Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès, M. Philippe Nachbar.

1. Procès-verbal

2. Candidatures à des organismes extraparlementaires

3. Communication du conseil constitutionnel

4. Retrait d'une question orale

5. Modification de l'ordre du jour

6. Modernisation de l'agriculture et de la pêche. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Articles additionnels avant l'article 3 (suite)

Amendement n° 256 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur de la commission de l’économie ; Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. – Retrait.

Amendement n° 257 de M. Gérard Le Cam. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.

Amendement n° 258 de M. Gérard Le Cam. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.

Amendement n° 259 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet, MM. Paul Raoult, Jacques Muller. – Rejet.

Article 3

MM. Gérard César, rapporteur ; Claude Biwer, Gérard Le Cam, Yannick Botrel, Claude Bérit-Débat, Didier Guillaume, Jacques Muller, le ministre.

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

Amendement n° 74 rectifié bis de M. Raymond Couderc. – MM. Raymond Couderc, Gérard César, rapporteur. – Retrait.

Amendement n° 138 de M. Bernard Cazeau. – MM. Claude Bérit-Débat, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Martial Bourquin, Jean-Pierre Raffarin, Didier Guillaume, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Daniel Dubois, Daniel Soulage, Yannick Botrel. – Rejet.

Amendement n° 505 rectifié de M. Pierre Jarlier. – MM. Jacques Blanc, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 134 de Mme Odette Herviaux. – Mme Odette Herviaux, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, François Patriat. – Adoption.

Amendement n° 602 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Daniel Dubois, Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. – Rejet.

Amendement n° 137 de M. Yves Chastan. – MM. Yves Chastan, Gérard César, rapporteur.

Amendement n° 260 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

7. Questions cribles thématiques

pouvoir et médias

Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

MM. David Assouline, le ministre.

MM. Ivan Renar, le ministre.

Mme Catherine Morin-Desailly, M. le ministre.

MM. Jean-Pierre Plancade, le ministre.

MM. Bernard Fournier, le ministre.

Mme Catherine Tasca, M. le ministre.

MM. Alain Fouché, le ministre.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

8. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

9. Modernisation de l'agriculture et de la pêche. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Article 3 (suite)

Amendements nos 137 de M. Yves Chastan et 260 de M. Gérard Le Cam (suite).

Amendement n° 136 de Mme Odette Herviaux. – M. Jean-Jacques Mirassou.

MM. Gérard César, rapporteur de la commission de l’économie ; Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; Jean-Jacques Mirassou, Alain Fauconnier, Martial Bourquin, Gérard Bailly, Mme Nathalie Goulet. – Rejet des amendements nos 137, 260 et 136.

Amendement n° 207 rectifié de M. Jacques Blanc. – M. Jacques Blanc.

Amendement n° 264 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.

Amendement n° 660 de la commission. – M. Gérard César, rapporteur.

Amendement n° 443 de M. Marcel Deneux. – M. Marcel Deneux.

Amendement n° 661 de la commission. – M. Gérard César, rapporteur.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Marcel Deneux, Jacques Blanc. – Retrait des amendements nos 443 et 207 rectifié ; rejet de l’amendement no 264 ; adoption des amendements nos 660 et 661

Amendements identiques nos 135 de M. Thierry Repentin, 331 de Mme Annie David et 576 rectifié de M. François Fortassin. – MM. Martial Bourquin, Mme Annie David, MM. Jean Milhau, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Gérard Bailly. – Rejet des trois amendements.

Amendement n° 261 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Adoption.

Amendement n° 203 rectifié de M. Jacques Blanc. – M. Jacques Blanc.

Amendement n° 577 rectifié de M. François Fortassin. – M. Jean Milhau.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jacques Blanc. – Retrait des amendements nos 203 rectifié et 577 rectifié.

Amendement n° 662 de la commission. – M. Gérard César, rapporteur.

Amendement n° 334 de M. Claude Biwer. – M.  Claude Biwer.

Amendement n° 262 de M. Gérard Le Cam. – Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendement n° 263 de M. Gérard Le Cam. – Mmes  Marie-Agnès Labarre.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Claude Biwer. – Adoption de l’amendement no 662, l’amendement no 334 devenant sans objet ; rejet des amendements nos 262 et 263.

Amendement n° 139 de M. Bernard Cazeau. – MM. Claude Bérit-Débat, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 648 du Gouvernement et sous-amendement n° 679 de M. Daniel Dubois. – MM. le ministre, Daniel Dubois, Gérard César, rapporteur ; Gérard Le Cam, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement n° 487 de M. François Marc. – MM. François Marc, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.

Amendement n° 676 du Gouvernement. – MM. le ministre, Gérard César, rapporteur. – Adoption.

Amendement n° 508 rectifié de M. Pierre Jarlier. – MM. Pierre Jarlier, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jean Boyer. – Retrait.

Mmes Odette Herviaux, Nathalie Goulet, MM. Gérard Bailly, Gérard Le Cam, Jacques Muller.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

MM. Alain Vasselle, Charles Revet, Marcel Deneux, Paul Raoult, Gérard César, rapporteur ; le ministre,

Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Article 4

MM. Claude Bérit-Débat, Didier Guillaume.

Amendement n° 663 de la commission. – MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Adoption.

Amendement n° 266 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.

Amendement n° 265 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 337 rectifié de M. Alain Houpert. – M. Alain Houpert.

Amendement n° 268 de M. Gérard Le Cam. – Mme Évelyne Didier.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait de l’amendement no 337 rectifié ; rejet de l’amendement no 268.

Amendement n° 267 de M. Gérard Le Cam. – Mme Évelyne Didier, MM.  Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendements identiques nos 214 rectifié de M. Rémy Pointereau et 509 rectifié de M. Pierre Jarlier. – MM. Rémy Pointereau, Pierre Jarlier, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 4

Amendement no 52 rectifié ter de M. Rémy Pointereau. – MM. Rémy Pointereau, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 1 rectifié de M. Gérard Cornu. – MM. Gérard Cornu, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 2 rectifié de M. Gérard Cornu. – M. Gérard Cornu. – Retrait.

Amendement n° 141 rectifié de Mme Odette Herviaux. – M. Jean-Jacques Mirassou.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jean-Jacques Mirassou, Paul Raoult, Gérard Cornu, Mme Nathalie Goulet, MM. Didier Guillaume, Martial Bourquin. – Rejet de l’amendement no  141 rectifié.

Amendement n° 3 rectifié de M. Gérard Cornu. – M. Gérard Cornu. – Retrait.

Amendement n° 142 rectifié de Mme Odette Herviaux. – M. Yves Chastan.

Amendement n° 143 rectifié de Mme Odette Herviaux. – M. Marc Daunis.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Odette Herviaux. – Rejet des amendements nos 142 rectifié et 143 rectifié.

Amendement n° 486 rectifié de M. Pierre Hérisson. – M. Pierre Jarlier. – Retrait.

M. le ministre.

Article 5

MM. Claude Bérit-Débat, Didier Guillaume.

Amendement n° 140 de Mme Odette Herviaux. – M. Claude Jeannerot.

Amendement n° 270 de M. Gérard Le Cam. – M. Michel Billout.

Amendement n° 664 de la commission. – M. Gérard César, rapporteur.

Amendement n° 144 de Mme Odette Herviaux. – Mme Renée Nicoux.

Amendement n° 533 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet des amendements nos 140 et 270 ; adoption de l’amendement no 664 ; retrait des amendements nos 144 et 533 rectifié.

Mme Odette Herviaux.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 5

Amendement n° 538 rectifié bis de M. François Fortassin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.

Amendement n° 535 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 269 rectifié de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.

Amendement n° 534 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde.

Amendement n° 151 rectifié bis de M. Didier Guillaume. – M. Didier Guillaume.

Amendement n° 152 rectifié de M. Didier Guillaume. – M. Michel Teston.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Didier Guillaume, Gérard Le Cam. – Rejet des amendements nos 269 rectifié, 534 rectifié, 151 rectifié bis et 152 rectifié.

Amendement n° 657 rectifié du Gouvernement. – MM. le ministre, Gérard César, rapporteur ; Mme Odette Herviaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 677 du Gouvernement. – MM. le ministre, Gérard César, rapporteur ; Gérard Le Cam. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 6 A. – Adoption

Article 6

MM. Didier Guillaume, Yannick Botrel, Mme Renée Nicoux, M. Gérard Le Cam.

Amendement n° 502 rectifié de M. Pierre Jarlier. – MM. Pierre Jarlier, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.

Amendement n° 457 de M. Daniel Dubois. – M. Daniel Dubois.

Amendement n° 145 de M. Didier Guillaume. – M. Michel Teston.

Amendement n° 146 de M. Didier Guillaume. – M. Yves Chastan.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Didier Guillaume. – Retrait des amendements nos 457 et 145 ; adoption de l’amendement no 146.

Amendement n° 536 rectifié de M. Yvon Collin. – Mme Françoise Laborde, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Adoption.

Amendements identiques nos 53 rectifié ter de M. Rémy Pointereau et 338 rectifié de M. Alain Houpert. – MM. Rémy Pointereau, Alain Houpert.

Amendement n° 503 rectifié de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.

Amendement n° 147 de M. Didier Guillaume. – M. Paul Raoult.

Amendement n° 148 de M. Bernard Cazeau. – M. Yannick Botrel.

Amendement n° 603 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.

MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Gérard Bailly, Paul Raoult, Didier Guillaume, Yannick Botrel, Rémy Pointereau, Mme Odette Herviaux, M. Jacques Muller. – Rectification de l’amendement no 147 ; retrait des amendements nos 53 rectifié ter, 338 rectifié et 503 rectifié ; rejet des amendements nos 147 rectifié, 148 et 603.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Philippe Nachbar.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil supérieur des prestations sociales agricoles, en application de l’article R. 721-3 du code rural et de la pêche maritime.

La commission des finances et la commission des affaires sociales ont fait connaître qu’elles proposent respectivement la candidature de MM. Jean-Jacques Jégou et Jean-Marc Juilhard pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, en application de l’article D. 144-3 du code de l’environnement.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Bruno Sido pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel m’a informé, le 21 mai 2010, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-11 QPC et 2010-12 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

4

Retrait d'une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 714 M. Jean Boyer est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

5

Modification de l'ordre du jour

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 925 de M. Alain Fouché est retirée, à la demande de son auteur, du rôle des questions orales et de l’ordre du jour de la séance du 1er juin 2010.

Cependant, sa question n° 879 pourrait être inscrite à la séance du 1er juin 2010.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

6

Articles additionnels avant l’article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Articles additionnels avant l'article 3

Modernisation de l'agriculture et de la pêche

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion en procédure accélérée du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (projet n° 200, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 3.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 3 (début)

Articles additionnels avant l'article 3 (suite)

M. le président. L'amendement n° 256, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer peut, sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs, adresser un avis d'alerte économique et sociale à l'autorité administrative dès lors que les prix d'achat aux producteurs franchissent les niveaux de prix indicatif définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession. Il adresse également un avis d'alerte en cas de non-répercussion de la baisse des prix d'achat sur les prix aux consommateurs.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, FranceAgriMer est un établissement public placé sous la tutelle de l’État, issu de la fusion des offices d’intervention agricoles.

Comme vous le savez, cet établissement est composé de « conseils de direction pléniers » représentant les anciens offices, dont les membres sont des représentants non seulement de la production, de l’industrie et du commerce, mais également des consommateurs, des salariés et de l’État. Il participe à une meilleure connaissance des marchés et contribue à un meilleur fonctionnement de ces derniers afin, notamment, d’« assurer, en conformité avec les intérêts des consommateurs, une juste rémunération du travail des professionnels », conformément au 2° de l’article L. 621-3 du code rural et de la pêche maritime.

Si les crédits d’intervention de FranceAgriMer ont connu une forte diminution au cours de ces dernières années, celui-ci contribue encore très concrètement à orienter les productions et à soutenir les producteurs en cas de crise.

En raison de sa fonction de veille économique sur les marchés, cet établissement n’ignore rien de la situation conjoncturelle du secteur agricole. Il est donc logique de mettre cette compétence à profit pour alerter les pouvoirs publics en cas de crise.

L’article L. 621-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit d’ailleurs explicitement dans son 6° qu’il appartient à l’établissement d’« alerter les pouvoirs publics en cas de crise, faire toute proposition appropriée et concourir à la mise en œuvre des solutions retenues par l’autorité administrative pour y faire face ».

Par notre amendement, nous souhaitons compléter les missions de cet organisme, en introduisant un cas spécifique d’alerte dès lors que « les prix d’achat aux producteurs franchissent les niveaux de prix indicatif définis par la conférence annuelle sur les prix organisée par chaque interprofession ». FranceAgriMer peut alors adresser un « avis d’alerte économique et sociale à l’autorité administrative », sur proposition des syndicats et organisations professionnelles agricoles représentatifs.

Nous souhaitons également qu’il adresse un avis d’alerte en cas de non-répercussion de la baisse des prix d’achat sur les prix aux consommateurs.

Cet amendement vise donc deux problèmes bien distincts : d’une part, les abus auxquels sont exposés les producteurs et, d’autre part, ceux auxquels sont confrontés les consommateurs. Il s’agit ni plus ni moins d’alerter l’autorité administrative sur les marges abusives de la distribution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’observation des mouvements des prix agricoles relève, d’une part, du Service des nouvelles des marchés, le SNM, pour les mouvements de court terme, et, d’autre part, de l’Observatoire des prix et des marges, pour les données de moyen et long terme.

Il est certain que FranceAgriMer peut être sollicité pour donner son avis sur un certain nombre de positions exprimées par les interprofessions notamment. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement avec M. le ministre lorsque nous évoquerons le rôle de l’Observatoire des prix et des marges.

En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement même si, je le reconnais, l’intention de ses auteurs est louable.

En effet, nous avons déjà des instruments complémentaires. Nous pouvons ainsi nous appuyer, comme l’a indiqué M. le rapporteur, sur l’Observatoire des prix et des marges, dont le rôle va être considérablement renforcé dans ce texte, ainsi que sur l’accord signé entre la grande distribution et les producteurs.

En outre, FranceAgriMer a défini très officiellement des indicateurs de situation de crise de produits agricoles, basés sur des statistiques différenciées produit par produit. Il peut s’agir, par exemple, pour des produits sensibles tels que la pêche et la nectarine, d’un écart de 10 % par rapport au prix moyen pratiqué au cours des trois dernières années, mais il en sera tout autrement pour les pommes ou tout autre produit.

Cet amendement est donc sans objet.

M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 256 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. J’ai cru comprendre, monsieur le ministre, que vous vouliez confier plus de missions à l’Observatoire des prix et des marges. Or, dans la mesure où l’article 40 de la Constitution a été opposé à l’un de nos amendements qui portait sur le sujet, j’ai peur que la situation ne soit de nouveau bloquée. Il serait pourtant indispensable que notre pays dispose au moins d’un organisme déclencheur d’alerte.

Cela dit, en attendant une nouvelle discussion sur la question, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 256 est retiré.

L'amendement n° 257, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de toutes les mesures permettant de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs : mise en place d'un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire, mise en œuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Lundi 17 mai, le Président de la République a exposé sa stratégie pour défendre le revenu agricole. Monsieur le ministre, il semblerait que nous ayons la même et que, en acceptant notre amendement, vous puissiez satisfaire et notre groupe et l’Élysée !

En effet, Nicolas Sarkozy déclarait : « Sur le plan international, la France prendra des initiatives fortes au moment de la présidence française du G20 pour engager une véritable régulation des marchés de matières premières agricoles. » Il ajoutait : « Sur le plan européen, avec Bruno Le Maire, nous poursuivons notre offensive pour promouvoir de nouveaux outils de régulation. Vraiment, au moment où l’on a vu s’écrouler le système financier par manque de régulation, on n’acceptera pas le refus de la mise en place d’outils de régulation des produits européens. »

Nous demandons que la France promeuve au niveau communautaire la mise en œuvre de toutes les mesures susceptibles de garantir des prix rémunérateurs aux producteurs, avec la mise en place d’un prix minimum indicatif européen pour chaque production prenant en compte les spécificités des différentes zones de production, l’activation de dispositions visant à appliquer le principe de préférence communautaire et la mise en œuvre de clauses de sauvegarde ou tout autre mécanisme concourant à cet objectif.

Face à un tel consensus, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Par cet amendement, vous voulez que la France agisse au niveau communautaire pour la promotion de prix rémunérateurs.

Toutefois, nous avons eu l’occasion d’en discuter la semaine dernière, les dispositions proposées relèvent non pas de la loi, mais d’une proposition de résolution européenne.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Là encore, les intentions des auteurs de cet amendement sont louables, mais c’est à l’échelle européenne que nous défendons cette stratégie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 257.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 258, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire la mise en œuvre de mécanismes de régulation, notamment le maintien ou la création de quotas pour certaines productions et l'activation d'outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Il y a un an déjà, les ministres de l’agriculture ont vanté, dans le cadre du G8, les mérites de constituer des stocks tampons de céréales en tant que facilité alimentaire d’urgence, en vue d’amoindrir le choc de la hausse des prix et de juguler la spéculation commerciale sur les produits de base.

Ils déclaraient, en outre, qu’ils demanderaient aux organisations internationales d’examiner la faisabilité et les formalités administratives d’un système commun de stockage des produits de base, sans préciser quels produits pourraient être concernés.

Ils affirmaient de concert : « Nous appelons les institutions internationales pertinentes à examiner la question de savoir si un système de stockage pourrait être efficace dans la gestion des urgences humanitaires ou comme moyen de limiter la volatilité des prix. »

Aujourd’hui, quelles décisions sont prises sur le sujet au niveau mondial ?

Il est temps que la France promeuve au niveau communautaire, ainsi qu’au niveau mondial, la mise en œuvre de mécanismes de régulation, notamment au travers de l’activation d’outils de stockage public de productions agricoles et alimentaires.

Enfin, comme l’a indiqué ma collègue Evelyne Didier lors de la discussion générale, il est fondamental que nous défendions, dans le cadre de la réforme de la PAC, le maintien de quotas. Il faut revoir les politiques de dérégulation des marchés, en revenant sur les OCM, les organisations communes de marché, notamment sur celle du vin.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’objet de cet amendement étant proche de celui de l’amendement précédent, la commission a émis le même avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Si nous nous rejoignons, madame la sénatrice, sur la nécessité de la régulation, nous devons veiller à opérer des distinctions dans la limitation des productions, car les situations sont très différentes d’une filière à l’autre.

Ainsi, s’agissant du lait, on a bien vu que les quotas n’étaient d’aucune efficacité pour lutter contre la crise. En revanche, je souscris à votre position concernant la filière vitivinicole. Comme vous le savez, nous nous battons pour maintenir des droits de plantation.

En effet, nous estimons que la libéralisation des droits de plantation serait une erreur majeure pour l’Union européenne.

Cela étant, ces questions exigeraient plus de précisions, et elles sont du ressort des instances européennes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 259, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France promeut au niveau communautaire l'activation d'un programme européen d'aide en direction des pays tiers afin de garantir aux populations locales l'accès à la terre, une formation aux métiers agricoles, et de leur permettre d'acquérir le matériel agricole nécessaire.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous demandons que la France valorise au niveau communautaire l’activation d’un programme européen d’aide en direction des pays tiers.

En effet, nous estimons que l’Union européenne dispose d’une responsabilité particulière en ce domaine. L’aide au développement ne peut se satisfaire de mesures à court terme et doit permettre de garantir la souveraineté alimentaire des peuples. Il est donc indispensable que les populations des pays tiers disposent des techniques, des outils et de la terre nécessaires pour vivre de leur agriculture.

Nous considérons que les ressources naturelles doivent être considérées non pas comme de simples marchandises, mais comme des biens communs de l’humanité, ce qui nécessite une forte intervention publique.

De plus, nous ne pouvons que constater les conséquences néfastes de la crise alimentaire mondiale et de la volatilité des cours, qui conduisent à la multiplication de projets d’achat ou de location de terres agricoles à grande échelle, parfois sur des centaines de milliers d’hectares. Cette spéculation foncière est génératrice de risques importants pour les peuples, au point que Jacques Diouf, directeur général de la FAO, dit redouter « l’émergence d’un pacte néocolonial pour la fourniture de matières premières, sans valeur ajoutée pour les pays producteurs ».

Nous proposons donc de faire droit au principe selon lequel un peuple doit posséder sa terre, élément vital de sa souveraineté. Il s’agit d’éviter ainsi les expropriations de petits producteurs et la spéculation, sans oublier la déforestation, directement liée à la véritable ruée observée dans ce secteur.

Selon nous, il est nécessaire que l’Union européenne, dont la place à l’internationale doit être confortée, soit motrice dans la définition d’un programme européen d’aide en direction des pays tiers, pour leur permettre notamment la maîtrise de leur terre. La France peut, à travers ce texte, apporter sa propre contribution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. J’émets, au nom de la commission, le même avis défavorable que précédemment, cet amendement ressortissant à une résolution européenne.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, bien que, là encore, les intentions de ses auteurs soient louables.

Je précise que l’Union européenne contribue à hauteur de 54 % à l’aide au développement dans le monde ; elle fait donc déjà beaucoup par rapport aux autres pays développés.

En outre, nous avons décidé de traiter, dans le cadre du G20, et ce pour la première fois depuis que ce genre d’institution existe, la question de la prédation des terres agricoles et de la stabilisation des prix des matières premières.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Sur cet amendement qui a un lien de filiation avec celui de Charles Revet que nous avons adopté la semaine dernière, puisqu’il traite des productions agricoles et de la protection des pays producteurs, je souhaite simplement apporter l’éclairage suivant.

Au moment de la crise du lait, j’avais pris contact avec notre ambassadrice auprès de la FAO à propos de l’ensemble des sujets évoqués par cet amendement. Celle-ci m’avait alors mise en garde contre les opérations saucissonnées qui résultent d’initiatives individuelles. Il lui semblait préférable de privilégier l’ensemble des procédures mises en œuvre de façon très progressive par la FAO, afin d’éviter de disperser les forces d’intervention. En effet, des accords internationaux existent et les organisations en place réalisent d’ores et déjà un travail important dans ce domaine.

C’est la raison pour laquelle il n’a pas été possible de diffuser ou d’exporter les excédents de lait que nous avons vus déversés dans nos rues, même si accepter un tel gâchis alimentaire était perturbant, surtout dans le contexte mondial que nous connaissons.

Si les dispositions prévues par l’amendement n° 259 me semblent complètement justifiées, je comprends toutefois parfaitement la position de la commission, qui rejoint celle des ambassadeurs, notamment auprès de la FAO, chargés de gérer les stocks de nourriture et les territoires.

Bien que cet amendement soit dicté par de bonnes intentions, je ne le voterai donc pas.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l’heure que les quotas laitiers « ne marchaient pas ». Or, de 1984 jusqu’à l’année dernière, ce dispositif a très bien fonctionné ! Mais, à partir du moment où les prix ont fortement augmenté, Bruxelles a retiré tous les instruments de régulation, autorisant les augmentations de volume, ce qui a entraîné un véritable effondrement des prix.

Je prétends – et c’est bien là que se situe le clivage philosophique entre nous – que la gestion coordonnée des autorisations de volume à produire et des prix garantis permet une agriculture maîtrisée garantissant aux agriculteurs un revenu décent.

Monsieur le ministre, sur la production sucrière, nous avons encore le même système, qui permet de maîtriser les volumes en fonction du marché mondial. Il existe un prix garanti sur le quota A, un autre sur le quota B et, enfin, sur le quota C, l’agriculteur est libre de prendre tous les risques possibles par rapport au cours du marché mondial.

Or vous nous dites que l’Europe ne veut pas de ce système de quotas visant à garantir un revenu à l’ensemble de nos agriculteurs. Je le comprends bien, notre position n’est pas majoritaire. Il n’empêche que la France peut tout de même exprimer son point de vue !

Si on laisse la situation dériver, l’effondrement des prix se poursuivra. Quant à la négociation avec les industriels, elle ne sera suivie d’aucun effet si on ne maîtrise pas les volumes. Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le ministre, car vous maîtrisez bien les enjeux.

Les volumes à produire peuvent varier d’une année sur l’autre en fonction des aléas climatiques. En l’absence d’une régulation bien maîtrisée, une surproduction d’un infime pourcentage par rapport au marché peut conduire à un effondrement des prix pouvant atteindre 40 % à 60 %.

Un tel effondrement n’est pas lié au volume en surplus, la production qui nous est offerte ne pouvant pas être maîtrisée. L’agriculteur, qui ne peut pas la stocker au-delà d’une année, est bien obligé de s’en débarrasser !

Tel est, monsieur le ministre, le point sur lequel nos points de vue divergent. Je le rappelle, la politique des quotas a été soutenue, depuis les années cinquante, par des gouvernements de gauche comme de droite. Bruxelles a brutalement lâché les vannes et nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation extrêmement difficile, voire insupportable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Je voudrais revenir sur l’esprit de cet amendement, qui invite la France à promouvoir un programme européen visant à développer les actions auprès des populations locales pour l’accès à la terre.

Je souhaite rappeler que la question du foncier dans les pays dits du Sud ou pays les moins avancés est un problème crucial au regard de la sous-nutrition et de la famine dans le monde.

En effet, pour les populations locales, la question foncière est liée à celle des cultures vivrières. Dans nombre de ces pays, aujourd’hui, les populations paysannes sont chassées de leur terre. Les terrains sont achetés par des pays ou des firmes à des fins de productions d’agro-carburants. Ce phénomène est particulièrement préoccupant.

Sur cette question, l’Europe peut et doit jouer un rôle, afin d’aider les gouvernements à protéger l’accès à la terre des populations les plus démunies. Vous avez eu raison de le dire, monsieur le ministre, elle joue un rôle important dans les politiques Nord-Sud. Elle a d’ailleurs été la première à le faire. Ayant été à l’origine des accords de Yaoundé, puis de Lomé, elle est aujourd’hui invitée à peser fortement dans ce domaine.

Les auteurs de l’amendement n° 259 incitent la France à prendre toutes ses responsabilités et à promouvoir, au niveau des instances européennes, une coopération spécifique, qui n’existe pas encore, entre l’Europe et les pays les moins avancés sur la question foncière. Selon moi, il s’agit d’un excellent amendement, que je voterai. Dans la mesure où nous sommes sur le point d’adopter une grande loi de modernisation de l’agriculture – c’est du moins ce que j’espère –, qui vise notamment à instaurer une politique publique de l’alimentation, pourquoi n’irions-nous pas jusqu’au bout de notre logique, en nous intéressant au problème foncier lié à l’alimentation dans les pays du Sud ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Raoult, bien que nous nous rejoignions, du moins je le pense, sur l’objectif, nous nous opposons effectivement sur deux points.

Premièrement, vous croyez à une gestion administrative de l’offre. Or celle-ci est révolue en Europe. En effet, il faut le reconnaître, un tel système ne fonctionne pas ; nous l’avons vu avec la crise du lait, les quotas n’ayant pas permis d’enrayer l’effondrement des prix. Si nous avons réussi à les faire remonter, c’est uniquement grâce à notre capacité d’intervention sur les marchés, et non pas grâce à une gestion administrative de l’offre.

Pour notre part, nous croyons à une gestion de l’offre en fonction de la demande des produits, comme dans n’importe quel marché ouvert, assortie d’une capacité d’intervention, de régulation des marchés, lorsque ceux-ci fonctionnent mal.

Deuxièmement, je ne défendrai pas, au sein de l’Union européenne, une position condamnée à l’avance. Je rappelle qu’en 1999, lorsque Jean Glavany a défendu les quotas administratifs de lait, il s’est fait battre sèchement par les autres pays européens.

M. Paul Raoult. Ce n’était pas le même contexte !

M. Bruno Le Maire, ministre. Si je revenais défendre, dix ans plus tard, une telle option au sein de l’Union européenne, non seulement la France ne l’emporterait pas, mais les idées que nous défendons concernant la régulation seraient totalement marginalisées et ne feraient pas florès comme c’est le cas aujourd’hui.

Dans le cadre démocratique qui est le nôtre, il est normal, monsieur le sénateur, que nous ne fassions pas les mêmes choix politiques ! Simplement, les nôtres me paraissent plus tournés vers l’avenir que les vôtres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 3
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 3 (interruption de la discussion)

Article 3

I. – Le chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural est ainsi modifié :

1° L’intitulé de la section 1 est ainsi rédigé : « Les accords interprofessionnels à long terme ».

2° Les sections 2, 3 et 4 deviennent respectivement les sous-sections 1, 2 et 3 de la section 1 ;

3° L’intitulé de la sous-section 1 est ainsi rédigé : « Contenu des accords interprofessionnels à long terme » ;

4° Aux articles L. 631-1, L. 631-2, L. 631-3, L. 631-22 et L. 631-23, les mots : « le présent chapitre » ou « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « la présente section » ou « de la présente section ».

5° Au début du second alinéa de l’article L. 631-1, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle » ;

6°À l’article L. 631-23, les mots : « sections 2 à 4 du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « sous-sections 1 à 3 de la présente section » ;

7° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

«  Les contrats de vente de produits agricoles

« Art. L. 631-24. – I. – La conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs, ou entre opérateurs économiques visés au premier alinéa de l’article L. 551-1, propriétaires de la marchandise, et acheteurs, peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles destinés à la revente en l’état ou à la transformation.

« Ces contrats écrits comportent des clauses relatives aux volumes et aux caractéristiques des produits à livrer, aux modalités de collecte ou de livraison des produits, aux critères et modalités de détermination du prix, aux modalités de paiement et aux modalités de révision et de résiliation du contrat ou à un préavis de rupture. Sauf stipulations contraires, ces contrats sont renouvelables par tacite reconduction pour une période équivalente à celle pour laquelle ils ont été conclus.

« Ils peuvent être rendus obligatoires :

« a) Par extension ou homologation d'un accord interprofessionnel, dans les conditions définies au chapitre II du présent titre ;

« b) Ou, si aucun accord interprofessionnel ayant la même portée n'a été étendu ou homologué, par un décret en Conseil d'État. L'application de ce décret est suspendue en cas d'extension ou l'homologation d'un accord interprofessionnel en application du a.

« L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b fixe, par produit ou catégorie de produits et par catégorie d’acheteurs, la durée minimale du contrat qui est de un à cinq ans, ainsi que les modes de commercialisation pour lesquels une durée inférieure est admise.

« Si ces contrats prévoient la fourniture à l’acheteur des avantages mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-2-1 du code de commerce, ils comportent pour les produits visés au même article des clauses relatives aux modalités de détermination du prix en fonction des volumes et des qualités des produits et des services concernés et à la fixation d’un prix. Ils indiquent les avantages tarifaires consentis par le fournisseur au distributeur au regard des engagements de ce dernier.

« II. – La conclusion de contrats soumis aux dispositions du I doit être précédée d’une proposition écrite de l’acheteur conforme aux dispositions de l’accord interprofessionnel mentionné au a du I ou du décret mentionné au b du I.

« Les sociétés mentionnées à l'article L. 521-1 du présent code sont réputées avoir satisfait aux obligations visées à l'alinéa précédent dès lors qu'elles ont remis à leurs associés coopérateurs un exemplaire des statuts et du règlement intérieur, intégrant les dispositions du I non contraires aux dispositions des statuts types homologués par le ministère chargé de l'agriculture.

« En cas de litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat de vente entrant dans le champ des dispositions du présent article, le producteur ou l’acheteur peut saisir une commission de médiation dont la composition et les compétences sont fixées par décret.

« III - Les dispositions du présent article sont applicables aux ventes de produits agricoles livrés sur le territoire français, quelle que soit la loi applicable au contrat.

« Elles ne sont pas applicables aux ventes directes au consommateur ni aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées.

« Ces dispositions sont d’ordre public.

« Art L. 631-25. – Le fait pour un acheteur de ne pas remettre, lorsqu'elle a été rendue obligatoire dans les conditions mentionnées à l'article L. 631-24, une proposition de contrat écrit ou de ne pas inclure dans cette proposition une ou plusieurs des clauses obligatoires ou de rédiger ces clauses en méconnaissance des dispositions de l'article L. 631-24 est sanctionné d'une amende administrative, dont le montant ne peut être supérieur à 75 000 € par producteur et par an. Ce montant peut être porté au double en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans.

« Cette amende est proportionnée à la gravité des faits constatés, notamment au nombre et au volume des ventes réalisées en infraction. L'autorité administrative compétente peut, en outre, ordonner la publication de la décision ou d'un extrait de celle-ci.

« Art. L. 631-26. – Les manquements aux dispositions de l’article L. 631-25 sont constatés par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et par les agents des services de l’État chargés de l’agriculture. Ces manquements sont constatés par procès-verbal dans les conditions fixées par les articles L. 450-2 et L. 450-3 du code de commerce et les dispositions prises pour leur application. Le double du procès-verbal accompagné de toutes les pièces utiles et mentionnant le montant de l’amende administrative encourue est notifié à la personne physique ou morale concernée.

« Le procès-verbal indique la possibilité pour la personne visée de présenter, dans un délai d’un mois, ses observations écrites ou orales. À l’issue de ce délai, le procès-verbal, accompagné, le cas échéant, des observations de l’intéressé est transmis à l’autorité administrative compétente qui peut, par décision motivée et après une procédure contradictoire, prononcer la sanction prévue à l’article L. 631-25.

« L’intéressé est informé de la possibilité de former un recours gracieux ou contentieux contre cette décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sanction.

« Les amendes mentionnées au présent article sont versées au Trésor et sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Nous abordons un article très important, qui a été réécrit par la commission en fonction de deux orientations.

Tout d’abord, nous avons affirmé la primauté de l’accord interprofessionnel sur l’intervention de la puissance publique : l’État ne sera appelé à intervenir pour obliger à conclure des contrats écrits dans les filières que si les interprofessions concernées n’ont pas réussi à se mettre d’accord. Dernièrement, monsieur le ministre, vous avez été contraint de fixer, pour une durée de trois mois, le prix du lait.

Ensuite, nous avons prévu une application large du contrat, celui-ci devant concerner initialement « producteurs et acheteurs ». Nous avons précisé qu’il pourrait s’agir de tout producteur ou organisation de producteurs avec son acheteur. Nous avons également soumis les coopératives au régime contractuel, en adaptant les modalités prévues : les statuts ou le règlement intérieur vaudront contrat s’ils comprennent les clauses types obligatoires.

L’article 3 fixe donc les règles du jeu. Ainsi, le contrat devra comprendre certaines clauses : volumes et caractéristiques des produits, modalités de collecte et de livraison, critères et modalités de détermination du prix, modalités de paiement, de révision et de résiliation. Il devra également être conclu pour une certaine durée, comprise entre un et cinq ans.

L’article 3 définit un socle minimal ; il appartiendra ensuite aux interprofessions, à défaut au décret, de préciser les secteurs concernés et le périmètre exact des contrats.

L’alinéa 32 de l’article 7 répond à l’article 3, puisqu’il organise la faculté pour les interprofessions de conclure des accords interprofessionnels comprenant des contrats types qui peuvent être plus précis. Par exemple, ces contrats peuvent fixer un prix plancher.

Ensuite, à partir de ce socle, chaque acheteur proposera à chacun de ses fournisseurs un contrat écrit qui devra être conforme au cadre type.

Le contrat instaure une logique de gagnant-gagnant : d’une part, l’acheteur y trouve son intérêt en sécurisant son approvisionnement ; d’autre part, le vendeur y sécurise ses débouchés. Il faut éviter, par exemple, que le producteur de lait ne se retrouve avec du lait non collecté.

Par ailleurs, le dispositif retenu reste souple. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.

D’une part, le texte dispose que le contrat « peut être rendu obligatoire ». La majorité des filières sera concernée, mais pour certaines, par exemple la filière céréalière, qui passent par des collecteurs agréés, l’instrument du contrat ne sera peut-être pas nécessaire.

D’autre part, l’acheteur a l’obligation de proposer un contrat, mais le vendeur n’est pas soumis à la même obligation : il pourra conserver une partie de sa production non contractualisée.

Souplesse et équilibre : tels sont les objectifs que s’est fixés la commission en proposant cette nouvelle rédaction pour ce texte.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, sur l'article.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi du 5 janvier 2006 d’orientation agricole comportait déjà des dispositions ayant pour objet de « consolider le revenu agricole et favoriser l’activité ».

Quatre années plus tard, il faut bien se rendre à l’évidence : les mesures adoptées à l’époque n’ont pas permis de faire évoluer favorablement la rémunération des agriculteurs.

Certes, il y eut une embellie en 2007, mais elle fut de courte durée : en 2008 et en 2009, le revenu moyen des agriculteurs a baissé respectivement de 20 %, puis de 34 %. Quelle autre profession pourrait supporter une telle amputation de son pouvoir d’achat ?

Et cette dégringolade concerne de très nombreuses productions : les producteurs de lait, les producteurs de céréales, les exploitations maraîchères et horticoles, les élevages bovins et ovins, qui voient leur résultat d’exploitation devenir négatif. C’est véritablement toute l’agriculture qui est aujourd’hui concernée.

Le titre II comporte un certain nombre de dispositions tout à fait pertinentes : la conclusion de contrats écrits avec les acheteurs et le fait de permettre aux agriculteurs de pouvoir mieux défendre leurs intérêts dans la chaîne de répartition de la valeur ajoutée. À cet effet, le projet de loi tend à renforcer le rôle de l’Observatoire des prix et des marges et à élargir son champ de compétence à l’ensemble des produits de l’agriculture. Il vise également à consolider le rôle des interprofessions agricoles et celui des organisations de producteurs.

Il est certain que la profonde crise du lait, des productions de viande et de céréales doit nous faire réfléchir à une nouvelle modernisation des exploitations agricoles et de l’agriculture dans son ensemble, mais aussi à une nouvelle régulation de l’agriculture au niveau européen. Vous venez d’ailleurs d’évoquer ce sujet, monsieur le ministre.

La modernisation de l’agriculture française passe par une harmonisation européenne du coût du travail, pas seulement pour les travailleurs saisonniers.

Elle passe également par une simplification des contraintes administratives : je pense bien évidemment aux contrôles tatillons opérés dans nos régions pour le versement des subventions européennes.

Elle passe par la simplification des contraintes sanitaires et environnementales, y compris, peut-être, par la révision de certaines dispositions du Grenelle de l’environnement.

Cette modernisation passe également par la mise en œuvre d’une véritable contractualisation régulée par les interprofessions afin de mieux protéger les producteurs.

Dans cette optique, le rôle joué par les coopératives est primordial. Elles ont clairement manifesté leur volonté de s’engager dans des politiques d’accompagnement et de contractualisation, dans la production, dans la transformation, mais aussi dans la qualité des produits. Elles encouragent les agriculteurs à investir et à s’investir afin de faciliter la commercialisation de leurs produits en étant plus proches des consommateurs. Il serait intéressant de suivre ce nouvel engagement que prépare actuellement la coopération agricole.

Monsieur le ministre, les mesures que vous préconisez vont dans le bon sens, mais suffiront-elles pour autant à régler durablement les problèmes ? Certes, un contrat écrit vaut mieux que pas de contrat du tout, mais tout le problème est de savoir ce que l’on y met. Si les producteurs de lait signent des contrats de longue durée pour un prix toujours aussi ridiculement bas, de l’ordre de 24 centimes d’euro le litre, cela ne réglera manifestement pas leurs difficultés.

Par ailleurs, les sanctions prévues par l’article 3 en cas d’absence de proposition de contrat écrit entre producteurs et acheteurs me semblent disproportionnées, puisqu’elles peuvent atteindre 75 000 euros par producteur et par an. Ce sont les raisons pour lesquelles je proposerai, par voie d’amendement, que le régime des sanctions applicables soit fixé non par l’autorité administrative, mais par les interprofessions, afin que les intéressés ne se sentent pas les victimes d’un simple barème applicable aveuglément.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Claude Biwer. Au-delà de nos préoccupations franco-françaises, il faut également obtenir la mise en place d’une meilleure régulation européenne des marchés qui soit durable dans le temps et qui passe aussi par de meilleurs outils de gestion : intervention, mécanismes assurantiels, organisation des filières.

Il faut, enfin, une vraie politique de prix. Cela a souvent été dit, mais il faut le répéter : les agriculteurs veulent pouvoir vivre du prix de leur travail et non, exclusivement ou presque, de subventions.

Monsieur le ministre, telles sont les quelques réflexions et interrogations que je vous livre à l’occasion de l’examen du titre II ce projet de loi : il va dans le bon sens, mais il a besoin d’être perfectionné afin de répondre non seulement à la profonde inquiétude des agriculteurs, mais aussi à l’attente des élus que nous sommes, qui souhaitent être rassurés afin, peut-être, de pouvoir voter ce texte.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole connaît une profonde crise. Les producteurs, les éleveurs, les pêcheurs ne vivent plus aujourd’hui des revenus de leur travail. Cette situation n’est pas nouvelle, mais son ampleur est sans précédent.

Face au désespoir profond de ces femmes et de ces hommes, le Président de la République n’a cessé, ces derniers mois, de dénoncer la déréglementation mondiale et européenne, de déplorer les baisses de revenus, mais, concrètement, qu’y a-t-il eu de fait ?

Lors de la présidence française, aucune action n’a été lancée pour renforcer la régulation du secteur agricole ou pour tendre vers l’établissement d’un revenu minimum européen.

Pourtant, M. Barnier avait une feuille de route prometteuse : « Promouvoir une politique alimentaire, agricole et territoriale porteuse de plus de prévention, de régulation et d’équité. »

Nous étions en droit d’attendre que le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche contienne des mesures fortes allant dans ce sens, au moins au niveau national.

Or l’article 3, relatif à la contractualisation, mesure annoncée par le Président de la République comme mesure phare du projet de loi, ne répondra absolument pas aux attentes du monde agricole. Des voix venant de tous bords semblent en douter.

Nous nous situons exactement dans la logique qu’avait fait prévaloir la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Renforcer les formalités contractuelles ne suffit pas à changer les rapports de force déséquilibrés entre les producteurs et les distributeurs. C’est l’histoire du loup et de l’agneau qui se perpétue.

Le bilan de la réglementation issue de la loi de modernisation de l’économie a été très négatif. S’agissant de la diminution des marges arrière, les rapporteurs constatent « des méthodes de contournement que nous n’avions même pas imaginées ».

Les pressions sur les fournisseurs restent importantes, et la crainte de dénoncer ces pratiques tout aussi forte. « Nous avons rencontré certains fournisseurs à huis clos, en cachette, le soir, et ces gens nous ont demandé que leur nom ne figure pas », rapporte mon ami le député socialiste des Côtes-d’Armor, Jean Gaubert.

Notre collègue Élisabeth Lamure note que la loi de modernisation de l’économie « n’a pas permis une réelle amélioration des relations commerciales : les relations entre fournisseurs et distributeurs restent fortement déséquilibrées et de nombreux abus ont été constatés ».

Monsieur le rapporteur, vous avez sensiblement amélioré la rédaction du projet de loi, notamment en élargissant le contenu des mentions obligatoires du contrat. Cependant, en réalité, le principe d’un contrat n’est toujours pas obligatoire. En cas d’absence d’accord interprofessionnel, rien n’impose aujourd’hui et n’imposera demain aux acheteurs qui ne le souhaitent pas de passer un contrat écrit.

Quant aux volumes concernés par les contrats, le texte n’en dit pas un mot, tandis que le recours aux importations tactiques et abusives n’est en rien entravé.

Enfin, si rien n’est fait pour réguler le secteur et pour endiguer les spéculations, la contractualisation prévue par l’article 3 ne suffira pas à garantir un prix rémunérateur aux vendeurs que sont les agriculteurs et les pêcheurs.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l’article.

M. Yannick Botrel. À plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous nous avez fait part de votre conviction que la contractualisation se doit désormais d’être le moteur de la régulation de l’ensemble des productions. Vous avez indiqué qu’elle doit contribuer à régler la question stratégique de l’après-quotas laitiers. C’est, de notre point de vue, la raison pour laquelle l’examen de cet article 3 revêt une importance si particulière et que vos explications sont très attendues sur différents points.

Vous ne l’ignorez pas, les agriculteurs eux-mêmes sont pour le moins attentifs et dubitatifs, tant les interrogations sont fortes. Or ils sont rejoints, pour des raisons absolument inverses, par d’autres. Voyez à ce sujet la prise de position de la Confédération française du commerce interentreprises, la CGI, qui conteste et la notion de durée du contrat et le rôle dévolu aux organisations de producteurs. C’est dire que, de la part de certains partenaires, les réticences pourraient bien être marquées. Les contradictions ne seront pas aisées à surmonter.

Venons-en aux interrogations essentielles. La première question porte sur le contenu du contrat au sein des organisations de producteurs. Seront-ils identiques pour tous les adhérents ? On peut en effet rencontrer des situations très différentes chez les producteurs. Du point de vue de l’entreprise de collecte laitière, il pourrait être tentant de consentir une meilleure rémunération à un producteur lui apportant une quantité importante de lait plutôt qu’à un petit producteur, et ce pour des raisons d’optimisation et de coût de collecte. Ainsi, à défaut d’anticipation, le contrat pourrait introduire une distorsion préjudiciable au plus faible. C’est pourquoi des garanties doivent être prévues afin de veiller à l’égalité de traitement des producteurs : le contrat doit donc être collectif.

Le contrat sera négocié dans le cadre des interprofessions. Je vous ai indiqué, monsieur le ministre, qu’il faudrait en bonne logique que ces interprofessions se constituent par territoires pertinents de bassin de production. Le risque existe de se retrouver avec des contrats différenciés d’une organisation de producteurs à une autre, ce qui introduirait des distorsions ingérables sur un territoire. Voyez ce qui se passe en Suisse !

Il ne s’agit pas là d’une vue de l’esprit et une telle situation s’est déjà rencontrée chez nous, avec les tensions que cela implique. Tel est le cas, actuellement, des producteurs d’Entremont.

De même, quelle sera, le cas échéant, l’obligation d’un industriel à contractualiser ? Quelles solutions pour les laissés-pour-compte éventuels de la contractualisation ? Si un industriel ne veut pas de contrat avec un producteur, comment sort-on de cette impasse ? Cette situation peut se présenter en cas de présence exclusive ou hégémonique d’un industriel sur un territoire, et l’on pense évidemment encore à la production laitière.

Un autre risque est possible : si le contrat devient économiquement défavorable à l’industriel en raison des écarts de prix à la production entre pays européens, en particulier dans les régions frontalières, rien ne pourrait empêcher celui-ci d’aller s’approvisionner sur un marché voisin dans un contexte plus favorable. Quelles assurances peuvent recevoir les producteurs que de telles pratiques ne pourront avoir cours en dépit des contrats ? Dans tous les cas, le Gouvernement ne peut espérer traiter ce problème sans prendre en compte la réalité du marché européen.

De même, si l’idée est de garantir un prix juste et un revenu décent aux producteurs, les contrats doivent alors garantir un prix couvrant au moins les coûts de production et comprenant la rémunération du travail. Monsieur le ministre, il serait intéressant que vous nous disiez quelle est votre conception du contenu du contrat et des éléments pris en compte dans son élaboration.

Notre conviction est que le contrat ne peut pas, à lui seul, être la réponse au besoin manifeste de réintroduire la régulation. Il ne peut être qu’un élément s’intégrant à une vraie politique de l’agriculture et ne peut en tenir lieu.

Qu’adviendra-t-il de l’après-2015, c’est-à-dire demain, si les quotas disparaissent, ainsi que vous l’avez confirmé tout à l’heure, laissant chacun libre de développer sa production ? Le risque est là : sans régulation durable des volumes, la contractualisation sera inopérante, et cette régulation des volumes ne peut avoir lieu qu’au niveau européen, car, en dehors de ce cadre, nos marges de manœuvre sont forcément réduites.

En somme, monsieur le ministre, c’est d’une politique globale, d’une vraie politique agricole que nous avons besoin, c’est de retrouver un projet européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l’article.

M. Claude Bérit-Débat. Nous avons jusqu’à présent débattu de la mise en place d’une politique publique de l’alimentation. Cet article 3 nous amène au cœur du sujet.

Cet article vise en effet à renforcer, voire à rendre obligatoire, la contractualisation des relations entre les producteurs et les acheteurs. Ces dispositions me paraissent fondamentales en ce qu’elles conditionnent l’avenir économique de nos agriculteurs.

Il n’est nullement besoin de faire état de la situation actuelle, tant elle est bien connue. En bref, les prix payés aux producteurs baissent constamment, tandis que le prix offert au consommateur augmente sans cesse. Il importe donc d’élaborer un canevas législatif assurant une juste rémunération aux producteurs.

Le titre II dans lequel s’inscrit l’article 3 vise à renforcer la compétitivité de l’agriculture française.

Avant même d’aborder la notion de compétitivité, nous devons nous interroger sur les notions élémentaires de justice et d’équité.

En effet, il est toujours possible d’accroître la compétitivité sans que cela soit économiquement viable pour les producteurs, ni humainement supportable. Mais comment admettre qu’une production agricole rapporte moins à un agriculteur que ce qu’elle lui coûte ? Qui accepterait de travailler pour perdre de l’argent ?

Il convient donc d’élaborer un texte assurant la conciliation de deux objectifs, l’équité de la rémunération du travail d’une part, la compétitivité économique d’autre part. La situation dramatique que connaissent nombre de nos agriculteurs nous impose de penser la LMA dans cette perspective.

La contractualisation doit reposer sur ces deux pieds que sont l’équité et la compétitivité, sans quoi elle risque de marcher sur la tête ! Nous devons toujours garder à l’esprit ces deux dimensions pour construire le modèle de croissance du monde agricole.

Loin d’être simplement une demande légitime des agriculteurs, c’est une exigence sociale au moins aussi importante que les contraintes économiques qui pèsent sur cette profession.

Ainsi, comme le souligne l’exposé des motifs, « le contrat doit être régulé par l’État pour accompagner une relation loyale et équilibrée au sein des filières agricoles ».

Cette idée de loyauté est en effet centrale. S’il en est fait mention dans l’exposé des motifs, c’est bien parce qu’un problème se pose. Ce problème, ce sont les contrats léonins que doivent accepter les producteurs. Pour cette raison, il nous appartient de moraliser et de rendre « loyales » ces relations au sein des filières agricoles.

La situation actuelle est proprement inique. Chacun est conscient et, je l’espère, convaincu, qu’il est nécessaire d’y mettre un terme. Force est de constater toutefois que le texte ne va pas assez loin dans ce sens.

La démarche est bonne, mais la conviction est-elle suffisante ? Cette question est légitime : un petit quelque chose semble faire défaut.

Ce petit quelque chose, c’est simplement la mention selon laquelle un producteur ne peut vendre sa production en dessous de son prix de revient. C’est l’idée selon laquelle les producteurs ont droit à une rémunération décente.

Nous nous sommes accordés, à l’occasion du titre I, sur la nécessité de reconnaître que l’accès à l’alimentation devait se faire dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Dans le prolongement de cette idée, il nous semble indispensable, logique et juste de prévoir qu’un producteur a droit à un niveau de rémunération décent. Dire cela, ce n’est pas nier l’idée de compétitivité. Dire cela, c’est considérer que la compétitivité peut aussi avoir un visage humain.

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, plusieurs amendements visant à donner corps à cette ambition.

Cela me semble indispensable si l’on veut effectivement répondre aux attentes des agriculteurs et leur offrir autre chose que de sombres perspectives d’avenir.

C’est pourquoi je vous invite, monsieur le ministre, à admettre le bien-fondé de nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l'article.

M. Didier Guillaume. Le Gouvernement a fait de cet article la « tête de gondole » de son projet de loi. La contractualisation y apparaît comme l’alpha et l’oméga de son ambition !

La contractualisation est censée sauver les producteurs et mettre fin tant aux prix indécents imposés par les acheteurs qu’à l’irresponsabilité des transformateurs en matière de péremption des produits. La position de faiblesse des producteurs face à leurs acheteurs ne serait alors plus qu’un vague souvenir !

C’est ainsi que nous est présenté ce texte. Toutefois, la réalité apparaît tout autre. Au demeurant, on a déjà pu constater des avancées notables entre le texte présenté par le Gouvernement et celui qui est issu de la commission.

Le consensus dégagé en commission pour donner à la contractualisation un cadre interprofessionnel, via l’extension ou l’homologation d’un accord interprofessionnel, constitue une évolution positive.

Le groupe socialiste a toujours été favorable à la contractualisation. Toutefois, celle-ci pourrait être envisagée sous un angle quelque peu différent. Comme cela a été dit sur tous les bancs, il s’agirait de permettre aux producteurs de vivre dignement de leur travail.

Si cette idée fait consensus, le texte, en l’état actuel, ne permettra pas malheureusement aux agriculteurs de vivre des fruits de leur travail.

C’est pourquoi nous souhaitons qu’il soit bien affirmé que, dans le cadre contractuel, le prix de vente ne pourra être inférieur au prix de revient de l’agriculteur. Or, je crains que ce ne soit pas la volonté du Gouvernement.

Nous avons souvent évoqué les contraintes nationales et européennes. Au risque de m’attirer les foudres ou les sourires de certains de nos collègues, je souhaiterais rappeler à votre mémoire une expérience réussie de contractualisation mise en place par l’un de vos prédécesseurs, celle des contrats territoriaux d’exploitation, les CTE.

Jamais autant de contrats n’avaient été signés jusqu’alors ! Certes, il s’en signe dix fois moins aujourd’hui qu’à l’époque. En effet, les CTE, devenus trop bureaucratiques, engendraient trop de paperasse ! Ils ont cependant assuré le redéploiement de l’agriculture et la valorisation de la multifonctionnalité, en même temps qu’ils permettaient à chaque agriculteur, comme le voulaient les ministres Le Pensec et Glavany, de vivre de son travail.

Tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Que nous disent les agriculteurs ? D’après les arboriculteurs de mon département, il suffirait qu’on leur achète les abricots dix centimes de plus, et les pêches vingt centimes de plus, pour que cela soit rentable !

Monsieur le ministre, vous évoquiez récemment ces pommes d’Amérique du Sud, vendues sur le territoire national à un prix moins élevé que les pommes produites localement. Cela démontre, s’il était besoin, que la contractualisation est indispensable, mais également que ses contours doivent être plus clairement définis.

Cette contractualisation ne doit pas s’imposer aux producteurs et mettre ceux-ci devant le fait accompli sans qu’ils aient voix au chapitre. En l’absence d’une démarche partagée et volontaire, la contractualisation sera impuissante à assurer l’avenir et la survie de nos agriculteurs.

Si nous souhaitons suivre cette voie, nous sommes conscients que ce combat doit être mené au niveau européen.

La France doit peser dans les discussions. Il faudra faire preuve de volontarisme, comme le souligne fréquemment le Président de la République. Vous disiez pourtant tout à l’heure, monsieur le ministre, ne pas vouloir présenter de proposition aux instances européennes si vous deviez être battu. Nous vous encourageons au contraire à présenter des propositions au niveau européen et à vous assurer une majorité par des négociations volontaristes !

Vous soulignez souvent des divergences de points de vue entre la majorité et l’opposition, comme précédemment sur l’amendement de M. Le Cam. Mais l’avenir de l’agriculture, sa survie même, n’est affaire ni de droite ni de gauche. Au-delà de nos divergences, de notre volontarisme plus ou moins grand, il importe que la contractualisation soit ambitieuse, forte et appliquée sur tout le territoire.

C’est pourquoi le travail que vous devez accomplir au niveau européen pour réunir une majorité revêt une telle importance. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer !

M. le président. Veuillez conclure, je vous prie.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, deux points importent particulièrement au groupe socialiste : d’une part, il faut absolument que le dispositif de contractualisation empêche les ventes à perte, sinon il ne jouera pas son rôle ; d’autre part, il convient que tous les producteurs puissent en tirer profit, afin que le débat producteur-distributeur soit enfin clos.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l’article.

M. Jacques Muller. Mon propos portera sur ce titre II qui fait du renforcement de la compétitivité de l’agriculture française une priorité. C’est le cœur du projet de loi que nous analysons aujourd’hui, comme l’a rappelé M. le ministre.

Je développerai mon propos en trois temps. Avant cela, je souhaiterais vous faire part de mon étonnement à l’égard du caractère prioritaire donné à cet objectif. Cela fleure bon les lois de 1960 et 1962, dont le propos était identique : augmenter la productivité de l’agriculture française pour la rendre compétitive.

Pour ma part, je considère que c’est là une approche court-termiste. Si elle répond à certaines interrogations des agriculteurs confrontés à la crise, cette orientation me paraît décalée. En effet, en un demi-siècle, notre agriculture a profondément changé. Elle s’est intensifiée, spécialisée et insérée dans la division internationale du travail.

Les systèmes de production agricole dits de polyculture élevage ont pour ainsi dire disparu. La ferme France, au lieu d’utiliser l’azote tiré de l’exploitation même, se fournit auprès du secteur agrochimique, très consommateur de pétrole.

L’agriculture s’est également spécialisée et intensifiée. Nous utilisons désormais des semences à très haut rendement, et donc des variétés plus fragiles nécessitant plus d’intrants, notamment de pesticides. Cela engendre une dépendance plus préoccupante à l’égard du pétrole. Nos élevages ont également vu leur modèle évoluer, puisque nous importons de plus en plus de protéines.

Ainsi, la priorité doit être donnée de façon similaire à d’autres objectifs.

La souveraineté alimentaire doit devenir un objectif gouvernemental, comme je l’ai évoqué la semaine passée. Une indépendance politique durable exige la maîtrise réelle du système de production alimentaire. Or, le système agricole français est devenu très dépendant à l’égard des importations de pétrole et de protéines.

Le deuxième objectif a trait à l’environnement. La forte consommation de pétrole à l’origine de notre dépendance provoque également certains dégâts environnementaux, notamment des émissions de gaz à effet de serre.

Accroître l’autonomie des systèmes de production agricole me paraît primordial. C’était d’ailleurs l’une des orientations du Grenelle de l’environnement.

Je regrette que ces orientations aient été balayées la semaine dernière par un vote bloqué, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi…. Cette loi de modernisation de l’agriculture devait être pour nous l’occasion de prendre plus de hauteur et de tracer de nouvelles perspectives, qui puissent être reprises au niveau européen.

Le troisième objectif, qui fait sérieusement défaut ici, concerne l’enrichissement de l’activité agricole en emplois. Nous, élus locaux, observons l’apparition de nouvelles formes d’exploitation agricole, de taille modeste, créant de la valeur ajoutée par une transformation fonctionnant en circuit court. Or aujourd’hui, du fait des normes législatives et réglementaires, les personnes développant ces systèmes de production ne sont pas reconnues comme agriculteurs. Il serait pertinent d’y remédier.

J’admets que toutes ces orientations pourraient relever de l’Union européenne. Je rappellerai toutefois qu’en 1957 nous avons mis en place le dispositif de soutien au prix des céréales sans nous poser de question, en le proposant également à l’Europe.

Aujourd’hui, la France doit, de la même manière, définir ses propres orientations et les soumettre à l’Union européenne, car c’est évidemment à ce niveau-là qu’elles prendront tout leur effet.

Certes, les dispositions relatives à la contractualisation vont dans le bon sens,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Muller. … mais je ne suis pas sûr qu’elles suffisent à corriger les dégâts causés par la loi LME.

Surtout, je ne voudrais pas qu’elles servent d’alibi pour renoncer à porter d’autres propositions beaucoup plus fortes, d’ordre stratégique, au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous débattons actuellement de l’un des éléments décisifs de ce projet de loi, et je voudrais donc répondre brièvement aux remarques qui ont été faites.

Je précise d’emblée à M. Muller qu’il ne s’agit absolument pas d’augmenter le productivisme des exploitations, comme ce fut le cas voilà quelques décennies, mais d’améliorer la compétitivité de l’agriculture française, ce qui est très différent.

Pourquoi la question des contrats est-elle au cœur du projet de loi ?

Tout simplement parce que l’Union européenne, en quelques années, est passée d’une politique de l’offre administrée de la production agricole, avec comme objectif de produire toujours plus pour assurer la sécurité alimentaire des Européens, à une politique de la demande, dans laquelle c’est le consommateur qui décide.

M. Gérard César, rapporteur. Voilà !

M. Bruno Le Maire, ministre. Si nous avons consacré le titre Ier de cette loi à l’alimentation, c’est parce que nous voulons remettre le consommateur et l’alimentation au cœur du projet agricole. Le Gouvernement assume totalement le fait que l’orientation de l’agriculture soit désormais décidée en fonction de la demande alimentaire du consommateur.

Cette perspective implique d’abandonner l’idée d’une gestion administrée de l’offre agricole, et donc celle des quotas, qu’il s’agisse des quotas laitiers, monsieur Raoult, ou des quotas sucriers, qui seront abandonnés en 2015. Le jour où l’un d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs membres de l’opposition, deviendra ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche – cela arrivera bien un jour – (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), je le mettrai volontiers au défi de rétablir les quotas, sur quelque production agricole que ce soit…

Aucun élément d’encadrement et de régulation du marché n’est venu accompagner cette décision de supprimer toute gestion administrée de l’offre. C’est là que la France a joué un rôle absolument décisif, qu’elle entend d’ailleurs prolonger à travers les contrats prévus dans ce projet de loi.

Nous avons indiqué qu’il était hors de question de laisser le producteur seul face à un marché qui définirait l’équilibre naturel entre l’offre et la demande. C’est la situation que nous connaissons aujourd’hui, et dont vous êtes témoins dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsqu’un producteur de lait se trouve sans contrat, pieds et poings liés à un industriel qui fixe lui-même à la fin du mois un prix pour la tonne de lait qui lui a été livrée.

Ainsi, le producteur de lait investit 150 000, 200 000 ou 250 000 euros, ses mensualités s’élèvent à 4 000 ou 5 000 euros, mais il ne sait pas combien il va toucher à la fin du mois, parce que l’industriel décide souverainement !

Nous avons voulu mettre fin à cette situation, à ce rapport inéquitable entre producteurs et industriels. Je pense que, sur ce point-là, nous pouvons tous nous rejoindre.

Nous avons estimé nécessaire d’accompagner cette nouvelle relation par un contrat écrit. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une idée du ministre de l’agriculture. Je constate que Jean Bizet, dans l’excellent rapport qu’il avait rédigé voilà deux ans, sur la question laitière en France, estimait déjà que les contrats étaient indispensables.

Je constate également que le COPA-COGECA, qui réunit tous les syndicats agricoles européens, a décidé, dans son dernier rapport, dont je vous lirai quelques extraits au cours du débat, que les contrats étaient nécessaires pour établir un équilibre dans les rapports de force qui opposent les producteurs et les industriels. Ces contrats écrits sont donc absolument indispensables.

Je voudrais également apporter quelques précisions à la suite des observations formulées notamment par Yannick Botrel, Claude Biwer ou Didier Guillaume.

Premièrement, nous avons entouré ces contrats d’un certain nombre de garanties, notamment grâce aux débats qui ont eu lieu en commission.

La création d’une commission de médiation, qui répond à l’inquiétude manifestée tout à l’heure par Yannick Botrel, devrait justement permettre de trouver une solution lorsque les industriels et les producteurs ne pourront pas se mettre d’accord. Le fait de demander à l’interprofession de négocier elle-même les contrats, comme la commission l’a proposé, est aussi une façon de trouver les contrats les plus justes possibles entre producteurs et industriels.

Deuxièmement, monsieur Botrel, je n’ai jamais prétendu que les contrats étaient la solution miraculeuse à la situation des producteurs en France. Il ne s’agit que d’une partie d’une politique globale de régulation au niveau européen. Je porte cette idée de la régulation depuis le premier jour – je l’affirme avec force –, et la France a été la seule à la porter depuis août 2009.

En quoi consiste cette idée de régulation, qui commence à faire du chemin ? À côté des contrats, il s’agit de développer à l’échelle européenne une politique de stocks, une politique d’intervention, avec les moyens financiers nécessaires, ainsi qu’une gestion des volumes, notamment à l’aide d’un Observatoire des volumes dont nous avons demandé la création. Je reconnais que ce dernier ne fait pas encore consensus, mais je me battrai pour sa création, car il me semble indispensable.

La modification du droit de la concurrence me paraît également indispensable pour renforcer le pouvoir des producteurs. Aujourd’hui, les règles européennes de la concurrence interdisent à plus de 400 producteurs livrant 300 000 litres de lait – c’est-à-dire pas grand-chose en vérité –, de se réunir pour négocier avec un industriel. Les producteurs sont donc en situation de faiblesse face à de grands industriels comme Lactalis ou Danone. Avec le Président de la République, nous souhaitons modifier le droit européen de la concurrence, afin de parvenir à des chiffres beaucoup plus significatifs tels que des milliers de producteurs et des centaines de milliers de tonnes de lait. Les producteurs et les grands industriels laitiers en France pourront alors négocier d’égal à égal, ce qui s’avère indispensable pour rendre le rapport de force plus équitable dans l’établissement des contrats.

Le dernier point important qui a été soulevé concerne le prix de revient du producteur.

Première observation : nous avons souhaité ajouter aux missions de l’Observatoire des prix et des marges l’examen des coûts de production. C’est justement une façon d’éviter les situations de ventes à perte.

Deuxième remarque : les prix de revient sont évidemment très différents d’une région à l’autre. Ils ne seront pas les mêmes en Savoie, pour la fabrication d’une tomme AOC, dont le cahier des charges est très lourd, qu’en Bretagne ou en Haute-Normandie.

Troisième remarque : dans un canton de Bretagne ou de Haute-Normandie, pour prendre une région chère à mon cœur comme à celui de Charles Revet,…

Mme Nathalie Goulet. Et au mien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Mais oui, madame la sénatrice, au vôtre également. Mais je parlais de la Haute-Normandie…

Mme Nathalie Goulet. Elles ne font qu’un…

M. Bruno Le Maire, ministre. Ne nous engageons pas dans le débat sur l’unification ; ce n’est pas le moment aujourd'hui. (Sourires.)

Dans un canton de Bretagne ou de Haute-Normandie, disais-je, il peut donc y avoir 15 à 20 centimes d’euros d’écart au litre de lait entre deux producteurs gérant des exploitations de taille moyenne, uniquement en fonction des choix qu’ils ont faits.

Notre responsabilité est d’aider les producteurs à avoir le coût de production le plus faible possible. Il ne s’agit pas de fixer un coût de production élevé, qui va tuer notre compétitivité et ouvrir tout grand les portes du marché français à des producteurs plus compétitifs, notamment allemands, mais de faire en sorte que deux producteurs situés à deux kilomètres de distance n’affichent plus de tels écarts. C’est le but du plan de développement que nous allons mettre en place d’ici à quelques mois. C’est un choix nécessaire et raisonnable pour que les contrats fonctionnent correctement en France. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

(Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. L'amendement n° 74 rectifié bis, présenté par MM. Couderc, J.P. Fournier, Milon et Dufaut, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après la référence :

I. -

insérer les mots :

« À défaut d'accord interprofessionnel ou de décision interprofessionnelle rendue obligatoire prévoyant un contrat-type interprofessionnel,

La parole est à M. Raymond Couderc.

M. Raymond Couderc. L’objet de cet amendement est d’éviter d’accroître la complexité juridique des contrats types.

Le projet de loi prévoit en effet de rendre obligatoire les contrats écrits et de définir les clauses qui doivent y figurer. Or l’adoption des contrats types fait partie des missions des interprofessions.

L’amendement vise donc à confirmer la spécificité du régime interprofessionnel, en limitant l’application du contrat réglementaire aux cas où l’accord interprofessionnel ne prévoit pas de contrat type.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le texte même de la commission.

En effet, le b du I de la nouvelle rédaction de l’article L. 631-24 du code rural prévoit que les contrats écrits peuvent être rendus obligatoires par décret en Conseil d’État uniquement si aucun accord interprofessionnel ayant la même portée n’a été étendu ou homologué.

En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. Raymond Couderc. Je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 74 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 138, présenté par MM. Cazeau et Bérit-Débat, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Antoinette, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Au début de cet alinéa, insérer les mots :

Dans le but de garantir un niveau de rémunération décent aux agriculteurs,

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Le constat est connu de tous : le revenu agricole moyen par exploitation a baissé de façon spectaculaire depuis quelques années.

Pour être plus précis par rapport à ma précédente intervention, je mentionnerai qu’il a ainsi diminué de 34 % en 2009, après une chute moyenne de 20 % en 2008. Pis, certaines professions ont été plus touchées que d’autres. Ainsi, l’année dernière, le revenu moyen des producteurs de lait a baissé de 54 %, celui des producteurs de fruits a reculé de 53 % en 2009, après un repli de 37 % en 2008, et celui des céréaliers s’est effondré de 51 %. Quant à la viticulture d’appellation, comme celle des vins de Bergerac, à laquelle je suis très attaché, elle a pour sa part perdu 34% de ses revenus. Au total, en 2009, les agriculteurs ont vu leurs rétributions diminuer de 5,5 milliards d’euros, essentiellement au profit des grands distributeurs.

En effet, ces pertes ne sont pas le fruit du hasard : 2009 est la première année de la mise en place de la loi de modernisation de l’économie, voulue et votée par votre majorité parlementaire.

En accroissant le pouvoir de négociation des grandes enseignes de la distribution pour obtenir des prix plus bas, vous leur avez offert des armes légales pour menacer commercialement les paysans, soi-disant au profit des consommateurs.

Or, les 5,5 milliards d’euros perdus par les agriculteurs ne se retrouvent pas dans la poche de nos concitoyens. En décembre dernier, l’INSEE indiquait que les prix alimentaires avaient augmenté de 0,1 % sur un an chez les distributeurs, après une hausse de 3,4 % entre novembre 2007 et octobre 2008. De son côté, l’UFC-Que choisir révélait que des briques de lait sous différents conditionnements avaient augmenté, partout en France, de 5 %, 9 % et 11 %, pendant que le prix du lait payé à la ferme baissait de 7 %, au point de réduire de moitié le revenu des producteurs compte tenu des coûts de production.

Que proposez-vous dans cet article ? Rien, si ce n’est de rendre obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs par décret en Conseil d’État pour certains produits agricoles destinés à la revente en l’état ou à la transformation.

Il nous faut clairement affirmer ce message envers les grands distributeurs : la garantie d’un niveau de rémunération décent aux agriculteurs passera avant les profits des grandes enseignes.

Cet amendement vise à faire figurer cette précision dans l’alinéa 11 de l’article 3.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Nous sommes tous favorables, dans cet hémicycle, à la fixation de prix décents pour les producteurs, et l'article 3 répond à cette préoccupation, mon cher collègue.

Toutefois, cet article vise à définir le régime des contrats et l’amendement que vous proposez n’a pas de caractère opérationnel.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons.

L’objectif de ce projet de loi est évidemment d’assurer un prix décent, non seulement à l’aide des contrats, mais aussi de tous les autres instruments qui sont mis en place, comme l’Observatoire des prix ou la réduction des marges.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

M. Claude Bérit-Débat. Je maintiens mon amendement. Il faut rappeler que la recherche de compétitivité ne doit pas faire fi d’éléments incompressibles, et que le prix doit tenir compte de l’obligation de rémunération décente des agriculteurs.

Cela faisait partie des remarques liminaires contenues dans les interventions sur l’article d’un certain nombre de nos collègues socialistes. C'est pourquoi nous tenons à l’inscrire dans cet article 3.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. À ce moment du débat et sur un tel amendement, les réponses apportées par M. le ministre et par M. le rapporteur ne sont pas satisfaisantes.

Le premier élément sur lequel je vous demande de réfléchir, c’est la déclaration de M. le ministre qui a dit : « L’alpha et l’oméga de cette nouvelle loi, c’est la demande du consommateur », sous-entendu comme élément de régulation.

Il n’est pas possible d’entendre de tels propos. Monsieur le ministre, nous sommes en train de crier au secours et de nous battre pour garder notre industrie ! La France a encore la deuxième agriculture du monde. Si nous faisons n’importe quoi et si nous laissons la régulation se faire par le consommateur, lequel est, parfois, il faut bien le dire, trompé par des campagnes publicitaires, par les actions des grandes surfaces qui leur font acheter des produits sans goût, comme les fraises vendues un peu partout à la place de celles de nos agriculteurs, si donc nous comptons uniquement sur la demande du consommateur pour réguler le marché, nous allons au-devant de conséquences qui peuvent être catastrophiques.

Un pays doit avoir une autonomie énergétique, mais il doit avoir aussi une souveraineté alimentaire. Il ne faut pas faire n’importe quoi dans ce domaine.

La question posée par Didier Guillaume concernant le coup de pouce à donner aux agriculteurs pour qu’ils puissent survivre après avoir fait de gros efforts pour se moderniser, est d’actualité. Il faut prévoir un filet de sécurité pour éviter que de nombreuses exploitations agricoles, petites ou moyennes, ne soient en difficulté. Au lieu de cela, on nous propose un système de contrat qui est peu explicite et qui ne pose pas le principe essentiel : les agriculteurs ont droit à des prix rémunérateurs. Cela signifie qu’ils ne doivent pas vendre en dessous du prix de revient de leurs produits et qu’il faut que ce soit écrit dans la loi.

Vous déclarez que nous sommes d’accord sur les objectifs, eh bien, dites-le ! Il existe un dicton populaire qui dit : « Ça va mieux en le disant. » En l'occurrence, on peut dire que cela va mieux en l’écrivant : écrivez donc que vous voulez des prix rémunérateurs pour nos agriculteurs ! Écrivez que nous voulons garder une souveraineté alimentaire, car lorsque nous ne l’aurons plus nous regretterons ce que nous avons fait !

Laisser le marché libre est dangereux car certaines campagnes de communication sur les prix visent à orienter le consommateur vers les produits les moins onéreux : ce dernier croit avoir le choix, mais, en réalité, il ne l’a plus, conditionné par la campagne valorisant l’achat du produit le moins cher, alors que le rapport qualité-prix est fondamental.

Si nous allons dans le sens proposé par M. le ministre, le modèle d’exploitation qui s’imposera sera celui des grandes fermes avec au minimum 250 vaches : cela s’appelle « l’agriculture entreprise ».

Si c’est votre grand projet pour l’agriculture, monsieur le ministre, nous allons dans le mur et nous le regretterons car des pans entiers de notre agriculture disparaîtront ; les agriculteurs qui auront joué le jeu de la modernisation n’existeront plus. Ensuite, comme on le fait aujourd'hui pour l’industrie, on se posera des questions et l’on se demandera : qu’avons-nous fait ?

Nous avons aujourd'hui un débat très important. Mais il faut noter que les amendements que nous avons déposés pour mener la discussion au fond sont systématiquement rejetés, et ce toujours avec le même argument : nous avons les mêmes intentions que vous.

Mes chers collègues, notre agriculture vaut bien que l’on se rassemble sur des questions essentielles, car elle a aussi une vocation familiale, une vocation territoriale. Les agriculteurs qui ont fait des efforts considérables pour moderniser leur exploitation doivent être aidés. Or on ne le fait pas ; au contraire, on s’apprête à donner un nouveau coup de pouce au libéralisme…

La régulation ne doit pas rester un simple mot, elle doit s’incarner dans les faits. Elle doit être inscrite dans la loi sinon elle en restera au stade des bonnes intentions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne voudrais pas laisser sans réponse les propos de M. Bourquin qui pourraient faire croire que le Gouvernement ne tient pas à la régulation et qui brossent un modèle de production agricole qui n’est pas le nôtre.

Nous ne souhaitons pas aller vers un modèle uniforme de production agricole. Nous souhaitons garder la diversité des productions agricoles françaises sur tout le territoire. Mais je le redis –  et c’est peut-être un point de divergence avec vous, monsieur Bourquin –, ce n’est pas l’administration qui décidera, c’est en premier lieu le consommateur, encouragé par l’administration.

Prenons quelques exemples.

Si l’État favorise l’étiquetage des produits agricoles pour que le consommateur connaisse l’origine de ceux-ci, la façon dont ils ont été produits, leur composition, l’identification des différentes parties qui proviennent de lieux différents, il encourage un certain mode de production agricole. C’est ce à quoi tend le Gouvernement en favorisant l’étiquetage dans ce texte de loi.

Deuxième exemple : si nous demandons la modification des règles de passation des marchés publics, c’est pour favoriser les circuits courts, la production régionale, la production agricole à proximité des lieux de consommation des produits alimentaires. Nous défendons par là un certain type de commercialisation, d’alimentation et d’agriculture.

Par conséquent, les décisions que nous prenons dans ce projet de loi sont bien faites pour défendre un certain modèle agricole à partir des demandes du consommateur.

Troisième exemple : lorsque nous encourageons l’encadrement de la commercialisation, en supprimant les prix après vente, en prévoyant la réduction des remises, des rabais, des ristournes et en prévoyant la réduction des marges en période de crise, nous favorisons aussi un certain type de production agricole de proximité et nous favorisons la production agricole française.

Toutes ces décisions ne soumettent absolument pas l’agriculture aux lois du libéralisme le plus absolu.

M. Gérard César, rapporteur. Bien sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit au contraire de laisser à l’État le soin de fixer des orientations tenant compte des attentes du consommateur, qui veut des produits de qualité, des produits valorisés, des produits sains, qui veut pouvoir lire sur l’étiquette la composition exacte du produit parce qu’il veut consommer ce qu’il souhaite.

M. Charles Revet, rapporteur. Eh oui, tout cela est important !

M. Bruno Le Maire, ministre. Par conséquent, je récuse totalement l’idée selon laquelle ce projet de loi abandonnerait l’agriculture aux seules forces du libéralisme. Il prend acte du fait que l’agriculture européenne est passée d’une politique administrative de l’offre à une politique de la demande du consommateur. Nous l’acceptons et c’est un point de divergence entre nous, que j’assume totalement : le consommateur compte dans la production agricole.

Ce projet de loi donne à l’État les instruments pour participer à la régulation des marchés agricoles, régulation que nous défendons à l’échelon européen comme aucun autre État européen aujourd'hui. Vous ne pouvez pas dire qu’un autre État fait plus que la France pour défendre la régulation des marchés agricoles, l’autonomie agricole, la souveraineté alimentaire européenne parce que vous savez aussi bien que moi que notre pays est à la pointe de ce combat.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Raffarin. Je souhaite répondre en quelques mots à notre collègue Martial Bourquin sur les points de divergence et les points d’accord entre nous que M. le ministre vient de mentionner.

On a vu ce que la logique des prix administrés donnait en matière de rémunération. Je suis comme vous favorable à un revenu agricole décent et à l’indépendance alimentaire, nous sommes tout à fait d’accord sur ce point.

Mais quand le prix raisonnable, responsable, administré – peu importe son nom – est non compétitif à l’échelon européen, nous importons des produits étrangers.

M. Gérard César, rapporteur. Voilà !

M. Jean-Pierre Raffarin. Et quand je vois des camions de lait allemand en Poitou-Charentes, cela me fait souffrir parce que nous sommes, en effet, dans cette logique-là. Nous n’avons pas d’action fondamentale sur les prix dans cette Europe que nous avons construite au fil du temps.

Monsieur le ministre, il faut, certes, aider les agriculteurs en agissant sur les consommateurs, mais il faut aussi les aider en agissant sur les charges, ce qui est davantage du domaine national : quand l’action sur les prix est bloquée, il faut essayer de faire progresser les revenus par une action sur les charges. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Quand j’entends ce que dit M. le ministre j’y suis plutôt favorable…

M. Charles Revet, rapporteur. Alors c’est bien !

M. Didier Guillaume. Non, ce n’est pas bien parce qu’il faut que ce soit inscrit dans la loi.

Depuis la semaine dernière, M. le ministre a énoncé, toujours avec beaucoup de brio, de bonnes intentions, mais chaque fois qu’une proposition pouvant concrètement inscrire de telles intentions dans la loi était formulée, elle a été rejetée par la commission et par le Gouvernement.

Nous en tirons la conclusion que, en dehors des bonnes intentions de M. le ministre, rien de concret n’est décidé sur la régulation, sur la modération comme sur d’autres sujets que nous aborderons ultérieurement.

Le Président de la République est allé dans le Lot-et-Garonne avec vous, monsieur le ministre, vendredi dernier, pour évoquer un certain nombre de questions et nous en attendions certains résultats. La presse a titré : « Règlements de comptes en Lot-et-Garonne » car le Président de la République n’a parlé que de son prédécesseur. Plutôt que des bonnes intentions et des promesses d’amour, il faut des actes, mais il faut aussi des intentions dans l’amour et pas uniquement des actes. (Sourires.)

M. Alain Fouché. C’est préférable !

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vais prendre l’exemple de ce qui a été décidé à l’Élysée, il y a une semaine pour les fruits et légumes. Vous savez très bien que cette mesure ne peut pas s’appliquer et qu’elle n’aura aucun effet car elle est calculée sur la moyenne des trois dernières années. Imaginons – ce que nous ne souhaitons pas – qu’en 2010, les prix s’effondrent. Ils ne s’effondreront jamais autant que la moyenne des trois dernières années. Donc, cela ne fonctionnera pas.

Il faut aussi tenir compte de la distribution. Lorsque des pêches sont achetées un euro au producteur et sont vendues 2,50 euros à Paris sur les marchés, il y a un problème. Si vous ne voulez pas mettre de barrières, de régulation et de contraintes dans la loi, celle-ci ne servira à rien. Ces pêches ont bien souvent été cueillies avant maturité, elles sont conservées dans des réfrigérateurs et, lorsque les Parisiens les achètent, elles n’ont pas beaucoup de goût. Telle est la réalité. Dans ces conditions, n’êtes-vous pas d’accord pour que des contraintes soient inscrites dans la loi ?

Aucun autre gouvernement en Europe ne fait autant de régulation que nous, dites-vous. Je veux bien vous en donner acte, je ne peux pas vérifier pour l’instant. Mais, dès lors, pourquoi refusez-vous d’inscrire dans la loi que la régulation doit avoir pour but qu’aucun agriculteur, quelle que soit sa production, ne vende à perte ?

Monsieur le ministre, vous dites qu’en Haute-Normandie, en Basse-Normandie ou ailleurs, à un kilomètre ou à un canton d’écart, les prix de revient sont différents. C’est tout simplement parce que l’on a poussé les agriculteurs à investir, à s’endetter. Le tracteur n’était jamais assez gros, le matériel jamais assez important… On a dit aux agriculteurs : « Allez-y, on va vous accorder des prêts et vous aurez du beau matériel. »

Or on sait bien aujourd'hui que le matériel agricole tourne quatre à cinq fois moins qu’il y a dix ou quinze ans. C’est la réalité que rencontrent tous les jours nos amis agriculteurs sur leurs territoires et c’est l’une des conséquences de la politique qui a été menée.

Évidemment, il n’y aura jamais partout le même prix de revient, mais on sait à peu près quel est le prix de revient du lait, des fruits, de la viande…

Monsieur le ministre, nous ne voulons pas nous opposer à propos des consommateurs. Nous aussi, nous sommes capables de tenir compte de la demande.

La difficulté est double : jamais les agriculteurs n’ont vendu leurs produits à des prix aussi bas, alors que jamais les produits agricoles, sur le marché, n’ont atteint un prix aussi élevé. La réalité, c’est cela !

Ce que nous voulons est donc simple : qu’il soit fait en sorte que les agriculteurs puissent vendre leurs produits à un meilleur prix, mais aussi – c’est d’ailleurs l’objet de l’article 3 – qu’il soit expliqué aux distributeurs, au maillon intermédiaire, qu’ils ne pourront peut-être plus prendre une marge aussi élevée que jusqu’à présent.

Si nous sommes d’accord sur ce point, monsieur le ministre, pourquoi ne voulez-vous pas l’inscrire dans la loi ? Cela donnerait un signe aux agriculteurs, un signe dont vous savez tous autant que moi – vous aussi en rencontrez souvent – qu’ils en auraient besoin : s’il faut des actes d’amour, il faut aussi des paroles d’amour !

M. Alain Fauconnier. Des écrits d’amour ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. On ne sera pas surpris que mon intervention s’inscrive dans la logique qu’ont développée à l’instant Martial Bourquin et Didier Guillaume.

Monsieur le ministre, nous sommes véritablement au cœur du débat, et tous ceux qui penseraient pouvoir créer un clivage artificiel entre le titre Ier, qui concerne l’alimentation et ses divers aspects, et ce titre II, qui vise les producteurs, se tromperaient de débat. Pour notre part, nous avons la prétention de penser qu’il est possible de trouver des modalités de fixation des prix permettant véritablement de concilier l’intérêt des consommateurs et celui des producteurs.

On nous dit que la France est le pays le plus normatif en matière d’encadrement des rapports avec les consommateurs. Encore faut-il ne pas faire l’impasse sur la qualité du produit vendu et ne pas se contenter de rechercher, dans les conditions que l’on connaît, les prix les plus accessibles ! Ce serait même là une justification a posteriori de notre abstention sur le titre Ier, dont nous estimions que, du point de vue du consommateur, il n’allait pas assez loin.

Pour autant, et c’est le débat, le constat est désormais établi que, dans le secteur de l’agriculture, les intermédiaires font des bénéfices et gagnent de l’argent. Personne, du bout de la chaîne à l’autre, ne perd de l’argent.

Puisque vous manifestez votre désir de faire en sorte que les prix obtenus par les agriculteurs soient tirés vers le haut, monsieur le ministre, je réitère la demande formulée par mes deux collègues. Pourquoi ne pas inscrire dans la loi ce qui est empreint du plus grand bon sens : que dorénavant ce soit la demande qui induise l’offre, compte tenu, je le répète encore, des enjeux que vous avez vous-même rappelés ? Le corollaire, bien entendu, est la fixation de prix planchers ; il n’est en effet pas indécent d’imaginer qu’un producteur puisse vendre ses produits sans perdre d’argent, donc à un prix qui soit au moins égal au prix de revient.

Nous reformulerons cette demande avec insistance lors de la présentation d’autres amendements ; il y va en effet de la crédibilité de la loi, qui doit aller dans le sens de la survie des agriculteurs, et, disant cela, je pense notamment aux petits exploitants.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. L’alinéa 11 de l’article 3, dont nous sommes en train de débattre, ne fait pas mention des prix : y est simplement introduite et définie la notion de contrat.

Or, se contenter d’indiquer dans la loi que « la conclusion de contrats de vente écrits […] peut être rendue obligatoire », c’est en rester à des considérations très générales, à une évocation sans caractère normatif. Qui plus est, il n’est surtout pas question d’inscrire que ce mécanisme doit permettre de rémunérer correctement les agriculteurs !

L’ambiguïté de l’expression « peut être rendue obligatoire », ajoutée au refus de mentionner que le but de la conclusion de contrats est, à terme, de permettre à l’agriculteur d’avoir un revenu décent – je n’ai toujours pas parlé de prix ! –, laisse penser que l’on se contente, au mieux, de bonnes intentions consensuelles, au pire, d’un effet d’affichage.

Je ne comprends pas que l’on puisse ne pas accepter cet amendement, dont le seul objet est de fixer un cap : que les agriculteurs puissent vivre d’un revenu décent.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Cet amendement est un parfait exemple de déclaration d’intention et illustre tout l’enjeu de ce titre II : alors que celui-ci est consacré à la compétitivité, il y est question de la filière, du contrat et de l’assurance, sans qu’à aucun moment, comme l’a souligné tout à l’heure M. Raffarin, soient mentionnés les coûts de production. Comment pourrions-nous préparer notre agriculture à être compétitive sans aborder la problématique des coûts de production ? C’est une vraie question !

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous affirmez que, grâce aux circuits courts, grâce au mieux-disant que représenteront les produits de proximité dans les appels d’offres, la transparence sera plus grande et, en fin de compte, l’intervention du consommateur plus facile. Très bien ! Il n’empêche que nous n’avons aucun moyen d’agir sur la constitution de la marge dans les différentes filières, en particulier à l’échelon des centrales d’achat, puisque l’Observatoire des prix et des marges, dont cela aurait pu être la fonction, n’est guère plus aujourd’hui qu’une « boîte noire ». Et la situation ne s’améliorera pas si nous ne revoyons pas le système actuel des amendes, qui conduit les centrales à préférer s’acquitter de 2 250 euros plutôt que de fournir les informations demandées !

Si pourtant, dans les hypermarchés et les supermarchés, on affichait clairement, par exemple devant les caisses, que la centrale d’achat alimentant le magasin accepte ou non de jouer le jeu de la transparence sur ses marges, le consommateur pourrait alors davantage tenir un rôle d’arbitre dans la répartition des marges dans la filière.

Pour autant, cela ne nous exonère pas d’un vrai débat sur les coûts de production. Mes chers collègues, méfions-nous ! Si demain les contrats se révèlent trop contraignants, rien n’empêchera le cocontractant d’aller signer avec le producteur espagnol, allemand, belge…, dont les coûts de production sont bien moins élevés : en voulant régler le problème, finalement, vous l’aurez amplifié.

M. Gérard César, rapporteur. Très juste !

M. Daniel Dubois. Au contraire, il nous faut considérer les problèmes globalement.

Mes collègues du groupe de l’Union centriste et moi-même considérons que le titre II ne va pas assez loin sur ces questions de la compétitivité…

M. Daniel Dubois. … et de la position d’arbitre que peut occuper le consommateur dans le processus de la constitution des marges.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.

M. Daniel Soulage. Notre ami M. Guillaume ayant évoqué ce qui s’est passé en Lot-et-Garonne, l’honnêteté m’oblige, puisque j’étais présent, de rapporter ce que j’ai vu et entendu.

M. Gérard Bailly. Très bien !

M. Daniel Soulage. D’abord, la visite d’un président de la République, c’est en soi un événement. Quand il est de surcroît accompagné de son ministre de l’agriculture, c’est encore plus remarquable ! Cela faisait plus de vingt ans que mon département n’avait pas reçu de ministre de l’agriculture – et encore, le dernier en date, M. Rocard, avait survolé l’aérodrome, n’avait pas osé se poser, et était reparti. C’est dire s’il y a longtemps que nous n’avions pas vu de ministre de l’agriculture ! (Rires.) Aussi, monsieur le ministre, je vous félicite, vous qui avez eu le courage de vous arrêter sur cette aire.

Se tenait donc une réunion plénière portant essentiellement sur les fruits et légumes. Autour de la table – je vous décris le décor, parce que cela me paraît important – étaient bien sûr rassemblés tous les responsables professionnels, des représentants de tout le panel syndical que vous connaissez et peut-être même d’autres, y compris les plus virulents. Tout le monde était là !

M. Daniel Soulage. Oui, la FNSEA, mais aussi le MODEF, la Confédération paysanne, la Coordination rurale. Bref, tout l’éventail était présent.

Occupaient également un petit coin de table les représentants de toutes les grandes enseignes, et j’avais le plaisir d’avoir à mes côtés nos collègues le président de la commission, M. Emorine, et le rapporteur, M. César. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Que du beau monde ! (Sourires.)

M. Daniel Soulage. Si je comprends bien, mon cher collègue, vous estimez que c’était du beau monde dès lors qu’étaient au premier rang ceux qui, ici, sont au premier banc, à savoir le banc de la commission ! (Nouveaux sourires.)

Après les présentations mutuelles, le Président de la République a fait le point sur ses rencontres à l’Élysée, et la discussion s’est engagée. Je dois à l’honnêteté de souligner qu’elle a été d’un calme exemplaire et que le sentiment qui s’en dégageait était la confiance. Ce n’est sans doute pas exactement ce à quoi, en des temps aussi difficiles, je m’attendais !

Réflexion faite, je crois, monsieur le ministre, que cela s’explique par le fait que le dossier a été très bien présenté. Tout le monde ne connaissait peut-être pas les mesures qui ont été annoncées, en tout cas pas dans le détail, mais il est clair que tous font confiance pour les mettre en œuvre.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas gagné !

M. Daniel Soulage. Ce n’est pas forcément gagné, mais c’est important !

Monsieur le ministre, je tenais à souligner cette confiance, cet espoir que tous ont placé en vous, tous ceux qui étaient présents, mais aussi, à travers eux, les agriculteurs de mon département et, au-delà, de toute la France, puisque participaient également à cette réunion des responsables nationaux. Et cette confiance à votre égard n’a d’égal que les attentes envers cette loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Si le débat s’est animé depuis qu’est évoquée la question des contrats, c’est bien parce que nous touchons là un point essentiel !

Le fond du problème, c’est exact, ce sont les prix payés aux producteurs, et c’est vrai quelle que soit la production concernée. Depuis un certain temps, ces prix sont constamment tirés vers le bas, et la crise qui sévit plus particulièrement depuis un an et, bien qu’inégalement, touche toutes les productions, en est l’illustration. Les producteurs sont la variable d’ajustement de l’économie agricole et de l’agroalimentaire : ils sont le maillon de la chaîne où les entreprises viennent retrouver de la marge ; aussi, c’est là que les choses se passent.

La question de la compétitivité a été abordée. Or celle-ci peut varier très fortement non seulement d’une région à l’autre, mais même, sur un territoire restreint, d’une exploitation à l’autre. Elle est liée à l’histoire de chacune, aux investissements qu’il a fallu réaliser, aux mises aux normes auxquelles il a fallu procéder… Bref, elle est complexe à définir. Je pourrais citer bien des exemples de résultats très différents, en termes techniques, entre des exploitations éloignées d’à peine vingt kilomètres !

La compétitivité est donc liée pour une part à des situations proprement françaises, parfois même régionales. Mais elle se mesure aussi par rapport à nos voisins. En la matière, il y a peut-être lieu de s’interroger sur le rôle de l’État plus que sur celui des agriculteurs eux-mêmes ; en effet, il est des stratégies que ceux-ci ne sont pas en mesure de développer à titre personnel.

Monsieur le ministre, j’observe que, depuis le début de l’après-midi, vous vous êtes à plusieurs reprises tourné vers plusieurs de nos collègues siégeant à gauche de cet hémicycle pour les assurer du caractère fondé des idées qu’ils exposaient ou des amendements qu’ils défendaient. Pourtant, chaque fois, aussi bien le rapporteur que vous-même avez émis un avis défavorable. Alors, je m’interroge ! Vous nous approuvez, mais vous refusez de prendre nos propositions en considération : serait-ce que, par-dessus tout, c’est un chèque en blanc que vous souhaitez obtenir ?

Enfin, monsieur le ministre, vous nous parlez sans cesse de compétitivité. Mais il faudra bien, à un moment ou à un autre, aborder aussi la question du prix, puisqu’il figurera dans le contrat ! Nous, nous demandons un prix qui rémunère le travail de l’agriculteur et sa production ; quelle est votre position ? Si un prix doit être défini, qu’au moins l’on sache de quelle manière vous entendez qu’il soit fixé !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaiterais définitivement clore le débat sur ce point-là, bien que la discussion me paraisse particulièrement riche et constructive.

Premièrement, il y a à mon avis un rêve qu’il nous faut absolument tous oublier sur ces travées, parce qu’il ne me paraît pas réalisable : c’est celui qu’a évoqué tout à l’heure M. Jean-Pierre Raffarin à propos des prix couvrant les coûts de production et des prix compétitifs.

Derrière tout cela se cache la vieille idée selon laquelle, l’agriculture étant un secteur tout à fait singulier par rapport à tous les autres secteurs de production en France, nous pourrions fixer un prix administratif qui couvrirait les coûts de production, filière par filière. Cela n’est pas possible, et cela n’est pas souhaitable !

En la matière, je suis décidé à ne laisser subsister aucune espèce d’ambiguïté. Nous sommes dans un espace européen : nous avons construit tous ensemble un marché unique où les produits circulent librement et où les industriels s’alimentent là où ils peuvent trouver le plus bas prix possible.

Dans le secteur du lait, notamment, nous constatons bien que, lorsque notre prix n’est pas compétitif, les industriels vont chercher du lait ailleurs, par exemple en Allemagne. Ainsi, les importations de lait frais en provenance d’Allemagne ont augmenté de 70 % depuis janvier dernier !

Ma responsabilité de ministre n’est pas de fixer un prix couvrant les coûts de production des agriculteurs. Elle est de dire ceci aux agriculteurs : « Vous allez être suffisamment compétitifs pour que les prix couvrent vos coûts de production, et pour que vous soyez meilleurs que nos voisins allemands ! » (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Deuxièmement, nous ne laissons pas les choses totalement ouvertes – je tiens à le souligner – puisque nous prévoyons dans le texte la capacité pour les interprofessions de fixer des indicateurs de tendance de prix. L’objectif est bien que les interprofessions puissent fixer une référence, qui servira ensuite dans l’établissement des contrats, de telle sorte que les producteurs ne soient pas livrés à eux-mêmes dans les négociations avec les industriels ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Entre ce que nous offrons aux interprofessions – la capacité de définir des indicateurs de tendance de marché – et ce que nous faisons à l’échelle européenne – modifier les règles du droit de la concurrence pour que les producteurs puissent être non pas quatre cents mais deux ou trois mille à négocier avec les industriels –, nous rééquilibrons le rapport de force entre les industriels et les producteurs au bénéfice de ces derniers, pour qu’ils puissent négocier à leur avantage les prix avec les industriels.

Je crois que c’est cette voie-là – celle du renforcement du pouvoir des producteurs, plutôt que celle du prix administré – qui permettra aux producteurs de lait comme à ceux des autres filières d’obtenir un prix à la fois compétitif et rémunérateur.

Troisièmement, au-delà de la nécessité de couvrir le prix de production, la question fondamentale est celle du lissage. En effet, à ma connaissance, le prix du lait s’est effondré en 2009. Nous avons réagi et obtenu 300 millions d’euros d’aides européennes sur le marché du lait, à la demande de la France, en novembre dernier. Ce sont des actes, et pas des paroles !

Le cours du lait a remonté. À quel niveau se situe-il aujourd’hui en France ? Il est passé en quelques mois de 230 euros à 300 euros la tonne. Quelle est donc la vraie difficulté ? C’est non pas que le prix du lait soit tombé à 230 euros la tonne l’année dernière, mais qu’il varie de 230 à 400 euros la tonne en l’espace de six mois, et que les producteurs n’aient aucun instrument économique à leur disposition pour pouvoir lisser leur revenu alors que les prix sont aussi variables.

Ce que nous faisons avec cette loi, par les contrats et les dispositifs assuranciels, revient à lisser sur plusieurs années un prix qui est, quant à lui, incroyablement volatil d’une année sur l’autre, et qui le restera. Vous ne m’avez jamais entendu prétendre que nous pourrions maîtriser la volatilité des prix, filière par filière, que ce soit pour le lait, le blé ou les fruits et légumes ! La volatilité des prix est une donnée. Elle est le résultat de la mondialisation des échanges agricoles. Notre responsabilité, c’est de fournir de la stabilité grâce à de nouveaux instruments économiques.

Enfin, j’évoquerai un dernier point qui me paraît important : je veux parler de la question, déjà soulevée tout à l’heure, des coûts de production. Là encore, il n’appartient à mon avis pas au législateur de les définir, de dire qu’ils doivent être composés de tel ou tel élément, et de considérer que nous allons pouvoir les orienter. Nous n’en sommes pas capables, et cela ne me paraît d’ailleurs pas souhaitable dans une économie de marché.

Nous sommes dans une économie de marché, que nous souhaitons réguler et encadrer par des interventions de l’État ; mais nous ne souhaitons pas une économie administrée. Les coûts de production, c’est au producteur de les tirer vers le bas ; c’est à nous de faire en sorte qu’ils puissent être abaissés ; c’est à nous, comme le disait très bien Jean-Pierre Raffarin tout à l’heure, de réduire les charges sur les producteurs, pour que les coûts puissent être diminués. C’est plutôt cela qu’il faut faire, et cela ne relève pas du domaine législatif.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 505 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc et Carle, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La liste de produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire sera arrêtée avant le 1er janvier 2013.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Mes collègues MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, Carle et moi-même souhaitons que soit précisée dans la loi la date à partir de laquelle devra être arrêtée la liste des produits pour lesquels la proposition de contrat est obligatoire.

En effet, dans la mesure où l’on souhaite que les agriculteurs puissent préparer l’avenir, s’engager et exercer leurs responsabilités, il nous paraît préférable qu’une échéance soit fixée pour la publication de cette liste. Pourquoi 2013 ? Parce qu’il nous paraît cohérent de choisir l’année de mise en application de la nouvelle réforme de la PAC.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 505 rectifié prévoit une date butoir au 1er janvier 2013 pour établir la liste des produits soumis aux contrats obligatoires.

Il n’est pas souhaitable de fixer cette liste. Laissons plutôt les interprofessions s’en saisir elles-mêmes ! J’aimerais donc dire à M. Blanc que, comme M. le ministre l’a rappelé longuement tout à l’heure, il faut laisser vivre ces interprofessions ; et ce n’est pas en disant aujourd’hui qu’il faut fixer la liste avant le 1er janvier 2013 qu’on avancera sur ce problème difficile !

La commission demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable : d’une part, nous avons décidé de laisser la main aux interprofessions pour définir cette liste ; d’autre part, le Gouvernement – je le dis très solennellement – n’attendra pas le 1er janvier 2013 pour reprendre la main si les interprofessions ne font pas le travail.

Le Président de la République a déjà indiqué que, dans le secteur du lait et dans celui des fruits et légumes, tout cela devra être conclu avant la fin de l’année 2010.

Mme la présidente. Monsieur Blanc, l’amendement n° 505 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Madame la présidente, je suis prêt à le retirer, dans la mesure où le Gouvernement s’engage à rester vigilant. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Raoult. C’est allé vite… (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Ce que nous ne voudrions pas, c’est que les interprofessions traînent. Nous faisons confiance aux interprofessions, au Gouvernement, ainsi qu’au rapporteur et au président de la commission, puisque nous aurons une responsabilité dans le suivi de l’application de la loi… N’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait ! C’est le rôle du Parlement.

M. Jacques Blanc. Par conséquent, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je vous fais confiance, ainsi qu’au Gouvernement, pour pousser un peu les interprofessions et éviter de donner le sentiment que l’on renvoie cette liste aux calendes grecques.

Mme la présidente. L'amendement n° 505 rectifié est retiré.

L'amendement n° 134, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

clauses relatives

insérer les mots :

à la durée minimale du contrat,

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. À la suite de mon collègue Claude Bérit-Débat, mais avant d’aborder la longue série d’amendements déposés sur cet article par lesquels nous allons entrer dans le cœur du sujet et apporter des précisions qui nous paraissent très importantes, je souhaiterais rappeler brièvement quelques éléments

Il est vrai, monsieur le ministre, que, depuis votre arrivée au ministère de l’agriculture, vous avez été à la pointe du combat pour une certaine forme de régulation. Cependant, on ne peut à mon avis pas, au niveau européen, se contenter de considérer la position des États. L’Europe existe aussi à travers son Parlement, et c’est surtout là que se trouvent nos différences de fond.

Pour avoir suivi depuis très longtemps, avec mes collègues du PSE, les travaux du Parlement européen sur l’agriculture, je pense que nos divergences sont beaucoup plus importantes entre les États qu’au sein d’un parti du Parlement européen.

J’ai constaté, au sein de mon parti, beaucoup de rapprochements entre les vingt-sept États ; beaucoup plus, certainement, que ceux qui peuvent avoir lieu dans les conseils des ministres ! Les divergences nationales en matière d’agriculture me paraissent beaucoup moins sensibles au sein d’un même groupe politique que lors des discussions intergouvernementales. Il faut à mon avis le rappeler de temps en temps !

Je dirai la même chose de votre position sur la volatilité des prix. Hélas, il est vrai qu’on constate, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, qu’une toute petite partie de la production – notamment dans le cas du lait – fait varier le prix mondial, ce qui nous montre bien qu’on ne peut accepter ni le libéralisme à outrance ni la mondialisation totale des prix agricoles. Je crois qu’il y a, là aussi, un désaccord fondamental entre nous.

M. Charles Revet. Mais non ! Nous sommes tous d’accord là-dessus !

Mme Odette Herviaux. Pour en revenir à cette contractualisation, puisqu’il faudra bien essayer d’en sortir, nous avons constaté qu’il n’était plus fait mention de la durée minimale, dans cette nouvelle version de l’article 3, à l’alinéa portant sur les clauses des contrats écrits de vente qui peuvent être rendus obligatoires pour les produits agricoles destinés à la revente en l’état ou à la transformation.

Il est écrit que ces contrats comportent des clauses relatives au volume, aux caractéristiques des produits à livrer, aux modalités de collecte et de livraison des produits, aux critères et modalités de détermination du prix – pas au prix lui-même ! – ainsi qu’aux modalités de paiement et de révision, entre autres aspects. Cependant, il n’est plus fait mention de la durée de ces contrats. Il nous faut aller beaucoup plus loin dans l’article pour retrouver une référence à une durée minimale comprise entre un et cinq ans. Or, il faut à mon avis que ces clauses soient rendues obligatoires dès cette partie-ci du texte, puisque nous sommes déjà en désaccord sur la durée minimale.

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’alinéa 16 prévoit que l’accord interprofessionnel ou le décret fixe une durée minimale du contrat de un à cinq ans. Nous y tenons, parce qu’il est important de laisser, à l’intérieur de cette fourchette, la liberté à chaque interprofession de juger de la durée du contrat. Bien sûr, le contrat doit être conforme à l’accord interprofessionnel ou au décret.

Cet amendement ne paraît donc pas nécessaire à la commission. Mais cette dernière écoutera avec intérêt l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame la sénatrice, votre préoccupation – que je partage – me paraît satisfaite par la rédaction de l’alinéa 16. Cependant, si vous estimez préférable de répéter à l’alinéa 12 que la durée du contrat doit figurer dans le contrat écrit, cela ne me pose pas de difficulté.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Après cet avis du ministre, je m’en remets également à la sagesse de l’assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, depuis que nous examinons ce texte, j’ai entendu des avis partagés. Les bonnes intentions du Gouvernement sont-elles à la mesure de la crise ? Répondent-elles à ce qu’expriment les agriculteurs, même aujourd’hui sur les Champs-Élysées de Paris ?

Que disent donc ces agriculteurs ? Qu’ils représentent un secteur économique important, dont le rôle n’est pas uniquement de produire et qu’il ne s’agit pas seulement de « lisser » ou de libéraliser ; ils disent que leur fonction est à la fois sociétale, économique et environnementale, et que jamais le prix de leurs produits ne reflète la multifonctionnalité de l’agriculture !

Je sais bien que l’ancien président de la République a indiqué, l’année dernière, qu’il ne comprenait pas ce mot. Pourtant, lorsque les agriculteurs déclarent qu’ils veulent vivre de leurs produits, vivre du service qu’ils rendent à la nation, ils font référence à cette multifonctionnalité. Pour ce faire, ils ont besoin non pas seulement d’outils, mais d’une politique prenant en compte le rôle environnemental, social, économique et le rôle de production de l’agriculture.

Tout cela ne peut pas entrer dans le prix d’un produit. Si nous continuons en ce sens, tous les produits agricoles se retrouveront dans la situation qu’a connue le marché du porc, avec des prix fluctuants que l’on ne sait ni contrôler ni lisser.

Le prix plancher, même s’il est difficile à mettre en œuvre, est bien évidemment la solution idéale. Il n’en reste pas moins, monsieur le ministre, que le contrat est en soi une idée généreuse que nous avons défendue à travers d’autres textes de loi. Les contrats territoriaux d’exploitation, les CET, ont été supprimés, et les contrats d’agriculture durable, les CAD, qui ont ensuite pris le relais n’ont jamais été financés.

Aujourd’hui, vous dites aux agriculteurs que c’est parce que les prix sont moins élevés en France qu’en Allemagne que l’on n’arrive pas à contrôler les flux et, par là même, qu’il faut lisser les prix. Mais vous ne dites pas quels instruments il faudra mettre en place pour obtenir ce lissage.

Au-delà des intentions affichées, ce texte, sans grande ambition, est une simple boîte à outils, mais nous ne voyons même pas comment nous allons faire fonctionner ces derniers !

Le contrat est sans doute nécessaire mais il ne peut pas être obligatoire. Ce serait méconnaître les traditions qui existent dans notre pays. Certains, en particulier dans le secteur de la viande, vendent toujours de gré à gré, sans contrat, au marché au cadran ou ailleurs.

Ces outils, certes généreux, et qui procèdent de bonnes intentions, ne sont pas réellement de nature à répondre au problème très important qui se pose aujourd’hui. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience de la nécessité, par un biais ou par un autre, de rétribuer l’agriculteur pour ses fonctions multiples, et non pas seulement à travers un prix lissé qui ne rendra jamais compte, dans un pays comme le nôtre, de la différence existant entre le prix du marché et le service rendu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Il est fait référence plus loin dans le texte à la nécessité de définir par décret la durée minimale du contrat, et nous aurons un débat sur cette question. Il me paraît néanmoins important, puisqu’on a fait une liste des clauses obligatoires du contrat, de prévoir explicitement que, parmi ces dernières, doit figurer la durée minimale.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 602, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 12, première phrase

Après les mots :

du prix

insérer les mots :

faisant référence à l'Observatoire des prix et des marges

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. L’alinéa 12 de l’article 3 dispose que le contrat comporte des « critères et modalités de détermination du prix ». Nous vous proposons d’indiquer que ces modalités font référence à l’Observatoire des prix et des marges.

Il est clair, pour les uns et les autres, que le prix est au cœur du contrat ; cela fait consensus. Néanmoins, il me paraît nécessaire de partir d’une base précise, d’avoir des repères. Sinon, le prix négocié, y compris à travers l’interprofession, sera l’expression du rapport de force traditionnel entre les agriculteurs et l’aval. L’histoire montre que les producteurs agricoles ont toujours été, pour reprendre la terminologie anglo-saxonne, des price takers, des preneurs de prix. Il est important que cette donnée change, et le contrat en lui-même n’est pas de nature à modifier cette donnée structurelle.

Le contrat est un plus, l’interprofession est un plus, mais cela n’est pas suffisant, d’où notre proposition de renforcer les producteurs dans le cadre de la négociation du contrat.

Notre proposition, qui est de faire référence à l’Observatoire des prix et des marges, présente plusieurs avantages. Elle facilitera tout d’abord une approche plus large, en permettant de prendre du recul sur le plan géographique, mais également sur le plan historique, puisqu’il sera possible de tenir compte des prix fixés par le passé, des contrats réalisés. L’Observatoire des prix et des marges constituera, en quelque sorte, une référence indiscutable puisque neutre, qui sera un plus pour les agriculteurs au sein de l’interprofession. Notre proposition permettra également de renforcer le rôle de l’Observatoire des prix et des marges dans le cadre de l’élaboration des contrats.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’Observatoire des prix et des marges peut être un indicateur par rapport au prix de revient mais, aujourd’hui, il n’est pas souhaitable de renvoyer les modalités de détermination du prix aux références issues du seul Observatoire. Il y a un prix de revient, et le contrat est établi entre le producteur et le premier acheteur. Sous cet aspect, je suis défavorable à l'amendement n° 602.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Avis défavorable également.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Cet amendement n° 602 montre bien toute la difficulté pour le pot de terre de négocier avec le pot de fer.

Soit il y a des références et un cadre dans le contrat, soit il y a un médiateur durant le contrat. Sinon je ne vois pas comment les agriculteurs, même mieux organisés dans des filières, vont pouvoir à un moment donné contractualiser dans de bonnes conditions. C’est une vraie problématique qui est posée, et je ne suis pas certain que le texte dans sa globalité y réponde totalement. Vous demandez, mon cher collègue, qu’il soit fait référence à l’Observatoire des prix et des marges ; ce qui est ennuyeux c’est qu’il ne fonctionne pas et qu’aujourd’hui il ne donne pas véritablement d’informations sur la constitution des marges.

M. Gérard César, rapporteur. On va le faire fonctionner !

M. Daniel Dubois. Interrogé à cet égard, l’Observatoire répond qu’il connaît très bien le prix d’achat au producteur, le prix de vente au consommateur, qu’il a des indications à peu près précises sur les différents prix des filières mais que la constitution de leurs marges n’est pas appréhendée parce que les informations demandées ne sont pas fournies.

On en revient – comme quoi tout se tient dans cette affaire – à la problématique bien connue : faut-il infliger des amendes ? Quelles obligations devons-nous imposer aux grandes surfaces et en particulier à leurs centrales d’achat pour que de réelles informations soient données, que les producteurs puissent contractualiser en toute connaissance de cause et s’y retrouver ? À défaut de cette information, je crains, monsieur le ministre, que l’on ne soit dans un marché de dupes. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre ne m’ont absolument pas convaincu.

Nous sommes bien dans une situation structurelle où le pot de terre se bat contre le pot de fer et, dans le contrat, la référence à l’Observatoire, c’est tout sauf la révolution. On sait bien que ce dispositif ne fonctionne pas encore comme il le devrait ; mais que vous vous refusiez à ce minimum de référence, que vous n’acceptiez pas d’intégrer cette proposition de bon sens et tout à fait constructive, les bras m’en tombent !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je vais m’efforcer de rassurer mon collègue Jacques Muller que j’ai l’habitude de côtoyer en commission.

À l’article 6, le texte proposé pour l’article L. 692-1 du code rural est ainsi rédigé : « L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, placé auprès du ministre chargé de l’alimentation et du ministre chargé de la consommation, est chargé d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges […] ».

Votre amendement, qui vise à insérer les mots : « faisant référence à l’Observatoire des prix et des marges », est donc satisfait. En effet, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires aura pour rôle d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics. Seule la place dans le texte diffère.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je voudrais apporter deux précisions aux explications très convaincantes du président Emorine, à l’attention de M. Dubois.

Le premier point concerne la possibilité d’un médiateur durant l’exécution du contrat. C’était une demande de l’ensemble des responsables syndicaux agricoles de toutes tendances. Nous avons intégré cette disposition à l’alinéa 20 de l’article 3 sous la forme, non pas d’un médiateur, mais d’une commission de médiation, et cela répond exactement à votre souhait d’une possibilité de médiation.

Le second point a trait aux pouvoirs dont disposera l’Observatoire de formation des prix et des marges, aspect que l’on abordera un peu plus loin dans le texte.

L’actuel Observatoire des prix et des marges va être considérablement renforcé par le texte de loi. Il prendra désormais une forme physique. Il aura une obligation de transmission des données, il pourra s’intéresser à tous les produits agricoles ainsi qu’aux coûts de production et non pas simplement aux prix agricoles. L’Observatoire va donc prendre une forme qu’il n’avait jamais eue jusqu’à présent.

Enfin, vous posez la question des sanctions. Je suis ouvert au débat sur ce sujet mais je pense qu’il est bien distinct de celui sur les contrats.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 602.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 137, présenté par M. Chastan, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Ces contrats respectent le principe d'une juste rémunération des producteurs et de la transparence dans la fixation des prix des produits agricoles.

La parole est à M. Yves Chastan.

M. Yves Chastan. Cet amendement s’inscrit dans la continuité des discussions que nous avons depuis le début de cette séance.

Il est tout de même curieux que, dans une loi qui se veut « de modernisation », les qualificatifs de « juste » ou de « rémunérateur » n’apparaissent à aucun endroit dans le texte s’agissant des prix payés aux agriculteurs pour leurs produits.

L’exposé des motifs de la loi annonçait pourtant ceci : « Les métiers de l'agriculture et de la pêche doivent être dotés des moyens permettant aux hommes qui les pratiquent et à leur famille de vivre décemment de leur activité […) ». C’est une affirmation à laquelle j’adhère pleinement.

Malheureusement, à ce stade, le texte de loi n’apporte pas les garanties attendues pour aider les agriculteurs à vivre de leur production. Nous sommes pourtant tous conscients de ce qui les préoccupe le plus, c’est-à-dire une « juste » rémunération, non seulement par rapport à la situation actuelle qui est très défavorable pour eux, mais aussi de façon pérenne.

Le constat factuel est le suivant : de nombreux producteurs ont vu leurs revenus diminuer drastiquement ces dernières années – de 34% en moyenne sur l’année 2009 –, alors que, dans le même temps, depuis 2008, les prix des produits agricoles n’ont pas diminué pour les consommateurs finaux.

Ainsi, on observe que les prix à la consommation suivent les prix des matières premières quand elles sont à la hausse, mais non lorsqu’elles sont à la baisse, ou incomplètement.

Cet amendement a l’ambition de contribuer à pallier ce double problème.

Premièrement, les contrats conclus entre producteurs et acheteurs se doivent de prendre en compte les difficultés économiques et sociales des agriculteurs, et d’inscrire un objectif de « juste rémunération » pour les producteurs des denrées agricoles.

J’entends par « juste rémunération » le principe simple, presque évident, selon lequel le prix payé aux producteurs leur permet non seulement de rembourser leurs coûts de production, mais aussi de vivre de leur travail et de nourrir leur famille.

L’avenir de l’agriculture française ne saurait être assuré sans cela, car qui continuerait à produire s’il n’est pas assuré de pouvoir vivre décemment en rémunérant son investissement personnel, ou celui de ses proches, et ses salariés éventuels ?

Deuxièmement, cet amendement tend à inclure la notion de transparence dans les mécanismes de fixation des prix. Même si cet objectif est pris en compte dans d’autres articles de ce projet de loi, il paraît important de le faire figurer dans les contrats signés entre les producteurs et les acheteurs, afin qu’il soit respecté.

Pour que l’objectif précédent de juste rémunération soit pleinement réalisable, il est effectivement nécessaire d’avoir une vision claire de « qui gagne quoi ? » et de la valeur ajoutée justifiant les prix, au-delà du producteur.

Certaines marges perçues sur le produit du travail des agriculteurs sont indécentes, et il y a un consensus pour dire qu’il faut que cela change. L’accord sur les marges que vient d’annoncer le Président de la République risque malheureusement de se révéler inutile en la matière, car il s’agit, une fois de plus, d’une mesure conjoncturelle, et non structurelle, qui ne constituera pas une réponse efficace et durable.

Pourtant, le consommateur attend, lui aussi, que les principes évoqués dans l’amendement soient respectés. La transparence dans les mécanismes de fixation des prix n’est sans doute qu’une première étape pour favoriser une juste rémunération des producteurs, mais elle est indispensable, voire fondamentale.

Pour conclure, cet amendement a simplement l’ambition d’interdire la vente à perte des produits agricoles, au moyen de contrats transparents, conclus entre acheteurs et producteurs, conformément aux règles générales du commerce international.

Comme vous l’avez dit voilà quelques instants, monsieur le ministre, la notion de contrat est nécessaire, peut-être même essentielle. Mais elle est insuffisante si elle ne comporte pas des engagements et des garanties explicites. Si la loi de modernisation agricole votée in fine est porteuse de ces signes tant attendus par la profession, elle pourra constituer un réel progrès. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La question que tend à soulever cet amendement est, en réalité, celle de la juste rémunération des producteurs. Je le disais tout à l’heure, personne ne peut y être opposé ! Mais l’amendement n’est qu’une déclaration d’intention.

M. le ministre a déjà longuement répondu sur les indicateurs de prix, sur les références à l’INSEE et sur l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, FranceAgriMer. Il ne faut pas oublier les centres de gestion, qui fournissent une expertise tout à fait performante en ce qui concerne les prix de revient.

Monsieur Chastan, la commission ne peut émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 260, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 12, après la première phrase,

Insérer trois phrases ainsi rédigées :

Ils mentionnent également un prix minimum indicatif défini pour chaque production agricole par l'interprofession compétente. Ce prix minimum indicatif est revu régulièrement notamment afin de tenir compte de l'évolution des coûts de production et des revenus des producteurs. Les modalités de prix fixées par le contrat doivent aboutir à un niveau de prix au moins égal au prix minimum indicatif.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Lors de l’examen en commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale de la proposition de loi sur le droit au revenu des agriculteurs de notre collègue André Chassaigne, le député Michel Raison avait expliqué qu’il ne pouvait pas voter cette proposition de loi au motif que « le ministère de l’agriculture est actuellement en train de préparer un projet de loi de modernisation agricole qui contiendra non seulement des dispositions relatives à la “fabrication” des prix agricoles, mais également des dispositions relatives à la fiscalité, aux charges et aux relations des producteurs avec les organismes chargés d’acheter, de transformer et de commercialiser les produits agricoles ».

Il faut croire qu’il était mal informé, et peut-être regrette-t-il aujourd’hui de ne pas avoir saisi la balle au bond et soutenu la proposition de loi. En effet, la question des prix agricoles et de la régulation des marchés ne trouve pas de traduction concrète dans le corps du projet de loi.

Pourtant, l’ensemble des productions agricoles, du secteur de l’élevage jusqu’à la production de fruits et légumes, continuent à être soumises à des baisses de prix majeures consécutives à la suppression des outils de régulation européens et nationaux et à la liberté accordée aux fournisseurs et aux distributeurs dans la fixation des prix d’achat.

Cette orientation politique irresponsable conditionne l’avenir de toute notre agriculture et, par conséquent, l’emploi et la vie dans nos territoires ruraux.

Nous estimons, pour notre part, que les agriculteurs et les pêcheurs ne doivent plus être considérés comme une variable d’ajustement par les intermédiaires qui fixent unilatéralement les prix.

Par notre amendement, nous proposons donc qu’un prix minimum indicatif, prenant en compte l’évolution des charges de production et des revenus des producteurs, et qui serait revu régulièrement, soit défini pour chaque production agricole par l’interprofession compétente.

Ce prix serait intégré de façon obligatoire dans les contrats écrits. L’essentiel pour les producteurs n’est pas tant de savoir s’ils vont être payés que de savoir s’ils vont l’être correctement. Si la contractualisation va dans ce sens, alors elle aura une utilité.

Parce qu’il est temps d’agir pour garantir des prix rémunérateurs à tous les agriculteurs, nous vous demandons d’adopter cet amendement, qui constitue un premier pas dans cette direction.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants pour permettre la préparation de la retransmission par Public Sénat et France 3, à dix-sept heures, des questions cribles thématiques.

L’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche reprendra à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 3 (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Discussion générale

7

Questions cribles thématiques

pouvoir et médias

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur « Pouvoir et médias ».

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique. Je veux croire que chacun aura à cœur de respecter son temps de parole, aidé en cela par les chronomètres qui sont disposés dans l’hémicycle.

Je précise enfin que cette séance de questions cribles thématiques est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir ou jamais, de Frédéric Taddeï.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour le groupe UMP.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le ministre de la culture et de la communication, ma question porte sur l’état d’avancement des négociations autour du code de déontologie des journalistes.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Avec la multiplication des canaux et supports d’information, la croissance rapide d’Internet et, désormais, la perspective de l’explosion de l’internet mobile, le grand public est confronté à une profusion de messages de nature très diverse. L’information s’y trouve noyée dans des démarches commerciales, promotionnelles, sans parler de messages relevant clairement de la désinformation.

Les ressources du numérique permettent de modifier simultanément et aisément – parfois presque en temps réel – des messages, qu’il s’agisse de textes, de photographies et même d’images animées. Ce qui, pour les uns, constitue un moyen d’améliorer la capacité d’impression ou de diffusion d’un document peut devenir, pour d’autres, une occasion de le dévoyer.

Toutefois, plusieurs « affaires » médiatiques ont démontré ces dernières années que les dérives de la société de l’information n’étaient pas uniquement dues à l’avènement du numérique et qu’elles représentaient un véritable risque de perte de repères et de confusion pour le public.

Cette situation ne peut laisser indifférentes les entreprises d’information – agences d’information, agences de photographies, agences d’images, quotidiens, magazines, radios, télévisions –, notamment lorsqu’elles décident de s’engager dans des domaines nouveaux, ce qui est devenu pour nombre d’entre elles un enjeu d’avenir afin de limiter la perte du lectorat.

Dans cette optique, l’engagement des journalistes et des entreprises de presse à travers une charte reposant sur un ensemble de règles et de principes s’appliquant à toute la profession et à tout le secteur de la presse, quel qu’en soit le support, paraissait nécessaire.

Plusieurs démarches ont été engagées afin d’offrir des garanties au public sur les conditions de traitement de l’information. Ainsi, en 2008, lors des deuxièmes Assises internationales du journalisme, un projet de « charte qualité de l’information » a été présenté à la suite d’une démarche volontaire des professionnels et des entreprises qui se sentaient concernés.

M. le président. Veuillez poser votre question !

Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’État peut être incitateur et facilitateur des travaux d’élaboration ainsi engagés. Nous souhaitons donc que le Gouvernement nous précise quel est l’état d’avancement des négociations autour du code de déontologie des journalistes et qu’il nous indique sa position sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Marie-Thérèse Bruguière, à la suite des états généraux de la presse écrite et des déclarations du Président de la République du 23 janvier 2009, un comité des sages, réuni sous la présidence de M. Bruno Frappat, a rendu public, en octobre 2009, un projet de code de déontologie des journalistes. Ce comité comprenait à la fois des représentants des éditeurs, des journalistes et des personnalités qualifiées.

Ce projet s’inscrit dans le droit fil de travaux déjà anciens. La première charte élaborée en France date en effet de juillet 1918 et fut actualisée en 1938.

Un autre projet de charte a été rédigé récemment : il s’agit de la « charte qualité de l’information », présentée lors des Assises internationales du journalisme qui se sont tenues en mai 2008.

Le code de déontologie proposé par le comité des sages de M. Bruno Frappat édicte des règles éthiques à respecter par les journalistes, et l’adhésion des éditeurs vaudra acceptation de leur accorder les moyens de respecter leurs obligations.

Ce code s’articule autour de quatre thèmes : le métier de journaliste, le recueil et le traitement de l’information, la protection du droit des personnes, l’indépendance du journaliste.

Tant le syndicat de la presse quotidienne nationale, le syndicat de la presse quotidienne régionale ou le syndicat de la presse magazine et d’information, du côté des éditeurs, que le syndicat national des journalistes, du côté des journalistes, se sont déclarés prêts à discuter de ce code, qui relève de leur responsabilité.

Si le Gouvernement est bien entendu favorable à cette initiative, il reste à l’ensemble des partenaires sociaux du secteur ainsi qu’au public, aux lecteurs, aux internautes, aux auditeurs et aux téléspectateurs, à s’emparer de ce code et à le faire vivre. Je souligne que celui-ci aura vocation à s’appliquer à tous les médias, notamment aux sites internet d’information réalisés par des journalistes.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je vous remercie de cette réponse, qui nous satisfait, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour le groupe socialiste.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, ma question porte sur un problème que nous soulevons régulièrement : dans notre pays, le paysage médiatique privé, non seulement celui de l’audiovisuel, mais également celui de la presse écrite, se concentre entre les mains de quelques grands groupes industriels, dont je vous épargnerai la liste.

La question de l’indépendance et de la liberté des médias vis-à-vis des pouvoirs, tant économiques que politiques, se pose de manière encore plus criante depuis que Nicolas Sarkozy est devenu Président de la République, car les patrons de ces différents groupes sont ses amis politiques.

De surcroît, pour ce qui concerne l’audiovisuel public, le Gouvernement et sa majorité ont mis en cause sa liberté en décidant de mettre fin à ce qui pouvait lui donner une certaine indépendance financière et de faire nommer les présidents des sociétés qui le composent par le Président de la République. Voilà pour l’état du paysage médiatique national !

Mes chers collègues, vous subissez également ce phénomène dans vos régions et vos départements avec la concentration entre les mains de quelques groupes de l’essentiel des titres de la presse quotidienne régionale, la PQR. Jusqu’à présent, l’existence de dizaines de titres était source de richesse pour la PQR, qui se caractérisait par son ancrage local. Ces titres subsistent, mais leur multiplicité masque mal le fait que les lignes éditoriales sont toutes les mêmes. En fait, tout cela est uniquement destiné à nous faire croire que nous avons le choix, alors que c’est le même message qui passe ! Voilà pour l’état du paysage médiatique régional !

M. le président. Veuillez poser votre question.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, envisagez-vous d’inverser cette tendance qui est à l’œuvre depuis des années, mais qui s’accentue depuis quelques mois, à savoir la concentration toujours plus grande des médias entre les mains de quelques-uns ?

Envisagez-vous de permettre à des sociétés de presse de devenir indépendantes et de favoriser la création d’un statut européen, y compris pour celles qui ne diffusent que sur le Net ? Comment comptez-vous garantir l’indépendance, la liberté et le pluralisme des médias, que nous avons inscrits dans la Constitution ? Vous devez maintenant passer aux actes !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur David Assouline, je voudrais m’écarter du caractère quelque peu fantasmatique de votre question afin de rappeler un certain nombre de principes.

La nécessité d’assurer la sauvegarde du pluralisme des courants de pensée et d’opinion est clairement « une des conditions de notre démocratie » et est, en droit, un « objectif de valeur constitutionnelle », comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel.

Notre législation est très complète. Les lois relatives à la presse et à la liberté de communication définissent un ensemble de règles limitant la concentration et assurant l’indépendance des médias. Ces règles sont d’ailleurs largement le fruit de décisions du Conseil constitutionnel.

En outre, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République a renforcé ces garanties.

Dans un contexte technologique et économique particulièrement instable, nous avons fait le choix d’encourager le renforcement des entreprises du secteur des médias grâce à un cadre juridique adapté au développement de leurs économies. Si nous voulons que les entreprises françaises de médias puissent peser dans un marché mondial très ouvert, très concurrentiel et largement dominé par des acteurs anglo-saxons, elles doivent être confortées sur le marché national.

Pour que les groupes français de l’audiovisuel ou de la presse puissent un jour concurrencer des géants comme News Corporation, NBC Universal, Time Warner ou encore Google, ils doivent pouvoir s’appuyer sur des actionnaires solides et bénéficier de la plus grande souplesse ainsi que d’une totale sécurité juridique dans leurs opérations capitalistiques.

En tout état de cause, le bilan de l’état de la concentration en France n’a pas le caractère que vous décrivez. En fait, il est plutôt positif grâce à la diversité des titres, des éditeurs, des services et des acteurs du paysage médiatique français.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut dire cela à Bolloré !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. Monsieur le ministre, je laisse juges ceux qui suivent nos échanges ou qui en prendront connaissance. En tout cas, sachez que, pour nos concitoyens, cette concentration n’a rien de fantasmatique.

Ils constatent que, sous les différents titres de la PQR, ils lisent toujours à peu près la même chose.

Ils constatent que les chaînes de l’audiovisuel public sont certes de grande qualité, mais que leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique est de plus en plus limitée.

Ils constatent, pour peu qu’ils s’intéressent d’un peu près à ces questions, que quelques groupes – puisque vous me parlez de fantasmes, je vais les nommer : Bouygues, Lagardère, Bolloré – détiennent 80 % du paysage audiovisuel et des grands groupes de presse.

M. le président. Veuillez conclure.

M. David Assouline. Ce n’est pas du fantasme, c’est une réalité !

Je vous pose une question concrète : comment comptez-vous limiter ces concentrations, qui créent un désamour des médias de la part de l’opinion publique, voire qui les décrédibilisent ?

M. le président. Concluez !

M. David Assouline. Nous, nous voulons au contraire renforcer leur crédibilité, éviter la suspicion.

Monsieur le ministre, je vous demande d’agir. Ouvrez les yeux ! Sortez la tête du sable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour le groupe CRC-SPG.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, les fusions et concentrations ne cessent de se multiplier dans l’audiovisuel et la presse écrite. L’indépendance et la liberté des médias sont d’autant plus en danger que ceux-ci sont contrôlés par des groupes privés liés au pouvoir. Dès lors, on peut comprendre la défiance de plus en plus forte de nos concitoyens. L’adoption de mesures pour mettre un terme à la confusion des pouvoirs médiatiques, économiques, politiques et financiers est donc une impérieuse nécessité civique et citoyenne.

Car, loin de garantir le pluralisme et l’indépendance des médias, la loi a aggravé la situation. C’est le cas avec la nomination et la révocation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur par le Président de la République. Cette mise sous tutelle de l’audiovisuel public remet en effet en cause le principe, fondamental en démocratie, de la séparation des pouvoirs. Les chaînes privées sont dirigées par les amis du chef de l’État et l’audiovisuel public le sera dorénavant par des responsables qu’il a lui-même choisis !

Quant à la télévision numérique terrestre, présentée comme un gage de pluralisme avec ses dix-huit chaînes gratuites, elle est l’objet des convoitises de TF1 et de M6, qui rachètent plusieurs d’entre elles pour s’emparer de leur publicité.

Malgré les mesures issues des états généraux de la presse écrite, la situation de celle-ci reste alarmante. On assiste à l’émergence de nouveaux empires et à une vague de fusions-acquisitions contraire à la diversité des titres de presse nationaux ou régionaux, faisant reculer dangereusement le pluralisme.

De leur côté, les moteurs de recherche, Google en particulier, « cannibalisent » le marché publicitaire.

Si les groupes financiers et industriels, obnubilés par la rentabilité, s’intéressent notamment à la presse écrite, activité hautement déficitaire, c’est parce que ces « faiseurs de roi » ont besoin des médias comme moyens de contrôle, de pression, d’influence sur l’opinion publique.

Si vous voulez que nos concitoyens retrouvent confiance envers leurs médias, monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer la législation afin de combattre efficacement les rapports incestueux entre médias, monde politique et pouvoir de l’argent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur Ivan Renar, la question de la concentration et du pluralisme dans les médias a récemment été débattue dans cet hémicycle, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi présentée par le groupe socialiste et visant à réguler la concentration dans le secteur des médias.

La qualité et l’intérêt de votre question me conduisent à rappeler un certain nombre de points.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a renforcé les garanties dans le domaine que vous abordez. L’article 4 comporte un nouvel alinéa, selon lequel « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

Surtout, l’article 34 prévoit désormais que « la loi fixe les règles concernant […] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ». Cette modification a d’ailleurs été introduite à l’initiative du Sénat.

À ce cadre juridique s’ajoutent de nombreux outils de régulation propres à chaque type de média qui permettent aujourd’hui de veiller au respect de l’indépendance des médias.

Je tiens aussi à préciser que la loi de 1986 interdit à une personne ou à un groupement de personnes de procéder à des opérations qui lui donneraient la propriété, le contrôle direct ou indirect, ou l’édition en location-gérance de quotidiens imprimés d’information politique et générale dont la diffusion totale excéderait 30% de la diffusion en France de toutes les publications de cette nature. Cette disposition repose sur trois principes : un seuil de diffusion unique, applicable à l’ensemble de la presse imprimée quotidienne d’information politique et générale, qu’elle soit nationale, régionale ou locale ; une interdiction de franchissement du seuil opposable aux seules acquisitions de titres existants et non à la création de nouvelles publications ; un seuil de diffusion fixé de façon à éviter des concentrations excessives et de préserver le pluralisme sans entraver pour autant la constitution de groupes suffisamment puissants pour affronter la concurrence.

Enfin, en ce qui concerne les nominations à France Télévisions, je rappelle que c’est l’État qui est actionnaire, que c’est la loi qui a défini les nouvelles règles tout en prévoyant un certain nombre de mécanismes de contrôle et qu’elle met fin à un système dont l’hypocrisie était patente.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour la réplique.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je ne peux pas dire que votre réponse m’ait donné entière satisfaction.

Premièrement, il serait souhaitable de renouer avec le programme du Conseil national de la Résistance – largement mis en œuvre par le général de Gaulle, je vous le rappelle –, qui avait eu la sagesse de libérer l’information de la toute-puissance des monopoles économiques et financiers en prenant soin de la soustraire à la pensée ou à l’idéologie unique. Vous le savez, il n’est pas de démocratie et de liberté sans séparation nette et claire des pouvoirs.

Deuxièmement, la vigilance démocratique impose la mise en place de véritables verrous anti-concentration, plus efficaces, afin que le formatage des idées ne l’emporte pas sur le nécessaire débat contradictoire et que les intérêts privés ne priment pas l’intérêt général.

Troisièmement, enfin, je crois qu’il est déterminant de former des citoyens éclairés. L’éducation à l’image et l’appréhension critique de l’information doivent devenir une priorité de l’éducation nationale. Il serait bon que vous puissiez en parler avec votre collègue M. Luc Chatel, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe de l’Union centriste.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le ministre, vous avez exprimé devant notre assemblée jeudi dernier le point de vue du Gouvernement qui consiste à approuver le choix responsable de France Télévisions d’ouvrir le capital de sa régie publicitaire, alors que le conseil d’administration du groupe a voté le 13 avril dernier le report sine die de sa privatisation.

Nous savons tous que le choix du conseil d’administration de suspendre ces négociations avec le consortium Lov-Publicis est lié à l’incertitude substantielle qui entoure le maintien ou nous de la publicité avant 20 heures sur les antennes du groupe.

Concomitamment à cette décision, la presse s’est fait largement l’écho de ce que le choix du repreneur pouvait soulever certains problèmes. En effet, plusieurs syndicats et professionnels du secteur – la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et la Société civile des auteurs multimédia, par exemple – se sont inquiétés de voir qu’un acquéreur potentiel pouvait déjà avoir des positions établies dans la production audiovisuelle et dans l’achat d’espaces publicitaires.

Portés à la connaissance du public, ces éléments n’ont pas manqué de semer le trouble, d’autant qu’il est aussi question d’intérêts que pourraient avoir certains proches de l’exécutif dans la holding.

Vous avez vous-même, monsieur le ministre, et on ne peut que vous en féliciter, souhaité préciser le 29 mars dernier, par voie de communiqué de presse, que, sans mettre en cause ni la probité ni l’éthique de quiconque, vous veilleriez à ce que les précautions juridiques nécessaires soient envisagées, afin qu’aucun problème de déontologie ne puisse se poser.

Au-delà de la pleine confiance que vous avez renouvelée au conseil d’administration de France Télévisions et aux dirigeants du groupe, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous préciser si l’éventualité d’un maintien de la publicité en journée sur France Télévisions remettrait en cause le processus de vente aux repreneurs désignés ? Sinon, quelles conditions ont été prévues ?

Par ailleurs, le maintien de la publicité, le cas échéant, justifierait-il de refaire un tout de piste des acquéreurs potentiels ?

Enfin, si la vente de la régie doit se faire, quelles garanties envisagez-vous d’imposer pour qu’elle se déroule dans la plus grande transparence et sans aucune collusion possible avec les intérêts proches du pouvoir ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice Catherine Morin-Desailly, la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle prévoit la suppression progressive de la publicité sur les antennes de France Télévisions. À l’extinction de la diffusion analogique, prévue pour le 30 novembre 2011, seuls resteront autorisés le parrainage, la publicité dans les décrochages régionaux, sur les sites internet de France Télévisions et la publicité d’intérêt général.

Ce nouveau cadre législatif et réglementaire imposait à France Télévisions d’agir pour sa régie.

Afin de permettre le développement de l’activité de la régie, France Télévisions a donc fait le choix d’ouvrir le capital de la régie à un partenaire industriel. Le Gouvernement a approuvé ce choix responsable.

La recherche dudit partenaire industriel s’est déroulée selon une procédure encadrée. L’offre retenue par la direction de France Télévisions pour l’ouverture de négociations exclusives était la mieux-disante selon les trois critères examinés : social, industriel et financier. Le conseil d’administration de la société, où siègent à la fois des représentants de l’État, des parlementaires, des personnalités indépendantes et des représentants du personnel, et dont le rôle est de veiller aux intérêts de l’entreprise, a approuvé ce choix le 3 février dernier.

Certains – je pense aux agences publicitaires ou aux producteurs audiovisuels – se sont inquiétés d’éventuels conflits d’intérêts avec les repreneurs. J’ai alors dit que toutes les précautions, notamment juridiques, devraient être prises pour qu’il n’en soit rien. Mais, dans cette réflexion, prenons garde de mettre en cause trop facilement la probité ou l’éthique de qui que ce soit.

L’équilibre de ce partenariat dépend nécessairement du cadre législatif et réglementaire de la publicité sur France Télévisions. La société a exprimé son inquiétude quant au maintien de ce cadre à la suite de prises de position, notamment de parlementaires, sur ce sujet. Je vous renverrai au principe d’un rapport d’étape qui doit intervenir avant mai 2011. Elle a donc proposé à son conseil d’administration de suspendre, puis de repousser à la fin de l’année les négociations exclusives entamées avec le consortium Lov-Publicis, comme l’avaient préconisé les représentants de l’État au conseil d’administration.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Mme Catherine Morin-Desailly. J’aurais aimé en savoir un tout petit peu plus, monsieur le ministre. Au cas où la publicité serait maintenue, faudrait-il à nouveau faire un tour de piste des acquéreurs potentiels, dans la mesure où les conditions du marché s’en trouveraient légèrement modifiées ?

Monsieur le ministre, ma question ne visait pas à mettre en cause qui que ce soit : il s’agissait simplement d’exprimer l’attachement du groupe de l’Union centriste à un audiovisuel public indépendant, pluraliste et qualité, ainsi qu’au principe de séparation des pouvoirs.

Je vous remercie, en tout cas, des éléments de réponse que vous m’avez apportés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le ministre, ma question porte sur le système de distribution de la presse en France et plus précisément sur la loi Bichet du 2 avril 1947, qui organise cette distribution. Derrière question apparemment technique, se cache en réalité le problème des conditions concrètes d’exercice de la liberté de diffusion de la presse.

Je rappellerai brièvement, pour mémoire, que cette loi fixe les trois principes fondamentaux qui régissent cette distribution : la liberté de choix de l’éditeur, qui a le doit de distribuer lui-même ses propres journaux ou de les faire distribuer par des sociétés coopératives de messageries ; l’égalité de traitement des éditeurs face au système de distribution ; la solidarité entre éditeurs et coopérateurs, réalisée grâce au groupage et à la mise en commun des moyens nécessaires à la distribution des titres.

Au regard de ces principes, la loi interdit donc l’exclusion d’un éditeur ou d’un titre déjà existant ou encore en phase de lancement. Elle interdit également la libre négociation tarifaire du distributeur avec les éditeurs. Elle exige l’égalité de traitement des titres distribués.

Cependant, certaines voix s’élèvent pour demander une relecture, voire une abrogation de la loi Bichet, en invoquant notamment le fait que ce sont les titres rentables qui supportent la distribution de ceux qui le sont moins ou encore qu’ils ne peuvent pas s’associer avec d’autres titres. On entend même que les devantures des marchands de journaux seraient si encombrées que les clients ne s’y retrouveraient plus…

D’autres, à l’inverse, insistent sur le caractère indispensable de la loi Bichet, sans laquelle un très grand nombre de journaux disparaîtraient et qui a le mérite de permettre la création constante de nouveaux journaux.

Les états généraux de la presse écrite ont permis de constater que, si la loi n’était globalement pas un handicap, son application et les conditions de la gouvernance de la distribution pourraient être modernisées.

Quelle est aujourd’hui la position du Gouvernement sur ce point ? Envisage-t-il une réforme de la distribution de la presse et de la loi Bichet ?

Il me paraît indispensable de concilier le pluralisme et la diversité de la presse en France, même si j’ai pleinement conscience qu’à l’heure du numérique une autre révolution se prépare.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur Jean-Pierre Plancade, à l’issue des états généraux de la presse, à l’automne 2008, il a été largement admis que la loi Bichet avait permis de respecter le pluralisme et la diversité de l’information en France.

Comme vous l’avez rappelé, les trois grands principes posés par la loi Bichet – la liberté de choix de l’éditeur, l’égalité des éditeurs face au système de distribution, la solidarité entre éditeurs et coopérateurs – demeurent essentiels.

En revanche, la question d’une meilleure gouvernance, aujourd’hui garantie par le Conseil supérieur des messageries de presse – CSMP –, a été posée. Le bien-fondé des propositions faites à l’issue des états généraux a, quant à lui, été confirmé par les derniers événements liés à la nécessité du redressement de Presstalis.

Le Président de la République, en clôturant les états généraux de la presse, a regretté que le conseil supérieur des messageries de presse ne bénéficie plus de la confiance nécessaire pour mener à bien sa mission de régulation du système coopératif de distribution de presse. Il a souhaité que son fonctionnement soit revu en profondeur, afin de donner une nouvelle impulsion au développement du réseau de distribution de presse.

Votre allusion à la situation des kiosques a retenu toute mon attention. Un rapport très récent de la mission chargée d’étudier la situation de Presstalis, dit « rapport Mettling », contient d’intéressantes propositions pour rénover le Conseil supérieur des messageries de presse. Partant des propositions d’un précédent rapport de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, ce nouveau rapport les a quelque peu amendées, afin de recueillir l’accord de la profession, qui y voit une des conditions sine qua non au redressement de toute la filière.

Le projet préconise de maintenir un collège professionnel au sein du CSMP actuel, tout en renouvelant ses missions et ses règles de représentation. Reprenant les préconisations du rapport Lasserre, il modifie substantiellement la composition du Conseil, en lui conférant le caractère d’une instance professionnelle, c’est-à-dire écartant toute représentation de l’État en son sein.

À côté de cette instance professionnelle, il crée une structure de règlement des conflits en cas d’échec de la médiation : l’autorité indépendante.

Il s’agit donc bien aujourd’hui de moderniser la loi Bichet sans remettre en cause les principes fondateurs qu’elle a posés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Plancade. Merci, monsieur le ministre, de m’avoir apporté ces précisions fort utiles, après que nous avons, nous aussi, les uns et les autres, reçu des organismes de distribution de presse et des syndicats.

Même si nous mesurons bien la nécessité de réformer le système – cela a été dit de manière unanime à l’occasion des états généraux –, nous avons conscience que, au-delà de cette réforme technique, il y a un enjeu politique, celui de la liberté de la diffusion de la presse.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe UMP.

M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, conclu en décembre 2008, le dernier contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Agence France-presse, l’AFP, se donne plusieurs objectifs.

D’une part, il vise au retour de l’Agence à un niveau de rentabilité lui permettant d’assumer ses missions et de se doter des moyens d’assurer son développement et son adaptation continue aux évolutions du monde de l’information.

D’autre part, il tend à accélérer la modernisation de l’AFP, notamment par l’adaptation de ses systèmes de production, et également par une réforme du statut de l’Agence qui maintiendrait la garantie de son indépendance éditoriale et lui donnerait les moyens réels de financer son développement.

Le président-directeur général de l’AFP a présenté, le 31 mars 2009, un rapport sur la modernisation du statut et de la gouvernance de l’Agence qui traite des deux principales problématiques : garantie de l’indépendance éditoriale de l’agence et mode entrepreneurial permettant de s’adosser à un actionnariat stable et pérenne.

La question du statut a suscité les inquiétudes des représentants du personnel. Elle ne doit cependant pas faire perdre de vue l’objectif essentiel de la réforme, à savoir l’identification des moyens qui permettent à l’Agence de consolider et de renforcer sa place au niveau des trois leaders mondiaux.

Le Gouvernement a toujours rappelé que l’indépendance de l’AFP constituait un objectif essentiel, aussi bien en termes de démocratie que de « valeur » de l’entreprise. Comme le rappelle le contrat d’objectifs et de moyens de l’AFP, son statut lui donne des obligations propres à garantir son indépendance rédactionnelle et son rayonnement mondial. En revanche, force est de constater que ce statut ne lui permet pas de disposer des moyens nécessaires au financement de missions qui deviennent de plus en plus coûteuses.

Le comité d’experts animé par Henri Pigeat était chargé d’établir un diagnostic de la situation des grandes agences de presse. Il a rendu récemment ses conclusions et nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous disiez ce que ce rapport apporte de nouveau dans le débat sur la réforme des statuts de l’AFP et, plus largement, dans quelle mesure la réforme de l’Agence France-presse permettra de garantir son indépendance.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur Bernard Fournier, je rappellerai tout d’abord en quelques mots le contexte.

La loi du 10 janvier 1957 a doté l’AFP d’un statut sui generis : « organisme autonome doté de la personnalité civile », mais dépourvu de fonds propres et d’actionnaires. Ce statut permettait alors d’afficher une plus grande indépendance par rapport à l’État et d’accroître ainsi sa légitimité au niveau international.

Si ce statut a donné satisfaction pendant plusieurs décennies, il suscite aujourd'hui des interrogations concernant le développement et l’adaptation de l’Agence aux évolutions tant économiques que technologiques.

Dans ce cadre, le comité de réflexion sur l’avenir de l’AFP institué en décembre 2009 et coordonné par M. Pigeat a effectivement rendu ses conclusions en avril dernier.

Le comité préconise de conserver autant que faire se peut les termes de la loi du 10 janvier 1957. Il insiste surtout sur les moyens qui pourraient être donnés à l’AFP afin de redéfinir un projet d’avenir.

Une des principales recommandations du rapport Pigeat est de créer deux personnes morales distinctes, l’une chargée de veiller au respect des obligations fondamentales de l’AFP et de définir les grandes orientations de son activité, l’autre chargée d’exercer les activités commerciales de l’Agence, de la collecte de l’information à la vente de la dépêche ou de l’image.

Pour l’essentiel, la réforme législative envisagée porterait sur la composition du conseil d’administration, sous la forme d’un rééquilibrage entre les représentants de la presse écrite et ceux du secteur audiovisuel.

De même, le rapport Pigeat préconise d’associer plus étroitement encore la direction de l’information au sein de l’Agence à la gouvernance de cette dernière.

C’est avec le nouveau président-directeur général, Emmanuel Hoog, et après concertation avec les parlementaires que le Gouvernement étudiera les suites à réserver à ce rapport.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement est très attaché à l’indépendance absolue de l’Agence France-presse à l’égard des pouvoirs publics tant français qu’étrangers et, d’une manière plus générale, à l’égard de tout groupement idéologique, politique ou économique. Cette indépendance est un atout essentiel pour assurer sa crédibilité, notamment à l’international, en sus de la fourniture de l’information la plus exhaustive possible et digne de confiance.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.

M. Bernard Fournier. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse. J’ai noté en particulier les engagements que vous avez pris concernant l’indépendance de cette agence, à laquelle nous sommes particulièrement attachés.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour le groupe socialiste.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, la relation entre les médias et le pouvoir pèche aujourd’hui par trop de proximité. En deux ans, le Président Sarkozy a passé deux nœuds coulants au cou de l’audiovisuel public : d’abord, il accapare le pouvoir de nomination des PDG, aliénant leur indépendance et les chances du pluralisme ; ensuite, il compromet gravement le financement de France Télévisions en décidant « royalement » de supprimer en deux étapes la publicité.

Monsieur le ministre, persistez-vous à passer à la deuxième étape en 2011, alors que tout le monde, y compris dans votre majorité, s’interroge sur son opportunité ? Qui peut croire sérieusement que l’État sera, demain, en mesure de compenser par une dotation budgétaire accrue cette suppression des recettes publicitaires ? Vous n’y croyez pas vous-même !

Dans ces conditions, comment comptez-vous garantir les engagements pris à l’égard de la production originale ? Où en êtes-vous de la négociation avec Bruxelles s’agissant de l’attribution de nouvelles ressources ?

Enfin, alors même que le groupe France Télévisions s’efforce de bâtir son entreprise unique et de négocier une nouvelle convention collective, le Président de la République décide de changer l’équipe de direction. Une fois de plus, France Télévisions est privée de cette faculté de vivre la continuité que connaissent les grands groupes privés.

Le chef de l’État choisit de changer le cocher au milieu du gué, quel qu’en soit le coût pour l’entreprise. Faute de griefs clairement énoncés, on doit chercher l’explication ailleurs, à l’évidence dans la volonté permanente de Nicolas Sarkozy de mettre en place des personnalités à lui toutes dévouées et de satisfaire les appétits du secteur privé, comme c’est envisagé pour la régie publicitaire.

M. Bernard Fournier. Il ne s’agit absolument pas de cela !

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, confirmez-vous le départ, au terme de son mandat, de l’actuelle équipe dirigeante de France Télévisions ? Comment justifiez-vous ce changement, qui pèse depuis des mois sur le moral des personnels et met l’entreprise en suspens ? Surtout, quelles missions comptez-vous donner au futur nominé et en quoi différeront-elles de la mission assumée par l’équipe actuelle ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Guillaume. Très bonnes questions !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Madame la sénatrice Catherine Tasca, que de questions en une seule !

Je voudrais tout d’abord rappeler que la nouvelle procédure de nomination du président de France Télévisions met fin à un système hypocrite et qu’elle est assortie de nombreuses garanties. En effet, la nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu’après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et après avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles dans chacune des deux assemblées.

Force est de constater qu’avec cette nouvelle procédure de nomination l’indépendance des sociétés nationales de programme concernées n’est pas entamée, comme l’a d’ailleurs confirmé le Conseil constitutionnel.

Elle a été une première fois mise en œuvre avec la nomination de M. Jean-Luc Hees à la présidence de Radio France. Vous y avez d’ailleurs été associés, comme le prévoit la loi. Cette nouvelle procédure a donc fait ses preuves puisqu’elle a abouti à la nomination d’un professionnel aux compétences reconnues.

La même sérénité et le même sérieux entoureront le choix de la personne appelée à assurer la prochaine présidence de France Télévisions. Je ne saurais me montrer plus précis, la réflexion étant encore en cours.

J’ajouterai cependant deux observations personnelles.

En premier lieu, je suis en accord avec le Président de la République sur notre ambition pour la prochaine présidence de France Télévisions. Je suis déterminé à ce qu’un professionnel accompli conduise France Télévisions à évoluer vers la télévision du xxie siècle que nous appelons tous de nos vœux, tout en défendant les valeurs fondamentales d’excellence du service public.

En second lieu, je tiens à vous garantir que les parlementaires, notamment vous, mesdames, messieurs les sénateurs, seront étroitement associés à cette future nomination, qui représente un choix fondateur pour l’avenir de l’audiovisuel public.

En ce qui concerne la publicité, je veux rappeler ce que prévoit la loi, une loi votée il y a un an à peine, en mars 2009. La suppression totale de la publicité sur France Télévisions interviendra au moment où la France sera entièrement couverte par la TNT, c’est-à-dire à la fin de l’année 2011. Le choix du moment de l’extinction de la diffusion analogique, en novembre 2011, pour supprimer la publicité en journée sur France Télévisions ne résulte pas du hasard.

Avant cette suppression, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’impact de la fin de la publicité en soirée. Ce rapport doit être rendu au plus tard le 1er mai 2011.

Par ailleurs, je rappelle, s’il en est besoin, que le financement de France Télévisions est aujourd’hui assuré. L’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, finalisé et actuellement en cours de signature, indique le niveau de ressources publiques jusqu’en 2012. Ce niveau prend en compte le renchérissement lié à la suppression de la publicité, y compris entre 6 heures et 20 heures.

Il n’y a pas d’urgence, pour l’instant, à revenir sur ce que le législateur a voté voilà seulement un an. Les financements nécessaires pour France Télévisions sont prévus ;…

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. … le cadre législatif et réglementaire est clair ; il prévoit une légitime phase d’évaluation.

En ce qui concerne la procédure engagée par Bruxelles, tout est encore en discussion. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour la réplique.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le ministre, votre réponse montre que le Gouvernement ne change pas de cap. En vérité, nous non plus, et nous nous posons toujours les mêmes questions, car vos protestations de soutien à l’audiovisuel public ne sont pas convaincantes tant que durent les pressions incessantes de l’Élysée sur les rédactions et tant que les moyens financiers destinés à l’accomplissement de ses missions ne sont pas assurés.

Mme Catherine Tasca. Vous revenez de Cannes, monsieur le ministre, et vous avez pu constater que la plupart des films n’existent que grâce à la contribution des chaînes publiques. (M. le ministre acquiesce.) Or vous n’avez actuellement aucune clé budgétaire ou fiscale pour sécuriser le budget de France Télévisions, ni d’ailleurs celui des autres opérateurs publics ; je pense à Radio France, singulièrement à RFI.

Nous plaidons non pas pour une augmentation infinie des moyens,…

M. le président. Veuillez conclure, madame !

Mme Catherine Tasca. … mais pour une sécurisation de ce secteur.

Selon nous, l’audiovisuel public est un stabilisateur indispensable dans un paysage audiovisuel français en pleine mutation. C'est pourquoi nous n’approuvons pas la voie que la Président de la République a choisie pour une prétendue modernisation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe UMP.

M. Alain Fouché. Monsieur le ministre, ma question porte sur le contrôle des temps de parole des responsables politiques lors de leurs interventions sur les chaînes de télévision, à la radio, ainsi que dans la presse écrite.

Nous savons tous qu’un tel contrôle existe à l’échelon national, mais est-il effectué aux niveaux régional et local ? Quels types de contrôles le CSA exerce-t-il lors des périodes électorales et par quels moyens ? Quel est, par exemple, le bilan à cet égard des dernières élections régionales ?

Chacun d’entre nous est soucieux du respect de la liberté de la presse, mais le débat démocratique doit aussi respecter un certain équilibre, y compris hors période électorale, en particulier sur les antennes du service public, auquel nous sommes très attachés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet et nous communiquer des chiffres sur cette question, région par région ?

L’équilibre est indispensable pour une véritable transparence, pour une vraie démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, la mission de contrôle du pluralisme est exercée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Pour ce qui est du contrôle à l’échelon local, il est nécessaire de distinguer celui qui s’exerce en période électorale et celui qui s’exerce hors période électorale.

Hors période électorale, le contrôle du pluralisme local s’inspire des règles mises en place par le CSA pour contrôler le respect du principe de pluralisme politique à l’échelon national. Ce « pluralisme doit être assuré dans le traitement de l’actualité politique locale ou régionale en tenant compte des équilibres politiques locaux ou régionaux ».

À cet égard, les médias locaux exercent librement leurs activités et donnent accès aux antennes à l’exécutif et à la majorité régionales, sous réserve que le temps de parole de l’opposition ne puisse être inférieur à 50 % du volume correspondant aux interventions des représentants de la majorité.

En période électorale, l’obligation de respecter le pluralisme local demeure. Cependant, pour les propos strictement liés à l’échéance électorale, le CSA impose de respecter, en sus, le principe d’équité dans la présentation et l’accès aux antennes des candidats et de leurs soutiens. Il tient ainsi compte des résultats obtenus aux élections précédentes et de la dynamique de campagne pour apprécier la juste exposition à la radio et à la télévision des personnalités politiques concernées. Ce contrôle est effectué sur les temps cumulés pendant les six semaines précédant le premier tour, puis sur les temps de la semaine précédant le second tour.

Pour les élections régionales de 2010, le CSA a procédé à un examen complet des temps de parole le 15 février, puis le 15 mars et enfin le 22 mars. Les résultats constatés étaient conformes aux principes posés par le Conseil.

Au cours de cette période, le CSA a été saisi par plusieurs candidats – une trentaine –, qui ont protesté contre leur absence à tel ou tel débat, mais il est apparu que, sur la période analysée, leurs temps de parole répondaient en réalité à l’exigence d’équité.

Le Conseil examine régulièrement les relevés et peut sanctionner les éditeurs en cas de non-respect du principe de pluralisme politique. À l’échelon local, il effectue des contrôles ponctuels, soit directement, soit sur pièces en demandant aux chaînes de lui communiquer les relevés de temps de parole. Ces éléments et les positions du CSA sont accessibles à tous et publiés sur son site internet. Les dernières statistiques seront disponibles dans dix jours.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.

M. Alain Fouché. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. En vous posant cette question, je me faisais en vérité l’écho des interrogations d’un certain nombre de nos concitoyens, qui considèrent que l’équilibre politique doit être respecté tant à l’échelon national qu’à l’échelon régional.

Nous prendrons connaissance avec intérêt des statistiques du CSA dont la publication est attendue.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie pour l’ensemble de ces réponses.

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles consacrées au thème « Pouvoir et médias ».

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Nomination de membres d'organismes extraparlementaires

Mme la présidente. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Bruno Sido membre du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Je rappelle que la commission des finances et la commission des affaires sociales ont proposé respectivement des candidats pour siéger au sein du Conseil supérieur des prestations agricoles, en application de l’article 721-3 du code rural et de la pêche maritime.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Jean-Jacques Jégou et M. Jean-Marc Juilhard membres du Conseil supérieur des prestations agricoles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

9

Article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 3

Modernisation de l'agriculture et de la pêche

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Dans la discussion des articles, nous avons précédemment entamé l’examen de l’article 3.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 4

Article 3 (suite)

Mme la présidente. Je rappelle que, au sein de l’article 3, nous avons abordé l’examen de cinq amendements en discussion commune. Les deux premiers d’entre eux, les amendements nos 137 et 260 ont d’ores et déjà été présentés.

L'amendement n° 530 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Tropeano, Baylet et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Plancade, Chevènement, Mézard, Vall, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après la première phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les modalités de détermination du prix doivent garantir aux producteurs un prix qui couvre au moins les coûts de production incluant la rémunération du travail.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 531 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin et Chevènement, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Milhau, Mézard, Tropeano, Baylet, Plancade, Vall, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Après la première phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'ils sont conclus pour une période de plus de deux ans, ils comportent obligatoirement une clause de révision du prix pour tenir compte de l'augmentation éventuelle du prix des matières premières susceptible de bouleverser l'économie générale du contrat.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 136, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de détermination du prix doivent permettre d'obtenir un niveau de prix à la production au moins égal aux coûts de production incluant la rémunération du travail.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous abordons de nouveau la problématique évoquée précédemment, celle des prix couvrant les coûts de production.

En commission, nous avons été nombreux à plaider pour que la priorité soit donnée à des contrats collectifs au sein des interprofessions. Cependant, même dans ce cadre, l’asymétrie des relations commerciales, liée notamment au caractère périssable des produits agricoles et à l’extrême concentration des acheteurs – industriels ou distributeurs –, n’autorisera pas le réel renforcement du pouvoir de négociation des producteurs.

Dans ces conditions, la contractualisation ne permettra pas aux agriculteurs de tirer un revenu décent de leurs ventes, c’est-à-dire d’obtenir un prix de vente supérieur au prix de revient, de manière qu’il couvre les coûts de production et qu’il assure aussi une rémunération satisfaisante de leur travail.

Nous en avons eu récemment le triste exemple avec le prix du lait et les difficultés que rencontre l’interprofession laitière pour trouver un accord stable de commercialisation. Il est vrai que ces difficultés ont commencé à se faire sentir dès 2008.

Nous notons que les négociations interprofessionnelles sur le lait ne tiennent, chaque fois, qu’à un fil – c’est dire si l’équilibre est précaire ! – et que l’intervention de la puissance publique est nécessaire.

Les rapports sont, par ailleurs, déséquilibrés puisque, dans le secteur laitier, on dénombre 85 000 producteurs pour 200 acheteurs, dont les dix plus importants contrôlent 60 % de la collecte, et quatre centrales d’achat de la grande distribution qui contrôlent 70 % à 80 % des ventes.

Nous observons aussi que l’accord du 3 juin 2009, remis en cause dès le mois de mars dernier, puis finalement reconduit, n’est pas satisfaisant.

La négociation collective des prix doit donc se fonder sur les coûts de production. Dans cette optique, il convient de préciser, comme nous le proposons que « les modalités de détermination du prix permettent d’obtenir un niveau de prix à la production au moins égal aux coûts de production et incluant la rémunération du travail ».

Vous le constatez, monsieur le ministre, nous faisons preuve de pugnacité et de constance lorsqu’il s’agit de défendre nos convictions !

Vous déclarez vouloir assurer aux agriculteurs un revenu stable et décent. Cependant, si nous n’inscrivons pas clairement cet objectif de prix rémunérateurs ou de prix planchers dans l’article sur la contractualisation, le dispositif ne servira à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez déjà fait connaître l’avis de la commission sur l’amendement n° 137. Pouvez-vous maintenant le donner sur l’amendement n° 260, qui a été défendu tout à l'heure par M. Le Cam, ainsi que sur l’amendement n° 136, qui vient de l’être par M. Mirassou ?

M. Gérard César, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je ferai une réponse commune sur ces deux amendements, madame la présidente.

Nous sommes tous d’accord sur le principe : les prix agricoles fixés dans les contrats ne doivent pas être en dessous des coûts de production. Malheureusement, la mise en œuvre des dispositions proposées par nos collègues est quasiment impossible.

En effet, les prix à la production varient considérablement à la fois selon les exploitations et selon les années. Il est en outre difficile, dans le cadre d’une négociation commerciale, de parvenir, entre acheteur et producteur, à une vision partagée du coût de production.

Nous avons longuement débattu cet après-midi des prix de revient. Je suis désolé d’émettre un avis défavorable sur ces amendements, mais je rappelle que nous souhaitons renforcer l’Observatoire des prix et des marges. C’est à lui que reviendra la mission de fixer le prix moyen de production, secteur par secteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements restant en discussion ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Je ne reviendrai pas sur les arguments qui ont été avancés. M. Mirassou est constant dans son raisonnement; nous le sommes dans nos avis ! (Sourires.)

M. Charles Revet. C’est normal !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Avec la constance dont vous voulez bien nous créditer, monsieur le ministre, nous continuons à affirmer qu’il devrait être possible, au prix d’un peu d’imagination sémantique, de trouver une formulation qui permette de lever l’obstacle évoqué par M. le rapporteur afin d’inscrire – je le répète pour la 493ème fois (Sourires.) – cette précision dans la loi !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauconnier, pour explication de vote.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, il est temps de sortir de l’ambiguïté.

On nous a expliqué que la notion de contrat était l’élément le plus important de ce texte. Dès lors, on ne peut pas en rester aux généralités !

Depuis vingt-quatre ans, les agriculteurs ont été assaillis de documents et de textes : décembre 1986, ordonnance Balladur sur la limite de la vente à perte ; juillet 1996, loi Galland interdisant aux grandes surfaces de répercuter la totalité des prestations commerciales dans les prix de vente au consommateur ; mai 2001, loi relative aux nouvelles régulations économiques ; 2004, signature de l’accord Sarkozy – ne riez pas ! – aux termes duquel les industriels détenteurs de marques et les distributeurs s’engagent à faire baisser les prix ; février 2005, loi relative au développement des territoires ruraux, qui institue le coefficient multiplicateur ; sans parler des lois Chatel 1 et Chatel 2... On connaît le résultat !

Dois-je préciser, en réponse à vos commentaires, qu’entre-temps un ministre a fait, lui, de la régulation en instituant les quotas ? Je n’aurai pas la cruauté de rappeler la position de nos collègues de la majorité à cette époque ! Plus tard, le gouvernement Jospin a institué le contrat territorial d’exploitation, le CTE.

La preuve est donc faite que l’on peut établir de vrais et bons contrats, susceptibles de donner satisfaction aux agriculteurs.

Les agriculteurs sont fatigués d’être pris pour des naïfs !

Le Président de la République s’est rendu dans le Lot-et-Garonne il y a quelques jours. Les agriculteurs de ce département se souviennent qu’en 2004 un ministre des finances nommé Nicolas Sarkozy avait déclaré imposer aux industriels et aux distributeurs un accord prévoyant une baisse des prix grâce à un abaissement des tarifs des fournisseurs et à une diminution des marges arrière consenties aux distributeurs.

En 2005, votre prédécesseur de l’époque, monsieur le ministre, pour faire face à la crise de 2004, avait jugé qu’il convenait d’appliquer le fameux coefficient multiplicateur. Là encore, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler qui était le ministre des finances qui le lui a systématiquement refusé…

Dans le Lot-et-Garonne, Nicolas Sarkozy a fait toutes les promesses du monde, mais les seules bonnes nouvelles pour les agriculteurs étaient qu’il faisait beau ce week-end et qu’Agen est remonté dans le Top 14 ! (Sourires.)

M. Gérard César, rapporteur. Et que les fraises étaient excellentes ! (Nouveaux sourires.)

M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, il ne faudrait pas que la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche soit victime du « syndrome du Grenelle ».

Le Grenelle 1, texte quasiment poétique, a recueilli l’assentiment de chacun. Mais quand nous sommes passés aux travaux pratiques, avec le Grenelle 2, les choses se sont compliquées !

Cette LMA 1, qui énumère des généralités, fait consensus. Mais je ne voudrais pas qu’une LMA 2 fasse ensuite les agriculteurs cocus ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Rémy Pointereau. Ça peut arriver à tout le monde ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si plusieurs amendements ont été déposés sur ce sujet, c’est qu’il est essentiel.

Aujourd'hui, on le sait, des agriculteurs vendent à perte. C’est pourquoi nous voulons que la loi mette en place filet de sécurité permettant d’empêcher que cette situation se reproduise.

On nous dit que ce serait trop compliqué, notamment du fait de la diversité des prix. Quand, récemment, il a fallu sauver les banques, n’était-ce pas compliqué ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Dans quel accord européen, le sauvetage des banques était-il prévu ? Il a fallu inventer !

Notre agriculture, diverse et de qualité, ne mérite-t-elle pas la même mobilisation que les banques ? Ne vaut-elle pas que, tous ensemble, nous parvenions à lui offrir dans cette loi ce qui lui manque, à savoir non pas des prix administrés, comme cela a été dit par M. Raffarin tout à l’heure, mais des prix rémunérateurs, ce qui n’est pas la même chose.

Savez-vous ce que l’on fait pour éviter d’envisager une solution à un problème ? On la désigne par un terme péjoratif ! Ainsi, la seule expression de « prix administré » est revêtue d’un caractère péjoratif : c’est « l’administration » ! Alors, ce n’est plus la peine d’en parler !

Un de nos collègues me disait tout à l’heure que le kilogramme d’ail est vendu un euro par les producteurs de sa région, alors que le consommateur le paie huit euros dans le commerce. Le problème tient-il aux agriculteurs ? N’est-ce pas plutôt sur les circuits de distribution que nous devrions faire porter nos efforts pour trouver des marges, afin que notre agriculture puisse continuer à se développer tout en restant familiale ?

Chers collègues, le Parlement a voté la loi de modernisation de l’économie. Que n’avons-nous pas entendu à l’époque : cette loi devait régler la question du pouvoir d’achat ; il était donc inutile d’augmenter les salaires, car il suffisait de réduire les marges arrière ! Pour cela, il fallait simplement développer la concurrence, et donc augmenter le nombre des grandes surfaces. Bref, cette loi était censée régler tous les problèmes !

À mon sens, cette loi n’a fait avancer les choses que sur un point : la réduction des délais de paiement au bénéfice des petites et moyennes entreprises, qui a effectivement été favorable aux équipementiers automobiles, même si ces dispositions sont parfois contournées. En dehors de cela, le résultat est assez catastrophique : on a renforcé la loi de la jungle, et cette libéralisation, présentée comme la panacée, s’est traduite par une baisse du revenu de nos agriculteurs ; elle s’est faite contre eux !

En résumé, il serait bon que nous ayons le courage d’inscrire dans cette loi que nos agriculteurs ont droit à la garantie de prix rémunérateurs. Si nous ne le faisons pas, c’est que nous manquons de courage ! Si la loi n’énonce pas ce principe, elle ne servira à rien et nous nous retrouverons dans quelques années à débattre d’un nouveau projet de loi.

Comme le disait l’un de nos collègues, on ne compte plus les textes qui n’ont servi à rien alors qu’ils étaient pavés de bonnes intentions. L’heure n’est plus aux bonnes intentions, elle est aux actes : il s’agit de défendre notre agriculture, qui est cruellement menacée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Je ne voudrais pas qu’on laisse croire que, d’un certain côté de cet hémicycle, on n’est pas prêt à tout faire pour que les agriculteurs puissent vivre normalement de leur travail, que tous puissent bénéficier de prix rémunérateurs. De droite ou de gauche, nous voulons tous que les agriculteurs vivent du revenu de leur travail !

Les orateurs qui viennent de s’exprimer me rappellent cette chanson célèbre : Paroles, paroles !

Il se trouve que c’est un dossier que je connais particulièrement bien parce que je le suis – je peux même dire que je le vis – depuis des décennies.

Gardons-nous de promettre aux agriculteurs des prix rémunérateurs garantis si nous ne sommes pas en mesure de tenir cette promesse, car cela aurait le pire effet : faute de voir la loi que nous aurions votée pour les soutenir produire ce que nous avions proclamé, ils perdraient alors toute confiance !

La notion de prix rémunérateur varie considérablement d’une exploitation à l’autre, nous le savons tous. Aujourd’hui, nous avons parlé du lait : une partie de la production est destinée à la consommation, mais la France produit aussi quatre cents variétés de fromages. Nous savons bien que le prix rémunérateur sera différent selon la variété de fromage considérée !

De même, mes chers collègues, comment garantir le juste prix aux éleveurs de « veaux de huit jours » qui en élèvent trente ou quarante chaque année ? Vous leur annoncez un « prix rémunérateur », mais comment allez-vous le déterminer concrètement ? D’autant que le prix des veaux d’élevage va dépendre du prix de la poudre de lait destinée à les engraisser !

Il me semble que vous envisagez des mécanismes de fixation des prix qui ne sont pas réalistes. Aujourd’hui, si nous inscrivons dans la loi la garantie de prix rémunérateurs, nous ne parviendrons jamais à l’appliquer sur le terrain.

En revanche, je vous suis sur le problème de la répartition des bénéfices. Nous savons tous qu’un maillon de la chaîne profite beaucoup plus de la situation que les producteurs eux-mêmes !

M. Gérard Bailly. Ça, oui, c’est un vrai problème, et il faut tenter de le régler dans la loi. Il ne suffit pas de contrôler les marges : il faut aussi montrer du doigt ceux qui n’auront pas joué le jeu ; c’est capital pour permettre une meilleure répartition de la valeur ajoutée. Mais, je le répète, les prix sont forcément très différents d’une exploitation à l’autre.

Lors de la réunion de la commission, j’ai évoqué les problèmes posés par les importations d’ovins. Quand on sait que le prix de la viande de mouton importée de Nouvelle-Zélande est inférieur de 30 % à 40 % à celui de la viande produite chez nous, comment pourrait-on garantir un revenu à nos éleveurs de moutons si ce n’est par des compensations prenant en compte le rôle environnemental qu’ils jouent ? Ou alors, il faut interdire les importations ! Mais nous savons à quoi cela nous expose, notamment en termes de représailles !

Vous avez évoqué les CTE. Mais ces contrats prévoyaient-ils une garantie des prix ? Il n’y était même pas question des produits agricoles ! Et, aujourd'hui, vous nous faites l’apologie des CTE, alors que leur seul objet était d’apporter une compensation environnementale à certains modes de culture. Les nouvelles décisions prises pour l’herbe, dans le cadre de ce qu’on appelle « le bilan de santé de la PAC », devraient d’ailleurs aller dans ce sens. Mais les CTE que vous parez de tous les mérites n’ont jamais garanti un prix rémunérateur pour les produits.

M. Martial Bourquin. Ce n’était pas dans l’air du temps !

M. Gérard Bailly. Vous avez aussi parlé du Grenelle 2. Or ce texte se traduit par l’augmentation des charges pesant sur les agriculteurs. Par exemple, un de ses articles prévoit que, dès 2011, tous les produits présents sur les étals devront mentionner leur bilan carbone. C’est pourquoi je me suis abstenu sur cette disposition : je refusais que l’on impose des charges supplémentaires aux producteurs de notre pays tant que leurs concurrents d’Espagne, d’Allemagne et de tous les autres pays qui nous environnent ne les subiraient pas.

Depuis des années, on accable nos agriculteurs de charges et de contraintes administratives supplémentaires ; ils n’en peuvent plus ! C’est à cela qu’il faudrait porter remède, en réduisant leurs charges, de manière à accroître leur compétitivité !

Parallèlement, je l’ai dit, nous devons aussi travailler à une meilleure répartition des revenus entre la commercialisation et la production.

C’est en agissant dans ces deux directions que nous pourrons donner de l’espoir à notre agriculture ! (Applaudissements sur les travées de lUMP ainsi que sur quelques travées de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 137.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 260.

Mme Nathalie Goulet. Je profite de cette heure encore ouvrée pour intervenir, afin de ne pas reprendre la parole ce soir, à la fin de la discussion de cet article 3, quand le débat avancera peut-être un peu plus vite !

Nous parlons du droit des contrats. Dans une autre vie, j’ai obtenu un premier prix au concours général de droit civil grâce à un sujet portant sur les clauses abusives dans les contrats : le droit contractuel ne m’est donc pas totalement inconnu…

Bien que l’ensemble de cet hémicycle soit d’accord pour garantir un prix juste, je ne vois pas comment on pourrait insérer dans un contrat le principe d’une juste rémunération, alors que les prix des intrants et des matières premières varient : une telle clause serait absolument inapplicable !

En revanche, il vaut mieux que ce qui mérite d’être dit figure dans les conditions générales, y compris dans les conditions obligatoires. Sur ce point, je partage le souci des auteurs des amendements qui ont été discutés précédemment.

Souvenons-nous de la loi Scrivener et de l’apport de la jurisprudence dans ce domaine : il est absolument certain que l’on appliquera aux contrats réglant les relations entre producteurs et distributeurs le raisonnement mis en œuvre pour défendre les droits des consommateurs.

Les conditions obligatoires doivent être aussi précises que possible, mais les amendements proposant des dispositifs qui ne seraient pas applicables ne sauraient être insérés dans cet article, même si les débats ne laissent aucun doute sur notre intention à tous de garantir un juste prix des produits agricoles et une juste rémunération des agriculteurs.

Je tenais à faire ce rappel parce que nous légiférons : le texte que nous rédigeons devra être appliqué non seulement par un médiateur, mais aussi par des tribunaux, qui devront apprécier la validité des clauses du contrat. Notre responsabilité consiste également à libeller des amendements précis et applicables !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 260.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 136.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 207 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, B. Fournier, Bernard-Reymond, Juilhard, Amoudry, Alduy et Hérisson, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 13 à 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont obligatoires pour les productions faisant l’objet d’un accord interprofessionnel étendu. À défaut, ils sont rendus obligatoires par décret en Conseil d’État, après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et de FranceAgriMer.

II. - Alinéa 16

Remplacer les mots :

L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b fixe

par les mots :

L’accord interprofessionnel ou le décret mentionnés à l’alinéa précédent fixent

III.- Alinéa 18

Remplacer les mots :

l’accord interprofessionnel mentionné au a du I ou du décret mentionné au b du I

par les mots :

l’accord interprofessionnel ou du décret mentionnés au I 

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Tout d’abord, je souhaite dire à M. Bourquin que notre collègue et ami Jean-Pierre Raffarin n’a pas parlé que des prix administrés : il a aussi évoqué l’action à engager pour réduire les charges. M. le ministre a d’ailleurs insisté ensuite sur cet aspect de la problématique.

Quant à mon amendement, il vise à rendre obligatoire la contractualisation par filière pour les productions agricoles principales, structurantes pour le territoire – par exemple, dans les zones de montagne –, c’est-à-dire celles qui font l’objet d’un accord interprofessionnel étendu.

Le texte initial du projet de loi subordonne l’obligation de conclure des contrats de vente écrits à la publication d’un décret en Conseil d’État. Le texte de la commission fait dépendre cette obligation de l’extension d’un accord interprofessionnel, ce qui laisse de côté, me semble-t-il, les accords étendus déjà existants.

Cet amendement vise à rendre la contractualisation obligatoire par décret pour les productions dont l’interprofession ne fait pas l’objet d’un accord élargi. Dans ce cas, seraient préalablement consultés le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et agroalimentaire et FranceAgriMer, établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, créé le 1er avril 2009 et chargé de la gestion de l’ensemble des filières.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça va tout simplifier !

Mme la présidente. L’amendement n° 575 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Alfonsi, Baylet et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade et Vall, est ainsi libellé :

Alinéas 13, 14 et 15

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont obligatoires pour les productions faisant l’objet d’un accord interprofessionnel étendu, et à défaut, par décret en Conseil d’État, après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole, et de FranceAgriMer.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 264, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Au début de la semaine dernière, le chef de l’État a supervisé la signature d’un accord par les patrons des sept grands distributeurs hexagonaux. Encore un contrat qui risque de n’avoir aucune force contraignante…

Les termes de l’article 3 du projet de loi sont clairs : cet article n’institue pas des contrats obligatoires, il ne fait qu’inciter à la contractualisation. C’est pourquoi, si nous sommes satisfaits des avancées introduites par la commission, nous restons sceptiques quant à l’efficacité du dispositif.

Nicolas Sarkozy n’a pas tout à fait raison quand il affirme que « les affrontements entre les producteurs et la distribution, ça fait des dégâts et ça ne profite à personne ». Ces affrontements profitent en réalité aux transformateurs et aux distributeurs. Et ce n’est pas en produisant un droit flou que nous parviendrons à changer la donne !

Cet amendement de repli tend donc à rendre obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits.

Mme la présidente. L'amendement n° 660, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

au chapitre II du présent titre

par les mots :

aux articles L. 631-10, L. 632-3, L. 632-4 et L. 632-12

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. L'amendement n° 443, présenté par M. Deneux et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

au chapitre II

par les mots :

aux chapitres I et II

La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Nous nous sommes aperçus que l’alinéa 14, dans sa rédaction initiale, tendait à exclure certaines interprofessions existantes. Afin d’intégrer dans le projet de loi tout ce qui fonctionne aujourd’hui, nous proposons donc de mentionner, dans cet alinéa, les conditions définies au chapitre II, mais également au chapitre Ier du titre III du code rural. Ce dernier est suffisamment complexe pour qu’une telle erreur ait pu être commise…

Mme la présidente. L'amendement n° 661, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 15, seconde phrase

Remplacer les mots :

l'homologation

par les mots :

d'homologation

et les mots :

en application du

par les mots :

mentionné au

La parole est à M. Gérard César, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 207 rectifié, 264 et 443.

M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 661 tend à corriger une erreur grammaticale.

S’agissant de l’amendement n° 207 rectifié, je pense que M. le ministre en conviendra, nous pouvons confirmer que les accords qui existent à ce jour perdureront. Je propose donc à notre collègue Jacques Blanc de retirer son amendement, qui est satisfait.

L’amendement n° 264 vise à rendre la contractualisation obligatoire pour toutes les filières. Pour les raisons déjà exposées, l’avis est défavorable.

L’amendement n° 443 est satisfait par l’amendement n° 660 de la commission. Je demande donc à M. Deneux de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je crois effectivement que nous répondons à la préoccupation exprimée par M. Jacques Blanc au travers de l’amendement n° 207 rectifié. Nous avons prévu d’examiner les contrats existants et j’ai pris l’engagement, notamment pour les contrats engageant les coopératives, de maintenir ceux d’entre eux qui répondent aux règles fixées par la loi.

Nous émettons par ailleurs un avis défavorable sur l’amendement n° 264.

Je voudrais apporter quelques précisions à ce sujet, car cet amendement rejoint des préoccupations qui ont précédemment été formulées.

Premièrement, si l’on veut laisser une latitude aux interprofessions, il faut évidemment prévoir un système à deux étages. Les contrats peuvent être rendus obligatoires du fait d’un accord interprofessionnel. Ensuite, si les interprofessions n’ont pas rempli leur office, le Gouvernement peut les rendre obligatoires par décret. J’ai d’ores et déjà pris l’engagement que, pour les filières des fruits et légumes et du lait, ce serait fait avant la fin de l’année 2010.

Deuxièmement, il a fort justement été souligné tout à l’heure que les filières n’étaient pas toutes dans une situation identique. Certaines difficultés et attentes particulières, notamment dans le domaine de l’élevage, justifient qu’on laisse une marge de manœuvre.

Nous exprimons un avis favorable sur les amendements rédactionnels nos 660 et 661.

Enfin, il me semble que l’amendement n° 660 de M. le rapporteur répond à la demande formulée au travers de l’amendement n° 443, dont je demande, par conséquent, le retrait.

M. Marcel Deneux. Il va de soi que je le retire, madame la présidente, étant précisé que l’amendement de M. le rapporteur n’existait pas au moment où je l’ai déposé.

Mme la présidente. L'amendement n° 443 est retiré.

Monsieur Blanc, l'amendement n° 207 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Cet amendement étant satisfait, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 207 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 264.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 660.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 661.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 514, présenté par M. Miquel, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après le mot :

fixe

insérer les mots :

, après avis du conseil spécialisé compétent de FranceAgriMer 

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 135 est présenté par M. Repentin, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 331 est présenté par Mme David, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 576 rectifié est présenté par MM. Fortassin et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall, Alfonsi, Baylet et Milhau.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Remplacer le mot :

un

par le mot :

trois

La parole est à M. Martial Bourquin, pour présenter l’amendement n° 135.

M. Martial Bourquin. Cet amendement vise à fixer, pour le contrat, une durée minimale de trois ans, au lieu d’un an.

En effet, il faut garder à l’esprit que les investissements réalisés en agriculture nécessitent, de manière générale, un temps d’amortissement assez long et que la stratégie de développement des producteurs exige un minimum de visibilité et de certitude quant aux revenus escomptés de l’exploitation.

Par ailleurs, les décisions de mise en culture ou de rotation des cultures se prennent sur plusieurs années.

Enfin, une vache, par exemple, doit être élevée pendant trois ans en moyenne avant de produire du lait.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 331.

Mme Annie David. Dans un contexte marqué par la dérégulation des marchés agricoles, dérégulation engagée par l’Organisation mondiale du commerce et favorisée par la forte volatilité des prix ainsi que par une rude concurrence internationale, le délai d’une année nous paraît bien trop court pour permettre aux producteurs de mener une stratégie de développement exigeant un minimum de visibilité et de certitude quant aux revenus escomptés de l’exploitation.

La contractualisation reste un outil commercial dans la mesure où elle se substitue à une gestion publique de régulation des marchés et, à ce titre, ne peut donc que nous laisser sceptiques. Il reste que son objectif premier est tout de même de sécuriser les agriculteurs. Or, de notre point de vue, cet objectif ne peut être atteint dans un délai aussi court, en particulier, je le précise, dans les zones de montagne.

Monsieur le ministre, lorsque vous vous êtes exprimé, en début d’après-midi, sur l’article 3 du projet de loi, donc sur les prix rémunérateurs qui sont au cœur des contrats de vente, vous avez dit quelque chose qui m’a particulièrement inquiétée : vous avez en effet déclaré ne pas pouvoir assurer des prix rémunérateurs aux agriculteurs, sauf à recourir à une baisse des charges pour améliorer leur compétitivité. C’est donc que vous ne répondrez pas, hélas ! à la revendication unanime du monde agricole.

En tant que membre de la commission des affaires sociales, j’interviens rarement dans les débats portant sur des sujets qui relèvent essentiellement de la commission de l’économie. Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, de faire référence à la notion de chef d’entreprise, puisque nos agriculteurs sont des chefs d’entreprise. Eh bien, je ne connais pas de chef d’entreprise qui accepterait de travailler sans rémunération ou pour un revenu qui ne correspondrait pas à l’ampleur du travail qu’il accomplit pour son entreprise.

Cette analogie permet, me semble-t-il, de mesurer toute l’importance de cette notion de prix rémunérateur, qui doit être au cœur du dispositif de l’article 3.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Milhau, pour présenter l'amendement n° 576 rectifié.

M. Jean Milhau. L’agriculture exigeant des cycles de production le plus souvent annuels et des investissements généralement importants, nous considérons qu’il faut apporter une sécurité aux producteurs en donnant une durée minimale de trois ans aux contrats qui pourront être conclus. Cela assurera une relative stabilité des prix et donnera aux producteurs une réelle visibilité sur leurs revenus, ainsi qu’un délai suffisant pour amortir des investissements assez lourds.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Le projet de loi tend à prévoir que la durée des contrats peut aller d’un an à cinq ans. Il faut laisser aux interprofessions le soin de fixer plus précisément la durée adéquate. Il ne nous semble donc pas judicieux de porter la limite inférieure à trois ans et notre avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Il est également défavorable.

Je souhaiterais faire deux remarques sur ce point.

Tout d’abord, madame David, comprenons-nous bien : nous souhaitons tous que les coûts de production soient couverts. Mais je ne veux pas inscrire dans la loi des promesses qui ne pourront pas être tenues. Prétendre, avec les meilleures intentions du monde, qu’un prix rémunérateur sera garanti à tous les producteurs de France parce que le législateur l’a décidé, c’est tout simplement vendre du vent, jouer au marchand d’illusions !

En revanche, la mise en place d’instruments économiques offrant la meilleure performance possible, d’ailleurs grâce aux améliorations apportées ici même par différents groupes, et permettant de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs, notamment vis-à-vis des industriels et des distributeurs, me semble constituer une base nettement plus solide.

Par ailleurs, s’agissant précisément de la durée des contrats, je vois bien l’intention présente derrière les amendements qui viennent d’être défendus. Je tiens simplement à insister sur les différences existant entre les filières.

Nous proposons une fourchette de un à cinq ans. Pour les filières nécessitant des investissements lourds, la filière laitière par exemple, je souhaite que les contrats soient le plus longs possible. À l’inverse, dans une filière comme celle des fruits et légumes, les producteurs eux-mêmes estiment qu’une durée d’un an est préférable : c’est ce qu’ils ont indiqué à la mission du Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux chargée d’élaborer un rapport sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Voilà pourquoi nous avons retenu cette fourchette assez large.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Cette question de la durée des contrats est importante. Certes, l’agriculture présente à certains égards les caractéristiques d’une industrie lourde, dans la mesure où l’on ne peut pas rapidement passer d’un type de production à un autre, mais plusieurs arguments s’opposent à une durée minimale de trois ans pour ces contrats.

Prenons un exemple que les citoyens de ma région connaissent bien : le comté. Aujourd’hui, le système fonctionne assez bien, le prix du lait étant attractif. Cependant, si l’on propose à nos affineurs, à nos vendeurs de comté ou à nos coopératives une contractualisation sur trois ans, ils l’accepteront, mais à des tarifs inférieurs de 10 % ou 15 %, car ils ne pourront rien garantir quant à l’évolution de la conjoncture à trois ans.

Du reste, une coopérative qui s’engagerait sur trois ans prendrait le risque, en cas de conjoncture défavorable au niveau européen ou mondial, faute de pouvoir respecter le contrat, de devoir déposer son bilan.

Le projet de loi tend à fixer une durée allant de un à cinq ans, ce qui laisse une marge de manœuvre selon les productions ou la volonté des contractants. Pour prendre l’exemple de la filière du bétail, ce n’est pas en obligeant les intéressés à s’engager dans un contrat de trois ans, sur la base des prix actuels, que les problèmes seront réglés !

L’important, c’est de laisser la possibilité de s’adapter à la conjoncture et, de ce point de vue, une durée minimale de trois ans ne serait pas une bonne solution.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135, 331 et 576 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 261, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Rédiger comme suit cet alinéa :

« Les produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet d’aucun retour au producteur. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’article 3 donne la possibilité d’instaurer par décret une obligation de contrats écrits pour les ventes de produits agricoles entre producteur et premier acheteur.

Sur le fond, nous considérons que cette mesure ne permettra pas fondamentalement de renverser les rapports de force, notamment, comme nous l’avons déjà souligné, pour la simple et bonne raison que ces contrats sont facultatifs. Pour autant, il nous semble nécessaire de renforcer les clauses types qui devront y figurer.

Par cet amendement, nous souhaitons, en lieu et place de dispositions redondantes avec la législation actuelle, en particulier l’article L. 441-2-1 du code de commerce, que soit affirmé dans le contrat que les produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet d’un retour au producteur.

Dans les faits, on ne peut que déplorer une telle pratique. Il arrive que le producteur livre la marchandise et qu’ensuite l’acheteur essaie de lui en rendre une partie s’il n’a pas tout vendu. Voilà qui témoigne, selon nous, d’un déséquilibre profond dans le rapport de force, au profit des acheteurs.

De plus, une telle disposition entre parfaitement, nous semble-t-il, dans le cadre des objectifs fixés par le présent article, lequel entend, au travers des contrats, sécuriser les relations entre les producteurs et les acheteurs.

C’est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La commission a jugé qu’il s’agissait d’un amendement intéressant… (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard César, rapporteur. Une fois de plus, dirais-je plutôt ! (Sourires.)

M. Didier Guillaume. Ils sont tous intéressants !

M. Gérard César, rapporteur. Mais,…

M. Marc Daunis. Mais, une fois encore… (Nouveaux sourires.)

M. Gérard César, rapporteur. … comme chacun le sait, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement.

Pour tout vous dire, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, j’estime que le retour des produits au producteur est extrêmement gênant, surtout pour ce qui concerne les denrées périssables.

C’est la raison pour laquelle j’aimerais entendre M. le ministre sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Charles Revet. Ce n’est pas tâche aisée !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ce n’est pas un sujet facile, monsieur Le Cam… (Sourires.)

M. Gérard Le Cam. On peut y réfléchir !

M. Bruno Le Maire, ministre. Comme sur tout sujet qui mérite réflexion, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Il s’agit là d’une mesure de bon sens, conforme à l’esprit fondamental de ce projet de loi, à savoir le renforcement des pouvoirs du producteur.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(L’amendement est adopté.)

M. Paul Raoult. Un miracle !

Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 203 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, B. Fournier, Bernard-Reymond, Juilhard, Amoudry, Bailly, Alduy, Hérisson et Gouteyron, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales compétentes peuvent promouvoir la contractualisation par la mise en place de dispositifs incitatifs à destination des filières organisées sur leurs territoires, répondant ainsi à des considérations d’aménagement du territoire.

La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Vous voyez, mes chers collègues, le Sénat, dans sa sagesse, a su montrer tout l’intérêt qu’il porte à l’agriculture et aux agriculteurs ! Personne n’a le monopole de la défense de leurs intérêts ! Ayant pris conscience de la nécessité d’agir, nous sommes tous mobilisés sur ce texte proposé par le Gouvernement, qui met en exergue l’importance de la contractualisation.

Pour avoir été président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, une région qui connaît des difficultés dans les domaines de la viticulture, de l’élevage ou des fruits et légumes, j’ai pu mesurer combien il était possible pour les collectivités de lancer ou d’encourager les politiques de développement.

Cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales compétentes en matière de développement économique d’apporter, sur la base, bien sûr, du volontariat, une contribution valorisante à la contractualisation des filières organisées en liant au dispositif leur propre démarche d’aménagement du territoire.

Quand on habite dans des zones de montagne, on sait l’importance d’aider les filières en favorisant la contractualisation. Mon expérience de terrain m’a conduit à mettre cette proposition noir sur blanc.

Ainsi, les collectivités qui le souhaitent pourront favoriser la contractualisation, laquelle contribuera, elle-même, à l’aménagement du territoire.

Mme la présidente. L’amendement n° 577 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Milhau, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les conseils régionaux et les conseils généraux, s’ils en font la demande, peuvent promouvoir les contrats souscrits localement pour y insérer des aides incitatives répondant à des considérations d’aménagement du territoire.

La parole est à M. Jean Milhau.

M. Jean Milhau. Cet amendement étant quasiment identique à l’amendement n° 203 rectifié, nous considérons qu’il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Jeudi et vendredi derniers, nous avons eu un long débat, fort intéressant, au sujet du code des marchés publics.

Si je me souviens bien, M. le ministre s’est engagé à considérer la question des collectivités territoriales au regard de ce code, concernant notamment le problème de la restauration scolaire.

Je rappelle que le contrat entre un agriculteur et son acheteur est un contrat de fourniture de biens. Les collectivités, lorsqu’elles sont acheteuses, devront se conformer aux clauses types, prévues par décret. En cas d’accord interprofessionnel, rien n’interdit qu’elles en respectent aussi les dispositions, même si elles ne font pas partie des interprofessions.

Dans les autres cas, lorsque les collectivités ne sont pas acheteuses, leur intervention est plus difficile. Elles peuvent cependant favoriser la pratique contractuelle en conditionnant certaines aides, mais elles ne sauraient être parties à un contrat dont elles ne seront pas l’un des exécutants.

Dans ces conditions, je vous demande donc, cher Jacques Blanc, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable. Cet avis vaut aussi pour l’amendement n° 577 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements pour les raisons communautaires avancées par M. le rapporteur.

Je pense, cher Jacques Blanc, que le texte répond déjà à vos interrogations. Si nous prévoyons dans la loi que les collectivités territoriales peuvent suggérer, recommander ou imposer un contrat, nous entrons dans le cadre des aides d’État et pouvons être sanctionnés à ce titre en vertu du droit communautaire. Mieux vaut donc s’en tenir au dispositif actuel.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Je me demande si je me suis bien exprimé…

M. Gérard César, rapporteur. Comme toujours !

M. Jacques Blanc. En l’occurrence, ce n’est peut-être pas le cas !

M. Thierry Repentin. En tout cas, vous n’avez pas été bien compris ! (Sourires.)

M. Jacques Blanc. Tout cela est compliqué.

Il n’est pas question pour moi de demander que les collectivités territoriales soient parties prenantes aux contrats. Je souhaite simplement préciser clairement qu’elles auront la possibilité de favoriser la contractualisation des filières organisées sur leurs territoires.

Il ne s’agit là que d’une incitation.

M. Gérard César, rapporteur. Cela existe déjà !

M. Jacques Blanc. Si c’est déjà possible…

M. Gérard César, rapporteur. Mais oui !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cher Jacques Blanc, vous avez été extraordinairement explicite dans la rédaction de votre amendement, en prévoyant la mise en place de dispositifs incitatifs à destination des filières.

Je reconnais votre attachement à la montagne en général et à la Lozère en particulier. Mais, votre proposition sous-tend le versement d’une aide d’État. Certes, les collectivités territoriales méritent toute notre considération et notre soutien, mais elles ne peuvent être aidées ainsi directement, car nous serions immédiatement sanctionnés par les autorités européennes.

Je le répète, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Monsieur Blanc, l’amendement n° 203 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Blanc. Je le retire, madame la présidente, car je ne veux pas aller à l’encontre de l’avis du Gouvernement. Toutefois, nous devons réfléchir aux moyens d’aider les collectivités territoriales désireuses d’encourager les filières organisées sur leurs territoires à recourir à la contractualisation, sans que cela soit automatiquement perçu comme une aide d’État qui fausserait la concurrence.

Mme la présidente. L’amendement n° 203 rectifié est retiré.

Monsieur Milhau, l’amendement n° 577 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Milhau. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 577 rectifié est retiré.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 662, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 20

Après le mot :

producteur

insérer les mots :

, l’opérateur économique mentionné au I

II. – Alinéa 24, première phrase

Après le mot :

producteur

insérer les mots :

ou opérateur économique mentionné au I de l’article L. 631-24

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Mme la présidente. L’amendement n° 334, présenté par M. Biwer, est ainsi libellé :

Alinéas 24 et 25

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 631-25. - L’accord interprofessionnel mentionné au a ou le décret mentionné au b du I de l’article L. 631-24, fixe le régime de sanction applicable en cas de défaut de proposition de contrat écrit par l’acheteur, lorsqu’elle a été rendue obligatoire dans les conditions mentionnées à l’article L. 631-24, ou en cas de non-conformité aux dispositions contractuelles prévues au même article.

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. En cohérence avec le principe de subsidiarité défini au nouvel article L. 631-24 du code rural, le régime de sanction, que j’ai déjà évoqué tout à l’heure en m’exprimant sur l’article, peut être prévu par un accord interprofessionnel étendu ou homologué ou, à défaut, par un décret pris en Conseil d’État.

Dans le cadre d’un accord interprofessionnel rendant obligatoire la conclusion de contrats de vente écrits, il peut être prévu un régime de sanction associé. Ainsi, il revient à chaque filière de prendre la responsabilité de déterminer les sanctions adaptées au défaut de proposition de contrat écrit ou de non-conformité aux dispositions contractuelles prévues à l’article L. 631-24 du code rural.

En clair, il s’agit, par la loi, de sanctionner tout manquement d’une amende administrative, dont le montant peut aller jusqu’à 75 000 euros.

Pour ma part, je considère que, pour prévenir tout abus, l’interprofession pourrait fixer le régime de sanction d’une manière plus réaliste en évitant ce couperet, qui n’est tout simplement que la résultante de l’application de la loi, tout en rétablissant le dispositif – même si celui-ci n’est peut-être pas toujours parfait ! – conformément à la règle en vigueur.

Mme la présidente. L’amendement n° 262, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

Après les mots :

dont le montant

rédiger ainsi la fin de cette phrase : 

est au moins égal à deux fois la valeur commerciale des produits concernés

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous l’avons dit, la somme des contrats conclus entre les producteurs et les acheteurs ne peut aboutir à une maîtrise des volumes, et donc à une véritable politique publique agricole. De plus, un contrat symbolise un rapport de force, qui est ici à la défaveur des producteurs. En effet, ce type de contrat existe déjà dans plusieurs filières. Pourtant, une telle mesure n’est pas de nature à assurer à ces derniers une bonne rémunération.

Cependant, si le fait de rendre obligatoire la conclusion d’un contrat ne constitue pas l’alpha et l’oméga d’une politique nationale agricole – ce qui est, malheureusement, le cas pour le Gouvernement ! –, cela marque tout de même une avancée.

Pour autant, afin de garantir aux paysans la viabilité des contrats, il est nécessaire de réunir plusieurs conditions.

Tout d’abord, il ne faut laisser aucun paysan sur le bord de la route ; ensuite, le mode de fixation des prix doit faire référence à l’Observatoire des prix et des marges ; enfin, il importe que l’engagement de l’État dans la maîtrise des volumes garantisse l’équité dans le rapport de force.

Mais, surtout, les expériences actuelles de contractualisation montrent que, le rapport de force étant ce qu’il est, les acheteurs ne sont nullement tenus de respecter ces contrats sur le fond et la forme.

Ainsi, par notre amendement, nous voulons renforcer la sanction du dispositif prévu à l’alinéa 24 de l’article 3. Dans sa rédaction actuelle, la sanction ne peut être supérieure à 75 000 euros par producteur et par an, sans qu’il soit aucunement fait référence à la valeur commerciale des produits contractualisés.

Afin de rendre dissuasive toute atteinte à la formation des contrats, et donc de rééquilibrer le rapport de force en présence, nous proposons de fixer une amende dont le montant serait au moins égal à deux fois la valeur commerciale des produits concernés.

Mme la présidente. L’amendement n° 263, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 24, première phrase

À la fin de cette phrase supprimer les mots :

et par an

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Le présent article crée, au sein du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural, une nouvelle section intitulée « Les contrats de vente de produits agricoles »

Il s’agit, avec la création de trois nouveaux articles, de poser le principe de contrats écrits dits obligatoires entre producteurs et acheteurs et d’exprimer ainsi, par cette formalisation, la volonté de sécuriser juridiquement les relations entre les parties en présence. Je dis « obligatoires », car cette obligation sera définie ultérieurement par le Gouvernement, ainsi que vous l’avez indiqué précédemment, monsieur le ministre.

Nous comprenons cette aspiration, même si nous pouvons d’ores et déjà craindre que la seule présence de ces contrats ne permettra pas de rééquilibrer le rapport de force, ni même de garantir des prix rémunérateurs.

Avec nos différents amendements, nous souhaitons renforcer le dispositif de sanction, ainsi que les obligations pesant sur l’acheteur.

Pour cette raison, nous demandons ici que la sanction définie à l’alinéa 24 – infliger aux acheteurs ne proposant pas de contrat ou présentant un contrat non conforme aux clauses types une amende administrative de 75 000 euros maximum par producteur – ne subisse aucune limitation temporelle. Pour l’instant, ce montant est considéré comme un plafond annuel.

À nos yeux, une telle disposition est de nature à favoriser les gros acheteurs, qui, je le précise, ne sont liés à aucune obligation limitative concernant le nombre de contrats signés. En revanche, leurs sanctions financières seraient plafonnées !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 334, nous rappelons, comme l’a fait plusieurs fois M. le ministre cet après-midi, que, aux termes du texte, le contrat peut être rendu obligatoire soit par l’interprofession, soit par décret.

L’application d’un régime de sanction différent de celui qui résulte de la non-exécution d’un accord interprofessionnel paraît logique. Cependant, la portée d’accords interprofessionnels prévoyant des sanctions différentes de celles qui s’appliquent de plein droit au titre de l’article L. 631-25 du code rural pourrait être affaiblie.

Il convient donc de conserver un régime de sanction unifié applicable en cas de défaut de contrat, que ce défaut viole le décret ou un accord interprofessionnel. Dans ce cadre, le montant de l’amende ne peut être supérieur à 75 000 euros par producteur et par an, ce qui constitue déjà, selon moi, une sanction lourde. Prévoir plusieurs possibilités de pénalités risquerait de rendre difficile l’application du contrat.

Je vous demande donc, monsieur Biwer, de bien vouloir retirer cet amendement.

L’amendement n° 262 vise à renforcer les sanctions en cas d’absence de contrat. Or, je viens de l’indiquer, celles qui sont prévues à l’alinéa 24 sont déjà suffisamment importantes. Puisqu’elles s’appliqueront pour chacun des producteurs avec lesquels l’acheteur n’aura pas contracté, il ne me semble pas justifié de les alourdir. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 263, il vise à introduire une insécurité juridique dans le régime de sanction. Il paraît en effet difficile d’appliquer plusieurs fois par an la sanction en cas de défaut de contrat. La commission est donc défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable aux amendements nos 334, 262 et 263.

Je rappelle simplement que l’alinéa 24 de l’article 3 est extraordinairement précis sur les sanctions prévues au cas où un acheteur ne remettrait pas une proposition de contrat écrit lorsque celui-ci a été rendu obligatoire.

Si je comprends parfaitement les intentions de M. Biwer, qui sont tout à fait louables, j’estime cependant que l’objet de l’amendement n° 334 est satisfait par cet alinéa. Il en va de même pour les amendements nos 262 et 263 défendus par M. Le Cam.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 662 présenté par la commission.

Mme la présidente. L’amendement n° 334 est-il maintenu, monsieur Biwer ?

M. Claude Biwer. Je comprends bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vos arrière-pensées dans ce domaine…

M. Gérard César, rapporteur. Il n’y a que des pensées, pas d’arrière-pensées !

M. Claude Biwer. ... pour essayer de trouver un équilibre convenable de nature à favoriser la commercialisation des produits en question. Néanmoins, puisque vous semblez vouloir tout régler par la loi, je regrette presque de ne pas avoir déposé un amendement pour fixer par avance la liste des jours ensoleillés dans l’année !

Le monde agricole a besoin d’un certain équilibre. En l’espèce, la rédaction actuelle du texte ne me convient pas. Par conséquent, je maintiens cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 662.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 334 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l’amendement n° 262.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 263.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 139, présenté par MM. Cazeau et Bérit-Débat, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Antoinette, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après les mots :

commission de médiation 

insérer les mots :

placée sous l’autorité de l’État

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement, cosigné notamment avec Bernard Cazeau, mon collègue de Dordogne, est soutenu par l’ensemble du groupe socialiste.

L’offre alimentaire française constitue par sa qualité, son abondance et sa diversité, particulièrement en Dordogne, une composante essentielle du patrimoine historique et culturel. L’agriculture n’a pas ainsi pour seule fonction de produire des aliments au moindre coût : elle fait vivre des territoires et contribue à la qualité de l’environnement, cela a été souligné lors des interventions précédentes.

Pour autant, les réussites d’hier ne doivent pas conduire à l’immobilisme. La politique agricole est à reconsidérer à l’aune du nouveau contexte mondial et des nouvelles demandes de la société française.

M. Gérard César, rapporteur. Ce n’est pas le bon argumentaire, mon cher collègue !

M. Claude Bérit-Débat. Mais si ! Permettez-moi de faire une présentation large de la problématique ! Vous savez, en Dordogne, « pays de l’homme », on va chercher très loin nos racines, y compris dans l’agriculture ! (Sourires.)

Dans cette optique, travaillons d’abord à légitimer l’intervention publique dans ce secteur stratégique et spécifique. Dans l’agriculture, l’offre ne s’ajuste à la demande qu’au prix d’une volatilité des cours, désastreuse pour les consommateurs les plus pauvres et dévastatrice pour les agriculteurs et les emplois agroalimentaires ; le marché ne peut donc pas tout faire !

Ajoutons à ce constat les enjeux du développement et de l’écologie : l’absence de régulation en la matière serait tout bonnement irresponsable. L’agriculture doit redevenir un outil au service de l’économie, indispensable certes, mais non tourné exclusivement vers l’enrichissement sans fin de quelques enseignes. Le monde agricole est excessivement spéculatif ; tout est fait pour le court terme, et ce au bénéfice des plus gros distributeurs.

Ainsi, sous prétexte de sortir de la crise, sont prévues dans cet article des mesures inadaptées, qui risquent de prolonger les difficultés.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Claude Bérit-Débat. Ainsi en est-il de l’instauration d’une commission de médiation chargée des relations entre les producteurs et les vendeurs, encore trop timorée à nos yeux. À terme, une telle discrétion ne pourra qu’aggraver les problèmes.

En définitive, sauver l’agriculture, c’est revenir à une véritable éthique sociale, malmenée par le laisser-faire. Or une telle instance, selon la rédaction qui nous est proposée, sera amenée à se comporter comme si elle avait déjà renoncé à maîtriser des mutations qu’elle devra pourtant gérer à l’avenir. À cet égard, l’interventionnisme préconisé ici peut se définir comme le droit de la collectivité à protéger les plus faibles contre les plus forts. Affirmer que cette commission de médiation sera sous l’autorité de l’État, c’est faire le choix des premiers contre les seconds.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Mon cher collègue, pour présenter cet amendement, vous avez fait un détour par l’histoire, et même la préhistoire, de la Dordogne ! (Sourires.) Mais je vous comprends, tant il est vrai que ce département est d’une grande richesse en la matière !

Lors du débat d’orientation sur l’agriculture devant la commission de l’économie le 28 avril dernier, ouvert, je le précise, à tous les sénateurs, M. le ministre nous a indiqué que la commission de médiation serait présidée par un haut fonctionnaire. Il est en effet nécessaire qu’elle se situe en dehors des parties au contrat.

Dans la mesure où votre amendement me semble satisfait par les intentions gouvernementales, que M. le ministre aura le loisir de confirmer dans un instant, la commission vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Après cette longue échappée, fort agréable d’ailleurs, en Dordogne, je tiens à préciser certains points qui figureront dans le décret : la commission de médiation – si c’est bien l’appellation qui sera finalement retenue, mais nous aurons à en discuter – sera paritaire, composée de représentants de l’administration et de représentants professionnels, et placée sous l’autorité de l’État.

Je vous demande donc, monsieur Bérit-Débat, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme la présidente. L’amendement n° 139 est-il maintenu, monsieur Bérit-Débat ?

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, je n’ai pas dû lire le même texte que vous ! Où est-il inscrit que cette commission sera placée sous l’autorité de l’État ? Il n’est précisé nulle part par qui elle sera présidée !

Bien que je sois plutôt enclin à vous faire confiance, je préfère tout de même maintenir mon amendement. Nous verrons ainsi comment nous nous départagerons, après ce détour par le Périgord et la Dordogne !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Comprenant tout à fait que notre collègue souhaite avoir des précisions, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que la présidence de la commission de médiation sera bien confiée à un haut fonctionnaire ? Au demeurant, nous reviendrons sur cette question tout à l’heure, lors de l’examen d’un amendement déposé par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux bien, pour faire avancer le débat, prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, que cette commission, quelle que soit, je le répète, l’appellation qui sera finalement retenue, sera présidée par un haut fonctionnaire et non par une haute personnalité. Cette précision figurera dans le décret.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat

M. Claude Bérit-Débat. Je vous donne acte, monsieur le ministre, de votre engagement, et je retire donc cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 139 est retiré.

L’amendement n° 648, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Compléter cet alinéa par les mots :

après avis des interprofessions concernées

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous, appartenant notamment au groupe de l’Union centriste, ont fait part de leur préoccupation au sujet de la médiation dont il vient d’être question. Ils s’inquiètent de ce qu’elle puisse être mise en œuvre sans l’avis des interprofessions concernées.

Jugeant cette remarque pertinente, le Gouvernement propose d’ajouter, à la fin de l’alinéa 20, les mots « après avis des interprofessions concernées », afin que la médiation puisse bien associer les professionnels à la discussion.

Si cet amendement était adopté, nous proposerions, dans le cours de la discussion, de supprimer l’alinéa 6 de l’article 7, qui prévoit de confier aux organisations professionnelles un éventuel rôle de médiation.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 679, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1 de l’amendement n° 648

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

I. - Alinéa 20

Remplacer les mots :

une commission de médiation dont la composition et

par les mots :

un médiateur dont

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Nous avons toujours considéré que le contrat présentait des avantages et une amélioration sensible apportée à la commercialisation des produits. Nous estimons toutefois que l’on peut encore aller plus loin. Il nous paraît en effet essentiel, lors de la conclusion d’un contrat entre des parties qui n’ont ni la même force, ni la même organisation, ni les mêmes moyens, ni, parfois, les mêmes objectifs, qu’un médiateur puisse intervenir, plutôt que de risquer d’aller jusqu’à la rupture qui ferait exploser le contrat en vol.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous proposons de sous-amender l’amendement n° 648, pour revenir quasiment au texte initial. Il s’agit, à l’alinéa 20, de remplacer les mots « une commission de médiation dont la composition et » par les mots « un médiateur dont ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous sommes favorables à ce que la commission de médiation soit remplacée par un médiateur. Au travers de ce sous-amendement, l’objectif du groupe de l’Union centriste et en particulier de Daniel Dubois est de renforcer le rôle de la médiation, ce qui nous paraît tout à fait opportun.

Je précise toutefois, afin qu’il ne subsiste aucune ambiguïté dans l’esprit des membres du groupe socialiste, que ce médiateur sera un haut fonctionnaire.

La discussion nous a donc permis de progresser, puisque nous serons passés d’une commission de médiation sans définition précise à un médiateur haut fonctionnaire chargé de résoudre les difficultés éventuelles lors de la conclusion des contrats.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. M. le ministre vient d’expliquer la différence fondamentale existant entre une commission de médiation et un médiateur. Ce dernier interviendra facultativement, à la demande des parties, pour aplanir les difficultés susceptibles de survenir.

Aussi, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 648 du Gouvernement, ainsi que sur le sous-amendement n° 679, qui vise à préciser fort opportunément le rôle que nous entendons faire jouer aux interprofessions.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 679.

M. Claude Bérit-Débat. Ainsi, d’une commission de médiation on passe à un médiateur !

M. Gérard César, rapporteur. Oui !

M. Claude Bérit-Débat. Or l’une et l’autre obéissent à des logiques totalement différentes.

Monsieur le ministre, vous soutenez d’abord l’idée d’une commission de médiation, paritaire et placée sous l’autorité de l’État. Puis vous acceptez le principe d’un médiateur, qui, lui, sera nommé. Cela change le sens de la réponse que vous m’avez faite tout à l’heure : comment ce dernier réussira-t-il à faire la parité à lui tout seul ?

Il est pour le moins curieux de remplacer une commission de médiation par un médiateur.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Si tant est que j’aie bien saisi le sens de votre observation, monsieur le sénateur, il me semble que l’objet du sous-amendement n° 679 répond à votre préoccupation.

Le médiateur sera un haut fonctionnaire, c’est-à-dire un représentant de l’État. C’est la garantie que l’intérêt général et l’équilibre entre les parties seront préservés.

Par ailleurs, si l’amendement du Gouvernement est adopté, le médiateur ne pourra être saisi qu’après avis des interprofessions concernées. Aussi, celles-ci conservent toute leur place, en dépit du remplacement de la commission de médiation par un médiateur.

Enfin, le mot « médiateur » est un terme générique pour désigner une autorité publique. Voilà qui est conforme à notre engagement. Évidemment, cette personnalité ne travaillera pas isolément. Lorsqu’il était médiateur du crédit, René Ricol s’était adjoint les services d’une vingtaine de personnes au moins pour s’acquitter de son immense tâche. Pour autant, il a toujours été question d’un « médiateur du crédit », et non d’une « commission de médiation du crédit ».

Ce qui me paraît indispensable, c’est qu’un arbitre puisse, sous l’autorité des pouvoirs publics, intervenir au cas où la négociation des contrats entre les parties ne se déroulerait pas bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. L’objectif, finalement, c’est de tendre vers une plus grande efficacité et une plus grande réactivité. Tous ceux qui ont négocié des contrats savent pertinemment que, pendant la phase de discussion, des blocages peuvent survenir, blocages qui sont parfois synonymes d’échecs, surtout quand les parties ne jouissent pas d’une influence identique.

Maintenir la commission de médiation signifierait que, en cas de blocage, il faudrait engager une nouvelle négociation pour permettre la signature, dans de bonnes conditions, des contrats, et ce dans un contexte de marché sans doute difficile.

Acteur unique, le médiateur sera donc un facilitateur, un gage d’efficacité.

M. Gérard César, rapporteur. Voilà !

M. Daniel Dubois. A contrario, avant de réunir, éventuellement, la commission de concertation, il aurait été nécessaire de s’interroger préalablement sur le bien-fondé de cette démarche et, le cas échéant, sur la disponibilité de tous ses membres.

En sa qualité de haut fonctionnaire de la République, le médiateur apportera la garantie que les contrats entre les parties seront négociés et conclus en toute équité.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Je suis également quelque peu surpris par un tel revirement, puisque la création de cette commission de médiation était une promesse.

Je n’ai aucunement l’intention de rendre les choses plus complexes, mais ne pourrait-on envisager qu’en cas de désaccord persistant entre les parties, y compris après l’intervention d’un médiateur, une commission paritaire tranche définitivement ? Je suis gêné que l’on supprime ainsi un mode de gestion démocratique des contrats.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Cette partie de ping-pong ne manque pas d’être quelque peu surprenante. Voilà quelques minutes, M. le ministre avalisait le principe de la commission de médiation, présidée par une personnalité présentant, nous assurait-il, toutes les garanties nécessaires. Immédiatement après, cette commission est remplacée par un médiateur !

Notre collègue Daniel Dubois nous assure que celui-ci permettra, comme son nom l’indique, d’ouvrir des négociations dès qu’une situation de blocage apparaîtra. Il n’est pas dans mes propos d’émettre un jugement de valeur sur le médiateur et sa mission, mais je déplore, au nom du groupe socialiste, que la commission de concertation, dont nous avons débattu en détail tout à l’heure, soit supprimée, comme par artifice, au profit d’un médiateur. On ne parle pas de la même chose.

Aussi, j’aimerais que le Gouvernement nous indique clairement sa position.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Mirassou, soit vous considérez que le débat nous permet de progresser dans notre réflexion, soit vous vous contentez de vous prononcer sur les dispositions soumises à votre vote.

Ce projet de loi a l’immense intérêt de susciter, sur des questions essentielles, des débats de fond qui nous permettent de progresser. Je vous renvoie, par exemple, au vote de l’amendement n° 261 de M. Le Cam visant à interdire le retour au producteur des produits acceptés par l’acheteur lors de la livraison.

Je n’ai qu’un seul souhait : que la médiation soit la plus efficace possible.

M. Bruno Le Maire, ministre. Une majorité s’est dégagée, estimant que cet objectif ne pourrait être atteint qu’à la condition que cette médiation soit placée sous l’autorité des pouvoirs publics, ainsi que l’ont demandé, d’ailleurs, les syndicats agricoles. Cette solution n’allait pas forcément de soi : je signale que des médiations issues d’initiatives privées remplissent parfaitement leur rôle.

Ensuite, la question s’est posée du choix entre un médiateur et une commission de médiation. Le groupe de l’Union centriste, par la voix de Daniel Dubois, s’est prononcé en faveur d’un médiateur clairement identifié, considérant, non sans raison, que cette solution présentait l’avantage de personnaliser davantage la médiation.

Conformément à notre engagement, ce médiateur sera un haut fonctionnaire, représentant des pouvoirs publics. Ainsi, en cas de litige entre les industriels et les producteurs, il tranchera en respectant strictement l’intérêt général, et non en privilégiant tel ou tel intérêt particulier.

Ces garanties répondent, me semble-t-il, aux exigences que vous avez posées, les uns et les autres.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 679.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 648, modifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 487, présenté par M. Marc, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, Fichet, S. Larcher, Lise, Madec, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 22,

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la vente d’un produit doit faire l’objet d’un contrat écrit en application du présent article, tout contrat doit comprendre, le cas échéant, les clauses rendues obligatoires par décret. Ces clauses déterminées par décret peuvent être complétées par un guide des bonnes pratiques contractuelles, à caractère volontaire et ne pouvant faire l’objet d’une extension, élaboré par filière au sein des interprofessions. Ce guide ne peut en aucun cas comprendre des dispositions de nature à placer le producteur en état de dépendance, ou dans un quelconque lien de subordination, vis-à-vis de l’acheteur.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Nous souhaitons aller au-delà des simples contrats types en permettant aux interprofessions d’établir, en complément, des guides de bonnes pratiques contractuelles.

Cet amendement vise à préserver au maximum le pouvoir de décision économique des producteurs et à éviter les « dérives intégratives », comme l’illustre, en particulier en Bretagne, le secteur de la volaille.

Le mécanisme est le suivant : intégrés à la politique des abatteurs, qui sont également marchands d’aliments, les éleveurs de volailles de chair signent des contrats annuels avec leurs donneurs d’ordres. En échange d’un prix fixé à l’avance pour chaque kilogramme de viande en poids vif, l’éleveur prend à sa charge le coût du bâtiment et de l’énergie, les frais vétérinaires et les risques de pertes par mortalité. Or, au fil des ans, ces contrats sont devenus de moins en moins rémunérateurs.

En sept ans, la production de volailles de chair a diminué de 25 % en Bretagne. Une étude officielle annonce d’ailleurs que cette tendance va se poursuivre.

Dans leur rapport, Gérard César et Charles Revet l’indiquent clairement : « Le bilan des contrats d’intégration dans le secteur de la volaille n’est pas jugé positivement : si cette technique a permis à l’industrie de sécuriser ses approvisionnements, les producteurs estiment cependant y avoir perdu leur liberté économique, sans pour autant y gagner de meilleurs prix. »

À la lumière de cet exemple particulièrement instructif, nous proposons de rendre possibles des adaptations territoriales des contrats et, bien entendu, de préserver le pouvoir de négociation.

Le système interprofessionnel peut parfois fonctionner dans des conditions déséquilibrées. Pour trouver les moyens d’y remédier, il est nécessaire de s’appuyer sur l’expérience du passé en optant pour une solution de nature à satisfaire les interprofessions. Dès lors que les clauses sont connues, la définition claire de bonnes pratiques contractuelles susceptibles d’être adaptées localement pour tenir compte des pratiques professionnelles régionales permettra d’offrir des conditions plus satisfaisantes aux interprofessions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Par son amendement, notre collègue propose d’accompagner les contrats par des guides de bonnes pratiques contractuelles.

Les accords interprofessionnels peuvent prévoir de tels documents. Par ailleurs, pour les contrats imposés par décret, une circulaire précisera certainement l’interprétation devant être faite de celui-ci.

Dans la mesure où il n’est pas très utile de prévoir une telle adjonction dans la loi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Je précise à l’intention de M. Marc que nous sommes totalement opposés au modèle d’intégration, dont les contrats se différencient radicalement. D’ailleurs, nous avons pris toutes les dispositions pour éviter que les circulaires d’application ne fassent référence à ce modèle d’intégration.

Cet amendement me gêne, car, au fond, il sous-tend l’idée que, dans un premier temps, il faut faire confiance aux interprofessions en les laissant autonomes, cependant que, dans un second temps, l’État peut être amené à intervenir si elles ne parviennent pas à s’accorder sur un modèle de contrat. Cela revient à dire que, puisque l’on ne fait pas vraiment confiance aux interprofessions, on va leur imposer des règles dans l’élaboration de ces contrats.

Il me paraît difficile de reprendre d’une main ce qu’on a donné de l’autre. Les interprofessions ayant établi un guide de bonnes pratiques prennent leurs décisions à l’unanimité. Cela signifie que le collège des producteurs aura, de toute façon, son mot à dire. Aussi, ou bien l’on fait confiance aux interprofessions pour s’accorder sur un contrat – c’est ce qui est proposé par le texte –, ou bien on ne leur fait pas confiance et on leur impose d’emblée un modèle de contrat.

L’adoption de cette dernière solution conduirait à revenir sur ce que vous avez vous-même proposé.

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Monsieur le ministre, je ne peux qu’écarter vos objections, car, contrairement à ce que vous dites, il n’est nullement dans notre intention d’imposer, de façon arbitraire ou autoritaire, un modèle de contrat.

Notre amendement prévoit simplement la possibilité de compléter les clauses de ce contrat par « un guide de bonnes pratiques contractuelles, à caractère volontaire et ne pouvant faire l’objet d’une extension, élaboré par filière au sein des interprofessions ». Notre objectif est d’offrir aux producteurs une protection supplémentaire qu’eux-mêmes réclament. Nourries de leur expérience dans les régions, les interprofessions demandent aujourd’hui qu’on aille au-delà de ces contrats types et qu’on leur offre la possibilité, de manière volontaire, de recourir à un guide de bonnes pratiques contractuelles.

Cet amendement a donc tout son sens, et j’invite mes collègues à le voter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 487.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 676, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 26

Supprimer les mots :

de la direction générale

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 676.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, J. Blanc, Carle et Bailly, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime s’appliquent également aux organisations de producteurs visées au 4° de l’article L. 551-1.

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Cet amendement vise à ouvrir le dispositif de contractualisation aux organisations de producteurs à vocation commerciale.

Le projet de loi tend à développer la contractualisation, afin de stabiliser les prix et d’assurer aux producteurs une meilleure visibilité sur leurs débouchés. Ce dispositif aura un effet réellement positif si, au lieu de se limiter à la relation entre producteurs et premiers metteurs en marché, il s’applique à l’ensemble des opérateurs intervenant tout au long de la chaîne.

Dans les filières dites « longues », les producteurs ne sont pas directement confrontés à la transformation et au commerce ; ils se regroupent au sein d’organisations de producteurs. C’est précisément entre ces organisations et leurs acheteurs que la nouvelle politique envisagée pourra le mieux déployer son efficacité et rétablir une certaine équité.

C’est pourquoi nous proposons que l’obligation de conclure des contrats soit étendue aux relations entre les organisations de producteurs à vocation commerciale et leurs acheteurs.

Il paraît en effet important de conforter les capacités de négociations des organisations de producteurs pour permettre aux agriculteurs de peser collectivement dans les discussions commerciales. Je pense, en particulier, aux professionnels qui unissent leurs moyens pour améliorer leur production et rencontrent des conditions très différentes selon les territoires, notamment en montagne.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Monsieur Jarlier, votre amendement me paraît satisfait par la rédaction actuelle de l’article 3, qui précise : « La conclusion de contrats de vente écrits entre producteurs et acheteurs, ou entre opérateurs économiques visés au premier alinéa de l’article L. 551-1, propriétaires de la marchandise, et acheteurs, peut être rendue obligatoire […] »

Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je propose également à M. Jarlier de retirer son amendement, dans la mesure où la nouvelle rédaction de l’article 3 répond à sa demande.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

M. Jean Boyer. Puisque l’amendement est satisfait, nous le sommes également ! Il s’agissait de répondre en particulier à l’aspiration des professionnels des filières bovines et ovines. En effet, les éleveurs étaient jusqu’ici quelque peu livrés à eux-mêmes et aspiraient à la mise en place d’une chaîne de commercialisation allant du petit producteur à l’abatteur.

Mme la présidente. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 508 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier. Si la contractualisation avec les organisations de producteurs à vocation commerciale est effectivement possible, j’accepte de retirer mon amendement, puisqu’il est satisfait.

Mme la présidente. L’amendement n° 508 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l’article 3.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais préciser notre position à l’égard de l’article 3, car nous abordons là le fond du problème, si je puis m’exprimer ainsi. Comme l’a si bien dit mon collègue Paul Raoult, on y trouve un certain nombre d’éléments qui soulignent combien nous pouvons parfois avoir une vision différente de l’agriculture.

Depuis le début des débats, nous n’avons cessé de défendre une régulation publique de l’offre au niveau européen, en insistant sur l’importance de prendre en compte la volonté plus ou moins forte des États de mettre en place les moyens humains et financiers nécessaires. Il convient de faire en sorte que le modèle agricole puisse se perpétuer, comme cela a été le cas en France.

Nous voulons une agriculture forte, performante si ce n’est compétitive, « écoproductive », une agriculture rémunératrice, plus juste, plus équitable, une agriculture pourvoyeuse d’emplois tout en garantissant des systèmes de production variés, une agriculture aménageuse du territoire.

Tel a été le discours que nous avons répété, comme un leitmotiv, tout au long de la défense de nos différents amendements.

Chacun l’a reconnu, les contrats peuvent avoir leur utilité : ils constituent parfois des garde-fous nécessaires contre certaines pratiques, notamment dans le cadre des coopératives ; il y a eu ainsi de très bons contrats, à l’image des CTE, permettant de prendre en compte l’ensemble des problèmes agricoles.

Toutefois, une contractualisation trop vague et limitée aux relations économiques entre producteurs et acheteurs peut, si l’on n’y prend garde, se révéler dangereuse.

Le dernier amendement dont nous avons débattu illustre bien les inquiétudes des agriculteurs. En effet, comment leur assurer que nous sommes contre tout ce qui pourrait les placer dans un état de dépendance ou de subordination vis-à-vis l’acheteur ?

On nous dit que ces contrats sont à même de garantir des prix plancher, alors même que le texte de loi ne fait référence qu’à des clauses relatives aux critères et modalités de détermination des prix. Vous avez d’ailleurs fait porter la responsabilité de cette faille à l’Europe, monsieur le ministre.

On nous dit également que les organisations professionnelles pourront demander l’application du principe de prix plancher. Il en va de même pour la durée minimale, qui peut varier selon les filières.

La médiation de la puissance publique est absolument nécessaire et les dispositions du texte de loi sont à cet égard insuffisantes. L’absence de reconnaissance expresse du droit à une rémunération équitable, à défaut de garantir les revenus, constitue la principale faiblesse de cet article.

Nous avons déposé des amendements, trop vagues pour certains, visant à garantir un niveau de rémunération décent. Nous avons proposé des contrats respectant le principe de juste rémunération des producteurs et de transparence dans la fixation des prix. Nous avons même demandé, toujours sans succès, que ces derniers soient au moins égaux aux coûts de production incluant la rémunération du travail.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut pas se contenter de dire que la profession agricole serait la seule autorisée dans notre pays à vendre à perte !

C’est pourquoi, malgré la qualité de nos débats et les tentatives honorables de l’ensemble des membres de cette assemblée, nous sommes au regret de voter contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. L’ensemble des mesures que nous souhaitons prendre dans ce domaine ne sauraient être réunies dans un article relatif à la contractualisation.

Je rappelle que, aux termes de l’alinéa 23 de l’article 3 et grâce à l’insistance du Gouvernement, ces dispositions sont d’ordre public. Ainsi, en cas de violation des dispositions relatives à ces contrats, même si le contrat est imparfait, celles-ci seront simplement réputées non écrites.

Une telle précision démontre, une fois encore, notre bonne volonté à tous de faire aboutir cette tentative de contractualisation. Si celle-ci n’a pas la prétention d’atteindre dès aujourd’hui la perfection, elle jouera son rôle dans le cadre de l’interprofession.

Ces contrats vont devoir vivre. Comme chacun le sait, le contrat est la loi des parties, la tâche du législateur se limitant à l’encadrer le plus consciencieusement possible. Il faut espérer que l’interprofession interviendra pour améliorer encore le texte voté par le Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Au cours de ce débat relatif à la rémunération des producteurs dans notre pays, nous avons insuffisamment souligné l’inutilité d’une perpétuelle chasse aux bas prix dans le domaine alimentaire.

En effet, le budget affecté à l’alimentation par les ménages se réduit, tandis que d’importants efforts ont été consentis sur le plan qualitatif. Avoir à disposition de façon permanente des produits alimentaires de qualité a un prix. La recherche aveugle de la baisse des prix n’est pas souhaitable. Je tenais à souligner cet aspect du débat.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous sommes quelques collègues à vouloir obtenir une précision au sujet de la coopération. Nous sommes tous ici, me semble-t-il, favorables à des coopératives vivantes. Pour les producteurs qui s’engagent dans cette voie, les contrats sont actuellement de cinq ans, reconductibles en cas de non-dénonciation dans les six mois précédents.

Comment cela se passera-t-il pour ces producteurs ? Une coopérative peut-elle garantir un prix pour les cinq ans à venir à ses coopérateurs ? Le texte de loi ne répond pas à ces questions.

Il existe dans ma région beaucoup de coopératives laitières, qui regroupent la plupart des producteurs. Vu le hochement de tête de certains de mes collègues, je vois que la question est partagée !

Comment s’appliquera le texte que nous votons à cet instant pour les producteurs faisant partie de coopératives ? Ce point mérite d’être clarifié, monsieur le ministre.

M. Paul Raoult. Très bonne question !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Cet article 3 est essentiel, même s’il n’a pas la prétention de tout régler. Je souhaiterais revenir sur l’exemple que donnait mon collègue du Finistère, François Marc, il y a quelques instants, au sujet de l’intégration, car il est tout à fait révélateur des conséquences concrètes de la contractualisation.

En effet, les intégrateurs parviennent généralement à maintenir la rémunération des producteurs à son strict minimum, de sorte qu’aucun bénéfice n’est possible. Quand la situation se dégrade, certains producteurs « passent à la trappe » ! Telle est la réalité du terrain.

Les intégrateurs n’acceptent jamais de donner le centime d’euro manquant par œuf de poule produit, les vingt centimes par kilogramme de porc produit, ou encore les cinquante euros par tonne de lait produite.

Pourtant, ces quelques euros ne ruineraient personne. Ils pourraient être partagés et appréhendés de façon globale, puisqu’il est difficile de connaître avec exactitude les marges réalisées par les transformateurs et la grande distribution. Peut-être faudra-t-il s’attaquer directement à ce système de marge globale et décider d’en reverser, d’une manière ou d’une autre, une partie aux producteurs. C’est en tout cas l’un des moyens envisageables pour améliorer nettement leur situation.

Je reste dubitatif quant au succès de cette contractualisation. Pourtant, nous sommes unanimes dans cette assemblée à souhaiter que, demain, les agriculteurs vivent mieux du produit de leur travail.

J’irai même plus loin. Je l’ai déjà dit, les producteurs ne peuvent se contenter d’un revenu correct ; ils doivent gagner très bien leur vie ! En effet, la société, et c’est normal, a beaucoup d’exigences à leur égard, mais ils n’ont pas toujours les moyens de satisfaire ces exigences, alors qu’elles sont aussi importantes pour eux-mêmes.

Je reconnais, monsieur le ministre, que vous êtes un homme d’écoute. Nous avons d’ailleurs pu faire passer un amendement intéressant sur le non-retour des denrées, et je vous en remercie.

Mais nous ne voterons pas cet article 3, qui nous paraît insuffisamment efficace pour le bien-être des producteurs de demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Monsieur le ministre, mes chers collègues, un consensus se dégage au sein de la Haute Assemblée pour reconnaître non seulement le bien-fondé de la contractualisation, mais également l’importance du rôle de l’interprofession. Pourquoi ne pas donner à cette dernière la priorité d’action, en réservant le soin à l’État d’intervenir en cas de problème ?

Cela étant, les modalités de fonctionnement prévues ne corrigent pas fondamentalement le déséquilibre structurel constaté entre les producteurs et l’aval de la chaîne de production.

En témoigne notamment le refus d’inscrire le principe d’une rémunération décente des producteurs, qui me semble pourtant essentiel.

En témoigne également la simple référence de bon sens à l’Observatoire des prix et des marges pour donner des indications lors de la discussion sur la fixation du prix.

En dépit des bonnes intentions affichées, je constate que les dispositions de ce projet de loi sont toujours notoirement insuffisantes. Je crains que les producteurs agricoles ne restent sur leur faim et que les prix continuent d’être fixés dans des conditions qui leur sont défavorables.

(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Malgré l’excellent travail du rapporteur, de la commission de l’économie et de son président, malgré le remarquable pouvoir de conviction du ministre, qui ne cesse d’apaiser nos inquiétudes et de nous démontrer la pertinence de son texte – ce dont je ne doute pas –, je ne voudrais pas me bercer d’illusions sur l’efficacité de ces contrats. Ils sont sans aucun doute utiles, et je ne néglige pas ce qu’ils pourraient apporter à l’ensemble de la profession agricole.

Toutefois, nous savons bien que les décisions importantes se prendront non pas dans l’Hexagone, mais au niveau européen. C’est pourquoi je crois davantage à l’action que mène le ministre auprès des différents pays partenaires de la France pour promouvoir une véritable politique des prix permettant aux agriculteurs de vivre réellement de leur production, plutôt que de la solidarité nationale.

De surcroît, les procédures d’octroi d’aides publiques s’accompagnent souvent de tracas administratifs qui vont croissant avec le temps, le Grenelle n’étant pas de nature à les alléger. Pour pouvoir bénéficier de ces aides, les agriculteurs doivent répondre à des tas de conditions qui se cumulent. Entre la PAC de 1993 et celle de 2010, les contraintes sont devenues de plus en plus lourdes et, lorsqu’on y ajoute le poids des normes, cela devient insupportable.

Le contrat va-t-il régler tous les problèmes ? Il constitue certainement une réponse pour les circuits courts. Mais, pour les circuits longs, je m’interroge, avec Gérard Bailly : quelles retombées les grandes productions, notamment céréalières, oléagineuses ou protéagineuses, peuvent-elles attendre des contrats qui seront signés ? Je ne vois pas une coopérative ou un négociant en grains signer un contrat individuel avec chaque agriculteur pour lui garantir un prix minimum lui permettant de vivre de sa production. Si tel est le cas, pourquoi pas ? Mais, en bon paysan, j’attends de voir concrètement les résultats !

Je mesure toutefois la difficulté de la tâche du ministre et j’apporte, bien entendu, mon soutien au Gouvernement. Je voterai donc cet article 3, mais je ne me fais pas trop d’illusions, car seul un arsenal de mesures permettra selon moi de faire un pas en avant et de rassurer quelque peu notre profession. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. Ambroise Dupont. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Cet article 3, bien que très important, ne constitue que l’une des solutions avancées dans ce texte pour répondre aux problèmes actuels de notre agriculture.

Je voterai bien évidemment cet article. La contractualisation représente une certaine sécurité pour nos agriculteurs, notamment dans la production betteravière et sucrière.

Mais n’oublions pas qu’un contrat comprend toujours deux parties. En ce qui concerne la coopération, je suis un peu moins inquiet que mon collègue et ami Gérard Bailly. En tant que professionnel de l’agriculture, j’ai toujours fourni mes productions au système coopératif, et il existe une sorte d’engagement entre la coopérative et l’agriculteur qui en est adhérent. Mais, comme dans d’autres secteurs, on évolue désormais au sein d’un système économique ouvert et mondialisé.

Monsieur le ministre, il nous faudra donc affiner notre réflexion : une certaine sécurité doit être assurée au producteur, mais elle ne doit pas se retourner contre lui, ce qui pourrait être le cas avec un dispositif trop contraignant.

Le système de contractualisation est indispensable aujourd’hui, mais il doit réellement bénéficier aux deux acteurs que sont le producteur et le transformateur.

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.

M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je partage nombre des observations qui viennent d’être formulées, mais, à l’occasion de ce débat, je voudrais rappeler quelques principes en matière de revenu agricole.

Quelle que soit la conjoncture, sur une longue période, il n’y a pas de revenu agricole dans des marchés qui ne sont pas organisés.

M. Gérard César, rapporteur. Exactement !

M. Marcel Deneux. Je prétends que nous devons toujours nous efforcer de convaincre nos amis européens de la pertinence de ce principe, malgré leurs réticences, qui sont réelles. En cela, il se peut que nous divergions légèrement sur la méthode, monsieur le ministre.

Le problème n’est d’ailleurs pas propre au monde agricole. Les vrais libéraux savent toujours maîtriser le volume de production, par exemple en recourant au chômage technique lorsqu’il y a trop d’automobiles sur le marché. Pour ma part, je ne peux pas empêcher mes vaches de produire ! Nous devons donc nous mettre en situation de maîtriser la production.

Or la maîtrise par le marché n’est pas efficace : non seulement celui-ci s’exonère des questions d’ordre moral, mais en outre, dans des pays qui ne souffrent pas de la faim, il est incapable d’augmenter le volume de consommation. Il faut s’en convaincre une bonne fois pour toutes.

Cela étant dit, je voterai l’article 3. Même s’il reste perfectible, il représente une avancée législative, et la situation sera sans doute meilleure après qu’avant.

Nous devons toutefois continuer à nous battre en Europe, car il n’y a d’avenir pour le revenu agricole qu’au sein d’un marché européen organisé, qui pourrait peut-être aller jusqu’à l’autosuffisance renforcée et la préférence communautaire que nous avions à six. C’était une autre époque, bien sûr, mais l’Europe ne doit pas avoir peur de conserver un pouvoir d’organisation dans le monde actuel.

Je me réjouis de votre avis favorable sur le sous-amendement n° 679 relatif au médiateur, monsieur le ministre. À nos collègues qui ont émis des doutes, je rappelle qu’en 1972, après vingt-quatre heures de négociation lors de la grève du lait à Rennes, l’intervention d’un haut fonctionnaire faisant office de médiateur public fut déterminante. En ce sens, nous avions créé un précédent.

En conclusion, continuez, monsieur le ministre, vous allez dans le bon sens. Nous voterons cet article, même si nous restons un peu sur notre faim.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Une fois encore, je me retrouve assez largement dans les propos de M. Deneux.

En revanche, je ne crois absolument pas à ce que vous proposez, monsieur le ministre. Cela supposerait que l’agriculture française soit complètement tournée vers les marchés mondiaux et qu’elle s’aligne sur les prix de ces marchés. Ce n’est pas possible, nous allons à la catastrophe !

Il faut définir précisément le rôle de l’agriculture française et européenne à l’époque actuelle : si l’objectif est de partir à la conquête des marchés mondiaux, on pourra toujours courir après ceux qui ont des prix très inférieurs aux nôtres.

C’est donc la philosophie de la politique agricole européenne que nous contestons fondamentalement. Le rôle de l’agriculture européenne est de nourrir la population, en appliquant la préférence communautaire. Au lieu d’aller acheter du soja américain pour nourrir nos bêtes, nous ferions mieux de nous fournir auprès de nos propres agriculteurs.

Les conditions du marché mondial font que notre agriculture, j’y insiste, doit d’abord servir à nourrir notre population. Nous devons rétablir une stricte préférence communautaire. En effet, quel pays applique réellement les règles de la libre concurrence aujourd’hui ? Dans le domaine agricole, personne n’est plus protectionniste que les États-Unis, le Japon ou le Brésil ! L’Europe est finalement la seule à ouvrir grand les portes, tout en déplorant que ses agriculteurs ne puissent pas vivre décemment.

On peut faire des contrats, ici ou là, avec les agriculteurs que l’on aura réussi, après moult efforts, à rassembler dans les interprofessions, quand beaucoup d’autres refuseront une telle démarche, et négocier avec des industriels ou des centrales d’achat. De toute façon, ces derniers resteront les plus puissants et imposeront leurs diktats, quelles que soient les lois que nous voterons.

Votre texte est sans doute plein de bonne volonté, et l’on peut faire semblant d’y croire. Mais, fondamentalement, il ne changera pas la donne en termes de fixation des prix, il ne permettra pas aux agriculteurs de vivre de leur production. Il faut donc redéfinir la philosophie de notre politique agricole européenne, pour que nos agriculteurs puissent vivre en nourrissant la population européenne ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout a été dit. Il faut donner à l’article 3 les moyens de son efficacité. Le projet de loi s’y emploie, mais, pour répondre à Marcel Deneux et Gérard Bailly, le dispositif ne fonctionnera que si les producteurs savent se regrouper de leur côté. Il incombe au syndicalisme agricole dans son ensemble de prendre les choses en main et d’organiser la production.

Vous avez évoqué la coopérative, monsieur Bailly : elle constitue le prolongement de l’exploitation. Le coopérateur s’engage en effet à céder à cette dernière l’intégralité de sa production, et à ne pas concurrencer sa propre coopérative.

Les organisations de producteurs comme les coopératives ont leur rôle à jouer dans les interprofessions, à condition, nous l’avons dit en commission, de trouver un accord sur l’attribution de places réservées aux représentants des producteurs.

Une chose est sûre : il n’y aura pas d’interprofession efficace sans bonne organisation des producteurs.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier de la qualité du débat que nous avons eu sur cet article effectivement fondamental. J’estime que nous avons bien fait progresser le sujet et surtout amélioré la rédaction de l’article 3 pour mettre un instrument solide à la disposition de tous les producteurs agricoles en France ; et je rejoins M. Deneux sur ce point.

Je formulerai quatre remarques.

Premièrement, il existe deux types de loi : des lois de discours et des lois de responsabilité.

M. Gérard César, rapporteur. Voilà !

M. Bruno Le Maire, ministre. Certes, monsieur Raoult, on peut se faire plaisir, faire des lois de discours et reprendre vos propos en disant : « Il faut des prix rémunérateurs, il faut couvrir les coûts de production, il faut impérativement échapper à la concurrence internationale, il faut protéger le revenu de nos producteurs. »

Mais mieux vaut une loi de responsabilité. Cela consiste à donner aux agriculteurs des instruments concrets et à avoir le courage de les assumer. Entre, d’une part, la suppression des quotas programmée pour 2015 et décidée par l’Union européenne en 1999, sous un ministre de l’agriculture socialiste, qui avait courageusement, mais vainement, défendu leur maintien, et, d’autre part, la libéralisation totale qui nous attend, nous avons su, nous et notre majorité, mettre de nouveaux outils à la disposition des agriculteurs. Et les contrats en font partie ! (Approbations sur les travées de l’UMP.)

Je préfère assumer un tel choix plutôt que de laisser nos agriculteurs au milieu du vide qui les attend.

Deuxièmement, je pose la question : quelle est aujourd’hui la situation des producteurs dans notre pays ?

Dans le domaine du lait, seuls 20 % des producteurs ont des contrats écrits. Autrement dit, 80 % ne savent pas combien ils vont toucher à la fin du mois, alors qu’ils réalisent de lourds investissements, pouvant aller de 80 000 euros à 200 000 euros, et remboursent jusqu’à 5 000 euros par mois. Ils font peser sur leur famille des dettes considérables, sans savoir ce qu’ils gagneront dans six mois ou un an.

Nous, au moins, nous assumons notre position : avec nos contrats, ils sauront ce qu’ils percevront au bout d’un an et, dans le domaine du lait, je l’espère, au terme d’une période de cinq ans. C’est un vrai changement, que j’assume totalement ! (M. Alain Fouché approuve.) Je préfère que 100 % des producteurs aient un contrat grâce auquel ils sauront ce qu’ils gagneront au bout de cinq ans, même si nous ne sommes pas certains, en effet, que cela répondra exactement à leurs attentes, plutôt que de les laisser dans la situation inéquitable de dépendance et d’infériorité dans laquelle ils sont aujourd’hui face aux industriels et aux distributeurs.

M. Gérard César, rapporteur. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. Troisièmement, nous avons tenu à prendre en considération toutes les observations formulées sur les travées de cette assemblée.

Vous avez voulu le renforcement de l’interprofession : il a été voté par amendement.

Le groupe de l’Union centriste a proposé que le médiateur soit renforcé et défini comme tel dans le texte et le groupe socialiste a souhaité qu’il s’agisse d’un fonctionnaire : cela a été voté. Vous avez la certitude que les contrats seront conclus avec la possibilité d’une médiation des pouvoirs publics. Cela répond exactement, me semble-t-il, à la préoccupation qui a été manifestée.

Vous avez souhaité également avoir des indicateurs de tendance de marché pour la fixation des prix dans l’interprofession. Nous verrons dans le cours du texte que, là aussi, ce sera chose faite. Nous allons au maximum de nos possibilités, voire un peu au-delà de ce qui était prévu par l’Union européenne dans ce domaine.

Quatrièmement, comme je l’ai toujours dit, la régulation des marchés à l’échelle européenne est le complément indispensable de la mise en œuvre des contrats.

Un jour viendra peut-être où une modification du droit de la concurrence européen prévoira que les producteurs de lait, au lieu d’être 400, pourront être 4 000 pour négocier ensemble un contrat avec les industriels. C’est un sujet sur lequel je travaille matin, midi et soir, et nous aurons gain de cause, parce qu’il me paraît indispensable que les producteurs puissent se regrouper pour être en position de force face aux industriels. À l’évidence, un producteur de lait de Haute-Normandie ne pèsera jamais aussi lourd qu’un industriel comme Danone, Lactalis ou Bongrain. Or si les règles communautaires évoluent un jour en ce sens alors que vous n’avez pas voté les contrats, que se passera-t-il ?

Tous nos voisins européens auront, quant à eux, la possibilité de contractualiser parce qu’ils l’auront prévu dans leur législation. Nos producteurs ne pourront pas profiter de cette amélioration du droit de la concurrence européen, car nous n’aurons pas su nous montrer responsables en prévoyant l’avenir et en mettant de tels instruments à la disposition des producteurs de lait français.

Monsieur Deneux, la question se pose également pour la régulation européenne au niveau des volumes. Je partage entièrement votre sentiment, il n’y aura pas de prix rémunérateurs sans une bonne organisation des marchés, notamment sans une capacité à gérer les volumes.

La France demande – elle est pour l’instant l’un des seuls États européens à le faire – la création d’un Observatoire des volumes à l’échelon européen pour l’ensemble des filières de production, afin d’avoir un minimum d’indicateurs de tendance. Nous devons savoir où nous en sommes pour éviter les surproductions que nous avons connues dans le passé.

Nous continuerons à nous battre dans ce sens. Nous sommes résolus à œuvrer en faveur des interventions de marché et du maintien de stockages : la Commission européenne doit pouvoir, lorsque les cours s’effondrent, intervenir pour les faire remonter, comme nous l’avons demandé en novembre dernier et comme nous continuerons à le faire si pareille situation se reproduit un jour ou l’autre en raison de surproductions dans d’autres pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois sincèrement que nous avons tous fait ici du bon travail, que nous avons mis sur pied des instruments tout à fait nouveaux à la disposition des producteurs de toutes les filières de notre pays. Voilà qui leur permettra enfin d’avoir suffisamment de visibilité sur leurs revenus, alors qu’ils vivent aujourd’hui au jour le jour, subissant toutes sortes d’aléas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 204 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 185
Contre 153

Le Sénat a adopté.

La parole est à M. le président de la commission de l’économie.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission de l’économie se réunira à vingt et une heures trente pour poursuivre l’examen des amendements. Il en reste cent quarante !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 4.

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Articles additionnels après l'article 4

Article 4

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 441-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 441-2. – I. – Toute publicité à l’égard du consommateur, diffusée sur tout support ou visible de l’extérieur du lieu de vente, mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel sur les produits alimentaires périssables doit préciser la nature et l’origine du ou des produits offerts et la période pendant laquelle est maintenue l’offre proposée par l’annonceur. La mention relative à l’origine est inscrite en caractères d’une taille égale à celle de l’indication du prix.

« Lorsque de telles opérations promotionnelles sont susceptibles, par leur ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés, un arrêté interministériel ou, à défaut, préfectoral fixe, pour les produits concernés, la périodicité et la durée de telles opérations.

« Toute infraction aux dispositions des alinéas premier et deuxième est punie d’une amende de 15 000 €.

« La cessation de la publicité réalisée dans des conditions non conformes aux dispositions du présent article peut être ordonnée dans les conditions prévues à l’article L. 121-3 du code de la consommation.

« II. – Pour un fruit ou légume frais ayant fait l’objet, entre le fournisseur et son client, d’un accord sur le prix de cession, l’annonce de prix, hors lieu de vente, est autorisée dans un délai maximal de soixante-douze heures précédant le premier jour de l’application du prix annoncé, pour une durée qui ne peut excéder cinq jours à compter de cette date.

« L’accord sur le prix de cession est formalisé dans un contrat écrit signé par les parties, dont un exemplaire est détenu par chacune d’entre elles avant la diffusion de l’annonce de prix hors lieu de vente. Les dispositions du présent alinéa ne s’appliquent pas aux annonces de prix réalisées sur le lieu des ventes au déballage mentionnées à l’article L. 310-2 du présent code.

« III. – Dans tous les autres cas, toute annonce de prix, hors lieu de vente, portant sur un fruit ou légume frais quelle que soit son origine doit faire l’objet d’un accord interprofessionnel d’une durée d’un an renouvelable, conclu conformément aux dispositions de l’article L. 632-1 du code rural. Cet accord précise les périodes durant lesquelles une telle annonce est possible et ses modalités.

« Cet accord peut être étendu conformément aux dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4 du même code.

« IV. – Les II et III ne sont pas applicables aux fruits et légumes frais appartenant à des espèces non produites en France métropolitaine. » ;

2° L’article L. 441-2-1 est complété par un dernier alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des deux précédents alinéas ne sont pas applicables aux produits pour lesquels la conclusion de contrats écrits a été rendue obligatoire en application de l’article L. 631-24 du code rural. » ;

3° Au premier alinéa des articles L. 924-3 et L. 954-3, les mots : « dernier alinéa » sont remplacés par les mots : « dernier alinéa du I » ;

4° Après l’article L. 441-3, il est inséré un article L. 441-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-3-1. – Les fruits et légumes frais destinés à la vente ou à la revente à un professionnel établi en France doivent, lors de leur transport sur le territoire national, y compris dans l’enceinte des marchés d’intérêt national, être accompagnés d’un bon de commande établi par l’acheteur ou le commissionnaire. Le bon de commande doit mentionner le nom des parties, leur adresse, la date de la commande, la quantité, les modalités de détermination du prix et la dénomination précise des produits. » ;

5° Le I de l’article L. 442-6 est complété par un 11° et un 12° ainsi rédigés :

« 11° D’annoncer des prix hors lieu de vente, pour un fruit ou légume frais, sans respecter les règles définies à l’article L. 441-2 ;

« 12° De ne pas joindre aux fruits et légumes destinés à la vente ou à la revente à un professionnel établi en France lors de leur transport sur le territoire national un bon de commande établi conformément aux dispositions de l’article L. 441-3-1. »

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l’article.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 4, nous touchons un point central des relations commerciales dans le secteur des fruits et légumes. Cet article prévoit en effet de durcir les conditions de publicité des produits, notamment lorsque ces publicités mentionnent une réduction de prix ou un prix promotionnel.

On ne peut, effectivement, que partager l’idée selon laquelle une meilleure information des consommateurs constituerait une incitation à une plus grande transparence dans les relations entre les producteurs et les distributeurs. Pourtant, on pourrait dire que cette façon de voir revient à entériner une situation de fait plus qu’elle ne la remet en cause.

Cette situation de fait, ce n’est ni plus ni moins que le déséquilibre profond qui existe entre les contractants : tandis que les distributeurs sont relativement concentrés, les producteurs pâtissent de l’éclatement de leur profession. C’est cette asymétrie de fait qui rend les négociations entre distributeurs et producteurs si inégales.

Si l’on ne s’attaque pas aux racines du mal, à savoir la manière dont les contrats sont passés, on ne pourra pas remédier à cette situation.

Dans cette perspective, le durcissement des conditions de publicité est une bonne chose, mais il ne résout pas la question posée.

D’ailleurs, je considère que cet article 4 est surtout un révélateur, celui de l’échec de la loi de modernisation de l’économie, dite LME. En effet, celle-ci n’a eu d’autre conséquence que de renforcer le déséquilibre entre les protagonistes du secteur agricole. Elle a finalement accru la dépendance des producteurs envers les distributeurs puisqu’elle a permis une libre négociation des prix.

La situation est encore plus délicate pour les producteurs de fruits et légumes frais : leurs produits n’étant pas transformables, ils doivent les écouler rapidement, coûte que coûte, dirais-je ; aussi sont-ils encore plus totalement soumis aux diktats des distributeurs.

Le durcissement des conditions de publicité est certes une adaptation intéressante. Toutefois, je l’ai indiqué, elle ne nous semble pas suffisante. Ce n’est pas en fin de chaîne, sur les étiquettes, qu’il faut agir : c’est à la fois au début et à la fin de la chaîne que les choses doivent être repensées.

Enfin, certaines dispositions de l’article doivent indubitablement être précisées. Ainsi, l’alinéa 4, dans la rédaction qui nous est en donnée, est assez flou. Il dispose en effet que, si des offres promotionnelles « sont susceptibles, par leur ampleur ou leur fréquence, de désorganiser les marchés », alors un arrêté fixera la périodicité et la durée de ces opérations. Le problème qui se pose est donc de savoir ce que l’on entend en visant la désorganisation des marchés. S’agit-il d’une chute des cours ? S’agit-il d’une chute durable ? Qu’est-ce qu’une chute durable, d’ailleurs ? Peut-on la déterminer aussi facilement que, par exemple, une entrée en récession ?

Vous le constatez, la disposition est floue, et il me semble important, monsieur le ministre, que vous apportiez les précisions qui s’imposent.

Il en va de même pour l’ampleur et la fréquence des opérations promotionnelles. Pour ce qui est de la fréquence, d’ailleurs, la question est pour ainsi dire résolue avant même d’être posée puisque les distributeurs procèdent à de telles opérations tout au long de l’année. Dans ces conditions, la logique voudrait presque que l’on fixe d’ores et déjà la périodicité et la durée des opérations promotionnelles, ce qui serait assez cohérent avec la réalité.

Je soulignerai pour conclure que, si l’article 4 comporte des dispositions intéressantes, il résonne aussi, finalement, comme un aveu – un aveu de faiblesse, puisque le texte ne va pas au bout de ce qui devrait être fait pour aider les producteurs agricoles. Nous pourrons certainement l’améliorer, mais je doute que, en définitive, il soit suffisant.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Dans la droite ligne de l’intervention de notre collègue Claude Bérit-Débat, je voudrais me féliciter de ce que la question des promotions et de la publicité soit abordée dans le projet de loi, car, à travers elle, c’est la question des rapports commerciaux entre producteurs et distributeurs qui est posée, sujet qui nous occupe depuis déjà quelques heures. En effet, la « publicité hors lieu de vente », les « promotions ou autres annonces de réduction de prix », sont des termes qui désignent notamment les relations entre les producteurs et la grande distribution, autant le dire clairement dans cet hémicycle.

Dans tous les secteurs économiques, les opérations promotionnelles sont encadrées pour protéger principalement les consommateurs et veiller à ce qu’ils ne soient pas abusés. Dans le domaine agricole, on en est à devoir protéger le producteur : cela traduit bien un malaise réel ! Pourquoi protéger le producteur ? Tout simplement pour qu’il puisse vendre ses produits à un prix qui ne soit pas inférieur au prix de revient…

La logique commerciale qui consiste à attirer le consommateur en lui proposant un prix toujours plus bas met le secteur productif trop souvent en péril. Je crois qu’il faut avancer sur ce sujet et dire clairement que, si les producteurs doivent pouvoir vendre leurs produits à un prix leur permettant de vivre décemment, on ne peut pas continuer, à l’autre bout de la chaîne, de promettre aux consommateurs que les produits seront toujours les moins chers, ne serait-ce que parce que l’on constate que ce n’est pas toujours le cas – nous évoquions cet après-midi la différence entre le prix payé au producteur et le prix affiché en magasin.

Or que constate-t-on ? Tout au long de l’année, les agriculteurs sont confrontés à la puissance des distributeurs en matière de négociation commerciale. Ceux-ci mobilisent trop souvent l’outil promotionnel pour augmenter structurellement leurs marges. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! Nous souhaitons, effectivement, aborder les relations entre les producteurs et la grande distribution, mais il ne faut pas oublier les difficultés que peut rencontrer l’ensemble du circuit de distribution !

Les agriculteurs nous le disent d’ailleurs très clairement : leurs productions ne doivent pas servir de produits d’appel pour faire venir le client dans les grandes surfaces. Le distributeur a certes besoin d’attirer des consommateurs, mais son intérêt, contrairement à ce qui se passe parfois aujourd’hui, ne doit pas mettre en péril un secteur tout entier. Il importe que le long terme prenne le pas sur le court terme. Le principe d’une opération promotionnelle, c’est d’être conjoncturelle et de le demeurer.

La particularité du secteur agricole – Claude Bérit-Débat évoquait à l’instant la filière fruits et légumes – tient à la nature du produit. Sa principale qualité est sa fraîcheur, mais c’est aussi son principal défaut : les produits ont une durée de vie limitée, ils sont donc périssables. Nous ne sommes pas dans l’industrie de la chaussure ou de l’automobile, où le vendeur, pour faire rentrer de la trésorerie, fait du déstockage et vend les modèles de la saison précédente ! Le producteur de cerises, de pêches, de salades, est mécaniquement dans une position d’infériorité commerciale par rapport au distributeur : le temps joue contre lui. Pour résumer, soit il se résout à brader sa production et à diminuer sa marge, soit sa production est dépréciée, voire perdue.

Si le Gouvernement a choisi de traiter cette question dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, c’est bien la preuve que, actuellement, il y a un problème. La question est donc de savoir si ce texte apporte les réponses nécessaires

À nos yeux, il faut réglementer ces pratiques et fixer des règles contraignantes. Nous partageons le constat et la finalité, monsieur le ministre, mais nous nous interrogeons sur les conséquences réelles du texte qui nous est soumis. Les dispositions proposées sont en effet en grande partie identiques à celles qui sont actuellement en vigueur. Ainsi, il est déjà obligatoire de préciser sur la publicité la nature et l’origine des produits, ainsi que la durée de l’offre.

Nous considérons que l’accord sur le prix de cession de fruits ou de légumes frais, désormais formalisé dans un contrat écrit avant l’annonce de prix hors du lieu de vente, peut représenter une avancée en termes de transparence. En revanche, nous regrettons que les possibilités d’amende soient restreintes : si le projet de loi était voté en l’état, les amendes ne s’appliqueraient qu’en cas d’infraction aux règles de publicité en période promotionnelle.

Monsieur le ministre, vos intentions sont louables, mais nous sommes perplexes quant aux résultats qui seront réellement obtenus. Nous essaierons de montrer pourquoi à l’occasion de la discussion de l’article 4, notamment lors de la présentation de nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L’amendement n° 663, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

alinéas premier et deuxième

par les mots :

premier et deuxième alinéas

La parole est à M. Gérard César, rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’une amélioration purement rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je suis favorable à cette percée conceptuelle ! (Rires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 663.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 266, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. L’article 4 du projet de loi a pour ambition de remédier aux dérives auxquelles peuvent conduire certaines pratiques commerciales de la distribution dans les secteurs des fruits et légumes et des produits frais.

Nous ne pouvons que nous en satisfaire, même si nous constatons que les évolutions proposées sont marginales pour ce qui est de la réécriture de l’article L. 441-2 du code de commerce. Pourtant, comme le reconnaît le rapporteur, il s’agit d’un secteur où nous ne pouvons que constater l’absence de formalisation des règles liant les producteurs aux acheteurs. Toute incitation à la contractualisation est donc positive.

Il reste en effet nécessaire d’encadrer ces pratiques, en particulier en matière de publicité hors des lieux de vente mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel.

Ainsi, le présent article prévoit des règles spécifiques concernant, notamment, la nature et l’origine des produits vendus. Le non-respect de ces règles, selon le texte actuellement récrit par la commission, qui ne modifie pas le droit applicable aujourd’hui, peut être sanctionné par 15 000 euros d’amende.

Nous estimons, pour notre part, que le montant de cette sanction n’est pas suffisamment dissuasif et n’a pas fait la preuve de son efficacité. Pour cette raison, nous vous proposons, mes chers collègues, de distinguer entre personnes physiques et personnes morales et, pour ces dernières, de porter la sanction à 75 000 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Les infractions aux dispositions prévues en matière de publicité hors du lieu de vente sont déjà sanctionnées par une amende administrative de 15 000 euros. La commission estime que prévoir une sanction de 75 000 euros pour les personnes morales serait disproportionné. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable. Je considère que la sanction déjà prévue est proportionnée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 266.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 265, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Supprimer le mot : 

métropolitaine

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous l’avons dit, nous sommes plutôt favorables à un encadrement plus strict de la publicité hors des lieux de vente mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel pour les fruits et légumes frais.

Cependant, nous nous interrogeons sur la disposition qui limite le champ d’application de ces mesures aux fruits et légumes frais appartenant à des espèces non produites en France métropolitaine.

Si nous pouvons comprendre que ces dispositions soient limitées aux produits français – notamment parce qu’il est fait référence à des accords interprofessionnels –, nous ne pouvons, à l’inverse, admettre la différence de traitement ainsi créée entre la France et l’outre-mer.

Pour cette raison, nous vous proposons de supprimer dans le présent alinéa la mention « métropolitaine », afin de respecter l’impératif constitutionnel d’égalité de traitement sur le territoire national, lequel ne se limite pas à la seule métropole.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Gérard Le Cam, par son amendement, propose d’étendre le dispositif aux fruits et légumes frais appartenant à des espèces produites dans les collectivités d’outre-mer.

Je rappelle que les fruits et légumes d’espèces non produites en France métropolitaine ne sont pas concernés par le dispositif. Il s’agit par exemple des litchis, mangues, ananas, bananes, et cætera. Cependant, plus aucune disposition particulière au titre de cet article ne contraint les annonces de prix de ces produits.

Il faut ajouter que l’arrivée massive sur le marché, à prix cassés, concerne surtout des produits provenant d’Europe continentale – tomates, fraises – pour lesquels il existe une concurrence de proximité.

Par conséquent, l’encadrement de la publicité promotionnelle est surtout justifié pour ces produits, mais est inutile pour les autres. L’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable, mais je suggère volontiers à Gérard Le Cam de retirer son amendement. En effet, les annonces sur les prix hors des lieux de vente sont régies par l’article L. 441-2 du code de commerce, et l’on ne peut y déroger que par accord interprofessionnel, pour adapter les modalités de ces promotions en fonction de la nature des produits.

Or, les fruits et légumes qui sont produits dans les départements d’outre-mer ne sont pas couverts par une interprofession leur permettant de prendre cet accord interprofessionnel. Par conséquent, il reste aux départements d’outre-mer à se « munir » de cette interprofession afin de pouvoir prendre cet accord interprofessionnel, et bénéficier ainsi de ces règles concernant les annonces de prix hors des lieux de vente.

Si l’on s’en tenait à votre amendement, monsieur Le Cam, les fruits et légumes produits dans les départements d’outre-mer ne pourraient faire l’objet de modalités particulières de promotion. En définitive, ils auraient été pénalisés. En l’absence d’interprofession, je pense donc qu’il est plus raisonnable de retirer l’amendement.

M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 265 est-il maintenu ?

M. Gérard Le Cam. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 265 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 337 rectifié, présenté par MM. Houpert, Beaumont, Frassa, Houel et Milon, Mmes Malovry et Hummel et MM. Jarlier, B. Fournier et Lefèvre, est ainsi libellé :

Alinéa 16, seconde phrase

I. - Supprimer les mots :

les modalités de détermination du prix et

II. - Compléter cette phrase par les mots :

, ainsi que le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture

La parole est à M. Alain Houpert.

M. Alain Houpert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement est d’ordre rédactionnel. Il s’agit de préciser l’objet du bon de commande de manière que l’on y retrouve les éléments essentiels de la future facture. En d’autres termes, il s’agit de définir plus précisément le prix dans le bon de commande, afin de protéger le producteur vis-à-vis de la distribution, et en particulier de la grande distribution.

M. le président. L'amendement n° 268, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 16, dernière phrase

Après les mots :

détermination du prix

insérer les mots :

qui ne peut être inférieur au prix minimum indicatif

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous souhaitons revenir à l’idée du prix minimum indicatif.

Le présent article vise à encadrer les pratiques commerciales actuelles, contestables, qui consistent à introduire, notamment au sein des marchés d’intérêts nationaux et chez les grossistes, d’importantes quantités de marchandises non commandées, trouvant preneur à bas prix. Cette pratique a bien entendu pour conséquence directe de faire chuter le cours des prix des produits agricoles.

Ainsi, le présent article créé un article nouveau L. 441-3-1 au code de commerce, afin de rendre obligatoire la détention d’un bon de commande dans le cas particulier des transactions en différé de facturation pour les fruits et légumes frais destinés à la vente ou à la revente à un professionnel établi en France et circulant sur le territoire national.

Par cet amendement, nous souhaitons réintroduire la notion de prix minimum indicatif. En effet, comme vous le savez, nous proposons de longue date l’établissement de ce prix minimum pour chaque production, défini par l’interprofession compétente, et qui pourrait s’appuyer sur une concertation au sein de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer, à défaut des offices agricoles que vous avez supprimés.

Ce prix minimum indicatif prenant en compte l’évolution des charges de production et des revenus des producteurs pourrait ainsi être revu régulièrement et servir de levier dans la négociation.

Ce serait également, par la définition d’une garantie minimum de revenu pour les producteurs, un élément permettant de lutter contre les marges abusives de la grande distribution. 

Comprenons-nous bien : par cet amendement, nous ne rendons pas obligatoire la définition d’un prix minimum indicatif, mais nous encourageons les interprofessions à le faire.

Au regard de la crise actuelle de l’agriculture et de la situation déplorable de nombreux producteurs, nous considérons qu’il s’agit d’une priorité. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 337 rectifié vise à inscrire dans le bon de commande le prix et les remises éventuelles. Je rappelle à M. Houpert que dans le rapport rédigé par nos soins, qu’il a lu, nous avons supprimé les « 3 R » : remise, rabais, ristourne.

Par conséquent, la mention d’une réduction du prix sur les bons de commande n’est pas vraiment utile. Je demande donc à M. Houpert de retirer son amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable, puisque sa revendication est satisfaite par le rapport de notre commission.

En ce qui concerne l’amendement n° 268 de M. Le Cam, qui porte sur la mention du prix minimum indicatif sur le bon de commande, nous avons eu cette discussion tout au long de l’après-midi. Comme je le rappelais à l’instant, nous avons supprimé les « 3 R », mais également la pratique du « prix après-vente », en prévoyant la mention des modalités de détermination du prix sur le bon de commande. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable. Je voudrais juste rappeler qu’il s’agit d’un article important, qui encadre le « prix après-vente ». L’objectif est d’éviter des situations – que nous rencontrons tous dans nos régions – où, à force de laxisme et à force de développer le « prix après-vente » sans bon de commande, les producteurs de fruits et de légumes se retrouvent vers le début ou la fin du mois d’août avec des stocks importants de fruits et de légumes, qu’ils portent chez le négociant sans savoir s’il existe ou non un débouché.

Les producteurs « abandonnent » leurs marchandises au négociant, et sont soumis ensuite à son bon vouloir : celui-ci fixe le prix qu’il paie au producteur en fonction du prix auquel lui-même – le négociant – a réussi à vendre la marchandise. Le négociant dit en substance au producteur : « Circulez, il n’y a rien à voir !  De toute façon, vous ne pouvez pas vous plaindre puisqu’il n’existe aucun document écrit ».

Nous faisons ici une avancée très importante, puisque nous rendons systématique l’existence d’un bon de commande écrit. Cela revient à rendre systématique l’existence d’un contrat, puisque l’ensemble du texte est parcouru par la même philosophie : il n’est désormais plus possible, pour les producteurs, d’apporter leur marchandise aux négociants sans établir un contrat écrit.

Mais si l’on veut éviter que le remède ne soit pire que le mal, je crois que l’on doit s’efforcer, tout en imposant l’établissement d’un contrat écrit, de ne pas faire peser trop de contraintes quant aux stipulations contenues par ce dernier, comme cela est proposé dans les deux amendements. Nous risquerions de gêner le producteur lui-même en freinant la commercialisation de ses produits.

Nous estimons donc que l’équilibre de l’alinéa 16 est le bon équilibre, qu’il change déjà radicalement un certain nombre de pratiques, en particulier dans le domaine des fruits et légumes, et qu’il faut s’en tenir là.

M. le président. Monsieur Houpert, l’amendement n° 337 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Houpert. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 337 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 268.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 267, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

les dates de livraison et leurs modalités

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Par cet amendement très simple, nous souhaitons compléter les mentions du bon de commande par des éléments concernant la date et les modalités de livraison.

En effet, nous sommes particulièrement satisfaits que le problème de la pratique du « prix après-vente » soit reconnu. Nous sommes favorables à la mise en place de l’obligation générale de bon de commande dans le cas particulier des transactions en différé de facturation, et notamment sur les marchés d’intérêts nationaux.

Pour autant, nous pensons qu’une telle mesure ne permettra pas de lutter contre les pratiques d’anti-datage qui existent déjà. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La date figure dans le texte, madame Didier. Ce point est bien mentionné dans le texte rédigé en commission.

Cette rédaction permet donc largement d’empêcher une pratique qui risque de déstabiliser le marché. Vous dites aussi qu’il est nécessaire de préciser les modalités de livraison au titre des mentions devant obligatoirement figurer sur le bon de commande. Or, dans la liste qui est proposée dans le rapport de la commission, figure justement tout ce qui concerne les dates, les quantités, les qualités, et cætera.

A priori, votre amendement me paraît donc satisfait.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. En partie !

M. Gérard César, rapporteur. En partie seulement, car les amendements ne sont jamais complètement satisfaits !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je comprends bien l’intention, tout à fait positive, qui anime les auteurs de cet amendement. Je rejoins néanmoins ce que dit le rapporteur.

Cet amendement est en partie satisfait sur la question de la date. J’attitre l’attention de Mme la sénatrice sur le fait que cet amendement pourrait se retourner contre les producteurs. Si l’on précise les modalités de livraison dans le bon de commande, la charge risque de se retourner contre les producteurs. Je propose donc un retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Didier, l’amendement n° 267 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 267 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 214 rectifié est présenté par MM. Pointereau, Doligé, Laurent, Doublet, Pillet, Cornu, Billard et Houel.

L'amendement n° 509 rectifié est présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, Carle et Bailly.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Ce bon de commande contient une référence de prix.

La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l’amendement n° 214 rectifié.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement concerne l’alinéa 16, qui dispose que « le bon de commande doit mentionner le nom des parties, leur adresse, la date de la commande, la quantité, les modalités de détermination du prix » – et non pas le prix – et « la dénomination précise des produits ». 

L’objectif de notre amendement est de permettre l’établissement de relations commerciales tout à fait équilibrées entre les différents acteurs de filières, et d’éviter ainsi les pratiques abusives qui contribuent à déprécier le prix de vente et entraînent parfois même le refus d’un lot ou d’une marchandise. Il vise à instituer un prix que l’on pourrait qualifier de prix minimum garanti, de prix minimum indicatif, ou encore de prix d’intervention, afin de mieux protéger les producteurs.

En effet, quand bien même le bon de commande serait bien libellé, si les marchandises sur le marché sont en quantités trop importantes, on trouvera toujours un détail – la présence d’un insecte indésirable, ou quelque chose de ce genre – pour ne pas payer la marchandise livrée par le producteur, ou évacuer le lot.

Quand, au contraire, les marchandises sont en quantités insuffisantes, les bons de commande ne sont plus nécessaires puisque toutes les marchandises trouvent preneur au meilleur prix.

Au travers du présent amendement, il s’agit donc vraiment de protéger le producteur, en indiquant sur le bon de commande un prix de base, référentiel, afin d’éviter tout abus.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour présenter l'amendement n° 509 rectifié.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à compléter l’alinéa 16 de l’article 4 avec la phrase suivante : « Ce bon de commande contient une référence de prix ».

Parce qu’ils ont un coût de production, parce qu’ils ont un prix, parce qu’ils sont issus de longues heures de savoir-faire, les produits ne peuvent être mis en commercialisation sans prix. Or, cette pratique est malheureusement courante et déstabilise le marché. C’est pour remédier à cette situation que cet amendement a été déposé, à l’instar de celui qui a été présenté par M. Pointereau.

M. le président. Monsieur le rapporteur, êtes-vous convaincu ?

M. Gérard César, rapporteur. Ce sont nos collègues sénateurs qui devraient être convaincus, monsieur le président. Leurs amendements sont satisfaits par la rédaction de notre commission. Ces amendements ne sont peut-être pas satisfaits à 100 %, mais ils le sont à 98 % (M. Rémy Pointereau hoche la tête.), et je vais m’en expliquer.

Monsieur Pointereau, votre amendement est satisfait par la rédaction du texte de la commission qui prévoit que « le bon de commande doit mentionner le nom des parties, leur adresse, la date de la commande, la quantité » et surtout, comme vous l’avez relevé dans votre intervention, « les modalités de détermination du prix et la dénomination précise des produits ». Donc, si votre amendement n’est pas satisfait par le texte de la commission, j’attends de voir quelle pourrait être une meilleure formulation…

Je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.

Il en est de même concernant l’amendement identique de M. Jarlier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je partage le point de vue de M. le rapporteur. Je voudrais simplement préciser à Rémy Pointereau que nous nous sommes beaucoup interrogés sur l’encadrement du « prix après-vente » et l’obligation d’établir un bon de commande. Nous en avons beaucoup discuté avec les producteurs, car le risque est évidemment d’empêcher l’écoulement des marchandises en excès, et notamment des fruits et légumes pendant le mois d’août.

Nous avons voulu maintenir un bon équilibre, en imposant un certain nombre de précisions sur le bon de commande, notamment les modalités de détermination du prix, mais en évitant de franchir une limite qui ferait que la règle se retournerait contre le producteur. C’est ce que j’ai indiqué tout à l’heure au groupe CRC-SPG. Je demande donc le retrait de ces amendements.

M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 214 rectifié est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Je ne suis pas convaincu à 100 %, même si ma demande est satisfaite à 98 % ! Expliquez-moi ce que sont les « modalités de détermination du prix ». Les modalités ne fixent pas le prix. Elles précisent qu’une marchandise doit présenter certaines qualités pour que le prix puisse apparaître sur tel journal, tel quotidien. Ce que je souhaite, c’est que l’on indique un prix de référence, un prix indicatif. Mais ce n’est pas en parlant de « modalités de détermination du prix » que vous fixez le prix. Je vous demande donc à m’apporter des précisions supplémentaires, car je ne suis pas convaincu.

M. le président. Monsieur le ministre, convainquez !

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est mon métier monsieur le président !

Je vous donnerai un exemple très concret. Dans beaucoup de prix après vente, on trouve des prix liés à la commission : ainsi, lorsqu’un producteur livre une cargaison de melons, il peut proposer, dans la modalité de fixation du prix, qu’il y ait une commission de 10 % ou de 15 % pour le négociant et celui-ci aura intérêt à tirer le prix le plus haut possible afin d’obtenir la commission la plus élevée possible. Ce n’est ni l’intérêt du producteur ni celui du négociant lui-même qu’un prix soit fixé au préalable dans le bon de commande ; il faut donc laisser une marge de manœuvre.

M. Rémy Pointereau. Cela signifie qu’il n’y a pas de prix !

M. le président. Monsieur Pointereau, qu’advient-il de votre amendement ?

M. Rémy Pointereau. Je le retire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), monsieur le président, mais je ne suis toujours pas convaincu, car il n’y aura pas de prix. Même si une marchandise fait l’objet d’un super bon de commande, avec toute la réglementation possible et imaginable, si, pendant une période donnée, cette marchandise est en excédent sur le marché, l’acheteur trouvera toujours le moyen de ne pas payer le prix qui convient. C’est la raison pour laquelle je souhaitais que soit prévu un prix indicatif.

M. le président. L’amendement n° 214 rectifié est retiré.

Monsieur Jarlier, qu’en est-il de l’amendement n° 509 rectifié ?

M. Pierre Jarlier. Je le retire, monsieur le président, bien que, comme M. Pointereau, je ne sois pas convaincu par ce qui vient de nous être dit. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Gérard Le Cam. Personne n’y croit !

M. Pierre Jarlier. Les « modalités de détermination du prix », ce n’est véritablement pas un prix minimum. Or, ce dont nos producteurs ont besoin, c’est d’un prix minimum à la commande.

M. le président. L’amendement n° 509 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 5

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 52 rectifié ter, présenté par MM. Pointereau, Pierre et Vasselle, Mme Des Esgaulx et MM. Cornu, Houel, Billard et Mayet, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 440-1 du chapitre préliminaire du titre IV du livre IV du code de commerce, il est inséré un article L. 440-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 440-2. - Le Gouvernement présente au Parlement un bilan annuel de la mise en œuvre du présent titre et de son impact sur le secteur agricole et agroalimentaire. Ce bilan est établi, notamment, sur la base des informations figurant dans le rapport d'activités visé à l'article L. 440-1 [rapport d'activité annuel de la Commission d'examen des pratiques commerciales], dans le rapport de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires visé à l'article L. 692-1 du code rural et de la pêche maritime, des pratiques commerciales et de la jurisprudence en la matière, ainsi que de l'intensité de la concurrence observée dans les zones de chalandise. »

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. La loi de modernisation de l'économie, ou LME, comporte en matière de négociations commerciales deux innovations majeures, en forme de contreparties : d'un côté, la libre négociation des tarifs des fournisseurs – avantage conféré aux commerçants – et, de l'autre, la réduction des délais de paiement des fournisseurs. Il faut rappeler que les agriculteurs sont parfois payés un an, voire dix-huit mois après la mise en culture de leur production. L'application de la LME aux campagnes commerciales devrait donc aboutir à de nouveaux équilibres dans les négociations.

Or les négociations commerciales en 2010 ont été plus difficiles que jamais : dates butoir insuffisamment respectées, interprétations abusives de la négociabilité des conditions générales de vente malgré les avis de la commission d'examen des pratiques commerciales, la CEPC. Les fournisseurs, qu'il s'agisse des entreprises agricoles ou des PME du secteur agroalimentaire, subissent les effets économiques de ces dérives.

Ainsi que le Conseil économique, social et environnemental l'avait recommandé dans son avis de 2009 sur la formation des prix alimentaires, « il convient de mesurer les effets de la liberté de négociation sur les fournisseurs de l'amont, producteurs et industriels. Il faut également s'assurer d'une transmission réelle des réductions de prix jusqu'aux consommateurs. »

C'est pourquoi il est proposé que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement un bilan évaluant les incidences de la négociabilité des conditions générales de vente sur les secteurs agricoles et alimentaires, en s'appuyant sur les avis et recommandations émis par la CEPC.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement ouvre le champ des rapports. Il est vrai que, par définition, je ne suis pas très favorable aux rapports, qui ont tendance à se mutiplier, encombrant nos étagères (M. Paul Raoult s’exclame.), et que personne ne lit car cela risquerait de faire voler la couche de poussière qui les enrobe.

M. Paul Raoult. C’est de l’anti-intellectualisme !

M. Gérard César. Je souhaite entendre au préalable le Gouvernement, car nous abordons, avec cet amendement, une série d’amendements sur la LME, et il serait intéressant de connaître la position du ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne suis pas ministre du commerce, je suis simplement ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, ce qui suffit largement à mes loisirs ! Par conséquent, nous ne souhaitons pas ouvrir le débat sur l’application en cours de la loi de modernisation de l’économie qui, elle, touche à d’autres sujets (M. Paul Raoult s’exclame de nouveau.), a d’autres effets et dont on a tiré un certain nombre de conséquences.

Je souhaite que l’on restreigne notre débat aux seules questions agricoles, et celles qui ont été soulevées sont des questions de fond. Le débat que nous aurons sur le renforcement de l’Observatoire des prix et des marges, sur les moyens dont il disposera, est important. C’est sur ces sujets qu’il faut se concentrer, au lieu d’ouvrir un autre débat totalement différent sur les pratiques commerciales, les délais de paiement et autres questions qui ne sont pas de mon ressort.

M. le président. Monsieur le ministre, s’agit-il d’une demande de retrait ?...

M. Rémy Pointereau. Sagesse ? (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Je demande donc le retrait de cet amendement, sur lequel, sinon, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Je partage tout à fait la position du ministre. Le changement des règles de la LME concerne l’industrie agroalimentaire mais pas uniquement.

Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche n’a pas vocation à modifier les règles du jeu dans les relations entre la distribution et l’ensemble des secteurs industriels.

Dans son rapport d’information sur la mise en œuvre de la loi de modernisation de l'économie, notre collègue Mme Élisabeth Lamure préconisait d’abord de renforcer les contrôles afin de mieux faire appliquer la LME en ce qui concerne la négociabilité des conditions générales de vente, avant d’envisager des modifications législatives.

Le bilan de la LME n’est pas encore complet. Je rappelle que la convention unique n’existe que depuis mars 2009. Nous avons à peine une année de recul et je crois qu’il faudra, d’ici peu de temps – et Mme Lamure en est convaincue – refaire le point sur l’application de la LME, notamment pour ce qui est des règles de modernisation du commerce et de l’industrie.

M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 52 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Qu’un bilan soit fait est justement ce que je souhaitais en demandant ce rapport. Si Mme Lamure présente un amendement qui va dans le même sens que le mien, je lui laisserai la priorité puisqu’elle a rapporté la LME. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 52 rectifié ter est retiré.

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Elles sont applicables de plein droit à tout acheteur de produits ou demandeur de prestations de services d'une même catégorie à la date d'entrée en vigueur qu'elles indiquent. »

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Mon amendement a justement été cosigné par Mme Lamure ! Il est d'ailleurs consécutif au rapport qu’elle a établi. Nous avons beaucoup travaillé sur ces sujets, et la série d’amendements portant articles additionnels après l’article 4 que nous avons déposés tend à montrer qu’un problème d’application de la LME se pose.

Mme Nathalie Goulet. S’il n’y en avait qu’un…

M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas l’ignorer, vous qui êtes parfaitement au fait de ces sujets, surtout après avoir travaillé à Matignon.

Cela étant, je comprends bien la position de M. le ministre de l’agriculture et de M. César, rapporteur de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Mais les amendements que nous avons déposés visent aussi à alerter, parce que les conditions générales de vente, les CGV, sont actuellement très fragilisées par une interprétation erronée, extrémiste, dirai-je même, de la LME.

Les fournisseurs sont de plus en plus confrontés à des conditions générales de vente dérogatoires, des demandes de report, voire des refus d'appliquer le tarif de l'année sur la base duquel ont été négociés et conclus les accords commerciaux.

L'objectif de la LME, qui était de garantir une négociation commerciale équilibrée à partir d'un socle commun à tous les clients, est donc détourné.

Comment garantir un revenu décent à la filière amont –et cela concerne particulièrement le milieu agricole – lorsque, en aval, le tarif n’est pas appliqué dans la majorité des cas ?

Il apparaît donc, selon moi, nécessaire de réaffirmer que les CGV constituent le socle incontournable de la négociation commerciale à partir desquelles peut s'ouvrir une négociation commerciale avec l'acheteur. C’est vraiment très important.

Je sais bien que cela vous pose un problème, monsieur le ministre, parce que vous n’êtes pas en charge du commerce. Mais cela pose aussi un problème à l’ensemble des fournisseurs, qui, face à quatre ou cinq centrales d’achat, sont très nombreux. La disproportion qui caractérise le rapport des forces justifie que l’on intervienne. Ce projet de loi est l’occasion d’adresser un signe fort à l’ensemble des producteurs et des fournisseurs pour leur dire que cela suffit, que la loi ne doit plus être ainsi bafouée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Gérard Cornu, par cet amendement, ainsi que par ceux qui vont suivre, qui sont également relatifs à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, soulève un vrai sujet.

En effet, le rééquilibrage des relations entre fournisseurs et distributeurs, qui était un des objectifs de la LME, comme vient de le rappeler Gérard Cornu, ne semble pas avoir été pleinement atteint.

Les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs demeurent marquées du sceau du déséquilibre.

Néanmoins, il apparaît que les modifications des conditions générales de vente dans le sens de leur renforcement dépassent largement le cadre des relations commerciales dans le secteur agricole, qui est l’objet même de cette loi.

Le bilan de l’application de la loi de modernisation de l’économie n’est pas encore complet. En effet, le groupe sénatorial chargé du suivi de la LME avait, dans son rapport, indiqué qu’il serait souhaitable de légiférer à nouveau sur cette question mais seulement après qu’un véritable contrôle aura été mis en place et aura permis d’établir un bilan complet.

C’est la raison pour laquelle j’ai répondu tout à l’heure à Rémy Pointereau que ce bilan était en cours et qu’il était nécessaire que Mme Lamure ou un autre de nos collègues de la commission de l’économie puisse refaire le point sur l’application de la LME, car c’est un vrai problème qui est posé aujourd’hui.

Monsieur le ministre, là encore, je souhaite connaître votre point de vue, étant rappelé que vous n’êtes pas ministre du commerce et de l’artisanat, comme vous l’avez fort opportunément souligné.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Cornu, rouvrir le chantier de la LME pose au ministre de l’agriculture que je suis un vrai problème de principe. Comme vous l’avez dit vous-même, j’ai suffisamment travaillé sur ces sujets dans d’autres fonctions pour ne pas ignorer les problèmes que posent les conditions générales de vente et le déséquilibre existant dans le rapport de force entre les uns et les autres.

La LME, qui a été bien portée par Hervé Novelli, avec le soutien de Christine Lagarde, a permis d’améliorer les choses. Donc, rouvrir l’un des points déjà traités me pose un vrai problème de principe.

M. le président. Monsieur Cornu, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?

M. Gérard Cornu. Certes, il est normal que cela pose au ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche un vrai problème, mais nous sommes là aussi pour légiférer. Il n’est pas rare que, lors de l’examen de certains projets de loi, nous tentions, afin d’améliorer certains dispositifs, de faire passer quelques « cavaliers ». Notre rôle de législateur est d’être quand même à l’écoute du terrain, en l’occurrence des fournisseurs, qui sont confrontés à un grave problème.

Je retire mon amendement,…

Mme Évelyne Didier. C’est dommage !

M. Gérard Cornu. … mais, j’y insiste, il faut régler ce problème, car, vraiment, cela suffit.

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au septième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, après le mot : « vente », sont insérés les mots : « justifiées par des contreparties concrètes et vérifiables de ce dernier, ».

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Marc Daunis. Autant le retirer tout de suite !

M. Gérard Cornu. Effectivement ! Si j’ai bien compris, il n’est pas fait montre d’ouverture en ce qui concerne la LME. Je retire donc mon amendement, cela nous fera gagner du temps !

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

L'amendement n° 141 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au septième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, après les mots : « conditions particulières de vente », sont insérés les mots : « justifiées par la spécificité des services rendus ».

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, mes chers collègues, je le signale d’emblée, il y a très peu de chance que nous retirions notre amendement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Nous allons vous rendre service, monsieur le ministre, en faisant en sorte que la fameuse LME ne contamine pas la LMA.

En effet, notre amendement tend à apporter des corrections à l’article L. 441-6 du code de commerce, qui a été modifié par la loi de modernisation de l’économie.

Faut-il le rappeler, le groupe socialiste s’est toujours opposé à cette loi présentée il y a seulement deux ans par la majorité actuelle. Sous couvert de suppression des marges arrière, la LME a facilité la négociation de « marges avant », tout aussi opaques. Par la suppression du délit de pratiques discriminatoires, les tarifs du vendeur sont rendus librement négociables. L’acheteur peut donc se faire octroyer des avantages financiers sans justifier de contreparties réelles.

C’est bien la LME qui a entériné cette décision, puisque les services rendus par le client devaient auparavant justifier l’octroi des conditions particulières de vente. Et c’était bien l’objectif de cette loi de faire sauter tous les verrous au nom de la concurrence libre et non faussée. À l’époque, le Gouvernement affichait sa volonté de faire baisser les prix en prétendant augmenter – de manière artificielle ! – le pouvoir d’achat des ménages.

Deux ans plus tard, nous voyons les résultats de cette politique : d’un côté, des prix à la consommation qui n’ont pas baissé, voire qui ont augmenté, et, de l’autre, des fournisseurs – entreprises de l’agroalimentaire et producteurs agricoles – pressurés. Les deux extrémités de la chaîne alimentaire en ont pâti.

Les premiers bilans de la mise en application des dispositions de la LME relatives aux relations commerciales sont critiques : les relations commerciales se sont détériorées, les fournisseurs disposant d’encore moins de pouvoir de négociation et n’osant pas dénoncer les abus par peur d’être disqualifiés du marché. Il y a quelques mois, le Gouvernement a d’ailleurs assigné devant le juge neuf enseignes dont les pratiques et les contrats se sont révélés abusifs.

Le rapport de Mme Lamure au Sénat ou celui de MM. Ollier et Gaubert à l’Assemblée nationale soulignent que, dans la pratique, « les conditions d’achat » du distributeur se substituent purement et simplement aux conditions générales de vente et que les conditions particulières de vente permettent d’exercer une pression sur les fournisseurs, dans la mesure où le distributeur peut faire valoir ses prétentions particulières dans une relative opacité.

Ils notent aussi que des pratiques illégales se développent, comme l’obligation faite par les distributeurs à leurs fournisseurs de signer des contrats assortis de clause de garanties de marges ou de demandes de compensations financières, afin de s’aligner sur les prix du concurrent.

Mais comment pouvait-il en être autrement dans un secteur commercial où dominent, cela a été évoqué à plusieurs reprises, cinq ou six grosses centrales d’achat ?

Nous vous avions pourtant mis en garde il y a deux ans contre cette libéralisation sans encadrement des négociations commerciales, qui s’apparente à la loi du plus fort.

Nous vous proposons donc aujourd’hui, monsieur le ministre, en quelque sorte une session de rattrapage, la session de septembre. (Mme Patricia Schillinger s’esclaffe.) Comme en 2008, nous vous demandons de préciser que « tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur peut convenir avec un acheteur de produits ou demandeur de prestation de services, de conditions particulières de vente justifiées par la spécificité des services rendus ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Ma démarche sera la même que voilà quelques instants : mêmes causes, mêmes effets. Nous aurons, j’en suis certain, un débat dans cet hémicycle pour faire le point sur la LME et examiner les difficultés qu’elle soulève. Ce débat pourra en particulier être animé par Mme Lamure, si elle est choisie par le président de la commission de l’économie pour approfondir cette question.

Je ne m’en remets pas à la sagesse du ministre de l’agriculture, car, nous l’avons bien dit, c’est le ministre du commerce et de l’artisanat qui est compétent en la matière.

Si l’amendement est maintenu, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Je maintiens bien sûr mon amendement. J’observe que la non-réponse du ministre et du rapporteur revient à reconnaître tacitement les dysfonctionnements que j’évoquais. Monsieur le ministre, vous n’arriverez pas plus à vous débarrasser de la LME que le capitaine Haddock de son sparadrap ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, il ne me semble pas très correct de refuser de répondre à la question qui vous est posée en vous défaussant sur un autre membre du Gouvernement ! Nous le savons très bien, le revenu des agriculteurs dépend forcément de la capacité à négocier avec les industriels et les centrales d’achat.

La LMA et la LME, c’est du pareil au même ! La LMA va dériver comme la LME et connaîtra le même échec.

Mme Jacqueline Panis. C’est votre point de vue !

M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, puisque vous ne voulez pas contrôler les prix et les volumes, la négociation devra se faire avec les 4 ou 5 centrales d’achat. Pour prendre un exemple que je connais assez bien, la coopérative laitière Yoplait-Candia, en concurrence avec Danone, a engagé avec les grands groupes de la distribution une négociation, qui s’est avérée difficile, et a finalement été obligée de « casser » les prix.

Quand Aldi et Lidl sont arrivés, Yoplait-Candia a, dans un premier temps, refusé de leur vendre du lait sans sa marque. (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) Danone ayant accepté, Yoplait-Candia a dû s’aligner et vendre plus de 40 % de son lait, sans marque, à ces deux enseignes, à un prix encore plus bas.

La LMA n’apporte aucune solution à ce problème. Que peuvent des coopératives face à Carrefour, Auchan, Lidl ou Aldi ? La loi que nous élaborons restera lettre morte.

Monsieur le ministre, en Nouvelle-Zélande, une seule coopérative collecte 98 % du lait. C’est la même chose dans les pays scandinaves : au Danemark, il y a un seul collecteur qui négocie. À nous, on interdit de se grouper à plus de 400 producteurs, car nous serions alors en infraction aux règles du droit de la concurrence.

Nous devrions être tous traités de la même façon, alors qu’aujourd'hui les situations sont très différentes selon les pays. Les Allemands vendent leur lait en Europe, en France notamment, et non à l’extérieur, pour gagner des parts de marché sur le marché européen – tout comme d’ailleurs dans le secteur industriel, pour diverses raisons, sociales et économiques. C’est bien le signe que la politique européenne pose problème.

Monsieur le ministre, vous n’échapperez pas à cette question, à laquelle nous devons réfléchir, car, pour que les agriculteurs aient des revenus corrects, il faudra bien maîtriser les volumes et les prix aux niveaux européen et national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Jacqueline Panis. En Allemagne, il n’y a pas les 35 heures !

M. Gérard Bailly. Eh oui, il n’y a pas les 35 heures !

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.

M. Gérard Cornu. Mon amendement est très proche de celui du groupe socialiste, mais, je tiens à le préciser, nos positions sont totalement divergentes.

Chers collègues de l’opposition, vous n’avez pas voté la LME. Vous auriez pourtant dû le faire, car c’est une excellente loi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous vouliez combattre les marges arrière : nous l’avons fait. Vous le savez, elles ont quasiment disparu.

Le seul problème qui continue de se poser est celui de l’application de la loi. Actuellement, certains groupes s’autorisent à ne pas appliquer la LME, en ce qui concerne aussi bien les conditions générales de vente, les CGV, que les conditions particulières de vente, les CPV. (M. Gérard Le Cam s’exclame.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, nous avons, le 12 janvier dernier, ici même, fait le point sur la LME. Excepté une modeste intervention de ma part qui portait sur RFI, le débat a concerné le statut de l’auto-entrepreneur. Il est vraiment dommage que toutes les observations faites aujourd'hui par les uns et les autres n’aient pas été formulées à cette occasion, lors du contrôle parlementaire de la loi. D’autant que M. Hervé Novelli s’est toujours montré extrêmement ouvert sur la question des ajustements qui pourraient être apportés à ce texte.

Les amendements présentés de part et d’autre de l’hémicycle sont tout à fait légitimes. Il faudra les représenter à la première occasion, dans l’une des prochaines navettes, même si notre ordre du jour est déjà très chargé.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, nous faisons tous dans cet hémicycle le même constat : la LME est contournée, elle ne joue pas son rôle. Pour notre part, nous pensons que nous avons vraiment bien fait de ne pas la voter, parce que les arguments avancés à l’époque sont ceux que nous retrouvons aujourd'hui.

Par ailleurs, si les 35 heures expliquent les problèmes de l’agriculture française, pourquoi ne pas les avoir supprimées, alors que vos amis et vous-mêmes êtes au pouvoir depuis 2002 ? Ce n’est pas la peine de faire la LMAP ! Soyons sérieux, le différentiel de prix entre l’Allemagne et la France ne s’explique en réalité que pour 5 % ou 6 % par les 35 heures. Il ne faut pas lancer des arguments sans fondement. (Mme Esther Sittler s’exclame.)

M. le ministre et M. le rapporteur nous disent que la LME, c’est un autre problème, qui sera abordé plus tard. Certes, mais il est impossible d’examiner la LMAP sans traiter parallèlement la LME. Sans cela, soit nous faisons fausse route, soit notre travail ne servira à rien.

Qui plus est, monsieur Le Maire, vous êtes certes le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, mais vous êtes également un membre du gouvernement de M. Fillon et donc, à ce titre, un ministre transversal. Vous pouvez porter de nombreux sujets, comme les retraites, les déficits, l’éducation, l’économie.

M. Gérard Cornu. Il n’est pas encore Premier ministre !

M. Didier Guillaume. Je comprends bien que cette situation peut vous poser problème eu égard à la « subsidiarité » institutionnelle entre collègues. Si cela est possible, peut-être faudrait-il faire venir ici Hervé Novelli, comme le suggère notre collègue Nathalie Goulet.

Je comprends tout à fait que notre collègue Gérard Cornu ait retiré son amendement par solidarité majoritaire, car cela lui a été demandé par le Gouvernement. Mais nous devons aller plus loin dans la réflexion. Selon nous, ne pas aborder dans ce projet de loi la refondation, ou la revoyure, de la LME serait une grossière erreur. En effet, tout ce que nous pourrons dire aujourd'hui pourra être contrecarré demain. Je le répète, la LME est complètement contournée. Elle n’est pas adaptée à la réalité des faits, ce qui pose un réel problème économique.

Cela a été excellemment souligné tout à l’heure par Paul Raoult, la question qui se pose est celle de l’agriculture que nous voulons demain. Voulons-nous garder notre tradition agricole française, qui est faite, vous l’avez tous évoqué, mes chers collègues, de multifonctionnalités, de polycultures, de petites entreprises agricoles comme de grands groupes agricoles performants et concurrentiels au niveau européen et mondial ?

Nous, nous pensons qu’il faut les deux.

Notre agriculture est compétitive, mais elle doit l’être davantage, peut-être grâce à la LMAP, en allant gagner des parts de marché en Europe et dans le reste du monde. C’est indispensable. Voilà pourquoi il faut de grandes structures.

Dans le même temps, si le Cantal, le Gers, la Drôme ou d’autres départements…

M. Didier Guillaume. … ne conservent pas de petits éleveurs, de petits arboriculteurs, de petits semenciers, si notre histoire agricole ne peut continuer, ce sera la fin du modèle français.

Quel modèle agricole voulons-nous ? Voilà l’enjeu de ce débat !

Cette crise, nous l’avons tous dit, se situe à deux niveaux : elle est conjoncturelle et structurelle.

Vous essayez de répondre à la question structurelle. Oui, il faut moderniser, être concurrentiel, mieux exister à l’échelon européen. Reste que si l’on ne résout pas le problème conjoncturel, on aura eu beau faire, comme chercher à moderniser l’agriculture, il n’y aura plus de petits agriculteurs demain. De grandes entreprises auront été modernisées, mais notre modèle agricole aura été totalement transformé.

J’y insiste, mais ne pas faire le lien entre la LMAP et la LME, même si nous avons compris les explications de M. le ministre, nous semble participer d’une erreur de stratégie. Demain, comme l’a dit Paul Raoult, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Nous craignons donc d’avoir à vous dire dans un an ou dans dix-huit mois au plus tard que la LMAP ne va pas dans la bonne direction, car elle n’a pas tenu compte de tous les paramètres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. Je comprends parfaitement que M. le ministre ne veuille pas répondre de la LME devant les sénateurs. Je le comprends d’autant mieux que ce texte est un échec patent. Si nous sommes aujourd'hui dans cette situation, notamment dans le secteur agricole, c’est en grande partie à elle que nous le devons. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Le Cam. C’est vrai !

M. Martial Bourquin. La LME – je réponds à Gérard Cornu, car, s’il n’était pas intervenu, je me serais tu (Mme Jacqueline Panis s’exclame.) – devait totalement rénover la libre négociation des tarifs. Or à quoi est-on parvenu ? À faire entrer le renard dans le poulailler !

M. Gérard Le Cam. Et il a tué toutes les poules !

M. Martial Bourquin. Absolument !

On pourrait en rire, mais cela n’a rien de drôle. Des milliers d’agriculteurs font les frais de cette pensée libérale qui veut tout régler par la libre négociation entre le pot de fer et le pot de terre.

Pour rendre la LMAP efficace, il convient de rééquilibrer la situation en stoppant cette libéralisation. Nous pourrions alors défendre notre agriculture et offrir des protections aux producteurs et aux agriculteurs.

Mme Jacqueline Panis. On a vu ce que cela a donné !

M. Martial Bourquin. Las, chaque fois que nous proposons des amendements pour protéger nos agriculteurs, nous nous heurtons à une fin de non-recevoir. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

À ceux que j’entends rire ici et là, je rappelle que les agriculteurs manifestaient tout à l’heure…

Il y a quelques jours, dans notre département, Claude Jeannerot et moi-même avons participé à une réunion dans le Haut-Doubs. Dans ce département, pourtant protégé par une AOC, je peux vous dire que les agriculteurs, toutes opinions politiques confondues, vivent très mal la situation actuelle. Ils sont pessimistes pour leur avenir, car ils pressentent bien ce qui est en train de se passer : la mise en place d’une machine de guerre libérale. L’agriculture française à la fois familiale et très modernisée, dont parlait Didier Guillaume, est remise en cause avec la recherche de la productivité à tout crin.

Face à tous ces problèmes, on ne peut à aucun moment faire l’économie d’un débat sur la LME. Si on ne la réforme pas en profondeur, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Mes chers collègues, ne vous attachez pas à des dogmes, ne défendez pas aveuglément une loi que vous avez votée !

En lisant l’objet des amendements présentés par Rémy Pointereau, j’ai constaté que notre collègue faisait exactement le même constat que nous. Admettez donc que la LME n’a pas augmenté le pouvoir d’achat des consommateurs et qu’elle n’est pas un succès pour les producteurs, qui paient très cher son existence.

Nous devons avoir le courage de nos opinions en nous opposant à cette machine de guerre qui, après l’industrie notamment, s’attaque maintenant à notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Gérard Le Cam et Michel Billout applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Bourquin, il ne faudrait pas pousser le bouchon trop loin ! D’un côté, je vous entends dire que l’on n’offre pas de protection aux agriculteurs et, de l’autre, vous votez contre les contrats, qui, à ce jour, sont la seule solution permettant aux agriculteurs de percevoir un revenu stable. Je dis bien « la seule » ! Depuis six mois que je travaille sur ce projet de loi, aucune proposition alternative crédible ne m’a été présentée.

Après avoir été battus en 1999 sur la suppression des quotas laitiers, vous n’avez apporté aucune solution de remplacement. Aujourd’hui, on vous en propose une avec les contrats, mais vous votez contre. Permettez-moi de vous dire que je trouve indécent que vous veniez ensuite me parler du manque de protection de l’agriculture ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Françoise Férat et M. Jean Boyer applaudissent également.)

J’aimerais aussi répondre à M. Raoult, qui a cité l’exemple de la Nouvelle-Zélande. Là aussi, les bras m’en tombent. Dans ce pays, tous les producteurs de lait ont des contrats, il existe des marchés à terme, une seule interprofession et le monde agricole est économiquement équipé pour affronter le monde de demain.

En fait, vous rêvez du monde d’hier, du retour au prix administré, du retour aux quotas.

Mme Jacqueline Panis. Exactement !

M. Bruno Le Maire, ministre. Mais pas un seul pays européen n’en veut. Avec un tel projet, vous seriez à nouveau battu en 2010 ou en 2020, comme vous l’avez été en 1999.

Notre responsabilité n’est pas de pousser les agriculteurs à vivre dans le monde d’hier – « Dormez, braves gens, nous veillons à garantir les prix » –, mais de leur offrir des armes pour affronter le monde de demain, à savoir des contrats écrits pour stabiliser leurs revenus.

Je refuse catégoriquement de vous laisser dire que le projet loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche n’offre pas de nouvelle protection aux agriculteurs.

Vous avez pris une lourde responsabilité en refusant de voter le principe des contrats à l’article 3, surtout après les améliorations qui ont été apportées par nos débats.

M. Gérard César, rapporteur. Eh oui !

M. Bruno Le Maire, ministre. Une lourde responsabilité, car, lorsque tous les pays européens se seront dotés de ces instruments et que la Commission européenne elle-même proposera des contrats à l’échelle européenne, je me demande bien quel instrument nouveau vous proposerez aux agriculteurs pour stabiliser leur revenu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

S’agissant de la loi de modernisation de l’économie, je le répète, je veux bien avoir le dos large. J’assume donc pleinement tout ce qui a été fait par le Gouvernement. Cependant, je ne crois pas opportun d’ouvrir ce débat ici.

Jusqu’à présent, nos discussions, qui étaient de qualité, se sont concentrées sur des sujets de fond. En ce qui concerne les contrats, par exemple, j’estime que de nombreuses propositions émanant de toutes les travées ont permis d’améliorer considérablement le texte du Gouvernement.

S’agissant des relations commerciales, en revanche, l’encadrement du prix après vente, l’existence systématique d’un bon de commande écrit, la suppression des remises, des rabais et des ristournes, la possibilité de réduire les marges en période de crise, assortie d’une lourde sanction lorsque cette règle n’est pas appliquée (M. Gérard Cornu opine.), relèvent bien du champ de mes responsabilités.

Mes responsabilités consistent à stabiliser le revenu des agriculteurs et à leur permettre d’avoir de véritables perspectives d’avenir. Je peux vous garantir que ce projet de loi contient les instruments pour le faire. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)

M. Gérard César, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Cornu, Mme Lamure et M. Chatillon, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa du I de l'article L. 441-7 du code de commerce est ainsi rédigée : « Rédigée d'un commun accord entre les parties, elle indique les contreparties concrètes et vérifiables correspondant aux avantages consentis, soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d'application, comprenant : ».

La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

L'amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le quatrième alinéa (3°) de l'article L. 441-7 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les contreparties financières correspondant à ces services figurent sur les factures du fournisseur conformément aux dispositions de l'article L. 441-3. »

La parole est à M. Yves Chastan.

M. Yves Chastan. Depuis la LME, l’ensemble de la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services doit être retracée dans une convention écrite annuelle décrite à l’article L. 441-7 du code de commerce. Il s’agit des obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale, des remises éventuellement consenties par rapport aux conditions générales de vente et des autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale. Néanmoins, ce plan d’affaire est loin d’être entré dans les mœurs.

De plus, alors qu’il est toujours précisé dans le code de commerce que les conditions générales de vente du fournisseur constituent normalement le socle de la négociation commerciale, ce n’est plus vrai dans la pratique du fait du déséquilibre significatif existant entre le pouvoir de négociation des différentes parties.

Comme nous l’avons précisé pour notre amendement précédent, l’assouplissement de la possibilité pour un fournisseur d’offrir à l’un de ses clients des conditions particulières de vente permet finalement à la distribution d’exercer une pression sur ses fournisseurs, soit directement sur les agriculteurs, les organisations de producteurs ou les entreprises du secteur agroalimentaire.

Nous proposons donc de préciser que, dans le cadre de la convention écrite, les contreparties financières des obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services doivent figurer sur les factures du fournisseur, conformément aux dispositions sur les facturations figurant à l’article L. 441-3.

M. le président. L'amendement n° 143 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa (3°) de l'article L. 441-7 du code de commerce, les mots : « autres obligations » sont remplacés par les mots : « contreparties, substantielles et vérifiables, aux avantages consentis ».

La parole est à M. Marc Daunis.

M. Marc Daunis. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire remarquer que notre vote de tout à l’heure n’était pas contre la démarche, au contraire ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) Lors des explications de vote, plusieurs de mes collègues l’ont même saluée. Le Journal officiel en fera foi !

L’honnêteté intellectuelle aurait voulu que vous précisiez que c’est précisément parce que les contrats n’allaient pas assez loin et que la démarche nous apparaissait insuffisante que nous avons voté contre.

M. Rémy Pointereau. Trop facile !

M. Marc Daunis. Absolument pas, mon cher collègue !

M. Marc Daunis. Notre débat touchait la question centrale du niveau de protection des agriculteurs, à l’instar de celui auquel il a été fait référence tout à l’heure avec la LME.

Quoi qu’il en soit, je ne sais pas si, face au malaise, le courage consiste à présenter des amendements, puis à les retirer sans les défendre. Toujours est-il que, pour répondre à M. le rapporteur, qui arguait que les amendements étaient satisfaits à 98 %, je veux simplement rappeler que 2 % peuvent faire la différence. Si mes souvenirs sont exacts, c’est l’écart chromosomique qui sépare le chimpanzé de l’être humain. (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – Mme Jacqueline Panis s’exclame.)

Face à des questions aussi importantes qu’un rapport de force disproportionné entre le fournisseur et le distributeur, en l’occurrence entre le producteur et la centrale d’achat, il est important de rétablir l’équilibre. Puisque la LME s’est occupée d’agriculture, la LMAP peut traiter d’économie et de questions liées au commerce et à l’artisanat. C’est pourquoi nous proposons de substituer la notion de « contreparties, substantielles et vérifiables, aux avantages consentis » à celle d’« autres obligations ».

Pour nous, il doit s’agir d’une véritable négociation commerciale et non d’une procédure coercitive permettant à l’un des acteurs d’user de sa position de force et de sa puissance d’achat sur le marché.

Les conditions générales de vente du fournisseur doivent constituer – c’est votre recherche, vous le disiez vous-même, monsieur le ministre – le socle de la négociation commerciale et non les conditions d’achat du distributeur qui sont souvent imposées sans négociation. Si des avantages sont consentis, ils doivent l’être sur la base de contreparties réelles. C’est effectivement un garde-fou important pour encadrer le grave déséquilibre de la relation commerciale.

Si vous êtes prêts à faire ce pas, à vouloir rétablir de façon un peu plus certaine le rapport de force, eh bien votez en faveur de l’amendement que nous proposons. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 142 rectifié et 143 rectifié ?

M. Gérard César, rapporteur. On revient à la LME. C’est donc, pour les deux amendements, le même avis que précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat, je fais référence à ce que j’ai lu dans le dossier de presse qui accompagnait les annonces du Président de la République, lundi dernier, sur les relations commerciales et les marges de la distribution. Je vous renvoie à la fiche 6 sur l’accès du consommateur aux produits alimentaires qui, au sujet de la fameuse LME, indique : « Cette réforme pro-concurrentielle ne sera pas remise en cause en dépit des demandes qui commencent à être formulées en ce sens à l’occasion de la discussion de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Les éléments qui fondent la négociabilité ne seront pas remis en cause : […] le renforcement dans le contrat qui noue les relations d’affaires entre les industriels et les distributeurs des obligations de justification par les distributeurs des contreparties tarifaires réduirait la simplification contractuelle introduite par la LME ». Quand on entend cela, la messe est dite, comme on dirait chez nous.

M. Martial Bourquin. Eh oui, la messe est dite !

Mme Odette Herviaux. C’est, je crois, oublier un peu vite, comme souvent malheureusement, que le Parlement, dans une loi en débat, a toujours son mot à dire. Sur cette question importante, avec l’Assemblée nationale, nous avons réalisé des bilans critiques sur l’application de la loi, notamment s’agissant de dispositions sur les relations commerciales, en particulier en ce qui concerne les produits agricoles. Je me permets de le spécifier car, comme Marc Daunis le disait tout à l’heure, dans cette loi LME un sort a été fait à la production agricole ; pourquoi n’y a-t-il pas de réversibilité possible ?

Les amendements déposés par les sénateurs de tous bords – certains ont été retirés – qui visaient à réviser les articles en question du code de commerce démontrent que nous sommes tous préoccupés par le déséquilibre des relations commerciales, le développement des conditions particulières de vente sans contrepartie et la multiplication des pratiques abusives, notamment, je le soulignais, dans le domaine commercial.

Nous ne pouvons accepter d’être une simple chambre d’enregistrement. Nous sommes là pour débattre – c’est ce que nous faisons ; il me semble très important de le souligner – afin d’essayer de trouver ensemble des solutions et des possibilités d’adaptation de cette loi.

Bien sûr, ce n’est peut-être pas le moment, ce n’est peut-être pas le bon texte, mais au moins, ce débat a l’intérêt et l’avantage de poser les problèmes. D’ailleurs, le Gouvernement lui-même a ouvert la porte de la LME, puisque dans l’article 5 il est proposé la suppression des remises, rabais, ristournes. C’est quand même bien toucher à la loi LME ! Alors pourquoi ne pas aller un petit peu plus loin ? (MM. Marc Daunis et Martial Bourquin opinent.)

Mme Odette Herviaux. Jeudi dernier, lors des questions d’actualité, vous avez reconnu, monsieur le ministre, que depuis plusieurs années les relations entre producteurs, industriels et distributeurs se caractérisent par la confrontation systématique, la confusion, voire l’opacité.

Vous avez répondu, à plusieurs reprises, à certains de mes collègues qu’il fallait plus de contrôle de la réglementation. Encore une fois – j’ai l’impression parfois de me répéter –, renforcer les contrôles demande des moyens humains, des moyens financiers et, malheureusement, ce n’est pas le chemin que nous prenons actuellement.

Nous pensons qu’il est nécessaire d’aller au-delà d’un accord de modération des marges en temps de crise. Il faut souligner que les conditions particulières que nous avons précisées dans nos trois amendements pourraient être justifiées par les spécificités des services rendus et que les conditions générales de vente sont bien le socle de la négociation commerciale. C’était le sens de ces trois amendements que je défends par le même vote. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 486 rectifié, présenté par MM. Hérisson, J. Blanc et Jarlier, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du 1° de l'article L. 443-1 du code de commerce, le mot : « trente » est remplacé par le mot : « vingt ».

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Il s’agit encore de la LME. J’ai une petite idée du sort qui va être réservé à cet amendement, donc je vais le retirer. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

Cela dit, il pose également un problème important pour nos agriculteurs, pour nos producteurs. Cet amendement permettait en effet de réduire le délai de paiement alors même que la LME les a amenés à payer plus rapidement leurs fournisseurs. Une vraie difficulté existe.

Je veux rappeler que ces difficultés sont, aujourd’hui, beaucoup plus importantes. Tous les amendements que nous venons d’étudier nous montrent qu’il est sans doute urgent, monsieur le ministre, de revoir un certain nombre de dispositions de cette loi LME.

Je ne sais pas dans quel cadre. Peut-être faut-il constituer un groupe de travail. En tout cas, on ne peut pas ne pas entendre l’ensemble des demandes qui ont été faites sur toutes les travées pour régler les situations difficiles que connaissent les agriculteurs face à certaines dispositions de la LME.

M. le président. L'amendement n° 486 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je voulais saluer le geste constructif de Pierre Jarlier, qui a souligné un vrai problème. Je veux aussi, ce qui vous surprendra peut-être davantage, saluer l’intelligence de l’argumentation d’Odette Herviaux sur les amendements précédents.

Articles additionnels après l'article 4
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Articles additionnels après l'article 5

Article 5

I. – Après l’article L. 441-2-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 441-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L.441-2-2. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 441-2-1, un distributeur ou prestataire de services ne peut bénéficier de remises, rabais et ristournes pour l’achat de fruits et légumes frais.

« Le fait pour un fournisseur d’accorder ou pour un acheteur de solliciter un rabais, une remise ou une ristourne en méconnaissance des dispositions du premier alinéa engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé. Les III et IV de l’article L. 442-6 sont applicables dans ce cas.

II. – Le I de l’article L. 442-6 du même code est complété par un 13° ainsi rédigé :

« 13° De bénéficier de remises, rabais et ristournes à l’occasion de l’achat de fruits et légumes frais. »

III. – Le I entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 5, nous abordons la discussion d’un point crucial, celui de la réglementation des pratiques de rabais, remises et autres ristournes accordés par les producteurs aux distributeurs.

Je le dis d’emblée, je considère que ces pratiques, les fameux 3 R, même si certains en ajoutent un quatrième, constituent une véritable perversion.

En effet, alors même que chacun s’accorde à dire qu’il faut rééquilibrer les relations entre distributeurs et producteurs – nous venons d’en débattre longuement –, les 3 R sont la preuve que la libre concurrence, dans ce secteur, est une illusion.

La LMA peut donc être l’occasion de revenir sur un certain nombre de pratiques inadmissibles. En ce sens, la LMA permettra, je l’espère encore malgré vos réponses, monsieur le ministre, d’effacer les conséquences désastreuses de la LME.

La LME avait permis de faciliter les négociations des marges avant, les 3 R, dans le but de faire disparaître les marges arrière, ce qui a été dit précédemment. Les tarifs du vendeur ont ainsi été rendus librement négociables et le délit de pratiques discriminatoires a été supprimé.

Au final, et c’est bien ce qui se passe, un acheteur peut donc se faire attribuer des avantages financiers sans justifier d’une contrepartie réelle.

J’ai l’intime conviction, et je pense que beaucoup la partagent dans cet hémicycle, si l’on se réfère au débat qui vient d’avoir lieu, que nous devons être intransigeants avec les distributeurs.

On l’a dit, on l’a répété, les prix pour le consommateur ne baissent pas, quand ceux des producteurs sont sans cesse tirés vers le bas.

Nous avons donc l’occasion d’envoyer un signal fort, un signal clair aux acteurs du secteur. Nous avons l’opportunité ici et maintenant de dire aux distributeurs « assez » de façon catégorique.

Nous avons aussi, et surtout, la possibilité de faire entendre aux producteurs que nous partageons leurs préoccupations et que nous tenons compte de cette situation.

C’est pourquoi il nous faut être extrêmement strict sur cette question des 3 R. Vous-même, monsieur le ministre, lors de votre audition, vous vous étiez dit prêt à interdire ces pratiques de manière générale pour les produits agricoles. À la lecture de l’article 5, force est pourtant de constater que le grand coup de balai dont nous avons besoin en la matière est encore loin.

Certes, l’article comporte une avancée, puisqu’il interdit les 3 R en période de crise conjoncturelle. Cette avancée est néanmoins des plus minimes, permettez-moi de vous le dire monsieur le ministre.

D’abord, parce qu’elle prohibe une pratique exclusivement en période de crise. Autrement dit, elle l’autorise et la consacre le reste du temps. Le texte pose donc l’idée d’une interdiction, mais s’emploie immédiatement après à en encadrer le champ d’application. Ce que nous souhaitons, ce qui est souhaitable pour les producteurs, ce qu’ils attendent, c’est que les 3 R soient interdits, et qu’ils le soient tout le temps !

Comme si cela ne suffisait pas, on se heurte en plus à un autre problème. Le code rural dispose en effet qu’il y a une crise conjoncturelle quand le prix de vente des produits par les producteurs est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des cinq dernières années. C’est une définition qui peut prêter à interprétation, et qui, en tout état de cause, mériterait d’être précisée, notamment aux vues des circonstances actuelles !

Faut-il en effet considérer que la crise actuelle dans le monde agricole est conjoncturelle, alors qu’elle dure depuis plus d’un an ?

Le problème est crucial, on le voit, mais il est appréhendé par le petit bout de la lorgnette.

Pour aller au bout de la démarche, nous vous proposons plusieurs amendements visant à sortir de l’entre-deux, autrement dit, nous vous proposons d’interdire les 3 R, y compris en période de crise conjoncturelle.

Ces propositions ont le mérite de la cohérence. Elles mettraient fin à une distinction peu satisfaisante et contribueraient à rendre plus équitables les relations entre producteurs et distributeurs, ce qui devrait être une des priorités de ce texte.

Elles auraient, enfin, le mérite de la clarté, contrairement aux amendements que vous nous proposez après l’article 5, monsieur le ministre, et qui ne font que rendre plus complexe ce qui l’est déjà.

En l’occurrence, je crois qu’il faut en finir avec les demi-mesures. C’est pourquoi je vous invite à reconsidérer nos propositions.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, qui poursuit.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, le verbe « poursuivre » est approprié puisque je vais intervenir dans la continuité de notre collègue Claude Bérit-Débat, notamment sur cet article 5 qui va rétablir l’interdiction de la pratique des rabais, remises et ristournes. Il s’agit d’une bonne disposition, qui semble unanimement saluée dans cet hémicycle.

Vous le voyez, monsieur le ministre, au cours de l’examen cette loi nous ne sommes pas uniquement dans l’opposition, nous n’adoptons pas seulement des postures négatives. Nous faisons un certain nombre de propositions, même si rares sont celles qui sont acceptées.

Nous savons reconnaître aussi quand, dans votre projet de loi ou dans le texte résultant des travaux de la commission, il y a de bonnes choses. Nous le disons sans fard, car cela va dans l’intérêt de l’agriculture de notre pays.

Je m’interroge toutefois sur l’exception qui figurait dans le texte adopté en conseil des ministres pour les périodes de crise conjoncturelle. Claude Bérit-Débat a insisté sur ce point, je n’y reviens pas.

Permettez-moi cependant de me réjouir de la sagesse du Gouvernement pour avoir retenu, en commission, l’amendement du rapporteur sur lequel nous étions unanimes. C’est une bonne chose.

Mes chers collègues, si nous ne voulons pas faire adopter une loi « au rabais », une loi qui décevrait pour partie le monde agricole, ne devrait-on pas étendre cette interdiction générale pour tous les produits agricoles périssables et pas seulement pour les fruits et légumes ?

Particulièrement sensible à cette filière en tant qu’amateur des fruits du magnifique verger de la vallée du Rhône, il me semble souhaitable que notre réflexion profite à l’ensemble des produits agricoles périssables et donc singulièrement exposés à la volatilité des prix.

Je me permets de m’attarder un instant sur la notion même de crise conjoncturelle, point qui a déjà été évoqué par l’orateur précédent. Cette notion reste vague. On estime que l’on se trouve en situation de crise conjoncturelle lorsque le prix de cession du produit est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des cinq dernières campagnes.

Or la crise qui touche aujourd’hui les agriculteurs dure depuis plus d’un an. Malheureusement, cette crise ne se terminera peut-être pas du jour au lendemain.

Elle affecte l’ensemble des filières, elle est donc d’ordre structurel. Pour que cette loi de modernisation ait un sens, ce ne sont pas uniquement des mesures conjoncturelles qui doivent être prises, quand il y a lieu de s’attaquer à l’organisation structurelle de l’agriculture, j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce point.

Monsieur le ministre, lors de votre audition, vous nous avez dit être prêt à poursuivre dans cette voie. Il est évident que nous soutenons cette démarche, à condition qu’elle trouve une certaine continuité dans l’hémicycle.

L’attitude volontariste adoptée par le Gouvernement en la matière est porteuse d’espoirs. Mais n’oublions pas que c’est ce même gouvernement qui a fait adopter la loi LME, en août 2008, ce qui a permis de faciliter la négociation des marges avant, les fameux « 3 R », dans le but de faire disparaître les marges arrière.

Le texte qui nous est proposé revient sur cette possibilité pour les fruits et légumes, le Gouvernement reconnaissant ainsi de façon implicite avoir fait une erreur manifeste de jugement.

Déjà, dans le code de commerce en vigueur, il est prévu un arsenal législatif destiné à sanctionner les pratiques visant à imposer des prix de première cession abusivement bas pour toute une liste de produits. Le code rural définit également des outils qui pourraient s’avérer précieux afin d’encadrer les relations commerciales, mais ces outils ne sont pas utilisés.

Par exemple, il est possible, puisque cette disposition existe d’un point de vue législatif, de conclure des accords entre l’État et les entreprises de commercialisation et de distribution afin de répercuter la baisse des prix de cession des produits agricoles sur les prix de vente à la consommation – c’est un peu technique, mais précis ! Il est aussi possible d’instaurer un coefficient multiplicateur dans le secteur des fruits et légumes, mesure que notre groupe soutient.

En matière de limitation des pratiques commerciales douteuses, nous pouvons faire changer les pratiques si nous le souhaitons collectivement. Tel est le sens de cette intervention et des amendements qui suivront.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 140, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 441-2-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le mot : « ristournes », la fin du premier alinéa est supprimée ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un distributeur ou un prestataire de services peut par contre prévoir la rémunération de services rendus à l'occasion de la revente de ces produits, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct, lorsque ces services sont prévus dans un contrat écrit portant sur la vente de ces produits par le fournisseur. »

II. - Le I de l'article L. 442-6 du même code est complété par un 13° ainsi rédigé :

« 13° De bénéficier de remises, rabais et ristournes à l'occasion de l'achat des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture définis à l'article L. 441-1. »

III. - Le I entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement, vous l’avez compris, est la stricte mise en application des propos que mes deux collègues viennent de tenir sur l’article.

En d’autres termes, l’article L. 441-2-1 du code de commerce prévoit une liste de produits agricoles dits périssables pour lesquels les remises, rabais et ristournes ne sont autorisés que si ceux-ci sont prévus dans un contrat écrit portant sur la vente de ces produits par le fournisseur.

Le Gouvernement, dans son projet de loi initial, a souhaité proposer l’interdiction de cette pratique des « 3 R » pour ces produits agricoles en période de crise conjoncturelle. Il s’agissait en fait de rétablir un article du code rural qui avait été abrogé par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.

La commission a souhaité se concentrer sur les inconvénients de l’application des remises, rabais et ristournes dans le secteur des fruits et légumes frais parce que la crise des fruits d’été d’août 2009 a démontré la nécessité d’améliorer les pratiques commerciales entre les producteurs de fruits et légumes et leurs clients.

Les abus sont en effet nombreux. Comme nous en avons déjà discuté, il n’y a pas de contreparties réelles aux « 3 R » consentis, au point que certains parlent désormais des « 4 R » en y accolant le mot « racket ».

Ces pratiques sont aussi difficilement contrôlables en raison d’une grande dispersion des fournisseurs et d’une extrême concentration des clients. Les fournisseurs sont tenus de vendre rapidement leur production du fait du caractère extrêmement périssable des fruits et légumes et sont donc obligés de se plier aux exigences des acheteurs et à leurs prix.

Nous sommes tout à fait d’accord avec ces analyses du rapporteur qui ont conduit la commission à interdire de façon permanente cette pratique pour les fruits et légumes. Toutefois, nous ne comprenons pas pourquoi nous nous arrêtons en si bon chemin.

Selon nous, il faut interdire de façon permanente ces pratiques commerciales pour tous les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.

Par nature, les relations commerciales, particulièrement concernant les produits agricoles, seront toujours déséquilibrées au détriment des producteurs et les distributeurs seront toujours tentés d’abuser de leur puissance d’achat pour obtenir une ristourne sur le prix du marché.

C’est la LME qui a permis de faciliter la négociation des marges avant dans le but de faire disparaître les marges arrière, cela a été dit. Toutefois, dans le secteur des produits agricoles, dont les prix sont déjà très volatils, ce dispositif a des effets désastreux.

Cette question des remises, rabais et ristournes est loin d’être anodine, mes chers collègues, car l’interdiction des réductions de prix pour les produits agricoles périssables irait dans le sens d’une plus grande stabilité du marché des produits agricoles et d’une sécurisation des revenus des producteurs agricoles.

M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 5

Après les mots :

pour l'achat

rédiger ainsi la fin de ces alinéas :

de produits agricoles et alimentaires périssables et de tous les produits agricoles générant un coût pour leur maintien en exploitation.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Cet amendement va dans le sens des interventions qui viennent d’être faites sur cet article 5, ce qui me permettra de raccourcir mon propos (Marques d’approbation sur plusieurs travées de lUMP.), monsieur le président, tout en restant – du moins, je l’espère – suffisamment incisif.

Il y a quelques mois, à l’Assemblée nationale, lors de la discussion générale sur la proposition de loi de notre collègue et ami André Chassaigne, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à soustraire en période de crise les producteurs à des pratiques que vous jugiez inacceptables.

Ainsi affirmiez-vous alors : « Je ne peux pas accepter que les distributeurs maintiennent en période de crise des dispositifs de remises, rabais et ristournes, alors même que les producteurs voient leurs marges se réduire et fondre comme neige au soleil, mois après mois ».

Ce constat, nous le partageons, et nous l’avions déjà fait voilà plusieurs mois lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie.

Avec l’article 5, le Gouvernement a, pour une fois, infléchi sérieusement sa position, et nous vous en félicitons, monsieur le ministre.

En effet, il était prévu d’interdire la pratique des remises rabais et ristournes pour les produits agricoles périssables, mais seulement en période de crise. Cette limite se justifie difficilement quand on connaît les abus qui entourent les pratiques commerciales visées.

C’est pourquoi le rapporteur a modifié le projet de loi initial. À l’unanimité, la commission a soutenu son amendement visant à élargir en tous temps la pratique de l’interdiction des rabais, remises et ristournes pour le secteur des fruits et légumes.

Nous pensons qu’il serait utile d’aller encore plus loin et de tirer les enseignements des bilans négatifs de la LME que nous avons entendus sur toutes les travées de cet hémicycle sur un panel plus large de produits.

Nous souhaitons que cette interdiction concerne également tous les produits agricoles et alimentaires périssables et les productions qui génèrent un coût pour leur maintien en exploitation. En effet, ce qui est vrai pour les fruits et légumes l’est aussi pour ces produits.

M. le président. L'amendement n° 664, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

en méconnaissance des dispositions de l'article L. 441-2-2

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’une simple clarification rédactionnelle.

M. le président. L'amendement n° 144, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Après l'article L. 443-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 443-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 443-4. -  Les produits acceptés par le distributeur lors de la livraison ne peuvent faire l'objet de retour au fournisseur. »

La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Les premiers bilans de la loi LME ont souligné le basculement des « conditions générales de vente » vers des « conditions générales d’achat »,…

Mme Jacqueline Panis. On est sûr que c’est la LMA ce soir ?

Mme Renée Nicoux. … le distributeur imposant ses conditions d’achat au fournisseur sans négociation, et ce alors même que la loi réaffirmait que les conditions générales de vente constituaient le socle de la négociation commerciale.

Ils notent aussi que les abus sont persistants. Il s’agit par exemple des pénalités injustifiées ou des déductions unilatérales décidées par le distributeur et imposées aux fournisseurs. On note également la multiplication des clauses de garanties en matière de prix ou de demandes de compensations financières pour aligner les prix sur ceux des concurrents.

Dans le même ordre d’idée, l’une des principales clauses litigieuses imposée aux fournisseurs par les distributeurs est la reprise des invendus. Cette pratique est assez communément imposée aux vendeurs par les enseignes alimentaires. Pourtant, elle est illégale puisqu’elle dénote un déséquilibre profond entre les droits et obligations des différentes parties.

Cela veut dire que le distributeur n’assume pas les risques de la revente, qui sont pourtant au cœur de l’activité commerciale. Il passe des commandes largement supérieures au potentiel de vente, ce qui lui permet au passage de bénéficier de réductions tarifaires, puis il impose la reprise des invendus à son fournisseur. Parfois, les palettes n’ont même pas été défilmées et déballées ! Le fournisseur doit alors prendre en charge le coût d’un double transport, aller et retour, prévoir des frais de reconditionnement, de manutention ; il subit des pertes considérables du fait du caractère périssable des denrées alimentaires.

Cette pratique abusive découlant de la position dominante des distributeurs dans la négociation commerciale est inadmissible. Notre amendement vise donc à introduire, dans le chapitre III du titre IV du livre IV du code de commerce, un article additionnel sur les pratiques prohibées stipulant que les produits acceptés par le distributeur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet de retour au fournisseur.

M. le président. L'amendement n° 533 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Tropeano, de Montesquiou, Mézard et Marsin, Mme Laborde et MM. Milhau, Vall, Plancade, Baylet, Barbier, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° L'article L. 611-4-1 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 611-4-1. - Pendant les périodes de crise conjoncturelle affectant les produits mentionnés à l'article L. 611-4, il est interdit, par dérogation aux dispositions de l'article L. 441-2-1 du code de commerce, d'accorder à tout acheteur de ces produits ou de solliciter de tout fournisseur de ces produits, des rabais, des remises ou des ristournes. 

« Le fait pour un fournisseur d'accorder ou pour un acheteur de solliciter un rabais, une remise ou une ristourne en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé. Les dispositions des III et IV de l'article L. 442-6 du code de commerce sont applicables dans ce cas. » ;

Au second alinéa du I de l'article L. 671-1-1, les mots : « de l'article L. 611-4-2 et aux textes pris pour son application » sont remplacés par les mots : « des articles L. 611-4-1 et L. 611-4-2 et aux textes pris pour leur application ».

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’article 5, tel qu’il a été adopté par la commission de l’économie, interdit complètement les rabais, remises et ristournes pour l’achat de fruits et légumes frais. Touchant une filière particulièrement fragile, cette mesure est très positive ; elle était attendue.

Cependant, nous partageons tout à fait les préoccupations exprimées par nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. La pratique des remises, rabais et ristournes devrait être interdite de manière générale pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses, ainsi que pour les produits de la pêche et de l’aquaculture. Nous voterons donc en faveur des amendements nos 140 et 270.

L'amendement n° 533 rectifié est en quelque sorte un amendement de repli. Nous proposons en effet pour tous ces produits d’interdire les « 3 R », au moins en période de crise conjoncturelle.

Les crises conjoncturelles étant définies dans leur principe général à l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, notre amendement vise à introduire un nouvel article L. 611-4-1. Pour espérer rendre son application effective, il faudrait néanmoins revoir la définition de la crise conjoncturelle, qui est aujourd’hui insatisfaisante. C’est d’ailleurs l’objet d’un autre amendement déposé par notre groupe.

Quoi qu’il en soit, le présent amendement devrait recueillir l’avis favorable du ministre puisqu’il réintroduit une disposition qui était prévue dans le projet de loi initial.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Je tiens tout d’abord à remercier très sincèrement nos collègues, en particulier Didier Guillaume, qui ont souligné le sens des responsabilités de la commission. Leurs arguments vont tout à fait dans le sens de ce que nous pensons à la commission ; nous allons donc travailler sur ce sujet.

J’en viens à l’amendement n° 140, défendu par Mme Odette Herviaux.

L’interdiction de la pratique des « 3 R » vise à remédier à des difficultés spécifiques, caractéristiques du secteur des fruits et légumes : des abus en matière de pratiques commerciales, notamment l’absence de contreparties réelles ; un contrôle difficile en raison d’une grande dispersion des fournisseurs et d’une extrême concentration des clients ; enfin, un déséquilibre entre les fournisseurs et les clients dans les négociations des tarifs.

Ces difficultés justifient pleinement l’interdiction totale de ces pratiques dans ce secteur précis, ce qui n’empêche pas que ces dernières continuent à être strictement encadrées pour les produits agricoles dits périssables prévus à l’article L. 441-2-1 du code de commerce.

Testons d’abord cette suppression des « 3 R », mes chers collègues. Laissons-la vivre ! Il s’agit d’une avancée importante, qu’il convient de maintenir. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 140.

L’amendement n° 270 vise à étendre l’interdiction des remises, rabais et ristournes. De même que pour l’amendement précédent, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.

L’amendement n° 144 est satisfait – non pas à 98 % mais à 100 % ! – par l'amendement n° 261 de M. Gérard Le Cam que nous avons adopté à l’unanimité à l’article 3. Aussi, je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer.

Je demande également le retrait de l’amendement n° 533 rectifié, pour les mêmes raisons. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur sur ces amendements.

Je voudrais saluer l’esprit constructif qui a présidé à la nouvelle rédaction de cet article, puisque la commission a adopté à l’unanimité, concernant la suppression des remises, rabais et ristournes sur les fruits et légumes frais, un dispositif beaucoup plus ambitieux que celui qui avait proposé initialement par le Gouvernement. Ce dispositif est d’ailleurs en adéquation avec des propos que j’avais tenus lors de la présentation de la proposition de loi de M. Chassaigne.

Je tiens juste à préciser que le circuit de commercialisation des fruits et légumes est très particulier, compte tenu de la périodicité et de la fragilité de la production, ainsi que du caractère périssable du produit. Je précise que cette disposition répond également à une demande très forte et ancienne de la filière. Cela va donc dans le bon sens.

En revanche, je n’ai pas entendu les autres filières formuler les mêmes demandes de suppression des remises, rabais et ristournes. Certaines d’entre elles ont fait part de leurs inquiétudes. Je pense en particulier à la filière de l’élevage, qui est très satisfaite de pouvoir négocier son prix en échange d’une commercialisation plus facile, grâce, par exemple, au regroupement des achats sur un seul lieu à proximité de l’abattoir.

Comme M. le rapporteur, je suis tout à fait prêt à étudier l’extension du dispositif proposé, à consulter davantage les filières, à tirer les leçons de la suppression des remises, rabais et ristournes sur les fruits et légumes, mais je ne pense pas qu’il soit raisonnable de procéder à une telle extension dans l’immédiat, sans avoir approfondi le sujet.

À l’instar de M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 140, 270 et 533 rectifié. En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 664 de la commission. Quant à l’amendement n° 144, je prie ses auteurs de bien vouloir le retirer, car son objet est identique à celui de M. Le Cam, qui a été adopté tout à l’heure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 664.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Madame Herviaux, l'amendement n° 144 est-il maintenu ?

Mme Odette Herviaux. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu de l’adoption de l’amendement de Gérard Le Cam.

M. le président. L'amendement n° 144 est retiré.

M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 533 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 533 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l'article.

Mme Odette Herviaux. L’article 5 est un bel exemple, car il fait quasiment l’unanimité – nous aurions aimé qu’il en soit ainsi pour l’ensemble du texte –, même si on peut regretter de ne pas aller plus loin.

Je tiens à saluer le travail qui a été fait par la commission. Il est très important de montrer que, y compris dans ce qui a trait à la loi LME, il est possible de faire évoluer les pratiques du secteur des fruits et légumes, qui, vous l’avez dit, monsieur le ministre, est particulier. Plus que d’autres, ce secteur mérite d’être encouragé dans son organisation et dans sa structuration.

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est vrai !

Mme Odette Herviaux. Nous nous réjouissons des avancées instaurées par l’article 5.

Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 6 A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 538 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin et Collin, Mme Escoffier, MM. Plancade et Tropeano, Mme Laborde et MM. Marsin, de Montesquiou, Barbier, Baylet, Mézard, Milhau, Vall, Alfonsi, Chevènement et Detcheverry, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « groupements reconnus est », sont insérés les mots : « inférieur au coût de production, rémunération du travail compris, ou ».

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime définit la situation de crise conjoncturelle affectant les produits agricoles comme la période durant laquelle « le prix de cession par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des cinq dernières campagnes, à l’exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé ».

Cet article est important, car il conditionne la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures, notamment des mesures temporaires d’encadrement des marges, comme l’application d’un coefficient multiplicateur pour les fruits et légumes.

Or, dans une période de recherche systématique de prix les plus bas possibles, le système n’indiquera bientôt plus aucune crise conjoncturelle puisque l’on comparera des prix bas à des prix bas ! Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, « la crise ne se définit pas seulement d’un point de vue statistique ou administratif. Il y a crise lorsque les prix agricoles ne couvrent plus les coûts de production ».

Cet amendement a précisément pour objet de modifier la définition proposée à l’article L. 611-4, qui, selon nous, est inopérante. La crise serait constituée dès lors que le prix de cession est inférieur au coût de production, rémunération du travail comprise. Cela paraît une évidence !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Une crise est définie par une variation de prix à la baisse par rapport au prix constaté dans le passé. Votre amendement, madame Laborde, vise à modifier la définition de la crise. Celle-ci serait constituée dès lors que le prix de cession baisse, en valeur absolue, en dessous d’un certain niveau, correspondant au coût de production, rémunération du travail comprise.

Cette position est certes intéressante – nous l’avons dit à plusieurs reprises –, mais il est très difficile de déterminer précisément le coût de production, car celui-ci peut varier d’une exploitation à l’autre. Il ne peut donc pas constituer un critère très fiable.

Les contrats doivent servir à fixer une rémunération en tendance au-dessus du coût de production et, ensuite, la crise conjoncturelle consiste en une variation des prix à la baisse ; sinon il faut parler non plus de crise conjoncturelle, mais de crise structurelle. Vous l’aurez compris, il est assez compliqué de définir une crise.

Telles sont les raisons pour lesquelles, ma chère collègue, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. J’émets le même avis que M. le rapporteur et, comme lui, je suggère à Mme Laborde de retirer son amendement.

La crise conjoncturelle est définie sur la base d’un arrêté pris par le ministre de l’agriculture, lorsqu’un prix constaté est inférieur de 10 % à 20 %, selon le produit, à la moyenne des prix sur les cinq dernières années, en retirant la meilleure et la plus basse.

Votre intention, madame la sénatrice, est tout à fait claire et constructive : vous souhaitez que cela couvre le coût de production. Or la définition que vous proposez présente deux risques. En premier lieu, comme l’a dit M. le rapporteur, on ne parviendra pas à définir un coût de production moyen pour l’ensemble d’une filière. Les écarts sont beaucoup trop importants d’une exploitation à l’autre, en fonction des choix de production. La situation est différente selon qu’il s’agit de monoculture ou de polyculture. En second lieu, une telle définition risque de constituer un frein à l’amélioration des coûts de production dans une exploitation.

M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 538 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 538 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 535 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Escoffier, MM. Plancade, Tropeano, Mézard, Vall, Baylet et Barbier, Mme Laborde et MM. Marsin, de Montesquiou, Milhau, Chevènement, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « peuvent conclure » sont remplacés par le mot : « concluent » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Elles communiquent pendant la crise conjoncturelle aux services compétents les éléments démontrant leur engagement dans les démarches contractuelles mentionnées au précédent alinéa et l'effet de ces démarches, selon une procédure définie par arrêté conjoint des ministres de l'agriculture et de l'économie. En cas de manquement à leurs engagements ou si elles refusent de conclure un accord, elles se verront appliquer un coefficient multiplicateur d'au moins 1,5 sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés. Un décret précise les modalités d'application du présent alinéa ainsi que le coefficient multiplicateur. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. La baisse des prix agricoles constatée depuis deux ans ne s’est pas traduite, loin s’en faut, par une réduction des prix de vente à la consommation d’une ampleur analogue. Tandis que de nombreux producteurs sont contraints de vendre à perte, les grandes enseignes de la distribution continuent de réaliser des marges confortables ! Dans ce contexte, il est difficile de ne pas réagir, et trouver une solution.

La semaine dernière, le Président de la République a en dévoilé les grandes lignes. Les distributeurs s’engagent à modérer leurs marges sur un produit lorsque celui-ci sera déclaré « en crise » par l’État.

Il est dommage que cette prise de conscience arrive si tard alors que l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit déjà des accords de modération des marges. Il est vrai néanmoins que, en l’absence de sanction, il était difficile de contraindre les entreprises concernées.

L’amendement n° 535 rectifié vise donc à envoyer un message fort à ces entreprises. Il s’agit d’appliquer à celles qui ne sont pas parties à des accords ou qui manquent à leurs engagements un coefficient multiplicateur sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales.

Cela étant dit, monsieur le ministre, nous prenons acte des efforts que vous avez déployés sur ce point. Vous aviez annoncé, lors du débat d’orientation en commission, votre détermination à obtenir des engagements de la part des distributeurs. Vous avez tenu parole, nous le reconnaissons.

L’amendement n° 657 rectifié du Gouvernement nous satisfait, bien qu’il ne concerne que la filière des fruits et légumes. Il va d’ailleurs plus loin que le nôtre, puisqu’il prévoit une amende civile pouvant atteindre 2 millions d’euros pour les distributeurs qui n’auraient pas respecté l’accord signé ou qui l’auraient mis en œuvre avec retard.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement vise à sanctionner les entreprises de la distribution qui refuseraient de conclure des accords répercutant les baisses de prix agricoles aux consommateurs, ou qui les appliqueraient mal.

Votre amendement, ma chère collègue, est satisfait à 99,5 % (Sourires.) par le contrat de modération des marges qui a été conclu à l’Élysée le lundi 17 mai, sous la présidence du Président de la République, en présence du ministre de l’agriculture, du président Emorine et de moi-même. L’amendement n° 657 rectifié du Gouvernement, que nous examinerons dans quelques instants, vise à traduire cet accord dans la loi. Je vous proposerai, madame Laborde, de l’adopter.

Dans ces conditions, je vous prie, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. J’avoue avoir une petite divergence – cela m’arrive rarement ! – avec M. le rapporteur. Pour ma part, j’estime que cet amendement est satisfait à 110 % ! (Rires.) En effet, la sanction prévue dans l’amendement du Gouvernement est plus importante que celle qu’envisageait Mme Laborde. Il est vrai que celle-ci a déposé son amendement avant la conclusion, sous l’autorité du Président de la République, de l’accord entre les producteurs et les distributeurs, accord dans lequel ces derniers s’engagent à modérer leurs marges en période de crise et qui a demandé, je tiens à le préciser, des mois de travail avant que toutes les enseignes acceptent de le signer.

J’ajoute que nous avons maintenu dans la loi, contrairement à ce qu’elles souhaitaient, le principe d’une taxe additionnelle, dont le montant est supérieur à celui que vous proposez, madame la sénatrice.

Telle est la raison pour laquelle, je le répète, votre amendement est satisfait à 110 %

M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 535 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Je suis tellement rassurée et assurée que je le retire, monsieur le président ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 535 rectifié est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 269 rectifié, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « fruits et légumes » sont remplacés par les mots : « produits agricoles et alimentaires » et après les mots : « de celles-ci », sont insérés les mots : «, sur la base des propositions de l'Observatoire des prix et des marges » ;

2° Au début du deuxième alinéa, sont insérés les mots : « Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, » et les mots : «, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, » et « après consultation des organisations professionnelles agricoles » sont supprimés.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Notre amendement vise à étendre l’application d’un dispositif introduit par l’article 23 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, issu d’un amendement sénatorial : le coefficient multiplicateur.

Permettez-moi de rappeler en quoi il consiste. Le principe de cet outil est extrêmement simple : l’État fixe un taux légal à ne pas dépasser entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur, taux qui s’applique à la chaîne des différents intermédiaires prise dans son ensemble, et non pas individuellement à chacun d’eux.

Par ce simple mécanisme, les prix à la production sont protégés dans la mesure où une augmentation des marges des intermédiaires passe obligatoirement par une augmentation du prix d’achat au fournisseur, mais les prix à la consommation sont de leur côté également protégés, compte tenu du fait que le mécanisme interdit aux intermédiaires de dépasser un certain niveau de prix à la revente finale.

Prenons l’exemple d’un coefficient multiplicateur fixé à 1,5. L’intermédiaire achète un produit X au prix du marché, par exemple des salades à 40 centimes pièce. Il ne peut revendre ce produit à plus de 60 centimes pièce. Sa marge est donc de 20 centimes. Si l’intermédiaire décide d’acheter des salades en dessous du prix du marché, mettons à 20 centimes pièce, il ne peut dès lors les revendre au-dessus de 30 centimes pièce. Sa marge n’est plus que de 10 centimes.

En période de crise conjoncturelle définie à l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, ou en prévision d’une telle crise, les ministres concernés peuvent décider de l’application d’un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes périssables à un taux et pour une durée qu’ils définissent, dans une limite qui ne peut excéder trois mois. Les mêmes établissent la liste précise des produits visés par cette mesure.

Si depuis l’instauration de ce dispositif son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais la démarche n’a été concrétisée.

Jusqu’à présent, l’idée selon laquelle le coefficient multiplicateur serait, en quelque sorte, une « arme de dissuasion » à l’égard des distributeurs a prévalu.

Quand au mois de juillet 2008 la chute des prix a atteint jusqu’à 30 % pour certains fruits, la seule réponse des pouvoirs publics fut d’autoriser à titre exceptionnel la vente directe de fruits et légumes à l’extérieur des magasins pour huit catégories de produits durant trois week-ends à la fin du mois de juillet et au début du mois d’août.

Le coefficient multiplicateur, s’il était utilisé, serait pourtant un outil très efficace pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte.

Certains craignent que ce mécanisme ne présente plus d’inconvénients que d’avantages. Vous aviez évoqué, monsieur le ministre, la question des importations en provenance d’Amérique du Sud ou d’autres continents.

La concurrence libre et non faussée, qui exacerbe les rapports déséquilibrés dans les relations commerciales, a déjà des effets pervers. Nous l’avons vu récemment en Europe avec la crise du lait.

Aussi, nous vous demandons d’élargir le dispositif du coefficient multiplicateur à l’ensemble des produits agricoles et alimentaires périssables.

M. le président. L'amendement n° 534 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin et Tropeano, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade, Marsin, Baylet, Barbier, Mézard, Milhau, Vall, Chevènement, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « fruits et légumes périssables » sont remplacés par les mots : « produits mentionnés à l'article L. 441-2-1 » ;

2° La première phrase du premier alinéa, est complété par les mots : « ou lorsque l'Observatoire défini à l'article L. 692-1 constate une évolution injustifiée des prix et en alerte les pouvoirs publics » ;

3° Dans le deuxième alinéa, les mots : «, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, » sont supprimés.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Mêmes causes, mêmes effets !

La loi relative au développement des territoires ruraux a introduit la possibilité d’instaurer un coefficient multiplicateur entre le prix d’achat et le prix de vente des fruits et légumes en cas de crise conjoncturelle ou en prévision de celle-ci.

Cet amendement vise à étendre ce dispositif à l’ensemble des produits agricoles périssables et à prévoir sa mise en œuvre non seulement en cas de crise, mais aussi lorsque l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires constate une évolution injustifiée des prix et en alerte les pouvoirs publics.

C’est un des rôles que nous aurions aimé voir jouer par cet Observatoire ; nous en reparlerons à l’article 6.

Enfin, nous le constatons aujourd’hui, une crise conjoncturelle peut se prolonger. C’est pourquoi notre amendement prévoit de supprimer la mention aux termes de laquelle la durée d’application d’un tel coefficient est limitée à trois mois.

Cela étant, nous sommes réalistes : cette mesure restera lettre morte si elle ne s’accompagne pas d’une réelle volonté des pouvoirs publics de la mettre en œuvre. Rien ne s’opposait à son application pour les fruits et légumes : le décret d’application est paru au Journal officiel en juillet 2005 et la crise a été avérée.

On peut comprendre l’hostilité de la distribution, monsieur le ministre, mais un coup de semonce de trois mois n’aurait pas été inutile !

M. le président. L'amendement n° 151 rectifié bis, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigée :

« Un coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente des produits agricoles périssables mentionnés à l'article L. 441-2-1 du code de commerce peut être instauré en période de crises conjoncturelles définies à l'article L. 611-4 ou en prévision de celles-ci.

La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Il s’agit du troisième amendement portant sur le coefficient multiplicateur, le quatrième sera présenté par M. Teston dans quelques instants.

Comme cela a déjà été dit, grâce à la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a été votée en février 2005, l’État dispose d’un outil – le coefficient multiplicateur – qui pourrait lui permettre de fixer un taux légal à ne pas dépasser entre le prix d’achat au fournisseur et le prix de vente au consommateur, taux qui s’appliquerait, d’ailleurs, à l’ensemble des intermédiaires dans le secteur des fruits et légumes en période de crise conjoncturelle.

Je rappelle que le problème essentiel n’est pas uniquement celui de la relation entre l’amont et l’aval, entre le producteur et la grande surface. Il concerne tout le circuit de distribution.

L’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime précise que nous sommes en situation de crise conjoncturelle lorsque le prix de cession des produits agricoles par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des périodes correspondantes des cinq dernières campagnes.

Au regard de la situation du secteur des fruits et légumes et de la plupart des filières agricoles, la crise conjoncturelle est incontestable. Nous pouvons même craindre qu’il ne s’agisse d’une crise structurelle, autrement dit une crise conjoncturelle qui reviendrait tous les ans.

Vous notez, monsieur le ministre, dans le dossier de presse du 17 mai 2010 – Odette Herviaux a cité un autre extrait de ce dossier : vous le constatez, nous lisons les dossiers de presse –, que « la filière des fruits et légumes est confrontée à des variations de prix majeures qui peuvent atteindre le stade de la crise conjoncturelle avérée. Cette crise se caractérise par une baisse importante des prix de cession des producteurs aux différents acheteurs. Or le prix payé par le consommateur ne diminue pas systématiquement dans les mêmes proportions. ».

Vous faites le bon constat, mais vous n’êtes pas disposé à utiliser un outil existant pour les fruits et légumes : le coefficient multiplicateur.

Vous avez préféré introduire dans le projet de loi un nouveau dispositif permettant d’inciter les distributeurs à s’engager dans un accord de modération des marges, en mettant en place une imposition spécifique additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales. Je ne reviens pas sur ce point qui a été évoqué à plusieurs reprises.

Nous considérons que cette intervention est tardive – néanmoins, mieux vaut tard que jamais – puisque le secteur des fruits traverse depuis l’année dernière une crise majeure.

Nous pensons également que ce dispositif sera difficile à mettre en œuvre et n’aura que peu de conséquences concrètes.

Quel sera le bénéfice réel pour les agriculteurs en temps de crise ? Il serait important de considérer les deux bouts de la chaîne de commercialisation et l’ensemble du circuit.

Nous vous demandons d’activer le coefficient multiplicateur en parallèle des accords de modération des marges afin de confirmer votre volonté d’agir sur la transparence des relations commerciales et sur la répartition de la valeur ajoutée. Selon nous, c’est, si vous me permettez cette expression, ceinture et bretelles ! Cela aurait un effet très positif.

Notre amendement vise à élargir la possibilité de recourir à cet outil en période de crise conjoncturelle pour tous les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, ainsi que pour les produits de la pêche ou de l’aquaculture, mais j’ai cru comprendre que les professionnels de ces deux derniers secteurs ne demandaient rien de tel.

Si le secteur des fruits et légumes a été particulièrement sinistré, il occupe le devant de la scène médiatique. À l’approche de l’été, nous adresserions un signe important aux arboriculteurs et aux maraîchers en adoptant cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 152 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots :

ou lorsque l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires défini à l'article L. 692-1 fait la constatation de marges excessives ou injustifiées au cours des transactions au sein de la chaîne alimentaire

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime introduit la possibilité, en période de crise conjoncturelle, d’instaurer un coefficient multiplicateur encadrant les marges des fruits et légumes périssables par la limitation du rapport entre le prix d’achat et le prix de vente.

Ce sont les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture qui décident d’utiliser cet instrument, et qui fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application, dans une limite qui ne peut excéder trois mois, ainsi que les produits visés après consultation des organisations professionnelles agricoles.

Or, même en cas de crise avérée, le Gouvernement n’a pas souhaité activer cet outil.

Nous regrettons ce choix, car une activation rapide du coefficient multiplicateur aurait permis de modérer les marges de la distribution et de répercuter la baisse des prix agricoles sur les prix à la consommation.

L’article 6 du projet de loi institutionnalise l’existence de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires au sein de la chaîne de commercialisation.

Nous vous présenterons quelques amendements visant à renforcer ses missions et à rendre plus effectifs ses travaux.

Dès à présent, nous vous proposons de lier le déclenchement du coefficient multiplicateur aux analyses de l’Observatoire.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé que, en plus du rapport transmis chaque année au Parlement, l’Observatoire serait amené à présenter des publications mensuelles et à analyser les données brutes sur les prix.

Nous estimons donc que lorsque l’Observatoire fera le constat de marges indues dans la chaîne de commercialisation, il devra alerter les pouvoirs publics, ce qui pourra conduire à l’activation du coefficient multiplicateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Le coefficient multiplicateur a été mis en place en 2005 par la loi relative au développement des territoires ruraux, dont notre collègue Jean-Paul Emorine a été rapporteur au Sénat.

Notre collègue Daniel Soulage avait beaucoup œuvré pour le coefficient multiplicateur, qui concerne le seul secteur des fruits et légumes frais.

Le mécanisme est le suivant : en période de crise ou lorsqu’une crise s’annonce, le Gouvernement fixe par décret pour trois mois au maximum un rapport entre le prix de vente du produit au consommateur et le prix payé au producteur.

Le coefficient multiplicateur ne garantit pas le relèvement des prix à la production, mais assure la répercussion à l’acheteur des baisses de prix pour relancer la consommation et ainsi mieux écouler les produits.

Ce mécanisme n’a jamais été mis en œuvre, et ce pour au moins deux raisons.

La première tient à la complexité du système, qui prévoit un taux identique quel que soit le stade de commercialisation auquel le coefficient multiplicateur s’applique. Or il existe plusieurs intermédiaires dans la chaîne : le producteur, le grossiste, le distributeur. Comment décomposer le coefficient multiplicateur aux différentes étapes ?

En outre, l’application du coefficient multiplicateur, comme tout mécanisme de contrôle des prix, demande des moyens administratifs de contrôle considérables.

La seconde raison est que le coefficient multiplicateur pourrait favoriser les importations provenant de pays à bas coûts, comme M. le ministre nous l’a rappelé lors des questions cribles thématiques du 13 octobre 2009.

Voilà pourquoi le mécanisme du coefficient multiplicateur est à examiner avec beaucoup de prudence.

Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche met en œuvre d’autres instruments. Le Gouvernement propose un mécanisme de modération des marges, notre collègue Didier Guillaume l’a rappelé à l’instant, qui vise à faire face aux situations de crise conjoncturelle.

La commission est donc défavorable aux amendements nos 269 rectifié, 534 rectifié, 151 rectifié bis et 152 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable. Je ne reprendrai pas l’excellente argumentation développée par M. le rapporteur.

À titre personnel, je n’ai jamais été tout à fait convaincu par le coefficient multiplicateur. Quand je vois l’empressement de la grande distribution à accepter ce mécanisme, je me dis qu’il ne doit pas être très favorable pour les producteurs.

En revanche, le temps qui a été nécessaire pour aboutir à la signature de l’accord qui a été conclu lundi dernier tend à prouver que ce dispositif sera sans doute plus efficace. Testons donc ce dispositif.

Je présenterai dans quelques instants un amendement, qui prévoit un régime de sanctions très dur. Il sera à même d’apporter une réponse à la difficile modération des marges en période de crise pour donner du revenu aux producteurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'amendement n° 534 rectifié.

M. Didier Guillaume. Je souhaitais m’exprimer sur l’amendement n° 151 rectifié bis, mais mon explication de vote vaut pour les quatre amendements que nous examinons.

Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Nous ne sommes pas à l’origine de la loi instaurant le coefficient multiplicateur.

Ce mécanisme n’a jamais été mis en œuvre, au grand désespoir de notre collègue Daniel Soulage. Avant de dire qu’il ne fonctionne pas, testons-le !

Monsieur le ministre, je vous ai proposé de mixer les deux dispositifs. Lorsque nous avons déposé l’amendement n° 151 rectifié bis, qui porte sur le coefficient multiplicateur, nous ne connaissions pas encore la position du Gouvernement et l’accord conclu avec la grande distribution.

S’il n’y a pas eu d’empressement autour du coefficient multiplicateur, il n’y en a pas eu non plus pour l’accord qui a été signé lundi dernier ! Les choses sont ouvertes.

Compte tenu des contraintes que vous faites peser en prévoyant de retenir la moyenne des prix observés lors de trois des cinq dernières campagnes, le dispositif risque de ne pas avoir suffisamment d’effet pour les producteurs.

Or si cette loi est faite pour la grande distribution, pour les consommateurs, pour la modernisation de notre agriculture, elle est faite également pour les producteurs, afin qu’ils puissent vivre de leur production.

Essayons au moins ce coefficient multiplicateur puisque la loi nous y autorise ! Sur quasiment toutes nos travées, un consensus se dégage pour considérer qu’il s’agit d’un bon mécanisme. Pourquoi ne pas le tester ? Si son application se révélait inefficace, dont acte !

Ne pas essayer ce dispositif, au moins de manière temporaire, pour faire face à la crise conjoncturelle de la campagne d’été, par exemple, reviendrait à se priver d’un élément, d’une « cartouche » susceptible de regonfler le moral et le budget de nos arboriculteurs !

J’avais initialement rédigé cet amendement pour le seul secteur des fruits et légumes, mais après en avoir discuté avec les collègues de mon groupe il nous a semblé pertinent de l’étendre aux denrées périssables. Si une telle extension pose un problème et constitue un danger au regard des importations, je suis prêt à modifier mon amendement afin qu’il ne concerne plus que les fruits et légumes.

Essayer ce mécanisme, ce ne sera peut-être pas l’adopter, mais cela pourrait sans doute permettre d’ouvrir de nouvelles perspectives pour nos arboriculteurs.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. On peut comprendre que la grande distribution n’ait pas peur du coefficient multiplicateur…

Cette mesure a été adoptée sur la proposition de notre collègue Daniel Soulage, lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Nous déposions des amendements en ce sens depuis des années, nous avons donc voté cet amendement.

Par la suite, quand cette disposition aurait pu être appliquée, un certain nombre de décrets sont intervenus pour introduire des références aux années précédentes, au cours moyen, à une définition de la crise dont les critères sont quasi impossibles à réunir. On a donc créé les conditions pour que ce coefficient multiplicateur soit totalement inapplicable, raison pour laquelle il est totalement inappliqué.

On nous dit maintenant que ce coefficient multiplicateur pourrait favoriser les importations. Effectivement, jusqu’à aujourd’hui, on n’a pas trouvé la recette pour freiner les importations abusives, qui permettent à la grande distribution de gagner beaucoup d’argent sur le dos des clients, en achetant à très bas prix et en dégageant des marges exceptionnelles.

La seule solution qui nous reste consiste à agir auprès des consommateurs, en leur expliquant qu’acheter des produits étrangers – venant du Chili ou de je ne sais où, peut-être de certains pays communautaires, puisque, en Europe même, on ne joue pas le jeu communautaire ! – revient à tuer nos paysans. Il faut vraiment faire prendre conscience aux consommateurs qu’en achetant étranger ils tuent leurs agriculteurs !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 534 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 151 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 152 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 657 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le chapitre XIII du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts est rétabli dans la rédaction suivante :

« Chapitre XIII : Taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales

« Art. 302 bis Z. - I. - Sont soumises à une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales prévue par l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée qui satisfont aux conditions suivantes :

« - elles achètent et revendent en l’état ou après conditionnement à des personnes autres que des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée agissant en tant que tels, des pommes de terre, bananes et des fruits ou des légumes mentionnés à la partie IX de l’annexe I du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur ;

« - elles ne sont pas parties à des accords de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais mentionnés à l’article L. 611-4-1 du code rural et de la pêche maritime.

« II. - Sont exonérées de cette taxe les personnes qui satisfont aux conditions suivantes :

« - elles exploitent des établissements dont le chiffre d’affaires annuel afférent aux ventes de fruits et légumes mentionnés à l’alinéa 2 du I est inférieur à 100 millions d’euros ;

« - elles ne sont pas liées contractuellement à un groupement de distributeurs dont le chiffre d’affaires annuel afférent aux ventes de fruits et légumes mentionnés à l’alinéa 2 du I est supérieur à 100 millions d’euros.

« III. - Pour l’application du II, le chiffre d’affaires d’un groupement de distributeurs est réputé correspondre à la somme des chiffres d’affaires des membres de ce groupement.

« IV. - Le montant de la taxe est égal à trois fois le produit entre, d’une part, le montant dû au titre de la taxe sur les surfaces commerciales par les personnes mentionnées au premier alinéa du I, d’autre part, le rapport entre le montant total des ventes de fruits et légumes mentionnés à l’alinéa 2 du I, et le chiffre d’affaires total.

« V. - La taxe est déclarée et acquittée lors du dépôt de la déclaration relative à la taxe sur les surfaces commerciales, et due au titre de l’année. Toutefois, pour l’année 2010, la taxe est déclarée sur une déclaration conforme à un modèle fixé par l’administration et déposée au plus tard le 31 décembre 2010.

« VI. - La taxe est liquidée, recouvrée et contrôlée sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.

« Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.

« VII. - L’exonération prévue au II est subordonnée au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis. »

II. - Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

a) Les alinéas 2 et 3 de l’article L. 611-4 sont supprimés.

b) Après l’article L. 611-4, il est rétabli un article L. 611-4-1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 611-4-1. - Les personnes mentionnées au I de l’article 302 bis Z du code général des impôts peuvent conclure chaque année avec l’État des accords de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais.

« Ces personnes doivent, lorsqu’elles sont liées contractuellement à une centrale d’achat ou à une centrale de référencement ou associées à un groupement d’achat, mandater le responsable de cette centrale ou de ce groupement pour signer en leur nom les accords prévus à l’alinéa précédent.

« La marge de distribution visée au premier alinéa s’entend de la différence entre le prix de revente hors taxe au consommateur du produit et son prix d’achat hors taxe.

« Ces accords, dont le contenu est précisé par décret en Conseil d’État, sont signés avant le 1er mars de chaque année. Pour l’année 2010, ils sont signés au plus tard un mois après la publication de ce décret. Ils entrent en application dès que la situation de crise conjoncturelle définie à l’article L. 611-4 est constituée.

« Les personnes mentionnées au I de l’article 302 bis Z du code précité ou le groupement de distributeurs dont elles dépendent rendent compte à la demande des ministres chargés de l’agriculture et de l’économie de l’application des accords.

« Le non-respect des accords ou le retard dans leur mise en œuvre est sanctionné d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d’euros. L’amende doit être proportionnée à la gravité des faits constatés, au vu notamment du volume de produits en cause et de la durée des périodes de crise. L’action est introduite devant la juridiction civile compétente par le ministère public, par le préfet, par le ministre chargé de l’agriculture ou le ministre chargé du commerce. »

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement est important puisqu’il définit le régime de sanctions applicable dans le cadre de l’accord sur la modération volontaire des marges en période de crise pour les fruits et légumes, signé récemment.

La situation est très simple : un accord a été proposé à l’ensemble des distributeurs – je souhaite d’ailleurs l’ouvrir également au hard discount et à d’autres distributeurs qui n’auraient pas participé à la négociation.

Soit les distributeurs refusent de signer cet accord, en vertu duquel ils réduisent automatiquement leur marge en période de crise. Dans ce cas, ils encourent une imposition supplémentaire qui prendra la forme d’une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, et dont les règles de calcul sont fixées dans cet amendement.

Une sanction crédible et forte pèse donc sur les distributeurs.

Soit les distributeurs ont signé l’accord – ce qui est aujourd’hui le cas pour l’ensemble des grandes enseignes, qui ont fait preuve de compréhension au terme d’un certain nombre de démarches – et il faut s’assurer qu’ils le respectent. Si tel n’était pas le cas, nous prévoyons une amende de 2 millions d’euros, montant qui nous paraît particulièrement dissuasif.

Ce dispositif a le mérite d’être simple, de s’appuyer sur le volontariat et d’être crédible, dans la mesure où le régime de sanctions applicable est particulièrement dissuasif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, je vous admire quand vous dites que votre amendement est très simple ! (Sourires.) Il faut quand même entrer dans le texte et l’examiner de près. Peut-être l’heure tardive réduit-elle mes capacités de compréhension, mais, si cet amendement est certainement très important, il n’est pas vraiment simple. Je souhaiterais donc vous poser un certain nombre de questions avant d’en arriver au vote.

Votre amendement précise que seront exonérés les établissements réalisant un chiffre d’affaires sur la vente des fruits et légumes inférieur à 100 millions d’euros. Quand on connaît le mode de fonctionnement de la plupart de ces grandes centrales d’achat et les différents systèmes régissant les entreprises – le statut des magasins varie énormément d’une enseigne à une autre –, on peut s’interroger : comment prévoir que le dispositif s’applique à titre personnel dans certains cas, au groupement ou à la centrale d’achat dans d’autres ? Comment s’y retrouver et comment vérifier sur le terrain que cet accord est appliqué ?

Le montant de la taxe me paraît en outre très complexe à calculer. Si les spécialistes sont particulièrement bien armés pour le faire, nous avons du mal à nous y retrouver.

Enfin, monsieur le ministre, vous dites que cet accord est applicable en temps de crise conjoncturelle. Nous n’avons toujours pas de référence aux coûts de production, mais, comme le disait tout à l’heure mon collègue Didier Guillaume, en 2010, si l’on se fonde sur les trois dernières années pour calculer les marges, alors que ces années ont été particulièrement difficiles et caractérisées par des prix très bas, l’exercice risque d’être délicat pour les producteurs.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n’avez pas évoqué les conséquences de cet accord sur les prix à la consommation ni sur les prix payés aux producteurs. C’est pourquoi j’aurais souhaité que vous nous apportiez un certain nombre de précisions sur ces questions, avant que nous nous déterminions.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. C’est toujours lorsque l’on approche des heures tardives qu’il faut expliquer le mode de calcul d’une taxe ! (Sourires.) Je rejoins parfaitement Mme Herviaux sur ce constat et je vais essayer de lui apporter les explications les plus claires possible.

Premièrement, s’agissant du calcul, pour respecter le principe d’égalité devant l’impôt, nous avons voulu, en accord avec la direction de la législation fiscale, faire en sorte que l’augmentation du produit de la taxe soit rapportée au volume du chiffre d’affaires réalisé par les distributeurs sur les fruits et légumes. C’est pourquoi le montant de la taxe additionnelle est égal à trois fois le montant dû au titre de la TASCOM, multiplié par le rapport entre le montant total des ventes de fruits et légumes et le chiffre d’affaires total.

En d’autres termes, l’augmentation de la taxe due est proportionnelle au volume du chiffre d’affaires sur les fruits et légumes, dans un souci d’équité fiscale.

Deuxièmement, s’agissant de la réduction des marges et du retour aux producteurs, à partir du moment où les distributeurs s’engagent à réduire volontairement leur marge, nous estimons que les producteurs vendront automatiquement à un prix plus élevé que celui qu’ils auraient obtenu si les distributeurs avaient maintenu leur marge au même niveau. L’effet est assez automatique.

Troisièmement, nous avons fixé à 100 millions d’euros de chiffres d’affaires le seuil d’application de la taxe additionnelle parce que nous souhaitons toucher uniquement les grands distributeurs, afin d’épargner les détaillants en fruits et légumes, ainsi qu’un certain nombre de grands groupes qui vendent aussi des fruits et légumes, mais en jouant un rôle positif. Par exemple, si vous allez acheter un bureau pour l’un de vos enfants chez IKEA à Paris Nord, vous y trouverez un point de vente de fruits et légumes, dont le chiffre d’affaires reste inférieur à 100 millions d’euros. Nous n’avons pas voulu que ces distributeurs soient concernés par le dispositif, car nous risquerions sinon de limiter le nombre de points de vente de fruits et légumes en France.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 657 rectifié.

M. Gérard Le Cam. Le groupe CRC-SPG s’abstient !

Mme Odette Herviaux. Le groupe socialiste s’abstient également !

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.

L’amendement n° 677, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 310-2 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les ventes au déballage de fruits et légumes effectuées en période de crise conjoncturelle ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette limite. ».

La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement tend à assouplir les conditions de vente au déballage pour les fruits et légumes, en faisant en sorte que ces ventes ne soient pas prises en compte pour le calcul de la limite de deux mois maximum par année civile.

Le Gouvernement a déposé cet amendement parce qu’il répond à une demande complémentaire de l’ensemble de la filière des fruits et légumes, qui estime que nous avons amélioré les conditions de commercialisation, mais qui veut garder une capacité d’écoulement rapide de stocks, en cas de crise conjoncturelle.

Je précise que le déclenchement de la période de vente au déballage reste étroitement encadré par l’État, puisqu’il fait l’objet d’une décision conjointe des ministres, après consultation des interprofessions. Il ne peut avoir lieu qu’en période de crise conjoncturelle, notion définie précisément par l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. La commission émet un avis favorable, parce qu’il faut absolument prévoir les ventes au déballage en cas de crise.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

M. Gérard Le Cam. Le projet de loi de modernisation de l’économie a fourni l’occasion de simplifier la procédure administrative des ventes au déballage, en substituant notamment au régime d’autorisation préalable un régime de déclaration.

Avec cet amendement n° 677, monsieur le ministre, vous souhaitez élargir encore le champ d’application de cette procédure, en précisant que les ventes au déballage des fruits et légumes effectuées en période de crise conjoncturelle ne sont pas prises en compte pour calculer le nombre maximal de ventes pouvant avoir lieu par année civile.

Cet amendement est très intéressant, car il montre combien le Gouvernement reste hostile à la mise en œuvre du coefficient multiplicateur, comme vous venez de le confirmer tout à l’heure. Vous avez déjà autorisé de telles ventes en lieu et place du déclenchement du coefficient multiplicateur. Or, selon nous, ces ventes ne constituent pas une solution satisfaisante pour le monde rural.

Le groupe CRC-SPG votera donc contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 677.

Mme Odette Herviaux. Le groupe socialiste s’abstient !

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.

Articles additionnels après l'article 5
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 6 (début)

Article 6 A (nouveau)

Après l’article L. 311-2-1 du code rural, il est inséré un article L. 311-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 311-2-2. – Il est créé un inventaire verger dont les conditions d’application sont définies par décret. » – (Adopté.)

Article 6 A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Article 6 (interruption de la discussion)

Article 6

Le livre VI du code rural est ainsi modifié :

1° Après le 7° de l’article L. 621-3, sont insérés un 8° et un 9° ainsi rédigés :

« 8° Transmettre les données économiques nécessaires à l’Observatoire mentionné à l’article L. 692-1 pour l’exercice de ses missions. » ;

« 9° Mettre à la disposition des organisations interprofessionnelles reconnues, des instituts et centres techniques et des établissements publics relevant du domaine de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture les données relatives aux filières, aux marchés et à la mise en œuvre des politiques publiques. » ;

2° L’article L. 621-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le service statistique public transmet à l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 selon des modalités précisées par convention, les résultats des enquêtes obligatoires au sens de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques répondant aux besoins de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. » ;

3° Le titre IX est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Observatoires » ;

b) Il est inséré un chapitre Ier intitulé « Observatoire des distorsions » comprenant l’article L. 691-1 ;

c) Après le premier alinéa de l’article L. 691-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Observatoire des distorsions évalue, à la demande des organismes visés au troisième alinéa, l’impact des mesures législatives ou réglementaires affectant les modes de production agricole. Cette expertise comporte une analyse comparative entre la France, les États membres de l’Union européenne et les pays tiers, une étude d’impact économique, social, et environnemental et le chiffrage des coûts et bénéfices attendus de cette mesure. » ;

d) Il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

« Art. L. 692-1. – L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, placé auprès du ministre chargé de l’alimentation et du ministre chargé de la consommation, est chargé d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne alimentaire, qu’il s’agisse de produits de l’agriculture, de la pêche ou de l’aquaculture.

« Les modalités de désignation du Président de l’Observatoire, le fonctionnement de l’Observatoire ainsi que sa composition sont fixées par arrêté.

« Il recueille les données nécessaires à l’exercice de ses missions auprès de l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 et bénéficie du concours du service de statistique public. »

« Il étudie également les coûts de production au stade de la production agricole. Il remet chaque année un rapport au Parlement. »

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.

M. Didier Guillaume. Je saisis cette occasion pour préciser les raisons de notre abstention sur l’amendement n° 677 du Gouvernement.

Un accord a été signé avec la grande distribution et notre rôle ne consiste pas à entraver son application. Au contraire, nous espérons que cet accord sera appliqué et qu’il donnera satisfaction ! Nous ne nous sommes donc pas opposés à cet amendement, ni au précédent, bien que nous persistions à émettre des doutes quant à leur efficacité.

Nous pensons en effet que cet accord, adossé au mécanisme du coefficient multiplicateur – ou l’inverse ! –, aurait pu donner de meilleurs résultats, mais nous attendrons la fin de la campagne de cet été pour faire le point.

Nous serons prêts à saluer l’initiative du Gouvernement, si elle donne des résultats positifs. Dans le cas contraire, nous ne pourrons que constater qu’il fallait peut-être aller plus loin.

Telle était donc, très brièvement, l’explication de vote que nous souhaitions faire sur cet amendement du Gouvernement.

Mais j’en viens à l’article 6 et au cinquième grand sujet que nous avons identifié dans ce projet de loi.

Nous avons fondé beaucoup d’espoir sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Vous me direz, mes chers collègues, qu’au regard de la situation constatée à ce jour, il était facile de progresser dans ce domaine, tout le monde l’a reconnu !

Néanmoins, sans vouloir faire de surenchère, et tout en reconnaissant les avancées consenties par M. le ministre en commission – avancées que nous avons saluées –, nous estimons que nous pouvons être un peu plus audacieux.

Le projet de loi tend à conférer à cet Observatoire, créé en 2008, une réalité législative. C’est une bonne chose, nous le reconnaissons.

En outre, deux nouveautés principales sont à relever.

Première nouveauté, l’Observatoire se voit chargé de l’étude des coûts de production au stade de la production agricole. C’est bien, mais il nous semble que cette étude est pour le moins inadaptée par rapport aux problèmes que connaissent les producteurs.

Qui peut aujourd’hui penser que les dysfonctionnements de la chaîne de commercialisation apparaissent seulement au premier niveau, à l’échelon de la production agricole ? Ils sont présents sur l’ensemble de la chaîne !

Tous les acteurs du monde agricole, mais également tous les élus locaux, le savent bien : l’étude des coûts ne peut se limiter à la seule production agricole. Elle doit englober l’ensemble de la chaîne de commercialisation, notamment les coûts liés aux activités de transformation et de mise sur le marché. C’est effectivement à ce niveau que se forment les marges les plus importantes, celles qui désabusent le consommateur. Ce sont ces intermédiaires qui achètent des produits toujours moins cher pour les revendre à des prix déraisonnables.

Si le Gouvernement persiste à ne vouloir étudier les coûts de production qu’au stade de la production agricole, je peux d’ores et déjà prédire, sans même avoir besoin d’un Observatoire, que cela ne servira pas plus que par le passé. C’est pourquoi, en commission, nous avions défendu un amendement visant à inclure les coûts de transformation et de distribution dans le champ d’étude de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue.

Seconde nouveauté, l’Observatoire est tenu de transmettre un rapport annuel au Parlement.

M. le rapporteur se bat contre les rapports en tous genres, mais, s’agissant de surcroît d’une avancée proposée par le Gouvernement, reconnaissons qu’il peut être intéressant que le Parlement se penche, chaque année, sur un rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Sur le fond, cette association du Parlement aux travaux de l’Observatoire est une idée intéressante.

Cependant, à y regarder de plus près, s’il s’agit simplement de constater année après année, sur la base de ce rapport, que les marges ne se forment pas au niveau de la production agricole, ce sera insuffisant. Il faut aller plus loin ! Le travail de l’Observatoire sera plus productif s’il est suivi d’une analyse permettant de reconstituer ce qu’est la marge de chaque opérateur sur les différents produits.

Monsieur le ministre, j’ai attiré votre attention sur la situation des agriculteurs en septembre dernier, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, parce que la demande du monde agricole était alors claire et pressante. Elle l’est toujours aujourd’hui !

En décembre 2009, lors de l’examen du budget de l’agriculture, je vous faisais part du dépôt, avec mon groupe, d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix. Il nous semble indispensable, en effet, que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, au-delà des avancées importantes que vous lui permettez de faire, puisse également travailler sur ces deux sujets.

C’est dire si l’annonce du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a suscité des espoirs sur cette question et nous espérons voir retranscrites, dans ce texte, les propositions évoquées à l’instant.

Selon nous, l’Observatoire ne peut être cantonné dans un travail d’observation. Il doit aussi pouvoir proposer quelques remèdes.

Permettez-moi, mes chers collègues, d’en citer un en guise de conclusion.

Ne serait-il pas envisageable de prévoir un dispositif d’alerte quand les prix et les marges constatés sont excessivement bas ou élevés ? Cette alerte pourrait d’ailleurs être transmise, dans le même rapport, au Parlement, ce dernier bénéficiant ainsi d’une vraie prérogative.

Nous venons de défendre, à la suite de l’examen de l’article 5 du projet de loi, des amendements relatifs à l’instauration d’un coefficient multiplicateur. Si nous avions adopté ces dispositions, le dispositif d’alerte aurait pu enclencher la mise en œuvre du coefficient multiplicateur et l’extension de son champ d’application à toutes les filières, au-delà du seul secteur des fruits et légumes.

Ainsi, mes chers collègues, il est encore possible de faire évoluer l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, en lui permettant, au-delà de sa mission d’observation, de mettre en œuvre des remèdes.

La formation des prix et des marges est un sujet qui nous préoccupe tous : nous sommes tous concernés ! Essayons donc de donner à cet Observatoire les moyens de s’attaquer aux racines du problème et nous pourrons peut-être favoriser l’émergence d’une plus grande transparence des prix, ce qui profiterait d’abord aux producteurs, mais également aux consommateurs.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.

M. Yannick Botrel. Le recours à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est une proposition que l’on ne peut critiquer sur le fond et à laquelle je me rallie volontiers.

Elle part en effet d’un constat que nous partageons tous : le manque de clarté dans ce domaine conduit à des discussions stériles. Nous en avons eu un exemple précis lors de la crise de lait. Le rapport sur ce sujet, soumis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, montre bien comment les acteurs de la filière se renvoient mutuellement la responsabilité. À chaque crise, nous voyons surgir ce type de commentaires.

Les prix doivent être vérifiables, tout comme les marges, afin que la part de chacun dans leur constitution soit connue sans équivoque.

La question fondamentale est donc, me semble-t-il, de savoir quelles ambitions le Gouvernement place réellement dans ce nouvel organisme et quelle sera l’efficacité de celui-ci. En effet, si cet Observatoire, comme son nom l’indique, se borne à observer sans que l’on connaisse l’usage qui sera fait ultérieurement de ses travaux, il s’apparentera plus au « machin » cher au général de Gaulle qu’à un outil véritablement efficace.

Les conclusions de l’Observatoire doivent donc être exploitées. En bonne logique, elles doivent aussi déboucher sur diverses actions : une publicité d’abord, puis des avertissements, voire, le cas échéant, des mesures plus coercitives, plus contraignantes.

Je souscris à l’idée que l’Observatoire produise un rapport annuel, mais également des publications à échéances plus rapprochées. Il importe par-dessus tout qu’il puisse aussi intervenir de façon ponctuelle, c’est-à-dire en cas de crise, avec la rapidité exigée par les circonstances.

Cela suppose tout d’abord de lui donner des moyens d’action significatifs. Or, en ces périodes de rigueur budgétaire et de révision générale des politiques publiques, allouer des moyens ne paraît pas être la priorité du Gouvernement. L’exemple qui illustre le mieux cette politique est sans doute celui de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – ou DGCCRF –, de plus en plus absente de ses missions.

Si l’on ajoute à cela que le précédent Observatoire des distorsions a vraisemblablement eu une fonction et une production toute symboliques, il conviendra que le Gouvernement fasse preuve de concret s’il veut convaincre sur les nouvelles dispositions.

Nous connaissons parfaitement le contexte dans lequel l’Observatoire devra agir. Il a été évoqué au sein de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à plusieurs reprises et par tous les groupes, et encore dans cet hémicycle ce soir. Je veux parler de la formidable asymétrie du rapport des forces au sein de la filière.

Face à des producteurs qui n’ont aucun pouvoir, face à des industriels contraints de négocier avec six ou sept centrales d’achat seulement, la grande distribution a les coudées franches, et un certain savoir faire en la matière… Elle est la seule à avoir la possibilité d’agir avec réactivité et opportunisme.

C’est comme si deux armées étaient en présence, l’une condamnée à être statique quand l’autre est en mouvement… On sait d’avance à qui ira la victoire !

Des dispositifs devraient donc être mis en place pour déclencher, à la suite du travail de l’Observatoire, des mesures d’encadrement des prix et des marges. Ces mesures opérationnelles viendront bien évidemment prolonger ce travail.

Plusieurs d’entre elles ont été proposées par notre groupe et par d’autres. À cet égard, monsieur le ministre, j’ai apprécié la touche d’humour que vous avez eue pour nous expliquer que l’amendement n° 657 rectifié était plus simple que le coefficient multiplicateur. (Sourires.) Quelque chose a dû m’échapper, car je n’ai pas vu en quoi il était plus simple… L’heure tardive, que vous avez évoquée au début de votre propos, nous a sans doute empêchés de tout comprendre !

En tout cas, comme cela a été mentionné par les uns et par les autres, ce coefficient multiplicateur permettrait de garantir, aux consommateurs, un prix de vente reflétant la réalité des cours et, aux producteurs, un écoulement de leur production plus conforme à l’évolution des prix du marché. En effet, que de fois avons-nous pu entendre que les cours baissent, voire s’effondrent, pour le producteur sans que le consommateur s’en aperçoive ! Il y a là une anomalie évidente.

Par ailleurs, le déclenchement d’un dispositif d’alerte a aussi été largement évoqué. Des mesures d’encadrement des prix et des marges devraient pouvoir être engagées très rapidement.

Ce sont de telles dispositions qui donneraient un sens au travail de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. À défaut, monsieur le ministre, je crois qu’il paraît difficile de présager l’efficacité de cet organisme.

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, sur l'article.

Mme Renée Nicoux. Le présent article entérine la création d’un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires qui sera « chargé d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges ».

Nous pouvons nous féliciter de cette mesure.

Il est absolument nécessaire, aujourd’hui, d’instaurer une réelle transparence des transactions agricoles. C’est seulement ainsi que nous pourrons lutter contre certains abus et que nous permettrons aux agriculteurs français d’avoir accès à un revenu équitable et décent, d’une part, par un prix couvrant au minimum les coûts de production, rémunération du travail comprise, et, d’autre part, par une répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation alimentaire.

Or, depuis quelques années, le prix payé aux producteurs agricoles par la grande distribution est de moins en moins rémunérateur alors que, dans le même temps, le prix à la consommation est resté constant, s’il n’a pas augmenté !

Certains parlent d’« effet cliquet » sur le marché alimentaire.

L’exemple de la filière laitière illustre particulièrement ce mécanisme. Entre 2007 et 2009, le prix du lait payé aux producteurs a baissé de 7 % alors que, dans le même temps, le prix en rayon a augmenté de 9 %. Un phénomène identique peut être observé dans la filière de la viande bovine.

C’est une situation inique à laquelle il faut remédier.

Malheureusement, le phénomène est très difficile à appréhender, la situation française étant caractérisée par une très grande opacité dans la construction des prix agricoles.

Autrement dit, nous sommes incapables, aujourd’hui, de savoir comment le prix se construit entre le producteur et le consommateur !

Cette absence d’informations repose en partie sur une véritable omerta des professionnels de l’industrie et de la grande distribution, qui se refusent à communiquer des chiffres à ce sujet. Face à cela, il semble donc indispensable d’obtenir une transparence totale dans le secteur alimentaire, afin de pouvoir identifier les dérives et les sanctionner, le cas échéant.

Nous devons rompre cette loi du silence, qui fait du tort aux agriculteurs comme aux consommateurs !

Le renforcement de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est donc une mesure très importante, surtout dans la crise que nous traversons.

Toutefois, malgré quelques avancées en commission, cet Observatoire semble, en l’état, s’apparenter plus à un thermomètre qu’à un organe de régulation. En effet, il n’a aujourd’hui qu’un pouvoir d’observation et ne remplit aucune fonction d’analyse et d’intervention. De plus, nous pouvons émettre des doutes quant à son utilité, étant donné qu’il ne s’attaque pas au cœur du problème, le partage de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation.

Il faut donc qu’il puisse étudier les coûts de transformation et de distribution afin de connaître précisément les marges de chaque opérateur.

C’est ainsi que nous pourrons sortir de cette omerta sur la construction des prix et en finir avec les dérives qui en découlent.

Cet Observatoire doit s’inscrire dans la perspective de l’avènement d’un système équitable pour tous. Il faut donc également qu’il soit doté d’outils le permettant.

Il est, par exemple, indispensable de lier, avec un coefficient fixe et constant, le prix agricole et le prix en rayon. Nous ne pouvons plus tolérer que des agriculteurs soient contraints de vendre à perte, alors que, dans le même temps, les consommateurs paient toujours le prix fort. Il faut que le futur Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires devienne un véritable outil de régulation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.

M. Gérard Le Cam. Nous avions initialement déposé un amendement visant à renforcer les pouvoirs de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont la création est prévue à l’article 6 du projet de loi. Or cet amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution parce que son adoption aurait engagé des dépenses allant au-delà d’une simple charge de gestion.

Pourtant, par cet amendement, nous ne demandions qu’à y voir un peu plus clair dans les données que la grande distribution devrait utilement transmettre à cet organisme, mais qu’elle juge confidentielles.

À l’instant même, nous avons tenté de sous-amender l’amendement n° 147 de notre collègue Didier Guillaume, mais, à notre grand regret, le service de la séance vient également de nous opposer un refus. L’opacité restera donc la règle entre la grande distribution, qui ne veut pas communiquer ses données, et l’Observatoire, qui devrait disposer de celles-ci pour être plus efficace.

Si nous partageons la volonté du Gouvernement de donner une assise législative à cet Observatoire, créé en mars 2008, nous voulons, pour notre part, que cet organisme dispose de l’ensemble des moyens lui permettant de mener à bien sa mission.

Certes, le travail de l’Observatoire est d’ores et déjà important. Il a notamment permis d’établir, lors de la crise du lait, que la baisse du prix du lait était partiellement répercutée sur les prix des produits payés par les consommateurs, ainsi que les éleveurs le dénonçaient.

Afin de renforcer l’efficacité de cet Observatoire, nous proposions, comme principale innovation, de faire en sorte qu’il soit en mesure d’imposer aux producteurs, distributeurs et transporteurs de produits alimentaires, quelle que soit leur forme juridique, la transmission des données de nature technique, socio-économique et commerciale relatives à la production, à la transformation, à la commercialisation, à la consommation et au transport de ces produits.

Il s’agissait par cette disposition d’établir un suivi précis au niveau de chacun des acteurs de la filière afin de régler la question de l’opacité de la formation des prix et des marges.

En effet, nous estimons que le recours à la statistique publique, tel que proposé par ce projet de loi et tel qu’il existe aujourd’hui, ne suffit pas. Il faut que les membres de l’Observatoire disposent d’informations au plus près du terrain et que l’ensemble des acteurs des filières soient impliqués.

Nous souhaitions également doter ce nouvel Observatoire d’une compétence nouvelle en lui permettant de proposer au ministre l’instauration d’un coefficient multiplicateur. Nous espérions, en offrant à l’Observatoire une telle faculté, inciter le Gouvernement à déclencher la mise en œuvre du coefficient multiplicateur plus souvent qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, puisque, pour l’instant, il ne l’a malheureusement jamais engagée, préférant au coefficient multiplicateur des dispositifs moins favorables aux producteurs.

M. le président. L'amendement n° 502 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, J. Blanc et Carle, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

Transmettre

insérer les mots :

, en collaboration avec les centres de gestion,

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Pour nourrir utilement et plus précisément les données de l'Observatoire, FranceAgriMer, qui dispose d’une bonne source d’information, doit, toutefois, confronter les données qui lui sont transmises avec celles qui lui sont communiquées par les centres de gestion, lesquels sont plus proches du terrain, de la réalité économique du monde agricole et de sa diversité. Les données doivent donc être recoupées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement met en lumière une réalité indéniable : le rôle important que jouent les centres de gestion, proches du terrain et de la réalité économique du monde agricole, comme vient de le souligner notre collègue Pierre Jarlier.

Néanmoins, il ne semble pas utile de préciser, au niveau législatif, cette collaboration entre FranceAgriMer et l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produites alimentaires, ni de l’institutionnaliser.

En effet, cher Pierre Jarlier, l’INSEE a déjà l’obligation de fournir tous ces éléments, ce qu’elle fait naturellement. Si jamais cet institut rencontre des difficultés pour obtenir un certain nombre d’informations, FranceAgriMer peut lui apporter son concours.

Je vous rappelle que les centres de gestion agréés sont tenus au secret comptable et fiscal. L’adoption de votre amendement n’irait pas sans poser des problèmes importants aux adhérents de ces centres.

C’est pourquoi je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Pour notre part, nous estimons que cet amendement est satisfait.

En effet, pour étudier les coûts de production, l’Observatoire des prix et des marges mobilise déjà toutes les données dont disposent les pouvoirs publics, non seulement celles du service statistique public, mais également celles du réseau d’information comptable agricole, qui regroupe toutes les données relatives à l’économie des exploitations agricoles ; le RICA s’appuie précisément sur les centres de gestion pour obtenir les données comptables.

Je précise, à cette occasion, que nous avons signé avec les centres de formation de la profession comptable et les producteurs de lait un accord relatif à l’amélioration et la simplification de la fourniture de ces données comptables, ce qui va, là encore, faciliter la transmission des données à l’Observatoire.

Même si toutes ces précisions ne figurent pas dans le texte, monsieur le sénateur, c’est de cette manière que cela fonctionnera concrètement.

M. le président. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 502 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 502 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 457, présenté par MM. Dubois, Biwer, Merceron et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 8

Remplacer le mot :

Observatoires

par les mots :

Observatoire de la compétitivité de l'agriculture française

II. - Après l'alinéa 8

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés : 

...) Avant le chapitre Ier, il est inséré un article L. 690-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 690-1. - L'Observatoire de la compétitivité de l'agriculture française est chargé d'une mission globale d'information, de veille, et d'amélioration de la compétitivité de l'agriculture française.

« Il est composé de deux sections, l'Observatoire des distorsions et l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, régies par les dispositions de chacun des chapitres du présent titre.

« Les modalités de la collaboration entre les sections de l'Observatoire sont fixées par décret. »

III. - Après l'alinéa 11

Insérer six alinéas ainsi rédigés :

...) Au deuxième alinéa de l'article L. 691-1, les mots : « et par les organisations de consommateurs », sont remplacés par les mots : «, par les organisations de consommateurs, par les acteurs économiques, et les pouvoirs publics » ;

...) Après le quatrième alinéa de l'article L. 691-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Les statistiques et informations qu'il délivre sont accessibles, lisibles, et organisées de manière à constituer un outil simple et efficace à disposition des acteurs économiques et des pouvoirs publics, dans des conditions fixées par décret. » ;

...) Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il remet un rapport annuel au Parlement, en collaboration avec l'organisme visé à au chapitre II, relatif à l'état de la compétitivité de l'agriculture française, et aux mesures permettant de l'améliorer. »

IV. – Alinéa 15

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, placé auprès du ministre chargé de l'alimentation et du ministre chargé de la consommation, est chargé d'analyser les éléments relatifs à la formation des prix et des marges, pour toutes les filières agricoles et alimentaires, aux différentes étapes de la chaîne de transformation et de commercialisation des produits de l'agriculture, de la pêche ou de l'aquaculture.

« Les statistiques et informations qu'il délivre sont accessibles, lisibles, et organisées de manière à constituer un outil simple et efficace à disposition des acteurs économiques et des pouvoirs publics, dans des conditions fixées par décret. »

V. – Alinéa 18, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en collaboration avec l'organisme visé au chapitre Ier

La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Depuis le début du débat, le groupe de l’Union centriste ne cesse de répéter que, dotées d’une meilleure organisation, les filières gagneraient évidemment en efficacité dans la négociation avec les centrales d’achat. Même si le contrat est de nature à améliorer les choses, il nous semble essentiel de prévoir en quelque sorte un troisième étage à la fusée, alliant à la fois compétitivité et transparence.

La transparence veut que le consommateur soit mieux informé. Certes, le Gouvernement répond à cet objectif dans ce texte avec l’étiquetage et les circuits courts, mais cela passe aussi par l’Observatoire des prix et des marges et l’Observatoire des distorsions.

Aujourd'hui, ces deux Observatoires existent, mais ne fonctionnent pas bien. L’Observatoire des prix et des marges est une boîte noire, et les centrales d’achat se font plus que tirer l’oreille pour répondre aux enquêtes obligatoires. D’ailleurs, elles ne prennent pas beaucoup de risques en ne répondant pas, puisqu’elles n’encourent que des amendes minimes.

Pour notre part, nous estimons nécessaire de réunir ces deux Observatoires sous une même entité, à savoir un « Observatoire de la compétitivité de l’agriculture française », composé de deux sections dédiées respectivement aux distorsions de concurrence et à la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Cet Observatoire serait tenu à certaines obligations, notamment celle de remettre un rapport annuel au Parlement, qui comprendrait un bilan de la situation, mais aussi des propositions visant à améliorer la compétitivité de l’agriculture française. Bien entendu, il serait également doté d’un pouvoir de sanction en cas notamment de non-réponse des centrales d’achat.

Tel est le triptyque que nous proposons, dans le but de donner plus de force à l’organisation des filières et à la signature des contrats.

M. le président. L'amendement n° 145, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Après les mots :

des transactions

insérer les mots :

entre producteurs, transformateurs et distributeurs

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. L’article 6 du projet de loi consacre dans la loi, en insérant dans le code rural un article L. 692-1, l’existence de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, en définissant les missions qui lui sont confiées.

La définition proposée par le Gouvernement n’apporte pas beaucoup de nouveautés par rapport à l’Observatoire que nous connaissons depuis mars 2008, qui n’a pas été des plus efficaces pour faire la transparence sur les relations commerciales et le partage des marges entre les différents opérateurs.

Contrairement à ce qui prévalait jusqu’alors, le constat est fait que, premièrement, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires étudiera bien les coûts de production mais uniquement au stade de la production agricole, et pas aux autres stades de la chaîne de commercialisation ; deuxièmement, un rapport annuel sera remis au Parlement, ce qui nous laisse espérer que l’Observatoire ne se contentera pas de publier des données brutes sans les analyser.

Il faut noter que la commission de l’économie a introduit une précision importante, à savoir l’existence physique de cet Observatoire, en prévoyant que les modalités de désignation de son président ainsi que sa composition seront fixées par arrêté.

Symboliquement, cette existence physique va changer la donne, en accordant plus de poids et de crédit à une institution qui demeure, pour l’instant, « virtuelle », puisqu’elle n’est accessible que par le biais d’Internet.

M. le ministre paraît même déterminé à nommer une personnalité de poids à la tête de cet Observatoire, ce qui nous paraît essentiel.

Toutefois, il faut passer du symbole aux actes, en allouant à cet organisme les moyens lui permettant d’assurer son bon fonctionnement, afin qu’il ne soit pas une coquille vide.

Le groupe socialiste souhaite apporter quelques précisions quant au fonctionnement de l’Observatoire.

Nous voulons que celui-ci puisse assurer efficacement le suivi du processus de formation des prix, de l’amont à l’aval, reconstituer les marges nettes de chaque opérateur et ne pas se limiter à prendre la température, si je puis dire, mais bien proposer de véritables remèdes.

Par cet amendement, nous proposons de dénommer précisément les acteurs participant à la négociation commerciale, producteurs, transformateurs et distributeurs.

En effet, on oublie trop souvent, dans les discussions concernant les pratiques commerciales l’un des maillons clefs de la chaîne que sont les entreprises de l’agroalimentaire, qui procèdent à la transformation des matières premières agricoles achetées aux exploitants agricoles pour les vendre aux centrales d’achat des supermarchés. Cette précision nous paraît utile.

M. le président. L'amendement n° 146, présenté par MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Antoinette, Mme Herviaux, M. Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer les mots :

chaîne alimentaire

par les mots :

chaîne de commercialisation des produits alimentaires

La parole est à M. Yves Chastan.

M. Yves Chastan. Il s’agit sans doute d’un amendement rédactionnel, mais, sur un sujet aussi important que les pratiques commerciales et le processus de formation des prix agricoles et des prix à la consommation, il me semble nécessaire d’être précis dans les termes employés.

En l’occurrence, nous proposons de remplacer les termes : « chaîne alimentaire » par l’expression : « chaîne de commercialisation des produits alimentaires. »

Comme vous le savez tous, mes chers collègues, la notion de chaîne alimentaire renvoie plutôt aux sciences de la vie, et plus spécifiquement à la biologie, puisqu’il s’agit de la suite d’êtres vivants qui se nourrissent les uns des autres dans la nature.

À moins de sous-entendre que les agriculteurs se font manger par les industriels, lesquels se font manger, à leur tour, par la grande distribution – c’est peut-être d’ailleurs ce à quoi doit conduire la lecture, que je qualifierai de « subliminale », de la rédaction actuelle du texte (Sourires) –, il me semble préférable de procéder à cette correction terminologique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements en discussion commune ?

M. Gérard César, rapporteur. Concernant l’amendement n° 457, nous avons eu l’occasion, mon cher collègue, d’en discuter longuement en commission.

Il est vrai que l’Observatoire des prix et des marges et l’Observatoire des distorsions opèrent à des niveaux tout à fait différents, l’un œuvrant au niveau franco-français et l’autre au niveau européen, des pays tiers pouvant même être concernés par les problèmes traités.

La commission souhaitait maintenir les deux Observatoires, car leur objet est différent. Certes, on pourrait les fusionner –  un jour ou l’autre, nous serons d’ailleurs obligés de créer deux sections –, mais, pour l’instant, laissons-les vivre en l’état.

Dans ces conditions, la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. Daniel Dubois. Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur ?

M. Gérard César, rapporteur. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, avec l’autorisation de M. le rapporteur.

M. Daniel Dubois. Je ne suis pas complètement convaincu par les arguments que vous avancez. À mon sens, il est évident qu’il existe un réel trait d’union entre la compétitivité, le prix de vente et la marge.

Réunir ces deux sections au sein d’une même et unique entité permettrait peut-être de réduire les coûts de fonctionnement tout en renforçant les liens qui peuvent exister entre les deux.

M. le rapporteur nous a affirmé que des réponses, réelles, cette fois-ci, seraient apportées par ces deux Observatoires. Car s’il s’agit, encore une fois, de fabriquer des boîtes noires qui ne fonctionnent pas, cela ne présente aucun intérêt et risque de rendre le texte que nous allons voter quelque peu illusoire, ce qui n’est pas de nature à aider les agriculteurs, eux qui en ont pourtant bien besoin.

Monsieur le rapporteur, me fondant sur votre engagement plutôt que sur l’argumentation que vous venez de développer, je retire l’amendement n° 457. Je resterai cependant extrêmement attentif à ce qui se passera dans ce domaine, dans l’intérêt du Gouvernement et, bien entendu, des agriculteurs.

M. le président. L’amendement n° 457 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Gérard César, rapporteur. Monsieur Dubois, nous serons tous des observateurs attentifs et vigilants s’agissant de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Sur l’amendement n° 145, la commission émet un avis défavorable.

En effet, la mission de l’Observatoire est d’éclairer les différents acteurs, nous venons d’en parler à l’instant. La formulation prévue dans le projet de loi initial, qui est la plus générale possible, garantit une analyse exhaustive et efficace. Il semble au contraire restrictif d’inscrire dans la loi une énumération précise et définitive.

Sur l’amendement n° 146, la commission émet un avis favorable. Il paraît en effet utile de préciser qu’il s’agit en réalité de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux amendements restant en discussion ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement, comme la commission, est défavorable à l’amendement n° 145. En effet, il restreint la mission de l’Observatoire, ce qui ne correspond pas à notre intention.

Sur l’amendement n° 146, qui vise à apporter une précision sans doute utile, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Monsieur Dubois, je vous remercie d’avoir retiré l’amendement n° 457. Nous constatons une attente très forte des producteurs agricoles quant au renforcement de l’Observatoire. Dans cette perspective, nous n’avons pas intérêt à fusionner deux Observatoires dont la création répondait par ailleurs à des logiques différentes.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l’amendement n° 145.

M. Didier Guillaume. Je me réjouis que la commission ait émis un avis favorable sur l’amendement n° 146. En effet, l’expression « chaîne alimentaire » manquait de précision, les termes « chaîne de commercialisation des produits alimentaires » paraissant plus précis.

Je retire donc l’amendement n°°145, monsieur le président, compte tenu de l’avis favorable de la commission sur l’amendement n° 146.

M. le président L'amendement n° 145 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 536 rectifié, présenté par MM. Collin et Plancade, Mme Escoffier, MM. Fortassin et Tropeano, Mme Laborde et MM. Barbier, Baylet, Chevènement, Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Vall, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il analyse les données nécessaires à l'exercice de ses missions, recueillies auprès de l'établissement mentionné à l'article L. 621-1 et du service de statistique public.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Nous en arrivons à un point crucial de ce projet de loi.

Depuis le début du débat, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est présenté comme l’instance qui permettra de moraliser les relations entre les producteurs et les acheteurs.

Au cours de l’examen de l’article 1er, notre groupe avait souhaité inscrire dans le champ d’action de la politique de l’alimentation, d’une part, la transparence sur les prix et les marges, d’autre part, la juste répartition de la valeur ajoutée au sein de la filière. On nous a rétorqué que nos amendements étaient satisfaits par l’article 6, l’Observatoire étant justement censé jouer ce rôle !

Or je ne vois rien dans la rédaction de cet article qui le laisse espérer. Le mot « transparence », qui a son importance, n’y figure pas. Par ailleurs, de quels moyens disposera l’Observatoire pour contraindre la grande distribution à se mettre autour de la table pour répartir la marge ?

Le Président de la République a pris des initiatives en ce sens et a obtenu quelques résultats. Je ne suis pas sûre que la profession pourra en tirer des avantages et des profits, mais, quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas que le chef de l’État soit obligé d’aller systématiquement négocier pour obtenir un partage des marges !

Monsieur le rapporteur, si les missions de l’Observatoire sont bien celles que vous nous avez décrites, ce qui vous a permis de repousser les amendements que nous avons déposés sur l’article 1er, pourquoi opposer l’article 40 de la Constitution à l’amendement visant à les énumérer clairement ? Il nous semble que la commission des finances dégaine parfois un peu vite l’article 40 ! (Sourires.)

Est-ce créer une charge publique nouvelle que de vouloir préciser que l’Observatoire identifie clairement les marges au sein de la filière, étudie les coûts de production aux différents stades de la production agricole, de la transformation et de la distribution, assure une diffusion régulière de ses travaux et alerte les ministres lorsqu’il constate des baisses ou des hausses de prix excessives ?

Si tel est le cas, que l’on nous dise à quoi servira cet Observatoire ! Se contentera-t-il de recueillir des données auprès de FranceAgriMer et de l’INSEE et de les diffuser sur Internet, comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui ?

À défaut d’avoir pu préciser ses missions dans la loi, nous espérons au moins que l’Observatoire sera chargé d’analyser les données recueillies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. Madame Laborde, vous posez un problème qui nous concerne tous. Cet amendement très utile permet de préciser que l’Observatoire ne se contentera pas de recueillir les données auprès de FranceAgriMer et de l’INSEE, mais qu’il les analysera.

La commission y est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis favorable, puisque cet amendement s’inscrit dans le sens de notre démarche.

L’Observatoire aura désormais une assise législative ; il sera doté d’un président et chargé de collecter les données sur les coûts de production et, grâce à l’amendement déposé par Mme Laborde, de les analyser.

J’ai pris l’engagement, cela a été rappelé tout à l’heure, de mettre à la tête de cet Observatoire une personnalité qui aura le poids suffisant pour transmettre au public de manière convaincante les données analysées. Tout cela, selon moi, va dans le bon sens !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 536 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 53 rectifié ter est présenté par MM. Pointereau, Pierre et Vasselle, Mme Des Esgaulx et MM. Cornu, Houel, Billard, Pinton et Mayet.

L'amendement n° 338 rectifié est présenté par MM. Houpert, Beaumont, Frassa, Houel et Milon, Mme Malovry et MM. Jarlier, B. Fournier et Lefèvre.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 18, première phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié ter.

M. Rémy Pointereau. Nous souhaitons supprimer cette disposition pour deux raisons.

Tout d’abord, il est très difficile d’étudier, sur un territoire comme le nôtre, des coûts de production qui diffèrent fortement selon les régions et les modes de gestion.

Ensuite, M. le rapporteur m’a fait savoir tout à l’heure que, finalement, ce rapport supplémentaire irait encombrer les armoires du ministère…

Pour ces deux raisons, il ne paraît pas utile d’établir un rapport sur les coûts de production. Cet exercice complexe pourrait se heurter à un certain nombre de difficultés, les coûts pouvant se révéler fort différents d’un bout à l’autre de l’Hexagone.

M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour présenter l’amendement n° 338 rectifié.

M. Alain Houpert. J’ajoute simplement qu’il faut un même degré de transparence pour la production et la distribution, sans stigmatiser la première.

Cet amendement a également pour intérêt de simplifier le texte.

M. le président. L'amendement n° 503 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, J. Blanc, Carle et Bailly, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :

Il étudie également les coûts de production au stade de la production agricole sur la base d'un référentiel d'exploitation défini par l'interprofession, avec une adaptation selon les systèmes d'exploitation et les spécificités régionales. Il permet d'établir un prix de revient. Le calcul est réactualisé annuellement afin de prendre en compte l'évolution des charges et des gains de productivité.

La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Le projet de loi prévoit que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires étudie les coûts de production au stade de la production agricole.

Cet amendement vise à garantir que cette étude établit les charges effectivement supportées par les producteurs, en se fondant sur un référentiel d’exploitation défini par l’interprofession elle-même, avec une adaptation selon les systèmes d’exploitation et les spécificités régionales et territoriales.

C’est ce même référentiel qui offrira un revenu minimum aux producteurs, puisqu’il constituera le socle permettant de calculer le prix de revient.

C’est la raison pour laquelle il est primordial que la réalité des charges supportées par l’agriculteur soit intégrée dans le calcul du référentiel, en tenant compte, précisément, des spécificités des productions et des territoires.

M. le président. L'amendement n° 147, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, les coûts de transformation et les coûts de distribution

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires doit collecter les différents prix pratiqués : prix à la production, prix après transformation et prix à la consommation.

Mais, comme son nom l’indique, il doit aussi éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur les marges réalisées à chaque niveau, par chaque acteur de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires.

Or l’article 6 ne prévoit pour l’instant qu’un examen des coûts de production au stade de la production agricole.

Cette disposition est utile, puisque les producteurs interviennent au début de la chaîne. Cela permettra de veiller à ce que les prix payés aux producteurs couvrent au moins leur prix de revient et la rémunération de leur travail, ce qui est de moins en moins souvent le cas. Toutefois, elle est bien insuffisante pour étudier les marges réalisées par chaque acteur et déterminer si l’un d’eux n’accapare pas une trop grande partie de la valeur ajoutée créée.

On peut d’ailleurs craindre qu’en dévoilant uniquement les coûts de production au stade de la production agricole, les acheteurs n’en profitent pour « coller » à ce prix plancher, refusant de revaloriser la marge des producteurs en dehors des crises conjoncturelles. Les agriculteurs y perdraient encore plus en capacité de négociation.

Nous souhaitons donc, pour assurer une plus grande transparence et une plus grande équité, que les coûts de chaque opérateur soient étudiés : coûts de production, coûts de transformation et coûts de distribution. C’est le seul moyen pour connaître réellement les marges nettes.

Par ailleurs, je m’interroge sur les prix qui seront collectés par l’Observatoire. FranceAgriMer lui transmettra les données économiques qui lui sont nécessaires et l’INSEE les résultats de ses enquêtes. Mais l’Observatoire disposera aussi de moyens humains permettant de faire des contrôles et de collecter des informations directement auprès des opérateurs. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?

J’ai entendu parler des indices des prix à la consommation, mais, parce qu’ils mesurent l’inflation, ils ne sauraient constituer la base des analyses menées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

M. le président. L'amendement n° 148, présenté par M. Cazeau, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 18

I. - Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et l'évolution du revenu final des producteurs

II. - Seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et formule le cas échéant des préconisations en faveur d'une répartition équitable des marges dans la chaîne de commercialisation des produits alimentaires

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. La question de l’impact des prix agricoles dans la formation des prix alimentaires est délicate et complexe. La volatilité croissante, ces dernières années, des prix des matières premières agricoles et la crise que connaît aujourd’hui le monde agricole en font un problème majeur.

Des efforts importants de productivité tant dans l’agriculture que dans l’industrie ont permis, depuis plusieurs décennies, une baisse des prix agricoles et alimentaires. D’une manière générale, les produits alimentaires consommés sont de plus en plus transformés, et leur valeur ajoutée ne cesse de croître. Ce mouvement de fond se traduit par un poids généralement plus faible du prix de la matière première agricole dans celui du produit consommé.

Malgré cela, le poids des produits agricoles est encore très dominant dans l’ensemble des filières des produits frais et certaines variations de prix méritent des explications. Les filières alimentaires sont nombreuses et diversifiées ; elles font intervenir plusieurs intermédiaires et possèdent chacune leurs spécificités.

Dès lors, l’étude des mécanismes de formation des prix au sein de la chaîne alimentaire doit se faire filière par filière. C’est pourquoi l’Observatoire des prix et des marges, chargé d’établir une plus grande transparence dans la formation des prix, a été doté, en novembre 2008, d’un comité de pilotage spécifique pour les produits alimentaires.

Celui-ci a pour mission la mise en place d’outils opérationnels de suivi et d’analyse des prix et des marges sur l’ensemble des maillons des filières alimentaires. Les travaux de cet Observatoire ont été publiés tout au long de l’année 2009 sur la viande de porc, les produits laitiers et les fruits et légumes frais ; accessibles à tous sur internet, ils sont régulièrement mis à jour. Toutefois, nous constatons aujourd’hui l’impuissance de cet Observatoire.

Aussi, je vous propose à travers cet amendement de permettre à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de formuler des préconisations en faveur d’une répartition équitable des marges. Il s’agit ici de donner au Parlement les moyens concrets d’améliorer le revenu des paysans.

M. le président. L'amendement n° 603, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

en prenant en compte l'ensemble des facteurs de production, dont le travail

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous avons évoqué les questions de politique alimentaire et de compétitivité, les contrats, les coûts de production. Nous en sommes maintenant parvenus à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

Tout cela est très intéressant, mais où sont passés les êtres humains, ces femmes et ces hommes au nom desquels nous débattons aujourd’hui, ces femmes et ces femmes qui, dans la situation actuelle, travaillent de plus en plus pour gagner de moins en moins ?

Aussi, je propose d’affiner la notion de coûts de production, que l’Observatoire aura pour mission d’étudier, en précisant que celle-ci recouvre également le travail de l’agriculteur.

Classiquement, dans les analyses de groupe, les coûts de production recouvrent les charges variables, les intrants – les énergies et les semences, ainsi que, dans les systèmes conventionnels, les pesticides et les engrais –, les autres charges affectées – irrigation, assurances spécifiques. Dans certains cas, on y intègre aussi les charges fixes que sont les amortissements, les intérêts des emprunts et les autres charges de structure.

Il se trouve que nous examinons un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Introduire le principe d’une rémunération descente de l’agriculteur, reconnaître à celui-ci le droit de vivre de son travail, voilà qui serait innovant !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard César, rapporteur. S’agissant des amendements identiques nos 53 rectifié ter et 338 rectifié, je rappelle à Rémy Pointereau et à Alain Houpert que la mission de l’Observatoire est d’éclairer les pouvoirs publics. Son champ d’investigation est suffisamment balisé par le nouvel article L. 692-1 créé par le projet de loi : l’Observatoire analyse en effet la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne alimentaire.

Il ressort de ces dispositions que, pour les distributeurs et les autres étapes de transformation de la chaîne alimentaire, les coûts entrants et sortants seront connus, puisque l’Observatoire étudie les transactions.

Par ailleurs, il est nécessaire de préciser que l’Observatoire étudiera également les coûts de production au stade du premier maillon de la chaîne, avant que n’aient lieu les premières transactions.

Aussi, la commission demande à chacun des auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 503 rectifié, présenté par Pierre Jarlier, vise à étendre les missions de l’Observatoire à l’étude générale de la situation des producteurs. C’est peut-être aller un peu loin, mon cher collègue…

Le projet de loi garantit un équilibre dans la mesure où il inclut, dans le champ des compétences de l’Observatoire, le suivi de la formation des prix et des marges aux différents stades de la commercialisation des produits alimentaires et où il prévoit, par ailleurs, l’étude des coûts de production au stade de la production.

De plus, mentionner de manière précise l’étude du revenu final des producteurs pourrait entraîner un double effet potentiellement négatif pour les producteurs en cas de remontée des prix agricoles.

Enfin, d’une rédaction complexe, cet amendement ne permettra sans doute pas d’éclairer réellement la filière.

Aussi, la commission demande à son auteur de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 147, présenté par Paul Raoult, l’étude des coûts de transformation et de distribution est déjà prévue par le texte dans la mesure où le champ d’investigation de l’Observatoire est clairement énoncé : il analyse « la formation des prix et des marges au cours des transactions ».

Il est donc seulement nécessaire de prévoir, en plus, l’étude des coûts de production au stade du premier maillon de la chaîne de commercialisation des produits alimentaires.

La commission émet un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 148, comme pour l’amendement n 503 rectifié, le texte garantit un équilibre dans la mesure où il inclut, dans le champ des compétences de l’Observatoire, le suivi de la formation des prix et des marges aux différents stades de la commercialisation des produits alimentaires et où il prévoit, par ailleurs, l’étude des coûts de production au stade de la production.

En outre, mentionner de manière précise l’étude du revenu final des producteurs pourrait entraîner un double effet, avec le risque d’une stigmatisation en cas de remontée des prix agricoles.

La commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 603, présenté par M. Muller, vise à préciser que l’Observatoire étudie les coûts de production au stade de la production « en prenant en compte l’ensemble des facteurs de production, dont le travail ».

Cette précision, si elle s’inscrit effectivement dans l’esprit de la disposition, semble néanmoins superfétatoire dans la mesure où, dans la prise en compte générale de tous les facteurs, elle ne mentionne spécifiquement que le travail.

Un tel ajout n’apporterait rien à l’impartialité et à la rigueur des travaux de l’Observatoire, qui n’a pas pour vocation de privilégier un facteur de production en particulier.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Tous ces amendements sont sous-tendus par une seule et même question : l’Observatoire doit-il traiter de la question des coûts de production ?

Pour ma part, j’estime en conscience qu’il faut répondre par l’affirmative à cette question, précisément parce qu’il est bien difficile, comme vous l’avez indiqué, monsieur Pointereau, de définir les coûts de production. Ceux-ci sont très variables d’un endroit à un autre du territoire, d’une région à une autre, et c’est bien pourquoi, tout au long de l’examen de ce projet de loi, j’ai constamment refusé, par souci de cohérence, que les coûts de production servent de référence.

Précisément, un Observatoire du type de celui que nous souhaitons n’a pas à prendre les coûts de production comme référence mais doit nous permettre d’avoir une vue plus claire de ce que sont ces coûts de production à l’échelle du territoire national et, partant, d’évaluer de façon plus pertinente les marges.

Dès lors que nous connaîtrons les coûts de production dans les différentes régions, il sera plus facile d’évaluer les marges que réalisent, par exemple, les industriels Lactalis, en Savoie, ou Entremont – qui, je l’espère, deviendra prochainement Entremont-Sodiaal – en Bretagne.

Si nous avons comme références des coûts de production distincts d’une région à l’autre, l’évaluation de la marge sera plus pertinente.

Pour l’ensemble de ces raisons, je le répète, il me paraît nécessaire de maintenir parmi les missions de l’Observatoire l’étude des coûts de production, étant entendu que ceux-ci seront appréhendés non pas de manière uniforme, mais en tenant compte de la diversité des situations d’un point à un autre du territoire.

Aussi, je demanderai à Rémy Pointereau, à Alain Houpert et à Pierre Jarlier de bien vouloir retirer leurs amendements.

Cela étant dit, il ne faut pas non plus aller au-delà du raisonnable, monsieur Raoult, au risque de définir ce que doivent être les marges nettes et, par voie de conséquence, de porter atteinte à la liberté d’entreprendre.

Monsieur Raoult, je ne conteste pas vos bonnes intentions, mais l’adoption de votre amendement conduirait à divulguer les secrets de fabrication et de commercialisation des industriels ou des distributeurs.

Que l’on qualifie, le cas échéant, les marges brutes d’excessives, je l’admets ; mais vouloir ensuite fixer leur niveau à un stade ou un autre de la transformation ou de la distribution d’un produit porterait atteinte à la liberté du commerce, voire à la liberté d’entreprendre, ce qui serait réellement problématique.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 147.

Monsieur Botrel, vous proposez, à travers l’amendement n° 148, que l’Observatoire formule des préconisations en faveur d’une répartition équitable des marges. Or il me semble que c’est au Parlement qu’il appartient de tirer les enseignements des analyses qui lui seront communiquées par le président de l’Observatoire dans son rapport annuel. C’est bien là tout l’objet de ce rapport !

L’Observatoire ne doit pas, me semble-t-il, être prescripteur ; son rôle est d’analyser précisément les situations qu’il aura à étudier, quitte à ce que le Parlement, ce qui est son rôle, en tire les conséquences politiques.

Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Monsieur Muller, votre amendement n° 603 est satisfait puisque l’Observatoire aura pour mission d’étudier les coûts de production, lesquels incluent naturellement le facteur « travail ».

Aussi, je vous prierai de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 53 rectifié ter et 338 rectifié.

M. Gérard Bailly. Le monde agricole attend beaucoup de cet Observatoire, dont il espère qu’il pourra identifier la part de chacun dans la formation des prix.

Une fois n’est pas coutume, je suis en désaccord avec mon collègue Rémy Pointereau : il me paraît nécessaire de connaître les coûts de production, en tenant compte, bien entendu, des spécificités de chacun des secteurs, car la formation des prix n’obéit pas partout aux mêmes règles. Or, depuis des décennies, les organismes agricoles évaluent chaque année le coût de production moyen d’un kilogramme de viande ou d’un litre de lait. Par souci d’efficacité, il conviendrait de connaître en outre le coût de transformation des produits et les marges qui sont réalisées à cette occasion, lesquels demeurent largement ignorés à ce jour.

Tous les agriculteurs souhaitent que les organismes de transformation réalisent des marges suffisantes pour leur permettre d’investir, de préparer l’avenir, car nous ne souhaitons pas du tout leur mort !

Les grandes surfaces s’approvisionnent auprès de sept grandes centrales d’achat. Comme beaucoup dans cette enceinte, j’ignore combien coûte aux grandes surfaces la commercialisation d’un kilogramme de sucre, de fruits, de légumes, ou d’un litre d’huile.

Des propos très durs ont été tenus, ici même, y compris par moi, à l’encontre de la grande distribution. Mais peut-être ces critiques ne sont-elles pas fondées.

Pour que cet Observatoire soit réellement opérationnel, il faudra qu’il puisse déterminer la part de chacun des acteurs dans la formation des prix et des marges, de manière à leur permettre à tous de poursuivre leurs activités dans des conditions normales. À défaut, monsieur le ministre, je crains que, dans trois ou quatre ans, on ne déplore l’incapacité de l’Observatoire à permettre une répartition équitable.

J’avoue que je m’interroge.

Monsieur le ministre, je le répète, il est important de connaître ces informations pour savoir combien il faut laisser à la grande distribution et quelle compensation il sera possible de lui demander pour tel ou tel produit de sorte que les producteurs puissent avoir en quelque sorte une part du gâteau.

Le monde agricole réclame une transparence complète et, si ce projet de loi n’y contribuait pas, il lui manquerait quelque chose.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. La création de cet Observatoire ne manque pas d’intérêt, mais elle soulève deux questions de fond.

D’une part, monsieur le ministre, vous décidez subitement de créer ce nouvel organe chargé d’établir des statistiques, mais où trouverez-vous le personnel pour le faire fonctionner, alors même que, depuis deux ans, des postes sont supprimés notamment au sein de l’INSEE ? Je ne demande pas mieux que de vous croire, mais je suis un peu sceptique.

D’autre part, on a tendance à faire fi de la complexité de la vie économique dans notre pays. Ainsi, il est possible de produire du lait à partir d’une herbe poussant naturellement en zone de montagne, à partir d’une herbe de culture ou à partir du maïs. De même, les conditions de production diffèrent selon que l’on fait le choix de telle ou telle race, entre une Prim’Holstein, qui produit 10 000 litres de lait par an, ou une race mixte lait-viande.

Cette même complexité se retrouve au sein de l’industrie laitière. Une délégation de la commission de l’économie s’est rendue à Moscou, où nous avons visité une usine Danone. Ses 500 employés fabriquent quinze produits de référence différents.

Si l’on considère la palette de tous les produits fabriqués à partir du lait, du lait en poudre qui dégage très peu de valeur jusqu’au beurre industriel de pâtisserie exporté en Italie, ou au beurre utilisé par les ménages, en passant par les innombrables sortes de yaourts que l’on s’ingénie à trouver, il est difficile de déterminer la rentabilité de l’industriel.

Cela soulève une vraie question.

De surcroît, on le sait, ces groupes industriels – je pense à Danone -, parce qu’ils sont menacés d’absorption par des groupes américains, tentent, pour distribuer des dividendes et maintenir leurs cours en bourse, de dégager les marges les plus importantes.

Des pressions diverses s’exercent donc à tous les niveaux, sans même évoquer la commercialisation.

Tout le monde pointe du doigt les hypermarchés. Je vais me faire l’avocat du diable, mais le cours de l’action de Carrefour ou d’Auchan baisse aujourd’hui du fait de marges réduites, en tout cas sur le territoire français ! Cela nourrit d’autant la pression exercée par les groupes sur les coûts de distribution.

À partir de là, j’ignore comment nous pourrons résoudre le problème de fond de la relation entre le producteur, l’industriel et le distributeur. Le problème est d’autant plus complexe que, derrière les Lidl, les Aldi et les autres, il reste la petite épicerie du coin, aussi, et il ne faut pas oublier cette forme de distribution.

Je suis donc tout à fait d’accord pour que l’information soit la plus complète possible. Néanmoins, il faut également appréhender la complexité de la vie économique dans notre pays aujourd’hui. Vouloir donner un peu plus à l’agriculteur par rapport à l’industriel ou au distributeur, c’est déjà s’engager dans une réflexion très délicate, mais s’imaginer de surcroît pouvoir en faire la solution de tous les problèmes de revenus que connaissent les agriculteurs, cela me laisse quelque peu sceptique…

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. Je ne partage pas nécessairement à 100 % l’avis de mon collègue Paul Raoult.

Cela étant, monsieur le président, je souhaite surtout intervenir sur l’amendement n °147, car je n’ai pas compris l’avis défavorable du rapporteur. En revanche, j’ai bien entendu le Gouvernement quand il évoque le risque de divulgation de secrets industriels et, si cela peut tout arranger, je suis prêt à ôter de mon libellé la mention des coûts de transformation.

Comme mes collègues Gérard Bailly et Paul Raoult, je défends un Observatoire ambitieux. Nous sommes d’accord, monsieur le ministre, sur la place essentielle que doit y tenir l’analyse de la production agricole. Sans elle, il n’y a rien ! Il me paraît toutefois nécessaire d’aller plus loin.

Car, ce que nous demandent les agriculteurs, plus globalement, c’est le pourquoi de cette multiplication par 4, 5, 6, 7, voire 10 qu’ils constatent entre le prix de départ chez le producteur, l’éleveur, l’exploitant, et le prix de vente au consommateur, en grande surface ou non.

Pour certaines raisons, pour certains produits et pour certaines étapes, ces multiplications peuvent s’expliquer, mais, pour la plupart des produits, elles ne sont nullement justifiées. C’est la raison pour laquelle cet Observatoire revêt une telle importance.

Dans la mesure où nous partons de loin, cela ne peut qu’améliorer la situation !

Paul Raoult évoquait tout à l’heure les conséquences de la RGPP sur les personnels, en l’occurrence ceux qui seront chargés d’accomplir ce travail d’analyse. Je n’y reviens pas longuement, sinon pour insister, monsieur le ministre : dans une ambition partagée, nous souhaitons que cet Observatoire des prix et des marges fonctionne au mieux. Vous nous avez donné des assurances concernant les moyens dont il disposera. Dont acte ! Cependant, s’il doit étudier les coûts au stade de la production agricole, sans qu’il lui soit possible de connaître avec exactitude les marges liées à la distribution, alors il me semble que ses analyses seront incomplètes.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas essayer ? Essayons, et, si la tâche s’avère trop complexe, malgré les moyens humains que vous allez mettre à disposition de cet Observatoire, ce ne sera pas un drame, nous en reviendrons au dispositif tel qu’il ressort du texte initial de la commission.

Il serait dommage de ne pas avoir plus d’ambition pour pouvoir répondre aux questions que se posent les agriculteurs français.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. M. le ministre nous a affirmé que l’Observatoire fournirait des rapports et des analyses, en particulier sur la question, centrale, celle qui revient constamment dès lors que l’on a des contacts réguliers avec des producteurs, des coûts de production et du partage des marges.

Il y aura donc des analyses et un rapport, je vous en donne acte, monsieur le ministre, mais tout cela ne nous fait guère dépasser le stade du simple constat. La formule que nous proposons – l’Observatoire « formule, le cas échéant, des préconisations » – permet d’aller plus loin que le simple constat pour tirer les conséquences de ces analyses. De toute manière, il faudra bien à un moment que le constat débouche sur des propositions. Si quelqu’un doit s’en charger, pourquoi pas l’Observatoire ?

Dans le cas contraire, la démarche serait dénuée d’intérêt. Si des dysfonctionnements, quels qu’ils puissent être, sont observés, des préconisations doivent être formulées afin de parvenir à une meilleure répartition.

Je n’ai donc pas saisi le sens de votre avis négatif.

Je rejoins ici les propos de notre collègue Gérard Bailly. Les producteurs, comme cela a été illustré par les dernières crises que nous avons connues, ont le sentiment, me semble-t-il légitime, que, dans cette chaîne de production, dans cette filière, ce sont eux qui servent constamment de variable d’ajustement.

En outre, Paul Raoult l’a redit après moi tout à l’heure, en tout état de cause, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires aura un travail considérable, pour ne pas dire énorme. C’est en effet tout le territoire national qui sera concerné. L’activité d’une multiplicité de filières et de partenaires économiques devra en conséquence être analysée.

Vous n’avez pas pu me répondre quand j’ai soulevé ce problème en intervenant sur l’article et je constate que cet aspect n’a pas du tout été évoqué, mais, si l’on souhaite que l’Observatoire produise des rapports dans de bonnes conditions, des moyens considérables devront lui être alloués. Nous voudrions avoir la certitude que l’Observatoire sera bien à la hauteur des ambitions que nous lui prêtons les uns et les autres.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Malgré l’heure tardive, je souhaiterais cadrer ce débat, qui porte sur des sujets importants.

Je rejoins Gérard Bailly dans son analyse : il importe que l’Observatoire puisse couvrir le spectre le plus large possible.

Sans l’étude des coûts de production, nécessaire aux producteurs, on pourra toujours étudier les marges, mais sans référence de base. Or c’est précisément l’une des énormes faiblesses actuelles de l’Observatoire des prix et des marges !

Observer des marges sans connaître le coût de production ne peut en effet mener à aucune conclusion utile au producteur. Si nous ne faisons pas figurer dans la mission de l’Observatoire l’analyse des coûts de production, alors nous retombons dans ce qui s’est fait depuis des mois et nous nous condamnons à ne pas tirer des travaux de cet Observatoire toutes les conséquences qui seraient utiles aux producteurs.

Quant aux remarques de Didier Guillaume, je comprends très bien sa volonté d’aller le plus loin possible. Cependant, je pense que l’on franchirait réellement une ligne rouge en incluant les coûts de transformation.

Malgré l’heure tardive, ces questions sont trop importantes pour que je n’insiste pas sur les conséquences du dispositif que vous proposez, monsieur le sénateur.

En effet, concrètement, cela revient à mettre sur la place publique les secrets de fabrication d’une entreprise industrielle. Cela ne concerne d’ailleurs pas uniquement les très grosses entreprises industrielles comme Danone. Cela va concerner la petite entreprise d’industrie agroalimentaire qui fabrique du saucisson à côté de chez vous, à qui vous allez demander ses secrets d’innovation, la part du chiffre d’affaire qu’elle consacre à sa politique salariale, celle qu’elle affecte à sa politique de l’énergie, si elle a installé des panneaux solaires ou non. Bref, c’est toute sa stratégie de développement économique que vous allez dévoiler !

Ce n’est pas là ce que nous souhaitons, car cela n’est pas dans l’intérêt des entreprises.

M. Didier Guillaume. J’ai retiré cette partie de mon amendement.

M. Bruno Le Maire, ministre. Très bien, je n’avais pas compris.

Pour répondre à M. Botrel enfin, l’Observatoire doit être dédié à l’analyse. Je tiens à ce que les préconisations politiques restent du ressort des responsables politiques, c'est-à-dire des élus du peuple.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Convaincu par les arguments du ministre, je souhaitais supprimer de cet amendement les termes « coûts de transformation », tout en laissant subsister la mention des « coûts de distribution », ce qui permettra sans doute d’aller plus loin.

Je pensais avoir déjà rectifié mon amendement en ce sens, mais sans doute n’avais-je pas été assez clair, monsieur le président.

M. le président. Je suis en effet saisi d’un amendement n° 147 rectifié, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Alinéa 18, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et les coûts de distribution

Monsieur Pointereau, l'amendement n° 53 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Je suis tout à fait d’accord pour que soient étudiés les coûts de production. Mais, encore une fois, il sera difficile de faire des moyennes. Les centres d’économie rurale ont déjà des chiffres, qu’ils peuvent vous communiquer demain. Mais y a-t-il besoin d’un rapport pour cela ?

C’est pourquoi je souhaitais que l’on supprime ce rapport annuel et la référence à l’analyse des coûts de production au stade de la production agricole.

Néanmoins, comme je m’apprête, dans quelques heures, à vous demander un autre rapport, cette fois, sur les contraintes environnementales, monsieur le ministre, je vais retirer cet amendement, en espérant que vous émettrez un avis favorable sur celui que je présenterai demain (Sourires)…

M. Didier Guillaume. Beau geste !

M. Rémy Pointereau. … non sans avoir attiré votre attention sur le risque qu’il y aurait à stigmatiser les régions sur la base des coûts de production. Cela risque de les monter les unes contre les autres, et il pourrait y avoir un retour de manivelle…

Monsieur le président, je retire l’amendement n° 53 rectifié ter.

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié ter est retiré.

Monsieur Houpert, l'amendement n° 338 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Houpert. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 338 rectifié est retiré.

Monsieur Jarlier, l'amendement n° 503 rectifié est-il maintenu ?

M. Pierre Jarlier. Non, je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 503 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 147 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l’amendement n° 148.

Mme Odette Herviaux. Je ne souscrivais pas complètement à l’idée de supprimer la première phrase de l’alinéa 18 de l’article 6.

Il faut toutefois insister sur le fait que la profession agricole a parfois ressenti ces mots comme une mise en accusation, comme une façon de pointer du doigt son incapacité à obtenir des références sur ses coûts de production. Il faut veiller à ne pas la stigmatiser davantage.

Aussi avions-nous pensé, pour en quelque sorte rétablir l’équilibre, à mentionner tout à la fois les coûts de transformation et les coûts de distribution.

Vous avez argué, monsieur le ministre, que cela n’était pas possible, sous peine de dévoiler des secrets de fabrication. Je note au passage que les professionnels de la distribution pourraient sans doute invoquer le même risque, dans l’absolu.

Reste qu’il faut envoyer un signe fort à la profession agricole, en faisant bien passer le message qu’il ne s’agit pas de stigmatiser le manque de compétitivité de certains sur certaines parties du territoire, mais, bien au contraire, de lui permettre, par la connaissance de ses coûts de production, de voir où sont les marges et, espérons-le, d’agréger les différentes composantes du revenu des agriculteurs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Muller, l'amendement n° 603 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Oui, monsieur le président, même si M. le rapporteur l’a qualifié de superfétatoire, et si M. le ministre, plus diplomate,…

M. Didier Guillaume. Normal, il est ministre !

M. Jacques Muller. … l’a jugé simplement satisfait.

Je maintiens cet amendement pour deux raisons.

D’abord, sur le plan pratique, quand on parle de coûts de production, on n’intègre généralement pas le travail. Dans toutes les analyses de gestion, on raisonne en marge brute, on compare des techniques de production ou des pratiques, mais, culturellement, on ne prend pas en compte le travail. C’est pourquoi il me semblait pertinent de l’inscrire expressément dans la loi.

Par ailleurs, il y a également un aspect éthique : insister sur le travail, c’est reconnaître celui des agriculteurs, c’est-à-dire leur métier. Pour ma part, je pense que tous les facteurs de production ne se valent pas. Le sac d’engrais est une chose, le travail humain en est une autre.

Mettre le travail humain en exergue revient donc tout simplement à remettre l’être humain à sa place !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 603.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 6 (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche
Discussion générale

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 26 mai 2010, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (Procédure accélérée) (n° 200, 2009-2010).

Rapport de M. Gérard César et M. Charles Revet, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 436,2009-2010).

Texte de la commission (n° 437, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 26 mai 2010, à deux heures.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART