M. Jean Desessard. Par analogie, pourquoi ne pas appeler cette structure la SNGP ? Mais je reconnais que « Société nationale du Grand Paris », ce n’est pas formidable. Alors pourquoi pas la « STGP », ou « Société tunnelière du Grand Paris » ? (Rires.) Voilà qui aurait le mérite de la clarté. Ainsi, on verrait non plus une société qui exploite, ce qui évacuerait le débat soulevé par M. Dominati, mais une société qui creuse.

Dans le long tunnel nocturne de discussion qui est devant nous, nous aurons tout loisir de développer nos conceptions de la ville-monde, sur laquelle nous avons des divergences.

M. Nicolas About. Sur l’acronyme seulement ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. En attendant, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais pointer quelques contradictions que M. Dominati, représentant de l’aile libérale du Sénat, c’est-à-dire celle qui assume le rôle du privé, la mondialisation, la concurrence économique, a lui aussi notées.

Tout d’abord, où est l’urgence ?

J’ai écouté avec attention votre intervention d’hier dans laquelle, pour défendre le projet du Grand Paris, qui n’était pas encore la STGP, vous avez parlé d’un taux d’abstention aux dernières élections de 70 %, voire de 80 % dans les quartiers. J’ai entendu votre analyse politique ; mais faut-il attendre 2023 pour résoudre ce problème ? En effet, là, il y a urgence !

Ensuite, vous avez répondu à M. Dominati que les procédures d’exception qui dérogent à la démocratie locale, au code de l’urbanisme ou au code de l’environnement seraient mises en place à titre expérimental, mais que, en cas de succès, elles pourraient être étendues pour répondre à toutes les situations d’urgence à Paris. Tout d’un coup, le débat s’éclaire ! Autrement dit, nous allons avoir un système concurrentiel, à l’instar de ce qui se pratique à Shanghai ou à Pékin.

C’est comparable à ce que vous faites dans le domaine social en France. Pour vous, la démocratie sociale est trop compliquée, il y a trop de lois, le code du travail est à moderniser. À l’appui de vos thèses, vous faites toujours référence à ce qui se passe dans certains pays …

Si M. Dominati s’impatiente, c’est parce que, quitte à dépoussiérer le code du travail, le code de l’urbanisme ou le code de l’environnement, autant ne pas prendre de demi-mesures et y aller franchement. Voilà l’idéologie politique que cache votre projet de STGP !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 et 246.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1 

Remplacer les mots :

de l'État à caractère industriel et commercial

par les mots :

d'aménagement

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. À l’instar de M. Desessard, je souhaite remercier vivement M. Dominati de son intervention. Je la trouve en effet particulièrement éclairante sur les risques que fait courir à la démocratie locale le mode de gouvernance retenu dans ce projet de loi.

Par cet amendement, nous souhaitons que la Société du Grand Paris prenne au minimum la forme d’un établissement public d’aménagement, le statut juridique d’une telle entreprise publique étant spécifié par les articles L.321-1 et suivants du code de l’urbanisme.

Nous préférons la création d’un nouvel établissement public d’aménagement, dont les règles de fonctionnement sont connues, plutôt que la création de ce que ma collègue Éliane Assassi a appelé un ovni juridique, à savoir une structure dotée des compétences d’un établissement public d’aménagement, mais sans en avoir la forme ni être soumis aux mêmes règles.

Ainsi, en vertu des textes, un établissement public d’aménagement doit compter au sein de son conseil d’administration au moins pour moitié des représentants des collectivités territoriales. Ce n’est pas le cas dans ce projet de loi, où c’est la logique inverse qui prédomine. En effet, dans la Société du Grand Paris, l’État disposerait d’au moins la moitié des sièges au sein du conseil de surveillance. Même s’il s’agit de manier les symboles, celui-là, qui a trait au respect des collectivités territoriales, nous paraît essentiel.

En outre, les établissements publics d’aménagement disposent d’un conseil d’administration et non d’un directoire et d’un conseil de surveillance.

Nous déplorons, nous aussi, l’usage des dénominations commerciales liées au statut de société anonyme pour un établissement public, dont la mission devrait être tournée vers l’intérêt général. Ce n’est pas le cas, et cette simple dénomination l’illustre parfaitement.

Nous déplorons également l’existence d’un commissaire du Gouvernement pouvant s’opposer aux décisions du conseil de surveillance ainsi qu’à celles du directoire.

Nous comprenons cette logique. Il s’agit, par un statut hybride donné à cet établissement public, de concentrer dans les seules mains de l’État le pouvoir décisionnaire. Cela, vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, nous ne l’admettons pas.

Puisqu’il s’agit de thématiques profondément politiques, comme l’aménagement du territoire francilien et l’organisation de la desserte du territoire par des transports publics, nous considérons que les collectivités ont leur mot à dire et que cette expression doit être entendue et respectée.

Ce passage en force par la loi n’est pas tolérable et ne pourra pas aboutir à un aménagement durable et équilibré de l’Île-de-France.

Les outils existent aujourd’hui pour créer un partenariat efficace entre l’État et les collectivités – cela a souvent été rappelé dans le débat –, notamment au sein des établissements publics d’aménagement. Cela permettrait de concilier les intérêts en cause et éviterait d’imposer autoritairement à des territoires des projets qu’ils n’ont pas choisis.

Nous demandons simplement le respect des formes juridiques existantes et la création de la Société du Grand Paris sous forme d’un établissement public d’aménagement. (MM. Jean-Pierre Caffet et Jean Desessard applaudissent.)

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par Mme Bricq, MM. Caffet et Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer les mots :

à caractère industriel et commercial

par les mots :

, de projet, à caractère administratif

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Le débat de tout à l’heure n’était en effet pas inutile. Il a permis d’éclairer le Sénat sur l’ambiguïté de la dénomination « Société du Grand Paris ».

Si la Société du Grand Paris – quel qu’en soit l’intitulé – devait être créée, nous voulons que cet organisme adopte le statut d’établissement public administratif. Nous allons donc plus loin que nos collègues du groupe CRC-SPG, qui souhaitent que la SGP devienne un établissement public d’aménagement. Or les établissements publics d’aménagement sont des EPIC.

M. Yves Pozzo di Borgo. Plus à gauche que la gauche !

M. Jean Desessard. C’est possible !

Mme Éliane Assassi. Cela arrive !

Mme Nicole Bricq. Si nous défendons cette idée, c’est parce que la commission a considérablement étendu les missions de la Société du Grand Paris. Celle-ci a désormais une compétence générale, en termes plus triviaux, je pourrais même dire : tous azimuts. Ses pouvoirs sont exorbitants !

Or, comme l’a expliqué Jean-Pierre Caffet tout à l’heure, nous sommes attachés au principe de spécialité afin de préserver les compétences du STIF et des collectivités locales.

Nous sommes également attachés au fait qu’il y ait un contrôle financier sérieux, non seulement parce que l’État aura la majorité, ce que nous contestons – nous en reparlerons à l’article 8 –, mais aussi parce que beaucoup d’argent sera en jeu.

Au sein d’un EPIC, les pouvoirs du président sont très importants. En l’occurrence, ils vont même être renforcés. Vous aurez donc beau créer des comités consultatifs, ce sera le diable et son train, si vous me permettez cette expression : ils ne verront pas passer un métro… Autrement dit, ils ne serviront à rien !

L’ambiguïté de la dénomination, qui a été fort bien relevée par notre collègue Philippe Dominati, suscite des questions. Si vous choisissez le statut d’EPIC, est-ce parce que vous comptez faire du profit ? En tout cas, la référence aux sociétés commerciales est évidente. La SGP pourra faire du profit sur le produit des redevances domaniales ou encore sur le produit des baux commerciaux conclus dans les gares. Mais au profit de quoi ? Et de qui ? Votre texte n’apporte aucune garantie sur ce point.

D’autres problèmes doivent être soulevés : le code des marchés publics, les modalités de délégation de la mission de cet établissement à des tiers – publics ou privés –, la création de filiales – nous y reviendrons avec le prochain amendement que nous présenterons – et les prises de participation.

Tout en étant soumise aux règles communautaires de publicité et de mise en concurrence, la SGP sous forme d’EPIC aura la faculté de créer des filiales qui pourront échapper, quant à elles, au code des marchés publics. Nous rejetons en bloc cette hypothèse, et nous proposons un schéma dans lequel la SGP, établissement public à caractère administratif, pourrait déléguer sa maîtrise d’ouvrage aux EPA locaux, quand ils existent, ou l’exercer directement selon les cas de figure.

Nous ne souhaitons pas que la SGP acquière une dimension commerciale et financière. Vous avez besoin d’un aménageur, non d’un promoteur, d’un constructeur, d’un spéculateur…

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Les deux amendements vont dans des sens différents.

L’amendement n° 38 vise à transformer la Société du Grand Paris en établissement public d’aménagement, structure dotée de règles précises et de compétences relativement limitées.

L’amendement n° 128 vise au contraire à transformer la SGP en établissement public à caractère administratif, ce qui est plus restrictif.

Nos échanges me rappellent beaucoup le débat interminable que nous avons eu, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, sur le changement de statut de l’établissement.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous avions alors siégé un samedi et un dimanche !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Oui, c’est une bonne référence !

La commission spéciale a examiné ces amendements et a opté pour le statut d’établissement public de l’État à caractère industriel et commercial. Le choix de ce statut a trois objets.

Premier objet : il permet le lancement de grandes opérations d’infrastructure.

Deuxième objet : il est le pivot du financement, grâce à la dotation en capital, qui est un élément essentiel. Il en a été de même pour La Poste, d'ailleurs, qui a également reçu une dotation en capital. Il était en outre question d’emprunter…

Mme Nicole Bricq. Non, elle n’a rien reçu !

M. David Assouline. Pour l’instant, ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. On va le faire bientôt, mes chers collègues.

Troisième objet : cet établissement public de l’État à caractère industriel et commercial peut avoir des compétences d’aménagement ; cela est prévu dans le texte.

Par conséquent, la commission est défavorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Concernant l’amendement n° 38, je souhaite indiquer que le Conseil d’État, lors de l’examen de l’avant-projet de loi, a jugé que les missions de la Société du Grand Paris ne correspondaient à aucune catégorie d’établissement public existante et qu’un établissement public d’aménagement ne saurait exercer les missions définies au paragraphe II de l’article 7. C’est la raison pour laquelle il est proposé de créer la SGP sous cette forme. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Concernant l’amendement n° 128, comme je l’ai indiqué précédemment, cet établissement public a vocation à être dissous après épuisement de sa mission principale, qui recouvre la réalisation du réseau du Grand Paris et le remboursement de la dette, comme prévu à l’article 11 bis introduit par la commission spéciale, sur l’initiative de M. Pozzo di Borgo. Le Gouvernement est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 38.

M. Jean Desessard. M. le rapporteur, que j’écoute toujours très attentivement, nous a parlé d’un établissement public à caractère industriel et commercial. Le caractère industriel est indéniable, je ne vais pas y revenir : on y va, on creuse ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État m’a d'ailleurs ému hier, avant le déjeuner, en rappelant que cela faisait dix-huit ans qu’il portait ce projet. Je comprends qu’il veuille aller vite, après dix-huit ans d’attente ! Je comprends son empressement à envoyer, dès demain, les tunneliers creuser dans toute l’Île-de-France !

En tant que parlementaires, nous pouvons avoir de l’empathie pour M. le secrétaire d'État et comprendre son envie sans pour autant être d’accord avec lui ; nous ne sommes pas obligés de partager la même vision.

Donc, je le répète, j’ai bien compris le caractère industriel de l’établissement : on creuse, cela coûte cher, donc on construit des gares, ce qui se trouve autour vaudra cher et on le vendra pour payer les trous et le retard pris !

Pour autant, je n’ai pas compris le caractère commercial de l’établissement ! Pour moi, il s’agit simplement de financer une opération industrielle, ce n’est pas du commerce.

Si l’on ajoute l’adjectif « commercial » – M. le rapporteur, toujours si précis, en conviendra –, cela signifie que l’on veut réaliser des bénéfices ou lancer quelque chose. Or j’avais cru comprendre que le commerce, les opérations commerciales intéressantes, avec quelques logements sociaux, bien sûr, relevaient des conventions territoriales.

Alors, monsieur le rapporteur, pourriez-vous m’expliquer pourquoi il s’agit d’une STGP à caractère industriel « et commercial » ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Je voudrais simplement préciser à M. Desessard qu’il n’existe que deux catégories d’établissement public, soit à caractère administratif, soit à caractère industriel et commercial. On ne peut séparer les termes « industriel » et « commercial ».

M. Alain Gournac. Il le sait très bien…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 128.

Mme Nicole Bricq. Tout dans ce texte comme dans les propos du secrétaire d'État traduit une vision rétrograde. En réalité, vous voulez refaire ce qui a été fait avec les villes nouvelles, il y a quarante ans !

M. Nicolas About. Cela a plutôt bien marché !

Mme Nicole Bricq. Nous connaissons bien, en Seine-et-Marne, les établissements publics d’aménagement, puisque nous en comptons trois. Vous pensez comme au temps où l’État avait les moyens de ses fins – et encore, c’était le début d’une période où l’État allait avoir de moins en moins de pouvoir et de financements.

Et là, vous opérez un retour en arrière ! C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que la mission de la SGP soit cantonnée, et le meilleur cadre pour y parvenir est celui d’un établissement public d’aménagement.

Nous sommes opposés à la rédaction finale de la commission, qui a beaucoup accru le pouvoir de la SGP. Le texte ne respecte ni les compétences du STIF ni le principe d’une mission spéciale et limitée dans le temps de la SGP. Voilà pourquoi nous voulons faire de celle-ci un établissement public administratif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La « Société du Grand Paris » s'engage à régler par convention les droits afférents à l'utilisation de la marque « Paris » à la Ville de Paris.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Paris fait partie du patrimoine des Français. Depuis Étienne Marcel, la monarchie, l’Empire, la République, l’État a toujours considéré que c’était à lui de décider pour la capitale, jusqu’à la réforme initiée par le Président de la République Valéry Giscard d’Estaing permettant l’élection d’un maire à Paris en 1977.

Le maire de Paris étant une forte personnalité, il a commencé le partage des eaux, si je puis dire, entre l’administration de l’État et l’administration municipale ou départementale. Et le nom de Paris est bien évidemment attaché à la commune.

Mme Bricq faisait allusion, voilà quelques instants, à l’aménagement antérieur de la région d’Île-de-France. À l’origine, la zone d’aménagement de La Défense était baptisée « Paris-La Défense » et figurait ainsi sur les panneaux de signalisation. Le conseil municipal de Paris a alors demandé à l’État de faire en sorte que le nom de la capitale ne soit pas utilisé hors de propos.

M. Nicolas About. Comme pour Parly II !

M. David Assouline. Sarkoland !

M. Philippe Dominati. Ce fut également le cas pour le centre commercial Parly II.

Aujourd'hui, Paris est une marque déposée par la Ville de Paris, qui en est propriétaire jusqu’au 10 juillet 2018, échéance qui sera automatiquement prolongée par le Conseil de Paris. L’objet de cet amendement est de faire en sorte que son utilisation par les deux établissements publics fasse l’objet d’une convention avec la Ville de Paris. Quel dispositif avez-vous prévu en la matière ?

Par ailleurs, nous aimerions savoir si l’État souhaite développer ad vitam aeternam l’utilisation du nom de Paris. Si l’on crée des centres de recherche technologique aux Pavillons-sous-Bois ou à Brunoy (MM. Philippe Dallier et Laurent Béteille sourient.), voudra-t-on les dénommer Paris-Pavillons-sous-Bois, ou Paris-Brunoy ?

L’État a décidé de créer deux établissements publics et de les appeler « Paris-Saclay », « Société du Grand Paris ». Il ne faudrait pas, progressivement, dévoyer le nom de la capitale. Ce que l’on n’a pas autorisé pour Paris-La Défense, vous le proposez pour Paris-Saclay. Soit. Vous voulez profiter de l’éclat international de la ville de Paris et du Grand Paris, tel qu’il sera défini dans le futur, lorsqu’il aura une gouvernance, un périmètre et une légitimité. Pour autant, il ne faudrait pas mettre la charrue devant les bœufs. En tout cas, il serait préférable de s’arrêter là. Je rappelle du reste qu’une convention doit être passée avec la Ville de Paris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. L’amendement de M. Dominati est tout à fait intéressant. Pour ce qui est des développements sur le rôle et la réputation de Paris, chacun pourrait évidemment en faire de même sur sa commune ou sa région.

Sur le fond, je rappelle que la Ville de Paris a déposé son nom. Par conséquent, il faut, pour l’utiliser, passer une convention avec elle et s’acquitter d’une redevance. C’est ce que nous proposerons, ce soir, pour la création de l’établissement public de Paris-Saclay.

En ce qui concerne la Société du Grand Paris, la marque « Grand Paris » a été déposée à l’Institut national de la propriété industrielle en juillet 2009. Par conséquent, l’amendement n° 113 rectifié est sans objet, et je demande à son auteur d’avoir la gentillesse de le retirer. En effet, on ne peut pas à la fois avoir déposé la marque « Grand Paris » et s’acquitter d’une redevance à la Ville de Paris.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je ne peux que confirmer les propos de M. le rapporteur : l’État français a déposé la marque « Grand Paris » le 30 juillet 2009.

Je demande à mon tour à M. Dominati de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 113 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Ni la réponse du rapporteur ni celle du secrétaire d’État ne me satisfont. Pour ma part, je défends les intérêts des Parisiens.

Je souligne que le dépôt d’une marque ne vaut pas propriété et que, compte tenu de la date récente du dépôt de la marque « Grand Paris », une contestation et un contentieux ultérieurs sont possibles. Il convient en effet de vérifier les droits antérieurs. Sinon, pourquoi quelqu’un ne déposerait-il pas les marques « Petit Paris », « Moyen Paris », « Paris Étendu » ou encore « Paris Joyeux » ?

Par conséquent, personne ne dispose systématiquement du droit à déposer une marque comprenant le nom « Paris » suivi d’un complément.

Dans ces conditions, la dénomination « Société du Grand Paris » entraînera très probablement des contentieux. En réalité, tout dépendra de la Ville de Paris.

En tant qu’élu parisien, il me semble naturel que l’État passe une convention avec la Ville de Paris afin de pouvoir utiliser le nom « Paris ». C’est le b.a.-ba ! L’État ne peut pas se contenter de déposer une marque. Sinon, pourquoi ne ferait-il pas de même pour les 36 000 communes de France, par exemple en déposant les noms de « Grand-Quevilly », « Petit-Quevilly », « Grand-Brunoy » ?

M. Nicolas About. Paris est quand même la capitale !

M. Philippe Dominati. La méthode retenue n’est pas correcte et la réponse qui m’a été fournie ne me satisfait absolument pas.

À défaut d’explications complémentaires, je maintiendrai l’amendement n° 113 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Le débat sur l’amendement n° 113 rectifié en préfigure un autre, beaucoup plus important, qui dépasse les simples considérations juridiques.

Lors de nos travaux en commission, j’avais déjà abordé cette réflexion sur la dénomination « Paris-Saclay ». Au moment du premier classement de Shanghai, la première université française devait occuper la quarante-cinquième ou la cinquantième place. Certes, à l’époque, nos universités n’étaient pas regroupées. Mais elles devraient être désormais beaucoup plus compétitives, Valérie Pécresse ayant remédié à cette situation.

Mes chers collègues, permettez-moi d’attirer l’attention du Sénat sur la nécessité de mener une réflexion approfondie sur le Grand Paris.

Je prendrai un exemple afin d’étayer mon propos. La crise de la vache folle a suscité la crainte des consommateurs. Or cette crise n’a eu aucune incidence sur la consommation des hamburgers chez McDonald’s, contrairement à ce qui s’est passé chez Quick, sa concurrente directe. La puissance de la marque McDonald’s est telle que la société n’a pas été affectée par la crise.

M. David Assouline. En défendant son amendement scélérat, notre collègue fait du blocage !

Mme Éliane Assassi. Revenons au sujet !

M. Yves Pozzo di Borgo. Je veux ainsi démontrer que, dans la compétition mondiale à laquelle se livrent les grandes villes, le nom « Paris » a une incidence extraordinaire.

M. Yves Pozzo di Borgo. Rappelez-vous que, en 1997, lorsque toutes les communautés de Londres ont été rassemblées, l’appellation retenue fut simplement « Grand Londres ».

Il est nécessaire qu’un accord soit adopté entre la Ville de Paris et l’ensemble des structures qui seront créées au sein du Grand Paris avant l’installation d’une gouvernance potentielle. J’insiste : le nom « Paris » est fondamental.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’il nous reste 184 amendements à examiner…

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Même si je ne suis pas particulièrement favorable à l’amendement n° 113 rectifié, je reconnais que ses auteurs soulèvent un vrai problème : celui de la ville-monde.

Lorsque M. Fourcade parle de la ville-monde, il le fait avec beaucoup d’éloquence. Cette expression évoque de grandes ambitions. Mais jusqu’à présent, le projet se résume à un tunnel !

En réalité, quelle ville-monde voulons-nous ?

M. Yannick Bodin. Une ville-monde enterrée !

M. Jean Desessard. Voulons-nous copier le développement de Shanghai, de Pékin, avec toutes les douleurs sociales, les problèmes urbanistiques et environnementaux que connaissent ces villes ? Ou voulons-nous construire une ville-monde s’appuyant sur un patrimoine historique, architectural formidable ?

M. Nicolas About. Mais oui !

M. Jean Desessard. Mais le projet de loi ne le précise pas ! On évoque la ville-monde et un tunnel, comme si Paris, en tant que telle, n’avait pas un rayonnement mondial et des atouts évidents ! Le concept de ville-monde, avec la renommée internationale qu’il implique, se résumerait à la construction d’un tunnel qui va conduire à développer le plateau de Saclay à l’instar de la Silicon Valley ?

M. Nicolas About. On garde la Seine, la Tour Eiffel !

M. Jean Desessard. Il est illusoire de croire que l’on va créer une nouvelle identité de Paris à partir de Saclay ! Paris dispose d’un patrimoine historique, culturel, universitaire. Ce sont bien ces atouts qu’il faut développer.

M. Nicolas About. Paris sera toujours Paris !

M. Jean Desessard. Point n’est besoin de déplacer la faculté d’Orsay. Il suffit de mieux rémunérer les chercheurs et de leur accorder une plus grande considération.

Où sont les chercheurs ? Ils sont installés non pas simplement à Orsay, mais dans toute l’Île-de-France, notamment à Paris. Où ont-ils envie de vivre ?

M. Nicolas About. À Gif-sur-Yvette !

M. Jean Desessard. Ils souhaitent profiter du patrimoine culturel et historique de Paris.

Pour en revenir à la ville-monde proprement dite, certains veulent bâtir la ville-monde standard, avec les mêmes aéroports, les mêmes McDonald’s, les mêmes Novotel que partout ailleurs, tandis que d’autres préfèrent une ville-monde construite autour de son patrimoine historique et culturel.

M. Nicolas About. Les explications de vote sont grandioses !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.