compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport 2009 sur l’état des lieux de l’emploi scientifique en France, en application de l’article L. 411-2 du code de la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Il sera disponible au bureau de la distribution.

3

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (n° 235, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 32 de notre règlement. Je sais d’ailleurs que vous y serez très sensible, compte tenu de votre attachement à la Méditerranée et aux bonnes relations entre le Nord et le Sud.

J’appelle donc votre attention ainsi que celle de M. le ministre sur les conditions dans lesquelles Mlle Najlae Lhimer, élève au lycée professionnel d’Olivet, dans le Loiret, résidant à Châteaurenard, a été expulsée vers le Maroc.

Il apparaît que cette jeune fille est venue exposer aux autorités légitimes – la police et la gendarmerie – qu’elle était victime de violences. Entrée en France avec sa mère alors qu’elle était mineure, elle ne disposait certes pas de titre de séjour. Toutefois, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez insiste à juste titre sur la nécessité de lutter contre les violences faites aux femmes et prend, toujours à juste titre, des dispositions pour assurer leur protection.

Dans ces conditions, il aurait été à mon sens pleinement justifié que le temps soit pris pour assister Mlle Lhimer et lui apporter la protection nécessaire. Une telle réponse aurait été beaucoup plus appropriée à sa situation que la mesure d’expulsion expéditive qui lui a été infligée.

S’agissant d’une lycéenne, il est étonnant qu’une telle décision ait pu intervenir sans que le proviseur de son lycée ni le maire de sa commune, au sein de laquelle elle œuvrait en tant que bénévole à la médiathèque, aient été consultés. J’ajoute que, tant dans son lycée que dans sa commune, Mlle Lhimer jouit d’une réputation très positive.

Ces différentes considérations me conduisent à solliciter votre intervention, monsieur le ministre, ainsi que celle du président du Sénat. Il ne me paraît en effet pas conforme à l’idée que nous nous faisons de la République française qu’une personne de dix-neuf ans qui vient solliciter de l’aide pour mettre fin aux violences qu’elle subit soit expulsée de manière aussi rapide et sans tenir compte de la situation dans laquelle elle se trouve.

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Sueur.

5

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Discussion générale (suite)

Jeux d'argent et de hasard en ligne

Discussion d'un projet de loi

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (projet n° 29, texte de la commission n° 210, rapport n° 209, avis nos 227 et 238).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est soumis aujourd’hui porte sur le sujet difficile et sensible des jeux d’argent et de hasard.

Je voudrais avant tout resituer le contexte. Pourquoi devons-nous légiférer ?

Après tout, nous avons une législation qui organise un marché des jeux – elle date certes du XIXe siècle –, parce que la demande paraît légitime, tout en protégeant l’ordre public et l’ordre social. En somme, la tradition française autorise le jeu en le canalisant à travers un circuit contrôlé. Ces circuits, vous les connaissez tous : il s’agit du pôle des casinos, du pôle des paris hippiques confié au Paris mutuel urbain, le PMU, et du pôle de la loterie d’État confié à la Française des jeux.

Mais cet équilibre, qui a fonctionné pendant plus d’un siècle, est profondément modifié par la présence d’une offre de jeu en ligne qui se développe en dehors de tout cadre légal. Internet, si j’ose dire, a changé la donne, et pas seulement dans ce secteur d’ailleurs. Songez que, chaque jour, 25 000 sites proposent des jeux dans tous les domaines. En France, le montant des mises oscillent ainsi, au minimum, entre 3 milliards et 4 milliards d’euros, avec 5 % de Français joueurs sur internet.

Si nous nous inscrivons dans notre tradition en matière de jeux, ce n’est donc pas la demande qui pose problème, mais bien l’offre pléthorique illégale. Les joueurs n’ont en effet plus nécessairement besoin de se déplacer dans un casino ou de se rendre à un guichet de la Française des jeux ou du PMU. Sur internet, ils peuvent parier, n’importe quand, n’importe comment et sur n’importe quoi.

Cette situation – cette jungle des jeux illégaux en ligne, devrais-je dire – n’est plus tenable. Il est donc de la responsabilité du Gouvernement d’apporter une réponse adaptée. Il est de la responsabilité du Gouvernement de faire respecter l’État de droit et de protéger nos concitoyens.

Face à cette situation, deux attitudes s’affrontent : d’un côté, les partisans de l’interdiction totale, de la prohibition ; de l’autre, ceux qui souhaitent une ouverture du marché des jeux la plus large possible, laissant à chacun le soin de décider s’il joue ou non et, surtout, de quelle manière.

Ces deux attitudes conduisent à une impasse.

La prohibition – certains amendements que nous examinerons tout à l’heure préconisent cette solution – n’a jamais fonctionné, car le jeu fait partie de notre histoire depuis toujours. Elle fonctionnerait d’autant moins s’agissant des jeux sur internet, et ce serait une lutte perdue d’avance, comme la lutte que mènent les pays refusant de s’ouvrir à internet.

D’ailleurs, les pays qui ont fait ce choix n’ont en rien éradiqué l’offre illégale.

Ainsi, en Allemagne, depuis janvier 2008, le chiffre d’affaires des opérateurs légaux a diminué, les parieurs privilégiant les opérateurs illégaux. Aux États-Unis, la réussite est telle que le marché des jeux en ligne illégal a été évalué, en 2007, à quelque 9 milliards d’euros ! On peut donc douter de cette stratégie.

La seconde attitude – la liberté totale – serait irresponsable. L’absence de régulation de l’État conduit à des situations intenables pour les joueurs et leurs familles. Il suffit d’ailleurs d’écouter les professionnels de la santé qui traitent des cas d’addiction – nous les avons beaucoup consultés – pour comprendre les ravages que peut faire le jeu lorsqu’il n’est pas contrôlé.

Entre ces deux solutions, il nous est apparu juste et raisonnable de faire le choix d’une ouverture maîtrisée, adaptée à la problématique d’internet. J’entends dire que cette ouverture nous serait imposée par la Commission européenne ou par une directive. Je veux le répéter ici après l’avoir expliqué en commission : nous n’ouvrons pas le marché des jeux en ligne pour faire plaisir à qui que ce soit,…

M. Jean Arthuis, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. C’est vrai !

M. Éric Woerth, ministre. … ni à tel ou tel opérateur comme j’ai pu le lire ou l’entendre – j’imagine que je l’entendrai encore pendant des années –, ni à la Commission européenne, ni à je ne sais quelle administration.

Nous l’ouvrons pour réguler un marché qui n’est plus régulé ; nous l’ouvrons, car la tradition française en la matière est d’encadrer ce secteur, pas de le regarder se développer sans rien faire, pas de le laisser prospérer sans agir. Nous nous inscrivons donc dans une continuité historique qui vise à adapter notre modèle de régulation des jeux à l’évolution sociologique de ce phénomène.

Je suis convaincu que la réponse la plus adaptée est d’assécher progressivement le marché noir des jeux en ligne en créant une offre légale qui obéira aux règles que vous aurez édictées, et en y associant en complément des outils de lutte contre les sites illégaux, contre l’addiction et pour la protection des mineurs. C’est bien l’addition de tous ces outils qui créera un système de maîtrise puissant. C’est le pari qu’a fait l’Italie, et cela commence à marcher.

Il y a urgence à réinstaurer l’État de droit en la matière. Il y a urgence à fixer les nouvelles règles du jeu pour les opérateurs qui souhaiteront accéder au marché français. Il y a urgence à constituer des mécanismes de contrôle qui trouvent leur origine dans la loi. Chaque jour, de nombreux Français, notamment des mineurs, accèdent à ce marché, à ce type de jeux, sans aucun contrôle.

Toutefois, pour que ces règles s’appliquent, il faut que l’ouverture du marché réussisse, qu’elle soit suffisamment attractive pour les opérateurs souhaitant entrer dans le champ de la légalité, sans pour autant que nos valeurs, les principes de protection de l’ordre public et de l’ordre social soient remis en cause. L’ouverture maîtrisée sera donc une véritable ouverture du marché des jeux en France, mais pas à n’importe quelle condition. Nous ne transigerons pas sur le risque d’addiction des joueurs, le risque pour les mineurs, les risques de fraude et de blanchiment.

C’est la raison pour laquelle le texte dont vous allez débattre repose sur deux piliers indissociables : une offre de jeu sécurisée, contrôlée et régulée ; la mise en œuvre d’un cumul d’obstacles conduisant à assécher le marché illégal.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands principes de ce texte. Permettez-moi, avant d’insister sur quelques points saillants du texte, de remercier les rapporteurs de ce texte avec lesquels nous avons travaillé assidûment, opérant un véritable travail de fond, et tout particulièrement MM. François Trucy et Ambroise Dupont, ainsi que l’ensemble de la commission des finances et son président, M. Jean Arthuis.

Tout d’abord, le champ de l’ouverture sera limité à certains types de paris et jeux : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker.

Pourquoi ceux-là ? Parce qu’il s’agit des jeux et paris qui à la fois présentent les risques d’addiction les moins importants et constituent l’essentiel de la demande sur internet. Par exemple, les machines à sous, qui font courir un risque de dépendance très élevé, ne seront pas autorisées sur internet et demeureront sous le monopole des casinos.

Sous quelle forme peut-on parier ? Cette question a été souvent évoquée.

Les paris sportifs seront autorisés sous la forme mutuelle – les joueurs parient les uns contre les autres –, mais aussi sous la forme du pari à cote, l’opérateur pariant alors contre les joueurs.

Certains amendements visent à supprimer le pari à cote. Mais ce mode de pari représente la quasi-totalité de l’offre, aujourd’hui illégale, en matière de paris sportifs. Si nous ouvrons ce marché sans permettre ce type de pari, cela revient à ne pas ouvrir le marché des paris sportifs. Cela revient à dire aux opérateurs illégaux : puisque nous n’ouvrons pas le marché sur les produits qui sont demandés, continuez à agir dans l’illégalité.

Certains disent que ce type de pari présente des risques importants de tricherie et de fraude. C’est précisément pour prévenir ces risques que le projet de loi prévoit des mesures permettant de prévenir tout excès et tout conflit d’intérêt. Ainsi, les sportifs et les dirigeants de clubs ne pourront pas parier sur les événements auxquels ils participent, et les paris sur des résultats d’épreuves virtuelles seront interdits.

Surtout, ces paris seront autorisés après avoir recueilli l’avis des fédérations sportives concernées sur les catégories d’épreuves à retenir et les types de résultats pertinents, c’est-à-dire non manipulables. Les fédérations sportives connaissent cela et détermineront quels supports de jeu doivent être retenus, en liaison avec l’État.

Les paris hippiques constituent le deuxième ensemble de paris autorisé par le projet de loi, monsieur Ambroise Dupont. Vous savez comme moi que la France, comme de nombreux pays, vit dans la tradition du pari hippique organisé sous la forme mutuelle. L’offre illégale ne concerne d’ailleurs que ce type de paris. En conséquence, le projet de loi n’autorise pas le pari à cote pour les paris hippiques.

Enfin, le troisième ensemble de jeux autorisé concerne le poker. Ce jeu connait un succès absolument phénoménal et représente les trois quarts des sommes misées aujourd’hui sur internet. Le poker fait courir moins de risques d’addiction que les autres jeux de casinos. Il était donc nécessaire de retenir ce jeu, très prisé par les jeunes, si nous voulons que les joueurs choisissent de jouer dans un cadre légal au détriment d’autres jeux que nous poussons dans l’illégalité.

Au-delà du champ de l’ouverture, ce projet de loi permet de réinstaurer un État de droit sur le marché des jeux en ligne : il définit les obligations que les opérateurs légaux devront respecter et il met en place les outils indispensables pour lutter contre ceux qui choisiront de rester dans l’illégalité.

Les opérateurs qui souhaitent accéder au marché français des jeux en ligne devront obtenir un agrément qui leur sera accordé pour une durée de cinq ans renouvelable. Nous ne mettrons pas en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle, en vertu duquel l’opérateur reconnu ou agréé dans un État de l’Union est agréé partout, car la France souhaite pouvoir décider elle-même sur quels critères un opérateur sera autorisé à jouer en France. C’est là un point important. Nous refusons de mettre en œuvre ce principe car nous entendons rester maîtres du jeu chez nous, si vous me permettez l’expression.

Il n’y aura pas, parallèlement, de numerus clausus, l’objectif du projet de loi étant de permettre à tous ceux qui veulent rentrer dans la légalité de le faire, à partir du moment où ils respectent les conditions pour cela. Plus nous aurons d’opérateurs légaux, plus il sera difficile pour les opérateurs illégaux de continuer à proposer une offre sur internet en France.

L’octroi de l’agrément puis le suivi du respect de cet agrément nous ont conduits à proposer la création d’une autorité indépendante, l’autorité de régulation des jeux en ligne, ou ARJEL, qui sera chargée d’attribuer les licences aux opérateurs, de contrôler leurs obligations et de lutter contre l’offre de jeux illégale.

Les licences seront attribuées par l’ARJEL sur la base d’un cahier des charges extrêmement strict, qui reprendra les règles et principes fixés dans la loi, mais aussi dans les décrets que nous prendrons immédiatement après la loi. Ce cahier des charges fixera notamment des règles précises en matière de solidité financière, de moralité des opérateurs, de contrôle de l’identité des joueurs, de protection des mineurs, de promotion d’un jeu responsable, de traçabilité des informations de jeu et des informations financières, de lutte contre le blanchiment d’argent et les paradis fiscaux et de préservation de l’intégrité des compétitions sportives et hippiques. Vous conviendrez avec moi qu’il s’agit là d’obligations lourdes, à même de réguler cette ouverture.

J’ajoute que ces opérateurs feront l’objet d’un contrôle permanent de leurs obligations par l’ARJEL. Ils seront tenus de communiquer en temps réel toutes les données de jeu conservées dans un dispositif technique sécurisé, situé sur le territoire français. En cas de manquement, ils pourront être sanctionnés, et leur agrément pourra être suspendu voire retiré.

Voila pour ce qui est du cadre légal qui va s’imposer aux opérateurs ayant obtenu un agrément.

Parallèlement, un ensemble de dispositions est prévu afin de lutter contre les opérateurs illégaux, c'est-à-dire ceux qui ne respecteront pas les règles fixées par l’État français. Aucun ensemble de dispositions, dans le domaine d’internet, n’est efficace à 100 %. C’est, au fond, la combinaison de ces dispositifs qui permet d’apporter la réponse la plus adaptée.

La première mesure qui va permettre de lutter contre les opérateurs illégaux consiste à autoriser les opérateurs agréés à faire de la publicité et donc à l’interdire pour les opérateurs illégaux. Sur ce type de marché, seuls peuvent survivre les sites dont on parle, c’est-à-dire ceux qui se font connaître. L’absence de publicité est tout simplement mortelle pour les sites illégaux. Cette publicité sera bien sûr encadrée ; elle ne devra pas concerner les mineurs et sera assortie de messages de prévention.

M. Éric Woerth, ministre. J’ai beaucoup travaillé sur ce sujet avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou CSA, et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, ou ARPP, qui vient de se doter d’un code de déontologie et de bonnes pratiques adapté au secteur des jeux.

À cela vont s’ajouter plusieurs outils de lutte contre les sites illégaux. Ainsi, un site illégal qui n’obtempérera pas après mise en demeure par l’ARJEL pourra par exemple être bloqué sur injonction du juge.

En outre, les transactions financières entre les banques françaises des joueurs et les sites illégaux pourront faire l’objet d’un blocage.

Ensuite, des « cyber-patrouilleurs » – issus, par exemple, des services douaniers mais également de la police – seront habilités à aller sur les sites illégaux pour constater des infractions.

Par ailleurs, des amendes lourdes pourront être décidées à l’encontre des diffuseurs de publicité pour des sites illégaux.

Ainsi, un opérateur illégal, qui verra son site et les transactions financières avec les joueurs bloqués, et qui sera dans l’incapacité de se faire connaître, ne pourra subsister face à des opérateurs agréés ayant acquis la confiance des joueurs et respectant les règles fixées par l’État français.

S’agissant des opérateurs illégaux qui sont aujourd’hui actifs en France et qui souhaitent obtenir une licence dans notre pays, ils ne pourront bénéficier de l’avance qu’ils auraient pu prendre depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. La question qui se pose est de savoir si un opérateur peut tirer parti d’une précédente installation illégale en France.

Ces opérateurs, qui sont nombreux, seront obligés de remettre à zéro leurs compteurs : ainsi, ils ne pourront pas transférer les comptes ouverts dans l’illégalité, et qui fonctionnent aujourd’hui, sur un site qui aurait obtenu l’agrément. Ils devront repartir de zéro et entreprendre à nouveau la démarche commerciale.

Sur proposition du rapporteur, M. François Trucy, le texte a été renforcé en commission des finances : il prévoit des peines spécifiques, allant jusqu’au retrait de l’agrément, pour l’activité illégale d’un opérateur après l’entrée en vigueur du texte. Il reviendra au juge de prononcer cette sanction, de sorte qu’elle soit juridiquement solide. Je partage bien évidemment cette ambition de M. le rapporteur de lutter contre les opérateurs illégaux.

Si nous faisons tout cela, les opérateurs légaux vont assécher le marché illégal. Mais ce n’est pas suffisant. En effet, l’ouverture prévue ne peut se faire qu’à la condition que soient respectées la lutte contre l’addiction, la protection des mineurs et l’éthique des compétitions sportives.

Sur ce sujet, le rapporteur de la commission des finances, M. François Trucy, a fait adopter un amendement fondamental pour établir enfin un comité consultatif des jeux portant sur l’ensemble du secteur des jeux en France.

La lutte contre la dépendance aux jeux est en effet un défi majeur. De l’avis même des professionnels de la lutte contre l’addiction – j’en ai rencontré beaucoup, comme vous, j’imagine –, le texte constitue une véritable avancée en matière de prévention et de soins.

Je citerai quelques exemples.

Pour la première fois, le taux de retour aux joueurs, ou TRJ, sera plafonné. Le plafonnement du TRJ, qui est nécessaire pour lutter contre le blanchiment – le blanchiment présente en effet moins d’intérêt lorsque le TRJ est faible –, constitue un frein au jeu et permet donc de limiter la dépendance.

Les opérateurs de jeux devront mettre en place sur leurs sites un ensemble de modérateurs de jeu. Ces modérateurs doivent permettre de limiter le temps passé à jouer, d’informer les joueurs sur leurs pertes réelles ou potentielles et de détecter les joueurs à problème.

L’effort public pour la connaissance, la prévention et le traitement de la dépendance aux jeux sera renforcé. En particulier, une partie des recettes sociales sera destinée au financement de la lutte contre l’addiction aux jeux, au financement de la prévention via un retour à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et enfin au financement des soins, comme le rappellent les amendements de M. About.

Le texte prévoit aussi d’améliorer la protection de l’éthique des compétitions sportives. En effet, il met un terme à une situation qui n’est ni régulée ni contrôlée. Les paris légaux ne pourront porter que sur des compétitions et des types de résultats déterminés après avis des fédérations sportives et non, comme c’est le cas aujourd’hui, sans que ces dernières aient jamais leur mot à dire.

Ce texte permet la mise en place, grâce au droit de propriété, de liens privilégiés entre le monde du sport et celui des opérateurs de paris, afin d’exclure toute épreuve ou pratique à risque.

Il vise à marginaliser les opérateurs illégaux, et donc à faire porter les enjeux financiers des paris sur des opérateurs agréés, contrôlés, qui ont tout intérêt à lutter contre les types de pratiques qui pourraient nuire à leur réputation.

Il permet de protéger les joueurs français, qui peuvent aujourd’hui prendre des paris sur des sites appartenant à des réseaux mafieux et où ils ne peuvent être que victimes d’escroqueries. Enfin, le texte prévoit divers dispositifs pour empêcher l’accès des mineurs aux sites de jeux, pour éviter qu’ils ne soient en contact avec des publicités.

Enfin, cette ouverture ne pourrait avoir lieu si la fiscalité n’était pas à la fois compétitive – autrement dit si elle n’empêchait pas le jeu illégal de devenir légal – et soucieuse de préserver les intérêts financiers de l’État. Ce sont deux impératifs, deux contraintes qu’il est difficile de concilier. En effet, selon la règle de droit, les taux doivent être les mêmes par catégorie de jeux ou paris, qu’ils soient mis à disposition des joueurs dans le réseau physique ou sur internet.

Concrètement, cela signifie que, lorsque nous baissons le niveau de fiscalité pour les jeux et paris qui seront diffusés sur internet, nous devons faire de même pour ceux qui sont diffusés par le PMU – chez les buralistes, par exemple –, ou par la Française des Jeux dans le réseau physique, ce qui peut mécaniquement entraîner une perte de recettes pour l’État.

Le projet qui vous est soumis fixe un point d’équilibre, sur lequel nous avons beaucoup travaillé et échangé – bien sûr, c’est non pas une vérité absolue, mais une sensibilité – entre les deux objectifs suivants : garantir des recettes pour l’État et permettre à la maîtrise ouverte des jeux de fonctionner. Nous avons fixé ce taux à 7,5 % des mises pour les paris sportifs et hippiques, et à 2 % des mises pour le poker, avec un plafond fixé à 1 euro par donne.

Avec cette fiscalité, nous pensons être en mesure de préserver les recettes de l’État, la baisse des taux étant en fait compensée par la hausse de l’assiette, c’est-à-dire l’augmentation du volume de paris. J’attire cependant votre attention sur le fait qu’il serait très dangereux pour le budget de l’État de modifier cet équilibre. Nous pourrons certes travailler à nouveau sur cet équilibre une fois qu’il sera entré en vigueur, mais il n’en reste pas moins un équilibre finement pesé.

Le projet de loi prévoit, en outre, un retour financier vers le monde du sport : vers le sport professionnel d’abord, qui bénéficiera en particulier de recettes de sponsoring – cette mesure est attendue avec impatience, c’est le moins que l’on puisse dire –, vers le sport amateur et de haut niveau ensuite, qui profitera d’un retour par l’intermédiaire d’un prélèvement sur les paris sportifs affecté au Centre national pour le développement du sport, le CNDS.

Le CNDS conservera naturellement la part de 1,8 % sur les activités de loterie et de grattage qui lui rapporte déjà 163 millions d’euros par an. Il bénéficiera aussi d’un prélèvement de 1,3 % en 2010, de 1,5 % en 2011 et de 1,8 % en 2012 sur les jeux sur internet, mais celui-ci ne sera plus plafonné, comme c’était le cas jusqu’à présent.

En ce qui concerne les paris hippiques, les opérateurs devront contribuer au financement de la filière hippique – j’en ai pris l’engagement –, filière qui représente plus de 60 000 emplois dans l’ensemble de notre territoire et joue un rôle considérable en termes d’emploi mais aussi d’aménagement du territoire.

Le texte donne aux sociétés mères de courses une mission de service public, qui sera financée par une taxe affectée portant sur les sommes engagées par les parieurs sur les paris hippiques en ligne. Son taux, en lien avec le coût des missions de service public des sociétés mères, ne pourra être inférieur à 7,5 % et supérieur à 9 % – nous avons gardé une marge de manœuvre, afin de pouvoir travailler dans le cadre de cette fourchette. Nous pourrons ainsi sortir de la situation actuelle, dans laquelle les sociétés de courses voient se multiplier des paris illégaux pour lesquels elles n’ont aucun retour financier.

Je ne saurais être exhaustif sans évoquer le patrimoine monumental, qui bénéficiera également d’un retour financier dans le cadre de ce projet de loi…

M. Éric Woerth, ministre. … par l’affectation d’une partie des recettes fiscales prélevées sur le poker en ligne. Ce versement, plafonné à 10 millions d’euros, sera attribué au Centre des monuments nationaux.

Je voudrais, pour finir, vous faire part de ma conviction concernant les délais. Notre calendrier d’ouverture – les experts que vous êtes le savent –, est terriblement tendu,…