Sommaire

Présidence de M. Bernard Frimat

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.

1. Procès-verbal

2. Conférence des présidents

3. Candidature à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

4. Cumul du mandat de parlementaire et fonction exécutive locale. – Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

Discussion générale : MM. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi ; Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

M. le rapporteur.

M. Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Yves Détraigne, Simon Sutour, Jean Louis Masson, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. François-Noël Buffet, Mmes Nathalie Goulet, Alima Boumediene-Thiery.

Clôture de la discussion générale.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 1 de la commission. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Bel, le ministre. – Adoption par scrutin public.

Renvoi à la commission de la proposition de loi organique.

Rappel au règlement

MM. Philippe Adnot, le ministre.

5. Nomination d’un membre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

6. Œuvres visuelles orphelines. – Adoption d’une proposition de loi

Discussion générale : Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi ; MM. Jean-François Humbert, rapporteur de la commission de la culture ; Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

MM. Ivan Renar, Jean-Jacques Pignard, Mme Françoise Cartron, M. Yvon Collin, Mme Monique Papon.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Amendement no 1 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre, Mme Catherine Tasca. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement no 2 de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Françoise Cartron, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement no 3 rectifié de Mme Marie-Christine Blandin. – Mme Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.

Articles 2 et 3. – Rejet.

Vote sur l'ensemble

Mme Marie-Christine Blandin.

Adoption de la proposition de loi.

M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

7. Communication du Conseil constitutionnel

8. Démission de membres de commissions et candidatures

9. Développement du fret ferroviaire. – Rejet d'une proposition de résolution

Discussion générale : Mme Mireille Schurch, coauteur de la proposition de résolution ; MM. Francis Grignon, Claude Biwer, Michel Teston, Daniel Marsin, Mme Marie-France Beaufils, M. Louis Nègre.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.

Texte de la proposition de résolution

Explications de vote

Mme Isabelle Pasquet, M. Michel Teston.

Rejet, par scrutin public, de la proposition de résolution.

10. Nomination de membres de commissions

11. Indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique. – Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Discussion générale : Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi ; MM. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

MM. Pierre-Yves Collombat, Jacques Mézard, Mme Éliane Assassi, M. Robert Laufoaulu.

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Rejet, par scrutin public, de l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Bernard Frimat

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Marc Massion.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie hier soir, mercredi 27 octobre 2010, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

FIN DE LA SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Jeudi 28 octobre 2010

De 9 heures à 13 heures :

1°) Désignation d’un membre de la délégation à la décentralisation et aux collectivités locales, en remplacement de M. Alain Lambert, dont le mandat sénatorial a cessé ;

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

2°) Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 697, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les délais limite pour le dépôt des amendements en séance et pour les inscriptions de parole sont expirés) ;

3°) Proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron, Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 441, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les délais limite pour le dépôt des amendements en séance et pour les inscriptions de parole sont expirés.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le jeudi 28 octobre 2010, le matin) ;

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :

4°) Proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Mireille Schurch, Isabelle Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (n° 612, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

- a fixé les explications de vote à cinq minutes par groupe (trois minutes pour les non-inscrits).

Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré) ;

5°) Proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l’indépendance du président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (n° 603 rectifié, 2009 2010) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Les délais limite pour le dépôt des amendements en séance et pour les inscriptions de parole sont expirés).

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Mardi 2 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-sept questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 788 de M. Gérard Bailly à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Application des règles sur le bien-être animal) ;

- n° 920 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

(Fiscalité du Floc de Gascogne) ;

- n° 988 de Mme Virginie Klès à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;

(Mise en œuvre du contrat d’autonomie) ;

- n° 990 de M. Ronan Kerdraon à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique transmise à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

(Avenir des missions locales) ;

- n° 1003 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Réforme de la formation des enseignants) ;

- n° 1013 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Crédit d’impôt et financement des congés des agriculteurs) ;

- n° 1014 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Traitement des déchets d’activités de soins à risques infectieux) ;

- n° 1016 de M. Alain Fauconnier à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Réintroduction des farines de viande dans l’alimentation animale) ;

- n° 1018 de M. Michel Magras à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Sanctions pénales applicables à Saint-Barthélemy dans les matières transférées à la collectivité) ;

- n° 1019 de Mme Catherine Tasca à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Fermeture de l’unité de cardiologie interventionnelle de l’hôpital de Mantes-la-Jolie) ;

- n° 1022 de M. Gilbert Barbier à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(État d’avancement du projet de branche Sud du TGV Rhin-Rhône) ;

- n° 1023 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

(Répartition de la taxe sur les éoliennes en mer) ;

- n° 1024 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de la culture et de la communication ;

(Procédure de déclaration d’utilité publique d’une zone d’aménagement concertée à Orléans) ;

- n° 1025 de M. Martial Bourquin à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

(Financement des emplois aidés) ;

- n° 1027 de M. Michel Houel à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire ;

(Schéma directeur de la région Île-de-France) ;

- n° 1036 de Mme Gélita Hoarau à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Application de la nouvelle bonification indiciaire aux enseignants référents) ;

- n° 1039 de M. Richard Yung à M. le ministre chargé de l’industrie ;

(Bilan de l’application de l’accord de Londres sur la traduction des demandes de brevets européens) ;

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et le soir :

2°) Débat sur l’accession à la propriété (demande du groupe UMP) ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à un représentant du groupe UMP ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 29 octobre 2010) ;

3°) Question orale avec débat n° 33 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur la nécessaire réforme des dispositifs « amiante » (demande du groupe socialiste) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 29 octobre 2010.

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;

4°) Débat sur les conclusions de la mission commune d’information sur le traitement des déchets (demande de la mission commune d’information créée à la suite du droit de tirage du groupe UC) ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à la mission commune d’information ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 29 octobre 2010) ;

5°) Débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne (débat anticipé sur la loi de finances à la demande de la commission des finances) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à la commission des finances et de dix minutes à la commission des affaires européennes ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 29 octobre 2010).

Mercredi 3 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement, et projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (texte de la commission, n° 79, 2010-2011) (demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires sociales ;

- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 2 novembre 2010 ;

- au mardi 2 novembre 2010, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mercredi 3 novembre 2010, le matin) ;

2°) Débat sur les effectifs de la fonction publique (débat anticipé sur la loi de finances à la demande de la commission des finances) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la commission des finances et de cinq minutes à la commission des lois ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 2 novembre 2010).

Jeudi 4 novembre 2010

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat sur la politique de coopération et de développement de la France (demande de la commission des affaires étrangères) ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à la commission des affaires étrangères ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 3 novembre 2010).

2°) Débat sur le rôle de l’État dans les politiques locales de sécurité (demande du groupe du RDSE) ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à un représentant du groupe du RDSE ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 3 novembre 2010) ;

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

Ordre du jour fixé par le Sénat :

4°) Suite de l’ordre du jour du matin ;

5°) Débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension (demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) ;

(La conférence des présidents :

- a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt minutes à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 3 novembre 2010) ;

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 8 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 14, 2010-2011) ;

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 13, 2010-2011) ;

3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 12, 2010-2011) ;

4°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 11, 2010-2011) ;

5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Antigua-et-Barbuda relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 33, 2010-2011) ;

6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Vanuatu relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 15, 2010-2011) ;

7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 16, 2010-2011) ;

(Pour les sept projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;

Selon cette procédure simplifiée, les projets de loi sont directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 5 novembre 2010, à dix-sept heures, qu’un projet de loi soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;

8°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (AN, n° 2854) ;

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 3 novembre 2010.

La conférence des présidents a fixé :

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 5 novembre 2010 ;

- au vendredi 5 novembre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 8 novembre à la suspension du soir, le mardi 9 novembre avant les réunions de groupe et pendant les suspensions, et le mercredi 10 novembre, le matin).

Mardi 9 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 964 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Respect de la volonté du législateur visant à lutter contre les déserts médicaux) ;

- n° 975 de Mme Marie-France Beaufils à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

(Problèmes posés aux artisans du fait du régime des auto-entrepreneurs) ;

- n° 979 de Mme Catherine Procaccia à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

(Remboursement des frais d’expédition et de réexpédition de biens achetés par correspondance) ;

- n° 992 de M. Bernard Fournier à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Secours et assistance médicale lors des manifestations sportives) ;

- n° 1010 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

(Services d’aide à domicile) ;

- n° 1012 de M. Roger Madec à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Violences urbaines dans le XIXe arrondissement de Paris) ;

- n° 1034 de Mme Patricia Schillinger à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ;

(Discrimination salariale au détriment des travailleurs frontaliers) ;

- n° 1037 de M. Georges Patient à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Meilleure adaptation des concours financiers de l’État aux collectivités de Guyane) ;

- n° 1044 de M. René Vestri à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Disproportion des indemnisations financières accordées aux victimes du système judiciaire) ;

- n° 1046 de M. Jean Milhau à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Prolifération du frelon asiatique) ;

- n° 1047 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire ;

(Avenir des zones de revitalisation rurale) ;

- n° 1051 de M. Yannick Bodin à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

(Ventes de listes d’appartements aux étudiants par certaines agences immobilières) ;

- n° 1052 de M. Jean-Jacques Hyest à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Application aux élections sénatoriales des dispositions relatives au financement des campagnes électorales) ;

- n° 1053 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Mise en œuvre du projet de ligne à grande vitesse en Normandie) ;

- n° 1054 de M. Michel Boutant à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

(Nouveau prélèvement sur les organismes HLM) ;

- n° 1055 de M. Jean-Pierre Chevènement à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Pérennisation de la fondation pour les œuvres de l’Islam de France) ;

- n° 1058 de M. Michel Teston à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Incertitudes persistantes concernant l’avenir du centre de Vallon Pont d’Arc du CREPS PACA) ;

- n° 1078 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de la jeunesse et des solidarités actives ;

(Dispositif « Envie d’agir ») ;

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Mercredi 10 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Vendredi 12 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Samedi 13 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Éventuellement, dimanche 14 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

Le matin et l’après-midi :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Lundi 15 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

1°) Question orale européenne avec débat n° 7 de M. Pierre Fauchon à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes sur la politique d’élargissement de l’Union européenne (demande de la commission des affaires européennes) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 12 novembre 2010.

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;

2°) Question orale avec débat n° 63 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (demande du groupe Union centriste) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 12 novembre 2010.

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;

Éventuellement, débat d’orientation sur la défense anti-missile dans le cadre de l’OTAN.

Mardi 16 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 901 de Mme Anne-Marie Payet transmise à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

(Encadrement juridique des compléments alimentaires) ;

- n° 993 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Fermeture de la gendarmerie mobile de Narbonne) ;

- n° 998 de Mme Maryvonne Blondin à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

(Allocation des excédents du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels) ;

- n° 1015 de M. Adrien Gouteyron à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

(Difficultés des classes moyennes à accéder à la propriété de leur logement) ;

- n° 1020 de M. Gérard Bailly à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Circulation des poids lourds sur les routes départementales) ;

- n° 1021 de M. Éric Doligé à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;

(Financement des maisons départementales des personnes handicapées) ;

- n° 1030 de M. Robert Laufoaulu à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Frais de fonctionnement de la prison de Mata-Utu) ;

- n° 1032 de M. Michel Doublet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Plan digue et protection des marais littoraux charentais) ;

- n° 1038 de Mme Brigitte Gonthier Maurin à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Diminution des moyens accordés par l’État à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) ;

- n° 1040 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Situation sanitaire dans le pays de Bray) ;

- n° 1042 de M. Robert Tropeano à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ;

(Bénéfice de la double campagne pour les anciens combattants d’Afrique du nord) ;

- n° 1045 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Conditions de mise en œuvre des dispositions de l’article 19 de la loi Grenelle II) ;

- n° 1049 de M. Pierre-Yves Collombat à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Fermeture de la maternité de la Seyne-sur-Mer) ;

- n° 1050 de M. Jacques Legendre à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Plan « écoles numériques rurales ») ;

- n° 1057 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la secrétaire d’État chargée des sports ;

(Meilleure promotion de l’handisport) ;

- n° 1059 de Mme Nicole Bonnefoy à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

(Fermeture annoncée de la trésorerie de Saint-Amant-de-Boixe) ;

- n° 1060 de M. Francis Grignon à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Situation économique alarmante des pharmacies d’officine) ;

- n° 1061 de Mme Nicole Bricq à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Fermeture du poste de police de Crégy-lès-Meaux) ;

À 14 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

2°) Proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité, présentée par Mme Claire-Lise Campion et M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 492, 2009-2010) ;

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 10 novembre 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 8 novembre 2010, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 15 novembre 2010) ;

- au vendredi 12 novembre 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 novembre 2010, le matin) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur « Outre-mer et Union européenne » ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;

À 18 heures et le soir :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

4°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité ;

5°) Proposition de loi relative à l’aide active à mourir, présentée par M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Patricia Schillinger, Raymonde Le Texier, Annie Jarraud-Vergnolle et plusieurs de leurs collègues (n° 659, 2009-2010) ;

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 10 novembre 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 8 novembre 2010, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 15 novembre 2010) ;

- au vendredi 12 novembre 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 novembre 2010, le matin).

Mercredi 17 novembre 2010

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

1°) Désignation des 25 membres de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation ;

(Les candidatures à cette mission commune d’information devront être déposées au secrétariat central du service des commissions avant le mardi 16 novembre 2010, à dix-sept heures) ;

Ordre du jour réservé au groupe Union centriste :

2°) Proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire, présentée par MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot et plusieurs de leurs collègues (n° 671, 2009-2010) ;

(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 10 novembre 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 8 novembre 2010, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 16 novembre 2010) ;

- au mardi 16 novembre 2010, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 17 novembre 2010, le matin) ;

3°) Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relative aux recherches impliquant la personne humaine (n° 426, 2009-2010) ;

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 10 novembre 2010, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 8 novembre 2010, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 16 novembre 2010) ;

- au lundi 15 novembre 2010, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 17 novembre 2010, le matin) ;

À 18 heures 30, le soir et la nuit :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

4°) Proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, présentée par MM. Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine (Procédure accélérée) (n° 693, 2009-2010) ;

(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mercredi 3 novembre 2010, à neuf heures trente (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : vendredi 29 octobre 2010, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 16 novembre 2010) ;

- au lundi 15 novembre 2010, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mercredi 17 novembre 2010, le matin).

Du jeudi 18 novembre au mardi 7 décembre 2010

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2011 (AN, n° 2824) ;

(Le calendrier et les règles de la discussion budgétaire seront diffusés dans le courant de la semaine du 2 novembre).

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui qui résulte des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

3

Candidature à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation d’un membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Alain Lambert, dont le mandat sénatorial a cessé.

Le groupe Union pour un mouvement populaire a désigné M. Charles Guené pour le remplacer.

En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, cette candidature a été affichée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale
Discussion générale (suite)

Cumul du mandat de parlementaire et fonction exécutive locale

Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste (proposition n° 697 [2009-2010], rapport n° 41) (demande du groupe socialiste).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale
Demande de renvoi à la commission

M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons ce matin est, j’en ai bien conscience, un véritable serpent de mer ! J’ai également constaté que, depuis toujours, ce thème donne lieu à beaucoup d’hypocrisie ; le décalage entre ce qui est dit et ce qui est réalisé en est la preuve !

Je commencerai donc par une citation extraite d’un rapport remis en octobre 2007 au Président de la République, celui du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par l’ancien Premier ministre, M. Édouard Balladur.

« Le renforcement du Parlement par le biais d’attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n’a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d’exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. »

C’est en ces termes que le Comité de réflexion brossait le contexte et posait la problématique d’ensemble qui justifie aujourd’hui notre proposition de loi.

Mais le rapport dudit Comité allait beaucoup plus loin encore. Aussi me permettrez-vous d’en extraire d’autres citations.

« L’activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le Comité est-il d’avis que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. Seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. »

« Pourtant, même si une majorité des membres du Comité considère que le cumul d’un mandat parlementaire et de fonctions locales non exécutives doit encore demeurer possible, sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d’un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s’engager sur la voie du mandat parlementaire unique ».

« Il recommande que l’acheminement vers ce mandat parlementaire unique, qui implique une refonte de diverses dispositions organiques du code électoral, s’accomplisse de manière progressive à la faveur de chacune des élections municipales, cantonales et régionales à venir, à l’issue desquelles les parlementaires élus lors de ces scrutins seraient tenus de choisir entre leur mandat national et leur mandat exécutif local. »

De même, en 2007, dans un rapport d’information sur l’émancipation de la démocratie locale, fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation, un membre éminent de la majorité sénatoriale, M. Jean Puech, estimait lui aussi nécessaire de limiter le cumul. À la fois prudent et exigeant, il recommandait d’« éviter » – le terme est peut-être plus subtil ! – le cumul entre des fonctions exécutives locales et un mandat de parlementaire.

Notre proposition de loi n’a donc rien d’une proposition de circonstance. Elle s’inscrit dans une tendance de fond. Elle est conforme aux préconisations de l’immense majorité des constitutionnalistes. Elle est une première pierre à une modernisation plus complète de notre vie publique, à un nouveau souffle pour notre République et pour notre démocratie.

Nous le savons tous, le cumul des mandats est, en grande partie – on peut en effet trouver d’autres exemples –, une spécificité française.

Certes, les situations sont variables selon les pays. Pourtant, « seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. ». Ce constat, dressé là encore par le Comité dit « Comité Balladur », est incontestable.

À l’Assemblée nationale, 259 députés exercent un mandat de maire, 19 sont présidents de conseil général et 6 sont présidents de conseil régional.

Ici, au Sénat, 114 d’entre nous sont également maires, 30 sont présidents de conseil général et 5 sont présidents de conseil régional.

Dans ce décompte, je n’inclus pas les fonctions de vice-président, d’adjoint, ni de président d’un établissement public de coopération intercommunale.

Mes chers collègues, le cumul des mandats est légal, c’est une évidence. Il est pratiqué sur toutes les travées de notre assemblée, au-delà des clivages politiques et des convictions de chacun, je vous en donne acte.

Notre objectif n’est donc en aucun cas de jeter l’opprobre sur tel ou tel. Notre volonté n’est pas de stigmatiser. De plus, ayons le courage de le dire aussi, des parlementaires « cumulards » peuvent être d’excellents parlementaires, et je le constate tous les jours.

Pour autant, la situation actuelle n’est pas satisfaisante et les inconvénients sont bien connus.

En premier lieu, le cumul des mandats heurte la plupart de nos concitoyens.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est à démontrer !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ils réélisent les cumulards !

M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi. C’est une réalité, même s’ils font quelquefois preuve de certaines contradictions dans leurs desiderata sur le plan local. J’en suis témoin et j’en suis même presque l’illustration ! (Sourires.)

Les Français demandent des élus à plein temps. Ils demandent que leurs représentants se consacrent à 100 % au mandat qu’ils leur ont confié.

En deuxième lieu, le cumul des mandats constitue une forme de blocage pour la vie politique française en raison des dégâts collatéraux qu’il crée : il freine l’émergence de nouvelles générations, il retarde l’arrivée de responsables politiques issus d’une plus grande diversité et il complique l’accession des femmes aux mandats électoraux.

Limiter le cumul, c’est, automatiquement, créer un appel d’air dont notre pays a bien besoin. C’est tirer les conclusions de cette belle méditation de Jacques Julliard : « Pour que la politique devienne quelque chose pour tous, il faut qu’elle cesse d’être tout pour quelques-uns ».

En troisième lieu, le cumul des mandats peut conduire à des conflits d’intérêts. Il s’agit d’un constat objectif et non de la mise en cause des femmes et des hommes.

Mais comment ne pas voir qu’un parlementaire qui exerce aussi des responsabilités exécutives locales – n’est-ce pas, monsieur le ministre ? (M. le ministre rit.) – peut parfois être tenté de défendre l’intérêt général local plus que l’intérêt général national ou se trouver confronté à des choix déchirants ?

En dernier lieu, le cumul des mandats nuit à la qualité du travail parlementaire.

Je n’irai pas jusqu’à dire, avec Guy Carcassonne, que le Parlement manque moins de pouvoirs que de parlementaires ayant le temps nécessaire pour s’en saisir. Mais il est certain que le temps est une ressource rare pour nous toutes et nous tous – on l’a bien vu ces jours derniers – et que, plus nous nous consacrons à des mandats locaux, moins nous avons le temps de nous consacrer à toute l’étendue de nos compétences de parlementaires. C’est vrai pour le travail législatif ; c’est vrai aussi pour les activités de contrôle du Parlement, celles-là mêmes qui sont appelées à se développer dans les années à venir – nous en parlons souvent –, comme c’est le cas dans toutes les grandes démocraties aujourd’hui.

De ce fait, le cumul des mandats aggrave le déséquilibre entre les pouvoirs, en affaiblissant encore un peu plus le pouvoir législatif, déjà fort encadré sous la ve République. Nos débats récents sur les retraites ont une nouvelle fois tristement illustré cette situation !

C’est pour répondre à tous ces inconvénients que le cumul des mandats a été progressivement encadré au cours des deux dernières décennies. À deux reprises, c’est la gauche qui a porté ces avancées.

Ce fut d’abord le cas avec la loi organique du 30 décembre 1985, qui a introduit dans le code électoral les premières limitations dans ce domaine. Faut-il rappeler la situation à cette époque ? Deux personnalités fortes sont souvent citées à cet égard : MM. Jean Lecanuet et André Chandernagor …

M. Patrice Gélard, rapporteur. Sans parler de Pierre Mauroy !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et de Gaston Defferre !

M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi. … avaient la particularité d’illustrer d’une façon presque caricaturale le phénomène de cumul des mandats.

On pouvait donc être à la fois maire, président de conseil général, président de conseil régional, sénateur, parlementaire européen, président d’agglomération et président de commission au Sénat, comme ce fut le cas de l’un d’entre eux !

Aussi la loi du 30 décembre 1985 a-t-elle rendu incompatible un mandat parlementaire avec l’exercice de plus d’un des mandats suivants : représentant au Parlement européen, conseiller régional ou conseiller de l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants autre que Paris, adjoint au maire d’une commune de plus de 100 000 habitants autre que Paris.

La loi du 19 janvier 1995 a introduit des dispositions complémentaires. Puis la loi organique du 5 avril 2000, votée sur l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin, a posé de nouvelles limites, même si, en raison de l’opposition du Sénat, les ambitions initiales de ce texte avaient dû être réduites.

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, l’histoire du cumul des mandats est celle de son recul, lequel est en même temps un progrès pour notre démocratie ! C’est pourquoi nous vous proposons aujourd’hui de nouvelles avancées, car nous ne sommes pas encore au bout du chemin. À l’heure actuelle, un parlementaire peut encore cumuler jusqu’à trois fonctions exécutives locales, puisqu’il peut être maire d’une commune de moins de 3 500 habitants, président de conseil général ou régional et président d’un établissement public de coopération intercommunale.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, et M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n’est plus le cas depuis la loi de 1985 !

M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi. Vous me reprendrez dans un instant, mes chers collègues.

Vous l’avez tous constaté, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui concrétise un engagement fort des socialistes. Nos collègues députés ont déposé un texte identique à l’Assemblée nationale. Notre conviction est simple : le non-cumul doit être organisé par une loi de la République, les mêmes règles devant s’appliquer indistinctement à tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique ! J’insiste tout particulièrement sur ce dernier point : c’est la loi de la République qui doit régler ce genre de questions, aucune autre démarche ou processus d’évolution n’étant valable à cet égard.

C’est bien pour insuffler un renouveau à notre vie politique que nous proposons aujourd’hui ce texte. Plus concrètement, il s’agit d’un texte simple – je me tourne vers mes collègues, qui ne manqueront pas de me faire de nombreuses remarques – et limpide. C’est d’ailleurs dans cette limpidité que réside, me semble-t-il, le gage de l’efficacité. Nous proposons – c’est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi – d’interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

Il s’agit bien « de toute fonction exécutive ». Par cette formule sont concernés les mandats de maire et d’adjoint au maire, de président et vice-président de conseil général et de conseil régional, de président et vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale. Toutes ces fonctions entrent dans le champ d’application de notre proposition de loi.

Par souci de pragmatisme, nous prévoyons, comme le préconisait d’ailleurs le comité Balladur, que la loi s’appliquera, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire nouvellement élu. Son entrée en vigueur devra ainsi avoir lieu dès les prochains renouvellements des assemblées parlementaires. Le dispositif d’ensemble entrera donc en vigueur – je ne doute pas que notre proposition de loi sera adoptée –à l’issue du renouvellement intégral de l’Assemblée nationale, en 2012, et des renouvellements partiels du Sénat, en 2011, puis en 2014.

Dans notre esprit, cette proposition de loi est à la fois un aboutissement et un commencement. C’est un aboutissement, parce que le texte va très loin dans la limitation du cumul – nous en sommes conscients –, s’inscrivant ainsi dans le prolongement d’une évolution historique. Il permet toutefois de conserver un lien fort avec le terrain, le cumul avec un mandat local non exécutif demeurant autorisé. C’est également un commencement parce qu’il faudra aller plus loin.

Ce texte devra être prolongé par des dispositions destinées à moderniser notre vie publique, car il convient de ne pas isoler la question du cumul des mandats des questions liées à l’exercice des fonctions et mandats parlementaires et à notre vie publique.

En adoptant une telle perspective, on fait surgir un autre serpent de mer, qui concerne cette fois le statut de l’élu, notamment de l’élu local.

M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi. Je pense également au renforcement du Parlement, à la rénovation du bicamérisme, qui est une nécessité absolue, à l’amélioration de la qualité de nos textes de loi – M. le président de la commission et M. le rapporteur y seront sensibles – et à un vrai statut, qui n’existe pas aujourd’hui, de l’opposition parlementaire, pour que, y compris au Sénat, les groupes minoritaires puissent être respectés, se voient confier des responsabilités, bref soient davantage pris en compte.

Mes chers collègues, la Haute Assemblée a trop souvent été un lieu de blocage dans le processus de modernisation de notre vie publique. Ne tombons pas une nouvelle fois dans ce piège !

Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons suivre votre démarche. Vous préconisez en effet le renvoi de notre texte en commission, en vous abritant derrière de faux arguments – toujours les mêmes ! –, dont l’unique objectif est de retarder l’heure des choix !

Soyons fidèles à Jean Jaurès – pour aller à l’essentiel, il faut faire appel à ceux qui avaient une vraie pensée et une vraie vision de la vie politique et du mandat parlementaire –, lequel estimait, dans son article pour La Dépêche de Toulouse du 28 décembre 1903 qu’« il y a un intérêt capital à ce que le Sénat soit en harmonie avec la démocratie ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Pierre Fauchon applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui d’une proposition de loi organique interdisant le cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale.

Ce texte a été déposé par le président du groupe socialiste, M. Jean-Pierre Bel, ainsi que par la totalité des membres de son groupe. Bien évidemment, il présente un intérêt réel.

Il convient de rappeler, comme vient d’ailleurs de le faire Jean-Pierre Bel, que le cumul des mandats a déjà fait l’objet, et ce de façon non négligeable, de travaux parlementaires. Je pense notamment à l’adoption de la loi organique du 30 décembre 1985, qui limite le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives en se fondant sur deux principes : premièrement, « un mandat national et un mandat local » ; deuxièmement, « un homme, deux mandats ».

Ce premier texte a été complété par un deuxième, la loi organique du 25 février 1992, qui limite cette fois-ci le cumul des indemnités : le montant maximal dont peut désormais bénéficier un élu est fixé à une fois et demie celui de l’indemnité parlementaire.

Enfin, la dernière loi adoptée en la matière est celle du 5 avril 2000, qui interdit le cumul de certains mandats locaux, à l’exception de celui de conseiller municipal des communes de moins de 3 500 habitants. Il s’agissait aussi de lutter contre les « candidats locomotives », qui menaient les listes mais ne faisaient rien d’autre par la suite.

Toutefois, à l’occasion de l’examen de ce dernier texte, une divergence était apparue entre députés et sénateurs concernant le régime d’incompatibilité des élus locaux et des parlementaires. Le Sénat avait nécessairement eu gain de cause, y compris dans la décision du Conseil constitutionnel qui a suivi.

Enfin, plus récemment – Jean-Pierre Bel l’a évoqué –, le rapport du Comité Balladur a également mis l’accent sur le problème du cumul des mandats. Je souligne tout de même que ce Comité ne comprenait aucun sénateur. Le point de vue du Sénat n’a donc pas pu être pris en compte…

M. Jean-Pierre Bel. Et Pierre Mauroy ?

M. Jean-Pierre Sueur. Un sénateur de grande importance !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous avez raison, je l’admets. Mais, hormis Pierre Mauroy, il n’y avait personne ! (Sourires.)

Je souligne également que le Comité ne s’est pas exprimé unanimement sur ce sujet, certains de ses membres n’ayant pas été présents lors du vote !

Plus récemment, à l’Institut d’études politiques de Paris, s’est tenue une réunion consacrée au cumul des mandats, avec la participation de MM. Balladur, Jospin et Rocard, ainsi que d’autres personnalités tout à fait importantes. Bien qu’aucune unanimité ne se soit dégagée à cette occasion, certaines propositions intéressantes ont été mentionnées, portant notamment sur l’adoption de règles différentes pour les sénateurs et les députés. Sur ce point, je vous renvoie, mes chers collègues, aux travaux du GÉVIPAR, le groupe d’études sur la vie et les institutions parlementaires,

Les arguments en faveur de la limitation du cumul des mandats ont été bien développés par M. Bel tout à l’heure : ils concernent la disponibilité des élus, l’ouverture de la vie politique, les attentes de l’opinion publique et l’exemple de l’étranger.

Je suis désolé de le dire, mais ces arguments peuvent se retourner contre la position défendue par leur auteur et finalement plaider en faveur du cumul des mandats.

Premièrement, concernant la disponibilité des élus, est-il démontré que les élus cumulant une fonction parlementaire et un mandat local sont moins présents au Parlement que ceux qui n’exercent aucun autre mandat ? Non !

On pourrait d’ailleurs, ici même, faire la démonstration du fait que certains parlementaires n’ayant pas de mandat local sont, en fin de compte, moins présents que d’autres parlementaires qui, eux, en ont un. Ce premier argument est donc loin d’être convaincant.

Deuxièmement, notre collègue a évoqué une ouverture de la vie politique. Par rapport à ce qui se passait sous la IIIRépublique, le déroulement de la carrière politique a changé. Autrefois, le « cursus » s’étalait sur toute la vie : il commençait avec la fonction de conseiller municipal, se poursuivait avec celle de conseiller d’arrondissement, de conseiller général, puis de député, pour s’achever avec celle de sénateur. Nous n’avons plus cette espèce de déroulement quasi logique de la vie politique, que la carrière du président René Coty, par exemple, illustre à merveille.

Malgré la disparition de ce modèle, avons-nous bénéficié d’une « ouverture » de la vie politique ? Je n’en suis guère convaincu ! N’avons-nous pas assisté au contraire à des transferts d’une fonction vers une autre ? Les mêmes personnes sont toujours là, mais leurs mandats sont différents !

Troisièmement, les attentes de l’opinion publique revêtent des aspects bien souvent contradictoires. En effet, les sortants sont plus facilement réélus que ceux qui se présentent pour la première fois, et l’on préfère avoir un sénateur-maire ou un député-maire plutôt qu’un maire de la commune où l’on réside qui ne soit pas parlementaire.

Cet élément est donc la preuve que ce n’est pas tout à fait exact.

J’ajouterai qu’un certain nombre de nos collègues qui, dans le passé, furent des sénateurs remarquables, très présents au sein de la Haute Assemblée et qui, entre autres choses, animaient une commission, mais n’étaient pas présents dans leurs collectivités locales, furent allègrement battus. D’autres sénateurs ou députés qui, au contraire, étaient constamment dans leur circonscription électorale sans jamais être à Paris furent réélus sans problème. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nathalie Goulet. C’est très injuste !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas juste !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà le comportement de nos concitoyens qui, en réalité, préfèrent réélire des personnes présentes dans leur circonscription.

Enfin, l’exemple récurrent de la situation à l’étranger est un faux exemple. Pour avoir étudié, au nom du Sénat, treize parlements parmi les plus représentatifs d’Europe, je peux affirmer que seulement deux interdisent le cumul des mandats : il s’agit du parlement grec – mais cela s’est accompagné de la multiplication par cinq de l’indemnité parlementaire des députés grecs –…

M. Yvon Collin. Les Grecs sont rigoureux…

M. Patrice Gélard, rapporteur. … et du parlement polonais ; cependant, les sénateurs polonais se plaignent amèrement de devoir représenter les collectivités territoriales sans avoir aucun contact avec elles. Affirmer que la situation est différente à l’étranger par rapport à ce qui se passe en France est donc un mauvais argument, car c’est faux.

Il est vrai que, dans un certain nombre de pays étrangers, l’interdiction du cumul de fonctions exécutives existe. Mais il n’y a pas d’interdiction de cumul d’un mandat parlementaire et d’un mandat local. La plupart de nos voisins – le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États scandinaves l’Italie, l’Espagne – sont dans cette situation. Il faut donc arrêter de parler de spécificité française ! Il existe des pratiques différentes, mais il n’y a pas de spécificité française dans le domaine du cumul des mandats.

De surcroît, certains exemples sont contre-productifs. C’est notamment le cas de l’exemple américain. En effet, les gouverneurs américains ne peuvent pas être sénateur ou membre de la chambre des représentants. En revanche, le premier objectif d’un gouverneur est de tout mettre en œuvre pour devenir sénateur : il fera ainsi tout son possible pour que le sénateur sortant soit battu, afin d’être élu à sa place.

Notre système risque par conséquent d’aboutir à la situation dans laquelle le parlementaire sera « scotché » au Parlement – c’est d’ailleurs la situation que nous avons connue ces derniers temps, il faut bien le dire –,…

M. Yvon Collin. Nous sommes élus pour ça !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  ne pouvant rien faire d’autre que de rester soudé à son siège de parlementaire et laissant ainsi la possibilité à un concurrent d’œuvrer au niveau local pour se faire élire à sa place lors de l’élection suivante ! Il y a donc une contre-indication à l’interdiction proposée dans certains cas.

Il existe par ailleurs une importante tradition française, que nous ne pouvons pas modifier brutalement.

Je souhaite rappeler que 739 parlementaires sur plus de 900, c’est-à-dire environ 7 sur 9, sont élus locaux. C’est donc le cas de l’immense majorité d’entre nous.

Pour reprendre l’exemple du Sénat cité par notre collègue Jean-Pierre Bel tout à l’heure, il y a parmi les sénateurs 5 présidents de conseil régional, 30 présidents de conseil général, 50 présidents d’EPCI et 114 maires. À l’Assemblée nationale, siègent 6 présidents de conseil régional, 19 présidents de conseil général, 117 présidents d’EPCI et 259 maires. Rien que pour les fonctions exécutives les plus élevées, 500 d’entre nous sont titulaires d’un mandat exécutif local, sans compter les adjoints au maire ou les vice-présidents d’EPCI. La règle est donc pour l’instant le cumul, pas l’inverse.

Il faut peut-être lutter contre cela, mais la proposition de notre collègue Jean-Pierre Bel et du groupe socialiste me pose un certain nombre de problèmes que je vais tenter de résoudre par le biais de la solution que je vous proposerai tout à l’heure.

Tout d’abord, une proposition de loi similaire a été déposée à l’Assemblée nationale et rejetée par elle la semaine dernière. Cela signifie que, si nous adoptions la même proposition de loi dans les mêmes conditions, le texte que nous adopterions aujourd’hui serait condamnée à un enterrement qui n’est même pas de première classe !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet, l’Assemblée nationale n’examinera pas le texte puisqu’elle vient de le refuser.

M. Jean-Pierre Sueur. Le Sénat peut dire ce qu’il pense ! Il n’est pas le calque de l’Assemblée nationale !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne s’agirait donc que d’un coup d’épée dans l’eau, aussi important soit-il de dire que le Sénat a voté un texte sur le cumul des mandats.

Deuxièmement, la proposition de loi organique comporte des ambiguïtés bien réelles. La première porte sur la définition de la fonction exécutive. Qu’est-ce qu’une fonction exécutive ? Est-ce une fonction de maire, de président de conseil général, de président de conseil régional ou de président d’EPCI ? Les membres des commissions permanentes font-ils partie de la fonction exécutive ? Qu’en est-il des vice-présidents n’ayant pas de délégation ? Je suis vice-président d’un EPCI et n’ai aucune délégation, ma fonction est-elle exécutive ? Certainement pas ! Un adjoint au maire n’ayant pas de délégation a-t-il une fonction exécutive ? Ces questions ne sont pas réglées et mériteraient de l’être.

M. Jean-Pierre Bel. Peut-on en parler ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le problème des incompatibilités ne peut pas être traité de façon aussi sectorielle, surtout pas à la veille d’une transformation assez profonde des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Bel. Ce n’est pas pour tout de suite…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le conseiller territorial méritera un examen particulier en ce qui concerne les incompatibilités.

Il n’est pas davantage possible de se pencher sur la question des établissements publics intercommunaux, tels que les communautés de communes ou les communautés d’agglomération, sans regarder de près le fonctionnement de ceux-ci et sans se rendre compte que les conséquences d’une telle loi risquent d’être extrêmement importantes. Lorsque, par exemple, le maire d’une communauté d’agglomération est également le maire de la grande ville se trouvant au centre de cette agglomération, il y a une logique. Si l’on interdit à l’avenir ce genre de cumul, la logique disparaît. Je ne donne alors pas cher, dans un certain nombre de cas, du bon fonctionnement des communautés d’agglomération ou des communautés de communes.

L’une des personnalités auditionnées par la commission a souligné que certaines communautés de communes ne fonctionnent que grâce à la présence d’un parlementaire à leur tête !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Autrement, ces communautés de communes n’arriveraient pas à fonctionner ou existeraient de manière complètement anecdotique.

Mme Nathalie Goulet. Le Perche !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà bien un problème.

Dans le même sens, l’interdiction du cumul du mandat de parlementaire avec l’interdiction de toute fonction exécutive joue-t-elle pour les toutes petites communes ? Est-ce parce que l’on est maire d’une commune de 200 habitants que l’on ne peut pas être parlementaire ?

Enfin, comment pourra-t-on justifier le fait qu’un sénateur est représentant des collectivités territoriales si on lui interdit tout lien avec ces dernières ?

Par ailleurs, un certain nombre de préalables ne sont pas réglés.

D’une part, nous n’avons toujours aucune étude d’impact sur le cumul des mandats. J’aimerais en disposer, pour que nous puissions évaluer les conséquences réelles sur le terrain.

D’autre part, il faudra, dans l’hypothèse où cette loi passera un jour, que soit réalisée une analyse précise du statut du président de conseil général, du président de conseil régional, du président d’un grand EPCI ou du maire d’une grande ville.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pour l’instant, le statut est insuffisant, et je rêve d’un statut comparable à celui du parlementaire, qui éviterait un certain nombre de cumuls de fonctions. En effet, dans l’état actuel des choses, certains parlementaires ne peuvent pas mener à bien leur tâche s’ils n’ont pas de mandat local.

D’autres éléments interviennent encore. Premièrement, un projet de loi organique, portant le numéro 62, a été déposé au mois d’octobre dernier. Il concerne notamment le problème du cumul pour les établissements publics de coopération intercommunale. Nous ne pouvons pas court-circuiter un projet de loi organique qui fera l’objet d’un examen dans un avenir proche.

Deuxièmement, nous allons être saisis, au cours de l’année à venir, de la recodification du code électoral. Nous aurons donc à examiner, d’une part, la loi organique gérant notamment les incompatibilités nous concernant et, d’autre part, la loi ordinaire ayant vocation à refondre le code électoral, lequel est devenu une monstruosité qu’il convient de revoir dans son ensemble. Nous aurons donc, là encore, un autre rendez-vous.

Plutôt que de procéder à un vote qui n’aurait pas de portée réelle, je vais vous proposer la solution suivante :…

M. Jean-Pierre Sueur. Attendons la lumière !

M. Patrice Gélard, rapporteur. … cette solution consiste à faire en sorte que la proposition de loi bénéficie d’un statut démontrant que nous ne souhaitons pas l’enterrer, que nous voulons travailler sur cette question mais dans un contexte plus vaste.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il existe des précédents qui prouvent que cela marche. La proposition de loi de Mme Bricq, qui a été réexaminée hier après avoir fait l’objet d’une refonte avec la proposition de loi venant de l’Assemblée nationale, démontre que, lorsque l’on renvoie un texte à la commission, on ne l’enterre pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet exemple n’est pas très pertinent…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Au contraire, cela permet de lui donner une vie nouvelle. Je préfère donc cette solution à celle qui consisterait à adopter une position qui serait immédiatement contredite par le vote de l’Assemblée nationale intervenu la semaine dernière.

Je propose donc, pour l’efficacité de la suite des opérations, que le texte proposé par le groupe socialiste soit renvoyé à la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un enterrement de première classe, quand même !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi présentée par M. Bel, que nous étudions ce matin, est extrêmement intéressante, comme l’a dit son auteur lui-même.

M. Jean-Pierre Bel. J’ai dit ça ? (Rires.)

M. Michel Mercier, ministre. Je souligne la position de M. Bel, car elle n’est pas celle de tous les membres de son groupe. Cela présente donc un vrai intérêt !

Comme toujours, j’ai lu avec intérêt, avant de venir, les travaux de la commission des lois du Sénat. Il est en effet toujours extrêmement intéressant, voire passionnant, d’examiner avant la séance la façon dont la discussion a été préparée. Le rapport de M. Gélard mais aussi la séance de travail de la commission sont particulièrement instructifs sur ce point.

La question du cumul est lancinante. Elle est souvent traitée avec hypocrisie, comme l’a dit à juste raison M. Bel, et au fil du temps, avec des textes traitant les choses de façon partielle, ce qui aboutit à des résultats parfois difficilement explicables.

Je voudrais poser une ou deux questions.

Tout d’abord, pourquoi la situation française est-elle si différente de celle que l’on peut trouver dans d’autres pays ? Il y a de nombreuses explications à cela. Je voudrais en apporter une ou deux à notre débat.

C’est d’abord lié à notre histoire et à une présence locale de l’État extrêmement forte.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n’est pas faux.

M. Yvon Collin. C’est vrai !

M. Michel Mercier, ministre. Dans d’autres États européens, il y a une séparation à la fois beaucoup plus nette et beaucoup plus grande entre les institutions locales et les institutions nationales. Dans notre pays, la tradition est tout autre. Chaque fois qu’il est à craindre que l’État ne se retire de l’échelon local, les protestations sont véhémentes. On veut toujours plus d’État à l’échelon local ! L’État doit être présent, l’État doit rester !

Dans ce cadre, il est certain que, pour que l’efficacité soit totale, le cumul s’impose. Celui qui n’est qu’élu local a beaucoup moins de pouvoirs sur l’État local que le parlementaire. Cette culture me paraît présente dans nos gènes de façon importante.

Le cumul des mandats est également vécu – il faut bien le dire – comme un mode d’efficacité de la gestion locale.

Dans les médias, beaucoup demandent une réduction, voire une interdiction du cumul. On dit que l’opinion publique est favorable à la suppression du cumul.

Je note que, sur ce point, le doyen Georges Vedel, avec la finesse d’esprit qui était la sienne, dans un rapport qu’il avait rédigé voilà quelques années, s’était prononcé en faveur du mandat unique, tout en reconnaissant que celui-ci constituerait une rupture avec des pratiques anciennes et que l’opinion publique y était peut-être moins prête qu’elle-même ne le croyait.

La suppression du cumul des mandats et des fonctions ne pourrait être décidée qu’au terme d’un long processus de décentralisation, grâce auquel les compétences locales et nationales seraient plus distinctes. Pour tout un ensemble de raisons, tel n’est pas le cas aujourd’hui, notamment en matière financière.

Chaque année, les collectivités locales dépensent grosso modo 200 milliards d’euros, soit 180 milliards d’euros si l’on fait abstraction des doubles comptes. Sur cette somme, l’État apporte 99 milliards d’euros. Dès lors, on comprend bien que les élus locaux ont à cœur de peser autant qu’ils le peuvent sur la répartition de ces crédits.

Ce matin, mesdames, messieurs les sénateurs, en arrivant au Sénat, j’ai discuté avec plusieurs d’entre vous, et certains ont souhaité me faire part de tel ou tel problème les concernant : chaque fois, il était question des conséquences locales d’une décision nationale !

Les raisons pour lesquelles le cumul des mandats et des fonctions est inscrit aussi profondément dans nos gènes sont nombreuses. Si on entend l’interdire ou le limiter, il conviendra au préalable de savoir ce qui l’a expliqué ou justifié, même si, aujourd’hui, on cherche d’autres règles.

Comme l’a fait remarquer M. le rapporteur, force est de constater que le mode de scrutin qui plaît aux Français, celui qui est inscrit dans nos gènes et qui est en vigueur pratiquement depuis l’instauration de la République, c’est le scrutin uninominal majoritaire. Par quelque biais que l’on aborde cette question, ce mode de scrutin implique naturellement que les candidats qui se présentent à une élection bénéficient d’une certaine notoriété. Et quelle meilleure façon de se faire connaître que d’avoir démontré son expérience dans le passé !

Ce sont là un certain nombre de points clés de notre système républicain qui expliquent le cumul des mandats et de fonctions, et, jusqu’à présent, aucune loi n’a jamais interdit un tel cumul, le législateur se contentant de le limiter.

Certes, j’ai bien compris que la présente proposition de loi organique présentée par le groupe socialiste vise à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale. Il n’en demeure pas moins que cette proposition soulève beaucoup de questions : Jean-Pierre Bel en a lui-même relevé quelques-unes, cependant que M. le rapporteur en relevait d’autres, tout aussi intéressantes. Il est certain que l’institution du conseiller territorial apportera une réponse à la question du cumul des mandats et des fonctions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

Je suis heureux que Mme Borvo Cohen-Seat participe enfin à ce débat ! (Sourires.)

Bien évidemment, le conseiller territorial ne pourra se consacrer qu’à cette seule tâche, car son mandat l’occupera à temps plein. (M. Yves Détraigne acquiesce.) Dès lors, nous assisterons forcément à un certain renouvellement parmi les élus. C’est un point dont il faut tenir compte dans un tel débat.

M. le rapporteur l’a rappelé, vous aurez l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, d’aborder cette question du cumul des mandats et des fonctions à travers différents textes que le Sénat sera prochainement appelé à examiner, notamment le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Pour ma part, je considère que seul un débat national permettra de trancher cette question, probablement à l’occasion d’une élection présidentielle. Il importe en effet que l’ensemble des citoyens puissent s’en saisir, tant cela touche aux gènes profonds de notre culture démocratique.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne peut que vous inviter à suivre la position que M. Peyronnet a adoptée en commission des lois et donc à faire preuve d’ouverture d’esprit en renvoyant ce texte devant la commission. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, l’article 2 de la proposition de loi organique dispose que « la présente loi s’applique, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire nouvellement élu ».

Lors de l’examen de ce texte en commission, j’avais déclaré qu’il fallait ajouter les mots « ou réélu ». Or, cette modification n’ayant pas été apportée, les parlementaires pourront dès lors cumuler mandats et fonctions aussi longtemps qu’ils seront réélus.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a pas d’importance puisque le texte va être renvoyé devant la commission !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet, vous renvoyez le texte devant la commission !

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement peut déposer un amendement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce texte, le groupe socialiste propose de rendre incompatible le mandat parlementaire avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale, y compris une petite commune de 50 ou de 100 habitants, pour tout parlementaire nouvellement élu, comme cela vient d’être rappelé.

Je salue l’esprit de sacrifice de nombreux éminents signataires de cette proposition de loi organique (Sourires.), et je me demande, mes chers collègues, si un vote unanime du Sénat en faveur de ce texte ne serait pas une réponse appropriée. (Nouveaux sourires.)

Cela étant, eu égard aux excellentes relations que les membres du RDSE entretiennent avec nombre de leurs collègues socialistes, je crois que le meilleur service que nous pouvons vous rendre, monsieur le président du groupe socialiste, est de ne pas voter ce texte et de décider unanimement de le renvoyer en commission.

Pourquoi ? Parce qu’il ne faut pas confondre cumul des mandats et accumulation des mandats, parce que le cumul d’un mandat exécutif local et d’un mandat parlementaire présente, dans l’organisation actuelle de notre République, un certain nombre d’atouts, en particulier à un moment où l’on reproche de plus en plus au législateur d’être trop soumis à la technocratie parisienne et d’être coupé des réalités de la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comment mieux connaître la vie quotidienne de nos concitoyens, comment mieux comprendre les soucis qu’ils rencontrent en matière de logement, d’emploi, d’eau, de voirie, etc. sinon en exerçant un mandat local ? Nos concitoyens ne font-ils pas preuve de bon sens en envoyant siéger au Parlement des femmes et des hommes auxquels ils font confiance localement, plutôt que des apparatchiks…

M. Jacques Mézard. … désignés par des militants dont la représentativité réelle reste à démontrer ? D’ailleurs, l’opinion ne reproche-t-elle pas à d’importants responsables politiques leur absence d’expérience locale ?

J’ai encore en mémoire le discours extrêmement intéressant du sénateur-maire de Lyon, président de la communauté urbaine de Lyon, voilà quelques mois, lorsque je soutenais un amendement visant à rendre impossible le cumul du mandat de parlementaire avec celui de conseiller territorial. Vérité d’un jour n’est-elle plus celle du lendemain ?

Je pourrais tout aussi bien citer l’exemple d’autres éminents parlementaires, tel celui du député-maire de Bègles – n’est-ce pas, madame Boumediene-Thiery ? – qui, outre ses mandats, exerce aussi le métier d’avocat. On voit là la limite de l’exercice.

Ce texte est à mon avis excessif. Ses auteurs entendent manifestement répondre à des interpellations populaires, parfois populistes, relatives au travail des élus. Lorsque le Gouvernement, monsieur le ministre, pour faire passer la pilule de la réforme des collectivités territoriales, clouait au pilori les élus trop nombreux et trop coûteux ou, plus récemment, lorsqu’il utilisait indirectement la retraite des parlementaires pour détourner le débat, n’y avait-il pas là une certaine similitude ?

Mes collègues du RDSE et moi-même considérons qu’une majorité des élus de cette nation sont intègres, qu’une grande majorité d’entre eux se consacrent au service public et à l’intérêt général. Pour autant, nous ne prétendons pas que tout va bien, que des réformes profondes ne sont pas nécessaires ; nous disons simplement que cette manière d’agir n’est pas la bonne.

En outre, faut-il vraiment toujours imiter les exemples étrangers ? Nous nous glorifions de notre exception culturelle ; néanmoins, il ne serait pas inconvenant, parfois, de se glorifier d’autres exceptions et de ne pas toujours considérer que tout serait mieux en dehors de nos frontières, cependant que tout serait à revoir chez nous.

Oui, mes chers collègues, il convient de mettre fin à l’accumulation de certains mandats, exécutifs ou non, à la possibilité, j’en conviens, d’être maire, président d’établissement public de coopération intercommunale et parlementaire, à l’accumulation de présidences, que ce soit celle d’un service départemental d’incendie et de secours, d’un syndicat mixte, d’une société d’économie mixte et, bientôt, d’une société publique locale.

N’est-il pas temps, aujourd’hui, d’interdire aussi le cumul du mandat de parlementaire avec des mandats d’administrateur de grandes sociétés industrielles, avec l’exercice du métier d’avocat d’affaires, etc. ?

M. Jacques Mézard. Mais n’est-il pas temps aussi de soulever fermement et clairement le problème de l’absentéisme parlementaire, en relevant au préalable, comme l’a fait M. le rapporteur, qu’il n’y a pas nécessairement une corrélation évidente entre le cumul de mandats et l’absentéisme ?

M. Jacques Mézard. Certains de nos collègues exerçant un mandat exécutif local sont très présents dans notre hémicycle ; nous en connaissons d’autres qui, bien que n’exerçant aucun mandat exécutif local, brillent par leur absence.

Cette situation n’est pas tolérable et l’absentéisme chronique doit être sanctionné, comme le prévoit d’ailleurs, insuffisamment, le règlement.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n’est pas appliqué !

M. Jacques Mézard. L’absentéisme systématique, quant à lui, doit clairement entraîner la déchéance du mandat.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jacques Mézard. Puisque ce texte se veut en harmonie avec ce qui serait une demande de l’opinion publique, pourquoi hésiter à aborder la question du renouvellement des mandats ? Est-il raisonnable de constater aujourd’hui qu’un tel assume pour la quatrième, voire la cinquième ou la sixième fois, le même mandat exécutif ? Et je ne parle pas des petites communes ! Est-ce de cette manière qu’on entend promouvoir les générations nouvelles ?

M. Yvon Collin. Et les femmes !

M. Jacques Mézard. Ne faut-il pas envisager d’interdire l’exercice de plus de deux ou de trois mandats consécutifs ?

Mes chers collègues, s’agissant de l’accumulation des fonctions et des mandats, de l’absentéisme, du renouvellement des mandats, voilà des pistes pour de profondes réformes qui n’attendent qu’une chose : que le législateur veuille bien les adopter.

Votre proposition de loi organique ne répondant pas à notre ambition, monsieur Bel, vous comprendrez que nous ne puissions la voter en l’état, ce que nous regrettons unanimement du fond du cœur. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi le cumul des mandats et des fonctions est-il si répandu en France ? Parce que le pouvoir, tant politique qu’économique, est extrêmement concentré, entre les mains d’un petit nombre. On a encore pu le mesurer hier, ici même, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.

Lors du débat parlementaire sur la réforme constitutionnelle de juillet 2008, mon groupe avait souhaité inscrire dans la Constitution le principe de la limitation ou de l’interdiction du cumul des mandats électoraux. Vous avez alors rejeté notre amendement. Pourtant, il ne contredisait pas, au contraire, la proposition émise par le comité Balladur, laquelle correspond d’ailleurs à la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste.

Mais il faut bien constater que la réforme constitutionnelle a tourné le dos aussi bien à une « revalorisation de la fonction parlementaire », pour employer les termes du comité, qu’aux aspirations démocratiques de nos concitoyens.

Je soutiendrai la présente proposition de loi parce qu’elle s’inscrit dans l’exigence de démocratisation de la vie politique.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, et vous aussi, monsieur Mézard, que cette proposition de loi n’a pas lieu d’être adoptée aujourd’hui par notre assemblée, soutenant qu’elle doit être renvoyée en commission.

Permettez-moi de réfuter tout d’abord un certain nombre de vos arguments.

Vous faites état d’un lien nécessaire avec la réforme des collectivités territoriales. Mais précisément, cette réforme, si elle est votée et appliquée, avec la création des conseillers territoriaux, mettra en œuvre un cumul des fonctions départementales et régionales, ce qui est totalement inédit !

M. Jean-Pierre Bel. Et là, le cumul sera obligatoire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au demeurant, nombreux sont les élus qui s’y opposent.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n’est pas un cumul, c’est une fusion !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous évoquez l’état ambivalent de l’opinion publique sur la question des cumuls de mandats et, plus globalement, dans son rapport aux élus : on perçoit chez eux à la fois de la confiance, voire de l’attachement à l’égard des élus de proximité, et de la défiance à l’égard de la « classe politique » ou des professionnels de la politique. À mon grand regret, je dois constater que, de ce point de vue, les parlementaires sont parmi les plus mal « lotis » puisque beaucoup de nos concitoyens ne les tiennent pas en très haute estime.

Permettez-moi de déplorer ici les propos du Président de la République – propos renouvelés, en Eure-et-Loir, jeudi dernier – sur l’importance qu’il y aurait à diminuer le nombre des élus. M. Sarkozy estime apparemment que les pouvoirs ne sont pas assez concentrés sur quelques élus : il veut donc encore réduire le nombre de ces derniers ! Pour tenter de justifier sa réforme, n’a-t-il pas affirmé, contre toute vérité, qu’ils coûtaient trop cher ? Ce faisant, il délégitime l’action des élus et nourrit la défiance de nos concitoyens.

Vous évoquez, monsieur le rapporteur, un texte incomplet, partiel. Certes, il est incomplet si l’on considère, comme je le fais, qu’il faut aller plus loin et revoir dans leur globalité le mode d’élection des parlementaires – et d’ailleurs pas seulement celui-là – ainsi que les conditions attachées à leur mandat.

Le cumul des mandats concerne tous les partis politiques, sans exception. Il est la résultante d’un système électoral qui, par ailleurs, dessert le pluralisme. L’absence de proportionnelle à plusieurs élections ou encore celle d’un statut de l’élu incitent les partis politiques à resserrer leurs candidatures autour de candidats déjà « installés », si j’ose dire. Il est difficile d’y échapper !

Le cumul des mandats est, plus largement, la résultante d’un système institutionnel qui a pour objectif de maintenir le pouvoir dans les mains de ceux qui l’ont déjà. Il est urgent de partager ce pouvoir avec nos concitoyens si nous ne voulons pas voir perdurer la grave crise de la représentation politique que nous connaissons actuellement.

Car, aujourd’hui, se creuse un fossé entre nos concitoyens et ceux qui sont censés les représenter. Il y a crise parce que les décideurs économiques et politiques ne répondent pas aux attentes populaires. L’actualité en témoigne avec la réforme des retraites.

Comment nos concitoyens ne se sentiraient-ils pas mal représentés, pour le moins, quand, dans sa composition, le Parlement n’est absolument pas représentatif de la société telle qu’elle est. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer ici que cette déformation systématique est un des problèmes majeurs de notre démocratie. Il n’y a au Parlement ni ouvriers, ni représentants des minorités visibles, ni jeunes. Les parlementaires sont de plus en plus vieux ! La moyenne d’âge, en tout cas à l’Assemblée nationale, n’a fait que croître depuis la Libération.

M. Jacques Mézard. Pas au Sénat !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit bien d’une question de fond, à laquelle vous refusez de répondre : celle d’une véritable démocratisation des institutions. C’est là tout l’enjeu d’une éventuelle interdiction du cumul des mandats. Et il en va de même pour le renouvellement des mandats.

Cette démocratisation implique d’affirmer la primauté de la citoyenneté sur l’expertise, la « déprofessionnalisation » et la « dénotabilisation » de la « fonction » politique. Elle suppose, par conséquent, la participation d’un nombre beaucoup plus grand de citoyens aux campagnes pour l’obtention des mandats électifs.

À cet égard, plusieurs mesures s’imposent : le scrutin proportionnel et un statut de l’élu, la citoyenneté de résidence, et, concernant les mandats, leur limitation en nombre et en durée, pour permettre une rotation plus fréquente et donc plus démocratique de l’exercice des responsabilités électives.

Vous évoquez encore, monsieur le rapporteur, le risque d’une « professionnalisation » des fonctions d’élu si les cumuls de mandats étaient prohibés. Vous dites que cela ferait la part belle aux « apparatchiks » et craignez que les parlementaires ne soient coupés des réalités de la vie locale. Ce serait effectivement dommageable.

Mais pourquoi le fait d’exercer successivement deux mandats, une fonction exécutive locale et, ensuite, un mandat parlementaire, au lieu de cumuler les deux, serait-il moins fructueux ? Ne risque-t-on pas, en cumulant ces missions, de les remplir avec moins d’efficacité ?

Il est décisif que soient créées les conditions d’un rapport régulier entre les parlementaires et les électeurs. Pourquoi ne pas prévoir dans la loi l’obligation, pour les parlementaires, de venir présenter les projets de loi dans leur circonscription et d’en débattre avec les citoyens ? Pourquoi ne pas instaurer, entre autres, des conseils de circonscription ? Et ce ne sont là que quelques idées parmi beaucoup d’autres.

Il est de la responsabilité du législateur que nous sommes d’inventer des formes nouvelles d’immersion dans la vie locale, ayant en outre l’avantage d’associer la population aux choix qui la concernent.

Vous le voyez, mon soutien à cette proposition de loi n’est pas une simple question de principe. Il se fonde sur une conviction profonde : l’urgence d’une démocratisation de la vie politique dans tous ses aspects.

Par conséquent, nous voterons contre la motion tendant au renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique que nous examinons soulève une question dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est marquée par l’ambivalence.

D’un côté, nombre d’élus qui prônent une réglementation plus stricte des cumuls de mandats sont souvent eux-mêmes en situation de cumul. D’un autre côté, les électeurs, dont on ne cesse de nous dire qu’ils ne veulent plus d’élus cumulards, n’hésitent pas, à chaque rendez-vous électoral, à donner la préférence à des candidats qui exercent déjà des fonctions électives, et qu’ils vont donc placer consciemment en situation de cumul.

Oserai-je dire que se trouve, parmi les cosignataires de cette proposition de loi, un collègue qui a débuté sa campagne pour les élections sénatoriales en adressant un courrier à tous les maires de son département pour leur annoncer que, s’il était élu sénateur, il resterait président du conseil général. Eh bien, cela ne l’a pas empêché d’être élu…

D’ailleurs, si j’ai bonne mémoire, il me semble que la presse s’est largement fait l’écho, au mois de mai dernier, d’un débat entre le responsable d’un grand parti politique et les parlementaires de son groupe : ce responsable voulait imposer la règle du non-cumul des mandats pour les prochaines élections sénatoriales, et les sénateurs d’expliquer – mais comment le leur reprocher ? – que, s’ils avaient été élus à la Haute Assemblée, c’était dans bien des cas parce qu’ils exerçaient des responsabilités exécutives locales.

Je ne dis pas cela pour montrer du doigt tel ou tel de nos collègues, parce que je suis de toute façon convaincu que, si le débat était né dans un autre parti politique, les réactions auraient été les mêmes. Pour moi, il s’agit de souligner que le problème est beaucoup plus complexe que ne pourrait le laisser penser cette proposition de loi, qui se contente de deux articles constitués chacun d’une seule phrase.

Mme Nathalie Goulet. Et chacune est sibylline !

M. Yves Détraigne. À mon sens, dès lors que le rôle constitutionnel du Sénat est de représenter les collectivités territoriales de la République, il est indispensable que les sénateurs puissent – j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit que d’une possibilité – cumuler leur mandat de parlementaire avec un mandat local.

Vous penserez peut-être, en m’entendant dire cela, que j’ai mal lu la proposition de loi. Non, je l’ai soigneusement étudiée et je sais qu’elle interdit le cumul d’un mandat de parlementaire, non pas avec un mandat d’élu local, mais seulement avec l’exercice d’une fonction exécutive locale. Toutefois, je suis de ceux qui considèrent que l’on connaît mieux la réalité d’une collectivité territoriale, qu’on mesure mieux la complexité des questions qu’elle a à régler, ainsi que les contraintes auxquelles est confrontée l’action locale, lorsqu’on est maire, particulièrement maire d’une petite commune, que lorsqu’on est simple conseiller municipal.

Je crois même que le maire d’une petite commune de quelques centaines d’habitants connaît parfois mieux les réalités de la gestion communale et les attentes de sa population qu’un maire d’une grande ville ou qu’un président d’une grande agglomération, tout simplement parce que le maire d’une petite commune est directement au contact de ses concitoyens, des administrations et entreprises avec lesquelles travaille sa commune, qu’il connaît personnellement les procédures à suivre pour mener les dossiers à bien, alors que l’exécutif d’une grande collectivité est souvent entouré d’un cabinet et de services qui l’isolent de ces réalités et qu’il traite surtout les aspects politiques de son mandat local.

Je pense, par ailleurs, que le principal intérêt du débat au Parlement – et sa justification –, c’est de permettre la confrontation entre une expérience réelle du terrain et une approche souvent très juridique – et parfois, disons-le, assez théorique – des questions.

M. le président. Mon cher collègue, il va bientôt vous falloir songer à conclure !

M. Yves Détraigne. Je ne dis pas cela pour critiquer les collaborateurs de M. le ministre, car je suis moi-même issu de la même école que nombre d’entre eux. Mais je considère que les parlementaires savent d’autant mieux ce qu’on peut mettre ou non dans une loi, ce qu’on peut faire ou non sur le terrain qu’ils exercent des responsabilités d’élus locaux. Rien ne peut remplacer l’expérience du terrain, particulièrement au Sénat.

Pour autant, je ne considère pas que tout va très bien et qu’il n’y a rien à changer aux règles existantes en matière de cumul. Je pense simplement qu’on ne peut pas limiter la question du cumul à celle du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale.

Certaines responsabilités, dont on ne parle pratiquement jamais dans cette réflexion sur le cumul des mandats, sont pourtant aussi prenantes, sinon plus, pour un élu que la responsabilité d’un exécutif local, surtout si c’est celui d’une petite commune. Je pense notamment que l’on peut se trouver dans une situation proche du conflit d’intérêts – notre collègue Jacques Mézard y a fait allusion – de par les fonctions professionnelles ou les responsabilités non électives que l’on a le droit d’exercer tout en étant parlementaire.

M. le président. Maintenant, il faut vraiment conclure !

M. Yves Détraigne. Cela pose certainement, au regard de la démocratie, plus de problèmes que le cumul d’un mandat d’élu local avec celui de parlementaire.

Par ailleurs, si l’on veut interdire à tout responsable d’un exécutif local qui a dû abandonner ses activités professionnelles pour exercer son mandat d’être en même temps parlementaire, il faudra se poser de nouveau la question du statut de l’élu, à moins que l’on ne souhaite voir plus d’agents de la fonction publique et de retraités qu’aujourd’hui exercer les fonctions de maire.

Force est donc de constater que le problème est sensiblement plus complexe et plus large que ne le donne à penser cette proposition de loi organique.

Le groupe de l’Union centriste, dans sa grande majorité, votera la motion de renvoi en commission proposée par M. le rapporteur, tout en souhaitant que ce renvoi ne soit pas synonyme d’enterrement de la question. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la loi permet actuellement le cumul d’un mandat parlementaire avec un seul mandat local, exécutif ou délibératif, mais également, comme l’a indiqué notre président de groupe lors de la présentation de sa proposition de loi, un troisième mandat pour les communes de moins de 3 500 habitants, la proposition de loi que nous avons l’honneur d’examiner aujourd’hui vient mettre un terme à une situation qui n’est plus soutenable.

Elle l’est d’autant moins que le droit en vigueur limite le cumul des seuls mandats électifs sans avoir pris en compte le développement de l’intercommunalité.

Si les avancées significatives en matière de limitation du cumul des mandats et fonctions ont toujours été le fait des socialistes – je pense notamment à la loi organique du 30 avril 1985 et à la loi du 5 avril 2000 –, il convient aujourd'hui, comme nous y invitent les sages recommandations du comité Balladur, de franchir sans esprit partisan un nouveau pas dans ce domaine.

Ce nouveau pas, nous avons le devoir de le faire ensemble, de manière consensuelle et dès maintenant, sans renvoyer une fois de plus l’examen de la question du cumul des mandats aux calendes grecques, en disant que ce texte est certes bon, mais qu’il faut aller plus loin, qu’il faut aussi prendre en compte les offices d’HLM, les SDIS... Tout cela pour, au bout du compte, ne rien faire du tout !

Oui, il faut agir maintenant, car cette réforme est souhaitée, comme nous le rappellent toutes les enquêtes d’opinion, par une majorité des citoyens électeurs de notre pays, des électeurs qui, parce qu’ils n’ont pas d’alternative, sont indirectement responsables de ce cumul.

Pour en revenir à la proposition de loi organique elle-même, je dirai que celle-ci vient parachever les avancées sur la limitation du cumul des mandats et fonctions en affirmant le principe d’une interdiction totale de cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale : de ce fait, le mandat parlementaire deviendrait quasiment unique !

Je concède que la défense d’une telle proposition de loi organique devant une assemblée dont 73 % des membres cumulent un mandat parlementaire avec un mandat politique local, exécutif le plus souvent, ne constitue pas a priori un exercice aisé.

M. Jacques Mézard. Quel courage ! (Sourires.)

M. Simon Sutour. Mais oui !

Cependant, c’est avec une certaine fierté que j’interviens aujourd’hui au nom de mon groupe politique pour défendre cette proposition. Les arguments que je vais exposer en faveur de ce texte, loin d’être des poncifs, sont difficilement contestables tant ils relèvent du bon sens, et nous savons tous que le bon sens est l’une des vertus de la Haute Assemblée.

Cela dit, nul ne doit ici se sentir stigmatisé ou jugé : il n’est pas question du passé, mais de l’avenir.

Cette proposition d’interdiction du cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale va dans le sens de l’Histoire. Vouloir lutter contre cette idée progressiste est un combat d’arrière-garde !

Pour illustrer mon propos, je rappellerai que, voilà vingt-cinq ans, il n’était pas rare de voir un élu cumuler les mandats de sénateur, de président de conseil général, de président de conseil régional, de président d’une agglomération et de député européen. Aujourd’hui, cela paraît inimaginable ! Mais il a fallu passer par la loi pour aboutir à ce résultat.

En prenant l’initiative de réformer lui-même le régime de l’une des incompatibilités applicables à ses membres, sans attendre que la réforme lui soit imposée par l’exécutif ou par référendum, le Parlement a l’occasion de se trouver renforcé et d’être à même de mener d’autres réformes d’envergure, ayant trait notamment aux incompatibilités avec certaines professions ou au statut de l’élu.

Le sujet des incompatibilités professionnelles a déjà été évoqué, mais il reste des situations très choquantes aujourd’hui.

Quant au statut de l’élu, nous sommes unanimes à l’appeler de nos vœux, et les élus locaux savent nous faire comprendre combien ils y sont attachés lorsque nous les rencontrons dans nos départements respectifs. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réforme complète du statut de l’élu et, dans cette optique, la limitation du cumul des mandats n’est qu’une première étape.

Notre organisation institutionnelle a servi d’exemple à bien des pays soucieux de bâtir des démocraties fortes et vivantes. Or il nous faut constater que nous sommes aujourd’hui à la remorque des grandes démocraties qui se sont jadis inspirées du modèle français.

Nos institutions, en maintenant le cumul des mandats, sont désormais dépassées et elles contribuent à entretenir une certaine atonie de notre démocratie. Il est de notre devoir de leur redonner un nouveau souffle !

Limiter le cumul des mandats est la première étape indispensable pour que cesse la désaffection des citoyens envers la chose publique.

Les Français aspirent de plus en plus à être représentés par des élus qui leur ressemblent, c’est-à-dire qu’ils souhaitent voir siéger davantage de femmes, de jeunes, de salariés du privé, de fonctionnaires des catégories B et C, d’ouvriers et d’agriculteurs.

Voilà le défi que nous avons aujourd’hui à relever !

Le pouvoir doit être partagé, les mandats électifs et les fonctions aussi.

Parce que le vote d’une telle loi permettrait d’ouvrir justement l’exercice des responsabilités à un nouveau public, il aurait pour conséquence immédiate de revaloriser l’ensemble des mandats électifs.

Ce serait la fin des élus pressés, fatigués, surmenés, qui, au lieu de faire, font souvent faire par leurs collaborateurs ou leur administration, si bien que, in fine, le pouvoir leur échappe au profit de la technostructure, et vous savez bien, mes chers collègues, que tout cela est une réalité. (M. Jacques Mézard fait un signe de dénégation.)

Car le défaut majeur de nos institutions est de ne jamais anticiper les conséquences collatérales des lois et règlements qui sont chaque jour promulgués.

Le développement de la décentralisation, au cours des trente dernières années, en est l’illustration la plus criante.

En effet, les transferts de compétences accumulés ont transformé l’exercice d’une fonction exécutive locale en une fonction qui exige, compte tenu des responsabilités, de la complexité de l’environnement juridique et des budgets en jeu, d’être exercée à plein temps. Sans compter que le régime actuel de limitation des cumuls n’a pas pris en compte le développement des structures intercommunales.

Les arguments des défenseurs du cumul sont connus : ils invoquent notamment l’importance du lien direct que les parlementaires doivent avoir avec un territoire donné, lien faute duquel ils seraient coupés des réalités du terrain.

La vérité est que le cumul des mandats permet, voire facilite la réélection et assure une certaine longévité politique, ainsi qu’une certaine sécurité financière. Mais peu nombreux sont ceux qui l’admettent.

M. Simon Sutour. Comme le souligne très justement Guy Carcassonne, « si le cumul n’est pas interdit, il devient politiquement obligatoire ».

Il faut rompre ce cercle vicieux !

Je peux d’ailleurs, au regard de ma propre expérience, aussi modeste soit-elle, rassurer certains, ici ou ailleurs : le mandat unique n’est pas un obstacle à la réélection !

Vouloir séparer strictement le mandat parlementaire de toute fonction exécutive locale est, je le crois, un retour à la lettre de notre Constitution : le parlementaire légifère et contrôle l’action du Gouvernement ; il est à ce titre le garant de l’intérêt général. Or, trop souvent, les intérêts particuliers prennent le dessus, la tentation étant grande et bien légitime d’agir d’abord pour sa ville, son agglomération, son département, sa région, et ensuite, ensuite seulement, pour l’intérêt général.

Les gouvernements successifs, quelle que soit leur étiquette politique, s’accommodent d’ailleurs merveilleusement du cumul des mandats. Avoir des parlementaires à temps partiel est en quelque sorte une situation idéale. Les parlementaires votent « à flux tendu » des textes dans l’urgence, contrôlent peu et n’évaluent pas du tout !

Si bien que les outils mis en place dans ce domaine par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour revaloriser le rôle du Parlement ne sont pas appliqués de manière effective ou ne le sont que très peu, comme l’illustre encore aujourd’hui le fait que la partie droite de cet hémicycle soit singulièrement dépeuplée…

M. Yvon Collin. Belle illustration !

M. Simon Sutour. Mais triste !

Pour conclure, je regrette que M. le rapporteur ait déposé une motion de renvoi en commission de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Si nous sommes partiellement d’accord avec lui sur la nécessité d’associer à la limitation du cumul des mandats d’autres réformes de même nature, je pense que, symboliquement, adopter cette proposition de loi dès aujourd’hui serait un élément déclencheur qui nous permettrait à très court terme de travailler et de légiférer sur la définition d’un véritable statut de l’élu. C’est ce que je vous invite à faire, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cumul de mandats et son corollaire direct, l’absentéisme parlementaire, sont deux particularités bien françaises : deux particularités affligeantes qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie.

Toutefois, pour un parlementaire, le problème est moins le cumul de mandats en général que le cumul de très lourdes fonctions exécutives locales qui sont déjà, par nature, des activités à plein temps.

La charge de travail pour un mandat de simple conseiller municipal ou de simple conseiller général est très ponctuelle. Elle n’a absolument rien à voir avec l’activité de maire ou de président de conseil général. C’est pourquoi la limitation des cumuls doit avant tout cibler les fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales.

M. Pierre Fauchon. C’est le cas !

M. Jean Louis Masson. Les fonctions de maire de grande ville, de président de conseil régional ou de président de communauté d’agglomération sont des activités à plein-temps. Un mandat parlementaire est aussi une activité à plein-temps et nul ne peut assumer correctement deux activités à temps complet.

Bien entendu, ce constat s’applique aussi au cas des ministres, d’autant que, lorsqu’on est ministre, on devrait être le ministre de toute la France, et pas seulement le porte-parole des intérêts particuliers de telle ville, de tel département ou de telle région.

Certes, de nombreux responsables politiques se déclarent hostiles au cumul abusif. Toutefois, dans les faits, rien ne se concrétise. Les déclarations de principe relèvent trop souvent de l’hypocrisie.

Quant aux réelles bonnes intentions de certains, elles se heurtent à l’obstruction de ceux qui usent et abusent du système. Le Premier ministre Édouard Balladur a très bien résumé la situation en indiquant, dans Le Figaro du 7 mai 2010 : « Il n’y a pas d’enthousiasme dans la classe politique, ni à droite ni à gauche, pour prohiber le cumul. Si l’on veut progresser, il ne faut pas se référer à la bonne volonté. Il faut que la loi intervienne. »

M. Patrice Gélard, rapporteur. Comme pour les retraites !

M. Jean Louis Masson. M. Balladur a raison. La loi doit réaffirmer le principe fondamental de la disponibilité des parlementaires pour se consacrer pleinement à leurs missions.

Cela passe par l’interdiction de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale. La même logique de disponibilité à plein-temps devrait conduire aussi à exclure le cumul d’un mandat parlementaire avec une activité professionnelle. Par le passé, j’ai d’ailleurs déjà déposé deux propositions de loi en ce sens, l’une à l’Assemblée nationale, le 14 juin 1997, l’autre au Sénat, le 16 octobre 2007.

En conclusion, je réaffirme donc ici, en toute logique, mon soutien sans réserve à une réforme qui interdirait les cumuls abusifs de mandats. (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau saisis d’une vraie question à laquelle le groupe socialiste apporte une mauvaise réponse.

C’est une vraie question parce que les fonctions électives que nous exerçons les uns et les autres sont de plus en plus chronophages. Cela vaut pour le mandat parlementaire, mais aussi pour les mandats exécutifs locaux.

C’est une vraie question parce que les fonctions électives exigent de plus en plus de professionnalisme. Dans ces fonctions, comme ailleurs, c’est la compétence professionnelle qui fait la différence. Si ce professionnalisme fait défaut, c’est alors l’administration qui commande, et la démocratie s’en trouve altérée.

C’est une vraie question, enfin, parce que nos fonctions sont de plus en plus exigeantes. Nos concitoyens exigent de nous de plus en plus de proximité, de disponibilité et d’immédiateté.

Cela étant, la réponse que le groupe socialiste nous propose n’est pas une bonne réponse.

La question du cumul des mandats ne concerne pas seulement les parlementaires ; elle concerne également les élus locaux.

En tant que sénatrice et maire d’une commune de près de 20 000 habitants, mais aussi ancienne députée, je puis vous assurer que l’intérêt général que je défends au Parlement pour l’ensemble des Français et l’intérêt général que je défends au service de mes concitoyens municipaux ne sont pas antagonistes. Bien au contraire, cette double fonction enrichit l’intérêt général au sens propre.

Je pense que, si j’étais seulement parlementaire, le risque serait grand que je me transforme en technicien du droit.

Au-delà du cumul, on oublie de dire que la France compte plus de 550 000 élus locaux, un chiffre considérable, sans équivalent dans les pays voisins. C’est un facteur puissant de cohésion sociale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est sans doute pour cela que vous voulez en diminuer le nombre !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En vérité, c’est davantage à la complémentarité des mandats que nous devons réfléchir.

Cette proposition de loi organique est partielle et partiale. Partielle en ce qu’elle n’aborde pas toutes les questions que soulève l’exercice du mandat parlementaire. Partiale en ce qu’elle se contente de fustiger, en utilisant un vocabulaire ad hoc, certes consacré en la matière, mais qui ne reflète absolument pas la réalité de la pratique.

Ainsi, au lieu de parler de l’« exercice » des mandats électifs et d’évoquer la question de la « complémentarité » éventuelle entre les mandats nationaux et locaux, on préfère utiliser le terme de « cumul », qui a une connotation bien plus négative : on teinte ainsi d’une grande véhémence ce que l’on dit être l’opinion de nos concitoyens à propos de ce « cumul ».

L’opinion serait, paraît-il, vent debout contre « ces cumulards patentés » qui dénatureraient la démocratie. Pourtant, selon un sondage BVA-Orange-L’Express du 21 mai 2008, cité dans un rapport du député Jacques Valax, une courte majorité seulement des Français – 44 % contre 42 % – préférerait que les parlementaires n’exercent qu’une seule fonction.

Par ailleurs, quand un peu plus de 70 % des Français disent vouloir un maire à temps complet, cela signifie-t-il qu’ils souhaitent que le maire de leur commune, non seulement ne cumule pas cette fonction avec celle d’un mandat parlementaire, mais cesse également toute activité professionnelle pour se consacrer exclusivement aux affaires de la commune ? Je crois qu’un tel chiffre traduit avant tout l’attachement de nos concitoyens à ce mandat de proximité et qu’il ne faut pas en tirer trop de conclusions au-delà.

Lorsque certains affirment qu’un maire parlementaire n’est en fait ni pleinement parlementaire ni pleinement maire et qu’une telle situation illustre la dictature de l’administration, je note le peu de respect dont il est ainsi fait preuve à l’égard des maires adjoints, des vice-présidents, des conseillers délégués de toutes les assemblées que nous présidons : tous, me semble-t-il, exercent à leur niveau, avec la conscience et la qualité que l’on sait, des fonctions exécutives au nom de la commune, de la même manière que le maire ou le président d’une assemblée départementale ou régionale.

La question est plus vaste et plus complexe que ne tend à nous le faire croire cette proposition de loi et elle doit probablement nous être présentée sous une forme plus neutre, plus paisible, plus ouverte.

J’aspire, pour ma part, à un vrai débat sur la question de la complémentarité des mandats et je donnerai deux exemples justifiant que l’on présente plutôt les choses de cette manière.

Le premier concerne les débats sur la réforme de la fiscalité locale. Je rappelle tout le travail que nous avons effectué ici, au Sénat, mais qui a aussi été accompli à l’Assemblée nationale. Aurait-il été de la même qualité si, dans les deux assemblées, des parlementaires rompus à l’exercice des responsabilités locales n’avaient apporté leur contribution essentielle ? Aurait-on eu le même débat, trouvé des solutions à des questions aussi importantes que celle du remplacement de la taxe professionnelle, par exemple ? (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Second exemple : lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, aurions-nous été si aptes à défendre nos points de vue respectifs, quels qu’ils soient, si nombre d’entre nous n’avaient pas exercé des responsabilités dans plusieurs instances locales, étant de ce fait à même de juger de l’opportunité de la réforme, de la pertinence de son contenu et des modifications à lui apporter ?

Ne vous y trompez pas : l’opinion publique a d’autres préoccupations que celle de vous voir mettre fin à ce que vous appelez le « cumul », au motif que cela permettrait à nos deux assemblées de mieux travailler !

Et ne mentons pas à nos concitoyens en affirmant que, si les députés et les sénateurs n’exercent pas d’autre mandat, ils siégeront continuellement au sein de leur assemblée.

Disons en revanche que, moins liés au terrain, moins issus de la réalité de notre démocratie vivante, de cette République de proximité à laquelle nous sommes tant attachés, ils seront probablement plus dépendants des partis politiques qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Je ne veux pas, quant à moi, revenir à un gouvernement de la France par les partis : je préfère laisser les électeurs choisir leurs représentants.

Bien sûr, je suis favorable à une poursuite de la réflexion, les décisions à prendre ayant vocation à compléter le dispositif de limitation de l’exercice de plusieurs mandats. Si nous voulions le faire ensemble, sans démagogie et avec pragmatisme, nous pourrions y arriver, c’est sûr.

Le cumul de fonctions électives n’est nullement un cercle vicieux. Au contraire, il s’agit plutôt d’un cercle vertueux. Le fait de passer régulièrement devant une partie du corps électoral nous impose d’ailleurs d’avoir des objectifs et des règles clairs.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UMP se rallie à la proposition de notre excellent rapporteur Patrice Gélard de renvoyer en commission cette proposition de loi organique. Ainsi, celle-ci aura au moins le mérite de nous amener à réfléchir de manière plus approfondie à cette question.

Quant au statut de l’élu évoqué par certains, en ce qui me concerne, je suis très favorable à l’idée d’une charte des droits et des devoirs des élus. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi organique pose une vraie question. Gardons-nous d’y apporter une fausse réponse !

Affirmer que le cumul des mandats porterait préjudice à la présence dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat, c’est un peu tromper tout le monde, car il serait sans doute plus utile, me semble-t-il, de réfléchir à l’amélioration de notre façon de travailler…

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est exact !

M. François-Noël Buffet. … et au temps que l’on pourrait gagner en rendant le travail plus efficace, et parfois aussi plus intéressant.

Il est également nécessaire d’en appeler à la responsabilité individuelle des uns et des autres dans l’exercice de nos mandats, notamment le mandat parlementaire.

Faut-il couper le lien entre le niveau national et le niveau local ? Bien sûr, cela relève d’un raisonnement que l’on peut entendre, mais ce serait tout de même amoindrir la richesse du débat et l’intérêt que nous avons, les uns et les autres, élus locaux, à contribuer à la rédaction de la loi en toute connaissance de cause.

Marie-Hélène Des Esgaulx vient de le dire, nous avons, sur toutes les travées de cet hémicycle, forts de notre expérience locale et de notre connaissance du terrain, pu contribuer à l’élaboration des différents textes. C’est une richesse et les deux mandats se nourrissent mutuellement. De ce point de vue, le fait d’exercer à la fois un mandat local et un mandat national constitue aussi, me semble-t-il, une chance tout à fait exceptionnelle.

Enfin, comment ne pas se rallier à l’argument de M. le ministre évoquant un lien historique très fort entre le rôle de l’État et celui de nos collectivités territoriales sur le terrain, et donc la nécessité de maintenir ce contact permanent ?

Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire, car, avec l’évolution des collectivités locales, dont les élus doivent assumer des responsabilités de plus en plus importantes et aussi, il faut le dire, de plus en plus intéressantes – car il ne s’agit plus seulement de couper des rubans lors d’inaugurations –, il convient de tenir compte du fait que nos fonctions correspondent désormais à de vrais postes de décision.

Dans cette optique, il est certain que le cumul des fonctions est un vrai sujet, qui mérite qu’on y travaille.

Nombre d’entre nous, au titre de nos mandats, sommes présidents d’intercommunalité, de sociétés d’économie mixte, d’organismes de toute nature, et ce sont des fonctions chronophages. Il faut « faire le ménage », permettez-moi cette expression, sans doute un peu triviale à la tribune de la Haute Assemblée…

Mme Nathalie Goulet. Non ! (Sourires.)

M. François-Noël Buffet. … mais, manifestement, c’est à cette tâche que nous devons atteler. On ne peut pas cumuler les fonctions dans tous ces organismes sans nuire à l’exercice même de son propre mandat ; c’est l’un des points que je tenais à souligner.

Je conclurai en disant qu’il paraît à l’évidence opportun, compte tenu à la fois de la complexité des problèmes en jeu et de la nécessité d’aller plus loin sans enterrer le dossier, de renvoyer ce texte en commission, ce qui permettra à tout le monde de pouvoir l’étudier dans le détail.

M. Jean-Pierre Sueur. On l’a déjà regardé dans le détail !

M. François-Noël Buffet. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation travaille sur cette thématique et qu’elle formulera, dans le cadre des débats ouverts à la commission des lois, un certain nombre de préconisations.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le beau sujet que voilà pour le sénateur « hors-sol » que je suis puisque je n’ai pas d’autre mandat : je suis seulement sénateur !

Je remercie le président Bel d’avoir déposé ce texte audacieux à l’heure où des présidents de région, et non des moindres, sont en situation très favorable pour les élections sénatoriales de septembre prochain : je pense notamment à la Basse-Normandie. (Sourires.) Voilà donc un texte courageux !

Nos concitoyens sont de plus en plus sensibles à cette question et notre Haute Assemblée serait vraiment inspirée de voter un texte sur ce sujet, montrant ainsi son désir, au-delà des clivages politiques – bien qu’une partie de l’hémicycle soit passablement désertée ce matin –, de moderniser notre vie publique

En réalité, nos concitoyens et électeurs sont finalement un peu responsables de la situation, car c’est bien l’électeur qui dépose dans l’urne un bulletin correspondant à un candidat dont il ne peut ignorer qu’il exerce déjà telle ou telle fonction importante et, qui plus est, visible. Cette réflexion peut d’ailleurs s’appliquer à d’autres sujets, comme la question de l’âge des élus : quand il dépose un bulletin dans l’urne, l’électeur connaît l’âge du candidat pour lequel il vote et il sait qu’il sera éventuellement élu encore pour un certain nombre d’années.

Chaque électeur peut alors devancer la loi en refusant d’apporter son vote à un élu déjà doté.

J’ajoute que, comme aime à le répéter notre collègue Dominique Braye, « pour cumuler, encore faut-il être capable d’être élu ! »

Cela dit, une réforme est nécessaire. Le problème est réel puisque sept parlementaires sur neuf cumulent les mandats.

Mais comment réformer quand on est juge et partie ?

Monsieur le ministre, vous en avez fait l’expérience récemment avec les dispositions visant à la suppression de la clause de compétence générale dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, les représentants de chaque exécutif prêchant évidemment pour leur paroisse…

Je pense néanmoins qu’il faut pouvoir conserver un lien avec le terrain. De ce point de vue, le cumul avec un mandat de maire est acceptable. Mais il y a aussi les EPCI et les pays, qui ont de véritables exécutifs.

J’ai en mémoire de nombreuses interventions, dont celle du président Bernard Frimat, lors de la réforme constitutionnelle, ou celle de M. Karoutchi, alors secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui avait répondu, à propos d’amendements visant à une interdiction plus stricte d’un cumul des mandats, qu’ils trouveraient leur place dans un texte sur le statut de l’élu, ce véritable serpent de mer, cette Arlésienne législative (Sourires.) puisque, jusqu’à présent, nous n’avons pas vu poindre le moindre texte à ce sujet !

J’ai aussi en mémoire l’intervention de M. Badinter nous exposant avec force le problème du cumul d’un poste ministériel avec une fonction d’élu local et, a fortiori, d’exécutif local.

M. Jacques Mézard. Allons, voyons, cela n’existe pas ! (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Et j’aime ce moment intense de notre vie politique où les ministres en exercice partent en campagne, emmenant dans leur sillon une partie de leur cabinet,…

M. Jacques Mézard. Ce n’est pas possible ! (Nouveaux sourires.)

Mme Nathalie Goulet. … douce période durant laquelle les administratifs, et eux seuls, font tourner les cabinets !

Comment comptez-vous, dans ces circonstances, redonner confiance aux électeurs quant à la capacité des élus ou des candidats d’être eux-mêmes en charge des dossiers ?

Pour toutes ces raisons, et surtout pour permettre de laisser éclore de nouveaux talents, d’éviter des verrouillages et des cooptations, il faut absolument que nous tranchions cette question ici, au Sénat.

Il faut enfin mettre un terme à des hypocrisies du type Poutine et Medvedev : « Je suis frappé par une interdiction légale, je deviens donc premier vice-président ou adjoint aux finances et je garde, de fait, la maîtrise sur l’exécutif que je suis supposé avoir quitté. » (M. Jean-Pierre Bel applaudit.)

Il faut sanctionner très lourdement, me semble-t-il, les trahisons électorales que nous connaissons tous, les uns et les autres, à savoir des candidats tête de liste qui, une fois élus, ne siègent pas dans les assemblées pour l’exécutif desquelles ils briguaient les suffrages de leurs concitoyens. Je vise tout particulièrement ceux qui, faute d’avoir pu conquérir la présidence d’un conseil régional, renoncent simplement à y siéger : comme si un siège de conseiller régional d’opposition était sans valeur !

Ces pratiques sont totalement indignes, et il faudra y mettre un terme rapidement.

Cela étant, je tiens à rappeler que l’immense majorité des élus de nos 36 000 communes sont des bénévoles totalement dévoués au service de leurs concitoyens.

J’espère que l’enterrement qui s’annonce préludera à une résurrection – c’est, en tout cas, ce que semblait dire M. le rapporteur. Cette question est extrêmement importante et il faudra bien la régler avant ou après la mise en place de la réforme des collectivités territoriales, car l’arrivée du conseiller territorial rendra encore plus opaque la mission des élus aux yeux des électeurs.

Monsieur le rapporteur, je compte beaucoup sur le travail du Sénat pour faire évoluer ce dossier du cumul des mandats. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en tout premier lieu à remercier les auteurs de cette proposition de loi organique, qui nous offre l’occasion de débattre d’un sujet fondamental pour nous, les écologistes.

En effet, le véritable enjeu de cette proposition de loi contre le cumul des mandats est de rompre avec des traditions qui rongent la crédibilité des politiques, je dirai même : avec des tolérances qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui.

Depuis longtemps, les écologistes pensent que le cumul des mandats, comme on le dit souvent en Europe, est un grand mal français, qui nuit gravement à notre démocratie et met en danger nos institutions, car elles deviennent de moins en moins représentatives.

Par ailleurs, il a un effet désastreux sur le travail parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah bon ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il nourrit l’absentéisme, il donne l’impression que le seul objectif des politiques devient la chasse aux mandats et il donne alors une image du travail parlementaire qui ne nous honore pas !

Il est, je le pense sincèrement, un souffle au cœur démocratique, qui handicape sérieusement la vie politique française et son accessibilité par toutes et tous. Il est la source d’une défiance de la part de nos concitoyens : tout en contribuant à une professionnalisation aiguë du mandat électif, il crée un fossé de plus en plus large, éloignant les citoyens de leurs représentants.

De plus, le cumul des mandats est, dans le temps comme dans l’espace, un frein au renouvellement parlementaire ; il fait donc obstacle à la parité et à la diversité de nos assemblées.

Ceux qui sont parlementaires depuis plus de vingt ans, voire trente ans, des hommes en général, refusent de laisser leur place, notamment aux femmes ou aux jeunes.

Par là même, le cumul nuit gravement au renouvellement de la classe dirigeante.

Ne se reconnaissant plus dans leurs élus, ni dans les candidats qui sont toujours les mêmes, les citoyens finissent par déserter les élections !

Comment ne pas se plaindre de l’abstention croissante des citoyens ? En réalité, ils ne se désintéressent pas de la politique, au contraire ! La raison de leur désaffection est qu’ils ne croient plus en leurs élus !

Parce que l’abstention constitue un danger pour nos démocraties, il est urgent de faire le ménage ! Ne pensez pas, monsieur Buffet, que le ménage soit trivial ; les femmes sont habituées à le faire ! (M. François-Noël Buffet lève les bras au ciel.)

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous livrer à présent trois réflexions sur la question du cumul des mandats.

Premièrement, le respect que nous devons inspirer aux citoyens et l’importance que nous portons à notre fonction et à la qualité de nos travaux passe, j’en suis convaincue, par une limitation du nombre des mandats.

On ne peut être maire d’une grande ville, engagé au quotidien sur le terrain auprès de ses administrés, et, dans le même temps, s’estimer être un parlementaire impliqué dans les travaux de la séance publique dans l’hémicycle pour tenter de répondre aux attentes des citoyens, à moins d’avoir le don d’ubiquité ! Cessons d’être hypocrites, les parlementaires ont conscience qu’ils ne peuvent pas être partout.

Soyons sérieux, acceptons la réalité : nous devons arrêter de cumuler plusieurs mandats exécutifs locaux avec un mandat de parlementaire national, car nous savons que nous ne pouvons exercer pleinement toutes les responsabilités liées à ces mandats ! Sauf à donner l’impression aux citoyens que nous ne cumulons qu’une chose : les indemnités, et c’est regrettable ! (M. Yvon Collin s’exclame.)

En procédant ainsi, on suscite l’antiparlementarisme et le populisme, terreau des extrémistes qui mettent à mal nos démocraties.

Le cumul des mandats dans le temps comme dans l’espace est une incitation à l’absentéisme parlementaire, dont se plaignent souvent nos concitoyens. Il est vrai que les médias ne nous font pas de cadeaux…

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

Mme Alima Boumediene-Thiery. … et l’image qu’ils donnent lors de certains débats parlementaires est souvent catastrophique : des parlementaires en flagrant délit de sieste, ou des travées vides ! (M. le président de la commission des lois s’exclame.)

À ce sujet, notre assemblée favorise en quelque sorte cet absentéisme : avec nos modes de scrutin, même les sièges vides peuvent voter ! Aucune sanction financière ne dissuade ceux qui manqueraient d’exercer leur mandat. Et si cette sanction est prévue, elle n’est malheureusement pas appliquée ! Notre règlement intérieur devrait pallier ce problème.

Ces artifices masquent difficilement la triste réalité. D’ailleurs, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est récemment saisie de cette question : nos collègues Dominique Voynet et François-Noël Buffet, qui savent de quoi ils parlent, publieront un rapport sur le sujet le 14 décembre prochain, rapport qui devait d’ailleurs, initialement, être remis le 26 octobre dernier, à la veille de l’examen de la présente proposition de loi organique. Je regrette qu’il n’ait pas été publié à la date prévue, car son contenu aurait pu nourrir le débat qui s’ouvre aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, selon nous, il est fondamental de limiter, de manière stricte, le cumul des mandats exécutifs. J’entends bien ceux et celles qui nous mettent en garde contre une « déconnexion éventuelle d’avec la réalité locale ». Mais, personnellement, je pense que l’on n’a pas besoin d’un mandat pour continuer à s’engager et à militer localement au quotidien, notamment dans des associations de proximité.

Avec ce texte, s’il est adopté, nous distinguerons nettement les fonctions exécutives locales et la fonction législative et, ce faisant, nous renforcerons les pouvoirs du Parlement.

De plus, un mandat de parlementaire national et un mandat local non exécutif me semblent largement suffisants, pour l’intérêt tant général que familial.

Deuxièmement, qu’on le reconnaisse ou non, le cumul de deux mandats pose le problème du conflit d’intérêts !

On ne peut pas représenter le peuple, et donc incarner l’intérêt général, et, en même temps, être élu d’un territoire dont on représente les intérêts spécifiques à l’échelon national.

Là encore, mettons fin à l’hypocrisie : est-il concevable de voter dans l’une des assemblées, en tant que parlementaire, le budget des collectivités territoriales, et d’en être le premier bénéficiaire en qualité d’élu local ? On ne peut être juge et partie ! Il faut savoir faire un choix entre des intérêts catégoriels et l’intérêt général.

Enfin, troisièmement, j’insisterai sur un élément, qui ne figure pas dans la proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui, mais qui devra s’imposer à un moment donné : pour être complet, le non-cumul entre la fonction exécutive et la fonction législative ne saurait omettre le non-cumul « dans le temps », en le limitant, par exemple, à deux ou trois mandats au maximum dans la même fonction.

Nous sommes convaincus qu’il s’agit là de la meilleure manière, avec le non-cumul des mandats dans « l’espace », de mettre en œuvre une meilleure représentation de la société dans nos institutions. Il est temps de permettre un renouvellement du personnel politique, sans quoi il n’y a pas de réelle représentativité de nos assemblées.

Le non-cumul des mandats électifs successifs dans le temps permettra de renouveler l’offre politique, en même temps qu’il contribuera à faire émerger des hommes et des femmes issus de toutes les diversités.

Pour être crédibles, nos assemblées doivent être à l’image de nos cours d’école. Tous nos concitoyens doivent se retrouver en nous ; c’est la seule manière d’acquérir leur confiance, de leur donner l’envie d’aller voter et d’être pleinement citoyens !

Notre législation a toujours été timide concernant le cumul des mandats. Il est donc urgent, aujourd’hui, d’affirmer avec force et vigueur l’impérieuse nécessité pour un parlementaire de consacrer son temps à la fonction législative, sans pour autant se déconnecter de la réalité locale.

C'est la raison pour laquelle les sénateurs et sénatrices Verts soutiennent ce texte et voteront en faveur de son adoption.

Mais nous sommes certains que, dans leur majorité, nos collègues parlementaires n’auront pas forcément le courage de renoncer à certains de leurs mandats. Il est essentiel de mener une réflexion sur ce statut qui, il faut le dire, est aujourd'hui trop rattaché à certains avantages. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission

Demande de renvoi à la commission

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale
Rappel au règlement (début)

M. le président. Je suis saisi par M. Gélard, au nom de la commission des lois, d’une motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi organique n° 697 (2009-2010) visant à interdire le cumul entre un mandat parlementaire et l’exercice d’une fonction exécutive locale.

J’indique d’ores et déjà que je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment ! Ils sont minoritaires !

M. Jean-Pierre Michel. Ils sont à l’Élysée !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous voulons savoir comment vous allez voter !

M. le président. Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

M. David Assouline. Il n’y a pas de débat ! Censure !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà expliqué, lors de la présentation de mon rapport, les raisons pour lesquelles je souhaite que cette proposition de loi organique fasse l’objet d’un renvoi à la commission.

Je dois dire qu’après avoir entendu au cours de la discussion générale les propositions formulées par les uns et les autres visant à améliorer le fonctionnement de nos institutions démocratiques, le renvoi à la commission s’impose encore plus. Il nous faut en effet approfondir notre réflexion sur les questions annexes qui ont été soulevées.

Madame Boumediene-Thiery, l’une des causes essentielles de l’absentéisme des parlementaires réside non pas dans le cumul des mandats, mais dans l’organisation de nos travaux parlementaires.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il suffit de regarder ce qui se passe à l’étranger pour voir que le Parlement français est le seul à travailler autant et aussi mal !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute à qui ?

M. Jean-Pierre Michel. La faute au Gouvernement ! Au Président de la République !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne m’appartient pas d’en juger, mes chers collègues, mais il faut que l’on se regarde dans le miroir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel est le pays où l’exécutif fait autant de lois ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez-moi terminer !

En outre, contrairement à ce qu’a dit M. Sueur, un renvoi à la commission n’équivaut pas à un enterrement.

M. Pierre-Yves Collombat. Notre collègue est un spécialiste de l’enterrement !

M. Patrice Gélard, rapporteur. La preuve en est que la proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants avait été renvoyée préalablement en commission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que cela a donné ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Autre texte ayant fait l’objet d’un renvoi à la commission, la proposition de loi de Mme Bricq relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance.

M. Jean-Pierre Michel. Arrêtez, croque-morts !

M. Patrice Gélard, rapporteur. De même, la proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution avait été renvoyée en commission avec l’engagement du président de la commission des lois de la reprendre si le Gouvernement ne déposait pas, dans un délai raisonnable, un texte allant en ce sens.

Tous ces exemples démontrent que le renvoi à la commission est, au contraire, un moyen de relancer la discussion sur un texte intéressant et important (M. Simon Sutour s’exclame.), en y adjoignant toute une série d’éléments qui n’ont pas été pris en considération dans la proposition de loi initiale.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous vous engagez donc à présenter un nouveau texte ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Enfin, mes chers collègues, je vous rends service en défendant une motion tendant au renvoi à la commission. En effet, il n’était pas admissible que tous les parlementaires actuellement en exercice soient exclus du champ d’application de cette proposition de loi organique.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais vous pouviez l’améliorer ! Vous avez le droit d’amendement !

M. Jean-Pierre Michel. La messe de requiem est dite !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, contre la motion.

M. Jean-Pierre Bel. En présentant cette proposition de loi organique, j’ai développé un certain nombre d’arguments. En retour, j’ai bien entendu les objections qui m’ont été opposées, notamment par le rapporteur, M. Gélard.

Si vous le permettez, j’aimerais tout d’abord revenir sur la déconnexion, évoquée tout à l'heure par certains, entre le mandat de parlementaire et la réalité du terrain, s’agissant notamment de la connaissance des collectivités locales et territoriales.

Je suis actuellement titulaire d’un mandat unique – nous sommes un certain nombre à être dans ce cas.

J’ai été maire d’une commune de 83 habitants pendant près de vingt ans, puis maire d’une commune plus importante, la troisième de mon département. Comme l’a souligné notre collègue Yves Détraigne, c’est une fonction élective très absorbante dans la mesure où elle oblige le maire à prendre connaissance de tous ses aspects.

J’ai également été conseiller général, conseiller régional, et j’ai participé à des campagnes électorales européennes.

Aujourd'hui, je suis responsable de l’association des élus de mon département, une instance qui existe dans la plupart des départements et qui correspond à une évolution du statut de l’association des maires, tout parlementaire pouvant y siéger à part entière.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est un quasi-cumul !

M. Jean-Pierre Bel. À ce titre, il m’arrive très fréquemment, voire hebdomadairement, de réunir des maires pour évoquer, certes, l’évolution législative, mais aussi des situations concrètes.

Croyez-vous, mes chers collègues, que je me sente déconnecté des sujets que nous abordons dans cet hémicycle ? Pas du tout ! Par conséquent, à mon sens, il est tout à fait possible de n’exercer qu’un seul mandat et de rester très proche des réalités de terrain.

Monsieur le rapporteur, j’en viens maintenant à votre motion tendant au renvoi à la commission.

Un renvoi à la commission signifie que le sujet doit être débattu, approfondi. Or, si je ne me trompe, le débat relatif au statut de l’élu remonte à plusieurs décennies.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela a progressé !

M. Jean-Pierre Bel. Au début des années quatre-vingt déjà, les premiers rapports sur le sujet ont été élaborés, notamment le rapport Debarge, qui ont permis à chacun de s’exprimer sur les mandats des élus politiques.

Par ailleurs, n’avons-nous pas eu, en 2000, un débat assez vif ici même, au sein de cette assemblée ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Pierre Bel. En outre, dans les lois qui ont précédé celle de 2000, nous avons abordé la question du cumul des mandats. Le gouvernement de Lionel Jospin avait même proposé de mettre en place un régime d’incompatibilité entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale.

Tout cela s’est passé voilà dix ans, monsieur le rapporteur ! Et tout au long de ces dix ans, nous avons eu aussi d’autres rendez-vous sur le sujet.

Or vous nous dites aujourd’hui que nous avons insuffisamment creusé la question !

Lorsque vous défendez les projets de loi, vous avez une façon manichéenne de vous adresser à nous. Vous nous reprochez de toujours vouloir attendre, d’être des immobilistes, alors que vous seriez, vous, les défenseurs de la réforme ! Mais dès que nous émettons des propositions pour aller plus loin et faire avancer les choses, vous faites en permanence tout pour les retarder. Lors de l’examen de la loi portant réforme des retraites, vous nous avez accusés de faire de l’obstruction avant même que nous n’ayons dit un mot ! Cet argument, vous le répétez sans cesse : il y a, d’un côté, ceux qui cherchent à gagner du temps et pour lesquels la réforme importe peu, et, de l’autre, ceux qui seraient, au contraire, les moteurs du progrès dans ce domaine.

Monsieur le rapporteur, je vous retourne le même argument. Pourquoi ces atermoiements ? Pourquoi cette hypocrisie sur le sujet, phénomène général que vous-même avez reconnu ? Pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons traiter dès aujourd’hui ?

Je crois que les Français sont parfaitement mûrs pour faire avancer les choses, bien que leurs propos puissent parfois sembler contradictoires. Il est vraiment temps de leur donner un signe limpide, clair, transparent et simple en rendant aux parlementaires la possibilité d’exercer pleinement leur mandat.

Si vous ne voulez pas traiter dès aujourd’hui cette question qui est au cœur de la vie démocratique, elle sera reprise très rapidement, notamment par ceux que nous représentons.

J’invite donc l’ensemble de nos collègues, très nombreux dans cette enceinte ce matin, à ne pas voter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Michel. Le ministre qui va répondre est aussi président d’un conseil général ! Voilà le type même du conflit d’intérêts !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, vous devez savoir ce qu’il en est. Depuis que vous êtes élu, vous avez eu le temps de voir tous les conflits d’intérêts possibles et imaginables et je pense qu’au sein de votre groupe, un certain nombre de sénateurs sont aussi dans cette situation !

Au cours de ce débat, des arguments intéressants ont été avancés, qu’il ne faut pas balayer d’un revers de la main.

Le renvoi à la commission répond à deux objectifs.

Premièrement, le texte qui nous est soumis souffre lui-même d’un certain nombre d’imperfections, ne serait-ce que d’ordre technique.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela peut être réglé rapidement !

M. Michel Mercier, ministre. Justement, le renvoi à la commission est là pour cela !

Parler d’hypocrisie, c’est vrai, …

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison ! C’est une bonne phrase !

M. Michel Mercier, ministre. … mais réserver l’interdiction du cumul aux futurs élus et ne pas l’appliquer à ceux qui sont en poste est aussi une forme d’hypocrisie assez forte !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela peut être réglé en huit jours ! Le Gouvernement peut encore déposer des amendements !

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, il est dommage que vous n’ayez pas réglé ce point avant. En tout état de cause, le renvoi à la commission vous permettra justement de le faire.

Deuxièmement, le renvoi à la commission sera aussi l’occasion de préciser la notion d’exécutif et d’aborder le cas, qui existe également, du cumul des fonctions exécutives.

M. David Assouline. Si vous voulez aller plus loin, amendez !

M. Michel Mercier, ministre. Je rappelle que deux projets de loi sur ces sujets sont déposés sur le bureau du Sénat et devraient venir prochainement en discussion au sein de votre assemblée : le projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et le projet de loi n° 62, relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale.

Par ailleurs, un projet de loi organique relatif à l’élection des députés, portant notamment sur le régime des incompatibilités de ces derniers, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Nous pourrons donc, à l’occasion de l’examen de ces trois textes, revoir les questions que nous évoquons.

M. David Assouline. Diversion ! Pour la réforme des retraites, deux mois ont suffi !

M. Michel Mercier, ministre. Je souhaite, pour ma part, que la commission des lois ait une vue d’ensemble complète, afin de présenter un rapport sur tous les problèmes abordés au travers de la présente proposition de loi, ainsi que des textes que je viens de mentionner.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à la motion tendant au renvoi à la commission.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

J’ai été saisi, je le rappelle, d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 91 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 197
Contre 139

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

M. David Assouline. Le Sénat est encore censuré ! Il l’est tous les jours ! Nous devenons une chambre dérangeante !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour un rappel au règlement.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale
Rappel au règlement (fin)

M. Philippe Adnot. Je souhaite faire ce rappel au règlement, car je considère que M. le ministre a introduit un élément nouveau dont nous n’avions pas connaissance et qu’il aurait mieux valu, pour voter, que nous ayons la confirmation ou non de ce qu’il nous a dit.

En effet, il a dit tout à l'heure que le conseiller territorial ne pourrait pas être également parlementaire. On apprend ainsi que le maire d’une grande ville ou le président d’une agglomération pourra être parlementaire dans le contexte actuel, mais que les présidents de régions ou de conseils généraux, puisqu’ils deviendront conseillers territoriaux, ne pourront pas être parlementaires.

C’est un élément qui, de mon point de vue, aurait mérité d’être explicité avant que nous ne votions, parce qu’il change un peu les choses.

Je me permets d’ajouter, monsieur le président, bien que les explications de vote ne soient pas admises, qu’étant pour ma part résolument contre cette proposition de loi organique, j’étais défavorable au renvoi du texte à la commission, car il aurait fallu rejeter le texte dès aujourd'hui.

M. David Assouline. Vous êtes pour le cumul ! Vous êtes franc !

M. Philippe Adnot. Non, mon cher collègue, il ne s’agit pas de cela. Selon moi, le mandat local est parfaitement complémentaire du mandat national. Cette complémentarité permet d’enrichir la démocratie.

En tout état de cause, j’aimerais que M. le ministre nous donne confirmation ou non de l’élément nouveau qu’il a introduit tout à l’heure, et que la lecture du compte rendu de nos débats montrera.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre. Monsieur le sénateur, c’est bien volontiers que je vous apporte la précision que vous demandez, bien que vous connaissiez déjà la réponse.

Pour avoir été très présent lors du débat sur le texte de réforme des collectivités territoriales, vous devez vous souvenir en effet que les ministres, notamment M. Marleix, ont rappelé à plusieurs reprises que le mandat de conseiller territorial était un seul mandat, et non plusieurs mandats. Cela donne donc juridiquement toute possibilité au conseiller territorial, que vous serez certainement, d’être candidat et réélu sénateur !

M. Michel Mercier, ministre. Je suis heureux que M. Assouline émette un « ah » avant que je n’achève mes propos !

M. David Assouline. Ce n’est pas un « ah » d’approbation !

M. Michel Mercier, ministre. C’est certainement de la surprise ! (Sourires.)

J’ai simplement voulu dire que le temps du conseiller territorial ne serait pas le même que celui du conseiller général et que le conseiller territorial devrait aussi se consacrer à son mandat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela s’obscurcit !

M. Michel Mercier, ministre. Il peut y avoir ainsi de nouvelles façons d’aborder la question du cumul.

M. le président. Acte vous est donné, monsieur Adnot, de votre rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale
 

5

Nomination d’un membre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté la candidature de M. Charles Guené pour remplacer M. Alain Lambert, dont le mandat sénatorial a cessé, au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Charles Guené membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux oeuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle
Discussion générale (suite)

Œuvres visuelles orphelines

Adoption d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel et Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron et Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste (proposition n° 441 [2009-2010), rapport n° 52) (demande du groupe socialiste).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux oeuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle
Article 1er

Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat n’est pas insensible aux droits du créateur et de la photographie. Il s’est d’ailleurs exprimé il y a quelques semaines sur la réalisation des photos d’identité dans les mairies et son impact dommageable pour les artisans photographes installés dans nos villes, profession en proie à de nombreuses difficultés. Ce sujet avait été abordé en commission des finances sur l’initiative de Mme Michèle André et de M. Philippe Marini.

Le choix du Sénat de donner à voir de grands tirages sur les grilles du jardin du Luxembourg, contribue à la diffusion et à la démocratisation de la photographie auprès du grand public. L’exposition de Yann Arthus-Bertrand a été vue par plus de deux millions de visiteurs.

Le métier de photoreporter fait rêver beaucoup de jeunes et ces ambitions font souvent la fierté des parents. L’empathie des Français pour Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, auxquels nous pensons, serait la même pour des preneurs d’images, car nous avons besoin de leurs photographies et de leurs reportages. Ils sont nos yeux sur le monde. Nous leur devons solidarité.

L’engouement pour cette profession dans ses multiples facettes ne doit pas faire oublier les grandes difficultés auxquelles elle est confrontée.

Pour des raisons d’économies, de nombreux titres de presse n’ont plus de service propre sur l’image. Des collectifs ont disparu, comme l’Œil Public. Des agences se sont trouvées en redressement judiciaire, notamment Rapho, Gamma, Explorer.

Des photothèques complètes ont été rachetées, au risque que la gestion des œuvres ne se fasse pas dans le respect des droits d’auteur.

Le passage au numérique a certes éliminé la pellicule, le développement, le tirage, la matière chimique associée à ce procédé. Cependant, le nouveau matériel requis est particulièrement coûteux : 3 000 euros pour un boîtier, 1 500 euros pour un objectif, 2 000 euros pour un grand angle et 5 000 euros pour un bon téléobjectif. Or, comme les ordinateurs, ce matériel évolue à un rythme rapide et devient vite obsolète.

N’oublions pas non plus l’acquisition d’une multitude de logiciels à plus de 1 000 euros et leurs versions successives. L’archivage des données numériques exige en effet de grandes capacités de mémoire, qu’il faut doubler, puisqu’il est recommandé de garantir leur intégrité en les changeant de support tous les ans.

L’investissement de départ a donc été multiplié par trois sans que les commandes de reportage ou les prix de l’utilisation d’une image aient évolué, au contraire ! De plus, le métier a changé : de preneur de vue, le photographe est également devenu informaticien, tireur et chromiste à domicile.

Dans ce contexte, l’objet de cette proposition de loi est très modeste : mettre un terme aux pratiques opportunistes, cyniques ou simplement négligentes de certains éditeurs.

Quand une photographie est publiée, le droit moral de l’auteur se traduit par la mention de son nom ; son droit patrimonial se traduit par une rémunération. En outre, la cession n’est pas définitive, l’usage en est précisé.

La mention « DR », droits réservés, recouvre pour partie le cas des œuvres dont l’éditeur ne connaît pas l’auteur.

Or, de plus en plus fréquemment, des photographies sont exploitées gratuitement, sous prétexte que les auteurs ou leurs ayants droit sont inconnus ou non identifiables. Loin de s’évertuer à chercher la signature possible, nombre de services utilisent cette facilité, par économie de temps et parfois de moyens. La commodité se transmet d’iconographes mal formés en stagiaires mal avertis dans le dialogue raccourci d’une grande banalité : « C’est qui le photographe ? Ne perds pas de temps, écris DR ! ».

Les exemples sont nombreux. Je pense à cette célèbre photographie, de Marc Riboud, d’une jeune fille tenant une fleur près de son visage face aux baïonnettes, récemment publiée dans un quotidien français, abusivement flanquée de la mention « DR ». Mais je pense également aux professionnels qui n’ont pas la même reconnaissance que Riboud ou Cartier-Bresson. Leurs reportages, leurs images sont leur création et leur source de revenu. C’est souvent le métier qu’ils ont choisi et dont ils veulent vivre. Ils se font spolier et priver de la rémunération due pour l’exploitation de leurs images, bien davantage que les auteurs de l’écrit. Il s’institue une concurrence fatale entre leurs œuvres vendues et leurs œuvres détournées et utilisées sans leur aval, donc gratuites.

Cette situation n’est pas anecdotique. Le suivi par l’Union des photographes professionnels pendant plusieurs semaines d’un célèbre hebdomadaire, pourtant réputé pour son goût de la culture, a abouti à un décompte moyen de 60 photographies avec la mention « DR » et 53 sans mention, sur 176 clichés au total. L’esprit du code de la propriété intellectuelle n’est plus respecté qu’à 38 % !

La proposition de loi que nous vous invitons à adopter vise à combler les lacunes de la législation actuelle. Nous parlons en effet ici d’un droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose dans son article 27 que « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ».

Dans l’état du droit, le fait de ne pas identifier l’auteur d’une photographie ne justifie absolument pas l’utilisation de la mention « droits réservés ». En effet, l’article L. 122–9 du code de la propriété intellectuelle prévoit seulement la possibilité de saisir un juge et de lui demander l’autorisation d’utiliser l’œuvre.

La mention « droits réservés » est devenue un moyen répandu de contourner la loi. Utilisée sans excès, elle aurait pu être protectrice des professionnels. Telle n’est pas la réalité.

Compter sur une procédure judiciaire qui ne permet pas une identification efficace des auteurs ou des ayants droit n’est pas tenable. En outre, le juge ne l’acceptera que si la demande est justifiée par un motif légitime. Par ailleurs, il exigera le versement d’une redevance au titre des droits d’auteur à une société de gestion collective des droits d’auteur.

La justice est encombrée. Elle est là pour régler les litiges, non pour faire de la gestion.

Face à la mention « DR », solution de facilité au mépris des droits attachés à l’œuvre, nous vous proposons un texte de clarification des principes par la définition et la promotion d’un dispositif simple de perception. Il est urgent de mettre fin au pillage !

L’article 1er de cette proposition de loi tend à inscrire au sein du code de la propriété intellectuelle une véritable définition de l’œuvre orpheline. Face au vide juridique actuel, il devient urgent de clarifier la situation afin que les auteurs ou leurs ayants droit puissent faire valoir les droits qui s’y attachent.

L’article 2 met en place de nouvelles dispositions pour l’exploitation des droits attachés à une œuvre visuelle orpheline.

Ainsi, il est prévu de confier la gestion de l’exploitation d’une œuvre visuelle orpheline à une société d’auteurs. Ce sera au ministère de la culture de l’agréer. Au demeurant, point n’est besoin de créer une nouvelle structure.

Cette société devra être en mesure de faire constater les utilisations illicites selon des règles qu’elle appliquera et de faire payer les usages abusifs. Elle se bornera aux œuvres visuelles orphelines, sinon elle deviendrait coresponsable de contrefaçon au préjudice des auteurs qui n’auraient pas été recherchés et elle risquerait de perdre son agrément.

La gestion collective obligatoire apporte une véritable sécurité : elle permet de valoriser l’usage des photographies orphelines et évite une collecte individuelle par les titulaires des droits de la rémunération due. Il est en effet impossible à un photographe indépendant, en plus de ses reportages et de ses sélections, de feuilleter régulièrement la presse quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, ainsi que les livres, pour voir si l’un de ses clichés n’y figurerait pas, sans son autorisation.

Dès que les auteurs ou leurs ayants droit auront été identifiés, la société de gestion collective leur reversera les sommes récoltées. Un délai de prescription de dix ans laissera le temps aux auteurs de réclamer la part due pour la rémunération de leur œuvre. Ce délai peut être débattu. À défaut de trouver l’auteur, cette manne permettra le financement d’actions de formation ou d’aides à la création. Je pense que le commencement souhaitable serait de qualifier sa plateforme d’information, permettant de consulter les œuvres en attente.

En cas de découverte de l’auteur, il est prévu une procédure de réversion, qui mettra fin à l’obligation de gestion collective. Ce mécanisme apportera une nouvelle sécurité juridique non seulement à l’auteur, mais également à l’éditeur.

Cette proposition de loi a reçu le soutien d’un grand nombre de photographes professionnels comme Jane Evelyn Atwood, Sebastiao Salgado, William Klein ou Reza.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous pressons à leurs expositions à la Bibliothèque nationale, au Centre Pompidou, à la Villette. Ces manifestations sont soutenues par des fonds publics. La cohérence veut que l’on entende leur demande unanime.

Toute la profession s’est investie sur le sujet. La pétition a reçu 14 000 signatures, dont 5 000 de professionnels.

Certes, une directive, que le rapporteur nous annonce pour le 23 novembre, va arriver. Toutefois, on le sait, elle ne changera pas grand-chose pour l’avenir proche. Elle ne sera pas transposée avant plusieurs années, notamment parce qu’elle portera sur d’autres secteurs de la création tels que l’écrit et l’audiovisuel. De plus, l’instauration d’une gestion collective obligatoire suppose que soit pris en compte l’état des régimes juridiques applicables dans les États membres.

Souvenez-vous de la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Publiée en 2001, elle n’a été transposée qu’en 2006 avec la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI. Ce type de délai serait une catastrophe pour la photographie.

Sur d’autres sujets, bien plus graves, le président n’a-t-il pas répondu à la commission que point n’était besoin de transposer, puisque notre législation était déjà en cohérence avec les lignes de la directive ?

Depuis Beaumarchais, la France a toujours été en avance sur la définition et la protection des droits d’auteur, moraux ou patrimoniaux. Par effet bénéfique collatéral, l’attention du Sénat portée à la bibliothèque Richelieu ou à l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, a permis la conservation de tirages prestigieux. Nous devons, pièce par pièce, poursuivre dans cette voie qui honore la diversité culturelle.

Mes chers collègues, nous nous sommes opposés sur la loi DADVSI, et même sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI. Nous voulions tous protéger les auteurs, les uns à tout prix – vous en étiez monsieur le président de la commission et monsieur le rapporteur –, …

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. En effet !

Mme Marie-Christine Blandin. … les autres, dont j’étais, pensant que l’on prenait des risques au regard des libertés individuelles ou de la fluidité de la culture.

Même dans cette tourmente, la commission des affaires culturelles avait, à l’époque, émis un avis favorable sur mon amendement visant à supprimer un cavalier douteux dans la loi DADVSI, amendement par lequel je proposais que les images dont le sujet central n’est pas celui de l’article ne donnent plus lieu à droit d’auteur. Il y avait eu unanimité pour défendre les photographes !

Cette fois-ci, un nouveau consensus, plus large, est possible.

Nous avons reçu des alertes fondées : bibliothèques et archives. Les décrets pourront veiller à la bonne exécution de leur mission d’intérêt public.

Nous avons également reçu des alertes reposant sur des malentendus : jeunes internautes convaincus que le dispositif allait les empêcher de céder des photographies à leurs sites amis. Rassurons-les, une image identifiée par son auteur, et dont l’auteur manifeste sa volonté de ne pas être rémunéré, ne relèvera pas de l’œuvre orpheline : elle sera de père ou de mère connu, et même de père ou de mère généreux. Ni les échanges familiaux ni la coproduction bénévole, laquelle enrichit le bien commun comme cela se fait dans l’écrit pour la pédagogie des mathématiques, ne sont menacés par ce texte. Ces espaces font lien et sont protégés.

La photographie, pour sa part, a réussi ce qui est encore une difficulté pour le théâtre ou pour la danse : elle a créé un continuum entre amateurs, spectateurs, praticiens et création professionnelle. Le numérique en a été l’outil facilitateur. C’est à nous de garder cette fluidité féconde, tout en protégeant la profession, au plus grand intérêt de la qualité, du travail dans la durée, de l’information et de l’art.

Nous achevons à peine l’examen du texte portant réforme des retraites. L’hémicycle est désormais un peu plus clairsemé. Nous sommes maintenant dans une semaine d’initiative sénatoriale, qui permet de débattre sereinement de sujets aussi divers que variés. J’espère de tout cœur que ce texte recevra un avis favorable, particulièrement de votre part, monsieur le ministre, dont l’intérêt pour les arts et l’image est connu.

Le temps nous étant compté, je m’arrête ici afin que le vote puisse avoir lieu avant treize heures, sinon l’examen de ce texte sera reporté sine die ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Humbert, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’initiative de notre collègue Marie-Christine Blandin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative aux œuvres visuelles dites « orphelines ».

Avant de vous présenter la position de la commission de la culture, je veux saluer la détermination de Mme Blandin, qui nous a permis de prendre conscience de la situation des photographes professionnels et des enjeux du secteur de la photographie, notamment au regard des règles du droit de la propriété littéraire et artistique.

L’œuvre orpheline, qui n’est pas définie dans le code de la propriété intellectuelle, est une œuvre dont on ne retrouve pas l’auteur ou l’ayant droit qui, par définition, ne peut donner son consentement. Elle n’est donc, en théorie, pas exploitable. Mais la réalité peut être bien différente, notamment dans le secteur de la photographie.

C’est d’ailleurs pour réagir au constat de pratiques abusives au regard du droit de la propriété intellectuelle dans ce secteur qu’est née la volonté de déposer la présente proposition de loi. Tous les professionnels du secteur de la presse partagent ce constat : la situation est celle d’une banalisation inacceptable du recours à la mention « droits réservés » ou « DR » en lieu et place du nom de l’auteur de la photographie.

La commission de la culture ne peut que souscrire à cette analyse. Elle souhaite affirmer sa volonté de traiter ce sujet avec sérieux et détermination. Évidemment, comme le soulignait Mme Blandin, la photographie a toute sa place dans la culture et il ne serait pas acceptable d’en négliger les enjeux. Cependant, si nous partageons le constat dressé par les auteurs de cette proposition de loi, nous sommes plus que réservés sur les solutions qu’ils proposent. Nous pensons surtout qu’il est trop tôt pour se prononcer sur les contours politiques du système qui sera choisi pour traiter le cas des œuvres orphelines.

Une fois le constat dressé, le premier réflexe est d’envisager le préjudice moral et patrimonial subi par les photographes dont on utilise les œuvres. La mention « DR », que certains appellent non sans humour « droit à rien », prive le photographe non seulement du droit au respect de son nom et de son œuvre, mais aussi d’une juste rémunération de l’exploitation de son œuvre, c’est-à-dire de son droit patrimonial.

Cependant, les « droits réservés » recouvrent en fait des situations bien différentes qui n’ont pas nécessairement les mêmes conséquences sur les droits patrimoniaux des photographes. Les « droits réservés » concernent aussi bien des photographies de célébrités dites people, pour lesquelles photographes comme agences requièrent l’anonymat ; des photographies institutionnelles ou promotionnelles mises gracieusement à disposition dans les dossiers de presse, dont les auteurs sont en général rémunérés soit forfaitairement soit en qualité de salariés ; des photographies gratuites ou à très bas prix circulant sur Internet ; enfin, bien évidemment, des œuvres dont on n’a pas retrouvé le ou les ayants droit, c'est-à-dire des œuvres orphelines. Mais, d’après les personnes que nous avons auditionnées, ces dernières ne représenteraient que 3 % à 20 % des « DR ».

Ainsi, toute législation sur les œuvres orphelines vise un objectif qui dépasse la lutte contre la dérive de l’usage des « droits réservés », même si elle peut avoir un « effet vertueux », comme le souligne un récent rapport de l’inspection générale des affaires culturelles sur le photojournalisme.

D’ailleurs, la réflexion sur le traitement des œuvres orphelines est née avec l’émergence d’un débat bien plus large : celui de la numérisation du patrimoine écrit qui concerne la France mais aussi l’Union européenne, dont Europeana incarne la naissance du projet de bibliothèque numérique. Cela explique la mobilisation de la Commission européenne sur le sujet des œuvres orphelines, car le patrimoine comprend bien évidemment des œuvres dont on ne connaît pas les ayants droit et dont la numérisation et l’exploitation sont aujourd’hui bloquées.

Nous sommes face à un dilemme juridique entre, d’un côté, la valorisation du patrimoine, une meilleure accessibilité de la culture au plus grand nombre et, de l’autre, la prudence qu’impose toute dérogation au droit de la propriété intellectuelle. C’est parce qu’il s’agit de concilier deux objectifs a priori antagonistes que l’exercice est délicat. D’ailleurs, la Commission européenne, après une réflexion lancée en 2006, a travaillé à l’élaboration d’un projet de directive dont la présentation est imminente. Les grandes orientations européennes en la matière seront alors dévoilées, et nous connaîtrons la logique qui permettra d’autoriser l’exploitation des œuvres orphelines sur la base d’un système de reconnaissance mutuelle entre les États membres de l’Union européenne.

Parallèlement à cette mobilisation européenne, la commission des œuvres orphelines du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, a rendu un avis en mars 2008. Son rapport met en évidence les points de vigilance à garder à l’esprit, propose une définition des œuvres orphelines et suggère une réforme législative pour recourir à la gestion collective obligatoire.

Finalement, la philosophie de ces travaux semble avoir guidé les auteurs de la présente proposition de loi. Cependant, il existe des différences notables dans la définition des œuvres orphelines, mais aussi dans l’approche sectorielle. Toutes les réflexions menées sur le sujet, à l’échelon tant national qu’européen, abordent conjointement les secteurs de l’écrit et de l’image fixe. C’est à la fois une approche pragmatique mais aussi une conception culturelle du livre, envisagé alors comme un tout, les images et le texte se complétant mutuellement.

Compte tenu des enjeux de numérisation du patrimoine écrit national, il semble étrange de n’envisager de légiférer que sur les seules œuvres visuelles. En pareil cas, l’exploitation des images contenues dans des ouvrages orphelins serait bloquée, ou alors cela pourrait donner des idées d’utilisation qui rompraient avec la logique de l’unité de l’œuvre écrite.

Notre commission a choisi de ne pas élargir le champ de cette proposition de loi au secteur de l’écrit, car elle pense, comme tous les acteurs entendus sur le sujet, que cela serait prématuré, de nombreux débats n’ayant pas encore été tranchés.

D’ailleurs, les questions soulevées par le système de gestion collective proposé à l’article 2 du présent texte semblent également loin d’avoir trouvé une réponse. Sans entrer dans le détail, permettez-moi tout de même d’évoquer plusieurs difficultés soulignées lors des auditions.

Concernant les délais d’autorisation d’exploitation, ne devrait-on pas fixer des durées maximales d’autorisation d’exploitation des œuvres orphelines, à définir en fonction des secteurs ou des utilisations en contrepartie du système dérogatoire proposé ?

De tels délais ne seraient-ils pas une garantie plus satisfaisante pour les ayants droit qui se manifesteraient, plutôt que la caducité des autorisations en cours proposée dans le texte ?

Comment éviter une confusion des rôles des sociétés de gestion collective qui, d’après la rédaction proposée, pourraient être juge et partie et avoir tendance à favoriser la reconnaissance du plus grand nombre d’œuvres orphelines possible afin d’en gérer les droits patrimoniaux ?

Comment s’assurer, enfin, que les barèmes établis ne favorisent pas une concurrence déloyale au profit des œuvres orphelines ?

Là encore, il semble prématuré de vouloir répondre à ces questions dans les délais qui nous sont impartis pour cette première lecture.

Je pourrais résumer mon propos et la position de la commission de la culture en trois points.

Premièrement, les « droits réservés » constituent un vrai sujet qu’il convient de traiter. Nous sommes désormais tous à l’œuvre pour trouver des solutions à ce problème, qui est d’ailleurs devenu l’un des thèmes abordés par les professionnels du secteur de la presse et par le ministère de la culture depuis le dernier festival Visa pour l’image, de Perpignan.

Deuxièmement, la proposition de loi semble aller bien au-delà de la problématique des « droits réservés », sans pour autant aller jusqu’au bout de la logique d’une législation sur les œuvres orphelines. Il serait hasardeux de légiférer sur les œuvres visuelles sans avoir tranché certaines questions qui concernent également le secteur de l’écrit.

Troisièmement, dans ces conditions, la commission de la culture a jugé préférable de ne pas adopter aujourd’hui l’ensemble de la proposition de loi, en particulier les articles 2 et 3 instaurant un système de gestion collective. Elle proposera néanmoins un amendement à l’article 1er visant à donner une définition plus fine des œuvres orphelines et à créer le cadre approprié de définition des critères permettant de l’appliquer.

Nous aurons ainsi jeté ensemble, avec les auteurs de cette proposition de loi, les bases d’une loi qui marquera très certainement une étape décisive dans l’élaboration du droit de la propriété intellectuelle. Nous serons évidemment attentifs aux travaux qui permettront d’enrichir ce texte au cours de la navette parlementaire et qui offriront l’occasion aux différents acteurs, à savoir les auteurs, les éditeurs, les pouvoirs publics, de trancher les nombreuses questions ainsi soulevées. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication Jacques Legendre, madame la sénatrice Marie-Christine Blandin, monsieur le rapporteur Jean-François Humbert, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un sujet d’engagement majeur du ministère de la culture et de la communication qui nous réunit aujourd’hui au Sénat autour de cette proposition de loi.

L’intérêt supérieur du journalisme, dans lequel j’inscris naturellement les photojournalistes, justifie une approche globale et mûrement réfléchie sur toutes les questions liées à l’économie du photojournalisme.

Je me suis exprimé à diverses reprises sur le sujet, à Arles à l’occasion des Rencontres internationales de la photographie, à Perpignan à l’occasion du festival Visa pour l’image, et j’ai déjà dessiné les grandes orientations d’une politique volontariste dans ce domaine depuis plus d’un an. Madame la sénatrice Marie-Christine Blandin, vous avez eu la bienveillance d’évoquer mon implication personnelle dans le domaine de la photographie ; je pense en particulier au travail que j’avais réalisé sur l’agence Rapho.

Vous le savez, la France a une longue tradition dans le domaine de la photographie. Sans remonter à l’invention de la photographie par Louis Daguerre et Nicéphore Niépce au début du XIXsiècle, force est de constater que les plus grandes agences de presse photographiques ont été françaises et que nous conservons encore dans ce domaine un savoir-faire et une notoriété internationale considérables.

Le photojournalisme gagne ses lettres de noblesse avec la naissance de grands magazines d’informations dont Match en 1938 ou Vu en 1928. La décennie suivante, leurs équivalents voient le jour aux États-Unis avec Life et Look. Ces magazines innovent dans la manière de raconter les faits en décidant de recourir à la photographie pour montrer, témoigner toujours, accuser parfois. Cette forme de journalisme moderne commence à prendre de l’ampleur lors de la guerre d’Espagne et ne fera que se développer à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

En 1947, l’agence Magnum est créée aux États-Unis : un de ses fondateurs, aux côtés de Robert Capa et de David Seymour, est un Français, Henri Cartier-Bresson.

À partir des années soixante, Paris devient un carrefour incontournable pour les photographes de presse du monde entier. L’agence Gamma est créée en 1966 par Raymond Depardon et le très regretté Gilles Caron.

En 1973, l’ancien directeur de Gamma, Hubert Henrotte, crée l’agence Sygma.

Ce sont les Trente glorieuses de la photographie, l’époque où les magazines publient des grands reportages sur les conflits nés de la décolonisation ou de la bipolarisation du monde, sur les sujets de société, à l’image de l’œuvre de Sebastiao Salgado sur l’homme et le travail. Les photographes laissent alors leurs négatifs et leurs planches-contacts en dépôt dans les agences. Celles-ci se chargent de leur commercialisation, puis de la rémunération de leurs auteurs.

Progressivement, la structure des agences photos évolue, car de nombreux photographes optent pour le statut de salariés et acceptent que des sujets leur soient imposés. Leur nombre se multiplie et de petites agences spécialisées apparaissent.

Mais aujourd’hui, les effets de la crise que traverse le secteur affectent aussi les grands magazines de photos, ce qui les conduit à faire des choix économiques qui ne sont pas toujours favorables aux photojournalistes et à leurs lecteurs. Une idée, très contestable, circule : la photo ne fait plus vendre un journal. Le changement de devise du journal Paris Match illustre particulièrement ce propos et résume l’évolution de sa politique éditoriale. En 2006, il abandonne sa devise historique « le poids des mots, le choc des photos » au profit de la devise « la vie est une histoire vraie ». Un signe des temps !

Il m’a paru opportun de faire ce bref rappel historique pour vous dire combien je suis attentif à la situation actuelle du photojournalisme. Dans mon parcours professionnel, dans les documentaires que j’ai réalisés, j’ai moi-même travaillé étroitement avec plusieurs grands noms de la photographie française et internationale. Cette profession représente selon moi un enjeu majeur pour la liberté d’expression, le pluralisme démocratique, la diversité des opinions et le droit à l’information. Elle est aussi un atout pour la vitalité éditoriale de la presse française.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation actuelle s’est considérablement dégradée. À l’instar du reste de la presse, et pour des raisons sans doute différentes, le photojournalisme traverse une crise grave et inquiétante.

Les agences de presse photos rencontrent des difficultés chroniques, comme l’illustrent des exemples récents : après la fermeture de l’agence l’Œil public et la liquidation du groupe Eyedea, puis sa reprise partielle par M. François Lochon, ancien directeur de Gamma, l’agence Sygma, l’une des agences de photojournalisme les plus importantes, rachetée en 1999 par le groupe Corbis, a été placée en liquidation judiciaire au mois de mai dernier.

Aujourd’hui, le marché mondial de la photo est guidé par une nouvelle génération d’agences qui pratiquent une politique tarifaire prédatrice, face à laquelle les agences et les photographes français peinent à lutter. Par ailleurs, on constate que, dans les rédactions, la force de l’écrit l’emporte souvent sur celle de l’image, alors même que cette dernière a une véritable valeur éditoriale.

Plusieurs raisons expliquent ces difficultés spécifiques du métier de photojournaliste : difficultés économiques et sociales liées à la crise que traverse la presse, émergence de nouvelles concurrences, explosion d’une offre portée par la photo amateur. Cette évolution provoque une profonde déstabilisation des équilibres d’une profession déjà fragilisée.

En effet, la démocratisation numérique facilite le partage des images. Elle rend plus aisée leur circulation et leur mise à disposition d’acquéreurs potentiels par une diffusion sur Internet. Cette technologie permet aux professionnels, mais aussi aux amateurs, de présenter leurs photos sur des réseaux mondiaux. Des sites se sont créés pour collecter ces photos et les proposer à la vente.

La concurrence de sites en ligne qui proposent à très bas prix les photos – Citizenside ou Fotolia, par exemple – crée une tension sur le marché et introduit l’idée erronée que la photo a peu de valeur et que toutes les photos se valent, celles du professionnel comme celles de l’amateur. Face à la multiplication des supports d’information, dans une société soumise à un bombardement incessant d’images, les magazines semblent aujourd’hui préférer l’instantané, qui illustre ponctuellement un événement ou une personnalité médiatique, plutôt que la photographie élaborée avec patience, précision et, souvent, avec un engagement personnel considérable, que l’on mesure malheureusement mal.

En d’autres termes, la photographie risque de devenir un objet anonyme, intrinsèquement lié à notre quotidien, en quelque sorte banalisé. Elle a perdu sa dimension créative : la rencontre d’un œil et d’un fait, celle qui fait dire à Roland Barthes que ce qu’elle « reproduit à l’infini n’a lieu qu’une fois ».

Face à cette nouvelle réalité, le recours à la mention « droits réservés » est porteur de risques considérables pour la profession. Sa banalisation ajoute encore aux difficultés que je viens de rappeler.

L’usage incontrôlé par certaines publications de presse de la mention « droits réservés » en lieu et place du crédit photo pose aujourd’hui problème. Si les libertés prises avec le code de la propriété intellectuelle ont été acceptées par les photojournalistes lorsqu’ils n’étaient pas confrontés à des difficultés économiques, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Cette situation n’est ni satisfaisante d’un point de vue juridique ni souhaitable d’un point de vue économique, a fortiori moral. Elle est ressentie comme une dépossession, comme un déni de la qualité du travail fourni.

Soyons précis : une photo qui comporte la mention « droits réservés », ou « DR », recoupe différentes utilisations. Elle n’est pas toujours synonyme de photo dite « orpheline », c’est-à-dire d’une photo dont les titulaires des droits n’ont pu être identifiés. Le rapport que j’ai moi-même diligenté auprès de l’Inspection générale des affaires culturelles a mis en évidence la diversité des usages en matière de droits réservés.

Dans de nombreux cas, il s’agit en réalité de photos données aux magazines par des entreprises présentant leurs nouveaux produits, par des chaînes de télévision souhaitant illustrer les programmes qu’elles diffusent, par des offices du tourisme faisant la promotion d’une région. Ces photos sont la plupart du temps extraites de dossiers de presse. Elles ne sont pas orphelines : leur auteur a vraisemblablement été rémunéré, mais il n’est pas fait mention de son nom dans le crédit.

Certains photographes, je pense notamment aux paparazzi, ne souhaitent pas que leur nom soit indiqué sous une photo de personnalité. On peut le comprendre. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas respecté le droit à l’image en sollicitant un accord avant toute prise de vue photographique.

Il convient d’ajouter les photos d’amateurs diffusées sur Internet sans restriction d’exploitation ou d’usage, sans indication du nom de l’auteur.

Enfin, je citerai les rédactions de journaux qui, pour des impératifs de bouclage du titre, ne prennent pas toujours le temps de vérifier le nom du photographe et pensent se couvrir en ajoutant la mention « DR » à côté de la photographie.

Cette situation de flou juridique et d’incertitude ne peut que rejaillir sur les photojournalistes et sur les conditions d’exercice de leur métier. Régler la question des « droits réservés » ne peut se faire sans l’adoption d’un code de bonne conduite, ainsi que l’a rappelé dans le récent rapport que j’ai déjà mentionné l’Inspection générale des affaires culturelles. Mais la question des « œuvres orphelines » dépasse très largement celle des droits réservés. C’est une priorité à laquelle il convient d’apporter une solution, mais cela ne peut se faire au détriment de la qualité et de la cohérence de la loi. Il importe surtout de promouvoir une approche transversale de la création et de la protection des auteurs à l’ère de la numérisation de masse.

C’est pourquoi il est légitime que la représentation nationale se saisisse d’un sujet qui engage si fortement la liberté et la qualité de l’information dans notre pays.

Je tiens ici à remercier les parlementaires qui ont pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Je vous confirme mon plein accord et mon assentiment afin que nous élaborions un texte qui permette une exploitation licite des œuvres orphelines, qui en organise la gestion collective et qui garantisse la transparence et la publicité dans la reconnaissance du caractère orphelin des œuvres concernées.

Cependant, je regrette que cette proposition de loi ne résolve pas encore toute la question posée par les photos publiées sous mention « DR ». Comme je viens de le rappeler, les origines de son utilisation sont multiples. S’il est judicieux de légiférer sur des images fixes de presse effectivement orphelines, il est aussi souhaitable de renvoyer à un code de bonne conduite les autres cas de photos comportant la mention « DR » afin d’en bannir l’utilisation abusive. Ce code aurait aussi l’avantage de susciter une prise de conscience salutaire.

Cette proposition de loi pose par ailleurs de très sérieuses questions quant à son champ d’application, qui doit être apprécié au regard du cadre constitutionnel français, du contexte juridique international et dans un souci de cohérence avec la doctrine française d’œuvre orpheline.

En outre, ce texte me semble arriver trop tôt dans le calendrier, car un projet de directive sur les œuvres orphelines est en cours d’élaboration par les services de la Commission européenne. Je souhaite soutenir une initiative législative – la loi française doit évoluer –, mais nous ne pouvons pas prendre le risque de voter un texte qui ne serait pas compatible avec une norme européenne. Le projet de la Commission doit être prochainement soumis au Conseil. Il devrait être connu à la fin du mois de novembre, si le calendrier annoncé est respecté.

Comme je m’y suis engagé à différentes reprises au cours de l’été, j’ai demandé à mes services d’élaborer un projet de texte qui sera soumis à la concertation, en lien avec les partenaires sociaux et, plus généralement, toutes les parties intéressées par le sujet. Cette concertation devrait s’engager tout prochainement.

Cette concertation sur tous les aspects de la question des droits réservés doit s’inscrire de manière cohérente au sein du code de la propriété intellectuelle et, comme l’avait suggéré le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, couvrir de manière homogène l’image fixe, particulièrement la photographie, mais aussi les œuvres de l’écrit, également soumises à des perspectives d’exploitation nouvelles du fait des avancées en matière de numérisation. Enfin, tout en renforçant les droits des auteurs, il s’agit d’apporter une sécurité juridique aux divers utilisateurs, notamment aux éditeurs, quels que soient les supports en jeu.

Je remercie donc vivement la commission pour le travail remarquable qui a été accompli et pour les propositions qu’elle a formulées. Si votre assemblée les confirme, la proposition de loi poursuivra son parcours au sein du Parlement, confirmant notre volonté partagée : trouver un cadre législatif durable, équilibré et efficace.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, mon ministère est pleinement engagé en faveur de la protection des droits et de la création dans le domaine de la photographie.

Je profite de cette occasion pour souligner combien l’avenir du photojournalisme dépend du redressement économique global de tous les acteurs, ainsi que du financement équilibré du travail des photojournalistes, étant entendu que le photojournalisme et le photoreportage recouvrent des notions complémentaires, mais pas identiques. Il est essentiel d’y réfléchir et d’effectuer toutes les concertations nécessaires pour mettre en œuvre les meilleures solutions.

Une action globale est nécessaire. Je prendrai pour exemple nos dernières initiatives prises dans le cadre des investissements d’avenir : c’est un outil que je souhaite mettre à contribution au service de la photographie et du photojournalisme. Sur le modèle de ce qui a été entrepris dans le domaine du cinéma ou du livre, je travaille actuellement à un projet de numérisation des fonds d’agences photographiques françaises. C’est un enjeu d’ordre économique, culturel et stratégique : il s’agit d’apporter aux détenteurs de ces fonds les moyens de valoriser une richesse patrimoniale, de la diffuser au travers de nouveaux supports et de développer ainsi une nouvelle économie numérique.

J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer : la photographie est une œuvre, dès lors qu’elle est originale, c’est-à-dire qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. Elle a donc une valeur.

À ce titre, il est légitime que cet auteur soit reconnu comme tel et qu’il puisse être rémunéré pour son activité. Sans cela, comment imaginer que le photojournalisme poursuive sa mission de témoignage et de mémoire pour les prochaines générations ? Milan Kundera le dit clairement dans L’Immortalité : « La mémoire ne filme pas, la mémoire photographie ». Le photojournalisme est un formidable réservoir de contenus, d’histoires vécues, qui ne cesse de s’enrichir : montrer, faire rêver, provoquer parfois, éveiller nos consciences toujours. C’est là son rôle, c’est là sa spécificité. Pour répondre aux enjeux d’une mondialisation parfois mal régulée, je suis persuadé qu’un lien fort doit exister entre information et culture. Cela suppose la diversité des approches, l’ouverture au monde, la liberté de voir et, bien évidemment, de faire voir. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la photographie, dans sa riche diversité, rencontre un engouement public qui ne se dément pas. Sur le marché de l’art, certains clichés atteignent des prix faramineux. Et pourtant nous assistons paradoxalement à une paupérisation des photographes professionnels qui ne fait que s’accentuer d’année en année, comme en témoigne la mise à mal de nombre d’agences ou de collectifs de photographes, dont beaucoup ont dû mettre la clé sous la porte malgré leur notoriété internationale.

C’est pourquoi cette proposition de loi, même si elle ne résout pas tout, est vraiment indispensable pour que le métier de photographe ne disparaisse pas, tant il est malmené aujourd’hui en raison notamment de la baisse des revenus liée à la spoliation des droits d’auteur.

Alors que notre société ne peut pas se passer de l’image, devenue omniprésente, comment accepter que l’on puisse bafouer les droits de ceux qui la produisent ? Comme pour la musique, la « culture de la gratuité » est une véritable calamité pour la photo. Et cette proposition de loi vise bien à stopper l’usage massif des images prises en ligne et exploitées sans l’accord de leur auteur ou des ayants droit.

Quelle que soit la nature de leurs activités, en effet très diversifiées, les photographes sont soumis aux pressions de tous les utilisateurs d’images, qu’ils soient privés ou institutionnels. Il est malheureusement devenu banal que des photos soient publiées à l’insu des photographes, bafouant ainsi le droit de la propriété littéraire et artistique. Bien trop de diffuseurs et d’éditeurs préfèrent passer outre l’étape de l’identification de l’auteur, ignorant ainsi à bon compte le respect du droit d’auteur, qui est – on ne le répétera jamais assez – un droit à la fois patrimonial et moral.

C’est pourquoi notre groupe est favorable à l’ensemble des dispositions de la présente proposition de loi, qui constitue une avancée considérable. Il est en effet nécessaire de prévoir sans tarder un dispositif permettant de rendre licites l’exploitation des œuvres visuelles orphelines et, par voie de conséquence, la gestion collective obligatoire des droits attachés à celles-ci.

Cette proposition de loi est un premier jalon, ce qui ne nous empêchera pas de légiférer, peut-être dans un deuxième temps, sur les œuvres orphelines écrites. Celles-ci aussi ont besoin d’un cadre légal et de la création d’une instance publique de gestion de leurs droits, comme je l’ai ardemment prôné lors du débat sur la numérisation des livres. Mais l’urgence aujourd’hui est bien d’avancer sur les images fixes, compte tenu des abus constatés, qui sont lourds de conséquence.

Ces dernières années, la photo, comme l’ensemble des disciplines artistiques, a été bouleversée par le développement du numérique et d’Internet. Mais indépendamment de ces facteurs technologiques, les violations du droit ont largement contribué à la précarisation des photographes professionnels. D’où l’importance de prévenir cette pratique de la mention DR, qui, comme le formule si bien le président de l’Union des photographes professionnels – cela a été rappelé –, est devenue synonyme de « droit à rien ».

Les rémunérations des photographes ont fortement chuté. La crise profonde que traversent les médias, et la presse en particulier, pousse à la remise en cause de la réutilisation des images. Il n’est pas acceptable que de plus en plus de diffuseurs imposent des contrats prédateurs aux auteurs. La logique aujourd’hui devenue dominante est celle de la cession totale des droits d’auteur au bénéfice du commanditaire. C’est un glissement vers le copyright nord-américain qui dénie notre code de la propriété intellectuelle. Les photographes sont de plus en plus contraints de renoncer à leurs droits d’auteur, dès lors que leur travail a été rétribué. C’est ainsi que nombre de photos publicitaires, promotionnelles, etc. deviennent orphelines, en trompe l’œil, en quelque sorte.

Et que dire de l’apparition de photothèques proposant des images « libres de droits », alors même que cette notion n’est pas légale en France ? Elles ont bien vocation à être traitées sous le régime juridique des œuvres orphelines.

Par ailleurs, il est particulièrement inquiétant que la quasi-totalité de la mémoire et du patrimoine visuels du monde soit devenue la propriété d’une poignée de multinationales. Monsieur le ministre, ces « banques d’images » portent bien leur nom : elles s’accaparent un maximum de droits d’exploitation des œuvres, concentrant ainsi le patrimoine iconographique mondial. Ce qu’elles achètent, ce n’est pas tant le support matériel que le monopole exclusif d’exploiter la mémoire collective de l’humanité !

De plus, les différents acteurs de l’édition ont trop tendance à se fournir en photos gratuites ou presque, au travers des services de presse, des agences de communication ou directement sur Internet via les plateformes d’échanges, ou encore en passant par des fonds « microstocks », qui proposent des photos à moins de 1 euro.

C’est pourquoi je me réjouis de la mobilisation des nombreux photographes qui ont travaillé sur la « charte de la photographie équitable », véritable vade-mecum éthique pour tous les usagers. C’est un outil pertinent, mais qui ne suffit pas, d’où toute l’importance d’adopter cette proposition de loi dans son intégralité.

Celle-ci est une première étape qui devrait améliorer les relations entre éditeurs et auteurs, avec des solutions équitables pour sortir de la tendance actuelle du tout gratuit.

Quand on parle d’œuvres visuelles, cela inclut également les œuvres graphiques ou d’illustration, le dessin, la reproduction d’œuvres d’art, notamment.

Il faudra, me semble-t-il, réfléchir à un dispositif permettant que les sommes collectées au titre de « l’auteur inconnu » ou « introuvable » puissent bénéficier prioritairement aux auteurs d’images fixes. Une partie des sommes collectées pourrait également être affectée à l’amélioration des outils d’identification des auteurs et de reconnaissance des images fixes.

En tout état de cause, une législation sur les œuvres orphelines est non seulement une priorité, mais aussi une urgence. On ne peut pas se permettre de remettre à plus tard un dispositif sous prétexte qu’un projet de directive européenne est en cours. On sait qu’il faudra plusieurs années pour transposer cette directive. Pendant ce temps, combien de photographes déjà fortement fragilisés vont disparaître ?

D’autant que cette loi est aussi attendue par les conservateurs d’archives et de bibliothèques, qui ont besoin de sécurité juridique à l’égard des œuvres orphelines dans le cadre de la numérisation de leurs fonds. Ils conviennent qu’il est tout à fait possible de concilier les droits des créateurs avec l’exigence d’un accès élargi du public à la culture.

En outre, les cas de censure et, par voie de conséquence, d’autocensure ne font que se multiplier, comme en témoignent, d’une part, les procès intentés à l’occasion de certaines expositions d’art visuel ou, d’autre part, les mesures « préventives » pour éviter d’éventuels recours devant la justice.

Pour parler franchement, je m’inquiète du fait que cette proposition de loi se trouvera en quelque sorte détricotée, seul l’article 1er étant sauvegardé, même si un article additionnel a été accepté tout à l’heure par notre commission.

Pour ma part, je reste convaincu que la non-adoption de certaines dispositions pourtant fondamentales revient à tarir la production d’images photographiques. En effet, il est essentiel d’aller au-delà de la définition de l’œuvre orpheline, car, sans avancée législative supplémentaire, nombre de photographes renonceront à leur métier, faute de pouvoir en vivre. Il nous revient de faire respecter leurs droits, auxquels s’attachent l’ensemble des articles de cette proposition de loi, même s’ils sont perfectibles.

S’ils n’apportent pas toutes les solutions à l’ensemble des difficultés évoquées, les articles 2 et 3 auront un impact certain et de réels effets vertueux, car ils contribuent à revaloriser un patrimoine aujourd’hui trop souvent vilipendé.

Vous comprendrez donc ma réserve devant un texte qui a été, pour une part, vidé de sa substance. Mais je n’ai pas voulu amender cette proposition de loi pour respect envers ses auteurs, auxquels je tiens à laisser tous leurs droits… (Sourires.)

Monsieur le ministre, j’ai bien noté votre engagement résolu pour faire de la photographie et aussi de la numérisation des œuvres de l’esprit des chantiers majeurs. D’ailleurs, le tee-shirt vous va très bien ! (Nouveaux sourires.)

Ce n’est qu’un début ; continuons le débat ! Le chantier est ouvert. J’espère qu’un jour viendra où les orphelinats visuels seront fermés ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la réunion de la commission le 20 octobre, plusieurs intervenants ont déploré que l’étude de cette proposition de loi ait été perturbée par des débats d’une tout autre nature nous ayant contraints à des horaires démentiels.

Ainsi, pour ma part, délégué par mon groupe pour assurer en séance les permanences de fin de semaine, je n’étais pas à Paris ce mercredi et je n’ai pas pu assister aux travaux de notre commission. Je n’en ai pas moins lu attentivement le texte proposé et les arguments développés par le rapporteur, et ils m’ont convaincu.

En les reprenant à mon compte, j’ai bien le sentiment d’enfoncer une porte ouverte et de ne rien vous apprendre. Mais si répétition il y a, elle ne prolongera que de quelques minutes ce débat. On sera loin des cent quarante-cinq heures du débat sur la réforme des retraites, dont nous sortons épuisés, mais vivants !

S’agissant de la proposition de loi qui nous est soumise, comme vous tous, je me félicite de cette initiative, qui honore leurs auteurs et répond, fût-ce partiellement, aux attentes des professionnels.

Néanmoins, il faut se garder de deux écueils à propos des œuvres orphelines, l’angélisme et la précipitation.

D’abord, gardons-nous d’un certain angélisme. On s’apitoie généralement sur un orphelin... Mais le fait de s’apitoyer sur lui ne doit pas masquer la diversité des situations et leurs complexités : il y a de vrais orphelins, des demi-orphelins et parfois même des faux orphelins.

La proposition de loi donne une définition : « L’œuvre orpheline est une œuvre dont le ou les titulaires des droits ne peuvent pas être déterminés, localisés ou joints, en dépit de recherches appropriées. »

Trois éléments caractérisent cette définition.

Il s’agit, d’abord, de l’existence d’un ou de plusieurs titulaires de droits. Cette précision est importante, car une œuvre peut être collective ou composite. Dans ce cas, il peut être possible de ne localiser qu’une partie des auteurs, ce qui rend l’œuvre partiellement orpheline.

Il s’agit, ensuite, de l’impossibilité de déterminer, de localiser ou de joindre ces titulaires.

Il s’agit, enfin, de la preuve que des recherches diligentes ont été effectuées.

Sans anticiper sur l’examen de l’amendement, je précise que je partage totalement l’avis selon lequel la phrase retenue est floue. En revanche, l’expression « avérées et sérieuses », recommandée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, semble adaptée.

En clair, pour nous garder de l’angélisme, disons clairement qui est orphelin, qui ne l’est qu’à moitié et qui ne l’est pas du tout.

Le texte de la proposition de loi ne traitant pas ce sujet, ce serait aux sociétés de gestion collective de l’apprécier. Il apparaît donc nécessaire qu’une instance paritaire représentative des auteurs et des utilisateurs soit chargée de définir les critères.

Ensuite, gardons-nous d’une certaine précipitation. La rédaction des articles 2 et 3 soulève plusieurs difficultés. Tout d’abord, leur champ d’application couvre non seulement les photographies, comme pourrait le laisser supposer l’exposé des motifs, mais aussi un ensemble d’œuvres protégées.

Plusieurs remarques peuvent être formulées :

D’abord, outre le fait que la proposition de loi aurait pu mentionner la notion d’image fixe, l’étendue du champ paraît large au regard du caractère dérogatoire du dispositif proposé. Par ailleurs, il n’a pas été constaté de phénomène d’orphelinat, par exemple pour des œuvres relevant de l’architecture ou de la peinture.

Des questions telles que le reversement des droits en cascade, qui pourraient se révéler nécessaires, n’ont pas été tranchées.

Ensuite, la commission estime qu’il serait prudent d’appréhender toutes les questions relatives aux œuvres orphelines pour les secteurs de l’écrit et de l’image fixe, mais qu’il serait évidemment prématuré d’englober dès à présent le secteur de l’écrit.

Par ailleurs, le fonctionnement des sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD, paraît aussi confus et dangereux. Elles seraient à la fois juge et partie. Rien ne précise dans quelles conditions seraient délivrées les autorisations d’exploitation.

Enfin, faut-il trancher aujourd’hui, alors qu’une directive européenne est annoncée pour la fin du mois prochain ? J’entends bien le scepticisme de certains sur l’efficience de cette date, mais si la directive est effectivement publiée le 23 novembre, comme l’assure notre rapporteur et comme le laisse entendre le ministre, il serait peu sage de vouloir anticiper et de nous précipiter.

L’article 2 est intimement lié à l’article 3. Dès lors, si l’un est supprimé, l’autre tombera automatiquement.

Néanmoins, sur le fond, je rejoins la commission lorsqu’elle suggère que les sommes collectées au titre de l’exploitation des œuvres orphelines soient affectées à l’amélioration des conditions de recherche des ayants droit.

Cela étant, monsieur le ministre, je ne suis pas tout à fait insensible au souhait exprimé par certains qu’une partie de ces sommes aille aussi au soutien au spectacle vivant, à la création, la diffusion ou la formation. Alors que la crise nous touche tous, y compris les artistes, ce serait pour les consommateurs une brise légère qui leur apporterait un peu d’air frais.

Mes chers collègues, vous l’avez bien compris, le groupe de l’Union centriste suivra la commission dans ses préconisations.

À l’instar de Mme Blandin, je n’épuiserai pas le temps de parole qui m’était imparti, puisque l’essentiel de ce que je voulais dire a déjà été exprimé. Ainsi, je ne retarderai pas le moment du vote. Surtout, cela permettra à David Assouline de se coucher un peu plus tôt ce soir, lui qui se plaignait en commission du fait que la longueur de certaines séances publiques nocturnes avait quelque peu perturbé l’examen par la commission de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli par notre collègue Marie-Christine Blandin, qui a eu l’initiative de cette proposition de loi, en étroite collaboration avec les organisations professionnelles.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la présente proposition de loi porte sur un sujet majeur.

À mon sens, notre travail sera doublement utile. D’une part, cela aidera à préserver le métier de photographe, qui est aujourd’hui menacé par les pratiques de certains éditeurs. D’autre part, et d’une manière plus générale, nous montrons ainsi que le Parlement est soucieux de protéger le droit d’auteur dans tous les arts.

En effet, en matière d’utilisation des photographies, qu’il s’agisse d’édition ou de presse, nous sommes insensiblement passés du stade du droit à celui de l’usage. Le droit, c’est celui qu’a chaque photographe d’être justement rémunéré pour son travail. L’usage, c’est la multiplication des mentions « droits réservés » au coin des images publiées.

Que signifie la mention « droits réservés », souvent réduite à un simple sigle « DR » ? Elle signifie que l’auteur de l’image est inconnu et qu’en conséquence les droits afférents à l’utilisation de cette image ne lui seront pas versés. On comprend l’origine de cet usage. On comprend moins son extension à un nombre croissant d’images dont les auteurs sont vivants et connus. Ou plutôt, on ne comprend que trop bien : ce simple « DR » exonère l’éditeur d’avertir l’auteur de la reproduction de son œuvre et de le rémunérer en conséquence. Deux types de droits sont alors bafoués : le droit moral, c’est-à-dire la maîtrise par l’auteur de la cession de son œuvre, et les droits patrimoniaux attachés à cette œuvre.

Pourtant, en principe, notre droit protège correctement les droits des auteurs d’œuvres visuelles, comme de toutes les œuvres de l’esprit. Au frontispice du code de la propriété intellectuelle figure un principe simple et extrêmement protecteur : l’article L. 111–1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété « du seul fait de sa création ».

Pourquoi n’est-ce plus le cas des photographies ? À l’origine, la mention « DR » était utilisée pour signifier que l’auteur n’avait pu être retrouvé. Elle permet aux diffuseurs d’éviter la procédure juridictionnelle très lourde d’autorisation d’utilisation d’une œuvre. En réalité, cette pratique pourrait être protectrice pour les photographes si elle n’était devenue systématique.

Aujourd’hui, il est extrêmement simple d’orner une image publiée de la mention « DR » alors même que l’auteur n’a pas été recherché ou, pis, qu’il est connu, mais que l’éditeur décide de ne pas le rémunérer.

Le phénomène des œuvres orphelines touche tous les secteurs de la création artistique, mais son impact est très contrasté. Ainsi, dans son rapport sur les œuvres orphelines rendu le 19 mars 2008, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a recommandé un traitement différencié selon les secteurs. En effet, les secteurs de l’écrit et de l’image fixe sont bien plus massivement touchés que l’audiovisuel ou la musique. Une étude réalisée en juin dernier par le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images a montré que 90 % des images actuellement publiées dans la presse le sont sans mention de leur auteur. Ce constat est également présent dans les conclusions des états généraux de la presse. Cette tendance a été aggravée ces dernières années avec la disparition des responsables de l’image dans les structures des sociétés d’éditeurs.

Les photographes sont donc désormais privés d’interlocuteurs directs chez les diffuseurs et les pratiques des éditeurs ont évolué vers une recherche de photographies à bas coût. Bien sûr, ce phénomène tend à croître encore avec la diffusion d’innombrables images sur Internet. Une lettre ouverte des photographes indépendants aux parlementaires fait mention d’une chute des droits d’auteur dont la valeur aurait été divisée par cinq entre 2005 et 2010.

La systématisation de la mention « DR », c’est-à-dire la spoliation répétée des droits des photographes doit être mise en relation avec la crise que connaît actuellement cette profession. En janvier dernier, monsieur le ministre, vous avez commandé à l’Inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, un rapport sur la situation économique et sociale de la profession des photojournalistes. L’état des lieux est accablant : en dix ans, 52 % des entreprises de photographie ont disparu. Toutes les composantes de la profession ont été affectées par la baisse significative du prix des photos ces dernières années.

Alors que notre droit est en principe protecteur, pourquoi est-il aujourd’hui insuffisant ? D’une part, les procédures juridictionnelles permettant de recouvrer les droits afférents aux œuvres indûment utilisées sont lourdes et coûteuses. D’autre part, les sociétés de perception et de répartition des droits ne sont habilitées à agir que pour défendre un auteur identifié.

Dans tout autre domaine, ce détournement du droit aurait un nom : le piratage. Aujourd’hui, nous devons l’admettre, les photographes sont confrontés à un phénomène de piratage massif et l’équilibre économique de leur profession est gravement menacé.

Avec ce texte, nous proposons simplement de mettre fin à cette aberration juridique et de mieux protéger les droits patrimoniaux des photographes. Un artiste, comme tout travailleur, mérite rémunération pour le travail accompli. Ce constat, très simple, est à la base du droit de la propriété artistique dans notre pays. C’est aussi ce principe que nous avons suivi pour protéger les œuvres menacées par le piratage. Ce que nous avons fait hier pour le disque, nous devons le faire aujourd’hui pour la photographie.

Marie-Christine Blandin a décrit le dispositif qu’elle propose pour répondre au défi juridique que constituent les œuvres orphelines.

Il s’agit, d’abord, de définir les œuvres orphelines.

Il s’agit, ensuite, de déterminer leur mode de rémunération. Nous proposons, en accord avec les recommandations émises par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dans son avis de 2008, que la délivrance des autorisations de reproduction ou de représentation d’une œuvre orpheline soit organisée par une société de perception et de répartition des droits d’auteur. Ces sociétés de gestion collective seraient agréées, à cet effet, par le ministère de la culture afin de fixer par un accord interprofessionnel spécifique le barème et les modalités de versement de la rémunération due pour l’exploitation d’une œuvre orpheline.

Nous estimons, en effet, qu’un régime de gestion collective obligatoire serait la solution la plus appropriée pour la rémunération des œuvres orphelines. Il sera ainsi possible aux éventuels ayants droit de faire valoir les droits qui s’y attachent au titre du droit d’auteur ou, en l’absence d’ayants droit notoires, de procéder à une gestion conservatoire des droits s’attachant à ces œuvres.

Enfin, une procédure de réversion est prévue en cas de découverte, postérieure à sa publication ou représentation, des auteurs d’une œuvre. Si l’auteur ne peut être découvert, notre projet prévoit, à l’issue d’une période de dix ans, que les droits soient affectés aux aides à la création artistique, comme c’est déjà le cas en droit commun de la propriété littéraire et artistique pour les sommes non perçues au titre de la reproduction d’autres types d’œuvres à l’issue de ce même délai.

Ce dispositif est équilibré et permettrait une réelle protection des auteurs de photographies. Pourtant, monsieur le rapporteur, vous venez de nous faire part de vos réticences, d’ailleurs partagées par certains membres de la commission de la culture. Néanmoins, en tant que rapporteur d’une proposition de loi présentée par l’opposition, vous n’avez pas demandé le rejet de ce texte, ce dont nous vous savons gré.

Le texte que vous nous proposez, s’il représente une avancée dans certains domaines, reste encore bien trop timoré. Nous devons dépasser ces réticences et proposer un système ambitieux, permettant la juste rémunération de tous les acteurs de ce secteur.

Vous avez évoqué un problème de calendrier.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur, vous estimez, comme nous, que le problème de la pratique abusive des « droits réservés » constitue un réel défi, notamment pour le secteur de la photographie déjà en crise.

Mais vous ajoutez aussitôt que nous sommes sans doute allés trop vite en déposant ce texte spécifique aux œuvres visuelles. Cet argument de calendrier est, selon nous, peu convaincant. Tous les acteurs s’accordent à demander une modification rapide de la législation. Déjà, en 2008, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique estimait que l’état du droit ne permettait pas de résoudre le problème, et qu’une réforme législative était nécessaire et urgente.

Vous faites également valoir, monsieur le rapporteur, qu’une directive serait en préparation à Bruxelles et qu’il serait absurde d’anticiper sur son contenu.

Effectivement, l’élaboration d’un texte semble en cours. Mais il serait illusoire de croire que cette future directive viendra très vite combler les lacunes de notre droit. Comme pour toutes les autres directives, ce texte ne sera probablement pas applicable en droit français avant plusieurs années.

Outre le temps d’élaboration et d’adoption de la directive, la France disposera de dix-huit mois pour la transposition en droit interne : on connaît les lenteurs de l’administration en la matière. Ainsi, la directive sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, publiée le 22 mai 2001, n’a été transposée qu’en 2006. Au rythme actuel de dégradation des conditions de rémunération des photographes, nous risquons donc de ne disposer d’une législation appropriée que lorsque la profession aura été définitivement sinistrée.

Monsieur le ministre, vous aviez annoncé que la réforme de la législation sur les œuvres orphelines devait être menée à l’hiver 2010. C’est ce que nous vous proposons avec ce texte.

Il a également été affirmé que ce texte entrait en contradiction avec le droit communautaire.

La future directive sera d’autant plus longue à élaborer qu’elle ne traitera de la question des œuvres visuelles orphelines que de façon annexe. Elle sera, en effet, consacrée à l’ensemble des secteurs de la création.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous estimez qu’il reviendra à cette future directive de régler le problème. Pourtant, rien n’empêche de trouver des solutions nationales dans l’attente d’une hypothétique modification du droit communautaire.

En fonction des usages nationaux, chaque pays peut trouver une solution satisfaisante dans le respect des règles communautaires, notamment de la directive de 2001, sans qu’il soit besoin de modifier la législation communautaire existante.

En effet, rien ne prouve que le dispositif que nous proposons pour gérer le problème des œuvres orphelines ne serait pas compatible avec les exigences communautaires. L’état de la réflexion sur un éventuel futur régime pour les œuvres orphelines étant très différent d’un pays membre à l’autre, il est sans doute nécessaire de laisser chaque pays mener une réflexion propre et élaborer ses solutions.

Ce texte serait une atteinte au droit moral, selon vous.

J’ai pu lire que le dispositif présenté par la proposition de loi reflétait une certaine confusion des genres et risquait de porter sur l’exercice du droit moral. Il n’en est rien. Dans le système que nous proposons, les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur ne seront concernées que par l’aspect patrimonial du droit d’auteur. Elles n’ont jamais été habilitées à représenter le droit moral, qui est un droit inaliénable du créateur.

Le texte constituerait aussi un obstacle à la numérisation des fonds documentaires.

Certains acteurs, notamment issus du monde des archives ou des bibliothèques, craignent que cette proposition de loi ne constitue un obstacle pour les futurs programmes de numérisation du patrimoine écrit et visuel. Les exceptions ou les barèmes aménagés ont toujours accompagné les textes concernant la reproduction. Ce fut même le cas dans la loi DADVSI pour peu qu’il s’agisse d’intérêt public.

Un financement, pour quoi faire ? Telle est la question que certains ont posée.

À propos de l’utilisation de ces financements, vous dénoncez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, l’idée de reverser ces fonds aux aides à la création. Là encore, vous parlez de confusion des genres. Certains acteurs du secteur de la photographie et des représentants des auteurs d’œuvres visuelles ont pourtant montré de l’enthousiasme pour cette initiative. Il s’agirait, en outre, d’une utilisation conforme au droit commun de la propriété littéraire et artistique tel que défini par le code de la propriété intellectuelle.

Globalement, les amendements que vous avez déposés sur le texte initial tendent à vider ce dernier de sa substance. Vous prétendez, monsieur le rapporteur, ne pas remettre en cause le principe d’une gestion collective. C’est pourtant ce qui vous a conduit à réduire notre proposition à une simple définition des œuvres orphelines et à exclure tout système contraignant de rémunération des auteurs.

Les sociétés de gestion collective sont les seules entités aujourd’hui à même d’assurer la gestion des licences d’autorisation de diffusion des œuvres orphelines : elles ont l’expérience pour trouver les solutions à ce problème difficile. Notre proposition de loi prévoyait la désignation, par un arrêté ministériel, d’une société civile de perception et de répartition des droits d’auteur compétente pour la gestion des droits afférents aux œuvres orphelines.

Au final, que subsiste-t-il du texte que nous avions proposé ? Il en reste une définition, celle des œuvres orphelines.

Vous avez choisi, monsieur le rapporteur, d’adopter la définition donnée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dans son rapport de 2008. Nous n’y voyons pas d’objection, cette définition étant complète et adaptée. Néanmoins, elle n’est assortie d’aucun régime permettant de la mettre en œuvre.

Je regrette sincèrement que la commission de la culture n’ait pas souhaité instituer un système obligatoire de gestion collective. Cette proposition de loi était une bonne occasion de répondre enfin aux demandes légitimes de toute une profession.

Nous vous proposerons au cours de la discussion d’examiner deux amendements qui permettent d’offrir des garanties supplémentaires aux professionnels.

Toutefois, nous considérons que ce texte, même amendé, constitue une étape importante vers une gestion collective des œuvres orphelines, ainsi qu’un signal positif pour la sauvegarde du métier de photographe. Nous le soutiendrons donc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite de l’initiative du groupe socialiste sur la question des œuvres visuelles orphelines, question qui se pose depuis longtemps, mais qui prend une résonance particulière dans le contexte de la révolution numérique que nous connaissons depuis quelques années.

Plus généralement, cela fait maintenant quelque temps que la Haute Assemblée, notamment par l’intermédiaire de la commission de la culture, s’attache de manière constante à prendre en compte les évolutions de ce contexte et à traiter les questions nouvelles ou simplement renouvelées, parfois induites par la numérisation.

La question du droit d’auteur est l’une de celles qui entrent précisément dans cette catégorie, car au fond le débat se résume à une question : comment assurer concrètement le respect du droit d’auteur à l’heure du numérique, c'est-à-dire à l’heure où beaucoup d’œuvres sont mises en ligne gratuitement dans des délais extrêmement brefs ?

Nous avions déjà largement abordé cette question, il y a peu de temps, à l’occasion du débat sur le téléchargement de musique sur internet et sur la mise en place de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, ou HADOPI. Nous l’abordons aujourd’hui à propos des œuvres visuelles orphelines et je m’en réjouis, parce que, peu à peu, en nous attelant à chacun de ses différents aspects, nous progressons dans notre logique de sécurisation du respect des droits d’auteur dans un contexte renouvelé.

Vous l’aurez sans doute compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe RDSE est a priori favorable à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, et qui fait suite à l’avis rendu en 2008 par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA. Il semble en effet nécessaire – et donc opportun, mais aussi bienvenu – de tenter de pallier la carence législative existant en matière de droits d’auteur attachés aux œuvres visuelles orphelines.

Notre intervention est d’autant plus urgente que cette carence ouvre de fait la voie à des contrefaçons massives non sanctionnées et que les pratiques abusives dans ce secteur sont désormais légion. Les photographes, qui seront les principales personnes concernées par ce texte, placent d’ailleurs beaucoup d’espoir dans cette proposition de loi, à laquelle ils ont manifesté un vif soutien.

Comme l’a rappelé notre collègue Jean-François Humbert dans son rapport, les enjeux liés à cette question sont grands, sur les plans tant économique que juridique et culturel. Arrêtons-nous un instant sur l’aspect économique : les œuvres visuelles orphelines représentent de 3 % à 20 % des photographies portant la mention « droits réservés ». Or, le manque à gagner dû à l’absence de rémunération de ces photographies est estimé, d’après une étude du Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images portant sur huit titres de presse, à 350 000 euros par mois. Une telle somme, vous en conviendrez, est loin d’être négligeable, surtout quand on connaît les difficultés structurelles de ce secteur, aggravées par la crise – M. le ministre et M. le rapporteur l’ont d’ailleurs rappelé.

Si la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui apparaît donc, pour les raisons évoquées précédemment, nécessaire, elle n’en souffre pas moins de limites importantes. Ces limites ont été soulignées par M. le rapporteur et par la commission, mais il me semble important de les évoquer à nouveau.

Je m’attarderai particulièrement sur deux d’entre elles, en commençant par la plus « technique », qui concerne les sociétés de gestion collective que cette proposition de loi envisage de créer. Ces sociétés suscitent de nombreuses interrogations : autant je ne partage pas entièrement l’avis du rapporteur quand il déplore la logique consistant à reverser à l’aide à la création les sommes perçues par les sociétés de gestion, mais non réclamées par les ayants droit au terme d’un délai de dix ans, autant je fais mien, en revanche, son scepticisme quant au rôle de ces sociétés et à leur capacité, voire à leur volonté, d’entamer en pratique « une recherche diligente » des auteurs des œuvres orphelines.

Venons-en maintenant à la deuxième limite et donc au procès en « insuffisance » fait à cette proposition de loi. Il est en effet dommage, comme plusieurs de nos collègues l’ont souligné à diverses reprises, de n’avoir pas saisi l’occasion offerte par ce texte pour légiférer plus largement sur la question des œuvres orphelines, même non visuelles.

Il eût été en effet judicieux de ne pas dissocier la question des œuvres orphelines écrites afin de s’attaquer à l’ensemble du problème du respect effectif du droit d’auteur à l’ère du numérique. Une telle approche aurait surtout permis de ne pas occulter une partie de la question et de priver ainsi ce texte d’une partie de son pouvoir opérant. En effet, qu’adviendra-t-il des œuvres visuelles orphelines insérées au sein d’une œuvre écrite, car nous savons qu’elles sont nombreuses et qu’il ne s’agit donc pas d’une hypothèse d’école ? Pas plus qu’aujourd’hui, elles ne pourront être rémunérées par les droits d’auteur !

Faut-il pour autant, en prenant prétexte des insuffisances de ce texte et des limites que je viens d’évoquer, renoncer à voter en faveur de cette proposition de loi ? Je n’en suis pas certain, d’autant moins qu’il me semble hasardeux d’attendre, avant de nous prononcer plus avant, la publication d’une proposition de directive européenne déjà maintes fois annoncée, sans que cette annonce soit jamais réellement suivie d’effet !

De la même manière, faut-il renoncer à voter en faveur de cette proposition de loi sous le prétexte qu’on pourrait mieux faire ou faire plus ? Mais si nous nous en tenions à ce raisonnement, nous ne pourrions jamais avancer ! Bien sûr que des améliorations sont toujours envisageables, mais il est bien connu que « le mieux est l’ennemi du bien ». Vouloir mieux faire risque, dans le cas présent, de nous condamner finalement à ne rien faire.

Il nous semble a priori plus sage de soutenir un texte qui ne constitue certes qu’une première étape, mais qui a le mérite d’exister et de proposer des solutions qui vont dans le bon sens – quitte, bien entendu, à ce que ce texte soit amélioré au cours de la navette parlementaire ou que ses principes soient étendus par la suite, dans le cadre d’une autre proposition de loi, à un secteur plus large que celui des œuvres visuelles numériques.

Monsieur le ministre, nous savons tous combien vous êtes attaché à la défense des intérêts des créateurs, trop souvent privés du fruit de leur travail. Nous vous félicitons et vous remercions de votre engagement au service de ces témoins de notre présent, garants de notre mémoire, ainsi que de votre soutien à cette proposition de loi. En ce qui concerne le groupe RDSE, il soutiendra cette proposition de loi de manière unanime. (M. Jacques Mézard applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous assistons bien à une dérive de la mention « droits réservés », ou « DR », qui constitue une facilité de gestion éditoriale pour les diffuseurs.

De nombreux photographes m’ont contactée, expliquant qu’il est en effet plus facile pour les diffuseurs d’attendre que l’auteur se manifeste, après publication, que d’engager des recherches pour le retrouver ou même de le contacter, alors qu’il est connu. Les « droits réservés » deviennent ainsi un contenu éditorial gratuit, ce qui a de graves conséquences pour les photographes : cette pratique les prive de la rémunération due pour l’exploitation de leurs images ; elle institue une concurrence déloyale à l’égard des photographes identifiables, du fait de la gratuité de ces usages illégaux. L’enjeu est très loin d’être négligeable, tant la pratique se répand et il est sûrement nécessaire de légiférer.

Un récent rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, intitulé « Photojournalistes : constat et propositions », cite ainsi l’exemple d’un célèbre hebdomadaire de télévision à vocation culturelle qui, sur ses quatre numéros d’octobre 2009, a publié 1 081 photographies, dont 678 avec la mention « DR ».

En raison des difficultés économiques rencontrées par la presse, et grâce au développement d’internet, les rédactions recherchent des photographies gratuites. Pour certains titres, il s’agit d’une démarche volontaire d’économie. Or, les conditions d’exercice du métier de photojournaliste deviennent difficiles. Les auditions ont mis en évidence la précarisation des photographes en général. Dans ce contexte, la question des droits d’auteur des journalistes appelle une vigilance particulière.

Le Gouvernement s’est saisi de la question. C’est à sa demande que l’IGAC a rendu son rapport à la fin du mois d’août, à l’occasion du 22e festival international du photojournalisme, à Perpignan, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ce rapport dresse un diagnostic précis de la situation, présente des pistes pour améliorer les conditions d’exercice du métier et recommande, notamment, une approche législative.

Je me réjouis donc que cette proposition de loi de notre collègue Marie-Christine Blandin permette d’ouvrir un chantier législatif souhaité par le Gouvernement, afin d’assurer une meilleure protection de la profession.

Le groupe UMP souscrit à cette démarche. Mais, si nous rejoignons la philosophie qui sous-tend la proposition de loi, nous émettrons les mêmes réserves que la commission dans ses conclusions : les explications de notre rapporteur, dont je salue l’excellent travail, m’ont convaincue.

Tout d’abord, il est illogique de ne légiférer que sur les seules œuvres visuelles, alors que la problématique concerne également le secteur de l’écrit.

Ensuite, il est prématuré de vouloir régler le problème : la Commission européenne devrait se prononcer à la fin du mois de novembre sur le sujet des œuvres orphelines dans leur ensemble, qu’il s’agisse d’images ou d’écrits ; attendons par conséquent ses conclusions ! Il faut en effet considérer la question à l’échelon européen, au regard des enjeux liés à la numérisation des fonds des bibliothèques européennes.

Enfin, notre rapporteur a relevé plusieurs difficultés que poserait la proposition de loi dans sa rédaction actuelle.

En premier lieu, dans la définition des œuvres orphelines. Sur ce point, il a proposé une nouvelle rédaction à l’article 1er, qui convient à tous, je pense.

En second lieu, au travers de ses articles 2 et 3, la proposition de loi crée un système de gestion collective des droits, mais les caractéristiques de celui-ci soulèvent des problèmes juridiques. Sans entrer dans le détail, il est évident qu’une réflexion plus approfondie sur ce sujet est nécessaire.

Aussi, je rappelle le souhait émis par M. le ministre lors du festival de Perpignan : ouvrir sans délai une concertation autour du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. La contribution du Conseil nous assurera que la solution proposée n’entraîne pas d’effets pervers ou ne puisse être contournée au préjudice des photographes. Je crois donc qu’il est prudent d’attendre, d’une part, les résultats de cette concertation et, d’autre part, la directive européenne.

Néanmoins, je me réjouis que l’adoption de l’article 1er de cette proposition de loi donne à ce texte une impulsion qui, en fin de compte, après la réflexion permise par la navette parlementaire, constituera, j’en suis certaine, une avancée considérable pour les photographes. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Discussion générale (suite)
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Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

Après l’article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-10. – L’œuvre orpheline est une œuvre dont le ou les titulaires des droits ne peuvent pas être déterminés, localisés ou joints, en dépit de recherches appropriées. »

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Humbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Après l’article L. 113-9 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-10. - L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont les titulaires de droits ne peuvent être identifiés ou retrouvés, malgré des recherches avérées et sérieuses. »

II. - Une instance paritaire représentative des auteurs et des utilisateurs est chargée de définir les critères permettant de déterminer si une œuvre est orpheline au sens de l’alinéa précédent. Un décret en Conseil d’État précise la composition et le fonctionnement de cette instance.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Humbert, rapporteur. Cet amendement, présenté au nom de la commission de la culture, tend à remplacer la définition de l’œuvre visuelle orpheline donnée dans le texte initial de la proposition de loi par celle qui figure dans le rapport du CSPLA, en intégrant, en particulier, la notion de « recherche avérée et sérieuse », qui la complète utilement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’objet de cet amendement est double : il tend, d’une part, à introduire dans le code de la propriété intellectuelle une définition de l’œuvre orpheline et, d’autre part, à créer une instance paritaire chargée de définir de manière impartiale les critères qui permettront d’évaluer le caractère orphelin de l’œuvre.

Le Gouvernement est favorable à l’idée d’introduire dans la loi une définition générale de l’œuvre orpheline, et en particulier à la rédaction présentée, qui reprend la rédaction proposée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Ce dernier a, par ailleurs, envisagé le recours à une commission paritaire afin de définir les critères permettant de déterminer si une œuvre est orpheline pour le secteur de l’écrit et de l’image.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera cet amendement qui reprend la définition de l’œuvre orpheline issue des travaux du CSPLA.

Même amputée de ses articles 2 et 3, comme le propose la commission de la culture, cette proposition de loi constitue un acte fondamental pour clarifier le sort des œuvres photographiques réputées orphelines et, à ce titre, elle mérite d’être soutenue, dès aujourd’hui, sur toutes les travées de cet hémicycle.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la parution prochaine d’une directive européenne : si tel est le cas, cette directive permettra de cadrer nos initiatives législatives. Mais l’éventualité de cette parution ne doit pas différer notre prise de responsabilité sur un sujet essentiel pour la création et l’information.

Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, la nécessité d’approfondir notre réflexion. Vous connaissez le déroulement du travail parlementaire : il prend le temps de la navette, et ce temps devrait utilement contribuer à l’approfondissement du débat et permettre de préciser, en concertation avec les parties intéressées, les points de droit qui restent en discussion.

Dès aujourd’hui, nous avons besoin de l’article 1er de cette proposition de loi. L’enjeu requiert une action rapide, car la profession de photographe est en danger et les usages abusifs qui se sont installés chez certains, nombreux, utilisateurs ne font qu’alimenter une vision libérale niant le droit d’auteur. Le développement de la numérisation et du monde des échanges sur internet nous crée une obligation urgente d’agir.

Ce texte représente, dès son article 1er, une modeste première étape, mais il crée le socle indispensable d’une future politique volontaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’article 1er est donc ainsi rédigé.

Article 1er
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Article 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mmes Blandin, Cartron et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 122-2-2 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 122-2-3. - La reproduction d'une œuvre visuelle, définie au 9° de l'article L. 112-2 sans mention du nom des titulaires des droits fait l'objet d'une déclaration auprès de l'une des sociétés mentionnées à l'article L. 321-1. La déclaration précise les motifs de l'absence de mention des titulaires des droits. »

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Afin d'enrayer la pratique abusive des « DR », il convient d'assurer une publicité à la reproduction de photos ne mentionnant pas le nom de l'auteur ou de ses ayants droit, en portant obligation aux personnes qui reproduisent ainsi ces œuvres d'effectuer une déclaration de non-identification de leur auteur, ou de ses ayants droit, auprès d'une société de perception et de répartition des droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Humbert, rapporteur. L’idée qui sous-tend cette proposition est intéressante, car elle établit un lien direct entre le sujet des droits réservés et le texte de la proposition de loi. Mais le système de la déclaration n’est efficace qu’à la condition qu’il puisse déboucher sur un contrôle a posteriori. Or, d’après le présent amendement, la déclaration serait envoyée à n’importe quelle société de gestion déjà agréée, ce qui soulèverait un certain nombre de difficultés.

Aussi, la commission de la culture a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Ivan Renar. Le plaisir ne sera pas total !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Cher Ivan Renar, le plaisir ne sera effectivement pas total, et j’en suis désolé.

L’objet de cet amendement est de limiter l’usage de la mention « droits réservés », notamment dans les publications de presse, en lieu et place du crédit photo. S’il paraît normal de limiter cet usage, qui ne respecte pas, d’ailleurs, les dispositions du code de la propriété intellectuelle, le Gouvernement n’adhère pas tout à fait à la méthode proposée.

En effet, les sociétés de gestion collective de droits d’auteur ne doivent pas avoir à connaître de tous les cas d’apposition de la mention « droits réservés », mais seulement de ceux qui concernent des œuvres réputées orphelines, après des recherches avérées et sérieuses.

En outre, l’amendement ne prévoit pas ce que les sociétés de gestion collective feraient de l’information. Certaines organisations professionnelles d’éditeurs de presse semblent s’engager dans une démarche de bonnes pratiques, afin de réduire cet usage. Ces bonnes pratiques pourraient notamment conduire les éditeurs à bannir l’usage de la mention « droits réservés » et à s’engager à indiquer systématiquement leurs sources, qu’il s’agisse de la photo issue d’un dossier de presse, en indiquant le nom de l’entreprise donatrice, de photos provenant d’un site internet, ou d’une photo de paparazzi. Dans ce dernier cas, l’anonymat est le plus souvent demandé. Mais une mention spécifique dédiée à cet usage pourrait être apposée.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Cartron et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport étudiant les modalités de  gestion des droits attachés aux œuvres orphelines visées à l'article L. 113-10 du code de la propriété intellectuelle, par une société mentionnée à l'article L. 321-1 du même code, agréée à cet effet par le ministre en charge de la culture. Ce rapport fait l'objet d'un débat dans les commissions en charge de la culture de chacune des assemblées parlementaires.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement tend à compléter la disposition insérant dans le code de la propriété intellectuelle une définition de l’œuvre orpheline. Pour l’instant, le texte prévoit une sorte de sanctuarisation de ces œuvres orphelines mais non leur protection ni, surtout, celle de leurs auteurs.

Notre rapporteur a, jusqu’à présent, mis en avant la prudence, mais nous mettons en balance l’urgence qu’il y a à arrêter la spoliation. C’est pourquoi il nous semble logique que la gestion des œuvres soit confiée à une société ad hoc. Mais compte tenu du caractère particulier de l’œuvre visuelle orpheline, il est évident qu’il faut prévoir un agrément spécifique du ministre.

Nous avons compris vos intentions de ne pas mettre en œuvre immédiatement le dispositif, sans y avoir d’abord réfléchi afin de l’améliorer.

C’est pourquoi cet amendement prévoit un rapport qui permettra la consultation de toutes les parties concernées, qui nous éclairera sur le bien-fondé de la gestion collective, sur la procédure la plus adaptée, sur les personnes habilitées à effectuer de telles recherches, sur les modalités de gestion des droits perçus sur ces œuvres et sur la procédure à suivre, en cas de découverte de l’auteur de l’œuvre exploitée.

Bien entendu, si la navette permettait d’aller plus loin, nous ne serions plus dans la préconisation d’un rapport, mais dans la mise en œuvre.

Mme Catherine Tasca et M. Ivan Renar. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Humbert, rapporteur. Pour faire plaisir à Ivan Renar et à Marie-Christine Blandin (Sourires.), nous avons émis un avis favorable sur cet amendement. (Mme Catherine Tasca applaudit.)

M. Ivan Renar. Plaisir textuel !

Mme Catherine Tasca. Quelle ouverture !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Comme il est effectivement exclu de limiter le plaisir de M. Renar et de Mme Blandin (Nouveaux sourires.), l’avis du Gouvernement est favorable.

L’objet de cet amendement est de réfléchir au meilleur dispositif pour assurer la gestion des offres orphelines. À cet effet, il est proposé de rédiger un rapport.

S’il paraît intéressant d’étudier le meilleur moyen d’autoriser l’exploitation des œuvres, notamment des images fixes, il convient bien évidemment de garantir les droits de leurs auteurs et donc de leur permettre, lorsqu’ils seront éventuellement identifiés, de percevoir une rémunération au titre de l’exploitation de leur œuvre.

La seule remarque peut porter sur le fait que des sociétés d’autres États membres de l’Union européenne ayant un objet similaire aux sociétés françaises de perception et de répartition des droits doivent pouvoir prester en France.

Le rapport ne devra par conséquent pas exclure les sociétés d’autres États membres de l’Union, et il paraît peu compatible avec le droit communautaire de les soumettre, pour exercer leur activité sur le territoire national, à un régime d’agrément spécifique.

Cette légère restriction mise à part, le Gouvernement, je le répète, est favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a aujourd’hui un constat partagé par l’ensemble des membres de notre commission : l’initiative de Mme Blandin et de ses collègues est utile, et le problème des droits des photographes doit trouver une solution.

Je n’ai pas voulu parler plus tôt parce que nous voulions tous être sûrs de pouvoir, dans les délais, adopter ce texte. Je pense que nous allons le faire en adoptant l’article 1er. Nous ne pourrons pas voter en l’état les articles 2 et 3.

Ainsi, le texte réduit à son article 1er, modifié par les deux amendements acceptés, va être transmis à l’Assemblée nationale. Nous espérons que celle-ci se saisira dans des délais raisonnables de cette proposition de loi, et nous ferons le maximum pour qu’il en soit ainsi. Nous pensons que ce délai permettra aussi d’être complètement informés de ce qui se prépare à la Commission européenne, de manière que le texte parlementaire soit compatible, dans l’esprit, avec ce qu’elle présentera.

Le ministre a réaffirmé clairement sa volonté de progresser sur cette question, tout comme le Sénat, qui souhaite voir ce problème complètement traité. Nous pensons que nos collègues de l’Assemblée nationale partageront cette volonté.

La photo est un art, qui doit permettre à ceux qui le pratiquent de vivre de leur travail. Notre position à leur égard est identique à celle que nous avons affirmée dans d’autres débats envers d’autres acteurs de la vie culturelle. Aujourd’hui, nous sommes au point de départ d’une proposition de loi dont les droits sans doute ne seront pas réservés (Sourires.), qui portera un nom et une volonté collective, celle du Sénat, de voir rapidement avancer cette question. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

Articles additionnels après l'article 1er
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Article 3

Article 2

Après le titre Ier du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle, il est inséré une division ainsi rédigée : 

« Titre 1er bis

« Dispositions relatives à l’œuvre visuelle orpheline

« Chapitre Ier

« Exploitation des droits attachés à une œuvre virtuelle orpheline

« Art. L. 311 - 9. – La gestion de l’exploitation d’une œuvre visuelle visée aux 7°, 8° 9°, 10°, 11° et 12° de l’article L. 112-2 réputée orpheline est assurée par une société mentionnée au titre II du livre III, ayant reçu un agrément, à cet effet, du ministre chargé de la culture. Cette société peut ester en justice pour exercer les intérêts statutaires dont elle a la charge.

« Toute exploitation des droits d’une œuvre visuelle orpheline est soumise à la conclusion d’un contrat entre une société mentionnée au titre II du livre III et la personne souhaitant obtenir la cession de l’exploitation de ces droits. La personne souhaitant obtenir le droit de reproduction ou de représentation d’une œuvre visuelle orpheline apporte la preuve des recherches effectuées en vue de déterminer, localiser et joindre le ou les titulaires des droits de cette œuvre.

« Art. L. 311-10. – La cession d’exploitation des droits d’une œuvre visuelle orpheline ne peut être accordée à titre exclusif.

« Art. L. 311-11. – Les titulaires des droits d’une œuvre visuelle orpheline perçoivent une rémunération au titre de l’exploitation de leurs œuvres.

« Art. L. 311-12. – Le barème et les modalités de versement de la rémunération due pour l’exploitation d’une œuvre visuelle orpheline sont fixés par accords spécifiques entre les sociétés mentionnées au titre II du livre III bénéficiant de l’agrément prévu à l’article L. 311-9 et les organisations représentatives des usagers des œuvres orphelines, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ces accords spécifiques peuvent être étendus à l’ensemble du secteur d’activité par arrêté du ministre chargé de la culture. Leur durée est de cinq ans.

« À défaut d’accord conclu dans un délai de six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du …, le barème et les modalités de versement de la rémunération versée pour l’exploitation d’une œuvre orpheline sont fixés par une commission présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire dont la composition, arrêtée par le ministre chargé de la culture, comprend, outre le président qui a voix prépondérante, un membre du Conseil d’État, une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la culture et, en nombre égal, des membres désignés par les sociétés mentionnées au titre II du livre III, ayant reçu un agrément du ministre chargé de la culture pour assurer la gestion des œuvres orphelines et de représentants des utilisateurs des œuvres orphelines.

« Le barème et les modalités de versement de la rémunération fixés conformément au premier et deuxième alinéa font l’objet d’une publication au Journal Officiel.

« Art. L. 311-13. – La rémunération perçue au titre de la cession des droits d’exploitation d’une œuvre visuelle orpheline est conservée par la société qui a conclu le contrat d’exploitation des droits, conformément à l’article L. 311-9. À l’issue du délai figurant au troisième alinéa de l’article L. 321-1, si l’œuvre est toujours réputée orpheline, le montant de la rémunération est utilisé dans les conditions prévues par le 2° de l’article L. 321-9.

« Art. L. 311-14. – La représentation, la reproduction d’une œuvre visuelle orpheline fait l’objet d’une publicité mentionnant le nom de la société qui assure l’exploitation de ces droits en vertu du contrat conclu par celle-ci avec la personne qui assure la représentation ou la reproduction de l’œuvre et qui verse la rémunération attachée à ces droits.

« Chapitre II

« Manifestation de l’auteur ou des ayants droit de l’œuvre visuelle réputée orpheline

« Art. L. 311-15. – Une œuvre visuelle cesse d’être orpheline si le ou les titulaires des droits se manifestent auprès de la société mentionnée à l’article L. 319-9, chargée de la gestion de l’exploitation de cette œuvre.

« La société notifie aux personnes avec qui elle a conclu un contrat de cession de droits, le changement intervenu dans la qualification de l’œuvre, en application du premier alinéa. La notification rend caduque l’autorisation d’exploitation de l’œuvre, selon des modalités et délais fixés par décret en Conseil d’État. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 n’est pas adopté.)

Article 2
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

Au troisième alinéa (2°) de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « et L. 311-1 » sont remplacés par les mots : «, L. 311-1 et L. 311-11 ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 n’est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 3
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais remercier tous les participants, à commencer par le rapporteur pour l’écoute dont il a fait preuve, le président de la commission, qui a joué un rôle de facilitateur, et le ministre pour son avis favorable.

Nous sommes dans une démarche d’initiative sénatoriale. Chacun a adopté un comportement pragmatique, constructif. Nous nous sommes un peu fait hara-kiri, puisque nous voulions aller plus loin. Nous avons confiance dans la navette. J’espère que cet esprit perdurera au cours des lectures dans les deux assemblées. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. le président de la commission de la culture applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je tiens tout d’abord à remercier Mme Marie-Christine Blandin pour le travail considérable qui a été effectué, ainsi que M. le rapporteur et M. le président de la commission.

Je voudrais aussi les persuader de mon total engagement à poursuivre le processus législatif ainsi légitimement inauguré par le Sénat. Je dis bien « total engagement », car dans toutes les activités professionnelles que j’ai exercées avant d’être nommé ministre de la culture et de la communication, j’ai été extrêmement proche des questions qui ont été évoquées. Je suis absolument persuadé que nous réfléchissons tous dans le même sens, à savoir la protection du photojournalisme et du photoreportage, qui sont effectivement des domaines essentiels, à la fois de la création artistique, de l’information et de la culture en général mises à la disposition de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Donc, ne doutez pas de ma résolution.

Le temps qui s’ouvre devant nous sera le plus court possible, mais il sera aussi le plus riche possible grâce à une large concertation. Celle-ci a déjà été ouverte lors du travail que vous-même, madame Blandin, ainsi que la commission et son rapporteur avez effectué, mais aussi à l’occasion des nombreuses visites que j’ai faites lors des grandes manifestations photographiques et au cours de toutes mes rencontres avec les photographes. (Applaudissements sur l’ensemble des travées.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux oeuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle
 

7

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 28 octobre 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-90 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

8

Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J’ai reçu avis de la démission de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, comme membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et de celle de Mlle Sophie Joissains, comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des finances en remplacement de M. Alain Lambert, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

9

 
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire
Discussion générale (suite)

Développement du fret ferroviaire

Rejet d'une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Mireille Schurch, Isabelle Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche (proposition n° 612 [2009-2010]).

Dans débat, la parole est à Mme Mireille Schurch, coauteur de la proposition de résolution.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme Mireille Schurch, coauteur de la proposition de résolution. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la discussion sur le Grenelle de l’environnement, les sénateurs du groupe CRC-SPG ont demandé que l’activité de fret ferroviaire soit reconnue d’intérêt général.

Lors de la discussion sur la mise en œuvre de ce même Grenelle de l’environnement, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé un amendement tendant à déclarer d’intérêt général le trafic de wagons isolés. Elle reconnaissait ainsi qu’il s’agissait d’une activité essentielle et pointait la nécessité de déclarer ce trafic d’intérêt général, ce qui constituerait « la première étape, nécessaire, mais non suffisante, pour autoriser le versement de subventions au secteur du fret en général ».

Pourtant, lors des débats en séance publique, le Gouvernement n’a pas suivi la commission et cette reconnaissance a été remise à plus tard.

C’est donc pour respecter les engagements pris lors des discussions sur le Grenelle de l’environnement que nous vous proposons aujourd’hui, mes chers collègues, de voter notre résolution.

Il est temps de dépasser les déclarations d’intention et de s’exprimer sur le caractère d’intérêt général de ce mode de transport des marchandises !

Parce que nous avons conscience de l’importance de ce sujet et de la responsabilité des parlementaires, la présidente de mon groupe, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, avait proposé au président Larcher la tenue d’une table ronde sur ce thème.

Cette table ronde a eu lieu le 29 avril 2010 et a permis un échange nourri entre les différents acteurs du secteur des transports : les directions de la SNCF et de Réseau ferré de France – RFF –, des opérateurs ferroviaires et routiers, des chargeurs, des entreprises, les organisations syndicales et les parlementaires.

Je veux aussi saluer ici le travail mené au sein du groupe de travail sénatorial sur l’avenir du fret ferroviaire, dont je suis membre. Je remercie son président Francis Grignon, ainsi que les administrateurs ayant suivi ces travaux.

Le rapport, publié il y a quelques jours, est de qualité et nous confirme l’urgence d’un Grenelle ferroviaire.

Le transport de marchandises est une activité d’utilité sociale, dans la mesure où, à travers ses infrastructures, une énorme part du capital productif de cette activité est propriété de la collectivité. C’est d’ailleurs vrai pour le transport ferroviaire, mais aussi pour le transport routier qui se déroule sur le domaine public.

Monsieur le secrétaire d’État, une intervention étatique particulière y demeure nécessaire et légitime.

Après-guerre, la SNCF comptait plus de 500 000 employés ; ils sont aujourd’hui 156 000. Son organisation est régie par des décrets de 1940. Avec la SNCF, la France dispose d’un atout considérable de maîtrise publique, capable d’influer sur l’ensemble du système de transport et de servir son pays.

Ce service public, assujetti à des contraintes techniques et à des exigences de sécurité particulièrement fortes, est un modèle de qualité, de compétence, de traitement équitable des agents et de respect de l’éthique collective.

S’il est vrai qu’il faut avancer sur un certain nombre de propositions, il ne faut pas démanteler la SNCF, en séparant l’infrastructure de l’activité d’opérations, ou la direction voyageurs et la direction marchandises, et, bientôt, la Direction de la circulation ferroviaire.

C’est donc d’une entreprise publique intégrée dont le fret ferroviaire a besoin pour son développement.

Nous ne reviendrons pas sur le déclin du fret ferroviaire – le constat est unanime et a été largement commenté. Il est dû essentiellement à des choix politiques budgétaires.

Ainsi, le programme « Infrastructures et services de transports », recouvrant l’exploitation, l’entretien des réseaux, le soutien au transport combiné, les aides aux opérateurs, est pour 2011 de 3,104 milliards d’euros, soit une baisse de 7 % par rapport à 2010. Le concours de l’État pour le plan de rénovation ferroviaire n’évolue pas en 2011. La subvention versée à RFF chute de 50 millions d’euros par rapport à l’exercice 2010, qui avait déjà enregistré une baisse de 75 millions d’euros par rapport à 2009. Nous sommes donc bien loin des 500 millions d’euros supplémentaires demandés dans l’audit de l’École polytechnique de Lausanne pour seulement maintenir l’intégralité du réseau en l’état. Je ne cite là que quelques chiffres…

Inversement, des choix de politiques publiques favorables au secteur routier ont permis, au cours des dernières années, une densification du réseau routier. Celui-ci a presque doublé depuis 1980.

Le 25 octobre 2007, le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo indiquait au journal Le Monde : « Pendant trente ans, on a fait beaucoup de routier et d’autoroutier. C’est fini : on n’augmentera plus la capacité routière. Notre stratégie est de développer le ferroviaire et le fluvial. »

Pourtant, l’avant-projet du schéma national des infrastructures de transport – le SNIT –, présenté en juillet dernier, n’inclut pas moins de dix-neuf projets routiers ou autoroutiers, accroissant ce réseau de 1 166 kilomètres.

Incidemment, il permet aux sociétés d’autoroute, qui ont été privatisées, d’augmenter encore leur marge nette, laquelle s’établissait pour certaines d’entre elles à plus de 18 % du chiffre d’affaires pour le premier semestre de 2010.

Autre exemple, dans le budget de 2010, le secteur routier est encore une fois privilégié, notamment grâce aux exonérations fiscales qui atteignent 330 millions d’euros, et ce alors que dans le même temps le fret ferroviaire n’a connu aucune innovation technologique, structurelle ou commerciale.

Monsieur le secrétaire d’État, vous favorisez toujours une concurrence « non libre et faussée » au profit du fret routier, bien loin des objectifs de rééquilibrage modal.

Pour notre part, nous jugeons nécessaire de rompre avec les discours comptables sur les pertes économiques du fret pour intégrer toutes les dimensions qu’offre ce mode de transport de marchandises en termes d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Pourquoi ne pas raisonner aussi en termes d’utilité sociale ?

D’un point de vue environnemental, le bilan écologique du fret ferroviaire est très positif. Une tonne de marchandise transportée génère deux grammes de dioxyde de carbone, ou CO2, par train en traction électrique, et jusqu’à mille grammes par route ou par avion.

De ce point de vue, il n’est pas suffisant de rappeler la mobilisation de l’État en faveur du fret ferroviaire lorsque, simultanément, la direction de la SNCF poursuit sa politique d’abandon de 60 % de l’activité « wagon isolé ».

N’envisage-t-elle pas d’abandonner à la route 255 000 wagons de marchandises ? Ne prévoit-elle pas un recul d’un tiers des volumes transportés par rapport à 2008 ?

Le rapport du cabinet Carbone 4, qui lui avait été remis, affirmait pourtant qu’il fallait garder la messagerie, afin de bénéficier de la spécificité française d’un réseau maillé fin et de permettre à notre pays de réduire ses émissions de CO2 au plus vite.

Dès lors, la pertinence économique invoquée contre le wagon isolé est biaisée, puisqu’elle ne prend pas en compte les externalités négatives produites par le transport routier. Ces coûts externes sont pourtant estimés à plus de 80 milliards d’euros : pollution, insécurité routière, congestion du trafic et détérioration du réseau routier, dont la charge revient à l’État et de plus en plus, aujourd’hui, aux collectivités locales.

Il est vrai que l’impossibilité de calculer réellement ces coûts est souvent mise en avant. Mais plusieurs recommandations européennes permettent de les évaluer. Pourquoi ne pas saisir cette occasion ?

Aujourd’hui en France, le système de calcul des externalités négatives est en retrait par rapport aux recommandations européennes et aux exigences d’un développement durable.

De cette absence de prise en compte résulte un avantage comparatif pour la route, pourtant globalement plus coûteuse pour la collectivité nationale.

Ainsi, les comités opérationnels du Grenelle de l’environnement prévoyaient une écotaxe prélevée sur les poids lourds à compter de 2011.

Malheureusement, comme vous le savez, mes chers collègues, l’avenir de cette écotaxe est compromis, faute de courage politique. Après le retrait de la taxe carbone et de l’éco-redevance poids lourds, son application était prévue pour 2011. On parle maintenant de 2012, et ce malgré les propos de Nicolas Sarkozy. En juin 2007, celui-ci déclarait : « Nous devons créer une redevance pour l’utilisation de notre réseau routier et autoroutier par les camions, qui reflètera le coût porté au réseau et surtout à l’environnement par ce mode de transport des marchandises. La taxe à l’essieu, qui en pratique n’est payée que par les transporteurs français, sera supprimée. »

Le manque à gagner résultant du report de cette écotaxe est de 1,3 milliard d’euros brut pour les ressources de l’État. C’était pourtant le seul engagement de ressources financières du Grenelle de l’environnement, sa vocation étant de sortir le transport routier de la sous-tarification par prise en compte des externalités.

Le Gouvernement vient de franchir une nouvelle étape en autorisant la circulation des camions de 44 tonnes sur le territoire.

Je peux citer un autre exemple, alarmant pour ma région. L’usine Adisseo de Commentry dans l’Allier a un projet de biomasse sur son site. Quelque 150 000 tonnes de bois doivent être acheminées. Le fret ferroviaire a-t-il été choisi ? Non ! Il est prévu, pour cela, des camions de 57 tonnes mesurant 25,5 mètres de long. C’est le comble pour un projet qui se veut vertueux !

Du point de vue de l’aménagement du territoire, le fret ferroviaire et, surtout, l’activité « wagon isolé » permettent la desserte des territoires et contribuent au maillage qui a été historiquement un motif de fierté nationale.

Alors que le wagon isolé est la clé de valorisation de l’atout réseau, donc du report modal et de l’intérêt général, la direction de la SNCF continue à le charger de tous les maux économiques. Pourtant, l’abandon de cette activité tournerait le dos à la massification multi-clients, qui est nécessaire au report modal, et conduirait à la marginalisation du mode ferroviaire.

Comment justifier, alors, le choix de la Deutsche Bahn, qui considère le wagon isolé comme une activité d’avenir ?

Cette activité représente 42 % du volume fret ferroviaire en France et recèle un important potentiel de développement. J’ai reçu hier soir des salariés et la direction de l’usine Dunlop-France à Montluçon, dans l’Allier. La SNCF a acheminé, depuis le début de l’année, 1 455 tonnes de noir de carbone et 87 tonnes d’oxyde de zinc, qui sont des matières polluantes. Bien qu’elle ait réalisé en 2009 des travaux d’infrastructure pour un coût de 100 000 euros, elle a brutalement annoncé l’arrêt de cet acheminement, sans concertation, à compter du 31 octobre prochain. Je crois que, dans ce cas comme dans de trop nombreux autres, le mot « abandon » n’est pas trop fort.

Pourtant, le quotidien Les Échos du 5 juillet 2010 rapportait que plusieurs industriels avaient demandé un report du plan fret tel que proposé par la SNCF. Pour les signataires du communiqué, la nouvelle organisation telle qu’elle est projetée devrait « entraîner un transfert massif de l’activité vers le transport routier ». Le wagon isolé « représente 50 % des flux ferroviaires de la sidérurgie, 60 % de ceux de la chimie et 80 % de ceux des constructeurs automobiles ».

Certains vont même jusqu’à parler de « danger mortel pour des PME » ou n’hésitent pas à évoquer « la possibilité de voir des entreprises délocaliser à l’étranger pour éviter ces nouvelles contraintes coûteuses ». Pour un gouvernement si attaché au développement économique et à la compétitivité de nos territoires au sein de la concurrence mondialisée, il y a là une contradiction majeure.

De plus, comment mettre en place un réseau fret orienté sachant que les gares françaises sont saturées par les TER et les TGV et que la direction annonce la fermeture de nombreuses gares et plateformes de triage ? On ne peut pas prétendre, dans le discours, faire jouer à l’entreprise un rôle de leader européen et être incapable, dans le même temps, de desservir une grande partie du territoire national.

N’y a-t-il pas d’autres moyens pour sauver le fret que de sacrifier la branche « wagon isolé » ou de mettre en concurrence le transport de voyageurs et le transport de marchandises ?

Du point de vue social, il est vrai qu’il y a « une augmentation plus rapide des coûts salariaux à la SNCF par rapport au transport routier » et que, entre 2003 et 2008, le salaire annuel moyen a crû de 6,2 % à la SNCF, hors intégration industrielle de la traction au sein du fret, contre 3 % pour le mode routier. Mais le statut des cheminots est une source de fiabilité et de sécurité, a fortiori si ceux-ci doivent travailler bien au-delà de 60 ans !

Ce constat est réel, alors pourquoi prôner le nivellement par le bas ? Je vous rappelle, mes chers collègues, que le développement durable repose sur trois piliers – un pilier économique, un pilier écologique et un pilier social – et que vous ne pouvez oublier le troisième.

Selon nous, le groupe SNCF, avec Geodis, doit devenir, pour la France et l’Europe, le laboratoire d’une nouvelle conception du transport multimodal du fret, de son financement et des conditions sociales des salariés. Il est l’outil majeur de la mise en œuvre de la politique multimodale intégrée que nous avons décidée dans la loi Grenelle 1 et inscrite dans la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI.

Rendez-vous compte, mes chers collègues : la France dispose – c’est unique en Europe – d’un groupe de transport et logistique multimodal sous sa maîtrise. Oserions-nous en faire une machine industrielle de report modal vers la route ? Nous marcherions à contresens de l’avenir. Ne laissons pas passer cette chance d’atteindre nos objectifs du Grenelle ! Je rappelle, en effet, que l’autorité environnementale a attiré notre attention, dans un récent avis, sur le fait que, en l’état des orientations actuelles, ces objectifs sont inatteignables.

La SNCF compte aujourd’hui 650 filiales, mais a supprimé 21 500 emplois entre 2002 et 2009 dans son établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC, soit l’équivalent de 30 usines Molex et de 8 usines Continental. En cette période de crise et de précarité, l’État ne devrait-il pas donner l’exemple ? Ne devrait-il pas protéger la notion de service public ?

Cela pose la question essentielle du type de modèle social d’entreprise que l’État veut promouvoir.

Les solutions avancées aujourd’hui ne portent malheureusement pas la marque d’un véritable volontarisme politique, d’une ambition réelle que mérite pourtant le fret.

Ainsi en est-il de la question récurrente de la dette de RFF. La Cour des comptes précisait à ce sujet : « Le désendettement de la SNCF aurait pu être obtenu par le transfert d’une partie de ses dettes à l’État, ce que la directive 91-440 autorise. Dans la plupart des autres pays européens, l’État a ainsi repris une grande partie des dettes de l’opérateur ferroviaire historique. En Allemagne, l’État a effacé les dettes financières des chemins de fer à hauteur de 35 milliards d’euros en 1994. […] Ainsi soulagée, [la Deutsche Bahn] s’est ensuite endettée de nouveau pour financer des investissements, y compris de croissance externe, qui en font en 2007 l’entreprise la plus puissante sur le marché ferroviaire européen. »

En France, RFF, asphyxié par le poids de la dette, ne peut faire face aux immenses besoins qu’appelle la régénération du réseau.

De plus, des propositions sont avancées alors qu’aucun bilan des différents plans et de la libéralisation du secteur n’a été entrepris.

L’Union européenne a mené depuis le début des années 1990 une politique de libéralisation progressive. Or, vingt ans plus tard, le constat du déclin du fret est toujours d’actualité ! C’est pourquoi nous demandons qu’un bilan soit dressé avant d’aller plus loin dans cette direction.

Le plan fret proposé par la SNCF n’est pas acceptable : rappelons que, en 2007, le plan, approuvé par la Commission européenne, a fait baisser le trafic de 47 milliards à 40 milliards de tonnes-kilomètres, a supprimé près de 7 000 emplois de cheminots, fermé 4 triages, 100 gares principales fret et plus de 100 points de dessertes, a réduit le parc de locomotives de 24 % et le parc de wagons de 21 %, a divisé par deux les agences commerciales fret. Le plan actuel est loin des ambitions du Grenelle !

De même, certaines propositions avancées par le rapport sur l’avenir du fret laissent perplexe.

Ainsi en est-il de la proposition visant à garantir l’indépendance de la direction de la circulation ferroviaire au sein de la SNCF. Elle n’a tout simplement rien à voir avec le fret, elle s’inscrit seulement dans la logique de démantèlement de l’entreprise.

Ce qui est proposé en vérité, c’est l’externalisation des missions de service public, puisque c’est actuellement la direction de l’infrastructure qui est chargée du pilotage de la sécurité à la SNCF.

J’en viens au développement des opérateurs ferroviaires de proximité, les OFP.

L’émergence des opérateurs ferroviaires de proximité, là où le fret ferroviaire est traditionnellement absent, pourrait contribuer au report modal, à condition toutefois qu’ils ne se créent pas sans la SNCF, ou a fortiori contre elle. L’assemblage de l’offre et de la production nécessite d’organiser une complémentarité avec la SNCF. Celle-ci, avec son groupe, doit donc être un acteur pivot de ce développement. Concevoir les OFP comme alternative et en substitution de la SNCF conduira à un échec assuré.

Pas moins de huit associations environnementales, la FNAUT, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports, et les syndicats ont demandé, dans un texte commun du 19 mars dernier, la révision pour partie du plan fret de la SNCF. Ils estiment que « la SNCF [est] seule à même d’assurer un maillage du réseau, pour le wagon isolé et en organisant une complémentarité avec les opérateurs de fret de proximité – OFP – […] pour activer concrètement un report modal. Ces OFP ne doivent pas être des low cost contournant les standards sociaux, environnementaux et de sécurité actuels par dumping. En l’absence de cette synergie, ce sera l’échec assuré avec, en plus, 8 000 emplois SNCF bradés. »

Ces organisations concluaient qu’il faut examiner des « organisations nouvelles de la production SNCF en proximité, spécialement adaptées et en coopération avec les opérateurs nouveaux pour, ensemble, donner de la pertinence économique aux convois ».

Vous le voyez, il n’y a pas de blocage, alors profitons de ces larges convergences de vues. Le fret SNCF, et ferroviaire en général, sera d’avenir s’il conjugue des acheminements massifs et un aménagement fin du territoire, en réponse aux activités humaines et économiques, industrielle ou de distribution. Pour réussir, la responsabilisation de la SNCF est incontournable.

Il est aussi parfaitement envisageable de reconnaître à la SNCF des droits exclusifs sur les acheminements déficitaires sur la base de contrats de service public, afin d’assurer un maillage territorial efficace et de reporter la part du modal routier vers le ferroviaire.

Le fret de proximité, indispensable à nos territoires, a un réel avenir. Encore faudrait-il faire preuve d’un véritable volontarisme !

Sur la question du financement, nous regrettons la privatisation des concessions autoroutières, qui privent l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, de ses capacités d’intervention. Ces sociétés, qui sont largement excédentaires, pourraient utilement être mises à contribution financièrement : il y aurait alors un vrai report du transport routier vers le transport ferroviaire, comme nous y invite le Grenelle de l’environnement. L’opinion publique, les entreprises et les élus le souhaitent.

De plus, nous pensons qu’il faut donner la priorité à la régénération et à l’aménagement des lignes existantes et ne pas se lancer à bras-le-corps dans « le tout grande vitesse ».

J’en viens à nos propositions.

Le concept de développement durable s’impose de plus en plus. Dans ce cadre, la marginalisation du transport ferroviaire de marchandises interpelle les citoyens dans leur vie quotidienne, et les décideurs dans les politiques à mettre en œuvre.

M. le président. Madame Schurch…

Mme Mireille Schurch, coauteur de la proposition de résolution. J’ai bientôt terminé, monsieur le président.

Le mode ferroviaire est peu polluant, économe en espace et en énergie, il est aussi un élément structurant de l’espace économique et social. Il doit donc être un levier stratégique pour la satisfaction des besoins actuels et futurs.

Nous proposons donc de réintroduire les facteurs sociaux et environnementaux, qui sont également pertinents, dans le débat sur l’avenir du fret. Cosignataire de l’appel des 365, j’aimerais que soit organisé un « Grenelle du ferroviaire », un souhait partagé par Louis Nègre. (Mme Brigitte Bout manifeste son impatience.)

Pour cela, nous vous proposons, d’une part, un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité « wagon isolé » et, d’autre part, la préservation des installations ferroviaires.

Par ailleurs, dans le même ordre d’idées, une approche globale de la rentabilité de chacun des secteurs d’activité de la SNCF permettrait d’avoir une démarche de péréquation entre les différentes branches. Pour cela, il faut reconnaître le caractère d’intérêt général de l’activité fret.

M. le président. Madame Schurch !

Mme Mireille Schurch, coauteur de la proposition de résolution. J’en termine, monsieur le président.

Parce que le bilan du fret est la résultante de choix stratégiques, nous vous demandons, dans l’objectif d’un rééquilibrage modal, qu’une législation spécifique au secteur routier permette d’internaliser les coûts externes, notamment environnementaux. Nous proposons d’instaurer au plus vite une taxe poids lourds, dont les ressources doivent être fléchées pour les investissements sur le réseau ferré.

Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, représentants des citoyens et de leurs territoires, à adresser, avec cette proposition de résolution, un signal fort en faveur de la préservation de nos territoires et des services publics qui les structurent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Michel Teston applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprimerai en tant que président du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, constitué au sein de la commission de l’économie sur l’initiative du président Jean-Paul Emorine, que je tiens à remercier ici chaleureusement.

Madame Schurch a bien voulu évoquer ce groupe de travail, auquel elle a participé. J’en profite pour la remercier. Je remercie également de leur engagement les autres participants à ce groupe de travail, Michel Teston, Claude Biwer, Louis Nègre, ainsi que l’administrateur en charge de ce dossier à la commission.

Ce groupe a rendu, la semaine dernière, son rapport sur un sujet qui préoccupe, à juste titre, les auteurs de la proposition de résolution. Notre commission s’est également interrogée, dès novembre 2009, sur l’avenir de ce mode de transport, et disons clairement que, si nous partageons beaucoup d’éléments du diagnostic de la crise du fret avec les auteurs de la proposition, nous divergeons sur les préconisations, en particulier sur la déclaration d’intérêt général pour l’ensemble du fret ferroviaire et, donc, sur le moratoire de la réforme du wagon isolé à la SNCF.

Mes chers collègues, permettez-moi de ne pas revenir sur l’état des lieux, que tout le monde connaît, mais de rappeler brièvement les réformes ambitieuses déjà engagées par le Gouvernement, avant de vous présenter les propositions du groupe de travail.

Première mesure gouvernementale : RFF se voit confier des objectifs précis au travers du contrat de performance signé avec l’État le 3 novembre 2008. C’est une grande avancée dans l’organisation du trafic ferroviaire, notamment à travers l’attribution et le contrôle qualité des sillons.

Deuxième mesure : le 16 septembre 2009, le Gouvernement a présenté l’Engagement national pour le fret ferroviaire, ENFF, pour une enveloppe financière globale de 7 milliards d’euros qui devrait s’étaler sur une dizaine d’années.

Troisième mesure : la SNCF a engagé une nouvelle réforme du fret en 2009 ; c’est la fameuse offre « multi-lots multi-clients ». Ce plan a justement pour objet de rationaliser et de massifier le trafic de wagon isolé. Il y va de la survie financière de la branche fret de la SNCF et peut-être même du groupe SNCF. Qui peut croire un seul instant que la branche fret de la SNCF peut supporter 3 milliards d’euros de déficit cumulé depuis 2003 sans que la direction s’en inquiète ?

Quatrième mesure : l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, ARAF, est enfin mise en place et a vocation à devenir le juge de paix dans le domaine ferroviaire.

J’en viens maintenant aux propositions du groupe de travail. Elles sont structurées autour de trois axes.

Le premier axe est le renforcement de la qualité de service des opérateurs ferroviaires à travers trois propositions.

La première proposition est de réaliser au plus vite les corridors de fret, afin de faire émerger un réseau ferroviaire européen compétitif là où le fret ferroviaire est compétitif par rapport à la route.

La deuxième proposition est d’exhorter la SNCF à passer d’une logique de l’offre à une logique de la demande, afin de répondre aux attentes concrètes des entreprises clientes. Satisfaire les besoins de ses clients doit être la préoccupation première de la SNCF.

La troisième proposition est de mener une réflexion sur la possibilité d’attribuer des aides publiques pour l’exploitation de certaines lignes de faible trafic de wagons isolés qui répondent à une logique d’aménagement du territoire. La SNCF est, en effet, la seule entreprise qui assure aujourd’hui le trafic de wagons isolés, source des deux tiers du déficit de l’activité fret, alors qu’elle doit, dans le même temps, rendre des comptes à l’État.

Le deuxième axe de nos propositions est l’amélioration de l’organisation du système ferroviaire.

Nous avons appelé le Gouvernement et la SNCF à prendre rapidement les mesures nécessaires pour garantir l’indépendance fonctionnelle de la direction de la circulation ferroviaire, conformément à l’avis motivé du 1er octobre 2009 de la Commission européenne qui reprochait à notre pays de ne pas avoir donné la personnalité juridique à cette direction.

Le groupe de travail a également proposé que le raccordement entre les grands ports maritimes et leur arrière-pays économique soit érigé au rang de priorité stratégique. Par ailleurs, nous fondant sur l’exemple suisse, nous sommes favorables, dans certains cas, à la création de subventions publiques pour les voies de raccordement aux zones d’activité, afin d’inciter les entreprises à recourir au fret ferroviaire.

Enfin, nous appelons de nos vœux la mise en place rapide des opérateurs ferroviaires de proximité, les OFP.

Alors que l’Engagement national pour le fret ferroviaire prévoyait, à partir de 2010, la création d’au moins un opérateur ferroviaire de proximité dans chaque grand port maritime, un seul a vu le jour au port de la Rochelle, avec Euro Cargo Rail, filiale de la Deutsche Bahn, et non la SNCF.

Il existe un autre OFP sur le terrain dans le pays Cathare, mais son activité et ses ambitions demeurent modestes.

Je ne l’ignore pas, certains observateurs craignent que les OFP ne sortent de leur champ de compétence en concurrençant la SNCF plutôt qu’en faisant du transfert modal. Mais le groupe de travail estime que ces craintes sont exagérées et que des accords doivent être trouvés entre Voies ferrées locales et industrielles, VFLI, et les représentants des entreprises ou des ports.

Le troisième et dernier axe est la recherche de sources de financement pérennes pour garantir la réalisation de l’Engagement national pour le fret ferroviaire.

Nous appelons le Gouvernement à assurer des ressources pérennes à l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, AFITF. Le groupe de travail souhaite notamment la mise en place rapide, à l’échelon national, de la taxe poids lourds, son extension à terme aux autoroutes concédées, une fois révisée la directive Eurovignette II, et, enfin, la hausse raisonnable des redevances domaniales payées par les sociétés d’autoroute, bien évidemment dans le cadre des équilibres contractuels.

La taxe poids lourds devrait voir le jour en 2012, conformément aux engagements pris devant le Parlement. Mais n’oublions pas que chaque année de retard représente pour l’AFITF environ un milliard d’euros de manque à gagner que le Gouvernement doit combler à partir de son budget général.

Enfin, nous avons proposé de relever progressivement le montant des péages ferroviaires. D’après une étude conduite par l’OCDE en 2008, les péages moyens du fret français se trouvent en effet parmi les moins chers d’Europe : environ 2 euros par train-kilomètre en France, contre 2,6 euros en Allemagne et 6,2 euros au Royaume-Uni.

Avant de conclure, je voudrais faire le point sur deux sujets qui me sont chers et qui sont connexes aux sujets abordés ici : l’impossibilité aujourd’hui de créer une entreprise ferroviaire intégrée, d’une part, et l’impossibilité d’une uniformisation soudaine des conditions sociales dans le secteur ferroviaire, que ce soit par le haut ou par le bas, d’autre part.

S’agissant de l’entreprise ferroviaire intégrée, les directives communautaires nous imposent une séparation au moins comptable entre les opérateurs ferroviaires et le gestionnaire du réseau. La concurrence est là, elle s’impose aux opérateurs ferroviaires de fret. Que l’on s’en félicite ou non, c’est un fait : il n’y a plus de monopole de la SNCF. La péréquation traditionnelle, au sein de la SNCF, entre les activités rentables et les activités déficitaires est donc désormais impossible. C’est pourquoi il faut changer d’échelle, de paradigme, instaurer des comptes de ligne, comme en Suisse, et instituer de la péréquation à l’échelon national, ligne par ligne, ce que nous avons proposé pour les lignes de fret répondant à un impératif d’aménagement du territoire.

Je fais souvent référence à la Suisse car, pour moi, c’est un modèle en matière ferroviaire. En effet, bien que ce pays ne soit pas soumis aux règles de l’Union européenne, il a su, sans introduire la concurrence, moderniser le système et devenir l’opérateur ferroviaire le plus performant en Europe.

Quant à l’uniformisation des conditions sociales dans le secteur du transport ferroviaire, je crois qu’il faut rappeler quelques évidences, tant économiques que juridiques.

Sur le plan économique, le rapport Bain, qui a été commandé par la direction de la SNCF et qui fait désormais référence, a montré qu’il existe un surcoût de 30 % de la main-d’œuvre des cheminots SNCF par rapport aux agents de VFLI, filiale privée de la SNCF.

Cette différence de coût s’explique d’abord par des écarts de productivité liés à la polyvalence, au salaire moyen moindre et au nombre de jours travaillés plus importants des agents de VFLI, ensuite par des coûts de structure et d’encadrement deux fois plus importants à la SNCF que chez VFLI et, enfin, par des charges spécifiques à la SNCF.

Vous savez tous que le fret ferroviaire est pénalisé par sa faible compétitivité. Imposer ce surcoût de 30 % à tous les opérateurs concurrents de la SNCF serait, à coup sûr, le meilleur moyen de ralentir son redressement et de ne pas atteindre les objectifs de report modal fixé par le Grenelle de l’environnement. C’est à la SNCF de réduire progressivement et dans le temps cet écart, afin de ne pas pénaliser le personnel régi par le statut.

Sur le plan juridique, il ne faut pas méconnaître la liberté contractuelle et rayer d’un trait de plume tout le travail réalisé par les partenaires sociaux. En effet, les syndicats et les organisations professionnelles ont signé en juin 2007 un accord de branche pour définir justement le champ d’application de la convention collective nationale de branche du transport ferroviaire. Un accord de branche a été conclu le 14 octobre 2008 sur l’organisation et l’aménagement du temps de travail, et un autre accord vient d’être conclu sur la classification et la qualification.

Plutôt que de parler de convention collective harmonisée, avec le risque que les instances communautaires jugent cette uniformisation contraire au droit de la concurrence, il vaut mieux, selon moi, parler de convergence entre les multiples accords de branche du privé et le décret du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la SNCF, le fameux RH 0077.

Voilà, mes chers collègues, le fruit des réflexions du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire que j’ai eu l’honneur de présider, et les raisons personnelles qui m’incitent à être défavorable à la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de l’occasion qui nous est donnée aujourd’hui de débattre du fret ferroviaire au détour de la proposition de résolution déposée par mes collègues du groupe CRC-SPG. C’est une préoccupation majeure, parce que le fret est frappé par deux crises.

La première, la crise économique, conjoncturelle, a terriblement affecté les volumes de trafic entre 2008 et 2010. Les indicateurs semblent heureusement repartir à la hausse.

La seconde crise que connaît le fret est plus grave, car elle est structurelle.

En effet, le secteur du fret ferroviaire connaît, depuis sa séparation des activités de transport de voyageurs, des déficits structurels. Le maillage territorial autour de grands axes souffre à la fois d’un retard dans les investissements du réseau et d’un manque d’ambition pour le report de l’activité de transport de marchandises longue distance de la route, grande productrice de CO2, vers le rail.

Certes, des réformes ont été engagées, que ce soit en matière de déploiement du personnel, de rationalisation de la carte des dessertes, d’ouverture théorique à la concurrence, mais nous sommes loin, très loin, d’une réforme d’ampleur, ambitieuse, telle que l’Allemagne l’a conduite ces dernières années.

Il est donc urgent de porter une ambition nationale pour le fret, ce que le Grenelle avait amorcé, pour deux raisons principales.

La première raison est que le développement du fret est une réponse à la problématique environnementale. En effet, sur les longues distances, il est nettement moins polluant que le transport par camions. En outre, en reportant sur le rail une partie du transport routier de marchandises, on améliore sensiblement la fluidité du trafic sur les grands axes autoroutiers, et donc la sécurité routière.

La deuxième raison qui fonde le nécessaire développement d’une politique publique forte en faveur du fret relève d’une approche globale.

En effet, le fret ferroviaire constitue un levier pour développer une politique cohérente de développement industriel, en améliorant le transport des produits chimiques ou encore des produits industriels lourds ou volumineux.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux m’empêcher, vous le comprendrez, de penser au transport des déchets nucléaires qui, un jour, seront stockés dans mon département. On s’apercevra peut-être qu’il est plus sûr de profiter d’un transport par le rail...

Le fret ferroviaire est aussi un vecteur important d’aménagement économique du territoire. En effet, le fret doit servir le désenclavement des bassins de production, industrielle, agricole, sylvicole, en les reliant aux métropoles nationales et aux grandes infrastructures, telles que les ports de marchandises, les aéroports, en France comme dans les pays frontaliers.

D’ailleurs, réciproquement, le développement des ports fluviaux et maritimes favorisé par l’internationalisation des échanges ne se fera pas sans l’intermodalité du rail.

Bref, la politique publique en faveur du fret est un levier considérable de développement économique et d’aménagement du territoire, à condition qu’on lui donne les moyens de se développer. En ce sens, les propositions du groupe CRC-SPG ne me semblent pas complètement satisfaisantes.

En effet, d’une part, la restructuration profonde de ce secteur va nécessairement de pair avec une rationalisation des emplois, de la carte des dessertes. Les syndicats allemands ont d’ailleurs participé à la détermination des mesures assez radicales – fermeture d’un tiers des gares de fret, diminution de la moitié des effectifs du principal opérateur, flexibilisation accrue du temps de travail –, afin de réaliser les gains de productivité indispensables à la relance de l’activité.

Certes, c’est un coût social qu’il faut assumer, mais, aujourd’hui, le fret allemand est solide, en croissance ; il embauche de nouveau et se déploie dans l’ensemble de l’Europe.

En outre, je ne partage pas complètement votre point de vue sur le wagon isolé. Oui, il est nécessaire de conserver, à titre de service public, le wagon isolé, ainsi que les embranchements sur site. Mais la revitalisation du fret passe, en premier lieu, par le développement économique de ses acteurs et par une remise aux normes de son réseau.

Or, la première priorité est de redonner confiance aux entreprises et donneurs d’ordres en améliorant la fiabilité et la qualité du réseau. Dans ce domaine, le défi est sans précédent !

En outre, si le maintien du wagon isolé est une préoccupation importante en termes d’aménagement du territoire, il faut accepter que celle-ci ne soit pas forcément la première mesure de sauvetage du fret.

Il faut fiabiliser le réseau dans son ensemble pour redonner confiance au secteur du transport par fret. Pendant les travaux de rénovation, et peut-être même au-delà, les trains de marchandises pourraient d’ailleurs emprunter, la nuit, les axes structurants de transports de voyageurs. Actuellement, même les TGV parcourent des distances importantes sur des réseaux existants, dans l’attente de la construction de réseaux nouveaux.

Ce n’est pas sans raison si, pour le nord de la Lorraine, dont je suis, l’acheminement se fait par Rotterdam et Anvers, qui ont une gestion humaine et rationnelle de l’emploi dans ce secteur désormais concurrentiel.

En revanche, l’idée d’une taxe sur les poids lourds pour financer la rénovation des infrastructures de fret est, selon moi, souhaitable. Dans le cadre d’un rapport que j’avais conduit, en collaboration avec Mme Alquier, notre collègue socialiste, sur le niveau d’équipement de la France en infrastructures de transports et ses conséquences sur le désenclavement des régions françaises, nous avions proposé une « taxe au kilomètre », qui aurait remplacé la taxe à l’essieu payée uniquement par les entreprises françaises. Elle aurait été payée par tout le monde, son application étant contrôlée par satellite, et aurait apporté à l’AFITF, outre des mesures portant notamment sur des plus-values, des compléments de financement non négligeables.

Malheureusement, si la délégation à l’aménagement et au développement durable du territoire du Sénat – je me tourne vers vous, monsieur le président de la commission de l’économie – a unanimement adopté ce rapport, ses propositions n’ont jamais franchi les portes de l’Assemblée nationale, ce que, bien sûr, je regrette.

Nous avons mené une tentative identique, par le biais du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, dont le président, M. Grignon, s’est exprimé tout à l’heure. Or, nous sommes contraints de le constater, la situation est de nouveau difficile, et les voies – politiques, cette fois-ci ! – se resserrent. Nous cherchons encore à trouver le bon créneau pour évoquer ce problème de manière efficace.

Malgré une ambition commune pour développer le fret ferroviaire, notre point de vue diverge de celui du groupe CRC-SPG sur les mesures à prendre et la priorité qu’il convient de donner à chacune d’entre elles.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler au nom du groupe de l’Union centriste, qui estime que cette proposition de résolution devrait être amendée afin de pouvoir être soutenue et adoptée.

Au demeurant, nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que la voie du fret ferroviaire ne soit jamais barrée. (Sourires. – Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au sein des modes de transport de marchandises, la part du fret ferroviaire et fluvial est tombée de 42 % en 1984 à 14 % en 2007. Depuis, cette part a encore baissé, le fret ferroviaire ne représentant plus en France, en 2008, que 40 milliards de tonnes-kilomètres, soit 10 % de tous les modes de transport intérieur confondus.

L’activité fret de la SNCF a été divisée par deux. Elle a entraîné chaque année des pertes importantes conduisant à plusieurs plans de relance et à deux refinancements au moins.

L’ouverture à la concurrence, depuis 2006, s’est traduite pas l’arrivée de nouveaux opérateurs, qui détiennent désormais une part de marché de 16 %. Le développement de leur activité s’est fait essentiellement au détriment de Fret SNCF.

Cet état des lieux nous conduit à nous poser plusieurs questions. Quelles sont les causes du déclin des transports de marchandises par le train ? Les pouvoirs publics ont-ils pris conscience de cette situation ? Quelles sont les mesures à prendre pour relancer l’activité du fret ferroviaire en France ?

Je commencerai par évoquer les causes principales du déclin du fret ferroviaire.

La première, c’est le mauvais état d’un certain nombre de lignes sur lesquelles circulent des trains de fret.

La deuxième cause, ce sont des règles du jeu qui pénalisent le mode ferroviaire par rapport au mode routier. Actuellement, en effet, tous les coûts externes du transport routier de marchandises – pollution de l’air, CO2, insécurité routière, usure et congestion des réseaux routiers – ne sont pas intégrés à sa tarification. Il en résulte un avantage important pour le transport routier de marchandises, pourtant globalement plus coûteux pour la collectivité nationale que les autres modes de transport.

La troisième cause, c’est la désindustrialisation de la France et la faiblesse en tonnage des ports maritimes français.

Les pouvoirs publics ont-ils pris conscience de cette situation ? La loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle 1 », a mis l’accent sur un développement performant et sobre en carbone du transport des marchandises. Il s’agit de faire passer de 14 % à 25 % à l’échéance 2022 la part modale du non-routier et du non-aérien, avec une première étape à 17,5 % en 2012. Cette croissance serait assurée par le fret ferroviaire pour 85 % et par le transport fluvial pour 15 %.

En 2009, l’État a arrêté un engagement national pour le fret ferroviaire d’un montant de 7 milliards d’euros. On pouvait donc penser que les pouvoirs publics avaient pris conscience de la nécessité de relancer le fret ferroviaire. Cette impression ne résiste toutefois pas à l’analyse.

En effet, la loi dite « Grenelle 2 » est très en retrait par rapport aux bonnes orientations du Grenelle 1. Quant à l’Engagement national pour le fret ferroviaire, son financement n’est pas réellement assuré. Le Gouvernement vient, en outre, de repousser la mise en place de l’eurovignette et de la taxe carbone.

En revanche, la SNCF, qui, dans le cadre de cet engagement national, doit investir 200 millions d’euros par an pendant cinq ans pour conforter son activité fret, a tenu, à ce jour, son engagement.

Le constat de la faible motivation de l’État nécessite donc de prendre des initiatives à sa place. C’est la mission que s’est assignée le groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire mis en place par la commission de l’économie du Sénat, qui a, notamment, organisé une table ronde réunissant de nombreux acteurs œuvrant dans le ferroviaire. Il convient de noter, monsieur Bussereau, que le secrétariat d’État chargé des transports n’y était pas représenté.

La proposition de résolution déposée par nos collègues du groupe CRC-SPG, dont nous débattons aujourd’hui, constitue une autre initiative intéressante, approuvée par le groupe socialiste.

En effet, les ambitieux objectifs du Grenelle 1 nécessitent la mise en place d’un plan volontaire en matière de développement du fret ferroviaire.

Dans le contexte de libéralisation voulue par la Commission européenne, libéralisation que le groupe socialiste désapprouve, mais qui est une réalité, ce plan doit nécessairement comporter les trois actions suivantes.

Première action, il faut fixer des règles du jeu qui ne pénalisent pas un mode de transport par rapport à un autre, ou un ou des opérateurs ferroviaires par rapport à son ou leurs concurrents.

En effet, le constat est le suivant : tous les coûts externes – pollution de l’air, CO2, insécurité routière, congestion du trafic et détérioration des réseaux routiers –, qui pourraient représenter, selon la Commission européenne, 210 milliards d’euros à l’horizon 2020, ne sont pas intégrés. L’instauration de l’eurovignette, d’ailleurs prévue par la législation européenne, serait un bon moyen d’internaliser dans la tarification l’ensemble des coûts externes du transport routier de marchandises. Il en va de même pour la taxe carbone, qui devrait s’appliquer à tous les engins thermiques polluants, qu’ils soient routiers ou ferroviaires. Malheureusement, le Gouvernement a repoussé la mise en œuvre de ces deux mesures.

De fait, bien que bon nombre d’entre eux y soient réticents, les transporteurs routiers français auraient intérêt à ce que soit mise en place une fiscalité écologique leur permettant de lutter à armes égales avec les transporteurs routiers des autres États, lesquels peuvent effectuer des acheminements intérieurs en profitant de la possibilité ouverte par le cabotage.

Au sein du mode ferroviaire, il apparaît que la SNCF est plus chère que la concurrence, en raison, notamment, de coûts d’organisation plus élevés.

Comme il n’est pas envisageable d’égaliser « par le bas » les conditions sociales des personnels, il convient d’œuvrer en faveur d’une harmonisation sociale européenne et française « par le haut », seule susceptible de créer des conditions équitables de concurrence.

Dans l’attente de cette harmonisation, qui ne pourra intervenir qu’à moyen ou à long terme, pourquoi ne pas mettre en place un dispositif qui, à l’instar de ce qui existe en Allemagne, permettrait de faire supporter le différentiel financier, tant qu’il existera, par une structure ad hoc ?

Le transport par wagon isolé est essentiel pour assurer un bon maillage du territoire. Son coût est cependant jusqu’à deux fois plus élevé que celui du transport par la route. Il apparaît en outre que les nouveaux opérateurs se limitent au transport de trains entiers, laissant la SNCF supporter les pertes du transport par wagon isolé.

C’est pourquoi le groupe socialiste estime qu’il est indispensable d’adopter des mesures favorisant le développement de la demande de transport en wagon isolé, de manière à soutenir l’offre de service et l’augmentation de la qualité. Il pourrait être prévu, par exemple, d’octroyer des primes, ou des avantages fiscaux, aux entreprises qui ont recours aux services ferroviaires pour acheminer leurs produits.

La Commission européenne pourrait en outre réfléchir à d’autres mesures de soutien. Malheureusement, dans la proposition de règlement, actuellement en discussion, relative aux réseaux ferroviaires européens pour un fret compétitif, centrée essentiellement sur la mise en place de mécanismes de marché, cette possibilité n’est pas évoquée.

Pourtant, le Grenelle de l’environnement a montré qu’une approche fondée sur la seule pertinence économique n’est plus tenable. Une autre logique, qui s’appuie sur la dimension « aménagement du territoire » est nécessaire. Elle repose sur la reconnaissance du caractère d’intérêt général du fret ferroviaire, reconnaissance permettant le recours à la procédure de la délégation de service public. Cela permettrait au fret ferroviaire de bénéficier d’un modèle économique solide autorisant les aides non seulement à l’investissement, mais également, si nécessaire, à l’exploitation.

Deuxième action, il convient de mettre à niveau le réseau ferré existant afin d’assurer le développement du fret ferroviaire, dans le respect du Grenelle de l’environnement.

Entre 1980 et 2008, l’évolution des réseaux autoroutier et ferroviaire a été diverse : le réseau autoroutier est passé de 4 800 kilomètres à plus de 11 000 kilomètres et le réseau ferroviaire, de 34 362 kilomètres à 29 473 kilomètres.

Voilà cinq ans, le rapport de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, dit rapport Rivier, a pointé le mauvais état d’un certain nombre de lignes, particulièrement celles des groupes UIC 7 à 9, sur lesquelles circulent essentiellement les TER, mais aussi des trains de fret.

Depuis quelques années, un effort important a été consenti par RFF, qui a augmenté le montant des crédits consacrés à la régénération, mais sans atteindre le niveau préconisé par le rapport Rivier. Certaines régions sont également intervenues, et interviennent encore aujourd’hui, pour améliorer les infrastructures ferroviaires sur lesquelles circulent des TER.

Le programme de régénération doit donc être amplifié. Il convient d’électrifier un certain nombre de lignes – je pense en particulier à la ligne Serqueux-Gisors en région parisienne – en vue de constituer des corridors dédiés ou principalement affectés au fret.

La question est posée, en outre, de savoir s’il ne faudrait pas rendre obligatoire la connexion au réseau ferroviaire des zones d’activités le justifiant.

Pour réaliser cette mise à niveau, il incombe à l’État d’arrêter rapidement un plan de résorption de l’énorme dette de RFF, qui atteignait 27,8 milliards d’euros en 2009.

Quant aux enveloppes financières mises à disposition de l’AFITF, elles doivent être pérennisées.

J’en viens à la troisième action du plan de développement du fret ferroviaire : le développement de nouveaux services à côté des services existants. Je me bornerai à décrire quelques exemples de services envisageables.

Premier service envisageable : les trains longs. Un protocole d’accord a été signé, le 25 mars 2010, entre RFF, les acteurs du fret ferroviaire et les chargeurs afin d’expérimenter ce type de trains. En prévoyant de porter à 1 000-1 500 mètres la longueur moyenne des trains et de 2 000 à 4 000 tonnes le poids moyen, contre 750 mètres et 1 400 tonnes actuellement, le train long devrait rendre le transport de fret moins coûteux en sillons pour le transporteur.

Deuxième service envisageable : le soutien aux opérateurs ferroviaires de proximité, notamment dans les ports. Si le fait que sept sociétés européennes de fret ferroviaire ont conclu l’alliance X-Rail pour accroître la qualité et la compétitivité du transport européen par wagon isolé face au transport routier est une bonne chose, il est dommage que la SNCF ne fasse pas partie de cette alliance. Elle s’en tient pour le moment à son projet d’activité « multi-lots multi-clients », organisée autour de onze sites seulement, et s’oriente vers des accords bilatéraux.

La SNCF doit prendre sa part de ce défi, rejoindre cette alliance, conserver ses gares de triage et s’engager dans le capital des opérateurs de proximité, reconnus par la loi. Dans le même temps, le rôle et les missions des opérateurs ferroviaires de proximité doivent être circonscrits à leur zone de chalandise, pour éviter qu’ils ne deviennent des opérateurs ferroviaires en tant que tels. On a cité tout à l’heure le port de La Rochelle ; je crois, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez bien compris ce que je voulais dire. Une nouvelle loi est par conséquent nécessaire pour définir avec précision les missions de ces opérateurs ferroviaires de proximité.

Troisième service envisageable : le développement du transport de messagerie à grande vitesse. J’insiste sur cette notion de messagerie, qui ne doit pas être confondue avec celle de transport lourd. Il s’agit donc du développement du TGV fret et du développement des trains de messagerie à vitesse élevée sur les lignes classiques réaménagées.

Cela étant, les services traditionnels comme le transport combiné – qui associe le rail et la route – sont essentiels. Cela passe notamment par le renforcement des autoroutes ferroviaires. La liaison entre Bettembourg, ville du Luxembourg, et Rivesaltes étant concluante, il convient d’étendre la liaison entre Aiton et Orbassano, ville italienne, à la liaison Lyon-Turin, et d’ouvrir de nouvelles autoroutes ferroviaires, notamment sur la façade ouest de la France entre le Nord et la Méditerranée, ainsi qu’en provenance du Havre.

En conclusion, le développement du fret ferroviaire nous paraît constituer l’une des priorités européennes et nationales. Il exige donc la mise en place et la réalisation de toutes les actions que je viens de décrire et qui devraient être inscrites dans un plan global.

La question est la suivante : la volonté politique existe-t-elle au niveau de l’État ? Comme nous en doutons, nous demandons un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité « wagon isolé » et la préservation des installations ferroviaires en attendant l’organisation d’états généraux, ou d’un « Grenelle », du fret ferroviaire, que nous appelons de nos vœux dans un avenir proche.

Quant à la Commission européenne, elle devrait, avant toute révision du premier paquet ferroviaire – actuellement en cours d’examen –, dresser un bilan objectif et contradictoire des effets de l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, et accepter de modifier sa position en autorisant des mesures de soutien.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste est favorable à l’adoption de la proposition de résolution du groupe CRC-SPG. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la résolution relative au développement du fret ferroviaire, sur laquelle nous devons nous exprimer cet après-midi, permet de rappeler combien le transport ferroviaire de marchandises correspond à une activité d’intérêt général. Elle propose, pour ce faire, l’instauration d’une taxe sur les poids lourds pour tenir les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement, en termes de réduction d’émission de gaz à effet de serre dus aux transports et pour soutenir réellement l’activité du fret ferroviaire. Elle prévoit également un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité « wagon isolé » et la préservation des installations ferroviaires.

En effet, dès la mise en place des protocoles inhérents au Grenelle de l’environnement, le Gouvernement s’était engagé à diminuer la pollution – notamment l’émission de gaz à effet de serre – provoquée par le transport de marchandises par les poids lourds. Plus exactement, il s’agissait de faire passer les modes de transports alternatifs à 25 % au moins à l’horizon 2012. Pour cela, il était prévu de mettre en place une taxe sur les camions, taxe qui n’a toujours pas vu le jour en raison sans doute des risques de conflits sociaux et de blocages économiques qu’elle ferait courir au pays.

Simultanément, pour des raisons de rentabilité, Réseau Ferré de France et la SNCF ont décidé de geler leurs investissements relatifs à l’augmentation du fret ferroviaire. En chiffres, cela s’est traduit par une régression du nombre de kilomètres de voies réservés à ce type de transport. En 1980, notre pays disposait de 34 000 kilomètres de voies ; en 2009, il n’en comptait plus que 29 000. On le voit bien, le réseau ferré souffre ainsi d’une dégradation évidente de ses infrastructures.

Réseau Ferré de France est aujourd’hui un établissement étouffé par la dette contractée à sa création qui obère ses capacités d’investissement et de rénovation du réseau. Il est évident que d’un strict point de vue économique la route reste donc plus compétitive que le rail.

Aujourd’hui, quel constat peut-on faire ? Nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour affirmer, avec force et vigueur, qu’il est urgent de donner un nouveau souffle au fret ferroviaire par un programme de grande ampleur en faveur d’un nouveau réseau de transport écologique de marchandises. De la même façon que nous sommes passés il y a quelques années, pour le transport de voyageurs, du Corail au TGV, nous devons donner au plus vite corps à une réelle ambition nationale pour le transport de marchandises et passer à une nouvelle étape favorisant l’innovation et la créativité.

Pour cela, les axes de proposition peuvent être multiples. Il peut s’agir de la mise en place d’autoroutes ferroviaires, du développement du transport combiné, voire de la multiplication des opérateurs ferroviaires de proximité, ou même de la suppression progressive des principaux points de congestion du réseau ferré national.

Quoi qu’il en soit, les entreprises ferroviaires opérant en France doivent se développer au niveau européen pour proposer des offres de transports performantes et innovantes, et renforcer ainsi leur compétitivité par rapport aux transports routiers.

Cet engagement national, que nous appelons tous de nos vœux, doit impérativement se traduire par un investissement public massif de la part de l’État et des établissements concernés. Il importe donc que RFF et la SNCF se mobilisent pleinement pour atteindre ces objectifs. Cet engagement national pour le fret ferroviaire doit correspondre à terme à une réduction annuelle drastique du nombre de poids lourds en circulation sur nos routes. Cet objectif ambitieux ne pourra être atteint qu’avec la mobilisation et la participation de tous les acteurs économiques concernés. L’État devra obligatoirement accompagner fortement la SNCF par des mesures significatives, pour que celle-ci se positionne au mieux dans le transport du fret du XXIe siècle.

Nos collègues du groupe CRC-SPG demandent au Gouvernement d’instaurer rapidement une taxe poids lourds dont les recettes doivent être fléchées pour les investissements sur le réseau ferré. Cette taxe contribuerait fortement à une politique de « croissance verte », de création d’activités économiques de substitution et, par conséquent, d’emplois, ainsi que de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

C’est un fait, l’État ne doit pas se contenter d’un rôle de régulateur et de soutien aux initiatives favorisant le fret ferroviaire, il ne doit pas se soustraire à ses responsabilités en arguant du fait que la concurrence entre les acteurs pourrait encourager de telles initiatives. Non, nous pensons que l’État doit aller encore plus loin en utilisant intelligemment et à bon escient tous les outils se trouvant à sa disposition, singulièrement l’outil fiscal, qui pourrait être un instrument de régulation.

C’est pourquoi le groupe RDSE, dans sa grande majorité, apportera son soutien à cette proposition de résolution dans la mesure où elle permettrait à notre Haute Assemblée d’affirmer combien le fret ferroviaire doit constituer une priorité pour notre politique nationale de transports. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Michel Teston applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mireille Schurch vient de rappeler notre attachement au développement du fret ferroviaire dans l’intérêt de la population et de l’aménagement du territoire, pour la qualité de notre environnement. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, le fret ferroviaire est une question qui concerne éminemment le développement économique de notre pays.

Je me suis adressée à vous le 9 octobre 2007 à propos de la fermeture de deux cent soixante-deux gares de fret, puis le 14 septembre dernier à propos de l’intérêt économique, social et écologique du « wagon isolé ».

En 2007, je tirais la sonnette d’alarme en m’appuyant sur l’inquiétude exprimée par les entreprises de ma région. Je vous rappelais que là où l’économie repose sur le dynamisme des petites et moyennes entreprises, dans le Grand Ouest, vous organisiez le vide. J’insistais en ces termes : « Avant d’avoir à déplorer la désindustrialisation de notre région, il serait bon de préserver les principales dessertes ferroviaires. »

Au nom des chefs d’entreprise concernés je vous invitais à apporter des solutions pérennes. Aussi, c’est avec intérêt que j’ai écouté votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, le 14 septembre dernier. Vous affirmiez : « Concernant l’activité « wagons isolés », ce schéma s’appuiera sur une organisation de transport qui comportera, d’une part, des services sur mesure pour les produits industriels lourds, encombrants et dangereux et, d’autre part, des trains composés de wagons « multi-lots multi-clients ». Dans ce cadre, les clients grands comptes dans un premier temps, puis les PME-PMI dans un second temps, ont été rencontrés afin de préciser leurs besoins. »

Or, monsieur le secrétaire d’État, j’ai voulu vérifier sur le terrain la mise en œuvre des facilités accordées aux PME pour qu’elles puissent continuer à faire transporter leurs produits par le rail. J’ai constaté que les entreprises concernées se comptaient à peine sur les doigts d’une main.

Les « multi-lots multi-clients » me semblent en effet appropriés pour certains chargeurs. Or, j’ai remarqué que pour ceux à qui cela pouvait convenir, malgré les efforts effectués au niveau local par les services de la SNCF, l’aboutissement et la réalisation étaient bien souvent difficiles, et pour une durée bien incertaine.

Les entreprises vont être assujetties à des surtaxes ou des augmentations dont le coût risque d’être dissuasif. Ces chargeurs vont être poussés vers la route, alors que de nombreux routiers eux-mêmes commencent à être acquis à l’idée que ce mode de transport n’est véritablement pertinent et rentable que pour les derniers ou les premiers kilomètres, dans un rayon de cent cinquante kilomètres maximum. Quant au transport des matières dangereuses dont chacun s’accordera, je pense, à estimer que nous avons tous intérêt à ce qu’il se fasse par le rail, j’apprends que, comme pour les wagons isolés, la SNCF lance un véritable ultimatum à ses interlocuteurs. Je vous parle de la situation dans laquelle se trouve la société Primagaz, et il s’agit de 130 000 tonnes transportées sur le territoire national chaque année depuis vingt ans.

Nous sommes loin de la négociation dont vous parliez dans votre réponse à ma question orale.

Je pense donc, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est urgent de retravailler avec la SNCF pour qu’une réponse véritablement adaptée aux besoins des entreprises soit enfin apportée. Aussi, je vous demande que, avant la fin de l’année, une étude précise des flux ferroviaires soit réalisée par la SNCF. C’est la seule solution pour que l’économie locale de nos régions puisse se développer en respectant des critères sociaux, économiques et écologiques.

J’ai voulu vérifier comment une gare de fret SNCF comme celle de Saint-Pierre-des-Corps fonctionnait aujourd’hui après les différents plans et réformes. Ma collègue Evelyne Didier aurait pu vous faire part de l’état de la situation sur le site de Conflans-Jarny.

Lors d’une visite effectuée lundi dernier, j’ai pu me rendre compte des conséquences des mesures prises ces dernières années. La dégradation des voies est impressionnante. Sur les trente-quatre voies de l’ex-gare de triage, vingt sont complètement inutilisables. Avec les quatorze autres voies, « on se débrouille », comme le disent les responsables du site. Compte tenu de l’état dans lequel j’ai pu les voir, je me demande même si elles seront encore en activité l’année prochaine. C’est un véritable gâchis ! Surtout quand on sait que quatorze cents wagons passaient sur ce site chaque jour jusqu’en 2007. Qu’est-ce qui justifie un tel abandon ? Des critères de rentabilité immédiate, un refus de prendre en compte l’importance de cet outil dans un plan relatif aux transports, que vous avez préféré développer par la route – la décision concernant les poids lourds de quarante-quatre tonnes va bien dans ce sens.

Je dois vous le dire, si je ne m’attendais pas à ce que la dégradation matérielle du site soit aussi importante, j’ai en revanche été très impressionnée par une équipe de direction fortement impliquée dans son travail, et convaincue qu’il est encore possible de faire vivre du fret ferroviaire, particulièrement sur le site de Saint-Pierre-des-Corps. Ils savent, et ils sont bien placés pour le savoir, que c’est un carrefour, un nœud, actuellement sous-exploité économiquement.

La remise en état des voies serait la première mesure à prendre pour réactiver cette gare de fret. Si la SNCF veut véritablement jouer son rôle, RFF doit pouvoir engager les investissements nécessaires.

Le 14 septembre dernier, monsieur le secrétaire d'État, vous proposiez de faire de Saint-Pierre-des-Corps la plateforme dont le Grand Ouest a besoin. Comme le dit ma collègue Mireille Schurch, il faut donc entrer dans le concret dès maintenant !

De l’avis de nombreux professionnels, il y a moyen de réactiver et de développer un trafic Nord-Sud, que tout le monde reconnaît comme dynamique. Pourquoi ne pas étudier également les possibilités sur l’axe Ouest-Est, qui, de Nantes à Lyon, pourrait déboucher sur l’Est européen ?

Des études doivent être rapidement mises en place. Mais, monsieur le secrétaire d'État, comment une entreprise telle que la SNCF peut-elle développer son action commerciale en n’ayant plus que quatre commerciaux sur la très grande région Ouest, laquelle est, de surcroît, dirigée par ou depuis Paris ?

Aujourd’hui, c’est à partir des demandes des entreprises, à partir des capacités de développement de nos territoires, que peut être relancée l’activité fret, en particulier celle des wagons isolés. C’est pourquoi je ne comprends toujours pas pourquoi la France s’est retirée du projet européen X-Rail.

Je prends de nouveau l’exemple de Saint-Pierre-des-Corps. Vous savez que nous rachetons les anciens magasins généraux. C’est un site de seize hectares embranchés qui pourrait donner un véritable coup de fouet à notre économie. Mais comment progresser sur un tel projet pour que des entreprises s’intéressent à des liaisons ferrées si, en même temps, le site de triage devient un cimetière de wagons laissés à l’abandon ?

J’ai été intéressée par les propos que vous teniez le 14 septembre dernier concernant les plateformes « multi-lots multi-clients ». Vous déclariez ceci : « Elles seront principalement approvisionnées par le mode ferroviaire. Les décisions concernant leur localisation seront arrêtées à l’issue de la concertation en cours. » Vous ajoutiez pour illustrer votre propos : « La SNCF s’est ainsi engagée à mettre en place, en concertation avec les acteurs économiques et politiques locaux, des dispositifs d’accompagnement de son schéma directeur pour le transport de marchandises au service des territoires, dont Saint-Pierre-des-Corps, qui est une plaque tournante importante. »

Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, qu’il est temps que le Gouvernement concrétise les choix qu’il a décidé d’inscrire dans le Grenelle de l’environnement et qu’il s’en donne les moyens ? Vous avez décidé d’abandonner les recettes des autoroutes, préférant que de grands groupes privés en fassent profiter leurs actionnaires. La mise en place de la taxation sur les poids lourds devait alimenter l’AFITF, mais elle est encore retardée. Pourtant, une telle taxation a déjà été mise en place en Suisse, en Allemagne et en République tchèque.

Au travers de notre projet de résolution, nous affirmons notre volonté politique de faire le choix du rail pour le transport de marchandises, le choix de la SNCF comme entreprise intégrée. Ce choix ne se réduit pas aux aspects techniques ; il est celui d’une autre conception d’organisation de notre vie économique, du respect de l’environnement, et il est aussi celui d’un autre type de société. De plus, il est urgent de prendre des décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Michel Teston applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au préalable, je voudrais féliciter Francis Grignon de son excellent rapport, dont, bien évidemment, je soutiens l’intégralité des propositions, qui sont constructives. Cela m’est d’autant plus aisé que je tiens à souligner la haute qualité des échanges au sein du groupe de travail – auquel j’ai eu l’honneur de participer –, malgré les sensibilités politiques très diverses de ses membres.

Pour autant, la situation actuelle nous interpelle. Malgré les mesures prises par les pouvoirs publics pour relancer le fret ferroviaire, que ce soit le contrat de performance de novembre 2008, que ce soit l’engagement national pour le fret ferroviaire de septembre 2009, que ce soit le schéma directeur pour un nouveau transport écologique des marchandises de 2009, plus connu sous le terme d’offre « multi-lots multi-clients », malgré toutes ces actions, nous faisons tous le même diagnostic, monsieur le secrétaire d'État : la situation est très dégradée.

En effet, pour reprendre un titre du rapport, nous constatons « un déclin continu du fret ferroviaire en France ». En 1950, le train assurait le transport des deux tiers des marchandises en France, le transport de marchandises étant alors le fer de lance de la SNCF. Aujourd’hui, elle en assure seulement 10 %, et ce en dépit des nombreux plans de réforme successifs du fret qu’elle a menés. (Mme Évelyne Didier s’exclame.) C’est la vérité !

Cette situation est d’autant plus inquiétante que cet effondrement du fret ferroviaire, hors effets de la crise, n’est pas systématique en Europe. Je constate qu’il ne s’est pas produit dans certains pays européens de niveau équivalent à la France.

Force est donc de constater que le fret ferroviaire résiste moins bien en France que chez certains de ses voisins. Cette distorsion pose problème et nous interpelle.

En Allemagne, le trafic total est aujourd’hui quatre fois plus important qu’en France, avec 110 milliards de tonnes-kilomètres en 2008, contre seulement 30 milliards dans l’Hexagone.

En Suisse, le trafic de marchandises transportées par voie ferroviaire a enregistré une croissance d’un tiers entre 1990 et 2007, passant de 53 millions à 71 millions de tonnes de marchandises.

Enfin, en Grande-Bretagne, où les droits de péage sont pourtant trois fois plus cher qu’en France, le fret a crû de 11 % depuis 2002, alors même, mes chers collègues, qu’il baissait de 67 % dans notre pays au cours de la même période !

Bref, vous l’avez compris, le déclin du fret ferroviaire n’est pas une fatalité ; des pays comparables au nôtre réussissent mieux que nous. Sommes-nous condamnés à échouer ? Nous avons, ici même, voté le Grenelle de l’environnement, avec les objectifs ambitieux que l’on sait. Il serait tout de même consternant que la France vote le Grenelle, mais que ce soient ses voisins qui le mettent en pratique !

Que répondre, monsieur le secrétaire d'État, à notre collègue Jean-Pierre Vial, élu en Savoie, qui s’inquiète, à juste raison, de l’absence de décision officielle du gouvernement français sur le projet d’infrastructure majeur pour le fret que constitue la liaison Lyon-Turin, alors que l’échéance expire à la fin de l’année 2010 ?

Que répondre à notre collègue Antoine Lefèvre, élu dans l’Aisne, où les élus locaux ont engagé un million d’euros pour desservir, par voie ferroviaire, une zone qui risque de ne plus l’être ?

Enfin, que répondre à une très grande entreprise française qui, après vingt ans de partenariat avec la SNCF, se sent brutalement abandonnée par l’entreprise publique ?

Pour ma part, je me refuse à rester dans la sphère des vœux pieux et des incantations. Je souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour que la loi dite « Grenelle 1 », qui prévoit, à son article 11, que la part modale du non-routier et du non-aérien passe de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022, soit respectée.

Je voudrais maintenant m’attarder sur le contenu de la proposition de résolution présentée par le groupe CRC-SPG, en rappelant quelle a été la position du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire.

Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent que le transport ferroviaire de marchandises soit déclaré d’intérêt général. Or, comme l’a excellemment indiqué notre collègue Francis Grignon, cette proposition ne nous paraît pas crédible. Nous préférons, quant à nous, lancer la réflexion sur la possibilité d’attribuer des subventions pour des lignes de fret déficitaires qui répondraient à une logique forte d’aménagement du territoire.

J’ajouterai que nous devons mener deux actions en parallèle : d’une part, il faut rétablir le fret SNCF sur des fondations saines, ce qui passe par la mise en application, au minimum, du plan « multi-lots multi-clients » ; d’autre part, et c’est pour nous essentiel, il nous faut avoir une vision plus volontariste et plus ambitieuse pour repartir à la reconquête des parts de marché, à l’instar des autres opérateurs européens.

Pour cela, nous devons libérer les énergies en transformant la SNCF pour la faire passer du statut d’administration à celui d’entreprise, en stimulant le recours aux opérateurs ferroviaires de proximité ou en subventionnant les voies de raccordement. Déclarer globalement d’intérêt général le fret ferroviaire aboutirait à rendre inutile toute réforme en interne de la SNCF, ce qui, selon nous, serait le meilleur moyen, à terme, d’affaiblir voire de faire mourir l’activité fret de la SNCF.

Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas vrai !

M. Louis Nègre. Cela, je ne l’accepterai pas, car la SNCF est une entité majeure, au savoir-faire reconnu, qui doit conserver un rôle de premier plan.

Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent également une législation spécifique au secteur routier permettant d’internaliser les coûts externes – notamment les coûts environnementaux – d’un transport qui fait partie intégrante désormais de toute logistique moderne.

M. Louis Nègre. Sur ce point, comme je l’ai proposé la semaine dernière en commission de l’économie, je souhaite que l’on dépasse les combats idéologiques ou les guerres de tranchées, qui ne permettent pas de progresser objectivement.

Aussi, je confirme ma proposition qu’on mette fin à ces querelles stériles une fois pour toutes, en confiant l’étude des coûts externes du secteur routier à un organisme impartial comme le Conseil général de l’environnement et du développement durable.

En conséquence, et bien évidemment dans la lignée des propositions différentes que nous avons faites dans le rapport, nous ne pouvons, mes collègues du groupe UMP et moi-même, accepter cette proposition de résolution. (Marques ironiques de déception sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Je voudrais cependant profiter de ce débat pour approfondir une thématique qui m’est chère, à savoir l’achèvement de la réforme portuaire.

Qui peut accepter parmi nous que le port d’Anvers soit le premier port maritime de la France ? Qui peut accepter parmi nous que, aujourd’hui, l’exportation dans le monde entier de notre beaujolais national se fasse à partir d’un port belge ? Qui peut se satisfaire parmi nous d’une situation aux termes de laquelle l’ensemble du tonnage des ports français est équivalent au trafic du seul port de Rotterdam ?

Alors que la France, avec le port du Havre, est le premier pays atteint par les navires traversant l’Atlantique et qu’elle dispose, avec le port de Fos-Marseille, d’une ouverture extraordinaire sur le monde méditerranéen, nos ports connaissent aujourd’hui un déclassement continu dans la compétition internationale.

Mes chers collègues, à cet égard, la situation est catastrophique. Nous n’avons plus de grands ports maritimes à la hauteur de nos ambitions, de notre industrie, de notre place en Europe, en dépit des efforts continus de notre collègue Charles Revet, rapporteur de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire. Les transferts d’outillage et de personnel prévus par ce texte tardent à être effectifs. Des syndicats n’hésitent pas à bloquer l’accès à certains terminaux : ils scient la branche sur laquelle ils sont assis et leur action excessive, jusqu’au-boutiste, conduit, concrètement, en dehors de tout discours idéologique, à l’affaiblissement du tissu économique régional, à la délocalisation des entreprises et, par conséquent, à la perte d’emplois pour les salariés de notre pays. Quel gâchis !

Le droit de grève est une chose, paralyser un pays en est une autre, surtout lorsque les employés en cause bénéficient de conditions de rémunération plutôt attrayantes…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà un cavalier idéologique ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Louis Nègre. Bref, je souhaite que les directoires dans les grands ports maritimes achèvent de toute urgence la mise en œuvre de la réforme portuaire, condition sine qua non d’une relance pérenne et véritable du fret ferroviaire, notamment de ces fameux corridors européens de fret qui représentent en grande partie l’avenir du fret et des ports dans notre pays.

Je terminerai mon intervention en proposant que la France, au-delà de ses plans successifs, se donne donc les moyens d’une véritable ambition nationale pour le fret et retrouve une dynamique, comme dans d’autres pays européens, conforme aux engagements que nous avons votés dans le cadre des lois Grenelle.

En définitive, mes collègues du groupe UMP et moi-même ne saurions souscrire à cette proposition de résolution, qui ne me paraît pas réaliste. En revanche, je souhaite, pour sortir de l’impasse où nous sommes, que soient abordées, dans le cadre d’un Grenelle du ferroviaire que j’appelle de mes vœux, toutes les questions qui se posent aujourd’hui pour l’avenir des chemins de fer français, notamment au regard des dispositions qui ont été prises par notre principal concurrent, l’Allemagne. Alors que la SNCF est en déficit de plusieurs centaines de millions d’euros, réduit le nombre de ses emplois, perd des parts de marché, la Deutsche Bahn réalise quant à elle plusieurs centaines de millions d’euros de bénéfices.

Mme Évelyne Didier. Elle bénéficie d’investissements publics !

M. Louis Nègre. Dans ce Grenelle du ferroviaire, toutes les questions devront être mises sur la table. Comment, s’appuyant sur l’exemple du plan allemand de 1994, remettre la SNCF et RFF à égalité avec leurs concurrents européens ? Comment, à travers le SNIT, dans le cadre d’une enveloppe financière contrainte, harmoniser au mieux nos actions en faveur des lignes LGV et de la rénovation des lignes ferroviaires ? Comment établir un système tarifaire équitable entre les différents modes de transport, comme le préconise le commissaire européen Siim Kallas ? Enfin, comment renforcer l’efficacité et la compétitivité de notre chère SNCF ?

À mon sens, la situation actuelle n’est pas une fatalité !

Je conclurai sur une note d’optimisme en rappelant que le célèbre milliardaire Warren Buffett a investi, au début du mois de novembre 2009, 34 milliards de dollars dans l’entreprise de chemin de fer Burlington Northern Santa Fe et qu’il prendra en charge les 10 milliards de dollars de dettes détenues à ce jour par l’entreprise.

Cet investissement est le plus élevé de toute l’existence du milliardaire américain. J’ai la faiblesse de penser, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, qu’il n’a pas agi sans raison et qu’il considère le fret ferroviaire comme un transport d’avenir respectueux de l’environnement. À nous de faire de même ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour examiner cette proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire.

Je profite de cette occasion pour exposer devant le Sénat la politique que mène le Gouvernement en matière de fret ferroviaire, qui doit devenir une solution de remplacement au transport routier.

Il s’agit d’un sujet important, sur lequel la Haute Assemblée a beaucoup travaillé. Je remercie les sénatrices et les sénateurs qui ont pris la parole aujourd’hui et reprendrai chacune de leurs interventions, en développant certains points.

Je tiens à saluer la qualité du rapport d’information sur l’avenir du fret ferroviaire réalisé par le groupe de travail composé de cinq sénateurs issus de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et présidé par Francis Grignon.

Je fais mienne l’appréciation que vient de porter Louis Nègre sur les propositions contenues dans ce rapport d’information et je les partage. Celles-ci s’inscrivent dans la droite ligne de notre politique, dont la priorité est d’assurer l’essor du fret ferroviaire au cours de la prochaine décennie.

Vous avez voté, dans le Grenelle I, un objectif clair et particulièrement ambitieux : faire passer de 14 % à 25 % la part des modes alternatifs à la route et à l’aérien – le ferroviaire, le maritime et le fluvial – d’ici à 2022.

Comment faire pour bâtir une offre de fret ferroviaire utile et compétitive ?

Vous l’avez tous rappelé, le fret ferroviaire en France, à la différence d’autres pays européens, connaît depuis plusieurs années, et quels que soient les gouvernements et les majorités à l’Assemblée nationale, de graves difficultés et peine à trouver sa cohérence économique. Il a été touché de plein fouet par la crise économique que nous connaissons depuis deux ans et, si des signes de reprise sont perceptibles, ils restent encore bien modestes.

Les crises sociales qui ont lieu depuis le début de l’année, particulièrement au cours des dernières semaines, auront malheureusement des conséquences sur l’activité de la SNCF. C’est par centaines que des trains sont actuellement « calés », comme on dit dans le langage cheminot, et certains clients partiront vers d’autres opérateurs ferroviaires, vers le transport fluvial dans le meilleur des cas, ou, pire, vers le fret routier.

Dans ce contexte difficile, l’entreprise publique a joué un rôle important dans l’acheminement des produits pétroliers qu’elle a traité en priorité, ce qui témoigne de la réactivité de ses équipes.

Désormais, notre objectif n’est pas de conquérir des parts de marché. Nous voulons les reconquérir. Les chargeurs sont demandeurs, vous l’avez tous relevé, mesdames, messieurs les sénateurs, en illustrant vos propos d’exemples.

Se pose également, vous le savez, un problème de rénovation du matériel. Autant le matériel ferroviaire à destination des voyageurs, qu’il s’agisse des TGV, des TER ou des transiliens, s’est modernisé, autant, en matière de fret, y compris d’équipement de triage que citait tout à l’heure Mme Beaufils, on en est resté à des technologies des années soixante-dix, pour ne pas dire des années cinquante ! Le parc de wagons, à quelques exceptions près, n’est pas un parc de qualité, notamment en termes de bruit ou de freinage.

Par conséquent, nous devons engager des améliorations en ce sens et faire en sorte que la concurrence se déroule convenablement. Je vous le rappelle, avant la crise sociale actuelle, la SNCF assurait 85 % du fret ferroviaire, les entreprises publiques ou privées autres que la SNCF ayant pris en quelques années à peu près 15 % de parts de marché. Malheureusement, la situation risque d’évoluer au détriment de la SNCF et les chiffres seront certainement très différents dans quelques semaines.

Nous avons mis en place avec le concours du Parlement – M. le président Emorine et la commission de l’économie ont joué un rôle important en ce sens – l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Cette haute autorité d’arbitrage est en place, son siège est fixé dans une ville ferroviaire, Le Mans. Elle est dotée de pouvoirs étendus : elle peut notamment se prononcer sur tous les litiges relatifs à l’accès au réseau ferroviaire ainsi que sur la tarification des péages. Elle est donc aujourd’hui opérationnelle.

Vous avez tous évoqué l’engagement national pour le fret ferroviaire. De quoi s’agit-il précisément ? C’est un programme d’actions que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé, dans le cadre duquel il est prévu de déployer 7 milliards d’euros d’ici à 2020 uniquement pour le fret ferroviaire. Il constitue évidemment une feuille de route pour l’État, RFF et l’ensemble des entreprises et des acteurs concernés.

Quels sont les moyens mis en place ?

Nous avons prévu de dégager des sillons pour le fret, en augmentant la construction de lignes nouvelles de 4 500 kilomètres dans les trente prochaines années, 2 000 avant 2020 et 2 500 après.

Par exemple, lorsque nous construirons une ligne nouvelle au sud de Tours en direction de Bordeaux, madame Beaufils, c’est la ligne classique partant de Saint-Pierre-des-Corps à Bordeaux qui sera disponible pour l’autoroute ferroviaire ou le TER. Nous allons dégager sur les lignes classiques énormément de sillons pour le fret ferroviaire.

Que souhaitons-nous faire dans ce plan ? Notre action s’articule autour de huit axes que vous avez tous rappelés : la création d’un véritable réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées, le doublement du transport combiné de marchandises, l’installation d’opérateurs ferroviaires de proximité, le développement du fret à grande vitesse, l’instauration d’un réseau orienté fret, la mise en place de mesures favorisant la desserte des ports, que M. Nègre vient d’évoquer, la suppression des goulets d’étranglement et l’amélioration du service offert aux transporteurs.

S’agissant de la création d’un réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées, comme l’a souligné M. Teston, nous avons démarré entre le triage de Bettembourg, au Luxembourg, et Portbou. Alors qu’il n’existait au départ qu’une seule navette par jour, nous en serons bientôt à quatre navettes quotidiennes, la quatrième devant être mise en place tout prochainement. Cette liaison se développe de façon satisfaisante.

Sur l’Atlantique, nous avons engagé une consultation pour désigner le futur opérateur ; nous recevrons les offres des trois candidats le mois prochain.

L’idée est de venir du nord de la France, de transiter par la région parisienne, de descendre vers Saint-Pierre-des-Corps et d’utiliser ensuite la ligne classique vers Poitiers-Angoulême-Bordeaux, avec, pendant la mise au gabarit B 1 pour le combiné des tunnels au sud de Poitiers, l’utilisation de l’ancienne ligne de l’État par Niort-Saintes et Bordeaux.

L’adaptation du réseau est en cours pour atteindre cet objectif.

Sur le Mont-Cenis et Orbassano que Michel Teston a également cités, il s’agit d’élargir la phase de transport. Nous avons donc lancé un appel avec les Italiens pour partir plus près de Lyon et aboutir plus loin en Italie, le but étant de saturer le Mont-Cenis avant le tunnel Lyon-Turin dont je reparlerai tout à l’heure.

Nous étudions actuellement une quatrième autoroute ferroviaire avec RFF, sur un itinéraire nord-sud et est-ouest.

Pour favoriser le transport combiné de marchandises, nous avons augmenté de 50 % environ l’aide à l’exploitation des services de transport combiné. Nous voulons également augmenter la longueur des trains de fret, qui est limitée par la réglementation à 750 mètres. Depuis 2009, nous faisons déjà circuler des trains de 850 mètres sur l’axe Paris-Marseille et nous travaillons actuellement avec les opérateurs du transport combiné pour permettre la mise en service de trains de 1 000 mètres sur les axes Paris-Marseille et Bettembourg-Portbou en 2012 et Lille-Bayonne en 2013.

La SNCF joue un rôle important dans le développement du transport combiné. Sa filiale NAVILAND CARGO, qui a pris le contrôle de la société NOVATRANS, est en effet le premier opérateur français de transport combiné. La SNCF s’est engagée auprès de l’Autorité de la concurrence à proposer aux autres opérateurs de transport combiné de constituer une société d’exploitation en commun sur certains terminaux, afin que chacun y ait accès librement.

J’en viens aux opérateurs ferroviaires de proximité.

Vous avez parlé tout à l’heure de Warren Buffett et des compagnies américaines qui, voilà trente ou quarante ans, étaient celles qui perdaient le plus d’argent. Aujourd’hui, grâce à un énorme marché issu de l’accord de libre échange nord-américain, l’ALENA, entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, elles sont devenues des sociétés très profitables.

Aux États-Unis, avant l’installation de ces très grands trains de fret qui traversent les États-Unis du nord au sud et d’est en ouest, il existait déjà les short lines, opérateurs ferroviaires de proximité qui rassemblent les wagons et préparent les trains.

Dans le port de Hambourg, d’où partent environ 50 % à 60 % de son fret au-delà de 350 kilomètres par la voie ferroviaire, on dénombre 150 opérateurs ferroviaires de proximité.

L’évolution du fret ferroviaire dépend donc fortement de ces opérateurs.

Le rapport d’information du groupe de travail présidé par le sénateur Francis Grignon propose de favoriser le développement des OFP. Nous avons fait évoluer le cadre législatif et réglementaire pour faciliter leur mise en place. La loi ORTF – je n’aime pas beaucoup ce sigle, parce qu’il nous renvoie à la suppression de l’ORTF en 1975 ! (Sourires) – permet notamment à RFF de confier des missions de gestion et d’entretien des voies à faible trafic exclusivement dédiées au fret à des opérateurs ferroviaires de proximité.

Ces évolutions ont permis l’émergence de trois OFP en Languedoc-Roussillon, Bourgogne et Poitou-Charentes – avec celui du grand port maritime de La Rochelle, j’y reviendrai. En Auvergne, l’opérateur – il s’agissait au départ d’une entreprise de transport routier – se lance actuellement : …

Mme Marie-France Beaufils. Il est en préparation !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. … il commencera à fonctionner le mois prochain, à la suite de l’accord que M. Hortefeux et moi-même avons signé avec le préfet de région et le président de la chambre de commerce, M. Marcon.

D’autres projets de toutes natures sont à l’étude en Bretagne, dans la région Centre, en Midi-Pyrénées. Nous souhaitons par exemple développer le fret à grande vitesse, afin que les marchandises dont le transport est actuellement assuré par DHL ou FEDEX soient mises au départ de l’aéroport de Roissy ou d’autres lieux sur des TGV fret, comme il existe des TGV postaux.

Le projet porté par l’association CAREX, présidée par le député Yanick Paternotte, avance bien, mais il ne se concrétisera pas avant un an ou deux ans.

Nous avons par ailleurs défini un réseau orienté fret, sur lequel nous améliorerons la qualité de service, l’interopérabilité du réseau et l’électrification de ses itinéraires. Actuellement, près de 700 millions d’euros sont consacrés à des programmes d’électrification du réseau : je pense à Bourges-Saincaize et Serqueux-Gisors, qui a été cité tout à l’heure pour la desserte du Port du Havre.

Nous allons investir, avec RFF, 380 millions d’euros pour ces itinéraires, notamment afin de les rendre tous destinataires d’installations permanentes de contresens, ou IPCS, qui permettent une meilleure fluidité des circulations.

Nous allons également déployer sur le réseau orienté fret, après l’avoir fait à titre expérimental sur le TGV Paris-Strasbourg, l’ERTMS ou european rail traffic management system, la nouvelle signalisation européenne.

En outre, parmi les projets européens actuellement acceptés par le conseil des ministres des transports européens figure le raccordement des ports du Havre et de Dunkerque aux corridors de fret européen Rotterdam-Anvers-Lyon-Bâle et Aix-la-Chapelle-Terespol. Nous relions donc nos itinéraires aux grands parcours de fret européens.

L’amélioration de la desserte ferroviaire de nos ports est un enjeu majeur pour le développement du fret ferroviaire. Notre objectif est de doubler la part de marché du fret ferroviaire pour les acheminements à destination et en provenance des ports. Le port de Dunkerque, en France, est un bon exemple ; malheureusement, pour d’autres, les avancées sont moins significatives. Pour atteindre nos objectifs, il faut mettre en place des OFP dans les ports.

Vous le savez, depuis la réforme portuaire, les ports sont responsables de leur réseau. Par exemple, le port de Dunkerque en a confié la gestion à Europort, qui est l’opérateur d’Eurotunnel, d’autres l’ont confiée à la SNCF. Des opérateurs ferroviaires de proximité sont en train d’être créés au Havre, à Dunkerque, à Marseille, au port fluvial de Strasbourg.

Ces projets, qui s’inscrivent dans le cadre de la loi portant réforme portuaire, représentent des investissements très importants pour les grands ports maritimes. En particulier, une grande plateforme multimodale sera mise en service au Havre dès 2013 et le projet du terminal de Mourepiane à Marseille est bien avancé, puisque les travaux devraient commencer l’an prochain.

J’en profite d’ailleurs pour préciser, M. Teston ayant pris cet exemple, que le port de La Rochelle avait initialement conclu un accord avec la SNCF. Cette dernière a toutefois pêché par excès de prudence et, désormais, les trains sifflent en allemand… (Sourires.) En effet, tandis que la SNCF ne voulait pas transporter les wagons plus loin que Saint-Pierre-des-Corps, d’autres opérateurs ont proposé de les acheminer jusqu’à Guéret, c’est-à-dire non loin de leur destination finale. La SNCF a donc malheureusement perdu ce marché au profit de la filiale de la Deutsche Bahn. Mais ce sont toujours des camions en moins sur les routes, avec, à la clef, des économies d’essence…

Quant aux goulets d’étranglement, ils sont nombreux, le plus important d’entre eux résultant de la traversée de l’agglomération lyonnaise et du complexe de la gare de la Part-Dieu.

Pour remédier à ce problème, que le président Guy Fischer connaît bien,…

M. le président. C’est certain !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. …nous avons lancé le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, le CFAL. Ce projet n’est pas aisé à conduire, parce qu’il faut tenir compte tout à la fois de la géographie, de l’aéroport Saint-Exupéry, du raccordement au sud de Lyon, de l’urbanisation et de la connexion des axes nord-sud et Rhin-Rhône.

Par ailleurs, les contournements de Nîmes et de Montpellier seront engagés l’année prochaine.

En ce qui concerne le service offert aux transporteurs, il mériterait vraiment d’être amélioré. RFF a déjà lancé une plateforme commerciale pour ses clients.

Afin de travailler à la mise en œuvre de ces huit axes, qui sont largement en accord avec les propositions développées dans le rapport d’information, nous avons installé un comité de suivi réunissant tous les acteurs concernés, des représentants des ports, de France Nature Environnement, de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, la DATAR, etc.

Le rôle de la SNCF est également très important. L’entreprise va investir un milliard d’euros sur cinq ans dans des projets de développement du fret. Elle a déjà engagé l’essor de l’offre de transport en trains massifs et transforme son offre de wagon isolé. Il faut encore accomplir des progrès pour répondre aux besoins des entreprises – certaines d’entre elles rencontrent des difficultés avec la nouvelle offre « multi-lots multi-clients » – et prendre des mesures sociales d’accompagnement pour les personnels en interne.

J’évoquerai rapidement le transport routier de marchandises. La mise en place de l’écotaxe, dont le principe et les modalités ont été adoptés dans le Grenelle de l’environnement et dans la loi de finances pour 2010, ne prend pas de retard, mais il convient de tenir compte de l’étendue du réseau concerné. La République tchèque, que vous avez citée en exemple, madame Beaufils, ne compte que 805 kilomètres d’autoroutes. Quant aux Allemands, ils ont mis quatre ou cinq ans pour mettre en place leur système Toll Collect.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agit d’inclure toutes les autoroutes gratuites, le réseau de routes nationales qui subsistent ainsi que, le cas échéant, les routes départementales, en fonction des souhaits exprimés par les conseils généraux. Les discussions ont été particulièrement longues – croyez-en mon expérience en Charente-Maritime ! – et le nombre de routes départementales concernées sera finalement beaucoup plus important que prévu, les élus locaux craignant un report du trafic vers les routes qui ne seraient pas intégrées dans le dispositif.

C’est donc un réseau extrêmement vaste qui se profile. Il devrait nous rapporter 1,2 milliard d’euros par an, montant dont il faudra naturellement déduire les frais de fonctionnement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Je précise également que les recettes provenant des routes départementales seront naturellement perçues par les départements.

Il s’agit donc d’un projet d’envergure.

Nous expérimenterons d’abord le dispositif adopté au Sénat et à l’Assemblée nationale en Alsace, avant de désigner le concessionnaire d’ici à la fin de l’année et de mettre en service le dispositif sur l’ensemble du territoire en 2012.

Le déploiement d’un tel système sur un réseau à l’échelle de la France qui compte des autoroutes, des routes nationales et des routes départementales prend du temps, d’autant qu’il convient d’utiliser une technologie compatible avec celle qui est utilisée par les autres pays, pour ne pas commettre les mêmes erreurs que dans le domaine ferroviaire,…

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. … où chaque pays avait inventé son propre système d’électrification et de signalisation. Il s’agit de ne pas prévoir de système de lecture qui transforme l’avant des camions en cabine de conduite. La mise en place du dispositif en 2012 constitue donc déjà une prouesse technique et un défi pour les entreprises ; j’espère que nous réussirons.

J’en viens aux camions de 44 tonnes. Il s’agit non pas de les généraliser, mais de permettre, à la demande du monde agricole, la circulation des produits agricoles et agroalimentaires. Je vous rappelle qu’il existait déjà de nombreuses dérogations autour des ports maritimes et fluviaux, ainsi que pour transporter les chablis ou les récoltes après les moissons. Il s’agit en réalité de mettre un peu d’ordre dans ce régime dérogatoire et de le limiter aux activités liées à l’agriculture et à l’agroalimentaire.

Je conclurai en évoquant quelques-uns des sujets connexes que vous avez abordés, mesdames, messieurs les sénateurs.

En ce qui concerne la réforme portuaire, ce qui se passe à Marseille est en effet dramatique, monsieur Nègre. (M. Louis Nègre acquiesce.)

Les lignes se détournent sur Civitavecchia, Gênes, Barcelone, Tanger Med ou encore Tunis ; il ne sera pas évident de les faire revenir. Pourtant, partout ailleurs, la réforme de la gouvernance a été mise en œuvre et les transferts, y compris de personnels, ont lieu. Il subsiste un abcès de fixation sur une petite partie du port de Marseille, les instigateurs de cette action étant d’ailleurs en désaccord avec d’autres syndicats à Marseille ainsi qu’avec la CGT à l’échelon national. Il s’agit donc d’un phénomène local, mais il touche le premier port de France et peut priver la deuxième ville française d’une activité économique importante et tuer des milliers d’emplois.

M. Alain Gournac. C’est terrible !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. C’est assez dramatique, en effet. Le Gouvernement en est conscient et ne restera pas sans agir.

Enfin, le projet de liaison Lyon-Turin avance bien et l’on ne perdra pas le bénéfice des crédits de l’Union européenne, ceux-ci étant reportés jusqu’en 2015. Nos amis italiens ne partagent pas complètement notre vision des choses quant aux modalités de financement. Les discussions sont donc vives, mais restent amicales !

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon intervention fut un peu longue, je vous prie de bien vouloir m’en excuser. Mon collègue Alain Marleix vient d’arriver et je le vois déjà trépigner, ce qui constitue pour lui un exercice très difficile étant donné les circonstances. (Sourires. –M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales sourit également.) J’espère avoir répondu à vos questions et démontré que le fret ferroviaire était une préoccupation du Sénat, du Gouvernement, mais aussi de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,

Vu le chapitre VIII bis du Règlement du Sénat,

Considérant que l’article 10 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement donne pour objectif au niveau national de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici à 2020 ;

Estime que le transport ferroviaire de marchandises correspond à une activité d’intérêt général ;

Considère que le Gouvernement doit se fixer comme objectif le rééquilibrage modal, fondé sur une législation spécifique au secteur routier permettant d’internaliser les coûts externes notamment environnementaux ;

Appelle par conséquent de ses vœux l’instauration rapide d’une taxe poids lourds dont les ressources doivent être fléchées pour les investissements sur le réseau ferré ;

Propose également un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité wagon isolé et la préservation des installations ferroviaires.

Explications de vote

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Je rappelle que la conférence des présidents a fixé la durée des explications de vote à cinq minutes par groupe, les non-inscrits disposant de trois minutes.

La parole à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous parlerai de Miramas, une ville des Bouches-du-Rhône à mi-chemin entre Marseille et Fos-sur-Mer, deux grands ports de la Méditerranée qui, juridiquement tout du moins, n’en font qu’un : le Grand Port maritime de Marseille. Ce port n’est rien moins que le quatrième port européen, avec un trafic de près de 100 millions de tonnes, le troisième port pétrolier mondial et le premier port de la Méditerranée pour les conteneurs devant Gênes et Barcelone. Non seulement il sert de plateforme d’échanges avec les pays sud-méditerranéens, mais, surtout, il est situé dans l’une des cinq premières zones logistiques françaises. C’est un port en pleine expansion puisqu’il va doubler son activité dans les cinq prochaines années.

« Avec un investissement global de 3 milliards d’euros sur les prochaines années, 83 millions de tonnes de marchandises en 2009 passant à 120 millions d’ici à 2013, avec une volonté écrite et affichée des décideurs et chargeurs de porter la part du transport ferroviaire de 13 % à 30 %, placé à côté d’un monstre économique qu’est le port et dans une région fortement industrialisée, le triage automatisé de Miramas doit vivre et se développer. » Voilà résumé, en quelques mots, le projet économique présenté par les cheminots à la direction du fret pour le maintien du tri par gravité sur le site de Miramas.

Ce site faisait partie des gares menacées par le plan de « rationalisation » annoncé par la SNCF au mois de septembre 2009, une décision paradoxale au moment où le Gouvernement confiait justement une mission pour améliorer les dessertes du port de Marseille, afin de promouvoir le développement durable dans le cadre du Grenelle de l’environnement.

Des propositions sont d’ailleurs en cours d’élaboration pour améliorer la fluidité des trafics à l’intérieur du port ainsi que son accessibilité dans les trente prochaines années.

Dans ce contexte, le ferroviaire est un atout considérable. La direction de la SNCF a été obligée de le reconnaître puisque, le 25 octobre dernier, elle a annoncé le maintien du tri à gravité à Miramas. Elle a été contrainte de prendre en compte les propositions portées par les organisations syndicales et, en premier lieu, par la CGT, lesquelles s’appuyaient sur une argumentation très précise, en termes tant de coûts économiques que de réponses aux problématiques environnementales.

C’est une victoire importante pour les cheminots, leurs organisations syndicales et la population, tous particulièrement mobilisés sur ce dossier majeur pour le développement du fret et, plus largement, pour le développement économique de la région PACA. L’arrêt du triage signifiait la perte de deux cents emplois et la mise sur nos routes de 300 000 camions supplémentaires par an.

Ce retournement de situation est le fruit de l’acharnement de tous les acteurs concernés pour sauver « leur » triage. Il aura fallu plusieurs mois de mobilisation et de multiples interventions des élus – maire, conseillers généraux, conseillers régionaux, parlementaires – auprès de la direction de la SNCF, du préfet et des ministres – certaines sont malheureusement restées sans réponse – pour qu’enfin la raison l’emporte.

Je profite de cette intervention pour saluer le travail considérable accompli par les organisations syndicales, notamment la CGT. Elles ont fait preuve d’une très grande responsabilité en sollicitant tant les élus que les pouvoirs publics avec beaucoup de persévérance.

Cela nous renvoie à notre propre responsabilité en tant que parlementaire et à notre capacité d’écoute. Nous avons en l’occurrence la démonstration que le dialogue est la clef de résolution de bien des conflits et que les organisations syndicales, loin d’être des fauteurs de troubles, sont d’abord porteuses de propositions crédibles et argumentées qui méritent d’être étudiées consciencieusement, pour peu que l’on prenne le temps de les écouter et de travailler avec elles.

Si je prends cet exemple, c’est qu’il m’est cher à plusieurs titres. Certes, il s’agit de mon département, de mon entreprise, et je suis convaincue que le fret est le moteur du développement économique des régions. Mais, surtout, il montre que d’autres solutions existent et qu’il convient d’étudier toutes les possibilités en lien avec les partenaires sociaux pour que, enfin, soit mise en œuvre une politique du transport de marchandises rationnelle du point de vue économique et écologique, sécurisée, juste et équilibrée.

Cela passe d’abord par l’adoption de cette proposition de résolution, sur laquelle nous demandons un vote par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Monsieur le secrétaire d’État, si vous avez communiqué un certain nombre d’informations intéressantes sur des dossiers relatifs au transport ferroviaire, particulièrement dans le domaine du fret ferroviaire, vous n’avez en revanche pas répondu sur les principaux points de la proposition de résolution du groupe CRC-SPG.

Je ne prendrai que quelques exemples.

Premièrement, vous n’avez répondu ni sur l’organisation d’états généraux ou d’un Grenelle du fret ferroviaire ni sur la mise en place d’un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité wagon isolé et la préservation des installations ferroviaires.

Deuxièmement, vous n’avez pas apporté de réponse à notre demande de mise en place d’un plan de résorption de l’énorme dette de Réseau ferré de France, qui doit s’élever aujourd’hui à 28 milliards d’euros et qui interdit quasiment aux gestionnaires du réseau de pouvoir consacrer les crédits nécessaires à une régénération rapide du réseau ferroviaire existant.

Mme Évelyne Didier. C’est l’héritage !

M. Michel Teston. Troisièmement, vous n’avez pris aucun engagement en matière de rééquilibrage modal, qui suppose à notre sens de pouvoir intégrer les coûts externes du transport routier dans la tarification du transport.

Quatrièmement, enfin, le Gouvernement ne semble pas non plus favorable à notre proposition visant à reconnaître le caractère d’intérêt général du fret ferroviaire. Or c’est vraisemblablement la seule solution de nature à permettre son développement.

En fait, monsieur le secrétaire d’État, vous rejetez toutes les avancées que Mireille Schurch, pour le groupe CRC-SPG, et moi-même, pour le groupe socialiste, avons formulées dans le cadre du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire. Pourtant, celles-ci sont clairement exposées dans la proposition de résolution soumise à notre assemblée.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC-SPG et, l'autre, du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 92 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Mireille Schurch. C’est dommage !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de résolution présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au développement du fret ferroviaire
 

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Nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des finances et une pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. Alain Lambert, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- Mlle Sophie Joissains, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, démissionnaire.

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Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique
Discussion générale (suite)

Indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique

Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du Parti de gauche (proposition n° 603 rectifié [2009-2010], rapport n° 40) (demande du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du Parti de gauche).

Dans la discussion générale, la parole est Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique
Article unique (début)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter une proposition de loi constitutionnelle visant à mieux garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique.

Comme le souligne M. Gélard dans son rapport, « la volonté de mettre les dirigeants politiques et les responsables publics au-dessus de tout soupçon et de garantir aux citoyens que l’exercice de mandats électoraux ou de fonctions électives ne soit pas, pour ceux qui les détiennent, l’occasion d’un enrichissement personnel, a été une préoccupation constante tout au long de l’histoire de notre pays : dès 1795, des obligations de déclaration de patrimoine sont imposées aux élus par la Convention, qui entendait ainsi assurer la confiance des mandés en leurs mandants ».

M. le rapporteur évoque ensuite la loi organique du 11 mars 1988, qui est relativement récente et donc tardive dans la France postrévolutionnaire.

Certes, la République s’est dotée d’un cadre juridique destiné à éviter la confusion d’intérêts – ou conflit d’intérêt – entre les missions publiques et les intérêts privés ou particuliers de ceux qui les exercent.

L’indépendance des acteurs publics, la morale publique peuvent, en principe, faire partie de notre consensus républicain.

Force est de constater toutefois qu’en matière de transparence financière notre législation est récente et bien modeste.

En effet, les différentes situations sur lesquelles le législateur a éprouvé la nécessité de prévenir ou de sanctionner d’éventuels manquements aux vertus républicaines concernant les élus et les fonctionnaires ont donné lieu à des règles d’inéligibilité, d’incompatibilités entre fonctions électives et professions ou fonctions.

Les obligations de transparence concernent principalement le financement des partis politiques – on en voit les insuffisances –, les campagnes électorales et le patrimoine des élus.

Hélas ! on peut constater tous les jours que ce cadre juridique, s’il est utile, n’est pas suffisant, voire se révèle dépassé, tant s’est établie une proximité, une « porosité » pourrait-on même dire, entre les pouvoirs publics et l’argent.

Bien évidemment, cette proximité est d’autant plus grande dans le monde et en France, et la frontière entre intérêt général et intérêts particuliers est d’autant plus fragile que l’idéologie libérale, voire ultralibérale que vous défendez prône la primauté des intérêts privés sur l’intérêt général, la primauté de l’économie sur le politique, et que sont imbriqués les pouvoirs économiques et politiques dans les classes dirigeantes.

Ajoutons que notre pays est le champion de l’extrême concentration des pouvoirs, tant économiques que politiques. Le débat sur le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale qui s’est déroulé ce matin et celui sur les mandats dans les conseils d’administration et de surveillance des grandes entreprises hier après-midi en ont été l’illustration.

Ajoutons aussi que l’évolution récente, avec la privatisation des grandes entreprises publiques et des banques, le recours aux partenariats public-privé, la délégation croissante de services publics au privé, est telle que se multiplient les possibilités de créer des liens étroits entre pouvoirs politiques et pouvoirs économiques ainsi que les passerelles entre fonctions publiques et fonctions économiques.

Ajoutons, enfin, que cette réalité est encore plus manifeste depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel Président de la République : il affiche lui-même sa proximité avec le monde des affaires, il en a fait un symbole en fêtant son élection au Fouquet’s avec ses amis de la finance, puis sur le yacht de Vincent Bolloré !

Depuis, les exemples de proximité se sont multipliés, tant par les nominations de conseillers du Gouvernement à la tête d’entreprises en voie de privatisation que par les rapports étroits de membres du Gouvernement ou de parlementaires avec le monde des affaires.

Je n’ai pas l’intention de faire ici la chronique des gazettes.

En revanche, ce que tout le monde peut constater, ce sont les nombreuses dérives, qu’elles puissent ou non faire l’objet d’une sanction au vu de notre législation actuelle. C’est le lot d’une société hyper-médiatisée. C’est une forme de transparence, mais une transparence extrêmement dangereuse.

Les dérives que s’autorisent certains rejaillissent sur tous les autres. Elles nourrissent chez nos concitoyens le rejet des politiques, des institutions et nuisent gravement à la santé de la démocratie !

Il est navrant de constater que, au pays de Saint-Just, de Jaurès et de Zola, 60 % à 70 % de nos concitoyens pensent que leurs élus sont corrompus ou sensibles à la corruption.

On est loin, bien loin, de la République « irréprochable » dont parlait le candidat Nicolas Sarkozy. Paroles, paroles !

Tout cela est tel, d’ailleurs, qu’à la rentrée de septembre – après un été édifiant sur la question – la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique est devenue un sujet d’actualité et qu’une commission d’« experts » a été chargée par décret du 10 septembre 2010 d’y réfléchir et de formuler des propositions. Nous verrons ce qu’il en ressortira !

La proposition de loi constitutionnelle que je présente aujourd’hui n’est donc pas hors sujet. Elle est antérieure à l’institution de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, même si elle est discutée aujourd'hui dans le cadre de la semaine d’initiative sénatoriale. Elle est modeste et s’attache à une question qui n’est pas forcément directement liée aux conflits d’intérêts. Cependant, elle traite de situations bien réelles pouvant concerner non seulement les membres du Gouvernement, mais aussi le Président de la République lui-même.

Je constate d’ailleurs que M. le rapporteur signale, pour mieux le repousser, que ce texte « soulève des questions cruciales ». Il a d’abord tenté de s’y opposer sur la forme, en déposant une motion d’irrecevabilité. Nous savons que la majorité use de procédures sur la plupart des propositions de loi de l’opposition pour éviter les débats de fond. En la matière, les exemples sont nombreux et répétés. Nous avons donc rectifié ce texte hier en le transformant en proposition de loi constitutionnelle. Il n’en reste pas moins que M. le rapporteur invoque diverses raisons pour en demander le rejet, raisons qui me paraissent peu convaincantes.

Ce texte a pour objet d’étendre au Président de la République et aux membres du Gouvernement l’interdiction de recevoir tout don ou avantage de personnes morales, sous quelque forme que ce soit, et de créer une obligation de déclaration des dons provenant de personnes physiques lorsque ceux-ci excèdent un montant annuel fixé par la loi ordinaire. Vous remarquerez, mes chers collègues, que le montant ne figure plus dans cette proposition de loi constitutionnelle : nous renvoyons à une loi ordinaire le soin de le fixer, ce qui est juridiquement normal.

Les dons concernés sont soit directs, soit indirects. Tout don ou avantage en nature effectué par une tierce personne, mais dont les personnes visées par ce texte bénéficient également, est pris en compte dans le calcul des sommes déclarées. Ces nouvelles dispositions seront applicables au Président de la République et aux membres du Gouvernement.

Si la loi de 1995 exclut partiellement les personnes morales du financement des campagnes électorales et des partis politiques, rien n’est prévu pour le Président de la République, les membres du Gouvernement et les élus.

Par ailleurs, en vertu de la loi de 1988, la Commission pour la transparence financière de la vie politique, la CTVP, « contrôle » certes les patrimoines des élus et des membres du Gouvernement en début et fin de mandat, mais elle ne contrôle ni les revenus ni les cadeaux et donations qui ne sont pas des biens patrimoniaux. Rien n’empêche donc une personne physique ou une personne morale d’octroyer certains avantages financiers ou en nature, de façon directe ou indirecte, aux élus, aux membres du Gouvernement ou au Président de la République.

Monsieur le rapporteur, vous essayez de décrédibiliser cette proposition de loi constitutionnelle en affirmant que notre texte pourrait priver les ministres ou le Président de la République des moyens d’exercer leur mandat. Pourtant, vous ne pouvez pas confondre la notion de dons effectués par des personnes morales avec celle de moyens matériels dévolus à l’exercice d’une fonction !

Par ailleurs, vous nous reprochez de ne pas avoir fixé de sanctions afférentes à l’interdiction des dons, dont le plafond pourrait être limité à 4 600 euros, à l’instar de ce qui est prévu dans le cadre des campagnes électorales ou du financement des partis politiques. Vous auriez pu amender notre texte en ce sens ! En revanche, vous êtes resté bien discret sur notre souhait d’améliorer la transparence en exigeant une déclaration publique de ces dons.

Transparence rime avec indépendance. La sanction politique évoquée par M. le rapporteur comme la seule sanction possible, notamment contre le Président de la République, celle des urnes, ne pourra intervenir que si la publicité des liens financiers existe. Ce n’est que si les citoyens sont informés en dehors du jeu médiatique qu’ils pourront former leur jugement !

M. le rapporteur considère également que cette proposition de loi constitutionnelle aurait pour effet de réglementer la vie quotidienne de ceux qui exercent des responsabilités et de mettre en quelque sorte leur vie privée sous les yeux des citoyens. Passez-moi l’expression, mais c’est un peu fort !

Nombre de responsables politiques, à commencer par le Président de la République lui-même, étalent leur vie privée, ce que, pour notre part, nous réprouvons. Mais la transparence de leur situation financière, c’est tout autre chose !

Aujourd’hui, les médias s’emparent de dérives inacceptables. C’est à la loi d’organiser la transparence, le contrôle et la sanction s’il y a lieu. Nul n’est obligé d’être élu, membre d’un Gouvernement ou Président de la République ! La contrepartie est d’accepter que sa situation financière soit publique et irréprochable.

Mes chers collègues, nous défendons l’honneur des élus qui, dans leur grande majorité, n’ont rien à se reprocher…

M. Jacques Mézard. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la proposition de loi. … et, par là même, la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, qui est présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe et dont nous sommes saisis, est loin d’être inintéressante.

Toutefois, nous avons déjà examiné par le passé un certain nombre de textes qui régissent actuellement le statut du Président de la République et des membres du Gouvernement dans leurs relations avec les puissances d’argent.

Ainsi la loi organique du 11 mars 1988 impose-t-elle au Président de la République de faire une déclaration de situation patrimoniale, dont l’évolution fait l’objet d’une publication.

Nous disposons également d’une législation particulièrement importante qui reprend le code électoral, pour ce qui concerne notamment l’élection présidentielle. Ainsi, l’article L. 52-4 du code électoral prévoit l’obligation pour tout candidat à une élection de recourir à un mandataire financier ; l’article L. 52-8 du même code prohibe les dons de personnes morales et plafonne les dons des personnes physiques à 4 600 euros, tandis que l’article L. 52-15 permet à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques de saisir le parquet en cas d’irrégularités.

Le texte initial – une proposition de loi ordinaire – était irrecevable dans la mesure où un texte d’une telle nature ne peut modifier le statut du Président de la République. Nous l’avions souligné lors de son examen en commission et avions indiqué à Mme Borvo Cohen-Seat qu’il fallait déposer une proposition de loi constitutionnelle. C’est désormais chose faite et le texte que nous examinons est recevable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est plus qu’une rectification !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela dit, même sous une forme adéquate, ce nouveau texte n’est pas sans poser plusieurs problèmes.

Avant de les évoquer, je ferai remarquer qu’une proposition de loi constitutionnelle doit d’abord être approuvée en termes identiques par l’Assemblée nationale et par le Sénat, puis transmise au chef de l’État, qui devra recourir au référendum. Or je crains qu’un référendum sur un tel sujet ne suscite pas l’enthousiasme des foules et ne recueille un nombre considérable d’abstentions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Je profite de cette occasion pour rappeler que je regrette, pour ma part, que nous n’ayons pas fixé, lors de la dernière révision constitutionnelle, un taux de participation au moins égal à 50 % des votants pour valider un référendum.

Tout d’abord, cette proposition de loi constitutionnelle est sans portée juridique. Elle fixe une interdiction, sans constituer de délit ou de crime. Par conséquent, les intéressés pourront faire ce qu’ils voudront ! Il est évident que les agissements visés ne sont pas moralement acceptables, mais tout cela relève du domaine de la vertu et non pas du domaine législatif.

En outre, en cas de manquement aux dispositions prévues, il ne sera pas possible de poursuivre les membres du Gouvernement devant la Cour de justice de la République. Quant au Président de la République, à moins de le poursuivre devant la Haute Cour, je ne vois pas très bien quelle sanction nous pourrions lui appliquer. Ce texte n’a donc aucune portée juridique, car il ne prévoit pas de sanction.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Par ailleurs, la proposition de loi constitutionnelle mélange les dons et les avantages en nature.

Concrètement, cela signifie que le Président de la République devra déménager de l’Élysée – c’est un avantage en nature ! – et, à l’instar de l’ensemble des ministres, abandonner ses voitures de fonction – c’en est un autre ! –. Voilà qui est totalement irréaliste, à moins d’imaginer que tous bénéficieront dorénavant d’une liste civile qui leur permettra de régler l’intégralité de leurs dépenses, à l’image de la reine d’Angleterre !

Enfin, on ne peut empêcher un chef d’État de recevoir des cadeaux de ses homologues étrangers lors de ses déplacements ou voyages officiels. C’est impensable, sauf à vouloir mettre les relations diplomatiques sous haute tension ! Refuser les cadeaux, cela ne se fait pas !

Madame la sénatrice, vous avez affirmé que les dispositions de ce texte ne touchaient pas à la vie privée. Bien sûr que si ! En réalité, ce que vous nous proposez, ce n’est pas de la transparence, c’est du voyeurisme ! Demander à l’ensemble des ministres de déclarer tous les cadeaux qu’ils reçoivent, y compris à l’occasion de leur anniversaire ou de repas avec des amis, …

M. Alain Gournac. C’est irréaliste !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne contrôle !

M. Patrice Gélard, rapporteur. … est impensable ! Nous ne pouvons accepter de telles dispositions !

M. Alain Gournac. C’est du pipeau !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous visez dans ce texte tous les dons, à l’exception des donations familiales. C’est impossible à mettre en pratique et il faut protéger quelque peu la vie privée !

En fait, cette proposition de loi constitutionnelle favorise la dissimulation des dons et cadeaux. Le Président de la République ou les ministres auront tout intérêt à les cacher, parce que les conditions prévues pour les rendre publics sont insupportables.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez une haute idée des fonctions importantes !

M. Alain Gournac. C’est de la poudre aux yeux !

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé de ne pas revoir le texte qui nous est proposé et d’émettre un avis défavorable sur l’article unique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes saisis d’une proposition de loi constitutionnelle présentée par le groupe CRC-SPG visant à garantir l’indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique.

Ce texte prévoit d’interdire au Président de la République et aux membres du Gouvernement de recevoir des dons en espèces ou en nature de la part de personnes morales. Par ailleurs, lorsque ces dons émanent d’une personne physique, ils doivent faire l’objet d’une déclaration publique annuelle auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique, s’ils excèdent un montant global fixé par la loi.

À l’origine, il s’agissait, comme l’a rappelé M. le rapporteur, d’une proposition de loi ordinaire. Le contenu des dispositions proposées relevant clairement, selon les constitutionnalistes auditionnés par la commission des lois, d’une norme supérieure, M. le rapporteur avait proposé à la commission, qui l’a suivi, de la déclarer irrecevable. Il aurait alors soutenu en séance publique une motion d’irrecevabilité, que le Gouvernement vous aurait demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir voter.

Cependant, face à cette difficulté juridique, les auteurs de cette proposition de loi ordinaire ont transformé celle-ci en une proposition de loi constitutionnelle, qui prévoit d’inscrire dans la Constitution les dispositions qui figuraient dans le texte originel.

Compte tenu de cette modification intervenue hier, c’est sur le fond que le Gouvernement se placera pour vous exposer ses arguments en vue de vous demander, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir rejeter cette proposition de loi constitutionnelle.

Ce texte ainsi que la proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, que vous avez renvoyée ce matin en commission, doivent être rapprochés des quatre propositions de loi présentées par le parti socialiste et repoussées, conformément au souhait du Gouvernement, par l'Assemblée nationale voilà une dizaine de jours.

Ces quatre propositions de loi portaient, d’une part, sur l’interdiction du cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale et, d’autre part, sur la réglementation des financements privés des partis politiques et la prévention des conflits d’intérêts concernant les membres du Gouvernement.

Permettez-moi de vous faire part des critiques émises par le Gouvernement à l’encontre de ces textes.

Premièrement, il s’agissait de textes dont la motivation était à l’évidence politicienne ; ceux qui les proposaient n’avaient aucune envie de les voir mettre en pratique.

Deuxièmement, cette motivation avait conduit à une précipitation dans leur élaboration. En conséquence, ces textes présentaient des défauts que l’on pourrait qualifier, pour rester aimable, de « techniques ». Le Gouvernement a clairement indiqué à l’Assemblée nationale, par la voix de votre ancien collègue Henri de Raincourt, que la défense de la moralité publique n’est le monopole d’aucun parti, comme aurait pu le laisser supposer l’intitulé la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique : « pour une République décente ».

Le Gouvernement avait également mis en garde les signataires de ces textes contre les risques de démagogie. Enfin, il avait indiqué – Michel Mercier l’a confirmé ce matin devant vous – qu’il n’était pas hostile à ce que certaines questions évoquées fassent l’objet d’un examen moins précipité et plus approfondi permettant de parvenir à des réponses consensuelles.

Le Gouvernement peut reprendre ces critiques et les formuler à l’encontre de la proposition de loi constitutionnelle déposée par les sénateurs du groupe CRC-SPG que nous examinons aujourd’hui.

Ce débat est l’occasion pour le Gouvernement de rappeler que notre République s’est dotée d’un ensemble solide de dispositions juridiques en matière de transparence financière de la vie politique.

Je ferai d’ailleurs observer que les principales lois de ce dispositif ont été votées alors que l’actuelle majorité parlementaire était aux responsabilités. Ainsi, ce sont la loi organique du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, votée sous le gouvernement de Jacques Chirac, et la loi du 8 février 1995 relative à la déclaration du patrimoine des membres du Gouvernement et des titulaires de certaines fonctions, votée sous le gouvernement d’Édouard Balladur, qui ont, d’une part, réglementé le financement des campagnes électorales, d’autre part, organisé le financement des partis politiques, qu’il soit privé ou public.

L’ensemble de cette réglementation est appliqué sous le contrôle de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements publics à qui l’ordonnance du 8 décembre 2003, prise sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, a conféré le statut d’autorité administrative indépendante.

Ce dispositif ne concerne pas seulement le financement des partis politiques et des campagnes électorales : il s’intéresse également au patrimoine des membres du Gouvernement et à celui de nombreux élus.

Ainsi est-il imposé aux membres du Gouvernement d’établir notamment une déclaration de leur patrimoine à la Commission pour la transparence financière de la vie politique dans les deux mois qui suivent leur nomination et dans les deux mois qui suivent leur cessation de fonctions. À cela s’ajoute l’obligation qui leur est imposée de faire état de toutes les modifications substantielles de leur patrimoine intervenues au cours de leur présence au Gouvernement.

En outre, il revient à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, qui est également considérée comme une autorité administrative indépendante, d’apprécier le caractère normal ou non de l’évolution des patrimoines des uns et des autres.

Cette instance peut mettre en demeure les intéressés de fournir des explications sur certaines évolutions patrimoniales. Et, si celles-ci lui paraissent insuffisantes, elle peut saisir le Premier ministre et le parquet.

S’agissant du financement des élections présidentielles, la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel s’inspire largement des dispositions des lois organiques du 11 mars 1988 et du 19 janvier 1995.

Enfin, en ce qui concerne le contrôle du patrimoine du Président de la République, le système précisé par la loi du 6 novembre 1962 prévoit que les candidats à l’élection présidentielle doivent remettre au Conseil constitutionnel, sous peine de nullité de leur candidature, une déclaration relative à leur situation patrimoniale. Celle-ci est complétée par un engagement de déposer une nouvelle déclaration à l’issue du mandat. Ces déclarations sont publiées au Journal officiel. Ainsi tout citoyen peut-il être juge de l’évolution du patrimoine du Président de la République pendant la durée son mandat.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a beaucoup de mal à considérer que la réglementation actuelle relative au financement des campagnes électorales présidentielles et au contrôle de l’évolution du patrimoine du Président de la République et des membres du Gouvernement constitue un ensemble de dispositions anodines. Il le considère avec d’autant plus de difficultés que, s’agissant de la transparence financière de l’exécutif, depuis le début de l’actuel quinquennat, le budget de l’Élysée est contrôlé chaque année par la Cour des comptes, dont le rapport est rendu public.

Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de ce texte dans l’exposé des motifs, on ne peut raisonnablement déplorer l’existence d’un « vide juridique » concernant le contrôle des relations entre l’exécutif et le monde économique et, plus généralement, l’absence de dispositif relatif à la transparence financière de l’exécutif. Nous disposons en cette matière d’un ensemble solide de mesures qui peuvent, à elles seules, motiver un rejet au fond de cette proposition de loi constitutionnelle.

Cet argument de fond peut être corroboré par deux éléments complémentaires qui témoignent de la précipitation dans laquelle ce texte a été élaboré.

D’une part, telle qu’elle est rédigée, cette proposition de loi constitutionnelle autorise des interprétations extensives qui conduiraient à des interdictions peu compréhensibles. Le rapport de la commission des lois en cite quelques-uns, qu’il s’agisse des moyens matériels mis à la disposition du Président de la République ou des membres du Gouvernement pour assumer leurs fonctions ou de présents qu’ils recevraient dans le cadre de leurs fonctions de représentation, y compris diplomatiques.

D’autre part, l’application des dispositions de ce texte aurait pour conséquence un contrôle largement excessif de la vie quotidienne du chef de l’État et des membres du Gouvernement.

Enfin, je rappelle que le Président de la République et le Gouvernement ne sont pas fermés à toute prise en considération de la notion de conflit d’intérêt dans la vie politique.

J’en veux pour preuve le décret du 10 septembre 2010, pris à la demande du Président de la République, qui a instauré une commission de réflexion sur cette question, s’agissant notamment des membres du Gouvernement. Cette instance, qui a déjà commencé à travailler, doit remettre son rapport avant la fin de cette année. Au vu de ses conclusions, nous apprécierons s’il convient de compléter les textes actuels que j’ai précédemment évoqués.

Le projet de loi organique relatif à l’élection des députés et la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, déposée par les députés Jean-Luc Warsmann et Charles de La Verpillière, pourraient constituer des vecteurs législatifs susceptibles d’accueillir d’éventuelles dispositions portant sur les conflits d’intérêts entre l’exécutif et le monde économique.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est conduit à vous demander de rejeter cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une querelle de famille qui se transforme en feuilleton où le ministre de la comptabilité vient s’égarer et où le parquet assume sans complexe son rôle de bouclier judiciaire du pouvoir, un ex-ministre de la charité prêchant la fin des conflits d’intérêts à des petits camarades outragés sur fond de crise qui s’éternise et de rigueur sélective : tel est le contexte de cette discussion, contexte qui suffit à expliquer la fin de non-recevoir de la majorité sénatoriale et du Gouvernement à la présente proposition de loi constitutionnelle. À politicien, politicien et demi !

Pourtant, ce texte, qui concerne uniquement les acteurs les plus importants de la vie politique, s’en tient à des propositions très modérées. On s’étonnerait – n’était le contexte, comme je l’ai dit – qu’elles n’aillent pas de soi.

Interdire au Président de la République durant son mandat ainsi qu’aux membres du Gouvernement de recevoir des avantages en espèces ou en nature de la part de personnes morales, mais l’autoriser de la part de personnes physiques – ce qui préserve la sociabilité et les liens d’amitiés –, est-ce si scandaleux ? On pourrait commencer par là avant d’aller plus loin ; c’est d’ailleurs ce à quoi nous invite cette proposition de loi constitutionnelle.

On pourrait le faire en donnant par exemple aux institutions dont c’est déjà la mission – ce qui a été rappelé – les moyens d’exercer celle-ci correctement.

Il existe un corpus de textes relatifs au sujet ainsi qu’une Commission pour la transparence financière de la vie politique. Le rapporteur et le secrétaire d’État n’ont pas manqué de le rappeler.

Le problème, c’est que ce corpus est passablement « à trous » et que la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont la composition et le mode de nomination pourraient être améliorés, ne dispose pas vraiment des moyens de ses fins.

Cette institution le déplore d’ailleurs régulièrement, à chacun de ses rapports. En effet, elle insiste sur le trop grand nombre d’élus à contrôler, de l’ordre de 3 000. Elle pointe ses moyens d’investigation trop limités, puisqu’elle n’a accès ni aux revenus des intéressés ni à leur dossier fiscal et ne dispose aucunement du pouvoir de demander des explications complémentaires, susceptibles en tout cas d’être obligatoirement suivies d’effet. Le contrôle est donc limité à la détection des progressions inexplicables du patrimoine, le revenu dépensé ou évadé se trouvant exclu. En outre, elle signale que des déclarations de patrimoine ne sont pas rendues publiques et que leur absence ou leur caractère mensonger ne peut pas être sanctionné. Elle note à cet égard la particulière discrétion des dirigeants d’entreprises publiques, de Gaz de France à La Poste, puisque, à en croire le rapport de 2007, cette année-là, 112 non-dépôts ont été constatés.

Rien d’étonnant donc à ce que, depuis 1988, 13 dossiers seulement aient connu une suite judiciaire, aucune d’ailleurs ne visant plus haut que l’échelon de conseiller général.

On pourrait aussi s’intéresser au régime baroque des incompatibilités entre fonctions gouvernementales, mandats parlementaires et activités professionnelles. Étrangement, si l’on ne peut pas être sénateur et professeur de philosophie, on peut en revanche être parlementaire et conseiller des entreprises dans leurs opérations fiscales ou leurs opérations de fusions-acquisitions ou vendre des armes et des avions à l’État. Rien de plus simple ! Il suffit de ne pas exercer de fonctions de direction ou d’influence significatives entrant dans le champ des incompatibilités dans les filiales de la holding que l’on dirige, laquelle n’entre pas dans ce champ.

Le byzantinisme flamboyant des décisions du Conseil constitutionnel qui le confirment mérite toute notre admiration. Ce n’est plus un bouclier, c’est du blindage !

On pourrait aussi étendre les pouvoirs des commissions d’enquêtes parlementaires, rendre leur ouverture possible à la demande de l’opposition, lever l’obstacle si commode de l’ouverture d’une instance judiciaire. Le judicaire n’étant pas un pouvoir mais une autorité, rien ne l’en empêche, à part l’absence de volonté politique.

On pourrait aussi s’arrêter sur le pantouflage multiforme et sur ce que je qualifierai de « pantouflage inversé », à savoir la mise en couveuse des futurs – qui sont aussi souvent d’ailleurs d’anciens – élus locaux ou nationaux et des fonctionnaires à responsabilité par les grands délégataires de services publics, les grandes entreprises travaillant pour les collectivités ou l’État. Ces décideurs, une fois parvenus ou revenus aux affaires, pourront, en respectant le code des marchés publics – ce qui n’est pas un problème –, contracter en toute légalité, au nom de leur collectivité ou de l’État, avec leurs anciens employeurs. Les marchés publics représentant de l’ordre de 120 milliards d’euros, par les temps qui courent, l’enjeu n’est pas mince !

S’agissant du pantouflage des fonctionnaires, la réglementation – rigoureuse sur le papier – s’accompagne dans les faits d’une tolérance molle dans son application, quand ce n’est pas d’un encouragement en vertu de la nécessaire perméabilité du public et du privé au nom de l’efficacité.

Quant au pantouflage du personnel politique, il est devenu une pratique mondialement si courante que, sur ce chapitre, la France est en retard. Nous manquons encore de Gerhard Schröder pour passer au service de Gazprom ou de Tony Blair pour conseiller les banquiers... Mais ce n’est probablement qu’une question de temps : nous allons certainement nous moderniser en ce domaine !

Des frontières de plus en plus diaphanes entre haute fonction publique, gouvernement et cabinets ministériels, entourage présidentiel, direction des grands groupes économiques et financiers, publics ou privés, organes de contrôle prétendument indépendants ; une classe dirigeante endogamique, habitant les mêmes lotissements parisiens ou azurés ; une oligarchie rompue au jeu des chaises musicales, des renvois d’ascenseurs, des participations croisées : quelle place peut-il bien rester à l’intérêt général ?

Plus fondamentalement, cela a-t-il un sens de demander à l’État moderne libéral de faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers, quand sa fonction est uniquement de permettre le jeu libre et non faussé des intérêts particuliers, quand l’intérêt collectif est conçu comme la résultante de ce jeu concurrentiel ?

Manquer aux « devoirs de probité », pour reprendre la formulation du code pénal, a-t-il encore un sens pour le serviteur d’un État reformaté selon les principes du management moderne, lequel connaît seulement des coûts et ignore les valeurs et pour qui il n’existe qu’un seul impératif catégorique : faire du profit et s’enrichir ?

Le général de Gaulle considérait que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». C’était hier. Aujourd’hui, non seulement la politique se fait à la corbeille et pour la corbeille qu’il faut à tout prix rassurer puisque l’on s’est placé entre ses mâchoires, mais celle-ci est installée au cœur de l’action publique.

J’illustrerai mon propos par deux exemples.

D’une part, le Fonds de réserve pour les retraites fonctionne ouvertement comme un fonds spéculatif. Ainsi, son conseil de surveillance, lors de la réunion du 16 juin 2009, après avoir constaté les pertes du Fonds, à la suite de la crise, n’entend pas remettre « en cause les bases sur lesquelles il avait fondé ses choix initiaux, à savoir qu’un investisseur de long terme qui n’a pas de contrainte de liquidité avant 2020 peut bénéficier dans la durée du surcroît de performance attendu des catégories d’actifs présentant une volatilité importante et, en particulier, les actions ».

En français courant, ce jargon signifie que le FRR entend bien récupérer par la spéculation ce qu’il a perdu par la spéculation !

D’autre part, l’Agence des participations de l’État, l’APE, a été créée pour veiller aux « intérêts patrimoniaux » de l’État – comme si ce dernier était une personne privée … – et pour exercer la mission de l’État actionnaire dans les entreprises où celui-ci détient des participations, majoritaires ou minoritaires.

Le problème est le suivant : la mission de l’État actionnaire est-elle de gagner le plus d’argent possible ou de conduire une politique industrielle ? La réponse ne va pas de soi, comme l’a montré l’affaire EADS. Je la rappelle en deux mots.

En 2005, EADS traverse une crise grave, entraînant un plan de suppression de 10 000 emplois et la chute de 35 %, en moyenne, du titre. Seule l’oligarchie, au sommet de laquelle figurent l’ex-coprésident d’EADS, Noël Forgeard – ancien haut fonctionnaire ! –, et les dirigeants des groupes Lagardère et Daimler, réussira à retirer ses billes à temps, empochant ainsi 90 millions d’euros de plus-values. Un instant suspectés de délit d’initié, tous les bénéficiaires seront mis hors de cause par l’Autorité des marchés financiers, en novembre 2009, dans la plus grande discrétion.

Voilà pour la partie privée.

S’agissant de la partie publique, celle qui nous occupe aujourd’hui, on apprendra que, à la fin de 2005, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie de l’époque avait été informé de la situation par l’APE, qui lui avait conseillé de se désengager au plus vite. Thierry Breton n’a pas suivi cet avis, faisant passer la politique aéronautique de la France avant la protection du patrimoine de l’État. Ce dilemme est la preuve que le « conflit d’intérêt » est désormais niché au cœur même de l’État.

Pour en finir avec les conflits d’intérêts, il faudra donc beaucoup plus que des déclarations, beaucoup plus qu’une réforme des programmes de l’ENA, beaucoup plus qu’un code d’éthique, des circulaires ou le renforcement des pouvoirs d’autorités prétendument indépendantes, même si, comme je l’ai dit, cela ne ferait pas de mal de commencer par là.

Puisque le texte proposé aujourd’hui est « inefficace » et « contestable », pour reprendre les qualificatifs du rapporteur, on aurait pu le renvoyer en commission, comme on l’a fait ce matin pour la proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous auriez ainsi pu l’enrichir, au lieu de l’exécuter !

Reste que je suis d’accord sur un point avec notre rapporteur : la question posée est essentiellement politique. C’est celle d’une Constitution qui concentre l’essentiel du pouvoir politique à l’Élysée, sans garantir son indépendance par rapport au pouvoir économique et financier ; c’est celle d’une organisation politique sans autre contre-pouvoir que le pouvoir économique et financier. En l’occurrence, peut-on même encore parler de contre-pouvoir ?

Ce n’est donc pas parce que cette proposition de loi constitutionnelle a des ambitions modestes, et qu’elle ne s’attaque pas à l’immense chantier qui est devant nous, que l’on est fondé à la rejeter. C’est pourquoi le groupe socialiste la votera.

Mme Éliane Assassi et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !

M. Alain Gournac. Il aurait fallu le faire sous Mitterrand !

M. Pierre-Yves Collombat. Merci de nous soutenir dans cette action, mon cher collègue ! Bravo ! Avec vous, on ne s’ennuie jamais ! (M. Alain Gournac s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi avant tout de me réjouir de vous retrouver en meilleure santé.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Merci, monsieur le sénateur !

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis frappé de constater que seuls neuf sénateurs sont présents cet après-midi pour participer à l’examen d’une proposition de loi constitutionnelle relative à la transparence financière de la vie politique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a la qualité !

M. Jacques Mézard. Même si la qualité est au rendez-vous, il manque tout de même le nombre, et c’est regrettable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les héros sont fatigués !

M. Jacques Mézard. Notre collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a eu raison de se référer à la Convention, régime qui a honoré notre nation, sous la conduite de l’Incorruptible.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des têtes ont été coupées !

M. Jacques Mézard. Parfois, cela peut être utile, monsieur le président de la commission …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce que vous dites est horrible !

M. Jacques Mézard. Cette proposition de loi, nouvellement constitutionnelle, nous amène à nous pencher sur la probité dans la vie politique, question de plus en plus prégnante dans le débat public.

Et le débat va au-delà du problème posé par le présent texte. Il concerne très clairement les relations entre le monde politique et le monde économique ou la justice. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’article du juge Régnard dans l’édition du Monde datée du 29 octobre 2010.

Ce combat est commun à l’ensemble des responsables politiques, toutes sensibilités confondues. À juste titre, la demande de transparence de nos concitoyens ne cesse de croître ; dans le même temps, force est de reconnaître que la confiance qu’ils nous accordent est fragilisée, encore que les élus municipaux jouissent toujours d’une très large confiance, au reste méritée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Mes chers collègues, il est impératif de conforter la confiance en la chose publique. Certes, le chemin sera long et semé d’embûches : selon un récent sondage, 60 % à 70 % de nos concitoyens considéreraient que leurs élus sont corrompus ou sensibles à la corruption. Cela étant, je me méfie de ce type de sondage, car je ne suis pas convaincu que les chiffres reflètent la réalité : on le voit bien avec la confiance qu’accordent nos concitoyens à leurs élus de terrain.

Cela étant, cet état de fait a été causé en grande partie par les trop nombreuses affaires qui ont émaillé la vie politique au cours de chaque république, au cours de chaque régime. Au demeurant, je tiens à écarter immédiatement toute polémique partisane : aucun bord politique ne peut se prévaloir d’être ou d’avoir été exempt de comportements contestables ; …

M. Jacques Mézard. … aucun camp n’a le monopole de l’éthique et de l’honnêteté.

M. Alain Gournac. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Mais ce n’est pas l’unique raison. Le manque de transparence, la légèreté du cadre juridique qui entoure nos statuts, ont été le terreau de cette véritable défiance, phénomène qui a été accéléré, il faut le dire, par les crises financières, comme celle de 1928 ou celle de 2008.

Mais, de grâce, ne tombons pas dans un antiparlementarisme inacceptable, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

M. Jacques Mézard. … utilisé par les véritables ennemis de la démocratie : l’extrême droite et l’extrême gauche !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Jacques Mézard. En nous intéressant à l’indépendance des membres du Gouvernement et du chef de l’État, nous ne pouvons faire l’économie de l’étude de la question du conflit d’intérêt.

Notion large, protéiforme, ne faisant l’objet d’aucune définition légale ou jurisprudentielle, le conflit d’intérêt est pourtant au cœur de l’actualité politique de ces derniers mois. L’un des premiers à s’y être intéressé est sans conteste le duc de La Rochefoucauld, qui, dans une phrase devenue célèbre, nous rappelle que « Les vertus se perdent dans l’intérêt, comme les fleuves dans la mer ».

Plus récemment, on peut se référer aux travaux de l’OCDE, en particulier aux recommandations de son conseil, en date du 28 mai 2003. À la lecture de la définition retenue, on constate aisément que les situations de conflit d’intérêt concernent non pas uniquement les membres du Gouvernement, mais également l’ensemble des décideurs publics.

Forts de ce constat, plusieurs membres du groupe du RDSE, sous la conduite, à l’époque, de Michel Charasse, ont déposé l’année dernière une proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d’une entreprise du secteur public et d’une entreprise du secteur privé. L’existence d’intérêts publics et d’intérêt privés divergents, voire opposés, ne peut en effet aller qu’à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’État.

Je remarque que notre proposition de loi, adoptée ici même il y a près d’un an, n’a toujours pas été examinée par l’Assemblée nationale…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Les auteurs de la présente proposition de loi constitutionnelle partagent cet objectif global, et ce même si le texte se consacre uniquement à la manifestation la plus voyante du conflit d’intérêt que constitue l’enrichissement personnel.

Je rappelle que l’OCDE a dégagé sept situations créant les conditions de potentiels conflits d’intérêts. Aujourd’hui, dans notre législation, des failles demeurent, indiscutablement.

Je le répète, il est important de ne pas non plus noircir le tableau et de rappeler qu’un contrôle des patrimoines respectifs des membres du Gouvernement et du Président de la République existe déjà, dont la double déclaration de patrimoine. Toutefois, les modalités du contrôle divergent. Pour les membres du Gouvernement, il est effectué par la Commission pour la transparence financière de la vie politique, sans sanction directe. Pour le Président de la République, le système retenu est celui du contrôle du peuple, lequel est censé ne pas redonner sa confiance en cas de pratiques douteuses. (M. Pierre-Yves Collombat s’esclaffe.) C’est un autre débat ... 

Durant la campagne présidentielle, le contrôle est accru. Les dons provenant de personnes morales sont interdits quand ceux qui émanent de personnes physiques sont limités à 4 600 euros. Il est dommageable que de telles limitations n’aient pas cours durant l’exercice des fonctions ministérielles.

Nous avons proposé des pistes ambitieuses pour renforcer le contrôle des membres du Gouvernement et du Président de la République, tout en sachant que de nombreux obstacles devront être franchis pour parvenir à davantage de moralisation et de limpidité de la vie politique.

Nous considérons comme impératif que les auteurs d’infractions liées à l’exercice d’un mandat politique fassent systématiquement l’objet de poursuites pénales. L’image de l’État en général, des politiques et des magistrats en particulier, est meurtrie par les affaires que nous connaissons.

La Chancellerie doit avoir le courage de prendre une directive générale de politique pénale en matière de trafic d’influence et de prise illégale d’intérêts ainsi que de donner mandat aux parquetiers de poursuivre les auteurs de ce type d’infractions. D’ailleurs, à cette occasion, on se rendra compte que ceux-ci ne sont pas très nombreux et que des exemples sont souvent utiles dans la République.

Mes chers collègues, afin de ne pas revivre le fiasco estival, il est essentiel d’étendre les incompatibilités ministérielles et d’interdire qu’un ministre, directement ou indirectement, ait des intérêts dans des entreprises publiques ou privées, associations ou organismes soumis au contrôle de son administration. Il faudra bien régler la question du cumul des mandats électifs et des mandats d’administrateur de grandes sociétés ou celle de l’inflation du nombre de parlementaires avocats d’affaires.

Le dossier n’est pas mince, mais il faudra bien nous attaquer à cette réalité. Loin de moi l’idée de jeter l’opprobre sur la classe politique à laquelle je suis fier d’appartenir, mais, en les affranchissant des intérêts privés, nous rendrons aux uns et aux autres leur liberté d’élus et de citoyens. C’est indispensable !

Le texte présenté mériterait d’être complété. Tout d’abord, aucune sanction n’est prévue. Ensuite, le problème du contrôle de la véracité de la déclaration ou de son absence pure et simple demeure. En outre, il aurait peut-être également été utile d’attendre les conclusions de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jacques Mézard. Malgré quelques réticences techniques, nous considérons que poser le problème comme le fait cette proposition de loi constitutionnelle est utile. La majorité des membres de mon groupe apportera donc son soutien à ce texte, car il vise à lutter contre un mélange des genres tout à fait malheureux pour l’image de notre vie publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers mais peu nombreux collègues, le pouvoir et l’argent ne font pas bon ménage, mais les conflits d’intérêts semblent avoir de beaux jours devant eux si nous ne nous décidons pas à endiguer ces abus.

La démocratie est en grand danger lorsque des proximités se développent entre les pouvoirs publics et l’argent, en témoignent les nombreuses dérives auxquelles nous avons récemment assisté.

Les frontières entre ces deux sphères sont terriblement poreuses, à tel point que l’on en vient à décorer les heureux contributeurs de la campagne présidentielle de 2007 de la Légion d’honneur, transformant ainsi la médaille napoléonienne en hochet pour riches.

Je ne vais pas citer toutes les affaires ici, mais leur grand nombre fait prendre aujourd’hui à la France des allures de République bananière. Elles sont très éloignées de l’exigence démocratique de transparence que beaucoup semblent appeler de leurs vœux. Il est visiblement difficile de passer des paroles aux actes…

De même que la privatisation des moyens de renseignement, les généreux cadeaux fiscaux, le cumul des fonctions et le lobbying installé au cœur du pouvoir témoignent d’une mise sous tutelle inacceptable de l’État par des personnes morales.

Nous avons rectifié notre proposition de loi afin de répondre à l’argument d’inconstitutionnalité qui allait nous être opposé, la commission estimant que les dispositions proposées devaient relever à tout le moins d’un texte de valeur organique.

Mais, au regard de tous les scandales politico-financiers, on pourrait considérer que la politique de M. Sarkozy est, dans son ensemble, inconstitutionnelle, dès lors que l’article 4 de notre loi fondamentale dispose que « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. »

Nous sommes aujourd’hui très loin du compte. Nos concitoyens nous ont mandatés pour les représenter, les écouter et les relayer. Nos mandats politiques ne doivent théoriquement pas nous permettre d’agir avec cupidité.

Car un État est démocratique dans le sens où chacun concède son pouvoir décisionnel, non à un autre individu ou à un groupe déterminé, mais à la société dont il constitue une composante.

Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui le pouvoir est invariablement détenu et transmis au sein d’un groupe particulier. La grande majorité de la population se trouve exclue de l’élaboration de nos politiques publiques, ce qui est, vous en conviendrez, fortement dommageable pour ce qui reste de notre État de droit et de notre République. Nous regrettons d’ailleurs que notre pays ne se soit pas acheminé vers l’établissement d’une véritable démocratie participative.

Le 12 juillet dernier, à l’occasion de son intervention sur France 2 destinée à désamorcer la bombe « Woerth-Bettencourt », le Président de la République déclarait qu’il demanderait « à une commission représentant toutes les familles politiques de réfléchir à la façon dont on doit ou non compléter ou modifier la loi pour éviter dans l’avenir toute forme qui pourrait intervenir de conflit d’intérêts », admettant, de fait, qu’il y avait un problème.

À la suite de la publication du livre de M. Hirsch faisant état de situations quelque peu gênantes, trois personnalités – un magistrat, un conseiller d’État et un président de la Cour des comptes – ont été récemment chargées par Nicolas Sarkozy de réfléchir aux « situations de conflit d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du Gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques, ainsi que, le cas échéant, les autres agents publics dont la nature particulière des missions le justifierait ».

En tant que parlementaires, au titre du mandat qui nous a été confié, nous devions prendre la responsabilité d’agir. Face à la multiplication des dérives, confortées par une législation lacunaire en la matière, nous avons donc été incités à développer notre réflexion sur l’indépendance du pouvoir exécutif et à vouloir aller plus loin dans notre détermination à combattre ces abus.

La législation actuelle présente des insuffisances, beaucoup s’accordent à le reconnaître, tant dans son champ d’application, qui est aujourd’hui limité aux seuls partis et candidats, que dans l’effectivité de son application.

L’interdiction faite aux personnes morales de participer à la vie politique du pays ne concerne que les périodes de campagne électorale et le financement des partis politiques, alors qu’elle devrait concerner l’ensemble de la vie politique.

Afin de remédier à cette contradiction, nos propositions ont pour objet d’étendre l’interdiction de recevoir tout don ou avantage, sous quelque forme que ce soit, de personnes morales et de créer une obligation de déclaration des dons provenant de personnes physiques, lorsque ceux-ci excèdent un montant annuel fixé par la loi ordinaire. Ce dernier pourrait être établi à 4 600 euros, à l’instar de la législation actuelle en matière de financement de la campagne des candidats à une élection.

Comme l’a rappelé Nicole Borvo Cohen-Seat, les dons concernés sont directs ou indirects. Tout don ou avantage en nature effectué par une tierce personne dont bénéficient également les personnes visées par notre texte sont pris en compte dans le calcul des sommes déclarées. Cette nouvelle législation serait applicable non seulement au Président de la République, mais aussi aux membres du Gouvernement.

Les sanctions envisagées sont celles prévues par la Constitution pour le Président de la République et par la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique pour les membres du Gouvernement.

Cette proposition de loi constitutionnelle n’a d’autre objet que de renforcer la transparence de la vie politique, en accord avec la loi suprême de notre république, à savoir le respect de la souveraineté nationale.

La démocratie ne peut trouver son accomplissement que dans une société où les hommes, librement associés, exercent activement leur souveraineté, sans s’en faire dépouiller par d’insidieux dispositifs politiques ou autres copinages de circonstance.

Pour réaliser la démocratie, il ne faut pas seulement que les décisions soient prises en accord avec la majorité, il faut aussi qu’elles soient prises pour la majorité ! C’est tout le sens de nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, préoccupation constante des responsables politiques, la volonté d’écarter tout soupçon d’enrichissement par une sujétion à la sphère économique a fait l’objet de plusieurs évolutions législatives.

La loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est une concrétisation de cette volonté. Un candidat à une élection ou un parti politique ne peuvent plus recevoir de dons de la part d’une personne morale. De plus, afin de démontrer que leur fonction n’a pas été source d’enrichissement personnel, les élus sont soumis à une obligation de déclaration de leur patrimoine au début et à la fin de leur mandat. Ce mécanisme de contrôle est même renforcé à l’égard des candidats à la présidence de la République. En effet, à peine de nullité de leur candidature, les candidats sont tenus de remettre au Conseil constitutionnel une déclaration de leur situation patrimoniale.

Par la suite, la loi du 8 février 1995 a étendu cette obligation de déclaration aux membres du Gouvernement et aux titulaires de certaines fonctions. Comme l’affirmait récemment le Président de la République : « Il ne suffit pas que la République soit irréprochable. Il faut encore qu’elle ne puisse même être suspectée de ne pas l’être ».

À cet égard, le texte présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et plusieurs membres du groupe CRC-SPG vise à renforcer la transparence entre le monde politique et le monde des affaires.

Compte tenu de la rectification apportée par ses auteurs pour transformer la proposition de loi en proposition de loi constitutionnelle, deux dispositions sont proposées en un article unique : la première vise à interdire au Président de la République et aux membres du Gouvernement, pendant toute la durée de leur mandat, de recevoir des dons de personnes morales ; la seconde a pour objet de soumettre les dons des personnes physiques au régime de déclaration obligatoire.

Comme l’a souligné notre rapporteur, Patrice Gélard, si cette proposition de loi constitutionnelle se fixe l’objectif légitime d’encadrer des cadeaux et des avantages en nature dont le Président de la République et les membres du Gouvernement pourraient être les destinataires, son dispositif comporte d’importantes lacunes.

Le texte qui est soumis à notre examen comporte deux limites majeures, d’une part, quant à son opportunité, d’autre part, quant à l’efficacité de son dispositif.

Tout d’abord, ce texte semble prématuré. Sur l’initiative du Président de la République, une commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a été mise en place en vue de traiter la question de la régulation des relations entre les responsables politiques et le milieu des affaires. Présidée par M. Jean-Marc Sauvé, la commission doit rendre ses conclusions avant le 31 décembre 2010. Il serait donc peu opportun de légiférer sur cette question avant même que la commission n’ait achevé ses travaux.

Par ailleurs, le mécanisme que ce texte prévoit serait inopérant. En effet, il présente une profonde vacuité en proposant de soumettre les membres de l’exécutif à l’interdiction de percevoir des dons sans qu’il ait été prévu de sanctions pour les cas où ce dispositif ne serait pas respecté.

De plus, la notion d’« avantages en nature » ne saurait fonder juridiquement une telle interdiction, tant ses acceptions sont floues et pourraient faire l’objet d’une interprétation extensive. Comme l’a présenté notre rapporteur à titre d’exemple, avec un tel mécanisme, « il serait interdit [aux membres de l’exécutif] de se rendre en vacances chez des amis si ceux-ci ont acheté leur maison sous la forme d’une société civile immobilière : les SCI étant des personnes morales, le fait de jouir d’une habitation ainsi constituée tomberait en effet sous le coup de l’interdiction de recevoir des avantages en nature procurés par des personnes morales ».

Nous voyons bien ici que les faiblesses de cette proposition de loi constitutionnelle pourraient conduire à des situations absurdes et induire des sanctions totalement disproportionnées, d’autant plus que ce texte se heurte à la nécessaire protection de la vie privée des membres de l’exécutif.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi constitutionnelle initiale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique
Article unique (fin)

Article unique

La Constitution est ainsi modifiée :

1° Après l’article 7, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 7 bis. – Est interdit le fait, pour tout candidat élu à la Présidence de la République, et durant toute la durée de son mandat, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des personnes morales. Est également interdit le fait, pour ces personnes morales, de proposer ou de procurer ces avantages.

« Ces dons ainsi définis qui lui sont consentis par des personnes physiques, à l’exception des donations familiales, font l’objet d’une déclaration publique annuelle auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique s’ils excèdent un montant global fixé par la loi. » ;

2° Après l’article 23, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 23 bis. – Est interdit le fait, pour les membres du gouvernement, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, procurés par des personnes morales. Est également interdit le fait, pour ces personnes morales, de proposer ou de procurer ces avantages.

« Les dons qui leur sont consentis par des personnes physiques, à l’exception des donations familiales, font l’objet d’une déclaration publique annuelle auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique s’ils excèdent un montant global fixé par la loi. »

M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement.

Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous ne sommes peut-être pas nombreux, mais ce n’est sans doute pas une raison de voter sans s’expliquer !

Je voudrais répondre aux objections qui ont été formulées par notre rapporteur, reprises par M. le secrétaire d’État puis par notre collègue Robert Laufoaulu.

Première volée d’arguments : ce texte serait inefficace parce qu’il prévoit une obligation sans sanction.

Mes chers collègues, tout de même, nombre de textes que nous votons, présentés notamment par la majorité sénatoriale, comportent des déclarations non assorties de sanction ! Ce n’est nullement une particularité de la présente proposition de loi constitutionnelle !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne devrait pas les voter !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il faudrait les déclarer irrecevables !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est le cas des comptes de campagne lors des élections présidentielles. Vous imaginez le Conseil constitutionnel invalidant l’élection de M. Sarkozy en invoquant des « incertitudes » ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est possible !

M. Pierre-Yves Collombat. Cela n’a rigoureusement aucun sens !

Ensuite, la notion même d’avantages en nature et de dons serait trop large. Les membres du Gouvernement, le Président de la République ne pourraient plus avoir de logement ni de voiture de fonction, considérés comme des avantages en nature. Cet argument ne tient pas, dans la mesure où un logement, une voiture de fonction sont liés à des obligations de service, sont partie intégrante de ce service.

Vous avez aussi évoqué les cadeaux diplomatiques. De deux choses l’une : soit il s’agit d’un cadeau offert par un chef d’État étranger au chef de l’État français, auquel cas, c’est une affaire d’État et le cadeau en question va rejoindre, le cas échéant, un musée prévu à cet effet - on en connaît un exemple, les touristes adorent -, soit il s’agit d’un cadeau offert dans le cadre d’une relation interpersonnelle, ce qui est parfaitement toléré !

Quant aux SCI, vous avez vraiment failli me faire pleurer ! Chers collègues, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre… On sait à quoi servent les SCI, personnes morales. Ma foi, si vous allez habiter dans la maison de votre ami président des États-Unis, qui n’est pas la propriété d’une SCI, il n’y a aucun problème particulier !

Vous invoquez par ailleurs de larges possibilités de contournement. Mais nous passons notre temps à voter de nouvelles lois, ce qui prouve bien que les anciennes ont été contournées. Voilà donc un argument d’aussi peu de poids que les précédents !

Mais le meilleur, monsieur le rapporteur, c’est quand vous invoquez l’argument de la protection de la vie privée ! Faut-il le rappeler ici ? la vie privée d’une personne publique n’est pas exactement la même que celle d’une personne qui ne l’est pas. En outre, vous savez comme moi que la mise en scène de la vie privée est désormais devenue un outil de gouvernement. Je ne vais pas vous réciter Nice-matin, mais il y est souvent question du fils, de la femme, du Président lui-même, de son jogging, de son vélo, de la pizza au Cap Nègre…

Vous nous dites également, monsieur le rapporteur, que ce texte est contestable. Certes, en cas de manquement au devoir de probité personnelle, la sanction est politique. Toutefois, actuellement, les élus autres que ceux qui sont visés par la proposition de loi constitutionnelle qui manqueraient au devoir de probité sont soumis au code pénal, lequel prévoit une liste de ces manquements.

De ce fait, le système français actuel, que ce soit constitutionnellement ou dans la pratique, est de nature consulaire. Il n’y a pas de contre-pouvoir : le pouvoir fait exactement ce qu’il veut, sans contrôle.

Si seule la sanction électorale est recevable, quid des membres du Gouvernement, qui, conformément à la Constitution, d’ailleurs, ne sont pas des élus ? Quid des dispositions et des organismes comme le Conseil constitutionnel, qui existent, mais que les électeurs ne peuvent pas mettre en cause ?

Ce texte serait au surplus prématuré, une commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique ayant été mise en place. Mais, précisément, chers collègues, la mise en place de cette commission ne prouve-t-elle pas qu’il y a un petit problème ?

Pour conclure, je dirai que le dispositif ici proposé n’est pas plus inefficace que l’absence actuelle de dispositif. Il n’a rien d’inutile non plus, comme le montre bien la mise en place de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Je pense d’ailleurs que cette commission ne réglera pas les questions qui se posent aujourd'hui, car nous faisons face non pas à des conflits d’intérêts, mais à des problèmes de moralité publique.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cette commission se limite au droit !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne prolongerai pas inutilement notre débat, Pierre-Yves Collombat ayant repris un certain nombre des arguments qu’Éliane Assassi et moi avons développés lors de nos interventions, mais je tiens tout de même à avouer ma très grande surprise d’entendre dire ici que, si elle était adoptée, cette proposition de loi constitutionnelle donnerait lieu à des contournements, comme j’ai pu le lire d’ailleurs aussi dans le rapport de la commission.

Cette conception de la transparence et des obligations faites aux élus de la République et aux personnes exerçant les plus hautes responsabilités est franchement inacceptable.

Si la transparence, la probité, le respect de la morale publique, font partie de notre consensus républicain et de nos valeurs communes, il est normal de poser des principes et de faire en sorte que les personnes publiques exerçant les plus hautes responsabilités s’y conforment, en prévoyant des garde-fous pour les cas où certaines failliraient, car la faiblesse est humaine. Mais considérer d’emblée que les femmes et les hommes publics exerçant les plus hautes responsabilités n’auront qu’une idée, à savoir contourner ces règles, c’est bien triste. On ne devrait pas entendre de tels propos dans cet hémicycle.

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous êtes défavorables à cette proposition de loi constitutionnelle, mais si les conflits d’intérêts font aujourd'hui l’actualité, vous y êtes sans doute pour quelque chose !

En tout cas, nous serons là pour dire ce que nous avons à dire lorsque la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique rendra ses conclusions et pour solliciter qu’elles se traduisent, si elles sont pertinentes, par un texte législatif.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 93 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 153
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Article unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique
 

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 novembre 2010 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À quatorze heures trente et le soir :

2. Débat sur l’accession à la propriété.

3. Question orale avec débat n° 33 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur la nécessaire réforme des dispositifs « amiante ».

M. Jean-Pierre Godefroy attire l’attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la nécessaire réforme des dispositifs « amiante ».

Aujourd’hui, plus personne n’ignore l’ampleur de ce drame sanitaire, qui se traduira par 100 000 décès dans les 20 à 25 ans à venir.

Depuis plusieurs années, les rapports et les propositions de réforme se succèdent sans qu’aucune suite n’y soit jamais donnée. Les rapports du Sénat – 2005 - et de l’Assemblée nationale - 2006 - ont ouvert la voie à une évolution des dispositifs de prise en charge des maladies liées à l’amiante, non sans considérer d’ailleurs leur coût financier. L’inspection générale des affaires sociales, IGAS, la Cour des comptes, le groupe de travail chargé de recenser toutes les victimes de l’amiante et de proposer au Gouvernement une réforme du dispositif de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, CAATA, mais aussi le Médiateur de la République ont également souligné les carences des dispositifs de préretraite - Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, FCAATA - et d’indemnisation des victimes - Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, FIVA.

Pourtant, chaque année, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, PLFSS, le Gouvernement restreint le traitement de cette question à son aspect purement financier et les règles en matière d’irrecevabilité financière empêchent les parlementaires de proposer par amendements les évolutions positives attendues par les milliers de salariés confrontés au problème de l’amiante.

Aujourd’hui, il est urgent d’agir afin de rendre plus justes les conditions d’attribution des « allocations amiante » mais aussi de rendre plus pérennes les modalités de financement des « fonds amiante ». C’est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions en la matière.

4. Débat sur les conclusions de la mission commune d’information sur le traitement des déchets.

5. Débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous souhaite un complet rétablissement. Quant à vous, mes chers collègues, je vous souhaite un bon week-end.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART