M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents. (M. Jean-Pierre Caffet applaudit.)

L'amendement n° 284, présenté par Mme Voynet, M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery et M. Muller, est ainsi libellé :

Alinéa 13, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et également à favoriser l'agriculture nourricière de proximité ainsi que les filières agricoles en lien avec les activités de recherche.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Chacun dans cette enceinte le confirmera, il est essentiel de garantir l’agriculture de proximité en Île-de-France, afin d’assurer un certain bien-être et, surtout, une sécurité alimentaire aux citadins, ainsi que le maintien des équilibres écologiques, hydrauliques et de biodiversité.

L’utilité et l’intérêt de l’agriculture de proximité en matière économique et sociale sont aujourd’hui reconnus, ainsi que le rôle structurant de cette agriculture pour des territoires tels que celui du plateau de Saclay. Ce dernier me paraît d’ailleurs tout à fait symbolique et intéressant, parce qu’il dispose de toutes les ressources pour aller au-delà de la simple démonstration des techniques agricoles. La présence de plusieurs milliers d’hectares pratiquement d’un seul tenant pourrait lui permettre de devenir exemplaire en matière d’agriculture urbaine et de développement durable.

Les terres du plateau sont parmi les plus fertiles d’Île-de-France ; les exploitants présents sont capables de s’adapter et d’innover ; la proximité d’instituts de recherche, évoqués tout à l’heure, et de consommateurs qui ont manifesté à maintes reprises leur intérêt pour des pratiques telles que la cueillette à la ferme, sont autant d’atouts pour favoriser une agriculture de proximité respectueuse de l’environnement.

Les fruits et légumes ont aussi une empreinte carbone ! Je vous pose la question : est-il indispensable d’acheter des champignons de Paris produits en Pologne, alors qu’ils pourraient être cultivés – et ils l’ont déjà été – sur le plateau de Saclay ?

L’agriculture est créatrice d’emplois locaux. Je conviens qu’il s’agit, en l’occurrence, tout autant d’un enjeu symbolique que du développement d’un secteur nouveau ; mais je souhaite, par cet amendement, ajouter au nombre des compétences de l’établissement public celle qui vise à garantir l’agriculture nourricière de proximité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, le projet de loi, dans le texte de la commission spéciale, prévoit que l’établissement public de Paris-Saclay contribue à « assurer les conditions du maintien de l’activité agricole », comme le souhaitaient à la fois la chambre interdépartementale de l’agriculture d’Île-de-France et les associations que nous avons reçues.

En second lieu, dans la mesure où l’établissement public a pour mission de promouvoir le pôle scientifique et technologique, il est évident que les filières agricoles en lien avec les activités de recherche seront soutenues.

Les préoccupations des auteurs de l’amendement n° 284 semblant être déjà prises en compte, la commission a émis un avis défavorable sur ce texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Dans une économie non administrée, le libre choix des chefs d’exploitation, auquel le Gouvernement est particulièrement attaché, est une réalité.

Comme vous le savez, madame Voynet, un grand nombre des exploitations du plateau de Saclay est déjà dans le secteur de l’agriculture que vous qualifiez de « nourricière ». Il n’y a donc pas lieu, me semble-t-il, d’inscrire dans la loi des recommandations ou des obligations à cet égard. Les choses se font naturellement, en fonction des choix des chefs d’exploitation agricole.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le secrétaire d’État, il y a sans doute dans cette enceinte des sénateurs qui ne s’offusqueraient pas de promouvoir une économie administrée !

J’avoue éprouver quelques difficultés à bien cerner ce concept. J’ai pris de nombreuses précautions en rédigeant mon amendement. Au lieu d’utiliser des verbes comme « imposer » ou même « impulser », j’ai préféré écrire qu’il fallait « favoriser » l’agriculture nourricière de proximité, comme on prévoit, dans d’autres alinéas, de « favoriser la circulation des connaissances », de « favoriser la couverture en très haut débit » du pôle scientifique. La formulation était sobre, incitative et non autoritaire. Je tenais à le rappeler.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déclaré que nous étions dans une logique d’économie non administrée. Dès lors, je me demande pour quelles raisons vous rencontrez les producteurs de lait en difficulté.

Sans doute le Gouvernement compte-t-il leur dire : « C’est la loi du commerce, je ne peux rien faire. Vous n’êtes pas compétitifs par rapport aux fermes implantées dans des pays où le coût social est beaucoup plus faible. Il est donc normal que vous ne viviez plus de votre production et que l’on ne produise plus de lait en France. Vos coûts sont trop élevés. Il est normal qu’il n’y ait plus de cultures vivrières en Île-de-France, car le terrain coûte trop cher. Il faut maintenant aller chercher les produits très loin. »

Vous avez le droit de tenir ces propos, de vouloir la libre concurrence, avec les dégâts qui en résultent. Mais, dans ces conditions, vous ne pouvez pas vous prétendre écologiste ! L’écologie impose le respect de certains principes. L’écologie, c’est d’abord la culture de proximité : je le sais, je suis écologiste !

M. Alain Gournac. Ah bon ? (Sourires.)

M. Jean Desessard. L’écologie, c’est aussi la culture vivrière. L’Île-de-France compte 10 millions d’habitants. Va-t-on aller acheter nos denrées en Afrique, privant ainsi les Africains des moyens de fabriquer leurs produits agricoles locaux ? L’écologie, c’est la culture vivrière de proximité.

Enfin, une bonne pratique écologique – je sais que vous appréciez cette expression – doit être respectueuse de l’environnement. Vous avez certes le droit de déclarer que, dans une économie non administrée, l’on ne peut rien faire, qu’il faut laisser s’appliquer les règles de la libre concurrence. Dès lors, ne vous étonnez pas que l’on achète nos produits à des milliers de kilomètres, que des gens ne puissent plus vivre de leur production !

Il est pour moi inadmissible que les producteurs de lait ne soient plus en mesure de vivre de leur travail. Je ne comprends pas comment l’on peut se déclarer pour l’économie non administrée, en particulier dans le secteur agricole !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Contrairement à ce que laissent entendre les propos de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur, nous ne sommes pas dans le folklore. Cet amendement vise à défendre l’agriculture périurbaine, et nous le soutiendrons, car il est bienvenu.

Monsieur le secrétaire d’État, toutes les grandes concentrations urbaines d’Europe du Nord développent le concept d’agriculture périurbaine, parce qu’il présente un intérêt économique et environnemental.

Je ne sais pas s’il s’agit d’économie administrée, mais ce dont je suis sûre, c’est que, en Île-de-France, si l’agriculture périurbaine n’était pas aidée, notamment par les collectivités territoriales, c'est-à-dire par le conseil régional et les conseils généraux, elle aurait bien du mal à survivre. Les exploitations implantées dans les secteurs périurbains sont non seulement utiles à l’alimentation de proximité, mais elles sont aussi souvent, les chiffres le montrent, fortement exportatrices. Nous sommes donc bien dans le sujet en favorisant la contribution du plateau de Saclay à une agriculture de qualité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Madame Voynet, comme ils me l’ont indiqué à plusieurs reprises, les agriculteurs du plateau de Saclay souhaitent disposer de la flexibilité nécessaire pour faire évoluer leurs exploitations au gré des changements du marché.

La proximité urbaine est une donnée importante, depuis déjà de très nombreuses années, que ce soit sur le plateau de Saclay ou dans la plaine de Versailles, que recouvre une partie de la circonscription dont je suis l’élu, que je connais donc bien et dont je me suis nourri, si vous me permettez cette expression.

M. Jean Desessard. Et dont vous continuez à pouvoir vous nourrir !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Votre amendement vise à « favoriser » l’agriculture de proximité. J’aurais peut-être pu considérer que ce terme était assez souple, mais il me paraît en fait trop précis.

J’ai rencontré de nombreux chefs d’entreprise agricole. Certains souhaitent s’orienter vers la biomasse, d’autres vers des modes d’agriculture différents.

M. Jean Desessard. La biomasse en Île-de-France ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Sur le plateau de Saclay, absolument, monsieur le sénateur ! Je puis vous affirmer que leur discours n’est pas déraisonnable. Il peut être tout à fait intéressant de travailler sur la biomasse, en liaison avec les instituts de recherche implantés sur le plateau de Saclay.

Madame Voynet, sur le fond, je ne suis pas en désaccord avec vos intentions. Pour autant, votre amendement comporte des précisions qui me paraissent superfétatoires, et c’est pourquoi j’y reste défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 193, présenté par M. Vera, Mmes Assassi, Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par les mots :

et des vallées concernées par l'écoulement des eaux du plateau

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Il s’agit d’un amendement de repli, le Gouvernement n’ayant pas accepté notre proposition d’insérer un article additionnel avant l’article 1er, tendant à prendre en compte le plus en amont possible la question de l’écoulement des eaux du plateau de Saclay dans la vallée.

Le projet du Gouvernement était muet sur ce sujet. Nous avons apprécié l’approche plus positive de la commission spéciale. Toutefois, sa proposition nous paraît encore insuffisante.

J’ai développé précédemment les raisons qui devraient vous conduire à ne pas occulter les missions de l’établissement public relatives à la gestion de l’écoulement des eaux du plateau de Saclay, compte tenu des risques réels d’inondation existant dans les vallées, la seule préservation du réseau hydraulique du plateau n’étant pas suffisante à mes yeux. Une imperméabilisation importante sur le plateau peut, en effet, conduire à modifier le débit de la Bièvre ou de l’Yvette.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que la problématique de l’écoulement des eaux du plateau dans la vallée soit intégrée aux missions de l’établissement public. Cela étant, j’aurais préféré que cette question fasse l’objet d’une étude a priori, sans attendre la création de l’établissement public.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Sur l’initiative de M. Pozzo di Borgo, la commission a décidé d’inclure dans cet alinéa le membre de phrase concernant la nécessité du maintien de l’équilibre hydrographique du plateau de Saclay.

L’amendement no 193, que vient de nous présenter M. Vera, vise à apporter une précision utile, puisqu’il prend en compte les vallées concernées par l’écoulement des eaux du plateau.

Cet amendement de précision venant compléter celui de la commission, j’y suis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’ai le plaisir d’émettre à mon tour un avis favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 194, présenté par M. Vera, Mmes Assassi, Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Compléter cet alinéa par les mots :

après accord de chacun des acteurs concernés

La parole est à M. Bernard Vera.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons-y ! Il semble qu’il y ait un retournement de situation !

M. Bernard Vera. Cela ne va pas durer ! (Sourires.)

Cet amendement s’inscrit dans la logique de ceux que nous avons déjà défendus.

L’établissement public de Paris-Saclay a pour mission d’encourager les partenariats avec les collectivités territoriales et leurs groupements, les organismes d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que les entreprises des secteurs d’activité concernés.

Afin de tempérer toute velléité de l’État d’imposer, par le biais de l’établissement public, ses décisions contre la volonté des élus ou contre la politique des établissements et organismes d’enseignement supérieur et de recherche, nous souhaitons que, dans le cadre de ces partenariats, chaque acteur donne son accord sur les décisions qui seront prises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous avons déjà traité cette question. Dans les domaines scientifiques, il sera possible, à la demande des opérateurs, de favoriser certaines opérations. L’accord des acteurs ne me semble pas nécessaire, et son obtention risquerait, en outre, de retarder les décisions.

Aussi, conformément à la jurisprudence établie par la commission, j’émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les raisons que vient de présenter M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 166 rectifié, présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, MM. Badinter et Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour l’établissement public de Paris-Saclay de créer des filiales.

Nous avons déjà défendu ce principe pour l’établissement public « Société du Grand Paris ». Pourquoi proposer la création de filiales sur lesquelles ni les élus ni les pouvoirs publics d’une manière générale n’auraient prise ?

Nous nous opposons à cette possibilité, et nous vous invitons, en conséquence, à adopter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission a considéré que l’on ne pouvait pas interdire à l’établissement public de créer des filiales, notamment dans certains secteurs particuliers dans lesquels cela pourrait se révéler nécessaire. Elle a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Avis défavorable !

M. Jean Desessard. Tout à l'heure, il fallait jouer le rôle de marieuse. Nous devons maintenant être des mères porteuses ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 167 est présenté par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, MM. Badinter et Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 195 est présenté par M. Vera, Mmes Assassi, Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Roger Madec, pour défendre l’amendement n° 167.

M. Roger Madec. Si nous ne nions pas l’intérêt des coopérations entre l’EPIC et d’autres établissements de l’Île-de-France ou du territoire national, nous considérons toutefois que l’alinéa 16 attribue à l’établissement public des missions potentielles très larges, excessives même, et sans rapport avec son objet.

Cet alinéa prévoit, en effet, que l’établissement public « peut, en dehors de son périmètre d’intervention, lorsqu’elles sont nécessaires à l’exercice de ses missions, réaliser des acquisitions d’immeubles bâtis ou non bâtis » – cela signifie que l’approbation des collectivités intéressées n’est pas requis – « et, avec l’accord des communes intéressées, des opérations d’aménagement et d’équipement urbain ».

Nous constatons donc que l’EPIC de Paris-Saclay pourra intervenir sur l’ensemble du territoire national, non pas dans son domaine de compétences, mais pour réaliser de véritables opérations d’aménagement ou d’acquisitions foncières.

En conséquence, nous demandons la suppression de cet alinéa, qui ne présente aucun lien avec l’esprit du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 195.

M. Bernard Vera. L’alinéa 16 de l’article 21 autorise l’établissement public à intervenir en dehors de son périmètre géographique, tel qu’il est déterminé par l’article 20 du projet de loi, afin de « réaliser des acquisitions d’immeubles bâtis ou non bâtis et, avec l’accord des communes intéressées, des opérations d’aménagement et d’équipement urbain », si toutefois ces acquisitions ou opérations se révèlent « nécessaires à l’exercice de ses missions ».

Chacun aura remarqué que l’accord des communes intéressées ne concerne que les opérations d’aménagement et d’équipement urbain. Cet accord n’est pas requis s’agissant des acquisitions d’immeubles bâtis ou non bâtis.

Conformément à ce qui est affirmé dans le rapport, à savoir que « l’ouverture de cette faculté marque un souci de réalisme et de cohérence dans le dispositif proposé par le présent article », cette possibilité donnée à l’établissement public d’intervenir en dehors de son périmètre d’intervention pour réaliser des opérations spéculatives est parfaitement cohérente avec la logique d’ensemble du projet de loi.

L’État et des personnalités choisies par lui pourront intervenir sur l’ensemble du territoire national – aucune limite n’est fixée par le texte –, au détriment des collectivités territoriales, et alors même que le champ des missions de l’établissement public est déjà très large.

Nous proposons donc de supprimer cette disposition qui s’apparente à un chèque en blanc donné à l’établissement public de Paris-Saclay.

Nous attachons d’autant plus d’importance à cette suppression que cet établissement public constitue le premier de la liste des futurs établissements chargés de gérer les pôles d’excellence reliés par le Grand huit. Si ces derniers disposent tous d’un champ d’intervention aussi large, les élus locaux seront bien impuissants, surtout après la réforme des collectivités locales, pour faire valoir l’intérêt général attaché à leur territoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Ces deux amendements prévoient la suppression pure et simple de l’alinéa 16.

La rédaction actuelle du projet de loi apporte pourtant deux garanties. D’une part, ces acquisitions doivent être nécessaires à l’exercice des missions de l’établissement, qui ne pourra pas acheter n’importe quoi, n’importe où. D’autre part, si une opération d’aménagement et d’équipement urbain vise, par exemple, un terrain que l’EPIC a acheté, elle sera subordonnée à l’accord des communes intéressées ou, bien évidemment, de leurs groupements.

Compte tenu de ces deux garanties, nous pensons qu’il convient de conserver l’alinéa 16. En conséquence, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 167 et 195.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Même avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Mes chers collègues, aux termes de l’article 20, que nous venons d’adopter, cet établissement public « a pour objet l’impulsion et la coordination du développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, ainsi que son rayonnement international ».

L’article 21 précise d’emblée que l’établissement public va pouvoir mener des opérations d’aménagement et d’équipement non pas seulement sur le plateau de Saclay, ce que l’on pourrait concevoir, mais sur tout le territoire national.

Cet article prévoit en effet que cet établissement public pourra acquérir, partout en France, des terrains bâtis ou non bâtis, après avis des communes. Mais il pourra même passer outre un avis négatif et acheter, notamment, à Marseille, à Toulouse, à Strasbourg ou à Brest.

Certes, M. le rapporteur nous a expliqué qu’un certain nombre de garde-fous avaient été posés, comme la nécessité d’obtenir l’accord des communes. Je note au passage que les communes d’Île-de-France n’ont pas eu cette chance s’agissant des opérations d’aménagement que pourra mener la Société du Grand Paris, même si la surface de la compétence d’aménagement de cette dernière a été réduite.

En l’occurrence, nous sommes dans un cas de figure où un établissement public chargé d’impulser et de coordonner des politiques de recherche, de développement scientifique et technologique du plateau de Saclay va pouvoir mener, partout sur le territoire national, des opérations d’aménagement et d’équipement.

On peut concevoir à la rigueur que l’établissement public fasse l’acquisition d’un vieux bâtiment universitaire. Mais de là à mener des opérations d’aménagement sur tout le territoire national, y compris avec l’accord des communes…

S’il y a une idée derrière cette disposition, qu’on nous le dise, car nous voulons comprendre ! En guise de réponse, vous avez évoqué les garde-fous et la nécessité de recueillir l’accord, ou tout au moins l’avis des communes. Expliquez-nous véritablement pourquoi cet établissement public va pouvoir mener des opérations d’aménagement ! Donnez-nous au moins quelques exemples concrets afin que nous puissions véritablement nous déterminer en toute connaissance de cause !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Comme mon collègue Jean-Pierre Caffet, je crois qu’il y a derrière l’article 21 une idée que vous ne souhaitez pas formuler explicitement.

En réalité, c’est non pas simplement la Vallée du silicium que vous voulez imiter, mais Stanford, c'est-à-dire une université autonome, qui forme des talents et crée des entreprises.

L’article 21 dispose : « L’établissement est chargé de conduire toute action susceptible de favoriser les activités d’enseignement, de recherche et d’innovation et leur valorisation industrielle, et de réaliser des opérations d’aménagement du pôle scientifique et technologique ». Je croyais que, en France, cela relevait du rôle de l’État ! Mais il est vrai qu’aucune analyse ne nous permet de savoir pourquoi l’État n’arrive pas à remplir cette fonction.

L’alinéa 4 du même article précise que l’établissement public a notamment pour missions de « réaliser des investissements destinés à favoriser l’implantation d’organismes exerçant des activités d’enseignement supérieur et de recherche, et d’entreprises ». Là encore, je croyais que c’était la fonction de l’État !

Aux termes de l’alinéa 5, cet établissement doit aussi « collecter des fonds auprès de tiers afin de contribuer aux activités d’enseignement supérieur, de recherche, à leurs développements technologiques et industriels, ainsi qu’à la création d’entreprises ». Je croyais que c’était la fonction de l’État !

Selon l’alinéa 6, l’établissement doit encore « mettre à disposition des organismes d’enseignement supérieur et de recherche et des entreprises des plateformes technologiques, des structures de formation et d’information, de réception, d’hébergement et de restauration ». Rappelons que le restaurant ou la cafétéria, c’est cet endroit où l’on se rencontre et où l’on trouve un formidable élan créateur ! (Sourires.)

Enfin, à l’alinéa 7, il s’agit de « fournir à ces organismes et entreprises des prestations en matière de dépôt et d’entretien de brevets, de protection de la propriété intellectuelle et industrielle, de création et de financement d’entreprises ». Je croyais que c’était là le rôle de l’État !

Que se joue-t-il vraiment derrière cet article 21 ? Le Grand Paris de M. le secrétaire d’État traduit en réalité la volonté du Gouvernement de casser le schéma français et de copier le système anglo-saxon, notamment la Vallée du silicium, Stanford ou d’autres universités californiennes prestigieuses.

À cette fin, il faut que l’État délègue les missions qu’il exerçait traditionnellement à des autorités qui auront compétence, dans tous les domaines, pour créer des pôles universitaires, trouver les moyens financiers de les développer et, ensuite, installer tout autour des entreprises qui pourront jouer le rôle de marieuses ou de porteuses de projets.

Avec cet article 21, l’État met le doigt dans un système nouveau : il ne s’occupera plus de l’enseignement supérieur et du développement de la recherche. Il délaissera cette fonction de formation au plus haut niveau pour la déléguer à des autorités administratives indépendantes très proches des entreprises.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167 et 195.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’article 21.