Mme Dominique Voynet. J’ai hésité à déposer cet amendement, ayant pensé qu’il vous serait aisé de me rétorquer que le projet de loi relatif au Grand Paris respecte les principes fondamentaux de la Constitution et de la Charte de l’environnement qui lui est adossée.

Nous serons amenés, dans quelques heures, à examiner l’article 3 de ce texte, qui détaille par le menu la façon dont le projet de loi entend respecter les modalités de saisine de la Commission nationale du débat public, définies dans un autre projet de loi.

J’ai donc pensé que le caractère quelque peu redondant de cet amendement ne présentait pas d’inconvénient, dès lors que cela nous fournit des garanties quant à la volonté du Gouvernement de respecter strictement la lettre mais aussi l’esprit des textes.

À la relecture de votre lettre de mission en date du 7 mai 2008, monsieur le secrétaire d'État, un détail m’a frappée. Il y a deux ans, votre secrétariat d’État était rattaché au ministère de l’écologie. Aujourd’hui, c’est auprès du Premier ministre que vous officiez.

Bien sûr, certains pourraient penser que cela ne fait que renforcer le caractère interministériel de votre mission. C’est une vision optimiste, que l’on peut ne pas partager tant sont nombreux les indices laissant à penser que l’écologie et le développement durable ne sont que des détails dans la stratégie du Gouvernement.

Je vous propose de réaffirmer, à travers cet amendement, votre attachement aux principes fondamentaux de la Charte de l’environnement. Nous avons en effet des raisons d’être inquiets à ce sujet.

Je m’inquiète notamment de l’incidence du tracé envisagé pour la ligne de métro automatique qui me semble devoir favoriser l’étalement urbain, soit l’antithèse du développement durable.

Je crains que la peinture verte des projets du Gouvernement ne s’écaille.

Je crois nécessaire de faire des efforts concrets au-delà des discours pour préserver l’Île-de-France.

Vous nous avez décrit longuement hier les ambitions du Gouvernement au regard de la métropole de l’après-Kyoto. Je crois important de réaffirmer notre attachement à la Charte de l’environnement et à ses dispositions concrètes.

En votant cet amendement, vous nous montrerez peut-être votre attachement au principe du développement durable et votre intention de dépasser l’écologie de discours et de salon qui a cours en période électorale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Chère collègue, vous avez vous-même répondu à la question en soulignant le caractère redondant de cet amendement, que l’on ne peut lui dénier !

Il va de soi que ce projet de loi, comme d’ailleurs l’ensemble des lois et règlements, doit respecter la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle.

Je rappelle, pour appuyer mes propos, une citation tirée d’un rapport du Conseil d’État, qui peut éclairer un certain nombre de débats. Il faut à tout prix éviter que la loi ne soit trop bavarde, car « quand la loi bavarde, les citoyens ne lui prêtent plus qu’une oreille distraite ».

La commission émet donc un avis défavorable.

M. David Assouline. Trois ans de bavardages !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Tout a été dit concernant cet amendement, tant par Mme Voynet que par M. le rapporteur. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Cela étant, madame Voynet, vous m’avez fixé un rendez-vous pour dans quelques heures. Je serai présent. Non pas pour un discours, mais bien pour des faits ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. Vous allez susciter une rumeur sur le Grand Paris ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Gaudin. Il s’agit de faire plaisir à Mme Voynet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE Ier

ÉLABORATION ET OUTILS DE MISE EN ŒUVRE DU RÉSEAU DE TRANSPORT PUBLIC DU GRAND PARIS

Articles additionnels après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif au Grand Paris
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2

I. – Le réseau de transport public du Grand Paris est constitué des infrastructures affectées au transport public urbain de voyageurs, au moyen d’un métro automatique de grande capacité en rocade qui, en participant au désenclavement de certains territoires, relie le centre de l’agglomération parisienne, les principaux pôles urbains, scientifiques, technologiques, économiques, sportifs et culturels de la région d’Île-de-France, le réseau ferroviaire à grande vitesse et les aéroports internationaux, et qui contribue à l’objectif de développement d’intérêt national fixé par l’article 1er.

Le financement par l’État de ce nouveau réseau de transport est indépendant de sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France permettant la création, l’amélioration et la modernisation des réseaux de transport public. Ces mesures permettent de renforcer en priorité la qualité du service rendu par les réseaux de transport public, notamment en termes de sécurité, de fréquence et de ponctualité. La réalisation de ce nouveau réseau de transport est coordonnée avec les mesures de création, d’amélioration et de modernisation du réseau existant en Île-de-France.

II. – Le schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, respectueux des enjeux liés au développement durable, en décrit les principales caractéristiques et mentionne :

- les prévisions en matière de niveau de service, d'accessibilité, de mode d'exploitation, de tracé et de position des gares ;

- les possibilités de connexion au réseau ferroviaire à grande vitesse qui comprend notamment la ligne reliant Paris à la Normandie ;

- les possibilités de connexion aux autres réseaux de transport public urbain en Île-de-France à la date d’élaboration du schéma d’ensemble ;

- l'offre de transport public complémentaire du nouveau réseau disponible à partir de ses gares ;

- la prise en compte de l’intermodalité par la possibilité, pour les véhicules légers, de stationner dans des parcs prévus à cet effet.

Ce schéma d’ensemble est compatible avec le plan de déplacements urbains de la région d’Île-de-France.

Il est approuvé par un décret en Conseil d'État auquel est annexée la déclaration prévue par le 2° du I de l'article L. 122-10 du code de l'environnement.

III (nouveau). – La mise en place d’un réseau à haut niveau de performance prioritairement affecté au fret ferroviaire entre les grands ports maritimes du Havre et de Rouen, qui constituent la façade maritime du Grand Paris, et le port autonome de Paris, est un objectif d’intérêt national.

Cette mise en place fait l’objet d’un rapport au Parlement au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi.

Ce rapport présente également les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine afin de permettre une meilleure desserte du Grand Paris.

La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Cet article nous amène à l’essence même de ce texte, à savoir la création d’un réseau de transport public du Grand Paris et plus précisément d’un métro automatique en rocade.

M. Mongin a pour sa part estimé le coût de ce projet entre 22 milliards et 25 milliards d’euros alors que vous, monsieur le secrétaire d'État, l’estimez à 21 milliards d’euros.

Si vous évoquez le recours à l’emprunt et une dotation en capital de l’État, il y a fort à parier que, in fine, ce seront malheureusement les Franciliens qui en seront de leur poche !

Permettez-moi de vous poser une question, qui en sous-tend d’autres : ce métro en rocade sera-t-il utile aux Franciliens ? Il est vrai que la réponse n’est pas évidente. En effet, augmenter l’offre de transport, même si elle est inadaptée, pourra permettre de répondre à certains besoins.

La question essentielle est donc la suivante : de quels besoins parlons-nous ?

Nous craignons que ce projet, en reliant des lieux de travail entre eux, et non des lieux d’habitation, ne permette pas aux Franciliens d’en tirer profit.

Est-ce donc réellement un projet pour les Franciliens ? Ce projet est-il pertinent techniquement et économiquement ? Là encore, la réponse n’est pas aisée. Force est de constater que nous ne bénéficions d’aucune étude sur la faisabilité d’une telle opération, ni sur les différents scénarii techniques envisageables.

Comment un projet urbain portant sur les transports de la région capitale et se plaçant dans le contexte de l’après-Kyoto peut-il délibérément cantonner la question du fret à la liaison des ports et ne pas prôner un maillage du fret sur l’ensemble de la région capitale ?

Comme nous l’avons précédemment souligné, ce projet doit relever du STIF et non d’une nouvelle structure technocratique. Il nous paraît en effet nécessaire de garantir la cohérence de ce projet avec le réseau existant, même si nous sommes conscients de l’effort fait par la commission concernant les enjeux liés aux interconnexions.

Il existe un plan de modernisation des transports en Île-de-France, à hauteur de 18 milliards d’euros, proposé par le conseil régional. Alors même que l’État ne s’est toujours pas formellement engagé, il s’apprêterait dans le même temps, par ce texte, à dépenser plus encore.

Je vois là, pour ma part, une certaine contradiction.

D’une part, si la conception du projet revient à la société du Grand Paris, la gestion sera conduite par le STIF. C’est une manière radicale d’obérer pour de nombreuses années les capacités d’investissement du STIF.

Ainsi, selon les projections dont nous disposons, pour permettre le financement de la gestion du Grand huit, les collectivités seraient amenées à doubler leur contribution au STIF, ce qui, dans le contexte d’assèchement des ressources des collectivités, ne permettra pas de répondre efficacement à tous les besoins.

D’autre part, la déclaration d’utilité publique et d’intérêt général qui accompagnera le projet permettra à l’État d’encadrer fermement les documents locaux d’urbanisme, alors même que nous estimons insuffisante l’association des collectivités à ce projet.

Cette déclaration permettra également à ces projets de contredire de façon complète les objectifs du SDRIF et finalement de forcer sa modification.

Réduire l’action des collectivités à leur participation au débat public et à la rédaction d’un avis ne permettra pas de garantir leur réelle implication dans ces projets. En tout état de cause, nous estimons que seul le STIF dispose de la légitimité suffisante pour entreprendre un tel dessein.

En 2004, après le vote des lois de décentralisation, l’État a confié à la région la direction du STIF, en faisant le choix de se retirer intégralement de cette structure. Nous nous étions alors formellement opposés à un tel positionnement, qui nous semblait ouvrir la voie à un désengagement massif, malheureusement réel depuis 2006.

Aujourd’hui, en reprenant en main un seul projet, celui du Grand huit, pour lequel seule la volonté de l’État prévaudra, c’est bien l’inverse que vous préconisez !

Nous estimons pour notre part que la question des transports doit permettre de conjuguer, d’une part, la garantie, par l’État, des intérêts nationaux et, d’autre part, la défense, par la région et les collectivités, des intérêts territoriaux.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.

Mme Catherine Morin-Desailly. Hier, au cours de la discussion générale, j’ai évoqué ma position et celle de mes collègues normands du groupe de l’Union centriste, notamment de Jean-Léonce Dupont, qui a participé aux travaux de la commission spéciale.

Toutefois, avant la défense des amendements que nous avons déposés sur l’article 2, je souhaite apporter quelques précisions.

Dans un contexte ouvert de compétition mondiale et de développement durable, il est essentiel – c’est même une condition de la réussite du Grand Paris – de connecter efficacement Paris à sa façade maritime, la France ayant pris du retard dans ce domaine. Un tel dessein, comme l’a remarqué l’architecte-urbaniste Antoine Grumbach dans son diagnostic prospectif de l’agglomération parisienne, ne peut être envisagé que sur une grande échelle.

Celle qui est esquissée par le projet de loi correspond, notons-le, à la dimension des programmes d’autres métropoles mondiales. On pourrait citer l’exemple de Shanghai et de la côte Est des États-Unis, où la planification englobe Boston, New York et Washington. Ces projets correspondent à l’évolution des transports ferrés à grande vitesse.

En ce qui concerne la France, l’échelle pertinente nous semble être la Normandie dans son ensemble, pour laquelle le Grand Paris est une chance, la réciproque étant également vraie. Comme l’a souligné Antoine Rufenacht, le maire du Havre, il est fondamental que Paris regarde enfin autrement sa façade maritime, qui ne doit plus être uniquement considérée pour ses plages ou son activité de pêche.

Selon nous, c’est à cette échelle que doivent être planifiés les futurs transports, dans toute leur diversité. À cet égard, je remercie notre collègue Charles Revet d’avoir utilement amendé l’article 2. En effet, il faut répondre à l’appel du littoral tout à la fois par la route, le ferroviaire et le fleuve, et aussi penser à un schéma global qui inclue la région normande.

Rien ne laissant supposer un recul des échanges, il faut donc nous y impliquer fortement. La réussite du projet dépend de la prise en compte de l’intermodalité, de la réalisation à brève échéance d’une deuxième gare, rive Sud, à Rouen et de la réalisation d’un TGV normand qui non seulement relie efficacement Paris, Rouen et le Havre, sous peine que, d’ici à dix ans, le port de Paris soit finalement Anvers ou Rotterdam, mais aussi desserve Caen, tout en rapprochant la capitale haute-normande à l’Europe du Nord.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, passer sa vie dans les transports, c’est le quotidien de la plupart des Franciliens. Depuis que dans les années soixante la politique de peuplement a repoussé de plus en plus loin de la capitale la majeure partie des habitants de l’Île-de-France, jamais la création de transversales, reliant les banlieues entre elles, n’a été aussi essentielle, jamais la perspective d’une saturation des lignes existantes, qu’il s’agisse du RER ou de la SNCF, n’a été aussi proche.

Monsieur le secrétaire d’État, seriez-vous le seul à ne pas savoir que, si rien n’est fait, on ne pourra même plus, dans quinze ans, accéder aux quais, tant le nombre d’usagers aura augmenté ?

Ainsi, dans le Val-d’Oise, au cours de ces dix dernières années, on a pu enregistrer une augmentation de 25 % des usagers du RER.

C’est donc tout l’avenir de notre région et le quotidien de ses habitants qui dépend de la manière dont nous investirons dans le transport public.

Or, loin de répondre à ces enjeux, le Grand Paris les dédaigne. Pis encore, il les marginalise. Le Grand huit proposé par M. Christian Blanc va exactement à l’encontre des propos tenus par Nicolas Sarkozy, lequel évoquait la nécessité « d’un schéma des mobilités qui couvre l’ensemble du territoire, avec un maillage qui ne laisse personne au bord du chemin ». Mais ce n’est pas la première fois que, des discours aux actes, ce président sera passé de la route rectiligne au tête-à-queue.

Pourtant, cela a été dit tout à l’heure, un schéma d’aménagement répondait à ce grand principe. Je veux parler du plan de mobilisation pour les transports en commun d’Île-de-France, élaboré par la région, le Conseil de Paris et les conseils généraux. Les 18 milliards d’euros nécessaires à la réalisation de ce plan répondent aux enjeux actuels comme à ceux de demain ; ils ont été déterminés en concertation avec les territoires et les élus concernés ; ils répondent à des problématiques dûment identifiées et ouvrent des perspectives de développement économique, de relance d’emploi et de redynamisation des territoires.

Niant ainsi l’esprit de l’article 1er de notre Constitution, lequel précise que l’organisation de notre République est décentralisée, le Gouvernement a préféré substituer à un projet qui répondait réellement aux attentes des Franciliens le projet de loi relatif au Grand Paris, qu’il a mené en solo. Cette procédure dérogatoire ne se justifiait pas : le SDRIF aurait pu et dû être le lieu évident de la construction du Grand Paris.

C’est pourquoi vous vous êtes senti obligé, monsieur le secrétaire d’État, de préciser que le financement de ce nouveau réseau devait revenir à l’État, sans préjudice du financement des opérations inscrites au contrat de projets État-région. Outre le fait que nul ne sait où vous prendrez les dizaines de milliards nécessaires à votre Grand Paris, vous avez trouvé une manière originale de ne pas porter préjudice aux financements de ces contrats de projets : vous les annulez ! Vous avez ainsi accepté de supprimer d’un trait le projet Arc Express, pourtant bien avancé. Vous l’avouerez, cela augure mal du reste !

Que dire également d’un projet qui ignore des territoires entiers ? Aujourd’hui 1,2 million de Val-d’Oisiens sont exclus de votre démarche. Or, fort d’une croissance démographique continue et doté de plusieurs pôles économiques majeurs, ce territoire ne pourra donner toute sa mesure que si des réponses sont apportées à la question des difficultés de déplacements. Il est impératif de relier et de rendre complémentaires les pôles économiques et universitaires du département, d’assurer une meilleure desserte pour les trajets effectués entre le domicile et le lieu de travail, de rapprocher les travailleurs de l’est du Val-d’Oise du pôle d’emploi de la plateforme aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle. Pour ce qui concerne les besoins urgents de ce département, je partage la totalité des propos tenus par notre collègue Bernard Angels au cours de la discussion générale.

Enfin, permettez-moi de m’attarder sur l’autre grand absent de ce texte : l’usager. Il n’en est jamais question ! Pourtant, il voit bien que le Grand huit n’améliorera pas les conditions de ses déplacements quotidiens. Il perçoit en revanche que le coût de ce nouveau métro pourrait retomber sur lui, par l’augmentation des tarifs ou de la fiscalité.

L’Association des usagers des transports d’Île-de-France ne s’y trompe pas, puisqu’elle réclame la mise en œuvre immédiate du plan de mobilisation pour les transports en commun d’Île-de-France, élaboré par les collectivités de notre région, en exhortant chacun à apporter sa contribution, qu’il s’agisse de l’État, de la région, des départements, du Syndicat des transports d’Île-de-France, des exploitants ou des gestionnaires d’infrastructure !

Monsieur le secrétaire d’État, vous auriez pu choisir, pour ce futur réseau, d’appliquer le droit commun. À l’inverse, vous vous prononcez pour un régime d’exception, qui vient se heurter à tous les travaux déjà en cours, et à beaucoup de ceux qui sont en attente. Au lieu de vous pencher sur la réalité des problèmes des Franciliens, vous préférez reproduire les erreurs passées. Je fais référence aux années cinquante et soixante, qui ont vu proliférer de grands ensembles autour de ce qui n’était que des villages quasi ruraux tels que Sarcelles, Villiers-le-Bel, Garges, Goussainville, et j’en passe ! Les permis de construire ont alors été signés, au nom de l’État, par des préfets, qui ont créé ainsi des villes-dortoirs, devenus depuis des « villes-ghettos ».

En conclusion, le Grand Paris aurait pu avoir, entre autres choses, l’ambition de réparer ces dégâts, de prendre en compte les attentes légitimes de ses habitants, trop souvent oubliés de la République. Votre aveuglement, votre refus d’entendre et d’écouter ceux qui gèrent ces villes au quotidien vous amènent à préparer aujourd’hui les territoires de relégation de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.

Mme Bariza Khiari. Avec cet article 2, qui a été réécrit par la commission, la possibilité d’une compatibilité, permettant une meilleure intégration de la « double-boucle » dans le paysage des transports franciliens, semble désormais mieux affirmée. C’était la moindre des choses ! Par ailleurs, l’État devra financer ce mode de transport par ses propres moyens, tout en respectant ses engagements à l’égard de la région. C’était, là aussi, nécessaire.

Cependant, au-delà des belles paroles, il y a les faits. Un amendement déposé par le groupe de l’Union centriste laisse planer le doute sur la pérennité du financement des projets régionaux, qui pourraient entrer partiellement en concurrence avec le Grand huit. Un amendement adopté en commission à l’article 3 permet d’interrompre la réalisation du projet Arc Express porté par la région, puisque le Grand huit le reprend en partie. Cela n’est pas acceptable ! Je crains que, par la suite, on ne s’emploie à détricoter le projet régional, pourtant largement plébiscité par les Franciliens lors des dernières élections, au gré des évolutions du tracé, l’État faisant pression pour obtenir satisfaction.

Si l’on considère que le réseau du Grand Paris doit tenir compte de l’existant et du planifié, il faut dès aujourd’hui faire en sorte que son tracé puisse être décidé d’un commun accord avec la région et ne pas miser sur sa seule compatibilité. Il est donc impératif d’associer le STIF au processus de décision et d’élaboration du schéma. Nous aimerions que l’article 2 soit plus ferme, plus respectueux des choix légitimes des Franciliens et propre à rassurer les collectivités locales.

Si l’on estime que ce projet de loi est issu de la concertation, cette dernière doit être maximale et ne pas ressembler à un vague dialogue sur le papier !

Par ailleurs, la rédaction actuelle de l’article mentionne la nécessité de tenir compte des impératifs du développement durable. Sur ce sujet, je nourris les mêmes craintes que Mme Voynet. Je l’ai déjà affirmé, un certain nombre de gares se situant en zones peu denses, les impératifs du développement durable seront vite remisés. Cette rédaction peu contraignante me semble donc dangereuse.

Nous souhaitons que les principes du Grenelle de l’environnement, projet nous avons voté, soient inscrits dans ce texte, en tant que normes à appliquer. Nous ne votons pas des lois pour le plaisir, nous les votons pour qu’elles soient mises en œuvre. En la circonstance, je suis convaincue que les concepts de ville durable et d’aménagement durable ne sont pas vides de sens, n’en déplaise à la majorité, qui enterre ses convictions écologiques au gré des scrutins. Les lois dites Grenelle I et Grenelle II n’ont pas été votées pour la beauté du geste, mais pour leur valeur normative.

Tel est le sens des amendements que nous présenterons sur cet article 2.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.

M. Jean Louis Masson. À mon avis, il faut renforcer l’importance des transports en commun. En effet, nous sommes actuellement confrontés à des problèmes environnementaux de plus en plus sérieux, notamment à Paris, qui est l’emblème de la France.

Dans le cadre d’une réalisation comme le Grand Paris, l’argent demeure bien entendu le nerf de la guerre. Toutefois, une concertation entre l’État et les collectivités territoriales s’avère également indispensable. Or tout ce que j’ai vu et entendu depuis le début de ce débat m’amène à penser que celle-ci est aujourd’hui insuffisante.

Dans toute autre région de France, l’État n’aurait pas imposé de manière aussi unilatérale, dans le cadre d’un dialogue aussi restreint, ses choix. Il existe en effet des élus régionaux, démocratiquement élus : c’est le résultat des élections, même si tout le monde ne l’approuve pas ! Il serait opportun d’en tenir compte, y compris au plus haut niveau de l’État. Dans la mesure où les habitants de la région se sont exprimés, il paraît extrêmement regrettable de chercher à imposer une solution.

C’est la raison pour laquelle, sur cet article, comme sur beaucoup d’autres, je suis extrêmement réservé.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, le projet du Grand Paris, tel qu’il est conçu par le Gouvernement, ne nous satisfait pas, et ce pour plusieurs raisons.

Ce projet ignore les réalités économiques et sociales de la région. Il exacerbe les ségrégations territoriales et n’améliore pas la vie des Franciliens, qui perdent trop de temps dans les transports.

Les choix politiques qui sont actés transparaissent clairement dans le projet de réseau de transports défini par l’article 2.

Outre le fait que les outils nécessaires à la mise en œuvre du schéma de transport du Grand Paris existent déjà et qu’il n’était donc pas utile d’en créer d’autres, le tracé décrété par les services centraux de l’État ignore de nombreux territoires, peu ou mal desservis.

Le réseau se donne pour principal objectif de relier entre eux des pôles dits « stratégiques », qui ne le sont certainement pas pour les habitants des territoires délaissés, et les liaisons inter-banlieues sont toujours aussi défaillantes.

Le coût de l’opération ne nous semble donc pas justifié, au regard des défauts patents du projet. Il est par ailleurs à craindre que l’importance des sommes en jeu, dont une partie sera à la charge des collectivités locales, bloque durablement tout autre projet de transport.

En ce qui concerne la participation financière de l’État, nos craintes sont les mêmes. La commission spéciale a adopté un amendement du rapporteur tendant à indiquer que « le financement par l’État de ce nouveau réseau de transport est indépendant de sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France permettant la création, l’amélioration et la modernisation des réseaux de transport public ».

Cette précaution rédactionnelle constitue une maigre garantie quand on sait que ces contrats sont souvent très partiellement honorés par l’État. En effet, le financement de l’État va reposer sur la dotation en capital et l’emprunt, dont l’amortissement sera assuré par des ressources issues de la spéculation foncière sur les terrains autour des gares, avec les conséquences que l’on imagine en termes de mixité sociale !

Les sénateurs du groupe CRC-SPG refusent la création d’un tel réseau de transport, qui ne desservirait que les grands pôles d’activité économique et sur lequel plane un projet de tarification spéciale, supérieure à celle appliquée sur le réseau de la RATP et de la SNCF.

Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d’adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. La commission spéciale a évidemment émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article 2, pour trois raisons.

Premièrement, l’article 2 distingue bien le financement de la boucle, assuré par l’État, et le financement des contrats de projets État-région, également assuré par l’État pour la part qui le concerne, à condition que ces contrats de projets « éparpillent » moins leurs moyens que le contrat actuel.

Deuxièmement – et j’en profite pour répondre à M. Masson qui nous a interpellés sur ce sujet –, à l’heure actuelle, 70 % des déplacements de banlieue à banlieue se font en automobile, en l’absence de réseaux de transport en rocade suffisants. Par conséquent, le fait de construire enfin un grand système de rocade bouclée – j’insiste sur ce dernier point : si le réseau n’est pas bouclé, la voiture reste nécessaire pour rejoindre l’extrémité de l’une des lignes – représente une avancée considérable du point de vue du développement durable, parce qu’il se traduira par une diminution des émissions de CO2 et donc par une amélioration de nos performances dans la lutte contre l’effet de serre.

Troisièmement, cet article 2 comprend l’ensemble des dispositions qui permettent l’articulation entre les réseaux existants et les réseaux futurs et revêt donc une importance capitale ; certains ont même tendance à considérer qu’il constitue le seul élément positif de ce projet de loi. Par conséquent, il serait tout à fait dommageable de le supprimer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Blanc, secrétaire d’État. J’émets le même avis que M. le rapporteur : je ne saurais imaginer que ce projet de loi soit privé de son article 2.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 12, présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.