Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, à l’issue de nos débats, l’appréciation que la majorité des membres du groupe du RDSE porte sur ce projet de loi reste la même que celle qu’avait exprimée Jacques Mézard lors de la discussion générale. Nous persistons à croire que les mesures de sûreté introduites en 2008, et largement étendues par ce texte, ne constituent pas une solution appropriée pour prévenir le risque de récidive.

Loin de céder à un quelconque angélisme, nous souscrivons sans réserve aux objectifs de protection des victimes, de réparation des préjudices et de prévention de la récidive.

En revanche, nous ne sommes pas disposés à partager l’esprit de toutes les solutions qui ont été retenues, non seulement dans ce texte, mais aussi depuis huit ans maintenant, au travers d’une inquiétante frénésie législative et répressive.

Je voudrais rappeler qu’à l’origine le rapport Lamanda, qui devait servir de fil conducteur au présent texte, suggérait de modifier sur certains points la loi de février 2008, d’en combler les lacunes ou d’en corriger les insuffisances. Nous en sommes bien loin : l’Assemblée nationale s’est éloignée de ces recommandations en durcissant considérablement le texte. M. le rapporteur a d’ailleurs remarqué que les dispositions en discussion posaient des difficultés juridiques et pratiques, qu’il s’est efforcé de lever.

Madame le ministre, nous sommes persuadés que l’extension des mesures de sûreté ne contribuera pas à freiner la récidive. Vous nous avez rappelé votre attachement au principe d’individualisation des peines, mais votre texte renforce l’automaticité des sanctions et amoindrit la marge d’appréciation des magistrats. La surpopulation carcérale – contre laquelle, nous le savons, vous vous battez – et l’absence de préparation à la sortie de prison sont des facteurs de récidive, et rien, dans ce texte, ne contribue à inverser la tendance.

Nous remercions tout particulièrement le rapporteur et la commission des lois d’avoir enfin affirmé que le traitement anti-libido ne pouvait être prescrit que par le médecin traitant, en supprimant l’obligation faite à ce dernier d’informer le juge d’application des peines du refus ou de l’interruption du traitement.

Nous remercions également, avec force, M. About et la commission des affaires sociales d’avoir rappelé que soigner n’est pas la même chose qu’empêcher de nuire, qu’il ne faut pas accorder une attention disproportionnée aux traitements hormonaux et que la médecine ne saurait être instrumentalisée à des fins de défense sociale. Mais nous demeurons opposés à la philosophie qui tend à faire du traitement anti-libido une solution miracle, en l’absence de consensus scientifique.

Nous avons défendu de nombreux amendements qui avaient pour ligne directrice de rétablir un équilibre au sein de la procédure entre la nécessaire protection de l’ordre public, les intérêts de la victime et les droits de la personne mise en cause. Ils n’ont pas tous été adoptés ; c’est pourquoi la grande majorité des membres de mon groupe s’opposera à ce texte. À l’inverse, quelques-uns le voteront, ou, comme moi, s’abstiendront. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – M. Nicolas About applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, intervenant hier après-midi dans la discussion générale au nom du groupe de l’Union centriste, j’annonçais que mes collègues et moi-même voterions ce texte compte tenu des améliorations apportées sous la houlette de l’excellent rapporteur de la commission des lois…

M. Christian Cointat. Très bien ! (Mmes Janine Rozier et Françoise Henneron applaudissent.)

M. Yves Détraigne. … et de l’équilibre que la commission avait su trouver. Cet équilibre n’a pas été remis en cause ; je considère même qu’il a été amélioré, notamment à l’occasion du débat provoqué hier soir par l’intervention de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Le texte de ce projet de loi tel qu’il ressort de nos discussions est donc meilleur que celui qui nous était présenté hier en début d’après-midi. C’est pourquoi nous le voterons.

Cela dit, ne soyons pas dupes ! Je pourrais en effet reprendre à mon compte une bonne part des propos tenus par les précédents orateurs, car il y aura encore des récidives criminelles dans notre pays. Il y aura encore des circonstances où l’émotion sera forte. Il y aura encore des cas où la presse et la population demanderont le renforcement des mesures existantes.

Ce que nous souhaitons, c’est que le Gouvernement n’emboîte plus nécessairement le pas à l’émotion, au demeurant bien naturelle, d’une grande partie de la population chaque fois que l’on annonce la récidive d’un criminel.

Ce que nous souhaitons, c’est que l’on se penche enfin sur les moyens dont nous devons nous doter pour mettre en œuvre l’arsenal juridique complet – aujourd’hui encore plus qu’hier ! – dont nous disposons pour lutter contre la récidive.

Ce que nous souhaitons, c’est que nos prisons ne soient plus simplement des lieux d’enfermement, mais qu’elles soient aussi des lieux de préparation à la sortie, car il est nécessaire d’envisager l’« après-incarcération », pour que les délinquants mais aussi les criminels aient quelque espoir dans la vie. Or cette nouvelle étape doit être préparée pendant le temps d’enfermement.

Il faut donc que nous nous donnions les moyens de mettre en œuvre l’arsenal juridique existant, notamment en ce qui concerne le suivi socio-judiciaire, le suivi médical et psychiatrique et la préparation à la sortie. Or c’est là que le bât blesse !

Je le disais hier dans mon intervention : en 2002, nous avons voté la création des unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, et la première d’entre elles n’est pas encore ouverte ! Il manque énormément de médecins coordonnateurs, ce qui signifie que les dispositions que nous votons ne peuvent pas être appliquées.

Je crois donc, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, que la priorité, aujourd’hui, consiste désormais à dégager les moyens financiers et matériels nécessaires à la mise en œuvre de notre arsenal juridique. Telle doit être notre ligne de conduite : après l’adoption de ce projet de loi – pas tout à fait définitive puisqu’une commission mixte paritaire doit se réunir lundi prochain –, il ne faudra plus se poser la question de savoir si de nouvelles mesures juridiques doivent être adoptées ou si tel dispositif en vigueur en Allemagne et qui n’existe pas chez nous mériterait d’être ajouté à notre arsenal. Ces interrogations ne sont plus de mise et nous devons maintenant nous donner les moyens d’agir.

Je reconnais que, dans l’état actuel de nos finances publiques, la tâche n’est pas simple ! Pourtant, telle est la priorité : donnons-nous les moyens d’appliquer les dispositions que nous avons votées ! L’ensemble des membres du groupe de l’Union centriste nourrissent l’espoir qu’il en ira ainsi et la grande majorité d’entre eux votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, nous allons voter un texte extrêmement important, qui touche à un sujet grave. Je comprends que tous nos collègues ne partagent pas les mêmes opinions, mais, sur des questions aussi sensibles aux yeux de nos concitoyens, il devrait être possible d’exprimer un désaccord sans tomber dans l’outrance ni se livrer à des attaques aussi injustes que démesurées ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Cela dit, tout ce qui est excessif est dérisoire et nous oublierons donc ce qui s’est passé tout à l'heure !

Madame le ministre d’État, ce projet de loi met en place une véritable politique de prévention de la récidive et nous nous en réjouissons. Loin d’être dicté par l’émotion que suscitent les événements dramatiques de récidive, il prouve au contraire que nous sommes pragmatiques et lucides, que nous tâchons de nous adapter à l’évolution constante de la délinquance.

Il s’agit ici non du énième texte en matière de sécurité que nous présente le Gouvernement, mais d’un projet de loi qui répondra à une attente profonde de nos concitoyens.

Je tiens à souligner l’excellent travail de notre rapporteur, qui a notamment su trouver un subtil équilibre entre respect du secret professionnel et volonté de décloisonner les relations entre le corps médical et les services judiciaires, ainsi que l’a souligné avec pertinence notre collègue Yves Détraigne.

Par ailleurs, la commission des lois, constamment guidée par la volonté de concilier respect des libertés individuelles et nécessité de prévenir la récidive, a apporté des modifications essentielles, dont nous nous félicitons.

Le groupe UMP votera donc ce projet de loi, qui apporte une nouvelle pierre à l’édifice de la lutte contre la récidive. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Nous voilà rassurés !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 158 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 178
Contre 152

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, lors de la discussion générale, j’avais indiqué combien il me semblait indispensable que, quelles que soient les sensibilités et les convictions de chacun, nous puissions débattre de ce texte avec pragmatisme, dans le respect mutuel et avec le souci d’améliorer autant que faire se peut la situation.

La prévention de la récidive est une question d’intérêt général, qui soulève des problèmes très douloureux.

Oui, il y aura encore des récidives ! Nous ne pourrons pas les éradiquer complètement. Non, le traitement anti-libido ne sera pas un traitement miracle ! Il ne permettra pas de répondre à tous les cas. Mais nous avons le devoir moral de faire tout notre possible pour éviter la récidive, notamment en comblant certaines lacunes de notre droit. C’est là, me semble-t-il, l’honneur du législateur.

C’est dans cet état d’esprit que j’ai souhaité que nous puissions travailler.

À l’issue de ce débat, je tiens à en souligner la haute tenue, la grande qualité, et à me féliciter des enrichissements qu’ont permis nos échanges. À mon sens, tous ceux qui ont participé à l’examen de ce texte y ont contribué.

Certes, nous avons entendu quelques outrances, à la fin. Mais c’est justement parce que leur auteur n’a pas assisté à l’essentiel de la discussion et n’a pas pu se rendre compte de l’atmosphère dans laquelle nous avons, les uns et les autres, cherché à travailler pour l’intérêt général. Je ne peux que le déplorer. Quoi qu’il en soit, cela ne saurait porter ombrage à la qualité du travail effectué et des différentes interventions qui ont été prononcées.

Je veux saluer le travail remarquable qui a été accompli par la commission des lois, en particulier par son rapporteur, M. Jean-René Lecerf. Je crois que les amendements adoptés par votre commission ont effectivement permis de clarifier – c’est important quand on légifère ! – un certain nombre de dispositions du projet de loi.

La commission de lois a également apporté des modifications de fond importantes, notamment en revenant sur l’abaissement du seuil de la surveillance de sûreté et en introduisant opportunément de nouvelles dispositions, permettant en particulier la prise en compte des condamnations pénales prononcées par les juridictions des États membres de l’Union européenne. Je pense qu’il s’agit d’avancées notables.

Les interventions de M. Nicolas About au nom de la commission des affaires sociales, qui avait été saisie pour avis, ont aussi alimenté le débat de manière extrêmement positive et fructueuse. Elles ont permis de clarifier le dispositif d’injonction de soins et de bien distinguer les rôles respectivement assumés par le médecin et par le juge.

Bien entendu, un certain nombre de points devront encore être revus par la commission mixte paritaire. Je ne doute pas que, dans ce cadre, seront trouvés les équilibres et les précisions nécessaires.

Lorsque le projet de loi aura été adopté définitivement, c'est-à-dire après la réunion de la commission mixte paritaire, je veillerai évidemment à faire en sorte que les décrets en Conseil d'État et les circulaires nécessaires à l’application du texte soient pris dans les meilleurs délais possibles. Comme vous le savez, c’est ma politique constante pour tous les textes relevant de mon ministère.

En l’occurrence, je ne vous ai pas présenté les décrets en même temps que le projet de loi parce qu’un certain nombre d’éléments devaient encore être précisés. Ces décrets seront prêts dans les prochaines semaines et vous en aurez évidemment connaissance.

Les moyens à mobiliser sont indiscutablement importants. C’est d’ailleurs, je vous le rappelle, l’une de mes préoccupations essentielles depuis mon arrivée à la Chancellerie. Vous l’avez vu, lors de ma prise de fonctions, j’ai décidé d’un certain nombre de réorientations budgétaires – même si mon action s’inscrit dans le cadre d’un budget triennal largement prédéterminé –, afin de rendre effectives les dispositions législatives votées.

En conclusion, je souhaite remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé à nos travaux. Je crois que ce débat a fait honneur à la représentation nationale et au Gouvernement, en illustrant notre capacité de travailler ensemble pour le bien des Français. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale
 

6

Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire

M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, François Pillet, Nicolas About, Alain Anziani, Charles Gautier et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Suppléants : MM. Laurent Béteille, Yves Détraigne, Mme Virginie Klès, MM. Antoine Lefèvre, Jacques Mahéas, Jacques Mézard et Alex Türk.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à midi, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

7

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. Pour aider les orateurs à respecter leur temps de parole, des afficheurs de chronomètres sont placés dans l’hémicycle à la vue de tous.

sécurité dans les lycées

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Monsieur le ministre, les agressions d’élèves survenues dans l’académie de Créteil suscitent de vives émotions, des craintes et de la colère. Nous partageons ces sentiments.

De tels actes sont révélateurs d’une situation qui se dégrade et dont vous êtes totalement responsable. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. Jean-François Voguet. Moins de surveillants, d’infirmières, de médecins, d’assistantes sociales, d’enseignants, votre politique, c’est de faire toujours moins pour l’école.

M. Jean-Louis Carrère. Pour l’école publique !

M. Jean-François Voguet. Ce n’est pas en transformant nos écoles en sanctuaires que vous réglerez les problèmes.

C’est votre politique éducative qu’il faut changer. Elle est fondée sur la ségrégation sociale et territoriale ; son moteur est la sélection par l’échec qui écrème et met de côté.

L’échec scolaire infligé à des centaines de milliers d’enfants et de jeunes est d’une telle brutalité qu’il les affecte durablement, les fragilise, les déstabilise, brise leurs rêves et leur avenir.

Il n’existe pourtant pas de gène du retard et de l’échec scolaire ! Tous pourraient réussir leur parcours éducatif.

En fait, c’est toute votre politique marquée du sceau de l’injustice sociale qui est à la racine de la violence rongeant notre société, nos établissements scolaires, notre jeunesse, nos villes et nos quartiers où la souffrance sociale s’est installée. C’est elle qui engendre l’exclusion et la colère ; c’est elle qui est à l’origine de toutes les pertes de valeurs et de toutes les dérives, qui ouvre la porte à toutes les violences.

Vos politiques sécuritaires n’y changent rien : depuis huit ans, vous ne cessez de renforcer la surveillance et les contrôles, de multiplier les arrestations, de durcir les sanctions, et pourtant la violence se développe partout.

Aussi, il est urgent que vous reconnaissiez votre échec. Faites face à vos responsabilités et cessez de tourner en dérision les revendications qui montent !

Nul ne parle d’un surveillant par élève, mais toute la communauté éducative – elle comprend les parents, les enseignants et les élèves – vous demande d’assurer la présence d’un plus grand nombre d’adultes dans les établissements scolaires.

M. Guy Fischer. C’est nécessaire !

M. Jean-François Voguet. Allez-vous enfin l’écouter et l’entendre, et en particulier mettre fin aux suppressions de postes ?

Monsieur le ministre, vous devriez méditer cette phrase de Victor Hugo : « Ouvrez une école, vous fermerez une prison ». (Plusieurs sénateurs de l’UMP s’esclaffent.)

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Jean-François Voguet. Plutôt que d’organiser les états généraux de la sécurité à l’école, ne serait-il pas temps d’organiser un Grenelle de l’éducation pour mettre en œuvre une vraie réforme, qui place au cœur de ses enjeux la réussite scolaire de tous les élèves ? (Protestations sur les travées de lUMP.)

Cela devient urgent ! C’est pourquoi nous vous demandons avec force de faire de l’éducation une vraie priorité nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je salue la présence de M. le Premier ministre dans l’hémicycle.

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, ce qui s’est passé cette semaine au lycée Guillaume-Apollinaire de Thiais est intolérable. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Une bande armée a fait intrusion dans l’établissement pour y mener un règlement de comptes, et la rixe s’est poursuivie dans un gymnase municipal.

Face à ces incidents, la mobilisation du Gouvernement est totale, et je rends hommage à toute la communauté éducative, qui fait front pour lutter contre la violence à l’école. Quand un lycéen est agressé, c’est l’ensemble de l’institution scolaire qui est attaquée.

Nous répondons à cette situation de deux manières.

Premièrement, nous avons pris des mesures d’urgence en accélérant la mise en œuvre du plan de sécurisation des établissements scolaires. Avant la fin de cette année scolaire, l’ensemble des collèges et des lycées bénéficieront d’un diagnostic de sécurité permettant des préconisations adaptées à la situation de chaque établissement.

M. Luc Chatel, ministre. Des équipes mobiles de sécurité ont été installées dans l’académie de Créteil, pionnière en la matière. D’ici à la fin du mois de mars, l’ensemble des académies en seront dotées. En outre, un référent gendarmerie et police est affecté à chaque lycée ou collège. (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Mme Jacqueline Chevé. Sécuritaire !

M. Luc Chatel, ministre. S’agissant en particulier du lycée Adolphe-Chérioux, qui est ouvert à tous les vents, j’ai soumis des propositions aux enseignants pour améliorer l’encadrement dans l’établissement.

Deuxièmement, nous prenons des mesures à moyen terme. Ainsi, je souhaite réunir au mois d’avril l’ensemble des acteurs qui travaillent depuis longtemps sur les questions de sécurité à l’école.

M. Jean-Louis Carrère. Ce sera trop tard !

M. Luc Chatel, ministre. Ce problème n’est ni nouveau ni exclusivement français. Une agression terrible vient de se produire aujourd’hui dans un établissement scolaire en Allemagne.

Il est temps que l’ensemble des acteurs de l’éducation nationale, mais aussi la police, la justice, les associations de lutte contre la délinquance, les psychologues et les sociologues travaillent ensemble dans la même direction. Il n’y a pas de fatalité de la délinquance à l’école.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement a décrété la mobilisation générale pour lutter contre l’insécurité à l’école. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Mahéas. En supprimant des postes !

budget des régions

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

Monsieur le ministre, en 2004, nombre de candidats, aujourd'hui présidents de région, déclaraient, à l’instar du président de la région Rhône-Alpes : « Si je suis élu, je n’augmenterai pas les impôts. Nos promesses sont réalistes et peuvent être financées à budget constant » ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Il fait campagne pour les régionales !

M. Jean-Claude Carle. Six ans plus tard, la réalité est tout autre ! (Ah ! sur les travées de lUMP.) La fiscalité régionale a augmenté de 44 % en moyenne.

M. Guy Fischer. Les pourcentages ne veulent rien dire !

M. Jean-Claude Carle. Pour justifier ce mensonge, les présidents de région invoquent le désengagement de l’État. À y regarder de plus près, ce discours ne tient pas. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! (M. David Assouline proteste.)

M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros de déficit pour l’État ! Vous êtes les plus mauvais gestionnaires !

M. Jean-Claude Carle. Ce sont 6,5 milliards d’euros d’impôts supplémentaires qui ont été levés, soit 101 euros par Français !

L’imposition du foncier bâti a augmenté de 34 %, la taxe professionnelle de 54 %, la taxe sur les cartes grises de 33 % ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros de déficit !

M. Jean-Claude Carle. Mes chers collègues, l’augmentation fiscale n’est pas condamnable en soi si elle est modérée, d’une part, et si elle est destinée à honorer des investissements et non des dépenses de fonctionnement, d’autre part. Or, durant cette mandature, les dépenses de fonctionnement se sont accrues de 52 %, alors que les investissements n’ont progressé que de 32 %, sauf en Alsace (Ah ! sur les travées de lUMP.) où les dépenses de fonctionnement ont diminué de 20 %.

On le voit bien, le train de vie l’emporte sur les priorités. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros !

M. Jean-Claude Carle. Je pense à la région Rhône-Alpes, où la construction du Palais de la région de M. Queyranne avoisine 200 millions d’euros, soit l’équivalent du coût de dix lycées ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Guy Fischer. Nous avons d’autres exemples !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle honte, il fait sa campagne électorale dans l’hémicycle !

M. Jean-Claude Carle. Je pense également à la région Languedoc-Roussillon, de M. Frêche, où le budget de la communication atteint 100 millions d’euros, alors qu’il manque 6 millions d’euros pour équiper tous les lycées de la région de systèmes de vidéosurveillance afin d’assurer la sécurité de ces établissements.

M. Jean-Louis Carrère. Merci, vous nous rendez service !

M. Jean-Claude Carle. Notre collègue André Trillard a justement rappelé ces dépenses voilà quelques jours dans l’hémicycle.

Je pense, enfin, à la région Champagne-Ardenne, où les investissements ont baissé de moitié en quatre ans et où le remboursement de la dette pourrait devenir le premier poste de dépenses !

Monsieur le ministre, ma question est simple. Vous qui, à la tête du ministère des chiffres, avez une juste vision de la situation,…

M. Bernard Frimat. 150 milliards d’euros de déficit !

M. Jean-Claude Carle. … dites-nous si cette dernière est liée au désengagement de l’État ou si elle est le fait des régions qui ne maîtrisent plus leurs dépenses, le train de vie l’emportant sur les priorités ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est subtil !

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Jean-Louis Carrère. Voilà un expert de la dette publique !

M. Jacques Mahéas. C’est la faillite de l’État qui répond !

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur Jean-Claude Carle, en réalité, votre question dit tout. En bon expert, vous avez cité les principaux chiffres, et j’ai assez peu de chose à ajouter.

Il est vrai que l’électeur est également un contribuable local. Or, au vu de la manière dont il a été traité à l’échelon régional, nous sommes en droit de nous poser des questions.

M. Jean-Louis Carrère. L’électeur est roi !

M. Éric Woerth, ministre. En Languedoc-Roussillon, les impôts ont augmenté de 90 %.(Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. La ficelle est grosse !

M. David Assouline. Inscrivez-le dans les comptes de campagne !

M. Éric Woerth, ministre. En Auvergne – M. Marleix sera très intéressé par cette information –, l’augmentation est de 70 %. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez faire un meeting dans les régions !

M. Éric Woerth, ministre. Et quand une région a pratiqué une hausse inférieure à 35 %, on considère qu’elle a peu augmenté les impôts. On croit rêver ! L’État, lui, n’a pas accru les impôts. Il les a même diminués, contrairement à ce que vous pensez et à ce que vous affirmez !

M. Éric Woerth, ministre. Je ne laisserai donc pas les élus régionaux expliquer aux Français que l’État est seul responsable des hausses d’impôts ! (M. Jean-Pierre Bel s’exclame.)

M. Jean-Louis Carrère. C’est très vilain !

M. Éric Woerth, ministre. C’est un phénomène curieux : quand les choses vont bien, les présidents de région, notamment socialistes, réclament l’autonomie et refusent que l’État mette son nez dans leurs affaires.

M. Jean-Pierre Bel. C’est de la propagande !

M. Éric Woerth, ministre. En revanche, quand les choses vont mal, ils appellent au secours « papa et maman État » ! (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Jacqueline Chevé. C’est faux !

M. Éric Woerth, ministre. Nous ne pouvons pas vous laisser faire !

Lorsque les recettes fiscales de l'État chutent de 20 %, nous augmentons les dotations aux conseils régionaux !

M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros de déficit !

M. Guy Fischer. Maintenant, c’est 160 milliards d’euros !

M. Éric Woerth, ministre. Savez-vous que, depuis 2003, l’effort financier de l’État en faveur des régions a augmenté de 30 milliards d’euros, hors décentralisation ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sera décompté dans les frais de campagne, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Savez-vous que, inflation non comprise, cette augmentation atteint 8,7 milliards d’euros ?

M. Jean-Louis Carrère. C’est une question d’actualité ?

M. Jean-Pierre Bel. Allez-vous cesser cette propagande ?

M. Éric Woerth, ministre. L’État a parfaitement assumé ses engagements à l’égard des conseils régionaux.

M. Simon Sutour. Pitoyable propagande !

M. Éric Woerth, ministre. La vérité, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche,…

M. Jean-Louis Carrère. 150 milliards d’euros !

M. Éric Woerth, ministre. … c’est que la seule échappatoire qu’ont trouvée les présidents de région pour ne pas assumer leur bilan est d’accuser l’État ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)