspects dès le projet de loi de finances initiale, afin d’avoir une vue d’ensemble des enjeux et des questions les plus essentielles qui devront être exposés à nos concitoyens.

La commission des finances souhaite qu’un esprit de responsabilité nous anime, et que, sans occulter aucun sujet, nous fassions en sorte de disposer pour l’année 2011 d’un cadre budgétaire raisonnable, susceptible de résoudre quelques-unes de nos contradictions. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Jean-Jacques Jégou applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame, monsieur les ministres, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien nous nous réjouissons de vous retrouver au banc du Gouvernement. C’est la marque de l’estime que nous vous portons, et je voudrais former des vœux pour que l’action que vous menez, sans doute l’une des plus délicates et des plus éprouvantes qui soit, porte ses fruits.

J’apprécie à sa juste valeur le message que vous venez d’adresser au pays, depuis cette tribune, en cette fin d’année 2010 : l’essentiel de la crise, la plus dure que nous ayons endurée depuis la Seconde Guerre mondiale, est sans doute aujourd’hui derrière nous ; la France convalescente doit maintenant s’atteler résolument au rétablissement de ses comptes publics, sans compromettre la reprise, mais en s’efforçant de rompre avec trois décennies de laisser-aller et de faux-semblants, d’illusionnisme à crédit, en quelque sorte. Rien n’est donc acquis. Dans un monde ouvert, nous devons rester compétitifs, ce qui suppose, notamment, de ne pas décrocher avec l’Allemagne, notre principal partenaire.

Vaste programme, auquel je ne puis, bien sûr, que souscrire ! Cependant, si l’objectif fait consensus, la méthode proposée m’interpelle et c’est sur ce point que je souhaiterais faire entendre une analyse qui divergera sans doute quelque peu de celle qui a été développée par le Gouvernement.

Le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrit dans la démarche de programmation approuvée par notre assemblée au début du mois, que nos amendements ont d’ailleurs rendue plus opérationnelle. Car c’est à la condition de nous doter de règles de gouvernance des finances publiques véritablement contraignantes que nous pouvons espérer revenir à 6 % de déficit l’an prochain, et à 3 % d’ici à 2013… ou 2014. Vous connaissez notre prudence sur le sujet, même si elle n’exprime aucune divergence de fond avec l’exécutif.

Comment parvient-on à ce résultat ? Le discours que vous tenez se veut clair et sans ambiguïté : l’objectif sera atteint, prioritairement, par la réduction de nos dépenses publiques. Avec un taux rapporté à la richesse nationale largement supérieur à 50 %, nous figurons incontestablement en tête des pays qui souffrent d’une addiction profonde à l’égard de la dépense publique ! Or, je le souligne d’emblée, ce projet de budget n’apparaît pas, c’est le moins que l’on puisse dire, totalement convaincant sur ce point.

S’il ne fallait retenir qu’un seul développement du travail, toujours aussi fouillé et remarquablement précis, du rapporteur général Philippe Marini, ce serait celui-ci : près des deux tiers de l’amélioration du solde du budget de l’État en 2011 résultera d’économies de constatation liées à la non-reconduction des dépenses du plan Campus et aux investissements d’avenir. Le reliquat s’explique, pour une large part, par le contrecoup de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle. L’évolution spontanée des recettes, en phase de reprise de l’activité, fait le reste…

Je ne reviens pas sur ces mécanismes, excellemment décrits par Philippe Marini. Les dépenses augmentent de 4,5 milliards d’euros, il est vrai exclusivement imputables à la charge de la dette et aux pensions.

Certes, les autres dépenses, prises globalement, sont stables en valeur. Mais je veux rappeler ici que les conférences sur le déficit du printemps dernier avaient assigné deux objectifs forts d’économies au budget de l’État : une diminution de 10 % des dépenses d’intervention et de fonctionnement au cours de la période 2011-2013, et une réduction de 5 % dès la première année d’application de la loi de programmation. Avec une contraction de 1 % des interventions de guichet et hors guichet, et de 0,5% des crédits de titre 3 entre la loi de finances initiale pour 2010 et le projet de loi de finances pour 2011, convenons, madame, monsieur les ministres, que nous sommes loin de l’objectif assigné au printemps !

J’entends bien l’argumentaire du Gouvernement, qui invoque, sur les interventions, 3,7 milliards d’euros d’économies brutes par rapport à l’évolution tendancielle. Mais le détail de ces économies fait encore défaut. Surtout, Bercy tarde à nous apporter la preuve que vos ministères ont décidé de rompre avec ce qu’il faut bien appeler les « combines », qui permettent d’améliorer la présentation, au détriment du respect de la norme de dépense.

Le rapporteur général les a décrites, en évoquant malicieusement une « charte de débudgétisation ». Je n’en retiendrai qu’une, emblématique, même si la discussion budgétaire devrait en atténuer la portée : l’enveloppe de 340 millions d’euros soustraite à la mission « Ville et logement », grâce à l’extension du champ de la contribution sur les revenus locatifs aux offices d’HLM et aux sociétés d’économie mixte, sous le prétexte fallacieux de mettre en place une péréquation interne aux prestataires du logement social… Les mauvaises habitudes ont décidément « la peau dure » ! (M. Claude Bérit-Débat marque son approbation. – M. Thierry Repentin applaudit.)

Je ne nie pas la difficulté de l’exercice. Le poids des dépenses de « guichet » est incontestable, au moins autant que celui des intérêts catégoriels que leurs bénéficiaires savent si bien défendre lorsqu’ils sont remis en cause. Force est toutefois de constater qu’après trois ans de révision générale des politiques publiques et de discours volontaristes prononcés dans des enceintes solennelles, l’action sur la dépense publique, mes chers collègues, reste toujours embryonnaire et a quelque peine à convaincre. À l’heure de la double norme, des choix vont pourtant devoir être faits. Je souhaite que la commission des finances y prenne toute sa part et soit, elle aussi, une force de proposition.

Mais il faut aller au-delà et s’interroger également sur les recettes.

J’entends bien, là aussi, le discours sur la nécessité de les « protéger », le cas échéant en modifiant les modalités de calcul de l’impôt et en atténuant la portée des « niches fiscales ». Vous me permettrez cependant de ne pas me trouver en pleine communion de pensée avec ces « éléments de langage », qui visent à bien signifier que le Gouvernement n’augmentera pas les prélèvements obligatoires, conformément à une promesse faite avant la crise, dans des circonstances bien différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. Soyons francs : cette position de principe, affirmée sur tous les tons et de manière quelque peu rigide, ne me paraît pas responsable !

Je souhaite dissiper toute ambiguïté : je ne me fais pas ici l’apôtre des prélèvements obligatoires, pas plus que de la dépense publique. Je dis simplement que la charge pesant sur le contribuable doit être évaluée à l’aune de son efficacité économique dans un monde ouvert et qu’elle doit être équitablement répartie. De ce point de vue, au risque de me répéter une nouvelle fois, je rappelle qu’il n’y a pas d’impôt qui ne soit pas d’une façon ou d’une autre un impôt acquitté par les ménages. Ce sont toujours les ménages qui, en dernier ressort, participent au financement de l’impôt. La seule question que l’on doive se poser à leur égard est donc celle de l’équité dans la répartition de l’effort qui leur est demandé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour la première fois depuis 2002, j’ai ainsi voté contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale, parce que, en conscience, je ne pouvais pas admettre les expédients et, pourquoi ne pas le dire, les « bricolages » conçus à la va-vite pour colmater la dette de la sécurité sociale et le déficit de la branche famille. (MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-Jacques Jégou, Jean-Pierre Fourcade et Michel Bécot applaudissent.) La solution à mettre en œuvre était pourtant évidente : il fallait majorer la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, de 0,26 point.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’était une question de lisibilité et de justice à l’égard des générations à venir…

M. Jean-Claude Frécon. Effectivement, de justice !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. … qui n’ont pas à supporter les conséquences des gestions hasardeuses passées. C’était, au fond, une question de respect de nos concitoyens, qui, selon moi, sont parfaitement aptes à comprendre le langage de vérité que la situation actuelle nous impose le devoir de leur tenir. Au surplus, n’est-ce pas aussi, mes chers collègues, une question d’indépendance nationale ? Vient un moment où le choix de la dette perpétuelle aliène la liberté de la nation.

MM. Jean-Jacques Jégou. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances veut tenir ce langage de vérité. Elle accompagnera – croyez-le bien, madame, monsieur les ministres – le Gouvernement dans son travail de remise en cause des niches fiscales. Elle apporte sa contribution, dans le cadre du présent projet de loi de finances, à la réflexion sur les « nouvelles assiettes », avec les amendements du rapporteur général créant une imposition sur les achats de publicité en ligne et de services de commerce électronique. À cet égard, nous devrons nous interroger sur les nouvelles formes de fraude que facilitent ces nouveaux moyens de communication et d’échanges. La proposition de taxation des résidences secondaires et de tout récepteur de télévision, à raison d’une seule contribution à l’audiovisuel public par résidence et quel que soit le nombre de récepteurs, va dans le même sens.

Mais notre réflexion doit aller plus loin. Je parlais à l’instant d’efficacité économique et de justice. Traduit en termes simples, cela veut dire TVA sociale – que je veux bien nommer « TVA anti-délocalisation » –, cela veut dire aussi suppression du bouclier fiscal !

La TVA anti-délocalisation, pourquoi et comment ? Parce que dans une économie mondialisée, tout impôt supplémentaire portant sur les facteurs de production – j’y insiste – organise méthodiquement les délocalisations d’activité et d’emploi. Les ressources provenant des cotisations sociales doivent donc être remplacées par un impôt de consommation, qui mettra enfin sur un pied d’égalité les importations et les produits nationaux.

Madame la ministre, vous soulignez l’importance de la consommation, mais c’est bien souvent l’activation des importations. Par conséquent, la justice, c’est de faire supporter le financement de la protection sociale, à laquelle nous prétendons, par tous ceux qui consomment. Car ceux qui ne consommeraient que des produits venant de l’étranger ne participeraient pas au financement de leur protection sociale.

Je répète ici ma conviction que cet impôt nous permettrait de faire l’économie du coûteux crédit d’impôt recherche, qui, je persiste à le penser, n’empêche pas certaines délocalisations. Madame, monsieur les ministres, le crédit d’impôt recherche finance aussi des travaux de recherche conduits en Europe centrale. Trop de témoignages prouvent qu’une partie non négligeable des travaux de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt recherche ne sont pas réalisés en France. L’allégement des charges sociales sur les salaires des chercheurs serait, convenons-en, une solution plus satisfaisante.

Mais il n’est pas possible d’en rester là. Le pendant de l’objectif de compétitivité, je le disais à l’instant, c’est aussi celui de justice. La fiscalité ne doit pas seulement être efficace, elle doit aussi être lisible et équitable, pour être acceptable et acceptée par tous.

Depuis deux ans, la commission des finances fixe donc le même rendez-vous au Gouvernement : celui du bouclier fiscal, qui demeure une mauvaise réponse apportée à un problème réel. La crise a rendu caduc cet instrument et la Commission européenne vient, je le crois, de lui porter le « coup de grâce » en contestant sa conformité au droit communautaire. Mettre en œuvre les prescriptions de Bruxelles contraindrait l’administration française à rembourser au contribuable le montant d’impôts acquittés à l’étranger, ce qui finirait de légitimer le procès en iniquité dressé contre le « bouclier ». Le mécanisme, convenons-en, est « à bout de souffle » ! Je vous le disais lors du débat sur le projet de loi de programmation : le temps des « rafistolages » est maintenant terminé !

Je me réjouis donc des inflexions entendues ces dernières semaines, notamment dans les propos du Président de la République, sur des évolutions possibles, pour ne pas dire souhaitables. Mais il faudra aller jusqu’au bout !

Le Sénat connaît nos propositions sur le « triptyque », devenu entre-temps la « tétralogie » : suppression de l’ISF et du bouclier fiscal – puisque le bouclier fiscal n’est que la très mauvaise réponse à ce très mauvais impôt qu’est l’ISF –, institution d’une nouvelle tranche d’imposition à l’impôt sur le revenu – qui est un revenu du patrimoine lorsqu’il excède un certain niveau ; le revenu du travail a des limites : vient un moment où c’est la notoriété, la célébrité, oserais-je dire « l’actif incorporel » du bénéficiaire ; c’est donc un revenu du patrimoine et non plus seulement un revenu du travail – et hausse du barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières. Je pense également qu’une réflexion sur l’imposition des successions – j’y insiste – devrait utilement compléter ce tableau, afin notamment de contribuer au financement de la dépendance.

Le précédent gouvernement nous avait confirmé qu’il souhaitait organiser un débat approfondi sur le sujet au premier semestre de l’année prochaine. Je pense, pour ma part, que ce débat peut débuter dès maintenant. Pourquoi devrions-nous l’ajourner encore une fois, avec le risque de reporter d’un an la mise en œuvre de ces dispositions ?

Ma conclusion, voilà un an, en prologue à l’examen du projet de loi de finances pour 2010, était un appel à refonder le pacte républicain sur l’impôt pour permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Je serais tenté de reprendre la même formulation et de souligner l’urgence qui s’attache aujourd’hui à apporter les réponses à la hauteur des défis que nous devons affronter.

Le projet de budget pour 2011, an I de la nouvelle programmation triennale, est un premier pas. À nous de le guider dans la bonne direction ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Claude Frécon applaudissent également.)

M. le président. Je rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, si l’examen du projet de loi de finances est un exercice comptable, les discussions budgétaires permettent de juger des choix économiques et politiques d’un gouvernement. En l’occurrence, le projet de loi de finances pour 2011 fait-il les bons choix ? Répond-t-il aux objectifs d’efficacité et de justice fiscale que nos entreprises et nos concitoyens sont en droit d’attendre dans la période actuelle de sortie de crise ?

Vous ne serez pas surpris si je vous dis que j’ai des doutes quant à la pertinence des options retenues, du moins d’un grand nombre d’entre elles.

Une nouvelle fois, le projet de loi de finances est fondé sur des prévisions de croissance à l’évidence trop optimistes. Je sais bien qu’il n’est pas facile de prévoir avec justesse le taux de croissance de l’année suivante. Des prévisions restent des prévisions. Et d’ailleurs, en matière budgétaire, ne faudrait-il pas, madame, monsieur les ministres, méditer cette pensée de San Antonio, alias Frédéric Dard ? : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ». La politique, ce n’est l’art de faire des prévisions – art très difficile, surtout quand il concerne l’avenir ! –, c’est plutôt l’art de prendre les bonnes décisions pour améliorer le quotidien des Français et l’attractivité économique de notre pays.

Ce projet de loi de finances pour 2011 table sur une hypothèse de croissance du PIB de 2 % en 2011. Pourtant, la moyenne des prévisions du groupe d’experts relatives à la croissance française est de 1,53 % et la prévision du FMI de 1,6 %. Cet écart, nous le savons bien, n’est pas anodin en termes de recettes.

Certes, depuis quelques mois, on sent bien s’installer un cycle de reprise assez classique. Le commerce mondial reprend des couleurs, stimulant au passage nos exportations. La demande mondiale adressée à la France aurait augmenté de 11,8 % cette année et on estime qu’elle sera de 7,7 % pour 2011.

Vous l’avez dit, madame, monsieur les ministres, l’investissement des entreprises redémarre. La consommation reprend et elle pourrait croître de 1,7 % en 2011. Enfin, l’emploi se redresse, ce qui engendrera des gains de pouvoir d’achat. Et le taux d’inflation se maintiendrait autour de 1,5 % en 2011 comme en 2010.

Si on ne peut que souhaiter toutes ces prévisions, il faut surtout faire preuve d’une politique volontariste pour permettre leur réalisation. Et de ce point de vue, un certain nombre d’éléments invitent à la prudence et doivent nous amener à exprimer de profondes réserves.

S’agissant de la reprise mondiale comme moteur de la croissance, vous savez qu’elle est soumise à des aléas.

Même si 2011, avec une prévision de croissance mondiale de 3,9 %, devrait confirmer la reprise amorcée en 2010, n’oublions pas que depuis l’éclatement des bulles immobilières, en particulier aux États-Unis et en Espagne, les ménages et les entreprises demeurent très endettés. Et cette situation pèsera encore sur l’investissement.

Par ailleurs, j’ajouterai que dans le contexte d’un marché du travail encore très déprimé, la consommation pourrait être moins dynamique que prévu. D’autres incertitudes existent. Je pense notamment à l’évolution des cours du baril de pétrole. Petit rappel : la direction générale du Trésor fonde ses prévisions sur un prix du baril à 80 dollars alors que le groupe technique a établi une fourchette comprise entre 77 dollars et 92 dollars. Quant au taux de change, c’est également souvent une source d’inquiétude, en particulier pour la zone euro. Si le taux de change entre l’euro et le dollar est stabilisé à 1,30 dollar pour 1 euro en 2011, des instituts prévoient la poursuite de la baisse du dollar en 2011 tandis que d’autres tablent sur son appréciation.

Enfin, quels seront les effets de la normalisation des différentes politiques budgétaires réclamées par le FMI ?

Pour améliorer leur solde budgétaire, de nombreux pays ont mis en place des plans d’austérité, qui ne seront pas sans conséquences sur la demande.

Par ailleurs, si le G20 ne manifeste pas davantage d’empressement à réguler les marchés financiers et à diminuer l’incitation des opérateurs à l’emballement mimétique, nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles tensions obligataires, bancaires ou boursières.

Or, au regard des dernières décisions du sommet de Séoul, auquel vous avez participé, madame le ministre, on ne peut qu’être déçu : la supervision des marchés de gré à gré d’actifs dérivés sera renforcée là où il conviendrait d’imposer des chambres de compensation ; les règles prudentielles de Bâle III sont certes entérinées, mais les mesures ajoutées à l’intention des SIFI limitent, vous le savez, leur portée.

Madame, monsieur les ministres, vous connaissez mon engagement en faveur d’une taxation des transactions financières. Notre proposition de loi avait été discutée ici même en juin dernier et, malgré un accueil très favorable, elle n’avait pu être adoptée au motif d’arguments techniques, qui semblent aujourd’hui se dissiper devant la volonté du Président de la République. Nous ne pouvons que nous en réjouir : il est toujours difficile d’avoir raison très tôt... Mais, peu importe, sachez que nous vous soutiendrons si, au cours de la présidence française du G20, cette disposition forte devait voir le jour.

Alors, oui, nous en convenons tous, il est nécessaire d’agir sur l’endettement de notre pays. D’ailleurs, nous n’avons pas le choix : c’est une question de bon sens ! Qui plus est, nous avons des engagements européens à respecter.

M. le rapporteur général a excellemment démontré les dangers d’un endettement massif, qui pourrait atteindre un jour 90 % du PIB. Il est nécessaire de réagir d’autant plus rapidement que les marchés restent très préoccupés par la soutenabilité des dettes publiques en Europe. Le cas préoccupant de l’Irlande, qui succède à celui de la Grèce, a entraîné de nouveaux mouvements de panique boursière. En cas de nouvelle crise, la France n’est pas à l’abri de voir la prime de risque sur ses emprunts souverains se tendre fortement. Le poids de sa dette pourrait lui faire perdre sa note « triple A », une note qui permet à notre pays de financer ses déficits à un faible coût.

Dans cette perspective, afin de faire glisser le déficit public de 7,7 % à 6 % en 2011, il est prévu, grâce à l’article 5 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, de compléter la norme « zéro volume » par une norme « zéro valeur ». On ne peut pas vous reprocher de chercher à être vertueux, mais, ce que l’on peut regretter, ce sont les choix qui sont faits pour y parvenir.

En dehors d’une baisse des crédits de fonctionnement et d’intervention qui serait de 5 % l’année prochaine, nous connaissons bien désormais la principale ficelle de la baisse des dépenses publiques. C’est toujours la même, la fameuse RGPP, avec, en particulier, son fameux principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Madame, monsieur les ministres, ne pensez-vous pas que la suppression de tous ces postes pourrait, à terme, avoir une incidence sur le pouvoir d’achat et donc sur la croissance ?

Vous mettez en avant votre capacité à diminuer les dépenses de façon volontaire. Pourtant, c’est aussi grâce à une extinction automatique des dépenses consacrées au plan de relance que vous pouvez vous prévaloir de cette maîtrise. Au même titre, la suppression des programmes liés aux investissements d’avenir entraîne une moindre dépense de 35 milliards d’euros dans le présent projet de loi de finances.

Mais, je vous l’accorde, c’est bien par un rétablissement des recettes de l’ordre de 11,1 milliards d’euros que vous pouvez vous satisfaire d’une réduction du déficit structurel. Pour autant, la part des recettes fiscales nettes dans le PIB ne fait que diminuer depuis 2004. Comment l’État entend-il poursuivre ses missions à long terme, si cette décrue se poursuit ?

Pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu, c’est bien un choix politique qui avait été opéré par la loi TEPA, avec l’instauration de l’impopulaire bouclier fiscal. Vous l’aviez dit vous-même, monsieur le ministre – en d’autres temps ! –, c’est un impôt injuste.

À défaut de reconnaître que c’était une erreur, je suis heureux de constater que le Président de la République commence à nous entendre et je salue l’idée d’une taxation des revenus du patrimoine, même si je regrette qu’il faille attendre encore plusieurs mois pour la mettre en chantier. Le calendrier politique prime une nouvelle fois sur le calendrier parlementaire.

Concernant l’impôt sur les sociétés, un impôt théoriquement de 33 %, le Conseil des prélèvements obligatoires a publié un rapport édifiant, qui démontre la manière dont les grandes entreprises du CAC 40 réduisent fortement le montant du bénéfice assujetti à l’impôt sur les sociétés. C’est ainsi que le taux de l’impôt sur les sociétés tombe à 20 % pour les entreprises de moins de 500 salariés, à 13 % pour celles qui comptent plus de 2 000 salariés et à seulement 8 % pour celles du CAC 40.

M. Yvon Collin. Tout cela grâce à des niches fiscales et sociales bien connues !

M. Jean-Pierre Plancade. C’est absolument vrai !

M. Yvon Collin. Je constate que certains de mes collègues m’approuvent !

Selon cette étude, tous ces cadeaux coûtent 172 milliards d’euros à l’État. Le régime dit « mère-fille » aurait coûté 34,9 milliards d’euros depuis 2006. La niche de l’intégration fiscale a entraîné une moins-value pour l’État de 19,5 milliards d’euros en 2008.

Rappelons, au passage, que ces dispositifs profitent à des entreprises qui engrangent des bénéfices, récupèrent des aides publiques de l’État et, au bout du compte, licencient dès qu’elles le peuvent, pour des questions de rentabilité et d’arbitrage économique.

Puisque ce sont les petites et moyennes entreprises qui créent la majorité des emplois, pourquoi ne pas remettre à plat ces dispositifs afin d’éliminer ceux qui créent des effets d’aubaine fiscale et de faire en sorte que certains soient exclusivement à destination des PME ?

M. Yvon Collin. Ce serait une mesure intelligente. Mais vous ne le faites pas, alors que vous savez tout cela ! C’est une façon de laisser perdurer une injustice fiscale. Une de plus, serais-je tenté de dire ! Comme pour les hauts revenus, les grandes sociétés bénéficient de largesses encouragées par le Gouvernement.

Loin d’être révolutionnaire, ce projet de loi de finances serait véritablement audacieux s’il s’attaquait – mais ce n’est pas, je le crains, pour aujourd’hui ! – aux défauts majeurs de notre fiscalité : une fiscalité socialement injuste et parfois économiquement contre-productive. On nous promet une grande réforme de la fiscalité dans les mois qui viennent. Bien évidemment, les membres de mon groupe et moi-même serons très attentifs à la réforme qui sera proposée. Je le dis solennellement, nous n’avons pas d’a priori, nous sommes ouverts, et ce pour œuvrer ensemble dans un esprit très constructif.

En attendant cette grande réforme que nous appelons tous de nos vœux, une grande réforme reposant sur la progressivité de l’impôt sur le revenu, si chère aux radicaux depuis Joseph Caillaux,…

Mme Nicole Bricq. C’est une bonne référence !

M. Yvon Collin. … et sur une taxation des revenus du patrimoine, il est certain que la majorité de mes collègues du groupe du RDSE et moi-même ne pouvons pas soutenir le projet de loi de finances pour 2011. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mon cher collègue, je vous félicite d’avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti, et je vous en remercie.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale (suite)

7

Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Jacques Pignard pour siéger, en tant que membre titulaire, au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, en remplacement de M. Jean-Léonce Dupont.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

8

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger, en application de l’article 2 du décret n° 2001-784 du 28 août 2001, au sein du Conseil national de la sécurité routière.

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean Patrick Courtois pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

9

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale (suite)

Loi de finances pour 2011

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avions indiqué dès le début du mois de septembre lorsque nous avons examiné le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale, et comme nous l’avons confirmé par la suite, notamment à l’occasion du débat sur la réforme des retraites, il nous a semblé indispensable que la commission des affaires sociales examine aussi cette année la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

C’est une première ! Nous ne nous étions encore jamais saisis pour avis du projet de loi de finances à ce stade de la discussion. J’espère toutefois que cela ne deviendra pas une règle, car, si les interactions entre les deux textes ne peuvent être évitées et sont en partie normales, il n’est pas satisfaisant qu’elles soient aussi nombreuses – plus du tiers des mesures fiscales ! – et embrouillées qu’elles le sont cette année.

Trois séries de mesures ont attiré notre attention : celles qui contribuent au financement de la réforme des retraites ; celles qui sont destinées à alimenter non plus la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, comme dans le projet de loi initial, mais la branche famille ; celles, enfin, qui touchent au financement des caisses, notamment à travers la compensation des allégements de cotisations sociales.

La première série de mesures porte sur le financement de la réforme des retraites.

Dans l’équilibre de la réforme que nous a présenté le Gouvernement, il était prévu de dégager 3,5 milliards d’euros en 2011 pour financer la réforme des retraites.

Une partie de ces mesures figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, principalement l’annualisation du calcul des allégements généraux, pour 2 milliards d’euros. L’autre partie est inscrite dans le projet de loi de finances.

Il s’agit, d’abord, de la contribution supplémentaire de 1 % sur les hauts revenus, avec le relèvement de 40 % à 41 % du taux d’imposition de la tranche la plus élevée du barème de l’impôt sur le revenu, contribution qui, vous le savez, est exclue du champ du bouclier fiscal. Le gain qui en est attendu est de 495 millions d’euros en 2011.

Il s’agit, ensuite, de la suppression à compter du 1erjanvier 2011 du crédit d’impôt attaché aux revenus distribués, pour un gain de 645 millions d’euros.

Il s’agit, encore, de l’imposition, dès le premier euro, des plus-values réalisées par des particuliers à l’occasion de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux, pour un gain de 180 millions d’euros à partir de 2012.

Il s’agit enfin de la suppression, dans le cadre du régime « mères-filles », du plafonnement de la quote-part des frais et charges prélevés sur les dividendes perçus de ses filiales par une société mère, pour un gain de 200 millions.

Pour permettre l’affectation du produit de ces quatre recettes à la sécurité sociale, il est prévu de transférer au profit de celle-ci une nouvelle part de TVA collectée sur des activités ayant un lien avec l’assurance maladie – activités des médecins généralistes, des infirmiers, des établissements hospitaliers –, pour un montant total de 1,34 milliard d’euros.

La deuxième série de mesures porte sur l’alimentation de la branche famille.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale a prévu une très importante reprise de dette en 2011. Or la nature des recettes qui doivent abonder la Caisse d’amortissement de la dette sociale pour en assurer le financement a beaucoup évolué au cours des dernières semaines. Finalement, pour lever les réserves formulées par l’Assemblée nationale sur le dispositif qu’il avait initialement envisagé, le Gouvernement a décidé, et cela figure dans la loi organique relative à la gestion de la dette sociale, que les recettes de la CADES seront, hors mobilisation du Fonds de réserve pour les retraites, exclusivement constituées de la contribution au remboursement de la dette sociale et d’une fraction de la contribution sociale généralisée, la CSG.

En conséquence de ce principe, 0,28 point de la CSG, jusqu’à présent destiné à la branche famille, a été transféré à la CADES, ce qui représente un montant de 3,2 milliards d’euros.

En compensation, la branche famille doit recevoir le produit de trois recettes relatives au secteur des assurances qui était initialement destiné à la CADES et dont les modalités figurent dans le projet de loi de finances.

Monsieur le ministre, si le sujet n’était pas aussi grave, on aurait envie de rire de ces jeux de tuyauterie, incompréhensibles pour les non-initiés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. La première recette provient de la taxation des contrats d’assurance maladie solidaires et responsables. Ces contrats seraient non plus exonérés, mais taxés à un « demi-taux » de 3,5 %. Pour le Gouvernement, il s’agit de maintenir l’incitation fiscale à la conclusion de tels contrats, tout en réduisant la « dépense fiscale » de moitié, soit à 1,1 milliard d’euros.

La deuxième recette provient du prélèvement « au fil de l’eau » des contributions sociales sur les compartiments euros des contrats d’assurance vie multisupports. Le gain prévu est de 1,6 milliard d’euros en 2011, montant qui irait en décroissant jusqu’en 2019.

Enfin, la troisième recette provient de l’instauration d’une taxe sur les sommes mises en réserve en franchise d’impôt par les entreprises d’assurance. Le gain attendu de cet exit tax, soit 1,7 milliard d’euros, sera réparti entre 2011 et 2012.

La commission des affaires sociales considère que ces trois recettes ne présentent pas la solidité et la pérennité nécessaires pour assurer un financement stable des dépenses de la branche famille. En effet, l’exit tax est une mesure « à un coup », et le prélèvement anticipé des contributions sociales sur les contrats d’assurance vie est destiné à s’éroder peu à peu.

Seule la mesure de taxation des contrats responsables paraît à peu près stable. Mais cette mesure présente d’autres inconvénients.

D’un côté, en effet, on nous dit que l’instauration de cette nouvelle taxe renchérira sensiblement le coût des assurances complémentaires, et certains de nos interlocuteurs n’hésitent pas à parler d’augmentation des primes allant jusqu’à 6 ou 8 points dès l’année prochaine.

De l’autre côté, celui du Gouvernement, on nous dit que les organismes complémentaires, quel que soit leur statut, ont les réserves nécessaires pour prendre en charge ce nouveau prélèvement, sans en faire peser les conséquences sur les assurés, ou au maximum à hauteur d’un ou deux points supplémentaires. Les ministres, François Baroin comme Roselyne Bachelot, mettent en avant les conséquences positives pour les organismes complémentaires des mesures d’économie sur l’assurance maladie, ainsi que la progression toujours rapide du nombre des assurés pris en charge à 100 % dans le cadre des affectations de longue durée, les ALD.

Alain Vasselle, qui m’a demandé de le remplacer à cette tribune, a souhaité pouvoir confronter ces deux thèses. Il a donc demandé au Gouvernement le détail des calculs à partir desquels il aboutit à ses conclusions et il a transmis ce document aux mutuelles et aux assurances. Les éléments de réponse reçus ne sont pas assez précis pour pouvoir conclure dans un sens ou dans un autre.

Comme la Cour des comptes, nous regrettons que le secteur des organismes complémentaires ne soit pas plus transparent et capable de fournir des informations plus détaillées au Parlement. Nous manquons à l’évidence d’informations pour mesurer les conséquences de nos décisions. Or il en va de la couverture du risque maladie d’un grand nombre de nos concitoyens.

J’en viens à la troisième série de mesures. Le projet de loi de finances pour 2011 comporte une nouvelle répartition du droit de consommation sur les tabacs.

Cet ajustement n’est toutefois pas le premier et, ces derniers temps, les évolutions de l’affectation des droits sur les tabacs se sont toujours faites au détriment de la sécurité sociale. Pour cette raison, nous revendiquons depuis plusieurs années que la totalité des droits sur les tabacs soit affectée à la sécurité sociale et que la loi de financement de la sécurité sociale puisse en gérer les évolutions.

À l’occasion de l’adoption de l’article 12 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y a quelques jours, le Gouvernement a accepté de faire ce transfert. Pour en tirer les conséquences dans le projet de loi de finances, nous vous proposerons un amendement à l’article 40.

Notre commission des affaires sociales a donc pris acte des mesures de financement de la réforme des retraites et de compensation, au bénéfice de la branche famille, de la ponction faite sur les ressources de cette dernière pour alimenter la CADES. Nous resterons cependant très vigilants sur l’exécution de ces mesures, car il faut que les recettes prévues soient au rendez-vous, tant pour permettre le retour progressif à l’équilibre de la branche vieillesse, que pour assurer des ressources pérennes à la branche famille.

Nous avons prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale une clause de garantie pour la branche famille, à hauteur du manque à gagner qu’implique pour elle la substitution des trois recettes « assurances » à 0,28 point de CSG. Il importera, là encore, qu’elle soit pleinement mise en œuvre dans les prochaines années. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de chômage, plus d’impôts, peu de croissance et moins de service public : voilà comment on peut résumer, en quelques mots, le projet de loi de finances pour 2011 !

À ceux qui parlent de sortie de crise, 4 millions de travailleuses et de travailleurs privés d’emploi ou n’exerçant qu’une activité réduite, répondent clairement : non, la crise continue !

À ceux qui polémiquent sur le taux des prélèvements obligatoires, ceux qui voient grimper la facture des impôts locaux, flamber le prix du plein d’essence à la pompe, augmenter le prix du paquet de cigarettes ou s’envoler le prix des produits frais peuvent répondre que les taxes et les impôts se portent très bien quand il s’agit de frapper la consommation populaire !

À ceux qui se demandent si, pour financer les entreprises, il faut passer par les banques ou par la bourse, les salariés victimes de plans sociaux en 2010, ceux qui sont frappés par le chômage partiel et le ralentissement, déjà perceptible, de l’activité industrielle, peuvent répondre que là n’est pas la question !

Enfin, à toutes celles et tous ceux qui parlent d’État modeste, de « performance » des services publics, d’efficacité, d’efficience, et de je ne sais encore quelle optimisation des services publics, les fermetures de classes, les files d’attente dans les préfectures ou la lenteur de la communication administrative apportent autant de réponses.

Depuis plusieurs années, le service public, élément décisif dans la vie de la nation, source d’efficacité économique et sociale, est attaqué, mis en cause, amoindri, au nom d’une idéologie libérale dépassée qui veut faire croire qu’une diminution du « collectif » et de la solidarité est nécessaire au bien commun !

Ce projet de loi pour 2011 s’inscrit, dans ses grandes lignes, dans la filiation des lois de finances dont nous avons pu débattre depuis 2002.

La « priorité des priorités », nous l’avons vu lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques, c’est la réduction des déficits publics. La belle affaire que voilà !

Comment se fait-il que, depuis 2002, toutes les lois de finances aient fait de cette réduction des déficits publics l’absolue priorité de leur mise en œuvre et que ces déficits, et la dette avec eux, n’aient cessé de croître et d’embellir depuis ?

Ce matin, le rapporteur général nous a gratifiés d’un plaidoyer, que je qualifierai d’idéologique – toujours le même ! –, en faveur d’un budget qu’il estime bon pour l’avenir.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L’existence de la dette, ce n’est pas de l’idéologie, c’est une réalité !

M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, tous les ans, nous avons droit à la même rengaine !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La situation empire d’année en année !

M. Thierry Foucaud. Il s’agit de l’un de ces budgets où il y a encore moins d’argent utile, celui qui va à la santé, à l’école, à l’industrie ou au logement.

Les déficits s’accroissent d’année en année, le nombre de chômeurs également, et le problème du logement ne se résout pas.

À l’école aussi, les problèmes sont évidents, notamment dans le premier degré, au regard de l’augmentation du nombre d’élèves et de la diminution du nombre d’enseignants, et la situation est très tendue.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La dette, c’est la disparition de l’indépendance nationale ! C’est une aliénation !

M. Thierry Foucaud. Le problème, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, c’est que les déficits et la dette ne viennent pas d’un excès de dépenses publiques, mais de la crise et des cadeaux faits aux plus riches et aux grands groupes, comme nous le voyons avec les 142 milliards d’euros de trésorerie dont disposent les sociétés du CAC 40 !

Joseph Stiglitz disait dernièrement que tout avait été fait « pour contourner les normes comptables et échapper aux impôts nécessaires pour financer investissements publics en infrastructures et en technologies qui portent la croissance réelle et non la croissance fantôme promise par le secteur financier ».

En guise de conclusion provisoire, le Gouvernement nous a d’ailleurs enjoint de voter la loi sur les retraites, au motif de la nécessité de sauver la retraite par répartition, et ce pour la troisième fois en moins de vingt ans !

En 1993, il fallait sauver les retraites, et ce sont les 35 heures et la croissance retrouvée de 1997 et 1998 qui ont remis les comptes à l’équilibre !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les 35 heures, ça m’étonnerait !

M. Thierry Foucaud. En 2003, il fallait déjà sauver les retraites. Faute d’alternance, et d’alternative politique en découlant, 2010 a marqué la fin – provisoire, je l’espère ! – de la retraite à 60 ans, parce qu’aucune autre solution n’était admissible pour les libéraux, incapables de réduire les déficits !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous attendons vos propositions !

M. Thierry Foucaud. Ave ce projet de loi de finances pour 2011, on nous annonce, pour la énième fois, que nous allons lutter avec détermination et efficacité contre les déficits. Ces déclarations nous laissent dubitatifs puisque les précédentes lois de finances, sous-tendues par les mêmes intentions, n’y sont pas parvenues !

Par ailleurs, nous nous demandons depuis plusieurs années quels sont les vecteurs essentiels de ce déficit public et de cette dette publique, agités comme autant d’épouvantails pour justifier des politiques d’austérité.

Cette démarche, largement inspirée par la Commission européenne, est également défendue becs et ongles par la Chancelière de La République fédérale d’Allemagne, qui sait fort bien, et de longue date, que son pays doit une bonne partie de sa force économique à la manière dont il écrase la concurrence des autres pays de l’Union, notamment sur le plan commercial.

Permettez-moi d’ailleurs de pointer, dès maintenant, l’une des limites essentielles de la politique d’austérité qu’entend mener le Gouvernement.

Alors que nous avons connu en 2008 un épisode inédit de la crise, sous la forme d’une surchauffe des secteurs financiers – un incident dont il convient de sortir ! –, l’Union européenne a décidé d’être la seule partie du monde à mener des politiques d’austérité pour enclencher de nouveau le processus de croissance.

Il n’y a qu’en Europe que l’on entend remettre les économies d’aplomb par la réduction des dépenses publiques et la limitation de la création monétaire !

À peine avions-nous débattu de la loi de programmation que le Gouverneur de la Banque centrale américaine, à la suite des résultats des élections de mi-mandat, annonçait qu’il allait mettre en circulation 600 milliards de dollars supplémentaires pour racheter une partie de la dette publique colossale de l’État fédéral américain ! Quitte à ce que tout cela pèse sur la valeur du dollar – et c’est l’architecture d’une loi de finances fondée sur un euro à parité de 1,30 dollar qui en prend un coup ! –, car l’objectif est de relancer l’activité économique, une relance qui permettra à la valeur du billet vert d’être adossée à une production réelle de biens et de services !

On pourrait se demander, à ce stade, ce qu’attend Jean-Claude Trichet, arc-bouté sur sa crainte de l’inflation monétaire, pour agir de la même façon …

Pourquoi la Banque centrale européenne ne procède-t-elle pas à des émissions de monnaie ou d’obligations rachetant tout ou partie de la dette publique des États de l’Union, à commencer par les plus mal en point que sont l’Irlande, la Grèce, le Portugal ou l’Espagne ? Comme nous ne pouvons décemment pas demander à la présidence belge de l’Union européenne de le faire, ce serait bien la moindre des choses !

Mes chers collègues, une partie de l’origine de nos difficultés actuelles se situe probablement au niveau européen.

Cela fait en effet quelques décennies que l’Union est conçue comme une vaste zone de libre-échange, fondée sur la recherche permanente du moins-disant fiscal et social et, singulièrement, sur une harmonisation des législations nationales visant à réduire, sans cesse, les taux nominaux d’imposition des sociétés et des ménages les plus aisés, et à faire disparaître, autant que faire se peut, toute taxation supportée par l’entreprise, le capital ou le patrimoine.

La croissance des déficits publics, en ce qu’elle va bien au-delà des dépenses d’équipement de la nation – qui peuvent motiver le recours à l’emprunt, comme pour une famille qui achète une maison mais ne dispose pas immédiatement de l’argent nécessaire ! –, date du milieu des années 1980.

Avec le temps, nous avons en effet connu une dérive des comptes publics qui a ajouté au financement de l’investissement un service de la dette de plus en plus conséquent et une insuffisance des recettes de fonctionnement, tout cela conduisant au fameux effet « boule de neige » de la dette publique. Seuls les exercices budgétaires compris en 1997 et 2002 ont permis d’éviter cet effet.

À quoi tient l’insuffisance des recettes de fonctionnement, sinon aux moins-values constamment réévaluées de recettes fiscales, sous les effets conjugués des baisses des taux nominaux ? Nous sommes en effet passés de 50 % à 33,33 % pour l’impôt sur les sociétés, et de 65 % à 40 % pour le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu, par exemple. S’y ajoutent des évictions d’assiette, c’est-à-dire les niches fiscales, au sens large.

Le Conseil des prélèvements obligatoires a rendu un avis sur le sujet : 172 milliards d’euros ont été dépensés en 2009 pour alléger les cotisations sociales et les impôts des entreprises, c’est-à-dire plus que le déficit.

Pour le seul impôt sur les sociétés, les mesures d’exonération, les régimes spéciaux, les allégements temporaires et les crédits d’impôt ont coûté 106 milliards d’euros, soit plus de deux fois le rendement net de l’impôt !

Le vrai taux de l’impôt sur les sociétés, en France, n’est pas de 33,33 %, mais de 10 %. Bien des cadres moyens dépourvus de patrimoine important aimeraient se voir appliquer un tel taux d’imposition !

C’est cette accumulation de niches fiscales plus ou moins bienvenues qui est, aujourd’hui, à la source de l’accumulation de déficits que constitue la dette publique.

Le projet de loi de finances pour 2011 a été annoncé comme celui qui doit remettre en question cette logique infernale et coûteuse, mais nous sommes vraiment très loin de ce qu’il conviendrait de faire. Nous ne sommes aucunement enclins à accepter une telle orientation.

Je n’ai pas tout à fait achevé mon propos, mais je m’interromps afin de respecter le temps de parole qui m’est imparti. Je reviendrai sur cette question lors de la discussion des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première déclinaison de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 est bâtie, comme la loi de programmation elle-même, sur une hypothèse de croissance qui nuit à sa crédibilité.

Ce matin, Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a salué la prévision de croissance pour 2010, fondée sur les résultats avérés du deuxième trimestre 2010. Elle a même anticipé sur le troisième trimestre. Or on n’établit pas un budget en regardant dans le rétroviseur. Son enthousiasme habituel n’est donc pas de mise aujourd'hui concernant l’année 2011.

Les chiffres du troisième trimestre montrent que l’investissement a ralenti et que la croissance provient essentiellement des stocks des entreprises. Le déficit du commerce extérieur continue de peser sur la croissance. Quant à l’emploi, il est le grand oublié du présent projet de loi de finances.

En l’absence de nouveaux ressorts, la croissance est très fragile. La consommation est le seul moteur qui tienne encore le choc. Maintenir l’hypothèse d’un taux de croissance de 2 % en 2011 est irréaliste alors que l’horizon s’assombrit, particulièrement dans la zone euro. En effet, seule l’Allemagne, qui combine compétitivité, fortes exportations, reprise de la consommation et retour rapide à l’équilibre budgétaire, a tiré provisoirement son épingle du jeu.

L’évolution de la dette est très préoccupante au moment où les taux d’intérêt repartent à la hausse. La charge des intérêts devrait atteindre un pic en 2013 et culminer à 55 milliards d’euros.

À cet égard, permettez-moi de vous citer un extrait du rapport écrit de M. le rapporteur général : « Pour respecter le plafonnement en volume des dépenses de l’État, il faudra trouver la différence dans les crédits des autres missions ou dans les prélèvements sur recettes. » Tout est dit ! Cela signifie qu’à partir de 2012, ce sera vraiment l’austérité.

Après avoir aggravé les déficits, le Gouvernement a bâti son budget sur l’hypothèse d’une baisse des déficits, baisse que vous qualifiez, monsieur le ministre, d’ « historique ». Pour ma part, je dirais plutôt d’elle qu’elle est « optique », dans la mesure où elle résulte, pour l’essentiel, c’est-à-dire à hauteur de 95 %, de l’arrêt du plan de relance pour l’économie et de la sortie de l’emprunt pour les dépenses d’avenir. Vous attendez d’une croissance à 2 % un afflux mécanique de recettes, c’est-à-dire une évolution spontanée.

Côté recettes, le Gouvernement n’aime toujours pas l’impôt, mais il crée tout de même 11 millions d’euros de prélèvements et de taxes diverses. Il préfère prendre des mesures qui pèseront essentiellement sur les ménages du milieu de l’échelle, plutôt que de s’attaquer au réarmement des recettes.

Les collectivités locales, quant à elles, seront condamnées à une double peine. Alors qu’elles ont déjà perdu l’autonomie fiscale en 2010, elles perdront l’autonomie financière et verront leurs dotations financières gelées en 2011, en 2012 et en 2013. Cela signifiera moins de services publics et moins d’investissements – c’est déjà le cas pour l’année en cours ! – pour soutenir l’économie réelle.

Ce projet de loi de finances est, une fois encore, marqué par la non-remise en cause de la politique fiscale du Gouvernement. C’est sur ce sujet que j’insisterai le plus.

La crise rend pourtant insupportables les injustices accumulées depuis 2002 et la fuite en avant des dix dernières années. L’immobilisme dont vous faites preuve, monsieur le ministre, est la marque du conservatisme.

Le Président de la République nous a raconté une belle histoire à la télévision, en nous promettant une réforme fiscale pour le printemps 2011 ; cela lui évite d’assumer les erreurs commises en 2007. À peine sorti de la mise en œuvre de ses promesses électorales de 2007, il en fait de nouvelles. Encore une fois, c’est la fuite en avant…

Au final, ce projet de budget ne contient qu’une poignée de mesures ciblées sur les ménages aisés, lesquelles ne rapporteront, comme l’a indiqué M. le rapporteur général ce matin, que 500 millions d’euros en 2011. Nous sommes loin des annonces faites par le Gouvernement ! Alors qu’il avait annoncé tout au long de sa campagne de communication estivale, lors de la préparation budgétaire, une attaque massive sur les niches, il se contente aujourd’hui de toucher à quelques symboles : un peu aux stock-options, un peu aux retraites chapeaux. La tronçonneuse que nous avait promise Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie s’est transformée en rabot et, pour finir, en lime à ongles ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

En attendant la loi de finances rectificative, qui interviendra au mois de juin, le Président de la République engage le débat fiscal en invoquant l’harmonisation avec l’Allemagne. C’est intéressant !

Les socialistes ont toujours réclamé une harmonisation fiscale au sein de l’Union européenne. Force est de reconnaître que l’Irlande, qui se trouve dans une situation très malheureuse, et à qui il convient de venir en aide au nom du principe de solidarité au sein de la zone euro, était, dans le passé, la championne du dumping fiscal.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Exactement ! Ça ne lui a pas porté chance !

Mme Nicole Bricq. Cela prouve que la recherche du moins-disant fiscal, que l’on nous a tant vanté en 2007, n’est pas la bonne solution.

Le groupe socialiste a étudié les mesures annoncées par le Président de la République au titre de l’harmonisation avec l’Allemagne. Si l’objectif est d’agir sur la compétitivité des économies, il faut examiner la fiscalité des entreprises, c’est-à-dire l’impôt économique local, l’impôt sur les sociétés, l’IS, et les cotisations sociales. C’est ce que nous avons fait.

S’agissant de l’impôt économique local, tout d’abord, Mme Lagarde nous avait dit qu’il était nécessaire de supprimer la taxe professionnelle,…

Mme Michèle André. Et elle l’a fait !

Mme Nicole Bricq. En effet, mais la démonstration n’a pas été faite que la compétitivité en était améliorée.

M. Philippe Dominati. Il faut un peu de temps…

Mme Nicole Bricq. Du point de vue du Gouvernement, ce n’est plus le problème !

S’agissant de l’impôt sur les sociétés, ensuite, il est vrai que son taux facial, qui s’élève à 34 %, est très élevé en France. Cependant, l’accumulation des niches sur l’assiette de cet impôt en réduit fortement l’impact, et ce d’autant plus que l’entreprise concernée est grande.

M. Thierry Foucaud. Très juste !

Mme Nicole Bricq. On en arrive à une situation complètement régressive. Les entreprises qui sont en haut de l’échelle, celles du CAC 40, doivent acquitter un impôt sur les sociétés dont le taux réel est de 8 %, taux qui correspond à l’IS rapporté à l’excédent d’exploitation. C’est ce que démontre, dans son rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires.

Ces données relativisent très fortement le différentiel affiché avec nos voisins allemands, puisque le taux facial de leur IS est de 29 %. En outre, l’impôt sur les sociétés allemand n’est pas mité, comme c’est le cas en France.

S’agit-il de transférer des points de cotisation sociale dont sont redevables les entreprises sur la TVA, que certains qualifient par euphémisme de « sociale »,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sociale par destination !

Mme Nicole Bricq. … que d’autres appellent « TVA emploi », ou, comme vous l’avez fait ce matin, monsieur le rapporteur général, « TVA anti-délocalisation » ?

Pensez-vous qu’il serait intelligent et productif, en ces temps difficiles, de comprimer le seul moteur de la croissance qui marche, à savoir la consommation ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, c’est intelligent !

Mme Nicole Bricq. Selon nous, ce serait une initiative dangereuse.

Vous connaissez notre proposition concernant le projet de loi de finances pour 2011. Dans un premier temps, il serait plus intelligent de revenir sur la dépense fiscale que constitue la baisse de la TVA dans la restauration.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un autre sujet !

Mme Nicole Bricq. Il est en effet prouvé, comme l’a confié le rapporteur général à un journal du matin, qu’elle coûte très cher.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle a même un coût caché, qui bénéficie au Luxembourg !

Mme Nicole Bricq. Nous avons désormais suffisamment de recul sur ce sujet pour en faire le bilan : 130 000 euros l’emploi, c’est tout de même très cher !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je maintiens mes propos !

Mme Nicole Bricq. Vous avez également déclaré, monsieur le rapporteur général, que le coût annuel de l’abaissement du taux de TVA dans la restauration représentait la valeur d’un porte-avions.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet !

Mme Nicole Bricq. J’espère que la durée de vie du taux réduit de TVA dans la restauration sera moins longue que celle d’un porte-avions ! (Sourires.) Pour notre part, nous vous proposons de supprimer cette mesure dès maintenant.

Nous avions l’occasion de nous rapprocher de l’Allemagne avec la novation fiscale dont Mme Lagarde a vanté l’introduction ce matin, à savoir une taxation bancaire systémique – que nous réclamons depuis le début de la crise financière ! –, mais nous avons pris le chemin exactement inverse.

J’ai étudié de près le système allemand de taxation bancaire. Il est fondamentalement différent du nôtre : l’assiette et l’affectation sont différentes. Surtout, et c’est là une grande différence qui est passée inaperçue, vous faites de cette taxation un impôt déductible de l’impôt sur les sociétés ! Tout est fait pour la rendre indolore, donc inefficace. La puissance du lobby bancaire a encore frappé !

Invoquer l’harmonisation avec l’Allemagne ne sert en fait qu’à justifier la suppression concomitante du bouclier fiscal, qui est devenu à l’approche des élections un véritable boulet pour le Gouvernement, et de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, au motif que ni l’un ni l’autre n’existent outre-Rhin. Le Président de la République s’était donc trompé lorsqu’il avait affirmé que l’Allemagne avait un bouclier fiscal…

Nous connaissons bien ce débat, au Sénat, et nous l’avons toujours récusé : 680 millions d’euros n’équivalent pas à 4 milliards d’euros ! Un impôt sur le patrimoine n’est pas un impôt sur le revenu !

Pour justifier le bouclier fiscal, le Gouvernement argue que nul ne doit payer en impôt plus de 50 % de ce qu’il gagne. Or il est impossible qu’un contribuable ne disposant que de revenus du travail paie l’équivalent de plus de 50 % de son revenu en impôt. Il faut en réalité posséder un patrimoine important pour bénéficier du bouclier fiscal. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG.) Les deux tiers des sommes restituées au titre du bouclier le sont en effet à des contribuables dont le patrimoine est supérieur à 15 millions d’euros.

La suppression de ce bouclier fiscal qui exonère les plus riches de tout effort contributif n’est donc pas, pour nous, une contrepartie à une réforme de la fiscalité. Elle est un préalable.

Nous proposons d’abaisser le plafonnement des niches fiscales. Du reste, avant l’introduction du bouclier fiscal, l’ISF était plafonné. Si nous voulons procéder à une réforme du patrimoine, nous en avons les moyens. Dès lors, pourquoi attendre ? Supprimons, dès à présent, le bouclier fiscal !

La mise à jour des effets pervers de la conjonction entre bouclier et niches a conduit la majorité et le Gouvernement à proposer un plafonnement, que nous jugeons insuffisant, de ces dernières. Nous proposons de l’abaisser encore.

En l’absence d’une évaluation complète des quelque 500 niches existantes, nous refusons la méthode du Gouvernement qui consiste à choisir, au fil de l’eau, ce qui est une niche et ce qui ne l’est pas. Cette vision sélective conduit à laisser galoper les plus coûteuses d’entre elles, notamment celles dont l’efficacité économique ou sociale n’est pas démontrée, et à encourager l’optimisation fiscale et les effets d’aubaine – c’est le cas du crédit d’impôt recherche ! –, au détriment des finances publiques.

Sur le fondement des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires, nous vous proposerons une série d’amendements visant à supprimer certaines niches, afin d’en éradiquer les effets injustes et contre-productifs, ou à les aménager afin de limiter le plus possible les sources d’optimisation les plus criantes, soit du côté des ménages les plus aisés, soit du côté des entreprises. La France est effectivement le pays champion en matière de niches fiscales.

Si l’on considère l’impôt sur les sociétés, les impôts sur le patrimoine et l’impôt sur le revenu, on voit qu’ils sont tous régressifs. Pour notre part, nous souhaitons réintroduire de la progressivité, surtout sur le patrimoine, car les inégalités dans ce domaine ont explosé, en particulier depuis 2007, à la suite de l’adoption de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.

De la même manière, vous avez aggravé les inégalités en multipliant les prélèvements libératoires sur les plus-values du patrimoine. S’agissant de la fiscalité du patrimoine et des plus-values, qui était flat, vous avez réduit le taux d’imposition à 18 %. Vous vous apprêtez à faire un petit effort et à le porter à 19 %, mais c’est insuffisant.

Dans ce projet de loi de finances pour 2011, vous ne revenez sur rien d’essentiel, mais vous continuez, néanmoins, à entretenir l’illusion de l’action.

Avec mes collègues du groupe socialiste, nous avons réfléchi. Nous voulons raisonner à partir des taux réels, et non des taux marginaux, assurer la légitimité d’un grand impôt sur le patrimoine, disposer d’un grand impôt sur le revenu qui renoue avec la progressivité, en finir avec les exonérations injustifiées, rééquilibrer les revenus du travail et les revenus du capital. Tels sont les fondements de la réforme fiscale que nous souhaitons engager ; ils ne devront pas être bradés.

Conscients des efforts que la France devra fournir pour retrouver son rôle moteur en Europe, nous voulons que ceux-ci soient justement répartis. Nous proposerons des mesures permettant de résoudre les difficultés et d’augmenter les marges de manœuvre budgétaires de notre pays.

Bien que vous fassiez fausse route, monsieur le ministre, vous ne parvenez pas à vous résoudre à modifier votre trajectoire. C’est pourtant votre dernier budget utile. Il faudra bien refonder un pacte fiscal avec les contribuables, ainsi qu’un contrat de confiance avec les collectivités locales.

Tels sont nos objectifs pour 2012. En attendant, nous voterons contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Si l’envie vous venait de respecter vos temps de parole, mes chers collègues, je ne vous en voudrais pas ! (Sourires.)

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de mettre un terme à un insoutenable suspense, je vous annonce que le groupe UMP votera le présent projet de loi de finances. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Thierry Foucaud. Comme ça, c’est dit !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela a été indiqué : ce projet de loi de finances est historique !

Historique, parce qu’il marque enfin le recul du déficit.

Historique, parce qu’il accompagne la sortie d’une crise économique et financière sans précédent, même si certains n’hésitent pas à s’affranchir de cette réalité.

Historique, parce que c’est un budget courageux.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’effet d’optique est là !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La réalité aussi !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous avons évoqué les prévisions économiques. La reprise est effectivement là, même si elle est timide.

Selon les derniers chiffres connus, les prévisions du Gouvernement prévoyant un taux de croissance de 1,5 % pour 2010 seront peut-être légèrement dépassées et la croissance demeure soutenue par la consommation des ménages, qui est restée à un bon niveau. C’est un point positif. Nous avons ainsi la démonstration que le plan de relance qui s’achève avait été bien calculé et équilibré.

L’inflation a été maîtrisée et les investissements privés des entreprises ont progressé faiblement, à hauteur de 1 %. Les exportations ont plus augmenté au premier trimestre qu’au deuxième. Quant aux fonds prêtés aux banques, dont on nous parle sans cesse, ils ont été remboursés à 80 % et ont rapporté 2,4 milliards d’euros d’intérêts au Trésor public !

Autre point positif : les premiers signes de décrue du chômage apparaissent.

Depuis le début de l’année 2010, ce sont 60 000 emplois nets qui ont été créés. Cette décrue est évidemment trop faible. Un effort prioritaire devra être porté sur l’emploi, notamment sur l’emploi des jeunes.

En effet, monsieur le ministre, pour nous, l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle est la première des priorités, non pas du budget, mais de notre société. Si nous ne sommes pas capables de bien insérer les jeunes de notre pays, quels qu’ils soient et quel que soit leur niveau scolaire ou universitaire, dans la vie professionnelle, nous devrons en subir des conséquences extrêmement graves au cours des prochaines décennies.

En revanche, et cela a été évoqué, il reste un point noir : le déséquilibre de notre commerce extérieur. C’est d’autant plus inquiétant que cela nous éloigne de plus en plus de notre partenaire d’outre-Rhin, dont le commerce extérieur connaît un excédent permanent.

La question de la compétitivité de notre économie est donc au cœur du débat budgétaire, et elle est primordiale. Nous devons parvenir à concilier le soutien économique et financier de nos entreprises et le retour à l’équilibre budgétaire en 2013, ce qui permettra de commencer à nous désendetter à partir de 2014.

Nous formons le vœu de revenir rapidement à la situation que nous avons connue en 2006 et en 2007. Pendant cette période, les recettes et les dépenses de l’État étaient équilibrées, et le déficit trouvait sa seule origine dans le financement des intérêts de la dette. Nous savons, compte tenu de la masse de la dette, que ces intérêts vont croître : en 2012, le financement des intérêts représentera 55 milliards d’euros. Il faudra donc réaliser un gros effort sur le reste des dépenses.

Bien entendu, les conséquences d’une telle évolution budgétaire sur la croissance sont liées à un phénomène sur lequel nous n’avons pas beaucoup de prise : la situation de l’euro par rapport aux autres monnaies.

Si l’euro continue à atteindre des sommets, du fait des bouleversements monétaires qui interviennent dans le monde, nous aurons du mal à retrouver l’équilibre de notre commerce extérieur et, par conséquent, à accélérer la reprise de l’emploi.

Voilà pourquoi, et c’est le premier bémol que je me permets d’introduire dans ce propos, il ne faut pas supprimer trop vite toutes les mesures de relance. Je pense, par exemple, à la prorogation de deux ans du régime de cession-bail, qui a été décidée par notre commission des finances, sur l’initiative de notre excellent rapporteur général, Philippe Marini. De même, il ne me paraît pas non plus nécessaire de toucher tout de suite au crédit d’impôt recherche. Ces deux éléments sont très importants pour le développement des investissements et pour la stimulation de la création des petites entreprises.

Certes, la problématique de l’articulation entre une logique économique et une logique financière se retrouvera dans les débats. Et les mêmes qui demandent une réduction du déficit réclameront évidemment le maintien d’un certain nombre de régimes privilégiés…

Prenons l’exemple du rabotage des niches fiscales, puisqu’on a évoqué tout à l’heure une « lime à ongles » ; d’ailleurs, je me demande si elle était en carton ou en métal…

Mme Nicole Bricq. Ça marche bien aussi avec le métal !

M. Jean-Pierre Fourcade. Le rabotage des niches fiscales suscitera un grand nombre d’amendements, mais il est clair que le dispositif de taux réduit de TVA dans l’hôtellerie, la restauration et le bâtiment représente un coût important sur lequel nous devons réfléchir.

Le présent projet de loi de finances pour 2011 n’est pas un budget de rigueur, parce qu’il ne se caractérise pas par une hausse généralisée des prélèvements obligatoires. Notre groupe approuve ce choix.

Je vous renvoie d’ailleurs aux derniers rapports de la Cour des comptes, ainsi qu’aux déclarations de son président. Les magistrats de la rue Cambon recommandent que l’effort « porte prioritairement sur la dépense publique », dont les effets sont « plus durables » qu’une hausse des recettes. Il est très important de prendre en compte cette préconisation dans nos réflexions.

Néanmoins, monsieur le ministre, tout en vous apportant le soutien complet et unanime du groupe, je tiens à vous faire part de trois inquiétudes.

Première inquiétude : l’endettement de l’État croît à une vitesse considérable, passant d’un niveau compris entre 700 milliards et 800 milliards d’euros, voilà quelques années, à un peu plus de 1 200 milliards d’euros aujourd'hui.

À l’évidence, une telle augmentation – près de 50 % en quelques années ! – pose des problèmes non seulement de financement des intérêts, mais surtout de remboursement. J’ai noté avec un peu d’inquiétude qu’il y aurait un pic de remboursement en 2012. Cette année-là, le niveau des remboursements sera supérieur de près d’une fois et demie à celui de 2010. Par conséquent, il faudra augmenter la dette pour pouvoir rembourser les dettes précédentes !

Ma deuxième inquiétude, plus forte, concerne la faiblesse des investissements privés dans notre pays, c’est-à-dire ce qui détermine le niveau de croissance et d’emploi.

Dans la conjoncture internationale un peu troublée ou, tout au moins, tendue que nous connaissons, nous voyons bien que les ménages comme les entreprises ont un réflexe d’attentisme. Cela se traduit par une augmentation du niveau d’épargne des ménages – nous le percevons clairement au travers des chiffres de la Banque de France ! – et par une tendance des entreprises à investir au minimum. Une progression de l’investissement de 1 % n’est pas suffisante pour entraîner un taux de croissance important. À mon sens, c’est dans notre capacité à répondre à ces craintes et à cet attentisme que réside la véritable clé de l’augmentation du taux de croissance – de 1,5 % à 2 % ou à 2,5 %, par exemple –, au cours des prochaines années.

Dès lors, indépendamment des soucis de justice fiscale, de progressivité ou de reprise d’avantages, je pense que nous devons être extrêmement attentifs aux comportements actuels des entreprises en matière de financement de leurs investissements ; c’est la clé de notre développement !

N’oublions pas que seules les entreprises sont capables de créer de véritables emplois ; les emplois administratifs que nous pourrions créer ne sont pas durables.

Ma troisième inquiétude vous concerne directement, monsieur le ministre. Le projet de loi de finances pour 2012 sera très difficile à exécuter.

Si l’aboutissement du plan de relance nous permet de passer, en 2011, d’un niveau de déficit prévisionnel de 7,7 % à un niveau de déficit de 6 %, il sera difficile de passer d’un taux de 6 % à 4,5 % ou 4,6 % l’an prochain ! Il n’y aura plus l’« effet d’aubaine » du plan de relance, et l’effort consenti sur tous les secteurs des niches fiscales et sociales sera considérable.

Aujourd’hui, il est de bon ton de nous prévaloir d’une politique budgétaire plus souple que celle des Britanniques. Or, l’année prochaine, la comparaison avec nos voisins d’outre-Manche qui, eux, ont réalisé les efforts nécessaires, risque de nous être nettement moins favorable.

C’est pourquoi il faut tenir aujourd’hui un langage de vérité, en prévision du langage de responsabilité que nous devrons tenir dans quelques mois. Il y va de notre souveraineté nationale, qui est actuellement quelque peu handicapée : à l’heure actuelle, lorsque nous empruntons sur les marchés internationaux pour boucler nos fins de mois, 70 % des souscripteurs de nos obligations assimilables du Trésor, les OAT, ou de nos bons du trésor à quatre ou cinq ans, ne sont pas des résidents.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà qui fait peser un risque sur notre souveraineté en matière budgétaire !

Dans ces conditions, je crois que nous devons faire très attention et éviter de nous engager trop avant. Toute réduction des emprunts sur le marché international nous permettra de revenir plus vite à l’équilibre.

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part à propos du présent projet de loi de finances.

Nous le voterons, car il jette les bases d’une réduction de nos déficits, s’inscrit dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 que nous venons d’adopter, et marque une action courageuse de réduction de la dépense. J’ose espérer que les remous monétaires ne troubleront pas, au cours de l’année 2011, les objectifs du Gouvernement et de la majorité qui le soutient.

Monsieur le ministre, pour toutes les raisons que je viens d’indiquer, votre projet de loi de finances me semble être le meilleur que vous pouviez présenter dans la conjoncture actuelle. C’est pourquoi nous le soutiendrons. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cette semaine, l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, a publié l’édition 2010 de son étude intitulée France, portrait social.

Cette étude confirme et chiffre ce que nous savions déjà. D’abord, la crise économique a eu de graves répercussions sur l’emploi : en 2009, l’économie française a perdu 257 000 emplois. Ensuite, les jeunes et les seniors ont été particulièrement touchés. Enfin, la pauvreté a touché plus d’un Français sur cinq entre 2004 et 2007. Ce portrait social est alarmant. La situation de nos comptes publics l’est tout autant, comme M. le rapporteur général l’a souligné ce matin.

C’est là toute la difficulté dans laquelle nous nous trouvons. D’une part, la première des priorités consiste à améliorer la situation de nos concitoyens, en particulier les plus vulnérables d’entre eux. D’autre part, il est impératif d’assainir nos comptes publics. Il faut pour cela demander à chacun, État, collectivités territoriales, entreprises et citoyens, des efforts à la hauteur de ses moyens. Pour concilier ces deux objectifs, nos choix doivent être guidés par une exigence de justice fiscale. C’est le sens des propositions que nous soumettrons au Sénat.

Pour assainir les comptes publics, les termes de l’équation sont connus : il faut réduire les dépenses et protéger les recettes. Pour y parvenir, monsieur le ministre, vous proposez que la dépense d’État hors dette et hors pensions n’augmente pas.

Par ailleurs, en prenant en compte l’effet de la dette, des intérêts et des pensions, il faut que nous restions dans le volume de l’inflation. Nous approuvons cette double règle et nous espérons qu’elle sera respectée, contrairement à ce que nous avons constaté au terme de l’exercice 2009.

Certaines prévisions très optimistes nous amènent malheureusement à craindre que les engagements pris dans ce projet de loi de finances pour réduire le déficit ne soient difficiles à tenir.

Par exemple, en matière de dépenses sociales, le Gouvernement prévoit que les interventions de guichet n’augmenteront pas en valeur l’année prochaine. Leur coût se stabiliserait à 37,6 milliards d’euros. Cela ne s’est jamais produit auparavant, et nous vous serions reconnaissants de nous indiquer comment cela pourrait être le cas en 2011. Voilà qui illustre la rigidité de la dépense publique et, par conséquent, le rôle que doivent jouer les recettes.

Ce levier d’action indispensable fait l’objet d’une certaine confusion : les mesures proposées par le Gouvernement consistent-elles, oui ou non, à augmenter les impôts ? Pour notre part, sans ambiguïtés et sans détours, nous affirmons que oui !

Oui, en réduisant le coût de certaines niches fiscales, le Gouvernement propose une hausse d’impôts ciblée, intelligente et indispensable ! Nous le soutenons dans cette démarche, et nous pensons qu’elle gagnerait à être pleinement assumée.

La méthode retenue permettra de ne pas nuire à la compétitivité de nos entreprises, et c’est essentiel. Dans le cas contraire, nous perdrions en emplois ce que nous gagnerions en impôt, et ce jeu à sommes nulles serait assurément perdant.

Nous soumettrons au Sénat des mesures pour corriger les dérives dont font l’objet certaines dépenses fiscales.

Nous proposerons, par exemple, d’exclure du bénéfice du crédit d’impôt recherche les établissements de crédit qui profitent indûment de ce dispositif, alors même qu’ils n’engagent pas véritablement de travaux de recherche.

Nous proposerons, également, d’augmenter la fiscalité sur les contrats d’assurance complémentaire santé non responsables, afin de préserver l’incitation à privilégier les contrats d’assurance responsables, qui contribuent à contenir les dépenses d’assurance maladie. Là encore, il s’agit de veiller à ne pas perdre en dépenses de santé ce que l’on gagnerait en fiscalité.

Nous proposerons, par ailleurs, de réduire de 10 % la dépense fiscale que constitue le taux réduit de TVA dans la restauration, en portant ce taux de 5,5 % à 7 %. Nous ne préjugeons pas le bilan qui devra être tiré lorsque les délais fixés aux restaurateurs pour mettre en œuvre leurs engagements seront arrivés à échéance. Mais nous pensons, comme M. le rapporteur général de la commission des finances, que le « rabot » doit s’appliquer à cette niche.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Nicolas About. Cela ne perturbera pas le comportement économique des acteurs concernés et permettra de diminuer une dépense fiscale extrêmement coûteuse.

Globalement, la réduction des dépenses nous semble indispensable, et nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin.

Tous les amendements que nous défendrons ne vont, pas pour autant, dans le sens d’une réduction des dépenses. Réduire les dépenses publiques est une nécessité. Ce n’est pas un dogme !

De façon très ciblée, proportionnée, nous proposerons également de consentir certaines dépenses ou de renoncer à les réduire, là où nous pensons qu’elles sont nécessaires. Par exemple, nous proposerons à la Haute Assemblée d’étendre le bénéfice du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, aux collectivités qui construisent des maisons de santé lorsqu’elles se situent en zone de revitalisation rurale ou en territoire rural de développement prioritaire.

La règle actuelle selon laquelle seules les collectivités classées en zone déficitaire peuvent bénéficier du FCTVA est trop restrictive. Elle nuit à la lutte contre la désertification médicale, une démarche à laquelle le Sénat est très attaché. Sans étendre cet avantage fiscal à toutes les collectivités, nous proposons donc d’en faire bénéficier les territoires ruraux les plus en difficulté.

Enfin, nous défendrons plusieurs propositions pour aménager le bouclier fiscal.

À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu’il ne souhaitait pas engager ce débat dans l’improvisation. Dès maintenant, permettez-moi de répondre à cet argument.

Premièrement, personne ne contestera, à tout le moins au Sénat, que le débat sur le bouclier fiscal est loin d’être nouveau. Il a en effet commencé depuis longtemps pour nous !

Deuxièmement, la crise et son impact exigent de réexaminer avec un regard nouveau certains dispositifs qui se justifiaient peut-être hier, mais doivent évoluer. Cet argument légitimait la réforme des retraites à laquelle nous avons pris une part active. Il rend aujourd’hui légitime la réforme de la fiscalité du patrimoine et, tout particulièrement, du bouclier fiscal.

Enfin, et surtout, le groupe de l’Union centriste est force de proposition sur ce sujet depuis plusieurs années. Nous constatons que notre proposition emporte de plus en plus l’adhésion de la majorité ; tant mieux !

La preuve de cette évolution a été apportée par le Président de la République lui-même, mardi dernier : la réforme de la fiscalité du patrimoine qu’il a annoncée est si semblable à celle que nous proposons que nous osons penser que notre idée a fait son chemin.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Nicolas About. Forts de son expérience, le groupe de l’Union centriste n’exclut pas que, comme par le passé, il se trouve quasiment seul à soutenir la proposition que présentera le président de la commission des finances, Jean Arthuis, avec plusieurs de ses collègues membres de la commission.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ça avance bien !

M. Nicolas About. Tant mieux !

Dans cette hypothèse, le Sénat s’honorerait à adopter au moins une série de dispositions qui devraient, elles, faire consensus. Elles visent à rapprocher le revenu fiscal pris en compte dans le calcul du droit à restitution du revenu réel des bénéficiaires du bouclier fiscal.

Aujourd’hui, le revenu pris en compte est diminué par une série de dispositions : on exclut les primes versées au titre de l’épargne retraite individuelle, certaines plus-values immobilières, etc. Tous ces allégements n’ont aucune justification.

Le principe du bouclier fiscal est très clair : nul ne doit payer plus de 50 % de ses revenus en impôt. En s’écartant de ce principe, les dispositions que nous visons rendent choquant un dispositif qui, s’il était appliqué rigoureusement, pourrait à la limite se justifier : il permet d’éviter que l’impôt, notamment l’ISF, ne revête un caractère confiscatoire.

A minima, si le Sénat refuse d’engager immédiatement une réforme plus ambitieuse, nous proposerons de supprimer ces dispositions en attendant la réforme annoncée, ce qui ne devrait pas retarder le processus souhaité par le Président de la République, dans la mesure où ces dernières ne prendront effet qu’avec la réforme à venir…

Notre groupe tâchera donc, par ses propositions, d’assurer une juste répartition de l’effort que chacun devra consentir.

En augmentant le taux de la dernière tranche d’impôt sur le revenu, on demande à chaque contribuable d’accepter une hausse des prélèvements. Or, si rien n’est fait, les bénéficiaires du bouclier fiscal ne prendront pas part à cet effort. Nous pensons que les plus fortunés de nos concitoyens doivent y participer.

Si les PME voient certaines de leurs aides réduites, nous pensons que les grandes entreprises doivent, elles aussi, être sollicitées et que certains abus doivent cesser.

Si les collectivités sont associées à l’effort de réduction des dépenses publiques, nous pensons que l’État doit veiller à ce que les territoires fragiles soient protégés.

Voilà, mes chers collègues, l’esprit dans lequel nous abordons l’examen de ce projet de loi de finances. Bien entendu, nous prendrons toute notre part à en assurer l’adoption. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Votre discours, monsieur le ministre, comme ceux du Gouvernement et du Président de la République, tournent de façon obsessionnelle autour de la nécessité de freiner la dépense publique et de réduire le nombre de fonctionnaires.

Plus de 100 000 postes ont été supprimés depuis que votre majorité est au pouvoir. Votre objectif est clair : vous visez la réduction, voire la suppression, des services publics.

Pourtant, ces services que nous mettons à disposition de nos concitoyens sont très utiles pour la grande majorité d’entre eux, tout particulièrement dans cette période de crise.

En Europe, dites-vous, nous avons été l’un des seuls pays à avoir traversé la crise sans trop de casse. Les services publics et les politiques sociales ont servi d’« amortisseur social », pour reprendre votre terminologie.

Pourquoi donc mettre à bas ces politiques qui ont fait la preuve de leur efficacité ? Le portrait social de la France réalisé par l’INSEE l’atteste, une nouvelle fois, cette année : « Les administrations publiques redistribuent aussi une partie des recettes sous forme de prestations “en nature”. Les deux principales, en termes de budget, sont les dépenses d’éducation et les dépenses de santé. Ces prestations “en nature” […] concourent aussi à réduire les inégalités. Cette forme de redistribution est conséquente […]. Ces services publics réalisent ainsi la moitié de la réduction totale des inégalités de niveau de vie. »

Nos services publics, ceux de nos communes, de nos départements et de nos régions, jouent le même rôle ; ils atténuent les effets désastreux de votre politique.

Malgré cet élément de preuve, vous considérez que l’équivalent « argent » sous forme de services publics, qui va à ceux qui en ont le plus besoin, devrait être reversé à ceux de vos amis qui ne savent qu’en faire. En effet, vous privatisez à tout va, dans un pays où le nombre de pauvres a atteint, grâce à vous, le chiffre record de 7,8 millions de personnes en 2008.

Vous avez, avec cynisme, accéléré ce processus depuis la rentrée.

Après avoir supprimé définitivement la taxe professionnelle, l’an dernier, sans que cela ne crée d’emplois nouveaux, vous avez entamé depuis septembre le processus de destruction de notre système de retraite par répartition en faisant voter à la hussarde le texte portant réforme des retraites.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un hussard qui a pris son temps !

Mme Marie-France Beaufils. Vous pourrez ainsi livrer notre système de retraite au monde des assurances, qui vous est proche…

Vous avez remis en cause notre démocratie locale en faisant voter à l’arraché le projet de loi sur les collectivités.

Vous dites, monsieur le ministre, que « notre stratégie d’inflexion de la dépense, pour être efficace, doit concerner impérativement l’ensemble des acteurs publics : l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales. » Mais vous faites surtout porter cet effort par les habitants les plus modestes de notre pays.

Comment vous croire lorsque vous osez affirmer : « Il est incontestable que tous les acteurs de la dépense publique, je dis bien tous, devront participer à cet effort » ?

Comment les élus, à qui l’on demande de faire des économies, pourraient-ils admettre et comprendre que le Président de la République, acteur de la dépense publique par excellence, se soit auto-exempté de cette règle. Après avoir commencé son quinquennat en s’augmentant de 170 %, il s’offre aujourd’hui le luxe d’un avion qui coûte à la nation 176 millions d’euros et 49 millions d’euros d’entretien à l’année. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il en remplace deux !

Mme Marie-France Beaufils. Comment pouvez-vous faire croire aux élus qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses, alors que le ministère des finances distribue aux plus riches de vos amis 679 millions d’euros au titre du bouclier fiscal ? La suppression prévue de ce dispositif, mais associée à celle de l’ISF, n’indique nullement un changement d’orientation du Président de la République, mais annonce un fort risque de pertes de recettes.

Comment pouvez-vous faire croire que le pays traverse des difficultés quand une seule personne, dirigeante du numéro un du luxe, a réalisé ces jours derniers une plus-value de 18 millions d’euros en une journée, en levant un certain nombre de stock-options ? On est loin de la moralisation du capitalisme tant annoncée par le Président de la République.

Mme Marie-France Beaufils. Les Françaises et les Français ne veulent plus de cette politique-là. Ils vous l’ont dit haut et fort, mais vous êtes restés sourds à leurs cris de colère.

C’est vous qui avez aggravé la dette en réduisant les recettes provenant des impôts des plus fortunés. En stigmatisant les collectivités locales, qui ne sont pourtant que faiblement responsables de l’endettement public – à hauteur seulement de 10 % ! –, vous voulez faire porter par les élus locaux la faillite d’une politique qui vous incombe intégralement. En considérant que les collectivités sont une charge et non une source de richesse, vous oubliez de reconnaître qu’elles figurent parmi les principaux acteurs de notre économie.

L’Observatoire des finances locales a déjà constaté un premier recul de l’investissement des collectivités de 73 % à 70 % en 2009. Ce recul se confirme pour 2010.

Les artisans et les PME qui participent économiquement à la vie locale seront ainsi les premiers touchés, en particulier ceux du bâtiment et des travaux publics.

Les élus des collectivités territoriales œuvrent pour l’intérêt général des habitants, sur la base des programmes pour la réalisation desquels ils ont été élus. Et vous voudriez leur faire exécuter vos seules orientations … Drôle de conception de la démocratie !

Les élus ne veulent plus de cette politique-là ! Ils vous l’ont dit à leur façon lors du débat sur la réforme des collectivités locales. Comme pour les retraites, vous n’entendez rien. En revanche, pour obtenir ce vote lors du débat sur la réforme des collectivités locales au Sénat, vous avez donné un spectacle pitoyable, fait de tractations de couloirs et de pressions. Vous avez fait passer ce texte aux forceps, mais il n’est toujours pas accepté pour autant.

Le projet de loi de finances que vous nous présentez n’est que la mise en musique de ces deux textes fondamentaux et destructeurs que vous souhaitez imposer aux élus locaux : la réforme de la taxe professionnelle et la réforme des collectivités locales.

En gelant les dotations de l’État, vous mettez les collectivités en difficulté. Il y a deux ans, en 2009, l’évolution était calculée sur l’inflation. Elle avait été estimée à 2,5 % en tenant compte du PIB et des prix. En 2010, nous étions sur la moitié de l’inflation prévisionnelle ; puis, en 2011, vous décidez un taux de 0 %. Cependant, pour certaines collectivités, la baisse atteindra 5 % de leur garantie de dotation de fonctionnement.

Pourtant, l’inflation atteint 1,6 % sur les douze derniers mois, et la barre des 2 % sera certainement atteinte en 2011.

Pour les collectivités, l’incidence sera encore plus importante puisque le « panier du maire » est environ du double.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, combien de communes seront touchées par cette baisse ? S’agit-il de 6 500 communes, comme l’annonce Bercy, ou de plus 20 000 communes, comme le pense l’Association des maires de France, l’AMF ?

Il y a beaucoup d’inquiétude chez les élus, qui se trouveront dans l’impossibilité de maintenir de nombreux projets. À travers cette politique de restriction, vous allez mettre à mal de nombreuses associations qui sont financées à 80 % par les collectivités territoriales et qui sont de véritables acteurs du lien social sur nos territoires.

S’agissant de la suppression de la taxe professionnelle, vous aviez proposé une clause de revoyure avant le 31 juillet 2010 pour présenter les éléments de financement de substitution. Or cette clause s’apparente à l’Arlésienne : vous en parlez abondamment, mais rien de plus !

En forçant à la baisse le pouvoir d’achat des collectivités territoriales, vous voulez placer les maires, les présidents de conseils généraux et régionaux devant cette seule alternative : augmenter les impôts locaux ou supprimer des services à la population et, par conséquent, supprimer des emplois territoriaux. Votre projet de loi de finances crée une réelle inquiétude chez l’ensemble des élus de notre pays : nous pensons qu’il est temps, au contraire, de leur rendre confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous savons tous que l’exercice budgétaire n’est pas simple. Il l’est d’autant moins cette année que nous sommes toujours dans une période de tourmente internationale qui nous touche directement, même si les mesures prises dans le cadre de la relance ont permis d’atténuer le creux que nous aurions pu connaître, comme bien d’autres pays européens.

Comme toujours, chacun s’accorde sur la nécessité de faire des efforts, à condition qu’ils ne touchent que les autres. À titre personnel, je m’intéresse plus particulièrement à la mission « Outre-mer », qui doit vous être chère, monsieur le ministre, et à la mission « Sécurité civile ». J’interviendrai sur ces deux missions dans la suite du débat.

Dans mon propos de ce jour, j’insisterai sur la situation des finances des collectivités locales. Si l’État peine à établir son budget – permettez-moi, monsieur le ministre, de saluer le travail que vous avez réalisé et les grandes orientations que vous avez tracées ! –, les collectivités locales, et principalement les départements, peinent encore davantage que l’État.

L’analyse globale des budgets des collectivités territoriales montre que le bloc regroupant les communes et les intercommunalités se trouve dans une situation globalement équilibrée : le montant de leurs charges a progressé de 2 % en 2010, tout comme le montant de leurs recettes.

Les charges des départements ont progressé de façon insupportable, en raison du poids considérable des dépenses sociales : ainsi, on estime que le différentiel entre la croissance des charges et celle des recettes s’élève à 8 points ! Cette situation se traduit par un « effet de ciseaux » qui étouffe ce niveau de collectivités : dans deux ans, ou plus, seul un département conservera une faible capacité d’autofinancement.

Peut-on considérer que l’enjeu budgétaire dont nous débattons concerne seulement l’État, ou doit-on prendre en considération le devenir du niveau départemental ? Je crois savoir que l’État est bien conscient de son rôle : il a su user, à juste titre, de la décentralisation pour transférer certaines de ses compétences, mais aussi beaucoup de ses charges. Ces transferts ont joué le rôle de variable d’ajustement budgétaire : certains chiffrent cette variable en milliards d’euros. Je n’engagerai pas maintenant le débat sur ce sujet, nous saurons le faire à un autre moment.

Vous savez également, mes chers collègues, que nombre de décisions prises au niveau de l’État et du Parlement ont des conséquences sur le budget des collectivités locales. Je citerai pêle-mêle : la revalorisation des salaires, les normes, les niveaux de prestation ou les populations concernées. Le niveau centralisé oriente et décide, le niveau local assume.

M. le ministre Baroin indique, à juste titre, que l’État est, ou se veut, vertueux au niveau des finances publiques, que l’État ne souhaite pas augmenter les impôts – avec un taux de prélèvements obligatoires de 56 %, nous pouvons le comprendre ! –, que l’État ne peut plus accepter que la France soit dans le peloton de tête des prélèvements obligatoires, que l’État doit maîtriser les finances publiques et, enfin, que l’État a confirmé la stabilisation – nous dirons plutôt le gel ! – de ses concours aux collectivités locales, hors Fonds de compensation de la TVA.

Je suis en accord à 100 % avec ces propositions ! Je ne conteste pas le gel des concours aux collectivités locales : il est nécessaire, et chacun doit accomplir des efforts.

En ce qui me concerne, mon credo n’a pas varié : nous devons nous battre pour la compétitivité de nos entreprises. Je ne puis donc qu’approuver les propos tenus en ce sens par Mme Lagarde ce matin. En effet, ces entreprises sont notre richesse ; elles seules nous permettent de développer notre pays et nos territoires, et donc d’assurer notre demande sociale et environnementale. À ce titre, j’ai toujours agi pour que le département que je préside reste parmi les moins imposés et les moins dépensiers. Cependant, je m’interroge en cet instant sur l’intérêt d’être vertueux. Si j’en avais le temps, je vous démontrerais facilement que notre société a fortement tendance à pénaliser les vertueux.

Permettez-moi d’effectuer un arrêt sur image, une image pour l’instant bien sombre, que nous aurons à éclaircir au fil des jours à venir : le projet de loi de finances pour 2011, adopté très tôt ce matin par l’Assemblée nationale en première lecture, comporte, en son article 61, un mode de calcul savant, dont je suppose que moins de 1 % de ceux qui l’ont approuvé comprennent les conséquences réelles sur le plan budgétaire. Ce mode de calcul résulte d’un amendement adopté contre l’avis du Gouvernement et porte sur la répartition des sommes versées par le Fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux.

Je suis scandalisé – et je sais ne pas être le seul dans ce cas ! – par la manière dont ce sujet est traité. Elle n’est pas digne dans la forme : depuis des mois, je vois circuler des tableaux sur le sujet ; ils circulent sous le manteau et, après en avoir pris connaissance, vous apprenez qu’ils sont faux ! À titre d’exemple, entre le calcul qui relevait d’un accord sur lequel nous travaillions depuis des mois au niveau interministériel et le calcul qui semblait ressortir du vote de l’Assemblée nationale, je constate une aggravation du déséquilibre budgétaire de mon département, équivalente à 15 milliards d’euros si elle était rapportée à l’échelle du budget de l’État. Que diriez-vous, monsieur le ministre, si nous aggravions le déficit de l’État de 15 milliards d’euros dans la nuit ?

En cet instant, je vous déclare solennellement que, si nous devions en rester à cet état du texte, je voterai sans hésitation contre ce projet de loi de finances lors du vote final ! Et rien ne me fera fléchir, car personne n’est en droit de me demander de pousser la collectivité que je préside à se faire hara-kiri !

Nous avons déjà connu un désagrément particulier lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Nous souhaitions en effet que les allocations familiales versées au titre des enfants dont les départements assurent la tutelle – dans le cas de mon département, ils sont au nombre de 1 500 environ – ne soient plus versées en totalité aux familles, puisque les départements assurent 100 % des charges. Cette demande relevait de la pure logique, mais la logique est parfois absente de nos enceintes parlementaires !

Ce projet de budget, s’il est globalement satisfaisant, compte tenu de la situation que nous connaissons, aura des conséquences insupportables pour certaines collectivités locales, en raison de son article 61. Je ne pourrai donc le voter en l’état si aucune évolution n’est enregistrée sur ce point. Par ailleurs, je rappellerai qu’une modification de cet article serait sans conséquence sur l’équilibre budgétaire national.

Le Président de la République a évoqué, dans son intervention de mardi soir, la prise en charge de la dépendance, qui aura des conséquences sociétales évidentes, avec une traduction budgétaire pour les départements ; d’autres collègues en ont parlé avant moi. Il faudra apporter impérativement, au cours du premier trimestre de 2011, une réponse claire, chiffrée et bien définie dans le temps, à cette cause d’hémorragie financière pour les départements.

Aucune des réponses envisageables ne peut aujourd’hui être considérée comme étant la bonne solution. En revanche, plusieurs pistes doivent être explorées, de manière indépendante ou complémentaire. J’en citerai quatre, mais il peut en exister d’autres : la solution assurantielle, la contribution sociale généralisée, le recours sur succession ou la journée de solidarité. Cette dernière solution, qui ne retient pas véritablement l’attention aujourd’hui, est peut-être celle qui tiendra la corde dans six mois.

Lorsque la solidarité est en cause, il faudrait peut-être que chacun se sente concerné et accepte de laisser de côté ses propres égoïsmes ! Ce matin, lors de la réunion de la commission des finances qui a précédé l’ouverture de ce débat, nous avons évoqué les quatre milliards d’euros promis pour le Grand Paris. Finalement, cette somme sera trouvée, parce qu’une volonté s’exerce en ce sens au plus au niveau de l’État. Je remarque que les cent départements constatent un manque de financement dû au dérapage de leurs dépenses sociales – vieillesse, handicap, etc … – d’un montant de quatre milliards d’euros, pour lequel on leur proposera peut-être une compensation de 150 millions d’euros.

Mme Nicole Bricq. C’est une aumône !

M. Éric Doligé. Je sais que vous travaillez en ce sens, monsieur le ministre … Mais la France ne se réduit pas à Paris ou au Grand Paris !

Monsieur le ministre, j’ai souhaité, tout en exprimant la satisfaction que m’inspire le travail que vous avez mené, vous faire part de mon insatisfaction quant à un problème que je vous demande de nous aider à résoudre, faute de quoi, je vous l’ai annoncé clairement, mon vote ne sera pas celui du groupe UMP. Pourtant, je ne voudrais pas devoir mêler ma voix à celles des groupes qui se sont exprimés juste avant moi ! (Mme Lucienne Malovry, MM. Philippe Dominati et Albéric de Montgolfier applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, notre pays connaît la plus grave crise de ses finances publiques depuis l’après-guerre.

La réduction de nos déficits et de notre endettement constitue le plus grand défi des prochaines années. Le Premier ministre a raison lorsqu’il déclare, comme il l’a fait en début de semaine, que « la priorité absolue, c’est la lutte contre les déficits et la réduction de la dépense publique ». Il est regrettable que cette priorité n’ait pas été fixée il y a trois ans, en mai 2007...

Bien entendu, je n’ignore pas la crise, ni ses conséquences sur la dégradation de nos comptes publics, mais elle n’explique pas tout. Et la Cour des comptes a clairement montré que notre déficit et notre endettement avaient commencé à se détériorer avant la crise et que ce déficit était, en grande partie, structurel.

Depuis dix ans, notre pays a perdu 100 milliards d’euros de recettes fiscales en baissant les impôts. Cette perte de recettes fiscales explique en partie les déficits et la dette, sachant que, pendant ce temps, les dépenses continuaient à augmenter d’environ 40 milliards d’euros chaque année.

La réduction des déficits publics est donc urgente et nécessaire, car une telle situation fait peser une menace réelle sur notre pays. La progression des charges d’intérêts de 5 milliards d’euros par an ôte toute marge de manœuvre budgétaire au Gouvernement. Ces charges atteindront prochainement 50 milliards d’euros, et même 55 milliards d’euros en 2012 ; plusieurs de nos collègues, appartenant aussi bien à la majorité qu’à l’opposition, ont mentionné ce chiffre que l’on ne peut passer sous silence ! Je pense également au risque de fragilisation de la signature de la France sur les marchés.

Le Gouvernement affirme, et son message est repris en chœur par la majorité, qu’il a entrepris avec ce budget une réduction historique du déficit public. Regardons les chiffres de plus près : la baisse de 60 milliards d’euros du déficit est atteinte uniquement grâce à la disparition des dépenses exceptionnelles de l’année 2010, c’est-à-dire les 35 milliards d’euros du grand emprunt, les 14 milliards d’euros du plan de relance et le moindre coût de la taxe professionnelle. L’effort de réduction du déficit par le Gouvernement se limite alors à une dizaine de milliards d’euros pour le budget de l’État, cependant que la croissance de la dépense publique se poursuivra en partie, à cause de l’augmentation du poste des charges de la dette à hauteur de 4,5 milliards d’euros.

Ce constat signifie que, pour arriver à réduire le déficit public de 7,7 % à 6 % du PIB, le Gouvernement a recours à des prélèvements ; qu’ils soient rebaptisés réduction de dépense fiscale, reconstitution des recettes ou augmentation d’impôts, peu importe : la réalité est là ! Certes, la reprise de croissance permettra d’encaisser des recettes nouvelles, mais la majeure partie de ces recettes sera due à la progression des prélèvements obligatoires, puisque leur taux passera de 41,9 % à 42,9 % du PIB en 2011.

Il ne faut pas le nier et regarder la vérité en face : en 2011, les impôts augmenteront, pesant sur les ménages et les entreprises, sous la forme d’une série de mesures qui ont pour avantage de préserver fictivement le dogme présidentiel d’une non-augmentation généralisée des impôts. Sans évoquer les réductions de niches qui sont aussi, qu’on le veuille ou non, une augmentation d’impôt, on pourrait citer l’augmentation de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu de 40 % à 41 %, l’augmentation de la taxation des plus-values mobilières et immobilières, les taxes sur les assurances, l’augmentation de la TVA sur les offres triple play. Oui, les impôts augmentent. Mieux vaut le dire, plutôt que de le faire subrepticement en le niant !

La question qui reste alors en suspens est la suivante : comment, une fois les mesures exceptionnelles disparues, le Gouvernement pourra-t-il tenir son objectif de ramener le déficit de 6 % à 4,6 % du PIB en 2012 ? En effet, les recettes liées à l’hypothèse de croissance annuelle de 2,5 % en 2012, 2013 et 2014 sont incertaines, puisque le taux de croissance annuel moyen sur les dix dernières années, hors crise, s’établit à 1,5 %. Retenir une hypothèse de cet ordre aurait été beaucoup plus raisonnable et réaliste. Je doute de la capacité du Gouvernement à prendre les mesures qui permettront à notre pays d’atteindre ce niveau de déficit, surtout à la veille de l’élection présidentielle !

Nous devrons donc faire un effort sur la dépense publique sans commune mesure avec ce qui est prévu en 2011 et faire progresser les recettes. Sinon, notre endettement dépassera les 90 % du PIB. Or, à un tel niveau d’endettement, les intérêts de la dette commencent à asphyxier le budget et les possibilités d’investissement, au point d’hypothéquer la croissance future.

Ces considérations donnent le sentiment que le Gouvernement reporte après l’élection présidentielle de 2012 les décisions nécessaires, qui demanderont du courage : elles incomberont au Président de la République nouvellement élu.

Chaque année, nous perdons du temps, et les sacrifices à consentir seront d’autant plus importants que l’on reportera les décisions qui s’imposent. Nous n’aurons plus d’autre choix que de trouver de nouvelles recettes, c’est-à-dire, pour l’exprimer en termes moins pudiques, d’augmenter les impôts et de diminuer réellement la dépense pour redresser les comptes publics. Les Français sont capables d’entendre un discours de vérité et d’accepter les réformes structurelles et les efforts, s’ils sont justement répartis.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Jégou. Depuis plusieurs années et, en ce qui nous concerne, bien avant la crise, nous répétons que notre pays ne peut plus indéfiniment vivre au-dessus de ses moyens, ni vivre à crédit en s’endettant toujours plus pour couvrir les dépenses de fonctionnement. Oui, l’urgence nous impose de réduire notre déficit et de revenir à l’équilibre de nos finances publiques ! C’est pourquoi, monsieur le ministre, lorsque je vous ai entendu ce matin parler de « protéger l’État-providence », mon sang s’est glacé !

Nous ne parviendrons pas à retrouver l’équilibre budgétaire sans faire un effort, à la fois, sur la réduction de la dépense, qui est prioritaire, et sur la protection des recettes.

Compte tenu de la grande rigidité des dépenses de l’État, de profondes réformes structurelles sont nécessaires si l’on souhaite réellement réduire la dépense publique et atteindre les objectifs que le Gouvernement s’est fixés à l’horizon de 2014.

Ainsi, alors que le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux est présenté comme la mesure phare de réduction des dépenses de l’État, la masse salariale de ce dernier, qui représente 31 % des dépenses, hors charges liées aux pensions et aux intérêts de la dette, a continué de progresser de 1 % par an ces trois dernières années. Il sera difficile de maîtriser les dépenses de l’État sans maîtriser sa masse salariale, ce qui doit nous amener à réfléchir à l’évolution du point d’indice et des mesures catégorielles.

Il faudra aussi aller beaucoup plus loin en matière de baisse des dépenses de fonctionnement, qui représentent 10 milliards d’euros, puisque, pour 2011, seulement 100 millions d’euros d’économies sont prévues à ce titre.

De même, les dépenses d’intervention doivent être réduites de 600 millions d’euros alors qu’elles représentent 59,5 milliards d’euros, soit une baisse de 1 % : une goutte d’eau dans l’océan des dépenses publiques !

Enfin, si l’on veut être crédible, il faut aller beaucoup plus loin en matière de réduction des niches fiscales et sociales. La nécessaire restauration des recettes de l’État passe par la maîtrise de la dépense fiscale. Celle-ci est essentielle, car on voit bien les limites de la méthode du « rabot ». Le Gouvernement a décidé de procéder à une réduction minime d’une poignée de niches fiscales – 22 sur plus de 465 –, à hauteur de 10 %. Au final, cette mesure rapportera un peu plus de 400 millions d’euros, sur une masse représentant 75 milliards d’euros ! Ce n’est pas à la hauteur des enjeux et, à ce stade, votre rabot, monsieur le ministre, ressemble à une lime à ongles, pour reprendre l’excellente formule du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale ! Néanmoins, cette mesure permettra au moins de stabiliser le montant des dépenses fiscales, qui n’augmentera pas de 5 milliards d’euros comme les années précédentes.

Il faut donc aller plus loin, changer d’outil en remisant la lime à ongles. La réflexion devra être menée niche par niche, en vérifiant si les dépenses sont toujours justifiées par rapport au moment de leur création, si l’évolution de la dépense est proportionnée à son utilité économique et sociale et si les retours, en termes de fiscalité directe ou indirecte, compensent le coût, afin d’éviter les effets d’aubaine.

La restauration des recettes de l’État implique également une refonte de notre fiscalité. Nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté du Gouvernement d’ouvrir ce chantier. Une remise à plat de l’ensemble de notre fiscalité du travail et du patrimoine est en effet indispensable.

Au Sénat, le groupe de l’Union centriste et la commission des finances, par la voix de son président Jean Arthuis, militent depuis plusieurs années en ce sens, en vous proposant d’adopter un dispositif d’abord appelé « tryptique », puis rebaptisé « tétralogie ». Chaque année, il nous est répondu que ce n’est pas le bon moment…

Nous sommes bien sûr favorables à une réforme de notre système fiscal, qui devra répondre à un double objectif : l’équité fiscale et l’efficacité économique.

Notre fiscalité est d’une extrême complexité, au point d’être devenue illisible pour de nombreux Français, ce qui ouvre la porte à toutes les optimisations fiscales et renforce le sentiment d’injustice.

Cette réforme fiscale devra répondre en premier lieu à un impératif de simplification et de cohérence, et elle devra également satisfaire aux exigences de justice sociale et fiscale, ce qui n’est plus le cas de notre système fiscal aujourd’hui.

D’un côté, il y a l’ISF, qui est un mauvais impôt, car il est antiéconomique. Pour éviter que l’impôt ne soit confiscatoire, la piste qui consiste à remplacer l’ISF par une imposition sur les revenus du patrimoine me semble aller dans le sens voulu par une majorité de Français.

De l’autre, il y a le bouclier fiscal, créé pour atténuer les effets pervers de l’ISF, mais dont l’instauration a conduit à des situations d’injustice flagrante, en exonérant les bénéficiaires des plus hauts revenus des efforts qui sont demandés à tous les Français en cette période difficile. Aujourd’hui, on voit bien que ce mauvais dispositif, percé de toutes parts, n’est plus défendable ; la majorité le traîne comme un boulet.

D’ailleurs, avec la suppression du bouclier fiscal, c’est une autre mesure emblématique de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, qui est abandonnée. Les dispositifs du « paquet fiscal » sont, les uns après les autres, remis en cause, chacun, en dernier lieu le Gouvernement, constatant leur inefficacité ; il n’en reste plus que la défiscalisation des heures supplémentaires, qui, on le sait, est une énorme usine à gaz destinée à contourner les 35 heures, et dont les économistes ont montré la totale inefficacité en matière d’emploi et le coût exorbitant pour les finances publiques.

Mme Nicole Bricq. C’est tout à fait vrai !

M. Jean-Jacques Jégou. Au final, la loi TEPA, que d’ailleurs je n’avais pas votée, aura eu pour principal effet de creuser le déficit public.

Cette refonte de la fiscalité ne saurait se limiter à la suppression pure et simple du bouclier fiscal et de l’ISF. Elle doit toucher tous les aspects de notre fiscalité : modernisation de l’imposition foncière, des droits de mutation, de l’impôt sur le revenu, de la fiscalité des revenus du patrimoine, des droits de succession… Nous devons nous fixer comme objectif de doter notre pays d’une fiscalité moderne, juste et efficace.

C’est pour cette raison que l’idée de régler cette question au détour d’une loi de finances rectificative, à six mois d’une échéance politique majeure, où la réforme fiscale sera au centre du débat public, me laisse sceptique. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne peut ignorer aujourd’hui que nos finances publiques sont dans un état calamiteux, illustré par le présent projet de loi de finances. L’effet d’étouffoir de la dette accumulée depuis plusieurs années va peser de plus en plus lourdement sur la croissance, et l’on nous annonce que la charge de la dette passerait d’environ 40 milliards d’euros actuellement à 55 milliards d’euros en 2013.

Le creusement des déficits induits par la coupable politique des recettes conduite en France depuis 2002 est tel que notre pays se trouve aujourd’hui démuni de véritables leviers pour réamorcer un cycle vertueux de croissance.

Au travers de ce projet de budget, monsieur le ministre, vous privilégiez clairement la rigueur, aux dépens de la croissance ! Il ne semble plus être question, comme c’était le cas voilà trois ans, d’aller chercher le point de croissance supplémentaire avec les dents…

Mme Nicole Bricq. Il n’y a plus de dents ! (Sourires.)

M. François Marc. Soyons lucides, mes chers collègues : la crise est loin d’être finie. Malgré les 5 000 milliards de dollars d’aides publiques injectés dans le système financier mondial, la situation reste très tendue. La réunion de Séoul du G 20 l’a encore souligné.

De nombreux économistes considèrent que les mesures exagérément drastiques d’austérité vont mener à une croissance anémiée et surtout très pauvre en créations d’emplois.

Si l’on en croit l’édition 2010 de France, portrait social, qui a été publiée hier par l’INSEE, la pauvreté fait tache d’huile dans notre pays. Dans ces conditions, ces choix budgétaires nous apparaissent contestables, car porteurs de risques pour nos concitoyens.

Aux États-Unis, on s’efforce en ce moment d’accompagner la reprise d’une manière très active. À l’inverse, vous supprimez le plan de relance, vous amputez les grands budgets d’intervention de l’État et vous imposez un plan de rigueur aux collectivités locales. Croyez-vous réellement qu’une économie française léthargique permettra d’assainir durablement nos finances publiques ? On a le sentiment que la croissance est laissée pour compte !

Vous me répondrez sans doute que tout cela est bien beau, mais que l’argent public est rare aujourd’hui et que l’on ne peut pas tout faire ! Mais, monsieur le ministre, comment en êtes-vous arrivés là ? Pourquoi êtes-vous contraints à des choix budgétaires aussi douloureux ? La dette publique a doublé en une décennie. Devant ce « mur de la dette », vous invoquez des choix budgétaires inéluctables. Mais à qui la faute ? Depuis 2002, la droite n’a pratiquement jamais respecté les règles budgétaires des traités européens. Pendant le cycle de croissance d’avant-crise, la France a été la seule nation – avec la Grèce – à ne pas réduire son déficit. En diminuant sciemment les recettes, vous avez laissé filer les déficits. Tous les cadeaux fiscaux ont été financés à crédit, au détriment des générations futures ! (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

Chacun a en tête le rapport de la Cour des comptes, qui nous rappelle que le déficit public est foncièrement d’ordre structurel puisque, sur 120 milliards d’euros de déficit hors opérations d’investissement de 2010, 80 milliards d’euros correspondent au manque à gagner résultant des cadeaux fiscaux accordés depuis 2002.

Êtes-vous capables d’assumer devant les Français les conséquences d’une telle politique financière et fiscale ? Certes, vous en venez à reconnaître du bout des lèvres l’erreur politique majeure commise par la droite depuis 2002 en matière de recettes, et vous parlez par euphémisme de la nécessaire « reconstitution des recettes » ou de la possible remise en cause du bouclier fiscal, considéré comme un « symbole d’injustice » ! Néanmoins, cette amorce de conversion vous contraint à agir dans l’urgence, à l’aveugle, à partir d’hypothèses de croissance très peu réalistes et dans une transparence toute relative. Deux poids, deux mesures : voilà ce que comprennent nombre de nos concitoyens en voyant la teneur de vos arbitrages budgétaires.

En définitive, ce projet de loi de finances confirme l’échec de la stratégie financière et fiscale conduite depuis 2002 en France. Vous avez voulu imprégner le pays de l’idée maîtresse du libéralisme, selon laquelle, en déversant des cadeaux fiscaux sur les plus riches, l’abondance finirait par ruisseler jusqu’au plus bas de l’échelle des revenus… Force est de constater, monsieur le ministre, mes chers collègues, que rien de tel ne s’est passé depuis 2002. Alors que l’on nous annonçait une corne d’abondance, les déficits publics se sont creusés massivement, la dette s’est envolée et les inégalités se sont accentuées. On nous parlait, à propos du paquet fiscal, d’un « cocktail gagnant », formule qui avait fait florès à l’époque ! Eh bien ce fameux cocktail gagnant s’est révélé en définitive être un breuvage empoisonné.

Comment réagir, comment faire pour relancer efficacement la machine anti-chômage ?

J’estime, pour ma part, qu’obtenir un taux élevé de croissance doit constituer une priorité immédiate. Une croissance régulière de 2,5 % à 3 % par an est indispensable pour stopper la fuite en avant dans l’endettement, relancer l’emploi et répondre aux attentes en matière d’investissements d’avenir. Le développement économique doit, à cet égard, pouvoir s’appuyer sur l’efficacité des secteurs qui échappent en tout ou partie aux marchés : je veux parler de l’éducation, de la santé, des infrastructures ou de la recherche.

L’attractivité et la compétitivité de notre pays nécessitent des infrastructures et une main-d’œuvre de qualité. À cet égard, le sondage dont les résultats ont été publiés le 11 octobre dernier par le quotidien La Tribune sous le titre « Les entreprises de croissance veulent plus d’État » ne dit rien d’autre. Cela suppose, mes chers collègues, des investissements publics importants, qu’il faut financer. De ce point de vue, vos choix budgétaires paraissent bien timorés.

La généralisation du très haut débit, par exemple, exige des sources nouvelles de financement. Les conclusions du récent rapport de notre collègue Hervé Maurey sur le financement des infrastructures à très haut débit ne trouvent hélas, dans ce projet de budget, aucun écho. Quant au schéma national des infrastructures de transports, le SNIT, d’un coût prévisionnel de 170 milliards d’euros d’ici à 2025, aucun fonds n’est pour l’heure annoncé pour le financer, alors qu’il s’agit d’un indispensable investissement d’avenir.

Sur quels acteurs s’appuyer pour mettre en œuvre cette dynamique de croissance que nous appelons de nos vœux ? Pour ma part, j’estime qu’il faut davantage faire confiance aux initiatives locales et traiter les collectivités territoriales en partenaires actifs et reconnus.

Vous savez très bien que l’autonomie fiscale n’est pas contradictoire avec l’équilibre des finances publiques de la nation. Je rappelle, à cet égard, que les collectivités territoriales n’ont contribué que très marginalement à la dégradation des équilibres financiers du secteur public, en termes tant de déficit que de dette. Dans ces conditions, pourquoi stigmatiser comme vous le faites la dépense publique locale ? L’État a pris le parti de se défausser sur les collectivités territoriales et de les installer dans la précarité financière.

Pourquoi affaiblir ainsi l’action publique locale ? L’édition d’aujourd’hui du journal Les Échos nous apprend que les investissements des collectivités territoriales ont régressé de plus de 2 % dès 2010. Qu’en sera-t-il dans les années à venir ? On peut craindre un renforcement de ce taux de décroissance, ce qui serait très inquiétant.

L’objectif commun n’est-il pas de promouvoir dans notre société un développement durable réel et porteur d’avenir ? La mise en œuvre d’un plan de soutien à l’investissement local en faveur des transports collectifs, des économies d’énergie ou de l’habitat de haute qualité environnementale pourrait concourir à la réalisation de cet objectif. Au lieu de cela, ce projet de budget entérine un recul avéré, et largement dénoncé, de la décentralisation.

Mon analyse est par conséquent que la croissance exige une politique économique et budgétaire plus ambitieuse, et d’abord la confiance ; or celle-ci est, à ce jour, loin d’être au rendez-vous.

La croissance passe en outre par un effort réel de solidarité ; or votre bouclier fiscal en exonère au contraire totalement les plus riches. Vous avez ainsi créé, dans notre pays, un sentiment d’injustice très démobilisateur. Admettez-le, l’existence du bouclier fiscal est un véritable scandale au cœur de notre République.

La croissance exige, par ailleurs, une ambition européenne renouvelée, car c’est de l’Europe unie que peut venir une véritable dynamique d’investissement et les nouveaux moyens financiers nécessaires. La France reste-t-elle porteuse d’une réelle ambition européenne ? Nous aimerions en être certains.

Enfin, la croissance doit s’appuyer sur un discours de vérité et de transparence quant à l’état financier du pays. Vous devez reconnaître objectivement devant les Français les erreurs stratégiques commises depuis 2002.

En conclusion, je voudrais affirmer ma conviction que seule une autre politique budgétaire, fondée sur la justice fiscale, l’efficacité de la dépense publique et une réforme en profondeur des prélèvements obligatoires, permettra un redressement durable et équilibré de notre pays.

La situation appelle, en effet, un véritable sursaut : de la fin des années quatre-vingt-dix à aujourd’hui, la production industrielle française a reculé de 10 % et l’emploi industriel de 20 % ; la part de marché de la France dans le commerce mondial est passée de 6,5 % à 3,7 % ; le nombre d’entreprises exportatrices a baissé de 110 000 à 91 000, contre 245 000 en Allemagne et 200 000 en Italie ; enfin, la balance commerciale de la France est passée d’un excédent équivalent à 1 % du PIB à un déficit s’élevant à 3 % du PIB.

Les multiples causes probables de cette situation ont toutes une racine commune, à savoir l’incapacité à s’investir efficacement dans des projets d’avenir et à promouvoir un nouveau modèle de croissance. Le projet de budget pour 2011 n’apporte pas, hélas ! les réponses appropriées que l’on était en droit d’attendre. Nous ne pourrons donc le voter en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orientations du projet de loi de finances pour 2011 se situent dans le droit fil de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, adoptée il y a quelques jours, mais que notre groupe a clairement rejetée.

À ce stade du débat, je souhaite définir les contours d’une autre orientation des politiques publiques, fondée sur une conception de la conduite des affaires et de la politique budgétaire de la nation à la mesure des enjeux de notre temps.

La persistance de la crise économique, avec ses désastreuses conséquences sociales, est une dure réalité. Depuis de nombreuses années, le budget de l’État est gravement déficitaire et la situation n’a cessé de se dégrader au fil des lois de finances successives. Ces dernières ont consacré l’abandon de fonctions essentielles de l’État et la mise en œuvre d’une baisse tendancielle des impôts prélevés sur les entreprises et sur les ménages les plus aisés.

Les systèmes fiscaux des pays développés ont un point commun : ils sont marqués par un processus de réduction des impôts sur la production, le capital, le patrimoine et les revenus en découlant. Ainsi, notre système de prélèvements obligatoires frappe lourdement les plus modestes, notamment par le biais des droits indirects, et touche de plus en plus légèrement les plus fortunés.

Sous prétexte de favoriser l’emploi et l’investissement dans les entreprises, ces politiques fiscales ont favorisé la mise en place de dispositifs de réduction de l’impôt dû par les titulaires des plus hauts revenus.

La baisse de l’impôt sur les sociétés ou la réduction de la taxe professionnelle, jusqu’à sa récente suppression, justifiées par une harmonisation fiscale européenne que personne n’exigeait,…

Mme Nicole Bricq. C’est exact !

M. Bernard Vera. … visaient prétendument à accroître la compétitivité de nos entreprises et à empêcher les délocalisations. Force est de constater que l’ensemble de ces dispositifs ont échoué : aucun des objectifs affichés n’a été atteint.

Le nombre de chômeurs, désormais supérieur à 3 millions, est particulièrement élevé. Avec la perte de 680 000 emplois dans les dix-huit derniers mois, celui des emplois salariés a connu une baisse qui n’avait jamais été observée auparavant. Enfin, les comptes publics, comme les comptes sociaux, sont dans le rouge.

Il faut donc clairement changer de cap et passer à une autre conception de la politique fiscale et budgétaire dans ce pays, en mettant en œuvre une réforme fiscale qui permette une meilleure redistribution des revenus, fondée sur une conception juste et équilibrée des impositions.

Cependant, si la justice fiscale est nécessaire, l’efficacité des mesures fiscales et l’économie générale de notre système fiscal sont tout aussi importantes.

Taxer plus fortement les plus-values sur cessions d’actifs vise non seulement à améliorer dans l’immédiat les comptes publics, mais aussi à progresser vers une taxation identique de tous les revenus au titre de l’impôt sur le revenu, seule source d’égalité de traitement et unique moyen de désintoxiquer l’économie des pratiques purement financières qui ont créé de profondes inégalités de patrimoine dans notre pays.

Les entreprises sont confrontées aux mêmes scandaleuses inégalités de traitement. Comment mettre sur le même plan les artisans, soumis au barème de l’impôt sur le revenu, et les grandes entreprises capitalistiques qui usent et abusent du régime des groupes, en parvenant, dans certains cas, à quasiment annuler leur contribution aux dépenses publiques ?

Là encore, comment ne pas pointer que la dépense fiscale, qui rend « neutres » les choix de gestion des grands groupes, coûte plusieurs dizaines de milliards d’euros au budget de l’État, soit bien plus que les quelques centaines de millions que l’on fait mine de concéder aux artisans, aux commerçants et aux PME ?

Une véritable revue de détail de notre fiscalité s’impose donc pour redonner tout son sens à la loi de finances. Celle-ci, loin de se borner à être « présentable » aux autorités européennes, doit avant tout répondre aux exigences et aux finalités d’un budget public, c’est-à-dire servir la population, l’économie de notre pays et la société française dans son ensemble.

Selon nous, nous ne pourrons retrouver le chemin de la croissance que grâce à une dépense publique faisant une juste place à la satisfaction des besoins collectifs des populations.

Si l’on examine la situation de développement des différents pays du monde en prenant en compte non pas le produit intérieur brut, mais des indices de développement humain tels que la prévention de l’exclusion sociale, le niveau d’éducation ou l’état sanitaire, il apparaît que les pays arrivant en tête du classement sont ceux qui ont un niveau élevé de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. Ce sont des pays comme la Suède, la Finlande, la Norvège et le Danemark qui présentent ces caractéristiques : leurs choix de financement, en adéquation avec une large socialisation des besoins, ont permis d’atteindre un niveau supérieur de développement de la société.

Nous sommes donc clairement en faveur de la réhabilitation de la dépense publique, source de réduction des inégalités sociales et d’accroissement des possibilités de développement et de croissance de l’ensemble de l’économie et de la société.

Réfléchissons, mes chers collègues, à cette économie nord-américaine dont le handicap de croissance tient manifestement au mauvais état sanitaire d’une grande partie de la population et à la faiblesse de la formation initiale d’une large part de la jeunesse.

De même, les longues années de thatchérisme et de blairisme, en Grande-Bretagne, ont tellement maltraité le secteur de la santé publique et le système scolaire que la récession de 2008-2009 a été plus forte encore dans ce pays que chez nous. La raison en est simple : les inégalités sociales, lorsqu’elles ne sont pas corrigées par les politiques publiques, sont autant d’obstacles à la relance d’une véritable activité productive.

Réduire la dépense publique, en 2010, en 2011 et au-delà, comme vous nous y avez invités par la loi de programmation des finances publiques, c’est prendre le risque de handicaper la progression de l’ensemble de la société française.

Réformer l’impôt pour changer les comportements des agents économiques et relancer la dépense publique utile : voilà les deux orientations qui, à notre sens, peuvent faire à nouveau avancer notre pays et engendrer une croissance responsable, à même de réduire les difficultés du pays et les déficits accumulés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vient faire un néophyte dans la discussion de ce projet de loi de finances ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas de modestie excessive !

M. Jean-Paul Virapoullé. Si nous nous accordons, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, sur les conséquences de la crise mondiale pour l’économie, nous n’avons pas la même analyse des causes qui l’ont provoquée. La crise de 1929 était une dépression séculaire ; celle de 2008 ne le sera pas, car nous vivons désormais dans un climat de crise, et il est à peu près certain que d’autres crises surviendront.

On peut certes instruire le procès du Gouvernement, mais, comme l’a souligné le Premier ministre, cela fait vingt-cinq ans que nous votons des budgets en déséquilibre ! M. Marc vient de le souligner, le produit intérieur brut industriel a baissé de 10 % entre 1990 et 2007, et le nombre d’emplois industriels de 30 %, alors que nous avons connu, durant cette période, une alternance politique. S’agissant d’un problème aussi complexe, faire le procès des gouvernements successifs, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne me paraît pas être la bonne piste ; il convient de faire preuve d’humilité et d’objectivité.

Si nous ne procédons pas à notre examen de conscience, nous continuerons pendant des années encore à analyser des budgets en déficit et à faire des procès d’intention. La véritable cause de la crise, c’est que nous avons manqué la construction européenne.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est clair !

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous avons cru au dogme idéologique du libre-échange, du marché autorégulé, dont nous avons fait un dieu parmi les dieux !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Au lieu de construire l’Europe politique, l’Europe puissance, démocratiquement gouvernée, on l’a confiée au marché. Aujourd'hui, ce grand marché passoire se trouve confronté à des puissances économiques organisées, en Asie et en Amérique latine.

Plus grave encore, nous avons construit un monde financier dérégulé. Les produits dérivés, la titrisation débridée, le surendettement né d’une libéralisation financière à outrance ont contribué à substituer progressivement une économie virtuelle à l’économie réelle. Aujourd’hui, des bulles spéculatives, des masses d’argent virtuel, sous forme notamment de bad debts, ne cessent d’apparaître et de provoquer des ravages.

Un président du NASDAQ s’est révélé être un escroc international ; il a été condamné par la justice américaine à cent cinquante années de prison. Si j’avais annoncé une telle chose voilà cinquante ans, on m’aurait envoyé à l’asile !

Vouloir imputer à ce gouvernement et à des causes nationales tous les maux qui nous accablent, c’est donc faire une grave erreur de diagnostic ! C’est la raison pour laquelle je présenterai modestement trois idées, à l’heure où la France assure la présidence du G 20.

J’ai lu le rapport Stiglitz et le rapport moral sur l’argent dans le monde de la Caisse des dépôts et consignations.

Je suggère tout d’abord que les Nations unies, auxquelles on accorderait, comme aux autres institutions internationales, des pouvoirs économiques, mettent en place un « code de la route » de la mondialisation, à l’instar de ce qui existe pour lutter contre les accidents mortels sur nos routes.

Je propose ensuite de créer, au sein du FMI, un « radar » sous la forme d’un observatoire de la mondialisation. Cet outil n’existant pas aujourd’hui, chacun fait ce qu’il veut comme il le peut. D’ailleurs, le Président chinois nous l’a dit lui-même : chaque pays doit prendre ses responsabilités ! Or je pense que ces responsabilités devraient être prises collectivement.

J’émets enfin l’idée que le G20 agisse comme un véritable régulateur de la mondialisation.

Si ces trois préconisations ne sont pas mises en place, nous courons au-devant de graves mésaventures économiques, sociales, humaines, aussi. Et nous aurons beau pleurer sur notre sort national, nous aurons beau chercher des remèdes nationaux – il en existe ! –, rien n’aboutira sans recherche de solutions à l’échelon européen, à l’échelon international.

J’en viens maintenant à l’une des régions qui m’intéresse particulièrement, à savoir l’outre-mer.

Monsieur le ministre, mais je m’adresse aussi au rapporteur général et au président de la commission des finances, je dis oui au rabot ; non à la guillotine ! Quant à la lime à ongles, c’est à voir … (Sourires.)

Monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez déposé un amendement visant à geler la défiscalisation pour le secteur photovoltaïque pendant six mois. Vous justifiez cette décision par le fait qu’il y a eu des abus. Des abus ? Non, monsieur le ministre, des escroqueries ! Je peux même vous donner les noms et les adresses. Envoyez dès la semaine prochaine deux inspecteurs généraux pour les contrôler et vous pourrez récupérer la totalité de l’argent qu’ils ont volé à l’État. Le problème sera ainsi réglé.

Je ne suis pas complice de ces voleurs, qu’il s’agisse de défiscalisation ou pas ! Nous ne pouvons exister comme département français d’outre-mer que si nous jouons la carte de la loyauté, de l’honnêteté, de la sincérité et de l’efficacité dans l’utilisation de l’argent public. Mais les honnêtes gens n’ont pas à payer pour les escrocs !

Alors, suspendez la réalisation des grandes installations photovoltaïques, soit ! Demandez à une commission d’effectuer un véritable diagnostic, de dégager des solutions pour l’avenir et de rédiger un rapport, puis nous verrons ce qu’il conviendra de faire au mois de juin. En revanche, pour les petites installations, acceptez la défiscalisation sur agrément au premier euro, comme ma collègue Anne-Marie Payet et moi-même vous le proposerons.

Permettez-moi tout de même de noter que, si nous sommes dans cette situation, la faute est partagée, et l’État a sa part de responsabilité. Nous réclamons depuis huit mois au ministère que vous avez l’honneur de diriger la publication du décret concernant le watt-crête, c’est-à-dire le prix maximum du watt produit. Si ce décret avait été publié, il n’y aurait pas eu d’abus.

Vous l’avez dit vous-même quand je vous ai rencontré à Biarritz : le logement doit être sanctuarisé. Vous l’avez fait pour le logement social, et je vous en remercie, monsieur le ministre.

En revanche, pour le dispositif Scellier « DOM », les décrets ont été pris tardivement en 2010. Nous souhaiterions, ma collègue Anne-Marie Payet et moi-même, ainsi que d’autres élus de l’outre-mer – si Serge Larcher était présent, c’est une demande qu’il aurait également formulée –, que le rabot puisse être appliqué à ce dispositif - après tout, il n’y a pas de raison -, mais au 1er janvier 2011. En effet, la politique du logement intermédiaire n’a pas encore démarré.

Je terminerai sur une image pleine de promesses.

Savez-vous, mes chers collègues, et je m’adresse notamment à ceux qui vivent dans des régions de pêche maritime, que la France possède, grâce à la Réunion, à Mayotte, à l’archipel des Kerguelen et aux îles Crozet, un espace maritime pillé par les Japonais, les Coréens, les Chinois dont la surface vaut sept fois celle de la Méditerranée. Sept fois, mes chers collègues !

Qu’attend la France pour mettre en place une politique de pêche dans cette zone ?

M. Gérard Longuet. Il y a aussi les îles du canal du Mozambique !

M. Jean-Paul Virapoullé. En effet !

Au lieu de gémir sans cesse, rendez-vous compte que nous avons là des zones de croissance, des zones d’expansion économique : plus de 700 000 tonnes de thon y sont pêchées. Or, dans le même temps, les pêcheurs de métropole se battent pour se répartir des quotas qui rétrécissent comme peau de chagrin.

Monsieur le ministre, je voterai évidemment ce projet de loi de finances. J’appartiens à une majorité, je suis donc loyal. Sachez que je n’engage pas un rapport de force avec le Gouvernement. Je suis simplement un militant qui lui apporte ses réflexions. Reste que je voudrais que vous preniez en compte nos demandes, qui, elles aussi, sont non seulement loyales, mais également justes et équitables.

Vous le savez, l’outre-mer n’a pas un nombre infini de secteurs de développement. Nous avons le logement, le photovoltaïque, l’agroalimentaire, les nouvelles technologies, le tourisme et, demain, la pêche.

Merci de faire preuve de solidarité, et elle est réciproque, entre l’outre-mer et la métropole ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme on pouvait s’y attendre, le Président de la République change de ministres, pas de politique. Ce projet de loi de finances en est la triste illustration : d’un côté, monsieur le ministre, vous affichez un optimisme que toutes les récentes études démentent ; de l’autre, vous présentez un budget de rigueur qui va fragiliser les ménages modestes et mettre à mal les services publics auxquels nos concitoyens sont si attachés. Diagnostic erroné, aveuglement idéologique : plutôt que le Gouvernement, c’est votre budget qu’il faudrait profondément remanier !

Je parlais de diagnostic erroné. C’est en effet ce qui frappe immédiatement à la lecture de votre projet de loi de finances. Vous prétendez faire voter aujourd’hui un budget « d’après crise », à tout le moins un budget de « sortie de crise ». De toute évidence, les indicateurs récemment publiés en matière d’investissement, d’exportation et de consommation ne semblent pas vous avoir alerté.

Dois-je rappeler les récentes études sur les données fondamentales de notre économie ? Si les exportations françaises ont augmenté au troisième trimestre de l’année 2010, elles ne suffisent pas pour autant à compenser le bond de 4,1 % effectué dans le même temps par les importations. Ce solde commercial négatif a pesé sur la croissance française, contribuant, selon l’INSEE, pour moins un demi-point à la croissance du PIB de la France sur la période.

Loin de vous rassurer, ces chiffres auraient dû vous alerter, et ce d’autant plus que, du côté de l’investissement des entreprises, le contexte ne semble pas non plus au beau fixe. En effet, entre les mois de juillet et de septembre 2010, l’investissement des entreprises n’a augmenté que de 0,5 %, après une hausse de plus du double, soit 1,2 %, au deuxième trimestre.

Ce ralentissement, qui semble se confirmer, met en évidence la fragilité de la reprise économique française, fragilité d’ailleurs soulignée par les chiffres de la consommation des ménages. Cette dernière n’a augmenté que de 0,6 % au troisième trimestre, et les économistes s’accordent à mettre une large part de ce résultat sur le compte de la prime à la casse, qui ne sera pas reconduite en 2011.

J’ajoute que l’indicateur de l’OCDE en ce qui concerne la France est négatif depuis mars 2010 et que le FMI et la Commission européenne anticipent une croissance moindre que celle qui est prévue par le Gouvernement.

Bref, les chiffres et les prévisions contredisent votre optimisme de façade.

Il suffit d'ailleurs de vivre au quotidien auprès de nos compatriotes pour s’en rendre compte : pour une infime minorité, la crise est déjà un lointain souvenir ; pour la majorité de nos concitoyens, elle est une réalité quotidienne. Or, sous prétexte d’en limiter les effets, les programmes de rigueur et les plans d’austérité ajoutent la crise à la crise, et aggravent un peu plus la situation sociale.

Rigueur, austérité : c’est le choix que vous avez fait. Au nom de la réduction du déficit – 3 % d’ici à 2013 –, vous allez procéder à d’inévitables coupes budgétaires et au relèvement du taux des prélèvements obligatoires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Bernard Angels. Si, comme nous le pensons, la croissance en 2011 et au cours des années suivantes s’établit à un niveau moindre que celui qui est estimé dans le projet de loi de programmation des finances publiques révisé, alors c’est à tout le moins 4 milliards d’euros supplémentaires qui devront être dégagés chaque année. Qui va payer ? La réponse est dans votre projet : les ménages et les services publics seront les principales victimes, au mépris de l’efficacité économique et de la justice sociale.

Il est indéniable que les impôts vont augmenter l’année prochaine. C’était d’ailleurs tout à fait prévisible, compte tenu de votre obstination à ne pas revenir sur de nombreuses mesures fiscales qui, en plus d’être ouvertement injustes, pèsent sur nos finances publiques.

Oui, vos choix pèsent dramatiquement sur les finances du pays, et il est désormais admis que la crise n’explique qu’un tiers du déficit structurel, le reste étant imputable à la politique budgétaire et fiscale que vous avez menée au cours des trois années précédentes.

Entre 2000 et 2009, 70 milliards d’euros de recettes ont disparu des caisses de l’État, dont 15 milliards d’euros entre 2007 et 2010 du simple fait des mesures relatives à l’impôt sur le revenu, aux allégements contenus dans la loi TEPA, c'est-à-dire la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, à la TVA sur la restauration et à la taxe professionnelle.

En 2012, selon vos propres prévisions, la dette publique atteindrait 1 800 milliards d’euros, soit deux fois plus qu’en 2002. La charge des intérêts de la dette dépassera bientôt le montant du premier poste du budget de l’État, l’éducation nationale. Nos finances publiques ne sont pas soutenables, et l’orientation budgétaire que vous choisissez pour remédier au problème ne va pas dans le sens de la justice fiscale.

Disons-le clairement : les impôts augmenteront l’année prochaine, faisant des ménages les variables d’ajustement du Gouvernement en matière de réduction du déficit.

En 2011, les prélèvements obligatoires vont accuser une hausse de 20 milliards d’euros. Sur ce montant, 2 milliards d’euros sont imputables à la reprise de l’activité économique, c’est-à-dire à la reconstitution spontanée des recettes. Il reste donc 18 milliards d’euros de reconstitution volontaire, dont 10 milliards d’euros du fait de mesures nouvelles.

Ainsi, les ménages seront les premiers à contribuer à la résorption du déficit, car ils vont supporter 70 % de cet effort. À ce titre, la mesure d’augmentation de la TVA sur les offres dites « triple play » illustre bien le jeu de dupes du Gouvernement. Il ne fait aucun doute, en effet, que cette nouvelle taxe acquittée par les fournisseurs d’accès à Internet sera quasi entièrement répercutée sur le coût des abonnements des utilisateurs.

En revanche, pour les foyers fiscaux les plus favorisés, l’horizon s’éclaircit sérieusement ! Votre mansuétude à l’égard des privilégiés est presque touchante. En proposant la suppression du bouclier fiscal, vous auriez pu rétablir en partie l’équilibre, mais vous choisissez d’adosser cette mesure à une éventuelle suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF.

Il reste que, là où le bouclier fiscal coûte 600 millions d’euros chaque année, l’ISF en rapporte plus de 3 milliards. Ces deux mesures ne sont donc pas neutres et induiront un manque à gagner d’environ 2,5 milliards d’euros chaque année.

La deuxième victime de votre politique budgétaire, ce sont les services publics et ceux qui les font vivre : les fonctionnaires.

En ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, vous exposez notre pays à une pénurie qui ne sera pas sans conséquences sur la qualité des services publics et leur bon fonctionnement.

Et pour quel bénéfice budgétaire ? Il devait être de un milliard d’euros par an, mais s’établit aux alentours de 800 millions d’euros, dont il faut retrancher 430 millions d’euros redistribués aux fonctionnaires et encore 300 millions d’euros destinés à payer leurs heures supplémentaires.

M. Bernard Angels. Au final, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux n’induira que 100 millions d’euros de dépenses en moins par an : bref, peu d’économies pour une mesure que seul explique votre aveuglement idéologique.

Le gel des dotations aux collectivités et des concours de l’État en direction de nos territoires aura également des conséquences particulièrement graves pour les services publics locaux. La part des collectivités dans l’investissement public a diminué de trois points en six ans, s’établissant, pour l’année 2009, à 70 %. Il est plus que probable que cette nouvelle coupe dans les ressources des collectivités contribuera à aggraver encore le phénomène, alors même que l’endettement des collectivités représente moins de 10 % du total de l’endettement public.

En agissant de la sorte, vous contraignez les collectivités à utiliser le seul levier qu’il leur reste, celui des hausses d’impôts. On connaît la suite : vous ne manquerez pas de les condamner, alors que vous êtes les seuls responsables.

Augmenter les prélèvements obligatoires, tailler dans les ressources des collectivités : les effets sur la consommation des ménages et l’investissement public seront à coup sûr négatifs. Si l’on ajoute à cela la fin du plan de relance, il y a de fortes chances pour que les résultats des choix politiques qui sous-tendent ce projet de loi de finances pour 2011 ne soient pas à la hauteur de vos espérances.

Serez-vous surpris si je vous dis qu’un autre projet était possible, qu’une autre politique est souhaitable ? Oui, je veux parler d’une politique consistant à s’appuyer sur les moteurs de la croissance et à en tirer profit afin de permettre à la France de sortir durablement de la crise.

Pour cela, il faudrait déjà ne pas confondre le rééquilibrage de nos comptes publics et la réduction des dépenses. Tout le monde s’accorde sur l’objectif d’efficience de nos dépenses publiques, mais faire reposer sur elles l’intégralité de l’effort de rééquilibrage budgétaire est à la fois socialement injuste et économiquement inefficace.

Agir vraiment sur les recettes, c’est faire des choix courageux, des choix ambitieux, en abrogeant le bouclier fiscal ; en taxant plus franchement les activités risquées des banques et les stock-options ; en allant plus loin dans le plafonnement des niches, la réduction de leur nombre et la simplification de leurs mécanismes. Cette seule révision aurait permis de récolter plus de 15 milliards d’euros sans avoir à pratiquer de telles coupes dans les missions du budget de l’État et, surtout, sans affaiblir la dépense publique, qui contribue largement à la relance économique.

Ces choix courageux, vous vous refusez à les faire. Vous persévérez dans l’erreur, tout en essayant de préserver, inlassablement, la situation d’un petit nombre de ménages aisés.

Une autre politique, c’est surtout une vraie ambition en faveur de l’emploi. Depuis huit ans, vous donnez l’impression de l’avoir oublié. Dois-je vous le rappeler, avant 2002, la croissance française s’établissait en moyenne à un demi-point en deçà de la croissance européenne. Entre 1997 et 2002, le gouvernement de Lionel Jospin a permis, par les politiques menées dans notre pays, de créer 400 000 emplois et de placer la France en position de leader européen en termes de croissance.

Vous avez abdiqué en matière de volontarisme économique. Le résultat est là : la croissance est en berne, le chômage augmente.

Vous l’aurez compris, selon nous, d’autres choix politiques auraient pu, auraient dû être mis en œuvre. Hélas, vous avez décidé d’inscrire votre projet de budget dans le prolongement de la politique menée depuis trois ans. Le Gouvernement a changé, pas vos orientations ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, beaucoup de choses ayant été dites excellemment par Jean-Pierre Fourcade, au nom de mon groupe, je me contenterai de vous livrer mon sentiment.

En réalité, sur le projet de loi de finances pour 2011, les orateurs de l’ensemble des groupes ont en commun deux objectifs : d’une part, la réduction des déficits ; d’autre part, la préservation ou la stimulation de l’emploi. Ce sont en effet les deux principes élémentaires lorsque l’on étudie le budget de l’État.

Pour autant, le rapporteur général de la commission des finances a très bien expliqué que les recettes nettes, cette année, ne représentaient que 70 % des dépenses nettes…

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Dominati. … et que l’on constatait une amélioration. En fait, tout réside dans l’équilibre entre, d’un côté, ces recettes qu’il faut stimuler ou augmenter et, de l’autre, ces dépenses qu’il faut contenir.

Or, lorsque j’examine ce projet de budget, je reconnais que j’ai quelques difficultés à comprendre…

Tout d’abord, les recettes nouvelles proviennent pour l’essentiel de la suppression des niches fiscales, à hauteur de 10 milliards d’euros, et de quelques taxes supplémentaires, liées à l’utilisation d’Internet.

Pour ma part, monsieur le ministre, j’ai du mal à comprendre ce qu’est exactement une « niche fiscale ». Je n’ai jamais entendu l’un de vos prédécesseurs ou un rapporteur général de la commission des finances défendre devant une assemblée la création d’une niche fiscale ! En tant que parlementaire, je n’ai jamais eu le sentiment de créer une niche fiscale.

M. Philippe Dominati. En général, j’ai voté en faveur d’incitations fiscales destinées à favoriser l’emploi ou le développement. Cependant, du jour au lendemain, le vocabulaire change, puisqu’il s’agit désormais de « réduire la dépense fiscale ». En réalité, supprimer ces « niches » revient à créer des prélèvements nouveaux à hauteur de 10 milliards d’euros, qui pèseront aussi bien sur les particuliers que sur les entrepreneurs. Mais peut-être ces mesures sont-elles nécessaires ! C’est la raison pour laquelle il est important de trouver un équilibre entre le niveau des recettes nouvelles et celui des dépenses.

Mme Lagarde l’a fort bien expliqué ce matin, l’emploi constitue bien évidemment une troisième source de recettes. Elle a défendu un projet dont la vocation est d’accélérer les effets du plan de relance, grâce à la création de 100 000 emplois nouveaux.

En réalité, seules les incitations, que nous appellerons peut-être plus tard des « niches », peuvent véritablement redonner courage et envie aux entrepreneurs, accroître la compétitivité des entreprises et permettre aux grosses PME, c'est-à-dire celles qui ont 500 salariés et plus, de se multiplier, alors qu’elles sont quasi absentes de notre économie, ce que nous regrettons lorsque nous évoquons notre commerce extérieur.

Comment ne pas avoir le sentiment d’une certaine contradiction quand on constate que l’incitation fiscale prônée hier est aujourd’hui une niche fiscale qu’il faut combattre ?

J’en viens à la « réduction » de la dépense publique.

M. le rapporteur général nous l’a expliqué, il y a non pas réduction mais bien augmentation de la dépense publique, et à hauteur de 4,5 milliards d’euros. Simplement, c’est l’emballement de la dépense publique qu’il s’agit de contenir et de diminuer. Reste que, pour l’instant, cette dépense publique continue d’augmenter.

C’est dans cette mesure que l’équilibre fixé entre recettes et dépenses est, pour nombre de nos concitoyens, difficilement compréhensible. Ces derniers ont en effet le sentiment que l’effort prévu en matière de dépense publique est insuffisant par rapport à celui qui est demandé avec la suppression de certaines incitations fiscales. À cet égard, je nourris moi-même une certaine inquiétude.

On me répondra très certainement – certains orateurs ont d’ailleurs insisté sur ce point – que la dépense publique est contrainte.

La dette constitue en effet le premier poste de dépense. Nous l’avons héritée des nombreuses années au cours desquelles nous n’avons pas su être suffisamment attentifs à sa progression. Elle croît plus vite que les autres dépenses, avec une augmentation prévue entre 15 et 20 milliards d’euros sur les trois ou quatre prochains exercices budgétaires.

Le ministère de l’éducation nationale représente le deuxième poste de la dépense publique. Sur les 30 000 emplois qui ne seront pas renouvelés dans la fonction publique, la moitié relève de ce ministère.

Pour autant, l’étude des chiffres soulève un certain nombre de questions. La suppression de ces 15 000 postes permettra de réaliser une économie de 390 millions d’euros. Or, pour revaloriser les fonctions, conformément à l’engagement du Président de la République, 199 millions d’euros seront réengagés, si bien que le gain engendré par cette mesure n’atteindra que 160 millions d’euros environ, et ce sur une masse globale de 18 milliards d’euros !

Cet exemple illustre parfaitement la difficulté qu’il y a à tenir un engagement en la matière. Lors de l’adoption du projet de loi de finances pour 2009, M. le rapporteur général l’a rappelé, l’État prévoyait de limiter à 1 % la croissance de la dépense publique. Or, finalement, nous avions enregistré une augmentation de 2,4 % !

Telle est la réalité de ce qui constitue le deuxième poste de dépense pour l’État, je tenais à le souligner.

Comme je l’ai dit lors d’un précédent débat d’orientation budgétaire, vous faites face, monsieur le ministre, à une difficulté insurmontable, car, s’agissant de l’État, vous réfléchissez à périmètre constant. Pour ma part, j’ai une vision bien différente de l’État.

Le Gouvernement vient de réduire le nombre de ministres, ce qui est une bonne chose. Toutefois, cette décision aurait dû trouver sa traduction budgétaire. Le périmètre de cet « État assistance » doit être réduit progressivement, afin que l’on se concentre sur les missions essentielles.

À cet égard, je prendrai l’exemple du Grand Paris, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer.

Sachez que nous sommes l’un des seuls États au monde à proposer un service public de transport. Or, comme le démontre un rapport de la Cour des comptes paru voilà un ou deux jours, l’État est parfois moins performant que des sociétés capables, elles, de fournir le service, mais à un coût bien moindre.

Pourtant, dans ce domaine, le Gouvernement n’a pas changé de vision. Lorsque j’entends dire que ce budget est inspiré par une vision libérale, je ne comprends pas. Où est donc la vision libérale ? Pour ma part, je ne la retrouve pas ici.

En revanche, je soutiendrai bien évidemment vos efforts, monsieur le ministre, et ceux de Mme Lagarde, pour défendre un dispositif qui a été évoqué par Jean-Pierre Fourcade, à savoir le crédit d’impôt recherche en faveur des entreprises. Je suggère même qu’il soit étendu aux jeunes entreprises innovantes. Ce dispositif est essentiel, car c’est de l’entreprise que vient l’emploi.

Obéir à une vision ultralibérale, ce n’est pas se contenter de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux pour réduire la dépense publique ! Si c’était le cas, quel serait le pays au monde le plus ultralibéral ? Cuba, mes chers collègues, car, cette année, 500 000 fonctionnaires et agents de l’État ont été reversés dans le secteur concurrentiel. Or ce pays est loin de mener une politique ultralibérale, et j’en prends à témoin nos amis siégeant sur les travées de gauche de cette assemblée !

Je souhaitais donc, monsieur le ministre, attirer votre attention sur ce problème de périmètre, à mes yeux essentiel.

Il est également indispensable de préserver et de développer les mécanismes qui ont fait leur preuve, comme le crédit d’impôt recherche et les dispositifs mis en place notamment par Hervé Novelli au moment de la création de l’auto-entrepreneur.

Bien évidemment, je me réjouis de la réforme de la fiscalité, annoncée pour le prochain collectif budgétaire. En libérant les énergies sur le plan fiscal tout un maintenant un équilibre indispensable, cette réforme complétera utilement celle de la taxe professionnelle, qui avait été, elle aussi, attendue de longue date. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, le remaniement a enfin eu lieu, et ce quelques jours avant l’examen du projet de loi de finances pour 2011. Curieusement, ceux qui, sur les bancs de la majorité, à l’Assemblée nationale, s’étaient tus jusque-là – était-ce par inquiétude ? – ont retrouvé quelques couleurs pour s’exprimer sur ce texte.

Est-ce une chance pour la Haute Assemblée si nous retrouvons aujourd’hui les mêmes ministres à la tribune ? Ce n’est pas à moi de répondre ! Quoi qu’il en soit, cela devrait nous permettre d’aller à l’essentiel.

À cet instant de la discussion générale, beaucoup de choses ont déjà été dites. Permettez-moi toutefois d’apporter ma contribution, au demeurant modeste, et j’utilise à dessein l’adjectif. En effet, ni mon intervention, ni celles, excellentes, de mes collègues du groupe socialiste, ni même peut-être celles des sénateurs de la majorité, ne modifieront ne serait-ce que d’une virgule un projet de loi de finances d’ores et déjà quasi gravé dans le marbre.

Ce qui importe, c’est la communication gouvernementale, entièrement tournée vers l’extérieur, afin de rassurer d’abord les agences de notation, et le plan triennal n’a d’ailleurs pas d’autre but. Il suffit d’observer les difficultés dans lesquelles ont été plongés nos collègues de la commission des finances.

M. le rapporteur général a d’ailleurs proposé de retenir une hypothèse de croissance moyenne du PIB de 2 %, au lieu de 2,5 %. Et pourtant, si l’on y regarde de plus près, avec une croissance de 1,5 % à 1,6 %, mais un déficit de 150 milliards d’euros, l’année 2010 atteint un record inégalé sous la Ve République. Bonjour la « rilance », prônée l’année dernière par Mme Lagarde, pour ceux qui s’en souviennent encore…

Mme Nicole Bricq. L’inénarrable « rilance » !

M. François Rebsamen. Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : cet adage est fréquemment employé par les juristes. Or, à force de diminution des recettes et de hausse continue des dépenses publiques, nous en sommes malheureusement là !

Aujourd’hui, nous débattons du dernier budget du président Sarkozy, ou plutôt du dernier budget du candidat de 2007, avant de débattre l’an prochain du budget – j’espère, à titre personnel, que ce sera le dernier ! – du candidat de 2012.

Le projet de loi de finances pour 2011 est d’ailleurs significatif. Il s’agit, comme le déclarait ce matin Mme la ministre, de « rétablir des comptes publics sans compromettre la reprise ». C’est un peu la quadrature du cercle, le Gouvernement étant corseté par des contraintes idéologiques posées par le Président de la République. « Ce n’est pas un budget de rigueur », nous déclarait tout à l’heure M. le rapporteur général. J’ajouterai : sauf pour quelques-uns !

Au moment même où, reconduit dans ses fonctions, François Fillon déclarait que l’emploi, les solidarités et la sécurité relèveraient des priorités de l’exécutif, on constate, et c’est à peine croyable, que ces priorités se retrouvent bien dans le projet de loi de finances pour 2011, mais dans des missions dont les crédits sont rognés… Drôle d’ambition !

Relevons à cet égard les coupes franches du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » : les crédits qui lui sont affectés chutent de plus de 56 % !

Pour ce qui concerne la sécurité, le Gouvernement, non comptant de réduire les effectifs, diminue l’investissement de 19 %, ce qui en dit long sur la réalité des pratiques.

Et que dire de cette « riche » idée lancée par Benoist Apparu d’imposer au secteur HLM une taxe nouvelle de 2,5 % portant uniquement sur les loyers des plus modestes ? Nous aurions pu comprendre, tout en la combattant, la logique d’une taxation de tous les loyers. Mais la création d’une taxe affectant uniquement les plus modestes de nos concitoyens ne peut pas se justifier ! Et tout cela pour alimenter le budget de l’État à hauteur de 340 millions d’euros.

Or notre commission des finances estime que ce dispositif « ne constitue pas un outil adéquat de péréquation et de mutualisation, puisqu’il frappe indistinctement et uniformément les organismes d’HLM, sans tenir compte de leur situation financière particulière », ni, surtout, des investissements qu’ils ont réalisés ces dernières années.

La commission des finances considère également que le comblement du déficit de financement des opérations de rénovation urbaine de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ne peut être mis deux fois à la charge des bailleurs sociaux, mais relève du budget général de l’État.

La perte qui en résultera pour les organismes d’HLM devra de toute façon être compensée, aux dépens de la production, de la réhabilitation ou du service. Quant à la nouvelle version du dispositif dont j’ai eu connaissance, elle pénaliserait tout autant les locataires. Et ce sont bien les locataires qui seront les plus visés, monsieur le ministre.

J’ai examiné plus spécifiquement les conséquences des dernières modifications apportées au projet pour l’OPAC de Dijon : elles seraient catastrophiques, puisqu’il s’agirait d’une ponction, sur trois ans, de près de 840 euros par logement pour les locataires les plus modestes.

Par ailleurs, la politique actuelle menée par le Gouvernement dans la mise en œuvre et la gestion des contrats aidés est aussi en contradiction avec les principes affichés : une diminution de leur nombre de 60 000 est prévue pour 2011.

Les structures d’insertion par l’activité économique, que vous vous connaissez sur le plan local, monsieur le ministre, accueillent et salarient chaque année plus de 65 000 personnes très éloignées de l’emploi ; elles les accompagnent et les forment afin de les soutenir sur le chemin du retour à l’emploi.

Les contrats aidés sont cependant utilisés comme variables d’ajustement pour les chiffres du chômage. Certaines de ces structures d’insertion par l’activité économique qui ont signé des conventionnements avec l’État se retrouvent dans une situation complexe qui les empêche d’atteindre les objectifs de retour à l’emploi et de lutte contre le chômage et donc de mener à bien leur mission.

S’agissant des recettes, il existe, bien sûr, des marges de manœuvre efficaces, mais elles ont été ignorées.

Elles ont été présentées par mes collègues, mais je les rappelle rapidement.

Il s’agit de supprimer la loi TEPA ; créer une tranche supérieure d’impôt sur le revenu ; réviser les bases de la fiscalité locale ; élargir le périmètre de la taxe sur les logements vacants ; rendre permanente la taxation des rémunérations variables des opérateurs de marché, c'est-à-dire leurs bonus ; supprimer les outils permettant l’optimisation fiscale, dont l’utilisation pourrait parfois être assimilée à un abus de droit tant leur caractère fictif ou leur motivation exclusivement fiscale sont nets…

C’est le sens d’amendements qui ont été déposés.

Sur ce sujet précis, l’augmentation constante du nombre et du coût des dispositifs fiscaux dérogatoires applicables aux entreprises ces dernières années témoigne, je le crois, du caractère non maîtrisé de ces mesures. Leur coût étant estimé à plus de 71 milliards d’euros en 2010, contre 19,5 milliards d’euros en 2005.

Cette réalité, monsieur le ministre, contraste fortement avec les efforts croissants de maîtrise des dépenses budgétaires que vous prétendez engager. Et ce, alors que, dans le même temps, vous demandez des efforts aux ménages souvent les plus modestes et aux collectivités locales, ce qui – cela a été dit sur toutes les travées -, pénalisera l’investissement public.

Cette politique contraste encore plus avec votre plan de communication, qui consiste à nous dire que ce projet de loi de finances « s’inscrit dans la stratégie du Gouvernement de retour progressif à l’équilibre, stratégie qui repose elle-même sur une volonté sans faille de réduire les déficits publics ».

Les pratiques d’optimisation fiscales sont favorisées, on le sait, par la complexité de notre système. Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2007 ainsi que celui d’octobre 2010 relèvent qu’en France les difficultés demeurent, car notre pays a accumulé des retards en matière d’évaluation.

Tout est, à mon avis, affaire de volonté, et cette volonté le Gouvernement ne l’a visiblement pas pour peser sur d’autres leviers qui seraient efficaces économiquement, justes socialement et fiscalement, des leviers qui ne feraient pas porter sur les plus modestes et sur les collectivités le poids de la dette et du déficit public, alors même que le taux d’effort des uns et des autres est déjà très important.

Il n’est pas normal, Mme Bricq l’a rappelé tout à l’heure, que le taux implicite d’imposition des entreprises françaises soit en moyenne de près de 18 %, soit 16 % de moins que le taux facial, et de 8 % pour les entreprises du CAC 40.

À cet égard, les chiffres concernant l’accélération des dépenses fiscales créées depuis 2006 sont inquiétants. Voilà la réalité. Voilà les chiffres de l’attentisme et du dogmatisme politique de ce gouvernement !

Parallèlement, des comportements scandaleux sont constatés. Ils ne sont pas suffisamment combattus, je me dois de le répéter ici.

Je pense à ces géants du CAC 40, qui font, certes, honneur à la France, qui ont, certes, engrangé, d’après les journaux du matin, 42 milliards d’euros de bénéfices, en hausse de 87 % sur un an, mais dont le comportement est, pour le moins, non vertueux, puisque, en quatre ans, les effectifs des quarante groupes ont diminué de près de 40 000 personnes.

« Le transfert de dettes du privé vers la sphère publique, la crise grecque, l’attaque de notre monnaie, nous ont rappelé l’ardente nécessité de mener une politique vertueuse sur le plan de nos finances publiques. Nous devons désormais nous atteler à réduire les déficits publics ». Voilà ce que vous rappeliez, monsieur le ministre, à l’Assemblée nationale.

Mais Lao Tseu l’a dit : « Nommer n’est pas définir ». C’est déjà sans doute avoir fait une partie du chemin que de définir les problèmes et les objectifs. Mais si une partie du chemin est faite, la tâche n’est pas pour autant accomplie.

S’il y a bien un marqueur de ce gouvernement, c’est celui des grandes déclarations. La solidarité, la croissance et la justice sociale ne se décrètent pas, elles se créent. Nous vous avons proposé des pistes, de nombreuses pistes d’action en ce sens. Je n’en ai rappelé que quelques-unes.

Mais la résistance gouvernementale est intense ! Je me demande encore dans quel but. Ce n’est pas, à mon avis, dans l’intérêt général des Français. C’est pourquoi nous ne pourrons pas voter ce projet de loi de finances pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé.

M. Edmond Hervé. Monsieur le ministre, parmi nos différends, nous trouvons bien évidemment le rôle des institutions publiques, et plus spécialement celui de l’État et des collectivités territoriales, ainsi que la question fiscale.

Précisément, ce soir, un constat retient tout particulièrement mon attention : alors que la fiscalité de l’État s’est modernisée, notre fiscalité locale demeure à la traîne, indépendamment du recours à la valeur ajoutée pour asseoir une part de la nouvelle contribution économique territoriale.

Nous sommes en face d’une dualité d’autant plus grave que toute une série de raisons entretiennent l’action locale. Citons, bien évidemment, en premier lieu, l’impératif de la croissance économique, les nouvelles attentes et les besoins de la population, les transferts de l’État, les déficits de celui-ci – transfert et déficit étant bien évidemment liés -, la production de normes nationales diverses, à quoi j’ajouterai la règle, tout à fait justifiée, de l’équilibre budgétaire local, les partenariats que l’État lui-même engage. Et je ne résiste pas au plaisir de citer la construction européenne, car je suis intimement convaincu que, dans les années qui viennent, nous aurons un impôt européen qui aura nécessairement des répercussions sur les collectivités territoriales.

Ma conclusion est simple : notre fiscalité locale, communale notamment, ne peut rester ce qu’elle est, pour des raisons de cohérence, de cohésion et d’efficacité.

Dans nos collectivités territoriales, indépendamment de nos efforts, il y a un risque évident de divorce entre le citoyen et le contribuable. Il prend sa source dans la complexité, l’opacité, les inégalités de notre système fiscal, le sentiment d’injustice qu’il génère et, bien sûr, le décalage qui existe entre les missions de nos collectivités et un système fiscal attardé.

Nous sommes au cœur de la confiance et de l’esprit d’entreprendre.

Il est important que nous allions à l’essentiel. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président de la commission des finances, je vous propose, au nom de mon groupe, de prendre le temps, au cours des mois qui viennent, de consacrer une partie des travaux de notre commission à un état des lieux approfondi de notre fiscalité locale.

Je reprends, monsieur le président, une formule très juste que vous avez employée hier : « Si vous voulez réformer, mettez de la lumière ».

Ce n’est pas en perpétuant, comme nous le faisons ici, au Sénat, ou à l’Assemblée nationale, la course échevelée des amendements que nous progressons. Dresser un état des lieux, le rapport public du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2010 nous y invite et nous y aide en mettant en exergue des grandeurs importantes.

Globalement, le budget des collectivités territoriales représente 11 % du produit intérieur brut, soit, en 2008, 21,8 % des dépenses publiques totales. Cette part croît ; elle n’était, en effet, que de 17 % en 1982.

Par-delà ces chiffres, et tous ceux que vous connaissez, il faut apprécier l’action et le rôle des collectivités territoriales. Ils seront d’autant plus positifs que les ressources mobilisées reposeront sur des bases modernes, justes, en adéquation avec la réalité économique d’aujourd’hui, la capacité contributive des intéressés et les besoins des territoires.

État des lieux, disais-je. Permettez-moi de citer quelques thèmes d’analyse et d’approfondissement.

La fiscalité locale représente 47,6 % du financement des collectivités territoriales, dont 36,8 % à la charge des contribuables locaux, le reste étant assumé par l’État, donc par les contribuables nationaux. Voilà, me semble-t-il, l’une des preuves de l’obsolescence de cette fiscalité. « Produit voté », « produit payé », « produit perçu » ne sont plus en correspondance.

Cette situation est-elle acceptable au plan de la transparence et de la responsabilité ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !

M. Edmond Hervé. Poser cette question n’est pas évacuer le rôle de l’État en tant que garant du pacte républicain, de l’équité et de la solidarité.

Que penser de la valeur locative ? Les évaluations de 1970 sont encore en vigueur. Ces bases, on en conviendra, ne reflètent plus la réalité du marché immobilier d’aujourd’hui. Voyons où en sont les estimations, les surestimations, les sous-estimations. Comment jouent « les éléments de confort » dans les immeubles de construction récente classés « habitations à loyer modéré » ? Pourquoi la loi de janvier 1990 prévoyant une application en 1997 n’a-t-elle pas eu de suite ? Nous savons que c’est non pas pour des raisons techniques, mais tout simplement pour des raisons de transfert.

La taxe d’habitation est un impôt spécialement français, sans équivalent dans les autres pays de l’OCDE. Que valent les différents coefficients qui ne tiennent pas compte de la capacité contributive des redevables ? Cette affirmation mérite d’être peaufinée, car nous savons qu’à partir d’un certain temps la taxe d’habitation est progressive et à partir d’un autre seuil, elle devient dégressive.

Appréhendant la taxe d’habitation, monsieur Fourcade, je ne peux pas ne pas citer ce que nous avions décidé à l’Assemblée nationale il y a déjà vingt ans : la taxe départementale sur les revenus, taxe mort-née ! J’aimerais retrouver le débat que nous eûmes à l’époque.

Les taxes foncières ont l’avantage d’être localisables, immobiles et prévisibles. Elles permettent à la collectivité de retirer le bénéfice de ses actions qui valorisent le foncier. Que penser cependant de leur assiette, de son calcul, de sa capacité à appréhender la valeur du bien concerné, de sa dynamique ? Que penser du partage individuel-collectif que les taxes foncières sont censées opérer ? Dans une période de tension économique, il est intéressant de se demander en faveur de quels accueils elles jouent : résidentiels ? industriels ?

La jeunesse de la contribution économique territoriale ne nous empêche pas d’évaluer le dispositif. Notre rapporteur général a justement mis en cause son coût.

Monsieur Marini, vous vous êtes interrogé sur le contexte de la création de cette contribution. J’ai remarqué ce matin que, sans citer, vous aviez fait allusion à cet environnement.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’ai dit que c’était une réforme de pays riche !

M. Edmond Hervé. Hier, notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », a fait des remarques pertinentes sur certaines exonérations.

Mes chers collègues, je ne m’étendrai pas sur la péréquation. C’est une nécessité. Nous connaissons les égoïsmes qu’il faut vaincre dans ce domaine. Des questions sont à poser.

La péréquation peut-elle s’accommoder d’une compensation générale à l’euro près ?

Je suis intimement convaincu que, lorsque l’on parle de la compétence « solidarité territoriale », les ressources affectées à ce titre au département ne permettent pas, aujourd’hui, une péréquation nécessaire.

C’est à partir de cette mise à plat que je vous propose, monsieur le président de la commission des finances, que nous pourrons débattre et reconstruire, en dépassant les généralités.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J’ai bien noté !

M. Edmond Hervé. Elles ont politiquement, cependant, leur importance, car c’est toujours à partir de grands principes que l’on bâtit un édifice durable.

Devons-nous conserver un système fiscal local ? Je le pense, mais je sais que certains, aujourd’hui silencieux, pensent le contraire.

Quel lien ce système fiscal local doit-il avoir avec le système fiscal national ? Quelle doit être la part de la mixité ? Que peut-on attendre des redevances ? Un système fiscal local doit-il avoir une fonction redistributive ? Quel impact doit-il avoir sur l’économie ?

Je voudrais terminer sur une observation.

Nous parlons beaucoup de convergence fiscale avec l’Allemagne. Je ne souhaite pas que l’action publique nationale et locale soit victime d’une approche comparative, comptable et formelle. Il y a très certainement des convergences à opérer, y compris sur des projets économiques communs, bilatéraux ou européens.

Mais, monsieur Marini, vous avez fait, il y a quelque temps, une déclaration très juste. Je vous cite : « Le taux des prélèvements obligatoires est un agrégat trop complexe qui rend impossible toute comparaison entre les pays européens, faute d’une autorité comptable indépendante au niveau communautaire ».

Précisément, monsieur le rapporteur général, quelle est la grande différence entre la France et l’Allemagne ? L’Allemagne a conservé un secteur manufacturier, de production important. Alors que, de 2000 à 2008, la part de ce secteur dans la valeur ajoutée en Allemagne demeurait stable, aux alentours de 29 % ou 30 %, elle est passée chez nous de 22 % à 16 % sur la même période.

Toute politique de recherche et développement, toute politique d’innovation n’a de sens que si elle est en correspondance avec une politique de production.

L’Allemagne a construit un compromis social fondé sur la maîtrise des coûts salariaux et le maintien de l’emploi : la part des salaires dans la valeur ajoutée a diminué et le salaire réel par tête a baissé, alors qu’il a progressé dans le reste de la zone euro ; par ailleurs, le licenciement automatique ne fait pas partie de l’ordinaire allemand. (M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.)

Je retrouve la décentralisation et une différence majeure entre nos deux pays : les Länder jouent un rôle déterminant en matière d’innovation, de recherche, d’exportation ; ils peuvent compter avec des entreprises moyennes très fortes, qui, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, ne sont pas nécessairement affectées par l’impôt sur les sociétés, car elles sont soumises à un type d’impôt différent.

C’est par loyauté que nous devons étudier au fond ces différents points.

La fiscalité partagée fournit 60 % des ressources des Länder et 17 % de celles des communes ; en France, nous en sommes à 6,5 %, la moyenne des pays de l’Union européenne étant de 20 %. Cette fiscalité partagée n’empêche pas les Länder d’être confrontés à de très grandes difficultés, notamment dans le domaine de l’éducation.

Nous ne sommes pas dans l’inconnu et devant une table rase : voyez le succès de nos technopoles ! N’oublions pas non plus les collectivités territoriales qui, faisant la démonstration de leur sens de l’anticipation, investissent dans les domaines économique, social et culturel, et qui, toutes sensibilités confondues, ont fait preuve d’un grand sens civique en prenant une part très active dans le plan de relance.

Dans l’état des lieux fiscal que je propose, nous ne devons pas oublier l’usage qui est fait de la ressource.

Le Conseil des prélèvements obligatoires évoquait, dans une formule très juste, « la pertinence du prélèvement fiscal local ». J’y crois avec vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier chacun d’entre vous de la qualité de vos contributions, qui nourriront vertueusement le débat que nous allons avoir sur ce projet de loi de finances.

Au préalable, je dois dire que je suis frappé par la différence d’approche entre les représentants de notre majorité et ceux de l’opposition.

D’un côté, il y a ceux qui, avec notre majorité, souhaitent que la France s’engage sur la voie de l’équilibre des finances publiques en agissant vraiment, réellement.

Certes, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous aurons des débats et des divergences d’appréciation sur tel ou tel aspect, sur la nécessité éventuelle d’aller plus vite sur tel point, moins vite sur tel autre, mais nous partageons indiscutablement un objectif commun, à savoir l’engagement durable dans une gestion vertueuse de nos finances publiques pour atteindre l’équilibre budgétaire. Et par là j’entends non pas ce point asymptotique vers lequel on tend sans jamais l’atteindre, mais bien un objectif politique fixe qui doit mobiliser l’ensemble de la puissance publique.

Mais, d’un autre côté, il y a ceux qui, avec les représentants de l’opposition, n’ont qu’un seul projet politique : augmenter les prélèvements obligatoires pour boucher des trous. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je n’ai entendu de leur part aucune autre proposition.

Cette méthode-là, mesdames, messieurs les sénateurs, serait dangereuse pour notre économie, menaçante pour la croissance et structurellement déprimante pour les Français, qui n’en peuvent plus.

Dans les dix-huit mois, nous aurons plusieurs rendez-vous. Mais, dès à présent, ce débat fait apparaître une vraie ligne de fracture, fait émerger des choix politiques différents sur la façon de réduire nos déficits.

La hausse généralisée des impôts n’est pas une solution adaptée, car la France souffre de la dépense publique. Parmi les pays de l’Union européenne, notre pays est désormais celui où le taux de croissance des dépenses publiques par rapport à la richesse nationale est le plus élevé.

Il faut quand même avoir à l’esprit qu’un taux d’imposition trop élevé nuit au consentement à l’impôt lui-même. Au-delà d’un certain seuil apparaît en effet un point d’inflexion à partir duquel l’acte fiscal, l’acte déclaratif et la participation à travers une contribution individuelle à l’effort de redistribution sous forme de services publics, d’investissements, de prestations, de solidarité, en un mot tout ce qui constitue, de près ou de loin, directement ou indirectement, le modèle français d’État providence, peuvent ne plus être acceptés.

C’est pourquoi nous devons réfléchir très subtilement à tout ce qui touche à l’impôt et à la fiscalité.

Il y aurait une part d’irresponsabilité à faire de l’augmentation des impôts un programme politique en soi.

S’agissant de l’effort budgétaire pour 2011, j’entends certains dire que notre budget est trop dur, tandis que d’autres considèrent que nous ne réduisons pas suffisamment vite les déficits.

Ce qui est sûr, c’est que nous privilégions un redressement raisonné de nos finances publiques en excluant à la fois les coupes aveugles dans la dépense et les hausses généralisées d’impôt. Comme l’a rappelé M. Dominati, nous visons un ralentissement et non une diminution du rythme de croissance de la dépense.

Cela m’a toujours fait sourire d’entendre dire que la France engageait un plan de rigueur. Le Gouvernement n’a jamais porté ce mot en bandoulière, tout simplement parce qu’il ne correspond pas à la réalité. Il n’en demeure pas moins que, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, le taux de croissance des dépenses publiques sera stabilisé.

En d’autres termes, pour être clair, le niveau de nos dépenses sera identique à ce qu’il était l’an passé, et c’est cela, la vraie révolution. L’économie ne sera pas négligeable.

Nous avons inscrit cette politique dans la durée puisque le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une maîtrise de l’évolution du taux de croissance de la dépense publique pour les années 2011 à 2014.

Nous avons aussi écarté les hausses généralisées d’impôt, contrairement à ce qu’ont fait nos partenaires espagnols, portugais ou britanniques à travers les plans qu’ils ont mis en place.

Je vous le redis, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne trouverez pas trace de la moindre augmentation des prélèvements obligatoires dans le plan français : ni hausse de la TVA, ni hausse de l’impôt sur le revenu, ni hausse de l’impôt sur les sociétés. Malgré les efforts que nous devons faire pour réduire nos déficits, c’est un choix politique que nous assumons pleinement.

Nous réduirons en 2011 de 1,7 point de PIB le déficit public. Du jamais vu ! Personne n’a jamais fait mieux auparavant. Certes, nous n’avions jamais atteint un tel niveau de déficit dans le passé, mais, cet objectif de réduction de 40 milliards d’euros du niveau du déficit public par rapport à la richesse nationale – c'est-à-dire de 60 % – nécessite des mesures cohérentes et la définition de priorités.

J’ai bien noté, monsieur le président de la commission, cher Jean Arthuis, monsieur le rapporteur général, cher Philippe Marini, monsieur About, vos interrogations sur la maîtrise de la dépense d’intervention. Nombre de ces dépenses relèvent de dispositifs de guichet, qui connaissent spontanément une dynamique forte.

Les règles transversales fixées par le Gouvernement – moins 5 % pour l’année prochaine – permettent de contrecarrer la dynamique de ces dépenses d’intervention, et c’est grâce à cette discipline que nous parvenons à geler les dépenses de l’État en valeur, hors dettes et pensions.

Cet effort est également sans précédent : si nous avions appliqué la même règle entre 2007 et 2010, nous aurions économisé en moyenne 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année...

Parmi ces économies, monsieur le président de la commission, il y en a une qui est liée à la mise en place d’un mécanisme de péréquation sur le secteur HLM, pour 340 millions d’euros.

C’est bien d’une économie qu’il s’agit ; elle permettra, tout en préservant l’effort de l’État en faveur de la construction de logements sociaux, d’alimenter un fonds de solidarité destiné uniquement au financement de la construction, de la réhabilitation et du renouvellement urbain à hauteur donc de 340 millions d’euros par an.

Certes, c’est un effort pour le secteur HLM, mais celui-ci connaît une situation financière dans l’ensemble confortable : il dispose en effet de 6,5 milliards d’euros de fonds propres et bénéficie d’aides fiscales ou financières à hauteur de 4 milliards d’euros par an. Ce n’est donc pas un effort démesuré.

Nous avons eu ce débat à l’Assemblée nationale, nous l’aurons au Sénat. J’ai bien noté les propos de François Rebsamen, par ailleurs maire de Dijon, au sujet de l’OPAC de sa ville : les situations ne sont pas identiques en tout lieu, mais la mesure que nous proposons vise non pas à remplir les caisses de l’État, mais à « re-flécher » les crédits vers la construction des logements sociaux et vers l’ANRU, qui contribue largement à l’amélioration du cadre de vie grâce à la rénovation de l’habitat social.

S’agissant plus particulièrement de la réduction des niches fiscales et sociales, j’ai entendu quelques critiques ici ou là, ce qui est bien normal. Il est vrai que le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, n’ouvrir qu’un seul front en supprimant deux ou trois des niches les plus coûteuses. Cela aurait été certes plus simple, mais certainement défavorable à notre économie.

Au final, nous avons choisi un chemin de crête, plus difficile, plus exigeant, plus propice à susciter une addition de contestations, mais, en définitive, plus juste. Je le répète, l’effort de réduction des niches fiscales et sociales a consisté en priorité à supprimer les dispositifs dont l’efficacité ou la nécessité ne sont plus démontrées ou qui sont peu conformes au principe d’égalité devant l’impôt.

Le taux réduit de TVA sur la restauration ou l’exonération des heures supplémentaires ne font pas partie de cette catégorie, contrairement à ce que peuvent penser certains. C’est la raison pour laquelle nous n’y avons pas touché.

Pour être tout à fait complet, j’ajoute que, sur cette question de la TVA dans le secteur de la restauration comme sur bien d’autres, nous avons besoin de stabilité. Il s’agit là d’une mesure récente, réclamée par certains, contestée par d’autres. Laissons à ce dispositif le temps de produire les effets vertueux auxquels, nous, nous croyons.

Quant au « rabot », il est peut-être critiquable, mais, là encore, je n’ai pas entendu de meilleure proposition dans cet hémicycle.

Contrairement à ce qu’affirment certains, les ménages ne supporteront pas à eux seuls l’effort sur les niches fiscales.

Au passage, sachez, monsieur Dominati, que j’ai lutté contre cette expression de « niche fiscale », mais j’ai échoué ! (Sourires.) Le terme perdure, indépendamment de la réalité : pour l’État, une niche fiscale, c’est une dépense ! C’est bien la raison pour laquelle nous agissons presque exclusivement sur les sources de dépenses au sein de l’État.

Lorsque, pour « booster » tel ou tel secteur économique, pour favoriser l’emploi dans tel ou tel secteur d’activité, l’État accorde un avantage fiscal, il choisit de ne pas prélever une ressource fiscale ; il s’agit donc d’une dépense pour lui. Un autre moyen aurait été de créer une dépense budgétaire en accordant une forme de subvention.

Plus nous serons nombreux à rappeler que les niches fiscales sont en réalité des dépenses fiscales, mieux sera comprise et acceptée leur réduction, par vous-mêmes, je le souhaite évidemment, mais aussi et surtout par une majorité de Français.

Cet effort, je le répète, a été équitablement réparti entre les ménages et les entreprises : 37 % pour les premiers, 63 % pour les secondes.

Comme l’a rappelé M. le président de la commission, toute mesure fiscale repose in fine sur les ménages, directement ou indirectement, et la répartition entre les entreprises, d’un côté, et les ménages, de l’autre, a peut-être un caractère artificiel.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En effet, c’est artificiel !

M. François Baroin, ministre. Il n’en demeure pas moins que les entreprises ont tout loisir de répercuter ou non sur l’usager ou le consommateur les mesures dont elles font l’objet.

Madame Bricq, quand on formule une prévision de croissance, on ne doit pas être habité par le doute. Il est cependant clair qu’un certain nombre de paramètres doivent être retenus pour l’établissement d’un budget.

Je persiste à penser que notre hypothèse de croissance pour l’année prochaine, à savoir 2 %, n’est pas déraisonnable. Les taux de croissance des deuxième et troisième trimestres confortent sérieusement la position du Gouvernement en la matière, puisque, sur un rythme annuel, ce taux atteint 2 %. Nous croyons à la justesse de nos prévisions.

Monsieur Marc, madame Bricq, vous affirmez que le Gouvernement conduit une politique économique récessive. Permettez-moi de vous dire que les propositions d’augmentation des impôts qu’a faites le parti socialiste dans son semblant de programme alternatif,…

Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas eu le temps de développer : attendez les amendements !

M. François Baroin, ministre. … si elles étaient appliquées, auraient, pour notre économie, un effet récessif à la fois immédiat et redoutable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une erreur de vouloir apprécier les effets redistributifs d’un système en s’en tenant aux seules mesures fiscales !

Comme vous le savez, en France, la réduction des inégalités passe essentiellement par les transferts sociaux, même si l’impôt y contribue. Dans France, portrait social, l’INSEE révèle que l’effort de redistribution est supérieur de 11 points, en 2009, à ce qu’il était en 2006 pour les personnes les plus modestes. Je pense que cette donnée statistique devrait être une source d’inspiration pour tous…

J’ai déjà évoqué cette problématique au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en votre présence, me semble-t-il, madame Bricq. Du fait du système de redistribution du modèle français, les 20 % des ménages les plus modestes de France voient leurs revenus annuels augmenter, passant d’environ 7 000 euros à plus de 10 000 euros, tandis que les 20 % des ménages les plus riches voient les leurs baisser, passant de 53 000 euros en moyenne à 47 000 euros.

C’est pourquoi je combattrai, en tout temps, en tous lieux et en toutes circonstances, celles et ceux qui voudront montrer que la répartition est injuste. Ce n’est pas le cas !

Mme Nicole Bricq. Nous avons donc rêvé !

M. François Baroin, ministre. Ce budget aura pour fonction de protéger ce modèle de redistribution, en demandant un effort aux citoyens, mais sans augmenter trop fortement la pression. C’est ce qui a été fait pour les retraites, ce qui est proposé pour la gestion de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, et, donc, ce que nous avons écrit, non pas en filigrane, mais en lettres fluorescentes, dans ce projet de loi de finances pour 2011.

S’agissant des collectivités locales, beaucoup d’entre vous – Éric Doligé et Jean-Pierre Fourcade, notamment – sont montés à cette tribune pour évoquer la proposition du Gouvernement de geler les dotations de l’État.

C’est évidemment une décision importante et, je dois à la vérité de le dire, elle était attendue depuis de nombreuses années. Au vu de l’importance du volume budgétaire que représentent les transferts de l’État aux collectivités locales, il n’était effectivement pas absurde qu’à un moment donné, dans une période particulière, le Gouvernement envisage un tel gel et ses modalités.

Conformément aux conclusions de la conférence sur les déficits publics – application de la norme « zéro valeur » aux concours de l’État aux collectivités locales, soit la simple application, à ces transferts, de la règle que se donne l’État –, mais en tenant compte des messages du Comité des finances locales, nous avons retenu un gel hors fonds de compensation pour la TVA.

M. François Marc. Cela vous est profitable : vous gagnez 220 millions d’euros !

M. François Baroin, ministre. Cela signifie en clair que nous protégeons l’investissement des collectivités et que cette mesure n’est pas de nature à altérer ou à ralentir le rythme des politiques d’investissements publics, car, comme nous le savons tous, la commande publique produite par les collectivités locales est une source de soutien à l’activité économique.

Nous avons également retenu des mesures concernant le système de péréquation, qui ont été soutenues et défendues par M. le rapporteur général et par M. le président de la commission des finances.

Le dispositif de péréquation a été abondé, au cours de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires par rapport aux dispositions initiales. Nous aurons naturellement l’occasion d’en débattre.

Par ailleurs, monsieur Doligé, j’ai pris note de vos remarques sur l’article 61 du projet de loi, relatif à la péréquation des droits de mutation à titre onéreux. Je ne doute pas que la discussion que nous aurons à ce sujet permettra de comprendre les difficultés que vous avez exposées.

Comme vous le savez, j’ai évoqué l’abondement du fonds de péréquation, hier à l’Assemblée nationale, en réponse à une question d’actualité. J’ai relevé que, selon le rapport de la mission présidée par Bruno Durieux sur les effets de la réforme de la taxe professionnelle, le fonds mis en place soulèverait des interrogations, notamment du fait de son caractère insuffisamment redistributif.

Une somme d’environ 350 millions d’euros a été budgétée pour irriguer ce fonds, mais je reste à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour en rediscuter avec vous ou pour évoquer les modalités d’application de ce dispositif et son apport en termes de redistribution.

Enfin, toujours sur la question des collectivités territoriales, nous devons porter un regard attentif à la situation des départements en difficulté ; nombreux ont été ceux, parmi vous, qui ont alerté l’attention du Gouvernement sur ce sujet. J’ai présenté hier matin, en conseil des ministres, un collectif budgétaire assez dense portant notamment sur la problématique de la mise en place d’un fonds de solidarité exceptionnel, doté de 150 millions d’euros et destiné à ces départements.

Les critères retenus, me semble-t-il, sont assez objectifs, puisqu’ils portent sur la moyenne du potentiel fiscal par habitant de l’ensemble des départements et la moyenne du potentiel fiscal par habitant du département concerné, le tout dans une enveloppe généralisée. Mais je suis naturellement ouvert à la discussion sur ce sujet qui, je n’en doute pas, retiendra l’attention d’un grand nombre d’entre vous.

En matière fiscale, j’ai relevé que certains d’entre vous, comme Thierry Foucaud ou Nicole Bricq, critiquaient le taux que nous avions arrêté pour l’impôt sur les sociétés, au motif qu’il serait insuffisamment élevé, notamment par rapport à ce qui se pratique en Allemagne.

Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas dit cela : j’ai dit qu’il était beaucoup plus faible !

M. François Baroin, ministre. Je vous rappelle que les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises françaises – impôt sur les sociétés et charges sociales – sont parmi les plus élevés, en comparaison avec ceux de nos principaux partenaires économiques.

Madame Bricq, vous considérez que l’impôt sur les sociétés français est plus élevé que l’impôt sur les sociétés allemand ?

Mme Nicole Bricq. J’ai démontré le contraire !

M. François Baroin, ministre. J’attendrai les conclusions de la Cour des comptes pour me prononcer sur le sujet. Nous savons parfaitement que le modèle allemand repose sur une assiette large et des taux faibles, tandis que le modèle français est fondé sur une assiette étroite et des taux élevés.

Mme Nicole Bricq. Nous proposons justement une assiette large, en supprimant les niches ! Vous ne m’avez pas écoutée !

M. François Baroin, ministre. Si nous nous rejoignons sur ce point, comme sur d’autres, nous serons ravis de vous accueillir au sein du grand chantier de la réforme fiscale annoncée par le Président de la République.

En outre, plusieurs sénateurs se sont prononcés sur la TVA à taux réduit dans la restauration, estimant qu’elle coûterait trop cher. Je ne reviendrai pas longuement sur ce sujet, que j’ai déjà évoqué, sinon pour rappeler que la mesure est récente, qu’elle produira ses effets, mais qu’il faut un peu de temps pour pouvoir démontrer sa pertinence et justifier qu’on l’ait sollicitée au niveau européen.

Quant à la suppression de certaines niches de la défiscalisation outre-mer – je pense au photovoltaïque –, j’ai entendu la préoccupation que vous avez exprimée au nom de la justice et de l’équité, mon cher Jean-Paul Virapoullé, avec le talent, la force de conviction, mais aussi l’esprit de responsabilité que chacun vous connaît et que, pour ma part, j’ai pu apprécier voilà quelques années.

Je crois que nous avons trouvé, là encore sur un chemin de crête avec deux versants nord, une solution de compromis à l’Assemblée nationale. Je la développerai devant vous et nous en reparlerons pour voir dans quelle mesure, si nécessaire, il faut la bonifier.

Sur le crédit d'impôt recherche, j’ai noté le soutien que Jean-Pierre Fourcade, dont je salue toujours chaleureusement l’expertise solide et fameuse, et Philippe Dominati ont apporté au dispositif actuel. Je les en remercie.

Les discussions sur ce point ont été particulièrement intenses à l’Assemblée nationale et le Gouvernement a veillé à préserver cet élément essentiel d’attractivité et de compétitivité du territoire, tout en cherchant à en maîtriser le coût. Les évolutions ont préservé l’essentiel d’un dispositif qui a fait ses preuves. C’était l’objectif du Gouvernement !

En vous remerciant une fois encore, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir apporté votre contribution à cette discussion budgétaire, je souhaiterais conclure mon intervention en évoquant la réforme de la fiscalité du patrimoine.

Plusieurs d’entre vous se sont exprimés sur la nécessité de revoir cette fiscalité et c’est un débat que nous avons depuis plusieurs années. Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés à parvenir à un résultat au cours du premier semestre de l’année prochaine.

La réforme envisagée ne pourra pas se limiter à la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et du bouclier fiscal, et aura de multiples implications. Laissons-nous donc le temps de réfléchir et de nous poser les vraies questions !

Ce sera notre objectif en 2011, sachant qu’un rendez-vous parlementaire aura lieu, sur ce sujet, vers la fin du premier semestre de l’année prochaine, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de finances rectificative.

Dans l’attente, soyez assurés, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, de mon engagement tout au long de la discussion budgétaire pour soutenir et améliorer, avec vous, la cohérence de ce budget pour 2011, que j’ai qualifié de responsable, tout simplement, et que je suis fier de défendre devant vous. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Discussion générale (suite)

10

Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Patrick Courtois membre du Conseil national de la sécurité routière.

11

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

12

Organisation de la discussion budgétaire

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais indiquer au Sénat que 446 amendements ont été déposés sur les différents articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2011. Il convient donc d’organiser nos travaux, afin que chacun puisse prendre les dispositions nécessaires.

L’an passé, nous avions travaillé le vendredi soir et le samedi. Nous avions à examiner un nombre à peu près identique d’amendements et nous devions régler l’importante question de la réforme de la taxe professionnelle.

Cette année, compte tenu du volume significatif d’amendements à traiter, je souhaite que nous puissions prévoir de poursuivre nos travaux demain soir. Nous pourrons nous abstenir de travailler samedi et dimanche. En revanche, puisque la matinée de mardi matin est consacrée aux réunions des groupes, je suggère que nous avancions suffisamment dans la nuit de lundi à mardi pour voter l’article d’équilibre mercredi soir et pour être en mesure de commencer dès jeudi matin l’examen des crédits des différentes missions.

Voilà la proposition que je fais au Sénat, monsieur le président.

M. le président. En ce qui concerne la première partie de votre proposition, monsieur le président de la commission, vous avez satisfaction et nous siégerons vendredi soir.

En ce qui concerne la seconde partie, c'est-à-dire la nuit de lundi à mardi, nous avons peut-être encore le temps d’aviser.

13

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 19 novembre 2009, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011). Examen des articles de la première partie.

Rapport (n° 111, 2010-2011) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART