Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Noël Guérini.

1. Procès-verbal

2. Saisine du Conseil constitutionnel

3. Rappels au règlement

MM. Guy Fischer, Bernard Cazeau, le président.

4. Financement de la sécurité sociale pour 2010. – Discussion d'un projet de loi

Discussion générale : M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social ; MM. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille ; Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance-vieillesse ; Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles ; Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

M. le président.

Organisation des débats

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le président.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

5. Saisine du Conseil constitutionnel

6. Financement de la sécurité sociale pour 2010. – Suite de la discussion d'un projet de loi

MM. Guy Fischer, le président, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.

Discussion générale (suite)

Mme Jacqueline Panis, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les dispositions relatives à la retraite des mères de famille.

MM. Gilbert Barbier, Guy Fischer, Alain Milon, Nicolas About, Bernard Cazeau.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

M. André Lardeux, Mmes Isabelle Pasquet, Christiane Demontès, M. Serge Dassault, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Jacqueline Alquier, Gisèle Printz.

MM. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État ; Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ; Mmes Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité ; Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.

Clôture de la discussion générale.

Exception d’irrecevabilité

Motion no 253 de Mme Annie David. – Mme Annie David, MM. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales ; Eric Woerth, ministre ; Guy Fischer, Bernard Cazeau. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 67 de Mme Raymonde Le Texier. – Mme Raymonde Le Texier, M. le rapporteur général, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports ; M. Bernard Cazeau. – Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 68 de M. Yves Daudigny. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur général. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. Jean-Noël Guérini.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. J’ai été informé, par lettre en date du 9 novembre 2009, par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Acte est donné de cette communication.

3

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous protestons contre les conditions dans lesquelles le Sénat conduit ses travaux. Nous entamons aujourd'hui l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui risque de nous mener très loin.

Nous sommes très attachés aux réunions des groupes politiques. La moindre des choses est de pouvoir faire le point sur les dossiers en cours, notamment lorsque la session est très chargée.

Je l’ai rappelé à M. le Président du Sénat hier soir, les réunions de groupe devaient être sacralisées…

M. Guy Fischer. … pour nous permettre d’y assister. Une fois de plus, on ne nous écoute pas !

Je constate aujourd’hui que le Sénat siège pendant que les groupes se réunissent.

M. Robert del Picchia. C’est exceptionnel !

M. Guy Fischer. C’est à la fois détestable et révélateur de la manière dont travaille le Sénat !

Mme Annie David. Quel mépris des parlementaires !

M. Guy Fischer. En signe de mécontentement, nous allons quitter l’hémicycle, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, le groupe socialiste s’associe aux propos du président Guy Fischer.

M. le président. Monsieur Fischer, vous avez déjà posé cette question hier à M. le président du Sénat. N’attendez pas de moi que je vous donne aujourd'hui une réponse différente !

En premier lieu, je rappelle que c’est à la demande de la commission des affaires sociales que l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 débute exceptionnellement ce matin.

En second lieu, j’indique que le fait qu’il y ait séance publique en même temps que les réunions des groupes politiques est exceptionnel. Dès lors que l’ordre du jour est partagé entre le Gouvernement et le Parlement, il est clair que cela nous oblige à travailler beaucoup plus. Telle est la réponse que M. le Président du Sénat vous a faite hier, je ne peux que la confirmer ce matin. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG se lèvent et quittent l’hémicycle.)

Mme Nicole Bricq. Le problème, ce n’est pas que le Parlement travaille plus, c’est qu’il travaille mal !

4

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2010

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale (nos 82, 90).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Woerth, ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Organisation des débats (début)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’an dernier, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous avais présenté une révision à la baisse des prévisions de recettes pour tenir compte du début de la crise.

Nous savons aujourd’hui que la récession a été beaucoup plus forte que prévue. Nous avons rectifié nos prévisions tout au long de l’année et j’en ai systématiquement informé le Sénat. Alors que nous anticipions au même moment l’année dernière une progression de la masse salariale de 2,75 %, elle devrait chuter de 2 % en 2009, puis à nouveau de 0,4 % en 2010.

La récession que nous traversons est sans précédent, chacun le sait, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est la première fois que l’on observe deux années consécutives de recul de la masse salariale. Par comparaison, lors de la récession de 1993, la masse salariale était restée stable, puis elle était repartie à la hausse, de près de 2 %, dès 1994.

La crise a des conséquences graves sur notre système de sécurité sociale. En cumulé, sur 2009 et 2010, nous perdons plus de 21 milliards d’euros de recettes par rapport à la croissance moyenne des années 1998-2007. Le déficit a plus que doublé entre 2008 et 2009. Il atteint le niveau très élevé de 23,5 milliards d’euros, contre 10,2 milliards d’euros en 2008. Selon nos prévisions, il sera de 30,6 milliards d’euros en 2010. Ce choc affectera durablement, il ne faut pas se le cacher, les comptes de la sécurité sociale et il sera difficile à compenser.

L’intégralité de la dégradation des comptes est due à la récession. Le « déficit de crise », comme je l’ai appelé à un moment donné, représente 65 % du déficit de 2009 et 75 % du déficit de 2010.

Nous sommes donc confrontés à une situation véritablement exceptionnelle dans laquelle ce qui est en jeu, c’est l’avenir de notre système de sécurité sociale. Je sais que vous en êtes conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes parmi les plus farouches défenseurs des principes de notre système de sécurité sociale.

Tel est l’objet du débat qui va nous occuper aujourd’hui et dans les jours qui viennent. C’est de cela que je veux vous parler en introduction.

J’en suis convaincu, notre stratégie est la seule possible pour préserver ce formidable atout que constitue notre système de protection sociale. Cette stratégie repose sur deux priorités.

Notre première priorité est de sortir de la crise. L’avenir de notre système repose avant tout sur notre capacité à renouer rapidement avec la croissance. Chacune des solutions que nous mettons sur la table doit être évaluée à l’aune d’une seule et unique question. Ainsi, certains suggèrent d’augmenter tout de suite la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale, ou de remettre en cause les allégements de charges. La seule question qu’il faut se poser est la suivante : ces décisions vont-elles faciliter la sortie de crise ou, au contraire, vont-elles nous fragiliser ?

Notre seconde priorité est de poursuivre notre action de réforme. Notre système de protection sociale ne peut avoir d’avenir que si nous continuons inlassablement à le réformer, à le transformer. Nous avons déjà longuement insisté sur les objectifs de cette action de réforme : maîtriser les dépenses ; préserver nos recettes en luttant contre les niches inefficaces ; lutter contre la fraude. Ces réformes correspondent à une vision de la protection sociale sur laquelle je reviendrai.

Réussir la sortie de crise, continuer à réformer pour préparer l’après-crise, tels sont les grands principes autour desquels nous avons bâti le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, que je vais vous décrire plus en détail.

Le premier objectif de ce projet de loi est de nous permettre de réussir la sortie de crise, car notre système ne supportera pas de nouvelles années de baisse de la masse salariale.

Il n’est pas question pour nous de faire peser un poids supplémentaire sur les épaules des Français et des entreprises, au moment où ils luttent pour se maintenir à flot. Le Gouvernement est donc déterminé à refuser trois options qui ne lui paraissent pas être des solutions de sortie de crise.

Premièrement, le Gouvernement refuse d’envisager une baisse des prestations. Nous ne pourrons pas sortir de la crise la plus violente que notre pays connaît depuis la Seconde Guerre mondiale en cassant notre modèle social, à un moment où les Français en ont plus que jamais besoin.

Je le rappelle, notre système de protection sociale, c’est 578 milliards d’euros de prestations en 2008, soit 29,4 % de notre PIB ! Il n’y a pas d’équivalent dans l’Union européenne et c’est une chance formidable dans la période tourmentée que nous traversons. Il faut préserver ce système, même si des ajustements sont nécessaires. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple : plutôt que de supprimer des prestations pour compenser la baisse des recettes, nous avons laissé notre système de protection sociale jouer son rôle d’amortisseur. Je ne m’attarde pas sur ce sujet, il en a déjà beaucoup été question.

Deuxièmement, nous ne sortirons pas de la crise en augmentant de façon massive les impôts. Permettez-moi à cet égard de rappeler une évidence : nous sommes déjà le cinquième pays au monde pour le poids des prélèvements obligatoires, et le financement de la protection sociale repose, pour l’essentiel, sur le travail, donc sur l’emploi !

Nous refusons donc les hausses de prélèvements, que ce soit pour compenser la chute des recettes ou pour permettre dès cette année une reprise de la dette de la sécurité sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Je sais qu’il s’agit d’un motif d’inquiétude et d’incompréhension pour certains d’entre vous, cher Alain Vasselle, cher Jean-Jacques Jégou. Ce débat est tout à fait légitime.

D’ailleurs, vous avez adopté un amendement tendant à augmenter la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS. Nous aurons l’occasion d’en débattre précisément. Toutefois, du point de vue du Gouvernement, ce serait une erreur. La CRDS constitue avant tout une charge sur les salaires, puisqu’elle est assise à hauteur de 65 % sur les revenus du travail. Une hausse de cette contribution pèserait donc immédiatement sur le pouvoir d’achat et l’emploi à un moment où nous avons besoin de favoriser la reprise. Plus nous éloignons les perspectives de reprise, plus nous compliquons le financement de la sécurité sociale.

En 2010, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, continuera à porter le déficit de la sécurité sociale, grâce à un schéma de financement sécurisé limitant le coût des charges financières. Les montants qu’elle devra financer sont effectivement exceptionnels, mais c’est évidemment parce que la crise l’est aussi. Il ne faut pas l’oublier, l’intégralité de la dette du régime général et du fonds de solidarité vieillesse à la fin de l’année 2008 a été transférée à la CADES au début de l’année 2009. Ce que l’on demande à l’ACOSS d’acquitter en 2010, ce sont donc les besoins de financement pour 2009 et 2010. Il n’y a pas de reliquat du passé. Il ne lui est pas demandé de payer pour les années précédentes.

Je suis d’accord avec vous, une telle solution ne peut pas être pérenne.

M. Éric Woerth, ministre. Et la question de la dette sociale sur 2009 et 2010 devra être traitée au fond.

Mais qui peut dire aujourd’hui quelles seront les recettes au début de l’année 2011 ? Qui peut dire quelle sera la meilleure solution en fonction de l’état de notre économie au cours de cette année transitoire qu’est l’année 2010 ? Quelle recette nouvelle doit-on transférer à la CADES ? Faut-il augmenter la durée d’amortissement de la dette sociale ? D’autres schémas sont évidemment possibles. J’espère donc parvenir à vous convaincre et à trouver un accord avec vous sur le sujet.

Troisièmement, je refuse qu’on caricature le débat sur les niches sociales, en considérant les allégements de charges sociales comme de gigantesques « cadeaux », comme je l’entends souvent dire, aux entreprises.

Mme Nicole Bricq. Parfois, c’est tout de même le cas !

M. Éric Woerth, ministre. Les allégements de charge constituent probablement la mesure de la politique de l’emploi la plus efficace. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. Cela commence bien !

M. Éric Woerth, ministre. Selon le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi de 2006, qui avait fait l’objet d’un large consensus parmi ses membres, ces allégements permettent de créer ou de sauvegarder 800 000 emplois.

Bien entendu, cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire s’agissant des niches sociales. D’ailleurs, nous avons déjà agi en ce domaine et nous continuons à le faire dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mais attention aux allégements de charges ! Revenir sur ces dispositions, ce serait augmenter les charges sociales qui pèsent sur les bas salaires. Et cela favoriserait-il ou, au contraire, compliquerait-il la sortie de crise ? C’est une question simple que nous devons nous poser.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis le début de la crise, toute notre action vise à en atténuer les effets pour les ménages et les entreprises. Parallèlement, nous continuons à réformer la sécurité sociale : notre système n’a pas d’avenir si nous marquons une pause dans les réformes et si nous dévions de notre cap. Ce cap, quel est-il ?

Notre première priorité est de continuer à maîtriser la progression des dépenses d’assurance maladie.

Avec Roselyne Bachelot-Narquin, nous nous sommes beaucoup battus pour faire respecter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, en 2009. Le taux de progression est de 3,4 %, soit à peine 0,1 point de plus que le taux voté l’année dernière. Le dépassement de l’ONDAM se limitera à 335 millions d’euros, alors que les dépassements ont été en moyenne de 1,5 milliard d’euros depuis 1997 ! Et c’est la première fois que l’on réussit à tenir deux années de suite un niveau de progression aussi bas, assez proche de 3 %.

Nous poursuivons l’effort en 2010 avec un ONDAM fixé à 3 %, soit un niveau inférieur à celui voté en 2009, qui était de 3,3 %. Pour tenir cet objectif, il faut limiter la progression spontanée, c'est-à-dire environ 7 milliards d’euros, de plus de 2 milliards d’euros. C’est ce que nous ferons en 2010. Notre résultat pour l’année 2009 crédibilise, me semble-t-il, cet objectif de 3 %. Ce n’est donc pas du tout un effet d’affichage ! C’est une réalité ancrée dans les chiffres de 2009.

Je laisserai Roselyne Bachelot-Narquin détailler les mesures retenues, mais je voudrais insister sur le fait qu’elles reflètent une véritable vision de l’avenir de l’assurance maladie. Il ne s’agit pas de mesures ponctuelles prises comme cela, au fur et à mesure des circonstances.

Premier point, nous voulons renforcer l’efficacité du système de soins.

Deuxième point, nous recentrons progressivement l’assurance maladie sur le financement des dépenses les plus utiles médicalement. C’est indispensable pour conserver les formidables atouts de notre système de santé. La prise en charge à 100 % des patients en affections de longue durée, les ALD, ou encore l’accès rapide et pour tous aux médicaments les plus innovants en sont évidemment des éléments majeurs.

Au-delà de l’assurance maladie, nous ne prévoyons pas de dépenses nouvelles significatives dans les autres branches.

Notre deuxième priorité, au-delà de la maîtrise de la progression des dépenses d’assurance maladie, est de garantir l’avenir de notre protection sociale, donc de continuer à élargir son financement, afin qu’il pèse moins lourdement sur le travail.

Aujourd’hui, la sécurité sociale est financée à hauteur de 70 % par des prélèvements sur les salaires. Ce n’est pas tenable. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, nous poursuivons l’effort entrepris depuis 2008 pour réduire les niches sociales, d’ailleurs souvent sous l’impulsion du Parlement ; je souligne particulièrement l’action des sénateurs en la matière.

Tout le monde est toujours d'accord sur le principe général de réduction des niches. Mais il n’y a jamais de consensus pour déterminer les cibles à privilégier et le calendrier de suppression des niches !

Nous prenons donc nos responsabilités en appliquant des principes qui me semblent simples et clairs.

Nous ne touchons pas aux dispositifs utiles pour l’emploi, comme les allégements « Fillon »…

M. Guy Fischer. C’est bien regrettable !

M. Éric Woerth, ministre. … ou les exonérations ciblées sur des publics prioritaires, que nous avons déjà réformées.

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Muguette Dini, je sais que votre commission défend un amendement visant à annualiser le calcul des allégements généraux. La commission des finances l’a également déposé. Je comprends totalement la logique d’une telle mesure ; elle est inattaquable. Cependant, il faut éviter que des entreprises n’abusent des failles éventuelles de la réglementation actuelle pour bénéficier d’exonérations auxquelles elles ne devraient pas avoir droit. C’est la raison pour laquelle j’ai mis en place une mission sur les allégements généraux pour examiner cette question. Mais il me semble prématuré, même si ce n’est pas illégitime, d’agir sans savoir quelles seraient les conséquences de la mesure que vous proposez sur certains secteurs d’activité. Dans le contexte actuel de recrudescence du chômage, nous ne pouvons pas nous tromper, ni jouer avec le feu, notamment s’agissant de l’emploi.

En revanche, il faut évidemment continuer de réduire les dispositifs qui sont en contradiction avec la volonté du Gouvernement de valoriser et de privilégier le travail. Toutes les catégories de revenu doivent être soumises à la contribution sociale généralisée, la CSG, au même titre que les salaires.

Cela concerne en particulier les revenus du capital. Nous proposons de soumettre aux prélèvements sociaux, les 12,1 %, au premier euro les plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières.

Nous prônons également la suppression de l’exonération de prélèvements sociaux pour les contrats d’assurance vie multi-supports en cas de dénouement de ce contrat par succession. C’est le seul cas d’exonération en matière d’assurance vie, et il n’est ni logique ni équitable.

Nous voulons également renforcer la contribution des revenus complémentaires au salaire au financement de la protection sociale. Nous prévoyons donc un doublement du taux du forfait social – nous en avons beaucoup discuté l’année dernière – sur les revenus de participation, d’intéressement et d’épargne salariale. Ce taux passera de 2 % à 4 %. Le taux actuel de 2% reste très inférieur au taux des cotisations patronales, c'est-à-dire 30,38 %, qui s’applique aux salaires. Si nous développons l’intéressement et la participation, nous devons par nature les soumettre plus largement aux prélèvements sociaux. En doublant le taux de ce forfait, nous passons de 2 % à 4 %, contre 30,38 % pour les salaires.

Qu’on ne me dise pas que la participation et l’intéressement perdent de leur intérêt à ce moment-là. La différence est évidemment majeure. Je sais que nombre d’entre vous – je me tourne vers vous, chère Isabelle Debré (Mme Isabelle Debré sourit) – sont particulièrement vigilants sur l’intéressement et la participation. Je le suis moi-même, et cela n’a rien de contradictoire.

En outre, nous prenons des mesures pour moraliser le capitalisme (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste)

M. Guy Fischer. Il s’étrangle en disant cela !

Mme Nicole Bricq. Le capitalisme n’a pas de morale !

M. Éric Woerth, ministre. … ou rendre les relations financières plus transparentes.

M. Guy Fischer. Mieux vaut entendre cela que d’être sourd !

M. Éric Woerth, ministre. Je suis heureux de constater que vous suivez mon discours avec intérêt, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous continuons à augmenter la taxation de certaines rémunérations à caractère exceptionnel. En complément de l’action engagée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 sur les stock-options, nous proposons de doubler le taux des contributions de l’employeur pour les « retraites chapeau ». Je sais que vos commissions sont particulièrement vigilantes sur ce terrain comme sur bien d’autres, cher Alain Vasselle, cher Jean-Jacques Jégou.

L’Assemblée nationale a également mis fin au droit à l’image collective, le DIC, des sportifs. Et je parle sous le contrôle de Mme la ministre des sports. C’est une bonne initiative. L’efficacité de cette niche était contestée par la Cour des comptes, par tous les experts qui se sont penchés sur la question…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Et par Michel Platini !

M. Éric Woerth, ministre. …et, effectivement, par Michel Platini, qui n’a pas failli – c’est le moins qu’on puisse dire – en matière de football.

La commission des affaires sociales du Sénat propose de prolonger la mesure jusqu’au 30 juin 2010, pour que cela corresponde à la fin de la saison sportive. En accord avec Mme la ministre des sports, qui pilote ce dossier, nous considérons qu’il est effectivement préférable de ne pas changer les règles en cours d’année pour les clubs concernés. Nous serons donc favorables à cette discussion et nous vous remercions d’avoir introduit cette idée.

Notre troisième priorité est de continuer à rendre le système plus juste, en intensifiant la lutte contre les fraudes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Notamment la lutte contre les pauvres !

M. Éric Woerth, ministre. La politique de contrôle que j’ai engagée depuis deux ans produit des résultats. Je remarque qu’il y a consensus sur l’ensemble de ces travées sur la politique de lutte contre la fraude et je m’en réjouis.

Entre 2006 et 2008, nous avons augmenté de 65 % les résultats de nos contrôles. Les fraudes détectées par les caisses de sécurité sociale sont passées de 227 millions d’euros à 365 millions d’euros.

Nous avons mis une pression considérable sur les caisses pour qu’elles renforcent leurs contrôles sur les arrêts maladie. Elles en faisaient 700 000 en 2006, 1,2 million en 2007 et 1,6 million en 2008 ! Les contrôles ont donc augmenté de 130 %, et c’est bien naturel. Dans un pays comme le nôtre, où les droits individuels sont très importants, le contrôle apparaît comme une obligation démocratique.

Je veux encore accélérer cette action de lutte contre la fraude en 2010, car elle répond à une exigence d’équité sociale très profonde de nos concitoyens.

Mme Annie David. Et si vous contrôliez aussi les médecins fraudeurs ?

M. Éric Woerth, ministre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit ainsi d’adapter les sanctions applicables dans les branches famille et vieillesse pour les rendre plus efficaces.

Ce texte contient également plusieurs mesures pour renforcer l’efficacité de la lutte contre les arrêts de travail injustifiés, qui sont encore trop nombreux. La Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, les évalue à 13 % pour les arrêts courts.

La « contre-visite » de l’employeur, que nous avons expérimentée grâce au vote du Sénat en 2008, sera ainsi généralisée. Désormais, la Caisse sera obligée de tenir compte de l’avis du médecin mandaté par l’entreprise, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

Il faut donc une plus grande équité dans le contrôle des arrêts maladie. C’est ce que nous allons continuer à faire.

Je souhaite aussi que nous renforcions les contrôles dans la fonction publique, en faisant intervenir le contrôle des caisses d’assurance maladie. Sur ce point, j’espère que nous aurons un débat riche et positif, monsieur le rapporteur général Alain Vasselle.

Pour conclure sur les orientations de notre politique en matière de sécurité sociale, je tiens à souligner un point qui témoigne de notre volonté d’assainir la situation. Je sais que vous êtes particulièrement vigilants, et à juste titre, sur le sujet des relations entre l’État et la sécurité sociale. J’ai décidé de réduire la dette de l’État…

M. Guy Fischer. Quand même !

M. Éric Woerth, ministre. … vis-à-vis de la sécurité sociale, malgré un contexte budgétaire – ce n’est pas un scoop – qui est très exigeant et contraignant.

M. Guy Fischer. Vous la réduisez de combien ?

M. Éric Woerth, ministre. Sans aucune mesure nouvelle, la dette de l’État passerait de 3,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2008 à 5,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2009.

Dans les semaines à venir, et dans le cadre du collectif de fin d’année – nous y travaillons actuellement –, je proposerai des mesures non seulement pour ne pas aggraver cette dette, comme je m’y étais engagé, mais aussi pour la réduire d’au moins 2 milliards d’euros, peut-être même plus.

Nous devons continuer à travailler sur le sujet, mais je puis vous assurer que nous y consacrons beaucoup d’efforts. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

La situation est difficile, et il est très important d’éviter les mauvais débats. Celui de la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale en est un. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Nous devrions plutôt consacrer notre temps aux bons débats !

Mme Annie David. Il y a les bons élèves et les mauvais élèves !

M. Éric Woerth, ministre. Des mesures sont donc prévues pour réduire de façon importante la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale dans le projet de loi de finances rectificative ; nous aurons l’occasion d’en discuter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, sur tous les volets – dépenses, recettes, fraudes – nous agissons de façon déterminée pour continuer à réformer la sécurité sociale.

Cette action nous permet de stabiliser le déficit « hors crise » autour de 8 milliards d’euros. Cela représente un effort de 3 milliards d’euros par rapport à l’augmentation spontanée du déficit. C’est un résultat positif et un signe encourageant pour l’avenir.

Le déficit total, lui, continue évidemment à se creuser. C’est une situation que nous assumons pleinement.

M. Guy Fischer. Voilà, vous laissez filer !

M. Éric Woerth, ministre. La priorité est que notre gestion des finances publiques permette d’atténuer les conséquences de la crise et favorise la reprise de l’activité. Tout ce qui complique la reprise de l’activité doit être banni, car il s’agit, évidemment, de fausses solutions. Quoi qu’il en soit, nous ne relâcherons pas nos efforts.

Notre priorité ira à la sortie de crise et à la poursuite des réformes, ce qui nous amènera à ébaucher un certain nombre de perspectives pour les années à venir.

En limitant la progression de l’ONDAM à 3 %, le déficit du régime général va se stabiliser à partir de 2011 à hauteur d’environ 30 milliards d’euros. C’est évidemment un niveau trop élevé.

Pour le réduire, nous devrons nous montrer déterminés à accélérer nos efforts de réforme une fois que la sortie de crise sera sécurisée.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Dans le domaine de la maladie, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires défendue par Roselyne Bachelot-Narquin nous permettra de moderniser l’hôpital et d’améliorer l’organisation territoriale du système de soins.

M. Guy Fischer. Dites plutôt que cela vous permettra de fermer des hôpitaux !

M. Éric Woerth, ministre. Parallèlement, nous devrons poursuivre l’action de recentrage de l’assurance maladie sur les dépenses les plus utiles sur le plan médical.

Je suis convaincu qu’avec les réformes de structures fortes que nous avons engagées, car il ne s’agit pas d’un vœu pieux ni d’un propos de tribune, nous avons la capacité de diminuer l’ONDAM en dessous de 3 % pendant plusieurs années.

M. François Autain. C’est facile à dire !

M. Éric Woerth, ministre. Nous aborderons également, cher Xavier Darcos, la question des retraites grâce au « rendez-vous 2010 » annoncé par le Président de la République.

Nous devrons apporter aux Français la solution de long terme qu’ils attendent.

M. Guy Fischer. Cela va saigner !

M. Éric Woerth, ministre. L’ensemble des thèmes seront mis sur la table.

Ce sera un moment important pour l’avenir du système français de protection sociale, et nous aurons besoin de vos idées, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que de votre soutien, dont je ne doute pas, pour mener à bien cette réforme en 2010.

La dégradation des comptes ne doit pas masquer les efforts que nous accomplissons pour tenir les dépenses et pour consolider les recettes de la sécurité sociale.

La politique que nous conduisons pose des acquis solides sur lesquels nous nous appuierons pour redresser la situation dans les années à venir, car cela prendra des années.

Après 2010, quand la situation économique, nous l’espérons tous, sera plus favorable, quand l’action des gouvernements permettra au monde de sortir de la crise que nous traversons et quand l’action du Gouvernement permettra à la France de sortir plus vite que les autres de cette crise, bref quand la situation sera rétablie, nous apporterons des solutions pérennes à la dette et aux déficits.

M. Jacky Le Menn. Lesquelles !

M. Éric Woerth, ministre. Nous ne serons sans doute pas d’accord sur tous les détails de ce texte.

M. Guy Fischer. C’est évident !

M. Éric Woerth, ministre. Mais j’espère que nous nous entendrons sur l’essentiel.

Pour ma part, je suis convaincu que la voie que nous vous proposons est praticable.

C’est un chemin difficile. Il nous faudra une grande rigueur pour continuer à réformer et à préparer l’avenir. Il nous faudra également assumer les mauvais chiffres du présent, mais nous devrons garder à l’esprit que la priorité du moment est de sortir de la crise, je l’ai souligné à plusieurs reprises, et je souhaite que ce point soit acté.

Ce n’est qu’en sortant de la crise que nous résoudrons les problèmes de déficit ; ce n’est pas par des mesures ponctuelles qui la retarderaient et qui, au fond, accroîtraient durablement la dette.

M. Guy Fischer. Vous pratiquez la méthode Coué !

M. Éric Woerth, ministre. Pas du tout !

Soyons attentifs à ne pas inverser en 2010 les priorités. C’est en nous en tenant fermement à cette ligne de conduite que nous garantirons la pérennité de notre système de sécurité sociale, auquel le Gouvernement, le Parlement et les Français sont particulièrement attachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le volet maladie du projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous vous présentons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte particulier, marqué par trois éléments.

Le premier élément est, bien entendu, la crise économique.

La dégradation du déficit de la branche maladie est due, comme l’a excellemment montré Éric Woerth, à l’effet de la crise sur les recettes alors que les dépenses, elles, sont maîtrisées.

Depuis quelques années, la croissance des dépenses d’assurance maladie a ralenti pour s’établir aujourd’hui à un niveau plus soutenable : après 4 % en 2007, 3,5 % en 2008, nous arrivons à 3,4 % en 2009, taux très proche de 1’ONDAM voté puisque le dépassement sera cette année d’environ 300 millions d’euros. Voilà qui tranche singulièrement avec les années précédentes.

Ces bons résultats prouvent que les nouveaux outils de maîtrise des dépenses créés depuis 2007 portent leurs fruits et que nous devons continuer à les faire vivre.

Je pense, ici, aux référentiels médico-économiques de la Haute Autorité de santé, aux nouveaux cas de mise sous accord préalable, au dispositif de régulation des dépenses de médicaments onéreux à l’hôpital ou, encore, aux contrats d’amélioration des pratiques individuelles qui sont déjà plus de 11 500, ce qui est un véritable succès !

Cela étant, même si nous assumons la part conjoncturelle du déficit, qui joue un rôle d’amortisseur social, la crise nous invite à davantage d’ambition dans la détermination de l’ONDAM, dont le taux d’évolution globale sera proposé à un niveau un peu inférieur à celui de l’an dernier, soit 3 %, au lieu de 3,3 % pour 2009.

Ce taux de 3 %, compatible avec la croissance à long terme en valeur de l’économie, représente un effort important au regard de la récession de 2,25 % en 2009 et de la prévision de croissance pour 2010.

Le deuxième élément de contexte à bien garder à l’esprit est la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qu’Éric Woerth vient d’évoquer.

Grâce à ce texte, nous disposerons au cours de l’année 2010 d’une organisation plus cohérente et d’une gouvernance plus performante de notre système de santé.

La modernisation du pilotage de l’hôpital permettra d’optimiser sa gestion.

M. Bernard Cazeau. On verra !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. La création des agences régionales de santé, dont le financement est prévu à l’article 34 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettra de décloisonner les différents secteurs de l’offre de soins et de mieux articuler les moyens entre l’hôpital, l’ambulatoire et le médico-social.

Dans ce contexte, il était indispensable, d’une part, de prévoir une évolution équilibrée des dépenses d’assurance maladie consacrées aux soins de ville et à l’hôpital, avec un même taux de 2,8% – c’est un concept auquel je suis profondément attachée – et, d’autre part, d’assurer au fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins une dotation suffisante de 228 millions d’euros.

Le troisième élément de contexte est, bien sûr, le risque de pandémie grippale.

Nous avons fait le choix d’une politique de prévention grâce à une large campagne de vaccination gratuite, qui permettra d’éviter que de nombreuses personnes ne soient malades.

Cette campagne a un coût. Nous avons demandé à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, de commander 94 millions de vaccins, ce qui nous oblige à réviser à la hausse les dotations de l’État et de l’assurance maladie à cet établissement pour l’année 2009.

À cet égard, je salue le geste des complémentaires de santé, qui se sont engagées à apporter leur contribution à ce dispositif à hauteur d’environ 300 millions d’euros.

M. Guy Fischer. Le couteau sous la gorge !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Afin d’éviter toute ambiguïté sur la finalité de cette contribution, le Gouvernement déposera un amendement au projet de loi de finances pour 2010 afin de l’affecter à EPRUS plutôt qu’à l’assurance maladie.

En tout état de cause, en raison de leur caractère exceptionnel, de même que cette contribution sera exceptionnelle, les dépenses liées à la grippe ne seront pas comptabilisées dans l’appréciation du seuil de déclenchement d’alerte au-delà duquel, comme vous le savez, des mesures d’économies doivent être prises en cours d’année.

En outre, grâce à un amendement gouvernemental, le présent projet de loi tendra à préciser que les professionnels de santé réquisitionnés pour la vaccination seront pris en charge sur le fonds national d’assurance maladie, hors ONDAM.

Malgré la grippe, malgré la crise et l’ampleur de nos déficits publics et sociaux, nous ne devons pas dévier de notre objectif.

Nous souhaitons poursuivre la politique engagée depuis 2007 et continuer à relever le défi de tenir les dépenses sans dégrader la qualité des soins et en préservant le principe fondamental d’un taux de remboursement d’autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses et que les thérapeutiques sont chères, prouvées et efficaces.

Concrètement, ainsi que les caisses nationales d’assurance maladie nous l’ont proposé au début du mois de juillet dernier, tous les acteurs du système de soins devront poursuivre les efforts engagés depuis trois ans.

Il s’agit de continuer à adapter le système d’assurance maladie en l’ajustant au plus près des progrès médicaux, des marges d’efficience et des évolutions sociales.

Permettez-moi de vous présenter les principales mesures de ce volet maladie, qui a été enrichi de plusieurs articles adoptés par voie d’amendements, le plus souvent d’origine parlementaire, à l’Assemblée nationale.

En ce qui concerne les soins de ville, nous exigerons un niveau plus ambitieux de maîtrise médicalisée, soit 595 millions d’euros au lieu de 525 millions d’euros.

L’effort devra porter sur les indemnités journalières, qui représentent près de 8 milliards d’euros et sont en progression de 7 % en 2009.

La diffusion de référentiels, l’amélioration de la procédure de mise sous entente préalable et la généralisation de la contre-visite de l’employeur devraient ralentir ces dépenses.

En ce qui concerne la question des affections de longue durée, les ALD, notre approche reste médicale, conformément aux avis et aux recommandations de la Haute Autorité de santé, notamment ceux de décembre 2007 et de juin 2009 : au-delà du renforcement de la prévention et de l’éducation thérapeutique, le plan « Cancer II » prévoit la possibilité, pour les personnes guéries du cancer, de sortir plus vite du statut d’ALD tout en continuant à bénéficier d’une prise en charge à 100 % pour les examens de suivi.

Notre objectif est bien de favoriser la réinsertion sociale de ces personnes.

En ce qui concerne les soins de ville, nous proposons également de poursuivre l’ajustement des tarifs et des prix.

La radiologie et la biologie présentent des marges importantes par rapport aux tarifs de la sécurité sociale, qui seront donc réduits d’un montant global de 240 millions d’euros.

Comme chaque année, des diminutions de prix seront opérées sur les médicaments, y compris sur les génériques, ainsi que sur les dispositifs médicaux.

Ces économies, s’ajoutant à celles résultant de la générication du Plavix, devraient limiter l’évolution des remboursements à 2,2 %, qui sera sécurisée par un abaissement du taux K à 1 %, justifié par le ralentissement économique et l’absence de nouveaux médicaments innovants et onéreux.

Afin de favoriser l’essor des génériques, l’Assemblée nationale a, en outre, adopté deux amendements sur lesquels nous reviendrons lors de la discussion : l’un vise à inciter les médecins à prescrire dans le répertoire des génériques ; l’autre vise à permettre aux fabricants de génériques de reprendre la couleur, la saveur ou la présentation d’un princeps, même si ce dernier est déposé sous forme de marque ou de dessin, ce qui n’était pas possible jusqu’ici.

Enfin, en reprenant, tout en la modifiant, la proposition de la Mutualité sociale agricole sur les médicaments à 35 %, nous prévoyons de passer à 15 % les médicaments à service médical rendu faible dans toutes leurs indications, ainsi que les médicaments restés à 35 % alors que le service médical qu’ils rendaient a été jugé insuffisant. Les personnes exonérées du ticket modérateur, par exemple en ALD, ne seraient évidemment pas concernées par cette mesure, qui devrait permettre de réaliser 145 millions d’euros d’économies.

Le taux de remboursement ne dépendra toujours que d’un seul critère, exclusivement médical, l’efficacité du médicament. Nous aurons désormais quatre taux de remboursement : 100 % pour les médicaments irremplaçables et très coûteux, 65 % lorsque le service médical rendu est important – c’est le cas des analgésiques tels que l’aspirine ou le paracétamol –, 35 % lorsqu’il est modéré et 15 % lorsqu’il est faible. Je rappelle que, chaque année, des médicaments présentant un intérêt thérapeutique très élevé sont admis au remboursement, pour un montant global d’environ un milliard d’euros. Je pense, par exemple, à Varnoline, pilule de troisième génération remboursée à 65 % – enfin ! – ou à Revlimid, médicament très onéreux qui permet de soigner une maladie grave, le myélome multiple.

Comme je l’ai dit au début de mon intervention, le taux de progression de l’ONDAM sera également de 2,8 % pour les établissements de santé. Ce taux permettra de continuer à assurer le développement d’une offre hospitalière de soins adaptée aux besoins de la population. Il permettra de financer les plans de santé publique, qui représentent un apport essentiel sur des enjeux aussi importants que la lutte contre le cancer et la maladie d’Alzheimer, les soins palliatifs ou les soins aux détenus.

Ce taux de 2,8 % permettra aussi d’augmenter la dotation de l’assurance maladie au Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, et de financer la deuxième tranche du plan Hôpital 2012, dont l’objectif est de soutenir les projets d’investissement répondant à des critères d’efficience. Tout en favorisant les recompositions de l’offre et le développement des systèmes d’information, ce plan participe plus largement à la relance de notre économie, par son effet de levier sur de nombreux secteurs d’activité.

Ce taux de 2,8 % permettra, enfin, de financer la première étape d’un processus de revalorisation salariale des professions paramédicales qui se prolongera dans les années à venir. Les quotas des internes en médecine continueront également d’augmenter pour former les professionnels médicaux de demain.

Mais ce taux exigera aussi de poursuivre les efforts d’amélioration de la performance des établissements de santé.

Tout d’abord, si nous avons décidé, afin de prendre le temps des études préalables nécessaires, de repousser de 2012 à 2018 la date d’achèvement de la convergence intersectorielle entre les tarifs du secteur public et ceux du secteur privé, nous prévoyons aussi d’expérimenter une nouvelle approche de la convergence, ciblée sur certains séjours se prêtant à un rapprochement plus rapide des tarifs, notamment en chirurgie ambulatoire.

Ensuite, afin d’améliorer en profondeur et durablement la performance du secteur hospitalier, cinquante établissements mettront en œuvre des projets de transformation hospitalière qui, coordonnés par la nouvelle Agence nationale pour la performance hospitalière, porteront sur leurs modalités d’organisation et de fonctionnement. Des retours d’expérience seront systématiquement organisés pour permettre une diffusion des résultats au-delà des établissements pilotes.

Enfin, dans l’objectif de ralentir la progression particulièrement forte des dépenses de transport sanitaire – nous connaissons tous des exemples d’abus ou de mésusage ! –, nous proposerons un nouveau mécanisme de régulation, qui incitera les établissements de santé à réfléchir à une meilleure organisation de la prescription de transports sanitaires. Ce type de mécanisme, qui prend la forme d’une contractualisation entre l’établissement, l’agence régionale de santé et l’assurance maladie, a été adopté avec succès l’an dernier pour la liste des médicaments particulièrement coûteux à l’hôpital. Son efficacité a donc été démontrée. Un mécanisme analogue pour les médicaments consommés en ville mais prescrits à l’hôpital a, en outre, été adopté par amendement à l’Assemblée nationale, ce qui répondra, me semble-t-il, aux préoccupations exprimées par certains d’entre vous lors de mon audition en octobre dernier.

Par ailleurs, dans un souci d’ajustement des tarifs, le forfait journalier hospitalier, créé en 1983 pour participer aux frais d’hébergement à l’hôpital, et n’ayant pas augmenté depuis trois ans, passera de 16 euros à 18 euros en médecine, chirurgie et obstétrique et soins de suite et de réadaptation, et de 12 euros à 13,5 euros en psychiatrie.

M. Guy Fischer. Une hausse de 12,5 % ! C’est du jamais vu !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les patients les plus modestes, bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, ou de l’aide médicale d’État, l’AME, ainsi que les femmes enceintes et les victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, sont exonérés de ce forfait journalier hospitalier qui, pour les autres patients, peut être pris en charge par les assurances complémentaires santé. Représentant une économie d’environ 160 millions d’euros, cette mesure ne modifiera donc guère le niveau du reste à charge des ménages à l’hôpital : à 3 %, il reste le plus bas du monde !

M. François Autain. C’est déjà beaucoup !

M. Guy Fischer. Pendant ce temps, on laisse le capital tranquille !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Enfin, en tant que ministre des sports, mais aussi de la santé, soucieuse de supprimer toutes les niches sociales n’ayant pas démontré leur efficacité, je tiens à rappeler que c’est avec mon plein soutien que l’Assemblée nationale a, par amendement, avancé au 1er janvier 2010, la fin du droit à l’image collective des sportifs.

Cela dit, et nous y reviendrons au cours de la discussion, je ne suis pas hostile à ce que cette date soit repoussée, monsieur le rapporteur général, au 1er juillet 2010, afin de tenir compte du calendrier budgétaire des clubs sportifs.

M. Guy Fischer. Encore un recul !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous le voyez, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 – projet qui, fait exceptionnel, a reçu l’avis favorable de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM ! –, je ne vous annonce ni de grands plans, ni de grands soirs, simplement la continuité, contre vents et marées, de notre politique, qui s’apparente à un marathon.

L’année 2009 aura été une année de quasi-respect de l’ONDAM, avec le meilleur résultat de maîtrise des dépenses depuis 1999. Je m’engage à tout mettre en œuvre pour que, l’an prochain, nous puissions également constater le respect de l’ONDAM que nous vous proposons aujourd’hui.

Ce n’est qu’en avançant ainsi, régulièrement, que nous parviendrons à contenir à la source les dépenses, à réduire les déficits, sans remettre en cause les bases de notre système de santé et d’assurance maladie fondé sur la solidarité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Guy Fischer. C’est faux ! Les assurés paieront plus !

M. le président. La parole est à M.  Xavier Darcos, ministre.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 que nous avons l’honneur de vous présenter a fait l’objet d’une discussion assez longue, mais constructive, devant l’Assemblée nationale.

Je ne doute pas que nos débats devant la Haute Assemblée permettront de l’enrichir encore, et je veux d’ores et déjà saluer le travail réalisé par la commission des finances et la commission des affaires sociales, par leurs présidents respectifs, Jean Arthuis et Muguette Dini, par vos rapporteurs, Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour le secteur médico-social, Gérard Dériot, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, André Lardeux, rapporteur pour la branche famille, Dominique Leclerc, rapporteur pour l’assurance vieillesse, ainsi que Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Je tiens à signaler que ma collègue Nora Berra, qui devait intervenir dans la discussion générale, a dû rejoindre le Conseil des ministres. J’évoquerai donc à sa place les sujets qui la concernent.

Mme Annie David. La secrétaire d’État assiste au conseil des ministres et on nous empêche de participer à la réunion de notre groupe !

M. Xavier Darcos, ministre. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a deux ambitions. Il vise d’abord à renforcer notre dispositif de protection sociale : comme le Président de la République l’a clairement dit devant le Congrès à Versailles, il s’agit d’un des amortisseurs les plus fiables face à la crise exceptionnelle que nous traversons. Au-delà de ce contexte, les mesures que nous proposons pour les différentes branches répondent aux attentes prioritaires des Français en termes de solidarité et de justice sociale : la prise en charge de la dépendance des personnes âgées et des personnes handicapées, le maintien des atouts de notre politique familiale, l’équité en matière de retraites et la prévention des risques professionnels.

Mais la solidarité doit aller de pair avec le maintien de notre détermination à agir pour garantir la pérennité de notre modèle social. C’est pourquoi ce projet de loi de financement de la sécurité sociale maintient le cap des réformes que nous avons engagées, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, pour revaloriser le travail, répondre aux besoins sociaux de demain et assurer la pérennité de notre système de protection sociale à long terme, compte tenu du vieillissement de la population et de la diminution de nos recettes fiscales.

Avant d’entamer avec vous cette discussion générale, je voudrais donc prolonger le propos d’Éric Woerth et de Roselyne Bachelot-Narquin, en vous présentant les différentes mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui traduisent les priorités du ministère dont j’ai la charge.

En ce qui concerne la branche retraites, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 consolide nos mécanismes de solidarité et poursuit l’action que mène le Gouvernement pour revaloriser le travail.

Tout d’abord, nous avons voulu agir pour sauvegarder le dispositif de majoration de durée d’assurance des mères de famille. Le Gouvernement est très attaché à cet élément fondamental de notre politique familiale. Je tiens d’ailleurs à remercier Michèle André, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et Jacqueline Panis, rapporteur de cette délégation, de leur contribution sur ce sujet.

Comme vous le savez, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 février dernier nous avait placés face à nos responsabilités. Que serait-il advenu si nous avions refusé de faire évoluer le dispositif ? Nous n’aurions pas seulement dû nous résoudre à la disparition du principe même d’une compensation attribuée aux mères de famille, mais nous aurions aussi fait peser sur les générations futures une charge financière inenvisageable.

J’ai donc mené des consultations avec les partenaires sociaux et, grâce à un consensus, j’ai pu faire évoluer ce dispositif de majoration selon les principes suivants : la durée globale de majoration de durée d’assurance est maintenue à deux ans ; cette majoration comprendra deux parts de quatre trimestres chacune, la première au titre de la grossesse et de la maternité – la mère de famille en bénéficiant systématiquement –, et la seconde, au titre de l’éducation de l’enfant. Pour les enfants qui sont déjà nés, cette seconde part bénéficiera systématiquement à la mère, sauf si le père démontre explicitement, avant la fin de l’année 2010, qu’il a élevé seul son enfant, ce qui devrait être assez rare. Pour les enfants nés après le vote de la loi, cette deuxième part sera accordée, dans le silence du couple, à la mère, mais pourra éventuellement faire l’objet d’une répartition au sein du couple en cas d’accord entre les parents. Nous avons également affirmé le principe d’une majoration d’une durée globale de deux ans en cas d’adoption, alors que celle-ci n’est pas toujours acquise aujourd’hui.

S’agissant de l’articulation de la majoration de durée d’assurance avec le dispositif destiné aux « carrières longues », l’Assemblée nationale a adopté les amendements présentés par Denis Jacquat, qui établissent, me semble-t-il, un bon équilibre. Elle a en outre adopté un amendement qui prévoit, en cas de décès de l’un des deux parents, que le parent survivant se voit attribuer les trimestres de majoration de durée d’assurance dont aurait bénéficié le parent décédé. Cette mesure d’équité et de bon sens enrichit le texte du Gouvernement.

Parce que nous voulons valoriser le travail, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit par ailleurs la mobilisation en faveur de l’emploi des seniors. Vous le savez, les mesures que le Parlement a adoptées l’an dernier ont permis de franchir une étape décisive afin que les seniors ne soient plus discriminés, sous un prétexte ou sous un autre, et que cesse ce formidable gâchis de compétences et d’expériences.

Poursuivant cette politique volontariste, nous instaurons cette année une mesure nouvelle en faveur des invalides dits « de première catégorie », c’est-à-dire ceux que leur niveau d’incapacité n’empêche pas de poursuivre une activité professionnelle. Jusqu’à présent, en raison de l’interruption du versement de la pension d’invalidité à 60 ans, ces derniers étaient contraints de cesser leur activité professionnelle aussi dès l’âge de 60 ans. Il fallait remédier à cette situation : nous le faisons en permettant désormais à ceux qui le souhaitent de percevoir leur pension d’invalidité jusqu’à 65 ans.

M. Guy Fischer. Quant aux bien-portants, ils pourront travailler jusqu’à 70 ans !

M. Xavier Darcos, ministre. En outre, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui permettra de financer les régimes d’avantage social vieillesse, ou ASV, par une cotisation proportionnelle aux revenus plutôt que par une cotisation forfaitaire, afin de supprimer les freins au cumul emploi-retraite pour les professions concernées, notamment les médecins libéraux. Cette mesure constitue, comme vous le savez, une évolution tout à fait souhaitable, compte tenu des problèmes de démographie médicale que nous connaissons sur certaines parties de notre territoire, en particulier dans les départements ruraux.

Par ailleurs, afin d’améliorer l’équité entre retraités, nous avons décidé de doubler les prélèvements sur les « retraites chapeaux », dans un esprit de normalisation et de moralisation de ce dispositif. Cette mesure d’équité est destinée à rétablir l’égalité entre les différents régimes de retraite supplémentaire. Les évolutions apportées par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur Yves Bur, ont permis d’aller plus loin : désormais, ces régimes devront, comme les autres régimes de retraite supplémentaire, être gérés par des organismes extérieurs aux entreprises. Cette obligation contribuera à améliorer la transparence de ces régimes.

J’en viens maintenant au deuxième grand volet du PLFSS, dans le cadre de mon action ministérielle : la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou AT-MP. Le PLFSS renforce l’incitation des entreprises à améliorer la prévention des risques professionnels.

La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est une nécessité si nous voulons que, dans notre société, le progrès économique ne s’oppose pas au progrès social. J’y vois même la condition de la réhabilitation de la valeur travail, souhaitée par le Président de la République, car une société qui veut travailler plus est une société qui doit travailler mieux.

M. Guy Fischer. Il faut la payer plus !

M. François Autain. En attendant, c'est le chômage qui augmente !

M. Xavier Darcos, ministre. Le PLFSS instaure, monsieur Fischer, un système de bonus-malus plus efficace dans le champ des accidents du travail.

D’une part, il simplifie les mécanismes de majoration de cotisation qui existent en cas de risque avéré ou récurrent : c’est le malus. D’autre part, il crée une incitation financière pour les entreprises qui réalisent des investissements de prévention : c’est le bonus.

Nous transposons ainsi dans le PLFSS les orientations définies avec les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord du 12 mars 2007.

Par ailleurs, la branche AT-MP sera associée à la préparation du deuxième plan Santé au travail, qui porte sur la période 2010-2014 et vise notamment à développer une politique de prévention active des risques professionnels. Je présenterai ce deuxième plan Santé au travail le mois prochain.

J’aborde maintenant la branche famille, troisième grand volet du PLFSS. Celui-ci fait du développement de la garde d’enfant une priorité de la politique familiale.

La politique de la famille, en France, représente un effort de 88,3 milliards d’euros, soit 4,7 % de notre produit intérieur brut, alors que nos voisins européens n’y consacrent en moyenne que 2,5 % de leur produit intérieur brut. Cet effort porte ses fruits : grâce à un taux de natalité de 2,08 enfants par femme, nous sommes, si je puis dire, les champions d’Europe de la natalité.

Mme Annie David. Ceci explique cela !

M. Xavier Darcos, ministre. Pour accompagner et encourager le dynamisme de la natalité française, le Président de la République s’est engagé à développer, d’ici à 2012, 200 000 nouveaux modes de garde diversifiés, adaptés aux contraintes professionnelles des parents et aux réalités des territoires.

Pour atteindre cet objectif, nous proposons, avec Nadine Morano, la secrétaire d’État en charge de ces dossiers, d’ouvrir le dispositif du prêt à taux zéro aux assistants maternels, afin de lever les obstacles qui peuvent peser sur leur installation. Cette mesure nous permet de répondre à une très forte demande de ces professionnels et, ainsi, de continuer à œuvrer avec la même détermination en faveur du développement de la garde d’enfant.

L’Assemblée nationale a également voté deux dispositifs qui consacrent notre engagement pour le développement des modes d’accueil.

Le texte qui vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, permet ainsi de transformer les relais assistants maternels en relais d’accueil de la petite enfance, afin de permettre aux personnels effectuant des gardes à domicile de bénéficier également de ce dispositif de qualité.

Il prévoit aussi que ces assistants maternels puissent recevoir un agrément pour deux enfants au minimum, si les conditions d’accueil le leur permettent. C’est bien pour l’assistant maternel, qui pourra commencer à travailler avec un revenu décent ; c’est bien pour les parents, qui pourront trouver plus facilement des places d’accueil ; c’est bien pour les enfants, qui pourront être accueillis à plusieurs.

J’en termine par le champ médico-social. Le PLFSS poursuit notre effort soutenu en faveur des personnes dépendantes et handicapées.

En dépit d’un contexte économique dégradé, le Gouvernement a tenu à maintenir l’effort important de solidarité qu’il a engagé envers les plus fragiles, comme en témoigne le taux de progression de l’ONDAM médico-social, qui atteint 5,8 %.

Pour les personnes âgées dépendantes, nous poursuivrons la mise en œuvre du plan Alzheimer – Nora Berra aurait pu le détailler, je le fais à sa place –, la lutte contre la maladie d’Alzheimer étant une priorité du Gouvernement. En outre, 7 500 places nouvelles en maisons de retraite seront financées.

Pour les personnes handicapées, nous poursuivrons le plan de création de places annoncé par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 pour les enfants et adultes handicapés. Ainsi, ce sont plus de 50 000 places, 38 000 places pour les adultes et 12 000 places pour les jeunes, qui pourront être ouvertes à horizon de sept ans pour répondre à l’ensemble des besoins des familles.

M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !

M. Xavier Darcos, ministre. Ce défi sera encore relevé en 2010, et ce malgré le contexte budgétaire difficile que nous connaissons, puisque la mise en œuvre du plan mobilisera près de 360 millions d’euros de mesures nouvelles en faveur des établissements et services pour personnes handicapées. Au total, plus de 5 500 places nouvelles, diversifiées et adaptées aux besoins de chacun pourront être financées dès 2010.

Le PLFSS remédie en outre à une difficulté majeure que rencontrent les personnes handicapées : celle de la prise en charge des frais de transport pour se rendre en accueil de jour dans les maisons d’accueil spécialisées, les MAS, ou dans les foyers d’accueil médicalisés, les FAM. J’ai en effet décidé de permettre à ces établissements de financer sur leurs budgets les frais de transport des adultes handicapés qui se rendent en accueil de jour. L’année 2010 sera mise à profit pour affiner les conditions d’une intégration des frais de transport dans les budgets des établissements pour les autres modes d’accueil. (M. Guy Fischer s’exclame.)

J’ajoute enfin que, dans le cadre de ce débat, nous souhaitons apporter, avec Nadine Morano, une réponse juste au problème lié à l’augmentation du forfait journalier hospitalier pour les personnes qui relèvent de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et qui vivent en maison d’accueil spécialisée. Nous pensons qu’il est nécessaire de leur garantir un reste à vivre minimal, à l’instar des personnes vivant en foyer d’accueil médicalisé. Mme Desmarescaux présentera un amendement en ce sens, le Gouvernement y donnera un avis favorable.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales mesures de ce PLFSS pour 2010, sur lequel le Sénat est invité à se prononcer. Je suis certain que, comme l’ont dit Éric Woerth et Roselyne Bachelot-Narquin, la discussion qui s’ouvre à présent va permettre, si nécessaire, d’améliorer ce texte. L’essentiel, c’est que nous garantissions à tous nos concitoyens un système de protection sociale juste, solidaire et efficace. Ce sont les engagements du Président de la République ! Ce sont les engagements du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Guy Fischer. Nous allons pouvoir réagir !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos comprendra deux parties. En effet, je rapporte à la fois sur les équilibres généraux et sur la branche maladie. Vous allez donc devoir me supporter un peu plus de temps que les rapporteurs qui suivront, et je vous prie de m’en excuser.

Dans un premier temps, je m’en tiendrai à quelques considérations d’ordre général et à l’évocation des équilibres généraux.

L’éclairage triennal de la loi de financement de la sécurité sociale, selon un triptyque formé par l’exercice clos, l’exercice en cours et l’exercice à venir, nous permet de mesurer pleinement l’ampleur du dérapage des déficits des comptes sociaux depuis deux ans : 10,2 milliards d’euros en 2008, 23,5 milliards d’euros en 2009, 30,6 milliards d’euros en 2010.

Cette dégradation, inédite par son volume, fait de la comparaison entre la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et le PLFSS pour 2010 un exercice en grande partie inutile. En effet, tous les objectifs votés l’an dernier ont été très largement dépassés et sont donc significativement rectifiés à la hausse.

L’effet « crise économique » qui entraîne un effondrement des recettes – 25 milliards d’euros de pertes en 2009 et 2010 – tandis que les dépenses continuent de croître explique l’essentiel de ce dérapage. Jamais encore, par exemple, on n’avait enregistré deux années consécutives de baisse de la masse salariale. Or, celle-ci, vous le savez, sous-tend les trois quarts des recettes des régimes de sécurité sociale.

Il en résulte une accumulation des déficits rapide et sans précédent, qui masque, de surcroît, l’effort réel de maîtrise de la dépense : mis en œuvre avec constance depuis plusieurs années, cet effort n’est plus perceptible face à l’affaissement des recettes.

C’est sur la base de ces constats que je voudrais vous faire part des observations de notre commission des affaires sociales sur les grands équilibres et la situation générale des comptes sociaux. Dans un second temps, comme je l’ai dit voilà un instant, j’aborderai plus en détail le volet assurance maladie du texte.

Ma première observation porte sur le cadrage pluriannuel de l’annexe B, qui est l’une des particularités du projet de loi de financement de la sécurité sociale depuis la réforme organique de 2005. Établi parallèlement au cadrage de la loi de finances, il ouvre cette année des perspectives que je n’hésite pas à qualifier de très préoccupantes. Je vous en livre les grandes lignes.

Les évolutions sont bâties sur des hypothèses indéniablement volontaristes : …

M. Guy Fischer. Irréalistes !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … une croissance de 0,8 % en 2010, soit une reprise encore modérée, mais de 2,5 % pour les trois années suivantes ; une baisse de la masse salariale de 0,4 % en 2010, mais une augmentation, optimiste à mon sens, de 5 % pour les trois années suivantes.

M. Guy Fischer. Complètement irréaliste !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Or le contexte économique actuel, encore très incertain, nous incite à moins d’optimisme. Je note d’ailleurs que tous les instituts de prévision sont en ce moment à la peine pour fixer des chiffres, que ce soit pour le moyen terme ou simplement pour l’année 2010.

En dépit de ce cadre économique relativement favorable, les comptes de toutes les branches de la sécurité sociale restent déficitaires jusqu’en 2013 et le déficit total ne se réduit pas. Nous sommes donc passés d’un déficit conjoncturel constaté à la fin de l’année 2009 à un déficit structurel de l’ordre de 30 milliards d’euros.

M. Yves Daudigny. Ça, c’est la vérité !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. De plus, s’agissant de possibles modifications des hypothèses, si l’on considère, par exemple, l’indicateur de la masse salariale, il suffit que le taux retenu pour 2011 soit de 4 %, au lieu de 5 %, pour que le déficit se creuse aussitôt de 2 milliards d’euros supplémentaires.

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Si ce taux est de 3 %, il faut ajouter 2 milliards d’euros, soit 4 milliards d’euros supplémentaires de déficit annuel.

Or je vous le rappelle, sur la période 1998-2007, la masse salariale avait progressé en moyenne de 4,1 % par an, ce qui avait été considéré, à l’époque, comme un bon niveau. On peut donc considérer que nous ferons mieux au cours de la prochaine décennie, mais, à mon sens, c’est faire preuve de beaucoup d’optimisme, surtout après les propos qui ont été tenus par M. Éric Woerth, notre ministre en charge des comptes publics. Celui-ci semble effectivement se préoccuper de toute une série d’amendements que nous proposons au moment même où la France vit une des plus grandes crises financières de son histoire.

Ces prévisions peuvent en outre être utilement mises en regard de celles de l’année dernière qui, vous vous en souvenez, mes chers collègues, prévoyaient un retour à l’équilibre des comptes du régime général en 2012. À la fin de l’année 2013, si nous n’avons pas repris la dette, il nous faudra constater un déficit cumulé de 150 milliards d’euros. Et, le cadrage pluriannuel s’arrêtant en 2013, nous n’avons pas examiné ce qui se passera en 2014, 2015 ou 2016 !

Cela montre bien la volatilité des projections établies. Quoi qu’il en soit, ce cadrage pluriannuel a tout de même le mérite de tracer une trajectoire et de faire apparaître les contraintes qui s’imposent à nous pour respecter l’objectif et ne pas reporter à plus tard – ce serait souhaitable, selon moi – les mesures de maîtrise et de financement de la dette. J’y reviendrai dans un instant.

J’en viens à mes observations sur les équilibres généraux. J’en ferai trois.

Première observation, la priorité consiste à régler la question des déficits accumulés. C’est un point sur lequel nous commençons à avoir des divergences avec le Gouvernement.

Le PLFSS ne prévoit aucune reprise de la dette, cela vient d’être confirmé, et vous nous avez également indiqué, monsieur le ministre, que le Gouvernement n’envisageait aucune mesure avant 2011, au motif que vous ignorez ce que sera la situation de 2011, tant en termes de dépenses qu’en termes de recettes. Cela signifie que l’ACOSS va devoir porter dans ses comptes les déficits de 2009 et de 2010, dans la limite d’un plafond historique de 65 milliards d’euros. Du jamais vu !

Or, comme nous l’avons déjà démontré, plus on attend, plus le transfert des dettes à la CADES devient coûteux…

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … et plus on reporte le poids de cette charge sur les contribuables de demain. C’est pourquoi nous souhaitons, contrairement au Gouvernement, vous proposer, mes chers collègues, de faire un premier pas dès cette année.

Il consisterait à faire reprendre par la CADES environ 20 milliards d’euros, soit le « point haut » de la trésorerie de l’ACOSS en 2010. Ce transfert serait bien entendu accompagné des recettes nécessaires à son remboursement, puisque la loi organique de 2005 a prévu que nous ne pouvons pas transférer de dettes sans prévoir de recettes, de telle manière que nous ne reportions pas plus avant, sur les générations futures, le poids de cette dette. Le taux de la CRDS serait donc, si vous nous suivez, augmenté de 0,15 point…

M. Gilbert Barbier. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … et atteindrait ainsi 0,65 %, ce qui permettrait de ramener le plafond d’emprunt de l’ACOSS à 45 milliards d’euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Monsieur le ministre, vous considérez que la crise est telle que l’on ne peut pas prendre le risque, par une mesure de cette nature, de peser sur les prélèvements obligatoires et d’affecter notre économie et la compétitivité des entreprises. Sans vouloir vous offenser, je tiens à vous préciser, si cette information ne vous a pas été communiquée par vos collaborateurs, que le transfert de 20 milliards d’euros à la CADES et l’augmentation de 0,15 point de la CRDS, cela se traduirait pour un salarié au SMIC par un effort mensuel de 1 euro.

Le fait pour chaque salarié rémunéré au SMIC d’acquitter un euro supplémentaire représente-t-il un effort insurmontable, qui aura une incidence sur l’emploi et le pouvoir d’achat de nos concitoyens ?

M. Guy Fischer. Et la prise en compte de la CRDS et de la CSG dans le bouclier fiscal ?

Mme Annie David. Et ceux qui bénéficient du bouclier fiscal, ils ne peuvent pas payer l’impôt ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Monsieur Fischer, madame David, nous en reparlerons lors de l’examen des amendements. Ne tombons pas dans des considérations idéologiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas idéologique, c’est la justice sociale !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. J’ajoute, si vous me le permettez (Mme Annie David proteste)… Vous aurez l’occasion de vous exprimer tout à l’heure, madame David, laissez-moi terminer !

M. Guy Fischer. Devant de tels propos, on ne résiste pas !

Mme Gisèle Printz. C’est honteux !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Monsieur le ministre, vous avez fait valoir tout à l’heure qu’une telle mesure, loin de renforcer notre économie, fragiliserait la sortie de crise. En qualité de rapporteur général, je pourrais, si la commission des affaires sociales en était d’accord, retirer cet amendement…

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … si vous acceptiez de considérer comme moi-même – et je m’en suis entretenu tout à l’heure avec le président du groupe de l’Union centriste, Nicolas About – que la situation de la sécurité sociale n’est pas liée à un déficit structurel ni à un dérapage des dépenses, mais que c’est bien la conséquence d’une crise économique, indépendante de la situation des différentes branches de la sécurité sociale.

Ne vaudrait-il pas mieux que ce déficit, lié à un manque de recettes résultant lui-même de difficultés économiques, soit pris en charge par le budget de l’État ? Il viendrait, certes, gonfler d’autant le déficit public mais nous pourrions considérer que les déficits des quatre branches liés à des problèmes structurels devraient être les seuls à être supportés par la CADES dans les années qui viennent.

En effet, la crise économique a fragilisé la situation. (Mme Annie David s’exclame.) Si le budget de l’État prend en charge ces 20 milliards d’euros, nous n’aurons pas besoin de les transférer à la CADES. J’imagine que Nicolas About vous en parlera tout à l’heure.

La deuxième observation que je voulais faire concerne la maîtrise des dépenses.

Nous sommes complètement en phase avec vous et avec Roselyne Bachelot sur la nécessité de continuer dans cette direction. Le contexte financier actuel exige que nous poursuivions et que nous amplifiions les efforts de ces dernières années.

Cela implique en particulier une volonté forte pour continuer à réformer l’hôpital. Je sais que l’un et l’autre vous partagez cette volonté, encore faudra-t-il la traduire par des actes.

Le Premier président de la Cour des comptes – Eric Woerth y a fait référence tout à l’heure pour justifier certaines positions du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le droit à l’image – a fait valoir la semaine dernière devant notre commission qu’il existait de réelles marges de progrès et d’efficience à l’hôpital ; je vous renvoie d’ailleurs à son rapport.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Excellent rapport !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Il est impératif que ces marges soient mobilisées. Ce sera une mission prioritaire pour les ARS.

M. Guy Fischer. Ce sera leur mission prioritaire !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Celles-ci viennent d’être créées, laissons-leur le temps de se mettre en place et d’agir. C’est aussi dans cet esprit que je vous proposerai de ramener l’horizon de la convergence à 2014.

J’en viens aux dépenses des autres branches.

J’insiste sur la nécessité que le rendez-vous de 2010 sur les retraites, auquel nous invitera M. Darcos, permette d’apporter des solutions durables à l’équilibre des comptes de la vieillesse.

Nous souhaitions d’ailleurs y consacrer la discussion thématique,…

M. Guy Fischer. Elle est annulée !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … mais j’ai cru comprendre, madame la présidente Dini, que cette discussion serait peut-être reportée pour nous permettre de terminer dans des délais acceptables l’examen du PLFSS. (M. Jean-Pierre Godefroy s’exclame.)

Troisième observation : il est plus que jamais nécessaire de chercher à assurer un financement durable de la protection sociale. Sur ce point, nous avons également quelques divergences avec le ministre des comptes publics.

Pour faire face à des dépenses croissantes, notamment en matière de santé et de vieillesse, il manque et il manquera à la sécurité sociale des moyens de financement à la fois pérennes et dynamiques.

Il est donc impératif de préserver les ressources actuelles mais aussi de réfléchir à la mobilisation de nouvelles ressources.

Pour sécuriser les recettes, notre commission a fait de nombreuses propositions ces dernières années, dont un certain nombre ont d’ailleurs été reprises par le Gouvernement ou par les députés. Nous avons souvent tort d’avoir raison trop tôt. C’est ainsi que nous avions proposé la taxation des stock-options. Elle n’a pas été acceptée la première année mais elle a été reprise par les députés. Nous avions également proposé une « flat tax » sur les niches sociales : le Gouvernement a créé le forfait social l’année dernière et a décidé de le doubler cette année.

Nous proposons aujourd'hui d’augmenter la CRDS. Le Gouvernement reprendra fort probablement cette solution l’année prochaine mais considère que les propositions que nous faisons viennent toujours trop tôt et nous demande de retirer les amendements afférents.

Je vous propose d’avancer sur la question des allégements généraux de charges sociales en calculant les exonérations sur une base annuelle et non mensuelle, afin d’éviter certains contournements. J’ai compris que le ministre n’y était pas hostile sur le principe mais voulait prendre un peu de temps avant que la mesure entre en application ; nous en parlerons lors de l’examen de l’amendement.

Je vous propose également de plafonner l’exonération de charges sociales applicable aux retraites « chapeau » dont nous a parlé Xavier Darcos.

Je vous propose aussi de commencer à aligner l’assiette de la CSG sur celle, plus large, de la CRDS en soumettant à la CSG les ventes de métaux précieux, bijoux et objets d’art.

À l’inverse, sur le droit à l’image collective des sportifs professionnels, qui a suscité bien des paroles et a fait couler beaucoup d’encre, je vous proposerai de décaler la date retenue pour l’extinction du dispositif d’exonération, car il nous paraît plus raisonnable d’attendre la fin de la saison sportive pour changer les règles du jeu. J’ai cru comprendre que le Gouvernement était favorable à cette proposition.

Mme Annie David. Bien sûr !

M. Guy Fischer. M. Thiriez a été entendu !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. D’autres amendements sur le sujet seront présentés, notamment par la commission des finances, et nous verrons si Mme Bachelot ou M. Woerth souhaitent aller au-delà de nos propositions.

J’en viens à présent au volet assurance maladie.

L’assurance maladie a été, comme les autres branches, durement frappée par la crise des recettes. Elle redevient la branche la plus déficitaire et dépasse dorénavant la branche vieillesse, malheureusement au moment où l’effort mené depuis plusieurs années pour maîtriser l’évolution des dépenses, tout en maintenant le niveau de la protection, commence à porter ses fruits.

Sur les quatre dernières années, l’augmentation moyenne des dépenses imputées sur l’ONDAM a été de 3,5 % et l’ONDAM 2009 devrait être pratiquement respecté. Ce sera certainement l’une des premières fois depuis que l’ONDAM existe. Le premier, celui de 1997, après le vote de la réforme constitutionnelle, a été respecté ; celui-ci l’est pour cette année à 300 millions d’euros près, ce qui démontre que nous avons réussi à maîtriser l’évolution des dépenses.

Il faut bien sûr, indépendamment de la crise, poursuivre dans cette voie.

Il est proposé de limiter la progression de l’ONDAM à 3 % en 2010. Si nous ne relâchons pas nos efforts en matière de gestion du risque, de maîtrise médicalisée des dépenses et de renforcement des contrôles, cet objectif paraît tenable et, avec le renfort de quelques mesures d’économie, nous devrions garder la marge nécessaire pour financer l’accès au progrès thérapeutique et les plans de santé publique.

En ce qui concerne les soins de ville, nous disposons désormais d’une large gamme d’instruments de maîtrise médicalisée des dépenses, qui devraient continuer de produire leurs effets ; je pense en particulier à l’action médico-économique positive développée par la Haute Autorité de santé et au contrat d’amélioration des pratiques individuelles, le CAPI, dont le succès semble dépasser les espérances premières de Mme le ministre. Le projet de loi lui ajoute une procédure contractuelle alternative à la mise sous contrôle préalable, en matière d’indemnités journalières ou de transports sanitaires, et il complète utilement les dispositifs de contrôle et de lutte contre la fraude, mesures auxquelles le ministre Éric Woerth, comme nous-mêmes, est très attaché.

Pour ce qui est de la maîtrise médicalisée des dépenses à l’hôpital, on pourrait dire : peut mieux faire.

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. L’hôpital reste, en dépit de progrès récents, largement une terre de mission. Nous ne pouvons donc que soutenir les dispositions, enrichies par l’Assemblée nationale, qui prévoient des dispositifs contractuels de régulation des prescriptions hospitalières de transports et de médicaments qui ont une incidence directe sur les dépenses de soins de ville. Nous maintenons cependant que le meilleur moyen d’y parvenir est l’identification des auteurs de prescriptions hospitalières, dont nous avons voté le principe il y a déjà cinq ans.

Je l’avais fait par voie d’amendement et M. Bertrand m’avait demandé de retirer ma proposition en disant qu’il réglerait cette question par décret. Je constate que cinq ans plus tard, même si le décret est paru, la disposition n’est toujours pas appliquée. Des difficultés d’ordre technique, logistique ou informatique sont avancées pour justifier ce retard. J’espère, madame le ministre, que vous nous confirmerez que cette mesure entrera enfin en application en 2010.

On peut en effet s’interroger sur les raisons de cette inertie très importante du ministère : celle-ci ne dissimule-t-elle pas un manque de volonté politique d’avancer sur la maîtrise médicalisée des dépenses à l’hôpital ? Il est quand même surprenant que l’on ne soit pas capable d’identifier les médecins qui délivrent des prescriptions à l’hôpital alors qu’on l’a fait depuis longtemps pour les médecins de ville.

J’en viens à présent aux quelques points sur lesquels nous souhaitons compléter ou préciser ce projet de loi de financement.

Le premier sujet est l’hôpital.

Madame le ministre, vous avez annoncé lors de l’examen du texte qui est devenu la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », le report à 2018 de la convergence intersectorielle, qui représente l’aboutissement logique du passage à la tarification à l’activité, la T2A.

On l’a un peu oublié depuis le temps, mais la T2A était le seul moyen de sortir du régime de tarification hospitalière que nous avons connu jusqu’en 2004, qui se caractérisait par d’inexplicables disparités de traitement entre les régions, entre les établissements, entre les secteurs, qui freinait l’adaptation de l’offre de soins, qui s’était avéré impossible à réformer et dont le résultat le plus clair était, comme on a pu le dire, d’enrichir les établissements les plus riches et d’appauvrir les plus pauvres.

Compte tenu de la situation dont nous partions, tout était à faire, et il ne faut pas s’étonner que cela ait été difficile. La Cour des comptes, une fois encore, a porté un jugement sévère et mérité sur le pénible cheminement de la réforme. Mais elle convient avec nous que, désormais, les choses avancent.

La convergence des tarifs ne signifie pas nécessairement leur égalisation parfaite : il reste à mesurer certaines différences de charges et les écarts de tarif correspondants ; il reste aussi à mettre en cohérence les charges couvertes par les tarifs. Une série d’études bien identifiées – pas moins de seize, me semble-t-il –, dont nous avons désormais la liste, sera disponible en 2012. Pourquoi attendre six années supplémentaires pour achever le processus ? C’est pourquoi nous proposons de fixer l’échéance à la date, raisonnable, de 2014.

M. Jacky Le Menn. Irréaliste !

M. Guy Fischer. M. Vasselle veut tordre le cou à l’hôpital public !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. J’ai la faiblesse de penser que ce choix est plus constructif que celui d’une convergence ciblée sur quelques groupes homogènes de séjour, GHS, d’ailleurs non déterminés pour l’instant. Mais nous aurons, je n’en doute pas, plus de précisions pendant la discussion de la part de Mme le ministre.

Un deuxième sujet est celui des affections de longue durée, les fameuses ALD. Le texte n’y consacre qu’un article : il est relatif à la prise en charge du suivi médical des patients sortant d’une ALD.

Sa portée est d’autant plus limitée qu’il est présenté comme visant essentiellement le cas du cancer et je crains, malheureusement, qu’il ne suffise pas à changer le regard social sur cette maladie. Mais je regrette surtout que l’on n’aborde qu’à travers cette mesure très ponctuelle le sujet des ALD, dont le régime a vieilli.

La Haute Autorité de santé a mené, ces trois dernières années, des travaux importants sur ce sujet, qui permettraient une mise à jour très rapide des critères médicaux d’entrée en ALD. Chacun conviendra que ces critères sont largement obsolètes aujourd’hui. Il est important, à notre sens, de préciser les durées d’admission et les conditions médicales de sortie ou de renouvellement de ce régime. Nous vous proposerons donc un amendement.

Troisième sujet, celui de la contribution – on en prévoit d’ailleurs deux – que les régimes d’assurance maladie doivent apporter en 2010 au financement des ARS, conformément à la loi HPST. Or l’article qui leur est consacré dans le PLFSS ne contient aucun chiffre, ce qui est contraire aux dispositions que nous avions votées dans le cadre de la loi HPST.

Il y est d’abord question d’un fonds de concours destiné à financer l’installation des ARS, auquel participerait l’assurance maladie. Mais la création de ce type de fonds relève de la responsabilité du ministère des finances et les fonds de concours ne peuvent recevoir de contributions obligatoires. Nous suggérons donc purement et simplement de supprimer cette disposition qui n’apporte rien au texte que nous avions adopté précédemment.

Quant à la contribution annuelle aux agences, il est prévu, pour 2010, de la fixer par arrêté. Lorsque, par la voie d’un amendement – je remercie Alain Milon et vous-même, madame le ministre, de l’avoir accepté à l’époque – j’ai fait préciser dans la loi HPST que cette contribution serait déterminée par le PLFSS, je ne m’attendais pas à ce qu’une mesure renvoie cela à un arrêté.

En l’occurrence, il ne s’agit pas seulement de faire respecter notre compétence, il s’agit aussi des ressources de l’assurance maladie, qui, c’est le moins que l’on puisse dire, ne sont pas surabondantes et n’ont pas pour première vocation de financer le fonctionnement d’établissements publics de l’État. Nous vous proposerons donc d’encadrer ce dispositif.

M. Guy Fischer. Le Gouvernement n’a pas à puiser dans les caisses de l’assurance maladie !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Je souhaiterais, pour finir, aborder deux sujets encore, et tout d’abord les dépenses liées à la grippe H1N1.

Les assurances complémentaires vont mettre la main à la poche et le projet de loi de financement prévoit que leur contribution sera, et je ne peux que m’en féliciter, affectée à la CNAM, ce qui est logique puisque cette contribution est représentative du ticket modérateur.

Or, dans un revirement particulièrement inattendu, le Gouvernement vient de proposer, au cours de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale, d’affecter finalement cette contribution à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, ce qui conduira à en répartir l’apport entre l’État et la CNAM.

M. Guy Fischer. L’État cherche à récupérer des sous !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. Cette nouvelle formule ne me paraît pas acceptable,…

M. Guy Fischer. Irréaliste !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … tout comme d’ailleurs l’amendement, également voté à l’Assemblée nationale, aux termes duquel les dépenses d’indemnisation des personnes qui procéderont aux vaccinations pèseront sur l’assurance maladie. Que je sache, ce type de réquisitions doit normalement être financé par l’État.

Par ailleurs, je vous proposerai de ne pas exclure du seuil d’alerte de dépassement de l’ONDAM les dépenses que la grippe provoquera. En effet, c’est une mesure à la fois contestable sur le plan des principes et difficile à appliquer. Comment, en effet, isoler les consultations ou les indemnités journalières H1N1 au sein des soins de villes ? Je serai attentif aux précisions que Mme le ministre nous apportera sur ce point.

Je terminerai par quelques mots sur le secteur optionnel. J’avais déposé une série d’amendements dans le cadre du projet de loi HPST. Mme le ministre m’avait alors répondu que le temps n’était pas venu d’adopter des amendements de cette nature (M. Dominique Leclerc s’esclaffe), qu’il fallait laisser les négociations conventionnelles trouver une issue à cette question.

Or, j’ai découvert, au cours de la commission mixte paritaire consacrée à l’examen du texte HPST, un amendement de M. Yves Bur…

M. Dominique Leclerc. Encore lui !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … prévoyant que si les professionnels de santé et la CNAM ne parvenaient pas à trouver un accord avant le 15 octobre, le Gouvernement serait alors chargé de la mise en place du secteur optionnel. C’était ni plus ni moins ce que je proposais au travers de mes amendements qui avaient pourtant été rejetés pendant la discussion.

Mais il semblerait que, entre-temps, le plus haut personnage de l’État se soit manifesté (Qui est-ce ? sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), ce qui a amené Mme le ministre à prendre en considération cette disposition.

Les partenaires se sont mis autour de la table et les choses n’ont pas tardé puisqu’un protocole a été signé à la date fatidique du 15 octobre. Ce qui prouve que lorsqu’on le veut vraiment on finit par aboutir à quelque chose.

Pour autant, cela n’a pas été intégré dans les négociations conventionnelles. Aussi, je proposerai deux amendements, dont nous parlerons bientôt, pour « booster » un peu les choses.

Voilà, mes chers collègues, en ayant dépassé mon temps de parole de cinq minutes et je vous prie de m’en excuser, les propositions que je tenais à formuler devant vous au nom de la commission des affaires sociales. Il nous faut plus que jamais inventer la meilleure façon de s’attaquer aux causes structurelles des déficits et trouver les moyens de cesser de les reporter sur les générations futures. Au moins sur ce point, je pense qu’il y a un consensus sur toutes les travées de notre Haute Assemblée,…

M. Guy Fischer. Vous rêvez !

M. Alain Vasselle, rapporteur général. … et un accord avec les membres du Gouvernement. Même si nous nous accordons sur les objectifs, nous divergeons souvent sur les moyens de les atteindre. Nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau au cours de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, notre commission consacre un rapport spécifique au secteur médico-social dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Notre initiative de l’an dernier a dû être bien perçue puisqu’elle est reprise, cette année, par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. À l’heure où le débat sur la dépendance, son coût et les outils de sa prise en charge s’intensifie, il est plus que jamais nécessaire que le Parlement fasse entendre sa voix et soit une force de proposition.

L’évolution des crédits consacrés, en 2009 et 2010, à la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées témoigne d’un engagement soutenu de la part des pouvoirs publics.

À travers le plan de relance de l’économie tout d’abord, le secteur a bénéficié de 70 millions d’euros pour financer des opérations d’investissement destinées à améliorer la prise en charge dans les structures d’accueil.

M. Guy Fischer. C’est peu !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Le secteur a également bénéficié de l’augmentation des enveloppes anticipées de création de places, afin d’accélérer l’ouverture de 5 000 places en EHPAD, établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes, et de 1 200 places en établissements pour personnes handicapées.

Dans le cadre du PLFSS pour 2010 ensuite, M. Alain Vasselle, notre excellent rapporteur général, vient d’indiquer que l’ONDAM augmentera de 3 % l’an prochain. Au sein de cette enveloppe, les deux ONDAM consacrés au médico-social, l’un pour les personnes handicapées, l’autre pour les personnes âgées, s’établissent respectivement à 7,9 milliards et 7 milliards d’euros, soit une progression globale de 5,8 % par rapport à 2009. Dans un contexte économique dégradé, où les arbitrages financiers sont particulièrement délicats, je tiens à saluer cet effort.

En effet, il va permettre de poursuivre le déploiement des plans Solidarité-Grand Âge et Alzheimer en finançant, pour plus de 550 millions d’euros, 7 500 nouvelles places en EHPAD, établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes, 6 000 places de SSIAD, les services de soins infirmiers à domicile, 3 250 places d’accueil de jour et d’hébergement temporaire, ainsi que 5 000 nouveaux emplois d’infirmiers et d’aides soignants. Parallèlement, 360 millions d’euros supplémentaires seront consacrés aux établissements et services pour personnes handicapées, notamment pour financer la création de 5 500 nouvelles places.

Pour autant, il faut bien le reconnaître, le tableau financier n’est pas aussi rose qu’il y paraît.

M. Guy Fischer. Ah, enfin !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Un examen approfondi de la construction de l’ONDAM fait en effet apparaître que son taux de progression est en partie artificiel, et ce en raison du gel des dotations médico-sociales intervenu en 2009, pour un montant de 150 millions d’euros, et des opérations de fongibilité entre enveloppes sanitaire et médico-sociale.

M. Yves Daudigny. C’est honnête !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Par ailleurs, la crise ayant profondément affecté le dynamisme des ressources de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ses concours au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, sont moins élevés que prévu.

M. Yves Daudigny. C’est bien de le souligner !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. La conséquence, vous la connaissez : les départements sont obligés de prendre le relais (M. Yves Daudigny acquiesce), si bien qu’aujourd’hui le taux de couverture de l’APA par les budgets des conseils généraux avoisine les 70 %.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Merci de votre intervention, monsieur Fischer !

Je terminerai cette présentation financière en insistant sur la progression soutenue des charges liées à la dépendance, ce qui rend le statu quo intenable à terme.

On estime ainsi que la couverture des besoins du seul plan Solidarité-Grand Âge en 2011 nécessiterait une augmentation de l’ONDAM médico-social de 7,4 %,…

M. Jacky Le Menn. Au minimum !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … perspective bien improbable. Rien ne garantit donc la pérennité financière du plan dans les prochaines années, d’autant plus que la crise économique n’a hélas ! pas fini de produire ses effets.

Ce constat particulièrement préoccupant oblige à poser une nouvelle fois la question de la création d’un cinquième risque de protection sociale, dossier sur lequel la mission commune d’information créée par le Sénat en 2007 a formulé des préconisations qui pourraient utilement enrichir le projet de loi annoncé, si celui-ci devait enfin voir le jour.

M. Yves Daudigny. C’est l’Arlésienne !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je sais, monsieur Darcos, que vous vous êtes prononcé sur ce sujet.

Le PLFSS pour 2010 intervient dans un contexte particulier pour le secteur médico-social. Celui-ci connaît en effet d’importantes évolutions qui résultent, d’une part, de la mise en œuvre des réformes introduites par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, comme la convergence tarifaire et la tarification à la ressource, et, d’autre part, de la nouvelle gouvernance médico-sociale voulue par la loi Hôpital, patients, santé et territoires.

Pour ces raisons, le texte ne comporte que peu de mesures relatives au secteur médico-social. La plus importante, qui figure à l’article 33, concerne, vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la prise en charge des frais de transport des adultes handicapés hébergés en accueil de jour dans les maisons d’accueil spécialisées et les foyers d’accueil médicalisés. Il s’agit d’une avancée majeure pour les personnes handicapées, laquelle ne doit constituer qu’une première étape dans un processus de réforme qui devra, à terme, concerner également d’autres modes d’accueil.

Je voudrais également insister sur quelques-uns des nombreux défis qui attendent le secteur.

Ainsi, s’agissant de l’accueil en établissement, force est de constater que le modèle de l’EHPAD « classique » n’est plus suffisamment adapté à la prise en charge des personnes, dont le niveau de soins requis s’est considérablement accru.

En ce qui concerne le secteur des services de l’aide à domicile, personne n’ignore qu’il est confronté à de lourds problèmes financiers. J’en suis témoin dans mon département, où des associations ont été récemment contraintes de déposer le bilan. D’autres, comme l’Association soins et services à domicile, l’ASSAD, à Dunkerque, dont je suis d’ailleurs administrateur, puisent dans leurs réserves, qui ne sont pas sans fond !

Mon inquiétude est forte et je crains que les années à venir ne soient pénalisantes pour les services d’aide à domicile. Il est donc urgent de réformer le système de tarification et d’en simplifier le cadre juridique.

Par ailleurs, je compte sur vous, monsieur le ministre, cher Xavier Darcos, ainsi que sur Mme la secrétaire d’État Nora Berra concernant la réforme de la tarification des SSIAD. Je sais que vous y accordez une attention toute particulière.

Je n’occulte pas non plus le problème du reste à charge, qui demeure entier, tant pour les personnes accueillies en établissement que pour celles qui restent à domicile.

M. Guy Fischer. Ils augmentent de plus en plus !

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Merci d’abonder dans mon sens par vos interruptions répétées, monsieur Fischer, mais vous aurez la parole ultérieurement !

M. le président. C’est une familiarité d’approbation…

M. Gilbert Barbier. Il pourrait s’en dispenser !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.

Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je tiens également à insister sur la prise en charge du handicap, où il reste beaucoup à faire.

Pour en avoir discuté avec Mme Morano à de nombreuses reprises, je sais que Mme  la ministre mettra tout en œuvre pour répondre au mieux aux attentes des personnes handicapées.

Permettez-moi toutefois d’insister sur un point : la difficile situation des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, qui suscite depuis plusieurs semaines beaucoup d’interrogations de la part des sénateurs. L’excellent rapport remis par mon ami et collègue Paul Blanc et ma collègue Annie Jarraud-Vergnolle fait d’ailleurs clairement état de ces dysfonctionnements.

Avant de conclure, je voudrais faire part de ma satisfaction quant à la levée de l’article 40 sur l’amendement que j’avais proposé à mes collègues et qu’ils avaient unanimement approuvé. Nous souhaitons en effet que l’augmentation du forfait hospitalier ne puisse conduire à abaisser le reste à vivre des personnes hébergées en maisons d’accueil spécialisées en dessous d’un certain montant.

Dans l’attente des prochaines réformes pour lesquelles, j’ose le dire, je suis confiante, la commission des affaires sociales vous demande, mes chers collègues, d’adopter les mesures proposées pour le secteur médico-social ainsi que l’amendement que je vous vous soumettrai. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, comme l’ensemble des régimes de sécurité sociale, la branche famille entre, à compter de cette année, dans une période de déficit structurel d’une ampleur inégalée dans son histoire.

Plus de trois milliards d’euros de déficit cette année, plus de quatre l’an prochain, au total plus de dix-huit milliards d’euros de dette accumulée à la fin de 2013 : jamais la branche famille, habituellement proche de l’équilibre, n’a connu un tel état de fragilité financière.

Bien sûr, c’est en majeure partie la crise économique qui explique le décrochage entre les recettes et les charges : les premières, majoritairement assises sur les salaires, sont pénalisées par la rétraction de la masse salariale, alors que les secondes, au contraire, continuent d’évoluer selon un rythme propre, en fonction du taux de natalité, de l’inflation et du dynamisme du fonds national d’action sanitaire et sociale, le FNASS, qui assure le cofinancement des crèches.

Sur ce point, permettez-moi de faire deux remarques.

Tout d’abord, en ce qui concerne la hausse des dépenses, ce n’est ni le nombre de naissances, qui s’est stabilisé depuis trois ans, ni l’inflation, de l’ordre de 0,4 % en 2009, ni le FNASS, lequel poursuit sa progression annuelle de 7,5 % conformément à la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012, qui peuvent l’expliquer. En fait, l’augmentation est due au relèvement du taux de prise en charge par la branche famille des majorations de pension pour enfants. Ce poste représente cette année plus de 46 % de la croissance totale des charges. À titre personnel, je tiens à exprimer de nouveau mon opposition à ce transfert, qui pèse lourdement sur la branche, laquelle serait pratiquement à l’équilibre sans cela.

Ensuite, je voudrais évoquer rapidement les options dont nous disposons pour gérer ce déficit.

L’une d’elles consisterait à fermer les yeux et à laisser filer la dette, ce qui revient en fait à la faire porter par les générations futures. Même si c’est précisément ce que nous avons fait jusqu’à présent, cette abstention me paraît indéfendable sur un plan tant moral qu’économique. Comment grever les capacités d’investissement de nos enfants et petits-enfants alors qu’ils devront faire face à une concurrence économique internationale plus rude que jamais ? Ce serait irresponsable !

Il nous reste donc deux options : supprimer certaines prestations ou augmenter les prélèvements sociaux.

La première conduirait à ne pas verser les allocations familiales pendant un an et demi, ou l’allocation de logement familiale pendant quatre ans ou l’allocation de rentrée scolaire pendant douze ans.

M. Guy Fischer. C’est de la provocation !

M. André Lardeux, rapporteur. Ces opérations devraient en outre être régulièrement répétées au-delà de 2013 afin de résorber les déficits susceptibles de s’accumuler.

Est-il vraiment concevable, en situation de crise économique en particulier, de baisser les aides accordées aux familles, surtout les plus vulnérables ? Poser la question, c’est y répondre. Cette voie nous est donc fermée.

La seule solution raisonnable est donc d’augmenter les prélèvements sociaux, et sans tarder, car, comme l’a très bien démontré Alain Vasselle, plus cette hausse sera différée, plus elle sera brutale, et donc difficile à supporter.

Avant d’en venir aux mesures nouvelles du PLFSS, je souhaite faire un point rapide sur l’offre de garde d’enfant dans notre pays.

Nous connaissons tous la situation pour la vivre sur le terrain. Il est évident que, même si la politique française est exemplaire en la matière, l’augmentation annuelle de 32 000 places des capacités d’accueil des jeunes enfants est insuffisante pour répondre à la demande, estimée, selon le rapport Tabarot, à 400 000 places dans les deux ou trois prochaines années.

La solution la moins coûteuse pour les finances sociales consiste à augmenter le nombre d’assistantes maternelles et à renforcer leur niveau de formation. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille cesser de construire des crèches ou ne plus aider la garde à domicile, car ces deux formules ont leurs avantages spécifiques, même si elles sont plus coûteuses. C’est pourquoi le prêt de 10 000 euros à taux zéro accordé aux assistantes maternelles va dans le bon sens, tout comme l’agrément octroyé pour deux enfants dès la première demande, qui a été introduit par l’Assemblée nationale.

Toutefois, je crois que nous pouvons aller plus loin, et c’est ce que la commission des affaires sociales propose à travers les quatre mesures qu’elle présentera.

Je ne m’attarderai que sur la première d’entre elles, car c’est à mon sens la plus importante, qui vise à sécuriser les regroupements d’assistantes maternelles, que nous avons autorisés dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

Je regrette que Mme Morano ne puisse être parmi nous ce matin, car je souhaite rappeler que plusieurs membres de notre assemblée l’avaient mise en garde, dès le mois de juin dernier, contre les dérives bureaucratiques dont l’encadrement de ces nouvelles structures pouvait faire l’objet. Permettez-moi de rappeler ce qu’écrivait à ce sujet Jean-Marc Juilhard dans son rapport consacré à l’accueil des jeunes enfants en milieu rural : les regroupements « ne pourront se généraliser qu’à la condition de ne pas faire l’objet de normes trop nombreuses et trop contraignantes. Il ne faudrait pas, en effet, que la liberté volontairement laissée par le législateur à ces structures soit restreinte par l’intervention de la CNAF ou de certaines CAF ou services de PMI ».

Or, monsieur le ministre, c’est exactement ce qui s’est passé. Le modèle de convention encadrant les regroupements, élaboré par la Caisse nationale des allocations familiales et envoyé en juillet dernier à toutes les caisses d’allocations familiales, est inapplicable. Pour ne prendre que quelques exemples, la convention interdit la délégation d’accueil, oblige les parents à signer quatre contrats de travail différents, impose des normes d’accessibilité que tous les bâtiments publics sont loin de remplir. En un mot, de l’avis unanime des assistantes maternelles qui travaillent dans ces structures, de l’avis même de nombreux présidents de conseils généraux alertés sur cette question, la convention tue dans l’œuf les projets de regroupement et déstabilise ceux qui existent déjà.

Qu’une mesure administrative ait pour effet de rendre inapplicable la volonté du Parlement n’est pas admissible. La commission proposera donc de sécuriser les regroupements directement dans la loi de manière à préserver leur souplesse, sans les soustraire au contrôle des services de protection maternelle et infantile, PMI. Je ne doute pas que nous pourrons trouver un terrain d’entente, car c’est l’intérêt des parents et des assistantes maternelles qui est en jeu.

Notre deuxième proposition portera sur la nécessité d’harmoniser les pratiques des PMI en matière d’agrément des crèches et des assistantes maternelles, dont on constate la grande diversité selon les départements.

Notre troisième proposition concerne uniquement les crèches. Il serait utile de prévoir des agréments modulés en fonction des heures de la journée et des périodes de l’année pour leur permettre d’élargir l’amplitude horaire d’accueil, tout en respectant leurs obligations en matière de taux de remplissage.

Avec notre quatrième et dernière proposition, nous souhaitons, afin de renforcer l’attractivité de la profession d’assistante maternelle, réduire le délai d’attente du premier agrément préalable à l’accueil des enfants et rendre obligatoire l’inscription sur l’agrément des formations professionnelles suivies par l’assistante maternelle. Nous pouvons raisonnablement en espérer une professionnalisation améliorée.

Telles sont les quelques remarques que je tenais à formuler pour la partie « famille ».

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. André Lardeux, rapporteur. Pour les raisons que j’ai signalées, et sous réserve des quatre amendements que je viens d’évoquer, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et pharmacien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche vieillesse est, cette année encore, dans une situation financière extrêmement préoccupante. Elle connaît une dégradation continue de ses comptes depuis cinq ans, au point d’être devenue, en 2008, la plus déficitaire des quatre branches.

L’an dernier, la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait une stabilisation de son déficit autour de 5 milliards d’euros pour 2009. Elle a péché par excès d’optimisme : la branche finira l’année 2009 en déficit de 8,1 milliards d’euros ; le déficit pourrait atteindre 11,3 milliards d’euros en 2010. Seule satisfaction, si je puis dire, elle repasserait derrière la branche maladie dans l’ordre des découverts.

Bien sûr, cette forte détérioration des comptes résulte avant tout de la crise économique qui a affecté brutalement les recettes de la branche. Parallèlement, ses dépenses ont continué de progresser à un rythme soutenu, bien que en légère inflexion, en raison de l’augmentation du nombre des retraités.

Pour autant, je suis convaincu que la crise ne doit pas servir d’alibi pour masquer la réalité. Face aux mutations démographiques en cours depuis une vingtaine d’années – la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd’hui et l’allongement de l’espérance de vie de six ans, depuis le début des années quatre-vingt –, une évidence s’impose : le régime par répartition n’est structurellement plus viable avec ses paramètres actuels.

M. Guy Fischer. Ah, c’est bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dès lors, quel que soit le scénario de sortie de crise, on sait que la branche vieillesse abordera la reprise avec le handicap considérable d’un déficit de près de 13 milliards d’euros en 2012. C’est le niveau que lui prévoyaient les projections du Conseil d’orientation des retraites en 2007, mais c’était pour 2020. En aucun cas le retour à une conjoncture économique plus favorable ne permettra de rééquilibrer le solde financier de la branche.

C’est dans ce contexte particulièrement critique que s’inscrit l’examen du PLFSS pour 2010. Pour sa partie « retraites », 2009 est une année charnière, car située, et ce n’est pas qu’une évidence, entre le rendez-vous passé de 2008, où nous n’avons pas fait grand-chose, et celui promis pour 2010, où tout, ou presque, reste à faire.

Arrêtons-nous un instant sur le rendez-vous de 2008. Quel bilan peut-on en tirer ?

De réelles avancées ont eu lieu en matière d’emploi des seniors, grâce à plusieurs mesures dont les premiers résultats sont encourageants. Dans le contexte économique actuel, je crois indispensable de confirmer, et même d’amplifier, cette mobilisation en leur faveur, afin que la crise ne serve pas de prétexte pour revenir aux mauvaises pratiques d’éviction des seniors dans le but d’ajuster les effectifs des entreprises ou d’éviter des licenciements économiques.

Le second point positif de 2008 est que l’effort de solidarité envers les petites retraites est réel, grâce à la revalorisation du minimum vieillesse et à la majoration des petites pensions de réversion à compter de 2010. Mais beaucoup reste à faire, en particulier pour les retraités de l’agriculture. L’objectif d’une retraite correspondant à 75 % du SMIC, inscrit dans la loi du 4 mars 2002, est encore loin d’être atteint !

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Pour autant, 2008 a été un rendez-vous particulièrement manqué. Il n’a pas été répondu aux attentes, pourtant nombreuses et légitimes, sur le financement du système de retraite.

Ainsi, le redéploiement des cotisations chômage au profit des cotisations vieillesse, prévu par la loi du 21 août 2003 et qui devait garantir le financement des retraites d’ici à 2020, a évidemment été reporté sine die. Or l’augmentation de la part patronale des cotisations retraite de 0,3 % en 2009 aurait dû rapporter 1,8 milliard d’euros à la CNAV. En 2012, l’absence de transfert d’un point de cotisation retraite en provenance de l’UNEDIC privera la branche vieillesse de 6,5 milliards d’euros.

J’en viens maintenant au PLFSS pour 2010. Quelles mesures comporte-t-il pour l’assurance vieillesse ?

Fort peu de choses, à l’inverse de l’année dernière, hormis la réforme de la majoration de durée d’assurance, la MDA, accordée aux mères de famille, qui figure à l’article 38. Rendue inévitable par un arrêt de la Cour de cassation de février dernier, cette réforme a été conduite dans le souci de maintenir le maximum de garanties aux mères, tout en rendant, du moins je l’espère, le dispositif acceptable du point de vue juridique de l’égalité hommes-femmes.

Je signale, au passage, que le compromis initial, qui avait été accepté par la plupart des organisations syndicales, a été modifié lors du passage à l’Assemblée nationale, dans un sens qui ne me paraît pas convaincant. Je proposerai donc des amendements pour revenir à l’esprit du texte.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cela étant, la réforme de la MDA n’exonère pas d’une réflexion plus approfondie sur les droits familiaux et conjugaux, en particulier sur l’articulation entre les majorations de durée d’assurance et l’assurance vieillesse des parents au foyer, dont nous devrons impérativement parler l’an prochain, et sur laquelle un amendement proposera dès à présent d’ouvrir le débat.

Pour finir, je souhaite évidemment évoquer le rendez-vous de 2010. Que faut-il en attendre ?

Comme l’a déclaré le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès le 22 juin dernier, 2010 doit être l’occasion de remettre à plat notre système de retraite, en n’éludant aucune question ni aucune solution.

Cet engagement m’inspire trois séries d’observations.

Tout d’abord, il est urgent de fonder un nouveau contrat social des retraites, et ce pour deux raisons.

La première est que le pacte intergénérationnel est aujourd’hui brisé. Les jeunes générations n’accepteront pas de payer des cotisations pour assurer à leurs aînés un niveau de pension dont elles ne pourront pas bénéficier.

La seconde raison est que le pacte intragénérationnel est lui aussi miné par l’inéquitable répartition de l’effort contributif entre les corps sociaux, ce qui écorne le fameux principe « à cotisations égales, retraites égales ».

Ensuite, il est inconcevable de continuer à différer la question du financement des retraites, en raison de l’ampleur délétère des déficits et du fait que les limites du report des difficultés actuelles sur les générations futures ont été atteintes. Cela doit nous obliger à modifier les paramètres actuels pour dégager de nouveaux financements à court terme et, surtout, à poser les fondements d’une réforme structurelle plus profonde.

Enfin, je crois à l’importance de la méthode de réforme lorsqu’il s’agit de faire un choix de société aussi déterminant pour l’avenir du pays que celui de notre système de retraite. Son degré d’acceptabilité dépendra de la capacité à faire œuvre de pédagogie et de vérité à l’égard des Français, ainsi que de la lisibilité et de la transparence des mesures proposées.

L’idée d’un « Grenelle des retraites » a été lancée par certains partenaires sociaux. Quel que soit le crédit que l’on accorde à cette nouvelle forme de négociation, elle a au moins le mérite d’associer aussi la société civile à la recherche du plus large consensus possible.

Sous réserve de ces observations et des amendements qu’elle présente, votre commission a adopté les mesures relatives à l’assurance vieillesse du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et maladies professionnelles. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la branche accidents du travail-maladies professionnelles, AT-MP, est la plus petite des quatre branches de la sécurité sociale puisqu’elle représente 3 % seulement de ses dépenses, soit, en 2010, environ 12,9 milliards d’euros, dont 11,4 milliards pour le régime général.

Pour autant, sa situation est un bon reflet de l’état des risques professionnels. Les statistiques récentes indiquent une stabilisation du nombre d’accidents du travail mais une augmentation des maladies professionnelles.

Le nombre d’accidents du travail, qui avait beaucoup augmenté entre 2006 et 2007, tend de nouveau à baisser. Du fait de cette bonne nouvelle pour 2008, conjuguée à la hausse des effectifs en activité sur la même période, la fréquence des accidents, et notamment de ceux qui occasionnent un arrêt de travail, n’a jamais été aussi faible.

Le nombre d’accidents du trajet, en revanche, continue hélas ! de croître depuis 2005, mais on constate que leur niveau de gravité, mesuré par le nombre d’incapacités permanentes et de décès, est moindre.

Le tableau est plus sombre du côté des maladies professionnelles, dont la prévalence est toujours en augmentation à un rythme soutenu, de même que les incapacités permanentes et le nombre de décès qui en résultent. Les cas demeurent concentrés sur un petit nombre de pathologies : 74 % sont des affections péri-articulaires, causées par des gestes ou des postures de travail, 12 % des maladies de l’amiante et 6 % des affections du rachis lombaire.

Il reste difficile de déterminer si l’augmentation du nombre de malades tient à la dégradation de la santé au travail ou à l’amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. Nous savons qu’un nombre non négligeable d’entre elles ne sont pas déclarées aux caisses de sécurité sociale ou ne sont pas reconnues comme telles, pour des raisons diverses : les médecins pensent rarement à rechercher l’éventuelle origine professionnelle d’une maladie, qui n’est pas non plus toujours facile à établir du point de vue scientifique ; des salariés s’abstiennent de déclarer leur maladie de peur de perdre leur emploi ; des pathologies ne sont pas prises en compte dans les tableaux des maladies professionnelles à cause d’un manque d’actualisation.

Une commission, présidée par Noël Diricq, se réunit régulièrement pour évaluer l’ampleur de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance et son coût pour la branche maladie. Dans son rapport de juillet 2008, elle l’a chiffré entre 564 millions et 1 milliard d’euros ; en 2010 comme en 2009, la branche AT–MP effectuera donc un versement de 710 millions d’euros à la branche maladie à titre de compensation.

Cette analyse des risques m’amène aux données financières de la branche AT–MP du régime général.

Longtemps à l’équilibre ou légèrement excédentaire, elle est malheureusement à son tour contaminée par le déficit : 650 millions d’euros en 2009, 800 millions d’euros prévus pour 2010.

Ce retournement de situation s’explique par la conjonction de deux facteurs. Tout d’abord, la crise économique, qui a réduit les recettes, même si elle a également limité les dépenses en contenant la revalorisation des différents indices. Ensuite, et sans doute plus durablement, les charges nouvelles que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a fait assumer à la branche.

Certes, le montant de ces charges sera stable en 2010, mais la progression des dépenses restant supérieure à celle des recettes, le déficit va forcément se creuser. Il faudra donc nécessairement que les partenaires sociaux qui gèrent la branche envisagent une augmentation des cotisations, dont le taux moyen est resté stable depuis 2006.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 propose une amélioration du système de « bonus-malus » qui caractérise les cotisations de la branche, ce qui devrait avoir des effets bénéfiques en permettant une sanction plus efficace des entreprises qui exposent sciemment leurs salariés au risque et une incitation renforcée à la prévention. Cette réforme traduit, sur le plan législatif, l’accord interprofessionnel de mars 2007 relatif à la prévention, à la tarification et à la réparation des risques professionnels, qui appelle aussi plusieurs textes réglementaires.

L’Assemblée nationale a toutefois modifié dans un sens restrictif la procédure initialement envisagée pour que les risques soient appréciés au niveau du seul établissement, plutôt qu’à celui de l’entreprise. Il est vrai que cela peut affaiblir l’incitation à la prévention à laquelle nous souhaitons engager certaines entreprises, dans des secteurs comme le nettoyage, mais je pense que nous devons faire confiance au choix des partenaires sociaux qui gèrent la branche.

Je souhaite aborder brièvement les autres enjeux liés à la branche.

Une nouvelle convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la branche a été signée le 29 décembre 2008 pour la période 2009-2012.

Je retiendrai trois de ses objectifs principaux.

Premièrement, renforcer la prévention : un plan national d’actions coordonnées va être déployé dans toutes les régions. Il se concentre sur les quatre risques considérés comme prioritaires, à savoir les troubles musculo-squelettiques, les cancers d’origine professionnelle, le risque routier et les risques psychosociaux, ainsi que sur les trois activités à forte sinistralité que sont le BTP, la grande distribution et l’intérim.

Deuxièmement, accompagner la victime : la convention d’objectifs et de gestion poursuit l’objectif de lutte contre la désinsertion professionnelle consécutive à un arrêt prolongé du travail.

Troisièmement, traiter de manière homogène les dossiers sur l’ensemble du territoire : il s’agit de répondre aux critiques répétées, émanant notamment de la Cour des comptes, sur les écarts de reconnaissance des pathologies d’origine professionnelle. Ainsi, selon les caisses, la reconnaissance des troubles musculo-squelettiques peut varier de 40 % à 85 %.

Plus généralement, l’actualité a posé de manière dramatique la question de la santé au travail. Le plan Santé au travail 2010-2014 devrait permettre, vous l’avez rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, de placer résolument la santé au travail au sein de la santé publique. Il se concentrera sur les risques à moyen terme que sont les troubles musculo-squelettiques, les cancers et les risques psychosociaux. Un suivi des objectifs sera désormais possible au travers de la mise en place d’indicateurs chiffrés, ce qui était une lacune importante du plan précédent.

Cela étant, il faut regretter que les négociations entre les partenaires sociaux sur la médecine du travail aient échoué le 11 septembre dernier, après sept séances de négociation qui n’ont pas permis d’aboutir à un accord, aucune organisation syndicale n’ayant accepté de s’engager. Sur ce point crucial, il me semble que les pouvoirs publics devront prendre leurs responsabilités pour permettre un véritable suivi de la santé au travail. La commission des affaires sociales du Sénat a constitué, le 28 octobre dernier, une mission d’information sur le mal-être au travail et cette question sera nécessairement au cœur de nos travaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est exact !

M. Gérard Dériot, rapporteur. Pour finir, je dirai quelques mots sur la question récurrente de la réforme du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA.

Le rapport consacré par Jean Le Garrec à ce sujet préconisait la mise en place d’une voie d’accès individualisée au fonds. Elle devait permettre à une personne exposée à l’amiante de demander à bénéficier d’une cessation anticipée d’activité quelle que soit son entreprise ou son affiliation sociale. Tout en reconnaissant le bien-fondé d’une telle mesure, il convient d’en apprécier les enjeux financiers, qui sont considérables. Le fait que le ministre ait accepté de rendre un rapport sur cette question au Parlement nous permettra, j’en suis sûr, de disposer d’éléments concrets pour l’avenir.

Au bénéfice de ces observations, et sous réserve d’un amendement tendant à supprimer un rapport qu’elle ne juge pas nécessaire, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les mesures relatives à la branche AT–MP proposées pour 2010 par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ça va décoiffer ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, déficits « historiques », « inédits », « records », « jamais atteints », les qualificatifs ne manquent pas pour souligner la singularité de la situation actuelle de nos comptes sociaux. Je ne vais pas m’attarder sur ce constat, partagé par tous, et fort bien présenté par nos collègues de la commission des affaires sociales.

La crise économique et financière n’a pas fini d’interpeller nos modes de fonctionnement. Si, ces derniers mois, les réflexions ont essentiellement concerné la redéfinition du rôle de l’État dans une économie mondialisée et financiarisée, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 souligne aujourd’hui l’urgence des décisions à prendre en matière de protection sociale.

La crise aura eu au moins le mérite de mettre en avant les limites de notre système de financement de la sécurité sociale fondé majoritairement sur les revenus d’activité et donc très sensible aux évolutions de la conjoncture. La faiblesse des recettes, alors que la dynamique de croissance des dépenses reste soutenue, pose en effet des questions de fond aux responsables politiques que nous sommes. Car n’oublions pas que le déficit d’aujourd’hui n’est pas la seule résultante de la crise. Notre système de protection sociale est entré dans la crise avec un handicap de plus de 10 milliards d’euros, et c’est avec un handicap de près de 30 milliards d’euros qu’il en sortira.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis Ne nous berçons pas d’illusions, la reprise économique, chacun le sait, ne sera pas suffisante pour résorber de tels déficits.

J’ai bien compris, monsieur le ministre, le choix du Gouvernement de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires et de laisser la sécurité sociale « jouer son rôle d’amortisseur social », expression dont nous usons et abusons.

Cependant, le projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous présentez n’est pas soutenable. Les mesures proposées dans le cadre de ce PLFSS devraient permettre, au mieux, de stabiliser le déficit du régime général autour de 30 milliards d’euros par an à compter de 2010, ce qui conduira, au total, entre 2009 et 2013, à une aggravation des déficits du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, au minimum de 135 milliards d’euros, soit un quasi-doublement de la dette sociale en quatre ans. Je dis bien « au minimum », compte tenu des hypothèses macroéconomiques optimistes, comme l’ont dit mes collègues, je me permettrai de dire « irréalistes », sur lesquelles les projections pluriannuelles annexées au PLFSS sont bâties.

Cette situation, je le répète, n’est pas soutenable et le choix du Gouvernement de ne pas organiser de reprise de dette en 2010 place l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, c’est-à-dire la banque de la sécurité sociale, dans une situation de trésorerie périlleuse qui appelle une solution rapide.

Compte tenu des prévisions pour 2010, l’article 27 du présent PLFSS prévoit, en effet, de fixer le plafond d’avances de trésorerie de l’ACOSS – mais est-ce encore une avance de trésorerie, monsieur le ministre ? – à 65 milliards d’euros, soit le double du plafond actuel, déjà revalorisé de 10 milliards d’euros cet été. Cette situation est d’autant plus exceptionnelle que les plafonds records des années précédentes, notamment en 2004 et en 2008, avaient été atteints avant une reprise de déficits par la CADES.

Or, la solution qui consiste à faire porter à l’ACOSS le déficit du régime général ne peut être acceptable pour quatre raisons.

Tout d’abord, plus aucun bénéfice ne peut être espéré d’une baisse des taux d’intérêt à court terme. En effet, ces derniers ont atteint un plancher et immanquablement, même si nous ne le souhaitons pas, remonteront d’ici au printemps prochain.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est probable !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ensuite, le niveau particulièrement élevé du plafond d’avances conduit l’ACOSS à diversifier son financement ou à renégocier des dispositifs existants, ce qui est délicat, car cette augmentation d’activité nécessite, au sein de l’Agence, un investissement humain important, qui pose la question de l’accroissement du risque opérationnel sur le back office de l’ACOSS.

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’Agence France Trésor interviendra !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En outre, la multiplication des sources de financement ne signifie pas pour autant la possibilité de couvrir n’importe quel niveau de besoin de trésorerie : l’ACOSS ne pourra pas assumer une fois de plus en 2011 la couverture des déficits cumulés 2009-2010 et ceux, à venir, de 2011.

Enfin, le portage de la dette par l’ACOSS constitue une dérogation au partage implicite des responsabilités entre la CADES et l’ACOSS, qui ne doit, en principe, assumer la charge que des découverts infra-annuels. Vous nous l’avez affirmé, monsieur le ministre, mais je suis en désaccord sur ce point avec vous. L’ACOSS supporte bien une dette biannuelle ou trisannuelle.

Le retour à l’équilibre est durablement éloigné. Effectivement, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la première fois depuis que je suis chargé de rédiger un rapport pour avis,…

M. Guy Fischer. Cela fait une éternité ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … ce texte ne vise plus le retour à l’équilibre.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avec la crise, ce n’est plus possible !

M. François Autain. C’est d’ailleurs pour ça que vous allez le voter, monsieur le rapporteur pour avis ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mon cher collègue, n’hypothéquez pas, je vous prie, la décision du rapporteur pour avis, qui risque de vous surprendre… (Ah ! sur les mêmes travées.)

L’ACOSS ne pouvant supporter un plafond d’avances plus élevé que celui qui est prévu en 2010, une reprise de dette paraît inéluctable. Dès lors, trois questions se posent : comment, quand et combien ?

Pour ce qui concerne la première d’entre elles, j’estime qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause le système actuel de cantonnement de la dette sociale au sein de la CADES, qui rembourse effectivement chaque année une partie de cette dette : depuis sa création, cette caisse a amorti 42,6 milliards d’euros,…

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il en reste 90 !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. …soit 31,6 % de la dette transférée, qui s’élève, depuis le premier trimestre 2009, 27 milliards d'euros ayant été repris, à 134,6 milliards d’euros.

M. François Autain. Ce n’est pas fini !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J’en viens à la deuxième question : quand ?  Le transfert de dette doit être engagé dès 2010. L’attentisme serait en effet la pire des solutions. Deux préoccupations doivent nous guider : d’une part, faire preuve de responsabilité à l’égard des générations futures, sur lesquelles le législateur de 2005 – rappelons-le – n’a pas souhaité reporter la charge de la dette sociale. En repoussant la décision de transférer la dette à la CADES, le législateur actuel revient sur cet engagement, car il sera difficile de ne pas augmenter la durée de vie de la CADES compte tenu de l’augmentation des tarifs de reprise.

Monsieur le ministre, dans les couloirs de l'Assemblée nationale, j’ai entendu, et ces propos ont été diffusés par les médias, un député, non des moindres, plutôt connu dans la majorité pour être informé, indiquer que ce ne serait sans doute pas glorieux mais que nous serions peut-être amenés à prolonger la dette de la CADES jusqu’en 2041. J’espère qu’il se trompe.

M. François Autain. C’est la solidarité avec les générations futures ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Au Sénat, nous ne pourrons pas accepter ce genre de plaisanterie.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne tomberons pas dans ce piège !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Par ailleurs, le transfert, dès 2010, d’une partie de la dette sociale à la CADES réduirait, à terme, le coût d’ensemble de retraitement de la dette sociale, retraitement qui est inévitable, je le répète.

En effet, une reprise de dette par la CADES dès 2010 permet non seulement de bénéficier d’un tarif plus faible de reprise, mais aussi d’amortir une partie de la dette transférée, ce qui, vous en conviendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’est pas le cas avec l’ACOSS car celle-ci supporte la dette mais n’amortira rien.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Dans ces conditions, – et j’aborde la troisième question : combien ? – la commission des finances vous propose, comme la commission des affaires sociales, une reprise de dette par la CADES de 19,5 milliards d’euros, qui nécessitera une augmentation de la CRDS de 0,15 point, soit un taux global de 0,65 %.

Je n’imagine pas que l’on essaie de redéployer des ressources existantes comme l’année dernière. Monsieur le ministre, le bonneteau a, certes, quelques vertus, mais il ne peut pas être répété chaque année.

Le chiffre de 19,5 milliards d’euros correspond au besoin moyen structurel de trésorerie de l’ACOSS en 2010, comme l’a excellemment expliqué Alain Vasselle précédemment. Cette augmentation, qui devrait procurer un surplus d’environ 1,8 milliard d’euros, impacterait à la hausse le taux de prélèvement obligatoire de 0,1 point, ce qui ne peut être qualifié d’excessif.

Cette reprise partielle de dette en 2010 n’est cependant qu’une partie de la réponse à la question posée par la dette.

D’une part, il conviendra de poursuivre son retraitement. Dans le cadre des prochains PLFSS, il sera ainsi nécessaire d’augmenter à nouveau les recettes de la CADES et de procéder à un arbitrage entre deux possibilités, à savoir allonger à nouveau la durée d’amortissement de sa dette, afin d’éviter un effet « boule de neige » des prélèvements qui lui sont affectés, ou maintenir cette durée en refusant tout report sur les générations futures. Ce débat, particulièrement important et déterminant, aura lieu lors de la discussion des amendements.

D’autre part, il sera impératif de prendre les décisions permettant d’enrayer la dynamique structurelle de la dette. Le préalable nécessaire à toute réflexion consiste à choisir et à affirmer le modèle de sécurité sociale que nous souhaitons ; le système de 1945 doit sans aucun doute évoluer, mais dans quelle mesure ?

Ces questions sont d’autant plus essentielles que notre système de protection sociale va devoir affronter un nouveau défi, que M. Leclerc a évoqué tout à l’heure : le vieillissement de la population. Deux chantiers de réforme importants nous attendent : le financement des retraites et la prise en charge de la dépendance.

S’agissant des recettes, la sécurisation de ces dernières représente un enjeu majeur, qui doit être concilié avec les impératifs de compétitivité économique de notre pays, mais aussi d’équité, car la légitimité du prélèvement social conditionne en partie l’acceptabilité du système.

Le renforcement de l’universalité de l’assiette des prélèvements sociaux me semble un axe pleinement pertinent. Il permet de conjuguer la recherche de l’équité et celle du rendement. Deux points doivent être privilégiés : d’une part, un réexamen plus global de l’ensemble des niches sociales et des facultés contributives de chacun – cela fait d’ailleurs partie des droits de l’homme –, d’autre part, un réexamen des allégements de charges, dont la compensation par les recettes fiscales de l’État avoisine 21 milliards d’euros. La commission des finances présentera des amendements en ce sens.

Du côté des dépenses, il est impératif de ne pas relâcher les efforts de maîtrise entrepris ces dernières années.

Je crois, tout d’abord, qu’il convient de ne pas se méprendre sur les résultats de 2008 et de 2009. Certes, les dépassements de l’ONDAM sont moins importants que ceux qui ont été observés par le passé. Cependant, je rappelle que les objectifs fixés ont été dépassés, alors même qu’ils se voulaient, au moment de leur adoption, plus réalistes que ceux qui avaient été retenus les années précédentes.

Ces résultats s’expliquent, en outre, pour partie par des gels de dotations, dont les taux habituels de consommation laissaient entrevoir, dès leur adoption, qu’elles risquaient d’être surévaluées.

Enfin, s’agissant de la rectification de la prévision de l’ONDAM pour 2009, les dépenses supplémentaires que la grippe H1N1 pourrait induire n’ont pas été prises en compte. M. Vasselle est intervenu lui aussi sur ce point. Un dépassement plus important de l’ONDAM 2009 pourrait ainsi être constaté d’ici à la fin de l’année.

Quant à 2010, je déplore principalement deux mesures de ce PLFSS qui auront une forte incidence sur la maîtrise des dépenses.

Comme je viens de l’indiquer, l’exclusion des dépenses liées à la grippe H1N1 de la procédure d’alerte revient, en fait, à casser le thermomètre quand la température monte, si je puis dire, ce qui n’a jamais été une bonne solution.

Par ailleurs, je regrette également le report de 2012 à 2018 de l’achèvement du processus de convergence tarifaire entre les établissements de santé publics et privés, réforme pourtant centrale du mode de financement des hôpitaux.

À moyen terme, des décisions structurantes pour notre système de protection sociale devront être prises : la réussite du rendez-vous sur les retraites en 2010 dépend de chacun d’entre nous. Il est grand temps de témoigner de notre capacité collective à décider des évolutions futures de notre système de protection sociale, qui, je l’espère, sera pérennisé.

En conclusion, la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption du présent projet loi de financement de la sécurité sociale,…

M. François Autain. Quelle surprise !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. … sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle vous propose, notamment de celui qui concerne le traitement de la dette sociale.

Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 nous conduit à nous interroger, indépendamment de toute appartenance politique, sur nos responsabilités.

Mme Raymonde Le Texier. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il est temps de faire ce que l’on dit et de dire ce que l’on va faire. Il est impératif que nous réagissions dès 2010 à la situation présentée dans le cadre de ce PLFSS. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Patricia Schillinger et M. Bernard Cazeau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, je me réjouis que la commission des affaires sociales ait, comme je le souhaitais, saisi notre délégation aux droits des femmes sur la question des majorations de durée d’assurance des mères de famille, dont la réforme est inscrite à l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Je tiens à en remercier sa présidente, Mme Muguette Dini, que je sais très mobilisée sur toutes les questions qui intéressent les droits des femmes, et qui est d’ailleurs membre de la délégation.

Il me paraissait indispensable que notre délégation soit consultée sur cette réforme pour au moins trois raisons.

La première tient au fait que ce dispositif, qui permet aux mères de famille de bénéficier de deux années de majoration d’assurance par enfant, a été conçu pour les femmes. Il intéresse, dans la pratique, la très grande majorité d’entre elles. Ainsi, en 2005, il a bénéficié à 90 % des femmes parties à la retraite qui relevaient du régime général.

La deuxième raison est liée au fait que ce dispositif majore de 20 % en moyenne les pensions des femmes, et contribue donc partiellement, mais de façon significative, à compenser des inégalités de retraite entre hommes et femmes, inégalités fortes puisque le montant moyen des retraites des femmes représente à peine les deux tiers – 62 % pour être précise – de celui des hommes.

Mais – gardons bien cela à l’esprit – ce dispositif ne joue ce rôle correcteur que parce qu’il a été conçu, à l’origine, pour ne bénéficier qu’aux femmes, contrairement à la plupart des autres avantages familiaux, qui bénéficient aux pères et aux mères.

La troisième raison tient aux motifs de la réforme que l’on nous propose, et qui soulèvent une question de fond sur laquelle nous nous devons de prendre position sans ambiguïté.

Le Gouvernement est en effet conduit à remanier le dispositif actuel, car un récent arrêt de la Cour de cassation, amplifiant une jurisprudence amorcée en 2006, a estimé discriminatoires les règles qui réservent la majoration aux femmes. Il a décidé, en conséquence, d’en étendre, sans conditions, le bénéfice aux pères, en s’appuyant sur les principes posés par la Convention européenne des droits de l’homme. Était-ce la seule réponse possible ? Peut-être ! Quoi qu’il en soit, tel est le choix retenu.

Cette décision soulève une question de fond : des mécanismes asymétriques compensant les inégalités de retraite entre hommes et femmes restent-ils aujourd’hui légitimes et justifiés ? Pour nous, la réponse ne fait aucun doute, pour des raisons de fait, de droit et d’équité.

Les raisons de fait sont bien connues et statistiquement établies. Les écarts entre les pensions des femmes et celles des hommes sont considérables. Ils tiennent au fait que les carrières des femmes sont aujourd’hui encore plus courtes que celles des hommes et plus encore au fait que la rémunération des femmes est en moyenne inférieure de 25 % à celle des hommes.

Comme l’a très bien montré le rapport de Mme Grésy, ces écarts s’expliquent en partie parce que les naissances affectent durablement les parcours professionnels des femmes, parce que ce sont les femmes qui optent alors pour un travail à temps partiel ou qui s’arrêtent de travailler pour assurer l’éducation de leurs enfants : 98 % des allocataires des prestations servies par les caisses d’allocations familiales dans le cadre du congé parental sont des femmes. Nous nous prenons à rêver au système existant dans certains pays du Nord, où la durée du congé parental est aussi longue pour les pères que pour les mères. Nous en parlerons ultérieurement.

Les raisons de droit pèsent beaucoup dans ce dossier. Il faut répéter que tant le droit constitutionnel français que le droit communautaire nous autorisent à compenser ces inégalités, dont personne ne conteste la réalité.

Le Conseil constitutionnel a confirmé, lors de la réforme des retraites de 2003, qu’il appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu’à présent fait l’objet, et que celui-ci pouvait maintenir, en les aménageant, les dispositions destinées à compenser ces inégalités.

Le droit communautaire va dans le même sens. J’aimerais citer, même s’il n’a pas été conçu pour s’appliquer au régime général des retraites français, l’article 141 du traité d’Amsterdam, qui pose le principe suivant : « Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. »

Mme Raymonde Le Texier. Parfaitement !

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je crois, mes chers collègues, que nous pourrions faire référence en permanence à cette disposition !

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Enfin, des raisons d’équité : n’oublions pas que si les femmes sont pénalisées dans leur carrière, c’est à cause du temps qu’elles ont consacré à une activité non rémunérée, mais cruciale pour l’avenir de la société : l’éducation de leurs enfants.

Certes, parce qu’il n’est pas payé, ce travail que l’on pourrait qualifier de « clandestin » ou de « fantôme » est superbement ignoré par la comptabilité nationale.

Mme Annie David. Très juste !

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Pourtant, il existe bien – son absence ne passe pas inaperçue ! –, et nous devons le prendre en compte pour les retraites.

Que l’on m’entende bien : je ne pense pas qu’il faille systématiquement refuser aux hommes toute possibilité de bénéficier d’une majoration pour enfants.

Nous connaissons tous aujourd’hui des pères qui, à suite d’un veuvage ou d’une séparation, assurent seuls, ou à titre principal, l’éducation de leurs enfants, et qui, comme les femmes, en pâtissent dans le déroulement de leur carrière.

Notre société juge d'ailleurs ces hommes admirables, alors que l’on n’en dit pas autant des femmes qui élèvent seules leurs enfants !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Très juste !

M. Xavier Darcos, ministre. Pour ma part, je trouve aussi ces femmes admirables !

Mmes Annie David et Christiane Demontès. On considère que ces femmes ne font que leur devoir…

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Tout à fait, mes chères collègues. Je vois qu’un consensus se dessine sur ce point : pour nous, les femmes, c’est naturel, pour eux, les hommes, c’est admirable !

M. Guy Fischer. Attention, ma chère collègue… (Sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je suis dans mon rôle, monsieur Fischer !

C’est ce que montrait un film qui n’est pas récent mais que certains d’entre vous ont peut-être revu voilà peu, Kramer contre Kramer, dans lequel un père, abandonné par son épouse avec un petit garçon, se rend compte peu à peu du temps qu’il faut consacrer à ce dernier et finit par perdre son emploi ! Regardez ce film, si ce n’est déjà fait, mes chers collègues.

Si les hommes s’occupent de leurs enfants de cette manière, ils doivent pouvoir bénéficier des MDA. Toutefois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt et cette situation nous faire oublier que, aujourd’hui, dans la très grande majorité des cas, c’est sur la femme que repose lourdement l’éducation des enfants.

Mme Annie David. Tout à fait !

Mme Gisèle Printz. Effectivement !

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est pourquoi je crois que nous devons réaffirmer solennellement, dans la perspective du texte dont nous sommes saisis comme dans celle de la prochaine réforme des retraites, annoncée pour 2010, que tant qu’il y aura des inégalités réelles et statiquement prouvées entre les hommes et les femmes, des dispositions asymétriques et compensatrices resteront parfaitement légitimes et justifiées.

Ce n’est que dans l’avenir,…

Mme Annie David. Dans un monde utopique !

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. … lorsque l’égalité sera effective, que le principe d’égalité pourra conduire à attribuer des avantages familiaux de retraite aux femmes et aux hommes dans les mêmes conditions.

Cette égalité effective à laquelle nous aspirons pour l’avenir, nous devons la préparer dès aujourd’hui.

Aussi, je tiens à vous indiquer, madame et messieurs les ministres, que notre délégation se montrera très attentive aux efforts que, vendredi dernier, M. le ministre du travail a annoncé vouloir engager en faveur de l’égalité salariale et d’un véritable accès des femmes aux responsabilités dans l’entreprise.

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce combat ne doit d’ailleurs pas se limiter à la sphère sociale et économique. Je puis vous assurer que nous serons également très exigeants dans le domaine politique, quand il s’agira de réformer les collectivités territoriales. Nous ne voulons pas d’un recul de la parité dans les conseils territoriaux et nous aurons l’occasion de le répéter ! (M. Guy Fischer ainsi que Mmes Gisèle Printz et Christiane Demontès applaudissent.)

Pour conclure, entre la protection et l’égalité nous sommes souvent amenés à choisir.

L’idéal, bien sûr, c’est l’égalité. Toutefois, nous partons d’une situation où l’inégalité oblige encore à mettre en œuvre des mesures spécifiques de protection. Le travail de notre délégation est de hâter l’évolution de la société en ce sens, mais il reste à faire, et nous devons l’affirmer haut et fort. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – MM. Alain Milon et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour que ceux qui le souhaitent puissent, selon l’usage, rejoindre M. le président du Sénat en haut de l’escalier d’honneur et rendre hommage aux sénateurs et fonctionnaires de la Haute Assemblée morts durant la Première Guerre mondiale.

Organisation des débats

Discussion générale (suite)
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Organisation des débats (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Comme l’a indiqué tout à l'heure M. Vasselle, et en accord avec la commission des affaires sociales, je propose de reporter le débat thématique prévu sur les retraites afin de faciliter le bon déroulement de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cela dit, il va de soi que ce débat, qui est de la plus haute importance, doit être programmé durant une semaine de contrôle et avant le rendez-vous de 2010 sur les retraites promis par le Président de la République.

M. François Autain. On a tout le temps ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission. La commission a donc accepté de reporter ce débat, à condition qu’il soit organisé à une heure décente.

M. François Autain. Comme d’habitude ! (Mêmes mouvements.)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission. Enfin, je rappelle que la commission se réunira à douze heures quarante pour examiner les amendements déposés sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. le président. M. le président du Sénat avait déjà donné son accord à un tel report.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Organisation des débats (début)
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Discussion générale (début)

5

Saisine du conseil constitutionnel

M. le président. J’ai été informé par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi le 9 novembre 2009 d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante sénateurs de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Acte est donné de cette communication.

6

Organisation des débats (interruption de la discussion)
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Discussion générale (suite)

financement de la sécurité sociale pour 2010

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, adopté par l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, compte tenu des impératifs qui sont les nôtres, pourriez-vous nous indiquer vers quelle heure la séance sera levée ce soir et quand commencera celle de jeudi ?

M. le président. La conférence des présidents a décidé que la séance serait levée en fin d’après-midi et que le Sénat ne siégerait pas ce soir. J’ai souligné hier que c’était à titre exceptionnel qu’il avait été décidé, en concertation avec Mme la présidente de la commission des affaires sociales, que notre séance d’aujourd’hui commencerait ce matin à neuf heures quarante-cinq.

Nous reprendrons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale jeudi 12 novembre, à neuf heures trente, à moins que Mme la présidente de la commission des affaires sociales ne souhaite que nous ne commencions nos travaux qu’à dix heures.

Vous avez la parole, madame la présidente.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, un certain nombre de nos collègues de la commission des affaires sociales nous ont fait savoir qu’il leur serait très difficile d’être présents en séance dès neuf heures trente jeudi matin. C'est la raison pour laquelle j’ai demandé hier soir que nos travaux ne reprennent qu’à dix heures.

M. le président. Je ne saurais rien vous refuser, madame la présidente ! (Sourires.) Par conséquent, la séance sera ouverte à dix heures jeudi matin. (Marques d’approbation sur diverses travées.) Je vous rappelle toutefois que la conférence des présidents se réunira ce matin-là.

M. Guy Fischer. Sans moi !

M. François Autain. Et pour ce soir ?

M. Guy Fischer. Vous n’avez pas répondu sur l’heure de levée de la séance, monsieur le président !

Discussion générale (suite)

Discussion générale (début)
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Exception d'irrecevabilité

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Panis, rapporteur.

Mme Jacqueline Panis, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les dispositions relatives à la retraite des mères de famille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de me féliciter de ce que notre délégation ait été saisie, sur votre initiative, madame la présidente de la commission des affaires sociales, de l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Ma satisfaction tient à trois motifs.

Tout d’abord, les femmes retraitées constituent l’une des catégories de la population les plus fragiles.

En outre, étant donné les contraintes qui s’exercent sur les retraites – on comptera deux actifs pour un retraité en Europe à l’horizon 2050, contre quatre en 2005 –, la prise en compte de l’égalité entre hommes et femmes risquait de se traduire par un alignement par le bas des avantages accordés aux mères.

Enfin, eu égard à la subtilité de certains raisonnements juridiques, il était essentiel de rappeler quelques données de bon sens.

Ma première préoccupation, en tant que rapporteur de ce texte, a été de mieux situer les majorations de durée d’assurance, appelées communément MDA, dans l’ensemble des avantages familiaux et dans l’évolution récente de notre « mosaïque » de régimes de retraite.

Premier constat : la plupart des avantages familiaux de retraite ne sont pas réservés aux femmes. Par exemple, les parents de trois enfants et plus bénéficient, dans tous les régimes, de majorations du montant de leur pension d’au moins 10 %, et ces majorations, qui représentent, comme les MDA, environ 6 milliards d’euros, avantagent nettement les pères : ceux-ci percevaient en moyenne 123 euros par mois en 2004, les femmes 56 euros seulement.

Bref, les majorations de durée d’assurance dans le régime général de base – deux ans par enfant – demeurent aujourd’hui l’un des seuls avantages réservés exclusivement aux femmes. Elles ont été créées en 1971 par le ministre de la santé publique et de la sécurité sociale, M. Robert Boulin : à l’époque, au cours des débats parlementaires, un député que nous connaissons bien, M. Christian Poncelet, justifiait cette mesure en insistant sur le « double fardeau » pesant sur les mères. Quarante ans après, le cumul des activités professionnelles et familiales est toujours d’actualité, même si, aujourd'hui, on observe que les pères participent de plus en plus aux tâches ménagères et à l’éducation des enfants. Mme Michèle André a évoqué ce matin la situation à cet égard dans les pays nordiques, sur lesquels il nous faudrait prendre exemple.

Financièrement, la masse des MDA atteint donc un peu plus de 6 milliards d’euros. En divisant cette somme par le nombre de femmes retraitées, qui est d’à peu près 6 millions, on constate que l’allocation moyenne est de 1 000 euros par an, soit 80 euros par mois : les MDA représentent ainsi 20 % de la pension de base moyenne des femmes, qui est de 400 à 500 euros par mois.

Deuxième constat : cet avantage de retraite féminin a été volontairement préservé jusqu’à aujourd’hui, en dépit d’une tendance à l’alignement des situations des deux sexes par les régimes de retraite.

Il a tout d’abord été préservé des exigences du droit communautaire, qui distingue le régime général et les régimes spéciaux.

Les pensions du régime général de base relèvent de la sécurité sociale. Dans ce cadre, le droit communautaire admet les mesures de compensation des inégalités et la protection de la maternité : tel est le sens de la directive du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale. En revanche, les pensions de retraite des régimes spéciaux sont assimilées à des rémunérations différées. C’est pourquoi la Cour de justice des Communautés européennes leur a appliqué le principe d’égalité salariale entre femmes et hommes : tel est le sens du célèbre arrêt Griesmar du 29 novembre 2001.

Qu’on la trouve pertinente ou artificielle, cette distinction a permis de préserver les MDA en faveur des mères salariées, alors que les avantages familiaux de la fonction publique et des régimes spéciaux ont progressivement été étendus aux pères, depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites jusqu’à une série de décrets pris en 2008, certains régimes relevant du domaine réglementaire.

L’essentiel est de constater que dans cette séquence de réformes se manifeste la volonté très ferme du législateur de préserver les MDA du régime général en tant qu’avantage réservé aux femmes. Est-ce discriminatoire à l’égard des pères ? Le Conseil constitutionnel a répondu très clairement à cette question dans sa décision du 14 août 2003 sur la loi portant réforme des retraites : premièrement, le législateur peut régler « de façon différente des situations différentes » ; deuxièmement, il appartient au législateur « de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu’à présent été l’objet ».

Par la suite, cet édifice juridique a commencé à se fissurer. En 2006, la Cour de cassation a accordé les majorations à un père ayant élevé seul ses enfants. Le Gouvernement a alors considéré qu’il s’agissait d’un cas d’espèce et qu’il n’y avait pas lieu de légiférer. Cependant, depuis le début de l’année 2009, une rafale d’arrêts a recouru à une formulation plus générale, ce qui renforce les chances de succès d’un éventuel afflux de recours intentés par des pères salariés. La Cour de cassation ne se fonde ni sur le droit interne français ni sur le droit communautaire, mais sur deux dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales imposant le respect de la propriété et interdisant toute discrimination fondée sur le sexe.

Face à une telle situation, les solutions les plus simples pour préserver intégralement la répartition actuelle ont été considérées comme trop fragiles. Le Gouvernement s’est donc engagé dans une voie entièrement nouvelle : le résultat est assez complexe, mais consensuel et innovant.

Qu’en pense la délégation ? Je rappelle que le droit en vigueur tient en une seule phrase : « Les femmes assurées sociales bénéficient d’une majoration […] de huit trimestres par enfant. » En revanche, l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 comporte, quant à lui, trente-quatre alinéas.

La logique du dispositif a parfaitement été résumée par M. le ministre.

Pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, des mesures transitoires visent à préserver les droits acquis de la mère, tout en ouvrant droit aux majorations au père dans des cas précis et limités.

Pour les enfants nés après le 1er janvier 2010, la réforme prévoit d’attribuer un an à la mère au titre de « l’incidence sur sa carrière de la maternité »…

M. Paul Blanc. C’est juste !

Mme Jacqueline Panis, rapporteur. … et un an au titre de l’éducation de l’enfant. C’est cette seconde année qui fait l’objet d’un dispositif de répartition, dont le détail est complexe.

Deux caractéristiques essentielles se dégagent toutefois : d’une part, le silence du couple dans les six mois suivant le quatrième anniversaire de l’enfant vaut désignation de la mère pour le bénéfice de la majoration, ce mécanisme, inspiré du système allemand, qui est, dans le détail, très différent du nôtre, devant correspondre, selon le Gouvernement, au cas le plus fréquent ; d’autre part, le partage ou l’attribution de la MDA est irrévocable.

J’ajoute que l’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale traite également le cas de l’adoption et celui des personnes auxquelles la garde d’un enfant a été confiée par une décision de justice : les intéressés sont substitués dans les droits des parents. Nous avons, au sein de la délégation, évoqué le cas des grand-mères, car ce sont le plus souvent elles qui élèvent leurs petits-enfants en cas de défaillance des parents. Le Gouvernement aura sans doute l’occasion de nous préciser que le dispositif pourra leur permettre de bénéficier à terme des MDA.

Vous l’aurez compris, nos recommandations reposent avant tout sur le constat de la persistance du partage inégal des tâches familiales, ainsi que des écarts salariaux et en matière de retraite entre femmes et hommes. N’oublions pas que, contrairement à une idée reçue, les femmes partent à la retraite plus tard que les hommes.

Dans ce contexte, les MDA ont jusqu’à présent joué un rôle compensateur non négligeable. J’ajoute que les gains liés à la validation de ces trimestres représentent jusqu’à 50 % de la pension de base pour les petites pensions, contre à peine 5 % pour les pensions plus élevées.

Parce qu’il s’efforce de préserver les MDA au bénéfice des mères en les adaptant aux nouvelles contraintes juridiques, la délégation a convenu que le mécanisme de répartition prévu par le présent projet de loi était la moins mauvaise des solutions au regard du principe d’égalité entre femmes et hommes.

La délégation a également approuvé qu’un pas soit franchi en direction des pères, en particulier de ceux qui élèvent à titre principal leurs enfants.

De façon plus précise, la délégation a recommandé de prendre en compte trois préoccupations.

Tout d’abord, l’Assemblée nationale a ramené de quatre à trois ans le délai à compter duquel le couple peut effectuer son choix.

M. le président. Il vous reste trente secondes de temps de parole, ma chère collègue !

Mme Jacqueline Panis, rapporteur. Je termine donc, monsieur le président.

Pour notre part, nous souhaitons que ce délai soit fixé à quatre ans, comme initialement prévu.

En conclusion, la délégation forme le vœu que, dans l’avenir, lorsque l’égalité entre les sexes sera parfaite, on puisse attribuer les avantages familiaux de retraite dans les mêmes conditions aux femmes et aux hommes. (Bravo ! et applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la présentation qui nous a été faite ce matin du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 revêt un caractère quelque peu surréaliste, tant se succèdent des chiffres que chacun s’accorde à qualifier de « vertigineux », ou plutôt d’« abyssaux ».

M. Gilbert Barbier. Un déficit du régime général de 23,5 milliards d’euros en 2009, qui devrait atteindre plus de 30 milliards d’euros en 2010, près de 170 milliards d’euros de déficits cumulés, tous régimes confondus, à l’horizon 2013… Ces chiffres finiraient par perdre toute signification s’ils ne révélaient la menace réelle qui pèse sur notre système de protection sociale, « sanctuarisé » depuis soixante-cinq ans.

Bien sûr, il faut tenir compte du poids de la conjoncture. La crise financière et économique a eu en 2009, et aura encore en 2010, voire, je le crains, dans les années suivantes, une incidence majeure sur les comptes sociaux. Avec un recul de la masse salariale de 2 % en 2009, la perte de recettes atteint 11 milliards d’euros entre 2008 et 2009 !

L’an dernier déjà, j’avais émis de sérieux doutes sur les prévisions retenues par le Gouvernement pour bâtir son PLFSS et annoncer un retour à l’équilibre du régime général en 2012. Cette année encore, je ne suis pas très sûr de pouvoir partager votre vision, monsieur le ministre, quelque peu optimiste me semble-t-il.

Vous restez certes prudent pour 2010, en estimant que la progression du PIB devrait atteindre 0,8 %, mais l’hypothèse d’une croissance annuelle de 2,5 % du PIB et de 5 % de la masse salariale à partir de 2011 me semble particulièrement hasardeuse. Même si l’on assiste à une reprise d’activité, je crains que les recettes ne soient pas à la hauteur des espérances, car une crise comme celle que nous avons vécue ne se limite pas à un aller-retour rapide sur une courbe de Gauss… Après une dégradation aussi profonde, le retour au niveau antérieur de recettes sera lent, tandis que les dépenses continueront de progresser selon leur rythme propre.

Quoi qu’il en soit, rien ne serait plus dangereux que de tirer prétexte de la crise pour refuser de voir que, avant même son apparition, la sécurité sociale présentait un déficit structurel grave, ainsi que l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission des finances ce matin.

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l’assurance maladie n’a pas connu une seule année d’excédent. Le déficit de la branche atteignait 6 milliards d’euros en 1996, 12 milliards d’euros en 2004 et devrait être voisin de 15 milliards d’euros en 2010, après, il est vrai, quelques années de baisse.

C’est donc une évidence : même dans les hypothèses les plus favorables, la seule reprise de la croissance ne suffira pas pour stabiliser durablement nos comptes sociaux.

Certes, les réformes n’ont pas été inexistantes, certaines pouvaient même paraître courageuses, mais elles sont lentes, semblant parfois se perdre dans les sables des compromis ou souffrir d’une application insuffisante ou partielle, quand elles ne sont pas obsolètes, voire contre-productives, comme l’a démontré la Cour des comptes à propos de certaines dispositions de la réforme des retraites de 2003.

Quant aux mesures d’économies proposées ces dernières années, pour indispensables et méritoires qu’elles soient, elles n’ont pas toujours eu le rendement attendu et ne sont pas à la hauteur des enjeux.

En réalité, on a voulu jusqu’à présent mettre en œuvre les réformes « faisables », c’est-à-dire souvent les moins impopulaires. Mais plus l’heure des choix est retardée, plus ces derniers induiront des conséquences douloureuses.

Comment justifier le report sur les générations suivantes du coût des inadaptations structurelles entre les dépenses, que nous n’arrivons pas à maîtriser, et les recettes, que nous ne voulons pas augmenter ? Le temps est venu, malgré la crise, des réformes profondes.

S’agissant des recettes, les niches sociales, dont certaines ont une justification contestable, sont évidemment un des premiers leviers. Vous vous y attaquez en proposant, notamment, une imposition des plus-values sur valeurs mobilières dès le premier euro et sur les contrats d’assurance-vie en cas de dénouement par succession. Une plus large révision de ces niches aurait dû être proposée.

En outre, l’Assemblée nationale a adopté un amendement sur un sujet emblématique, celui du droit à l’image collective des sportifs professionnels. Je suis personnellement favorable à cette mesure et je ne voterai d’ailleurs pas le report de six mois proposé par la commission des affaires sociales. En effet, le lobbying exercé par les clubs et les fédérations sur les parlementaires est à la fois honteux et indécent au regard de la situation de précarité de millions de foyers dans notre pays.

Mme Annie David. Oui, c’est indécent !

M. Gilbert Barbier. Les allégements de charges sociales, dont on peine à percevoir l’efficacité sur le niveau d’emploi, pourraient également offrir des marges de manœuvre. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas cru bon d’y toucher ou de mieux les cibler. M. le rapporteur de la commission des affaires sociales propose d’ouvrir ce débat, et je m’en félicite. Examinons posément les incidences de ces mesures disparates et coûteuses.

Enfin, il nous faut mobiliser de nouvelles ressources. Vous nous proposez, cette année, une réforme du dispositif des retraites chapeaux et le doublement du forfait social. Pour ma part, je pense qu’il faut aller plus loin, en envisageant une hausse des prélèvements. Je sais que cette question est taboue, particulièrement en ces temps de crise, mais si nous ne la traitons pas frontalement, nous n’aboutirons jamais qu’à de fausses solutions.

M. Vasselle propose une augmentation modeste de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, à hauteur de 0,15 %. J’ai moi-même déposé un amendement en ce sens, tendant à fixer un taux de progression légèrement supérieur, de 0,20 %, qui ne me paraît pas irréaliste, mais je me rangerai volontiers à la position de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Cependant, je proposerai que cette modeste augmentation soit exclue du bouclier fiscal.

Mme Annie David. Très bien !

M. Gilbert Barbier. C’est une question d’efficacité financière et d’équité sociale.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Gilbert Barbier. On ne peut demander aux seuls titulaires de revenus modestes ou moyens d’apporter une contribution supplémentaire au règlement de la dette !

M. Guy Fischer. Très bien, monsieur Barbier !

M. Gilbert Barbier. De plus, retenir cette proposition ne romprait pas l’engagement du Président de la République relatif au bouclier fiscal, fondé sur des taux qui ont été fixés voilà deux ans. Nous nous honorerions en l’adoptant.

Dans le même esprit, j’ai déposé un amendement visant à relever le taux de la contribution sociale généralisée, la CSG, de manière modeste sur les revenus d’activité et de façon plus significative sur les revenus du patrimoine et les produits de placement.

M. François Autain. C’est révolutionnaire !

M. Gilbert Barbier. On m’objectera certainement le poids déjà excessif des prélèvements obligatoires et les contraintes de compétitivité de notre économie…

Il est clair que nous avons besoin d’une grande remise à plat des prélèvements sociaux. Asseoir essentiellement les recettes sur le fruit du travail ne correspond plus à la réalité. En attendant cette hypothétique réflexion, nos concitoyens doivent comprendre que le maintien d’un haut niveau de protection sociale a un prix, et qu’il n’est ni raisonnable ni décent de le laisser à la charge des générations futures.

Dans ces conditions, le choix est mince : soit l’on augmente les prélèvements, soit l’on réduit drastiquement les dépenses.

Pour ma part, et quitte à choquer, je pense qu’il faudrait avoir le courage de repenser certaines prestations, de remettre en cause des avantages catégoriels non justifiés, de faire la part des choses entre ce qui relève de l’assurance et ce qui relève de la solidarité. On ne peut laisser filer les dépenses au rythme où elles vont, que ce soit pour la branche maladie ou, plus encore, pour la branche vieillesse. Notre système de protection sociale a certainement joué un grand rôle d’amortisseur en ces temps de récession, qui plaide plus que jamais pour sa sauvegarde, mais la crise ne doit pas éluder la question de sa soutenabilité financière. Ne pas vouloir transgresser le postulat de 1945 relève d’une utopie coupable en 2010 !

L’excellent rapport de M. Dominique Leclerc pose bien le problème concernant les retraites, qu’il s’agisse du régime général ou des régimes spéciaux. Je partage ses analyses.

Concernant l’assurance maladie, la commission des affaires sociales a auditionné, comme chaque année, le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM. Ce dernier nous a avoué son pessimisme d’une manière tout à fait directe. Son analyse est partagée par le Premier président de la Cour des comptes, qui nous a exposé, dans son style quelque peu abrupt, mais très réaliste, une situation que chacun connaît d’ailleurs.

On ne peut plus se contenter de demi-mesures en la matière. Il faut, bien entendu, poursuivre l’application de la politique de maîtrise médicalisée des dépenses d’assurance maladie engagée ces dernières années, développer le recours aux médicaments génériques, mettre en œuvre les référentiels de la Haute Autorité de santé, la HAS, mener des campagnes de mise sous accord préalable des médecins « surprescripteurs », diffuser les contrats d’amélioration des pratiques individuelles, renforcer le contrôle des indemnités journalières.

Tout cela est bien. Pour autant, on comprend bien, en lisant les prévisions annexées au PLFSS, que ce ne sera pas suffisant. Même en fixant un ONDAM rigoureux de 3 % par an jusqu’en 2013, ce qui impose de réaliser chaque année 2,3 milliards d’euros d’économies nouvelles, le déficit de l’assurance maladie restera supérieur à 10 milliards d’euros.

Cela étant, il serait injuste de dire que, cette année, le Gouvernement baisse les bras. Il a pris des décisions courageuses dans ces moments difficiles, notamment l’augmentation du forfait hospitalier de 16 euros à 18 euros et la réduction à 15 % du taux de remboursement de certains médicaments dont le service médical rendu est faible. Sur ce dernier point, je me demande d’ailleurs pourquoi maintenir un remboursement si les médicaments concernés sont reconnus par la HAS comme inefficaces !

Ces mesures sont courageuses, certes, mais elles restent insuffisantes au regard du problème. Pourquoi ne pas aller plus loin, en proposant pour la période triennale à venir d’appliquer une franchise annuelle qui varierait en fonction du revenu des intéressés ?

Cette proposition est sans aucun doute provocatrice dans l’environnement économique et social actuel, mais certaines questions méritent d’être débattues. Pourquoi les assurés ne participeraient-ils pas, tant soit peu, aux frais de leur traitement à hauteur de leurs moyens financiers ? Peut-on, dans la situation actuelle de l’assurance maladie, continuer de servir les mêmes prestations à tous, aux plus vulnérables comme aux plus favorisés ? La prise en charge des petits risques doit-elle valoir pour tous ? Est-il logique que la solidarité nationale prenne en charge les soins et les arrêts de travail du lundi matin des accidentés du sport et des loisirs du dimanche ?

M. Guy Fischer. Calomnies !

M. Gilbert Barbier. Au-delà, certaines réformes me semblent plus porteuses d’économies. La réforme hospitalière de 2003, en particulier, avait suscité l’espoir d’un cercle vertueux, au bénéfice de l’efficacité et de la qualité des soins.

Il serait injuste de ne pas reconnaître les évolutions intervenues dans certains établissements hospitaliers, mais reconnaissons aussi que la maîtrise médicalisée des dépenses et les bonnes pratiques, telles qu’on les diffuse dans le secteur ambulatoire, n’ont pas encore trouvé toute leur place à l’hôpital. Certaines données statistiques sont taboues, comme par exemple le taux de mortalité et de morbidité des établissements d’hospitalisation. Or les malades exigent de plus en plus la vérité : pourquoi la leur cacher ?

Le Premier président de la Cour des comptes nous a aussi confirmé l’étonnante disparité des performances, même pour des hôpitaux de taille comparable.

M. Gilbert Barbier. La non-application des recommandations en matière d’utilisation des blocs opératoires ou d’organisation des urgences pose également problème.

Les contrats d’objectifs et de moyens conclus entre les établissements et la tutelle devront nous permettre d’agir sur ces points.

Quant à la tarification à l’activité, il semble que l’absence de stratégie d’ensemble et de rigueur n’ait pas permis d’obtenir la dynamisation attendue des ressources dans les établissements. Même si des questions demeurent, notamment sur la part à donner aux missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, les MIGAC, on ne peut sans cesse changer les règles du jeu.

Pour reprendre les propos de notre rapporteur général Alain Vasselle, il est indispensable de clarifier à la fois le discours et la méthode.

Par ailleurs, comment accepter l’idée que les prix entre l’hôpital public et l’hôpital privé ou, pire encore, entre CHU, soient aussi disparates, allant du simple au triple pour un séjour en médecine, chirurgie ou obstétrique ?

Repousser encore la convergence tarifaire de 2012 à 2018, comme le Gouvernement l’a souhaité dans la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ou loi HPST, était un mauvais signal. Vous proposez aujourd’hui une expérimentation de convergence ciblée sur quelques dizaines de groupes homogènes de séjours. Personnellement, je me rangerai à l’avis du rapporteur concernant la proposition de fixer la convergence à 2014.

D’une manière générale, la restructuration des établissements est plus que nécessaire : elle est indispensable à une prise en charge correcte de tous les patients.

On rabâche sans cesse la notion de « proximité des soins pour tous ». Mais chacun sait que proximité ne rime plus depuis longtemps avec qualité. Certains continuent d’entretenir ce mythe.

Il a été fait état de 185 plateaux techniques à activité insuffisante. Ce constat n’est pas d’aujourd’hui, mais les décisions de regroupement sont lentes à intervenir. Il est certes difficile de résister aux discours des élus locaux, par ailleurs, au fond d’eux-mêmes, certainement convaincus de l’évolution nécessaire.

J’espère que la mise en place des agences régionales de santé, ou ARS, accélérera le processus. Il faudra en tout cas une détermination politique sans faille pour ne pas céder aux pressions diverses.

Pour conclure sur l’hôpital, il me semble que les réformes sont plus subies que comprises. Il est vrai qu’elles ont fait l’objet de multiples aménagements. Nous gagnerions à avoir des règles claires qui s’inscrivent dans la durée.

Il y a bien entendu d’autres domaines où des actions sont possibles : les centres d’examen de santé, les contrôles médicaux de la CNAM, les admissions en affection de longue durée, ou ALD, les cotations des actes de radiologie et de biologie.

La tâche est immense, mais ne rejetons pas à plus tard les réformes nécessaires. Celles-ci devront associer l’ensemble des acteurs de santé et en premier lieu les professionnels. À ce sujet, concernant les médecins, il serait sage de proroger la convention actuelle dans l’attente de la désignation des trois collèges, comme cela a été voté dans la loi HPST.

Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement d’agir efficacement pour le redressement d’une situation dangereuse pour l’avenir de la protection sociale.

C’est pourquoi, personnellement, je voterai ce PLFSS, même s’il manque d’une certaine ambition. Mais j’attends un engagement fort de votre part pour dégager des réformes d’ampleur en 2010, notamment lors du grand rendez-vous sur les retraites.

En revanche, la grande majorité du groupe RDSE ne votera pas ce texte, estimant qu’il augmente encore le reste à charge des assurés, transfère des dépenses sur les assurances privées, ne s’attaque pas suffisamment aux niches sociales et ne prévoit pratiquement rien pour les nouvelles recettes. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Yves Daudigny applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les comptes sociaux n’ont jamais connu de situation aussi dégradée. Les déficits ne cessent de se creuser : ils passeront de 10 milliards d’euros, en 2008, à 23 milliards, en 2009, et à environ 30 milliards, toutes branches confondues, en 2010.

Ce doublement de la dette en un an augure mal de l’avenir. D’ailleurs c’est bien simple, les prévisions pour 2013 sont abyssales. Si votre Gouvernement ne prend pas la mesure de l’urgence et les solutions adéquates – que nous vous suggérerons – le déficit atteindra de 150 milliards à 170 milliards d’euros environ, ce qui correspond à peu près à la hauteur de l’ONDAM. Ainsi, en 2013, le déficit cumulé sera, toutes branches confondues, égal voire supérieur au budget annuel.

Comme le souligne le rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale remis en septembre 2009, notre régime de protection sociale est aujourd’hui financé par la dette. Cette politique, dont vous êtes, messieurs les ministres, les responsables, a un coût, estimé par la Cour des comptes à près de 4 milliards d’euros par an, c’est-à-dire un peu plus que les exonérations de cotisations sociales que l’État, contrairement à la loi de 1967, refuse de compenser.

Ce qui pourrait apparaître de prime abord comme une inaction coupable a certes un coût, mais cela a surtout un prix. Les Français, qui depuis trois ans subissent mauvais coups sur mauvais coups, ne le savent que trop ! Ils se rendent également compte qu’en réalité votre refus d’agir efficacement est la traduction dans les faits du changement de modèle de société que vous entendez promouvoir.

Ce nouveau modèle a un nom : libéralisme, voire ultralibéralisme ; une doctrine, le « chacun pour soi » ; il passe immanquablement par une voie, d’abord l’abandon, à terme, de notre régime de protection sociale fondée sur la solidarité, ensuite l’éloignement du pacte social élaboré au lendemain de la guerre et reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946, enfin la suppression des droits et protections sociales garantis par la nation.

Voilà ce qui est en train d’être détricoté ! Mais il faut dire à votre décharge que votre conception de ce que devrait être la prise en charge de la maladie, de la vieillesse, de la famille ou de la dépendance est cohérente avec l’ensemble de votre politique.

Vous organisez partout la dissolution des droits et des protections collectifs au profit de l’individualisation. C’est particulièrement vrai pour ce qui relève du droit du travail.

Vous cassez les dynamiques collectives au profit des actions individuelles. Au système que nous connaissons actuellement, fondé – même si cela est de moins en moins vrai – sur la solidarité entre les malades et les bien portants, entre les plus riches et les plus pauvres, vous préférez un système qui répondrait à une exigence de rentabilité où chacun serait responsable de son propre sort, coupable de ne pas parvenir à gagner suffisamment sa vie, d’être malade voire d’être dépendant.

M. Guy Fischer. Messieurs les ministres, vous devez dire à nos concitoyens la vérité de votre projet. Vous devez dire que, demain, peut-être après les régionales, certainement après la présidentielle de 2012, vous imposerez à tous, contre l’intérêt des plus faibles, la fin de notre modèle social.

Ce projet, nous le contestons. Pour reprendre une formule qui est chère au Président de la République, il « n’a pas été élu pour » détruire l’outil même qu’il vantait hier comme un amortisseur de crise.

C’est bien de cela qu’il s’agit ! J’en veux pour preuve la manière avec laquelle vous mettez, année après année, les assurés un peu plus à contribution ou, pour utiliser une image que j’ai entendue dans ma ville de Vénissieux, la manière dont « vous leur faites les poches » ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

En 2008, vous aviez instauré les franchises médicales. Elles ont eu pour conséquence d’éloigner durablement des soins 32 % des assurés sociaux qui ne disposent pas de mutuelles ou de complémentaires, c’est-à-dire les plus pauvres d’entre nos concitoyens.

Il y a également eu la création de la contribution additionnelle au premier euro. Aujourd’hui, vous prenez prétexte de la crise pour chercher encore, au plus profond de leurs poches, la manière de faire participer un peu plus les assurés au financement de notre système. J’en veux pour preuve la hausse du forfait hospitalier, une hausse comme toujours savamment orchestrée dès l’été (Mme Gisèle Printz acquiesce.) : d’abord annoncée à 4 euros, ce qui aurait entraîné une augmentation de 25 % du forfait hospitalier, pour être artificiellement réduite à 2 euros ! Voyez, nous avons réduit, dites-vous ! Cela représente néanmoins une hausse de 12,5 % !

M. Guy Fischer. Cette mesure, qui prendra comme d’autres la voie réglementaire, portera donc le forfait hospitalier à 18 euros par jour. Ce forfait, qui n’était initialement destiné qu’à couvrir les dépenses dites d’hôtellerie à l’hôpital, est aujourd’hui une véritable source de revenus pour les établissements de santé qui peinent, T2A oblige, à financer leurs activités.

Une telle hausse est d’autant moins explicable que vous n’avez cessé d’encourager les hôpitaux, notamment à grands coups de réductions budgétaires, à externaliser la partie restauration pour faire des économies. Ainsi, grâce à l’externalisation, les prix baissent, mais, de votre côté, vous augmentez la facture !

M. Guy Fischer. Nous y voyons, pour notre part, une tentative de contourner l’avis rendu par le Conseil d’État à la suite de la saisine d’associations sur les franchises médicales, vous invitant à ne pas les augmenter indéfiniment.

Belle technique de contournement que cette hausse du forfait hospitalier, qui vous permet, presque discrètement, de mettre encore un peu plus les malades à contribution et de leur faire payer encore un peu plus cher le prix de leurs maladies.

D’ailleurs, messieurs les ministres, vos amis députés de la majorité ne s’y sont pas trompés. Ils ont bien entendu votre message. C’est pourquoi le député Yves Bur n’a pas hésité, sous le prétexte fallacieux de responsabiliser les malades, à déposer un amendement portant de trois à quatre jours le délai de carence en cas d’arrêt maladie. Et le député Jean-François Copé propose de taxer les indemnités journalières perçues par les salariés victimes d’un accident du travail, dont souvent ils ne sont pas responsables ! C’est un véritable scandale !

J’en veux encore pour preuve la manière dont vous organisez, année après année, la transformation de notre système solidaire en un modèle assurantiel.

Cette année encore, vous avez instauré, à l’encontre des organismes de mutuelles et des complémentaires, une taxe destinée, dites-vous, à participer au financement de la politique gouvernementale de vaccination contre la grippe A. Nous y voyons, pour notre part, la confirmation masquée de la taxe exceptionnelle de1 milliard d’euros. D’une manière ou d’une autre, vous chercherez toujours à siphonner les mutuelles ! Cela s’avère maintenant évident !

Vous aviez justifié cette taxe exceptionnelle par les supposés excédents détenus par les mutuelles. Nous vous avions fait la démonstration que ces excédents – car ce ne sont pas des bénéfices – sont la preuve du respect par le mouvement mutualiste des règles prudentielles que l’Europe et votre Gouvernement imposaient.

Nous ne vous avons visiblement pas convaincus, puisque, cette année encore, les organismes d’assurance maladie complémentaire ont été sommés de participer à l’achat de millions de doses de vaccins ; les membres de notre groupe, plus particulièrement M. Autain, ne manqueront pas d’y revenir au cours de nos débats.

Cette contribution nous paraît injuste, mais nous craignons également qu’elle ne permette à votre gouvernement de créer, une fois de plus, la confusion entre régime de base et régimes complémentaires, puisque, année après année, ceux-ci participent de plus en plus au financement de la sécurité sociale.

La volonté de transférer une partie des dépenses de l’assurance maladie vers les mutuelles complémentaires, nous l’avions déjà dénoncée quand, l’année dernière, vous proposiez vous-mêmes de confier aux mutuelles l’intégralité des remboursements optiques et dentaires, plus globalement les appareillages et les prothèses.

Pour Le Figaro, journal de référence quand il s’agit de savoir ce que pense le Président, « Nicolas Sarkozy ne fait pas mystère, depuis des mois, de sa volonté d’explorer cette piste », autrement dit de mettre un peu plus à contribution les mutuelles.

M. Guy Fischer. Il est vrai que, pour vous, cotisations de sécurité sociale ou cotisations à une mutuelle, c’est presque la même chose. À écouter certains élus de la majorité présidentielle, dans les deux cas, directement ou indirectement, ce serait l’argent des usagers. Nous contestons ce raisonnement qui revient à nier le fondement même de notre système de solidarité : on ne paie pas pour soi, mais pour tous ! Contrairement aux organismes complémentaires, on ne paie pas en fonction de ses envies ou de ses besoins, mais selon ses capacités contributives. Et c’est bien là toute la différence !

Une étude récente du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CRÉDOC, évalue à 8 % de la population, soit 5 millions de nos concitoyens, ceux qui ont renoncé à une mutuelle. En pleine crise du pouvoir d’achat, la couverture complémentaire pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages : le taux d’effort pour acquérir une mutuelle est de 10,3 % pour les ménages les plus pauvres, contre 3 % pour les plus riches.

Selon une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, 15 % des personnes vivant avec moins de 840 euros par mois ont renoncé à une mutuelle.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous avez cautionné la fixation du plafond de la CMU-C à 600 euros !

M. Guy Fischer. Ce transfert progressif, mais régulier, pèsera donc sur les plus faibles.

De la même manière, nous considérons que le secteur optionnel sera une mauvaise réponse à une vraie question, celle de la difficulté grandissante que rencontrent toujours plus de patients à accéder à des soins à tarifs opposables, particulièrement chez les spécialistes.

Dans la mesure où les dépassements d’honoraires y seront limités à 50 %, les médecins qui pratiquent des dépassements de l’ordre de 200 % à 300 % des tarifs opposables ne seront aucunement incités à intégrer le secteur optionnel, d’ailleurs réduit à quelques spécialités.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour le moment !

M. Guy Fischer. À l’inverse, monsieur le rapporteur général, nous craignons que les médecins du secteur 1 n’intègrent massivement le secteur optionnel. On assisterait alors à un siphonage du premier, au détriment des malades, puisque seuls les contrats d’assurances complémentaires les plus importants, autrement dit les plus chers, prendront en charge le secteur optionnel.

M. Guy Fischer. Autre preuve de la volonté présidentielle de casser notre système, la manière avec laquelle le Gouvernement organise méthodiquement son appauvrissement.

Tout le monde s’accorde à dire que, cette année, malgré l’explosion de la crise, les dépenses de santé ont été plutôt bien maîtrisées. Pourtant, les déficits pour 2010 seront doublés par rapport à 2009. Pour M. Woerth, 75 % des déficits seraient imputables à la crise.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, puisque vous me pressez en me coupant la parole…

M. le président. Je vous rappelle aux engagements que nous avons pris les uns vis-à-vis des autres.

M. Guy Fischer. Je me suis prononcé contre, monsieur le président ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, le groupe CRC-SPG profitera des débats sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 pour vous faire la démonstration qu’il ne faut pas nous satisfaire des quelques rares mesures prévues, comme l’attention portée aux niches sociales et fiscales et le doublement du forfait social, et encore moins des dispositions pour le moins inégalitaires envisagées, à l’image de l’amendement de M. Vasselle prévoyant une augmentation de la CRDS, mais pas l’exclusion de celle-ci du champ d’application du bouclier fiscal. Il convient d’aller au-delà, car il est possible de permettre un financement pérenne, durable et solidaire de notre protection sociale.

Nous aurons également l’occasion, tout au long des jours et des nuits de débat qui s’annoncent, de développer nos arguments en faveur d’une réforme d’ampleur de l’assiette des cotisations sociales, tant il est vrai que les exonérations accordées aux entreprises en la matière sont de véritables trappes à bas salaires.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, voilà autant de raisons de voter contre ce PLFSS pour 2010, qui est plus inégalitaire que jamais ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons un contexte économique sans précédent. Nombre d’intervenants en ont parlé, mais il n’est pas inutile de rappeler que 65 % du déficit du régime général pour 2009 et 75 % de celui pour 2010, qui s’élèvent respectivement à 21 milliards et à 31 milliards d’euros, sont dus à la crise. Force et de constater que le montant des déficits atteint désormais un record historique.

Le Gouvernement a ainsi fait le choix de ne pas augmenter les prélèvements, pour faire en sorte que la sécurité sociale joue son rôle de stabilisateur social. Nous sommes convaincus, dans cette période particulièrement difficile, que notre système de protection sociale doit rester solidaire et responsable. En 2009, les prestations ont été revalorisées de 7,2 milliards d’euros, en faveur des retraites, de la famille et des minima sociaux.

En outre, nous soutenons la poursuite de la maîtrise des dépenses engagée depuis trois ans et la fixation à 3 % de l’ONDAM 2010, qui nous paraît réaliste. Pour la première fois, la maîtrise des dépenses de santé a été assurée deux années de suite à moins de 3 %. C’est la preuve d’une responsabilisation des comportements de tous les acteurs.

En juillet dernier, avec le vote de la loi HPST, nous avons engagé de courageuses réformes structurelles de l’organisation de notre système de santé.

Nous avons rendu l’organisation du système hospitalier plus efficiente, en intégrant davantage de souplesse et de réactivité dans le fonctionnement des hôpitaux. Nous avons créé des agences régionales de santé, afin de mieux réguler, orienter et organiser l’offre de soins.

Contrairement à notre collègue Guy Fischer, nous sommes conscients que la santé n’a pas de prix, mais qu’elle a un coût.

M. François Autain. Ce n’est pas nouveau !

M. Alain Milon. Pour cela, nous devons désormais concentrer nos efforts sur le déficit structurel du régime général, qui s’élève à près de 10 milliards d’euros.

Cette situation impose des réformes.

Mme Annie David. D’accord, mais pas celles que vous proposez !

M. Alain Milon. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle, l’a indiqué avec force lors du débat sur les prélèvements obligatoires : quelle que soit l’ampleur des décisions à prendre, celles-ci devront être fortes. On ne pourra pas indéfiniment mettre en place une réduction des dépenses ; il faut envisager une modification des recettes.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Alain Milon. Il faudra profiter de l’examen des articles pour aborder la question de l’augmentation des prélèvements, notamment de la CRDS. Il importera, ensuite, de réfléchir à l’élargissement de l’assiette de certains prélèvements pour toutes les catégories de revenus. Il conviendra, enfin, de définir un meilleur ciblage des allégements de charges.

Mes chers collègues, n’ayons aucun tabou, ni entre nous ni vis-à-vis de nos concitoyens. Faisons œuvre de pédagogie et sachons parler vrai pour faire prendre conscience à ces derniers des efforts à fournir afin de financer de la manière la plus juste et la plus responsable notre protection sociale. Il y va de la pérennité de notre système, à condition, évidemment, que nos concitoyens souhaitent qu’il soit pérenne.

Un autre sujet nous semble important : la convergence tarifaire doit permettre de mieux gérer les établissements hospitaliers, publics comme privés.

Monsieur le ministre, voici ce que j’affirmais l’an dernier, lors de l’examen du PLFSS pour 2009 : « […] pour réussir la convergence public-privé, il conviendra de prendre en compte les spécificités de l’hôpital public et leur impact sur les coûts : la gestion de la précarité qui génère des coûts induits importants, non pris en compte par les tarifs ; l’organisation de la permanence des soins qui, dans la plupart des villes moyennes, est assurée essentiellement par l’hôpital public ; la gestion par le seul hôpital public des spécialités coûteuses – réanimation, néonatalogie –, régies par des normes réglementaires draconiennes nécessaires au fonctionnement des unités publiques et privées, et dont les suppléments de tarifs s’avèrent insuffisants. »

Nous ne souhaitons pas que les efforts de convergence soient abandonnés.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Alain Milon. Pouvez-vous nous confirmer la réalisation de rapprochements tarifaires dans certaines activités de chirurgie dès l’année prochaine ?

L’occasion me sera donnée d’évoquer le rendez-vous de 2010 pour notre régime de retraite lors du débat qui sera organisé à la demande de la commission des affaires sociales.

Mais l’une des mesures phares du volet « retraite » de ce PLFSS pour 2010 réside dans le maintien de la majoration d’assurance pour enfant dans le régime général, même s’il a fallu modifier ce dispositif pour tenir compte d’un arrêt de la Cour de cassation. Michèle André et Jacqueline Panis en ayant excellemment parlé, je ne m’étendrai pas sur le sujet.

En ce qui concerne le volet « famille », le Gouvernement propose de poursuivre la création d’offres de garde supplémentaires, ce qui est indispensable pour répondre aux besoins de nombreuses familles. Nos collègues députés ont souhaité que l’agrément donné par le conseil général puisse se faire pour deux enfants dès la première demande, dès lors, bien sûr, que la qualité de l’accueil est assurée. Nous saluons cette initiative de nature à apporter une sécurité aux assistantes maternelles et à accroître le nombre de places. En outre, l’extension du prêt à taux zéro aux assistantes maternelles est un bon signal et favorisera, nous l’espérons, les vocations.

Nous nous félicitons également de ce que le volet « médico-social », qui sera défendu par Sylvie Desmarescaux, bénéficie d’une hausse de 5,8 %. Nous nous réjouissons de la sécurisation de la prise en charge des frais de transport des adultes handicapés dans les MAS, les maisons d’accueil spécialisées, et les FAM, les foyers d’accueil médicalisés, qui seront intégrés aux budgets des établissements.

Monsieur le ministre, l’effort sur la création de places dans le cadre du plan Alzheimer doit être poursuivi. Au-delà, la prise en charge de la dépendance est l’un des chantiers majeurs annoncés par le Président de la République. Pourriez-vous nous faire connaître l’état de la réflexion du Gouvernement sur la mise en place d’un cinquième risque ?

À l’évidence, le contexte économique ne facilite pas la tâche du Gouvernement, qui doit soutenir les plus fragiles et engager des réformes structurelles pour préserver notre protection sociale. Ces réformes sont indispensables pour adapter notre sécurité sociale aux besoins de nos concitoyens, au regard notamment de l’accroissement de l’espérance de vie, faute de quoi le système risque d’être mis en péril.

Monsieur le ministre, vous porterez, j’en suis sûr, une attention particulière à quelques-uns de nos amendements. Dans ces conditions, vous pouvez compter sur notre soutien sans faille ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à première vue, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 est catastrophique. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Nicolas About. En seconde analyse, cependant, il n’apparaît pas totalement désespérant. (Mêmes mouvements.)

M. Nicolas About. Quel drôle de constat, me direz-vous, face à un texte qui entérine un dérapage sans précédent des comptes sociaux. Ce PLFSS pour 2010 innove, hélas ! en termes de contre-performances : c’est la première fois que le déficit augmente autant d’une année sur l’autre ; c’est la première fois que l’ACOSS aura à supporter une dette cumulée de 65 milliards d’euros ;…

M. François Autain. C’est le budget des records !

M. Nicolas About. …c’est la première fois que l’on enregistrera deux années successives de recul de la masse salariale ;…

M. François Autain. Absolument !

M. Nicolas About. …c’est la première fois qu’on ne parle même plus d’un retour à l’équilibre.

M. François Autain. C’est le budget « Guiness »!

M. Nicolas About. Les chiffres ont déjà été largement martelés, leur ampleur est immense : le déficit consolidé des quatre branches atteindra 24,7 milliards d’euros en 2009, contre 10,2 milliards d’euros en 2008. Il aura donc plus que doublé en un an.

M. Jacky Le Menn. C’est rassurant…

M. Nicolas About. La cause est connue : la crise, plus précisément l’impact de la récession sur la masse salariale et, dans une plus faible mesure, sur les revenus du capital.

Concernant la masse salariale, le calcul est vite fait. Un point de masse salariale représente environ 2 milliards d’euros. Puisque celle-ci devrait reculer de 2 % cette année alors qu’elle avait crû en moyenne de 4,1 % entre 1998 et 2007, ce sont bien 12 milliards d’euros de recettes qui s’envolent.

Du côté des revenus du capital, la crise financière et la chute des transactions immobilières feraient passer le rendement social du capital de 15,6 milliards d’euros en 2008 à 12,2 milliards d’euros en 2009, soit une perte de 3,4 milliards d’euros.

Ainsi, la dégradation de la conjoncture coûterait plus de 15 milliards d’euros à la sécurité sociale. Autrement dit, l’essentiel de l’emballement du déficit lui serait imputable.

Le caractère essentiellement conjoncturel de l’explosion des déficits sociaux emporte trois conséquences.

Premièrement, il n’y a rien d’étonnant à anticiper une dégradation de la situation encore supérieure l’année prochaine.

Le projet table sur une diminution de 0,4 % de la masse salariale en 2010 et une perte de recettes de 9 milliards d’euros. Dans ces conditions, au regard de la croissance, même contenue, des dépenses, le déficit augmentera mécaniquement de 7 milliards d’euros, pour atteindre 30,6 milliards d’euros.

M. François Autain. C’est vrai !

M. Nicolas About. De tout cela, le PLFSS pour 2010 ne fait pas mystère. En cela, il est crédible.

M. Nicolas About. Mais en cela seulement.

Deuxièmement, en effet, il est difficile de croire aux hypothèses ultravolontaristes sur lesquelles le Gouvernement bâtit ses prévisions pluriannuelles postérieures à 2010.

Mme Annie David. Eh oui ! Elles sont insincères !

M. Nicolas About. En cela, nous rejoignons totalement la position du rapporteur général de la commission des affaires sociales.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Merci, mon cher collègue !

M. Nicolas About. Que la croissance caracole à 2,5 % à partir de 2011, à la limite, pourquoi pas ? Il est permis au Gouvernement d’espérer ; c’est peut-être même, d’ailleurs, son devoir. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales sourit.) Mais que la masse salariale augmente de 5 % à partir de ce moment-là, voilà qui laisse songeur !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances. Pantois !

M. Nicolas About. La masse salariale n’ayant crû, en moyenne, que de 4,1 % entre 1998 et 2007, on ne voit pas sur quelles bases elle pourrait, demain, battre de tels records.

Mme Christiane Demontès. L’intervention du Saint-Esprit !

M. Jacky Le Menn. Le miracle de la foi !

Mme Annie David. Vous allez donc voter la motion que je présenterai, monsieur About !

M. Nicolas About. Cela laisse à penser que la fixation d’une telle croissance procède beaucoup plus d’une logique de variable d’ajustement que d’un « prospectivisme » éclairé.

Là-dessus, certains parlent d’insincérité. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Nicolas About. C’est exagéré, puisque les perspectives dessinées par le texte pour l’année prochaine sont réalistes. C’est après que cela dérape.

M. François Autain. C’est de la naïveté !

M. Nicolas About. Alors, puisque nous innovons cette année, peut-être assistons-nous à l’émergence d’un nouveau concept, celui de sincérité de court terme ou de sincérité à date butoir. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, comme je l’annonçais en préambule, le présent PLFSS nous paraît receler des raisons de ne pas totalement désespérer. Et ce, sans même s’adonner à des vaticinations hasardeuses.

En effet, j’en arrive à la troisième conséquence du caractère essentiellement conjoncturel de la dégradation des soldes.

Dire que la récession est responsable de 65 % du déficit cumulé de 2009, c’est dire, en miroir, que le déficit structurel, lui, ne représente que 35 % de ce déficit et qu’il ne s’est pas accru.

M. François Autain. C’est rassurant !

M. Nicolas About. Ce qui est extrêmement encourageant, comme le fait remarquer notre collègue François Autain, et je l’en remercie.

Sous ses apparences de bérézina, le PLFSS pour 2009 est, en réalité, un texte paradoxal, un texte de contrastes : contraste entre son volet recettes, qui fait apparaître la dégradation dont j’ai parlé jusqu’ici, et son volet dépenses, qui, au contraire, fait montre d’une relative maîtrise.

C’est évidemment en matière d’assurance maladie que tout se joue. Ce projet consacre l’un des plus faibles dépassements de l’ONDAM jamais enregistrés depuis sa création en 1996 : 300 millions d’euros. Je rappelle, pour mémoire, que le dépassement de l’ONDAM a été depuis 1997, en moyenne, cinq fois plus élevé.

L’objectif de dépenses d’assurance maladie sera en 2009 très proche de celui que nous avions voté en 2008. Certes, les mesures de régulation budgétaire ne seront pas étrangères à ce résultat. Mais celui-ci est aussi et, surtout, indéniablement imputable à l’effort de maîtrise médicalisé entrepris depuis quelques années.

C’est également la première fois que la progression des dépenses est maîtrisée à un niveau aussi bas, proche de 3 %, ce qui crédibilise l’ONDAM toujours très volontariste fixé pour 2010 à 3 %.

Alors, face à ce constat à la fois alarmiste et contrasté, que faut-il faire ? Confrontés à l’emballement des déficits sociaux dans une période de grave récession, quelle est la marche à suivre ?

M. Nicolas About. Je vous laisse la responsabilité de cette appréciation, monsieur Autain !

Nous sommes face à un dilemme. D’un côté, il paraît insupportable de voir filer les déficits sans rien faire. De l’autre, est-il vraiment responsable de prétendre tout de suite les enrayer, au plus fort de la crise, quitte à pressurer un système déjà exsangue, quitte donc à nous priver de toute capacité de rebond ?

Face à ce qui semble une aporie, deux voix apparemment contradictoires s’élèvent dans cet hémicycle.

Monsieur le ministre, nous comprenons parfaitement le bien-fondé de l’option gouvernementale. En science macroéconomique, c’est un principe de base : il ne faut surtout pas contraindre le système quand la croissance est en berne. Il faut, au contraire, laisser agir les stabilisateurs automatiques, le jeu naturel de la redistribution sociale. Toute autre action est contre-cyclique.

M. Jean-Pierre Michel. Prenez votre temps !

M. Nicolas About. C’est dans cette voie de sagesse macroéconomique que vous vous êtes engagés. Dans ce PLFSS, ni hausse des prélèvements ni coupe brutale. Et, dans cette optique, il est bien normal que le déficit se creuse en période de récession.

Mais, face à cela, la commission des finances et la commission des affaires sociales opposent une autre logique, tout aussi macroéconomique.

Ne rien faire aujourd’hui contre les déficits qui se constituent, c’est se priver demain de toute marge de manœuvre, c’est mettre en route une bombe à retardement qui pourrait in fine avoir raison de l’ensemble de notre système de protection sociale.

Déjà, avec une ligne de trésorerie de 65 milliards d’euros, on change l’ACOSS en une banque, ce qui n’est pas franchement sa vocation. D’où la proposition de notre rapporteur général d’entrer, a minima, dans « une logique des petits pas » en transférant dès maintenant 20 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, ce qui implique un relèvement de 0,15 % de la CRDS, donc un accroissement de la pression fiscale, dont vous ne voulez pas.

Pour notre part, nous entendons les deux arguments ; l’un et l’autre nous semblent pertinents.

C’est pourquoi, en bons centristes que nous sommes (Sourires.), nous voulons vous proposer une solution intermédiaire susceptible de les concilier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Ne peut-on pas dissocier, au sein du déficit de la sécurité sociale, ce qui relève du structurel, c’est-à-dire de notre incapacité à réformer, de ce qui relève de l’impact de la conjoncture ?

Il paraîtrait normal que le déficit structurel, 10 milliards d’euros, continue d’être supporté par l’ACOSS en 2010, avant de pouvoir être transféré à la CADES dès la sortie de crise. Parallèlement, il paraîtrait tout aussi normal et sain que l’État prenne à sa charge tout le déficit imputable à la récession. Le retournement conjoncturel est un choc national. Il revient à l’État, et non à la sécurité sociale, de le supporter et d’y réagir. Sur le plan des principes, c’est une question de bon sens.

Dans ces conditions, peut-on envisager, madame, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’engage aujourd’hui à prendre à la charge de l’État, dans le projet de loi de finances, les 15 milliards d’euros correspondant au déficit conjoncturel des quatre branches ? En échange de quoi, nous n’aurions plus à toucher maintenant à la CRDS. Je vois que Mme la ministre est favorable à cette proposition…

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Ne déduisez rien de mon sourire !

M. Nicolas About. C’est là, pour nous, le point clef des discussions que nous allons avoir. Par-delà la nécessité de réagir à la gravité de la situation actuelle, il nous faudra aussi rapidement nous interroger sur les fondamentaux de notre système de protection sociale. Nous devrons dépasser la question du conjoncturel et du structurel. Certes, la dégradation de la conjoncture a creusé le déficit. Mais si les fluctuations de la masse salariale ont un tel impact sur les comptes sociaux, c’est bien parce que nous n’avons pas suffisamment réformé leurs modalités de financement.

Ce système, au départ exclusivement assurantiel et mis en place à une époque de plein emploi et de forte croissance, n’est plus viable.

Or, pour réformer le financement de la protection sociale, deux grandes voies ont déjà commencé à être parallèlement explorées. Et nous nous réjouissons de voir le PLFSS pour 2010, par-delà son option attentiste fondamentale, poursuivre dans de bonnes directions, par petites touches.

La première consiste à rénover le système, c’est-à-dire à moderniser l’assiette des cotisations sociales. C’est ce que fait très timidement le texte qui nous est soumis en s’attaquant aux petites niches sociales que sont les plus-values sur les valeurs mobilières ou certains contrats d’assurance vie, pour un gain respectivement attendu de 110 et 273 millions d’euros.

La logique est la même en ce qui concerne les retraites « chapeau ». Il n’est pas équitable de demander toujours plus d’efforts à l’immense majorité de nos concitoyens quand on laisse dans le même temps subsister des dispositifs manifestement exorbitants du droit commun au profit des plus aisés.

M. Guy Fischer. Ah, quand même !

M. Nicolas About. Vous allez m’inquiéter si vous m’approuvez !

Aussi ne pouvons-nous que souscrire au dispositif de l’article 14 du projet de loi, qui double le taux de prélèvement sur les contributions employeurs aux retraites supplémentaires.

De même, nous sommes favorables à la proposition de notre rapporteur général d’instituer un plafond à l’exonération complète de charges sociales dont bénéficient les rentes versées au titre de ces retraites. Cette proposition est plus claire que le dispositif de taxation progressif imaginé par le rapporteur général de l’Assemblée nationale que nos collègues députés ont fini par rejeter en séance.

Mais, ce faisant, on s’attaque à la question par deux biais différents et, peut-être, de manière insuffisamment coordonnée. En effet, si l’amendement de notre rapporteur général est adopté, comment les deux parties de l’article 14 s’articuleront-elles ? Les entreprises continueront-elles de payer la contribution sur les sommes versées au-delà de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, alors même que la raison d’être de cette contribution est de compenser les exonérations de charges ?

C’est pourquoi nous vous proposerons d’aller plus loin et d’aborder la question dans sa globalité, comme nous vous avons déjà proposé de le faire dans une proposition de loi que nous avons déposée en mai dernier.

Cette proposition, nous vous la reformulerons sous la forme d’un amendement en vertu duquel toutes les rentes versées au titre des retraites « chapeau » seraient chargées. Par rapport à l’ « amendement Vasselle », nous supprimerions donc la notion de plafond. Dans le même temps, l’amendement porte, très logiquement, suppression de la contribution de compensation. Ainsi, réglerions-nous, à notre avis, la question de la bonne manière.

C’est toujours dans cette optique de rénovation des assiettes sociales que s’inscrit la suppression du droit à l’image collective des footballeurs. C’est pourquoi, sur le fond, nous y souscrivons totalement. Cependant, pour ce qui concerne les modalités de sa mise en œuvre, nous comprenons parfaitement qu’un délai soit nécessaire. Nous soutenons, en conséquence, l’amendement de pacification que notre collègue Jean-Jacques Jégou a fait adopter par la commission des finances.

Si toutes ces mesures vont dans le bon sens, elles n’en demeurent pas moins encore très partielles. Il nous faudra, dès la sortie de crise, prendre à bras-le-corps le dossier des niches sociales. Il n’est qu’à évoquer le rapport de la Cour des comptes de 2007 pour se convaincre du caractère incontournable de cette question structurelle.

M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit ! Puis, on laisse tout tomber !

M. Nicolas About. Le second axe de réforme du financement de la protection sociale est la poursuite de sa fiscalisation, une fiscalisation encore insuffisante. En effet, si elle est aujourd’hui une nécessité économique, elle se justifie également sur le plan des principes. Songeons seulement à la question des cotisations maladie et famille qui continuent de peser sur la compétitivité des entreprises et l’emploi, alors qu’elles financent un risque universel.

Là encore, le PLFSS pour 2010 porte une avancée, qui, pour n’avoir que peu d’impact à l’échelle des équilibres généraux, n’en est pas moins emblématique de la prise de conscience qui s’est opérée ; je veux parler de la hausse de 6 % des prix du tabac en 2010.

Dernier indice de ce que nous voulons interpréter dans le texte comme une volonté politique de procéder rapidement à une réforme structurelle du financement de la sécurité sociale : le doublement du « forfait social ». C’est un indice de taille parce que ce forfait, dont le passage de 2 % à 4 % devrait rapporter 380 millions d’euros et qui peut s’analyser comme une flat tax assise sur des bases en voie d’universalisation, se situe au carrefour des deux grandes pistes de réforme que nous avons dressées, entre rénovation des assiettes sociales et fiscalisation du système.

Ainsi, ces touches impressionnistes pourraient préfigurer ce qu’il nous faudra accomplir dans les années à venir en matière de financement.

Mais réformer structurellement notre système de protection sociale n’implique pas uniquement de revoir ses modalités de financement.

Les efforts doivent évidemment être poursuivis aussi du côté des dépenses. Le déficit structurel demeure beaucoup trop élevé. D’importantes mesures peuvent et doivent être prises en matière de santé et de retraites.

Pour ce qui est de l’assurance maladie, la loi HPST a substantiellement réformé le secteur hospitalier. Des gains peuvent en être attendus dans les années à venir en termes de maîtrise médicalisée.

Sur ce sujet, un point du PLFSS pour 2010 est, à nos yeux, source d’inquiétude : la convergence tarifaire. Avec la commission des affaires sociales, nous soutenons le maintien d’un fort volontarisme politique pour que cette convergence ait lieu le plus vite possible.

Cependant, il nous semble que le débat se focalise un peu trop sur la convergence intersectorielle et occulte la question capitale de la convergence intrasectorielle. Pourtant, en la matière, les progrès à réaliser sont gigantesques. Rendons-nous compte : les écarts au sein de la catégorie des cliniques privées seraient de 30 % ! Il en va de même, voire plus, au sein des hôpitaux.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est dans le rapport de la Cour des comptes.

M. Nicolas About. Absolument !

Ces écarts font apparaître une amplitude tarifaire ahurissante entre le plus cher des hôpitaux et la clinique la moins onéreuse. C’est ce qu’avaient révélé les auditions de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, conduites il y a seulement deux ans.

Pour faire avancer la convergence, ne peut-on, dans un premier temps, cibler les actes les plus aisément comparables ? Des gains de productivité sont encore possibles à l’hôpital. Pour ce faire, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, la Cour des comptes et le rapport d’Yves Cannac d’avril 2006 ont ouvert nombre de pistes extrêmement intéressantes.

Et ce, évidemment, sans négliger du tout les missions de service public qui incombent à l’hôpital, ni la revalorisation des Missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, ou MIGAC, qui en est le corollaire, tout en refusant de faire de celles-ci un outil de compensation de la mauvaise gestion de certaines structures hospitalières.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Nicolas About. Si la loi HPST a beaucoup fait en matière hospitalière, il nous semble que, pour ce qui concerne le secteur ambulatoire, elle s’est arrêtée au milieu du gué. Je n’aurai, pour le justifier, qu’à rappeler les propositions que nous avons formulées au moment de son examen et qui, hélas ! n’y ont pas été insérées.

Ces propositions s’articulaient autour de trois axes : premièrement, promouvoir la formation au métier de médecin généraliste de premier recours, en particulier, en organisant une véritable spécialité en quatre ans ;…

M. Nicolas About. …deuxièmement, rénover le cadre de la coopération entre professionnels de santé, comme le préconisait déjà le rapport Berland, en organisant la délégation d’actes entre professionnels de santé et en créant de nouvelles professions médicales intermédiaires ; enfin, troisièmement, promouvoir l’exercice regroupé et pluridisciplinaire de la pratique ambulatoire en développant des centres de santé et, surtout, des maisons de santé pluridisciplinaires.

Pour ce qui est des retraites, le sentiment est le même : depuis 2003, nous n’avons eu de cesse de répéter que l’effort réalisé ne pouvait couvrir que 60 % du besoin de financement des décennies à venir. Cette réalité s’impose aujourd’hui avec toute son urgence. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu’espérer que le fameux rendez-vous de 2010 en soit véritablement un. Notre système de retraite ne supportera plus un nouveau rendez-vous manqué.

La solution que nous défendons depuis 2003 est la mise en place d’un système participatif de retraites par points. Dominique Leclerc défend aussi une telle réforme. Nous espérons être entendus au moment voulu.

En conclusion, nous attendons, pour cette année, que l’État prenne à sa charge la dette conjoncturelle aujourd’hui supportée par l’ACOSS et qu’il engage, pour les années à venir, d’importantes réformes structurelles en vue d’éviter que de telles situations ne se reproduisent, quel que soit l’état de la conjoncture.

Il ne me reste plus qu’à féliciter Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, et Jean Arthuis, président de la commission des finances, ainsi que l’ensemble des rapporteurs, pour l’excellence de leur travail. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, voilà quelques mois, lors du vote du projet de loi HPST, je vous interrogeais sur la validité d’une loi d’organisation du système de soins qui n’abordait pas la question de son financement. Vous m’aviez alors répondu qu’il ne fallait pas tout confondre, que les choses viendraient en leur temps, que le PLFSS serait l’occasion d’obtenir des réponses de fond à la seule question qui vaille : peut-on continuer à financer la sécurité sociale à crédit ?

Nous y sommes, mais, après ce que j’ai entendu ce matin, je crains que les réponses tant attendues ne soient pas au rendez-vous. Nous nous trouvons en effet devant un texte empreint de fatalisme et de résignation, alors même que la situation n’a jamais été aussi grave et que les déficits n’ont jamais été aussi importants.

Les représentants des organismes gestionnaires que nous rencontrons dans nos auditions sont effarés de l’insouciance qui règne. Les élus de votre propre majorité sont, au fond d’eux-mêmes, consternés par tant d’inaction. L’opposition vous somme de prendre vos responsabilités. Les assurés sociaux sont pantois devant des gouvernants qui prennent les risques les plus insensés sur leur dos.

Oui, madame la ministre, nous vivons un moment surréaliste.

Pourquoi une telle attitude ? Quel est donc cet impératif qui vous contraint à ne rien faire alors que la sécurité sociale s’écroule sous nos yeux ? Le calendrier électoral est-il la seule chose qui importe pour l’actuelle majorité ?

À l’heure où nous parlons, les chiffres sont pourtant sans appel : l’enlisement est total.

Certes, la crise économique est responsable d’un déficit des recettes, mais nous ne partons pas de rien. Il suffit de faire l’addition des déficits depuis 2003 pour s’en convaincre. L’absence de mesures de rééquilibrage des comptes au fil des années n’a fait qu’amplifier le déficit global. À cet égard, le cycle 2008-2010 s’annonce comme un triste record.

Ainsi, 2008 aura été une année de rechute : le déficit, supérieur de 20 % aux prévisions, a replongé à 10,2 milliards d’euros et la branche vieillesse a confirmé sa dégradation constante depuis 2005. Ce chiffre de 10,2 milliards d’euros, correspondant à une période « normale », constitue le plancher des besoins de financements permanents nécessaires au régime général pour approcher l’équilibre en période de stabilité. C’est sur ce montant irréductible que nous attendons de votre part des solutions, car le temps presse.

Quant à 2009, c’est l’année de l’escalade ! Le déficit, qui atteint plus de 23 milliards d’euros, acte avec dureté l’entrée dans la crise, une crise qui déprime les recettes de CSG, amenuise les recettes des cotisations assises sur les salaires et réduit les produits des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. La récession et le chômage sont passés par là et font des ravages.

Je me souviens qu’il y a un an nous examinions un PLFSS pour 2009 dans lequel le déficit attendu du régime général était évalué à 10,5 milliards d’euros.

M. Woerth, qui faisait ce matin la leçon à sa majorité, savait ce qui se préparait ; il connaissait la violence de la dépression qui frappait le pays et son impact prévisible sur les recettes, mais, disait-il, « il faut prendre le temps nécessaire à l’analyse », il faut attendre pour « dégager une tendance raisonnable et claire »… « Le retour à l’équilibre demeure plus que jamais notre objectif », concluait-il, en reprenant un leitmotiv déjà ancien.

Jamais projet de loi de financement de la sécurité sociale n’aura semblé aussi insincère,…

Mme Annie David. « Insincère », je suis d’accord !

M. Bernard Cazeau. …aussi déraisonnable, aussi imprévoyant.

L’année 2010, elle, sera l’année de l’effondrement, avec un déficit atteignant, malgré les mesures de limitation contenues dans le PLFSS, 33,6 milliards d’euros, et même 38,8 milliards d’euros si l’on ajoute les pertes des fonds de financement. En clair, la dette augmente de près de deux points de PIB sur un seul exercice ! Ce n’est « pas admissible », a jugé la Cour des comptes avec sa sagesse habituelle.

Le pis est que le déficit de crise est en train de se transformer en déficit structurel. La Commission des comptes de la sécurité sociale est formelle : on ne peut plus continuer à qualifier de « conjoncturel » un déficit dont on sait qu’il va durer et s’accroître si rien n’est fait.

Les prévisions pluriannuelles du PLFSS ne laissent augurer aucun redressement à moyen terme, avec au mieux 30 milliards d’euros de déficit par an d’ici à 2013, au prix d’hypothèses dont le réalisme reste à démontrer, comme l’ont relevé plusieurs orateurs de la majorité ce matin.

Bref, le temps n’est plus à la diversion. Ce que nous espérions, ce n’était pas la promesse habituelle de jours meilleurs : c’étaient des décisions sans plus attendre. Hélas ! vous n’agissez qu’à la marge.

Pour ce qui est de l’assurance maladie, on constate quelques prélèvements nouveaux, mais qui sont sans commune mesure avec les enjeux.

Quelques niches sociales seront bien assujetties aux prélèvements sociaux – enfin, pourrait-on dire ! –, mais vous devez aller au bout du raisonnement : taxez les plus-values des stock-options et les cessions d’action, comme vous le demandait Philippe Séguin voilà un an ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Abrogez les privilèges, à commencer par le bouclier fiscal qui met les plus favorisés à l’abri de tout nouveau prélèvement social. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Où est la cohérence dans vos propositions si vous taxez l’assurance vie, l’épargne d’entreprise et l’intéressement, qui concernent des millions de Français, mais que vous exonérez d’avance les plus riches de nos concitoyens de tout effort supplémentaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Guy Fischer. Voilà la réalité ! Elle est scandaleuse !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On va faire payer les médecins, les chirurgiens, les laboratoires, les pharmacies…

M. Bernard Cazeau. Toutes vos propositions ne sont pas inutiles, mais leur faible impact leur enlève tout crédit.

En fait, le problème est ailleurs : il est dans l’entêtement de votre gouvernement à faire payer les malades ; il est dans ce travers permanent qui consiste à reporter toujours plus de dépenses sur les assurés.

M. Bernard Cazeau. Pour les patients, en effet, le tour de vis continue.

D’après le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, pour les seuls soins de ville, 3 milliards d’euros ont été reportés sur les assurés depuis 2004.

Pour la troisième année consécutive, les déremboursements vont se poursuivre et les redevances continueront d’augmenter. Il en sera ainsi du forfait hospitalier, porté à 18 euros par jour, ce qui fait tout de même 540 euros mensuels !

M. Bernard Cazeau. Je puis vous garantir que le moment n’est pas loin où certaines personnes devront renoncer à l’hospitalisation en raison des frais d’hébergement.

M. Guy Fischer. Cela se produit déjà !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. N’exagérons rien !

M. Bernard Cazeau. À ces pénalités directes s’ajoute une sanction indirecte du fait du renchérissement prévisible du prix de la couverture complémentaire.

La Mutualité française a en effet annulé l’impact des mesures contenues dans les PLFSS pour 2009 et pour 2010 par des hausses tarifaires des cotisations se situant dans une fourchette de 4 % à 7 % ! Voilà qui ne va pas dans le sens du rétablissement du pouvoir d’achat. Alors que 8 % des Français sont déjà dépourvus de couverture complémentaire, ce n’est pas en provoquant une hausse des tarifs que l’on arrangera la situation.

J’attire de plus votre attention sur la création en cours d’un secteur tarifaire optionnel pour certaines spécialités de médecine. Par ce biais, les dépassements d’honoraires seraient légalisés, mais mieux encadrés. À ce jour, les mutuelles ne se sont pas engagées clairement sur la prise en charge de ces nouvelles formes de dépassement. Qu’en sera-t-il de l’accès aux soins dans ces conditions ?

Autre refrain souvent entonné, la régulation des dépenses hospitalières, avec la mise en œuvre de la tarification à l’activité comme outil de gestion : en ligne de mire, l’hôpital public, réputé mal géré et en surcapacité, comme le répète le rapporteur général.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le rapport de la Cour des comptes le montre, il y a des marges d’efficience à trouver !

M. Guy Fischer. Ils veulent tuer l’hôpital public !

M. Bernard Cazeau. Sur le terrain, les choses se compliquent. Nous avons tous lu, monsieur Vasselle, le rapport 2009 de la Cour des comptes : il met en lumière les difficultés majeures que rencontrent un grand nombre d’établissements pour élaborer une tarification compatible avec les objectifs budgétaires qui leur sont alloués.

Le codage et la facturation de l’activité des soignants ne sont pas une évidence, monsieur Vasselle. Les infirmiers et les médecins ne s’occupent pas des malades avec une calculette dans une main et un chronomètre dans l’autre !

Mme Raymonde Le Texier et M. Guy Fischer. Très bien !

M. Bernard Cazeau. Les missions d’intérêt général, les pathologies atypiques, l’enseignement, l’aménagement sanitaire du territoire, l’amortissement des investissements, le service public, tout cela ne se facture pas au microscope !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous ne parlez que de ce qui vous arrange ! Il n’y a pas que cela dans le rapport !

M. Bernard Cazeau. La T2A à 100 % et la convergence tarifaire apparaissent aujourd’hui illusoires à bien des professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous passez sous silence le plus important !

M. Bernard Cazeau. Les conséquences de ces deux mesures ne sont pas tirées, avec un ONDAM hospitalier en hausse de moins de 3 % pour 2010 qui s’appuie sur les progrès supposés de la T2A.

On notera cependant un effort en ce qui concerne l’un des sous-objectifs de l’ONDAM 2010. Vous constatez, madame la ministre, que je reconnais de temps à autre des points positifs… Je veux parler de l’ONDAM médicosocial, qui approchera 6 % de hausse, en cohérence avec les orientations des plans gouvernementaux successifs, même si, hélas ! Mme Desmarescaux, qui nous a rafraîchi la mémoire ce matin, a montré que la hausse était encore insuffisante…

De plus, il ne faudrait pas, comme cela a été le cas cette année, que la CNSA, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, revoit à la baisse, dans le même temps, les concours qu’elle verse aux conseils généraux pour la prise en charge des personnes âgées.

M. Guy Fischer. C’est pourtant ce qui va se passer : il n’y a plus d’argent !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces concours ne sont pas tous utilisés !

M. Bernard Cazeau. Sinon, ce serait incohérent et dangereux pour des collectivités déjà en grande difficulté du fait de la crise et que votre gouvernement souhaite encore plus corseter pour l’avenir.

On le voit, les années passent, les problèmes restent, les pétitions de principe se répètent et les déficits se creusent !

Le constat est identique pour les trois autres branches, vieillesse, famille et accidents du travail ; mes collègues du groupe socialiste y reviendront.

C’est notamment le cas pour la branche vieillesse, à propos de laquelle l’actuel Premier ministre, alors ministre des affaires sociales, avait dit, le 18 juillet 2003, après le vote sur l’ensemble du projet de loi portant réforme des retraites : « Pour notre part, avec la majorité, nous avons fait notre devoir : nous avons sécurisé les retraites. »

Le déficit était de 900 millions d’euros en 2003 ; il sera de plus de 11 milliards d’euros en 2010. Cela se passe de commentaires !

On l’observe au terme de ce bref descriptif : le rouge est mis, toutes les branches s’enfoncent inexorablement dans les déséquilibres, la sécurité sociale est à bout.

En trois ans, la présidence de Nicolas Sarkozy se sera soldée par trois points de PIB de dette sociale en plus. C’est un record sans égal depuis la création du système français de protection collective.

Dans un contexte où l’on blâme les collectivités territoriales pour leurs carences et notamment leurs carences de gestion, voilà qui ne manque pas de piquant !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Regardez donc de l’autre côté de l’Atlantique !

M. Bernard Cazeau. Une chose est certaine, nous touchons aux « limites de l’attentisme » dont a parlé Alain Vasselle dans son rapport.

Nous savons désormais que la résignation tiendra lieu de ligne de conduite et que vous laisserez filer les choses – ce sont donc les générations futures qui auront à assumer la charge des déséquilibres actuels –, mais reste à savoir à quel rythme et sous quelle forme. Cette année, ce sera par du découvert, du crédit : vous explosez le plafond d’avances de l’ACOSS en le fixant à 65 milliards d’euros. « Il faudra les trouver », commentait, perplexe, l’autre jour, le directeur de l’ACOSS.

En agissant de la sorte, vous générez une dette qu’aucun mécanisme d’amortissement ne viendra alléger, une dette intégrale, figée et stockée dans la banque de la sécurité sociale.

Il faudra bien en sortir ! Plus vous attendrez, plus le coût de la reprise des déficits de 2009 et de 2010 par la CADES, la caisse d’amortissement de la dette sociale, sera prohibitif et plus la pilule sera amère pour les contribuables.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est exact !

M. Bernard Cazeau. Si vous attendez un an de plus, il vous faudra doubler le taux de la CRDS pour apporter suffisamment de ressources à la CADES ; si vous attendez deux ans, il vous faudra le tripler, et ainsi de suite !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Bernard Cazeau. Vous prétendrez, une fois encore, que nous ne vous proposons rien de concret. Bien au contraire, nous vous invitons à vous laisser guider par la sagesse et le sens de la responsabilité de votre majorité, qui n’en peut plus de votre surdité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pourquoi n’avez-vous pas voté mon amendement en commission ?

M. Bernard Cazeau. Mme Montchamp à l’Assemblée nationale, MM. Vasselle et Jégou ce matin dans notre assemblée, n’ont pas dit autre chose. M. Vasselle appelait même, dans une interview récente, à ne pas rester les bras ballants devant une telle impasse.

Nous sommes prêts, pour notre part, à participer à l’indispensable réflexion qu’il faut ouvrir sur les prélèvements sociaux de demain. Car, plus que quiconque, nous tenons la protection sociale pour constitutive de notre civilisation. Nous y voyons la garantie de la société face à la fatalité de l’existence individuelle et de ses aléas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Nous y voyons une solidarité moderne qui ne laisse pas le malade, le dépendant, le chômeur ou l’exclu sans secours ni soutien.

Pour que la sécurité sociale, ce patrimoine de ceux qui n’en ont pas, n’implose pas, nous vous demandons de ne plus tergiverser et d’apporter la preuve de votre détermination à agir par des mesures fortes et courageuses. Espérons qu’il est encore temps de le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux tout d’abord regretter les conditions de travail fort peu satisfaisantes imposées au Sénat et à sa commission des affaires sociales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Autain. C’est vrai !

M. André Lardeux. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale semble considéré comme secondaire et transformé en variable d’ajustement de l’ordre du jour du Sénat. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

Madame, messieurs les ministres, nul n’ignore que votre tâche est fort difficile : vous avez à résoudre la quadrature du cercle et on vous a passé commande de ménager la chèvre et le chou ; mais il ne faudrait pas que les solutions choisies, ou leur absence, aboutissent à marier la carpe et le lapin ! (Sourires.)

En effet, les demandes de la société française sont contradictoires, comme l’illustre un sondage publié l’été dernier sur l’avenir des retraites : environ trois Français sur quatre ont répondu qu’il ne fallait pas modifier les conditions actuelles d’accès à la retraite. La même proportion refuse également que le montant des cotisations augmente, et on retrouve les mêmes pour s’opposer à une diminution des pensions. Comprenne qui pourra !

Une telle attitude relève de l’inconscience et révèle une méconnaissance inquiétante de la situation de nos comptes sociaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est plutôt ça !

M. André Lardeux. Ces comptes sont dans le rouge, et ce n’est pas une nouveauté. Il est donc dommage de s’enfermer dans une position qui sera de moins en moins soutenable, à savoir le refus d’augmenter les prélèvements sociaux, à défaut de pouvoir faire des économies drastiques.

Certes, une partie du déficit de 2009 a une base conjoncturelle, comme celui de l’année à venir. Mais en raison de l’effet « bases », ce déficit conjoncturel se transformera inéluctablement en un déficit structurel les années suivantes, ce que montrent d’ailleurs fort bien les tableaux de l’annexe B joints au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, le taux d’évolution retenu pour l’ONDAM, qui est d’une grande sagesse, illustre le poids des facteurs structurels, puisqu’avec une inflation inexistante il devrait, à périmètre constant, être plus faible.

Ainsi, ce PLFSS ne peut que susciter de grandes inquiétudes. Une structure privée placée dans une situation identique ne pourrait que déposer le bilan. Certes, le déficit et la dette qui en résultent sont garantis par l’État. Mais est-il absolument certain que l’ACOSS couvrira facilement l’autorisation de découvert de 65 milliards d’euros prévue ? Il me semble que le risque de rupture de paiement n’est pas une hypothèse aventurée.

On peut espérer un retour de la croissance à partir de 2011. Mais aucune croissance ne permettra de combler les déficits qui vont s’accumuler d’ici à 2013, soit au minimum 120 milliards d’euros (Marques d’approbation au banc des commissions.), alors que l’évolution des recettes est calculée sur des bases très volontaristes, ou plutôt, comme l’a excellemment souligné ce matin M. le rapporteur général, optimistes.

M. Guy Fischer. Irréalistes !

M. André Lardeux. Par conséquent, si un certain nombre de mesures destinées à minorer les dépenses ou à trouver quelques menues recettes supplémentaires sont nécessaires, elles sont loin d’être suffisantes. C’est vouloir, me semble-t-il, soigner un cancer avec quelques comprimés de vitamines C...

Pour ma part, je regrette que l’on ne soit pas allé plus loin sur le forfait hospitalier. En le portant à 18 euros, on n’est qu’à 50 % de son niveau moyen. Un forfait de 20 euros ne serait certes pas suffisant, mais ce serait tout de même mieux !

M. Guy Fischer. Surenchère !

M. André Lardeux. La limitation de certaines niches sociales aurait pu être plus importante. Même s’ils ne pèsent pas sur la sécurité sociale, d’autres problèmes ne sont pas réglés, comme celui des dépassements d’honoraires, qui donnent lieu à de nombreux abus. Et ce n’est pas l’accord qui a été passé le 16 octobre qui permettra de répondre aux questions posées.

La situation des retraites est encore plus inquiétante. Certes, un compromis a été trouvé pour les mères de famille. Espérons qu’il résistera aux actions en justice qui ne manqueront pas de survenir, expression habituelle de l’égoïsme qui gouverne notre société !

En effet, l’Europe, par son ultralibéralisme qui impose l’égalitarisme en matière de retraites, joue un très mauvais tour aux femmes, dont les retraites sont d’autant plus faibles qu’elles ont contribué au renouvellement des générations qui permettent de payer ces mêmes retraites. Nous ne devons pas oublier que, dans la situation de crise que nous vivons, les femmes sont plus vulnérables à la pauvreté, notamment celles qui sont victimes des ruptures conjugales. Je souhaite que l’Europe ne persiste pas à préférer l’égalité à la justice et à imposer une injustice criante qui, à terme, coûtera plus cher que le modeste surcroît de retraite alloué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

En ce qui concerne les retraites, je regrette que le rendez-vous soit reporté à la fin de l’année 2010 ; j’espère que ce retard n’est pas destiné à préparer un report encore plus lointain...

M. Guy Fischer. Après la présidentielle !

M. André Lardeux. Or, dans ce domaine, il y a urgence. La réforme de 2003 n’a pas atteint ses objectifs ; au contraire, les déficits de la branche se sont accrus, et on n’est jamais parti aussitôt en retraite.

Quant à la vraie réforme des régimes spéciaux, elle continue de jouer l’arlésienne, puisque ceux-ci n’ont jamais été aussi coûteux. La morale en ce domaine commande, exige que nous arrêtions de voler les générations futures.

Dans une telle situation, il est indispensable, me semble-t-il, d’agir dès le budget 2010, ne serait-ce que par souci de pédagogie, afin que l’opinion commence à percevoir la gravité de l’état des comptes sociaux.

Les auditions que j’ai conduites dans le cadre de la branche famille montrent qu’il y a un travail colossal à faire sur ce point : le déficit et la dette ne sont pas soutenables, et il existe un risque systémique d’effondrement de la sécurité sociale, dont la banqueroute n’est plus une hypothèse d’école.

En dehors d’une politique d’économies moins homéopathiques et de la remise en cause du bouclier fiscal et d’avantages fiscaux, qui sont désormais à contretemps, une augmentation dès 2010 de la CSG, ou au moins de la CRDS, éviterait que les augmentations ultérieures soient trop brutales et, pour certains, catastrophiques.

Attendre 2012 ou au-delà pour l’augmentation de la CRDS peut conduire au triplement de celle-ci, ou plus encore. Augmenter la CSG, dès 2010, de 0,3 ou 0,4 point aurait un impact limité sur le pouvoir d’achat, et si on l’affectait à la branche famille, ce ne serait qu’un modeste transfert de pouvoir d’achat.

Il faut d’ailleurs souligner que les collectivités locales n’ont pas ces scrupules : certaines d’entre elles se livrent à un véritable matraquage fiscal, anticipant leur perte d’autonomie financière, conséquence de la suppression de la taxe professionnelle et des changements annoncés dans l’organisation territoriale.

Aussi suis-je convaincu qu’il est urgent de cesser de spolier les générations futures en ne limitant pas les menaces qui pèsent sur l’avenir de notre système de protection sociale. Nous sommes en train de nous mettre dans une situation intenable ! Mais « ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».

En conclusion de mon propos, je souhaite aborder une question annexe. Est-il exact, madame la ministre, que la sécurité sociale rembourse la circoncision pratiquée pour des raisons religieuses à hauteur de 860 euros par opération ?

M. Guy Fischer. Cette question est de trop !

M. André Lardeux. L’opération est masquée sous de fallacieuses raisons médicales, certains médecins affirmant qu’en l’affaire tout le monde triche. Cette information, parue dans la presse cet été, n’a jamais été démentie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si, je l’ai démentie en répondant à une question sur le sujet !

Mme Annie David et M. Guy Fischer. Cette question est vraiment déplacée !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de débuter mon intervention sur la branche famille, je souhaite remercier André Lardeux de son honnêteté.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Parce que nous, nous ne sommes pas honnêtes ?

Mme Isabelle Pasquet. Alors que le Gouvernement et la majorité tentent d’expliquer les déficits sociaux par la crise, vous reconnaissez, mon cher collègue, que nous rentrons dans une période de déficit structurel. Au groupe CRC-SPG, nous partageons pleinement cette analyse et nous considérons même que ce déficit structurel est précisément la conséquence de la politique que mène le Gouvernement en matière de réduction des recettes.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme Pasquet ne m’a pas écouté : j’ai dit la même chose que M. Lardeux ! Il n’est pas le seul à faire preuve d’honnêteté intellectuelle ...

Mme Isabelle Pasquet. C’est exact !

C’est peu de dire que la branche famille est habituellement le parent pauvre des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Cette année, la situation est encore plus grave : alors que cette branche est structurellement excédentaire, nous nous trouvons face à un déficit. Nous nous souvenons tous des débats qui ont eu lieu en 2008 sur la manière d’utiliser les 324,4 milliards d’euros d’excédents de la branche famille. Ce temps est malheureusement révolu car, à en croire les prévisions, le déficit dépasserait les 3 milliards d’euros pour 2009, et devrait atteindre 4,4 milliards d’euros en 2010.

À n’en pas douter, les familles de notre pays, à commencer par les plus pauvres d’entre elles, seront les victimes indirectes de ce sous-financement organisé de notre protection sociale.

C’est pourquoi le groupe CRC-SPG ne peut accepter le gel des prestations familiales, tel qu’il est prévu dans l’annexe B de ce PLFSS pour 2010. Nous considérons, pour notre part, que c’est justement parce que la crise est là, et peut être même durablement, qu’il est nécessaire de faire jouer à plein la solidarité nationale. Cela vaut particulièrement pour la branche famille, dont nous savons tous qu’elle est indirectement au cœur de très nombreuses solutions. À titre d’exemple, la démographie, si elle s’accompagne d’un fort taux d’emploi, peut jouer un rôle moteur dans la problématique des retraites.

On sait aussi qu’en période de crise la famille est l’espace de toutes les solidarités, notamment quand les solidarités nationales sont insuffisantes, voire inexistantes. Je pense, en particulier, à la prise en charge de la dépendance, ou encore à l’aide en direction des jeunes de moins de vingt-cinq ans privés d’emploi qui ne perçoivent aucune forme d’aide. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder autour de soi et d’observer l’importance du phénomène du retour au domicile parental, y compris pour des adultes ayant dépassé la trentaine.

Alors oui, même si cela peut paraître à contre-courant des discours tenus en de telles circonstances, nous en appelons, pour notre part, au développement des solidarités.

J’ai lu avec attention le rapport de notre collègue André Lardeux. Comme lui, je refuse, avec les membres de mon groupe, que l’on finance la branche famille par la dette. Nous refusons également que la situation économique actuelle serve de prétexte pour diminuer ou supprimer certaines prestations.

Mais là où nous divergeons, c’est sur la hausse des prélèvements sociaux. Nous y sommes opposés, car cela pèserait encore davantage sur les familles qui, à notre avis, contribuent déjà pour une part importante au financement de notre protection sociale par les franchises médicales, la participation forfaitaire d’un euro, le forfait hospitalier et les mécanismes de récupération sur succession. Demain, avec la suppression de la taxe professionnelle et l’instauration de la taxe carbone, elles seront de nouveau mises à contribution.

Je voudrais par ailleurs, madame, messieurs les ministres, attirer votre attention sur ce qui fait défaut dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

J’aurais souhaité que vous ouvriez le bénéfice du versement des pensions de réversion aux concubins notoires et aux partenaires liés par un PACS, comme nous l’avions suggéré dans l’une de nos propositions de loi.

La différence de traitement entre les couples mariés et les couples pacsés n’est pas acceptable. Elle est d’autant moins justifiable que les couples pacsés sont tenus, durant leur vie commune, à un strict devoir de solidarité. Cette distinction pourrait d’ailleurs entraîner une sanction européenne, puisqu’elle fait naître une différence de traitement entre les citoyens en raison de leur orientation sexuelle, dans la mesure où le mariage, qui seul donne droit au bénéfice de la pension de réversion, n’est pas accessible aux couples de même sexe.

Par ailleurs, je regrette la faiblesse de vos propositions en matière de garde d’enfants. Nous avons bien compris que, pour vous, la création des 200 000 places de garde d’enfants supplémentaires passait presque exclusivement par l’autorisation accordée aux assistants maternels d’accueillir, non plus trois, mais quatre enfants.

Cela n’est pas satisfaisant et ne suffira pas à répondre aux besoins. C’est pourquoi nous regrettons que vous refusiez, comme nous le proposons, la création d’un grand service public de la petite enfance.

Je souhaite profiter de mon intervention pour vous inviter, madame la ministre, à engager avec votre ministère une réflexion sur le déplafonnement de la prestation de service. Ce déplafonnement permettrait aux maires des communes qui hésitent à créer des crèches municipales de le faire, puisque l’ensemble des frais de gardes seraient assurés par la combinaison des allocations de la CAF et des participations acquittées par les parents. Ce déplafonnement serait un signal fort. Il permettrait sans doute la création de places en crèches, ce mode de garde étant plébiscité par plus de 80 % des familles concernées.

Les familles attendent des réponses à leurs inquiétudes. Elles attendent une modulation de l’allocation de rentrée scolaire en fonction du niveau d’étude, elles attendent une allocation d’autonomie jeunesse, elles attendent surtout le versement des allocations familiales dès le premier enfant. Elles attendent un gouvernement solidaire, et je crains qu’avec ce PLFSS elles n’attendent encore. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas dans le détail sur la situation ô combien ! préoccupante dans laquelle la majorité a plongé l’ensemble de notre régime de protection sociale. S’il est de bon ton, en ces temps de crise, de louer le rôle d’amortisseur social de ce régime comme d’en appeler à la régulation du système capitaliste, les Français savent plus que jamais qu’il y a d’un côté les discours, de l’autre les actes, qu’il y a les effets de scène et leur réalité quotidienne.

Ils découvrent âprement la polysémie du terme « rupture » : pour une infime minorité, celle qui est protégée par le bouclier fiscal, cela rime avec consolidation des privilèges ; pour la très grande majorité, cela signifie descendeur social. Il en va ainsi pour l’ensemble de notre population, qu’elle soit retraitée ou pas.

La crise impacte nécessairement nos comptes. Elle contracte le volume des recettes, c’est un fait. Pour autant, nous ne devons pas nous limiter à cette seule observation. Pour reprendre les termes de M Dominique Leclerc, rapporteur : « La crise ne doit pas servir d’alibi pour masquer la réalité. »

Bien sûr, les déficits ont précédé la crise. Quant aux perspectives, elles ne sont guère rassurantes : le total cumulé des déficits sur la période 2010-2013 est estimé à 120 milliards d’euros, qui seront à la charge des générations futures. Parallèlement, la CADES a déjà plus de 100 milliards d’euros sur les bras ! À cet égard, notre collègue Jean-Jacques Jégou observait justement que la perspective de voir nos enfants, voire nos petits-enfants, être dans l’obligation de régler l’addition de nos dépenses inquiétait beaucoup les Français. Sur l’emprunt présidentiel, je partage votre point de vue, monsieur Jégou, et je ne suis pas certaine que les générations futures aient à s’en réjouir.

Venons-en maintenant à la situation de la branche vieillesse, sur laquelle je centrerai mon propos.

Si le PLFSS de 2009 contenait quatorze mesures qui impactaient cette branche, le PLFSS pour 2010 n’en comporte qu’un nombre très restreint. Chaque PLFSS contient des dispositions symboliques : l’année dernière, vous aviez soumis le versement de la pension de réversion à une condition d’âge et repoussé à soixante-dix ans l’âge de la retraite. Cette année, vous vous attaquez à l’article 38, en réduisant un avantage acquis par les femmes depuis 1975. Je ne m’attarderai pas sur cette question ; ma collègue Gisèle Printz développera ce sujet, après les interventions de Mmes André et Panis, au nom de la délégation au droit des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

En 2003-2004, la branche vieillesse enregistrait un excédent de 600 millions d’euros. Depuis, elle est déficitaire. Supérieur à 4,5 milliards d’euros en 2007, atteignant 5,6 milliards d’euros en 2008, le déficit devrait être de 8,2 milliards d’euros cette année ; il dépassera la barrière des 10,5 milliards d’euros en 2010. Pis encore, selon les projections figurant à l’annexe B du projet de loi, et à législation constante, en 2013, le déficit atteindra 14,5 milliards d’euros, voire 15,7 milliards d’euros si nous intégrons le Fonds de solidarité vieillesse.

La Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés a vu le volume des prestations servies croître en 2008 et en 2009 respectivement de 6,3 % et de 4,9 %. Ce ralentissement tient essentiellement au changement de règles encadrant les départs en retraite anticipée et entraîne une diminution de 270 millions d’euros du coût du dispositif, qui est ainsi ramené à 2,1 milliards d’euros. Aussi la retraite anticipée devrait-elle contribuer négativement pour 0,4 point à la croissance des droits propres.

Concernant les ayants droit, nous constatons une stagnation. En effet, hors dispositif de préretraite en 2008 comme en 2009, ce sont 650 000 personnes qui ont pris leur retraite. Quant à la part des retraités de plus de soixante ans, elle a progressé de 3,6 % en 2008 et de 3,5 % en 2009, ce qui explique l’augmentation des droits constatés.

Le PLFSS de 2009 a été construit, cela a déjà été dit, sur des hypothèses de croissance totalement irréalistes, voire farfelues.

Avec plus d’un demi-million de demandeurs d’emploi en plus, soit une contraction de 2 % de la masse salariale sur 2009, l’agrégat « cotisations » recule de plus de 0,4 %. Certes, une compensation partielle sera trouvée avec la hausse du transfert au titre du chômage du FSV pour 1,3 milliard d’euros. En cas de dégradation de l’emploi, il jouera le rôle d’amortisseur sur les produits de la CNAV. S’y ajoutera aussi une augmentation des recettes fiscales, notamment avec la fraction du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital qui lui est allouée, soit 400 millions d’euros.

Il n’en demeure pas moins que la situation de la CNAV est fort préoccupante. L’année 2010 ne marque pas de rupture, loin s’en faut. La croissance des prestations est estimée à 4,5 %, en recul de 0,4%, du fait, notamment, de la forte baisse des départs en retraite anticipée, ce qui ramènerait le coût du dispositif à 1,6 milliard d’euros. Conjointement, les droits dérivés devraient enregistrer une hausse de 4,9 % par rapport à 2009.

Pour ce qui est des produits, la Commission des comptes de la sécurité sociale estime la progression à 0,8 % en 2010, pour atteindre 92,1 milliards d’euros. L’agrégat « cotisations » diminuerait encore, conséquence de la baisse prévue de la masse salariale.

Par ailleurs, à compter de 2010, la CNAV n’enregistrera plus de contributions sur le montant des indemnités de mise à la retraite. Le moins-perçu devrait avoisiner 400 millions d’euros en 2010.

Quant au FSV, sa dégradation est réelle. Si 2007 et 2008 ont été des années de retour à l’excédent, 2009 se solde par une perte record de plus de 3 milliards d’euros.

J’évoquerai maintenant, cela n’a pas été fait jusqu’à présent, le Fonds de réserve pour les retraites, le FRR. Outil essentiel de notre système de retraite, il a été institué en 1999. Rappelons qu’en constituant des provisions financières ce fonds a pour objet de consolider le financement des retraites servies par le régime général et les régimes alignés. À ce titre, il participe à la pérennisation de notre système par répartition. Son rôle sera très important à compter de 2020, lorsque la transition démographique entraînera un doublement du besoin de financement du régime général.

Lors de la réforme de 2003, l’actuelle majorité était tout acquise aux logiques individuelles et de capitalisation. Elle leur prêtait la vertu de pouvoir répondre aux contraintes démographiques et budgétaires qui ne manqueraient pas de peser rapidement. Dans le même temps, elle ignorait l’importance stratégique du FRR. C’est une faute grave ! En 2008, la perte financière a été de 2,6 milliards d’euros. Pour 2009, la Commission des comptes de la sécurité sociale estime que son solde financier pourrait être de moins 700 millions d’euros. À l’horizon 2020, l’actif du FRR devrait être de l’ordre de 83 milliards d’euros courants. C’est à cette date que les premiers décaissements débuteront.

Nous l’avons dit, 2010 sera un rendez-vous important pour nos retraites. Notre pays, comme l’ensemble des pays occidentaux, doit faire face au papy-boom, à l’allongement de la durée de la vie et à une faible progression de sa population active. Nous comptons aujourd’hui 1,45 cotisant par retraité et les volumes financiers consacrés aux pensions augmentent de 5 % à 6 % par an.

Le rapporteur Dominique Leclerc a déclaré, voilà quelque temps, que la réforme Fillon n’avait pas répondu aux attentes, pourtant nombreuses, sur le financement du système de retraite. C’est un euphémisme ! Il suffit de considérer notamment le niveau des retraites et le pouvoir d’achat de nos aînés pour en être persuadé : « la présidence du pouvoir d’achat » est bel et bien remisée au rang de slogan.

En 2003, l’actuel Premier ministre nous promettait que le déficit serait maîtrisé et les recettes sécurisées. Or, dès 2004, les premiers déficits ont été enregistrés. Par ailleurs, cette réforme reposait sur le pari d’une croissance forte et d’un pouvoir d’achat croissant. On voit ce que cela a donné ! La politique économique menée depuis a généré tout le contraire ; faute de temps, je citerai simplement le rapport annuel sur la pauvreté du Secours catholique, qui en est une illustration parfaite. Notre pays compte 6 millions de personnes âgées qui vivent avec des pensions largement inférieures au SMIC ; un million de retraités connaissent la pauvreté et 620 000 d’entre eux relèvent du minimum vieillesse. La baisse du taux de remplacement, liée à la précarité salariale que la droite ne cesse de vouloir généraliser, fragilise les mécanismes solidaires de retraite.

Pour relever ce défi, il faut réunir tout le monde autour de la table. Certains des partenaires sociaux reçus par le groupe socialiste ont souhaité un « Grenelle des retraites ». Les partenaires sociaux doivent être respectés et entendus à l’occasion d’une authentique négociation collective. C’est un préalable pour qui veut réformer les retraites dans un esprit de consensus et de cohésion sociale.

Il importe de maintenir un système de retraite par répartition solidaire et universel, fondé sur une démarche intergénérationnelle, juste et efficace. Une politique dynamique est également indispensable dans le domaine de l’emploi, qui doit être durable et correctement rémunéré. (Mme Gisèle Printz applaudit.) Enfin, un mécanisme d’amélioration pérenne du pouvoir d’achat de tous les retraités, et d’abord de ceux qui perçoivent les plus petites retraites, doit être mis en œuvre.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Christiane Demontès. Il nous faut apporter un certain nombre de garanties : le maintien d’une durée de cotisations de quarante ans ; l’amélioration sensible du taux d’activité des plus de cinquante ans ; la préservation du droit à l’accès à la retraite à 60 ans, qui est une conquête sociale majeure ; la conclusion des négociations sur la question de la pénibilité des métiers, monsieur le ministre du travail, conformément aux engagements pris dans la loi Fillon ; la proratisation du nombre d’années de référence pour le calcul des pensions en fonction du nombre d’annuités pleines pour les carrières incomplètes ; je pense aux femmes en particulier.

Enfin, en termes de financement, nombreuses sont les pistes qui existent.

En définitive, ce PLFSS illustre une nouvelle fois le choix fondateur de cette législature : refuser systématiquement toute remise en cause des niches et des exonérations sociales, comme du bouclier fiscal. Il s’agit d’une politique de déremboursements et de transferts de la sécurité sociale vers les organismes complémentaires et assurantiels. En d’autres termes, c’est une privatisation qui ne veut pas dire son nom ! Ce choix est une remise en cause des principes fondateurs de notre régime de protection sociale, qui veulent que chacun reçoive selon ses besoins et contribue selon ses moyens.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sont des propos idéologiques !

Mme Christiane Demontès. Voilà ce que vous remettez en cause en assumant la faillite de la sécurité sociale, faillite que vous avez provoquée (Mme Gisèle Printz applaudit.), et à laquelle nous ne pouvons souscrire.

Parce que nous considérons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 n’est pas acceptable, nous le combattrons. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sont des propos sectaires et idéologiques !

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Le grand capital au pouvoir !

M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, …

M. François Autain. C’est parti !

M. Serge Dassault. … intervenant presque en dernier, je n’ai l’intention ni de critiquer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ni de résoudre le problème grave du déficit ; je me contenterai de vous faire des propositions pour réduire celui-ci.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ah ! des propositions ! Voilà qui va nous changer !

M. Serge Dassault. Permettez-moi d’introduire dans ce débat le paramètre « entreprises » : on les oublie trop souvent, alors qu’elles conditionnent notre activité économique et financière. Ce sont en effet les entreprises qui financent le budget par leur activité.

Il faut donc tout faire pour favoriser les activités des entreprises et ne pas croire qu’elles sont a priori là pour payer, alors qu’elles perdent également de l’argent ; on n’insiste pas suffisamment sur ce point.

La conjoncture est difficile pour les entreprises en raison des charges trop élevées qui grèvent les salaires : les salaires nets perçus par les salariés sont pratiquement doublés, ce qui est considérable.

Celles-ci doivent également faire face à une concurrence de plus en plus agressive des pays émergeants, qui sont d’ailleurs presque tous d’anciens régimes communistes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Ça commence !

M. Serge Dassault. Ils ont parfaitement compris comment nous faire concurrence en appliquant nos propres méthodes.

Les charges conduisent les entreprises soit à ne pas embaucher, soit à licencier, soit à délocaliser leur production, afin de réduire leurs coûts et d’accroître leurs ventes. Il est facile d’augmenter les charges sur les salaires, mais il faut en mesurer les conséquences pour notre économie et pour l’emploi.

Les charges sur salaires participent, mais insuffisamment, au financement de la sécurité sociale. Les cotisations sociales destinées à ce financement représentent 30 % des charges sur salaires des entreprises marchandes, et 70 % si l’on y ajoute le financement du chômage et des retraites. On pourrait les intégrer dans le budget de l’État, comme cela se pratique dans certains pays, mais je crois qu’il n’en est pas question, compte tenu de la situation de nos finances. On pourrait également faire payer les entreprises selon d’autres paramètres, comme la valeur ajoutée ou le chiffre d’affaires, idée qui a déjà été en partie étudiée, mais sans résultat.

C’est là qu’intervient ma proposition d’asseoir ces charges non plus sur les salaires, mais sur le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale. Il ne faut pas pénaliser la masse salariale. Au contraire, il faut la favoriser par un allègement des charges, car la réduction des coûts de production favorise l’emploi et l’entreprise de main-d’œuvre.

C’est pourquoi je vous propose de financer la sécurité sociale, au moins en partie, non plus par les charges sur salaires, mais par les résultats de la production de l’entreprise, c'est-à-dire, je le répète, le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale.

Une entreprise ayant beaucoup de salariés en France paierait moins de charges que celle qui en emploierait peu, car sa masse salariale serait plus importante. Cela permettrait d’alléger les charges des entreprises de main-d’œuvre et d’augmenter celles des entreprises de services et des importateurs. Un tel dispositif pénaliserait les délocalisations, ce qui est très important pour l’emploi en France.

Un autre avantage considérable de cette proposition serait d’assurer un meilleur financement de la sécurité sociale, dont vous cherchez à augmenter les recettes. En effet, si on calcule le coefficient d’activité pour l’ensemble des secteurs marchands, on obtient aujourd'hui, pour une dépense de l’ordre de 100 d’euros, un coefficient de 4. Et une augmentation d’un point de ce coefficient représenterait une recette supplémentaire de 25 milliards d’euros, ce qui correspond à peu près au déficit actuel de la sécurité sociale.

Il s’agit d’un système simple, mais qui ne peut être appliqué qu’au secteur marchand. Cette idée n’a pas été suffisamment étudiée.

En outre, on pourrait supprimer les charges sur salaires correspondant au chômage et aux retraites. À ce sujet, je voudrais simplement vous indiquer que la France est le seul pays à financer le chômage et les retraites par les salaires, l’affiliation individuelle auprès de compagnies d’assurances étant la norme ailleurs. Une telle mesure permettait de libérer totalement les salaires de ces charges et donc d’améliorer considérablement la rentabilité des entreprises et l’emploi, qui sont aujourd'hui fortement pénalisés.

La retraite par répartition, dont on vante tant les mérites, ne peut plus remplir son rôle. En effet, les inactifs sont de plus en plus nombreux et les actifs le sont de moins en moins. Les retraites sont ainsi de plus en plus faibles, car il n’y a plus assez d’argent pour payer correctement les retraites. C’est de l’arithmétique pure ! Il faut donc trouver une autre solution.

Pour vous donner une idée de ce handicap, les entreprises américaines acquittent seulement 10 % de ce que nous payons. Par exemple, quand une entreprise française paye 60 000 euros de charges annuelles pour un salaire brut de 120 000 euros, les États-Unis n’en payent que 6 000 !

M. François Autain. Il faut aller vous implanter aux États-Unis !

M. Serge Dassault. Vous vous rendez compte de la différence de coût ? Pour les entreprises américaines, cela représente un gain considérable.

En résumé, ma proposition permettrait à la fois de faciliter l’emploi, c'est-à-dire de réduire le chômage, d’améliorer notre compétitivité et de mieux financer le déficit de la sécurité sociale. Je crois donc qu’elle mérite d’être examinée.

Je ne déposerai pas d’amendements, car ceux que je présente sont souvent, malheureusement, refusés par notre cher Gouvernement. C’est ainsi… Cela nous évitera des débats.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est du réalisme !

M. Serge Dassault. Toutefois, madame la ministre, je vous propose de mettre en place une commission spéciale qui comprendrait la commission des affaires sociales, la commission des finances et la commission de l’économie, car le sujet concerne à la fois la sécurité sociale, le budget de l’État et les entreprises.

On peut toujours dire que cette mesure aura tel ou tel inconvénient, mais la solution qui présenterait le plus d’inconvénients, me semble-t-il, ce serait celle qui consisterait à ne rien faire.

À mon sens, il faut bouger, il faut réformer, et, surtout, à l’instar du Président de la République, il faut avoir le courage de le faire. Je sais, madame la ministre, que vous ne manquez pas de courage, et c’est pourquoi je vous fais cette proposition. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À présent, il ne reste plus qu’à agir !

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, je vais examiner le volet médicosocial, afin de vous éclairer sur les interrogations qui sont légitimement les nôtres quant aux difficultés auxquelles nous nous exposons, dans ce domaine comme dans les autres.

Avant de m’y atteler, je souhaite attirer votre attention sur la qualité du travail fourni par notre rapporteur général sur ce texte.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, ma chère collègue.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je partage ses inquiétudes et je souscris pleinement à certaines de ses observations, parfois ouvertement critiques.

Si je dis cela, ce n’est certainement pas par complaisance ; c’est plutôt pour souligner l’importance de nos travaux en commission. Il m’est en effet arrivé précédemment d’émettre quelques réserves sur le fond au moment de voter les textes de la majorité dans notre hémicycle et de regretter que le rapporteur adopte, au moment du vote, une position plus souple que celle que laissaient présager ses critiques en commission et qu’il se rallie à la cause de la majorité en toute dernière instance. Espérons que ce sera différent cette année.

Qu’à cela ne tienne ! Attelons-nous plutôt au contenu de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D’une manière générale, il n’est pas usurpé de prétendre que l’horizon est plutôt brumeux.

Le déficit massif de la sécurité sociale cette année, s’il est en partie lié à la crise économique, cache en fait un déficit structurel que le Gouvernement renonce à résorber.

La crise « pour raisons conjoncturelles » a bon dos. Elle permet d’expliquer beaucoup de choses. Elle est néanmoins très insuffisante pour justifier de nombreux choix, qui relèvent de la seule volonté, parfois très idéologique et a fortiori contestable, de ce gouvernement ; je devrais dire de notre Président de la République.

À la rationalisation des dépenses, engagée, je vous le concède, par la majorité – mais, rappelons-le, en faisant appel à un effort collectif des plus faibles, c'est-à-dire les malades – il est assez simple d’opposer l’argument de la menace des équilibres par l’effondrement des recettes.

Comment concevoir que l’on vise un quelconque équilibre, alors que M. Woerth proposait, ce matin même, pour sortir de la crise, de ne pas toucher aux allégements de charges, aux niches sociales, aux prélèvements, c'est-à-dire, en un mot, de ne pas rechercher de recettes complémentaires, instaurant par là même – et durablement, je le crains – un déficit structurel ?

D’ailleurs, il est urgent de prendre nos distances avec les hypothèses par trop volontaristes que vous avez retenues et que je n’hésiterai pas à qualifier, à mon tour, de « mensongères ». Vous prévoyez un taux de 2,5 % de croissance par an après 2010 et une augmentation de la masse salariale de 5 %. Et, malgré ces prévisions, vous prévoyez un déficit cumulé des comptes de la sécurité sociale de plus de 150 milliards d’euros à l’horizon 2013, alors même que les instituts de prévision ne sont pas en mesure d’attester d’une quelconque reprise...

Voilà qui me paraît pour le moins hasardeux. Et s’il est bien un registre dans lequel il convient de ne rien laisser au hasard, c’est, sans aucun doute, la santé des Français, leur retraite, leur famille... Alors, pourquoi reporter à plus tard les réformes structurelles à même de tendre vers l’équilibre des comptes ?

Je ne vous cache pas que je suis assez lasse de l’irréalisme en politique. On peut sortir des batteries de chiffres tous plus favorables ou effrayants les uns que les autres, selon que l’on se place ou non du côté des prêcheurs.

Derrière les arguments conjoncturels et, a fortiori, la réalité structurelle des finances sociales, se nichent en fait trois questions fondamentales.

D’abord, il y a l’absence de contribution au redressement des finances sociales, que la récente intervention de l’État dans le cadre de la crise économique via le soutien financier apporté aux banques rend incompréhensible, voire inacceptable.

Ensuite, l’accumulation massive de déficits laisse se profiler à l’horizon 2013 une dette colossale que nous lèguerons en héritage aux prochaines générations.

Enfin, on met à mal un principe fondateur de notre système de protection sociale, celui de la répartition dans un souci de justice sociale. Depuis 2002, le système de redistribution fonctionne à l’envers. C’est aux plus fragiles que l’on demande de fournir un effort, tandis que ce sont les plus aisés qui se voient exonérés par ailleurs. Aux mesures d’économies évoquées plus haut, on opposera simplement la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, ou loi TEPA, dont le bouclier fiscal et les exonérations sociales sur les heures supplémentaires, la forfaitisation des dividendes et le refus du Gouvernement d’aborder franchement la taxation des hauts revenus.

Il s’agit bien pour moi d’atteindre ici le cœur du sujet. En arrière-plan de nos discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est la question du service public qui est posée. Comme dans les débats qui nous animent concernant la programmation de la privatisation de La Poste, j’entrevois dans la dégradation des finances du secteur de la santé et du médicosocial une manœuvre de désengagement de l’État de notre système de protection sociale.

La spécificité du champ médicosocial me servira à démontrer à quel point la démarche du Gouvernement est cousue de fil blanc et relève d’une idéologie très libérale, très classique et très visible. En adoptant un point de vue synoptique sur les mesures récentes prises par ce gouvernement et en inscrivant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un contexte général de dérégulation, il apparaît simplement que la dégradation des finances publiques et des équilibres sociaux de notre pays relève bien d’une orchestration savante.

Au moment où ce Gouvernement désengage l’État de ses missions de service public en général, et de santé publique en particulier, il procède à un renforcement de la participation des conseils généraux et de la contribution des particuliers. Autrement dit, alors que ce gouvernement défait les départements en les privant notamment de certains financements, il les charge d’assumer davantage les coûts induits par les missions de protection sociale.

J’en veux pour exemple la situation particulièrement représentative des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qu’il m’a été donné d’aborder dans le cadre d’une mission d’information ayant abouti à la publication d’un rapport au mois de juillet dernier. Les concours au financement des MDPH, de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, ont été diminués à deux reprises. Aussi, les fonds transférés aux conseils généraux pour financer l’APA et la PCH sont moins élevés que prévu.

Pour l’APA, ils passent de 32,9 % en 2008 à 28,5 % en 2010. Le taux de couverture de la PCH, qui était de 100 % en 2008, sera ramené à 76,8 % en 2010. Inévitablement, les départements devront prendre le relais : pour la première fois, en 2009, leur participation au titre de l’APA devrait être supérieure à 70 %.

Dans notre rapport d’information sur les MDPH, mon collègue Paul Blanc et moi-même avons rappelé l’État à ses obligations, en soulignant que l’apurement de ses dettes et le respect de ses engagements étaient indispensables au bon fonctionnement de ces structures.

Or une enquête réalisée par les directeurs des MDPH en octobre 2009 démontre que l’enveloppe de 10 millions d’euros promise en 2008 par Mme Valérie Létard pour compenser les charges non couvertes au titre de l’exercice de cette même année a servi en fait à financer l’exercice 2009, après avoir été scindée en deux sous-enveloppes : l’une de 3,57 millions d’euros pour compenser les postes non pourvus par la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, la DDTEFP, l’autre de 6,3 millions d’euros, qui sert finalement non pas à compenser les postes vacants, comme prévu initialement, mais à financer les postes relevant de la fongibilité asymétrique pour 2009.

Cela signifie qu’aujourd’hui le montant de la dette cumulée par l’État au titre de la compensation des postes vacants s’élève à 34 millions d’euros.

Jusqu’à maintenant, les conseils généraux ont accepté de se substituer provisoirement à l’État pour financer ces postes, dans un souci de garantir la continuité du service public. Je m’abstiendrai de vous rappeler quels projets nourrit le Gouvernement à l’égard des conseils généraux et des départements, projets qui ne sont pas de nature à nous rassurer quant au sort qui leur sera réservé en matière de financement.

Pour sa part, le Gouvernement se garde bien de nous renseigner sur les solutions qu’il imagine à cet égard. Pourtant, cette question d’un financement viable, propre à garantir un service public de qualité, inquiète bon nombre de parlementaires, l’ensemble des personnels des MDPH, ainsi que les personnes handicapées et leurs représentants. À titre d’exemple, l’État doit plus de 1 million d’euros à la MDPH de mon département.

Par ailleurs, suite à l’affichage d’un engagement du Gouvernement en matière de gratification des stages, j’ai personnellement interrogé le ministre sur le cas particulier des stagiaires du secteur médico-social, soumis à l’obligation d’effectuer une période de stage pendant leur formation post-baccalauréat. À son tour, ma collègue Christiane Demontès a posé une question orale : elle a obtenu une réponse « copiée-collée », méthode que la majorité, à l’instar du Président de la République, semble affectionner !

Dans sa réponse, le Gouvernement nous promettait la mise en place d’un dispositif adapté correspondant à ses engagements. Constatant, sur le terrain, que cette promesse n’était pas suivie d’effet, ma collègue et moi-même avons conjointement présenté un amendement en commission, qui visait à inscrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale la mise en œuvre de cette disposition législative. Contre toute attente, cet amendement a été retenu par la commission des finances.

Aujourd’hui, les établissements n’ont pas les moyens d’accueillir les stagiaires, ce qui remet gravement en cause la formation des travailleurs sociaux, sans que le Gouvernement semble s’en soucier plus que cela ni prendre le soin d’évaluer la non-conformité, faute de moyens, du cahier des charges spécifique à ces formations à la réalité des faits. Quant au taux de progression de l’ONDAM médico-social, il est plus qu’artificiel, du fait, notamment, du gel des dotations médico-sociales.

C’est pour toutes ces raisons que j’ai souhaité insister dès le début de mon intervention sur l’inquiétude que nous inspire l’examen d’un texte qui suscite tant de critiques venant de toutes parts, mais qui risque, une fois de plus, de faire l’objet d’un vote conforme… à la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, encore une fois, nous devons faire le constat que les réponses du Gouvernement, devant le déficit abyssal des comptes de la sécurité sociale – 134 milliards d’euros de déficits cumulés depuis 2002 et 31 milliards d’euros cette année –, relèvent de l’irresponsabilité, voire de la provocation.

Une fois de plus, c’est aux assurés sociaux que l’on demande de mettre la main à la poche : multiplication des franchises, recul de 35 % à 15  % du taux de remboursement d’une centaine de médicaments – les mutuelles, excédées, ont déjà annoncé qu’elles ne prendraient pas en charge la différence –, baisse des pensions, lutte contre la fraude, que tout le monde sait marginale mais dont on se sert encore pour stigmatiser les assurés, augmentation du forfait hospitalier, qui passe de 16 euros à 18 euros, hausse forcée des tarifs des mutuelles d’au moins 3,9 % en 2010, dépassements d’honoraires autorisés, voire encouragés, fiscalisation envisagée des indemnités versées aux accidentés du travail…

Aucune réforme de fond n’est entreprise, mais les personnes les plus fragiles, les malades, les handicapés, les personnes âgées sont culpabilisés de façon injuste, au motif qu’ils coûtent à la collectivité ! Il est permis de s’interroger, comme nous le faisions déjà en 2008 : s’agit-il d’une œuvre de destruction voulue et organisée de la solidarité nationale ?

Le Gouvernement, clairement, ne souhaite plus assumer son devoir de solidarité, sans doute par crainte d’indisposer les siens : les plus riches n’ont jamais aussi peu contribué à l’effort commun ! La part des entreprises dans le financement de la protection sociale a aussi été réduite, passant de 40 % à 34 % pendant que celle des ménages augmentait de 31,1 % à 46,6 %.

Or les moyens de rétablir l’équilibre existent. Ils sont volontairement ignorés ou repoussés.

Vous avez choisi de laisser courir la dette jusqu’en 2012 : qu’en sera-t-il ensuite ? La prochaine étape sera, on peut le deviner, très douloureuse pour les assurés.

Vous pourriez pourtant envisager de supprimer le bouclier fiscal, évidemment, mais aussi de limiter et de conditionner à des contreparties tangibles votre politique d’exonérations de charges sociales, qui, outre qu’elle n’a pas d’incidence sur l’emploi, freine la hausse des salaires et dégrade le pouvoir d’achat, voire empêche l’entrée des jeunes diplômés dans le monde du travail. Il s’agit de mesures aveugles, qui entraînent un manque à gagner en termes de cotisations puisqu’elles ne sont pas compensées totalement par l’État, ce que nous dénonçons depuis des années.

Vous ne voulez pas l’entendre, mais l’instauration d’un régime d’imposition spécifique pour les stock-options ou pour les retraites chapeaux serait un vrai signe de partage de l’effort.

Pour notre part, nous préconisons la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, assorti d’une vraie progressivité.

De votre côté, vous préférez taxer davantage les assurés sociaux, les salariés, les retraités et les accidentés du travail, plutôt que de chercher de nouvelles recettes !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mais non !

Mme Jacqueline Alquier. Le Gouvernement ne prouvera sa volonté de pérenniser une prise en charge solidaire que quand il acceptera de mener un débat de fond sur ce sujet avec les Français !

Il faut réorienter le financement de la protection sociale pour tenir compte de l’évolution d’un contexte qui, ne nous leurrons pas, amènera un accroissement des dépenses de santé étant donné le vieillissement de la population et le progrès des technologies médicales.

La réflexion doit être commune, car nous avons des idées et ne demandons qu’à les développer, comme nous le ferons au cours de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Nous devrions, notamment, tirer des conclusions pratiques du débat mené dans cette enceinte, il y a quelques jours, sur les prélèvements obligatoires : il y va de notre avenir et de celui de nos enfants, pour lesquels nous voulons garantir la stabilité et la pérennité de notre système social, même si nous avons bien conscience qu’il doit évoluer.

Refuser l’augmentation des prélèvements obligatoires sous prétexte que ce serait porter atteinte au pouvoir d’achat des Français relève de l’hypocrisie, quand il est demandé par ailleurs à nos compatriotes de débourser toujours plus pour se soigner ! Oui, c’est bien de l’hypocrisie, puisque vous n’hésitez pas à prélever des taxes à tire-larigot sur le tabac, le carburant, les assurances, les mutuelles, etc.

Les déficits sont reportés d’année en année sur la CADES, donc mis à la charge des générations futures. L’augmentation de la CRDS est devenue inévitable pour faire face solidairement à l’explosion de la dette sociale. Tous les spécialistes sont d’accord sur ce point, mais le Gouvernement s’entête à choisir une autre option : ce sera l’ACOSS qui, en relevant son plafond d’emprunt de 65 milliards d’euros, portera les nouvelles dettes. Alourdir la dette, tel est votre programme !

Si les difficultés étaient seulement conjoncturelles, comme vous le prétendez, ce serait compréhensible ; mais ce n’est pas le cas. La crise économique n’explique pas tout. Le déséquilibre de nos finances est ancien et structurel, et les perspectives, contrairement à ce que vous annoncez de façon irréaliste, pour ne pas dire utopiste, ne sont pas bonnes.

Ainsi, faute de faire les bons choix dans l’intérêt commun, le recul des acquis sociaux se poursuit : ceux qui le peuvent accroissent leur effort de capitalisation en vue de la retraite, et le transfert de la protection aux mutuelles et aux assurances en matière de santé s’accélère. C’est bien vers une privatisation que nous nous dirigeons !

D’année en année, les inégalités dans l’accès aux soins s’accentuent : aujourd’hui, plus de 30 % des Français ne se soignent plus ou retardent les soins, et bénéficier d’une mutuelle devient un luxe. Les fractures, sociale et territoriale, s’aggravent. C’est ainsi que 182 blocs opératoires ont été fermés, pour de prétendues raisons de sécurité : n’en doutons pas, il s’agissait plutôt d’une question de rentabilité !

Ainsi, la mise en œuvre d’une logique libérale affirmée précipite le détricotage de notre système sanitaire et social. Nous sommes bien loin de l’esprit du pacte social issu du programme du Conseil national de la Résistance, qui préconisait « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail », et prévoyait « une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

À ce propos, le rendez-vous de 2010 sur les retraites ne se présente pas sous les meilleurs auspices : aucun des engagements pris n’a été tenu, qu’il s’agisse de l’intégration de la pénibilité dans les critères d’évolution du dispositif ou de l’application de mesures visant à augmenter le taux d’emploi des seniors.

À la suite de ma collègue Christiane Demontès, je voudrais insister sur la situation des agriculteurs retraités. Encore une fois, tout comme leurs conjoints, ils sont les oubliés du projet de loi de financement de la sécurité sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Alors, monsieur Vasselle, que faites-vous pour les grands agriculteurs de l’Oise ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Jacqueline Alquier. Il est particulièrement choquant, voire indécent, de laisser les retraités d’un secteur qui subit une crise sans précédent vivre avec des revenus si faibles, inférieurs au minimum vieillesse.

N’est-il pas indécent qu’il faille déposer des amendements pour obtenir que les pensions de retraite des non-salariés agricoles atteignent 791 euros par mois pour les chefs d’exploitation, et 628 euros pour leurs conjoints en 2012 ? N’est-il pas indécent qu’il faille déposer des amendements pour que la retraite des agriculteurs non salariés ayant eu une carrière complète atteigne 85 % du SMIC en 2012 ?

Injustice, imprévoyance et inefficacité qualifient ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous ne pourrons voter en l’état. Nous réclamons une réforme structurelle du financement de notre système de santé, afin que puisse être préservé le bien commun, pour nous et pour les générations à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera sur le régime spécial des retraites des femmes salariées ayant élevé des enfants, aujourd’hui remis en cause par le Gouvernement au motif qu’il serait discriminatoire envers les hommes.

La majoration de durée d’assurance, la MDA, permet aux femmes salariées de gagner un trimestre de cotisations de retraite à la naissance, à la prise en charge ou à l’adoption de l’enfant. Un trimestre complémentaire de cotisations de retraite est accordé à chaque trimestre anniversaire de l’enfant, jusqu’à l’âge de seize ans, dans la limite de sept trimestres au maximum.

Ainsi, depuis 1971, la MDA est prise en compte dans le calcul de la retraite des femmes au titre de l’incidence de la maternité et de l’éducation des enfants sur leur vie professionnelle, mais aussi de l’insuffisance de leur pension de retraite, liée aux discriminations qu’elles subissent tout au long de leur vie professionnelle, que ce soit en matière de salaire ou de déroulement de carrière.

En effet, les femmes gagnent en moyenne 24 % de moins que les hommes et, à compétences égales, leur salaire est inférieur de 7 % à celui des hommes. En outre, elles sont plus souvent victimes du chômage et du temps partiel subi. Tous ces facteurs ont une incidence sur le montant de leur pension de retraite.

La MDA est donc pour les femmes la juste compensation d’un parcours inégalitaire dans le monde du travail, compensation du reste bien insuffisante, puisque, actuellement, 83 % des femmes retraitées perçoivent une pension d’un montant plus faible que celui du minimum vieillesse et inférieure, en moyenne, de 38 % à celle des hommes.

Remettre en cause cette majoration constitue un recul que nous ne pouvons accepter, d’autant qu’il n’y a pas urgence.

La Cour de cassation et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, se sont certes exprimées, mais, avant elles, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 14 août 2003 sur la réforme des retraites, avait admis l’attribution aux mères d’avantages sociaux liés à l’éducation des enfants afin de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu’à présent été l’objet. Aux dernières nouvelles, une décision du Conseil constitutionnel s’impose à la Cour de cassation, qui, de plus, pourrait opérer ultérieurement un revirement de jurisprudence.

Il eût été préférable d’agir contre les injustices et les discriminations que subissent les femmes sur le marché du travail : tout d’abord, en instaurant des sanctions à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes –mais on nous dit qu’une septième loi est en préparation et va apporter la solution : soyons optimistes ! (Sourires.) ; ensuite, en permettant l’accession des femmes aux postes de responsabilité, ce qui représente aussi un atout économique, selon des études qui se multiplient, les firmes dont le taux d’encadrement féminin est supérieur à 35 % voyant leur chiffre d’affaires progresser davantage que les autres ; enfin, en favorisant l’emploi des femmes grâce au développement de modes de garde des enfants performants.

Pour l’heure, nous constatons encore que, dans le secteur privé, les trois quarts des employeurs préfèrent, à salaire égal, embaucher un homme plutôt qu’une femme, à cause des congés de maternité puis des congés parentaux, ce qui est inacceptable !

Au lieu d’adopter une telle attitude volontariste, le Gouvernement nous propose un dispositif complexe, visant à ajouter trente alinéas à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, qui n’en comptait qu’un seul : cette « usine à gaz » soulève beaucoup de questions.

Ainsi, dorénavant, une première majoration de durée d’assurance de quatre trimestres sera attribuée aux femmes, pour chacun de leurs enfants, au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité, notamment de la grossesse et de l’accouchement. Une seconde majoration de quatre trimestres sera instituée au bénéfice du père ou de la mère, au titre de l’éducation de l’enfant pendant les trois années suivant sa naissance ou son adoption, après entente entre les deux parents.

Cependant, que se passera-t-il en cas de désaccord, fort probable si les parents se séparent ou divorcent ? L’article 38 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans sa version initiale, précise que, en pareil cas, « la caisse désigne celui des parents qui établit avoir contribué titre principal à l’éducation de l’enfant pendant la période la plus longue ou, à défaut, décide que la majoration sera partagée par moitié entre les deux parents ».

Laisser le choix de l’attribution de cette majoration à un tiers peut créer des tensions au sein du couple, et les situations où l’autonomie des femmes n’est pas garantie ne permettront pas réellement de parvenir à un libre accord entre conjoints. En cas de désaccord, il y aura donc partage, lequel aboutira à diminuer l’avantage accordé aux femmes par rapport à ce que prévoit la législation actuelle. Encore une fois, les femmes seront pénalisées !

À l’heure où les inégalités perdurent sur le marché du travail, où le Secours catholique souligne la grande précarité des femmes, premières victimes de la crise, s’attaquer à la retraite des femmes est, je le répète, inacceptable ! Il n’y a aucune urgence à remettre en cause le dispositif actuel : attendons le projet de loi sur les retraites pour en discuter. Pour l’instant, maintenons-le ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Bachelot-Narquin, qui a dû s’absenter momentanément pour participer à une réunion, mais qui répondra aux questions qui lui ont été adressées à l’occasion de la discussion de l’une des trois motions de procédure.

Je voudrais remercier les intervenants de leurs contributions très riches et pertinentes. Sur beaucoup de sujets abordés, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer dans mon propos liminaire, mais je souhaite revenir sur certains aspects financiers.

S’agissant des perspectives pluriannuelles de la sécurité sociale, vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que vous considériez que nos prévisions étaient volontaristes, voire optimistes. Ces épithètes me paraissent plutôt positives, mais d’autres orateurs, tels MM. Jégou et Fischer, ont parlé d’« insincérité ».

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J’ai parlé d’« irréalisme » !

M. Éric Woerth, ministre. Soit ! M. About, quant à lui, a jugé nos prévisions quelque peu exagérées.

Certes, on peut gloser indéfiniment sur des prévisions économiques, mais je suis persuadé, pour ma part, que les nôtres sont tout à fait crédibles. L’avenir rendra son verdict, comme toujours. En tout état de cause, le rôle du Gouvernement n’est pas d’afficher un pessimisme absolu, de tout peindre en noir, ou à l’inverse en blanc lumineux ! Nous avons essayé de trouver un équilibre.

Ainsi, pour 2010, nous avons construit le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale sur une hypothèse de croissance de 0,75 %, aujourd’hui dépassée puisque les dernières prévisions de croissance de la Commission européenne s’établissent à 1,2 % pour la France, certains économistes – dont ceux du FMI – annonçant même un taux supérieur. Nos prévisions ne sont donc pas totalement décorrélées de la réalité : elles sous-estiment peut-être même ce que sera le taux de croissance en 2010, le Premier ministre ayant déclaré avant-hier qu’il se situerait plutôt entre 1 % et 1,5 %.

Quoi qu’il en soit, nous avons construit les budgets de l’État et de la sécurité sociale sur l’hypothèse d’un taux de croissance de 0,75 %. Il est d’ailleurs assez difficile d’en tirer des conséquences immédiates en termes de recettes, car nous ne connaissons pas toujours leur élasticité dans une période aussi agitée que celle que nous vivons. Nous avons pu observer, avec la récession, une chute des recettes supérieure à la baisse du PIB ; nous pouvons espérer que, avec la reprise, l’élastique remontera rapidement ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Mais il ne remonte jamais plus haut que le point de départ !

M. Éric Woerth, ministre. Il ne faut pas non plus heurter le tablier du pont ! (Nouveaux sourires.) Cela étant, j’aimerais que nous remontions tout de suite au niveau de 2008, mais ce ne sera peut-être pas le cas.

En ce qui concerne le ressaut de la masse salariale, nous avons affiché une prévision de 5 % pour l’année 2011.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C’est hardi !

M. Éric Woerth, ministre. On peut contester ce chiffre, mais reconnaissez au moins que nous mettons tous les éléments de la discussion sur la table, en toute transparence. Sur la période allant de 1997 à 2008, la masse salariale a progressé chaque année de 4,1 % en moyenne ; nous affichons donc un taux légèrement supérieur pour l’avenir, mais nous considérons que la récession est terminée et que la reprise s’est définitivement installée dans le paysage économique. Nous verrons bien ce qu’il en sera, mais telle est notre conviction. D’ailleurs, monsieur About, une progression de 5 % de la masse salariale ne représente en fait qu’une hausse de 2,6 % par rapport à la masse salariale de 2008, compte tenu des fortes baisses attendues en 2009 et en 2010. Notre hypothèse d’évolution de la masse salariale nous paraît donc crédible, d’autant que, parallèlement, le PIB progresserait quant à lui d’environ 5 % en valeur entre 2008 et 2011.

Cependant, même avec une croissance de la masse salariale de 5 % et une évolution de l’ONDAM de 3 %, le déficit ne se réduit que très peu. Telle est la vérité que nous devons affronter dans ce domaine très particulier des finances sociales. Cela nous montre, comme l’ont très bien expliqué MM. Milon, Jégou et About, que nous devrons faire porter nos efforts sur les réformes structurelles pour réduire les dépenses, si nous voulons ramener le déficit à un niveau soutenable. En 2011, nous ne pourrons pas poursuivre dans la voie que nous avons suivie jusqu’à présent si nous sommes alors parvenus à sortir de la crise, ce qui est pour l’heure notre objectif : ne confondons pas les choses.

En ce qui concerne la dette sociale, monsieur le rapporteur général, les débats sont animés et pas toujours consensuels, compte tenu des niveaux de déficit et des circonstances actuels, et c’est bien naturel. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu les préoccupations que vous avez exprimées et je comprends vos inquiétudes, mais le Gouvernement ne peut pas prendre le risque d’accroître les prélèvements obligatoires en temps de crise. Je le dis à l’adresse de MM. Lardeux et Barbier, ni la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS, ni la contribution sociale généralisée, la CSG, ne peuvent être augmentées sans que cela nuise à la sortie de crise.

Nous le voyons aujourd’hui plus que jamais : les recettes de la sécurité sociale dépendent de la croissance et de l’emploi, pas de l’augmentation des taux de cotisation. Si nous prenions le risque de peser sur l’emploi, la sécurité sociale connaîtrait automatiquement une baisse de ses recettes, et donc une hausse de ses déficits.

Certes, je comprends que l’on puisse avoir la tentation d’augmenter le taux de la CRDS pour essayer d’absorber 20 milliards d’euros de déficit, mais le signal envoyé à la société française serait très négatif, même si l’effort ne représente que quelques euros par contributeur.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. De toute façon, vous devrez le faire !

M. Éric Woerth, ministre. Je proposerai, au premier semestre de l’année prochaine, de mettre en place un groupe de travail réunissant des parlementaires experts en ces questions, qui étudiera avec nous quel train de mesures nous pourrions être amenés à prendre en 2011, en fonction de l’évolution de la situation économique, pour régler le problème de la dette de la sécurité sociale. Notre aurons alors une vision plus claire des perspectives économiques : pour l’heure, il ne faut pas casser la machine avant même qu’elle ait redémarré, et le moment n’est pas encore venu d’arrêter des solutions pérennes.

Monsieur Barbier, nous n’augmenterons donc pas les impôts et nous ne toucherons pas au bouclier fiscal. Si nous ouvrions une brèche, même pour la CRDS, nous risquerions de rompre la confiance qui commence à renaître parmi les investisseurs quant à l’attractivité de la France. Nous ne sommes d’ailleurs pas plus endettés, dette sociale comprise, que la plupart des autres pays de l’OCDE ou de l’Union européenne ; au contraire, nous le sommes même plutôt moins. Les investisseurs internationaux croient en la France, qui se voit décerner des notes excellentes par les agences spécialisées, au même titre que l’Allemagne : nous ne pouvons pas, aujourd’hui, prendre le risque de brouiller cette image positive.

Bien évidemment, ces sujets offrent matière à débat, mais nous assumons nos décisions et prenons nos responsabilités. C’est peut-être la voie de la sagesse, en tout cas c’est celle de la raison.

Dans l’immédiat, je veux vous rassurer sur la gestion des déficits par l’ACOSS, dont MM. Lardeux et Jégou se sont inquiétés. Les emprunts contractés par l’ACOSS sont bien des emprunts de court terme, d’une durée inférieure à un an. Par ailleurs, nous veillons bien à éviter tous les risques opérationnels. En premier lieu, 31 milliards d’euros sont garantis par la Caisse des dépôts et consignations, dont 20 milliards d’euros sous la forme d’un prêt d’une durée d’un an qui pourra être financé à taux fixe. Ce nouvel instrument permettra à l’ACOSS de se prémunir contre une variation brutale des taux pour une partie importante de ses besoins. La convention de prêt doit être signée dans le courant du mois de novembre. En second lieu, l’ensemble du back office des euro commercial papers sera assuré par l’Agence France Trésor, qui dispose de la compétence requise. Enfin, pour les billets de trésorerie et les euro commercial papers, l’ACOSS a prévu des lignes de back-up auprès des banques en cas d’éventuelles défaillances.

S’agissant des taux d’intérêt, selon le consensus du marché publié en septembre dernier, les taux à trois mois devraient augmenter, pour atteindre 1,3 % à fin de septembre 2010.

Par précaution, dans les comptes du régime général, les charges financières de l’ACOSS ont été calculées sur la base d’un taux Eonia de 1,3 % sur toute l’année, ce qui représente 700 millions d’euros de frais financiers au total. Dans ces conditions, et compte tenu des hypothèses prudentes du Gouvernement, il est très peu probable qu’une hausse des taux d’intérêt porte les frais financiers de l’ACOSS au-delà du montant anticipé dans le PLFSS. Nous avons donc bien intégré une évolution des taux dans nos prévisions.

Au-delà de l’année 2010, une fois que nous serons sortis de la crise, comme nous l’espérons tous, nous devrons avoir ensemble un débat sur la manière de traiter au mieux la dette sociale. Nous avons bien évidemment des idées ; vous en avez également, mesdames, messieurs les sénateurs, qui ne se résument pas à une pure et simple augmentation de la CRDS. Je fais miennes un certain nombre des analyses développées par MM. Vasselle, Jégou et About. Nous devrons nous réunir, par exemple dans le cadre de la préparation du PLFSS pour 2011, afin de discuter à froid, et non en pleine crise économique, des moyens de lutter, à long terme, contre la dette de la sécurité sociale, sachant que, pour 2010, nous disposons d’une solution, certes transitoire mais néanmoins solide et sérieuse. En tout état de cause, je ne crois pas qu’il y ait de voie unique.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement les niches sociales, sujet sur lequel nous reviendrons au cours des débats.

Je reconnais, monsieur le rapporteur général, que vous avez souvent été en avance sur le Gouvernement en matière de suppression de niches sociales, qu’il s’agisse des stock-options ou du forfait social, et nous étudions toujours vos suggestions avec beaucoup d’attention. Cependant, il faut parfois laisser mûrir les idées.

Certes, il faut réduire les niches sociales pour améliorer l’équité et la cohérence de notre système de prélèvements sociaux, et je crois que c’est très clairement ce que nous faisons cette année.

Cela étant, nous sommes attentifs à ne pas peser sur l’emploi. Je sais, monsieur Dassault, que c’est également votre priorité, mais il n’y a pas d’assiette miracle. Votre argumentation est très approfondie et constante, et ce n’est pas la première fois que vous proposez de modifier l’assiette des cotisations sociales en remplaçant la masse salariale par le chiffre d’affaires diminué de la masse salariale. Chaque assiette pose une série de difficultés, et en changer se traduirait inévitablement par des transferts de charges entre secteurs économiques et entre entreprises. Vous savez, monsieur le sénateur, que votre proposition a déjà fait l’objet d’expertises techniques et de discussions approfondies avec les partenaires sociaux, notamment en 2006. À l’époque, les conclusions étaient réservées, mais je tiens bien évidemment compte des convictions que vous exprimez avec opiniâtreté.

Tels sont les éléments que je souhaitais apporter en réponse à vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je tenais à retracer les perspectives et à vous montrer que le Gouvernement n’est pas insensible à vos propos. Nous sommes tout à fait lucides et conscients de la situation. Je suis d’ailleurs plus préoccupé par les finances de la sécurité sociale que par celles de l’État, car il s’agit à mon sens d’un sujet plus complexe, plus difficile, exigeant encore plus de rigueur et de profondeur d’analyse.

Je sais bien qu’en politique, on prétend toujours que ce n’est pas le moment, qu’il ne faut pas prendre de décisions prématurées, et je ne voudrais pas recourir à de tels arguments – même si cela m’arrivera peut-être, à l’occasion… (Sourires.) Néanmoins, je pense sincèrement, profondément, que la sortie de crise est tellement fragile, tellement compliquée, que la seule priorité du Gouvernement doit être de l’accompagner. La France ne pourra pas s’en sortir si on n’ancre pas à nouveau solidement son économie dans un rythme de croissance au moins comparable à celui de ses principaux partenaires, sinon plus rapide. Pourquoi n’en irait-il pas ainsi, puisque la récession a été moins forte chez nous que chez eux ? Obtenir ce résultat exige que l’on mette en œuvre des réformes structurelles et que l’on n’éteigne pas le feu économique qui est en train de renaître. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Darcos, ministre.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais à mon tour apporter des éléments de réponse à vos interventions, en laissant le soin à Mmes Nadine Morano et Nora Berra de compléter mes propos sur les sujets relevant de leurs compétences spécifiques.

S’agissant tout d’abord des retraites, je voudrais dire d’emblée à Mmes André, Panis et Printz que le Gouvernement s’est attaché à sauver le dispositif des majorations de durée d’assurance, qui était menacé par une décision judiciaire. On ne saurait prétendre que, dans cette affaire, j’étais animé par la volonté de le remettre en cause ; bien au contraire.

La solution que nous avons retenue découle en partie des propositions constructives que la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et son homologue de l’Assemblée nationale avaient formulées.

En outre, nous avons cherché à donner aux femmes les moyens de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, notamment en créant 200 000 offres de garde supplémentaires à l’échéance de 2012. Mme Morano et moi-même avons agi de manière très énergique contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Nous avons pris nos responsabilités devant ce qui reste un scandale et envisageons de déposer un projet de loi sur ce thème. Je rappelle que la France se classe à la 116ème place mondiale en matière d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Il n’y a pas de quoi pavoiser !

Je voudrais à présent répondre aux questions de M. Leclerc portant sur la situation financière de la branche retraite.

Bien évidemment, je partage l’ensemble des préoccupations qui se sont exprimées, au sein de la Haute Assemblée, au sujet de l’avenir des régimes de retraite. Notre action s’inscrit dans la ligne définie par le Président de la République devant le Congrès, le 22 juin dernier.

Nous faisons nôtres les objectifs que vous avez mentionnés s’agissant de l’avenir de la branche vieillesse, monsieur Leclerc.

Ainsi, nous devrons travailler plus longtemps. C’est la conséquence directe de l’allongement de l’espérance de vie, qui est de six ans par rapport à 1980. Nous devrons également renforcer l’équité de nos régimes de retraite, en poursuivant la mise en œuvre de l’engagement que nous avons pris, à savoir mettre les assurés sur un pied d’égalité.

Par ailleurs, M. Alain Vasselle a souligné à juste titre que le rendez-vous concernant l’avenir de nos régimes de retraite offrirait peut-être aussi l’occasion d’assurer la soutenabilité à long terme de la branche vieillesse. Je souscris bien évidemment à cet objectif.

À cet égard, M. About a formulé des propositions. Il a notamment évoqué l’idée de l’instauration d’un régime de retraite par points, système qu’il estime plus lisible et plus respectueux de l’effort contributif de chacun. C’est une piste à explorer, d’autant que cette proposition a déjà été transmise au Conseil d’orientation des retraites, le COR, qui s’exprimera sur ce sujet au début de l’année prochaine.

Je voudrais maintenant réagir aux interventions des sénatrices et sénateurs de l’opposition, qui se sont indignés des déficits de la sécurité sociale tout en réclamant dans le même temps, sur un mode incantatoire, de nombreuses dépenses nouvelles. On ne peut, à la fois, dénoncer les déficits et suggérer des dépenses supplémentaires !

Je rappelle notamment, à l’adresse en particulier de Mme Demontès et de M. Cazeau, que l’opposition a refusé de voter un certain nombre de mesures proposées par le Gouvernement, telles que la revalorisation de 25  % du minimum vieillesse, dont bénéficient 400 000 de nos concitoyens, celle de la pension de réversion pour 600 000 veuves aux revenus modestes ou celle des pensions de retraite agricoles, qui profite à 100 000 anciens agriculteurs.

M. Lardeux, quant à lui, a évoqué la réforme des régimes spéciaux de retraite. Je voudrais lui rappeler que cette réforme a permis, comme le Président de la République s’y était engagé, de faire converger les principaux paramètres des régimes spéciaux avec ceux du régime de la fonction publique : passage de trente-sept ans et demi à quarante ans, puis à quarante et un ans, de la durée d’assurance pour bénéficier d’une retraite à taux plein ; indexation des pensions sur les prix ; introduction d’une décote et d’une surcote ; suppression des bonifications pour les nouveaux recrutements ; suppression des « clauses couperets »… Vous le voyez, monsieur Lardeux, de grands pas ont été accomplis !

En outre, cette réforme a déjà une incidence financière, puisqu’elle engendrera 500 millions d’euros de gains cumulés à l’horizon de 2012, puis 500 millions d’euros d’économies en moyenne par an. Il s’agit donc d’une réforme importante.

En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, je salue, comme M. Dériot, la baisse des accidents mortels ou ayant entraîné des incapacités permanentes. Il est exact que nous devons rester extrêmement vigilants, c’est pourquoi nous allons présenter, avant la fin de l’année, un nouveau plan concernant la santé au travail, qui prendra en compte une grande partie des préoccupations qui ont été formulées. D’ores et déjà, les troubles musculo-squelettiques sont particulièrement visés dans la convention d’objectifs et de gestion qui a été signée au titre de la période 2009-2012.

Je partage les regrets, bien légitimes, que plusieurs d’entre vous ont exprimés quant à l’échec des négociations sur la médecine du travail. Cette situation est extrêmement fâcheuse, mais le Gouvernement entend reprendre ce dossier en main, en s’inspirant du contenu des sept séances de travail qui ont été organisées pendant les négociations, clôturées au mois de septembre. Je m’exprimerai sur ce sujet devant le Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, dans les semaines qui viennent.

Je terminerai mon intervention en évoquant brièvement le cinquième risque, sujet sur lequel Mme Berra pourra revenir.

Plusieurs d’entre vous, en particulier Mme Desmarescaux, MM. Milon et Cazeau, ont souhaité connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Nous nous inspirerons des travaux de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque dirigée par MM. Marini et Vasselle. Le rapport d’étape de cette mission contient des propositions très intéressantes et constituera un des fondements de la réflexion.

Si la crise a imposé de retarder la réponse des pouvoirs publics, ce chantier est à l’ordre du jour. Nous allons mettre en place des financements pérennes et innovants, reposant sur trois principes.

Le premier est la solidarité nationale. Il faut affermir le socle élevé de solidarité nationale qui finance aujourd’hui la dépendance. C’est un effort de plus de 20 milliards d’euros par an que fait aujourd’hui la collectivité ; il faut le consolider.

Le deuxième principe est la responsabilité individuelle. La dépendance est un risque assurable. Il nous faut réfléchir à des partenariats entre secteur public et privé, avec des organismes de prévoyance.

Le troisième principe est la solidarité familiale. Il faudra sans doute engager un débat sur la mobilisation du patrimoine des familles.

Le débat est ouvert sur ces sujets, sachant qu’il n’y a pas de solution miracle.

D’autres questions ont été posées sur la famille, notamment par M. Lardeux, et sur la politique du handicap, auxquelles je laisse à Mme Morano le soin de répondre. Mme Berra apportera, quant à elle, des précisions sur les sujets concernant les personnes âgées, notamment sur l’APA, qui préoccupe beaucoup les départements. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Elle coûte de plus en plus cher !

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Lardeux a souligné à juste titre l’importance des déficits de la branche famille pour 2009 – 3,1 milliards d’euros – et pour 2010 – 4,4 milliards d’euros : ces chiffres traduisent éloquemment l’impact de la crise sur la branche famille, mais aussi les efforts considérables que cette dernière déploie pour aider ceux qui sont le plus touchés.

Ainsi, la situation économique pèse sur les recettes de la branche famille à hauteur de 2,7 milliards d’euros, tandis que les prestations connaissent également une augmentation de 600 millions d’euros, financée par la Caisse nationale des allocations familiales.

C’est dire l’importance du rôle joué par la branche famille en ces temps de crise ; c’est dire aussi, monsieur Lardeux, le dynamisme de notre natalité, puisqu’elle atteint, malgré cette crise, le taux de 2,08 enfants par femme, ce qui permet de renouveler les générations. Ces excellents chiffres ne sont pas le fruit du hasard, ils résultent d’une politique familiale que nous envient l’ensemble de nos voisins européens. Ils témoignent aussi, pourquoi ne pas le dire, de la confiance de nos concitoyens envers le pays dans lequel ils vivent.

Vous nous dites qu’il manque 400 000 places d’accueil. Les services de la CNAF, quant à eux, font état d’un déficit de 200 000 offres de garde sur l’ensemble du territoire. Plutôt que de nous quereller sur les chiffres, envisageons les solutions. Conformément à l’engagement du Président de la République, la nouvelle convention d’objectifs et de gestion que j’ai négociée avec M. Hortefeux et qui lie l’État et la Caisse nationale des allocations familiales pour la période 2009-2012 nous permet d’affecter des moyens concrets à la politique de développement de la garde d’enfants que je porte depuis mon arrivée au ministère de la famille.

Grâce à un taux d’augmentation de 7,5 % par an des crédits du Fonds national d’action sociale, le FNAS, qui connaîtront ainsi une progression de près de 1,3 milliard d’euros d’ici à 2012, plus de 200 000 solutions d’accueil du jeune enfant supplémentaires pourront être mises en place. M. Darcos et moi-même travaillons actuellement sur ce dossier, puisqu’il est indispensable, dans le cadre de l’égalité entre hommes et femmes, de développer aussi des modes de garde.

Parce qu’il n’y a pas de solution unique à une multitude de cas individuels, je souhaite proposer à l’ensemble de nos concitoyens une palette de solutions. D’ici à 2012, nous créerons plus de 100 000 offres d’accueil du jeune enfant chez les assistantes maternelles et plus de 100 000 places d’accueil collectif.

À cet égard, je vous incite à lire le dernier numéro du magazine Parents, dans lequel un article relate une journée passée dans le premier jardin d’éveil que nous avons inauguré, à Caussade : il montre que cette expérience agrée à la fois aux parents et aux professionnels de la petite enfance, qui n’y voient d'ailleurs aucune concurrence pour l’école maternelle.

Je voudrais vous répondre concrètement sur les regroupements d’assistantes maternelles, dispositif auquel je suis très attachée et dont j’ai pu constater le succès lors d’un déplacement à Évron, en Mayenne. Trois regroupements d’assistantes maternelles sont en train de se mettre en place, et la CNAF évoque une dizaine de projets devant voir le jour très prochainement. Nous saurons être pragmatiques et apporter, dans le cadre de ce débat, des solutions pratiques aux problèmes de terrain. Nous ne transigerons jamais, cependant, sur la qualité et la sécurité de l’accueil des enfants, point essentiel pour nous, mais nous trouverons des solutions souples, qui soient adaptées à ces regroupements d’assistantes maternelles tout en respectant le code du travail. Il s’agit de permettre à ces structures de fonctionner dans la plus grande sécurité juridique.

Madame Desmarescaux, vous avez souligné l’effort important que représente l’ONDAM médico-social en temps de crise. Son taux de progression de 5,8 % démontre la volonté forte du Gouvernement d’accompagner les personnes handicapées et les personnes âgées dépendantes. De 2006 à 2009, l’ONDAM médico-social a augmenté de 37 %, et sa part dans l’ONDAM général s’est accrue de deux points.

Vous dites, ainsi que M. Cazeau, que le taux de progression est artificiel parce qu’il tient compte d’une mesure de restitution à l’assurance maladie de 150 millions d’euros. Il s’agit plus de réalisme que d’artifice !

En effet, ces crédits sont libres de tout emploi pour l’année prochaine. En langage simple, ils n’étaient pas consommés. Il ne serait pas juste d’afficher des dépenses pour l’année 2009 qui ne correspondent pas effectivement à des places en structures médico-sociales.

En outre, comme je le disais à l’instant, le taux de progression de l’ONDAM médico-social est bien supérieur à celui de l’ONDAM général, et si le premier est contenu, ceux des autres composantes de l’ONDAM sont souvent dépassés. Il n’est donc pas anormal que des crédits non consommés viennent minorer les dépassements des autres composantes de l’ONDAM.

Il n’est pas exact de dire que des fongibilités s’exerceraient au détriment du secteur médico-social quand, précisément, les textes votés récemment par le Parlement consacrent le principe inverse d’une possible reconversion de places de soins en places pour personnes âgées ou handicapées.

Vous évoquez aussi l’effet de ciseau que subissent les finances départementales en raison du dynamisme des dépenses et de la diminution des recettes en provenance de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA. Contrairement à l’APA, la prestation de compensation est globalement bien couverte, en tenant compte des versements réalisés les années précédentes.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Des questions peuvent se poser sur les clés de répartition entre les départements : le Gouvernement compte ouvrir ce chantier avec l’ensemble des acteurs concernés.

Vous avez rappelé que ce PLFSS comporte une mesure essentielle d’égalité entre personnes handicapées, à savoir la prise en charge de frais de transport pour les personnes handicapées en accueil de jour, en foyer d’accueil médicalisé ou en maison d’accueil spécialisé.

Vous avez raison de dire qu’il faut aller plus loin. Les groupes de travail continueront d’étudier les modalités d’extension de cette mesure à l’accueil de semaine. Des instructions seront données pour que la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, rembourse à nouveau les frais de transport des enfants fréquentant les centres d’action médico-sociale précoce ou les centres médico-psycho-pédagogiques.

Vous avez par ailleurs déposé un amendement qui va, lui aussi, dans le sens de l’égalité entre personnes handicapées en visant à maintenir un reste à vivre pour les personnes accueillies en maisons d’’accueil spécialisé à la même hauteur que si elles étaient hébergées dans des foyers d’accueil médicalisé. Je vous remercie tout particulièrement d’avoir présenté cet amendement, auquel le Gouvernement sera favorable.

Enfin, concernant les maisons départementales des personnes handicapées, l’État tient ses engagements de compenser les postes vacants en 2009 ; tout récemment, le Gouvernement a délégué 6,5 millions d’euros aux MDPH, qui viennent compléter les 10 millions d’euros déjà versés cet été. Le projet de loi de finances pour 2010, dont la discussion à l’Assemblée nationale m’a empêchée d’être parmi vous ce matin, prévoit en outre que ces engagements seront tenus en 2010, grâce à une augmentation des crédits de 54 %.

Toutefois, nous devrons aller plus loin, comme M. Paul Blanc ou Mme Annie Jarraud-Vergnolle l’ont souligné. Nous examinons des solutions pour stabiliser le personnel des MDPH. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite de ce que Mme Desmarescaux ait souligné l’engagement soutenu des pouvoirs publics dans l’évolution des crédits consacrés à la prise en charge des personnes âgées. Si je partage nombre des constats que vous avez dressés, madame la sénatrice, vous me permettrez de ne pas partager vos réserves sur l’ONDAM pour 2010.

Les moyens de l’assurance maladie dédiés aux personnes âgées progresseront de manière significative, de 9,1 % en 2010.

M. Guy Fischer. C’est ce qu’on dit…

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Ce taux n’est pas « artificiel ». Il n’est pas non plus « insuffisant », comme l’a laissé entendre M. Cazeau. Il permettra d’engager plus de 550 millions d’euros de mesures nouvelles, afin de développer l’offre d’établissements et de services pour nos aînés et de renforcer les moyens en personnel dans les structures d’accueil et à domicile.

Cette progression des moyens permet de mettre en œuvre les mesures prévues dans le plan de solidarité grand âge. Je ne partage pas vos inquiétudes sur la pérennité de ce plan puisque, année après année, les places nouvelles s’ouvrent et la médicalisation des maisons de retraites progresse.

M. Guy Fischer. Et le reste à charge progresse !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Vous pouvez compter sur moi pour que la réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile intervienne en 2010, afin de mieux rémunérer les soins lourds.

Mme Desmarescaux a appelé mon attention sur les difficultés que rencontrent les services d’aide à domicile, dont je suis pleinement consciente. Ce sujet concerne l’ensemble des financeurs de ce secteur : l’État, les conseils généraux, la caisse d’assurance vieillesse. Je lancerai en 2010 une concertation sur la tarification de ce secteur.

Pour ce qui relève de ma compétence, je souhaite poursuivre et renforcer la politique de professionnalisation des salariés et la modernisation des services. La CNSA contribue fortement à cette action avec les crédits de sa section IV, qui s’élèveront à 90 millions d’euros en 2010.

J’ai été interpellée sur les difficultés que rencontrent les conseils généraux dans le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Je suis très attentive à cette question et à l’effet de ciseau qu’engendrent la progression des dépenses et les baisses concomitantes de recettes. Ces difficultés sont particulièrement sensibles dans certains départements ruraux. À cela s’est ajoutée la moindre progression des concours de la CNSA, liée à la baisse de ses ressources.

M. Guy Fischer. Eh oui, elle a moins d’argent !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le contexte de crise a fragilisé l’ensemble des finances publiques, tant à l’échelon local qu’à l’échelon national, les déficits de l’État et de la sécurité sociale s’étant creusés de manière significative.

Pour autant, la question de l’équité dans la répartition entre départements des charges de financement de la dépendance mérite d’être examinée. Je m’associe à l’exigence de dresser un premier bilan d’application des critères d’allocation des crédits de la CNSA destinés à l’APA. La répartition du concours de la CNSA entre les départements pourrait évoluer s’il apparaissait qu’elle ne permet plus, telle qu’elle existe, d’assurer l’équité de traitement sur le territoire.

De même, je ne suis pas hostile, monsieur Cazeau, madame Jarraud-Vergnolle, à ce que le sujet plus global de la répartition des charges entre l’échelon national, l’échelon local et les familles fasse l’objet d’une réflexion approfondie.

Je ne voudrais pas achever mon propos sans évoquer le cinquième risque, sujet qui a déjà donné lieu à des travaux : je pense notamment au rapport de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque, dont vous avez été le rapporteur, monsieur Vasselle.

Comme l’a souligné M. Darcos, un débat sur les aînés et sur le défi du vieillissement se déroulera au printemps prochain. Je tiens à ce qu’il soit le plus large possible et qu’il associe les élus, l’ensemble du secteur des personnes âgées, la société civile et nos concitoyens. Il permettra de jeter les bases d’un réexamen en profondeur de l’ensemble des questions liées au vieillissement et à l’intégration de nos aînés dans la société. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mmes Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°253.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.

Mme Annie David, auteur de la motion. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, il y a deux ans, je soutenais ici même, au nom de mon groupe, une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Je déplorais, entre autres, l’étendue des déficits, le manque de recettes dû au refus de taxer les revenus financiers et dénonçais la volonté gouvernementale d’appauvrir la sécurité sociale, au risque d’entraîner, à terme, la faillite du système.

Il y a deux ans, Mme Roselyne Bachelot-Narquin semblait indignée de ce qui n’était pourtant qu’un simple constat. Mais que dire aujourd’hui, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ?

Loin de s’améliorer, la situation s’est fortement aggravée et l’entreprise de destruction de la protection sociale que je dénonçais alors continue et s’accentue.

Les chiffres sont têtus, mais objectifs et dénués de toute idéologie. Ils montrent que le texte qui nous est soumis creuse, d’une manière sans précédent, les déficits de la sécurité sociale, toutes branches confondues. Ces déficits devraient en effet connaître une croissance exponentielle, passant en une seule année de 20 milliards à 30 milliards d’euros, pour atteindre un montant cumulé qui pourrait être compris entre 150 milliards et 177 milliards d’euros en 2013. Et encore ce total exorbitant est-il celui du scénario le plus optimiste !

Face à cette situation plus qu’alarmante, les sénatrices et sénateurs communistes et du parti de gauche estiment que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 est en l’état irrecevable, car inconstitutionnel.

Les principes de valeur constitutionnelle que nous estimons mis à mal dans ce texte sont, d’une part, la protection de la santé et, d’autre part, l’obligation de présenter des comptes réguliers, sincères, donnant une image fidèle de la réalité.

En 1971, le Conseil constitutionnel a intégré dans le bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui crée, de manière très explicite, des droits sociaux « particulièrement nécessaires à notre temps », opposables aux pouvoirs publics.

Ces droits ont donc une valeur juridique supérieure aux lois, notamment aux lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, au onzième alinéa du préambule figure le droit à la santé : la nation doit garantir à tous « la protection de la santé ». Cette proclamation nous semble, hélas ! être encore ce principe « particulièrement nécessaire à notre temps » que souhaitaient les constituants de 1946.

Cette protection constitutionnelle vaut au droit à la santé pour toutes et tous de se retrouver parmi les valeurs les plus hautes dans la hiérarchie de normes qui fondent notre société. Toute loi, quel qu’en soit le domaine, doit respecter et même faire en sorte d’atteindre cet objectif : elle ne peut rogner sur des droits que la Constitution accorde aux citoyens.

Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, sans directement affirmer que certains de nos concitoyens et concitoyennes n’auront plus droit à la santé, rend l’exercice de ce droit si difficile qu’il le vide de sa substance.

C’est toute la différence qu’il y a entre l’existence d’un droit et l’effectivité de sa mise en œuvre. En théorie, sur le papier, j’ai le droit de me faire poser une couronne en porcelaine, mais, en pratique, concrètement, en ai-je les moyens, au regard du reste à charge ? Toute la question est là...

Cette interrogation est devenue très concrète pour un nombre croissant de nos concitoyennes et concitoyens.

Ce texte élève, au final, un écran infranchissable entre le droit constitutionnellement garanti à la santé pour toutes et tous et l’accès réel au soin.

Ne me dites pas, monsieur le ministre, que vous ignorez qu’il existe en France des personnes qui n’ont pas ou plus les moyens de se soigner ! Le fossé se creuse entre celles et ceux qui peuvent bien se soigner, et tous les autres, de plus en plus nombreux, qui ne le peuvent pas.

Ces « autres » – hommes, femmes, enfants –, déjà bien trop nombreux, le sont encore plus année après année, au point que l’on se rapproche d’un système à l’américaine, où l’accès au soin devient le véritable clivage social. Une grave maladie deviendra-elle, en France aussi, synonyme de ruine personnelle, de maison hypothéquée ou de souscription d’emprunt pour faire face aux énormes dépenses induites ?

Savez-vous qu’aux États-Unis, dans certains États pauvres, des équipes médicales caritatives organisent de funestes tombolas à destination d’indigents, parfois atteints de maladies très graves, mais qui n’ont tout simplement pas les moyens de se faire soigner ? Que croyez-vous que gagne celui qui remporte cette loterie ? Le droit de se faire soigner gratuitement !

Espérons que de telles dérives n’arrivent pas en France, où, déjà, on constate que des femmes et des hommes n’ayant pas de mutuelle ou l’ayant résiliée en raison de son coût trop élevé renoncent à se soigner ou reportent une intervention chirurgicale nécessaire, faute de moyens.

En 1946, le constituant a posé des principes de solidarité et d’accès aux soins et à la santé pour toutes et tous. En 1971, le Conseil constitutionnel a consacré la valeur constitutionnelle de ces principes. Aujourd’hui, monsieur le ministre, votre gouvernement s’emploie consciencieusement à les remettre en question.

L’idée des constituants de l’après-guerre était de donner à toutes et à tous l’accès à une médecine qui ne distinguerait plus ses bénéficiaires en raison de l’appartenance sociale ou des ressources : participation à raison de ses revenus ; satisfaction en fonction de ses besoins, la sécurité sociale venait de voir le jour.

Ces principes posés par le constituant de 1946 sont bien encombrants pour vous, qui souhaitez mener à bien votre entreprise de privatisation de la santé, car cette philosophie du partage et de la solidarité est à cent lieues de celle de la médecine à deux vitesses, du chacun-pour-soi et de la marchandisation de la santé.

Voulez-vous véritablement maintenir un système de protection sociale ou désirez-vous l’abandonner et basculer vers un système entièrement aux mains de société privées ?

M. Guy Fischer. Ils veulent l’abandonner !

Mme Annie David. La question est aujourd'hui clairement posée.

Non content de remettre en question le droit constitutionnel de se soigner, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 porte en lui une autre cause d’irrecevabilité : il est particulièrement insincère ou alors, comme disait tout à l’heure M. About, il comporte une sincérité à date butoir... Cela revient au même puisque ladite date butoir ne prend pas en compte les prévisions annoncées.

Or la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a donné une consécration organique à l’obligation de sincérité. Aujourd’hui, l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité sociale « détermine, pour l’année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale compte tenu notamment des conditions économiques et générales et de leur évolution prévisible ».

Vous nous avez parlé de transparence, monsieur le ministre, mais elle doit être associée à la sincérité et, donc, à la vérité des chiffres, ce qui ne nous semble pas être le cas dans ce texte.

De son côté, le Conseil constitutionnel a réaffirmé, dans sa décision du 29 juillet 2005, que « s’agissant des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’année en cours et l’année à venir, la sincérité se caractérise par l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de cet équilibre ».

Or nous nous interrogeons sur la sincérité de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 au regard de certains chiffres qu’il contient, s’agissant notamment des projections pour les quatre années à venir.

Selon les propres analyses de M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, « le cadrage pluriannuel ouvre des perspectives très préoccupantes et les évolutions sont bâties sur des hypothèses indéniablement volontaristes ». Ces termes mesurés cachent mal la profonde inquiétude qui traverse l’ensemble des élus de la nation, toutes tendances confondues.

Il est évident que votre projet de financement a été réalisé en s’appuyant sur des chiffres intenables.

Concernant le PIB, vous retenez 0,8 % de croissance en 2010, puis 2,5 % pour chacune des trois années suivantes ; quant à la masse salariale, si vous concédez une baisse de 0,4 % en 2010, vous tablez ensuite sur une augmentation de 5 % les trois années suivantes.

M. Guy Fischer. Irréaliste !

Mme Annie David. Vous avez bien noté que pour, la première fois depuis l’après-guerre, la masse salariale de notre pays a significativement baissé pendant deux années consécutives et que, de 1998 à 2007, elle avait progressé de 4,1 %, ce qui était considéré comme un très bon niveau.

La situation est donc la suivante : si tout se passe comme vous le spéculez, et selon vos propres estimations, nous allons enregistrer entre 2009 et 2013 un déficit allant de 150 milliards à 173 milliards d’euros, je dis bien « euros », car nous pourrions penser, à l’énoncé de ces chiffres impressionnants, qu’il est question de francs !

Je vous laisse imaginer la situation des comptes de la sécurité sociale si ces prédictions « volontaristes » ne devaient pas se réaliser ! Mais il sera alors trop tard, et on nous dira que la France n’a d’autre choix que d’abandonner son système de protection sociale.

Se tromper à ce point, est-ce encore une erreur ou n’est-ce pas plutôt un déni des réalités et une volonté politique de ne pas regarder les choses en face ?

Pour expliquer ces déficits que vous laissez volontairement filer, vous affirmez que c’est une nécessité et que notre système de protection sociale doit jouer son rôle d’« amortisseur social ». Faites attention, car vous êtes en train d’en casser les ressorts !

Tous les systèmes de santé ultralibéraux et privatisés sont en difficulté à la suite de la crise financière et vous redécouvrez soudainement les vertus du système à la française, solidaire et mutualisé. Vous, les chantres du libéralisme appliqué même en matière de santé, vous nous vantez aujourd’hui les avantages sociaux de la sécurité sociale !

De notre côté, nous étions déjà convaincus. Alors que nous faisons l’analyse d’un déficit structurel de la sécurité sociale, notamment causé par l’insuffisance organisée des ressources, vous préférez communiquer sur un déficit conjoncturel dû en grande part à la crise.

Certes, la crise économique a eu pour effet une baisse de certaines recettes, notamment les prélèvements assis sur la masse salariale. Cependant, ses effets ont fait long feu et la vraie cause de ces déficits est l’insuffisance criante de recettes.

La pérennité de notre sécurité sociale passe par des mesures d’une tout autre envergure, elle nécessite plus qu’une traque aux dépenses, celle que vous avez lancée en multipliant la chasse aux fraudeurs, coupables désignés, ou en visant telle petite niche sociale, je pense ici aux assurances vies dont vous allez modifier les règles « en cours de jeu », et vous aurez compris que je faisais aussi allusion à certain droit collectif à l’image...

Il faut sans conteste une augmentation importante des recettes. Nous savons tous où se trouve l’argent dont a besoin la sécurité sociale. Or, contre toute logique comptable et par pure idéologie, vous vous obstinez à ne pas aller le chercher !

Vous refusez de taxer les profits financiers et de revenir sur certains allégements de charges sociales consentis en faveur de grosses entreprises, certaines niches fiscales étant en effet maintenues. Contre vents et marées et pour tenir une prétendue promesse électorale, vous refusez d’augmenter certains impôts pour renforcer les ressources de la sécurité sociale, quitte à la laisser s’asphyxier.

C’est de la non-assistance à système en danger !

Vous savez que c’est une erreur et que nos concitoyens le pensent aussi. Ils ne comprennent pas non plus pourquoi une future hausse des prélèvements sociaux ou des impôts épargnerait la fraction la plus riche de ce pays, bien à l’abri sous son bouclier fiscal, qui, lui, ne rompt pas. On marche sur la tête, vous marchez sur la tête ! Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la plupart des mauvaises nouvelles seront adoptées par décret...

Aujourd’hui, il coûte de plus en plus cher de se soigner, et le droit même à l’accès à la santé est remis en question. Par exemple, soutenir, comme vous le faites, que, malgré les franchises médicales, nous gardons en France le taux de remboursement le plus élevé d’Europe est un tour de passe-passe comptable. Vous affirmez que le taux de remboursement est de 80 % sur les tarifs opposables, mais il faudrait préciser que ce taux n’est applicable que si vous avez consulté tel médecin, dans telle zone et pour telle maladie. Le taux de remboursement moyen pour 80 % des assurés sociaux est de 55 %, hors prise en charge par les assurances complémentaires.

Et pourtant, vous continuez à communiquer à loisir sur le trou abyssal de la sécurité sociale, alors que c’est vous-même qui le creusez consciencieusement et qui refusez de le combler. Vous préparez la faillite pour mieux convaincre les assurés sociaux que le basculement vers le secteur des assurances privées est inévitable.

Et tout est prêt !

Dans peu de temps, ce sera au tour des retraites. Vous commencez par vous attaquer aux droits des femmes en la matière, en rognant sur la majoration de durée d’assurance dont bénéficient certaines d’entre elles.

Finalement, votre démarche est cohérente. Vous nous proposez une société dans laquelle tout est peu à peu privatisé, les systèmes de soin, les hôpitaux, les écoles, les retraites et, depuis cette nuit, La Poste ; une société où les laboratoires pharmaceutiques et les compagnies privées vont voir leurs profits décupler ; en définitive, une société qui sera totalement inégalitaire dans un domaine pourtant primordial, celui de la santé.

Le seul obstacle de taille à votre entreprise est que l’avènement d’une telle société, outre qu’elle ne recueille pas l’adhésion du plus grand nombre, se heurte encore à ce jour à l’existence de principes juridiques contenus dans notre Constitution. Je pense à celui de la sincérité de la présentation.

Pour conclure, je voudrais faire remarquer que cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité n’est pas un exercice de style. Monsieur le ministre, vous croyez à la sincérité de vos chiffres ; j’estime, pour ma part, qu’ils sont insincères.

En effet, je suis profondément convaincue que ce PLFSS recèle des causes d’inconstitutionnalité. Au-delà des clivages gauche-droite, il arrive un moment où l’on doit, en tant que représentant de la nation, se poser la question : ce PLFSS est-il vraiment de nature à garantir la pérennité de notre système de protection sociale ? Les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche pensent que non !

Ce PLFSS nuit gravement à la santé de notre sécurité sociale. De surcroît, il est fondé sur un déni des réalités actuelles et futures. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ceux de nos collègues qui assistent à nos travaux l’auront compris,…

M. Guy Fischer. Les troupes sont maigres !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … la mise en cause de la sincérité n’est pas justifiée.

Si l’on se réfère à mon rapport, on observera que j’interpelle le Gouvernement sur notre situation, qui est particulièrement préoccupante, notamment en raison de l’évolution des déficits. Éric Woerth l’a lui-même reconnu dans sa réponse aux orateurs, disant que, dès qu’il y aurait un retournement favorable de la conjoncture, il faudrait prendre la situation à bras-le-corps et y porter remède. Pour notre part, nous considérons qu’il faut prendre des mesures dès à présent.

On ne peut pas qualifier d’insincère le projet de loi de financement de la sécurité sociale. À la rigueur, on peut y trouver un peu trop d’optimisme, notamment à l’annexe B, ou un peu trop de pessimisme au regard des conséquences qui pourraient résulter de l’adoption de nos amendements.

Quant à prétendre que ce PFLSS porterait atteinte au droit à la santé, l’argument ne tient pas. Le Gouvernement a en effet tout mis en œuvre pour répondre aux besoins de nos concitoyens. En période de crise, fixer un ONDAM à 3 % tant pour l’hôpital que pour les soins de ville et un ONDAM à 5,8 % pour le secteur médico-social, c’est, pour le Gouvernement, démontrer sa volonté de ne pas relâcher l’effort en matière de soins.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales n’a pas jugé bon d’émettre un avis favorable sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Mme Annie David. C’est bien dommage !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je vous encourage donc, mes chers collègues, à vous opposer à cette demande du groupe CRC-SPG.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Madame la sénatrice, vous nous dites que le droit à la santé est bafoué. S’il l’est en France, il l’est partout dans le monde !

Mme Annie David. Ce n’est pas un argument !

M. Éric Woerth, ministre. Notre système de santé est organisé, financé et prend en compte les besoins de nos concitoyens comme probablement aucun autre. Fruit des politiques qui se sont succédé depuis la guerre, on peut vraiment dire qu’il est généreux, au sens le plus noble du terme.

La France est au premier rang mondial en termes de dépenses publiques de santé. Celles-ci représentent 9 % de notre produit intérieur brut. Un Français reçoit de l’assurance maladie 1 920 euros par an, contre 1 300 euros pour un Néerlandais, 1 000 euros pour un Espagnol ou 1 700 euros pour un Allemand.

Autant on peut être en opposition sur le plan politique, et je respecte vos positions, autant on ne peut pas, comme vous le faites, caricaturer le système de santé français.

Mme Annie David. Je n’ai pas caricaturé !

M. Éric Woerth, ministre. Le reste à charge de chaque citoyen, en France, est de 7 %, après le remboursement des complémentaires, contre 13 % en Allemagne, soit six points d’écart avec notre principal partenaire.

L’effort public est donc énorme. Il est même complété, en dehors même de l’assurance maladie, par l’accès à la CMU, à la CMU-C – près de cinq millions de personnes – et par l’aide à l’acquisition de complémentaires, dont Roselyne Bachelot-Narquin a profondément renforcé les conditions l’année dernière. Ainsi, 30 % de personnes supplémentaires ont eu accès à la CMU-C.

M. François Autain. Mais cela se dégrade en France !

M. Éric Woerth, ministre. Non !

M. Éric Woerth, ministre. Le reste à charge est le même depuis des années ! La prise en charge de la sécurité sociale est, à un ou deux points près, exactement la même sur une longue période.

M. Guy Fischer. Pas du tout !

M. Éric Woerth, ministre. Quant à l’insincérité des comptes de la sécurité sociale, je pense que vous confondez gravité et insincérité. Notre situation est bien évidemment grave et préoccupante - nous en avons d’ailleurs longuement discuté ces derniers jours avec la commission, comme peut en témoigner Mme Dini -, mais, je le répète, il n’y a pas d’insincérité des comptes. À mon avis, c’est même le contraire : ils sont de plus en plus justes.

M. François Autain. N’exagérons rien !

M. Éric Woerth, ministre. Ils sont audités par la Cour des comptes, certifiés et, lorsque des problèmes se posent et que les comptes de tel ou tel régime ne sont pas certifiés, les raisons en sont données. Tout cela est parfaitement transparent.

Comment voulez-vous que nous parlions sérieusement si vous caricaturez tout ?

Mme Annie David. C’est vous qui caricaturez mes propos !

M. Éric Woerth, ministre. La motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité n’est donc pas justifiée. En fait, le seul texte irrecevable ici, c’est votre motion !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je voudrais rétablir un certain nombre de vérités, monsieur le ministre.

S’il y a une réforme d’ampleur que vous ne faites pas, c’est bien celle de l’assiette des cotisations sociales, et elle est pourtant nécessaire. Aujourd'hui, tout repose sur les salaires, avec une très grande inégalité d’assujettissement, donc sans justice sociale.

Nous proposons donc que les produits financiers bruts des entreprises non financières, qui s’élevaient en 2008 à 254,6 milliards d’euros, ainsi que les revenus financiers nets des sociétés financières, qui s’établissaient, quant à eux, à 13,7 milliards d’euros en 2008, soient assujettis à la part patronale des cotisations sociales. Cela permettrait de dégager 34,3 milliards d’euros pour la branche maladie, 22,2 milliards d’euros pour la branche vieillesse et 13,4 milliards d’euros pour la branche famille, soit au total près de 70 milliards d’euros en plus pour la sécurité sociale.

Vous voyez bien que des pistes de recettes restent inexplorées et que favoriser une plus grande justice sociale est possible. Mais je sais que l’on va encore nous accuser de caricaturer.

Mme Annie David. C’est sûr !

M. Guy Fischer. Reconnaissez quand même que des pas pourraient être faits.

Mme Annie David. Absolument !

M. Guy Fischer. Nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, nous sommes opposés aux exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises. La Cour des comptes elle-même émet des doutes quant à leur vertu créatrice d’emplois. Il s’agit – le gouvernement auquel vous appartenez feint de l’ignorer – d’une part importante des salaires différés et socialisés qui appartiennent aux travailleurs et aux salariés de notre pays.

Que le Gouvernement estime nécessaire d’apporter certaines aides aux entreprises de notre pays, surtout en cette période, nous pouvons le concevoir, à condition que ces aides soient mieux encadrées et soumises à condition, par exemple des obligations en matière d’emploi, de santé au travail et de rémunération.

Mme Annie David. Exactement !

M. Guy Fischer. On assiste en 2009, et cela se poursuivra en 2010, à un véritable écrasement non seulement des salaires, mais aussi des retraites. Celles de la fonction publique, par exemple, augmenteront de 0,50 % l’année prochaine. Autant dire que ce sont des pertes de pouvoir d’achat cumulées.

Ces exonérations que nous dénonçons - plus de 3 milliards d’euros ne sont pas compensés par l’État -, sont de véritables trappes à bas salaire, un appel d’air à la précarité. Voyez l’explosion de la précarité dans notre pays. On tend véritablement à copier le modèle anglo-saxon, et pas seulement dans le système de santé.

La motion présentée par Annie David, si elle est contestée, n’est pas contestable. Nous vous montrerons toute cette semaine en défendant pied à pied nos amendements que le financement de la protection sociale dans ce pays est de plus en plus inégalitaire et qu’il y a deux poids et deux mesures. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Le droit à la santé est un droit pour tous les assurés. Or, même si les chiffres que vous nous avez fournis gagneraient à être comparés à ceux d’autres pays - vous vous êtes bien gardé de toute comparaison -, on ne peut pas dire que, depuis un certain nombre d’années, vous ne faites pas supporter à ces assurés les dépenses de santé. Comme je l’ai dit tout à l’heure, vous manifestez un véritable entêtement à faire payer les malades.

Pour les seuls soins de ville, je ne sais pas si vous pourrez contester ce chiffre, ce sont 3 milliards d’euros de plus depuis 2004, sans oublier l’augmentation du forfait hospitalier.

S’y ajoute une sanction indirecte, au niveau des mutuelles. Car tous ces transferts se traduiront par une hausse des cotisations de 4 % à 7 % selon la Mutualité française. Déjà, 8 % à 10 % des Français ne peuvent pas se payer une mutuelle ; combien seront-ils demain ?

Nous sommes dans un système de santé évolué, je vous l’accorde. C’est notre tradition, et heureusement.

Mme Annie David. Bien sûr, il faut le garder !

M. Bernard Cazeau. Nous ne pouvons quand même pas être les derniers partout …

Le problème, c’est qu’il ne faut pas que l’aggravation de ces transferts fasse que le droit à la santé dont parlait Mme David diminue de jour en jour pour les assurés. C’est pour cette raison que nous voterons la motion.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 253, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 62 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 138
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Demande de renvoi à la commission (début)

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°67.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, « près de 170 milliards d’euros de déficits cumulés à l’horizon 2013, près de 90 milliards d’euros de dette à amortir reprise par la CADES, une autorisation de découvert à court terme de l’ACOSS à hauteur de 65 milliards d’euros, un déficit du régime général de plus de 30 milliards d’euros pour 2010 […] : autant d’évolutions sans précédent dans l’histoire de la sécurité sociale dans notre pays. »

« Les chiffres atteignent un tel niveau qu’ils finiraient par en perdre toute signification et suggérer ainsi, paradoxalement, que les déficits peuvent s’accumuler année après année sans que rien ne change fondamentalement. »

« Or, il ne s’agit plus d’une aggravation du “trou de la sécu” comme notre pays en a connu au cours des deux dernières décennies mais d’un changement d’échelle, d’une situation totalement inédite face à laquelle les solutions habituelles seront insuffisantes. »

Ce PLFSS est ainsi « le projet de loi de tous les records : le plus court, mais surtout celui dans lequel se succèdent des chiffres que chacun s’accorde à décrire comme “vertigineux” ou “abyssaux”. »

« Ces déficits mettent en danger le socle même de notre protection sociale obligatoire. Dès lors, on ne peut plus exclure une augmentation des prélèvements sociaux. Ce serait une capitulation et l’explosion assurée du système. Je sais que cette idée reste taboue, mais si on ne la traite pas frontalement, on n’aboutira jamais qu’à de fausses solutions. »

Face à un enjeu aussi crucial pour l’avenir de la cohésion sociale, on nous propose « un projet d’attente », alors même que, nous le savons tous : « Plus l’heure des choix est retardée, plus ceux-ci sont porteurs de conséquences douloureuses. »

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la plupart, les mots que je viens de prononcer depuis le début de mon intervention ne sont pas de moi, mais émanent de M. Vasselle, de M. Bur, de M. Séguin ; ils constituent la toile de fond des interventions des parlementaires de droite qui maîtrisent ces dossiers.

Tous rappellent que, si la crise a aggravé la situation, la sortie de crise ne ramènera pas les déficits à la situation antérieure.

Tous affirment que notre protection sociale a été un rempart efficace pour protéger les citoyens des effets les plus violents de la crise. Tous disent que le système est au bord de l’explosion.

Tous constatent que ce PLFSS n’est pas à la hauteur des enjeux.

Certes, cela fait des années que les mêmes qui tiennent des discours alarmistes en commission, voire en séance publique, n’en tirent aucune conséquence dans leur vote. Il est donc logique que le Gouvernement ne tienne pas compte de leur parole.

C’est ainsi qu’avec une augmentation dérisoire du forfait social et une taxation ridicule des « retraites chapeau », le Gouvernement est en train d’acheter le droit de dilapider l’héritage du Conseil national de la Résistance et de saper les fondamentaux de notre protection sociale. Et vous le laissez faire !

Il faut dire que le « trou » de la sécu a ceci de pratique qu’année après année il permet de justifier tous les reculs, tous les abandons, tous les fatalismes. Or, plutôt que d’agir pour le renouvellement du système, le Gouvernement préfère assister à sa débâcle pour faire accepter le sacrifice de l’essentiel au nom de la préservation de l’indispensable.

Certes, l’ampleur de la dette cumulée et de celle qui est à venir implique des réformes structurelles, le groupe socialiste en est conscient, mais ce que le Gouvernement appelle « réforme » tient plus de la liquidation que de la refondation.

En démocratie, on ne borne pas son action à « sauver ce qui peut être sauvé ». Un gouvernement n’est pas un syndic de faillite !

En démocratie, on se bat pour faire vivre ses valeurs dans le champ du réel. Et quoi de plus structurant pour une société que la solidarité entre ses membres, la dignité face à la vieillesse et la maladie, la protection partagée face aux aléas de la vie ?

C’est à cette aune qu’il faut mesurer ce PLFSS. Or, que constate-t-on ?

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, comme ceux qui l’ont précédé, est financièrement mensonger, il organise l’injustice sociale, détruit la solidarité entre les générations et ne prend pas en compte le détournement du contrôle démocratique de l’organisation des soins.

Il est financièrement mensonger. Non seulement les déficits sont colossaux, mais ils sont sous-évalués. La Cour des comptes a refusé de certifier les comptes des branches famille et vieillesse. La commission des finances de l’Assemblée nationale n’a pas approuvé ce PLFSS. En effet, une fois de plus, les hypothèses économiques sur lesquelles vous fondez vos prévisions sont, au mieux, surévaluées, au pire, surréalistes – croissance annuelle de la masse salariale de 5 % à partir de 2011, croissance du PIB de 2,5 %. C’est un pari perdu d’avance quand on sait que la masse salariale n’a jamais progressé à ce niveau depuis 2002, et qu’un rythme de croissance de 2 % par an est considéré comme normal.

L’espoir vous fait vivre, mais il risque de nous coûter cher !

Ce PLFSS est socialement injuste. C’est une constante de ce gouvernement : tandis que les réformes de l’impôt favorisent systématiquement les plus riches – bouclier fiscal, forfaitisation des dividendes, baisse des droits de mutation, et j’en passe –, celles de la sécurité sociale pèsent essentiellement sur les ménages modestes – impôts proportionnels et non progressifs, déremboursements, forfaits, franchises, baisse des pensions de retraite et, cerise sur le gâteau, imposition des indemnités journalières versées aux victimes d’accidents du travail. C’est la redistribution à l’envers !

Selon une note de la fondation Terra Nova, près de 20 milliards d’euros seront prélevés en 2010 sur les classes moyennes pour être versés aux plus aisés.

Autre exemple : au congrès de la Mutualité française, le Président de la République a clairement annoncé sa volonté de voir les complémentaires prendre le relais de l’assurance maladie.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il n’a pas dit cela !

Mme Raymonde Le Texier. Il ne peut qu’être exaucé : hors affections longue durée, autrement dit pour les maladies ou traitements qui concernent 80 % des Français, le taux de remboursement, hors mutuelles ou hors assurances, tombe à moins de 55 %.

Une bonne affaire pour le Gouvernement : les mutuelles prennent de plus en plus en charge ce qui devrait relever de la solidarité nationale, et les Français, pour l’instant, ne s’en rendent pas trop compte,…

M. Guy Fischer. Cela va venir !

Mme Raymonde Le Texier. … pour l’instant seulement, car ce transfert de charge sera bien sûr répercuté sur le coût des contrats complémentaires.

Mais, surtout, avec ce déplacement des frontières entre ce qui relève de la solidarité et ce qui relève de l’assurance individuelle, c’est tout l’esprit du système qui est nié.

Enfin, outre qu’il est financièrement mensonger et socialement injuste, ce PLFSS détruit la solidarité entre les générations : avec une dette sociale de 170 milliards d’euros et une extinction de la CADES prévue en 2021 pour les plus optimistes, nous faisons déjà lourdement peser sur les épaules de nos enfants et petits-enfants le poids de nos dépenses sociales.

Que faire alors de la dette qui s’est accumulée et qui n’a pas été transférée à la CADES ? La faire porter par l’ACOSS, bien sûr ! Et peu importe si, pour cela, il faut porter le plafond des emprunts que le régime général est autorisé à contracter à un niveau inégalé de 65 milliards d’euros !

Cette gestion de gribouille est devenue l’alpha et l’oméga des plans de financement de la droite au pouvoir. Vos propres troupes le disent. Je cite les propos de Marie-Anne Montchamp, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale : « Plus la reprise de dette interviendra tardivement, plus elle sera coûteuse. Attendre 2011 exigerait, pour une reprise de dette de plus de 50 milliards, le doublement du taux de la CRDS. C’est tout simplement impossible. » Elle n’a, bien sûr, pas été entendue.

Pourtant, face à une situation aussi dramatique, des propositions ont été faites en matière de recettes, pour veiller à ce que les évolutions fiscales servent la justice sociale. C’est ainsi que le groupe socialiste a été rejoint par certains de vos amis dans le combat qu’il mène contre le bouclier fiscal.

La position de M. Warsmann en témoigne. Il estime que la CRDS devrait être retirée des impositions prises en compte dans le bouclier fiscal, car, je le cite, « lutter contre cette dette est une cause nationale qui suppose la solidarité de tous. La CRDS se distingue de l’impôt. Sa seule raison d’être est le remboursement de la dette sociale. »

Les membres du groupe socialiste réclament depuis longtemps la mise à plat de la politique d’exonérations de charges accordées aux entreprises et un véritable travail sur la fin des niches fiscales. Il semble que ces demandes aient finalement rencontré un certain écho ici.

Ainsi, les politiques d’exonérations sociales représentent un total annuel de près de 76 milliards d’euros. Les dispositifs ont été sans cesse multipliés. Au nombre de 46 en 2006, ils sont 65 cette année !

Selon le rapport d’Alain Vasselle, « l’État fait le choix délibéré de mettre à la charge de la sécurité sociale des politiques qui sont de sa responsabilité ».

Enfin, la crise des finances sociales est adossée sur un confortable magot, celui des niches fiscales. La France détient le record en la matière, puisqu’elle compte plus de 470 de ces niches, pour un coût budgétaire supérieur à 110 milliards d’euros. Ainsi, en 2008, 100 contribuables ont pu économiser pas moins de 1,5 million d’euros chacun !

Grâce à tous ces aménagements, jamais les plus aisés n’auront aussi peu contribué à l’effort commun. Et au cas où certains n’auraient pas su tirer toutes les ressources des niches fiscales, le bouclier fiscal a fait le reste ! Nous souhaiterions que les assurés sociaux fassent l’objet d’autant d’attentions.

La question du financement de la sécurité sociale ne saurait être résumée au seul travail sur les recettes. La refondation du système doit également être évoquée. Or, en la matière, les garanties démocratiques ne sont pas au rendez-vous. Les négociations entre l’assurance maladie et les professions médicales, par exemple, influencent lourdement la lettre comme l’esprit de notre système, mais tendent à échapper au contrôle du Parlement. Pourtant rien n’est moins neutre pour la protection de chacun des habitants de notre pays que les discussions actuelles entre l’UNCAM et les professions médicales, notamment sur la création d’un secteur optionnel.

Les déserts médicaux s’étendent ; les dépassements d’honoraires sont depuis longtemps pratiqués hors de toute notion de « tact et mesure » ; la prévention et la santé publique sont fort peu prises en compte ; les refus de soins ne diminuent pas ; la permanence des soins est de moins en moins assurée par la médecine de ville. Et c’est le moment que l’on choisit pour proposer aux médecins de secteur 1 de pratiquer des dépassements d’honoraires, sans vraiment exiger de ceux du secteur 2 de revenir à des tarifs plus raisonnables.

À terme, le secteur optionnel porte en lui la fin du secteur opposable.

Il faut le rappeler : l’économie de la santé est largement socialisée. Il serait temps d’en tirer les conséquences en termes de priorité et de rappeler que l’égalité d’accès aux soins est constitutionnellement garantie. Mais, pour l’instant, ces réformes sont négociées ailleurs. Or cela pose un réel problème de gouvernance démocratique.

Le Parlement est largement évincé de la question de l’utilisation d’un budget qui est, je le rappelle, supérieur à celui de l’État. Ni les contribuables, ni les usagers du système de soins ne sont invités à la table des négociations.

L’avenir de notre protection sociale est ainsi largement compromis et le terme ne cesse de se rapprocher.

Face à la dégradation sans précédent des comptes sociaux, le PLFSS pour 2010 ne contient que des mesures techniques ou des ajustements de dispositifs existants. Rien ne permet d’espérer un quelconque redressement.

Pourtant, c’est le socle même de notre cohésion sociale qui est ici en cause. Je sais que de nombreux collègues de la commission des affaires sociales, qu’ils soient de droite ou de gauche, partagent ce constat.

Même si nous ne proposons pas tous les mêmes solutions, nous avons tous, en tant que parlementaires, le même devoir, le même pouvoir : le devoir de protéger nos concitoyens, de lutter contre tout ce qui pourrait défaire notre pacte social et le pouvoir d’empêcher un gouvernement de nous conduire à la catastrophe.

Chers collègues de la majorité,…

M. Guy Fischer. Ils ne sont pas nombreux !

Mme Raymonde Le Texier. … si les mots ont encore un sens, comment pouvez-vous donner un blanc-seing à un gouvernement qui, face à une crise structurelle sans précédent, pratique à dessein la politique de l’autruche ? Un parlement n’est pas qu’un espace de parole ; c’est aussi un lieu d’action.

Est-il utile de débattre d’un PLFSS qui ne nous propose rien d’autre que de fermer les yeux collectivement et d’entonner le fameux « jusqu’ici tout va bien » de celui qui dégringole du haut de la tour Montparnasse ?

Nous valons tous mieux que cela. Surtout, nous avons des obligations, de par la mission dont nous sommes investis.

Parce que l’enjeu, aujourd’hui, n’est rien d’autre que la fin d’un modèle social, nous devons refuser que le Gouvernement se détourne de l’intérêt général. Rappelons-le à cette exigence en assumant le mandat qui nous a été confié.

Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe socialiste vous invitent, mes chers collègues, à voter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La demande de nos collègues socialistes visant à faire adopter par le Sénat la motion tendant à opposer la question préalable n’a pas remporté plus de succès que la précédente motion défendue par Mme David.

M. François Autain. C’est désespérant !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Aux dires de Mme Le Texier, le PLFSS ne prend pas en considération la situation présente, ne prépare pas l’avenir et ne tient pas compte de la crise.

Ma chère collègue, en réalité, n’oubliez-vous pas justement l’existence de cette crise et la façon dont nous devons nous préparer à en sortir ? En sollicitant plus nos concitoyens financièrement, allons-nous réellement favoriser cette sortie de crise ?

Je vous invite à revoir les points de vue qu’a développés dans différents médias le président du FMI, M. Strauss-Kahn, que vous connaissez bien. Son analyse sur les solutions proposées pour sortir de la crise ne semble pas aussi critique que la vôtre, s’agissant tant de la situation du budget de la France que de celle de la sécurité sociale.

Sur un certain nombre de points, vous vous êtes plu à rappeler des propos que j’ai consignés dans mon rapport et par lesquels j’ai appelé l’attention du Gouvernement. J’ai rappelé combien il était nécessaire non seulement de tenir compte de l’environnement économique et social, mais aussi de ne pas rester l’arme au pied en attendant des jours meilleurs. Peut-être conviendrait-il de commencer dès à présent à intégrer un certain nombre de mesures dans le PLFSS qui permettront une meilleure préparation à la sortie de crise et à la maîtrise des déficits que connaissent le budget et la sécurité sociale.

Même si je partage certains de vos propos, je ne pense pas que le Sénat soit prêt à se montrer maximaliste et à adopter la motion tendant à opposer la question préalable. Nous devons en effet avoir un comportement responsable et convaincre nos concitoyens de la nécessité d’un PLFSS qui leur permette au moins de continuer à accéder aux soins dans des conditions qui, certes, ne sont pas les meilleures – notre pays n’est plus en pleine croissance – mais sont les moins mauvaises possible. Éric Woerth a rappelé que La France a l’avantage d’avoir le meilleur système de protection sociale au monde.

Mme Annie David. Grâce au Conseil national de la Résistance !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Selon Mme Le Texier, il n’y aurait pas lieu de débattre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. À travers les réponses que je vais apporter à un certain nombre d’orateurs, je veux montrer qu’il n’en est rien.

Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de vos propos, de votre soutien à l’architecture globale du volet « assurance maladie » et de votre engagement à nos côtés pour une meilleure efficience des masses financières considérables engagées.

Comme l’a rappelé Éric Woerth voilà un instant, par comparaison à d’autres pays, la France est vice-championne du monde en matière de dépenses de santé. Notre pays assure une prise en charge solidaire parmi les plus élevées, et le reste à charge pour les malades y est le plus faible.

Monsieur le rapporteur général, certaines de vos positions appellent quelques explications de ma part, ce qui montre bien, madame Le Texier, qu’il convient de débattre.

Vous avez évoqué la prise en charge de la pandémie grippale, le secteur optionnel, la convergence tarifaire et le RPPS. Je traiterai également les sujets visés par M. le rapporteur pour avis et je répondrai plus complètement aux autres questions lors de la discussion des articles.

Pour ce qui concerne la pandémie grippale, la commission des affaires sociales demande la suppression de l’article 28. Or ce dernier assure le financement par l’assurance maladie des professionnels de santé réquisitionnés dans la campagne de vaccination.

Il n’est pas inutile de rappeler que le recrutement des professionnels de santé se fait sur la base du volontariat, ce qui justifie pleinement une prise en charge par l’assurance maladie, la réquisition étant une simple modalité destinée à protéger juridiquement les professionnels.

Il serait extrêmement dommageable de laisser planer une insécurité sur le financement des professionnels des centres de vaccination, alors que cette opération va commencer après-demain.

La commission des affaires sociales propose également de réintégrer les dépenses induites par la grippe A dans le seuil d’alerte. Une certaine confusion semble régner. En effet, il ne s’agit pas d’exclure de l’ONDAM les dépenses afférentes à la grippe A. Mais cet objectif ayant été défini au mois de septembre, il n’a pas été possible de tenir compte de ces dépenses, qui présentent un caractère d’ordre public. Ce traitement de crise est dérogatoire au droit commun. Nous ne pourrons évaluer les dépenses qu’a posteriori. Le coût des consultations sera modéré, qu’elles soient réalisées par les réseaux Sentinelles et GROG, Groupes régionaux d'observation de la grippe, ou par celui des médicaments hors Tamiflu pris en charge par l’EPRUS, l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires. Les indemnités journalières seront, elles, évaluées ex post.

Les caractéristiques de cette pandémie, la première du xxie siècle, ne permettent pas de prévoir le montant des crédits qui devront être mobilisés. Pour être logiques, M. Vasselle comme M. Jégou devraient proposer un taux majoré de l’ONDAM, ce qui est bien évidemment tout à fait impossible, compte tenu du fait que nous ne disposons pas des évaluations nécessaires.

Vous refusez d’affecter la contribution des organismes complémentaires à l’EPRUS. Or cet organisme finance l’ensemble de la vaccination, et il n’est que logique de lui affecter cette contribution. Le schéma paritaire entre l’État et l’assurance maladie n’est nullement remis en cause.

Le secteur optionnel a été évoqué par de nombreux sénateurs siégeant sur différentes travées. Je ne souhaite pas que la convention ou, à défaut, un règlement arbitral définisse ce secteur, car cela reviendrait à déterminer une date butoir pour sa création. Il s’agirait, de surcroît, d’un cavalier social. Nous ne pouvons obliger les partenaires conventionnels à signer au mois de février un accord insatisfaisant. Le protocole du 15 octobre est une première étape. Des discussions approfondies doivent être poursuivies. Les conditions de convergence du secteur 2 vers le secteur optionnel doivent être réelles. Les organismes complémentaires doivent garantir de façon concrète leur participation au financement du secteur optionnel et des contreparties substantielles doivent limiter le coût pour l’assurance maladie, qui prendrait à sa charge la généralisation du modificateur K, les revalorisations de la CCAM technique, sans compter les cotisations sociales. Pour l’instant, le compte n’y est pas.

M. About n’étant pas présent, je reviendrai sur la convergence intrasectorielle ultérieurement.

Le report de la convergence intersectorielle à 2018 est absolument indispensable. Il faut mener à terme les études nécessaires pour « objectiver » et quantifier les écarts de coût, car la convergence s’entend « dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes par les tarifs ». Il faut, en outre, laisser aux établissements le temps de procéder aux adaptations nécessaires et d’absorber la convergence tarifaire. La plupart des établissements hospitaliers font des efforts non négligeables en la matière.

Le processus a commencé. L’écart a été réduit de dix points depuis 2008 : il est passé de 37 % à 27 %. La convergence est effective pour certains secteurs ; elle est obligatoire pour les prestations nouvellement créées. Cette précision intéressera Alain Milon, que je remercie de son soutien.

Toutefois, pour aller dans le sens indiqué par MM. Jean-Jacques Jégou et Alain Vasselle, nous voulons promouvoir une démarche innovante dans quelques dizaines de GHS, c'est-à-dire les groupes homogènes de séjour.

Ce travail a été confié à l’ATIH, l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation, et une première liste est en train d’être analysée qui, pour répondre à la question qui m’a été posée, concerne essentiellement la chirurgie ambulatoire et la chirurgie à sévérité légère.

Quatrièmement, pour avancer le RPPS, c'est-à-dire le répertoire partagé des professionnels de santé – notre manie des sigles nous rend parfois incompréhensibles ! –, par circulaire du 16 juillet 2008, la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins a demandé aux établissements de santé qui bénéficiaient naguère de la dotation globale de recueillir les identifiants de leurs médecins salariés, sans attendre la publication des textes juridiques y afférents.

Le dernier relevé de juillet 2009 montre que cette opération est en bonne voie et qu’elle devrait être terminée à la fin de cette année. Les deux tiers des CHU – les établissements où cette tâche est la plus complexe –, ont atteint une quasi-exhaustivité.

Les textes juridiques portant création du RPPS ont été publiés en février 2009, comme je m’y étais d'ailleurs engagée auprès de vous, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, et le dispositif de guichet unique sera pleinement opérationnel au début de 2010.

Les textes relatifs à la double identification des prescripteurs par leur numéro personnel et leur numéro d’établissement sont en cours d’examen au Conseil d'État et leur publication est attendue avant la fin de cette année.

Pour être effectif, le suivi des prescriptions hospitalières requerra également des modifications des logiciels des professionnels de ville et des transporteurs sanitaires.

Les évolutions des cahiers des charges SESAM-Vitale ont été réalisées par la CNAM et transmises aux éditeurs, mais il faudra compter au moins douze mois – je suis parfaitement transparente avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs –, avant que le déploiement de ces logiciels soit effectif chez tous les professionnels. En outre, nous devrons faire preuve d’un grand volontarisme dans ce domaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, certaines de vos questions de fond vont bien au-delà du cadre « classique » d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ainsi, monsieur Barbier, vous vous êtes demandé s’il fallait instaurer un « bouclier sanitaire », pour l’appeler par son nom, car c’est bien à cela que reviendrait la création d’une franchise annuelle en fonction du revenu.

Ce débat dépasse largement celui qui nous concerne aujourd'hui. Toutefois, le pacte de 1945 est parfaitement clair : chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Il s'agit là, me semble-t-il, d’un principe qui fait consensus, ou du moins qui suscite une très large adhésion parmi nous, quelle que soit notre sensibilité politique !

M. Guy Fischer. Nous sommes d’accord !

M. François Autain. Oui, nous sommes d'accord !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne me vois pas aborder cette question au détour d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Peut-être les candidats à l’élection présidentielle de 2012 le feront-ils, car c’est véritablement dans ce cadre que ce problème doit être discuté.

Par ailleurs, plusieurs orateurs ont évoqué les recettes nouvelles qu’il conviendrait d’accorder à l’assurance maladie. Pourquoi pas, en effet ?

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, nos dépenses de santé sont parmi les plus élevées du monde, nos dépenses hospitalières étant même les plus importantes, par tête d’habitant. Or qui paye, finalement, l’assurance maladie ? Celle-ci est financée à 45 % par des cotisations prélevées sur les salaires, à 35 % par la CSG, un impôt qui est acquitté par tous, vous ne pouvez pas le contester, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, puisqu’il a été inventé par la gauche,…

M. Guy Fischer. Aïe, aïe, aïe !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … enfin, à 20 %, par des recettes affectées. Or toutes ces sources de financement sont autant de ponctions directes sur le pouvoir d’achat des ménages.

Avant d’augmenter les ponctions sur les ménages, je pense, comme beaucoup d’autres, qu’il faut se demander si notre système de santé ne recèle pas des marges d’efficience… Et c’est bien le cas, je puis vous l’assurer !

Ainsi, selon le rapport de la Cour des comptes rédigé par Mme Ruellan, pour réaliser cinq mille actes d’anesthésie, il faut, selon les cas, entre quatre et trente infirmières, tandis que, en pneumologie, le nombre de médecins spécialisés par lit varie de un à dix suivant les hôpitaux, entre autres exemples tout à fait parlants.

Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de ponctionner encore davantage le pouvoir d’achat des Français, attachons-nous à utiliser ces marges d’efficience ! C’est ce que je vous ai proposé à travers la loi « hôpital, patients, santé et territoires », que vous avez bien voulu voter et qui a été promulguée le 21 juillet dernier.

Notre système de santé a besoin de moyens supplémentaires - nous les lui accordons à travers un taux de progression de l’ONDAM extrêmement ambitieux, puisqu’il est de 3 % - et doit également être réorganisé, et c’est ce que nous avons fait à travers la loi du 21 juillet 2009.

C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas adopter la motion, défendue par Mme Raymonde Le Texier, tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, croyez bien que nous ne refuserons pas le débat, s’il le faut, mais nous partirons de la réalité des comptes de la sécurité sociale et, je le répète, nous exigerons des solutions immédiates !

En effet, comme les sénateurs de votre majorité eux-mêmes l’ont souligné, il est temps d’agir, au lieu de nous reposer sur des perspectives lointaines et de nous laisser détourner des vrais enjeux. L’hôpital, en particulier, a bien besoin aujourd'hui d’aide et de compréhension, sinon il continuera à se vider des quelques grands praticiens dont il s’enorgueillit encore.

Nous voulons débattre, mais M. Woerth a d’ores et déjà affirmé qu’il fallait attendre, une fois de plus. Il a repris une démonstration que nous avons déjà souvent entendue, où il était question, notamment, de sortie de crise et d’emploi. S'agissant du chômage, d'ailleurs, monsieur le ministre, la situation est encore plus catastrophique que celle que vous dépeignez !

En outre, M. Vasselle, sur lequel nous comptions, parce qu’il avait montré ses muscles en commission, vient de reprendre l’argumentation de M. Woerth, presque au mot près.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas complètement !

M. François Autain. C’est classique !

M. Bernard Cazeau. Dès lors que nous ne pouvons même plus avoir confiance en notre rapporteur, qui nous avait tant promis, nous opposons à ce texte la question préalable. L’argumentation de Mme Le Texier a été suffisamment claire. Que chacun maintenant prenne ses responsabilités !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 67, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 63 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par M. Daudigny, Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°68.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (n° 82, 2009-2010).

La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la motion.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, après toutes les déclarations prononcées depuis ce matin à cette tribune, vous avez l’occasion d’être cohérents avec vous-mêmes et de prendre une décision qui serait, certes, inaccoutumée – le renvoi en commission –, mais à la hauteur de la situation exceptionnelle que nous connaissons.

Vous l’avez tous souligné : les comptes sociaux sont au bord du gouffre. Plusieurs « grandes premières » ont été citées par les orateurs qui m’ont précédé. En voici une autre : pour la première fois, la commission des finances de l’Assemblée nationale n’a pas adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale, faute de majorité ! Notre collègue députée qui remplissait les fonctions de rapporteur a jugé les choix du Gouvernement « peu vertueux et surtout risqués » et son projet « insuffisant », et elle-même s’est abstenue.

Nous aussi, les parlementaires, nous avons une responsabilité, et s’il ne nous appartient pas d’assumer celle du Gouvernement, nous ne pouvons cautionner un projet d’une telle indigence face au danger que représente, à très court terme maintenant, une dette insoutenable.

La litanie des chiffres donne le vertige. Les déficits explosent. En 2010, toutes les branches seront dans le rouge. La fin de la crise laisse-t-elle présager le retour à l’équilibre ? Non ! Nous le savons, la dette qui était pour partie conjoncturelle dans ses causes, bien sûr, est devenue totalement structurelle.

De même, le déficit est permanent, et il est malheureusement prouvé que le retour de la croissance ne permettra pas de le supprimer. C’est bien la pérennité même de notre système de protection sociale qui en jeu.

Or quelle est la réponse du Gouvernement ? Un projet d’attente, surréaliste – le terme a déjà été utilisé –, celui précisément qui est proposé à l’examen de la Haute Assemblée.

Madame la ministre, je vous ai interrogée récemment ici même pour savoir quel pouvait être l’objectif d’un gouvernement dont on a le sentiment qu’il regarde couler ce vaisseau, pourtant au cœur de notre identité nationale. Votre réponse a été un peu décalée. Vous m’avez reproché de mélanger les différentes branches de la sécurité sociale.

J’en profite donc pour vous confirmer que j’évoquais bien le déficit du régime général : 10,2 milliards d'euros en 2008, 23,5 milliards d'euros en 2009, 30,6 milliards d'euros prévus pour 2010, 30 milliards d'euros pour 2011, pour 2012 et pour 2013.

J’évoquais également le plafond des avances de trésorerie autorisé de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, qui serait porté à un montant historique de 65 milliards d'euros. À ce rythme, en 2013, les déficits cumulés atteindront 170 milliards d'euros : 150 milliards d'euros pour l’ensemble des régimes et 20 milliards d'euros pour le Fonds de solidarité vieillesse.

Madame la ministre, je ne peux pas non plus ne pas réagir lorsque vous affirmez lutter contre les refus de soins par des mesures de plus en plus précises en prévoyant des sanctions à l’encontre des professionnels de santé qui ne respectent pas leurs obligations. Or vous vous êtes prononcée contre la légalisation du testing que nous défendions lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires ; vous avez refusé l’instauration de sanctions à l’encontre des comportements discriminatoires que nous proposions également ; vous avez choisi de laisser peser l’entière charge de la preuve de la discrimination sur l’assuré.

Que doit-on croire, madame la ministre : ce que vous dites ou ce que vous faites ? Vos discours, aussi assurés et volontaires qu’ils soient, ne peuvent tenir lieu de politique !

En matière ambulatoire, qu’avez-vous fait pour instaurer un réel accès aux soins ? Vous avez accordé des augmentations de rémunérations sans contreparties. Vous avez abandonné – ce sont les médecins qui l’affirment ! – l’outil conventionnel, qui est aujourd'hui à bout de souffle. Et la perspective de la création d’un secteur optionnel, depuis la signature, le 15 octobre dernier, d’un protocole entre l’assurance maladie, une partie des représentants des médecins et des organismes complémentaires, ressemble fort à un marché de dupes pour la sécurité sociale et les mutuelles.

Vous ne répondez pas à cette question fondamentale pour nos concitoyens. Pourquoi ne dites-vous pas la vérité, qui est qu’en laissant passivement filer les déficits depuis des années, vous procédez, avec la sécurité sociale, comme vous venez de le faire pour l’hôpital ? C’est une triste valse à trois temps : désengagement de l’État, asphyxie financière, dilution dans le privé.

Les victimes, ce sont les Françaises et les Français, surtout les plus humbles d’entre eux.

Car à l’impéritie vous ajoutez l’injustice sociale, en faisant peser sur l’usager la responsabilité et le coût de la dette. Ce projet de loi ne déroge pas à ce qui est devenu la règle : nouvelle hausse du forfait hospitalier, nouveau déremboursement de médicaments, nouveau transfert sur les mutuelles.

Vous organisez ainsi, peu à peu, année après année, franchise après franchise, de manière peu visible mais certaine, la baisse constante de la part socialisée des dépenses de santé.

Nous le savons, les économies attendues de ces mesures sont dérisoires au regard de l’ampleur de la dette. En revanche, elles sont lourdes de conséquences pour les budgets et la santé des familles. Mais, au nom d’un vieil évangile fiscal, imprimé rue du Faubourg-Saint-Honoré, vous trouvez juste de taxer les plus fragiles plutôt que d’avoir recours aux prélèvements obligatoires et de répartir la charge sur tous. Au nom du saint bouclier, vous préférez laisser enfler la dette sociale, alors que vous pourriez à tout le moins en atténuer la charge en rétablissant la CRDS dans le droit commun des cotisations, ce que des voix réclament dans votre propre camp.

Les ressources nouvelles que vous nous proposez d’adopter sont tout aussi marginales et loin d’être à la hauteur des enjeux.

« Un déficit structurel appelle des réformes également structurelles qui ont rarement un impact immédiat. » Ainsi s’exprimait le Premier président de la Cour des comptes devant la commission des affaires sociales du Sénat. Il n’y a pas à chercher : rien de tel dans ce texte. Et force pour nous est de débattre non pas sur ce qui y est, mais sur ce qui n’y est pas.

J’en viens au secteur médico-social. Je souligne que, pour la deuxième année consécutive, nous disposons de l’excellent rapport, à la fois objectif et enrichissant, de notre collègue Sylvie Desmarescaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Yves Daudigny. Les comptes présentés apparaissent favorables, avec un taux de progression global des deux ONDAM de 5,8 %. Mais nous avons constaté un certain manque de sincérité si l’on tient compte du « débasage » de 150 millions d’euros sous-consommés et réintégrés l’année dernière dans les comptes de l’assurance maladie, ainsi que des opérations de transfert entre secteurs.

On se souvient également de la charge nouvelle que constitue la partie des contrats de projets État-régions imputée à la CNSA, à hauteur de 30 millions d'euros en 2009.

Ces multiples « tuyautages » rendent évidemment l’appréciation des chiffres malaisée et plus encore celle de leur fléchage.

Nous sommes bien sûr inquiets du déséquilibre naissant des comptes de la CNSA. Quelles sont les garanties d’un financement pérenne de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et de la prestation de compensation du handicap, la PCH, dont la montée en charge constitue un poids croissant pour les départements ? Les finances des conseils généraux sont durement affectées par l’effondrement des droits de mutation, par l’explosion des dépenses sociales, par des transferts de compétences mal compensés, sans parler de la suppression de la taxe professionnelle, que l’on nous annonce.

La répartition de la part nouvelle du financement de l’APA devait, à l’origine, être établie à parité avec l’État. Or les départements assument aujourd’hui 70 % du fonctionnement ! Contrairement à ce qu’affirmait Nadine Morano à cette même tribune tout à l’heure, à partir de 2009, aucune couverture globale de la charge de la prestation de compensation du handicap par la CNSA n’est prévue pour les départements ! Nous demandons depuis des années que la solidarité nationale assume le fonctionnement des allocations universelles, dont les élus locaux ne décident ni du principe ni du montant.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Yves Daudigny. En outre, quelles seront les conséquences de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires sur le secteur médico-social, avec la disparition des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS ? Comment s’articuleront les compétences actuelles des départements et les coopérations avec les agences régionales de santé ? Nombre d’incertitudes demeurent et vous prenez dans la caisse de l’assurance maladie pour assurer le financement du fonctionnement des agences régionales de santé.

La nouvelle tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EPAD, suscite les mêmes inquiétudes et les enjeux en sont tout aussi fondamentaux.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Yves Daudigny. À quel moment le facteur humain et la préservation des liens sociaux, aspects majeurs s’il en est, sont-ils pris en compte dans les référentiels ?

M. Guy Fischer. Ils n’en veulent pas !

M. Yves Daudigny. En réalité, la vision strictement comptable du Gouvernement aboutit à ce paradoxe que les places créées deviennent inaccessibles à une grande partie de celles et de ceux qui en ont le plus besoin !

Aujourd’hui, les personnes âgées dépendantes et les familles ne demandent plus où et comment elles pourront être accompagnées mais pour combien ! Celles et ceux qui viennent nous voir demandent non plus une place, mais un prix !

C’est que la question même de la prise en charge solidaire de la dépendance en est toujours au stade initial. Déclarations, engagements et rendez-vous solennels du Gouvernement restent conjugués au futur...improbable !

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 le confirme, lui qui ne traite aucune des questions que je viens d’évoquer, hormis dans un unique article, relatif à la prise en charge des frais de transports des adultes handicapés. Et encore est-ce pour le seul accueil de jour et a minima. C’est certainement la « politique des petits pas », dont parle notre collègue Alain Vasselle !

La même indigence frappe votre politique familiale, que résume la seule disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 consacrée à la branche, disposition qui plus est parfaitement marginale, pour ne pas dire vénielle, tandis que les mesures adoptées l’année dernière pour l’accueil de la petite enfance tardent toujours à produire les effets annoncés. De l’avis même des professionnels, elles n’ont, pour l’instant, que contribuer à dégrader les conditions d’accueil.

Car telles sont nécessairement les conséquences des décisions qui poussent la quantité à la hausse, mais qui tirent à la baisse les qualifications requises ! (M. Guy Fischer applaudit.)

Par ailleurs, les comptes de la branche famille font apparaître un déficit nouveau et préoccupant, alors que des mesures d’économies avaient déjà fortement contraint les dépenses et que la tendance à la réduction des familles nombreuses devrait tirer le volume des prestations vers le bas.

Certes, et nous sommes d’accord sur ce point, il faut tenir compte des effets de la crise – 1,6 milliard d'euros de perte de recettes –, et particulièrement de la dégradation de l’emploi, qui entraîne une forte augmentation de l’allocation logement. Mais le rôle essentiel d’amortisseur social que jouent les allocations familiales s’en trouve amoindri et l’annonce d’un possible gel de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, du complément familial et de l’allocation de rentrée scolaire en 2010 est fort malvenu pour les familles et les enfants. D’ailleurs, rien dans ce projet de loi de financement ne montre que vous vous préoccupiez vraiment des enfants et des familles.

M. Guy Fischer. C’est scandaleux, avec cette crise !

M. Yves Daudigny. Il vous aura fallu pas moins de deux ans pour enfin installer le Haut Conseil de la famille. Vous avez purement et simplement renoncé à la mise en place du Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Vous décidez de supprimer l’institution du Défenseur des enfants.

M. Guy Fischer. Là aussi, c’est inadmissible ! Mme Versini faisait du bon travail !

M. Yves Daudigny. Vous mettez à mal l’existence du Fonds d’aide aux mineurs isolés.

Tout cela démontre encore, si besoin était, l’illusion que serait le vote de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 par la représentation nationale.

Enfin, je ne peux passer sous silence l’article 38 de ce texte, qui construit un magnifique prototype d’usine à gaz. La question ici posée aurait tout de même mérité que l’on y réfléchisse un peu mieux ! Travaillons donc ensemble à son élaboration et à sa rédaction.

Voilà une raison supplémentaire de renvoyer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 à nos travaux de commission, sauf à légiférer vite, mal, inutilement et injustement.

Qui contesterait en effet que nous sommes soumis à un stakhanovisme législatif invraisemblable, qui nous monopolise en séance publique presque sept jours sur sept maintenant ? (M. Guy Fischer applaudit.) Nous avons eu connaissance du texte définitivement adopté par l’Assemblée nationale il y a quelques jours seulement !

M. Guy Fischer. Il a raison !

M. François Autain. Il a totalement raison !

M. Yves Daudigny. Les rapports ont été examinés en commission dès le lendemain, tandis que se tenaient dans le même temps, en séance publique, de jour comme de nuit, un important débat sur la privatisation de La Poste et, en commission, plusieurs auditions ouvertes sur les projets de réforme de la taxe professionnelle et des collectivités territoriales.

M. Guy Fischer. On n’a pas pu y participer !

M. Yves Daudigny. Il serait sage que nous nous accordions un temps de réflexion supplémentaire.

Mes chers collègues, vous avez jugé depuis ce matin la copie du Gouvernement mauvaise : il faut donc la revoir !

Monsieur Vasselle, voilà peu, en 2006, à l’occasion de l’examen d’une motion de renvoi à la commission déposée sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, vous affirmiez n’être pas persuadé que son adoption apporterait des éléments nouveaux, car, disiez-vous, « les fondements de la réforme sont là ». J’en déduis que vous serez, cette année, très favorable à cette motion visant au renvoi à la commission des affaires sociales du présent texte, tant les fondements de la réforme font aujourd'hui défaut.

En effet, nous sommes parfaitement d’accord avec vous lorsque vous constatez l’irréalisme des hypothèses de croissance de ce projet de loi, pudiquement qualifiées de « volontaristes », lorsque vous déplorez la « politique des petits pas », c'est-à-dire l’attentisme gouvernemental, lorsque vous regrettez un texte « peu foisonnant », c’est-à-dire indigent. Vous le voyez, maintenant je sais lire du Vasselle dans le texte ! (Sourires.)

Mes chers collègues, nous sommes à un tournant. Une décision s’impose. Tout au long de la discussion générale, vous avez sonné l’alerte au feu. Vous faites résonner le tocsin. Réagissons !

M. Guy Fischer. Résistons !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ici Londres ! (Sourires.)

M. Yves Daudigny. Répondez présents à cet appel que vous lançait déjà notre collègue Raymonde Le Texier l’année dernière, dans les mêmes circonstances, quand elle nous invitait à ne pas laisser passer cette « occasion de travailler ensemble sur la refondation de notre système social, et ce en conservant comme objectifs les idéaux qui ont présidé à sa construction par le Conseil national de la Résistance. »

Oui, madame la ministre, je reprends à mon compte les mots de notre collègue, à quelques heures des commémorations de l’armistice du 11 novembre 1918 : ce que nos pères ont pu faire alors qu’ils sortaient d’une des guerres les plus meurtrières du siècle,...

M. Guy Fischer. Votre père, madame la ministre !

M. Yves Daudigny. ... alors que leur pays était en ruine et leur économie dévastée, nous pouvons de nouveau le faire si le courage politique et l’ambition humaniste nous animent encore. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Autain. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne prendrai pas quinze minutes pour répondre à notre collègue Yves Daudigny.

M. François Autain. C’est dommage !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je formulerai simplement deux remarques, avant d’émettre l’avis de la commission.

Première remarque, notre collègue s’est largement référé au texte portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, sur lequel le Sénat a travaillé de nombreux jours en juillet dernier, avant la suspension de ses travaux.

M. Guy Fischer. C’est un désastre, cette loi !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Or j’ai noté, en commission, que de nombreux amendements émanant du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche tendaient à réintroduire dans le présent texte les mesures qu’ils n’avaient pas réussi à faire adopter en juillet dernier.

M. Guy Fischer. Nous avons de la suite dans les idées !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Bien évidemment, ces amendements n’ont pas leur place dans ce texte, puisqu’ils sont, pour la plupart, frappés d’irrecevabilité sociale et pourraient être assimilés à des cavaliers.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Seconde remarque, M. Daudigny s’est référé aux fondements de la réforme de notre système de sécurité sociale et, plus particulièrement, de la branche maladie.

Je lui indique que nous avons poursuivi le renforcement de ces fondements en votant la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » que je viens d’évoquer. C’est ce volet substantiel, consacré à l’hôpital, qui manquait à la réforme pour tendre vers l’efficience à laquelle nous aspirons tous.

M. Guy Fischer. C’est le démantèlement du service public hospitalier !

M. François Autain. Vous voulez supprimer le service d’hospitalisation public !

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Tous les éléments étant maintenant réunis, il appartient au Gouvernement de les « mettre en musique » pour que nous obtenions des résultats rapidement.

Comme l’a affirmé Mme Bachelot-Narquin lors de sa réponse à Mme Le Texier, et je partage sans réserve ses propos, de très grandes marges d’efficience peuvent encore être dégagées dans notre système de protection sociale, et plus particulièrement en matière de convergence tarifaire, ainsi que nous aurons l’occasion de le développer plus avant dans la discussion des articles.

Nous devons avancer dans ce sens. Sachons nous montrer capables d’utiliser nos moyens budgétaires pour y parvenir.

Enfin, j’indique que nous ne pouvons accepter la demande de renvoi à la commission, car cela signifierait que les rapporteurs n’ont pas effectué correctement leur travail et qu’ils n’ont pas suffisamment approfondi leur examen du PLFSS.

En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, j’ai procédé personnellement à plus de vingt auditions ; la commission en a organisé elle-même six, sans compter celles qui ont été engagées, au nom de la commission des affaires sociales, par les corapporteurs, Gérard Dériot, André Lardeux, Dominique Leclerc, ainsi que Sylvie Desmarescaux, que vous avez d’ailleurs félicitée pour la qualité de son rapport.

Vos compliments apportent de l’eau au moulin du rapporteur général, puisqu’ils confirment que le travail a été fait suffisamment en profondeur pour ne pas renvoyer ce texte en commission.

C’est la raison pour laquelle j’invite mes collègues à rejeter la motion tendant au renvoi à la commission.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 68, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2010
Première partie

7

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 12 novembre 2009, à dix heures, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale (n° 82, 2009-2010).

Rapport de MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc, Gérard Dériot, André Lardeux et Mme Sylvie Desmarescaux, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 90, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 91, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD