Mme Bariza Khiari. Le sixième alinéa de l’article 2 du projet de loi vise à rappeler que les missions de service public consistent aussi dans le transport et la distribution de la presse.

En la matière, nous avons de bonnes raisons d’être inquiets. Le protocole d’accord signé le 23 juillet 2008 entre la presse, La Poste et l’État programme une contribution annuelle dégressive de l’État pour le transport et la distribution de la presse. Ce protocole, qui exige un réel effort tarifaire de la part des éditeurs, menace d’accroître encore les difficultés qu’ils connaissent actuellement.

Le moratoire existant actuellement sur l’application de cet accord pour sa partie tarifaire mériterait d’être prolongé, mais nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement dans ce débat.

Il ne suffit pas de reconnaître le caractère primordial du transport et de la distribution de la presse ; encore faut-il se donner les moyens de préserver le droit à l’information, composante essentielle des libertés d’opinion et d’expression. En particulier, l’État doit veiller à assurer le pluralisme de l’information sur tout le territoire.

Quelle que soit la progression des moyens électroniques de communication, la presse écrite reste un support d’information essentiel, particulièrement dans les zones rurales, où les habitants ne bénéficient pas tous, tant s’en faut, de l’accès au haut débit ou au très haut débit.

Cet amendement vise à lier explicitement la mission de service public de La Poste à l’égard de la presse et la responsabilité politique et administrative des ministres en ce qui concerne la fixation des tarifs, lesquels doivent favoriser le pluralisme, notamment celui de l’information politique et générale.

Ce fondement de la démocratie a été souligné par le Conseil constitutionnel. Le fait de l’inscrire dans l’article 2 de ce projet de loi vise à lui donner la prééminence sur les autres dispositions plus techniques du code des postes et des communications électroniques.

Mme la présidente. L'amendement n° 44, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Sous des dehors sympathiques, l’alinéa 7 de l’article 2 du présent projet de loi constitue en réalité un recul.

En ce qui concerne la mission de service public consistant à mettre à disposition des usagers des services financiers, l’article 2 de la loi du 2 juillet 1990, dans sa version consolidée, dispose que La Poste « exerce ses activités financières dans les conditions prévues à l’article L. 518-25 du code monétaire et financier ».

Le glissement opéré par le projet de loi est clair : nous passons d’un service public bancaire, assumé par un établissement de crédit dépendant d’une entreprise sous raison juridique d’exploitant public, et portant sur l’ensemble des prestations qu’un usager est en droit d’attendre d’une banque de détail, à un service public rabougri, réduit à sa plus simple expression, c’est-à-dire limité à l’accessibilité bancaire assurée à ceux-là mêmes dont la clientèle n’intéresse aucunement les autres établissements de crédit.

Quelle est cette conception du service public qui consiste, dans les faits, à le réduire à l’état le plus minimal et à ouvrir toute latitude aux organes dirigeants de la future société anonyme de se débarrasser de tout ou partie des missions pour l’heure accomplies par la Banque postale, au motif que ces activités entreraient banalement dans le champ des activités de caractère concurrentiel ?

Nous refusons que les encours de dépôts comme de prêts aujourd’hui gérés par la Banque postale, et qui s’élèvent tout de même à plus de 275 milliards d’euros, deviennent demain l’objet de la convoitise d’autres établissements.

Mme la présidente. L'amendement n° 584, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après le mot :

bancaire

insérer les mots :

au plus grand nombre, conformément à sa mission de service public,

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Dans le domaine financier, la Banque postale doit rester une « banque pas comme les autres », au service des plus modestes.

L’objet social de la Banque postale, tel qu’il figure dans la loi, lui donne pour mission de proposer des produits et services au plus grand nombre. Cette mission fixe un cadre général qui oriente l’action de la banque, tant dans la conception de ses produits et services que dans son positionnement tarifaire. La Banque postale exerce ainsi une mission de service public d’accessibilité bancaire, décrite dans la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, et qui passe, notamment, par le livret A. Cette mission doit comprendre l’obligation d’ouvrir un livret à toute personne qui le demande et l’obligation de réaliser des opérations portant sur de petits montants.

Cet amendement tend à inscrire la totalité de l’offre de la Banque postale dans la logique d’une mission de service public.

Mme la présidente. L'amendement n° 197, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer la référence :

L. 518-25-1

par la référence :

L. 518-25

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement tend à clarifier la situation des activités financières de La Poste. Il s’agit de soulever de nouveau le problème de l’existence d’une filiale dédiée aux activités financières, en l’espèce la Banque postale, et de sous-filiales créées par cette dernière depuis sa constitution en 2005 et dédiées aux différents segments d’activités que recouvre la banque.

Il faut voir dans ce processus l’illustration de ce que l’on pouvait craindre dès cette époque pour les services financiers de La Poste. En pratique, ces derniers sont de plus en plus éloignés de leur mission originelle et originale de service bancaire de base, et de plus en plus proches de la banalité des activités financières de n’importe quel établissement de crédit.

Nous allons, de fait, nous trouver confrontés au problème du droit applicable aux agents de ces services financiers. La filialisation favorise naturellement le recrutement de personnels échappant au statut de la fonction publique, c’est-à-dire de salariés soumis aux règles de la profession bancaire, voire à celles d’une nouvelle convention collective. Pour l’heure, sauf erreur, les fonctionnaires attachés aux services financiers demeurent associés aux règles statutaires de la fonction publique, moyennant parfois un calcul complexe de pondération de leur activité, tandis que les contractuels ou les salariés de droit privé peuvent procéder tantôt de la convention collective des banques, tantôt d’une autre convention. En revanche, les salariés qui, tout en travaillant dans les activités financières, n’ont pas de contact avec le public, relèvent d’autres textes moins favorables.

Dans les faits, cependant, le statut de ces nouveaux salariés reste moins avantageux et plus précaire, quand celui qui s’applique aux salariés de La Poste pâtit du mouvement de départs en retraite des agents de la fonction publique.

Parce qu’il convient de redonner sens à l’activité de « banque au service du public » de La Poste, il est plus que temps de procéder à la modification statutaire de la Banque postale en la réintégrant au sein du groupe La Poste.

Mme la présidente. L'amendement n° 462, présenté par MM. Teston, Botrel, Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par les mots :

et qui offre au plus grand nombre de personnes, y compris celles aux revenus modestes, la possibilité de bénéficier aux guichets de La Poste d'une prestation de domiciliation de leurs revenus, de retrait d'argent liquide et d'émission de paiement

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. Cet amendement tend à préciser la mission d’accessibilité bancaire de La Poste.

La Banque postale offre un service qui a pour objet de répondre aux attentes du plus grand nombre, notamment aux personnes modestes ou à celles qui ont des difficultés pour se déplacer.

Les citoyens en général, mais tout particulièrement les personnes en situation de handicap, en grande détresse sociale ou disposant de revenus modestes, doivent pouvoir accéder à un service bancaire de proximité répondant à leurs besoins particuliers. C’est en ce sens qu’il nous semble utile de préciser dans la loi que, sur l’ensemble du territoire, ces personnes pourront bénéficier aux guichets de La Poste d’une prestation de domiciliation de leurs revenus, de retrait d’argent liquide et d’émission de paiement.

La Banque postale offre en effet une valeur ajoutée à celles et ceux qui ne peuvent pas se payer les services d’une ces banques commerciales qui tendent de plus en plus à considérer leurs clients comme des apports de revenus assurés. À l’heure où les guichets des banques disparaissent, où les prestations assurées ne sont plus réellement monétaires, la Banque postale continue de représenter une garantie de service qu’il faut préserver. Les citoyens aux revenus modestes ne doivent pas être contraints d’acquérir des produits bancaires inutiles ou d’autres services dont la vente est plus ou moins forcée dans le reste du secteur bancaire.

Soulignons que le livret A constitue le dernier outil pour remédier à cette exclusion, les populations les plus démunies l’utilisant quasi quotidiennement pour effectuer les opérations financières de base. Une partie importante des allocataires de minima sociaux et des personnes en détresse sociale ont ainsi accès à un compte scriptural gratuit.

Mme la présidente. L'amendement n° 389, présenté par MM. Teston, Bourquin, Botrel, Chastan, Courteau, Daunis et Guillaume, Mmes Herviaux et Khiari, MM. Mirassou et Navarro, Mme Nicoux, MM. Patient, Patriat, Raoul, Raoult, Repentin, Collombat, Bérit-Débat, Berthou et Daudigny, Mme Bourzai, M. Rebsamen et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À ce titre, La Poste veille à ne conclure aucun accord avec des sociétés proposant des crédits dits « revolving ».

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. C’est le président de La Poste lui-même qui affirmait récemment que la Banque postale, « grâce à une gestion raisonnable, a surmonté la crise bancaire pour se positionner comme une banque de confiance et de référence, qui compte près de dix millions de clients actifs et continue de gagner des parts de marché ». Rappelons quand même que, si La Poste et la Banque postale ont été épargnées par la crise financière, c’est grâce à leur statut et parce qu’elles étaient à l’abri des produits toxiques.

L’article 2 consacre l’accessibilité bancaire comme l’une des missions de service public assignées à La Poste et ses filiales. En ce qui concerne l’encadrement des crédits à la consommation, l’une des difficultés consiste à trouver un juste équilibre permettant de préserver le recours au crédit tout en protégeant davantage les consommateurs les plus modestes qui, étant exclus de l’accès aux crédits traditionnels, et en l’absence de produit financier adéquat, se dirigent très souvent vers les crédits renouvelables, ou crédits revolving.

Cet amendement vise à réduire le plus possible la faculté, pour les utilisateurs de La Banque postale, de recourir à ces produits susceptibles de les conduire à un endettement maximal. En effet, le crédit renouvelable s’adresse tout particulièrement aux ménages dont le revenu annuel disponible est inférieur à 20 942 euros. Rappelons que ces ménages à revenu modeste ont représenté plus de 40 % des ouvertures de compte de crédit renouvelable en 2007.

La filiale Banque postale Financement devrait être opérationnelle dans certaines régions dès le début de l’année 2010 et couvrir l’intégralité du territoire en mars 2010. Il est spécifié que l’offre sera proposée « dans un premier temps » sans crédit revolving, Or nous pensons que cela ne doit pas se faire seulement « dans un premier temps », mais de manière pérenne.

Il faut mettre en œuvre des dispositifs de protection renforcés, et cela va toujours mieux en le disant et, mieux encore, en l’écrivant. Tel est l’objectif que nous voulons atteindre avec cet amendement, qui se situe dans le droit fil de celui qu’a présenté précédemment mon collègue Michel Teston.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 39 à 389 ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L’amendement n° 39 tend à supprimer les alinéas 3 à 7 de l’article 2, ce qui reviendrait à supprimer la définition des missions de service public, à laquelle nous sommes très attachés. La commission ne peut donc qu’y être favorable.

L’amendement n° 417 est satisfait par la définition des missions de service public de La Poste telles qu’elle figure à l’article 2.

L’amendement n° 40 étant un amendement de suppression, la commission y est défavorable.

Elle est également défavorable aux amendements nos 456 et 457, qui sont satisfaits par l’article L. 1 du code des postes et communications électroniques. On y lit que le service universel postal est offert à des prix abordables pour tous les utilisateurs et que « les services de levée et de distribution relevant du service universel postal sont assurés tous les jours ouvrables, sauf circonstances exceptionnelles ».

S’agissant de l’amendement n° 458 rectifié, je dirai qu’il paraît difficile de faire de la distribution du courrier à j+1 une condition de service public. Il est satisfait par les informations sur les résultats. La commission y est donc défavorable, ainsi qu’à l’amendement n° 543, également satisfait par le code des postes et communications électroniques.

La commission demande le rejet de l’amendement n° 41, qui vise à supprimer la référence à la contribution de La Poste à l’aménagement et au développement du territoire.

L’amendement n° 42 tend à inscrire dans la loi le nombre de 17 100 points de contact et à imposer au moins un bureau de poste de plein exercice dans chaque canton. La commission y est défavorable puisque 127 cantons n’ont pas de bureau de poste géré en propre et que 38 cantons sont dépourvus de point de contact. Chacun sait en outre que la réforme de l’organisation territoriale risque de redéfinir le périmètre électoral que représente un canton, qui n’est pas un espace de gestion.

L’amendement n° 474 pourrait faire l’objet d’une discussion intéressante si M. Teston acceptait de le rectifier de manière qu’il s’applique à l’article 2 bis.

La commission est défavorable aux amendements nos 46, 45 et 279 : nous ne pouvons accepter que les points de contact soient exclusivement des bureaux de poste de plein exercice ou des agences postales communales.

L’amendement n° 280 a pour objet de prévoir que La Poste exerce la mission d’aménagement du territoire dans le respect des principes du développement durable. Nous pourrions, si vous acceptiez de le rectifier, monsieur Desessard, en reparler à l’article 2 bis ou à l’article 2 ter.

La commission est défavorable à l’amendement n° 544, qui tend à faire assurer le financement du fonds postal national de péréquation par la Caisse des dépôts et consignations.

M. Pierre-Yves Collombat. Il ne s’agit pas de faire assurer le financement du fonds par la CDC ! Relisez l’amendement : « Ce fonds est géré par la Caisse des dépôts et consignations » !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Avis défavorable quand même ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mais si ! On ne peut pas demander à la Caisse des dépôts de gérer le fonds. Pour le coup, ce n’est vraiment pas son rôle !

M. Bernard Frimat. Apportez au moins une argumentation !

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Sans entrer dans le détail des explications, nous refusons la gestion du fonds par la CDC, mais la discussion reste ouverte sur un autre mode de gestion.

Par l’amendement n° 545 rectifié, vous proposez, monsieur Teston, un système concret de financement. Toutefois, les opérateurs tiers n’auront qu’une position marginale sur le marché. Comme vous l’avez vous-même souligné, l’aménagement du territoire est une compétence de l’autorité publique. En conséquence, je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement n° 418 vise à préciser que La Poste exerce une mission d’aménagement du territoire sur tout le territoire, y compris en outre-mer. Hélas, dans certaines collectivités d’outre-mer, La Poste n’intervient pas comme elle le fait en général sur le territoire national ! Ainsi, il y a plusieurs opérateurs en Polynésie française, notamment. La commission émet donc un avis défavorable.

La commission souhaite également le rejet des amendements nos 464 à 472 qui traitent plus ou moins globalement ou individuellement le cas de différents types de zones présentant des caractéristiques défavorables. Nous récusons toute sectorisation dans la définition de la mission d’aménagement et de développement du territoire.

Je partage pleinement la préoccupation exprimée par M. Desessard dans l’amendement n° 281. Il est aujourd’hui indispensable de passer par Internet pour accéder à de nombreux services. Je vous propose toutefois de reporter cette proposition à l’article 2 bis, monsieur Desessard.

Sur l’amendement n° 43, de suppression, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 460 a trait aux conditions d’exercice de la mission de transport de la presse. Celles-ci sont réglées par le code des postes et télécommunications électroniques, ainsi que par l’accord État-presse-La Poste conclu le 23 juillet 2008. Elles n’ont pas vocation à être précisées dans cet article, qui se contente d’en établir la liste. Avis défavorable.

L’amendement n° 461 recueille un avis défavorable. Le contenu de mission de transport et distribution de la presse n’est pas défini seulement à l’article L.4 du code des postes et communications électroniques : il figure aussi dans sa partie réglementaire. La formulation actuelle est donc préférable.

La commission est défavorable à l’amendement n° 44, de suppression.

L’amendement n° 584 est satisfait par les dispositions du code monétaire et financier.

L’adoption de l’amendement n° 197, qui vise à définir la mission de service public d’accessibilité bancaire, aurait pour effet de nous exposer au risque de contrevenir aux règles communautaires. La commission émet donc un avis défavorable.

L’amendement n° 462 précise que La Poste offre au plus grand nombre la possibilité d’accéder à certaines prestations bancaires. Mais le présent article n’a pas pour vocation de décrire le contenu de la mission d’accessibilité bancaire, laquelle n’est pas modifiée par le présent projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.

Pour ce qui est, enfin, de l’amendement n° 389, quelle que soit l’opinion qu’on peut avoir à l’égard de la pratique du crédit revolving, ou crédit renouvelable, ce n’est pas à la loi en général ni à la présente loi en particulier d’apporter ce genre de précision. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, ministre. Je suis globalement d’accord avec toutes les remarques que vient de faire M. le rapporteur.

Parmi les amendements déposés, plusieurs ont trait à des questions de financement ou à la définition des missions d’aménagement du territoire de La Poste et doivent donc, comme l’a suggéré M. le rapporteur, plutôt être examinés dans le cadre de la discussion de l’article 2 bis ou de l’article 2 ter.

S’agissant de l’amendement n° 584, qui est satisfait, je demande à M. Fortassin de bien vouloir le retirer.

Pour le reste, le Gouvernement émet le même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 39.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’ai rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre, votre définition, pour le moins minimaliste, de la mission d’aménagement et du développement du territoire par le service postal, mission réduite à la présence de simples points de contact mis en réseau, et précisé que notre amendement était un amendement d’appel à enrichissement et à précisions. En effet, le projet de loi ne précisant nulle part la définition du point de contact, un simple distributeur automatique de timbres pourrait être considéré comme un point de contact.

Certes, vous prévoyez, à la fin du cinquième alinéa de l’article 2 que les conditions de la répartition des points de contact sont fixées par l’article 6 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, loi que vous avez d’ailleurs profondément modifiée en 2005, puis en 2007. Seulement, comme nous l’avons déjà vu à propos du service universel postal, cet article 6 renvoie en fait à un décret. Aussi, à tout moment, les conditions même de la répartition du réseau de point de contact peuvent être revues.

En fait, vous nous proposez de voter ce texte sans préciser ce qu’est un point de contact et sans vous engager sur les conditions de leur répartition sur l’ensemble du territoire ; vous ne serez donc pas étonné que nous nous y refusions. Nous nous y refusons d’autant plus que faire reposer la mise en œuvre de ce réseau de points de contact sur l’article 6 de la loi du 2 juillet 1990 pose différents problèmes.

Ainsi, comment allez-vous pouvoir continuer à permettre que des personnels des collectivités territoriales participent à l’animation de ces points de contact alors que La Poste sera devenue une entreprise privée comme n’importe quelle autre et que l’ouverture à la concurrence sera totale ? Bruxelles s’y opposera !

Nous allons certainement être amenés à revenir sur cette question au cours des débats, mais, pour revenir au cinquième alinéa de l’article 2 du projet de loi, puisqu’il est en fait une reprise très synthétique de l’article 6 de la loi du 2 juillet 1990, modifiée, je l’ai dit, en 2005 et 2007, vous ne serez pas non plus étonné, monsieur le ministre, qu’en cohérence totale avec notre prise de position de l’époque nous soyons contre les modalités de mise en œuvre du réseau de points de contact, en lieu et place du réseau de bureaux de postes, à l’époque encore en nombre sur l’ensemble de notre territoire

M. Nicolas About. Vous êtes pour votre amendement : ça au moins, c’est cohérent !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas de l’entêtement, je tiens à le dire, mais force est de constater que les critiques que nous émettions en 2005 et en 2007 se sont malheureusement révélées pertinentes.

Cette loi de déréglementation des services postaux a enclenché un processus de déstructuration, puis de destruction du service public postal.

M. Alain Gournac. Oh là là !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Après des milliers de fermetures de bureaux de poste, le saccage continue en ce moment même : au terme de cette journée de débat, trois bureaux supplémentaires auront fermé.

Aussi nous en appelons à tous les élus locaux présents dans cette assemblée. Demain, ce sera peut-être le tour de leur territoire, et je les invite à y penser au moment de leur vote !

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade.

M. Alain Gournac. Une deuxième explication de vote ?...

M. Nicolas About. Cette fois, c’est contre l’amendement ! (Rires sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme Odette Terrade. Si chacun ici peut au moins reconnaître aux sénateurs de notre groupe leur constance à défendre le service public postal et l’entreprise publique La Poste, il faut bien aussi reconnaître, monsieur le ministre, l’opiniâtreté que vous mettez, à l’inverse, à réduire ce service public.

M. Nicolas About. Pas de provoc’ ! On a vu ce que les communistes ont fait de régions entières du globe !

Mme Odette Terrade. Ce n’est pas la première fois que nous abordons cette question et que nous discutons du contenu de ce qu’il est encore convenu d’appeler le service public postal, malgré les coups que vous lui avez portés.

En fait, depuis que l’on parle de service universel postal, sous l’injonction de Bruxelles et en application de sa conception économique de mise en concurrence de toutes les activités humaines, c’est en fait de restrictions du service public que nous débattons à chaque fois.

M. Nicolas About. Il est vrai que vous êtes des gestionnaires hors pair !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Restez calme, monsieur About !

Mme Odette Terrade. En effet, entre service public et service universel, ce ne sont pas seulement les mots qui changent ; c’est toute la conception du service à rendre qui est différente.

Le service universel est en fait un service minimum social permettant de maintenir un service de base ouvert à tous et de développer parallèlement un ensemble de services payants, par définition socialement discriminatoires : les citoyens sont égaux devant le service public, mais, en dehors, ils deviennent des clients disposant de moyens financiers plus ou moins importants, pouvant se payer tel ou tel service.

Là est la différence avec un service public qui, lui, a pour mission de répondre aux attentes de tous les citoyens, donc aux besoins de chacun. C’est finalement cette obligation de résultat, cette obligation de qualité du service rendu qui disparaît avec le service universel.

Dans la défense d’un amendement, nous avions parlé de cette factrice qui, connaissant la population à laquelle elle distribue quotidiennement le courrier, n’hésite pas parfois à lire, à leur demande, le courrier à des personnes ne sachant pas lire ou ayant une vue défaillante, mais il existe bien d’autres exemples de ce type et tous ici, mes chers collègues, vous pourriez en citer.

Les petits services rendus par les facteurs sont bien plus nombreux et diversifiés que l’on peut même se l’imaginer, mais il en est un qui est d’ores et déjà en train de disparaître du fait de l’intensité de la productivité exigée. Je veux parler ici du simple dialogue qui se noue entre le facteur et l’usager. Pour bon nombre d’anciens, en particulier, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain, ce sont souvent les rares paroles qui seront échangées au cours d’une journée faite d’isolement.

On peut se demander indéfiniment si cette attention, cette relation relève de l’activité d’un facteur, mais, pour notre part, nous considérons que seul le service public peut et doit permettre cette relation à l’autre, qui doit demeurer un lien empreint d’une profonde humanité, en dehors de toute relation marchande.

Mais nous n’avons pas non plus une vision idéalisée du service public actuel. D’abord, parce qu’il met en relation des êtres humains, l’engagement de chacun est nécessairement différent ; cela étant, la popularité de nos facteurs et factrices repose sur un ensemble de pratiques largement répandues. Ensuite, depuis les diverses lois de déréglementation du service postal, la pression managériale, les réductions d’effectifs, les objectifs commerciaux et de rentabilité s’imposent peu à peu et la place des relations humaines tend, hélas ! à disparaître.

En changeant le statut de La Poste et en enfermant le service au public dans des normes technocratiques du service universel, va-t-on redonner toute leur place à ces relations ? Certainement pas ! Au contraire, on crée les conditions de leur disparition.

Pour autant, en refusant ce changement de statut est-on sûr de placer les relations humaines et la réponse aux besoins au cœur de l’activité du service public de La Poste ? Malheureusement, nous n’en sommes pas assurés ! Pour y parvenir, il faut aussi revitaliser ce service public, lui redonner ses lettres de noblesse, changer les objectifs actuels de l’entreprise et revoir les pratiques managériales.

Je voterai donc, pour ma part, cet amendement…