M. Alain Gournac. Évidemment !

Mme Bernadette Dupont. En ce qui concerne les lieux de travail, nous devons mobiliser davantage les moyens financiers existants. Le manque de crédits devrait inciter à trouver des solutions nouvelles : l’AGEFIPH, compétente pour le secteur privé, et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, compétent pour le secteur public, qui disposent de fonds propres importants issus du recouvrement des contributions des employeurs qui ne remplissent pas leur obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés, ne pourraient-ils pas participer au financement de ces travaux ? Je pense que ces fonds pourraient parfaitement être utilisés pour l’aménagement des lieux de travail, mais il faudrait que le législateur le précise.

Enfin, je terminerai par quelques mots sur l’accessibilité des transports. Il est regrettable que les nouvelles rames de TGV ou de métro ainsi que les nouveaux bus ne soient pas systématiquement et intégralement accessibles. Cette situation pose un réel problème, étant donné la durée de vie de ces matériels. Nous devons également réfléchir et progresser sur ce point : l’accès aux wagons doit se faire du quai, de plain-pied ; un plan incliné ne doit se terminer par trois marches, comme je l’ai récemment vu dans une gare ; les ascenseurs et les escaliers mécaniques des gares doivent être régulièrement vérifiés et en état de marche.

Mes chers collègues, la loi du 11 février 2005 a constitué une réforme d’ampleur, particulièrement attendue. Mais il faut agir vite pour ne pas décevoir cette attente. Après la réalisation de leur diagnostic, les communes devront établir sans délai l’échéancier des travaux et investissements qu’elles auront à réaliser d’ici à 2015, c’est-à-dire demain ! Sur ce dossier, l’État doit jouer un rôle d’aiguillon et d’animateur. Nous vous écouterons donc, madame le secrétaire d’État, pour savoir comment vous envisagez l’avenir – et l’horizon de 2015 – sur cette question essentielle de l’accessibilité. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai sur les volets emploi et formation professionnelle, pour lesquels la loi du 11 février 2005 promettait une réelle égalité : elle posait le principe de non-discrimination et donnait la priorité au travail en milieu ordinaire, en misant sur l’incitation vis-à-vis des employeurs.

La loi réaffirmait l’obligation pour les entreprises de plus de vingt salariés d’employer au moins 6 % de personnes handicapées. Elle étendait aussi cette obligation à de nouvelles catégories de personnes handicapées : les titulaires de la carte d’invalidité et les titulaires de l’AAH. Enfin, la loi renforçait aussi la contribution à l’AGEFIPH, pour les entreprises qui n’ont pas rempli leurs obligations. Cette contribution-sanction devait même être triplée pour les entreprises n’ayant réalisé aucun effort au terme de trois ans.

Le dispositif de sanction a donc été renforcé et étendu aux employeurs publics puisque la loi a créé un Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, alimenté par la contribution des ministères, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

L’objectif n’est malheureusement pas atteint. Le taux moyen d’emploi de personnes handicapées n’est que de 4,4 % : cela signifie bien que nombreuses sont les entreprises qui emploient encore moins de 6 % de handicapés. Ce constat est surprenant quand on sait que l’obligation date de la loi du 10 juillet 1987, mais il est encore plus surprenant, et regrettable, que le Gouvernement ait consenti un délai supplémentaire de six mois aux entreprises employant de 20 à 49 salariés pour se mettre en conformité avec les dispositions législatives. De plus, ce délai supplémentaire ne concerne que des entreprises qui n’ont engagé aucune action en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap. Ce report de six mois représente donc un signal fort et un gage donné à ceux qui ne respectent pas la loi !

Pourtant, la situation des personnes handicapées sur le marché du travail est préoccupante. Ainsi, 19 % d’entre elles sont au chômage, soit deux fois plus que la moyenne de la population active. Par ailleurs, le taux de chômage augmente en fonction du niveau de handicap. Seuls 44  % des plus handicapés exercent une activité professionnelle, contre 71 % de l’ensemble de la population, tous âges confondus.

Les personnes handicapées qui occupent un travail sont le plus souvent employées dans les secteurs les moins qualifiés : ainsi, 80 % des travailleurs handicapés sont soit ouvriers soit employés, contre 57 % de l’ensemble des actifs ; 3 % seulement sont cadres, contre 11 % de l’ensemble.

Les difficultés d’intégration des personnes handicapées dans le monde du travail sont doubles : d’une part, leur parcours scolaire étant plus difficile, leur niveau de qualification est souvent inférieur à la moyenne puisque 83 % d’entre elles ont un niveau d’étude inférieur au baccalauréat ; d’autre part, elles sont plus âgées que la moyenne des actifs, puisque 34 % des salariés atteints d’un handicap ont plus de cinquante ans.

La formation des personnes handicapées est donc primordiale. Les femmes et les hommes concernés doivent pouvoir bénéficier d’une formation professionnelle de qualité et leur prise en charge ne doit pas être trop tardive, aussi bien en termes de formation que d’aide à la recherche d’emploi.

Un de mes interlocuteurs, dans le cadre de la préparation de ce débat, établissait un parallèle entre les personnes en situation de handicap et les jeunes des quartiers urbains en situation d’échec scolaire. Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas attendre pour mettre en place une prise en charge : celle-ci doit commencer dès l’école primaire.

Toujours à propos de la formation professionnelle, je rappelle aussi que nous avions proposé, en septembre dernier, lors de la discussion du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, un amendement visant à ce que la question du handicap ne soit pas ignorée dans le cadre de la stratégie nationale mise en œuvre et coordonnée par l’État, les régions et les partenaires sociaux. Nous regrettons encore que cet amendement n’ait pas été adopté, alors que le public souffrant de handicap a besoin plus que tout autre d’une sécurisation de son parcours professionnel.

En matière d’embauche, il est indispensable de mener des politiques publiques de sensibilisation, y compris en direction des entreprises de moins de vingt salariés. De telles démarches existent, mais elles relèvent uniquement de l’initiative d’associations, ce qui est insuffisant. En dehors de la semaine annuelle pour l’emploi des personnes handicapées, la communication sur les mesures incitatives demeure largement défectueuse. Or recruter une personne handicapée n’est pas qu’une démarche citoyenne : c’est aussi une démarche financièrement intéressante pour l’entreprise ; il est donc important que les entreprises le sachent.

Le Gouvernement a annoncé en septembre dernier que chaque ministère devrait atteindre l’objectif défini par la loi, à savoir employer au moins 6 % de personnes handicapées dans ses effectifs, sous peine de voir ces derniers gelés. Nous prenons acte de cet engagement et serons attentifs à sa mise en œuvre. Mais, l’éducation nationale continuant de jouir d’une dérogation tout à fait contestable, nous doutons de la volonté réelle du Gouvernement d’atteindre cet objectif.

Cinq ans après la loi du 11 février 2005, le bilan est donc mitigé en termes d’emploi et de formation. La situation évolue, mais les mentalités changent très lentement.

L’intérêt de ce débat est de souligner ces blocages, ces lenteurs qui écartent du marché du travail les personnes handicapées alors que celles-ci attendent un emploi, une formation, un vrai statut social... L’intérêt de ce débat est aussi de réaffirmer qu’il n’y a pas de situation inéluctable au regard de l’emploi. Ce qu’il faut maintenant, c’est agir promptement, sans plus perdre de temps, afin que toute personne handicapée puisse vivre dignement des revenus de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à féliciter les sénateurs qui ont pris l’initiative de ce débat dont, je le crois, nous mesurerons tous l’intérêt. Qu’on me permette de souligner au passage que c’est grâce à la réforme constitutionnelle que nous pouvons avoir aujourd'hui un débat de ce type. (Mme Bernadette Dupont ainsi que MM. Paul Blanc et Alain Gournac applaudissent.)

J’ai été le rapporteur, à l’Assemblée nationale, de la loi du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées, grande loi fondatrice dans ce domaine. Dix ans après, toujours député, j’ai souhaité qu’un débat y soit consacré. Cela n’a malheureusement pas été possible, du moins dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, car j’ai tout de même pu organiser par ailleurs un colloque, auquel ont du reste participé aussi bien Mme Simone Veil que Mme Georgina Dufoix. Aujourd’hui, mes chers collègues, du fait de la réforme constitutionnelle, nous pouvons avoir, dans l’hémicycle, un débat ambitieux.

Cela nous donne l’occasion de réfléchir à ce qui a été fait. La qualité des interventions, me semble-t-il, démontre la réalité des avancées permises par la loi du 11 février 2005, même si, bien sûr, tout n’est pas parfait et s’il faut aller plus loin.

Celui qui fut notre excellent rapporteur sur cette loi, l’éminent docteur Blanc, Paul Blanc (Sourires.), fera un point plus précis sur ces avancées, en particulier sur celle qui concerne la définition même du handicap, associant désormais les notions d’incapacité et d’environnement.

Dans le domaine de l’éducation, y compris au niveau de l’enseignement supérieur, nous avons tout de même franchi des étapes formidables.

Pour ce qui est de l’emploi, cela a été dit, il faut poursuivre les efforts.

Mais ce débat nous donne également l’occasion de réfléchir à l’avenir et je voudrais, à cet égard, exprimer quelques préoccupations.

J’ai notamment été interpellé par les recommandations que le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a émises sur la « désinstitutionnalisation » des enfants handicapés.

Bien sûr, nous sommes tous convaincus de la nécessité de nous mobiliser pour permettre à un maximum d’enfants de suivre une scolarité dans une école normale, grâce à un soutien scolaire. Bien sûr, nous sommes tous convaincus de l’importance de l’accessibilité. Mais nous partageons la position de notre collègue Jacques Mézard : l’excès de normes peut parfois aller à l’encontre des objectifs fixés. C’est le cas ici !

Vous le savez, mes chers collègues, les parents d’enfants handicapés ont vécu et vivent un grand drame. N’ajoutons pas à ce drame la culpabilisation que certains d’entre eux pourraient éprouver parce qu’ils seraient dans l’incapacité de garder leur enfant handicapé au sein de la famille !

Il y a quarante ans, déjà, à l’époque où personne ne s’occupait d’eux, je travaillais comme neuropsychiatre dans des établissements accueillant les plus grands handicapés. Je peux dire ici que la générosité la plus totale, l’ambition la plus forte ne sont pas suffisantes : si l’on nie le fait qu’il est nécessaire d’apporter à certains grands handicapés un soutien institutionnel, aussi bien dans leur éducation que, ensuite, dans leur vie, on laisse tomber ceux qui ont le plus besoin de la solidarité ! Cela, nous ne pouvons pas l’accepter ! (Mme Bernadette Dupont, MM. Paul Blanc et Alain Gournac applaudissent de nouveau.)

C’est donc un cri que je veux lancer au nom des parents concernés, par exemple ceux de l’association du Clos du Nid, que je connais et dont j’ai suivi les enfants en qualité de médecin. Permettez-moi d’insister, mes chers collègues : n’ajoutons pas la culpabilisation à leur drame ! En revanche, soyons ouverts et vigilants, afin de pouvoir offrir à chaque personne handicapée, à tout moment de son existence, le maximum de chances d’épanouissement. Telle est notre responsabilité !

Face aux enfants ou aux adultes handicapés mentaux qu’ont évoqués nos collègues Marie-Thérèse Hermange et Bernadette Dupont, on n’a pas le droit de se bercer d’illusions ou de se laisser aller à des mouvements de générosité qui ne s’accompagneraient pas d’une vision objective et pragmatique. C’est vrai pour la question de l’accessibilité comme pour celle des institutions.

Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur vous et sur le Gouvernement. La France n’a pas à rougir de ce qu’elle a réalisé, déjà lorsque M. Giscard d’Estaing était Président de la République, que M. Jacques Chirac était Premier ministre d’un gouvernement où se trouvaient Mme Simone Veil et M. René Lenoir,…

M. Alain Gournac. Il ne faut pas l’oublier !

M. Jacques Blanc. … c'est-à-dire quand fut votée la loi de 1975. Trente ans après, nous avons adopté celle du 11 février 2005 et, nous le savons, d’autres avancées seront sans doute nécessaires.

Dans mon département de la Lozère, qui s’honore d’avoir su percevoir, avant d’autres peut-être, l’exigence de solidarité vis-à-vis des très grands handicapés, nous allons ouvrir un complexe « sport, loisir, handicap ». Avec ce projet, nous entendons apporter un secours institutionnel, garantir aux parents que nous ne laisserons pas tomber leurs enfants devenus adultes, quelles que soient leurs capacités. Mais nous voulons aussi porter un message sur la nécessité d’une insertion aussi complète que possible de ces personnes dans notre société. Ainsi, l’ouverture de ce pôle est dans la continuité du droit au sport et aux loisirs dont j’avais fait inscrire la reconnaissance dans la loi de 1975.

Certains grands handicapés ou jeunes handicapés ayant parfois des moments d’intolérance à leur environnement personnel, dans leur milieu familial, voire en institution, nous venons également d’ouvrir un centre de séjour d’urgence. Dans ce cadre, nous réfléchirons au projet que nous pouvons offrir à la personne handicapée.

Mes chers collègues, à l’image du débat que nous venons d’avoir, ne nous enfermons pas dans l’idéologie ! Soyons tout à fait honnêtes dans notre analyse et ne tombons pas dans des excès qui pourraient se retourner contre la bonne volonté. Tous ensemble, faisons preuve, comme différentes interventions nous y ont invités, d’une capacité à prendre en compte la réalité des personnes handicapées.

Nous avons voulu l’affirmer, ces femmes et ces hommes ont la même dignité que les autres. Ce sont des êtres humains, qui ont tous les droits, et notre mission de législateur est d’être en permanence en éveil pour traduire, dans la loi, puis dans les faits, cette ambition de reconnaissance de la dignité de toute personne. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens à la demande de Mme Maryvonne Blondin, qui a dû partir, sur la question de l’accès à l’éducation des enfants handicapés.

Certes, la loi du 11 février 2005 est une avancée. Force est de constater que le regard de la société sur le handicap a changé et que les parents d’enfants porteurs de handicaps ont cru voir la fin de leur parcours du combattant en matière de scolarisation arriver.

Donner plus à ces enfants, c’est en effet pouvoir leur donner différemment. C’est pouvoir différencier la pédagogie, adapter les effectifs et les évaluations, former les enseignants et les accompagnants.

Alors, cinq ans après, où en sommes-nous ?

S’il faut bien reconnaître que la loi a permis une augmentation des scolarisations, celles-ci ne se réalisent pas toujours dans des conditions satisfaisantes.

Pendant l’année scolaire 2008-2009, 181 000 enfants handicapés étaient scolarisés ; un bilan qu’il faut néanmoins nuancer en rappelant que 37 % d’entre eux l’étaient à temps partiel et qu’il n’existe aucun suivi de ces enfants hors du temps d’intégration scolaire. En outre, à ce jour, encore 5 000 enfants demeureraient sans aucune solution de scolarisation. On est donc encore loin du droit opposable !

Le premier et le plus grand reproche que l’on peut faire à cette loi est d’être appliquée sans les moyens nécessaires au regard des objectifs annoncés. L’appel d’air suscité n’a pas été suffisamment anticipé et préparé. Pis, le temps passant, on supprime progressivement les rares moyens initialement destinés à la mise en œuvre de ces dispositions, les maigres acquis obtenus grâce au texte, et on vide ce dernier de sa substance. La révision générale des politiques publiques, mise en œuvre par le Gouvernement, est passée par là… Bref, des annonces fortes, mais des moyens faibles !

Ce manque de moyens se traduit d’abord par de cruelles carences en matière d’accompagnement adapté, personnalisé et professionnalisé.

La spécificité de ces enfants consiste en effet en ce qu’ils ont besoin d’un accompagnement sur mesure et, à cet égard, la complexité de l’organisation institutionnelle entre l’éducation nationale et le secteur médico-social est toujours un obstacle non négligeable.

Bien sûr, on me dira que les MDPH, qui, notamment, orientent de manière collégiale les enfants, facilitent les procédures en offrant un guichet unique. Mais on connaît leur situation : elle a été évoquée précédemment.

L’inspection d’académie assure les affectations. Mais elle est, elle aussi, confrontée à la logique de réduction des postes. Chacun ici se souvient de la mobilisation – vaine, hélas ! – pour conserver les RASED…

Par exemple, dans le département du Finistère, dont Mme Blondin est élue, sept postes sont encore supprimés à la rentrée de 2010 et la fermeture de dix CLIS – classes d’intégration scolaire – sur trois ans risque d’être imposée. La situation est comparable dans mon département, la Corrèze.

S’agissant du projet personnalisé de scolarisation qui, en théorie, constitue une bonne idée, il est, en pratique, peu appliqué, notamment parce que le nombre d’enseignants référents est insuffisant.

Les moyens de sensibilisation et de formation auprès des enseignants travaillant en CLIS ne sont pas davantage assurés.

La précarité de la situation des AVS, des EVS et des AED demeure tout autant intolérable. Elle incarne l’absence totale de reconnaissance du travail de ces agents, pourtant essentiel et indispensable. À ce jour, toujours aucun statut et aucune professionnalisation ne sont prévus. Les effectifs sont aussi largement insuffisants. Ainsi, 14 000 AVS supplémentaires seraient nécessaires pour subvenir aux besoins des familles.

En outre, aucune évolution de ce métier vers une prise en charge de tous les temps de vie des enfants n’est envisagée. Au contraire, après plusieurs mois de travail concerté entre les associations et les deux cabinets ministériels concernés, il ressort que la création de ce métier n’est pas envisagée et que les services d’aide à domicile ainsi que certaines associations sont sollicités pour reprendre les AVS en gestion : 9 000 postes d’AVS vont ainsi être transférés au maintien à domicile. Un bricolage qui ne simplifiera pas le parcours des familles !

Par ailleurs, les parents acceptent fréquemment une réorientation vers le secteur médico-éducatif, dans lequel on répond mieux aux besoins de soins. Mais le système actuel souffre encore largement de rigidité entre les différents secteurs et la frontière entre les deux grandes familles de scolarisation reste trop hermétique, ce qui ne facilite pas l’individualisation des parcours.

Pourquoi ne pas insuffler de nouvelles méthodes de collaboration interinstitutionnelle et créer de véritables passerelles entre ces différents secteurs ? Malheureusement, l’État se désengage sur tous les fronts dans cette bataille de l’inclusion !

Or je tiens à rappeler, en conclusion, certains termes de l’arrêt Laruelle du 8 avril 2009. Celui-ci a reconnu que la carence de l’État en matière d’obligation de scolarisation pour les enfants est « constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité » et ouvre droit à des dommages et intérêts.

Madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons pas laisser plus longtemps les grands principes de solidarité, de proximité, de continuité et de mixité bafoués par la restriction des moyens accordés et nous vous demandons d’intervenir auprès de M. le ministre de l’éducation nationale pour le rappeler à ses obligations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup de choses ont été dites depuis le début du débat. Aussi consacrerai-je mon propos à l’accueil en milieu scolaire des enfants handicapés.

La loi du 11 février 2005 constitue une avancée notable dans la reconnaissance de la dignité et de l’égalité de l’enfant handicapé, ce dont nous nous réjouissons. Le taux de scolarisation des enfants handicapés a ainsi progressé d’environ 40 % depuis sa mise en œuvre.

Des efforts ont été accomplis pour financer les auxiliaires de vie scolaire, les AVS, dont la mission est d’accompagner la scolarité des enfants handicapés, et M. Chatel a rappelé récemment dans cette enceinte qu’un groupe de travail avait été mis en place en vue de professionnaliser davantage ces personnels et de pérenniser leurs postes.

Toutefois, à l’occasion de ce débat, je souhaite appeler votre attention, madame la secrétaire d'État, sur les difficultés rencontrées sur le terrain, et cela à la lumière de ce que je constate dans mon propre département.

Les prescriptions de prise en charge édictées par la maison départementale des personnes handicapées ne sont pas toutes satisfaites. Il semble que l’on se heurte à deux obstacles : d’une part, l’insuffisance de postes financés ; d’autre part, les difficultés pratiques de recrutement liées à la nécessité de former ces personnels particuliers que sont les AVS.

Afin de contourner ces obstacles, on voit se multiplier les recours à des emplois aidés, les emplois de vie scolaire, ou EVS, qui se substituent progressivement aux trop peu nombreux AVS.

Il n’est pas envisageable qu’une telle situation, qui conduit à pérenniser un service par le recours à des emplois précaires, se poursuive !

De surcroît, ce recours aux EVS se heurte aux mêmes problèmes en termes de formation initiale des candidats, mais il y répond moins bien du fait du caractère encore plus précaire de ces emplois aidés. Certes, l’on peut se réjouir de voir des personnes en difficulté bénéficier d’un projet d’insertion, mais l’objectif n’est pas là et cette formule ne saurait constituer une solution à la hauteur de l’enjeu.

M. Jacky Le Menn. Tout à fait !

M. Dominique de Legge. Les enfants handicapés méritent une prise en charge de qualité, effectuée par un personnel formé et compétent.

Le recours à des emplois aidés ne saurait être considéré comme une solution pérenne, d’autant que certains de leurs bénéficiaires sont eux aussi confrontés à des difficultés d’insertion et nécessitent un accompagnement. On ne peut envisager de construire un service durable sur des emplois précaires confiés à des personnes plus ou moins fragilisées.

Que l’on me permette une réflexion plus personnelle : cette approche, qui n’accorde pas toute sa place au professionnalisme, tranche avec la rigueur, quelquefois excessive, de la commission communale pour l’accessibilité aux personnes handicapées, qui voudrait rendre accessibles toutes les salles de classe de nos écoles et tous les vestiaires de nos clubs sportifs !

J’observe souvent des exigences d’aménagements systématiques, parfois inutiles et décalés par rapport aux réalités économiques et sociales.

Certes, je sais que le respect d’une norme technique est plus facile à mettre en œuvre que des aides humaines, mais je souscris totalement aux propos tenus sur ce point par plusieurs de mes collègues, notamment par Jacques Mézard, et je ne voudrais pas que l’on oublie que l’accueil des personnes handicapées, en particulier des enfants, passe autant, sinon plus, par le règlement des questions d’accompagnement humain et de tierce personne que par le respect de la norme.

En effet, le handicap ne se résume pas à des aspects de mobilité et d’accessibilité, mais prend, hélas ! bien d’autres formes.

Je souhaite donc savoir, madame la secrétaire d'État, si vous partagez le souci de hiérarchiser les priorités dans ce domaine, et je vous remercie par avance de m’indiquer les initiatives que vous entendez prendre afin de donner sa pleine mesure au dispositif des AVS, si essentiel à l’intégration des enfants porteurs de handicap dans nos écoles et à la solidarité due à leurs familles. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. « L’État est garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire… » Ainsi l’affirme l’article L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles, tel que modifié par la loi du 11 février 2005.

Or, quelle qu’ait été sa pertinence initiale, notamment de par la création d’un guichet unique d’accueil destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées, le moins que l’on puisse dire est que la mise en œuvre de cette loi a été mal engagée et mal accompagnée.

Elle impliquait en effet, d’une part, un changement culturel, une approche moins administrative – on parlait pour la première fois de « clients », de projet de vie… – et, d’autre part, un travail pluridisciplinaire qui n’a pas été anticipé.

La compréhension de cette révolution culturelle ne s’est pas faite partout, car elle demandait du temps, des moyens, une approche personnalisée et, surtout, une garantie de financement.

Le rapport intitulé Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005, réalisé avec mon collègue Paul Blanc, met également en exergue la grande disparité des situations observées entre les départements.

Ainsi, le fait que la part de l’État varie de 12 % à 67 %, celle des conseils généraux s’ajustant en conséquence, pose de sérieux problèmes d’équité. De même, certains postes que l’État s’était engagé à mettre à disposition n’ont été ni pourvus ni compensés.

L’enquête réalisée à la fin de 2009 par l’association des directeurs de MDPH démontre que, en prenant en compte les dettes résiduelles cumulées au titre des postes vacants et de la fongibilité asymétrique, ce sont 34,3 millions d’euros que l’État doit aux MDPH, dont 1 million d’euros à celle de mon département.

Soumises à des injonctions paradoxales – notamment à une obligation de résultat malgré une non-compensation des moyens en personnels –, les MDPH se trouvent dans une situation qui s’aggrave et qui risque même de remettre en cause leur fonctionnement.

Plusieurs propositions ont pourtant été remises au Gouvernement. Qu’en a-t-il fait ?

Souhaite-t-il réellement engager une politique d’intégration des personnes handicapées, en y consacrant les moyens financiers nécessaires et pérennes ?

Et comment appréhender la réforme de l’AAH, qui devait faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées ? On se souvient que le Président de la République annonçait le 10 juin 2008, lors de la Conférence nationale du handicap, la mise en œuvre d’un pacte national pour l’emploi des personnes handicapées ; force est de constater, deux ans plus tard, qu’il y a loin des discours à la réalité !

Dans son rapport relatif à la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi – rapport récent puisque datant du mois de décembre 2009 –, Michel Busnel émet un certain nombre de préconisations, en insistant notamment sur la notion d’accompagnement.

Il encourage aussi la signature de conventions entre les organismes chargés de l’insertion professionnelle des personnes handicapées – MDPH, Cap Emploi... – pour introduire une coopération renforcée.

Il insiste également sur l’importance d’une démarche de prévention en milieu de travail avec les médecins du travail, alors que l’on assiste au contraire à une désaffection de l’État à l’égard non seulement des MDPH, mais également de la médecine du travail.

De même, l’accent avait été mis, lors de réforme de l’AAH, sur la nécessité d’assortir toute demande à une étude de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, même si cette dernière n’est pas sollicitée.

Actuellement, près de 47,5 % des dossiers des MDPH sont liés à l’évaluation des capacités et habiletés professionnelles des demandeurs, dossiers qui commencent à provoquer des contentieux.

Toutes ces contradictions nous amènent à nous interroger sur l’effectivité des mesures d’accès à l’emploi voulues par législateur de 2005, annoncées haut et fort par le Président de la République, largement relayées par les médias, mais restées sans suite…

Actuellement, le taux de chômage des personnes handicapées est supérieur à 20 %, leur taux de chômage de longue durée étant de 46 %, soit presque le double de celui qui est observé chez les personnes valides, pour lesquelles ce taux atteint 26 %.

On estime que, chaque année, 120 000 personnes handicapées sont licenciées du marché du travail pour inaptitude, comme en témoigne le rapport Busnel.

Tous âges confondus, seuls 44 % des personnes handicapées exercent une activité professionnelle, contre 71 % de l’ensemble de la population ; 80 % des travailleurs handicapés sont ouvriers ou employés, contre 57 % de l’ensemble des actifs ; 82 % des personnes handicapées disposent d’une formation inférieure ou égale au niveau V, et seulement 3 % d’entre elles sont ainsi cadres, contre 11 % des actifs valides.

L’obligation d’emploi des personnes handicapées dans les secteurs privé et public aurait pourtant dû largement faciliter leur accès à l’emploi si le Gouvernement n’avait fait voter des dérogations multiples et des reports. L’assiette d’assujettissement des pénalités baisse ainsi de 3 % à 4 % par an.

Les employeurs sont souvent réticents à recruter des travailleurs handicapés, craignant les arrêts maladie répétés et l’incompréhension avec leur équipe. Ils embauchent parce qu’il le faut !

Aussi, l’intégration et l’évolution de la personne handicapée dans l’entreprise sont difficiles. Leur accompagnement en amont et dans l’emploi par les MDPH ou par le réseau Cap Emploi serait la meilleure garantie d’une insertion durable.

La loi de 2005, même si elle a eu des effets mobilisateurs, ne pourra déboucher sur des résultats à long terme sans la volonté de l’État de mobiliser les moyens financiers indispensables pour stabiliser le personnel nécessaire aux MDPH, au premier plan dans l’évaluation et l’accompagnement global des personnes handicapées, et pour favoriser une meilleure coordination des différents acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)