M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une fiction !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je refuse, monsieur le rapporteur général, de laisser penser qu’il s’agit d’un mécanisme accessoire que l’on actionnerait telle une soupape et que l’on mettrait en œuvre en fraude des droits du Parlement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Parlement s’est laissé faire !

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Parlement, je le répète, est appelé à examiner ces émissions.

Par ailleurs, notre objectif principal, à François Baroin et à moi-même, est évidemment de réduire la dette, très clairement dès l’année 2011, avant d’en rééquilibrer les composantes. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve.) Notre second objectif – vos réflexions et vos observations à cet égard sont tout à fait pertinentes et je les ai entendues – est de réfléchir à la composition de notre dette.

Il nous faut à la fois faire preuve d’efficacité financière et budgétaire, ce à quoi est extrêmement et légitimement attachée la direction du Trésor, et préserver notre souveraineté et une certaine forme d’indépendance financière, ce qui nous conduit à faire détenir une partie de notre dette par des intérêts et des résidents nationaux.

Cet arbitrage est évidemment nécessaire, car la dette détenue par des résidents nationaux est bien souvent assortie d’un certain nombre d’engagements et d’incitations qui viennent en renchérir le coût.

Il faut donc véritablement arbitrer entre souveraineté et indépendance nationale, d’un côté,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est un arbitrage politique, pas seulement technique !

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est en effet un arbitrage de nature politique, vous avez raison, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Trésor doit l’admettre !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut donc procéder à la recherche d’un point d’équilibre entre souveraineté et indépendance nationale, d’un côté, et considérations techniques, de l’autre. Cet arbitrage est, en dernier ressort, de nature politique. Il doit permettre l’optimisation des facteurs d’endettement de notre pays, endettement que, par hypothèse et à titre prioritaire, nous souhaitons réduire. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2010
Articles additionnels avant l’article 1 er

M. le président. Je suis saisi, par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°8.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (n° 511, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le ministre grec des finances, M. Georges Papaconstantinou, a annoncé hier un vaste programme de privatisations sur trois ans dans les secteurs des transports, de la poste et de l’énergie, lequel devrait rapporter environ un milliard d’euros par an.

S’il fallait chercher ne serait-ce qu’une bonne raison de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée sur le troisième projet de loi de finances rectificative de l’année 2010, cette annonce, dont nous avons pris connaissance par une dépêche de l’Agence France-Presse, en serait une. Cette dépêche, par son caractère laconique, montre finalement bien à quoi correspond le plan de soutien à la Grèce qui a motivé l’adoption, il y a environ un mois, du précédent collectif budgétaire.

L’urgence était alors invoquée pour faire adopter la participation de la France au plan de soutien aux créanciers de la Grèce, mais, en réalité, il s’agissait non pas de protéger l’euro, mais bel et bien de préparer le terrain pour une modification des choix politiques attendus des Grecs eux-mêmes, si l’on en juge au vote de l’automne dernier.

En lieu et place d’une hausse des pensions et des traitements des fonctionnaires, c’est désormais la suppression des primes, le recul de l’âge de départ à la retraite et le gel de la progression indiciaire.

En lieu et place du renforcement du secteur public, indispensable à l’aménagement du territoire et à la cohésion sociale, ce sera, demain, la vente au secteur privé de quelques-unes des entreprises publiques, par cessions d’actifs successives pendant toute la durée du « plan de redressement » dicté par la Commission européenne.

Tout cela montre que l’on ne peut en aucun cas dissocier les choix de politique budgétaire opérés dans les pays de la zone euro de la manière dont on entend répondre, notamment par le dispositif de garantie, à la menace plus ou moins latente de crise obligataire qui plane sur les économies européennes.

Il n’est pas inutile de revenir sur les faits générateurs de cette crise obligataire.

Tous les États de la zone euro conduisent, depuis de nombreuses années, des politiques de concurrence fiscale et sociale allégeant de manière généralisée la fiscalité pesant sur les revenus et les patrimoines les plus importants, ainsi que sur les entreprises et les opérations financières.

Souvenons-nous de l’époque où l’on nous expliquait qu’il fallait supprimer l’impôt de bourse pour permettre à la place de Paris de devenir le cœur des activités financières en Europe et de créer, grâce au développement des activités de marché, des milliers d’emplois !

Madame la ministre, vous nous l’avez encore dit à la fin de l’année 2007, alors même que s’amoncelaient déjà les nuages de la crise systémique de 2008.

Souvenons-nous du jour où l’on a supprimé l’avoir fiscal pour le remplacer par un crédit d’impôt encore plus rentable.

Et que dire de la réforme des plus-values des entreprises, qui confine à la quasi-suppression de toute imposition sur ces opérations ?

Plus récemment encore, faut-il poser la question du crédit d’impôt recherche, dont le coût grandissant pour les finances publiques est inversement proportionnel au développement de l’activité des laboratoires universitaires ?

Oserai-je évoquer aussi la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a conduit à enregistrer, ces derniers mois, un nombre d’heures travaillées inférieur à celui qui était constaté avant la mise en place du dispositif ?

Enfin, que dire de la suppression de la taxe professionnelle, laquelle ne semble pas avoir ralenti la réduction des effectifs salariés dans le secteur privé, cette réduction s’étant poursuivie au cours du premier trimestre 2010, comme durant toute la seconde partie de l’année 2008 et la totalité de l’année 2009 ?

Toutes ces politiques sont aujourd’hui battues en brèche par les faits. Seuls trois des pays de la zone euro présentent aujourd’hui les conditions du respect des critères de convergence. En clair, la parité de l’euro est trompeuse eu égard à la réalité de la situation économique des participants.

À des degrés divers, les treize autres pays de l’Euroland sont hors des clous.

Ils sont hors des clous parce qu’il leur a fallu intervenir pour sauver chacun leurs établissements de crédit, confrontés à la crise financière systémique de 2008.

Ils sont hors des clous parce que le rationnement des dépenses publiques recommandé par la Commission européenne fait que la zone euro n’a pas pris le train de la relance économique et qu’elle a subi, bien plus que toute autre partie de la planète, les effets de la récession en 2009.

Sur ce point, l’ensemble des pays de l’Euroland ont présenté une récession globale dépassant 4 %, quand les États-Unis perdaient 2,4 % et que le ralentissement de l’économie chinoise se traduisait par un taux de croissance limité à 8,7 % !

Dans ce contexte, le Gouvernement ne cesse de répéter que nous nous en sommes mieux sortis, puisque la France n’aurait connu en 2009 qu’une récession de 2,2 points, inférieure donc à celle de ses principaux partenaires et concurrents. Mais cette récession est aussi nettement supérieure à la récession moyenne de l’économie mondiale, limitée à six dixièmes de point.

Malheureusement, la zone euro ne risque pas de connaître de nouveau une croissance soutenue, d’après les premiers éléments de comparaison disponibles au niveau international.

Le risque est d’autant plus grand que les pays de l’Euroland sont tous frappés aujourd’hui par une vague de politiques d’austérité.

Nous avons dit ce qu’il en était pour la Grèce, première victime de la crise obligataire, excroissance de la crise systémique de l’été 2008, mais la situation est identique en Espagne, dont le gouvernement va réduire la rémunération des agents du secteur public, au Portugal, où le gouvernement allie suppressions d’emplois publics, gel des salaires et privatisations pour tenter de réduire dettes et déficit, et en Italie, autre pays placé près du cyclone de la crise obligataire. M. Berlusconi a, lui aussi, annoncé une réduction drastique – de 20 % – du traitement des fonctionnaires, ainsi qu’un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite.

Enfin, outre le cas de la Grande-Bretagne, qui n’est pas membre de la zone euro et dont le gouvernement est nouveau, il y a bien entendu celui de notre pays. Nous ne pouvons que nous interroger, car, entre l’article 3 et l’article 4 du présent projet de loi de finances rectificative, ce sont près de 130 milliards d’euros qui sont soit appelés en garantie, soit apportés au capital du Fonds monétaire international. Ils sont donc susceptibles d’être mobilisés pour « sauvegarder » la zone euro et, de manière plus générale, sauver l’actuelle construction européenne.

Que l’on ne s’y trompe pas : si les 111 milliards d’euros de garantie prévus par l’article 3 sont appelés – soit plus de 5 points de PIB –, ils constitueront un nouvel élément de la dette publique française. Or ils sont en réalité destinés à éviter aux banques et aux compagnies d’assurance, détentrices de créances sur l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande, de se retrouver avec du papier devenu sans valeur pour cause de défaut de paiement. Aucune de ces banques, aucune de ces compagnies d’assurance, dont on peut d’ailleurs aisément supposer qu’elles sont en grande partie françaises, n’est mise en demeure de prendre à son compte le risque obligataire des pays défaillants. En cas de défaut de l’un ou de l’autre, la France, l’Allemagne ou d’autres pays paieront !

Pour les banquiers, c’est donc une chance au grattage, une chance au tirage et c’est gagnant à tous les coups !

L’article prévoyant une recapitalisation du FMI ne vise nullement à permettre à des pays encore sous-développés de bénéficier de prêts peu onéreux pour créer de nouvelles infrastructures et répondre aux besoins impérieux en matière de santé, d’éducation, de développement rural ou d’aménagement des espaces urbains.

La vérité commande de dire que la Commission européenne et le Fonds monétaire international se sont réparti les rôles.

Avec le fonds de garantie, la Commission a pour mission de faire face aux éventuels défauts de paiement des pays de la zone euro. Quel que soit le prix à payer, il s’agira, selon la formule consacrée, de « rassurer les marchés financiers ».

Le Fonds monétaire international, quant à lui, a pour mission de soumettre les pays européens non membres de la zone euro et confrontés à la crise obligataire à l’un de ces plans d’ajustement structurel dont il a le secret et dont on sait qu’ils ont le plus souvent conduit nombre de pays en voie de développement dans l’impasse.

Les cibles désignées du FMI sont connues : ce sont les pays nouvellement associés à la construction européenne, c’est-à-dire, singulièrement, les pays de l’Est européen, qui avaient cru que l’accrochage de leur économie à l’Union allait leur permettre de progresser.

La philosophie générale qui sous-tend les politiques du FMI n’est guère différente de celle qui est à l’origine de la vague d’austérité se répandant dans la zone euro. Elle participe des mêmes errements monétaristes, des mêmes schémas libéraux et conduira immanquablement aux mêmes résultats, c’est-à-dire l’étouffement de la croissance, la montée des inégalités sociales, la progression et la persistance du chômage et de la précarité, la mise en cause du lien favorisé par des services publics performants.

La France a connu un dixième de point de croissance au premier trimestre de l’année 2010. Cela signifie que la production nationale a progressé d’environ 500 millions d’euros sur les trois premiers mois de l’année. Et l’on nous annonce une réduction des déficits de 30 milliards d’euros, la suppression de 30 000 à 40 000 emplois publics et le gel des dotations budgétaires aux collectivités locales.

Le vote de la participation de la France au fonds de soutien européen accompagne cette orientation des politiques publiques, révélatrice des priorités du pouvoir actuel.

Prenons la question des retraites. Au motif que la Caisse nationale d’assurance vieillesse est tenue d’équilibrer les comptes de quelques régimes de non-salariés gravement déficitaires et qu’elle fait face à une réduction de ses recettes due à la hausse du chômage et à la précarité de l’emploi, il est envisagé d’allonger la durée de cotisation de tous les régimes et de reporter l’âge de départ à la retraite.

Ce calcul oublie que les cotisations d’aujourd’hui sont les retraites d’aujourd’hui et que les sommes prélevées sur la valeur ajoutée créée par les uns constituent le revenu des autres.

En outre, si une telle opération vise à résoudre ponctuellement le déficit comptable de l’assurance vieillesse, elle risque, à coup sûr, de faire renaître, puis croître celui de l’assurance chômage.

Le recul de l’âge de départ en retraite, mesure qui participe des politiques d’accompagnement du plan de soutien, revient à « boucher un trou » en en creusant un autre !

D’ailleurs, mes chers collègues, nos concitoyens ont de plus en plus de mal à comprendre que l’on soit incapable de trouver 10 milliards ou même 20 milliards d’euros pour équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse, alors même que l’on arrive à trouver 130 milliards d’euros dans le présent collectif budgétaire pour nourrir les marchés financiers !

À compresser l’emploi public, à geler les concours aux collectivités locales, à mettre en cause le droit à la retraite, on crée les conditions d’un ralentissement de l’activité économique qui ne nous permettra pas de trouver les moyens de faire face, grâce aux recettes fiscales en découlant, à l’effort de réduction des déficits comme de la dette publique.

L’austérité est déjà là, dans notre pays. Elle imprègne ce collectif budgétaire et annonce les termes des prochaines lois de finances. Qu’il soit envisagé, sous la pression de Bruxelles et de Berlin, de la rendre « constitutionnelle », en faisant de la réduction des déficits l’orientation des futurs textes budgétaires n’est que l’aboutissement d’une telle soumission des politiques publiques aux injonctions des marchés !

Pour notre part, nous sommes d’avis de rendre au peuple français, comme à l’ensemble des peuples d’Europe, le droit et le pouvoir aujourd’hui confisqués. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je voudrais rappeler à nos collègues que, aux termes de l’article 44 de notre règlement, la question préalable a pour objet « de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération. »

Or, ayant entendu les interventions des différents orateurs pendant la discussion générale, je pense que le Sénat n’a pas l’intention de s’opposer au présent projet de loi de finances rectificative. En effet, les représentants du groupe UMP, du groupe socialiste, du groupe RDSE – je fais référence à Jean-Pierre Chevènement –,…

M. Thierry Foucaud. M. Chevènement n’a pas dit qu’il voterait le projet de loi de finances rectificative !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … et du groupe de l’Union centriste ont indiqué leur volonté de voter ce texte.

Vous voyez donc, mes chers collègues, que les conditions préalables à l’adoption d’une telle motion ne sont pas remplies et qu’il faut, par conséquent, la rejeter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Avis défavorable !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Pour notre part, nous ne voterons pas la présente motion tendant à opposer la question préalable.

En effet, nous souhaitons répondre à la question qui nous est posée. Le projet de loi de finances rectificative a pour objet non pas le soutien à la politique d’austérité du Gouvernement – nous discuterons de ce point à l’occasion du prochain débat d’orientation budgétaire et de l’examen des futurs projets de loi de finances –, mais la mise en place d’un mécanisme de solidarité au sein de la zone euro, conformément aux engagements pris par la France.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer la question préalable, dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 218 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l’adoption 24
Contre 297

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2010
Article 1er

Articles additionnels avant l’article 1 er

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1°. - Le III est ainsi rédigé :

« III. - Le taux de la taxe est fixé à 0,1% à compter du 1er mars 2010 ».

2°. - Le IV est abrogé.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à rendre effective la taxation des transactions sur devises, transactions qui constituent, pour l’essentiel, la matrice de la spéculation financière sur la planète.

De notre point de vue, une telle proposition prend toute sa pertinence, notamment au regard de la situation présente, telle que nous l’avons décrite.

En effet, notre amendement prend en compte la réalité d’une spéculation monétaire que l’existence de l’euro ne semble aucunement avoir ralentie et paraît même avoir dynamisée.

En tout état de cause, les attaques dont la monnaie européenne est aujourd’hui l’objet montrent que l’instrument monétaire créé par le traité de Maastricht et confirmé par le traité de Lisbonne ne nous a aucunement permis d’échapper a la spéculation et à ses effets, bien au contraire.

C’est donc parce que cette spéculation doit être stigmatisée que nous avons déposé cet amendement.

L’autre motif est un peu plus prosaïque. Il s’agit pour nous de procéder à la perception de nouvelles recettes fiscales, indispensables à l’équilibre des comptes publics -  autant mettre à contribution ceux qui se nourrissent souvent des déficits publics !- comme au financement de nombre de politiques d’intervention.

C’est donc un amendement de rendement que nous vous proposons d’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement a déjà été soumis avec persévérance à notre Haute Assemblée et la commission émet habituellement un avis défavorable.

Dès lors, notre avis sera encore plus défavorable, à cette heure-ci et sur un tel texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec votre permission, je donnerai la position du Gouvernement sur cet amendement et j’anticiperai quelque peu sur les amendements suivants, qui visent également des principes de taxation.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, non pas par hostilité au principe de la taxation internationale, mais tout simplement parce qu’une telle taxation doit, selon nous, intervenir à l’échelon global, et non national.

D’ailleurs, c'est la raison pour laquelle la France est à l’origine de la création d’un groupe pilote sur les financements innovants qui a été constitué en 2009 et auquel participent à la fois le ministère des affaires étrangères et mon ministère.

C’est également pour cette raison que la France copréside un groupe de travail chargé d’examiner le sujet dans le cadre de l’examen de nouvelles ressources pour financer la lutte contre le changement climatique. En effet, comme vous le savez, si une telle taxation internationale était aujourd'hui instituée, ce que nous souhaitons, elle aurait pour objet de financer, d’une part, la lutte contre le changement climatique et, d’autre part, le développement. Par conséquent, le jour où ce dispositif sera mis en place, il y aura également un débat sur l’utilisation des fonds ainsi collectés.

Par ailleurs, puisque l’on a évoqué la taxation sur les établissements bancaires et financiers au sens large, je précise que l’arsenal français contient d’ores et déjà un certain nombre de mesures, qui ont été adoptées par le Parlement. Je pense notamment à la taxation sur la supervision, dont vous proposez d’augmenter le taux, monsieur le sénateur.

Or le niveau actuel de taxation correspond aux besoins de financement de la supervision du secteur bancaire et aux prévisions budgétaires. Nous ne souhaitons donc pas le majorer.

En revanche, la France est favorable à une taxation permettant d’éviter le risque systémique, encore une fois à l’échelon global, car c’est à cet échelon-là que nous devons raisonner. Comme vous le savez, des propositions européennes ont commencé à être discutées. La France entend évidemment jouer pleinement son rôle dans ce débat, avec le souci de mettre en place les mécanismes, y compris financiers, pour lutter contre le risque systémique.

Je tenais à apporter ces précisions, ce qui me permettra de répondre plus brièvement par la suite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, inséré un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au IV de l'article 6 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, les mots : « 0,40 et 0,80 pour mille » sont remplacés par les mots : « 0,80 et 1,20 pour mille ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L’un des faits générateurs de l’accroissement de la dette obligataire a été le soutien apporté par les États aux établissements de crédit en difficulté après la crise systémique de l’été 2008.

En France, comme au Royaume-Uni ou aux États-Unis, des sommes considérables – dans notre pays, il s’est agi, je le rappelle, de 360 milliards d’euros – ont été déclarées mobilisables pour faire face à la crise de confiance des opérateurs bancaires et aux effets désastreux de la restriction du crédit sur l’économie.

Cette dette obligataire nouvelle est aujourd’hui l’un des vecteurs de l’attaque des marchés financiers contre les États, par un retournement de l’histoire pour le moins surprenant.

Mais le fait est que nous avions déjà marqué à l’automne 2008 notre très grande circonspection quant à la manière dont avait été conçue l’action publique en la matière ; nous avions ainsi dénoncé un risque de crise obligataire latent.

La loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a décidé de mettre quelque peu à contribution les établissements de crédit, en prélevant une forme de cotisation mutuelle versée à la Banque de France dont nous pouvons penser qu’elle est destinée à couvrir les risques systémiques futurs dans le secteur financier.

D’ailleurs, une telle démarche, qui doit selon nous être confortée, participe d’une nécessaire prévention des risques par les acteurs des marchés eux-mêmes, en évitant autant que faire se peut le recours à l’intervention publique, une intervention publique que l’on s’empresse en général de faire payer au prix fort au contribuable ; nous l’avons rappelé voilà un instant.

À l’évidence, cet article de la loi de finances n’aurait pas trouvé de raison d’être sans la profonde interrogation, pour ne pas dire plus, de l’opinion publique devant la valse aux milliards qui a accompagné un temps l’annonce des plans de sauvetage des banques.

Le rapport public thématique de la Cour des comptes sur les concours publics aux établissements de crédit ne dit d’ailleurs pas autre chose.

Ainsi, parmi les propositions formulées dans ce rapport, figure, entre autres, la nécessité d’« augmenter la contribution des banques à la garantie des dépôts des épargnants » et celle d’« étudier les conditions de mise en œuvre d’un prélèvement exceptionnel sur les banques visant à réduire les comportements risqués ».

Je ne peux donc que vous inviter à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La contribution dont il est ici question a été créée en loi de finances pour 2010 et les taux ont été fixés à cette occasion.

Cette contribution pour frais de contrôle est affectée à la nouvelle autorité de contrôle prudentiel des banques. Son produit doit correspondre aux dépenses à engager par cette autorité.

Il est beaucoup trop tôt pour revenir sur la détermination de ce taux. Il faudra apprécier le moment venu, et au vu des demandes qui pourraient être formulées par l’Autorité de contrôle prudentiel, si le taux voté à titre prévisionnel dans la loi de finances initiale pour 2010 a été fixé au bon niveau. Nous ne disposons pas aujourd'hui des éléments d’information qui nous permettraient de modifier les taux fixés en loi de finances.

Il convient donc, à ce stade, de rejeter cet amendement.