Mme Catherine Procaccia. … afin que la population puisse nous suivre sur ce projet.

Deuxièmement, comme nos collègues l’ont rappelé, si notre réseau de transport est l’un des plus denses au monde, il n’est aujourd’hui plus efficace.

Voilà cinquante ans que j’utilise les transports en commun, et j’ai habité dans quatre départements de la région parisienne. Il y a trente-cinq ans, l’arrivée du RER a véritablement amélioré nos temps de trajets, qui rétrospectivement nous semblent idylliques. Toutefois, depuis lors, ceux-ci ont été multipliés par trois : alors que je mettais dix minutes voilà trente ans pour aller de Vincennes à Auber ou de Vincennes à Noisy-le-Grand, il me fallait le double de temps il y a dix ans ; aujourd'hui, si je veux être sûre d’arriver à l’heure, eu égard aux arrêts et incidents quotidiens, je prévois entre trente et trente-cinq minutes.

M. Christian Cambon. Merci Huchon !

Mme Catherine Procaccia. Le stress des salariés dû aux transports collectifs parisiens est une réalité. Il redouble le soir quand il faut être à l’heure pour récupérer les enfants à la crèche ou à l’école.

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, je veux réaffirmer, après mon collègue et ami Christian Cambon, que l’avenir de ce projet ne peut être déconnecté de l’amélioration rapide de nos transports au quotidien.

Le projet que vous nous présentez vise un futur qui, pour nous élus, peut paraître proche, mais qui ne l’est pas pour ceux qui, chaque jour, « galèrent », car tel est le mot qui convient, dans les transports. Ceux-là ne peuvent supporter d’attendre dix à quinze ans ! Tel est le sens de l’amendement que Christian Cambon et moi-même avons déposé et qui, heureusement, a été repris par la commission.

M. Charles Revet. L’amendement était bon !

Mme Catherine Procaccia. Si tel n’avait pas été le cas, mon vote sur ce projet de loi aurait été compromis. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

M. Yannick Bodin. Oh là là ! Quelle témérité !

Mme Nicole Bricq. Ne vous arrêtez pas en chemin !

Mme Catherine Procaccia. Le troisième sujet que j’aborderai est celui du logement. Je voudrais réaffirmer ici les inquiétudes que j’ai exprimées en commission. Si des transports qui étaient naguère efficaces ne le sont plus, c’est parce que les entreprises se sont implantées non pas à l’est ou au sud, près des logements, mais à l’ouest.

Mme Nicole Bricq. Et voilà !

Mme Catherine Procaccia. Si les logements supplémentaires prévus dans le texte de la commission ne sont pas accompagnés de la création d’emplois de proximité, le nouveau système de transport sera saturé à peine les rails posés. Il est donc indispensable que les futures gares soient aussi accompagnées d’implantations d’entreprises.

Enfin, je terminerai mon propos en évoquant ce que je connais le mieux : la ligne 1 du métro à l’est de Paris. Sur le tronçon qui débute à Vincennes et se dirige vers Paris convergent les deux branches du RER A, dont l’une vient de Boissy-Saint-Léger et l’autre de Marne-la-Vallée. En outre, au métro Château de Vincennes arrivent des milliers de banlieusards, dont les véhicules stationnent désormais sur plusieurs kilomètres dans le bois de Vincennes. Le prolongement de la ligne 1 jusqu’à Val-de-Fontenay est donc une impérieuse nécessité ; selon moi, il doit faire partie intégrante du Grand Paris.

Monsieur le secrétaire d'État, que comptez-vous faire pour favoriser ce prolongement indispensable à l’efficacité de la grande boucle projetée ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Jean Desessard. Monsieur Dallier, êtes-vous dans le rang ?

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment où commence l’examen de ce texte, déjà amendé par l’Assemblée nationale et par notre commission spéciale, chacun aura compris, en écoutant les différents orateurs qui se sont exprimés, que les esprits n’étaient pas encore tout à fait disposés, semble-t-il, à rechercher le consensus. Or c’est bien celui-ci qu’il nous faudra trouver si nous voulons faire avancer la cause de la métropole du Grand Paris, qui constitue un véritable enjeu national.

Néanmoins, tout d’abord, de quel Grand Paris parlons-nous ?

Du Grand Paris de la compétition économique avec les autres villes-monde, Londres, New York, Tokyo, et bientôt avec les grandes métropoles qui émergent en Asie et en Amérique du Sud et qui tentent également – c’est bien normal – d’attirer les grandes entreprises, les universitaires, les chercheurs,…

M. Jean Desessard. Les chercheurs, il faut pouvoir les payer !

M. Philippe Dallier. … les emplois et la richesse économique ?

Parlons-nous du Grand Paris de la galère quotidienne des transports due, depuis bientôt trente ans, il faut le dire, à un manque chronique d’investissements ?

M. Philippe Dallier. Parlons-nous du Grand Paris de la ségrégation territoriale, de l’iniquité fiscale et d’une péréquation financière tellement insuffisante…

Mme Nicole Bricq. Elle n’est plus insuffisante, elle n’existe plus !

M. Philippe Dallier. … que c’est paradoxalement dans les villes les plus pauvres de nos banlieues que les impôts locaux sont les plus lourds, alors que les services à la population sont les plus faibles ?

M. Jacques Mahéas. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Dallier. Parlons-nous du Grand Paris du manque de logements, du manque de mixité sociale, du manque de structures d’hébergement qui laissent chaque nuit des centaines de personnes sur les bouches de métro de la capitale ?

Parlons-nous en somme d’un véritable projet métropolitain bâti à partir d’un constat partagé, dessinant les politiques à mener pour corriger cette situation ?

Parlons-nous enfin d’un véritable outil de gouvernance politique pour porter ce projet métropolitain ?

Malheureusement, monsieur le secrétaire d'État, comme vous le reconnaissez d’ailleurs, votre texte, s’il s’intitule « projet de loi relatif au Grand Paris », n’a pas l’ambition de traiter tous ces problèmes. (M. Yannick Bodin s’exclame.)

Même amendé, sous l’impulsion de notre collègue Dominique Braye, par notre rapporteur, qui a souhaité, en ce qui concerne le logement, fixer une orientation en matière de gouvernance pour tenter d’atteindre l’objectif annuel de construction de 70 000 habitations, ce texte ne traite que des voies et moyens qui permettront à la future Société du Grand Paris de construire le métro automatique et d’assurer le développement du plateau de Saclay.

C’est déjà beaucoup, me direz-vous. Je pourrais partager cet avis, mais pour moi, c’est encore trop peu.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, si je souscris entièrement à votre projet de métro en rocade, qui me paraît effectivement porteur d’un important potentiel de développement économique, je considère qu’il ne suffira pas à construire ce Grand Paris où la cohésion urbaine et sociale serait assurée, une métropole dont le développement économique ne reposerait pas sur le schéma des années 1960, quand l’État a investi massivement sur des territoires qui ont ensuite capté la richesse fiscale.

Mme Nicole Bricq. Il n’y a plus de sous !

M. Philippe Dallier. Il y a deux ans, monsieur le secrétaire d’État, lorsque nous nous sommes entretenus pour la première fois de l’avenir du Grand Paris, j’ai défendu devant vous la thèse qui est la mienne depuis longtemps, celle de la création d’une collectivité locale en capacité de porter efficacement les grandes politiques publiques, garante de la cohésion urbaine et sociale par le partage de la richesse fiscale.

Cette collectivité locale serait, avec la région, qui a la charge des transports, l’interlocuteur dont l’État a besoin pour faire avancer ses propres projets.

Vous m’aviez alors répondu vouloir d’abord faire rêver les Franciliens et les élus locaux pour entraîner l’adhésion, avant de vous attaquer au problème de la gouvernance qui, selon vous, nous mènerait forcément à des querelles sans fin.

Où en sommes-nous aujourd’hui, après deux années ?

M. Jacques Mahéas. Quelle est la solution ?

M. Philippe Dallier. Nous avons effectivement un beau projet de transport que les maires concernés plébiscitent, alléchés qu’ils sont par l’idée d’obtenir une gare du futur métro sur le territoire de leur commune. Vous travaillez d’ailleurs directement avec eux, comme vous nous l’avez dit encore tout à l’heure.

Nous disposons également du travail réalisé par les dix équipes d’architectes maintenant réunies au sein de l’Atelier international du Grand Paris, mais nous n’avons toujours pas su entraîner l’adhésion de nos concitoyens, pas plus que nous n’avons su, entre élus locaux, construire les outils nécessaires.

À cet égard, mes chers collègues, balayons aussi devant notre porte : il ne suffit pas de reprocher à l’État de vouloir prendre la main ; encore faudrait-il que, collectivement, nous proposions un outil de gouvernance de cette métropole ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jacques Mahéas. Mais nous ne sommes pas contre la gouvernance !

M. Philippe Dallier. Nous n’avons pas su construire cet outil, mais peut-être cela viendra-t-il. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

C’est bien cette structure qui devrait nous permettre d’aborder ensemble l’avenir de notre métropole.

Et que dire aujourd’hui des relations entre l’État et la région, si ce n’est que, depuis le soir du second tour des élections régionales, les couteaux sont tirés…

D’un côté le président de la région, largement réélu et pleinement légitime, voudrait nous faire croire – alors que, pendant toute la campagne électorale, le Grand Paris a été un non-sujet – que ce résultat vaut référendum contre le projet gouvernemental.

Mme Nicole Bricq. C’est faux !

M. Jacques Mahéas. C’est scandaleux !

M. Philippe Dallier. De l’autre côté, l’adoption par notre commission spéciale de l’amendement mettant fin, par la loi, au débat public engagé sur le projet « Arc Express » est vécue par la région comme une provocation,…

M. Jacques Mahéas. Et c’en est une ! Retirez-le !

M. Philippe Dallier. … et ce à juste titre.

Ce n’est donc pas, monsieur le secrétaire d’État, le rêve annoncé, mais plutôt le scénario de l’enlisement redouté que nous risquons aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Caffet. À qui la faute ?

M. Philippe Dallier. Quelle déception je dois dire pour tous ceux qui, de droite, de gauche ou d’ailleurs, sont, comme moi, sincèrement convaincus de l’urgence qu’il y a à inventer une nouvelle organisation politique de notre métropole pour enfin porter un véritable projet métropolitain ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

Alors, que faire aujourd’hui pour renouer les fils du dialogue et sortir de cette situation de blocage ?

Il faut d’abord que l’État reconnaisse, dans la logique de notre République aujourd’hui décentralisée, qu’il a besoin des collectivités locales, et pas seulement pour payer les factures en investissement ou en fonctionnement, mais dès l’élaboration des projets. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Il faut ensuite que, dans cette région-capitale, les collectivités locales reconnaissent que l’État, garant de l’intérêt national, est légitime à y intervenir fortement.

Il faut également que les uns et les autres reviennent à la table des négociations et discutent enfin.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est un peu tard !

M. Philippe Dallier. Pourrons-nous y parvenir uniquement en amendant ce texte ? Je ne le crois pas, mais nous pouvons en tous les cas donner des signes forts aux collectivités locales, notamment dans la constitution du conseil de surveillance de la future Société du Grand Paris.

Dans un récent entretien accordé à la revue L’Architecture d’Aujourd’hui, le Président de la République a, plus clairement encore que dans son discours du 29 avril dernier prononcé à la Cité de l’architecture, émis le souhait que le syndicat mixte Paris Métropole joue un rôle prépondérant dans ce Grand Paris. Je vous proposerai donc des amendements visant à le positionner comme tel.

Nous pouvons également, monsieur le secrétaire d’État, en revenant sur l’amendement de notre collège Yves Pozzo di Borgo, qui, certes, avait une logique vertueuse, mais qui est manifestement brutal,…

M. Jacques Mahéas. Brutal, c’est le mot !

M. Philippe Dallier. … inviter l’État et la région à discuter des projets de transport, à les retenir ou à les modifier, en fonction de la nouvelle donne que constitue votre métro automatique.

Mes chers collègues, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle, chacun le comprend, le risque est grand d’un blocage complet jusqu’à cette échéance. C’est à l’évidence la tentation de certains.

M. Jean-Pierre Caffet. Pas la nôtre !

M. Philippe Dallier. Nous aurions alors perdu quatre années depuis 2008 !

Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe-là. Voilà pourquoi je forme des vœux pour qu’au-delà de nos divergences politiques, qui peuvent bien sûr avoir du sens, nous tentions, de bonne foi, les uns et les autres, de faire bouger les choses.

Sur un sujet aussi important, nos concitoyens ne nous pardonneraient pas nos petites querelles, car c’est assurément, au bout du compte, le Grand Paris et la France entière qui y perdraient. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les accents des dernières interventions m’ont fait penser que nous avions échappé de peu à une guerre civile…

Revenons à la raison !

Je crois l’avoir indiqué dans mon propos introductif – mais peut-être certaines interventions avaient-elles été rédigées auparavant, c’est du moins le sentiment que j’en ai retiré –, il s’agit ici de faire le Grand Paris avec des outils présentés dans ce projet de loi, et de le faire ensemble, c'est-à-dire que l’État prend la responsabilité d’engager cette action et les collectivités territoriales concernées …

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … ne paient pas l’infrastructure de transport.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je l’ai dit, vous l’avez entendu…

M. Christian Cambon. Mais M. Bodin n’entend pas !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … et je le répéterai chaque jour si nécessaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est la réalité !

M. Jean-Pierre Caffet. Les communes « concernées » sont aussi compétentes légalement !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’y viens.

Nous avons la volonté de réaliser ensemble un projet stratégique d’intérêt national, chacun étant dans sa compétence.

J’ai apporté des précisions sur ce point tout à l’heure : les compétences de la région ne sont en rien affectées par ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est faux !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je l’affirme depuis trois ou quatre mois et personne, à ce jour, ne m’a prouvé que mon analyse était erronée.

M. Jean-Pierre Caffet. On va le faire !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je vous entendrai avec beaucoup d’intérêt. Mais ce n’est pas l’objet du débat.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit ici de réaffirmer que chacun, dans ses compétences, doit aider à la réalisation de ce projet d’intérêt national.

Nous aurons l’occasion, dans les jours qui viennent, d’approfondir ces différentes questions au travers des amendements, mais je voudrais relever rapidement un certain nombre de points.

D’abord, je n’ai entendu aucune sénatrice ni aucun sénateur – ni d’ailleurs aucun député – remettre en cause la volonté de placer la ville-monde au niveau des grandes villes-monde actuellement en compétition.

M. Yannick Bodin. Il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade !

Mme Nicole Bricq. On ne vous a pas attendu, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce point est fondamental car, si le schéma directeur d’aménagement de l’Île-de-France avait été ce qu’il aurait pu être, le Président de la République, lors de sa prise de fonctions, n’aurait pas été amené à demander, par l’intermédiaire du Premier ministre, à deux reprises, au président de la région de mettre en place un projet de développement régional ambitieux. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Caffet. Il aurait trouvé autre chose !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Non, pas du tout ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Je suis prêt au dialogue, pas à un échange d’interjections !

M. Yannick Bodin. Il faut être crédible !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Crédible ? Je vais vous dire en quoi ce qui vous est proposé est crédible, monsieur le sénateur.

M. Alain Gournac. Et notre collègue est-il crédible lui-même ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Quand on propose un projet d’aménagement de la région parisienne par lequel on entend, même si cela n’a pas été dit à l’époque, faire de la capitale une ville-monde, c’est-à-dire une ville internationale, mais sans prévoir que le réseau de transport soit relié aux aéroports, que ce soit Roissy-Charles de Gaulle, Orly ou le Bourget, cela pose déjà un petit problème de stratégie !

M. Alain Gournac. En effet !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Et puisque, par ailleurs, vous avez été nombreux à parler aujourd’hui de cohésion sociale, j’attire votre attention sur le fait que l’enclavement des territoires les plus sensibles - Montfermeil, Aulnay-sous-Bois, Clichy, Sevran, mais également Villiers - n’était en rien traité par le schéma directeur.

Donc, qu’il s’agisse du développement économique international ou de la cohésion sociale, il existait effectivement de profondes lacunes.

M. Jacques Mahéas. C’est vrai !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle une ambition nouvelle était nécessaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. C’est ainsi qu’est né le projet du Grand Paris, mesdames, messieurs les sénateurs.

Messieurs Romani et Pozzo di Borgo, madame Dumas, vous avez rappelé très fortement l’enjeu du Grand Paris pour peser dans la compétition internationale, au bénéfice de toute la France, et pour favoriser la croissance du pays tout entier. Je vous en remercie. Tel est effectivement l’élément premier qui fonde ce projet.

Cela a d’ailleurs de nombreuses conséquences, notamment l’articulation de la région capitale avec sa façade maritime, que vous avez soulignée justement et avec beaucoup de talent, madame Morin-Desailly, monsieur Revet. Je vous rejoins parfaitement sur ce point.

En revanche, je dois écarter une interprétation du projet de loi que j’ai entendue mais que je récuse. Le projet de loi crée une Société du Grand Paris, c’est un fait, mais cela ne peut en rien préfigurer une forme de gouvernance du Grand Paris : ce n’est qu’un établissement.

Mme Nicole Bricq. Avec des pouvoirs exorbitants !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. D’aucuns ont estimé que le syndicat mixte Paris Métropole – j’ai d’ailleurs moi-même évoqué cette question dans mon propos introductif – pourrait être un élément préfigurant la gouvernance.

Ce n’est pas l’objet du présent projet de loi, mais nous pourrons en parler, et sérieusement, mesdames, messieurs les sénateurs.

MM. Dallier et Dominati, qui sont des spécialistes de la gouvernance, seront d’accord avec moi : ce n’est pas ainsi que l’on préfigurera la gouvernance du Grand Paris. Plus tard, la question de cette gouvernance devra être posée ; elle l’est déjà, mais en pointillé. Tout le monde doit pouvoir y travailler et trouver des formes consensuelles pour la résoudre.

Cette question m’amène, madame Bricq, à vous répondre sur les compétences. Vous avez rappelé que les collectivités territoriales « ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ».

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Constitution !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Vous avez en effet cité les termes de l’article 72 de la Constitution, légitimant par là même ce projet de loi, qui met en œuvre des décisions correspondant à des compétences qui ne peuvent être mises en place que par l’État.

Vous savez d’ailleurs suffisamment ce qui se passe au-delà de nos frontières pour ne pas ignorer que, dans toutes les grandes capitales, y compris à Londres, qui n’est pas si loin, les grands projets d’intérêt national s’élaborent avec l’État.

Mme Nicole Bricq. En Grande-Bretagne, la décentralisation n’existe pas !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. La présence de l’État britannique au sein des autorités du Grand Londres est supérieure à celle de l’État français dans la gouvernance de Paris aujourd’hui et du Grand Paris de demain. Et je pourrais continuer la liste des exemples.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En quoi est-elle « supérieure » ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Mais il y a plus gênant encore.

M. Yannick Bodin. Plus gênant pour qui ? Pour vous !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Non !

Madame Bricq, vous avez fait reproche au projet de loi relatif au Grand Paris de ne pas avoir repris le SDRIF.

Mme Nicole Bricq. Vous le bloquez, c’est un fait !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je ne développerai pas davantage les lacunes du schéma directeur, j’ai déjà parlé des aéroports, sinon pour citer rapidement le plateau de Saclay ou un certain nombre d’autres atouts qui n’ont pas été pris en compte, alors que tous contribueraient au rayonnement international et national de Paris.

Plus graves me semblent les propos que vous avez tenus sur les créances de l’industrie automobile, laissant entendre qu’elles pourraient ne pas être honorées. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

M. Alain Gournac. C’est honteux !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Je suis très embarrassé de savoir que ces affirmations figureront au Journal officiel. Comment un élu de la nation peut-il prétendre avoir des doutes sur les créances des constructeurs automobiles français ?

Mme Nicole Bricq. On ne sait pas quand ils les rembourseront !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Si, à l’échelon national, de telles réserves sont déjà gênantes, elles le sont plus encore à l’échelon international.

Depuis des mois, j’entends dire que le financement du réseau automatique de transport, dit « double boucle », ne sera pas assuré ...

Mme Nicole Bricq. Il ne l’est pas !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... et que l’État ne parviendra pas à trouver un dispositif en ce sens.

Or, à peine l’examen de ce projet de loi par le Sénat a-t-il débuté que le Gouvernement explique, par ma voix, que cette infrastructure sera financée.

Mme Nicole Bricq. Ce ne sont que des paroles ! Nous verrons à l’automne ce qu’il en est, au moment de l’examen du projet de loi de finances !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Il s’agit d’un engagement !

M. Jacques Mahéas. C’est le Premier ministre qui devait s’engager sur cette question !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce n’est pas vrai. Il n’est qu’à se reporter à mes propos : j’ai affirmé que ce serait le Président de la République, le Premier ministre ou moi-même !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. J’en viens à Arc Express,…

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. … qu’ont évoqué Mme Voynet ainsi que MM. Lagauche et Mahéas. Notre ambition est-elle de voir la région réaliser les deux axes d’Arc Express – le nord et le sud –, soit seulement 50 kilomètres de voies,...

M. Jean-Pierre Caffet. Nous sommes des petits bras ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. ... tandis que l’État se chargera des 130 kilomètres de la double boucle, qui reprend à 80 % le tracé d’Arc Express ?

Il faudra expliquer une telle position à la fois devant la Haute Assemblée et devant l’opinion publique.

M. Jacques Mahéas. Attendez l’enquête publique !

M. Jean-Pierre Caffet. Il faudrait montrer le tracé !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Jusqu’à présent, je ne me suis pas prononcé sur ces questions, mais je le ferai maintenant que le débat est ouvert.

Il faudra également expliquer à Clichy-Montfermeil, Sevran, Gonesse et même Sarcelles qu’elles ne seront plus desservies… Sauf à repenser totalement Arc Express, et à revoir le dossier qui a été transmis à la Commission nationale du débat public, on voit mal comment ces communes pourront l’accepter, à juste titre, d’ailleurs, car elles ont commencé à comprendre le développement qu’elles peuvent attendre de cette desserte.

M. Jacques Mahéas. Et au sud ?

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Ce qui m’importe, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont les projets eux-mêmes, non leurs auteurs ! J’aurais aimé applaudir à d’autres projets, pour peu que ceux-ci puissent se concrétiser intégralement et rapidement, parce qu’ils revêtent une importance stratégique pour les populations et pour l’économie.

Mmes Assassi, Tasca et Khiari ainsi que MM. Collin et Vera ont évoqué la nécessaire confiance qui devait régir les relations entre les collectivités territoriales et l’État. Dès l’instant que les compétences sont bien définies – c’est le cas – et que les engagements réciproques sont tenus à chaque fois qu’une variable d’ajustement doit être mise en place – je pense au contrat de plan État-région –, la confiance est possible. Je ne vois donc pas en quoi nous pourrions a priori nourrir des inquiétudes particulières à ce sujet.

Certes, nous aurons l’occasion d’approfondir la question des transports lors de la discussion des articles, mais je précise d’emblée à Mme Procaccia et à M. Cambon que le fait de favoriser, à l’est de l’aire urbaine, le développement du Val-de-Marne et d’intégrer dans le contrat de plan État-région ne serait-ce que le prolongement de la Tangentielle Nord jusqu’à Champigny-sur-Marne constitue une priorité pour le Gouvernement.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Jacques Mahéas. N’oubliez pas la concertation !

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Certes, cela dépendra de la région et de l’État. Toutefois, il s’agira d’un point essentiel du contrat qui sera proposé par la région ou que nous amenderons. J’en ai pris l’engagement ; nous le tiendrons.

M. Christian Blanc, secrétaire d'État. Madame Assassi, évitons les clichés. Si je comprends bien votre raisonnement, avec la double boucle, l’État se chargerait des trajets « boulot-boulot », alors qu’Arc Express assurerait les trajets « boulot-domicile ».

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce que j’ai dit !