M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous aussi, mais nous ne le faisons pas de la même manière !

M. Martial Bourquin. …parce que nous voulons que reste toujours d’actualité l’aménagement du territoire actuel, qui assure un équilibre entre les campagnes et les villes. Mes chers collègues, si nous continuons à « déménager » ainsi le territoire, nous le paierons très cher ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 440.

M. Guy Fischer. Je souhaite apporter ma pierre au débat. (Rires sur les travées de l’UMP.)

L’explication de vote de Martial Bourquin m’incite à vous faire part de quelques exemples très simples que j’ai glanés au cours des nuits passées à l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry avec les postiers.

La mise en œuvre de la politique qui a été définie, laquelle est appliquée au pas de charge, a eu pour conséquence, notamment, la redéfinition des tournées de facteurs. Ainsi, sur le VIIIe arrondissement de Lyon, sept postes de facteur ont été supprimés sur les vingt et un que comptait l’arrondissement.

Tout cela influe sur le comportement des cadres. La nouvelle génération de cadres à La Poste me fait penser à celle qui a mis en place une certaine politique à France Télécom. Ce point mérite d’être souligné, car des formes de harcèlement commencent à être détectées. (M. Alain Gournac s’esclaffe.) Vous pouvez rire, monsieur Gournac, mais c’est la pure vérité !

M. Alain Gournac. C’est faux !

M. Guy Fischer. Cette politique se traduira par la suppression de plusieurs dizaines de milliers d’emplois, en particulier à La Poste !

M. Jean Bizet. Et Besancenot est toujours là ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

M. Daniel Dubois. Nous souhaitons tous que le service public soit un service de qualité rendu au public, peu importe que nous l’appelions usager ou client !

Je veux simplement poser une question à M. Fischer : avec sept facteurs de moins dans le VIIIe arrondissement de Lyon, le courrier continue-t-il à être distribué ?

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Daniel Dubois. C’est donc qu’il y avait peut-être sept facteurs de trop. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Vos propos n’engagent que vous !

M. Martial Bourquin. 5 millions de chômeurs !

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Je ne suis pas du tout d’accord avec M. Guy Fischer, qui expose un problème propre à Lyon, ville en expansion.

Je vis en milieu rural, près de Poitiers. Dans mon département et dans les départements limitrophes, le nombre de facteurs ne diminue pas : il reste stable, comme celui des services. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Cher collègue, je rencontre également des facteurs ! Vous n’êtes pas le seul à avoir ce privilège ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Je souhaite dépassionner le débat.

Quelle est la grande entreprise de notre pays qui, sur vingt ans, s’est modernisée et a évolué sans restructurer ni réorganiser ses ressources humaines ?

Les moyens de La Poste doivent être renforcés pour que celle-ci diversifie ses métiers et crée des emplois. De la sorte, elle sera présente sur d’autres marchés que ceux qu’elle occupe aujourd'hui, tout en continuant à assumer parfaitement les missions qui sont aujourd'hui les siennes. Car tel est bien l’enjeu : faire de La Poste une entreprise qui créera encore plus d’emplois.

Effectivement, monsieur Bourquin, nous relevons d’une année sur l’autre des suppressions d’emplois. Mais regardons l’évolution sur une vingtaine d’années : en 1991, La Poste comptait 308 608 emplois ; en 2008, elle en comptait 295 742. Malgré les fluctuations à la hausse ou à la baisse d’une année sur l’autre, sur presque vingt ans, les effectifs sont restés autour de 300 000 emplois.

Quelle grande entreprise française ou européenne a réussi à préserver environ 300 000 emplois ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. Christian Estrosi, ministre. Il existe des entreprises moins exemplaires que celle-là.

Je souligne qu’en 1997 La Poste comptait 286 000 emplois. Cela signifie qu’elle a recruté depuis 1997.

Vous affirmez que La Poste a perdu des emplois. Elle en a beaucoup perdu à une certaine période, mais la courbe est remontée, et nous restons à une moyenne de 300 000 emplois.

En 2008, il y a eu 8 300 embauches, dont 90 % en CDI. Citez-moi une seule entreprise française qui en ait fait autant !

M. Guy Fischer. Sous statut privé !

M. Christian Estrosi, ministre. Il y a eu des départs à la retraite, mais pas de suppression d’emplois.

M. Martial Bourquin. 17 000 suppressions d’emplois !

M. Christian Estrosi, ministre. Non, il y a eu 7 000 départs naturels à la retraite et 5 000 embauches. J’ai ici les tableaux ; je les tiens à votre disposition !

M. Martial Bourquin. Je les ai aussi !

M. Christian Estrosi, ministre. Malgré les difficultés conjoncturelles et structurelles, La Poste, sur dix-neuf ans, a réussi à rester une grande entreprise, avec une moyenne de 300 000 salariés et 8 300 personnes recrutées en CDI en 2008.

Aujourd'hui, nous renforçons ses moyens pour lui permettre de consolider ses métiers historiques et de diversifier ses activités.

L’objectif est de permettre à La Poste de créer des emplois, pas de la mettre en difficulté face à la future concurrence. Tel est le vrai débat ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 448.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l'amendement n° 449.

M. Yannick Botrel. Notre débat porte, depuis déjà quelque temps, sur le futur statut de La Poste, qui deviendra une société anonyme en lieu et place d’un l’EPIC.

À plusieurs reprises, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que le caractère public de La Poste ne sera pas affecté par ce changement de statut.

Nous n’en sommes pas complètement convaincus, mais nous ne demandons qu’à l’être. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement, qui offre le mérite de clarifier considérablement les choses dans la mesure où il vise à rédiger ainsi la première phrase du deuxième alinéa de l’article : « La Poste est une entreprise en totalité publique. »

Cet amendement est conforme aux affirmations de M. le ministre et de M. le rapporteur. Il devrait donc faire l’objet d’un consensus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 449.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 450.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 451.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 19.

M. Thierry Foucaud. Si la dégradation de la présence postale et du service rendu au public sur le territoire est déjà bien entamée – je partage le point de vue de mon collègue Martial Bourquin sur la question des effectifs –, la situation ne pourra que se dégrader en raison de la concurrence et de la rentabilité exigée. C’est d’ailleurs ce que nous constatons à France Télécom ou à Gaz de France.

La présence postale sur le territoire doit être une réalité.

Le résultat de cette recherche de rentabilité liée à l’ouverture à la concurrence a déjà conduit à la fermeture de nombreux bureaux de poste.

À la place des bureaux de poste, on installe des agences postales dans des boutiques et les règles minimales ne sont pas respectées : aucune garantie de pérennité de la présence de ces agences, aucun respect de confidentialité des opérations, etc.

Nous constatons chaque jour, sur le terrain, que la soumission des activités postales à des exigences de rentabilité a des conséquences néfastes sur la qualité du service rendu et sur l’accessibilité au service public. Cette observation se vérifie malheureusement dans bon nombre d’entreprises, notamment à France Télécom.

Vous vous cachez derrière l’Europe, mais l’Europe n’impose pas le changement de statut de l’établissement public.

Certes, les directives postales imposent l’ouverture des services postaux à la concurrence, ce qui pèsera sur la qualité des services fournis, mais aucun statut particulier aux entreprises. Il est donc possible de refuser la privatisation et le changement de statut de La Poste. Telle est bien sûr notre démarche.

Nous ne voulons pas d’un tel avenir pour La Poste ! C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement de repli, dont l’objet est de repousser la date fatidique de changement de statut de La Poste.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 18.

Mme Odette Terrade. Nous l’avons dit, la privatisation de La Poste, comme celle de toutes les entreprises publiques et services publics, a été décidé au niveau européen depuis des années ; tout le monde peut le constater.

Depuis deux décennies, la machine européenne s’est attaquée aux marchés non concurrentiels, sur lesquels on trouve les grands services publics historiques. Cela s’inscrit dans une politique encore plus large, celle de la mondialisation libérale, portée par les institutions financières internationales.

Ainsi, le 1er octobre dernier, alors que la votation citoyenne sur l’avenir de La Poste se poursuivait en France, le journal The Guardian rappelait que près de 400 millions de dollars avaient été engagés par des lobbies industriels contre le projet de réforme de l’assurance maladie aux Etats-Unis, qui prévoit l’introduction d’une assurance publique. L’opposition du Sénat des États-Unis à cette réforme, promise par Barack Obama pendant sa campagne électorale, se fonde sur une prétendue inégalité entre un éventuel secteur public, moins coûteux pour les assurés, et ses concurrents du secteur privé.

Or on oublie souvent d’évoquer à ce sujet les contraintes qu’impose aux États l’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, signé dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Pourtant, cet accord, qu’aucun gouvernement ne remet en cause, s’oppose de fait à l’existence de services publics, les services devenant des marchandises.

Un problème identique se pose en France et à l’échelle de l’Union Européenne, où, depuis deux décennies, les services publics sont systématiquement démantelés, et La Poste n’en est qu’un exemple.

La privatisation de France Télécom est encore plus avancée, et celle de la recherche et de l’éducation publique se met en place par un processus accéléré.

Si l’on prend l’exemple de la privatisation de l’électricité, celle-ci a conduit à une très forte augmentation du prix de l’électricité en France, qui s’est alignée sur le prix du marché, nettement plus élevé que le prix régulé imposé jusque-là par la puissance publique.

Tous les indicateurs, qu’il s’agisse du référendum sur le TCE, des sondages, des mouvements sociaux, des initiatives citoyennes comme la votation organisée le mois dernier, montrent, à l’évidence, que l’opinion publique s’oppose majoritairement à la libéralisation à marche forcée de ce secteur.

L’Europe à laquelle vous adhérez est donc directement responsable de ce retrait du service public !

En effet, la Commission promeut un programme systématique de libéralisation des services publics. Elle essaie d’introduire la concurrence et les règles du marché dans des secteurs où, jusqu’à présent, régnaient les règles du service public, faisant ainsi reculer l’un des éléments-clés du modèle européen.

L’Europe ne porte pas le modèle européen. Pire, elle le menace ! C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. D’autres pays européens ont déjà franchi le cap de la privatisation, et les résultats, bien que prévisibles, sont catastrophiques.

Permettez-moi de citer quelques exemples. Ainsi, la poste néerlandaise, groupe TPG, a été privatisée à 66 % en 1989. Elle a, depuis, procédé à des licenciements massifs. En octobre 2003, alors qu’elle souhaitait racheter la poste belge, son directeur exécutif déclarait : « Nous sommes une entreprise cotée en bourse, nous devons montrer tous les ans à nos actionnaires que nous avançons ». TPG s’intéresse à la poste belge « pour occuper le marché avant les concurrents – allemands et français. Car demain ne resteront en Europe que quelques grands acteurs. »

Le PDG du groupe précisait que « la poste belge devra subir une sévère rationalisation […] en quatre ans, avant la libéralisation complète du marché. Ce ne sera pas possible avec des départs naturels [...] et les restructurations nécessaires, nous voulons bien les faire nous-mêmes, nous en avons l’expérience ».

En Suède, la libéralisation du courrier postal date de 1993. Depuis, les effectifs ont baissé de 25 %, mais les prix des services postaux ont augmenté de 7 % entre 1993 et 2003, en monnaie courante et hors taxe, selon un rapport gouvernemental.

Au Royaume Uni, Royal Mail est devenue en 2001 une société anonyme à capitaux d’État. Elle renoue avec les bénéfices cette année, après avoir lancé en 2002 un plan de licenciement concernant 30 000 de ses 200 000 employés. Le nombre de bureaux de poste a également été réduit.

Les usagers se plaignent de la dégradation du service : rapidité, ponctualité, qualité.

Le 31 août 2009, le président du conseil de surveillance de la poste, Peter Carr, déclarait : « Lors des trois dernières années, les clients ont payé plus cher des services qui se dégradent ». Royal Mail devra donc verser à ses clients un dédommagement estimé par l’entreprise à 50 millions de livres, une somme que devrait prendre en charge son actionnaire unique, le gouvernement britannique.

La Deutsche Post illustre parfaitement le passage d’une entreprise publique à une entreprise internationale à vocation commerciale. En quelques années, la Deutsche Bundespost, poste publique allemande, est devenue la Deutsche Post World Net, une compagnie internationale dont le bénéfice a atteint 1,31 milliard d’euros en 2003. Quelques dates marquent cette transformation. Vous verrez que l’analogie avec le cas français est particulièrement intéressante.

En 1989, le parlement allemand votait la loi régissant la structure des postes et des télécommunications. La loi, entrée en vigueur le 1er janvier 1990, précise alors que la nouvelle entreprise doit rester publique. En 1997, une nouvelle loi transforme la Deutsche Post en une société par actions. Le gouvernement s’engage à conserver l’intégralité des actions dans un premier temps, et à rester l’actionnaire majoritaire pendant au moins cinq ans.

La loi supprime également le recrutement de nouveaux fonctionnaires et introduit la concurrence en deux étapes, ainsi que la notion de service postal universel. Elle crée en même temps l’Agence fédérale de la poste et des télécommunications, qui assume des fonctions de surveillance et de coordination.

En 2000, la Deutsche Post est introduite en bourse : 29 % de son capital est vendu, puis 2 % supplémentaires en 2001. En 2003, le patron de la Deutsche Post prévoit une privatisation totale de son entreprise en quatre ans. Dans le magazine Capital, il déclare : « Je m’imagine bien que l’État fédéral réduira à zéro sa part d’ici à 2007 ». Pendant ce temps, l’entreprise s’est lancée dans une politique d’expansion internationale.

Le bilan social est sévère. Selon la direction, entre 1990 et 1996, les restructurations ont réduit les effectifs de 95 000 emplois : ils sont passés de 380 000 à 285 000. Le nombre de bureaux de poste est passé de 26 000 à 13 000, dont 7 000 sont devenus des points de contacts : stations-service, papeteries...

M. Guy Fischer. C’est ce qui nous attend !

M. Thierry Foucaud. Et leur nombre va encore diminuer ! Le mercredi 22 septembre, la direction de la Deutsche Post a annoncé la fermeture supplémentaire de 1000 bureaux, essentiellement dans les zones rurales.

La démonstration est limpide : la libéralisation et la privatisation, partielle ou totale, des monopoles historiques a permis aux entreprises de gagner en rentabilité financière pour le compte de quelques-uns, mais au détriment de l’emploi et de la qualité du service public.

M. Guy Fischer. Voilà qui est bien argumenté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 31 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.

Mme Odette Terrade. Le président de La Poste, le ministre, les élus de la majorité ne cessent de nous répéter que le changement de statut de La Poste est nécessaire à la survie de l’entreprise publique, que les personnels et les usagers n’ont pas à s’inquiéter, car il s’agit non pas d’une privatisation, mais seulement d’une ouverture du capital, dans lequel l’État resterait majoritaire. On nous répète également que les missions de service public et le statut des agents seront préservés.

Pourtant, vous ne parvenez pas à nous convaincre, pas plus que les 2 300 000 citoyens qui ont voté, et pour cause : il y a dix ans, les mêmes arguments et les mêmes garanties ont été utilisés pour France Télécom, avant d’être rapidement foulées au pied.

Vos discours sont un « copier-coller » de ceux que l’on entendait en 1996, lorsque le gouvernement d’Alain Juppé transformait l’opérateur téléphonique public en société anonyme en vue d’une ouverture du capital. À l’époque, on nous disait aussi que les missions de service public étaient garanties et que l’État conserverait plus de 50 % du capital. Très rapidement, les modifications législatives ont supprimé la barre des 50 % ainsi que des obligations de service public. La participation de l’État, qui s’élevait à 79 % du capital après la première ouverture, chute à 62 % en 1998, puis à 50 % en 2003. Ce saut, qui marque la « privatisation » au sens propre, est opéré en septembre 2004, huit ans après le changement de statut.

Aujourd’hui, l’État détient moins de 30 % du capital de France Télécom, qui fonctionne comme n’importe quelle entreprise privée. Il n’est pas étonnant qu’aucun bilan officiel n’ait été tiré de cette expérience, puisque la seule conclusion possible serait de renoncer à toute privatisation.

Voilà donc ce qui attend La Poste, au détriment des salariés et des usagers, pendant que les actionnaires seront grassement rémunérés. C’est pourquoi nous avons proposé cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l’amendement n° 16.

M. Thierry Foucaud. Depuis plusieurs années, votre majorité et la direction de La Poste se sont ingéniées à transformer en profondeur cette entreprise nationale, pour en faire une entreprise commerciale presque comme une autre. Des secteurs postaux ont d’ores et déjà été ouverts à la concurrence et des entités publiques déjà privatisées. L’esprit de service public ne souffle plus à La Poste, en particulier depuis que vous avez décidé de fermer des bureaux de poste et que vous y avez instauré des techniques managériales fondées sur la mise en concurrence des agents et non plus sur des objectifs partagés d’un service de qualité à rendre à chaque usager.

En agissant ainsi, vous pensiez qu’il vous serait possible de procéder comme vous l’avez fait avec de nombreuses autres entreprises et services publics : réduire les moyens et les coûts en réduisant les missions et la qualité du service rendu ; créer une insatisfaction populaire envers un service qui se détériore ; puis privatiser ce qui peut être rentable en faisant miroiter à nos concitoyens une amélioration des prestations servies.

Seulement, cette fois, cela ne fonctionne pas ! Ce que vous avez fait pour casser La Poste, la population l’a vu, l’a vécu, l’a subi ! Nos concitoyens ont bien compris votre stratagème et refusent finalement de s’y laisser prendre. Vous n’avez pas réellement mesuré leur attachement au service public de La Poste. Paraphrasant une chanson populaire, j’oserai dire : « on a tous en nous quelque chose de La Poste ».

La transformation annoncée avec ce projet de loi, la découpe, le dépeçage à venir de cette belle entreprise nationale, qui a encore de « beaux restes », pourrions-nous dire, et qui recèle toujours les potentialités d’un renouveau du service public, nous savons qu’une majorité de Français ne le souhaite pas. Aussi, il faut l’écouter, il faut l’entendre. Il importe également de comprendre le levier considérable qu’un tel attachement représente pour soutenir La Poste dans la concurrence internationale exacerbée à laquelle vous avez décidé de la soumettre.

Donnons la parole à notre peuple au cours d’un grand débat national sur l’avenir de La Poste et du service public postal, suivi d’un référendum. Celles et ceux qui sont favorables au projet de loi doivent accepter de reporter sa mise en œuvre pour laisser le temps à la souveraineté populaire de s’exprimer. Tel est le sens du vote que nous vous demandons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 14.

M. Guy Fischer. Nous voulons réaffirmer nos convictions.

Nous sommes convaincus que, dans le contexte de crise que nous vivons, La Poste doit demeurer plus que jamais un service public de proximité pour tous les citoyens, dans la complémentarité de ses services.

M. Nicolas About. Très bien !

M. Guy Fischer. M. About approuve !

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Guy Fischer. La Poste a bien vocation à rester un service public répondant aux besoins de la population, tout en jouant un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire.

La transformation de La Poste en société anonyme et l’ouverture de son capital, présentées comme le seul moyen d’affronter l’ouverture du marché à la concurrence, doivent être retardées pour laisser « du temps au temps » : le temps nécessaire pour garantir la définition publique du service postal dans notre pays ; le temps nécessaire aussi pour s’assurer que les quatre missions publiques de La Poste, à savoir le service universel du courrier, l’aménagement du territoire, l’accessibilité bancaire et la distribution de la presse, sont maintenues et confortées sur l’ensemble de notre territoire, sans conditions de flexibilité ou de productivité.

Ce changement de statut dans l’urgence intervient alors qu’aucune directive européenne, nous l’avons démontré, n’oblige à la privatisation. En effet, l’Union européenne est souvent montrée du doigt quand il s’agit de chercher le responsable du démantèlement des services publics, en l’occurrence, aujourd’hui, du service postal ! Or si les différentes directives postales ont effectivement ouvert les services postaux à la concurrence, elles n’imposent pas un statut particulier aux opérateurs postaux, puisque l’Union européenne n’a aucune compétence en matière de régime de propriété. Les directives européennes n’imposent donc pas un changement du statut juridique de La Poste.

Nous ne cesserons donc de vous le répéter, jusqu’à la fin des débats : c’est vous, et vous seuls, chers collègues de la majorité, qui souhaitez ce changement en société anonyme ! Autrement dit, l’Union européenne est responsable de la libéralisation, avec l’ouverture à la concurrence, quand vous êtes responsables de la privatisation, avec le changement de statut !

En droit communautaire, il n’existe pas de « définition minimale » du service public. Les directives garantissent uniquement un ensemble commun d’obligations, qui constituent le service universel, par exemple une distribution et une levée du courrier au minimum cinq jours sur sept à un prix abordable sur l’ensemble du territoire. Je pourrais développer ma démonstration, mais l’heure du repas approche…

Liberté est donc donnée aux États membres de déterminer les modalités de financement ; liberté leur est aussi donnée d’adopter une définition plus large et surtout plus ambitieuse du service postal. L’ambition que vous nous proposez aujourd’hui est loin, très loin d’être satisfaisante ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l’amendement n° 12.

Mme Odette Terrade. « Il n’est pas question de privatiser La Poste », ne cesse-t-on de nous répéter. Pourtant, l’article 1er du projet de loi indique explicitement que « la personne morale de droit public La Poste est transformée à compter du 1er janvier 2010 en une société anonyme dénommée La Poste ». Au-delà de la question de la propriété publique du capital, cette disposition figurant au deuxième alinéa signifie bien, en droit, une privatisation du statut et des modes de gestion de La Poste.

La Poste sera donc soumise aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes, autrement dit, La Poste relèvera des dispositions du droit commun des sociétés commerciales, comme du code de commerce et du code monétaire et financier. Cette transformation, à elle seule, est lourde de sens et de conséquences, puisqu’elle signifie la soumission aux règles et normes de gestion économiques, comptables et sociales des entreprises privées agissant dans un marché fortement concurrentiel. Nous mesurons déjà tous les dégâts provoqués.

Depuis trente ans, il n’est pas un exemple de transformation d’établissement public en société anonyme qui n’ait conduit, à terme, à une banalisation et à une privatisation de sa gestion, autrement dit à une disparition programmée de ses missions de service public, quand il ne s’agit pas tout simplement de sa disparition totale.

Vous nous affirmez que seuls l’État et la Caisse des dépôts et consignations seront les principaux actionnaires publics de La Poste et que le capital sera à 100 % public. Cette garantie est censée rassurer les employés et les usagers de La Poste sur la pérennité des emplois et des missions publiques. Encore une fois, une telle garantie est insuffisante puisque, d’une part, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire et, d’autre part, la qualité publique d’un actionnaire est toute relative lorsqu’il s’agit d’une société anonyme soumise au code du commerce.

Là encore, les exemples ne manquent pas. Je voudrais vous citer celui d’ICADE, dont le capital est détenu à 60 % par la Caisse des dépôts et consignations, qui fut l’un des premiers bailleurs sociaux français et qui, aujourd’hui, cède la plupart de ses activités de service et la totalité de son patrimoine de logements à vocation sociale, mettant ainsi en danger 2 000 employés.

Lorsqu’elle agit en qualité d’investisseur privé, la Caisse des dépôts et consignations exige un rendement de ses actifs à peine inférieur à celui qui est fixé par les autres investisseurs. Dans sa plaquette Les doctrines d’action, publiée en décembre 2008, après la promulgation de la loi de modernisation de l’économie, dite loi LME, la Caisse des dépôts et consignations indique, à la page 7 de ce document, qu’elle « peut attendre un retour financier significatif […] de participations substantielles dans les grandes entreprises françaises dont la rentabilité est “indexée” sur la croissance mondiale ». Il n’en faut pas plus pour comprendre les volontés d’investissement de la Caisse des dépôts et consignations, dont on nous assure pourtant aujourd’hui qu’elle est le seul garant possible des missions du service public postal.

Rien n’interdit de nos jours à la Caisse des dépôts et consignations de céder ultérieurement tout ou partie de sa participation au capital de La Poste. C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement.