Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

MM. Philippe Nachbar, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Candidature à un organisme extraparlementaire

3. Dépôt de rapports du Gouvernement

4. Débat sur la réforme du lycée

MM. Jacques Legendre, président de la commission de la culture ; Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture.

Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Catherine Morin-Desailly, MM. Serge Lagauche, Jean-Pierre Chevènement, Gérard Longuet, Ivan Renar, Jean-Jacques Pignard, Claude Bérit-Débat, Mmes Françoise Laborde, Colette Mélot, MM. Adrien Gouteyron, Jean-Paul Virapoullé.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

Clôture du débat.

5. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

Suspension et reprise de la séance

6. Jardins d'éveil. – Discussion d'une question orale avec débat

Mme Françoise Cartron, auteur de la question.

Mme Muguette Dini, M. Jean-Luc Fichet, Mmes Françoise Laborde, Monique Papon, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. René-Pierre Signé, Pierre Martin, Claude Bérit-Débat, Claude Domeizel.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.

M. Claude Domeizel, Mmes Françoise Laborde, la secrétaire d'État, Françoise Cartron.

Clôture du débat.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

7. Conférence des présidents

8. Création d’une mission d’information

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; M. le président.

9. Débat sur les pôles d’excellence rural

M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information fait au nom de la commission de l’économie.

MM. Martial Bourquin, Raymond Vall, Jean Boyer, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Yves Chastan, Jean-Claude Etienne.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

Clôture du débat.

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Philippe Nachbar,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé à la Haute Assemblée de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Leleux pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’évolution de la fiscalité agricole établi en application de l’article 138 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ainsi que le rapport sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé, établi en application de l’article L. 862-7 du code de la sécurité sociale.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier sera transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et le second à la commission des affaires sociales. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

4

Débat sur la réforme du lycée

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la réforme du lycée.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès le mois de février dernier, j’avais demandé en conférence des présidents l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux, dans le cadre des semaines sénatoriales de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, d’un débat consacré à la réforme des lycées, qui était au cœur de la réflexion de la commission depuis deux ans, grâce à la mise en place d’une mission d’information portant sur la diversité sociale et l’égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles et la création d’un groupe de travail sur la réforme du baccalauréat.

Ce débat programmé le 12 juin 2009 avait été repoussé à votre demande, monsieur le ministre, car cette date coïncidait avec votre prise de fonctions.

Nous aurions pu, à l’époque, réagir aux propositions formulées par M. Richard Descoings, qui s’était vu confier par le Président de la République une mission sur la réforme du lycée. En effet, nous aurions souhaité présenter nos orientations avant que le Président de la République ne trace les grandes lignes de sa réforme. Mais le calendrier parlementaire n’a pas rendu cette démarche possible. Il se trouve d’ailleurs que le Président de la République a présenté, la semaine dernière, les grandes lignes de la réforme du lycée général et technologique, vous confiant, monsieur le ministre, le soin d’en détailler les modalités et d’en régler la mécanique afin que, dès la rentrée 2010, le premier volet concernant la classe de seconde soit achevé. Même si la messe est dite, j’ai le sentiment qu’il n’est pas encore trop tard pour vous livrer nos réflexions.

Cette réforme prolonge la rénovation de la voie professionnelle qui est pleinement engagée depuis la rentrée 2009. Je tiens à vous assurer, monsieur le ministre, de mon entier soutien à la refonte du baccalauréat professionnel en trois ans, mais, j’y insiste, cette réforme doit être assortie d’une possible reprise d’études pour les bacheliers professionnels dans le cadre de la formation continue.

Alors que la réforme sera essentiellement menée par voie règlementaire, conformément à la nature des mesures qui doivent être prises, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication estime néanmoins nécessaire de vous exposer quelques pistes de réforme, qui reposent sur un diagnostic partagé, et ce d’autant qu’une délégation s’est rendue, au mois de septembre dernier, en Finlande pour y analyser les causes du succès de l’enseignement secondaire, succès révélés dans les enquêtes PISA menées par les experts de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, que la commission a entendus la semaine passée.

Une orientation plus fluide, construite dans la durée, par choix et non par défaut, un accompagnement personnalisé des élèves, une plus grande ouverture des établissements sur le monde contemporain, telles sont les lignes de force du projet tracé par le Président de la République à l’issue d’une longue concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Lycéens et étudiants, parents d’élèves, enseignants et personnels administratifs, représentants du monde socio-économique ont tous eu l’occasion de s’exprimer, et je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous les entendrez de nouveau tout au long de la mise en œuvre de la réforme.

Il ne conviendrait pas, mes chers collègues, de céder à l’impression que le lycée est en perdition, alors qu’il parvient, malgré ses défauts et ses lacunes, à amener les deux tiers d’une classe d’âge au baccalauréat. N’oublions pas qu’un quart d’entre eux seulement parvenait à ce niveau en 1980 ! L’élévation des qualifications est un fait indiscutable. Elle doit beaucoup à la création des voies technologiques et professionnelles, dont les succès doivent être salués parce que celles-ci peuvent, elles aussi, constituer des voies d’excellence pour nos enfants.

Dès lors, la question qui se pose à nous est plutôt de savoir comment le lycée peut aller encore mieux. Comment peut-il offrir à tous un parcours de réussite et d’épanouissement ? Et, surtout, il nous faut répondre à cette question qui nous obsède tous : que faire pour ces 130 000 jeunes qui, chaque année, quittent le système scolaire sans diplôme et sans qualification ?

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur les propositions contenues dans mon rapport d’information sur le baccalauréat que j’avais alors présentées à la commission, car elles participent de la même conception des réformes à mener que celle qui a été exprimée par le Président de la République. Elles pourront donc contribuer utilement à la réflexion que vous conduisez, monsieur le ministre.

Les faiblesses du lycée sont bien connues : celui-ci souffre conjointement d’une orientation des élèves par défaut et par l’échec, d’une hiérarchisation des voies, puis des filières, au profit de la voie générale et de la filière S, et d’une insuffisante préparation de l’entrée dans l’enseignement supérieur. Ces constats suffisent à établir qu’une réforme du lycée nécessite parallèlement une réflexion sur le collège et sur l’université, ainsi que sur les établissements d’enseignement supérieur, afin de donner aux élèves la possibilité de construire progressivement un projet professionnel et un projet de vie.

C’est pourquoi la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avait demandé que soit mise en place une véritable préparation à l’orientation dès le collège. L’instauration d’un parcours de découverte des métiers et des formations à partir de la classe de cinquième et l’option d’une découverte professionnelle en classe de troisième constituent des premiers pas intéressants. Il faudrait sans doute aller plus loin encore en prévoyant que la scolarité de tout collégien permette à celui-ci d’aborder les trois dimensions des études générales, technologiques et professionnelles.

En outre, les enseignements de détermination prévus en classe de seconde ont été détournés de leur sens ; ils servent de fait aux élèves à se pré-orienter, avec le consentement tacite du système éducatif.

Pour redonner tout son sens au choix opéré par les élèves en fin de seconde, il faut adopter une nouvelle logique en leur faisant découvrir l’ensemble des champs disciplinaires qu’ils pourront approfondir au lycée en choisissant telle ou telle série. Il conviendrait notamment de consacrer explicitement une séquence de découverte aux seules études technologiques, afin de respecter leur spécificité.

La hiérarchisation des filières en première et en terminale du lycée général se traduit par le succès massif de la section S et l’assèchement de la section L, alors que la section ES semble avoir trouvé son point d’équilibre.

Cette répartition des effectifs ne traduit pas une appétence particulière des élèves pour les études scientifiques. Elle reflète, au contraire, la conviction des familles et des étudiants que la série S ne ferme aucune porte et permet de suivre des cours aussi bien en IUT, en khâgne ou dans une école de commerce. Ce phénomène démontre que la grande majorité des lycéens souhaitent désormais suivre une formation aussi ouverte que possible. C’est pourquoi nous proposons un tronc commun pour les trois séries, qui serait complété par un jeu d’options.

Le noyau commun comprendrait le français, la philosophie, les mathématiques, une langue vivante et l’histoire-géographie, et pourrait aussi valoir pour les voies technologiques et professionnelles, à charge pour les enseignants d’adopter les méthodes pédagogiques adaptées à chacune d’entre elles.

Le choix des options serait encadré afin d’assurer un équilibre entre les trois groupes majeurs que sont les études littéraires, les sciences économiques et sociales et les disciplines scientifiques. Il serait ainsi possible de permettre une certaine différenciation des parcours des élèves sans laisser libre cours à la reconstitution brutale – j’allais même dire « bête et brutale » – de filières hiérarchisées.

Le baccalauréat n’est pas seulement le couronnement de la scolarité secondaire. Comme je viens de le rappeler, il ouvre également les portes de l’enseignement supérieur et de la vie active et, à ce titre, il doit y préparer convenablement.

À cette fin, le cycle terminal pourrait être réorganisé en distinguant l’année de première, tournée vers l’acquisition de connaissances, qui pourrait être sanctionnée par une première série d’épreuves du baccalauréat, et l’année de terminale, qui aurait pour vocation principale d’initier les élèves aux méthodes ayant cours dans l’enseignement supérieur en développant leurs capacités d’autonomie, de réflexion et d’argumentation. Ce serait donc avant tout une année de maturation préparant au supérieur, durant laquelle une place plus importante pourrait être laissée au travail personnel ainsi qu’au travail de groupe.

Une fois le baccalauréat acquis, encore faut-il pouvoir, lorsqu’on le souhaite, s’inscrire dans une filière de l’enseignement supérieur qui correspond à son profil. Il est important, à cet égard, d’accueillir dans le supérieur court, IUT ou STS, tous les bacheliers technologiques et professionnels qui en ont la possibilité et qui en font la demande.

Pour ce faire, deux possibilités peuvent être envisagées : d’une part, la reconnaissance d’un droit d’inscription prioritaire en STS et dans certaines filières des IUT aux bacheliers professionnels et technologiques ; d’autre part, le développement de dispositifs financiers incitatifs indexant une partie des dotations de ces filières sur la proportion de bacheliers technologiques et professionnels qu’elles accueillent. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a mis en place un tel système pour développer l’accueil des bacheliers technologiques en IUT. Il pourrait être renforcé et étendu aux STS.

Je vous ai retracé brièvement les préconisations de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour une réorganisation du parcours d’étude du collège à l’entrée dans le supérieur.

Permettez-moi de m’attarder maintenant sur deux points sur lesquels le président de la République a insisté dans son allocution du 13 octobre et qui me tiennent particulièrement à cœur : l’apprentissage des langues et l’accès à la culture au lycée.

Il me semble important de ne pas réduire l’apprentissage des langues étrangères à un simple vecteur d’insertion et de réussite professionnelle. Il doit aussi être le pivot d’une politique ambitieuse de la diversité culturelle permettant l’épanouissement et l’enrichissement des individualités dans le dialogue réciproque.

J’ajouterai qu’en apprenant une langue étrangère on approfondit, par la même occasion, la connaissance de sa propre langue maternelle et l’on en discerne mieux les nuances et les articulations.

Il convient toutefois de veiller à ce que la promotion des langues étrangères ne se résume pas aux seuls efforts en faveur de l’anglais. C’est un fait que 98 % des 5,2 millions d’élèves du secondaire apprennent l’anglais. Il est impératif qu’il leur soit bien enseigné, en mettant l’accent sur la compétence orale ; c’est en effet nécessaire.

Mais il faut aussi valoriser des langues telles que l’allemand, le portugais, le russe, le chinois ou l’arabe, dont les effectifs varient de 18 000 à 6 000 étudiants seulement sur le secondaire.

Monsieur le ministre, il n’est pas superflu de proposer à certains de nos élèves dont les familles étaient arabophones la possibilité d’apprendre l’arabe dans l’école de la République. Il ne faut pas se contenter de dire qu’il n’y a pas de demande. Elle est présente et il est même paradoxal de constater, alors qu’il n’est pas demandé à l’école de satisfaire cette demande, que les élèves concernés trouvent en dehors du circuit officiel l’occasion d’apprendre cette langue, avec toutes les dérives que l’on peut craindre !

Ces langues offrent des perspectives insoupçonnées des élèves et des familles : elles permettent de distinguer des profils et d’ouvrir des opportunités nouvelles dans les pays émergeants ; elles sont aussi un moyen, pour des jeunes d’origine étrangère, de renouer positivement avec leur identité culturelle, tout en s’intégrant à la communauté nationale qu’ils enrichiront par la diffusion en retour de leur héritage.

Le président de la République a également mis l’accent sur l’élargissement de l’accès à la culture dans les lycées.

La création de vidéoclubs présentant les grands films du patrimoine, la diffusion audiovisuelle des grands événements et la mise en place d’un référent culturel dans les établissements ont été évoquées. Ce sont-là des voies intéressantes pour rapprocher les jeunes de la culture, en mettant à profit les technologies et les médias dont ils sont le plus familiers.

Mais j’aimerais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour exprimer mes interrogations sur l’opportunité de supprimer les épreuves de culture générale dans les concours administratifs de catégorie C et B.

Cette suppression envisagée me paraît en dissonance avec l’objectif de diffusion plus large de la culture dans les lycées. Ce n’est pas un débat neuf, mais on ne peut pas faire disparaître une épreuve de culture, même au nom de l’équité.

Ces remarques ne manifestent aucune défiance devant la réforme du lycée que doit mener le Gouvernement. Monsieur le ministre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat saura se montrer un partenaire attentif et constructif, dont les propositions pourront vous aider à affiner votre projet. Nous souhaitons poursuivre avec vous un débat dont nous savons qu’il est essentiel pour l’avenir de notre jeunesse et de notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi une entrée en matière inhabituelle.

Je souhaite vous présenter un vieux récit plein de sagesse. Il est dû à Tchouang-tseu, l’un des plus brillants et des plus influents esprits de la Chine antique. Il s’agit de la rencontre d’un dignitaire impérial versé dans les lettres et les choses de l’esprit, et d’un simple artisan. Le dignitaire s’émerveille de la perfection des œuvres taillées dans le bois par l’artisan et de l’aisance avec laquelle il manie le ciseau et le burin. Il interroge alors l’artisan pour connaître sa méthode, sa recette, son secret.

L’artisan lui répond avec des paroles admirables : « Je ne trouve pas les mots pour expliquer mon art. C’est ma main qui sait. C’est ma main qui sent s’il faut frapper avec force ou avec douceur. C’est ma main qui trouve la solution et mon esprit qui l’approuve après coup. »

M. Nicolas About. C’est du Raffarin ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Mes chers collègues, ces paroles sont d’une actualité remarquable, alors que, trop souvent encore, l’intelligence du geste est méprisée au profit d’une compréhension théorique, intellectualisée et formelle.

J’ai toujours eu la conviction, et je sais que vous la partagez, monsieur le ministre, qu’il fallait à tout prix refuser la hiérarchisation des formes d’intelligence. Et si la philosophie chinoise ne vous convainc pas, mes chers collègues, je vous renvoie aux enquêtes PISA menées par l’OCDE, dont la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a auditionné un représentant.

Ces enquêtes internationales menées pour mesurer les connaissances et les compétences des jeunes à l’âge de quinze ans ont montré que les élèves français ressentaient une angoisse profonde devant les mathématiques. On ne retrouve cette peur nulle part ailleurs. Les élèves français et leurs familles savent qu’ils seront sélectionnés essentiellement sur cette base. Une faiblesse en mathématiques et le lycée général vous est fermé, la filière S a fortiori bien sûr.

Les mêmes enquêtes PISA montrent, en revanche, que les élèves français éprouvent un plaisir bien réel lorsqu’ils étudient les sciences expérimentales, qu’ils peuvent réaliser des expériences, reproduire des montages, retrouver par induction les lois des phénomènes naturels. C’est ce goût et ces compétences latentes qu’il faut apprendre à développer et à valoriser.

Permettez-moi de vous rappeler, chers collègues, que la grande réforme du lycée en 1902 avait déjà conduit à rénover l’enseignement de la physique pour réduire la place de la modélisation mathématique au profit de l’analyse d’expériences réalisées devant les élèves. Il semble que nous ayons encore à progresser dans cette voie.

Il ne s’agit en aucune manière de dénigrer l’abstraction, la déduction, la théorisation ; il s’agit de reconnaître aussi la valeur de l’induction, de l’observation, de l’application pratique, au lycée général et technologique comme au lycée professionnel.

Nous devons donner à chaque jeune l’opportunité de développer pleinement ses facultés, sans l’obliger à se conformer à un modèle unilatéral. Tout enfant porte en lui des qualités et des potentialités qui doivent être encouragées.

Nous devons faire confiance à nos jeunes et les accompagner vigoureusement dans la construction d’un parcours scolaire et professionnel dans lequel ils réussiront, parce qu’ils s’y sentiront bien. C’est la voie qu’a clairement indiquée le président de la République ; c’est la voie que vous suivrez, je n’en doute pas, monsieur le ministre.

Le Sénat s’est déjà engagé en ce sens lors de la discussion du projet de loi relatif à l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, en prévoyant la mise en place d’un livret de compétences. Ce livret contiendra des informations sur toutes les activités des jeunes, qu’elles soient sportives, associatives ou culturelles. Les jeunes ne seront plus uniquement jugés sur leurs résultats scolaires ; ils pourront valoriser des engagements et des projets personnels.

La première étape de la revalorisation de l’intelligence pratique, que j’appelle de mes vœux, est déjà bien engagée : je veux, bien sûr, parler de la rénovation de la voie professionnelle, qui montre, à bien des égards, le chemin pour la réforme du lycée général et technologique.

Bien sûr, une réforme des structures et des enseignements ne parviendra pas, du jour au lendemain, à modifier les représentations sociales négatives ancrées depuis longtemps dans l’esprit des familles. Mais la pompe est amorcée et la dynamique est lancée.

La réforme de la voie professionnelle généralisée à la rentrée 2009 permettra l’obtention d’un baccalauréat professionnel en trois ans et non plus quatre ans. Cet alignement de la durée des études sur celle des études qui conduisent aux baccalauréats technologique et général est le signe tangible de l’égale dignité de toutes les voies de formation.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Claude Carle, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Parallèlement, la position du CAP comme première voie d’insertion professionnelle est renforcée. Le BEP n’est pas supprimé, mais il devient une certification intermédiaire obtenue à la fin de la classe de seconde professionnelle. L’articulation nouvelle des diplômes me semble de nature à favoriser l’accession des jeunes à des niveaux de qualification plus élevés qu’aujourd’hui.

Un point crucial de la réforme de la voie professionnelle réside dans l’accompagnement personnalisé, qui permettra à la fois de soutenir les élèves les plus en difficulté, de pousser plus loin les meilleurs et de sécuriser ceux qui, ponctuellement, connaissent une faiblesse.

Le Président de la République a annoncé un dispositif similaire pour le lycée général et technologique : deux heures hebdomadaires d’accompagnement seraient dispensées à chaque jeune, sans alourdissement des emplois du temps. Cette mesure me semble de nature à sécuriser les parcours scolaires.

Dans sa mise en œuvre concrète, elle ne portera toutefois ses fruits que si une large autonomie est laissée aux chefs d’établissement et aux équipes éducatives pour définir les modalités d’encadrement et d’enseignement. Il faut impérativement éviter une gestion administrative et uniforme du dispositif, sous peine de le vider de son sens.

Plus généralement, ainsi que le révèle encore une fois l’analyse des enquêtes PISA, les pays dont les systèmes scolaires sont à la fois les plus performants pédagogiquement et les plus équitables socialement sont des pays qui accordent une grande autonomie aux établissements.

Il me semble qu’à l’instar des Pays-Bas, de la Nouvelle-Zélande et du Québec nous pourrions réfléchir aux moyens d’accroître l’autonomie des établissements en augmentant la part des dotations horaires laissées à leur appréciation.

Ainsi que l’a rappelé le président Legendre dans son intervention, quelles que soient les réformes de structure et d’organisation du lycée qui seront entreprises, elles ne parviendront pas à diminuer les sorties sans qualification du système scolaire si la question de l’orientation n’est pas prise à bras-le-corps.

Une bonne orientation, c’est d’abord une bonne information. Or, aujourd’hui, l’information est réservée à ceux qui savent et à ceux qui ont, à ceux dont les parents ont déjà emprunté les mêmes voies ou qui sont assez aisés pour recourir aux services de structures privées.

À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie, que j’avais l’honneur de rapporter, nous avons tenu à agir immédiatement pour changer la donne. Il fallait donner une nouvelle cohérence à la politique d’information et d’orientation éclatée en une vingtaine de réseaux indépendants. Chacun d’entre eux fait bien son travail, mais il le fait seul, isolé, sans nouer de véritable partenariat.

C’est pourquoi nous avons renforcé le rôle du délégué interministériel à l’orientation, qui sera désormais placé auprès du Premier ministre. Il aura pour tâche de proposer les priorités de la politique nationale d’information et d’orientation scolaire et professionnelle, d’établir des normes de qualité pour le service public d’information et d’orientation, et d’évaluer les politiques menées sur les plans national et régional.

En outre, le Délégué à l’information et à l’orientation présentera au Premier ministre, avant le 1er juillet 2010, un plan de coordination de l’action des opérateurs sous tutelle de l’État en matière d’information et d’orientation. Il examine les conditions de réalisation du rapprochement, sous la tutelle du Premier ministre, de l’ONISEP, qui dépend de l’éducation nationale, de Centre INFFO, piloté par le ministère de l’emploi, et du CIDJ, placé sous la responsabilité du haut-commissaire à la jeunesse.

Sont ainsi jetées les bases du service territorialisé d’orientation que le président de la République a présenté, le 29 septembre dernier, dans son discours d’Avignon consacré à la politique de la jeunesse.

La commission spéciale du Sénat a également souhaité agir sur la formation initiale des conseillers d’orientation-psychologues, laquelle devra davantage prendre en compte la connaissance des filières, des qualifications et des métiers. L’élargissement de la qualification de ces personnels ne pourra que renforcer l’utilité de leur rôle auprès des élèves et des familles.

L’orientation ne se limite pas, bien entendu, aux classes de troisième et de seconde. Nous devons accorder une attention spécifique à la charnière entre le lycée et l’enseignement supérieur. Chaque année, 80 000 jeunes environ échouent en premier cycle de l’université et sortent sans diplôme de l’enseignement supérieur, alors qu’ils ne disposent bien souvent d’aucune qualification du travail.

Il faut redire que, si tous les baccalauréats ouvrent les portes de l’enseignement supérieur, tous n’offrent pas les mêmes chances de succès dans toutes les filières du supérieur. Il convient donc que les lycéens, notamment dans les filières professionnelles et technologiques, mesurent bien les difficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer au cours de leurs études.

Le dispositif d’orientation active mis en place depuis peu dans les universités répond en partie à ce problème. Toutefois, il ne suffit pas de dire à un lycéen que son profil, selon les statistiques, l’expose presque à coup sûr à l’échec. Il faut aussi prendre le temps de le rencontrer et de lui proposer une autre orientation, proche de celle qu’il souhaitait à l’origine, mais plus en accord avec son parcours antérieur. Ainsi, un entretien personnalisé devrait obligatoirement être proposé à tous les bacheliers risquant de rencontrer des difficultés dans la filière qu’ils souhaitent intégrer en priorité.

En complément du développement de l’orientation active et personnalisée, il serait utile que les universités fassent connaître, à titre indicatif, les connaissances et compétences qu’elles estiment nécessaires pour réussir dans telle ou telle de leurs filières. Les élèves seraient alors guidés dans leur choix par les informations ainsi fournies, ce qui ne pourrait qu’accroître leur chance de réussite.

Monsieur le ministre, ce grand chantier de l’orientation ne relève pas de votre seule responsabilité. Il nécessite un dialogue et une collaboration étroite non seulement avec vos collègues chargés de l’enseignement supérieur, de l’emploi et de la jeunesse, mais aussi avec les élus locaux, régionaux notamment. Croyez bien que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat saura appuyer vos efforts en ce domaine, comme elle l’a fait au moment de la rénovation du lycée, afin de lui assurer plus d’autonomie et plus d’ouverture sur la société.

Pour conclure mon propos, je reviendrai sur quelques chiffres : pour 30 % des enfants d’ouvriers, le diplôme le plus élevé est un CAP ou un BEP, alors que cette proportion est de 5 % seulement pour les enfants de cadres, d’enseignants ou de professions libérales ; 90 % des enfants de cadres et d’enseignants, mais moins de 50 % des enfants d’ouvriers obtiennent le baccalauréat ; il y a dix fois moins d’enfants d’ouvriers ou d’agriculteurs dans les classes préparatoires aux grandes écoles que d’enfants de cadres, d’enseignants ou de professions libérales. Nous ne pouvons accepter plus longtemps une telle situation.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, souvenons-nous des paroles de Socrate, selon qui le savoir est la seule chose qui augmente lorsqu’on la partage. Dans notre société où il est la clef première de la réussite, notre devoir est de créer les conditions d’un meilleur accès au savoir et de l’élargissement de sa diffusion. Or, monsieur le ministre, votre réforme du lycée y contribue. C’est la raison pour laquelle nous la soutenons et saluons votre détermination, qui n’a d’égal que celle de M. le président de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le lycée est l’un des lieux importants de transmission des savoirs et d’apprentissage, un moment privilégié dans la constitution d’une culture commune et la construction de la citoyenneté.

Parler du lycée, c’est évoquer une vision de la société et de l’avenir, définir la place que l’on accorde aux jeunes. La question de sa réforme est donc éminemment politique. En débattre nous permet de nous interroger sur la conception même de l’éducation et, donc, sur son rôle dans notre société.

L’ensemble des réformes menées par le Gouvernement concourt à redéfinir notre conception même du système éducatif, de la maternelle à l’université, et transforme les missions et finalités de l’école, passant ainsi d’une ambition d’un haut niveau de connaissance pour tous et toutes à un objectif d’employabilité.

Ce projet-là implique une nouvelle conception des apprentissages et des savoirs « nécessaires » aux individus, en fonction de la place qui leur est assignée dans la société. Il s’inscrit dans le droit fil de la « stratégie de Lisbonne », visant à « construire l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde », et qui préconise notamment de disposer, d’un côté, d’une main-d’œuvre non qualifiée devant répondre à des critères d’« employabilité », à hauteur de 30 % à 40 %, et, de l’autre, d’une main-d’œuvre hautement qualifiée, à hauteur de 40 % à 50 %.

C’est à l’aune de cette « stratégie » que doit s’analyser la réforme actuelle des lycées. Sur le sujet, de nombreux rapports ont identifié les points faisant « consensus », à savoir, notamment, le déséquilibre entre les différentes voies, leur inégale dignité, l’orientation, les sorties sans qualification, l’hégémonie de la série scientifique et la nécessaire revalorisation du métier d’enseignant.

Il s’agit non pas de donner ici une image négative de notre lycée, mais de nous interroger sur les transformations à opérer pour répondre au défi de l’élévation des connaissances et des qualifications. De ce point de vue, une telle réforme ne peut s’émanciper ni de l’amont ni de l’aval. J’y reviendrai en abordant la question de l’orientation.

De même doit être posée la question d’une nouvelle articulation et d’une égale dignité entre les voies générale, technologique et professionnelle. Le poids des déterminismes sociaux marque en effet trop fortement notre lycée. Les filières technologiques et, plus encore, professionnelles, sont trop peu investies, et les élèves issus de milieux défavorisés y sont surreprésentés. Elles sont encore méprisées et restent marquées du sceau d’une orientation par l’échec.

À ce titre, je souhaite dénoncer le caractère choquant et stigmatisant de l’expérimentation menée par l’académie de Créteil sous l’impulsion de M. Martin Hirsch, visant à rémunérer des élèves des lycées professionnels pour leur présence et leur bon comportement.

M. Nicolas About. Vous déformez la réalité !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Une telle expérimentation participe d’un dévoiement du sens de l’école.

M. Nicolas About. Ce n’est pas cela !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Dans les lycées professionnels, la réforme est effective depuis la rentrée 2009 et le baccalauréat professionnel en trois ans a été généralisé. Le chef de l’État a lui-même évoqué, le 13 octobre dernier, « l’une des réformes les plus importantes » de son quinquennat en matière éducative, précisant qu’elle devait être conçue comme « la première étape » de son projet pour le lycée.

Nous pouvons d’ailleurs nous en inquiéter, tant sur la forme que sur le fond. En effet, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans a été imposée brutalement, contre l’avis des enseignants, alors même que, selon les premières expérimentations, près de 50 % des lycéens concernés ne parvenaient pas jusqu’au diplôme et sortaient de ce parcours sans qualification. Un tel constat ne peut manquer d’étonner, surtout quand le but affiché, rappelé par le Président de la République, est de « lutter efficacement contre les sorties sans qualification ».

Cette réforme, organisée selon un calendrier insoutenable, a été menée dans la précipitation. Lors de la rentrée scolaire, tous les référentiels n’étaient pas connus, ce qui a entraîné, sur le terrain, désorganisation et problèmes d’orientation : alors qu’ils le souhaitaient, certains élèves n’ont pas été affectés en lycée professionnel, mais, par défaut, dans d’autres branches ; certains se sont vu refuser le redoublement.

Dans les établissements, les personnels se sont mobilisés pour faire en sorte que la rentrée se passe le « moins mal » possible, mais l’inquiétude est forte. En découle un manque de lisibilité de la nouvelle offre de formation dans sa globalité, tant pour les élèves et les familles que pour les enseignants.

Sur le système d’orientation, le Président de la République ne nous annonce rien de moins qu’une « révolution ». L’orientation deviendrait « progressive et surtout réversible », grâce à des dispositifs de passerelles. Il s’agirait d’instaurer une sorte de droit à l’erreur. Dont acte.

Mais par quels moyens parviendra-t-on à un tel résultat ? L’accent est mis sur une meilleure information sur les filières, les études supérieures et les débouchés. Mais informer ne suffit pas, il faut surtout réussir à modifier les comportements induits par les inégalités socioculturelles, qui aboutissent à limiter les choix des élèves issus des milieux modestes. Il faut enrayer une telle autocensure en prévoyant un véritable accompagnement, dans la durée, par des personnels compétents et qualifiés.

Or, depuis 2006, le Gouvernement procède à une extinction tacite du corps des COPsy, les conseillers d’orientation-psychologues : 50 postes sont ouverts au concours, alors qu’il en faudrait 250 pour maintenir l’effectif actuel, déjà trop limité.

Monsieur le ministre, vous mettez en cause leur formation, en soulignant ses insuffisances en matière de connaissance fine des métiers, mais vous voulez confier leur mission aux enseignants, dont le savoir en la matière est limité ! C’est sans doute pour cette raison que vous envisagez de proposer à ces derniers d’effectuer des « stages d’observation en entreprises ». Il en faudra alors beaucoup...

Comment croire à la mise en place de mesures supplémentaires, efficaces et de qualité, alors que sont confirmées les 16 000 suppressions de postes au sein de l’éducation nationale pour 2010 ? Ainsi, depuis 2008, auront été supprimés plus de 40 000 postes. De plus, on sait que la sélection par l’échec et l’orientation par défaut se font souvent dès le collège, notamment en classe de troisième. Et ce n’est pas le « parcours de découverte des métiers et des formations » tel que mis en place en 2007 qui a changé la donne. Si rien n’est réformé en amont, ce « droit à l’erreur » en restera au stade de l’incantation.

Pour le chef de l’État, le lycée de demain doit devenir celui de « l’accompagnement personnalisé pour tous les élèves ». Pourquoi pas, s’il ne s’agit pas de s’inscrire dans la philosophie de l’individualisation des parcours, mesure phare de M. Darcos, qui allait de paire avec l’autonomie des établissements ! Face à l’absence de moyens supplémentaires – la réforme s’effectue « à moyens constants » –, on peut s’interroger sur l’impact réel de ce dispositif sur la réduction de l’échec scolaire, d’autant que rien n’est dit des modalités concrètes, sinon que les établissements devront « trouver la solution la mieux adaptée ». Devront-ils utiliser la dotation globale horaire et donc réduire les heures consacrées aux enseignements généraux ? Auront-ils recours aux heures supplémentaires ? Quid alors du respect de l’égalité de traitement sur tout le territoire ?

Une fois encore, tout cela participe d’une logique avec laquelle il faut rompre, car elle consiste à n’interroger l’échec scolaire que du point de vue de l’élève, en réfutant tout traitement global et toute remise en cause de l’institution et des politiques conduites.

Le lycée doit être un lieu où la transmission des savoirs ne se réduit pas à l’acquisition de compétences individuelles mises en concurrence, où le diplôme – le baccalauréat, en l’occurrence – garde sa valeur de référence nationale et collective, où est défendue la mission émancipatrice de l’école.

C’est pourquoi un autre projet pour le lycée pourrait s’articuler autour de deux grands axes.

Tout d’abord, il convient de réaffirmer la nécessité d’une culture ambitieuse pour tous les futurs adultes, y compris grâce à des allers et retours rendus possibles par la formation continue tout au long de la vie. La formation doit transmettre des outils intellectuels permettant d’avoir prise sur le monde et de le comprendre. À mon sens, c’est l’inverse du socle commun minimal qui distingue le minimum pour tous et le supplément pour quelques-uns.

La lutte contre les inégalités constitue le second axe de ce projet. Il faut enfin créer les conditions réelles de sa réalisation en mettant en place un plan de lutte contre les inégalités, qui prévoira le maintien du traitement de la difficulté scolaire dans la compétence de l’école, le financement d’un programme de recherche pour comprendre l’échec scolaire, l’aide aux professeurs pour l’appréhender et améliorer leur formation.

En effet, réformer le lycée ne peut se faire sans porter une attention particulière à l’exercice du métier d’enseignant et à son statut, garant des bonnes conditions d’enseignement. Ce sont eux les acteurs du changement ! Un profond malaise, accentué par le passage en force lors de la réforme de leur recrutement et de leur formation, touche cette profession. Difficile et peu valorisé, mal rémunéré, ce métier voit ses conditions d’exercice s’aggraver du fait des suppressions de postes qui font disparaître peu à peu tous les autres adultes présents dans les établissements : infirmières, médecins scolaires ou CPE, conseillers principaux d’éducation. Rien ne sera décemment possible dans une logique de restriction budgétaire.

Il est temps aussi que soient non seulement écoutés, mais aussi compris, les besoins et les attentes des lycéens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au centre, la première de nos ambitions est de replacer l’homme au cœur de tout projet. Aussi, si nous ne devions conserver qu’une seule idée, nous choisirions l’investissement dans la formation, le progrès des connaissances, la culture. Ce débat sur le lycée est donc le bienvenu et je remercie M. le président de la commission, Jacques Legendre, d’avoir demandé son inscription à l’ordre du jour.

Le lycée, haute institution bicentenaire, a connu une démocratisation constante, comme en témoigne l’évolution du nombre de bacheliers depuis 1931. Pourtant, en termes qualitatifs, la portée de cette démocratisation est peu satisfaisante, puisque, chaque année, 50 000 jeunes quittent définitivement le lycée sans obtenir le baccalauréat et 80 000 bacheliers sortent de l’enseignement supérieur sans aucun diplôme. Notons que le monde dans lequel les lycéens et leurs enseignants vivent aujourd’hui est très différent de ce qu’il était en 1974, date de la dernière réforme significative du lycée.

Aussi, à l’heure où les chiffres révèlent un constat en demi-teinte, je regrette, monsieur le ministre, que l’on s’achemine vers un texte a minima préconisant un certain nombre d’ajustements, au demeurant fort utiles et pertinents.

Mais, il faut bien l’avouer, ce n’est pas si simple ! Car, paradoxalement, alors que les élèves et les enseignants expriment un besoin d’évolution, toute perspective de changement est très souvent vécue avec angoisse et suspicion.

On peut regretter aussi que la réforme de l’éducation ne se fasse jamais de manière globale, et que l’on agisse à chaque fois sur un seul maillon du système. Nous avons réformé le collège en 2005 et l’école primaire l’an passé ; nous réformons aujourd’hui le lycée… Pourtant, un grand texte fondateur, avec une vision complète de la transmission des savoirs, y compris tout au long de la vie, n’aurait sans doute pas été inintéressant.

Comment aborder la réforme ?

Nous ne devons pas appréhender l’école comme un sujet technique et purement administratif, mais comme un sujet vivant et humain dont le cœur est l’élève ! Il faut traiter du sens, de la finalité et des multiples objectifs de l’enseignement – la transmission de connaissances, mais aussi de savoir-faire et de savoir-être. L’école a pour rôle clé de préparer les jeunes à exercer un métier, mais aussi de les aider à se construire et à devenir des adultes épanouis et responsables.

La vision de mon groupe repose sur la conception d’une éducation et d’une culture de l’ouverture, de l’émulation et de l’échange, qui contribue à construire une identité vivante, à l’opposé du repliement sur soi. Notre école républicaine doit également permettre la construction d’une culture commune, composée de valeurs telles qu’une véritable ouverture aux autres.

Parce que nous devons penser la place de chaque élève, quelle que soit sa condition, je me permets, monsieur le ministre, d’attirer votre attention sur le sort des personnes handicapées. Le mois dernier, lors d’un déplacement dans ma région, vous avez déclaré vouloir fournir un avenir, un après-collège à ces enfants. Nous approuvons cette volonté, mais souhaitons en savoir davantage sur vos propositions.

Quelles sont, pour nous, les priorités de la réforme ?

L’orientation, point noir de notre système éducatif, constitue une question fondamentale, sur laquelle il convient d’opérer une véritable révolution culturelle. Les lycéens ont du mal à déterminer quel avenir professionnel leur ouvrent les différentes séries, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du caractère souvent partiel de l’information. En conséquence, l’orientation est plus souvent subie que choisie pour bon nombre d’entre eux. Celle-ci intervient tardivement, ponctuellement, sans continuum, et souvent par défaut. Notre pays continue de valoriser l’intelligence abstraite au détriment d’autres formes d’intelligence

Aussi devons-nous absolument penser, dans le cadre de cette réforme, à l’articulation entre le lycée technologique, le lycée général et le lycée professionnel, pour qu’enfin ce dernier ne soit plus vécu comme un pis-aller. L’orientation doit permettre à chaque élève de construire son parcours de réussite et, sur ce point, les préconisations du rapport Descoings, comme celles du rapport de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes, me semblent rejoindre les vôtres, monsieur le ministre.

Une rénovation des enseignements et des pédagogies, couplée à une profonde réflexion sur les rythmes scolaires, nous semble également indispensable. Ceux-ci sont aujourd’hui inadaptés : les Français de 15 ans assistent en moyenne à 1 036 heures de cours par an, tandis que la moyenne de l’OCDE est de 921 heures. Il n’est pas rare que certains élèves quittent leur domicile à six heures du matin pour rentrer parfois à dix-neuf heures. Les programmes sont souvent très lourds et les professeurs anxieux à l’idée de ne pas les « boucler ». On soulignera aussi que le découpage de l’année scolaire est souvent déséquilibré, entre un premier trimestre très long et un troisième trimestre qui, le plus souvent, se réduit à peau de chagrin. À cet égard, l’idée d’un redécoupage semestriel me semblait intéressante.

La réforme prévoit aussi un rééquilibrage entre les séries de la voie générale, notamment le sauvetage de la série L. En 2005, au cours du débat sur l’école, notre groupe avait proposé, à travers des amendements malheureusement rejetés, l’intégration dans le socle commun de la maîtrise du corps, ainsi que de l’éducation artistique et culturelle. Aujourd’hui, la réforme prévoit un accès généralisé aux arts et à l’éducation physique et sportive, l’EPS, et je m’en réjouis !

En ce qui concerne les arts et la culture, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la distinction qui me semble devoir être faite entre l’enseignement et l’éducation artistique. L’éducation artistique, c’est la sensibilisation permanente aux arts et à la culture via un certain nombre de disciplines, ainsi que l’apprentissage de l’histoire des arts. L’enseignement, c’est plutôt l’apprentissage d’une technique, généralement dispensée dans ces établissements dédiés que sont les conservatoires ou les écoles de musique. Si, à l’avenir, la série L sert à former aux métiers des arts et de la culture, il serait utile de penser la réforme en lien avec celle, déjà très avancée, des enseignements artistiques, dont nous débattrons la semaine prochaine dans cet hémicycle.

S’agissant maintenant du renforcement des langues, qui constitue une excellente chose, c’est en profondeur et de manière diversifiée qu’il faut agir. Naturellement, l’angliciste que je suis se sent particulièrement concernée. Regrouper les élèves par niveau peut s’avérer opportun, à condition, bien évidemment, d’alléger les effectifs. Dispenser des cours en langues étrangères, encourager les séjours à l’étranger et réintroduire une épreuve orale au baccalauréat me semblent indispensables. Mais l’immersion linguistique nécessaire à tout apprentissage efficace peut aussi passer par des mesures simples. Ainsi, Michel Thiollière et moi-même avons amendé le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision de manière à ce que l’on puisse regarder les séries étrangères en version originale. Je regrette qu’aujourd’hui encore alors que ce service existe sur les chaînes privées, il reste absent de notre service public !

Il faut également libérer l’initiative, comme l’a dit notre collègue Jean-Claude Carle. Aujourd’hui, l’école est parfois trop normative, et l’on pourrait laisser davantage d’autonomie à chacun des acteurs, qu’il s’agisse des directeurs, à travers leurs projets d’établissement, des enseignants, par les expériences pédagogiques qu’ils mènent et des élèves, dont on doit encourager la créativité et l’esprit d’initiative ! Ainsi, la classe de terminale, originalité française, clé de passage vers l’enseignement supérieur, devrait marquer moins la fin des études secondaires que l’amorce des études supérieures. Pour en faire une année moins consacrée à emmagasiner des connaissances qu’à apprendre à les utiliser, il faudrait transformer profondément les méthodes de travail et, notamment, développer l’initiation aux recherches personnelles.

Il convient également, monsieur le ministre, de conforter la place des nouvelles technologies, qui permettent de stimuler la diversité des intelligences dont font preuve nos jeunes. La France a rattrapé son retard en la matière, notamment grâce aux collectivités locales. Aujourd’hui, 95 % des 12-17 ans sont des internautes, et ils passent deux fois plus de temps devant un écran qu’à l’école. Ces chiffres méritent d’être retenus. L’école doit donc mieux s’emparer de ces outils pour guider les jeunes vers une utilisation profitable de la toile qui, on le sait, peut ne pas être sans danger.

Réformer le lycée, c’est aussi se poser la question du métier d’enseignant. Voilà 59 ans que le statut des professeurs n’a pas été réformé ! Comme l’a expliqué le rapport Descoings, il faut, en corrélation avec ces ambitions, penser à l’évolution, à l’adaptation et à l’attractivité de ce beau et noble métier qu’est l’enseignement. Je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet, que nous avons déjà évoqué au sein de notre groupe en 2005, et que mon collègue Jean-Jacques Pignard développera tout à l’heure.

J’évoquerai encore deux autres points, monsieur le ministre. En premier lieu, si la réforme annoncée des collectivités territoriales confirme la compétence de la région en matière de formation professionnelle, il faudra alors engager un travail toujours plus étroit avec ces collectivités, qui se sont vu confier l’élaboration des plans régionaux de formation.

En second lieu, comme le préconise également le rapport Descoings, le projet de réforme des lycées ne devrait pas apparaître comme un moyen déguisé de diminuer les moyens, mais comme une nouvelle ambition. Abraham Lincoln affirmait : « Si vous trouvez que l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ! » On sait que la France a consacré des moyens conséquents au lycée, et ce au détriment de l’université. Il convient sans doute d’envisager une meilleure répartition à ce niveau mais, comme l’a promis le Président de la République, la réforme doit se faire à taux d’encadrement constant.

En conclusion, nous devons concevoir un lycée qui prépare mieux l’avenir de nos jeunes. Aujourd’hui, le slogan devrait être « la réussite pour tous » plutôt que « 80 % d’une classe d’âge au bac »… (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur une annonce qui a fait grand bruit ces dernières semaines, celle du projet expérimental « Lutte contre l’absentéisme et incitation collective », initié dans l’Académie de Créteil, et qui concerne notamment le lycée Gabriel-Péri de Champigny-sur-Marne. S’il ne s’agit que d’un projet parmi les 165 soutenus par le fonds d’expérimentation pour la jeunesse, il n’en demeure pas moins caractéristique d’une certaine philosophie de l’éducation. En cela, il pose des questions de valeurs que le Gouvernement ne peut se permettre de balayer du revers de la main, même si, en ce moment, une polémique médiatique en chasse une autre à une cadence infernale.

Si l’éducation a un coût, toujours trop élevé aux yeux du gouvernement actuel, elle n’a pas de prix, et ne doit pas en avoir. En sortant du registre de la rétribution symbolique, vous faites entrer encore un peu plus l’école dans la sphère marchande. Une classe n’est pas un conseil d’administration où l’on peut cumuler les jetons de présence !

Ce qui me semble le plus grave, c’est ce discours ambivalent, voire contradictoire, que l’école républicaine, garante de principes fondamentaux tels que la gratuité et l’obligation scolaire, adresse ainsi à la Nation, agissant comme une institution schizophrène qui anéantirait, en son sein, les valeurs qu’elle promulgue à l’extérieur...

J’y ai également vu le pendant de la suppression des allocations familiales aux parents jugés défaillants. Je ne suis donc pas étonné que cette question redevienne d’actualité à travers les propos de M. Xavier Bertrand. En somme, et en caricaturant à peine, c’est la carotte pour les plus de seize ans et le bâton pour les moins de seize ans !

Tenir comme discours institutionnel que la présence en classe peut s’acheter, y compris selon une rétribution collective, est un leurre. Les lycéens concernés l’ont bien compris, certains y ayant déjà répondu par un « moi, on ne m’achète pas ! ». C’est un leurre en ce sens que cette expérimentation permet d’esquiver la question centrale du décrochage scolaire : que se passe-t-il à l’intérieur de la classe pour que ces élèves n’y aillent plus ? Comment se transmet ou ne se transmet plus le savoir pour ces élèves qualifiés de décrocheurs, et pourquoi ?

Car ce n’est pas la cause de l’absentéisme que vous cherchez à traiter, mais seulement certains de ses effets. Avec ce dispositif, vous actez, de fait, la démission de l’école républicaine. Vous niez la question du sens des apprentissages et de l’apprentissage tout court ! Peu importe ce qui se passe en classe pourvu qu’on y soit, d’autant que la politique éducative du Gouvernement consiste à multiplier les dispositifs externes censés rattraper justement ce qui se passe ou ne se passe pas en classe, et qu’on ne veut surtout pas interroger. Introduire la notion d’argent, et donc un rapport mercantile dans la relation au savoir, c’est nier le travail d’innovation pédagogique de l’enseignant au quotidien, alors même que les professeurs de lycées professionnels sont souvent les plus innovants dans leur manière de transmettre et de faire apprendre. Peut-être gagnerait-on à encourager les bonnes pratiques de ces enseignants et à s’appuyer sur les innovations de ces concepteurs pédagogiques de terrain en les diffusant ?

À ce titre, je ne peux m’empêcher de citer Philippe Meirieu : « N’en déplaise aux spécialistes des « y a qu’à », tout enseignant sait bien que les apprentissages ne se décrètent pas. Et, quoi qu’en pensent les technocrates, on n’éradiquera pas l’échec scolaire en multipliant les prothèses de toutes sortes après la classe, sans toucher à l’organisation même de cette dernière. Les pédagogues, en dépit des anathèmes et des malentendus, ne sont en rien de doux rêveurs ayant abdiqué leur autorité et renoncé à transmettre des savoirs. Ils témoignent, au contraire, d’une inlassable obstination dans ce domaine, articulant, avec inventivité, la volonté d’instruire et celle de former à la liberté. »

Ainsi, la réforme du bac professionnel n’a pas donné lieu à une réflexion sérieuse sur les pratiques pédagogiques à promouvoir dans les lycées professionnels, parce que la pédagogie est devenue, ces dernières années, un gros mot. Ce faisant, nous nous privons de capacités de généralisation de savoir-faire développés sur le terrain par les équipes éducatives, et qui ont fait leur preuve ! Malheureusement, la réforme du lycée général, en s’apparentant de plus en plus à un catalogue de mesures désordonnées, prend le même chemin.

Dans les filières professionnelles, l’autre question cruciale, très liée au décrochage scolaire et pourtant laissée de côté, est celle de l’orientation et de la désespérance d’un projet professionnel réellement choisi.

Dans votre bilan de rentrée de la réforme de la voie professionnelle, vous vous êtes félicité, monsieur le ministre, d’avoir réduit le nombre d’élèves non affectés par rapport aux années antérieures. Mais pouvez-vous indiquer à la Haute Assemblée le taux d’affectation des élèves dans leur premier vœu, c’est-à-dire leur premier choix, non seulement de filière, mais aussi d’établissement ? Car se retrouver dans une filière professionnelle complètement étrangère à celle initialement visée, ou dans un établissement très éloigné de son domicile, voire cumuler ces deux handicaps, constitue les premières causes, en dehors de la nécessité de devoir gagner sa vie, de décrochage.

Dans le Val-de-Marne, les chiffres de la rentrée contredisent la réduction nationalement observée. Huit cent soixante-quinze jeunes sans affectation se sont adressés au dispositif « SOS rentrée » mis en place par le Conseil général, soit une hausse de 33 % par rapport à l’an passé. Sont principalement concernés l’enseignement professionnel et les sections de techniciens supérieurs, soit les deux filières d’études où se retrouvent davantage les catégories sociales les plus modestes.

Ces derniers jours, quatre-vingt-trois jeunes étaient encore sans établissement, ressentant à la fois une angoisse légitime quant à leur avenir et une profonde injustice, plus d’un mois et demi après la rentrée scolaire, de ne pas avoir leur place à l’école. Les causes du décrochage scolaire sont d’abord là !

C’est pourquoi je regrette que la rénovation de la voie professionnelle n’ait pas bénéficié du même processus de dialogue et de maturation que la voie générale, sachant toutefois que, dans ce dernier cas, ce sont les réticences suscitées par le premier projet Darcos qui l’avait rendu indispensable.

Comme le souligne un récent rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, imposer cette réforme dans la précipitation a été source de difficultés avec les régions, en termes de redéfinition de la carte des formations, dont le principal enjeu était l’équilibre entre bac pro et CAP.

Votre réforme s’applique depuis la rentrée, alors que nombre de points restent flous, particulièrement en termes d’orientation et de construction des parcours de formation. Orienter un adolescent en difficulté au collège directement vers un bac en trois ans, sans possibilité de repli, à part la certification intermédiaire en cours de formation, peut nourrir l’inquiétude, d’autant que la question de la valeur du BEP rénové, présenté comme « certification intermédiaire », reste posée, de même que celle du nécessaire approfondissement de son articulation avec l’organisation pédagogique du bac.

Par ailleurs, les élèves qui souhaitent une orientation vers la voie professionnelle pour effectuer davantage d’apprentissage pratique risquent de ne pas s’y retrouver puisque les heures d’enseignement professionnel sont au nombre de dix en bac pro, contre quinze en moyenne en CAP. Certains parents privilégieront alors un CAP, diplôme d’insertion professionnelle, quitte à envisager ensuite une hypothétique poursuite d’études. Reste alors le problème des passerelles qui pourraient être mises en place entre CAP et bac en trois ans, que ce soit sous statut scolaire ou par apprentissage.

L’inspection générale déplore également une information insuffisante des familles, de l’encadrement et des enseignants, voire un discours maladroit qui vient brouiller les cartes.

Selon elle, « on peut craindre que les conseils de classe de troisième ne sous-estiment les chances de réussite en baccalauréat professionnel de certains élèves [...] sous l’effet cumulé de plusieurs facteurs », en particulier, le discours sur la valorisation de la voie professionnelle et l’insistance de certains supports d’information sur l’objectif de poursuite d’études dans l’enseignement supérieur pour les nouveaux bacheliers professionnels.

Pour l’inspection générale, « le plus important, car le plus porteur de malentendu à moyen terme, est l’insistance sur la possibilité de poursuivre le parcours en BTS après le baccalauréat professionnel en trois ans », étant entendu que « si ce message a pour effet de renforcer la motivation des élèves, il a pour inconvénient, lorsqu’il est au cœur de la communication, de faire miroiter à certains élèves un horizon qu’au moins une partie d’entre eux aura du mal à atteindre, et de banaliser le contenu professionnel du baccalauréat professionnel ». C’est pourquoi elle demande un suivi précis des flux d’orientation, un accompagnement des établissements dans leur autonomie et un recadrage du discours officiel sur la voie professionnelle.

Au moment où commence la phase dite « de concertation » sur la rénovation du lycée général et technologique, il me semblait important de saisir l’occasion de ce débat pour revenir sur les ratages de la réforme de la voie professionnelle, afin d’éviter au Gouvernement de réitérer les mêmes impairs.

De cette rénovation le Président de la République vient de fixer les contours. La logique à l’œuvre est toujours la même : feuilletage, externalisation hors de la classe et individualisation des dispositifs, avec multiplication des stages pendant les vacances scolaires, généralisation au lycée des deux heures d’accompagnement individualisé, dont on aimerait d’ailleurs que le Gouvernement précise le financement. Ces deux heures viennent-elles remplacer les quatre heures hebdomadaires de modules et d’aide individualisée ? Auquel cas, en voulant faire plus, on ferait moins, comme pour les enseignements artistiques et culturels en lycée professionnel, en somme !

Le Président de la République nous a également promis un rééquilibrage des filières. Celui-ci se résume en réalité à la seule modification des contenus de la filière littéraire, ce qui permet de nouveau d’évacuer toute réflexion globale, et à coup sûr politiquement plus sensible, sur les enseignements à donner au lycée.

Enfin, je n’ai relevé aucune mention de l’éducation prioritaire dans le discours présidentiel sur la réforme des lycées, alors même que l’assouplissement de la carte scolaire a eu des effets dévastateurs sur nombre d’établissements de quartier. Ce qui fait dire à Agnès van Zanten, sociologue spécialiste des inégalités dans l’éducation, que, avec l’assouplissement de la carte scolaire, on aide les élèves méritants aux dépens de ceux qui sont en difficulté. Or le progrès social d’une société se mesure à l’aune du progrès des plus fragiles, et les conditions de vie actuellement faites à ceux-ci les obligent de plus en plus à rester entre eux. L’écart avec le reste de la population se creuse toujours davantage, et la crise économique que nous traversons ne va pas sans accentuer ce phénomène.

Parce qu’il vous faut des résultats quantifiables, vos politiques se concentrent sur ceux qui se trouvent à la frontière. C’est vrai pour la lutte contre le chômage, où les efforts d’accompagnement portent sur les plus aptes à rejoindre l’emploi. C’est vrai également pour l’école, où l’accent est mis sur la « remédiation » individualisée de la difficulté scolaire passagère, sur la promotion individuelle au détriment du progrès collectif.

Ainsi, l’évitement des établissements considérés comme les plus mal « cotés » marque encore plus les zones de relégation scolaire. Nous pensons que le remède a été pire que le mal, car, comme à l’accoutumée, votre politique s’est focalisée sur le symptôme, et non sur le mal lui-même.

C’est pourquoi nous attendons avec impatience, monsieur le ministre, un vrai bilan de l’assouplissement de la carte scolaire, qui devait aboutir, rappelons-le, à sa suppression pure et simple à la rentrée 2010. Si ce bilan devait confirmer les tendances observées, je ne doute pas que le Gouvernement ferait montre de sagesse en abandonnant ce projet inepte.

En conclusion, je me permettrai de vous demander, monsieur le ministre, de transmettre à M. le Président de la République, impliqué personnellement dans ce dossier, ces interrogations afin qu’il puisse y répondre dans une prochaine conférence de presse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un fait nouveau que le Président de la République s’exprime lui-même sur le lycée. Et c’est un fait heureux, tant il est vrai que les 2,2 millions de lycéens représentent une part importante de l’avenir de la France.

La réforme dont le Président de la République a tracé les grandes lignes est ce qui reste du projet de lycée modulaire imaginé par votre prédécesseur ; c’est dire, entre nous, qu’il ne reste pas grand-chose… Je souhaite qu’à travers la concertation dont vous êtes chargé, monsieur le ministre, vous puissiez donner à cette réforme la substance qui lui manque.

Je m’étonne tout d’abord que le Président de la République n’ait pas évoqué, dans son discours, les besoins du pays, sinon au détour d’une phrase, et comme par raccroc, à propos de la réforme de la section du bac technologique « sciences et techniques industrielles », ou STI.

Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur la baisse constante du nombre d’étudiants inscrits dans les filières scientifiques de nos universités. Dans la compétition mondiale, où les pays asiatiques forment toujours plus d’ingénieurs, de techniciens, de chercheurs, c’est une grave lacune ! Le handicap qui en résulte pour le pays, du fait de la mauvaise orientation des élèves et des étudiants vers des filières sans débouchés, n’en sera pas corrigé.

Le Président de la République vous a chargé, monsieur le ministre, de poursuivre la consultation ; je souhaite que vous le fassiez avec le souci républicain de l’intérêt général, avec la volonté de former les citoyens et les producteurs ; j’entends par là les ouvriers qualifiés, les techniciens, les ingénieurs, les chercheurs dont a besoin un pays moderne, pleinement engagé dans la compétition mondiale.

Lorsque, en 1984, j’avais défini, dans une perspective de démocratisation, un objectif de 80 % de jeunes atteignant le niveau du bac – et non, madame Morin-Desailly, obtenant le bac –, car nous en étions à l’époque à 40 %, lorsque j’avais revalorisé l’enseignement professionnel, en créant les bacs pro, et régionalisé la construction ainsi que l’équipement des lycées, je m’étais tourné vers une société d’études, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui a produit une étude prévisionnelle de ce que pourrait être la structure de la population active de la France en l’an 2000.

Quand on veut parler du lycée, c’est ainsi qu’il faut réfléchir : en partant des intérêts du pays.

Je relève une seconde contradiction dans le discours du Président de la République : il déclare vouloir préserver l’excellence, le niveau d’exigence, mais, en même temps, s’étonne, voire s’indigne, du nombre de redoublements au lycée, du fait que 35 000 lycéens, à la fin de la terminale, n’ont pas le bac et, enfin, que 80 000 bacheliers n’obtiennent pas un diplôme d’enseignement supérieur.

Mais il n’aura échappé à personne que, à le suivre dans son raisonnement, il faudrait donner le bac à tout le monde et un diplôme d’enseignement supérieur à tous les bacheliers ! C’est le principe même de l’élitisme républicain que le Président de la République met en cause, un principe qui vise à la fois à la démocratisation des études et au maintien de l’exigence intellectuelle et de la qualité de l’enseignement.

Rappelons le mot d’Henri Wallon, à la Libération : « L’école républicaine a pour but la promotion de tous et la sélection des meilleurs. » La sélection est dans la nature des choses ; le problème est de savoir si elle se fait sur des critères démocratiques.

Le Président de la République pointe à juste titre l’inégalité des chances selon l’origine sociale. Mais croyez-vous qu’on corrigera cette inégalité par un abaissement de l’exigence ? L’école ne peut corriger à elle seule l’inégalité sociale, sauf à prendre le risque de la démagogie et de l’égalitarisme niveleur. Il faut alors, et dans tous les domaines de l’action politique, une énergie républicaine que je ne discerne pas toujours dans les choix du Gouvernement, notamment en matière fiscale.

On peut certes améliorer l’orientation, mais je ne crois pas qu’on puisse instituer une orientation permanente et efficace, avec des stages passerelles et des remises à niveau pendant les vacances. Étendre la seconde dite « de détermination » à la classe de première risque de casser les filières de deux ans, qui permettent un certain approfondissement des matières. À l’évidence, une classe de terminale spécialisée ne suffit pas.

Prélever deux heures sur les horaires de cours pour un soutien des élèves en difficulté alors que baisse le nombre de postes de professeur, c’est aller au-devant du « lycée light » qu’on a reproché à votre prédécesseur.

On ne compensera pas non plus la baisse du nombre de professeurs de langues vivantes par le recrutement d’assistants parmi les étudiants étrangers.

Le Président de la République déclare vouloir casser la hiérarchie imposée des voies et des séries. L’intention est louable, mais ne faisons pas de la série S le bouc émissaire de ce qui ne va pas au lycée ! Elle est justement ce qui marche ! Certes, elle a le grave défaut d’attirer les bons élèves… Mais que faut-il faire de ces bons élèves ? C’est pour vous un véritable casse-tête, monsieur le ministre ! On a l’impression que, si vous n’aviez que des cancres, votre tâche en serait facilitée. (Sourires.)

Vous suggérez, à juste titre, qu’il y ait de bons élèves partout, et d’abord dans la filière littéraire, la fameuse série L. Je vous approuve : la revalorisation de la série littéraire est une bonne chose. Je l’avais moi-même prévue en 1986, dans la réforme des lycées que mon successeur a malheureusement suspendue.

Vous voulez y introduire des langues étrangères, du droit, un enseignement culturel et artistique. À la bonne heure ! Mais où sont les moyens ? Surtout, vous oubliez le grec et le latin, qui sont au cœur de notre langue, de notre culture, de notre civilisation ! L’apprentissage des langues anciennes est la base même de toute revalorisation de la série L. On ne peut pas imaginer un professeur de français qui ne sache pas le latin !

M. Adrien Gouteyron. Très bien ! Je suis ravi d’entendre cela !

M. Jean-Pierre Chevènement. Par ailleurs, vous évoquez la réforme de la filière technologique, mais seulement à travers la filière STI. Vous proposez de réserver des places pour les élèves de cette section dans les IUT et les BTS. Sur quelles bases ? Ne risquez-vous pas de porter atteinte au principe du concours ? Y aura-t-il au moins deux concours séparés ? Au passage, je vous ferai observer que les IUT offrent de moins en moins des formations courtes et sont de plus en plus une voie d’acheminement vers des études longues.

L’enjeu de la formation d’un plus grand nombre de scientifiques et d’ingénieurs est crucial pour le pays. Vouloir atteindre cet objectif à travers la réforme de la seule section STI est pour le moins réducteur. C’est l’ensemble de la filière technologique et de la filière professionnelle qui mérite votre sollicitude.

La généralisation du bac pro en trois ans ne suffit pas pour revaloriser le lycée professionnel. D’abord, il faudrait l’évaluer, ce qui, et pour cause, n’a pas encore été fait. Il faut des moyens en hommes et en matériels, et ce n’est pas avec une « cagnotte scolaire » qu’on luttera contre l’absentéisme des élèves. Soit dit en passant, cette cagnotte serait la négation même des principes de l’école républicaine. Monsieur le ministre, mettez donc un terme à ces expérimentations hasardeuses !

Je suis surpris que le mot « région » ne figure pas dans le discours présidentiel, alors même que ce sont les régions qui construisent, qui recrutent les personnels techniques, les laborantins, etc. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.) Si vous voulez revaloriser la filière technologique et professionnelle, vous ne pouvez le faire qu’avec le concours des régions ! Il faudrait alors réunir l’ensemble de celles-ci pour définir en commun un plan ambitieux de développement et de modernisation de ces filières.

Le Président de la République dit souvent une chose et son contraire…

M. le président. Il n’est pas le seul ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Chevènement. C’est vrai ! Ne l’accablons pas ! (Nouveaux sourires.)

Au demeurant, cela vous facilitera la tâche, monsieur le ministre. Je vous souhaite très sincèrement, parce qu’il y va de l’avenir de notre jeunesse et du pays tout entier, de tenir les deux bouts de la chaîne : d’un côté, le souci de la démocratisation ; de l’autre, le maintien de l’exigence de qualité et de niveau.

Notre lycée ne fonctionne pas si mal. Il faut certes le réformer, mais de manière intelligente. On ne peut d’ailleurs pas agir autrement avec des systèmes complexes. Il est trop simple d’opposer, comme le font certains, la conquête de l’autonomie, sixième axe de la réforme, à l’encadrement trop pesant dont nous aurions hérité.

Je m’étonne au passage que le discours du Président de la République soit muet sur la violence scolaire. Jack Lang a relevé que les propositions de Nicolas Sarkozy s’inscrivaient dans le droit fil de la réforme du lycée de 1992 et de celle de 2000, qu’il avait lui-même conduites. On ne saurait mieux dire !

En conclusion, je dirai que la conquête de l’autonomie sera d’autant plus aisée que seront maintenus des cadres solides. La conquête de l’autonomie passe par celle du savoir, il faut le répéter, et ce sont les enfants des classes les moins favorisées qui, vous le savez, monsieur le ministre, ont le plus besoin d’une école structurée, sûre de ses valeurs. La transmission des savoirs, dont la parfaite maîtrise fonde l’autorité du maître, passe par un bon encadrement. C’est la meilleure garantie d’un lycée qui marche, à Clichy-sous-Bois comme à Neuilly.

Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, ne vous laissez pas égarer par des comparaisons statistiques trompeuses sur le nombre d’heures de cours dispensées dans d’autres pays aux élèves de quinze ans. Chaque système éducatif a sa spécificité. Il n’est pas souhaitable de réduire le nombre des heures de cours au lycée, car ce n’est pas en travaillant moins que nos lycéens apprendront mieux ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le président, mes chers collègues, ce débat, souhaité par M. Legendre, président de la commission de la culture, et animé par M. Jean-Claude Carle, répond à la volonté du Président de la République de vous confier, monsieur le ministre, le soin de relancer la réflexion sur le fonctionnement des lycées.

Le groupe de l’UMP soutient sans réserve cette excellente démarche et adhère pour l’essentiel aux propos de M. Carle.

Je souhaite attirer votre attention sur un sujet qui, pour être ponctuel, n’est pas pour autant dénué d’importance. Je veux parler de la gouvernance des établissements, tant il est vrai que l’éducation nationale ne peut pas et ne doit pas être une fédération de classes ; elle doit être un système d’établissements responsables, suivant directement les élèves pour les conduire à la plus grande réussite possible compte tenu de leurs talents et, surtout, de leur implication.

Nous devons donc reconstruire ces établissements. C’est d’ailleurs le sens des très nombreuses mesures que vous proposez, monsieur le ministre, et que vous aurez à expliquer tout au long des prochaines semaines.

Je suis convaincu qu’il vous faut réfléchir et sur les responsabilités propres du chef d’établissement et sur l’autorité de gouvernance des établissements que sont les conseils d’administration.

Lors de la discussion du texte qui allait devenir la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, du 23 avril 2005, présenté par François Fillon, nous avions fait adopter, à l’article 39, le principe d’une expérimentation afin que les conseils d’administration des lycées – beaucoup d’entre nous y ont siégé en qualité de représentant de leur région – cessent d’être des réunions pléthoriques, aux ordres du jour chargés, traitant interminablement de questions subalternes et ne s’attaquant que très rarement aux sujets de fond, c’est-à-dire le projet d’établissement, la réussite des élèves et les moyens de l’obtenir.

Cet article autorisait, à titre expérimental, les lycées d’enseignement général, technologique et professionnel, à se doter d’un conseil d'administration à l’image de ceux des lycées agricoles de l’État, par exemple. Ces conseils d’administration, plus restreints, largement ouverts sur la vie professionnelle et tournés vers les élus, laissent naturellement une place aux enseignants, aux techniciens, aux ouvriers de service et aux parents d’élèves, mais permettent de distinguer les fonctions de chef d’établissement et de président de conseil d’administration. Ainsi, le directeur d’établissement d’enseignement agricole ne se trouve pas dans la situation équivoque qui est celle du proviseur de lycée, à la fois chef d’établissement et représentant de l’administration, et qui ne lui permet pas de mobiliser tous les moyens nécessaires pour bâtir le projet d’établissement et le faire partager.

Monsieur le ministre, envisagez-vous, non pas de remettre en cause ce qui existe, mais d’exploiter les possibilités ouvertes par l’article 39 de la loi du 23 avril 2005 ?

En effet, un lycée doit être un établissement inséré dans le bassin de vie. Certains établissements sont les dépositaires d’une tradition, d’une histoire plus ou moins longue, remontant parfois à Napoléon, voire plus loin dans le temps. D’autres sont récents, mais ont su trouver leur chemin et leur identité.

Dans la région lorraine, que je connais mieux que d’autres, des lycées anciens sont implantés dans de grandes métropoles universitaires. En partenariat avec l’université, nous avons offert à des lycées sans passé historique des perspectives nouvelles d’association avec de grandes écoles. Avec M. Richard Descoings, directeur de Sciences Po Paris, nous avons été les premiers à encourager les établissements d’enseignement secondaire sans réelle tradition, souvent héritiers d’anciens centres d’enseignement professionnels transformés en lycées professionnels, à élaborer des projets d’établissement permettant aux élèves qui le pouvaient d’accéder à la voie de la réussite qu’est l’enseignement supérieur.

Monsieur le ministre, vous n’annoncez pas, et vous avez raison, de grands changements en matière de gouvernance. Mais ne considérez-vous pas qu’il serait intéressant d’exploiter les possibilités ouvertes par la loi de 2005 et qui, manifestement, n’ont pas fait à ce jour le début du commencement d’une application ?

J’en viens au rôle du chef d’établissement. Un proviseur d’établissement public n’est pas et ne sera jamais un directeur d’établissement privé. À titre personnel, je m’en réjouis, car la dignité du proviseur tient au fait qu’il ne choisit ni ses élèves ni ses enseignants. Il assume une fonction de service public qui consiste à donner toutes leurs chances à tous les élèves de son bassin de recrutement, sans recours à la sélection élitiste qui, certes, permet d’obtenir des pourcentages spectaculaires de réussite au baccalauréat, mais qui trahit aussi en partie la vocation de l’enseignement public d’éduquer tous les élèves, y compris les cas les plus difficiles.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Gérard Longuet. De la même façon, il ne choisit pas ses enseignants : il fait avec ceux qu’il a.

Ce n’est pas parce qu’il est privé de la double liberté de choisir ses élèves et ses enseignants que le proviseur ne doit pas disposer de responsabilités plus larges lui permettant, sous l’autorité d’un président de conseil d'administration, de mettre en œuvre un projet d’établissement. Pour y parvenir, il doit, selon moi, viser deux objectifs et disposer de certains moyens.

Le premier objectif, c’est, bien entendu, l’élaboration et la mise en œuvre du projet d’établissement. À cette fin, il doit réfléchir à la place de son établissement dans l’environnement humain au sein duquel il est implanté. Le projet ne sera pas le même pour un lycée de banlieue d’une grande agglomération, pour le lycée napoléonien traditionnel d’une petite préfecture ou pour un grand lycée parisien, qui a du reste ses lettres de noblesse et dont il serait absurde de diminuer la performance et le caractère certes quelque peu élitiste. Mais après tout, réjouissons-nous, avec Jean-Pierre Chevènement, qu’il y ait de très bons élèves et donnons-leur la chance de réussir !

Le second objectif, que vous évoquez très clairement, monsieur le ministre, dans le sillage du message délivré par le Président de la République, c’est le suivi individualisé des élèves. Il y a là quelque chose de tout à fait nouveau : c’est un saut qualitatif considérable, qui a été rendu possible dans les collèges et dans l’enseignement primaire par la loi de 2005 et que vous vous proposez d’étendre aux lycées.

La dialectique du maître et de sa classe laisse la place à un établissement qui suit des élèves, ce qui est bien différent.

Dans la dialectique du maître et de la classe, le proviseur n’est qu’une interface administrative. Il dispose certes d’un beau bureau, mais il n’est là que pour veiller à l’application des circulaires, pour faire face au « harcèlement textuel » dont il est, paraît-il, l’objet. (Sourires.) Il ne doit surtout s’occuper ni de pédagogie ni de l’action des enseignants dans leurs classes, ceux-ci parlant d’ailleurs de leurs classes et non pas de leurs élèves.

Il faut modifier ce mode de fonctionnement. C’est ce que vous proposez, monsieur le ministre, et nous y sommes favorables. Il appartient au proviseur, et derrière lui à l’administration de l’établissement, d’aller à la rencontre des élèves, de les connaître, de les suivre tout au long des trois années, au minimum, pendant lesquelles ils fréquenteront le lycée et de répondre d’une façon appropriée et personnalisée à leurs demandes.

Cela suppose des moyens. Le premier de ces moyens réside dans la libéralisation de la dotation globale horaire. Et contrairement à ce qu’a dit un autre intervenant, cette libéralisation ne nuira pas à l’égalité ; elle permettra, au contraire, d’offrir un enseignement plus adapté aux besoins d’élèves vivant dans des milieux différents, avec des expériences familiales différentes, voire, particulièrement dans les grandes agglomérations, des origines nationales différentes. L’enseignement doit s’adapter aux besoins des élèves, c’est une évidence.

Un deuxième moyen consiste à établir des liens avec l’enseignement supérieur. Cette mission revient au chef d’établissement. La force du lycée – et c'est la raison pour laquelle les régions sont fondées à être des partenaires de l’État –, c’est de préparer à la formation professionnelle d’insertion, à l’enseignement supérieur, long ou court. Bref, les lycées sont tournés vers l’avenir.

Les chefs d’établissement doivent donc établir des liens avec les formations post-lycée, qu’elles se déroulent au sein d’un lycée– les BTS, par exemple – ou dans une université. Cela suppose une organisation, donc un responsable. Cette responsabilité ne peut pas être exercée par les professeurs. Elle ne peut être assumée que par la direction de l’établissement, au service de tous les élèves et dans la perspective de partenariats dont la responsabilité incombe, non pas aux enseignants, mais bien à l’établissement.

Un troisième moyen passe par l’ouverture des lycées. Lorsque l’on gère un livret de compétences, il faut suivre l’élève non seulement à l’intérieur mais aussi à l’extérieur du lycée. Il faut, bien sûr en accord avec lui, connaître ses activités culturelles, sportives, associatives, afin de mieux cerner, étoffer et consolider l’image de sa personnalité. Cette responsabilité incombe aux chefs d’établissement.

Je vais m’arrêter là, car j’ai largement dépassé le temps qui m’était imparti, mais le sujet le mérite.

Je conclurai sur une idée très simple. La direction d’un établissement ne doit pas se réduire à la fatalité inéluctable d’assurer l’interface administrative entre le rectorat et les communautés éducatives au sens large. Nous devons concevoir des directions qui assurent le pilotage d’un projet mobilisant l’ensemble de la communauté éducative, à savoir les enseignants, les élèves et leurs parents. Pour y parvenir, il faut un capitaine dans le navire, c’est-à-dire une direction. C’était le sens des possibilités d’expérimentation ouvertes par la loi de 2005, qui mériteraient de passer au stade de la concrétisation. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a une fois de plus un paradoxe entre le constat du chef de l’État sur le sort, « scandaleux », réservé à l’éducation culturelle et artistique dans notre système scolaire et les moyens mis en œuvre en faveur de cette action.

Il est pourtant déterminant de renforcer la place de l’éducation artistique et culturelle, en particulier au lycée. De nombreuses études, outre l’expérience de terrain, ont démontré toute son efficacité dans la réussite de l’ensemble des élèves. Elles ont également mis en lumière que l’art apprend à apprendre, développe le potentiel de chaque élève et facilite la compréhension d’un monde de plus en plus complexe, tout en forgeant son libre arbitre.

J’ai toujours plaidé en faveur de l’enseignement de l’histoire des arts à l’école, mais il s’agit dans mon esprit non pas seulement d’un enseignement transversal, mais surtout d’un enseignement à part entière, avec des enseignants spécifiquement formés. Or, si le ministre de la culture a récemment regretté l’absence d’une agrégation d’histoire de l’art, il faut savoir qu’il n’existe même pas de CAPES pour cette matière !

Par ailleurs, un enseignement de l’histoire des arts ne saurait remplacer la pratique et le contact direct avec la création et les artistes. Tant mieux si les partenariats entre les lycées et les institutions culturelles de leur région sont enfin systématisés ! Mais avec quels moyens ? Certes, il n’est plus question de supprimer les dispositifs d’éducation artistique et culturelle, mais leurs crédits sont diminués, ce qui revient au même.

Des metteurs en scène, des comédiens, des chorégraphes, des plasticiens, des musiciens proposent des actions remarquables et passionnantes. Cette présence des artistes au lycée est fondamentale et doit être renforcée, ce qui passe par des financements d’État pérennes, mais aussi par l’harmonisation du statut et la rémunération des artistes intervenants, mise à mal par la remise en cause du régime des intermittents du spectacle. On ne répétera jamais assez que ce qui coûte cher, c’est non pas la culture, mais bien l’absence de culture !

La démocratisation culturelle est un chantier permanent qu’il faut sans cesse approfondir, et le lycée a un rôle-clé à jouer en la matière.

Face à l’uniformisation et à la standardisation d’une culture marchande mondialisée du divertissement, dont la jeunesse est la première cible, la République doit se donner les moyens pour que l’offre artistique et culturelle publique ne soit plus réservée à 15 % de la population mais s’adresse à tous les citoyens, surtout à ceux qui en sont le plus éloignés. C’est une question de justice sociale, de solidarité, d’égalité des citoyens et de respect du droit à la culture pour tous.

C’est pourquoi, si je salue la volonté du chef de l’État que soient retransmises dans chaque lycée les « premières » de la création théâtrale, musicale et lyrique financée grâce au soutien public, je m’interroge : où, quand, comment et dans quelles conditions ? L’État ne va-t-il pas, encore une fois de plus, se défausser sur les collectivités locales ? De plus, une retransmission ne remplace pas la magie du spectacle vivant. C’est bien à l’épreuve du feu qu’on se brûle, c’est bien l’expérience vécue qui fait naître le désir d’art. La retransmission de la création peut être un outil pédagogique, mais elle ne peut se substituer à l’irremplaçable émotion de l’« éternel présent » qu’est la représentation, événement unique et insaisissable.

Comme son nom l’indique, le spectacle vivant, cela se vit. C’est même vital !

Malgré les quelques mesures proposées, l’éducation artistique et culturelle reste particulièrement fragile et semble condamnée à ne constituer que la variable d’ajustement des politiques éducatives, alors qu’elle est au centre de la vie, de l’humain, des connaissances ! C’est pourquoi l’éducation artistique et culturelle au lycée ne doit plus être à part, ni être optionnelle, ni reposer uniquement sur la bonne volonté de quelques professeurs ou chefs d’établissement passionnés.

Cela suppose que l’éducation artistique et culturelle relève dorénavant d’une véritable politique nationale dans la durée. Et il s’agit bien de réclamer plus d’État non « pour diriger l’art, mais pour mieux le servir », ainsi que l’a très bien formulé André Malraux. C’est une condition nécessaire pour que personne n’en soit écarté.

Certes, les emplois du temps des lycéens sont déjà bien remplis, mais l’éducation artistique leur permet de gagner du temps dans le beau et difficile « métier de vivre » Elle développe l’imaginaire, l’intelligence sensible et la créativité dont chacun est porteur. Et nous savons bien que, à diplôme égal, c’est la culture générale et la capacité à symboliser le monde qui fait la différence dans l’obtention d’un emploi. Comme le formule si bien Edgar Morin, « la culture, c’est ce qui relie les savoirs et les féconde ». Et je rejoins Pascal : « L’homme est fait pour penser, c’est toute sa dignité. »

La création, par France Télévisions, d’une vidéothèque en ligne de films classiques à usage des lycées va dans le bon sens. Face à la montée en puissance de la culture de l’écran, l’éducation nationale a l’impérieux devoir de former les jeunes à l’image et au tri des informations, comme à leur appréhension critique.

En outre, si les technologies sont aujourd’hui un passage obligé dans l’accès aux connaissances, la dimension humaine, humaniste et humanisante de leur appropriation doit primer sur la technique.

Il n’est pas difficile de partager le constat selon lequel il y a urgence à revaloriser les filières littéraires, les « humanités », pour reprendre ce terme qui les définit si bien, d’autant que la lecture est en net recul, comme le démontre la dernière étude sur les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique.

Pour autant, il ne faut pas oublier que les jeunes se détournent des filières scientifiques après le baccalauréat et que l’on peut même parler de désaffection massive. C’est pourquoi, s’il est essentiel de revaloriser les séries littéraires et technologiques, il est parallèlement indispensable de renforcer la place de la culture scientifique pour tous.

La lutte contre l’illettrisme scientifique est fondamentale. C’est plus que jamais un enjeu crucial pour peser sur les choix environnementaux, éthiques, sociaux et industriels qui résultent des avancées scientifiques elles-mêmes, d’autant que les sciences et les techniques sont de plus en plus présentes dans notre quotidien et se trouvent au cœur des grands débats de société, qu’il s’agisse du réchauffement climatique, de l’avenir de l’énergie nucléaire, de l’alimentation, des organismes génétiquement modifiés, des biotechnologies, des nanotechnologies, etc.

Il est donc important de démocratiser l’accès à la culture scientifique, car c’est aussi un enjeu de la démocratie et de la citoyenneté. Il n’y a pas de démocratie sans généralisation et partage des savoirs, sans citoyens éclairés.

L’art et la culture sont des armes de construction massive, qui nous apportent chaque jour de nouvelles raisons d’édifier non pas le meilleur des mondes, mais un monde meilleur.

Alors que la France adhère à l’objectif stratégique de Lisbonne visant à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus dynamique du monde d’ici à 2010 », je déplore le décalage permanent entre les déclarations et les actes, entre l’affichage et les moyens qui ne suivent pas. C’est incompréhensible, alors même que l’intelligence est la première ressource de notre pays, qui l’oublie malheureusement trop souvent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie par avance de pardonner ma maladresse puisque, dernier arrivé à la Haute Assemblée, je n’en connais pas encore tous les usages. C’est en effet la première fois que je m’exprime à cette tribune. (Marques d’encouragement et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.),…

M. Jean-Claude Carle. Vous apprendrez vite !

M. Jean-Jacques Pignard. Mais, pour un homme qui a consacré toute sa carrière professionnelle à l’enseignement, ce débat est une bonne occasion pour une première. Encore que je ne dispose ici que de six minutes ! J’ai d’ailleurs cru comprendre que, dans cette classe-ci, pour en obtenir dix, il fallait avoir redoublé plusieurs fois… (Rires.)

Veuillez aussi me pardonner de ne pas suivre la fiche que l’on m’a préparée. Il y était écrit que certains éléments de la réforme rendaient le groupe centriste « septique », comme la fosse ! S’il fallait trouver une justification pour réhabiliter la filière littéraire, celle-ci suffirait… (Nouveaux rires.)

L’ambition de cette réforme est d’allier, et non d’opposer, l’acquisition d’un socle de culture générale et la légitime ambition d’une orientation personnelle.

Comment ne pas souscrire à cette idée, qui rend d’ailleurs a posteriori inconséquent tout projet d’orientation prématuré, qui ferait litière de notre patrimoine commun, la littérature, l’histoire, la géographie, mais aussi la science et la fréquentation des arts, auxquelles Ivan Renar vient de consacrer l’essentiel de son intervention ?

Comment ne pas souscrire au souhait affiché de ne pas réduire l’excellence à la seule série S, si intéressante soit-elle ?

J’ai débuté ma carrière en enseignant l’histoire à des classes préparatoires, puis j’ai fait le choix de transmettre mes connaissances à des élèves de la filière STI parce que, entre-temps, j’étais devenu maire d’une ville de 35 000 habitants, dont 30 % étaient d’origine étrangère, et que je ne pouvais me résoudre à ce qu’une partie de cette population demeurât à l’écart d’un héritage qu’elle souhaitait généralement s’approprier même s’il ne lui était pas naturel. Dans cet exercice, je n’ai connu que du bonheur.

Mes chers collègues, l’apprentissage des nouvelles technologies, dont nous sommes tous de chauds partisans, ne saurait remplacer le couple que constituent le professeur et l’élève, sauf à transformer l’éducation nationale en une sorte de standard téléphonique : « Pour une information sur l’histoire, tapez 1 ; pour la littérature, tapez 2 ; pour la géographie, tapez 3 ; pour toute autre information, tapez 4 ; veuillez patienter, un conseiller va vous répondre. » (Sourires.) Trop d’élèves ont attendu trop longtemps et ont dû raccrocher !

J’ai bien noté que, dans votre réforme, monsieur le ministre, figurait ce couple essentiel du professeur et de l’élève. L’enseignant dispense un savoir-faire plus que jamais nécessaire, mais il est aussi un accompagnant – terme que je préfère à celui de « référent » – qui, à travers les discussions avec ses élèves, oriente, soigne les lacunes et le mal-être de tous ceux qui ont décroché, qui innove aussi en recourant à de nouvelles méthodes de pédagogie, grâce à la liberté que vous voudrez bien lui accorder.

Votre réforme ne réussira que si les professeurs jouent le jeu. Ce sera, pour nombre d’entre eux, un défi à relever et une nouvelle façon d’appréhender leur métier. Mais, pour cela, il faudra que vous leur donniez les moyens nécessaires. Or le Président de la République a expliqué que ces changements auront lieu à moyens constants. Donc, votre tâche sera difficile, monsieur le ministre.

Certes, l’évolution démographique, la nouvelle organisation des plages horaires, ainsi que les innovations permettant de regrouper des classes pour les cours magistraux et de les dédoubler pour des modules pourront vous aider.

Cette mission délicate peut aussi être pour vous, monsieur le ministre, une chance si elle vous permet de tailler dans l’accessoire pour aller à l’essentiel. Dans la grande administration qui est la vôtre, des redéploiements devraient être possibles. Pour énoncer des choses évidentes, il n’est pas nécessaire de produire quotidiennement des circulaires de cinquante pages, qui font le cauchemar des proviseurs. En réduisant ces textes à dix pages, vous pourriez peut-être redéployer quarante rédacteurs et apprendre à ceux qui restent à rédiger ces textes dans une langue vernaculaire qu’on appelle le français, et non pas dans un volapük intégré qui désespère Billancourt et Neuilly, pour une fois réunis… (Sourires.)

L’essentiel, j’y reviens, c’est le professeur, qui ne vous demandera pas seulement la juste rémunération de son travail, mais qui réclamera aussi ce qui faisait tant défaut à Pygmalion : la considération.

Je me réjouis, pour ma part, que vous ayez adopté une démarche pragmatique. Dans ce pays, au xixe siècle, tous les vingt ans, un régime politique en chassait un autre. Au xxe siècle, tous les dix ans, une réforme de l’éducation en chassait une autre. Aux grandes enjambées du lièvre, vous avez choisi le pas mesuré, prudent de la tortue, mais nous savons tous, depuis La Fontaine, que ce n’est pas la plus mauvaise façon de parvenir au but. Nous souhaitons tous, au groupe de l’Union centriste, que vous parveniez au but. Encore faut-il vous en donner les moyens ; faute de quoi, entre l’ambition et la réalisation, il y aurait non pas une fosse mais un fossé, qui, cette fois-ci, pourrait engendrer notre scepticisme. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. - M. Ivan Renar applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet sur lequel nous débattons aujourd’hui est fondamental. Réformer le lycée, c’est dès à présent faire entrer la France dans la société de la connaissance de demain.

Dans ce but, nous devons réaffirmer la place des filières technologiques et professionnelles au lycée. Il le faut pour deux raisons : d’abord, parce que la démocratisation du lycée s’est faite essentiellement via ces filières ; ensuite, parce que celles-ci ont démontré toute leur utilité et sont une réussite en termes d’insertion sur le marché de l’emploi. Il convient donc de les pérenniser et de les renforcer, d’autant qu’elles souffrent encore trop souvent d’une stigmatisation infondée.

De ce point de vue, monsieur le ministre, on ne peut que regretter que, parmi les mesures annoncées pour la réforme du lycée, si peu d’entre elles leur soient directement consacrées. C’est d’autant plus préjudiciable que la réforme de la voie générale et technologique doit favoriser l’accès à cette dernière d’un plus grand nombre d’élèves, dans le cadre d’une diversité sociale accrue.

En effet, l’orientation dès la troisième en lycée professionnel ou dès la seconde en filière technologique est généralement réservée aux élèves considérés comme n’étant pas capables de réussir en voie générale. Elle constitue donc, encore et toujours, un outil de sélection sociale, la voie royale étant bien sûr la filière scientifique.

Je constate d’ailleurs que, lorsqu’il est question du rééquilibrage à réaliser entre les filières, on finit toujours par n’évoquer que les seules séries du bac général.

On peut certes se féliciter de la volonté affichée de revaloriser le bac littéraire ; de même, il faut se réjouir que le bon sens l’ait enfin emporté et que l’utilité de la filière économique et sociale ne soit plus remise en cause. Néanmoins, on peut regretter que ce rééquilibrage se réduise uniquement à la programmation d’un jeu de vases communicants de la filière S vers les filières ES et L.

J’estime, pour ma part, qu’il ne doit pas se faire uniquement au sein du bac général, mais plutôt entre les filières du bac général et du bac technologique. C’est à cette condition seulement que l’équilibre tant souhaité permettra de mettre enfin en accord les paroles et les actes. Cela montrerait effectivement que les filières technologiques et professionnelles bénéficient de la même considération que les filières générales. Ce ne serait d’ailleurs qu’un juste retour des choses, au regard du nombre d’élèves concernés. En effet, je le rappelle, en 2009, parmi les admis au baccalauréat, 90 000 venaient certes de la série ES, mais ils ont été 89 000, soit quasiment autant qu’en ES, à obtenir un bac technologique en filière tertiaire.

Sur la base de ce constat, je considère que les propositions qui sont avancées pour revaloriser ces filières sont insuffisantes.

Pour prendre un exemple, la refonte des programmes de la filière STI, si elle est nécessaire, ne peut être qu’une étape, non une fin en soi. Des programmes datant de 1993 doivent assurément être adaptés aux réalités contemporaines, mais cette actualisation ne peut qu’être un premier pas vers la nécessaire et attendue revalorisation de ces séries.

Je considère donc, pour en revenir à l’orientation vers les filières professionnelles et technologiques, qu’une des premières actions à mener est de développer un travail pédagogique intense, afin de tordre le cou aux représentations « stigmatisantes » qui affectent ces filières et casser la spirale de la dépréciation. Ce n’est que si l’on change le regard des élèves et de leurs familles sur ces filières, ce n’est que si l’on fait évoluer les mentalités à leur égard qu’elles pourront obtenir la reconnaissance sociale qui leur est due.

Le Président de la République se dit bien conscient de cette ardente nécessité. Dans ce but, il affirme vouloir faire de ces filières des filières d’exception et un outil de promotion sociale qui récompense le mérite par le travail et lui seul, comme il l’a précisé tout récemment. On peut cependant s’interroger sur les moyens qui seront mobilisés pour y parvenir véritablement. On sait bien que les proclamations, dans ce domaine plus encore qu’ailleurs, valent peu de chose…

Des réponses efficaces méritent pourtant d’être apportées. Comment, en effet, proclamer la revalorisation d’une filière lorsqu’on assiste, en pratique, à une mise en concurrence de fait entre les filières techniques et professionnelles, notamment depuis que le bac pro peut être obtenu en trois ans ? D’où ma première question : cette réalité conduira-t-elle, à terme, à l’intégration des bacs pro en BTS ?

On assiste à un autre paradoxe, et c’est, monsieur le ministre, le sens de ma deuxième question.

Au terme d’une sélection drastique, les IUT recrutent de plus en plus de titulaires d’un bac général. De ce fait, ceux qui ont un bac technologique sont contraints de s’engager dans un premier cycle universitaire, où ils connaissent un taux d’échec important.

Face à cette situation, monsieur le ministre, vous proposez la création d’un parcours débouchant sur les métiers d’ingénieur et de technicien pour les sciences et technologies industrielles. Vous envisagez également que soient réservées à ces bacheliers des places au sein des IUT, dans les sections de techniciens supérieurs, ainsi que des classes préparatoires spécifiques.

Au-delà de ces nouvelles annonces, on est en droit de s’interroger sur le devenir de ces projets. Quand verront-ils le jour ? Comment seront-ils financés ? Quel sera le statut de ces classes préparatoires ? Et surtout, quelle sera la politique conduite à l’égard des IUT ?

En effet, si des places doivent être réservées aux bacheliers des filières technologiques, cela suppose qu’il restera moins de places pour ceux qui ne sont pas issus de ces filières. On entre là dans une logique de gestion de la pénurie alors qu’il vaudrait mieux réfléchir aux causes du succès des IUT.

Puisque la formation qui y est dispensée est si recherchée, à juste titre, pourquoi ne pas prévoir un plan de création de places supplémentaires dans les IUT plutôt que d’en limiter l’accès ? Pourquoi ne pas penser en termes de développement d’une offre de formation au lieu de toujours appréhender l’éducation nationale comme une administration qui devrait systématiquement voir le nombre de ses fonctionnaires se réduire ?

On constate également, et c’est mon troisième point, un manque d’harmonisation, à l’échelon d’un bassin de vie, entre les spécialisations offertes dans les lycées et les diplômes auxquels préparent les IUT. Cette situation a pourtant des conséquences très lourdes sur le dynamisme des territoires. En effet, les élèves qui quittent leur région faute de pouvoir trouver dans les IUT proches de chez eux les formations qu’ils recherchent, n’y retournent que rarement une fois leur diplôme en poche.

Évidemment, je ne considère pas qu’il faille empêcher la mobilité des élèves. Cela n’aurait de toute façon pas grand sens au regard du marché du travail actuel ! Néanmoins, il est regrettable que des territoires voient leurs bons élèves partir alors que ceux-ci sont une source potentielle de dynamisme économique, mais également social et démographique.

Élu d’un département rural, je suis d’autant plus sensible à cette problématique que je me bats chaque jour pour entretenir et préserver la vitalité de mon territoire. Pour cette raison, monsieur le ministre, je vous pose la question : là aussi, quels moyens et quels outils seront mobilisés pour y remédier ?

Valoriser la voie technologique est une bonne chose. Introduire des enseignements techniques en seconde, aussi. Instaurer des passerelles entre les filières, pourquoi pas ?

Je note également qu’une orientation « progressive et réversible » est envisagée. Elle doit permettre la reconnaissance d’un « droit à l’erreur » pour les élèves. Mais, là encore, a-t-on véritablement mesuré la juste place qui doit être celle des filières technologiques et professionnelles ?

On voit bien ce que pourraient être les passerelles annoncées, pour passer de la série ES à la série L ou S, par exemple. Mais ces passerelles sont-elles aussi aisément adaptables dès lors qu’un élève souhaiterait aller d’une filière technique ou professionnelle vers une filière générale et réciproquement ? Je n’en suis pas sûr !

Enfin, l’apprentissage des langues étrangères et l’accès à la culture seraient renforcés pour les lycéens. Nul ne saurait s’élever contre ces objectifs. Je note d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous avez apparemment entendu l’inquiétude de ceux qui craignaient la disparition des enseignements en arts appliqués dans la filière professionnelle, disparition qui risquerait effectivement d’accroître l’inégalité des chances.

Mais, une fois de plus, est-on bien sûr que la mise en place de ces objectifs ne se heurtera pas à un principe de réalité qui les réduira à néant ?

Prenons le cas des langues étrangères : que chaque élève soit bilingue à la sortie du lycée serait une remarquable avancée. Pourtant, on peut douter que les besoins en matière linguistique soient les mêmes dans les filières techniques et professionnelles que dans les filières générales. Comment en tiendrez-vous compte ? Il existe là un réel danger de perpétuer l’inégalité entre les filières. Aussi, il ne faut pas que les langues étrangères et la culture redeviennent un outil de discrimination entre élèves et entre les filières.

Quelle organisation est donc prévue ? Vous voulez élargir le programme, mais, cela a été rappelé, vous affirmez dans le même temps que la réforme des lycées doit se faire, ainsi que l’a indiqué le Président de la République, à « taux d’encadrement constant » ! On est donc là confronté à une vraie contradiction : on renforcerait des inégalités culturelles qui, par un mécanisme cumulatif, ne feraient qu’accroître les inégalités sociales !

Le rapport Descoings ne donnait que des réponses approximatives à toutes ces questions. Les propositions du Gouvernement, ou plutôt celles du Président de la République, ne sont pas non plus des plus précises !

Je ne prendrai qu’un seul exemple pour illustrer mon propos. Le Président de la République a annoncé que des « liens permanents devraient être noués entre les lycées, les milieux professionnels et l’enseignement supérieur ». Mais, évoquer des « liens permanents », c’est plutôt vague ! Comment ce rapprochement entre les lycéens et les entreprises s’opérera-t-il ? S’agira-t-il pour les élèves d’aller faire des stages d’observation en entreprise, ou bien cela veut-il dire également que les entreprises interviendront dans les lycées ?

Ne vous méprenez pas sur mon propos, monsieur le ministre : je considère qu’il est effectivement nécessaire de faciliter l’insertion professionnelle des élèves. Dans cette perspective, il est logique de renforcer les liens qu’ils peuvent entretenir avec le monde de l’entreprise et, comme il y est fait référence, avec l’université également.

En revanche, je pense que des éclaircissements méritent d’être apportés quant aux modalités de cette rencontre. Il faut veiller à ce que la présence des lycéens en entreprise leur procure un réel bénéfice pédagogique et leur permette de préciser leurs attentes et leurs souhaits au regard de leur projet professionnel.

De même, on ne saurait tolérer que l’entreprise investisse n’importe comment le lycée. Je me souviens d’une vive polémique qui s’était développée voilà quelques années, au sujet d’une banque qui venait proposer aux élèves de la filière ES des jeux de société dans lesquels les élèves devaient se glisser dans le costume d’un trader. Vous en conviendrez, il est légitime de s’interroger sur le bien-fondé d’une initiative de ce genre !

Le lycée est le lycée ; l’entreprise, l’entreprise. Le premier ne doit pas se transformer en succursale ou en pouponnière de la seconde.

C’est donc dans un souci de préservation de l’institution éducative que je vous demande, monsieur le ministre, de préciser quels seront exactement ces liens que vous souhaitez encourager entre les entreprises et les lycées. Et je vous demanderai de le faire plus particulièrement en ce qui concerne la filière technologique, dont vous aurez compris qu’elle est particulièrement importante à mes yeux et me paraît, plus encore que la filière générale, concernée par cette proposition.

Ayant évoqué tous ces points, je conclurai mon propos en rappelant que l’enseignement technique et professionnel est certes un outil de démocratisation des lycées, et nous en sommes tous convaincus. Il reste cependant à répondre à cette question fondamentale : comment en fera-t-on l’outil d’ascension sociale qu’il devrait être ? Si nous n’y apportons pas de réponse, alors, on pourra dire que la réforme des lycées aura manqué son but, une fois de plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école a pour objectif la réussite de chacun. Elle est au cœur de notre socle républicain et détermine en grande partie l’avenir de notre jeunesse.

Nous disposons en France d’un excellent service public de l’éducation. Cependant, il pâtit aujourd’hui des arbitrages financiers qui lui sont imposés par le Gouvernement.

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » votés dans le budget pour 2009, même s’ils étaient en légère augmentation par rapport à 2008, ont encore une fois été insuffisants.

Vous nous promettez, monsieur le ministre, la réforme des lycées, la réforme de l’enseignement professionnel, la réforme du recrutement des enseignants et des instituts universitaires de formation des maîtres, ou IUFM, la refonte de l’école primaire autour de nouveaux programmes et de nouveaux horaires, l’accueil des jeunes enfants, et j’en passe… C’est très beau, mais il faudra y mettre la forme et, surtout, les moyens !

Dans ce contexte de réforme, il est impensable de continuer à supprimer des postes comme le Gouvernement s’entête à le faire. Les enseignants doivent être remplacés, des personnels accompagnants recrutés et formés, sans oublier des surveillants, des médecins, des psychologues, des infirmières scolaires et des personnels auxiliaires de vie scolaire, ou AVS, spécialisés pour la scolarisation d’élèves handicapés.

J’en viens au cœur du sujet qui nous réunit aujourd’hui. Le taux élevé d’échec ou d’abandon des étudiants inscrits en licence suffit à lui seul à expliquer l’extrême urgence du débat consacré au lycée.

La réforme de la classe de seconde, proposée à l’automne dernier par votre prédécesseur, monsieur le ministre, avait suscité une levée de boucliers, unanime et justifiée. Face à cette contestation, vous avez décidé de reporter une réforme bâclée. Lors de la discussion budgétaire, je m’étais d’ailleurs émue de la dramatique situation de blocage déclenchée par la précipitation du Gouvernement.

sur un sujet d’une telle importance, l’intervention du Parlement est devenue nécessaire. En effet, si la matière est essentiellement réglementaire, la représentation nationale ne peut rester à l’écart. Il est dommage que le débat arrive au Sénat après l’annonce du Président de la République.

Depuis cette crise, une concertation sur la réforme globale du baccalauréat et du lycée, de la seconde à la terminale, a été menée. Des missions se sont déplacées sur le terrain pour rencontrer les différents acteurs concernés – syndicats d’enseignants, lycéens, etc. – et elles ont publié leurs conclusions. Richard Descoings a remis son rapport au Gouvernement, Benoist Apparu a rendu celui dont il était chargé lorsqu’il était encore membre de l’Assemblée nationale.

Leurs propositions respectives, parfois concordantes, méritaient d’être retenues dans la réforme présentée le 13 octobre dernier : reconnaître le droit à l’erreur et assurer davantage de flexibilité dans l’orientation, lutter contre l’élitisme de certaines filières du baccalauréat, assurer un accompagnement personnalisé des élèves, améliorer l’enseignement des langues vivantes, valoriser la culture et aider les élèves à conquérir leur autonomie.

Je souhaite revenir aujourd’hui sur le point qui me semble fondamental : l’orientation des élèves.

Elle est presque toujours vécue comme extrêmement complexe, anxiogène, tardive et cloisonnée. Nous sommes dans une logique de filières hiérarchisées et ne prenant quasiment pas en compte, ou très mal, la perspective de l’insertion professionnelle. Les premières victimes de cette « culture de la désorientation » sont les enfants des milieux les moins favorisés.

Pour remédier à cette situation, il faut absolument introduire de la souplesse dans l’orientation et améliorer l’information des élèves et des parents, avant le collège. En effet, les premiers choix d’orientation décisifs se font dès la classe de troisième pour les élèves de seconde générale ou technologique, qui doivent choisir une ou plusieurs options, ainsi que pour les élèves orientés en seconde professionnelle.

Il serait donc intéressant de mettre en place une présentation uniforme et systématique des différentes voies de formation et de leurs débouchés, et ce, j’y insiste, le plus tôt possible.

Les journées de découverte, les rencontres ou le développement de stages avec tutorat, participeront à l’amélioration de l’orientation, à la meilleure intégration professionnelle de nos enfants et donc à la réussite de toute une classe d’âge.

Un élève qui envisagerait de changer de voie ou ne réussirait pas dans la filière choisie doit pouvoir être, d’abord, bien conseillé et, ensuite, accompagné. Il est donc impératif de développer davantage de passerelles entre les filières générales, les filières professionnelles et les entreprises.

Enfin, je m’interroge sur la place consacrée à l’art et à la culture au sein du lycée, en ce qui concerne tant les enseignements que la mise en place de nouveaux modes de diffusion de l’art. Je voudrais notamment être certaine qu’il y aura une véritable concertation entre le ministère de la culture et le ministère de l’éducation nationale sur la mise en commun des moyens et des programmes. Mme Catherine Morin-Desailly et M. Ivan Renar ont déjà évoqué ce thème, dont nous débattrons plus précisément la semaine prochaine.

Le sujet de cette réforme est vaste et le temps restreint de ce débat ne me permet pas d’en aborder tous les aspects, mais je forme le vœu que le Parlement soit de nouveau amené à en débattre dans un avenir très proche, notamment grâce aux procédures de contrôle dont nous disposons désormais.

Monsieur le ministre, les six grands axes de votre projet ne peuvent, sur le fond, que faire l’unanimité. Nous sommes tous d’accord pour dire que la réforme est nécessaire. Pourtant, mettre en œuvre les moyens pour atteindre ces objectifs d’ici à la rentrée 2010 me semble illusoire et je doute que le Gouvernement y consacre les fonds nécessaires. J’espère me tromper ! Mais nous aurons très vite l’occasion d’en avoir le cœur net, lors du prochain débat budgétaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. « Comment enseigner quand tout le monde ment ? » Permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de commencer mon intervention par une note pessimiste en citant la question que posait Charles Péguy et qui reste d’actualité, qu’on en approuve ou non les termes. En 2007, Alain Bentolila soulevait de nouveau le problème : « L’enseignement a réussi la massification scolaire, mais il a créé des ghettos scolaires et davantage d’illettrisme... Notre école se ment et ment à ses élèves, dont les frustrations seront d’autant plus exacerbées que le constat de leur insuffisance aura été déraisonnablement repoussé. »

Monsieur le ministre, nier que le lycée est en proie à de grandes difficultés, c’est prendre le risque d’une dégradation supplémentaire de notre système éducatif et méconnaître les immenses défis auxquels nos sociétés sont confrontées. Le lycée est pourtant une étape cruciale dans la constitution « des hommes en tant qu’hommes », pour reprendre la formule d’Emmanuel Kant. Il s’agit d’y former de futurs citoyens.

Ces difficultés concernent de nombreux aspects du système lycéen.

La première d’entre elles tient à l’organisation des enseignements. Il semble qu’une double hiérarchie se soit installée au fil des années au sein du système éducatif : d’une part, entre le lycée général et technologique et le lycée professionnel, victime d’une dévalorisation sociale, qui le fait apparaître comme l’institution refuge de jeunes en perdition ; d’autre part, entre les filières de la voie générale. Sa structure actuelle ne favorise en rien l’égalité des chances, car la filière scientifique est devenue une voie royale d’accès aux formations supérieures sélectives, prisée par des élèves issus des milieux sociaux favorisés : quatre bacheliers scientifiques sur dix sont enfants d’enseignants, de cadres ou de chefs d’entreprise, contre trois sur dix en L et en ES. De plus, la structuration des filières tend à enfermer les élèves dans des tuyaux disciplinaires desquels il leur est très difficile de s’extraire.

La deuxième difficulté a trait à l’organisation des filières qui résulte de l’orientation des élèves. Celle-ci engendre un stress permanent, tant pour les parents que pour les élèves, lesquels ont l’impression d’être les victimes d’un processus subi, en raison du manque de transparence sur les différents métiers et les formations y conduisant. Il ressort des consultations menées auprès des élèves et de leurs parents que l’orientation est une étape qui intervient trop tardivement, qui est enfermée dans une logique de filières hiérarchisées et qui ne prend pas en compte la perspective de l’insertion professionnelle et de la formation tout au long de la vie.

Enfin, la troisième difficulté renvoie à l’objectif même du lycée : préparer les élèves à l’insertion professionnelle. Or, aujourd’hui, le lycée est souvent, trop souvent, considéré comme une fin en soi et l’objectif d’emmener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat y est pour quelque chose.

En outre, notre système éducatif est caractérisé par la médiocrité du niveau de nos lycéens en langues étrangères, en comparaison avec celui de nos partenaires européens. Nous ne pouvons nous le permettre alors que les mutations provoquées par la mondialisation nous imposent de mieux maîtriser plusieurs langues étrangères. L’enjeu est important : il s’agit de la compétitivité économique de la France.

Autre difficulté grave : le système français inspire une certaine mésestime de soi aux élèves qui se dirigent vers un lycée professionnel, convaincus qu’ils ne sont pas assez bons pour s’orienter vers un lycée général. Cette dévalorisation sociale est à l’origine d’une désaffection problématique pour les filières industrielles, notamment, alors même qu’elles donnent accès à de considérables gisements d’emplois.

D’un autre côté, les bacheliers des filières générales, effrayés par l’ampleur des effectifs en premier cycle universitaire, se précipitent vers des formations du type BTS ou IUT, prenant ainsi la place de bacheliers des filières technologiques, évincés des lieux d’études qui leur sont pourtant destinés.

Les difficultés sont légion et nous ne pouvons délaisser plus longtemps le lycée, institution symbole de la République.

Au mois de septembre, une délégation de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat s’est rendue en Finlande pour étudier le système éducatif. La Finlande figure au premier rang des enquêtes du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le PISA, conduites par l’OCDE. Ce système éducatif est fondé sur un principe d’autonomie et l’enfant est au cœur du système. Les résultats paraissent excellents et la compétitivité de ce petit pays de 5 millions d’habitants est remarquable. Si le système n’est pas transposable, de bonnes idées sont à prendre et il y a, en tout cas, de quoi nourrir le débat.

Nous devons mener une réflexion d’ensemble sur notre système éducatif, mais cessons de rêver au grand soir de l’éducation, comme l’a si bien dit Richard Descoings. Attachons-nous d’abord à améliorer ce qui peut être amélioré, à réformer par petites touches les déséquilibres existants.

J’entends dire ici et là que la réforme n’est pas nécessaire, que tout va bien dans de nombreux lycées. Mais les premiers à réclamer le statu quo sont ceux qui bénéficient de cette hiérarchie entre les filières et qui sont issus des milieux favorisés. Richard Descoings a justement fait remarquer, lors de l’audition organisée au Sénat, que les professeurs étaient d’anciens bons élèves. Or l’égalité des chances doit rester au cœur des principes de notre système éducatif.

Au-delà de nos divergences, gardons à l’esprit les trois objectifs qui doivent continuer d’animer le lycée : premièrement, la transmission des savoirs et des connaissances selon des parcours de formation diversifiés ; deuxièmement, la construction progressive de la citoyenneté par le développement de l’esprit critique et la maîtrise d’une culture commune ; troisièmement, enfin, la préparation à l’insertion professionnelle, en développant notamment l’esprit d’initiative et la créativité.

Monsieur le ministre, devant ces objectifs ambitieux, mais indispensables, trois impératifs s’imposent à nous pour réformer le lycée. Nous devons parvenir à construire un lycée plus juste, plus efficace et plus performant pour nos adolescents.

Comment, d’abord, pouvons-nous rendre le lycée plus juste ?

L’égalité des chances est le fondement même de notre modèle républicain méritocratique. Il a orienté notre système éducatif depuis sa formation. Or, aujourd’hui, rares sont les élèves et les parents qui y croient encore, et l’ascenseur social ne fonctionne plus.

Pour rétablir l’égalité des chances, nous devons, d’une part, mettre fin aux hiérarchies qui se sont constituées au fil du temps entre les voies et les filières. Tout en maintenant une distinction entre la voie technologique et la voie générale, nous devons entreprendre une véritable rénovation des filières technologiques : cela passe par la diffusion de la culture technologique comme élément de la culture commune délivrée pendant l’année de seconde.

Une plus grande transparence de ces filières doit aussi s’associer à une volonté politique forte afin de renforcer l’accès de celles-ci à l’enseignement supérieur.

Nous devons, d’autre part, mettre fin à la hiérarchie entre les filières de la voie générale. Gardons un choix large de spécialisations avec les trois séries S, ES et L, mais remettons ces trois filières sur un pied d’égalité.

La filière littéraire, délaissée par les élèves, doit faire figure de filière de pointe pour ce qui concerne les langues étrangères, mais il convient parallèlement d’y faire une plus grande place à la culture scientifique. En revanche, la série S doit gagner en spécialisation scientifique pour préparer à la formation de chercheur et d’ingénieur. Nous éviterons ainsi que les bons littéraires s’inscrivent en filière scientifique pour entamer ensuite des études de lettres, de droit, de sciences politiques ou de commerce.

Donner les mêmes chances de réussite à l’ensemble des élèves, c’est leur assurer une totale liberté de choix pour leur orientation. Le processus d’orientation doit être rendu plus lisible et le choix de chaque élève doit répondre à un projet professionnel concret. Il est indispensable de créer des liens avec des professionnels, des étudiants, qui viennent faire part de leur expérience. Le lycée doit être considéré non plus comme une fin en soi, mais comme une des étapes précédant la formation et l’insertion professionnelle.

De plus, il devrait être possible pour l’élève de changer de décision après s’être orienté. Les passerelles entre les filières à l’intérieur du lycée doivent être prévues si l’on ne veut pas que l’orientation soit ressentie comme un choix imposé, subi. On doit mettre fin à l’enfermement dans une filière sans possibilité d’une seconde chance. Cette situation est devenue inacceptable.

D’autre part, il ne faut surtout pas négliger la mésestime de soi qui habite les élèves et qui est bien souvent à l’origine d’un mauvais choix pour leur orientation. Nombreux sont ceux qui, venant d’un milieu défavorisé, se résignent à une filière par manque d’information ou d’incitation de la part de leurs parents. Au nom du principe d’égalité des chances, donnons à ces jeunes les moyens correspondant à leurs capacités, leurs ambitions. La mise en place d’heures supplémentaires d’accompagnement pour la réalisation des devoirs devra permettre de compenser les inégalités de capital culturel entre les familles.

L’idéal serait que les élèves puissent choisir leur filière selon leurs aptitudes et leur motivation. Il faut les guider vers cet objectif. Il faut valoriser chaque filière et faire en sorte qu’il n’y ait pas de hiérarchie, chaque orientation étant reconnue et respectée.

Notre deuxième impératif est de redonner au lycée toute son attractivité. Comment éviter que, chaque année, des milliers de jeunes quittent le système éducatif sans aucun diplôme ni aucune qualification ?

Dans son Plaidoyer pour une diversité républicaine, Philippe Joutard résume bien le défi qui se pose à nous : « Plus un enseignement devient de masse, plus il doit s’individualiser s’il veut être efficace et attractif. »

De nombreux jeunes issus des filières technologiques et professionnelles disent avoir été conduits dans cette voie par défaut, pour la simple raison que leurs résultats ne leur permettaient pas de prétendre à une filière générale. On passe donc outre toutes les possibilités qu’offrent ces filières. Faute de transparence, ces jeunes ne savent pas dans quelle formation s’inscrire, à quel métier se destiner, et ce dans un sentiment général de mésestime de soi et de dévalorisation sociale.

Dès lors, il faut rendre plus visibles des structures comme les lycées professionnels et technologiques, qui offrent des formations diversifiées et, à terme, de réelles perspectives d’embauche dans des secteurs en pleine croissance, tels le génie électrique et l’informatique industrielle, l’informatique et les réseaux de télécommunications, qui offrent de nombreux emplois, sans parler de tous les métiers du bâtiment.

Accroître la lisibilité des filières technologiques, consentir un effort national sur la valorisation des filières et de leurs débouchés grâce à des parcours de réussite, offrir aux étudiants issus de ces filières une meilleure accessibilité aux BTS et aux IUT, faire de la filière STI une formation de pointe : voilà une série de mesures qui permettront de renforcer l’attractivité des filières technologiques.

Troisième impératif : rendre le lycée plus performant.

Le lycée général ne peut être une fin en soi, car, contrairement au lycée professionnel, il doit nécessairement préparer la plupart de ses élèves à poursuivre des études dans l’enseignement supérieur. Cet objectif répond à besoin économique, social et politique. Comment, en effet, pouvons-nous prétendre affronter un monde globalisé si nous ne formons pas les chercheurs et les cadres diplômés en nombre suffisant ?

Le lycée est, de fait, une étape cruciale dans la formation des jeunes, comme le montre l’exemple finlandais. Ce petit pays réussit la performance d’être l’un des plus innovants au monde, avec l’un des plus forts taux de brevets. Cette créativité étonnante permet à la Finlande d’occuper l’une des premières places, à l’échelle mondiale, en termes de compétitivité économique.

Les liens entre le monde professionnel et le lycée doivent être démultipliés. Les établissements doivent offrir la possibilité aux élèves de rencontrer des personnes susceptibles de les guider dans le choix de leur orientation : salariés, chefs d’entreprise, représentants de diverses professions. Sur ce point, les propositions de Richard Descoings – regrouper les anciens d’un même lycée afin de mettre en avant leurs parcours de réussite et donner la possibilité aux élèves d’effectuer plusieurs stages en entreprise – sont très pertinentes.

Le lycée doit aider les élèves à trouver leur place dans la société : il doit les initier à la rédaction d’une lettre de motivation et à l’élaboration d’un curriculum vitae, car les élèves sont inégaux devant ces exercices selon le niveau socioprofessionnel de leurs parents et leur origine socioculturelle.

En outre, les langues étrangères doivent faire l’objet d’une attention toute particulière. Trop souvent, nous entendons que les élèves français n’ont pas un bon niveau en anglais, ou plus généralement en langues étrangères. Les conditions et les formats d’enseignement doivent être repensés, de même que les formes d’évaluation. Nous y gagnerons en efficience et en cohérence.

Je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de plusieurs propositions dont la mise en œuvre pourrait atténuer, j’en suis sûre, les frustrations dont sont victimes nos lycéens.

Ne pourrions-nous pas mettre en place, de la seconde à la terminale, une heure quotidienne d’anglais ou d’une autre langue vivante ? On trouve ce genre de pratiques en Allemagne, notamment, et l’on sait que les lycéens allemands parlent mieux l’anglais que les lycéens français.

Ne pourrions-nous pas envisager que les programmes télévisés des chaînes publiques fassent une plus grande place aux langues étrangères, en particulier à l’anglais, en sous-titrant certains reportages ou films diffusés en langue originale au lieu de traduire systématiquement ? Cette pratique, qui a cours dans d’autres pays, permet de se familiariser avec d’autres langues.

Ne pourrions-nous pas encourager la mobilité internationale en prévoyant des avantages fiscaux pour les parents souhaitant envoyer leurs enfants à l’étranger via des organismes spécialisés dans les séjours linguistiques ? Pour ne pas pénaliser les familles les moins favorisées, nous pourrions octroyer des bourses aux élèves méritants afin qu’ils effectuent des séjours linguistiques. Une telle mesure me paraîtrait plus justifiée que les actuelles déductions fiscales dont certains parents bénéficient lorsqu’ils payent à leurs enfants des cours privés. Financer indirectement ce type d’enseignement revient à admettre que l’école n’est plus assez performante et concourt à la dégradation progressive de notre système éducatif.

Ne pourrions-nous pas également refonder le rôle des assistants de langues étrangères présents dans les lycées, afin d’optimiser leur utilité pédagogique ?

Il faudrait aussi que chaque lycée de France soit jumelé avec un établissement d’un autre pays d’Europe et, bien sûr, que l’usage des nouvelles technologies soit développé tant pour la communication que pour l’apprentissage.

Enfin, nous ne pourrons rendre nos lycées plus justes, plus attractifs, plus performants, si nous ne leur donnons pas la liberté pédagogique nécessaire. Les lycées doivent relever le pari de l’égalité des chances, que nous voulons gagner. Pour cela, ils doivent être capables de proposer des remèdes adaptés à chaque situation. Ils doivent pouvoir gérer à leur guise les heures d’accompagnement et aménager avec souplesse l’organisation des classes. Ce gain d’autonomie serait soumis à évaluation : les établissements devraient publier un ensemble d’indicateurs démontrant leur capacité à tirer profit de leur liberté pédagogique. Comme l’explique Benoist Apparu dans son rapport d’information, la réforme du lycée offre à la nation une occasion unique de renouveler sa confiance aux enseignants ainsi qu’aux chefs d’établissement.

Monsieur le ministre, le Président de la République a marqué sa volonté de réformer le lycée et vos propositions vont dans le bon sens. Il faut que, dans notre pays, aucun jeune ne soit laissé au bord de la route et que la nouvelle génération puisse faire progresser le niveau de compétitivité de la France. Je peux vous assurer que l’ensemble du groupe UMP soutient votre action. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce moment de réflexion et de préparation de la réforme, je m’en tiendrai à des observations concrètes, beaucoup d’excellents propos ayant déjà été tenus.

Je voudrais d’abord souligner que, comme beaucoup d’entre nous, je me suis réjoui que le Président de la République ait évoqué le dossier du lycée dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès. Les orientations qu’il a fixées lors de ce moment fort recueillent notre approbation. Il reste maintenant à définir les mesures précises qui permettront de les concrétiser.

Maintenant que vous êtes chargé de la réforme des lycées, vous êtes au pied du mur, truelle à la main ! (Sourires.) On peut vous plaindre, car la tâche est lourde. C'est la raison pour laquelle vous avez besoin d’être soutenu et, avant tout, compris, d’abord par les enseignants eux-mêmes. Vos talents de communicant nous laissent espérer que vous réussirez à faire passer vos messages, même si, nous le savons, ce ne sera pas toujours facile.

Parler des lycées, c’est aussi évoquer l’avant et l’après-lycée.

Avant, c’est le collège unique, dont nous avons tellement parlé, souvent pour le critiquer. Je ne veux pas entrer dans cette polémique, mais simplement prendre en compte une réalité illustrée par le film Entre les murs, que je vous recommande à tous, si vous ne l’avez pas vu. Ce film évoque le travail des enseignants, notamment du professeur de français, d’une classe de quatrième, certes sympathique, mais peu réceptive, c’est le moins que l’on puisse dire. Cet enseignant doit faire comprendre à vingt-cinq jeunes âgés de quatorze à seize ans le sens des mots les plus simples du français courant. On le voit notamment expliquer aux élèves que le mot « argenterie » ne désigne pas une habitante de l’Argentine… Il s’y prend d’ailleurs très bien, utilisant une méthode qui paraît progressive et très sûre.

En regardant ce film, je me suis demandé quels étaient les points communs entre le travail extraordinaire de ce professeur et celui des enseignants de lycée. Rien, si ce n’est la matière. Mais, comme l’a très bien expliqué M. Chevènement, ancien ministre de l’éducation nationale et ministre d’État, il ne faut pas réduire le niveau d’exigence.

Si le travail des enseignants n’est pas le même, pourquoi les former de la même manière ? Il me semble que nous devrions avoir le courage d’aborder ce thème, qui mérite réflexion. Cela s’est d’ailleurs fait dans un passé quelque peu ancien. Je pourrais citer un lointain prédécesseur de M. Chevènement, Joseph Fontanet, qui avait imaginé un corps d’enseignants pour le premier cycle. Cette idée n’était nullement dévalorisante, n’impliquait aucun classement hiérarchique, ne connotait aucune différence de dignité ; il s’agissait simplement de tenir compte des réalités.

Par ailleurs, il faut le rappeler, 130 000 à 150 000 jeunes quittent le collège sans qualification et s’engagent dans la vie sans être armés pour l’affronter, tandis que, après le lycée, 80 000 bacheliers n’obtiennent pas de diplôme d’enseignement supérieur, même s’ils ont poursuivi des études.

Pourquoi le lycée, qui est à la charnière entre le collège et l’enseignement supérieur, ne se préoccuperait-il pas de tous ces jeunes, de ceux qui sont sortis du collège sans diplôme, et de ceux qui se sont lancés dans des études supérieures sans succès ? Pourquoi ne pas essayer de trouver des solutions ?

Je pense, par exemple, au dispositif proposé par Jean-Claude Carle, rapporteur du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, et qui l’a fait adopter : les élèves de quinze ans et plus pourront, s’ils ne trouvent pas dans le collège les enseignements qui correspondent à leurs goûts ou à leurs capacités – je n’aime pas ce terme, mais il est commode – être placés en apprentissage tout en restant sous statut scolaire. Je suis persuadé que d’autres formules de ce type pourraient être trouvées.

J’en viens maintenant à l’autonomie des établissements, sur lequel mon propos rejoindra ceux de Mme Mélot et de M. Longuet.

Les mesures annoncées ne pourront être pleinement déployées que si l’on donne aux établissements, et par conséquent au chef d’établissement, à l’organe de gouvernance de l’établissement, la latitude suffisante pour trouver les dispositions, les méthodes, les éléments de souplesse qui permettront de tenir compte des besoins des élèves.

Je suis persuadé qu’il faut avancer dans cette voie de l’autonomie, monsieur le ministre. Le chemin est difficile parce que cette réforme soulève des inquiétudes et que le principe de l’égalité républicaine, auquel je suis attaché, est aussitôt brandi.

Cependant, à partir du moment où le lycée prépare au baccalauréat et où celui-ci reste un diplôme national – nous y tenons ! –, les garde-fous paraissent suffisants pour laisser aux établissements une réelle autonomie dans la préparation de ce diplôme. Certes, je le reconnais, ce principe est contraire à notre tradition, mais il ne s’agit pas de « déstructurer » quoi que ce soit, monsieur Chevènement. Si à l’autonomie est associé un processus d’évaluation constant, cela est possible.

J’en viens à la mise en place des deux heures d’accompagnement, dont vous avez précisé les contours, monsieur le ministre. Je constate avec d’autres intervenants que, depuis quelques années, cet accompagnement tend à tenir compte du besoin des élèves, et c’est fort heureux. Il est ainsi pratiqué dans le primaire, en sixième et même pour certains élèves de seconde.

J’ai noté cependant que l’inspection générale de l’éducation nationale ou quelqu’un comme Philippe Meirieu considèrent que l’accompagnement n’apporte qu’un petit coup de pouce à certains élèves et ne permet pas d’aider ceux qui sont le plus en difficulté. En outre, les enseignants, enserrés dans le carcan des programmes, oublient parfois de faire place à des heures plus individualisées. Avant d’aller plus loin, il est donc nécessaire de procéder à une évaluation des dispositifs existants. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que vous avez cette idée présente à l’esprit.

Pour conclure mon propos, je veux dire que la réforme du lycée est une chance à ne pas manquer. Nous sommes pratiquement tous d’accord sur les grandes orientations. La difficulté gît dans les modalités, l’action quotidienne. Or c’est là que se trouvent les solutions.

Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous. Votre tâche, vous en êtes également conscient, sera sans doute longue et rude, mais sachez que nous vous soutiendrons. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est un grand honneur pour moi d’intervenir sur un sujet aussi vital pour l’avenir de notre pays.

Colonie jusqu’en 1946, la Réunion est, à cette date, devenue département français. De 1946 à 2009, nous avons donc franchi des étapes considérables dans le domaine de l’acquisition des connaissances indispensables à la dignité humaine.

Je saisis l’occasion de ce débat et de l’examen de la réforme du lycée, qui, je le suppose, nous sera bientôt soumise, pour vous dire, monsieur le ministre, que de belles opportunités se présentent à l’outre-mer.

Le 6 novembre, le Président de la République vous invitera à participer à l’Élysée au comité interministériel de l’outre-mer. Le principal sujet qui devrait y être abordé est celui de l’éducation. En effet, aucun développement économique n’est possible sans capacité d’acquérir des connaissances. C’est encore plus vrai pour une société comme la nôtre, qui connaît malheureusement des contraintes très importantes, si nous voulons nous hisser au niveau de la métropole et devenir compétitifs sur le plan européen.

Permettez-moi de faire un rapide état des lieux.

Après une soixantaine d’années de départementalisation, on constate que nos résultats ne sont pas comparables à ceux de la métropole. Ainsi, les tests réalisés en CM2 montrent que 40 % des élèves dans les DOM n’ont pas la moyenne en français, contre 25 % sur le plan national ; en mathématiques, 55 % des élèves n’ont pas la moyenne, contre 35 % sur le plan national. La proportion d’élèves en retard à l’entrée au collège et au lycée est supérieure de 7 à 10 points dans les DOM. De surcroît, le taux d’échec scolaire est largement supérieur à la moyenne nationale et 40 % des élèves quittent le système éducatif sans diplôme et sans maîtriser les connaissances nécessaires, contre 20 % en métropole. Pour couronner le tout, le drame est que, faute d’orientation, les bacheliers s’engouffrent à l’université, où 60 % d’entre eux échouent en première année.

Mais ne nous contentons pas de pleurer, car nous sommes là pour agir. Je veux donc faire quelques suggestions.

Saisissons l’occasion du CIOM du 6 novembre pour invoquer l’article 72, quatrième alinéa, de la Constitution, qui permet de mener des expérimentations. En effet, lorsqu’on veut mener des réformes générales du système d’éducation en France, on se heurte à beaucoup de difficultés. Dès lors, pourquoi ne pas expérimenter de nouvelles méthodes d’éducation dans les départements d’outre-mer si le conseil général, le conseil régional ou le rectorat le demandent ? Aucune expérimentation n’a jamais été conduite à cet égard en métropole ou outre-mer !

Prenons l’exemple du primaire.

Chez nous, comme à la Martinique, à la Guadeloupe ou en Guyane, on parle créole dès la naissance. Quand vous amenez sur le territoire de ces départements des maîtres qui ne parlent pas créole, les enfants qui commencent leur scolarité sont bloqués dans leur expression orale, qui est pourtant la voie royale de l’apprentissage des connaissances.

Je propose donc de régionaliser le contenu de l’enseignement dispensé dans les IUFM d’outre-mer. Je pense aussi qu’il faudra avoir l’audace de régionaliser le recrutement dans les IUFM, non pas en fonction de l’origine ou de la couleur de la peau, mais en s’appuyant sur des tests professionnels permettant de savoir si telle ou telle personne maîtrise la langue locale, qui fait évidemment partie de la culture locale. Ainsi, la transmission pourra avoir lieu.

Comme nous l’avons dit lors du débat sur la situation des départements d’outre-mer, cette mesure représenterait en outre un débouché pour des milliers de jeunes diplômés qui sont aujourd’hui au chômage, car, au concours d’entrée à l’IUFM, ils sont confrontés à la concurrence de gens venant de métropole et beaucoup plus diplômés qu’eux.

Il faudrait également expérimenter outre-mer – ce ne serait sans doute pas moins nécessaire dans certains départements métropolitains – un encadrement plus rapproché dans le primaire, de telle manière que les élèves qui entrent en sixième maîtrisent les trois acquis essentiels : compter, lire et écrire.

Car le chiffre est faramineux : plus de 30 % des élèves arrivent en sixième sans savoir lire, écrire, compter ou parler français ! Que voulez-vous qu’ils fassent au collège ? À quoi bon leur apprendre l’anglais ou l’algèbre s’ils ne savent même pas lire ? On leur fait lire des livres qu’ils ne peuvent pas même déchiffrer !

Un élève que je suis allé voir à la suite d’un conflit avec un professeur, que ses camarades et lui avaient même frappé, m’a déclaré : « Ma tête a bloqué. Je ne comprends plus rien au collège, et je ne sais pas ce que je fais à l’école. J’ai l’impression d’être en prison ! » D’où sa réaction violente, que, en fin de compte, j’ai comprise. Il a ajouté que, si on lui apprenait un métier, il se sentirait capable de suivre cet enseignement.

Monsieur le ministre, j’ai entendu plusieurs sénateurs, de tous les groupes, dire que l’on ne peut pas faire la réforme du lycée sans faire celle du collège. Or vous ne pourrez probablement pas réformer le collège dans toute la France. Par conséquent, menez l’expérimentation chez nous ! Nous sommes demandeurs, et je sais que d’autres départements français le sont aussi.

Je pense que le collège unique a vécu. Il faut aller vers un collège à plusieurs sections. Car nous n’avons pas tous les mêmes capacités ni le même parcours ; nous ne venons pas tous des mêmes milieux sociaux, nous n’avons pas tous la chance d’avoir des parents instruits, sans compter que certains sont doués pour être boulanger, d’autres pour être maçon ou électronicien. C’est donc à partir de la classe de quatrième qu’il faut consolider l’orientation. J’appelle cela le collège de la vocation, et je suis prêt à en discuter avec vous.

De grâce, obtenez que les départements d’outre-mer qui le souhaitent puissent expérimenter des systèmes d’éducation plus performants, mieux adaptés à la sociologie locale, à la culture locale et à la volonté des élèves. Réformez le primaire pour favoriser la maîtrise des acquis, réformez le collège en trois sections pour l’ouvrir au monde du travail.

Concernant la réforme du lycée, je voudrais faire quelques suggestions qui m’ont été inspirées par mes amis enseignants à la Réunion.

La classe de seconde doit conserver un enseignement général et un programme commun à toutes les classes. Le module de découverte, que prévoyait la réforme de votre prédécesseur, devrait être réintroduit, car il permet une ouverture sur le monde.

La classe de première devrait également conserver un tronc commun d’enseignement. Il n’est pas normal que, à la fin de la seconde, les élèves ne puissent plus passer d’une série à l’autre. C’est un moyen de valoriser la filière littéraire, comme le prône le chef de l’État. C’est ensuite, en terminale, que les acquis seront renforcés et que les élèves se spécialiseront.

Pour conclure, je voudrais réitérer ma principale demande, monsieur le ministre : autorisez les départements d’outre-mer qui le souhaitent à expérimenter, dans le cadre des lois de la République, un système d’éducation mieux adapté au contexte local. L’argent public serait ainsi mieux utilisé et les enseignants, qui accomplissent un travail remarquable – je tiens à le dire à cette tribune –, seraient davantage mobilisés.

Lorsque nous aurons conduit vers la connaissance des générations entières de jeunes, qui forment un atout pour le développement des DOM, de la France et de l’Europe, nous aurons avancé dans la voie de la dignité et de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous cet après-midi. Il était en effet important, quelques jours après que le Président de la République eut exposé les grandes orientations de la réforme du lycée, que la représentation nationale s’exprime, d’autant que, je m’empresse de l’indiquer à M. Virapoullé, il n’y aura pas de texte de nature législative sur ce sujet.

Je remercie donc M. Legendre et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui a déjà eu l’occasion de m’auditionner à deux reprises depuis mon entrée en fonction à la fin du mois de juin, d’avoir organisé ce débat. Croyez bien que, au moment de la finalisation de la réforme du lycée, nous prendrons en considération les propositions constructives que viennent de faire les différents intervenants.

Il y a quelques jours, j’ai eu l’honneur de conduire la délégation française à la conférence générale de l’UNESCO. À cette occasion, j’ai rappelé que le monde n’avait sans doute jamais eu autant besoin d’éducation.

Dans les pays émergents, l’éducation est la meilleure réponse pour réduire les inégalités, pour lutter contre la misère, mais aussi contre les totalitarismes, par l’apprentissage de la liberté.

Quant au monde développé, il n’a jamais eu autant besoin d’éducation. Dans la crise mondiale que nous traversons aujourd’hui, la meilleure réponse pour nos jeunes est l’investissement dans l’avenir, dans l’éducation.

Dans cette crise économique d’une violence inouïe, le diplôme est la meilleure arme anti-chômage, comme en témoignent les statistiques de l’emploi. En effet, un jeune diplômé a cinq fois plus de chances de trouver un emploi qu’un jeune du même âge ayant quitté le système éducatif sans diplôme.

La réforme du lycée est donc le moyen de moderniser et d’adapter notre système éducatif aux défis d’aujourd’hui.

Pourquoi réformer le lycée ? Le lycée est sans doute l’un des piliers de notre système éducatif, dont nous partageons tous les valeurs ; nous les avons d’ailleurs en héritage. Le lycée incarne parfaitement les valeurs de la République : l’égalité des chances, l’accès au savoir pour tous, la récompense du mérite, la capacité de sélectionner l’élite républicaine, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, mais aussi la possibilité pour chacun de trouver une solution à la fin des études secondaires ; j’y reviendrai.

Notre volonté n’est pas de faire table rase du passé. Comme l’a très bien dit M. le président de la commission de la culture, le lycée n’est pas en perdition. Depuis que le général de Gaulle a rendu l’instruction obligatoire jusqu’à seize ans, en 1959, depuis que le collège unique a été mis en place, au milieu des années soixante-dix, le lycée a ouvert grand ses portes : il accueille aujourd’hui toute la jeunesse de France. Vous avez été nombreux à le rappeler, nous sommes passés en un peu plus d’une génération de 25 % d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat à 65 % aujourd’hui. C’est une véritable prouesse !

De la même manière, je ne pratique pas l’autoflagellation permanente sur l’évaluation de notre système éducatif. Nous n’avons pas à rougir collectivement du niveau moyen de nos élèves qui quittent le système secondaire par rapport à celui de leurs camarades du même âge des grands pays développés ; nous n’avons pas à rougir du système éducatif français.

M. Jean-Pierre Chevènement soulignait tout à l’heure, à juste titre, que le lycée ne fonctionnait pas si mal. Je me permets d’ajouter que le lycée fonctionne bien aujourd'hui pour les bons élèves, pour ceux qui savent faire les bons choix. Pour les autres, nous devons collectivement nous interroger. C’est la démarche qui a été retenue par le Gouvernement et qui a sous-tendu le travail mené par Richard Descoings, à la demande du Président de la République.

Nous devons nous poser un certain nombre de questions. Plusieurs d’entre vous l’ont souligné, 80 000 jeunes échouent à la fin de la première année d’université, soit un étudiant sur deux ! Sans doute faut-il progresser dans la capacité d’orienter ces jeunes, leur permettre de trouver leur voie en matière d’enseignement supérieur, mais aussi les y préparer. Le fossé qui existe entre les méthodes d’enseignement du lycée et celles qui sont pratiquées dans l’enseignement supérieur est sans doute trop important.

De surcroît, 50 000 lycéens quittent chaque année le système éducatif sans aller jusqu’au baccalauréat, auxquels il convient d’ajouter tous ceux qui l’ont déjà quitté à la fin du collège. Nous laissons ainsi chaque année 120 000 jeunes au bord du chemin, sans diplôme, en sachant pertinemment qu’ils auront cinq fois moins de chances de trouver un emploi que les autres. C’est ainsi que, aujourd'hui, globalement, le taux de chômage de notre jeunesse s’élève à 22 %, soit l’un des taux les plus élevés au sein des pays développés.

Je voudrais aborder un dernier élément concernant notre appréciation du lycée.

J’évoquais notre modèle républicain, l’égalité des chances, l’accès au savoir pour tous. Le lycée permet-il l’accès au savoir pour tous quand on sait qu’un enfant d’ouvrier qui entre en seconde a cinq fois moins de chances qu’un enfant de cadre d’accéder trois ans plus tard à une classe préparatoire ? La répartition sociologique des élèves de sixième, qui correspond globalement à la sociologie française, est la suivante : 16 % d’enfants de cadres et 55 % d’enfants d’employés et d’ouvriers. Elle est exactement inverse en première année d’université, à savoir 55 % d’enfants de cadres et 16 % d’enfants d’ouvriers et d’employés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, une telle situation justifie les mesures que nous vous proposons aujourd’hui et qui ont pour objectif, je le répète, non pas de tout chambouler au lycée, mais de nous appuyer sur ce qui fonctionne bien pour remédier en profondeur aux faiblesses de notre système de second degré au sein de l’éducation nationale.

Pour identifier les mesures à prendre, nous avons entamé une longue concertation. M. Richard Descoings a lui-même organisé la concertation au sein des communautés éducatives dans plus de 70 lycées. Au total, la concertation a été réalisée dans plus de 1 000 établissements par les rectorats, associant les enseignants, les élèves, les parents d’élèves.

Nous avons ainsi pu repérer les grands points qui appellent une amélioration et qui nécessitent une véritable mobilisation de notre part. Ces différents points constituent les orientations que le Président de la République a eu l’occasion d’évoquer voilà quelques jours.

Comme vous l’avez indiqué, monsieur Gouteyron, nous aurons à en définir les modalités dans les semaines qui viennent ; cela aussi fait partie de la méthode du Gouvernement. Nous aurions pu vous proposer une réforme clé en main, ficelée de A à Z. Nous avons préféré commencer par une large concertation, de plusieurs mois. Nous proposons aujourd’hui des orientations avec un cap, une philosophie et un certain parti pris, je vous l’accorde, mais nous laissons une marge de discussion avec nos différents partenaires, pour tenir compte des dialogues qui vont se poursuivre jusqu’à la mi-décembre, au moment où je réunirai le Conseil supérieur de l’éducation.

Durant cette période, je mènerai des concertations avec les organisations syndicales à l’échelon national. Parallèlement, j’ai engagé un tour de France des académies. À cette occasion, je réunis nos cadres, les proviseurs et les chefs d’établissement, dont vous avez été plusieurs à souligner l’importante place qu’ils doivent occuper dans cette réforme et dans le lycée de demain. C’est également l’occasion pour moi d’avoir des échanges, au sein des lycées, avec les lycéens, les parents d’élèves et les enseignants.

Je reviens à présent sur les différents axes de cette réforme, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui me permettra de répondre à vos questions.

Le premier axe est l’orientation.

Aujourd’hui, notre système d’orientation est souvent vécu comme subi par les élèves. Il est perçu comme un couperet, une épreuve par les familles et la jeunesse. À quatorze ans, on n’a pas forcément une vocation pour la vie. À un âge où la jeunesse se pose bon nombre de questions sur elle-même, sur le sens de la vie, le fait de se projeter dans le monde adulte et de décider, une fois pour toutes, de s’engager dans une filière ou une série est souvent vécu comme une épreuve. Or c’est notre système actuel.

Nous voulons évoluer vers un système beaucoup plus progressif et réversible. Pourquoi ? Parce qu’on peut être un élève médiocre, à quatorze ou quinze ans, au lycée et s’accomplir dans des études supérieures, à dix-neuf ans, ou dans un projet professionnel, à vingt-deux ans. Toute la difficulté – et la grandeur – de notre système éducatif est d’être capable de détecter chez un élève la qualité, le talent, la vocation, la motivation pour l’orienter vers la filière où il trouvera sa voie et, sans doute, son insertion professionnelle.

Pour cela, nous allons agir à plusieurs niveaux. Les corrections de trajectoire seront dorénavant possibles, le droit à l’erreur sera reconnu. Si un élève de première S s’aperçoit à Noël qu’il a du mal à suivre, quelle est aujourd’hui la réponse du système éducatif ? Il ne peut que constater progressivement son échec, ce qui se traduira éventuellement par un redoublement.

J’ouvre ici une parenthèse : 40 % des élèves qui présentent le baccalauréat ont redoublé au moins une fois. Est-ce un gage d’efficacité de notre système éducatif ? Je ne suis pas opposé au redoublement, mais celui-ci doit, selon moi, constituer l’exception. Il est trop souvent vécu comme un échec par les élèves et il ne permet pas une remise en selle, une réorientation, puis une meilleure insertion de l’élève dans une voie qui corresponde à ses aspirations.

Nous allons donc rendre possibles les changements de série, mais de façon très encadrée. Nous n’allons pas passer à un système de lycée à la carte, de lycée zapping ! Les conseils de classe proposeront les changements éventuels de série, qui seront facilités par une harmonisation des cours, avec des disciplines communes aux différentes séries, et par la mise en place de stages de remise à niveau, de stages passerelles pour rattraper les heures de cours de spécialisation qui n’auront pas été effectuées. C’est une première réponse pour un système plus progressif en matière d’orientation.

Vous avez été plusieurs à évoquer avec force la diversification des voies d’excellence : le président Legendre, mais aussi M. Jean-Claude Carle, qui a fait part de sa conviction à cet égard lorsqu’il était rapporteur du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, ou Mme Morin-Desailly.

Aujourd’hui, le système français a ceci d’absurde que, hors du lycée général, point de salut et, au sein du lycée général, hors de la série S, point de salut ! Nous avons institutionnalisé une voie unique menant à l’excellence. Or je suis profondément convaincu que plusieurs chemins permettent d’y accéder.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Rendons-le simplement possible ! Organisons des filières différentes. Ne cassons pas la filière scientifique qui fonctionne, vous avez raison de le souligner, monsieur Chevènement. Pour autant, est-il véritablement légitime et cohérent que 25 % des élèves qui arrivent à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm soient issus de la série scientifique ? On peut en douter…

Construisons, à côté de la série scientifique, des voies parallèles menant à l’excellence, revalorisons la filière littéraire en y incorporant davantage de langues, des apprentissages disciplinaires qui permettront des débouchés nouveaux vers l’enseignement supérieur, construisons de véritables parcours d’excellence.

Vous avez été nombreux à évoquer la filière industrielle, avec des débouchés en BTS, en classes préparatoires.

Si je souhaite revaloriser la filière STI, c’est parce que je me suis rendu compte, lorsque j’étais secrétaire d’État à l’industrie, que les entreprises allaient devoir recruter à tous niveaux de qualification dans les années qui viennent. Nous manquons d’ingénieurs, d’élèves de niveau bac + 2 et bac + 3, mais aussi de titulaires de baccalauréat professionnel dans les secteurs de l’industrie. Nous allons donc revaloriser la filière STI, c’est-à-dire adapter les programmes au monde d’aujourd’hui. Nous ne travaillons plus sur les mêmes machines qu’il y a vingt ans. Or les programmes actuels datent de cette période.

Il faut créer des passerelles au sein de la filière STI, permettre une certaine fluidité et créer des parcours d’excellence. Ainsi, aujourd'hui, l’obtention d’un bac pro avec mention permet d’accéder au BTS. Ce type de parcours pourrait être développé afin d’offrir des perspectives aux élèves. Nous souhaitons développer les classes préparatoires pour les élèves des filières technologiques, comme il existe des classes préparatoires spécialisées et professionnelles. Parce qu’il n’y a pas qu’un seul chemin qui mène à l’excellence, nous souhaitons diversifier les voies qui y conduisent et ainsi mieux orienter les jeunes.

Je reviens à la question de l’orientation. Celle-ci est aujourd'hui l’un des moments de la vie des élèves où les inégalités sociales sont le plus criantes.

Vos enfants, mesdames, messieurs les sénateurs, mes enfants, comme ceux d’une certaine catégorie de la population, ont eu, ont ou auront la chance d’être accompagnés pendant leur parcours d’orientation, ce qui leur permettra de dédramatiser ce que de trop nombreux élèves vivent comme une épreuve.

M. Jean-Claude Carle. C’est vrai.

M. Luc Chatel, ministre. En revanche, un enfant issu d’une famille déstructurée, que sa mère élève seule et est au chômage, qui vit dans un quartier défavorisé, n’aura pas une telle chance. Or, en matière d’orientation, chaque conseil compte. Un adulte, un professionnel peut détecter une lueur chez un jeune, lui présenter une orientation sous un éclairage particulier et, ainsi, favoriser son choix.

Parce que ce sont les parents d’élèves et les professeurs qui, au sein du lycée, connaissent le mieux les élèves, nous allons proposer, sur la base du volontariat, un accompagnement des élèves, ceux pour qui cela sera nécessaire, dans leur parcours d’orientation. C’est déjà une réponse à ceux d’entre vous qui souhaitent un rapprochement entre le monde de l’entreprise et les enseignants. Les enseignants pourront, par exemple, faire visiter des entreprises à leurs élèves pour leur faire découvrir un métier, inviter des professionnels, des parents d’élèves, d’anciens élèves ou d’autres enseignants dans leur établissement afin de les faire parler de leur parcours. Cette nouvelle mission ne remet pas en cause les dispositifs existants en matière d’orientation.

À juste titre, la Haute Assemblée a souhaité professionnaliser, harmoniser et mieux organiser le service public d’orientation. Tel était l’objet de l’amendement que vous aviez déposé, monsieur Carle, lors de l’examen de la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, que le Parlement a récemment adoptée. Les dispositions de cette loi ne sont pas remises en cause ; simplement, nous ajoutons aujourd'hui de nouveaux services afin que les élèves soient davantage associés à leur parcours d’orientation, que celui-ci corresponde plus à la volonté de leur famille et surtout qu’il offre des débouchés professionnels.

J’évoquerai maintenant le fameux saut qualitatif cher à Gérard Longuet, à savoir l’accompagnement personnalisé.

À cet égard, permettez-moi de revenir sur mon propos liminaire. Je suis le ministre de l’éducation « nationale », adjectif que je revendique. Nous sommes, comme je l’ai déclaré tout à l’heure, les héritiers d’un système éducatif qui incarne les valeurs de la République et que nous avons en partage. Nous avons fait des choix forts. Contrairement à certains de nos voisins européens, nous n’avons pas transféré notre système éducatif à d’autres niveaux de collectivité. Je suis le garant à l’échelon national de diplômes nationaux, du recrutement national des enseignants et de programmes nationaux. Rien de tout cela n’est négociable.

Toutefois, si nous voulons passer du quantitatif au qualitatif, si nous voulons passer de l’école pour tous à la réussite de chacun à la sortie du lycée, nous devons adapter notre système éducatif à la situation de chaque établissement et, au sein de chaque établissement, à la situation de chaque élève, comme l’ont indiqué à la fois Gérard Longuet et Jean-Claude Carle. À cet effet, nous proposons la généralisation d’un accompagnement personnalisé de deux heures pour tous les lycéens – je dis bien : pour tous les lycéens –, de la seconde à la terminale.

Pour les élèves en difficulté, ces deux heures seront consacrées à du soutien scolaire. Le but est d’éviter que ces élèves ne décrochent et ne se trouvent en situation d’échec, ce qui les conduirait à ne pas obtenir le baccalauréat ou à entrer dans la spirale du redoublement.

Pour les bons élèves, le lycée doit rester le lieu de l’excellence. Le Président de la République a été très clair sur cette question voilà huit jours : il s’agit non pas d’abaisser la barre pour que plus d’élèves la franchissent, mais de tirer chacun vers le haut. Il s’agit d’offrir à ceux qui sont en difficulté une insertion professionnelle ou une place dans l’enseignement supérieur et, pour les meilleurs, de les mener plus facilement et plus rapidement vers l’excellence, vers les classes préparatoires, vers l’élitisme républicain que vous appelez, les uns et les autres, de vos vœux.

Pour les bons élèves, l’accompagnement personnalisé pourra être un temps consacré, dans la semaine, à l’apprentissage des méthodes de travail de l’enseignement supérieur et à la préparation au rythme différent qu’il suppose.

Vous êtes nombreux à avoir évoqué la place de ces deux heures dans le temps scolaire. Nous faisons le choix – c’est un parti pris, je le reconnais – de ne pas ajouter deux heures de travail supplémentaires à l’emploi du temps des lycéens.

M. Jean-Claude Carle. Vous avez raison !

M. Nicolas About. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Leurs agendas sont en effet déjà surchargés. Ainsi, au lycée, les élèves travaillent souvent davantage que leurs parents : si l’on additionne les heures de cours obligatoires, le temps consacré aux options et le travail personnel, on dépasse les trente-cinq heures ! Les deux heures d’aide personnalisée devront donc être incluses dans le temps scolaire, ce qui ne signifie pas, monsieur Chevènement, un « lycée light ». Cela signifie non pas moins d’enseignement, mais un meilleur enseignement.

Ces deux heures peuvent très bien être consacrées à un enseignement disciplinaire, à un rattrapage en français ou en mathématiques, par exemple. Elles doivent être adaptées aux élèves dans leur diversité. Elles doivent permettre, grâce à un travail en petit groupe, aux élèves en situation de décrochage scolaire de refaire un exercice et d’améliorer leur compréhension. Le système éducatif doit s’adapter à chacun d’entre eux.

J’ajoute, à l’intention de Gérard Longuet, mais également de Jean-Claude Carle et des nombreux orateurs qui sont intervenus sur cette question, que ces deux heures d’accompagnement personnalisé doivent aussi permettre de donner une marge de manœuvre et une autonomie aux établissements. Nous devons préserver un cadre national, je le répète, mais également laisser une certaine latitude aux chefs d’établissement dans l’organisation du temps scolaire.

Nous allons donc proposer que le contenu et l’organisation de ces deux heures fassent l’objet, par exemple, de propositions du conseil pédagogique de l’établissement. Le projet pédagogique pourrait être adapté à la situation géographique de l’établissement, à la sociologie de ses élèves ou aux problématiques rencontrées.

De la même manière, nous proposons la globalisation des dédoublements au lycée, au bénéfice du chef d’établissement. Cela signifie que, en classe de seconde par exemple, on doit arriver à dix heures trente d’heures-professeur en dédoublement par semaine, si l’on inclut les deux heures d’aide personnalisée. C’est entre 25 % et 30 % du temps-professeur. Cette réforme permet de donner une marge de manœuvre de 30 % aux établissements pour adapter leurs priorités, pour affiner l’enseignement et tenir compte de la diversité des élèves.

L’autonomie donnée aux établissements et le traitement individualisé des élèves sont une réponse à la diversité et à la massification.

M. Longuet a évoqué le rôle des conseils pédagogiques et la gouvernance des établissements. J’ai la conviction que, en donnant une marge de manœuvre aux établissements scolaires, nous allons modifier et renforcer leur gouvernance.

M. Longuet m’a également demandé si j’envisageais d’exploiter les possibilités ouvertes par la loi du 23 avril 2005, qui autorise les établissements scolaires à se doter d’un conseil d’administration à l’image de ceux des lycées agricoles de l’État. J’ai le regret de lui dire que, malheureusement, même si la loi de 2005 a ouvert cette possibilité, aucun établissement n’a souhaité faire une telle expérimentation, ce que je regrette. Je suis prêt à constituer un groupe de travail réunissant des représentants des proviseurs et des parlementaires afin d’étudier les conditions dans lesquelles quelques établissements pourraient expérimenter cette disposition prévue dans la loi Fillon de 2005.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Il faut le faire !

M. Luc Chatel, ministre. Nous vous proposons également un ensemble de mesures destinées à permettre au lycée de vivre avec son temps, de s’adapter au monde d’aujourd'hui.

Nous vivons dans une économie mondialisée. Cela signifie que l’apprentissage des langues doit non plus être une option, un « plus », mais une obligation pour notre jeunesse. Cela justifie une mobilisation sans précédent en faveur de l’apprentissage des langues. Nous allons donc généraliser les initiatives prises dans un certain nombre d’établissements, telles que la constitution de groupes de niveaux, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, la mise en place d’échanges systématiques entre les lycées et les établissements scolaires étrangers, ainsi que l’apprentissage de certaines disciplines en langue vivante, ce qui permet une familiarisation avec la langue étrangère dès le plus jeune âge.

La constitution de groupes de niveau permet également, madame Morin-Desailly, d’alléger les effectifs et de dégager des moyens supplémentaires pour les élèves qui ont le plus de difficultés en langues, notamment à l’oral.

Monsieur le président de la commission de la culture, vous m’avez interpellé, à juste titre, comme un certain nombre d’autres parlementaires, sur l’apprentissage de la langue arabe. Notre pays compte 300 enseignants d’arabe pour 6 500 élèves, soit deux fois moins qu’il y a vingt-cinq ans.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Eh oui !

M. Luc Chatel, ministre. Nous avons reculé dans ce domaine. Je le déplore, car je partage la conviction qui est la vôtre qu’il vaut mieux que l’arabe soit enseigné au sein de l’éducation nationale, par des enseignants bien formés, bien préparés, dans un cadre national, que par des organismes ou des associations peut-être moins regardantes en la matière.

J’ai eu l’occasion d’indiquer, dans une interview récente, que je n’étais pas hostile, si le besoin s’en faisait sentir, à l’idée de recruter plus d’enseignants en langue arabe.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, un lycée qui vit avec son temps, c’est aussi, comme vous l’avez indiqué, un lycée qui s’ouvre sur le monde de la culture. Richard Descoings a beaucoup insisté sur ce point dans son rapport : la culture doit davantage entrer au lycée. Les mesures que le Président de la République a annoncées constituent à cet égard des réponses importantes.

Un lycée qui vit avec son temps, c’est encore un lycée qui confie davantage de responsabilités aux lycéens, et ils en sont demandeurs.

Bien sûr, il ne s’agit pas de leur confier, comme me le suggérait récemment le responsable d’un syndicat lycéen, la rédaction des programmes des lycées…

M. Nicolas About. Et pourquoi pas la correction des copies ? (Sourires.)

M. Luc Chatel, ministre. À chacun son rôle, à chacun sa place !

En revanche, les lycéens peuvent être associés à un certain nombre de décisions prises au sein des établissements. Nous allons abaisser l’âge de la responsabilité associative à seize ans.

En outre, nous allons valoriser, au moyen des livrets de compétences – Gérard Longuet a évoqué cette question –, les engagements extrascolaires des élèves.

Certes, l’éducation nationale est là pour valider des compétences. Notre rôle est d’abord d’instruire les élèves. Mais, en même temps, nous souhaitons que nos élèves de collège ou de lycée, c'est-à-dire nos adolescents, puissent valoriser un certain nombre d’engagements dans le monde sportif ou associatif. On peut être un élève moyen, avoir du mal à s’épanouir au lycée et, en même temps, créer un club de théâtre, être champion dans une discipline sportive ou être très engagé dans une association caritative. Savoir reconnaître l’engagement d’un lycéen, c’est également adresser un message positif à notre jeunesse.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour finir, je voudrais évoquer très rapidement un certain nombre de questions qui ont émergé au cours de notre débat. Toutes ne sont pas forcément directement liées à la réforme du lycée, mais il me semble important d’y apporter des réponses.

Tout d’abord, selon M. Lagauche, cette réforme du lycée s’inscrirait dans une logique d’externalisation. Pour lui, nous nous intéresserions à la périphérie, et non au cœur, du problème. Ce n’est pas mon sentiment, monsieur le sénateur. Lorsque nous mettons en place deux heures d’accompagnement individualisé dans les disciplines pour permettre de corriger des difficultés chez certains élèves ou, au contraire, pour pousser les meilleurs vers la réussite, je crois que nous apportons une véritable réponse de fond. Quand nous faisons le choix d’améliorer en profondeur notre système d’orientation, afin justement d’éviter que des jeunes ne se découragent ou ne soient en situation d’échec et sans débouché après plusieurs orientations, je pense que nous traitons le fond du problème de notre système éducatif actuel.

M. Chevènement m’a, avec raison, interrogé sur le partenariat qui doit exister entre l’État et les régions. J’ai rencontré à deux reprises l’Association des régions de France pour évoquer les sujets que nous avons en commun. Je pense notamment à l’organisation de certaines mesures, comme le processus d’orientation. En effet, une partie de cette compétence est partagée avec les régions, qui organisent des forums ou prodiguent elles-mêmes des conseils. Nous devons donc décliner et articuler nos actions en liaison avec elles. Je pense également à la mise en œuvre de techniques nouvelles dans l’enseignement des langues. Sur tous ces sujets, j’ai choisi la concertation et le travail en amont avec l’Association des régions de France.

Vous avez aussi évoqué à juste titre les questions de violence scolaire, présentes au quotidien dans l’éducation nationale, qui est le simple reflet de notre société.

Comme vous le savez, à la rentrée, j’ai eu l’occasion d’annoncer un plan de réponse à la violence scolaire. Il repose sur trois types d’actions. Premier volet, la mise en place de diagnostics systématiques dans l’ensemble des établissements scolaires pour nous permettre de les équiper à la demande, en fonction de la situation de chacun de nos lycées ou collèges. Deuxième volet, la formation de nos chefs d’établissement pour se préparer à des situations de violence ou de lutte contre l’insécurité ; nous avons signé une convention avec M. Brice Hortefeux, le ministre de l'intérieur, entre l’École supérieure de l’éducation nationale et l’Institut national des hautes études de sécurité. Troisième volet, et c’est une action importante, la création de brigades d’équipes mobiles de sécurité, qui seront là en appui de nos chefs d’établissement. Ainsi, dans chaque rectorat, vingt à cinquante personnes seront chargées d’intervenir en cas de crise ou, plus en amont, pour faire face à des situations qui pourraient dégénérer.

Mme Françoise Laborde a, avec raison, abordé la question des moyens. Le Président de la République a, me semble-t-il, été clair sur ce point. Comme certains d’entre vous l’ont rappelé, cette réforme du lycée se fera à moyens et à taux d’encadrement constants. Nous ne la faisons pas pour réaliser des économies. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

À cet égard, je profite de la date à laquelle je m’exprime devant vous, c'est-à-dire peu de jours avant l’examen du projet de loi de finances par le Parlement, pour rappeler quelques éléments.

D’abord, l’éducation nationale reste le premier budget de l’État. En 2010, son budget augmentera de 1,6 %, contre 1,2 % pour le budget de l’État.

Ensuite, – il est tout de même parfois utile de procéder à des comparaisons internationales – la France continue à investir pour son éducation un point de plus de produit intérieur brut que la moyenne des pays développés. Simplement, nous avons fait un choix, qui est celui de redéployer certains moyens et de les affecter là où il existe des besoins.

À titre d’exemple, en cette rentrée 2009-2010, nous avons ouvert 500 classes en primaire, où la démographie remonte. De même, nous avons créé 600 postes d’enseignants dans les zones urbaines sensibles, parce qu’il y avait des besoins supplémentaires.

Telle est donc notre approche. Nous ne nous inscrivons pas dans la logique du « toujours plus de moyens », qui, nous le savons bien, n’a pas eu les résultats escomptés à l’époque où elle a été appliquée.

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Absolument !

M. Luc Chatel, ministre. Encore une fois, aujourd'hui, il s’agit moins d’un problème de quantité que d’un problème de qualité et de capacité à nous adapter à la situation de chaque élève au sein de chaque établissement.

La question des remplacements a également été évoquée. Vous avez raison, madame Laborde. Je suis convaincu que notre système de remplacement des enseignants ne fonctionne pas bien. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à mon directeur des affaires financières de me soumettre un certain nombre de propositions en la matière.

Nous devons avoir un système de remplacement des enseignants beaucoup plus réactif, beaucoup plus efficace et beaucoup plus souple, afin que les élèves et les parents d’élèves mais aussi les enseignants eux-mêmes ne pâtissent pas du fonctionnement actuel.

La question des handicapés a également été soulevée. Comme vous le savez, elle est au cœur de notre politique en cette rentrée 2009. Ainsi, nous avons créé 200 unités pédagogiques d’intégration supplémentaires et j’ai annoncé la création de 5 000 postes nouveaux d’auxiliaires de vie scolaire en faveur des handicapés, ce qui porte à 22 000 le nombre de postes ouverts pour accompagner ces jeunes au quotidien dans leur insertion à l’école.

Ce sont 185 000 de nos jeunes qui sont aujourd’hui intégrés dans l’éducation nationale, soit 40 % de plus qu’au moment de l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Gouteyron a évoqué, à juste titre, la question de la formation des enseignants. Ma conviction est que la question de l’adaptation de notre système de formation aux problématiques rencontrées par nos enseignants est un défi majeur. C'est la raison pour laquelle j’ai lancé un chantier très important au niveau de ce ministère : une revalorisation globale de notre accompagnement en matière de ressources humaines.

J’ai proposé aux partenaires sociaux un nouveau pacte de carrière, c'est-à-dire une revalorisation de la fonction enseignante dans toutes ses composantes. Certes, cela inclut l’aspect financier. Je rappelle qu’un enseignant en début de carrière perçoit 1 400 euros nets par mois ! Nous avons des efforts à faire en la matière et les propositions que j’ai soumises aux syndicats sont, je le crois, ambitieuses. Mais la revalorisation ne peut pas être uniquement financière.

À mon sens, la question de l’accompagnement tout au long de la vie en matière de formation pour tenir compte des différences d’éducation selon les établissements, les zones géographiques et les élèves que l’on rencontre peut être traitée par un effort supplémentaire en matière de formation. C’est en tout cas ce que j’ai proposé, notamment quand j’ai évoqué le droit individuel à la formation.

Enfin, monsieur Virapoullé, je suis partisan de mener des expérimentations, surtout en outre-mer. D’ailleurs, notre ministère a été très ouvert dans le cadre du débat sur l’outre-mer qui s’est déroulé pendant plusieurs mois et qui se concrétisera, comme vous l’avez rappelé, par un conseil interministériel présidé par le Président de la République dans quelques jours. Mais – je vous le dis très clairement – je ne peux pas imaginer un système de recrutement de nos maîtres à deux vitesses dans un département, donc dans le cadre de la République. Ou alors cela impliquerait que l’État transfère la compétence en matière d’éducation à une collectivité, comme c’est aujourd’hui le cas dans certains territoires de la République. Je pense notamment à la Nouvelle-Calédonie ou à la Polynésie française. Mais, dans le cadre d’un département, on ne peut pas imaginer un système de recrutement de nos maîtres à plusieurs vitesses.

En revanche, et vous avez raison sur ce point, monsieur le sénateur, on peut envisager un certain nombre de mesures incitatives pour encourager les jeunes Réunionnais à s’orienter vers les métiers de l’enseignement, afin de disposer d’un programme de formation adapté et, dans le même temps, d’un diplôme qui – je reviens sur mon propos précédent, car je suis le garant de cette exigence – doit être un diplôme national pour assurer l’égalité sur l’ensemble du territoire.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter à vos questions ou interventions.

De mon point de vue, la réforme que nous vous proposons aujourd’hui, d’une part, consolide notre lycée et garantit ses principes républicains et, d’autre part, nous permettra de changer en profondeur notre système en le rendant plus efficace, plus juste et en préparant mieux nos jeunes aux défis du monde de demain.

Passer de l’école pour tous à la réussite de chaque élève à la sortie du lycée, c’est tout l’enjeu de cette réforme du lycée ! Nous voulons faire en sorte qu’il y ait bien une solution pour chaque élève à la fin des études secondaires : l’excellence pour les meilleurs, mais également une place en enseignement supérieur, en enseignement professionnel ou en insertion professionnelle pour les autres. C’est tout le défi qui nous est lancé.

Je remercie les différents intervenants de leurs messages d’encouragement dans la réforme ambitieuse que le Gouvernement engage aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Je constate que le débat est clos.

5

Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Pierre Leleux membre du Conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Jardins d'éveil

Discussion d'une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 48 de Mme Françoise Cartron à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité sur l’expérimentation des jardins d’éveil.

Cette question est ainsi libellée :

« Mme Françoise Cartron demande à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité de lui communiquer un bilan de la mise en œuvre effective des jardins d’éveil. Alors que le Gouvernement avait annoncé la mise en place de 8 000 places payantes en jardin d’éveil à la rentrée 2009, les créations effectives de ce type de structures semblent, pour l’heure, tout à fait anecdotiques.

« Les obstacles à la création de telles structures semblent être multiples : caractère flou du cahier des charges ; annonces contradictoires faites par le Gouvernement ne permettant pas de comprendre le mode d’organisation et la finalité de cette nouvelle structure destinée à la petite enfance (en termes d’articulation avec les structures existantes et notamment avec l’école maternelle, les classes passerelles et la crèche) ; qualification requise pour le personnel encadrant et animant ces structures ; taux d’encadrement ; vocation pédagogique ou non du projet ; coût de cette nouvelle structure pour les familles et les collectivités territoriales.

« Le développement des jeunes enfants est un sujet majeur ; des solutions hasardeuses ne sauraient lui être apportées.

« Ces interrogations appellent des réponses d’autant plus précises que le Gouvernement va, cette année encore, procéder à de nouvelles suppressions de postes dans le budget de l’enseignement scolaire, que la scolarité dès deux ans est de plus en plus menacée, que les charges incombant aux collectivités territoriales augmentent sans cesse davantage, qu’un nombre croissant de familles se trouve dans une situation financière extrêmement précaire.

« Face à ces différents constats et devant la réticence des élus à s’investir dans les jardins d’éveil, ne serait-il pas préférable de renforcer les structures existantes, notamment en augmentant, de façon importante, les moyens consacrés à l’école maternelle ? »

La parole est à Mme Françoise Cartron, auteur de la question.

Mme Françoise Cartron. Au printemps dernier, madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé la création d’une nouvelle structure d’accueil, dédiée aux enfants de deux ans : le jardin d’éveil.

Pour la période 2008-2012, vous prévoyez d’accueillir 8 000 enfants au sein de ces jardins d’éveil. Cette annonce faisait directement suite à deux rapports parlementaires : celui de Mme Tabarot et celui de nos collègues Mme Papon et M. Martin.

Elle s’inscrit également, disons le tout de suite, dans un contexte de fortes critiques du Gouvernement et de la majorité envers la scolarisation des enfants de deux ans et envers l’école maternelle en particulier.

Six mois après l’annonce de la création des jardins d’éveil et près de deux mois après la rentrée scolaire, où en sommes-nous ?

Nous vivons une période paradoxale : très peu de places de jardins d’éveil ont été créées – nous verrons pourquoi – et, parallèlement, la scolarisation des enfants de deux ans devient de plus en plus difficile.

On peut donc estimer que, pour l’heure, l’annonce de la création des jardins d’éveil n’a contribué qu’à affaiblir les possibilités d’accueil des enfants de deux ans.

Nous l’avions hélas ! bien compris, l’objectif principal des jardins d’éveil était de créer une première brèche dans le modèle français de l’école maternelle.

Mme Françoise Cartron. Nous ne pouvons accepter cet état de fait.

C’est pourquoi j’ai souhaité que cette question orale avec débat soit l’occasion de dresser un premier bilan de l’expérimentation, mais aussi de revenir sur les présupposés idéologiques qui ont présidé à la création de cette structure.

Selon votre annonce initiale, 8 000 places de jardin d’éveil devaient être créées pour la période 2009-2012, avec une amorce dès la rentrée de 2009. Qu’en est-il ?

D’après les informations que nous avons pu recueillir, très peu de places ont été réellement créées. Ainsi, dans ma région, l’Aquitaine, aucun jardin d’éveil n’a vu le jour malgré une grande faiblesse de l’accueil des enfants de deux ans.

Les quelques structures mises en place restent très marginales et représentent seulement 300 places, si mes informations sont exactes. On est loin d’une adhésion enthousiaste !

Ainsi, à Paris, la municipalité a considéré que cette initiative constituait une concurrence inacceptable pour l’école maternelle et ne répondait absolument pas aux besoins de la capitale en matière de garde des enfants de deux ans.

Cette concurrence est facilement quantifiable puisque l’académie a encore réduit le nombre de places en école maternelle lors de la dernière rentrée. Seulement 327 élèves de deux ans sont scolarisés dans la capitale cette année, contre 528 élèves en 2008, soit une chute de 40 %, alors même que Paris était déjà la ville comptant le moins d’enfants scolarisés à cet âge.

C’est pourquoi la municipalité a adopté un vœu de l’exécutif s’opposant à l’expérimentation des jardins d’éveil, dont les financements incomberaient à la ville.

Ce cas n’est pas isolé et de nombreuses collectivités, qui n’avaient été aucunement concertées lors de l’élaboration du projet, se sont déclarées opposées à votre expérimentation.

J’imagine bien que vous allez caricaturer cette opposition des élus locaux pour la résumer à une prise de position politique, qui s’avère pourtant partagée par des élus de toutes sensibilités.

De plus, le 30 septembre dernier, un collectif baptisé « Pas de bébés à la consigne ! » regroupant une trentaine de syndicats et associations familiales et professionnelles a tenu à mettre en garde le Gouvernement contre les dangers pesant sur l’accueil des tout-petits en crèches et en maternelles.

Lors des auditions que nous avons organisées avec le groupe socialiste, nous avons également pu constater que les deux principales associations de parents d’élèves regrettaient de ne pas avoir été associées à la création des jardins d’éveil et estimaient que cette structure répondrait évidemment moins bien aux besoins des enfants que l’école maternelle.

Cette méfiance pour les jardins d’éveil s’explique par les incertitudes entourant la nouvelle structure et par son inadaptation aux besoins des enfants et de leurs familles.

En effet, les jardins d’éveil tels qu’ils se dessinent ne rempliront aucune des promesses faites par les rapports parlementaires ou par vous-mêmes.

Le jardin d’éveil pourra-t-il être « une structure adaptée aux moins de trois ans », comme le promettaient les rapports parlementaires ? Y aura-t-il un aménagement fonctionnel des locaux pour répondre aux besoins de mouvements, de jeux, de repos des jeunes enfants ? L’espace sera-t-il conçu à leur échelle ? Tout reste flou ou ambigu.

Concernant les lieux où seront installés les jardins d’éveil, les rapports parlementaires et vous-mêmes aviez prévu à l’origine qu’ils pourraient être situés dans les locaux mêmes des écoles maternelles. Aujourd’hui, on nous dit que cette structure pourra être adossée à une structure d’accueil collectif existante.

En prévoyant d’installer le jardin d’éveil au sein même de l’école, vous ouvrez, de toute évidence, une brèche dans l’école maternelle, accréditant l’idée selon laquelle les instituteurs n’ont pas à s’occuper des jeunes enfants.

Aujourd’hui, il s’agit des enfants de deux ans. Qui nous dit que demain les enfants de trois ans ou de quatre ans ne seront pas concernés, avec au final une véritable remise en cause de la scolarisation préélémentaire ?

On nous a dit que les locaux scolaires étaient inadaptés aux plus jeunes. Quelle solution espérez-vous mettre en place avec une enveloppe de seulement 23 millions d’euros pour la période 2009-2012 ?

Malheureusement pour vos projets, l’installation des jardins d’éveil dans les écoles pose de multiples problèmes. Les enseignants y sont farouchement opposés et le précédent ministre de l’éducation nationale, M. Darcos lui-même, s’était finalement prononcé contre l’installation des jardins d’éveil dans l’enceinte de l’école. Où allez-vous donc les construire et avec quel argent le ferez-vous ?

On peut malheureusement le craindre, seules les communes les plus riches pourront s’offrir de telles structures,…

M. René-Pierre Signé. Marseille, par exemple ! (Sourires.)

Mme Françoise Cartron. … et l’accueil des enfants de deux à trois ans sera partout ailleurs impossible. Le principe d’égalité de notre République est bien chahuté !

Pour ce qui est de l’encadrement des enfants et des effectifs, on ne perçoit pas non plus l’apport des jardins d’éveil.

Les rapports parlementaires mettaient l’accent sur les effectifs trop élevés dans les petites sections de maternelle. On ne peut qu’être d’accord : les tout-petits ont, bien évidemment, besoin d’être accueillis dans des structures plus restreintes, capables d’assurer leur sécurité affective. En quoi un tel constat disqualifierait-il l’école maternelle ?

Les effectifs parfois surchargés, à l’heure actuelle, sont avant tout la résultante d’une politique de suppressions de postes menée par le Gouvernement. Aussi, il est pour le moins hypocrite de priver l’école de moyens pour ensuite constater, faussement navré, son échec. Abaissons le taux d’encadrement des classes d’enfants de deux ans et de trois ans et le problème sera résolu !

D’ailleurs, dans les jardins d’éveil, il est prévu un taux d’encadrement d’un adulte pour douze enfants, pour deux unités, soit en réalité deux adultes pour vingt-quatre enfants. Ce niveau n’est pas si éloigné des réalités de l’école maternelle !

Nous n’en savons pas beaucoup plus sur les enfants qui seront accueillis. On nous dit que les jardins d’éveil ne sont pas destinés à concurrencer l’école maternelle pour les enfants de plus de trois ans. C’est difficile à croire puisque la méthodologie des jardins d’éveil prévoit que la durée privilégiée du passage dans cette structure sera de dix-huit mois. Ces enfants seraient donc accueillis jusqu’à trois ans et demi, âge auquel la scolarisation est pourtant bien préférable.

Autre incertitude, le plus grand flou règne autour des contenus. Il s’agirait, si nous avons bien compris, d’une « préparation à la scolarisation », avec davantage d’activités libres, qui seraient mieux adaptées aux enfants de deux ans.

Quelle ignorance, encore une fois, de la qualité de l’enseignement dispensé à l’école maternelle, qui permet l’éveil du jeune enfant, sa socialisation et le développement de ses capacités intellectuelles ou physiques. L’école maternelle permet, à la fois, d’apprendre et d’apprendre ensemble.

Il nous apparaît donc que la création des jardins d’éveil s’inscrit dans un contexte de mise en cause de l’école maternelle, parfaitement reflété par le rapport de Mme Papon et de M. Martin, qui énonce un certain nombre de constats sur lesquels je voudrais revenir.

Selon le premier de ces constats, les parents seraient réticents à scolariser les enfants de deux ans à l’école maternelle.

L’idée de créer les jardins d’éveil s’appuie sur un constat démographique bien réel, mais dévoyé dans son analyse, car de moins en moins d’enfants de deux à trois ans sont scolarisés. La fréquentation de l’école maternelle est en baisse, nous ne pouvons pas nier ce fait. Dans son rapport sur l’accueil du jeune enfant pour 2008, l’Observatoire national de la petite enfance estime qu’entre les rentrées de 2007 et de 2008, l’école maternelle française a perdu environ 500 classes et, de ce fait, 16 000 élèves. Selon ce même observatoire, cette baisse de fréquentation s’expliquerait par la moindre scolarisation des enfants de deux ans. Seulement 168 000 enfants de moins de trois ans fréquentaient une école maternelle pendant l’année scolaire 2007-2008, contre 250 000 en 2001. Dans ma région, l’Aquitaine, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est passé de 35 % en 2000 à moins de 18 % aujourd’hui. Les 300 places de jardin d’éveil créées à cette rentrée ne constituent donc pas une solution ! L’enjeu est tout autre.

De ce constat, faut-il tirer la conclusion que les familles répugnent aujourd’hui à scolariser les enfants de deux ans ? Non, bien sûr ! Je cite une nouvelle fois le rapport de l’Observatoire national de la petite enfance : « L’accueil des enfants dès deux ans en maternelle se fait en fonction des places disponibles et dépend fortement de l’évolution des effectifs des enfants âgés de trois à cinq ans ». En d’autres termes, les enfants de deux ans sont bien une variable d’ajustement de la politique de l’éducation.

M. Claude Domeizel. Évidemment !

Mme Françoise Cartron. C’est d’ailleurs ainsi que peuvent s’expliquer les très faibles taux de scolarisation des enfants de moins de deux ans dans des départements à forte croissance démographique comme la Seine-Saint-Denis. En réalité, les parents souhaitent toujours autant inscrire leurs enfants en maternelle dès deux ans, particulièrement dans les quartiers défavorisés, mais la politique du chiffre menée depuis sept ans par les gouvernements successifs les en empêche !

Selon le deuxième constat du rapport sénatorial, l’école maternelle serait inadaptée, voire nocive pour les jeunes enfants.

Les rapports parlementaires ont largement contribué à répandre l’idée que la scolarisation précoce aurait un effet nul, voire nocif pour les enfants. Elle serait inadaptée, trop contraignante et ne répondrait pas aux besoins de sécurité affective des plus jeunes. J’ai été très choquée par cette affirmation, qui va totalement à l’encontre de ce que j’ai pu vivre et constater pendant des années, en tant que directrice d’école maternelle en ZEP. Mais, pour plus de sûreté, j’ai tenu à auditionner des spécialistes reconnus de la petite enfance. Ainsi, Mme Agnès Florin, professeur en psychologie de l’enfant et de l’éducation à l’université de Nantes nous a fourni de nombreuses références tirées d’études longitudinales démontrant les effets positifs de la scolarisation précoce.

Les suivis de cohortes menés sur 10 000 enfants par le ministère de l’éducation nationale, ainsi que le suivi de 600 enfants de la petite section de maternelle au CM2 par Agnès Florin ont prouvé le bienfait de la scolarisation à deux ans, notamment en matière d’acquisition du langage et d’accès à la pensée abstraite.

L’effet est également positif pour les résultats académiques à moyen terme. Cela est d’autant plus remarquable pour les enfants non francophones, issus de milieux défavorisés.

Ces effets positifs sont connus de longue date par les enseignants. D’ailleurs, l’article 2 de la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation prévoyait que l’accueil en maternelle des enfants de deux ans serait étendu en priorité aux écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, dans les zones rurales ou dans les zones de montagne.

M. Nicolas About. Vive la garderie généralisée !

Mme Françoise Cartron. Par ailleurs, les études démontrent que l’école maternelle ne présente pas de résultats moins bons que ceux des autres modes d’accueil en matière d’attachement et de sécurité affective.

Mme Françoise Cartron. En revanche, les études sur le développement de l’enfant démontrent que le changement trop fréquent de structure d’accueil – que ne manqueront pas de provoquer les jardins d’éveil – a des effets négatifs.

Enfin, selon le troisième constat du rapport sénatorial, l’accueil des enfants de deux ans ne requiert pas l’intervention de professeurs des écoles.

Nous avons tous en mémoire les propos malheureux de M. Xavier Darcos : « Est-il vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’État, de faire passer des concours au niveau bac + 5 à des personnes dont la fonction va consister essentiellement à surveiller la sieste des enfants ou à leur changer les couches ? »

MM. René-Pierre Signé et Claude Domeizel. Scandaleux !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quelle méconnaissance des réalités !

M. le président. N’exagérons pas !

Mme Françoise Cartron. Voilà une affirmation bien caricaturale et inexacte, qui témoigne d’une double ignorance : ignorance des réalités du métier d’enseignant en maternelle ; ignorance également du degré de professionnalisme nécessaire à l’enseignement des tout-petits – qu’ont d’ailleurs bien compris d’autres pays européens.

M. Nicolas About. On voit bien que nous n’avons été scolarisés qu’à quatre ans !

Mme Françoise Cartron. En fait, ces constats biaisés justifiant la création des jardins d’éveil marquent la volonté de désengagement financier de l’État.

Dans un rapport de mars 2009, l’Inspection générale des affaires sociales prévoit qu’une place en jardin d’éveil reviendrait à environ 7 500 euros par an. La Caisse nationale d’allocations familiales envisage même un coût pouvant aller jusqu’à 8 600 euros par an selon les modalités d’accueil.

M. René-Pierre Signé. Oh là là ! Ce sont des jardins de luxe !

Mme Françoise Cartron. Or le coût d’un élève de maternelle était estimé à 4 970 euros par an en 2007.

Quel intérêt de créer une structure au contenu flou, qui revient plus cher ? En réalité, l’État trouve son intérêt dans le bouleversement du mode de financement. Encore une fois, il se désengage d’un service public, en en faisant assumer la charge aux collectivités locales et aux usagers. Les économies résultant de la mise en place des jardins d’éveil seront minimes, mais renforceront l’incohérence des politiques d’accueil des jeunes enfants. (M. Nicolas About s’exclame.)

Dans son rapport de 2008 sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes dénonçait déjà une « évolution peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public » des deniers consacrés à la garde des jeunes enfants. Elle opposait ainsi le coût par enfant de 13 368 euros pour la prestation accueil jeune enfant, ou PAJE, à celui de 4 570 euros pour l’accueil à l’école maternelle.

Concernant la scolarisation à deux ans, la Cour rappelait au Gouvernement : « Quelles que soient les motivations pédagogiques ou financières, ayant conduit le ministère de l’éducation nationale à se désengager de la scolarisation des enfants de deux ans, il conviendrait que les objectifs de l’État soient clairement explicités et que les différents acteurs concernés par la garde des jeunes enfants – éducation nationale, caisse nationale d’allocations familiales, collectivités territoriales – déterminent conjointement, sous la coordination de l’État, les besoins pour l’avenir et des réponses à apporter ». Voilà ce qui aurait dû être fait avant la création dans la précipitation de cette nouvelle structure.

Au final, la création des jardins d’éveil est tout à fait cohérente avec le reste des politiques menées par ce gouvernement. Il s’agit d’une déstructuration du service public, avec une volonté idéologique de réduire les coûts. Mais c’est l’avenir de nos jeunes enfants qui est en jeu.

À une école publique gratuite, dont l’efficacité est reconnue, notamment pour les plus défavorisés, vous substituez une structure payante qui ne sera pas accessible à tous.

En résumé, la création de cette nouvelle structure est une manœuvre de diversion qui masque mal les besoins et demandes croissants des familles en matière d’accueil des jeunes enfants. Aujourd’hui, les places en crèche manquent cruellement partout sur notre territoire. Voilà une première urgence pour votre action ! Aujourd’hui, l’école maternelle peut et doit s’améliorer pour remplir ses missions : c’est une question de moyens et de choix politiques.

Au terme de cet exposé, madame la secrétaire d’État, je voudrais que vous nous donniez un bilan chiffré des premières créations de jardins d’éveil, que vous nous précisiez le contenu éducatif de cette structure, les modalités d’accueil et d’encadrement qui y seront appliquées, la formation requise pour les professionnels qui y travailleront. Enfin, je souhaiterais que vous nous précisiez les financements nécessaires à la création et au fonctionnement de ces nouvelles structures. À qui incomberont-ils ? Quel sera le statut des personnels ?

Je conclus en ayant en mémoire la phrase prononcée hier à Saint-Dizier par M. le Président de la République, qui, je le suppose, recueille votre adhésion…

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité. Totalement !

Mme Françoise Cartron. « Les collectivités territoriales ne peuvent plus continuer à créer plus d’emplois que l’État n’en supprime ». Voilà donc un bel exemple de travaux pratiques pour nous tous et pour les jardins d’éveil ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

M. Nicolas About. Vas-y Muguette ! Dis-leur la vérité !

Mme Muguette Dini. Le 11 mai dernier, vous lanciez dans une petite commune de la Marne, madame la secrétaire d’État, un plan en faveur de la création des jardins d’éveil, nouveau mode de garde dédié aux enfants de deux à trois ans.

Je me réjouis d’un tel projet et de votre détermination, tout en regrettant son lancement tardif. En effet, j’avais proposé la création de ces structures, que je nommais alors « jardins-passerelles », en 2005, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, proposition rejetée par le ministre de l’éducation nationale de l’époque. Mais on a toujours tort d’avoir raison trop tôt !

Mme Muguette Dini. Ma conviction première est que les jardins d’éveil répondent à l’intérêt du jeune enfant, qu’ils correspondent aux attentes des parents et qu’ils peuvent également intéresser les élus locaux.

En premier lieu, le jardin d’éveil répond à l’intérêt des enfants de deux à trois ans. Il s’agit très clairement d’une structure adaptée à la maturité psychique et physique de cette tranche d’âge charnière, où l’enfant s’avère déjà grand pour la crèche mais encore petit pour l’école maternelle.

M. René-Pierre Signé. Mais non ! On n’est jamais trop petit pour apprendre !

Mme Muguette Dini. L’enfant de deux ans a un très fort besoin de protection et de sécurité que l’école, avec son mode de fonctionnement, ne peut satisfaire.

Les auteurs des études les plus récentes et les professionnels de la petite enfance s’accordent à dire que la scolarisation précoce du jeune enfant a des conséquences problématiques au niveau du développement de ce dernier. Nous retrouvons ce constat dans le rapport très exhaustif sur cette question établi par nos collègues Monique Papon et Pierre Martin. J’insisterai sur trois des critiques formulées par ce rapport.

L’école ne peut pas respecter les rythmes biologiques individuels du tout-petit de deux ans, liés notamment au sommeil, aux repas, à la propreté et à son besoin d’isolement.

L’école peut également entraver l’acquisition convenable du langage chez le jeune enfant.

M. René-Pierre Signé. Je croyais que c’était le contraire !

Mme Muguette Dini. En effet, la période de deux à trois ans s’avère fondamentale pour l’acquisition du langage, stade essentiel du développement de la personnalité et de la structuration des échanges avec autrui. Or, le langage s’acquiert convenablement par le contact entre l’enfant et un nombre significatif d’adultes, ce qui ne s’avère aucunement être le cas dans une salle de classe de vingt-cinq enfants encadrés par deux adultes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Cela a pourtant fait ses preuves !

M. Nicolas About. Mais non ! Vous savez qu’elle a raison !

Mme Muguette Dini. Enfin, et surtout, le développement cognitif des moins de trois ans n’est pas celui des apprentissages du type scolaire. Cette inadéquation est accentuée par le fait que les classes ne sont pas strictement réservées aux enfants de moins de trois ans et mélangent enfants d’âges différents : les petits risquent alors de se trouver « noyés » au milieu des plus grands. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Oh là là ! Elle s’enfonce dans l’erreur !

Mme Muguette Dini. Ainsi, je ne suis pas favorable, contrairement à Mme Cartron, à l’extension de cette forme de scolarisation.

En deuxième lieu, le jardin d’éveil correspond davantage aux attentes des parents. Pendant très longtemps, une large partie de la demande de scolarisation à deux ans a reposé sur un besoin d’assurance des familles face aux incertitudes de l’avenir. Pour elles, la scolarisation précoce représentait un gage de bon départ dans le parcours scolaire. Les parents savent aujourd’hui qu’il n’en est rien. Le risque est même de provoquer l’inverse. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

La scolarisation en maternelle des enfants de deux à trois ans apparaît comme le résultat d’une confrontation entre une offre pauvre et une demande importante, en matière de modes de garde.

Mme Muguette Dini. Déjà, en 1982, le recensement avait permis d’éclairer l’articulation entre mode de garde et scolarisation. Il montrait que les solutions adoptées par les parents dépendaient des facteurs suivants : les équipements en structures de garde, les données démographiques locales, les ressources du ménage, les traditions familiales et régionales. Ce constat se vérifie encore aujourd’hui, puisque les départements ruraux, moins bien dotés en offre de garde que les autres, scolarisent le plus les jeunes enfants.

Pour les parents, il s’agit donc bien d’une scolarisation par défaut !

À la lecture des sondages, il est clair que la grande majorité d’entre eux sont réticents à l’entrée à l’école dès l’âge de deux ans, mettant en avant l’immaturité et le bien-être de leur enfant.

M. René-Pierre Signé. Nous n’avons pas les mêmes sondages !

Mme Muguette Dini. Les parents plébiscitent le mode de garde en crèche ou par une assistante maternelle. Je reviendrai sur ce point dans la seconde partie de mon développement.

En troisième lieu, le jardin d’éveil pourrait même convenir à nombre de communes.

Les élus locaux ont bien compris l’intérêt que représente, pour les enfants d’abord, pour les familles ensuite, ce nouveau mode d’accueil. Toutefois, les contraintes de personnel et de locaux imposées par le cahier des charges, madame la secrétaire d’État, leur apparaissent trop importantes.

Comment les communes pourront-elles assumer, notamment, la charge salariale correspondant à ce mode d’accueil innovant ?

Mme Muguette Dini. Peut-on espérer, madame la secrétaire d’État, qu’une partie des crédits affectés aux personnels de l’éducation nationale, en charge des enfants de deux ans, soit, d’une manière ou d’une autre, versée aux communes qui mettraient en place des jardins d’éveil ? (M. Serge Lagauche sourit.)

J’avais déjà posé cette question à M.  Xavier Darcos, l’an dernier, dans le cadre du vote du budget. Ce dernier m’avait simplement répondu par la négative, sans autre développement.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, je suis favorable à ces jardins d’éveil,…

M. Nicolas About. Très bien !

M. René-Pierre Signé. Effectivement, nous l’avions compris !

Mme Muguette Dini. … et je souhaite que nous puissions favoriser leur mise en place.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, je vous rejoins sur le fait que les jardins d’éveil ne constituent qu’une réponse parmi d’autres aux besoins de garde des enfants.

Il manque, à ce jour, environ 400 000 places d’accueil pour satisfaire la demande des parents. Ce ne sont pas les 8 000 places de garde en jardin d’éveil planifiées d’ici à 2012 qui combleront ce déficit.

Si l’on ne veut plus contraindre des parents, particulièrement les mères, à quitter leur emploi pour garder leurs enfants, il faut continuer à développer les crèches, mais, surtout, investir sur la garde par les assistantes maternelles.

C’est une des conclusions que mon collègue Jean-Marc Juilhard a tirées dans son excellent rapport sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural et une position que je partage entièrement.

L’assistante maternelle représente, tous financeurs compris, le mode de garde le moins onéreux.

M. René-Pierre Signé. Il n’est pas incompatible avec les autres !

Mme Muguette Dini. Surtout, la véritable innovation est celle du regroupement des assistantes maternelles. Notre collègue Jean Arthuis l’a expérimenté de manière très concluante dans son département de la Mayenne.

Jean-Marc Juilhard la reprend et la développe dans son rapport précité. C’est un dispositif également encadré sur un plan juridique, par l’article 108 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Ces projets de regroupements d’assistantes maternelles se multiplient dans plusieurs départements, parmi lesquels le Rhône et l’Orne. Il faut rappeler qu’ils répondent en particulier à la demande des parents travaillant à temps partiel ou en horaires décalés. (M. René-Pierre Signé s’impatiente.)

Toutefois, ces regroupements, madame la secrétaire d’État, sont mis en grande difficulté par la convention type élaborée par la Caisse nationale d’allocations familiales et validée par vos services.

Ce cadre conventionnel préalable à l’accueil d’enfants par des assistantes maternelles hors de leur domicile est un véritable carcan assorti d’excès normatifs et de formalisme administratif, qui rend impossible tout projet de regroupements d’assistantes maternelles et qui risque de tuer ceux qui existent déjà.

M. René-Pierre Signé. Dix minutes !

Mme Muguette Dini. En période de restriction budgétaire, ces solutions d’accueil, accessibles aux collectivités locales sur un plan financier et répondant aux besoins des parents et de leurs jeunes enfants, doivent être encouragées.

M. René-Pierre Signé. Votre temps de parole est limité à dix minutes !

M. Nicolas About. Qu’il est dur et long d’entendre la vérité ! N’est-ce pas, monsieur Signé ?

Mme Muguette Dini. Nos collègues Jean-Marc Juilhard et Jean Arthuis vous ont déjà très clairement alertée sur cette dérive, madame la secrétaire d’État.

Dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales de notre Haute Assemblée proposera, par le biais de son rapporteur André Lardeux, une modification législative autorisant la délégation de l’accueil des jeunes enfants au sein de regroupements d’assistantes maternelles. MM. Jean Arthuis, Jean-Marc Juilhard, Alain Lambert ainsi que plusieurs membres du groupe Union centriste et moi-même soutiendrons cet amendement.

Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour que ces modes de garde innovants que sont les jardins d’éveil et les regroupements d’assistantes maternelles se mettent en place et vous remercie, par avance, de vos réponses.

Mon cher collègue Signé, j’ai parlé neuf minutes et vingt-quatre secondes ! (Rires et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Nicolas About. Cela a paru beaucoup plus court !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous parler des jardins d’éveil, une idée lumineuse qui, sous prétexte de prendre en charge nos bambins, consiste en réalité à transférer des charges d’investissement aux communes, lesquelles sont, de l’aveu de tous, déjà exsangues.

C’est la loi du 16 juin 1881, proposée et défendue par Jules Ferry, qui définit l’école maternelle publique comme une école gratuite et laïque. La loi du 30 octobre 1886, pour sa part, confirme la place de l’école maternelle comme premier niveau de l’école primaire.

Tels sont les premiers textes qui scellent la naissance d’une école destinée à nos plus jeunes.

Pourquoi ce bref rappel historique ? Parce que ce débat sur les jardins d’éveil et certaines des instructions du ministère de l’éducation nationale marquent un véritable tournant historique : la suppression de l’école maternelle, telle que nous la connaissons, est en marche !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Au niveau national, le taux de scolarisation des enfants de deux ans est passé de 35,4 % en 2000 à 20,9 % en 2008. Cette chute est due à l’insuffisance des créations de poste depuis six ans et à la suppression, depuis deux ans, dans le premier degré, de 670 emplois stagiaires et 3 000 emplois d’enseignants RASED, le réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. Les enfants sont régulièrement entre 30 et 40 par classe.

Dans l’académie de Rennes, pour la rentrée scolaire de 2009, les écoles maternelles ont accueilli 1 145 élèves de moins que l’année dernière. Près de la moitié de cette baisse touche mon département, le Finistère, qui enregistre une diminution de ses effectifs en maternelle de 458 enfants. Les enfants de deux ans, dont l’accueil est volontairement limité, sont les principaux concernés par cette baisse.

Dans le Finistère, pour la première fois, les enfants de moins de trois ans n’ont pas été comptabilisés dans les effectifs des écoles maternelles. Ces dernières années, le rectorat faisait savoir que les augmentations d’effectifs en petite section ne conduiraient pas à l’ouverture de classes... Désormais, on craint que le refus de prendre en compte des enfants présents ne conduise à des fermetures de classes !

Tout le monde est inquiet de cette situation, madame la secrétaire d’État !

Les parents sont inquiets, comme en témoignent la création et le succès du collectif « Maternelles en danger ». (M. Dominique de Legge sourit.) En Bretagne, ce collectif multiplie les actions et relaie des informations glanées sur le terrain.

Les syndicats d’enseignants sont également inquiets. La Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, ou FCPE, a, de son côté, entamé une campagne autour du slogan « Touche pas à ma maternelle ! », qui rencontre un très large succès.

Parlons aussi des élus, de leur très grande incompréhension et de leur inquiétude ! Près de 700 communes ont voté, en conseil municipal, la motion de soutien du collectif « Maternelles en danger ». Cette inquiétude est particulièrement ressentie dans les milieux ruraux et le Finistère n’échappe pas à la règle. Les zones rurales sont, par définition, moins bien pourvues en établissements d’accueil collectif et c’est pourquoi l’école maternelle apparaît comme la solution idéale pour les enfants et les familles.

Pourtant, les maires ne baissent pas les bras et des initiatives naissent un peu partout. Ainsi, la mairie de Brest organise, le 28 octobre prochain, avec l’ensemble des acteurs, une journée sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans.

Il est grand temps que le Gouvernement entende ces voix !

Ce débat est, d’abord, essentiel pour les enfants. Je le dis de nouveau dans cet hémicycle : la scolarisation précoce favorise la réussite scolaire.

Mme Monique Papon. Mais non !

M. Dominique de Legge. C’est faux !

M. Jean-Luc Fichet. Par exemple, comme j’aime à le rappeler, le taux élevé de réussite scolaire en Bretagne correspond à une présence très forte des enfants de moins de trois ans en maternelle. C’est parfaitement prouvé !

M. Nicolas About. C’est une affirmation gratuite !

M. Serge Lagauche. Enfin ! On vous dit que c’est prouvé !

M. Jean-Luc Fichet. Ce débat est, ensuite, essentiel pour les parents, qui expriment une demande de pédagogie et d’appréhension du « vivre ensemble ». Obtenir une place en maternelle, c’est également, pour les mères, la possibilité de travailler. En outre, l’école maternelle représente un moindre coût pour les familles.

Un sénateur UMP. Nous y voilà !

M. Jean-Luc Fichet. La Cour des comptes, auditionnée par la commission des finances sur ce sujet le 18 novembre 2008, reconnaît elle-même que « le coût par enfant est moindre s’il est accueilli en maternelle plutôt qu’en équipement d’accueil du jeune enfant ».

Ce débat est, enfin, important pour les collectivités locales, notamment en milieu rural. Malgré tous les arguments que vous pourrez nous fournir, madame la secrétaire d’État, les élus des petites communes, tout particulièrement rurales, ne peuvent pas créer de jardins d’éveil. Ce n’est pas de la mauvaise volonté : c’est juste la réalité !

M. Jean-Luc Fichet. Je ne comprends pas que vous restiez indifférente à ce qui s’exprime sur le terrain. Il y aura bientôt un an, lors de l’assemblée générale de l’Association des maires de France, l’AMF, la colère des élus s’était déjà fortement exprimée sur la question de l’école. Je vous mets en garde, madame la secrétaire d’État, à propos de l’assemblée qui doit se tenir dans les jours prochains : la colère n’est pas retombée et je dirais même que votre entêtement l’accroît.

Et pour cause ! Le premier souci des élus municipaux, c’est de garder leurs enfants sur leur territoire. Le vôtre, c’est, sans aucune précaution, de les mettre face à un mur en leur imposant des investissements impossibles et un doublement des coûts moyens par enfant, 8 000 euros contre 4 500 euros pour un coût normal en école maternelle.

Une nouvelle fois, madame la secrétaire d’État, votre politique mène à l’étranglement des collectivités territoriales ! La suppression des places dans les écoles maternelles pour les enfants de moins de trois ans et l’obligation de création de jardins d’éveil forment, je le répète, un dispositif permettant à l’État de se décharger, une fois encore, sur les communes.

M. René-Pierre Signé. Eh oui ! Et sur les ménages !

M. Jean-Luc Fichet. En effet !

Le premier bilan des jardins d’éveil ne fait que confirmer la réalité du terrain.

Cette structure a été mise en place dans la précipitation : aucun bilan des classes-passerelles n’a été établi. Elle est payante, et les enfants qui en ont le plus besoin ne pourront donc pas y accéder. Faut-il rappeler que, au contraire, l’école est gratuite ? Ce que vous mettez en place, madame la secrétaire d’État, c’est un système concurrentiel, qui ne sera pas universel.

Que dire des personnels des jardins d’éveil, qui ne disposent que d’une formation a minima pour encadrer les enfants ? Quelle est leur mission ? Quel est leur projet éducatif ? Qui en définit le contenu ? À ce sujet, rien !

Mes collègues du groupe socialiste et moi-même demandons une véritable concertation, faisant ainsi écho à la demande de tous les acteurs concernés par ce sujet, mais aussi à celle de la Cour des comptes. D’ailleurs, cette dernière, jugeant très durement la gestion de ce dossier par le Gouvernement, estime que la politique du ministère de l’éducation nationale est « peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public ».

Madame la secrétaire d’État, si vous n’êtes pas guidée par de simples soucis d’économies, expliquez-nous quels sont les fondements de ce jardin d’éveil et quel avantage qualitatif il peut apporter aux enfants, aux familles et à la dynamique de nos territoires, dont, on le sait, nos enfants sont l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Françoise Cartron et M. René-Pierre Signé. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à mi-chemin entre la crèche et l’école maternelle, les jardins d’éveil constituent une nouvelle approche en matière de politique d’accueil de la petite enfance, destinée à diversifier l’offre de garde proposée aux parents d’enfants âgés de deux à trois ans.

Les avantages de cette formule paraissent indéniables : un coût inférieur à celui d’une crèche ou d’une assistante maternelle, une structure d’accueil qui favorise la socialisation.

Certes, le jardin d’éveil est revendiqué comme une transition éducative qui facilite l’éveil de l’enfant. Il s’agit non pas de scolariser, mais de préparer les enfants à la vie en société, en leur donnant le choix des activités et en leur apprenant des règles de vie.

Mais il me semble, madame la secrétaire d’État, que ces missions sont précisément celles qui sont dévolues aux crèches municipales et aux crèches familiales.

Vous prévoyez très rapidement la création, à titre expérimental, de 8 000 places d’accueil en jardins d’éveil. Ce projet s’inscrit dans l’objectif du Gouvernement de créer au moins 200 000 offres de gardes supplémentaires d’ici à 2012, pour répondre aux besoins de l’ensemble des familles. Or 2012, c’est demain ! On ne peut que se féliciter d’une telle annonce si l’État consacre à ce projet les moyens nécessaires.

La France est aujourd’hui championne d’Europe de la natalité. Force est cependant de constater qu’il est difficile, pour les parents, de trouver un mode de garde pour leurs plus jeunes enfants et de concilier vie privée et vie professionnelle.

Cette difficulté est d’ailleurs sensible en milieu rural tout comme dans les zones urbaines. Elle touche l’ensemble des ménages et, en particulier, les plus modestes qui doivent arbitrer entre préserver les deux revenus ou sacrifier l’un des emplois, le plus souvent celui de la femme, pour assurer la garde de l’enfant en bas âge.

Notre pays manque d’équipements collectifs destinés aux enfants de moins de trois ans. Je citerai simplement quelques chiffres pour illustrer mon propos.

En 2005, en France, seuls 32 % des enfants de moins de deux ans étaient accueillis dans des établissements collectifs, contre 73 % au Danemark, 53 % en Suède, 42 % en Belgique ou 39 % en Espagne. Il manquerait donc dans notre pays entre 300 000 et 400 000 places d’accueil.

Cette pénurie de places contraint les parents qui optent pour un congé parental à utiliser ce dernier dans sa durée maximale de trois ans, alors que ces trois années sont souvent ressenties, dans le monde de l’entreprise, comme un obstacle au retour à l’emploi en termes de carrière et considérées comme trop longues, par les intéressés eux-mêmes, en termes d’épanouissement personnel.

Créé à l’origine pour favoriser l’épanouissement familial, le congé parental est désormais vécu comme un choix forcé, voire une contrainte.

D’ailleurs, les chiffres du ministère de la santé l’attestent : un tiers des 580 000 bénéficiaires s’arrêtent de travailler non par choix, mais parce qu’ils ne trouvent pas de mode de garde.

Le jardin d’éveil apparaît, dès lors, comme une structure intermédiaire entre la famille, la crèche ou l’assistante maternelle et l’école.

Dans ce contexte, elle semble tout particulièrement adaptée pour l’accueil des classes d’âges intermédiaires, après deux ans et avant les trois ans de l’enfant. En effet, la question de l’accueil des tout-petits, dès deux ans, en école maternelle reste encore très conflictuelle, en partie par manque de postes d’enseignants et donc de classes nécessaires à un accueil de bonne qualité pour les enfants.

Aussi, madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous faire part de mes inquiétudes et de mes interrogations, partagées tant par les parents que par les collectivités locales, quant aux modalités de mise en œuvre à grande échelle des jardins d’éveil.

Pourquoi favoriser une offre d’accueil concurrente à celle des crèches municipales alors qu’il faudrait déployer davantage de moyens pour accroître l’offre dans les structures existantes, par exemple dans la section des plus grands, qui ont fait leurs preuves, et dont le personnel est particulièrement bien formé ?

La question du personnel d’encadrement se pose, en effet, en termes non seulement qualitatifs mais aussi quantitatifs. Ainsi, le mieux-disant supposé du jardin d’éveil est très relatif. Un adulte pour douze enfants, c’est presque le même chiffre qu’à l’école maternelle, car il y a souvent une ATSEM – agent territorial spécialisé des écoles maternelles – en petite section, alors qu’à la crèche le rapport est de un pour cinq ou de un pour huit selon l’âge de l’enfant.

Les conditions de mise en œuvre du cahier des charges des jardins d’éveil sont un autre motif d’inquiétude, entraînant de grandes disparités selon que le jardin d’éveil sera rattaché à un centre de loisirs, à une crèche ou à une école maternelle. Dans ce dernier cas, il y aura forcément continuité du projet pédagogique entre les deux établissements, et il ne serait pas surprenant qu’insidieusement une forme de préscolarisation se mette en place dans les faits et dans les esprits, notamment celui des parents, créant ainsi une nouvelle forme d’élitisme.

Enfin, et c’est le plus alarmant, il est à craindre que la généralisation des jardins d’éveil ne remette en cause la gratuité de la scolarisation précoce, mise en place pour améliorer la réussite scolaire des enfants issus de milieux défavorisés, et qui concerne quand même 21 % des enfants de deux à trois ans.

Or il est impératif de préserver cette possibilité, car, si le tarif est certes plus attractif que celui d’une crèche, il n’en reste pas moins que les jardins d’éveil seront financés, en partie, par les familles.

La mise en place de cette nouvelle structure est donc, à mes yeux, ni plus ni moins qu’une forme de privatisation de l’école maternelle, un nouveau transfert de compétences vers les collectivités territoriales et, en définitive, un désengagement de l’État, ayant pour conséquence directe le renforcement des inégalités territoriales.

En cette période de crise, la mise en place d’un service public d’accueil de la petite enfance, gratuit et de qualité, serait plus que jamais nécessaire.

La question que je voudrais vous poser, madame la secrétaire d’État, est simple : comment comptez-vous garantir que les jardins d’éveil ne s’étendront pas aux plus de trois ans et qu’ils ne concurrenceront pas l’école maternelle ? Qui plus est, les enfants y seront accueillis à partir de deux ans pour une durée de neuf à dix-huit mois, c’est-à-dire jusqu’à l’âge de trois ans et demi, le jardin d’éveil empiétant ainsi sur la petite section d’école maternelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

M. René-Pierre Signé. Le discours va changer !

Mme Monique Papon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous ayons aujourd’hui l’occasion de débattre de la création des jardins d’éveil. Je souhaite que ce débat ait lieu dans la sérénité avec pour seule motivation l’intérêt de l’enfant et celui des familles. (Très bien ! sur plusieurs travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je salue la mise en œuvre – sur votre initiative, madame Morano – de ce projet, qui connaît déjà ses premières réalisations…

M. René-Pierre Signé. Réalisation ne veut pas dire réussite !

Mme Monique Papon. … et qui fait l’objet de nombreux dossiers en cours d’instruction auprès des caisses d’allocations familiales, d’après les informations que j’ai recueillies.

D’ailleurs, je dois vous indiquer, mes chers collègues, que je continue à être sollicitée par différents acteurs sur le terrain qui souhaitent mettre à disposition des familles cette nouvelle structure d’accueil pour les jeunes enfants, laquelle ne relève pas d’une « solution hasardeuse », pour reprendre l’expression que vous avez employée, madame Cartron,...

Mme Françoise Cartron. Je n’ai pas dit cela !

Mme Monique Papon. … au regard de l’intérêt de l’enfant et des besoins des familles.

Pourquoi le groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants avait-il été amené à proposer la création de jardins d’éveil pour les enfants âgés de deux à trois ans ?

Je me contenterai, en ce qui me concerne, de rappeler les considérations qui ont conduit notre groupe de travail à réfléchir à cette question controversée de la scolarisation des enfants de moins de trois.

Je souhaiterais vous faire part de certains constats auxquels nous sommes parvenus au terme de nombreuses auditions de professionnels de la petite enfance, de l’éducation, notamment de l’école maternelle, de chercheurs, de médecins, de représentants des familles et des parents d’élèves.

Dans un contexte de pénurie de modes de garde, marqué en France par un taux de fécondité élevé et un fort taux d’activité féminine, l’école maternelle fournit notamment un service aux parents avec la prise en charge des jeunes enfants.

Elle est d’ailleurs en situation de quasi-monopole pour l’accueil spécifique des enfants de deux à six ans. La découverte de la vie en société dans une structure collective s’effectue pour le plus grand nombre d’enfants lors de l’entrée à l’école maternelle.

Or les travaux de notre groupe de travail ont permis de dresser un bilan mitigé de la scolarisation des moins de trois ans, tant sur le plan des conditions d’accueil qu’au regard de l’intérêt de l’enfant, qui renvoie davantage à un trait historique lié au développement de l’école maternelle dans les années 1970-1980, dans un contexte de baisse démographique, qu’à une véritable politique volontariste en la matière.

Notre pays a très tôt fait le choix d’une structure préscolaire placée à la fois sous le contrôle de l’État et sous l’égide du ministère en charge de l’instruction. Ce trait historique est une clef d’analyse des enjeux qui se nouent aujourd’hui autour de l’école maternelle et de la scolarisation des jeunes enfants. L’école maternelle exerce un rôle emblématique de passerelle entre la famille et l’école élémentaire.

La possibilité ouverte depuis la création de l’école maternelle de scolariser les enfants dès l’âge de deux ans commence à être utilisée significativement à partir des années soixante. C’est la décennie 1970-1980 qui connaît la plus forte progression du pourcentage d’enfants scolarisés à deux ans.

Force est de constater que le développement de la scolarisation précoce au cours de ces années s’est réalisé en l’absence d’une démarche politique globale et de toute obligation légale. Elle semble être le fruit de circonstances extérieures au sujet même.

Il faudra attendre la loi de 1989 d’orientation sur l’éducation pour que ce mouvement trouve une traduction législative, toutefois très limitée. En effet, les travaux législatifs rejettent alors le principe d’une généralisation de l’entrée à l’école maternelle dès deux ans pour affirmer un droit à la scolarisation à partir de trois ans.

Il apparaît ainsi que l’éducation nationale, dans une conjoncture particulière, a pu répondre à une demande sociale et a offert aux familles une opportunité nouvelle.

Ce constat fait, le groupe de travail a été amené à se poser la question suivante : l’école maternelle s’adresse-t-elle vraiment aux enfants de deux ans ?

Il faut reconnaître que les personnes que nous avons rencontrées ont plutôt formulé des critiques à l’égard d’une scolarisation aussi précoce. Les critiques ont été plus nombreuses que les approbations !

Le plus souvent qualifiée de « variable d’ajustement des inscriptions en école maternelle », la scolarisation précoce apparaît peu adaptée à la tranche d’âge des deux à trois ans, marquée par une grande hétérogénéité physiologique et psychique : l’enfant doit passer du stade de « grand bébé » à celui de « petit écolier ».

L’enfant de deux ans a ses propres rythmes, des besoins particuliers. Souvent, il doit dormir à deux moments de la journée.

M. René-Pierre Signé. C’est possible en maternelle !

Mme Monique Papon. Il doit trouver un adulte attentif pour bénéficier d’une relation privilégiée avec lui ; il a besoin d’un espace individuel pour se mettre à l’écart mais aussi pour se mouvoir en toute liberté. Certes, cet enfant est curieux mais sa capacité de concentration est faible.

Très souvent, la condition première pour entrer à l’école maternelle est d’être « propre ». Or cette acquisition ne doit pas se faire sous la contrainte, il faut lui laisser le temps de l’acquérir.

M. Nicolas About. Bien sûr !

Mme Monique Papon. J’ai été, comme mes collègues, particulièrement sensible aux analyses qui portent une attention particulière au respect des rythmes et des besoins du jeune enfant. Il faut « respecter le temps du bébé », nous a dit Mme Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants.

Il a en outre été indiqué au groupe de travail que le milieu scolaire ne favorisait pas l’acquisition du langage pour les tout-petits,…

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Exact !

Mme Monique Papon. … qui ont besoin d’une relation privilégiée avec un adulte pour entrer dans ce champ d’apprentissage, indispensable à une réussite scolaire ultérieure.

Ainsi, les nombreuses auditions réalisées par notre groupe de travail ont permis de constater que les conditions actuelles de la scolarisation des jeunes enfants étaient l’objet de critiques émanant de l’ensemble des acteurs, au sens large, du système éducatif. Le fonctionnement de l’école maternelle ne semble pas adapté à cette tranche d’âge.

Les critiques portent surtout sur les effectifs des classes, l’adaptation des locaux, la souplesse des horaires, le niveau d’encadrement ou l’adéquation de la formation des personnels.

Par ailleurs, le groupe de travail s’est demandé si les enfants scolarisés à deux ans en tiraient un bénéfice sur le plan de leur scolarité ultérieure. Or, d’après les études les plus récentes, qui proviennent des services du ministère de l’éducation nationale, cette scolarisation précoce ne semble contribuer que très marginalement à la réduction des inégalités sociales et à la prévention de l’échec scolaire.

En réalité, entrer à l’école maternelle à deux ans au lieu de trois ans a très peu d’incidence sur le devenir scolaire de l’enfant. Une scolarité maternelle en trois ans ou en quatre ans est équivalente pour le parcours scolaire ultérieur de l’enfant. (Mme Françoise Cartron s’exclame.)

Voilà les quelques éléments que je voulais vous livrer, axés sur l’intérêt de l’enfant, et qui militent pour la création de cette structure adaptée aux enfants de deux à trois ans qu’est le jardin d’éveil, que nous avions suggérée et que vous proposez aux différents acteurs de la petite enfance de mettre en place, madame la secrétaire d’État.

Il s’agit aussi d’accroître l’offre de garde pour s’adapter aux évolutions de notre société. Cette proposition est un élément de réponse aux promesses du Président de la République en matière de droit à la garde d’enfants.

En effet, le premier mode de garde pour les enfants de moins de trois ans non scolarisés est familial : près des deux tiers des enfants sont gardés à la maison, essentiellement par leur mère.

Le deuxième mode de garde est l’assistante maternelle. La fréquentation d’un établissement d’accueil de jeunes enfants ne concerne que 8 % des enfants.

Le déficit actuel du nombre de places d’accueil proposées pour les enfants de moins de trois ans pèse sur le choix des parents et sur la satisfaction de leurs attentes. Leur positionnement à l’égard d’une entrée précoce à l’école maternelle semble nuancé.

D’ailleurs, une enquête SOFRES, menée pour le magazine Parents en 2006 sur cette question de la scolarisation précoce, réalisée auprès de mères d’enfants de moins de deux ans, indique que seules 35 % des mères sont favorables à une généralisation de l’accueil des enfants de deux ans à l’école.

Les motivations qui conduisent certains parents à choisir l’école maternelle dès deux ans sont diverses : objectif de socialisation, bien sûr, perspective d’un bénéfice purement scolaire, insuffisance et coût élevé des modes de garde. Mais l’école maternelle ne saurait pallier un déficit de structures d’accueil en assurant la garde des enfants nécessitée par la double activité professionnelle des parents.

Il demeure que ces derniers sont avant tout attachés à une offre diversifiée, alliant structures de garde collective et gardes individuelles. Les jardins d’éveil, proposés par notre groupe de travail, contribuent en ce sens à élargir cette offre dans notre pays.

Dans ses conclusions, le groupe de travail avait proposé de constituer un pôle autour de l’accueil de la petite enfance reposant sur un ensemble de structures éducatives, qui s’articulerait en un triptyque fondé sur une approche chronologique du temps de l’enfance : tout d’abord, destiner en priorité les établissements d’accueil de type crèche collective et familiale aux seuls bébés ; ensuite, promouvoir de nouvelles structures d’accueil éducatif pour les jeunes enfants âgés de deux à trois ans ; enfin, assurer une scolarisation réussie des enfants à partir de trois ans.

En tant que rapporteur de ce groupe de travail, je ne puis que me féliciter de l’expérimentation que vous conduisez, madame la secrétaire d’État, et on ne peut que souhaiter son développement sur l’ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Nicolas About applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’état, mes chers collègues, voilà un an, était publié, au Sénat, un rapport d’information sur l’accueil des jeunes enfants, issu des travaux du groupe de réflexion conduit par Mme Papon et M. Martin, et auquel j’avais participé.

Ce rapport, dont j’avais alors dénoncé les conclusions, ainsi qu’une partie du constat qu’il dressait, préconisait la création de « jardins d’éveil » et, de fait, la fin de la scolarisation des enfants de deux ans. Cette proposition était dans l’air du temps, puisque, quelques mois plus tôt, Mme Michèle Tabarot, député UMP, proposait, elle aussi, de créer une nouvelle structure, « le jardin d’éveil ».

Ces deux rapports ont donc apporté de l’eau au moulin du ministre Xavier Darcos, hostile à la scolarisation des enfants de deux ans. Ses propos sur les enseignants des écoles maternelles avaient traduit, outre le mépris (Mme la secrétaire d’État fait un signe de dénégation), une profonde méconnaissance du travail de ceux-ci. Pourtant, lors de la visite d’une classe de très petite section de l’école maternelle Grésillons située à Gennevilliers, notre groupe de réflexion avait été le témoin privilégié du travail formidable et passionnant qu’ils réalisent. Malheureusement, ces classes se raréfient du fait de la diminution constante, depuis 2000, de la scolarisation des enfants de deux ans.

C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision du Gouvernement d’expérimenter 8 000 places en « jardins d’éveil » payants à destination des 2-3 ans, avec l’objectif de créer au moins 200 000 offres de garde supplémentaires d’ici à 2012, un objectif qui ne cesse d’ailleurs d’être revu à la baisse, puisque vous aviez annoncé, en 2008, madame la secrétaire d'État, 350 000 places d’ici à 2012. Entre-temps, la promesse de campagne de Nicolas Sarkozy de garantir aux parents, d’ici à la fin de son quinquennat, un « droit de garde opposable » est passée à la trappe !

Pour justifier la création de cette nouvelle structure, vous parlez d’une « diversification des solutions d’accueil ». Pourtant, celles-ci ne manquent pas : accueil individuel chez les assistantes maternelles, accueil collectif en établissements, avec les crèches traditionnelles, parentales ou de personnel, les haltes-garderies, les jardins d’enfants, les établissements multi-accueil, les crèches familiales, les micro-crèches même, créées à titre expérimental en 2007 dans les zones rurales et pour lesquelles vous avez assoupli les règles d’encadrement en matière de personnel !

On ne peut donc pas parler de « pauvreté » en termes de structures d’accueil. Non, ce qui fait défaut, c’est bel et bien le nombre de places offertes : 200 000 à 400 000 selon les estimations ! L’objectif des 75 000 places nouvellement créées entre 2000 et 2007 n’a pas été atteint ; seules 32 280 places seront créées d’ici à 2011.

De plus, au regard des structures déjà existantes, je m’inquiète du fait que le jardin d’éveil ne remplira que des conditions a minima au niveau de l’encadrement, alors que l’amplitude horaire sera semblable à celle d’un établissement d’accueil du jeune enfant.

En effet, le taux d’encadrement défini est flou, mentionnant « une fourchette de 8 à 12 enfants pour un adulte, selon les moments de la journée et les coopérations possibles avec d’autres structures d’accueil ». Soit seulement 2 adultes pour 24 enfants ! Dans les crèches, le ratio est de 1 adulte pour 5 enfants qui ne marchent pas et de 1 adulte pour 8 enfants qui marchent.

Quid de l’encadrement au moment des repas ? La lettre circulaire évoque, sans plus de précision, que « l’organisation des plannings devra permettre de renforcer le personnel au moment du repas ». Quid aussi des liens avec la PMI, la protection maternelle et infantile ? De même, se pose la question des locaux, mais j’y reviendrai ultérieurement.

Tous ces éléments expliquent sans doute les raisons pour lesquelles les candidats ne se sont pas bousculés depuis l’appel à candidatures lancé en avril dernier.

Cette nouvelle structure, nous dites-vous, madame la secrétaire d'État, doit aussi être une réponse « aux contraintes et aux besoins des parents et des territoires ». Mais en quoi une structure réservée aux seuls 2-3 ans répondra-t-elle aux besoins des parents ?

Quand les deux parents travaillent, le problème du mode de garde se pose non pas à partir de deux ans, mais dès les premiers mois suivant la naissance. En France, les deux tiers des enfants âgés de moins de six ans ont deux parents actifs. Parmi ces couples, 36 % des mères travaillent à temps partiel : 23 % d’entre elles souhaiteraient travailler davantage et 13 % sont à temps partiel par manque de place dans les structures d’accueil ou en raison du coût de la garde.

De plus, pourquoi créer une nouvelle structure à destination des seuls 2-3 ans, alors même que l’école maternelle se fait fort, depuis le début de sa création, d’accueillir ces enfants, du moins si on lui en donne encore les moyens ! Car, derrière la mise en place des jardins d’éveil, c’est bien de cela qu’il est question !

Nous le savons tous, la scolarisation des deux ans est en chute libre, non pas parce que les parents lui sont devenus hostiles, mais parce que les écoles, faute de moyens, de personnels suffisants et de places disponibles, sont sous l’effet de la reprise démographique : plus il y a d’enfants âgés de 3 à 5 ans à scolariser et plus, mécaniquement, l’offre de scolarisation des 2 ans en pâtit. De plus, les statistiques dont nous disposons montrent une disparité extrême entre les territoires.

Aujourd’hui, le phénomène d’éviction de la scolarisation des enfants de deux ans, combiné aux restrictions budgétaires, touche aussi les 3 ans nés en fin d’année.

Il résulte de cette situation un transfert du financement de l’accueil de ces enfants vers les collectivités territoriales, les caisses d’allocations familiales et les familles. En effet, pour le Gouvernement, et le ministère de l’éducation nationale, ce sont autant de postes économisés en maternelles – on évoque le chiffre de 10 000 postes – pour accueillir cette tranche d’âge !

Cette évolution est pourtant jugée « peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public » par la Cour des comptes dans son rapport 2008 sur les comptes de la sécurité sociale. En effet, le coût moyen d’un enfant scolarisé en école maternelle est trois fois moins élevé que celui d’un enfant placé en crèche. Pour le jardin d’éveil, le prix de revient annuel ne devrait pas dépasser, en moyenne, 8 000 euros, une somme prise en charge par les CAF, ou caisses d’allocations familiales, le porteur de projet et les familles en fonction de leurs revenus. S’amplifie donc ici un peu plus le mouvement actuel de transfert de financement.

Car nous sommes là dans une logique purement comptable, guidée par la RGPP, la révision générale des politiques publiques. D’ailleurs, la boucle est bouclée, puisqu’il est prévu d’installer les jardins d’éveil dans des « locaux communaux », afin, dites-vous, madame la secrétaire d’État, « d’optimiser les moyens existants ». Surtout quand il s’agit des moyens des écoles maternelles ! Sinon, de quels bâtiments parlons-nous ? Des centres de loisirs ? Ils sont souvent installés dans les écoles. Des crèches familiales gérées par les municipalités ? Au maximum de leur capacité, comment pourraient-elles accueillir de nouveaux enfants ?

Que verrons-nous alors ? Des écoles maternelles publiques fermées pour faire place à des jardins d’éveil payants, qui ne remplaceront en aucune façon la maternelle, ni même la crèche au niveau de la conception des besoins éducatifs du petit enfant ?

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, la municipalité de Levallois-Perret a été, vous le savez, mes chers collègues, « précurseur » en la matière.

Dès 2005, elle a ouvert trois « jardins de découverte », gérés par la caisse des écoles et implantés dans les locaux des centres de loisirs maternels. Parallèlement, la mairie a annoncé la fermeture d’une école maternelle et de deux classes dans une autre. Bilan : une baisse continue du nombre de places et de classes dans les écoles maternelles publiques. Celles-ci sont passées de 87 en 2004 à 78 à la rentrée 2009 avec, pour conséquence directe, une remontée des effectifs dans toutes les écoles.

Par ailleurs, pour justifier la création de ces jardins d’éveil, vous expliquez que l’enfant de deux ans, qualifié de « bébé », n’a pas sa place à l’école maternelle. Vous citez certains experts, mais d’autres affirment le contraire. Des études attestent effectivement les effets positifs de la scolarisation précoce sur la scolarité, même si, il faut le reconnaître, ceux-ci s’amoindrissent dans le temps.

Je crois, pour ma part, que l’accès à la maternelle des enfants de deux ans doit absolument rester une possibilité offerte aux parents, en fonction des enfants, de leur maturité, du cadre familial... De nombreux travaux ont montré que beaucoup de choses se jouent chez l’enfant entre deux ans et quatre ans. C’est une période d’intense activité et d’acquisition au niveau du langage, de la pensée logique, de la construction de la personnalité, de la conscience de soi dans la relation aux autres ; c’est un moment propice aux apprentissages durant lequel des mécanismes peuvent – ou non – se mettre en place.

L’école maternelle a donc un rôle formidable à jouer : c’est là que l’enfant apprend à apprendre, apprend à devenir « élève », et l’on sait l’importance que cela a dans son devenir scolaire.

Cependant, la question des tout-petits n’est que l’un des éléments de la réflexion concernant la maternelle. En effet, cet outil précieux qu’est la maternelle ne demande qu’à être amélioré pour réduire les inégalités, et non pour créer de l’inégalité scolaire. Il faut, tout au contraire, relancer l’école maternelle, ce qui implique de s’interroger sur les effectifs, la classe, les locaux, les rythmes, les pédagogies employées, mais cela suppose de garantir aux enseignants une formation de haut niveau, spécifique, initiale et continue en liaison avec la recherche.

Enfin, il faut assurer une complémentarité avec un service public de la petite enfance de zéro à deux ans. Ce lien entre les structures d’accueil et les écoles a existé, mais il s’amenuise, quand il n’a pas totalement disparu, faute, là encore, de moyens. Il ne faut donc pas moins d’écoles maternelles, mais plus d’écoles maternelles, et de meilleure qualité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’école maternelle était jusqu’alors destinée aux enfants âgés de deux à six ans. Gratuite, elle accueillait 35 % des enfants de deux ans et la quasi-totalité des enfants de trois à six ans. Depuis, les chiffres se sont dégradés, sans que l’école soit en cause, mais pour des raisons qui ont été dénoncées par Françoise Cartron et d’autres collègues. Toutefois, elle reste un élément important du système éducatif français et a pour objectif d’assurer l’éveil et la socialisation des jeunes enfants.

Il est très ancien le temps où les écoles maternelles ont vu le jour ! Dès le XVIIIe siècle, en 1771, un pasteur vosgien avait créé l’« école des commençans ». Ce n’était, sans doute, à cette époque qu’une garderie, mais l’idée fut reprise au Royaume-Uni d’abord, puis en France, sous l’influence de Pauline Kergomard, la première inspectrice générale des écoles maternelles, comme cela est précisé dans votre livre, que vous m’avez prêté, madame la secrétaire d'État, et je vous en remercie.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Bonne lecture ! (Sourires.)

M. René-Pierre Signé. Cette structure entra dans le cercle de l’éducation nationale et évolua rapidement dans un sens pédagogique pour prendre, dès 1881, le nom d’ « écoles maternelles ».

Mes chers collègues, j’ai fait ce petit rappel historique pour souligner le fait que les écoles maternelles sont anciennes, qu’elles sont apparues avant les écoles primaires et les lois Jules Ferry, qu’elles furent mixtes, une mixité longtemps refusée aux autres lieux d’enseignement, et que la nécessité d’un enseignement s’imposa rapidement pour adjoindre à cette garderie un rôle d’éducation et de promotion sociale.

Madame la secrétaire d'État, votre proposition de jardin d’éveil va donc à contresens de l’histoire. Le Gouvernement veut pallier la faiblesse de l’offre de garde pour les moins de trois ans : la France compte à peine un million de places pour 2,4 millions d’enfants. La pénurie d’enseignants et le manque d’intérêt pour la préscolarisation à deux ans justifient ce projet substitutif à l’école.

Des structures à mi-chemin entre la crèche et l’école, telle est donc l’expérience lancée en cette rentrée 2009.

Ces jardins d’éveil, payants pour les familles et en partie pris en charge par les communes, se posent en concurrents de l’école maternelle publique, gratuite et égalitaire. Mais ils n’assureront pas l’éveil des enfants ; ce n’est ni dans leur esprit ni dans leur rôle. Ils sonneront le glas de l’école à deux ans et, pis encore, ils pourront accueillir les enfants jusqu’à trois ans et demi.

D’autres questions se posent. Hormis le fait de cantonner le rôle des enseignants des maternelles à la surveillance des siestes et au changement de couches, qui ne relève que des propos malheureux tenus par Xavier Darcos, que peut-on reprocher à l’école maternelle ?

La préscolarisation dès l’âge de deux ans est-elle utile ? Des travaux des pédagogues, des pédiatres et des anthropologues qui s’intéressent à l’éveil de l’enfant l’affirment. Or, dans cette évolution, le rôle des familles est évidemment déterminant. L’école maternelle intervient à bon escient pour pallier la carence de l’éducation parentale dans certaines familles qui ne peuvent que peu enseigner, car on leur a peu appris. Elle n’y réussit sans doute que partiellement, mais elle n’est pas sans mérite ni sans résultat.

Il est parfaitement admis, sauf par quelques détracteurs de la promotion sociale, que le rôle assuré par l’école maternelle est primordial, d’autant que la qualité des enseignants ajoute encore à son excellence. Ce sont les enfants des milieux les plus éloignés de l’école qui seront les premières victimes de cet abandon.

Éveiller le plus tôt possible l’intelligence d’un enfant, savoir l’intéresser à l’acquisition de connaissances nouvelles, ouvrir plus largement sa vision du monde, lui permettre d’exercer précocement son jugement, voire son sens critique, lui créer de nouveaux centres d’intérêt, autant d’actions qui paraissent indispensables et combien nécessaires.

L’ensemencement des cerveaux par une pédagogie adaptée est le secret d’une réussite non seulement scolaire, mais aussi sociale. Tous les pédagogues et tous les sociologues le savent et l’affirment. L’ascenseur social si souvent évoqué, qui semble s’être grippé aujourd’hui, ne peut fonctionner qu’à partir de l’école maternelle, qui va réduire les inégalités culturelles dont on hérite.

Pour passer aux questions pratiques, l’admission dans ces jardins d’éveil ne sera pas gratuite : on parle de 150 à 400 euros par famille, suivant les revenus. Que feront les maires, et plus encore ceux des petites communes, qui ont tant de difficultés à gérer crèches et écoles ? Où trouveront-ils des locaux ?

La question de l’encadrement se pose aussi. Quels seront les formations ou les diplômes exigés pour les personnels d’encadrement, qui doivent avoir au minimum quelques notions dans le domaine éducatif de la petite enfance ?

Or, tous les CAP ou les BAFA, option Petite enfance, aussi valables qu’ils soient, sont assez loin d’atteindre les compétences des enseignants. Cela revient à avouer que le jardin d’éveil, se substituant à l’école maternelle gratuite, oubliant la complémentarité entre école maternelle et école primaire, va cautionner et mettre en place un fonctionnement a minima, un service au rabais, écartant les ambitions du service public.

En outre, ce projet prévoit un abaissement des normes d’encadrement des enfants actuellement pratiquées dans les crèches, avec un adulte pour douze enfants, au lieu de un pour huit. Ces jardins, à mi-chemin entre crèche et école, seront retirés du système éducatif et de la prévention des inégalités scolaires. Il est vrai que suppression du nombre d’enseignants oblige !

La nécessité de créer des structures de garde pour les enfants, pour urgente qu’elle soit, madame la secrétaire d'État, ne doit tout de même pas entraîner la détérioration d’un système éducatif bien rodé. C’est une atteinte grave au premier lieu de socialisation et de préparation encouragée à la réussite sociale.

La démarche qui consiste à supprimer les petites classes de maternelle pour les remplacer par des jardins d’éveil paraît essentiellement guidée par des objectifs financiers, puisque le coût est transféré aux familles et aux communes. La scolarisation tardive de certains élèves issus des milieux les plus fragiles augmentera inévitablement l’échec scolaire et il en résultera un nombre plus élevé d’enfants en difficulté.

La scolarisation des jeunes enfants ne devrait en aucun cas devenir une variable d’ajustement budgétaire, d’autant que le coût par enfant sera plus élevé qu’en école maternelle. Le choix de développer des jardins d’éveil est donc illogique et ne se justifie ni socialement, ni économiquement. C’est la raison pour laquelle, madame la secrétaire d'État, nous sommes en profond désaccord avec vous sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Pierre Bordier. Heureusement !

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais saisir l’occasion qui m’est donnée avec cette question orale sur l’expérimentation des jardins d’éveil pour m’associer au propos liminaire empreint de beaucoup de bon sens de ma collègue Monique Papon.

Personnellement, je souhaite non seulement traiter plus particulièrement de la mise en œuvre des jardins d’éveil, mais aussi lever certaines ambiguïtés entourant le plus souvent le développement de cette nouvelle forme d’accueil des jeunes enfants qui devrait être progressivement proposée aux parents.

Les travaux du groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants dont j’ai été corapporteur ont, pour les raisons précédemment évoquées par Mme la présidente Monique Papon, conduit à proposer la création d’un lieu d’éducation et d’éveil destiné aux enfants de deux à trois ans, que nous avions opportunément dénommé « jardin d’éveil ».

Nous n’étions pas les seuls à formuler une telle proposition. Je citerai notamment le rapport de Mme Michèle Tabarot, député, sur le développement de l’offre d’accueil de la petite enfance. Partant d’un postulat différent du nôtre, elle affirmait que les modes de garde en direction des enfants âgés de deux à trois ans devraient être étendus par la création de « jardins d’éveil ».

Je pourrais même rappeler qu’en 2001 Mme Ségolène Royal, alors ministre délégué à la famille, à l’enfance et aux personnes handicapées, avait annoncé son intention de créer des « jardins d’enfants éducatifs » destinés aux enfants de deux à trois ans. C’est une référence, cela va de soi !

M. René-Pierre Signé. Elle a beaucoup évolué !

M. Pierre Martin. Pour ce faire, le fonds d’investissement pour la petite enfance, FIPE, avait été abondé, mais le développement de ces structures est resté lettre morte.

Aujourd’hui, il est important d’offrir aux familles d’autres lieux que la classe pour l’accueil des enfants âgés de moins de trois ans. Telle est ma conviction et celle du groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

En ce sens, je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de concrétiser la proposition qui avait donné son titre au rapport d’information de notre groupe de travail : « Accueil des jeunes enfants : pour un nouveau service public ».

Mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rappeler que notre proposition n’avait pas pour corollaire la remise en cause ou la fin annoncée de l’école maternelle. Nous attribuer une telle intention reviendrait à ne pas prendre en considération la réalité de notre réflexion.

M. René-Pierre Signé. C’est la fin de l’école maternelle à deux ans !

Mme Françoise Cartron. Les faits sont têtus !

M. Pierre Martin. C’est spécifié dans le rapport. Nous y reviendrons si vous le souhaitez !

Au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, nous n’avions pas voulu engager un débat sur l’école maternelle. Mais nous nous étions interrogés sur le bien-fondé d’une entrée aussi précoce dans le système scolaire, dès l’âge de deux ans.

Le rapport d’information insistait sur l’absolue nécessité de « conforter le rôle de première école qui est au cœur de la mission de l’école maternelle ».

Comme l’ensemble de nos concitoyens, je suis profondément attaché à cette forme d’école préélémentaire dans sa spécificité française. Toutefois, je considère que la prise en charge des enfants de deux à trois ans, lorsqu’il existe une demande de la part des familles, ne relève pas de la sphère scolaire.

Selon moi, il faut désormais être innovant et proposer d’élargir, par voie d’expérimentation, l’offre d’accueil en direction des jeunes enfants. Ainsi, madame Cartron, je ne peux partager la présentation que vous faites des jardins d’éveil.

Les travaux du groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants avaient mis en parallèle la création des jardins d’éveil et le principe d’une école maternelle pour tous à partir de trois ans.

M. René-Pierre Signé. L’école maternelle a été créée avant l’école primaire !

M. Pierre Martin. Les choses évoluent, mon cher collègue !

M. Pierre Martin. Nous veillerons donc à ce que ces jardins d’éveil soient exclusivement réservés aux enfants âgés de deux à trois ans, ce dont je ne doute pas.

Je voudrais rappeler, à l’occasion de ce débat, que nous avions aussi formulé des recommandations concernant l’école maternelle.

Nous avions préconisé que, dans le cadre de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, les compétences nécessaires à l’enseignement en école maternelle soient mieux prises en compte. Le groupe de travail avait surtout insisté sur la question de la formation professionnelle des enseignants des écoles maternelles, souvent jugée insuffisante pour ce niveau d’enseignement. Aussi, je me félicite qu’à l’occasion des mesures destinées à donner un nouvel élan à l’école maternelle le ministre de l’éducation nationale ait annoncé un plan de formation des enseignants des écoles maternelles. (M. Serge Lagauche s’esclaffe.)

Il nous paraît important que les jardins d’éveil s’inscrivent comme une structure intermédiaire originale entre la crèche et l’école, et répondent à un cahier des charges précis.

Les éléments recueillis par notre groupe de travail nous avaient ainsi permis de formuler quelques orientations pour garantir des conditions matérielles satisfaisantes à l’accueil du jeune enfant. Je citerai, par exemple, un contenu pédagogique, des effectifs réduits, un personnel formé aux spécificités de la petite enfance, une souplesse de fonctionnement, une amplitude horaire.

Nous avions ainsi suggéré de réfléchir à un assouplissement des normes d’encadrement des structures d’accueil du jeune enfant, autour d’un adulte pour quinze enfants. Cette recommandation avait en effet été émise par un certain nombre d’acteurs du domaine de la petite enfance et de l’éducation lors des auditions du groupe de travail. Des enseignants nous avaient décrit la classe idéale des « petits » comme réduite à quinze. Il faut rappeler qu’il n’existe aucune norme en matière d’effectifs pour l’école maternelle.

Par ailleurs, la création des jardins d’éveil est de nature à contribuer au développement de l’emploi dans le secteur de la petite enfance, en privilégiant le recrutement d’éducateurs de jeunes enfants, dont la formation nous semble la plus adaptée à cette tranche d’âge. Ces éducateurs sont en effet tout à fait à même de proposer des activités autour de la motricité, du jeu ou du langage.

Nous avions aussi souhaité que la formation de ces éducateurs soit complétée par des temps de rencontres et d’échanges avec les enseignants des écoles maternelles.

J’entends aussi un certain nombre de critiques sur les moyens disponibles pour la mise en œuvre effective des jardins d’éveil. Je crois qu’il existe des marges de manœuvre. En effet, non seulement des communes, mais aussi d’autres partenaires de la petite enfance et de l’éducation sont prêts à investir dans votre projet, madame la secrétaire d’État.

C’est ainsi que nous avions envisagé un recensement des locaux vacants, notamment dans les écoles maternelles ou dans les crèches, pour permettre une mise en œuvre relativement rapide de ces jardins éveil sans recours à des constructions supplémentaires.

Certes, les collectivités territoriales sont appelées à être partenaires des jardins d’éveil. Mais ne le sont-elles pas déjà des crèches et des écoles maternelles quand on prend les enfants à l’âge de deux ans ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Pierre Martin. Je le répète, mes chers collègues, les deux acteurs principaux du financement des écoles maternelles sont l’État et les collectivités territoriales.

La scolarisation actuelle des enfants de moins de trois ans est marquée par de fortes disparités territoriales, qui nous questionnent en termes d’équité. Si l’on veut faire entrer son enfant à l’école maternelle dès deux ans, il est préférable d’habiter en milieu rural ou dans une ville moyenne, en Bretagne par exemple, plutôt que dans une grande métropole.

Sur ce point, madame la secrétaire d’État, je voudrais vous interroger sur les réponses susceptibles d’être apportées aux besoins des populations en termes de proximité des jardins d’éveil, tout particulièrement en milieu rural. En effet, nous imaginons les problèmes que pose le regroupement de ces enfants dans le cas de plusieurs petites communes.

Enfin, permettez-moi d’insister sur une des propositions qui me tient le plus à cœur. Le projet que vous portez aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, ne peut se concevoir sans l’établissement d’un lien privilégié avec l’école maternelle, et donc avec l’éducation nationale. L’occasion nous est donnée de décloisonner les univers professionnels en développant les relations entre les acteurs de la petite enfance et ceux de l’école maternelle.

Enfin, mes chers collègues, j’observe que la création des jardins d’éveil est menée à l’occasion d’une expérimentation dont il conviendra de tirer les conclusions.

Madame la secrétaire d’État, nous devons vous encourager et vous accompagner dans la mise en œuvre de ce projet dont, en tant que rapporteur du groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants, je souhaite bien entendu la réalisation.

En conclusion, au cours de la mission que nous avons menée, ma collègue Mme Papon et moi-même, et des auditions de toutes ces personnes qualifiées sur cette question des jeunes enfants, notre souci a été de ne privilégier qu’une seule chose : l’intérêt de l’enfant.

Mme Françoise Laborde. J’espère bien !

M. Pierre Martin. Et cela en dehors de toute idéologie !

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas idéologique, c’est sociologique !

M. Pierre Martin. Nous pensions que c’était une solution et nous souhaitons que, grâce à l’expérimentation, cela devienne – pourquoi pas ? – « la » solution.

Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour ce qui est fait à l’heure actuelle. J’espère que le partenariat mis en place avec l’éducation nationale, le ministère de la famille, les collectivités, les parents et les assistantes maternelles permettra d’innover pour nos jeunes enfants.

Comme un collègue l’a rappelé, l’école maternelle a été une grande chose pour notre République. Je suis persuadé qu’il en sera de même pour les jardins d’éveil, qui apparaîtront aussi comme une excellente solution ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le Président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir au cours de ce débat car j’estime que la création des jardins d’éveil illustre à elle seule les impasses de la politique gouvernementale.

En effet, que nous propose-t-on dans cette réforme ? D’un point de vue pédagogique, rien, ou si peu ! On autorise l’ouverture de jardins d’éveil, sans l’assortir de l’obligation d’élaborer un projet éducatif digne de ce nom.

Lorsqu’on veut réellement renforcer l’égalité des chances éducatives entre les enfants, j’ai la faiblesse de le croire, on se fixe des objectifs pédagogiques précis, c’est le moins que l’on puisse faire. Visiblement, en ce qui concerne la petite enfance, le Gouvernement, madame la secrétaire d’État, ne partage pas cette conception de l’éducation.

Au contraire, les jardins d’éveil n’ont d’autre but que de substituer à l’école maternelle un mode de garde sans condition d’apprentissage et d’acquisition de connaissances. C’est d’autant plus regrettable que, quoi que vous puissiez en penser, il est avéré que l’école maternelle exerce un effet tout à fait positif sur la socialisation et la scolarité des jeunes enfants, notamment ceux qui sont issus des classes défavorisées, pour qui l’accueil est, de plus, gratuit.

Mais je ne m’étendrai pas davantage sur ce point, car notre collègue Françoise Cartron a développé à ce sujet d’excellents arguments, auxquels, comme mes collègues du groupe socialiste, je souscris totalement. Je rejoins également la position défendue par Jean-Luc Fichet et René-Pierre Signé, et, je n’en doute pas un seul instant, Claude Domeizel poursuivra dans cette voie.

M. Claude Domeizel. Bien sûr !

M. Claude Bérit-Débat. Il n’en demeure pas moins que la question reste posée : à quoi servent les jardins d’éveil, si leur création n’est pas liée à un apport éducatif ? Là encore, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ambition du Gouvernement est des plus minimes. S’agit-il de porter atteinte à l’école maternelle ? Tout porte à le croire, puisque, en favorisant les jardins d’éveil, le but recherché est de réduire le nombre d’enfants entrant en maternelle. Les chiffres présentés par les uns et les autres sont, à cet égard, éloquents.

Dès lors, l’argument est tout trouvé pour justifier la réduction du nombre d’enseignants. Nous avions les critères de Maastricht, mais on ne les respecte plus depuis fort longtemps ! En revanche, nous avons désormais un dogme gouvernemental auquel vous ne dérogez absolument pas, madame la secrétaire d’État : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Moins d’enfants, moins d’enseignants, c’est, au final, plus d’économies pour l’État !

Je souhaite insister plus particulièrement sur ce point. En effet, si l’État réalise des économies « sur le dos » des enseignants et de l’éducation des futurs citoyens, il perpétue aussi son habitude de transférer le poids de ses charges aux collectivités locales. Il n’aura échappé à personne que le coût des jardins d’éveil sera, comme dans tant d’autres domaines, supporté une fois de plus par les communes. À cet égard, je rappellerai quelques chiffres. Une place en école maternelle coûte 4 500 euros, alors qu’une place en jardin d’éveil revient en moyenne à 8 000 euros : 3 200 euros seront pris en charge par l’État via la CNAF, 2 900 euros seront supportés par les communes, tandis que le reste sera payé par les familles, et encore, à proportion de leurs moyens. Face à la paupérisation des familles de certains quartiers ou de certaines villes, les jardins d’éveil représenteront, nous le savons, une charge supplémentaire pour les collectivités, c'est-à-dire pour les communes.

Autrement dit, les collectivités locales seront contraintes de supporter un nouveau poste de dépenses, pour financer les économies budgétaires réalisées par l’État pour son propre compte.

À l’heure où la réforme des collectivités territoriales laisse présager pour celles-ci une mise au pas politique et une subordination financière, la création des jardins d’éveil apparaît comme une véritable provocation. (MM. Pierre Martin et Pierre Bordier s’esclaffent.)

Selon une mécanique bien rodée, l’État réduit les recettes fiscales des collectivités, tout en leur transférant des charges financières supplémentaires. D’un côté, la taxe professionnelle est supprimée et, de l’autre, les communes doivent financer les jardins d’éveil, dont la finalité n’est autre que de permettre à l’État d’économiser quelques millions d’euros, alors qu’il dilapide des milliards d’euros en cadeaux fiscaux. Par conséquent, cette réforme est inique, d’autant que les communes consentent déjà beaucoup d’efforts pour l’éducation et la garde des plus petits.

En effet, malgré les difficultés et le coût de ces structures, les collectivités financent de nombreuses crèches, micro-crèches, haltes-garderies et réseaux d’assistantes maternelles. À cet effort s’ajoute celui qui est déployé en faveur des écoles maternelles et élémentaires.

Dois-je rappeler – chacun ici le sait, puisqu’il est le plus souvent également élu local – qu’elles financent non seulement les ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, mais également tout le personnel nécessaire au fonctionnement des services de garderie, de restauration et d’activités périscolaires ?

En outre, la création des jardins d’éveil obligera les collectivités à recruter du personnel supplémentaire, ce qui ne manque pas de sel quand on sait que, hier encore, le Président de la République stigmatisait la création par les collectivités locales de 36 000 emplois au cours de l’année 2008 !

M. Claude Bérit-Débat. Une fois de plus, les collectivités se retrouvent donc entre le marteau et l’enclume : d’un côté, elles doivent pallier les défaillances de l’État et, de l’autre, elles sentent le nœud financier qui les étrangle se resserrer encore un peu plus !

Cette situation est d’autant plus insupportable que personne ne comprend l’utilité de ces nouvelles structures. En matière d’éducation – j’en terminerai par là –, l’État doit se montrer exemplaire et à la hauteur de ses responsabilités. En créant les jardins d’éveil, il ne fait ni l’un ni l’autre. Il est donc tout à fait inconcevable que, une fois de plus, ce soit aux collectivités locales de payer les factures laissées par l’État.

Puisque les jardins d’éveil sont en phase d’expérimentation, l’heure est venue, madame la secrétaire d’État, de tirer d’ores et déjà les conclusions qui s’imposent : il faut donner à l’éducation nationale les vrais moyens de ses ambitions et cesser de considérer que l’éducation de nos enfants est un coût qu’il faut désormais externaliser à tout prix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que dernier orateur inscrit, je me permettrai d’aborder le sujet de manière un peu différente. Je ne reviendrai pas en détail sur notre perception des jardins d’éveil, dans la mesure où notre collègue Françoise Cartron en a dressé un bilan quasiment exhaustif lors de son excellente intervention.

À l’évidence, élus et parents ne se sont pas précipités sur cette nouvelle structure bancale et superflue. Mme Françoise Cartron, qui est à l’origine de ce débat, ce dont nous devons la féliciter, a eu tout à fait raison de souligner trois points principaux. Tout d’abord, les jardins d’éveil ne sont que des coquilles vides et de la poudre aux yeux. Ensuite, l’objectif principal de leur création est d’ouvrir une brèche dans notre modèle d’école maternelle. Enfin, il s’agit d’une tentative maladroite pour masquer les attentes des familles en matière d’accueil des jeunes enfants.

Pour ma part, j’évoquerai des aspects encore plus concrets, en termes de moyens.

En 2010, sur cinq rentrées scolaires, 50 000 emplois auront disparu dans l’éducation nationale.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est cela, la réalité !

M. Claude Domeizel. Qui sont les victimes de ces mesures ressemblant à un véritable plan social ? Tous les établissements, et plus particulièrement ceux qui accueillent des enfants de moins de cinq ans. Mais la création des jardins d’éveil ne constitue que l’un des angles d’attaque en matière de réduction des effectifs d’enseignants.

Madame la secrétaire d’État, je n’ignore pas que vos services ne sont pas compétents en matière d’éducation. Permettez-moi toutefois d’élargir le débat en alertant aujourd’hui le gouvernement Sarkozy – je pensais Fillon, j’ai dit Sarkozy, je ne sais pourquoi (Sourires) –, que vous représentez, au sujet de l’accueil dans les écoles des communes rurales des enfants de moins de cinq ans. En effet, plusieurs d’entre nous ont été interpellés sur ce point.

Il semblerait que, de plus en plus, les familles essuient des refus fondés sur le critère de l’âge des enfants. Il est vrai que les questions de limite d’âge ont toujours été un vrai casse-tête pour les maires et les directeurs d’école. Cependant, aujourd’hui, la règle serait appliquée avec une rigueur jamais connue. Cela se vérifie un peu partout, en ville, mais aussi à la campagne.

Malheureusement, la question est encore plus sensible en milieu rural. Permettez-moi d’illustrer cette affirmation en prenant l’exemple du département des Alpes de Haute-Provence, que j’ai l’honneur de représenter ici. Sur 200 communes, 108 ont une ou plusieurs écoles élémentaires et 30 proposent un accueil en maternelle. Autrement dit, la moitié des communes se trouve sans école primaire, et 8 communes sur 10 n’ont pas d’école maternelle. Mon département ne constitue pas un cas unique, cette situation étant une réalité bien connue du monde rural, où l’on compte peu de crèches, voire pas du tout, et encore moins de jardins d’éveil.

La scolarisation des enfants de moins de cinq ans pose par conséquent certaines difficultés. Or, en zone rurale, comme ailleurs, l’accueil des jeunes enfants est souhaitable, non seulement pour leur épanouissement, mais aussi parce que la qualité de l’offre en matière d’éducation constitue un attrait important pour les familles désirant s’installer. Certes, les enfants peuvent être scolarisés dans l’école maternelle la plus proche ; mais lorsqu’ils atteignent leur sixième anniversaire, reviennent-ils dans l’école primaire de leur village, si elle existe encore ? Permettez-moi d’en douter ! En outre, si le cadet rejoint l’aîné à l’école maternelle, l’école primaire du lieu de résidence aura ainsi perdu deux élèves !

Il est vrai que l’article D. 113-1 du code de l’éducation apporte la précision suivante : « En l’absence d’école ou de classe maternelle, les enfants de cinq ans […] sont admis à l’école élémentaire dans une section enfantine ». Toutefois, à mon sens, rien ne s’oppose à ce que des enfants puissent être accueillis, en fonction des effectifs, avant l’âge de cinq ans dans une section enfantine. Jusqu’à ces derniers temps, c’était une pratique largement répandue.

Cette tolérance se plaçait dans le droit fil de l’article 29 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, selon lequel l’État se doit de « garantir que l’offre d’accès aux services publics est adaptée aux caractéristiques des territoires, concourt à leur attractivité et au maintien de leurs équilibres ».

« Adaptée aux caractéristiques des territoires » : tout est dit en quelques mots. Le durcissement observé pour l’application des textes, suscité par le ministère de l’éducation nationale et contraire à l’esprit de la loi du 4 février 1995 dont je viens de citer un article important, va insidieusement accélérer le processus des fermetures de classes en zone rurale. Voilà comment on réduit les effectifs des enseignants dans le cadre de la RGPP !

Madame la secrétaire d’État, plutôt que de vanter les hypothétiques mérites des jardins d’éveil, pourquoi le Gouvernement ne commence-t-il pas par répondre à ses obligations en matière d’accueil, notamment en zone rurale, des enfants de moins de cinq ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

M. René-Pierre Signé. Il y a du travail ! Elle a beaucoup à faire pour convaincre !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec grand plaisir que je vais à répondre à la question orale avec débat posée par votre collègue Mme Françoise Cartron.

De retour d’un voyage à Stockholm, permettez-moi tout d’abord de vous faire partager la teneur des discussions auxquelles j’ai pu participer. Dans le cadre de la présidence de l’Union européenne par la Suède, nous avons évoqué la démographie européenne, les résultats de la France en ce domaine, ainsi que l’intérêt suscité, auprès de l’ensemble de nos partenaires européens, par le développement de modes de garde très diversifiés dans notre pays.

Le taux de natalité en France est de loin le premier de l’Union européenne – 2,08 enfants par femme, contre une moyenne européenne de 1,5 –, ce qui permet à notre pays d’assurer un quasi-renouvellement de ses générations.

M. Serge Lagauche. Grâce aux immigrés !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Ce chiffre n’est pas le fruit du hasard, mais la résultante de notre politique familiale, à laquelle nous consacrons près de 88 milliards d’euros, soit 4,7 % de notre produit intérieur brut – 2,5 fois plus que les autres pays européens.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Fiscalité, prestations familiales, allocations familiales, mais aussi modes d’accueil des jeunes enfants : dans tous ces domaines, l’Europe s’est dotée d’instruments de mesure de l’ensemble des résultats des pays de l’Union, à travers les objectifs de Barcelone. Pour l’accueil des enfants de trois mois à trois ans, ces derniers préconisent un taux d’accueil de 30 % ; nous sommes presque à 48 % ! En ce qui concerne l’accueil des enfants de trois à six ans, ils fixent un taux de 90 % ; nous sommes à 99 % ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Le Gouvernement comme la majorité parlementaire sont viscéralement attachés à l’école maternelle. Je vous pose la question, monsieur Signé : pourquoi n’avoir pas inscrit le droit à la scolarité dès deux ans dans la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation, quand la gauche était au pouvoir et que le Président de la République s’appelait François Mitterrand ?

M. René-Pierre Signé. Les avancées sont progressives !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. La loi prévoit la scolarisation à trois ans, voire à deux ans dans les quartiers défavorisés.

Nous avons fait un choix différent. Comme l’excellent rapport sénatorial de Mme Papon et de M. Martin sur le développement des jardins d’éveil, nous avons été guidés par le principe fondateur de l’intérêt supérieur de l’enfant – principe que Mme Papon a rappelé dès le début de son intervention –, et donc par la volonté de garantir la qualité de l’accueil des tout-petits.

Les enfants de deux ans sont des bébés.

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Certains d’entre eux ne sont pas encore propres ; or, je rappelle, la propreté constitue une condition d’entrée à l’école maternelle.

M. René-Pierre Signé. Le dialogue commence in utero ! À deux ans, ils sont prêts !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Les jardins d’éveil peuvent accueillir les tout-petits même lorsqu’ils ne sont pas propres : en cela, ils offrent un meilleur accompagnement du jeune enfant que l’école maternelle.

N’en déplaise à certains d’entre vous, nous n’avons nullement l’intention de supprimer l’école maternelle, dont nous sommes fiers. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)  Aujourd’hui, près de 99 % des parents choisissent d’inscrire leurs enfants de trois à six ans à l’école maternelle !

M. Claude Bérit-Débat. Les chiffres sont têtus !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je le répète, nous sommes viscéralement attachés à l’école maternelle, et il n’est pas question de remettre en cause le droit à la scolarité dès l’âge de trois ans.

M. René-Pierre Signé. Vous réduisez pourtant la scolarité !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous avons voulu répondre à l’attente des parents, des collectivités locales et des professionnels de la petite enfance, mais aussi de territoires très diversifiés. En effet, la garde d’enfants ne se conçoit pas de la même manière selon que l’on habite dans une grande agglomération ou à la campagne.

Moi-même élue d’une circonscription rurale, qui compte 181 communes réparties sur huit cantons, je vois bien la nécessité de diversifier les modes d’accueil. C’est aussi la conclusion du rapport sénatorial et de celui du député Mme Michèle Tabarot.

C’est pourquoi nous avons créé 100 000 places supplémentaires chez les assistantes maternelles. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Nous avons permis à celles-ci d’obtenir une prime à l’installation et, grâce au PLFSS que vous allez bientôt examiner, mesdames, messieurs les sénateurs, elles pourront bénéficier d’un prêt à taux zéro pour les aider à s’installer. Nous avons prévu de créer 76 000 places en crèche collective, 4 000 places en crèche d’entreprise…

M. René-Pierre Signé. Ce ne sont pas des écoles !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … parce que, je le répète, il importe de diversifier les modes de garde, et 4 500 places en crèche hospitalière parce que, là aussi, il est important d’optimiser les moyens dont nous disposons.

Certains parmi vous ont plaidé pour que les enfants des quartiers difficiles soient accueillis dans les écoles. Tout comme vous, nous souhaitons qu’ils reçoivent un accueil de qualité. Au sein des places que je viens d’énumérer, une ligne budgétaire spécifique en prévoit 1 500 dans 215 quartiers prioritaires, afin de développer des modes de garde dans ces quartiers.

Mme Christiane Demontès. Comment les familles vont-elles payer ?

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas l’école !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. À travers la convention d’objectifs et de gestion, la COG, que l’État a signée avec la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, nous avons engagé, en cette période de crise économique difficile, 1,3 milliard d’euros pour développer les 200 000 places de garde supplémentaires. Cela représente 7,5 % d’augmentation du Fonds national d’action sociale chaque année pendant quatre ans !

Dans ces quartiers difficiles, où nous voulons un accueil plus rapproché des tout-petits, les caisses d’allocations familiales, les CAF, ont déjà reçu 380 dossiers. Au lieu des 1 500 places prévues, nous allons créer jusqu’à 3 600 places dans les quartiers prioritaires pour répondre aux besoins des familles, notamment à ceux de ces femmes dont le taux d’activité est de dix points inférieur à la moyenne nationale et qui ne peuvent répondre à un entretien d’embauche faute de pouvoir faire garder leurs enfants.

Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, à quel point le Gouvernement et la majorité agissent pour développer des modes de garde pour les enfants dans ces quartiers prioritaires.

On peut se jeter les rapports à la figure, mais la quasi-totalité des rapports des pédopsychiatres démontrent que la scolarisation dès l’âge de deux ans n’est pas bonne pour les enfants,…

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. … qui ont besoin d’un accueil beaucoup plus rapproché par les adultes. Les associations familiales y sont également défavorables. C’est pourquoi la préscolarisation, qui ne s’appliquait pas uniformément sur le territoire, a reculé.

J’en viens aux jardins d’éveil. À la suite de l’excellent rapport du Sénat, nous avons décidé, aux termes de la COG, une expérimentation portant sur 8 000 places d’accueil en jardin d’éveil. Alors que le cahier des charges a été élaboré voilà trois mois à peine, nous ne pouvons que nous féliciter de constater que les projets de certaines communes sont déjà largement engagés – la création de 300 places a d’ores et déjà été enregistrée auprès des caisses d’allocations familiales.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas beaucoup !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je suis d’ailleurs allée inaugurer les premiers jardins d’éveil dans le Tarn-et-Garonne.

Ces jardins d’éveils visent à accueillir des enfants de deux à trois ans au sein de petits modules de douze à vingt-quatre enfants. Le coût pour la collectivité est, en moyenne, de 7 500 euros ; la participation de L’État, par le biais de la branche famille de l’assurance maladie, s’élève, par place, à 3 200 euros en dépenses de fonctionnement et à 1 100 euros en dépenses d’investissement. Sur le plan financier, nous contribuons donc de manière significative à la mise en place de ces jardins d’éveil, notamment pour assurer un taux d’encadrement de trois adultes au minimum pour vingt-quatre enfants, soit bien plus qu’en maternelle.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas la même qualité !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Détrompez-vous : nous sommes particulièrement attachés à la qualité de l’encadrement, que nous avons privilégiée.

Nous avons aussi permis aux élus – parce que je connais leur préoccupation ; je suis moi-même un élu – d’utiliser les locaux disponibles, afin d’apporter aux parents le meilleur service de proximité possible.

Dans la Marne, j’ai ainsi inauguré en compagnie de Mme Papon un jardin d’éveil dans un ancien bureau de poste communal qui, après réhabilitation, correspondait parfaitement aux besoins. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas possible dans toutes les communes !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Dans d’autres cas, les maires ont choisi d’installer les jardins d’éveil dans des locaux jouxtant un groupe scolaire ou, au sein de groupes scolaires, dans des locaux qui ont été agrandis. Tout le monde y gagne : les parents, qui apprécient d’aller chercher le petit dernier sur le même site que ses frère et sœur scolarisés en maternelle ou en primaire ; les maires, qui optimisent ainsi les moyens et leurs structures ; enfin, les professionnels de la petite enfance, qui peuvent intervenir dans plusieurs structures.

Qualité, fonctionnalité, mutualisation des moyens et baisse des coûts : tels sont les objectifs de ce dispositif.

Vous dénoncez, sur les travées du groupe socialiste, un désengagement de l’État au détriment des collectivités locales.

M. René-Pierre Signé. C’est vrai !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Mais dois-je vous rappeler que les communes financent les places de crèche et les autres modes d’accueil des jeunes enfants ?

M. René-Pierre Signé. Mais l’école est gratuite, elle !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En ce qui concerne les jardins d’éveil, l’apport de l’État, par le biais de la branche famille, est beaucoup plus important.

D’ailleurs, en affirmant qu’une place en maternelle coûte moins cher qu’une place en jardin d’éveil, vous battez en brèche votre propre argument sur un prétendu désengagement de l’État ! (M. Claude Bérit-Débat sourit et fait un signe de dénégation.) Nous investissons en effet davantage dans les jardins d’éveil, afin d’assurer un meilleur accueil du tout-petit, qui, à nos yeux, est un bébé. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Les familles payent !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Enfin, vous nous parlez de pédagogie. Le personnel de ces jardins d’éveil sera formé et qualifié, en puériculture ou en accueil du jeune enfant. Contrairement à ce que vous affirmez, Xavier Darcos n’a pas manqué de respect aux enseignants en expliquant qu’enseignement et accompagnement de la petite enfance sont deux métiers différents.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas l’avis des enseignants !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous sommes très attachés à ces deux métiers, qui sont complémentaires.

Je voudrais également répondre très concrètement aux questions que vous avez soulevées sur le projet pédagogique.

Selon les rapports qui nous ont été remis, à leur entrée en maternelle, certains enfants peuvent maîtriser 2 000 mots en moyenne, quand d’autres n’en possèdent que 200 : tous n’ont pas la même capacité d’apprentissage du vocabulaire. J’ai donc demandé à un professeur de sociolinguistique, M. Bentolila, d’élaborer pour la fin du mois de décembre un projet de module d’apprentissage de la linguistique, que nous expérimenterons ensuite dans les jardins d’éveil. Je souhaite également que ces derniers rendent un rapport annuel d’activité.

Je tiens aussi à répondre à M. Martin, qui a évoqué un autre sujet.

Avant de mettre en place les jardins d’éveil, nous avons évidemment installé un comité de pilotage et consulté les professionnels de la petite enfance. J’ai moi-même reçu les syndicats enseignants afin de leur signifier clairement que la création des jardins d’éveil ne correspondait aucunement à une quelconque volonté de supprimer l’école maternelle par substitution. C’est pourquoi j’ai souhaité que ces deux entités soient clairement distinctes et qu’il n’existe entre elles aucun rapport technique ni agrément : jardins d’éveil d’un côté, éducation nationale de l’autre.

Lorsque je les ai rencontrés, les syndicats m’ont dit qu’ils étaient les premiers à craindre la création des jardins d’éveil. Mais, au final, ils m’ont fait part de leur souhait de nouer des partenariats avec ceux-ci. Dont acte ! Ainsi, lorsque nous dresserons le bilan des jardins d’éveil après leur première année de fonctionnement, si un jardin d’éveil en émet le désir, il pourra tout à fait établir un partenariat avec une école maternelle se trouvant à proximité et mettre en place des activités communes pour les enfants en passe d’atteindre l’âge de trois ans.

M. René-Pierre Signé. C’est reconnaître l’importance de l’école !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Toutefois, afin de balayer toutes les craintes, attendons les premiers bilans avant de passer à la seconde étape consistant en la conclusion de conventions entre les classes maternelles et les jardins d’éveil qui le souhaiteront. Mes propos se veulent donc rassurants.

S’agissant de la méthodologie, il m’est impossible de dresser un bilan, puisque nous ne sommes pas encore parvenus au terme de la première année de fonctionnement. En revanche, par souci d’être le plus concret possible, j’ai pris grand soin de détailler les aspects techniques de la mise en place d’un jardin d’éveil ; c’est pourquoi j’ai adressé à toutes les communes un DVD, afin que les élus trouvent des réponses aux questions d’ordre technique qu’ils se posent.

Mais si vous voulez des réponses, allez sur le terrain (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.),…

M. Claude Domeizel. Comme si nous n’y allions pas !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Laissez-moi terminer ma phrase !

Je disais donc : allez sur le terrain, là où existent déjà des jardins d’éveil.

M. René-Pierre Signé. Il n’en existe pas beaucoup !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je vous invite ainsi à visiter celui de la commune de Nègrepelisse, en Tarn-et-Garonne, tout à fait remarquable et novateur, et qui a intégré les techniques de développement durable. Cette commune a à sa tête un maire qui se situe plutôt à gauche. Je vous invite aussi à visiter le jardin d’éveil de la commune voisine de Caussade, dont le maire se situe plutôt à droite. Ce département est géré par Jean-Michel Baylet, qui appartient au même groupe que Mme Laborde, à savoir le groupe RDSE. Cette « synthèse » sera de nature à mieux vous convaincre. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Pour répondre au Gouvernement, la parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Madame la secrétaire d'État, vous avez prétendu que 99 % des enfants de trois à six ans étaient scolarisés. Permettez-moi de vous dire que, sur le terrain, nous ne devons pas fréquenter les mêmes lieux !

Ensuite, vous avez affirmé que le financement des jardins d’éveil était assuré par les collectivités locales et les familles et, à un moment donné, vous avez employé la première personne du pluriel : nous finançons. Je crois que vous confondez le budget de l’État et celui de la Caisse nationale d’allocations familiales. En effet, c’est cette dernière qui finance les jardins d’éveil, et non l’État.

M. le président. Pour répondre au Gouvernement, la parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. J’avoue être quelque peu perplexe. Plutôt que de se jeter des rapports à la figure, il serait préférable, alors que nous dressons un premier bilan des jardins d’éveil, que nous disposions des mêmes sources.

Ensuite, comme Françoise Cartron, j’ai été, dans une autre vie, enseignante en petite section de maternelle et directrice d’école. Nos avis sont par conséquent un peu mitigés.

Enfin, au cours d’un stage auquel je participais, M. Bentolila avait déclaré que le langage s’apprend également entre pairs. Aussi, les enfants qui maîtrisent mieux l’expression orale peuvent aider ceux qui rencontrent plus de difficultés en la matière.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je souscris globalement aux propos de Mme Laborde : il serait préférable que nous nous appuyions tous sur les mêmes rapports. Cela étant, le foisonnement littéraire étant une caractéristique de notre démocratie, je crains que nous n’y parvenions pas. À chacun ses sources !

En revanche, que M. Collin vous convie dans son département pour visiter les jardins d’éveil de Nègrepelisse et de Caussade, qui fonctionnent parfaitement. Je ne peux que vous inviter à vous rendre sur place au bout de trois mois !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Madame la secrétaire d'État, je vous invite à mon tour à venir dans une école maternelle située en zone d’éducation prioritaire et scolarisant des enfants de deux ans et demi. Je ne suis pas favorable à la généralisation de cette solution, mais il faut bien admettre que, dans certaines circonstances, elle peut être bénéfique.

M. le président. En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Conférence des présidents

M. le président. Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui :

Jeudi 22 octobre 2009

À 9 heures 30 :

1°) Question orale avec débat n° 47 de Mme Nathalie Goulet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur le contrôle parlementaire de l’action du Fonds stratégique d’investissement (demande du groupe Union centriste) ;

(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré.

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;

3°) Débat européen de suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes et de la commission de l’économie) :

- brevets européen et communautaire ;

- droits des consommateurs ;

- transposition insuffisante d’une directive ferroviaire (mise en demeure de la France) ;

- coopération judiciaire et policière : situation en Bulgarie et Roumanie ;

(Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat. Dans le cadre de chacun des débats, interviendront le représentant de la commission compétente (cinq minutes), le Gouvernement (cinq minutes), puis une discussion spontanée et interactive de dix minutes sera ouverte sous la forme de questions-réponses (deux minutes maximum par intervention)) ;

4°) Débat sur les prélèvements obligatoires (demandes de la commission des finances et de la commission des affaires sociales) ;

(La conférence des présidents :

- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la commission des finances et à la commission des affaires sociales ;

- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;

Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré).

Semaine d’initiative sénatoriale

Mardi 27 octobre 2009

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

Ordre d’appel des questions fixé par le Gouvernement.

- n° 607 de Mme Nicole Bonnefoy à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

(Logement social dans les petites communes) ;

- n° 642 de Mme Alima Boumediene-Thiery à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Transformation du lac de Beaumont-sur-Oise en décharge) ;

- n° 635 de Mme Virginie Klès à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Devenir du conseil de prud’hommes de Fougères) ;

- n° 632 de Mme Christiane Demontès à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Gratification des stagiaires dans le secteur de la formation et de la recherche en travail social) ;

- n° 641 de M. Yves Daudigny à Mme la secrétaire d’État chargée des aînés ;

(Tarification des établissements pour personnes âgées dépendantes) ;

- n° 631 de Mme Nicole Bricq à M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales ;

(Freins au développement de la démocratie locale) ;

- n° 646 de Mme Éliane Assassi à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Moyens et missions de service public des forces de l’ordre pour assurer la sécurité publique sur le territoire de la Seine-Saint-Denis) ;

- n° 597 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Publicité pour le tabac) ;

- n° 633 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Aide à la scolarisation des enfants en situation de handicap) ;

- n° 636 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Instauration d’une épreuve d’éducation civique au baccalauréat) ;

- n° 643 de Mme Gélita Hoarau à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Enseignement de la langue et culture réunionnaises) ;

- n° 634 de M. Jean-Pierre Demerliat à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Modernisation de l’outil industriel courrier et avenir du centre de tri postal de Limoges) ;

- n° 638 de M. Robert Navarro à M. le ministre chargé de l’industrie ;

(Plan de restructuration engagé par le groupe Sanofi-Aventis) ;

- n° 625 de M. Yannick Bodin à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État ;

(Logements de fonction des fonctionnaires) ;

- n° 619 de M. Jacques Mézard à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Reconstruction du haras national d’Aurillac) ;

- n° 628 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Application des BCAE) ;

- n° 630 de M. Francis Grignon à M. le ministre de la culture et de la communication ;

(Problèmes résultant de la transposition de la directive européenne concernant la profession d’architecte) ;

- n° 649 de M. Richard Yung à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ;

(Conditions de délivrance du visa de court séjour aux ressortissants d’États tiers signataires d’un PACS avec un ressortissant français ou communautaire) ;

À 14 heures 30 :

2°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009 ;

(À la suite du président de la commission des affaires européennes (dix minutes), du président de la commission des affaires étrangères (dix minutes) et de la commission de l’économie (cinq minutes), interviendront les porte-parole des groupes (dix minutes pour chaque groupe), la réunion administrative des sénateurs non-inscrits disposant d’un temps de parole de cinq minutes.

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 26 octobre 2009) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur l’immigration ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;

À 17 heures 45 et, éventuellement, le soir :

4°) Proposition de loi relative au service civique, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE (texte de la commission, n° 37, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 26 octobre 2009 ;

- au jeudi 22 octobre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 27 octobre 2009, à neuf heures trente).

mercredi 28 octobre 2009

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

À 14 heures 30 :

- Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, présentée par M. Philippe Marini (texte de la commission, n° 534 rectifié, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 27 octobre 2009) ;

- au jeudi 22 octobre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 octobre 2009, le matin).

Jeudi 29 octobre 2009

Ordre du jour réservé aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires :

À 9 heures :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

1°) Proposition de résolution européenne, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement, portant sur la proposition de directive du 13 juillet 2009 relative aux exigences de fonds propres pour le portefeuille de négociation et pour les retitrisations, et la surveillance prudentielle des politiques de rémunération (E 4632), présentée par M. Simon Sutour, Mme Nicole Bricq, MM. Richard Yung, François Marc, Bernard Angels et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 629, 2008-2009) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la Séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 octobre 2009 ;

- au mardi 27 octobre 2009, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission des finances se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 28 octobre 2009, le matin) ;

2°) Proposition de loi portant diverses dispositions relatives au financement des régimes d’assurance vieillesse des fonctions publiques hospitalière et territoriale, présentée par M. Claude Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (texte de la commission, n° 33, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 octobre 2009 ;

- au vendredi 23 octobre 2009, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 27 octobre 2009, à quatorze heures trente) ;

À 15 heures :

Ordre du jour réservé au groupe Union centriste :

3°) Question orale avec débat n° 49 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre de la culture et de la communication sur la décentralisation des enseignements artistiques ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 octobre 2009 ;

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;

4°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative aux recherches sur la personne (texte de la commission, n° 35, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mercredi 28 octobre 2009) ;

- au vendredi 23 octobre 2009, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 27 octobre 2009, à quatorze heures trente).

Semaines réservées par priorité au Gouvernement

Lundi 2 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 16 heures et le soir :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 30 octobre 2009) ;

2°) Projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 51, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a fixé :

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 30 octobre 2009) ;

- au jeudi 29 octobre 2009, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 2 novembre à quatorze heures trente, le mardi 3 novembre à neuf heures et à la suspension du soir, le mercredi 4 novembre 2009 aux suspensions et, éventuellement, le jeudi 5 novembre, aux suspensions).

Mardi 3 novembre 2009

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 610 de Mme Anne-Marie Payet transmise à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Redéploiement de la police et de la gendarmerie à La Réunion) ;

- n° 616 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

(Responsabilité de l’auto-entrepreneur) ;

- n° 640 de M. Jean-Pierre Chauveau à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Aménagement de la RN 12 entre Hauterive et Le Mêle-sur-Sarthe) ;

- n° 644 de M. Dominique Braye à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

(Publication d’un décret sur le report des travaux de rénovation des ascenseurs) ;

- n° 647 de M. Pierre-Yves Collombat à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Transports sanitaires d’urgence dans le Centre et le haut Var) ;

- n° 648 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Nouvelles réglementations de mise en place des centrales photovoltaïques dans les exploitations agricoles de la Vienne) ;

- n° 650 de M. Serge Lagauche à M. le ministre de la culture et de la communication ;

(Numérisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles) ;

- n° 652 de Mme Maryvonne Blondin transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Statut des personnels des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)) ;

- n° 654 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Réduction des horaires d’ouverture des bureaux de poste) ;

- n° 655 de Mme Monique Cerisier-BEN Guiga à M. le ministre des affaires étrangères et européennes ;

(Suppression des crédits affectés au financement de l’assurance maladie des Français à l’étranger aux revenus modestes) ;

- n° 656 de M. Marcel Rainaud à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Décentralisation et finances locales) ;

- n° 657 de M. René Vestri à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Inscription du thon rouge à l’annexe 1 de LA CITES) ;

- n° 659 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

(Projet d’implantation d’une usine traitant du méthylparathion) ;

- n° 661 de M. François Patriat à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Financement de la gratification des stages des étudiants en travail social) ;

- n° 664 de Mme Bariza Khiari à M. le ministre de la défense ;

(Pratiques racistes et dégradantes dans la gendarmerie) ;

- n° 668 de M. Alain Gournac à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Pratiques des aiguilleurs aériens) ;

- n° 670 rect. de M. Jacky Le Menn à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Transfert d’agents de l’assurance maladie vers les agences régionales de santé) ;

- n° 678 de M. Bernard Vera à M. le ministre chargé de l’industrie ;

(Avenir de l’industrie des télécoms en France et plus précisément d’Alcatel-Lucent) ;

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Mercredi 4 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Jeudi 5 novembre 2009

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant onze heures) ;

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Éventuellement, vendredi 6 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Lundi 9 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 11 heures, à 15 heures et le soir :

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 (A.N., n° 1976) ;

(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 4 novembre 2009.

La conférence des présidents a fixé :

- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 6 novembre 2009) ;

- au lundi 9 novembre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 9 novembre 2009, à la suspension du soir, le mardi 10 novembre avant les réunions des groupes et pendant les suspensions, et le jeudi 12 novembre, à la suspension du matin).

Mardi 10 novembre 2009

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 604 de M. Claude Biwer à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Radiation de la liste électorale du maire de Douaumont) ;

- n° 618 de Mme Anne-Marie Escoffier transmise à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

(Accidents de la vie courante) ;

- n° 637 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Politique de dépistage du cancer du sein) ;

- n° 651 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Professionnalisation des emplois de vie scolaire) ;

- n° 653 de M. Michel Billout à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

(Disparité des effectifs de forces de police en Seine-et-Marne) ;

- n° 658 de M. Jean-Léonce Dupont à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Suspension d’agrément d’une assistante maternelle et réparation du préjudice) ;

- n° 660 de M. Michel Teston à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

(Engagement national pour le fret ferroviaire) ;

- n° 662 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la ministre de la santé et des sports ;

(Rôle nocif des solvants dans l’environnement professionnel de la femme enceinte) ;

- n° 665 de M. Yannick Bodin à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

("Programme Bachelier" proposé par Acadomia) ;

- n° 667 de M. Jean Besson à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;

(Financement du déploiement de la TNT sur la totalité du territoire de la Drôme) ;

- n° 669 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

(Reconnaissance concrète de l’enseignement agricole public) ;

- n° 671 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;

(Prise en charge des personnes âgées à domicile et tarification des heures d’aide ménagère) ;

- n° 673 de Mme Claudine Lepage à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

(Abus des contestations des certificats de nationalité française délivrés par les tribunaux) ;

- n° 675 de M. Thierry Repentin à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;

(Contrat énergétique et politique industrielle en Maurienne) ;

- n° 676 de M. Bernard Piras à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Situation des auxiliaires de vie scolaire collectifs) ;

- n° 679 de M. Didier Guillaume à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité ;

(Maintien du dispositif de crédit d’impôt relatif à la réalisation de travaux d’adaptation du logement au handicap) ;

- n° 681 de M. Jean-Pierre Vial à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

(Droit à l’image dans les établissements scolaires) ;

- n° 685 de M. Jacques Berthou à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

(Attribution de logements sociaux) ;

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;

(La conférence des présidents a décidé d’organiser un débat thématique sur le thème : « Pénibilité, emploi des seniors, âge de la retraite : quelle réforme en 2010 ? », avant le début de la troisième partie du projet de loi relative aux recettes pour 2010 ;

À la suite du rapporteur de la commission des affaires sociales (dix minutes), interviendront les porte-parole des groupes (dix minutes), la réunion administrative des sénateurs non inscrits disposant de cinq minutes ;

Après la réponse du Gouvernement aux orateurs des groupes aura lieu un débat organisé sous la forme de sept questions/réponses avec droit de réplique de l’auteur de la question (UMP et SOC : deux questions ; UC, CRC-SPG et RDSE : une question) (question : deux minutes ; réponse : deux minutes ; réplique : une minute) ;

Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le lundi 9 novembre 2009).

Jeudi 12 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Vendredi 13 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Éventuellement, samedi 14 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30 à 15 heures et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Semaine sénatoriale

Lundi 16 novembre 2009

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 15 heures :

1°) Question orale avec débat de M. Jack Ralite sur la numérisation des bibliothèques (demande du groupe CRC-SPG) ;

(La conférence des présidents a fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 13 novembre 2009 ;

Conformément à l’article 82, alinéa 1, du règlement, l’auteur de la question et chaque orateur peuvent utiliser une partie du temps de parole pour répondre au Gouvernement) ;

2°) Proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, présentée par MM. Louis-Constant Fleming, Jean-Paul Virapoullé et Mme Lucette Michaux-Chevry (texte de la commission, n° 57, 2009-2010) ;

3°) Proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établies depuis moins de cinq ans, présentée par M. Michel Magras (texte de la commission, n° 56, 2009-2010) ;

(La conférence des présidents a décidé que ces deux propositions de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune ;

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 13 novembre 2009) ;

- au jeudi 12 novembre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance à ces deux textes ;

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 16 novembre 2009, à quatorze heures trente).

Mardi 17 novembre 2009

À 14 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

1°) Proposition de loi relative à la lutte contre le logement vacant et à la solidarité nationale pour le logement, présentée par MM. François Rebsamen, Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 631, 2008 2009) ;

(La commission de l’économie se réunira pour le rapport le mardi 10 novembre 2009, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : jeudi 5 novembre 2009, à quinze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 novembre 2009) ;

- au lundi 16 novembre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 17 novembre 2009, à quatorze heures) ;

2°) Proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par M. David Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 590, 2008 2009) ;

(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 4 novembre 2009, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 2 novembre 2009, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 novembre 2009) ;

- au lundi 16 novembre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 17 novembre 2009, le matin) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur les collectivités territoriales ;

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant douze heures trente) ;

À 17 heures 45 :

Suite de l’ordre du jour réservé au groupe socialiste :

4°) Suite de l’ordre du jour du début d’après-midi.

Mercredi 18 novembre 2009

À 14 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

1°) Proposition de loi tendant à interdire ou à réglementer le cumul des fonctions et des rémunérations de dirigeant d’une entreprise du secteur public et d’une entreprise du secteur privé, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (n° 8, 2009-2010) ;

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 4 novembre 2009, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 2 novembre 2009, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 novembre 2009) ;

- au vendredi 13 novembre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 18 novembre 2009, le matin) ;

À 18 heures 30 et le soir :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public (n° 506, 2008-2009) ;

(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 4 novembre 2009, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 2 novembre 2009, à douze heures).

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le mardi 17 novembre 2009) ;

- au vendredi 13 novembre 2009, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance ;

La commission des lois se réunira pour examiner les amendements de séance le mercredi 18 novembre 2009, le matin).

Du jeudi 19 novembre au mardi 8 décembre 2009

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2010 (A.N., n° 1946) ;

(Le calendrier et les règles de la discussion budgétaire seront établis ultérieurement.)

Monsieur le président du Sénat prononcera l’éloge funèbre de M. André Lejeune le mercredi 24 novembre, à quatorze heures trente.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

8

Création d’une mission d’information

M. le président. Par lettre en date du 7 octobre 2009, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, a fait part à M. le président du Sénat de son souhait de constituer une mission d’information sur le mal-être au travail.

La conférence des présidents a décidé de soumettre au Sénat cette demande, sous la réserve de la prochaine réunion du bureau qui aura à débattre de cette question, conformément au règlement.

Comme M. le président du Sénat l’a souhaité, je donne la parole à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, la question du mal-être au travail est un sujet qui préoccupe notre commission depuis longtemps, avant même que les événements douloureux survenus au sein du personnel de France Télécom lui donnent une actualité dramatique.

En janvier 2009, nous avons donc inscrit à notre programme de travail de l’année l’objectif d’une réflexion à conduire dans le cadre d’un groupe de travail. L’énergie et le temps que nous avons dû mobiliser pour mener à bien la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ne nous en ont pas laissé l’occasion.

C’est la raison pour laquelle, après avoir auditionné le président Didier Lombard, notre commission sollicite désormais l’autorisation de constituer, en son sein, une mission d’information.

Conformément à l’article 21 de notre règlement, cette demande a été adressée au bureau du Sénat, qui se réunira fin novembre, mais nous souhaitions pouvoir procéder rapidement à sa constitution.

La conférence des présidents qui s’est tenue ce soir a bien voulu donner son accord de principe, avant confirmation officielle, à sa mise en œuvre.

Cette mission comportera dix-neuf membres désignés, comme c’est la règle, à la proportionnelle des groupes.

Je demanderai dès demain aux différents présidents de nous faire connaître leurs candidats, afin d’organiser au plus vite sa formation, la nomination de son bureau et l’élaboration d’un programme de travail, avec l’ambition de pouvoir commencer à travailler dès la mi-novembre.

M. le président. Je consulte le Sénat sur cette demande.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Je constate que le Sénat autorise la création de cette mission.

9

Débat sur les pôles d’excellence rural

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur les pôles d’excellence rurale.

La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information fait au nom de la commission de l’économie : Les pôles d’excellence rurale : un accélérateur des projets issus des territoires.

M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 23 juin dernier, nous avons déjà effectué un point d’étape sur les pôles d’excellence rurale, ou PER, dans cet hémicycle, sur une initiative de notre collègue Jean Boyer. Nous avons alors évoqué les actions que ceux-ci ont cristallisées sur le plan local et l’effet d’entraînement qu’ils ont eu sur les territoires. À cette occasion, j’ai pu vous dire tout le bien que je pensais de cette politique rurale.

Le jour même de ce débat, le Gouvernement s’est enrichi, pour la première fois, d’un ministère dédié spécifiquement à l’espace rural et à l’aménagement du territoire, et dont le titulaire était issu du Sénat, puisqu’il s’agissait de vous-même, monsieur le ministre.

Au-delà de la coïncidence, c’est le signe de l’actualité des questions rurales. Réjouissons-nous de leur inscription à l’ordre du jour du Gouvernement. Je trouve d’ailleurs dommage que ce débat important pour la ruralité intervienne à cette heure tardive, avec en outre la concurrence déloyale d’un match de football important, Bordeaux contre le Bayern de Munich. (Sourires.)

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Moins important que celui d’hier !

M. Rémy Pointereau, auteur du rapport d’information. Je crois savoir qu’à cet instant Bordeaux mène au score.

Réjouissons-nous également, monsieur le ministre, de votre initiative d’organiser les assises des territoires ruraux afin d’établir un plan d’action permettant d’apporter des réponses concrètes pour favoriser l’attractivité des territoires ruraux sur les plans économique et social, en partenariat, et pour répondre aux besoins et attentes des habitants, notamment en termes d’accès aux services et aux commerces. Les pôles d’excellence rurale y contribuent en partie.

La ruralité est aujourd’hui multiple.

C’est bien sûr le monde agricole, fondement de l’économie rurale et gardien des paysages, qui donne à la France rurale son attrait, unique en Europe, me semble-t-il. Le monde agricole souffre, pris en tenailles entre la chute des cours et la hausse des charges, ne l’oublions pas.

Mais les espaces ruraux, c’est aussi une multitude de PME et de PMI, de commerces de proximité. Ce sont de nouvelles populations aux besoins différents – les néo-ruraux veulent disposer des mêmes services qu’en ville – en termes d’infrastructures, d’offres de services publics et au public, de commerces de proximité.

L’animation de ces territoires demande aujourd’hui un esprit « projet » et une réactivité particulière de la part des élus et de tous les acteurs locaux. C’est pourquoi nous avons pris note, avec la plus grande satisfaction, de l’annonce officielle faite par le Premier ministre, le mois dernier, du lancement d’un nouvel appel à projets de pôles d’excellence rurale. Elle rejoint en effet les conclusions auxquelles la commission de l’économie est parvenue à l’issue des travaux du groupe de travail sur les pôles d’excellence rurale, que j’ai eu l’honneur de présider pendant six mois.

Permettez-moi d’indiquer que notre groupe de travail a été constitué au mois de février dernier, sur l’initiative du président de la commission de l’économie, M. Jean-Paul Emorine. Nous avons reçu M. Hubert Falco, puis vous-même, monsieur le ministre. Je vous remercie tout particulièrement de la pleine coopération que vous avez apportée à nos travaux.

Nous avons également accueilli le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires, M. Pierre Dartout, mais il faut à nouveau l'appeler le Datar, puisque vous avez décidé, monsieur le ministre, de redonner à la délégation son nom historique, et je m’en félicite.

Nous avons écouté les principales organisations concernées au niveau national par la politique des pôles d’excellence rurale : l’Association des communautés de communes de France, l’Association de promotion et de fédération des pays, l’Agence de services et de paiements, qui a remplacé le Centre national pour l’aménagement des structures et des exploitations agricoles. Enfin, nous avons sollicité l’avis de M. Jean Boyer, sénateur émérite.

Sur le plan local, nous nous sommes rendus dans mon département du Cher avec nos collègues François Pillet et Gérard Cornu, vice-président de la commission de l’économie, ainsi que dans celui du Gers avec Gérard César, où M. Raymond Vall nous a excellemment reçus. Partout, nous avons pu constater l’engagement important des élus et des entrepreneurs comme des représentants de l’État autour de ces projets.

Les résultats de ces travaux ont été présentés dans le cadre d’un rapport, voté et adopté à l’unanimité le 16 septembre dernier par la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un pôle d’excellence rurale ? Rappelons que le Gouvernement a lancé le 15 décembre 2005 un appel à projets incitant les territoires ruraux à proposer des projets innovants sur quatre thématiques adaptées à la réalité des territoires ruraux d’aujourd’hui : promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques ; valorisation et gestion des bio-ressources ; offre de services et accueil de nouvelles populations ; enfin, productions industrielles, artisanales et de services localisées.

Le Gouvernement comptait labelliser 300 pôles : l’extraordinaire réactivité des territoires s’est traduite par le dépôt de près de 800 projets, parmi lesquels 379 ont finalement reçu le label de « pôle d’excellence rurale ». Conçus dans des délais très contraints, ils ont pourtant réussi à se développer et à prospérer : une vingtaine d’entre eux seulement ont été abandonnés par la suite.

La plupart des pôles devraient atteindre leur terme cette année ou dans le courant de l’année prochaine, moyennant une certaine souplesse dans les délais à laquelle le Gouvernement s’est engagé devant notre groupe de travail.

Avant de nous tourner vers l’avenir, je voudrais d’abord constater que les PER ont été un formidable accélérateur de projets pour les territoires, pour reprendre la formule que j’ai choisie comme titre du rapport.

D’une part, les territoires se sont mobilisés très rapidement pour mettre en place des projets sur les thématiques définies par l’appel à projets.

D’autre part, les PER ont insufflé un esprit « projet », dans un objectif de partenariat public-privé. Le PER, c’est en effet une vision d’ensemble du développement local, portée bien souvent par un élu local « porteur » du projet au niveau d’une communauté de communes, d’un département ou d’un pays.

Cette vision se traduit par des projets concrets, mis en œuvre à la fois par des collectivités et par des entreprises, dans un esprit « public-privé » inspiré des pôles de compétitivité.

L’État n’est pas absent, loin de là : il est à l’origine de l’appel à projets, et la labellisation s’est accompagnée d’une aide au financement qui, en pratique, a représenté 20 % en moyenne du coût des projets.

L’État a toutefois laissé l’initiative aux acteurs locaux. L’aménagement du territoire ne se réalise plus, désormais, du haut vers le bas : il est pris en main par les collectivités locales elles-mêmes, au plus près du terrain, car celles-ci savent déceler les possibilités de croissance et les blocages qui gênent le développement des projets.

Les PER ont ainsi permis de faire aboutir des idées en germe, qui peinaient à démarrer, parce qu’il leur manquait le « coup de pouce » indispensable.

Voilà ce que nous avons constaté au cours de nos travaux et auprès des personnes que nous avons rencontrées.

Il a ainsi paru naturel, à l’issue de la première génération de pôles, de poursuivre par une deuxième génération. Nos travaux ne se sont donc pas limités à un bilan : ils se sont tournés résolument vers l’avenir.

Je ne reprendrai pas l’ensemble des vingt propositions que nous avons faites et qui ont été approuvées par la commission de l’économie. Je sais, monsieur le ministre, que votre réflexion a bien progressé, et je souhaiterais mettre l’accent sur certains points : le calendrier de l’appel à projets, les thèmes abordés, enfin la gouvernance et le financement des pôles.

S’agissant du calendrier, certains ont critiqué la brièveté du délai laissé en 2005-2006 pour le dépôt des dossiers, notamment pour ceux qui ont fait partie de la « première vague ». Pouvez-vous nous rappeler le calendrier qui est aujourd’hui envisagé par le Gouvernement ? Il me semble important de ne pas allonger excessivement les délais, afin que le programme des PER conserve cet effet d’entraînement et de réactivité qui l’a caractérisé.

Je note d’ailleurs que, cette fois-ci, on ne va pas dans l’inconnu : la procédure est mieux connue, certains projets sont déjà en préparation. En un mot, l’« esprit PER » commence à faire partie de la culture des territoires ruraux.

Au sujet des thèmes abordés, vous avez d’ores et déjà mis l’accent sur les socles de services publics et au public. C’est un enjeu essentiel d’attractivité des territoires pour les entreprises et les nouvelles populations, mais aussi, tout simplement, la sauvegarde de la qualité de la vie : l’accès au haut ou au très haut débit peut être la condition de l’implantation d’une entreprise, tandis que l’animation d’un territoire passe aujourd’hui par la création de maisons de service public, de maisons médicales de santé, ainsi que par l’accueil de la petite enfance et des personnes âgées ou à mobilité réduite.

L’attachement de nos concitoyens à la permanence d’un réseau de services publics de proximité s’illustre particulièrement s’agissant de La Poste. L’une des voies à explorer pour renforcer les services au public est celle de leur mutualisation.

Pour autant, il ne faut pas oublier les autres sources de croissance des territoires ruraux ; je pense au développement durable, aux énergies renouvelables, mais aussi à certaines filières existantes – agricoles, bois, élevage –, ancrées sur un savoir-faire local. L’« esprit PER », c’est de savoir trouver dans chaque territoire les projets qui peuvent le revitaliser.

Il faut évoquer, enfin, la vie des projets : leur gouvernance et leur financement.

L’une des principales difficultés rencontrées par les porteurs de projet a été le manque de crédits d’ingénierie : le montage du dossier, la définition de la stratégie, la mise au point du plan de financement sont des tâches complexes pour lesquelles les petites collectivités n’avaient pas toujours les moyens nécessaires.

Il faut sauvegarder et améliorer encore la coopération entre les responsables de PER et l’administration déconcentrée.

Les préfets et les sous-préfets sont de bons connaisseurs des problèmes rencontrés localement. Dès la phase de candidature, ils sont à même, avec leur administration, d’aider les acteurs locaux à mettre en forme leur idée et à préparer un plan de financement. Ils doivent ensuite rester à leur côté pendant la vie du projet.

Cette relation de confiance entre l’État et les collectivités, qui passe par la contractualisation, est source d’efficacité et améliore d’ailleurs l’image de l’État dans les territoires.

Cette confiance doit se traduire également dans les modalités de financement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quels moyens le Gouvernement compte consacrer à la nouvelle génération de PER ? Mais au-delà du montant, il est nécessaire de clarifier les règles. Actuellement, les ressources d’État passent par une dizaine de ministères et une demi-douzaine de fonds différents, selon des règles variées qui compliquent sans nécessité la vie des porteurs de projet.

Dans un but de simplification et de transparence, il faudrait rassembler tous ces financements, ou la plus grande partie possible, sur une ligne budgétaire unique avec des fonds dédiés aux PER.

Par ailleurs, pourquoi limiter l’enveloppe de financement à 1 million d’euros par pôle ? La diversité des projets peut justifier un éventail plus large des financements, fondé sur la prise en compte des spécificités locales et non sur une limitation fixée a priori.

Ces difficultés ont été sensibles lors de la première génération de pôles d’excellence rurale. Elles pourraient être résolues, afin de donner au dispositif une efficacité plus grande encore. Un éventail de 500 000 euros à 1,5 million d’euros me paraîtrait intéressant.

Je voudrais conclure sur un souhait : les PER doivent être considérés non pas comme un dispositif de plus, mais comme un outil au service d’une vision intégrée du développement des territoires. Il ne faut pas opposer les territoires urbains aux territoires ruraux : les habitants qui viennent résider à la campagne, les entreprises qui vont s’y installer ne se reconnaissent pas dans cette séparation.

Il ne faut pas non plus mettre en concurrence les pôles d’excellence rurale et les pôles de compétitivité : ils ont vocation à participer tous ensemble au développement d’un territoire, et même à mieux collaborer et à mieux communiquer ensemble.

Les PER ont montré que les espaces ruraux sont, eux aussi, des réservoirs de croissance. Il n’y a pas de territoire condamné d’avance par les départs d’activités ou de population.

Là où il y a la volonté des hommes et des femmes, la volonté d’élus ou d’entrepreneurs, les territoires se développent. Le nouvel appel à projets, que nous appelons de nos vœux, pourra contribuer à cette autre ambition pour nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis ravi d’intervenir pour la seconde fois, en l’espace de quatre mois, sur ce thème des pôles d’excellence rurale, fait suffisamment rare pour être signalé. Nous aurons d’ailleurs cette fois-ci le plaisir d’entendre notre ancien collègue, Michel Mercier, devenu depuis ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.

Ce deuxième débat traduit sans doute l’importance des pôles d’excellence rurale dans la politique d’aménagement du territoire et de développement des zones rurales conduite par le Gouvernement et la majorité sénatoriale, ce qui ne signifie pas, je l’espère, que cette politique nationale se résume aux seuls PER.

Cette fois-ci, nous avons une base sérieuse de travail, puisque la commission de l’économie vient d’adopter le rapport d’information de M. Pointereau. Je tiens d’ailleurs à saluer la qualité des travaux qui ont été menés et l’objectivité des conclusions du groupe de travail, qui ne se limite pas à donner un satisfecit général ; il dresse aussi quelques constats moins unanimes, et peut-être moins faciles à entendre, sur les faiblesses du dispositif.

Ce sont ces constats que je souhaite commenter ce soir, non par volonté d’opposition systématique, mais par souci d’améliorer notre politique, chaque fois que l’occasion nous en est donnée. Nous avons d’ailleurs appris récemment qu’une deuxième génération de PER serait lancée l’année prochaine.

J’aimerais toutefois rappeler de façon liminaire que les pôles d’excellence rurale sont le pendant, dans les zones rurales, des pôles de compétitivité qui ont été mis en place dans les zones urbaines et qui ont bénéficié de la réorientation des fonds structurels européens vers un nouvel objectif de compétitivité et d’emploi.

C’est en 2005, et surtout en 2006, que la nouvelle programmation de la politique européenne de cohésion et celle de la politique agricole commune ont été élaborées pour la période 2007-2013. Et c’est à cette date qu’il a été décidé que la politique européenne de développement rural serait complètement rattachée à la PAC et que son fondement serait non plus territorial, mais sectoriel, et que, de son côté, la politique régionale serait concentrée sur les zones urbaines et les zones en reconversion économique.

Il est vrai que le cadre financier européen est désormais contraint et qu’il s’agissait d’adapter les politiques européennes à une Union élargie comptant dix membres de plus.

Ce rappel du contexte européen ne vise pas à dédouaner la France de sa responsabilité, car c’est avec son soutien qu’une telle évolution a eu lieu, soutien d’autant plus fort que cette réorientation des fonds structurels permettait de financer les pôles de compétitivité lancés en 2004.

Cette réforme n’aurait pas été si grave si, de son côté, le deuxième pilier de la PAC s’était concentré sur le développement rural non agricole. Malheureusement, celui-ci est resté principalement orienté sur la modernisation des structures agricoles et n’a pas permis de mettre en place une vraie politique de développement rural entendue comme une politique de soutien destinée au développement économique et social des zones rurales, à l’amélioration de la qualité de la vie et à la protection de l’environnement et des ressources naturelles.

C’est dans ce cadre très contraint et avec des aides européennes limitées que les pôles d’excellence rurale ont vu le jour en France, le Gouvernement se rendant sans doute compte qu’une politique d’aménagement du territoire axée seulement sur la compétitivité risquait d’accentuer les disparités entre zones urbaines et zones rurales.

Toutefois, comme le souligne le rapport d’information de la commission de l’économie, plusieurs obstacles ont empêché les pôles d’excellence rurale de réaliser tout leur potentiel.

L’un de ces obstacles, c’est que nous n’ayons pu aboutir, et j’en suis désolé, à dresser un véritable bilan des résultats de la première génération de PER en termes d’activités durables, notamment en matière d’emplois pérennes, avant de lancer la deuxième génération. 

Il est indispensable, monsieur le ministre, que l’ensemble des pôles de première génération soient évalués lorsqu’ils seront tous effectivement en fonctionnement. Nous devons connaître exactement le nombre d’emplois nets créés et d’emplois induits dans l’économie locale. Cela nous paraît très important : quand nous menons une politique, nous devons avoir le souci de l’évaluer systématiquement.

Je formulerai deux remarques.

Tout d’abord, celles et ceux qui connaissent un tant soit peu les exigences des élus savent que, aux yeux de ces derniers, chaque investissement de l’État et des collectivités territoriales doit être assorti de contreparties et de résultats en termes de maintien ou de création d’emplois durables.

Ensuite, je reste persuadé que le défaut d’ingénierie dans les territoires ruraux est un obstacle majeur à une plus grande réussite des PER. C’est réellement par ce biais que nous arriverons à travailler au développement des zones rurales.

Le groupe de travail de la commission a proposé plusieurs initiatives visant à lever cet obstacle, telle l’amélioration de l’accès aux services de la Caisse des dépôts et consignations. Je pense que l’objectif ne sera pas atteint tant que le PER ne financera pas aussi, au moins en partie et sous des formes appropriées, des dépenses de fonctionnement, notamment des dépenses en ingénierie.

Je suis enfin quelque peu resté sur ma faim quant à l’existence d’un véritable label PER, qui supposerait une réelle volonté de considérer ceux-ci, également, comme des expérimentations ayant vocation à être pérennisées et adaptées à d’autres territoires. Ma collègue Odette Herviaux avait souligné ce point en commission, et je le crois fondamental. Nous sommes tous d’accord pour insister sur la spécificité des pôles en fonction du contexte local, mais une trop grande originalité dans le montage empêcherait de le reproduire ailleurs.

Je propose qu’une partie du fonds PER qui, je l’espère, devrait naître de nos réflexions puisse servir directement à aider au montage d’autres projets, parfois quasiment similaires, dans d’autres territoires. Il faut instaurer un échange des bonnes pratiques et une diffusion des modèles qui auront rencontré un succès.

Il faudra aussi accentuer les liens entre pôles de compétitivité et pôles d’excellence rurale, entre urbain et rural, ce qui me paraît garantir une meilleure cohésion territoriale.

L’excellence, ne l’oublions pas, a valeur d’exemple et d’expérience. Au moment où nous nous apprêtons à accueillir la deuxième génération de PER, je reste doublement inquiet pour la pérennité des premiers projets labellisés, notamment de ceux qui entrent en fonctionnement maintenant seulement et qui auront encore besoin d’un accompagnement financier.

Monsieur le ministre, le décalage entre les sommes engagées et les sommes payées est encore trop important. La première étape est loin d’être achevée, et il est envisagé de repousser l’échéance de décembre 2009 à décembre 2010.

Par ailleurs, il n’aura échappé à personne que les PER constituent aussi une mutualisation financière, puisque l’État contribue à chaque projet au maximum à hauteur de 33 %, mais qu’en réalité sa participation, rapportée à l’ensemble des PER, est en moyenne de 20 %. La crise économique affecte directement les investisseurs, publics et privés, qui sont tentés, et on le comprend parfois, de concentrer leurs actions sur des activités jugées immédiatement rentables ou indispensables.

À cette incertitude provoquée par la conjoncture économique, il faut ajouter une incertitude politique tout aussi importante, parfois même plus déterminante : celle que le Gouvernement crée et entretient, notamment en proposant une réforme des collectivités territoriales qui peut se révéler inadaptée. On sait très bien que, souvent, le conseil général est l’un des principaux financeurs des pôles d’excellence rurale : s’il perdait, par exemple, sa compétence générale, il serait inévitablement amené à se mettre aux « abonnés absents » et ne pourrait plus se permettre de soutenir des initiatives aussi importantes.

Le rapport du groupe de travail montre très justement la nécessité de créer un fonds PER pour que l’action de l’État soit plus lisible. Je rejoins complètement mon collègue sur cette question et je souscris à la proposition d’inscrire une ligne budgétaire spécifique dans le projet de loi de finances. Mais l’État ira-t-il jusqu’à cette lisibilité ? Car, inévitablement, celle-ci fera apparaître que, sans les collectivités, en particulier sans l’ingénierie qu’elles mettent à disposition, bon nombre de projets ne verraient pas le jour !

Je sais gré à M. le rapporteur d’avoir proposé que les collectivités locales, qui assument le poids financier de ces pôles, soient considérées non pas uniquement comme de simples tiroirs-caisses, mais aussi comme des décideurs dignes de contribuer, en amont, à l’élaboration des appels à projets.

Dans le même temps, qui peut dire si, avec la disparition programmée de la taxe professionnelle, mais aussi avec le projet de modification de la compétence générale que j’évoquais tout à l’heure, voire avec la réforme territoriale dans son ensemble, les collectivités, les groupements de communes, les pays pourront continuer à financer ces pôles ? Véritable incertitude ! Les collectivités n’ont pas suffisamment d’assurances sur leur propre avenir pour intervenir durablement dans des projets qui, somme toute, ne relèvent pas de leur champ d’intervention premier.

Les collectivités locales étaient jusqu’ici contraintes à limiter leur participation financière du fait des décisions de l’État. Monsieur le ministre, prévoyez-vous d’augmenter votre contribution pour assurer la survie des projets ? Envisagez-vous de flécher plus de fonds européens sur les pôles d’excellence rurale ?

Je suis enfin plus circonspect, et ce sera là le dernier point de mon intervention, sur les thèmes d’appels d’offres que vous semblez retenir dans la prochaine génération de PER : développement durable, services publics, soutien aux filières traditionnelles existantes, telles sont les trois orientations que vous avez données.

Comme M. Pointereau l’a indiqué dès le préambule de son rapport, les pôles d’excellence rurale ne sauraient se substituer à une vraie politique d’aménagement du territoire et de développement rural. Ils constituent des valeurs ajoutées et doivent être considérés comme tels. L’État ne doit en rien s’exonérer de ses responsabilités propres en matière de transports, de lutte contre les déserts médicaux ou de services publics. Les 379 pôles labellisés ne doivent en aucun cas masquer la réalité des 36 000 communes, pour qui la survie territoriale est souvent la norme.

Lors d’une récente conférence de presse, monsieur le ministre, vous avez souhaité être le ministre du concret : ce soir, nous allons essayer d’être des sénateurs du concret.

Souhaitez-vous vraiment que la nouvelle génération de pôles d’excellence rurale permette, dès 2010, de financer des projets de services publics ?

J’aimerais également que vous nous apportiez quelques garanties sur les dossiers qui seront privilégiés.

Comme tous mes collègues ici présents, je serai, monsieur le ministre, très attentif à ce que les nouvelles générations de PER ne soient pas une fois de plus un prétexte pour faire financer par d’autres des services publics d’État, un moyen de maquiller, sous couvert d’excellence pour quelques-uns, le délitement des services publics prévus pour le plus grand nombre et d’organiser, comme c’est le cas dans certaines zones, des déménagements du territoire.

Si tel était le cas, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, nous ne serions pas d’accord, et je sollicite du président du groupe de travail, ainsi que du président de la commission de l’économie la plus grande vigilance sur cette question. Directions départementales de l’agriculture, directions départementales de l’équipement, aujourd’hui l’Office national des forêts, parfois les gendarmeries, les tribunaux : la ruralité connaît un départ impressionnant de services publics. Ce processus doit être stoppé. La révision générale des politiques publiques a fait des ravages dans nos territoires.

Le groupe socialiste, qu’avec Yves Chastan je représente ici, soutient le principe de nouvelles générations de PER, afin d’accélérer le financement de projets de développement local. Il n’empêche que nos réserves sont bien réelles quant à la philosophie générale dans laquelle ce renouvellement s’inscrit. En d’autres termes : oui à un label PER qui permette de dynamiser les énergies locales, non à une vitrine PER qui masquerait les difficultés actuelles des territoires ruraux, notamment en termes de maintien des services publics, difficultés que nous vivons au quotidien dans nos circonscriptions et que nous continuons à dénoncer.

Comme nombre d’élus ruraux, monsieur le ministre, j’attends avec impatience vos réponses à ces questions.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prendre la parole après le rapporteur du groupe de travail sur les PER et après mon collègue Martial Bourquin me permettra d’adopter une position radicale. (Sourires.) Je reprends à mon compte tous les propos de mon collègue et ami Rémy Pointereau. En particulier, je remercie le président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, d’avoir immédiatement créé ce groupe de travail, dont la mise en place coïncide avec la formation de votre ministère, monsieur le ministre. Je remercie également tous ceux qui nous ont aidés à mener cette réflexion dans de très bonnes conditions.

Il est clair que la décision de lancer un nouvel appel à projets de PER a suscité très rapidement un grand espoir dans les territoires, en particulier dans les territoires ruraux. Le premier appel à projets a largement répondu à l’espérance du Gouvernement et, globalement, les projets qui en sont issus sont une réussite.

J’irai directement aux vingt préconisations – qui, je le rappelle, ont été adoptées à l’unanimité par les membres de la commission de l’économie – et je les classerai en deux catégories.

Appartiennent à la première catégorie les propositions qui visent à dresser un bilan des PER de la première génération et à en améliorer le dispositif.

C’est vrai, il est nécessaire de revoir les modalités de soutien à l’ingénierie de conception des projets ; il faut mobiliser les services des préfectures, parfois insuffisamment impliqués ; il faut fixer pour la préparation des candidatures un délai incitatif, mais sans trop laisser traîner les choses afin que les projets soient de bons projets ; il faut mieux coordonner les PER avec les politiques conduites par les régions et par les départements, notamment dans les domaines de compétences de ces collectivités qui, en général, sont ensuite intégrées dans les contrats de projet État-régions et dans les documents de planification ; enfin, il faut favoriser la coopération entre les PER et les pôles de compétitivité. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ces divers points.

Les propositions appartenant à la seconde catégorie tentent de répondre à un grand nombre des inquiétudes qui ont été exprimées, monsieur le ministre, et pourront probablement apaiser, au moins partiellement, les craintes de l’orateur qui m’a précédé.

Ainsi, je veux souligner l’importance de la proposition 9, qui vise à ce que la labellisation par le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, au nom du Gouvernement, d’un projet reconnu comme étant en mesure de développer un territoire s’accompagne de l’engagement ferme de l’État de maintenir, sur le territoire concerné, les services publics indispensables à la vie locale. Nous attendons de M. le ministre qu’il nous indique sa position ; cela pourrait contribuer à répondre, au moins en partie, au point qui a été évoqué.

Nombre de ces propositions comportent des innovations.

Aux termes de la proposition 19, lorsque sont labellisés des PER susceptibles d’être reproduits ailleurs et qui revêtent un caractère d’intérêt général, il faut favoriser les échanges de bonnes pratiques entre les porteurs de projets des deux générations de PER. L’instauration de tels échanges pourrait représenter une première réponse à la préoccupation qu’exprimait mon collègue, et qui me paraissait justifiée.

Par ailleurs, le fait d’avoir souhaité et permis le regroupement de communes ou de communautés de communes pour atteindre une taille correspondant à un bassin de vie ou à un bassin d’emploi constitue une avancée qui permettra à cet ensemble, qui peut aujourd’hui porter le nom de pays, mais qui pourra demain, par convention, porter le nom d’un groupement de communes, de réaliser des investissements.

Enfin, ces nouvelles propositions ont mis l’accent sur l’idée de pouvoir garder et accueillir des populations qui ont besoin de services publics et de services au public. L’énumération qui figure dans la proposition 11 est très précise et correspond aux préoccupations qui ont été évoquées précédemment.

Tout cela me paraît extrêmement positif et, en ce qui nous concerne, nous serons évidemment attentifs aux réponses qui seront apportées aux propositions du Sénat, propositions qui me semblent répondre à l’attente de ces territoires ruraux.

Malheureusement, monsieur le ministre, je suis obligé de dire que l’espoir suscité par ce nouvel appel d’offres – et je vous remercie d’en avoir été un ardent défenseur – peut aujourd’hui être mis à mal par l’annonce de la volonté de supprimer les pays.

Notre territoire comporte 370 pays, qui ont porté 30 % des projets PER. Ces pays comptent en moyenne 60 000 habitants et ils répondent, par conséquent, à la notion que l’on a voulu introduire dans ce texte, celle de bassin de vie et bassin d’emploi, qui me semble indispensable pour les aides de l’État.

Sur les 211 enveloppes affectées à l’État français dans le cadre de la politique européenne de développement rural, 160 enveloppes ont été attribuées à des pays sur le programme leader +. D’ailleurs, ces enveloppes répondent à l’une des préoccupations soulevées par nos collègues, à savoir la difficulté de disposer de l’ingénierie nécessaire. Au travers des programmes leader +, on peut se doter d’un certain nombre de projets et il faut éviter de perdre une telle possibilité.

Ces pays – ils ne sont pas les seuls – ont engagé la déclinaison de la politique gouvernementale d’aménagement du territoire via les SCOT, les plans climat territoriaux, les agendas 21 et les premières décisions du Grenelle de l’environnement. Ils sont devenus des espaces à la fois d’échanges entre le secteur public et le secteur privé et de démocratie participative ; au moment où l’on constate une fracture importante entre le politique et les citoyens, il me paraît dommage de les supprimer.

Par ailleurs, grâce à cette mutualisation des compétences, aujourd’hui, les pays disposent en moyenne de trois à quatre emplois. Si nous supprimons les pays, nous allons sacrifier entre 800 et 1 000 jeunes techniciens compétents, qui sont au service de tout un tissu de communes, parce qu’on ne peut pas transférer toutes les compétences aux communautés de communes. Cela signifie qu’une commune de 200 habitants, par exemple, ne pourra jamais avoir accès à ces fonds et n’aura pas la possibilité de financer ces emplois de jeunes techniciens. Par conséquent, on créera une fracture s’agissant des compétences générales qui n’ont pas été transférées à l’intercommunalité, alors que des projets existent.

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Raymond Vall. Pourquoi un tel acharnement sur ces structures qui sont issues d’un volontarisme local et d’une démarche pragmatique ?

Les pays ont aujourd'hui la possibilité de résoudre un problème préoccupant lié à l’accès aux fonds européens. Le volet de coopération de ce programme leader +, troisième génération, s’est soldé par la non-utilisation d’une enveloppe de 30 millions d’euros.

Le problème risque de s’aggraver aujourd'hui. Il faut absolument tenir compte de toute cette vie de pays : elle a été traduite dans une loi ; l’État s’est engagé ; le Gouvernement a contresigné les conventions territoriales.

Je sais que ce combat sera difficile, mais selon un proverbe chinois, les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on n’engage pas.

M. Michel Mercier, ministre. Exactement !

M. Raymond Vall. J’ajouterai que ce n’est pas parce qu’on est seul, ou presque seul, que l’on a tort. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’idée des pôles d’excellence rurale a été lancée en 2005 et ce dispositif s’est inspiré des pôles de compétitivité adoptés en faveur des villes. En 2009, monsieur le ministre, l’État continue à suivre de près une politique utile à l’aménagement du territoire.

Ce dispositif a eu pour ambition d’apporter un soutien aux projets émanant des territoires ruraux en leur permettant de découvrir et de développer des richesses qui, reconnaissons-le, étaient parfois en sommeil. Ces pôles d’excellence rurale ont fait l’objet d’une réflexion et d’une mobilisation collective permettant parfois, monsieur le rapporteur, de chasser un pessimisme de circonstance. Ils ont aussi été à l’origine d’un véritable partenariat public-privé, jusqu’ici non fonctionnel. Certains projets ont été l’occasion d’affirmer la transformation, dans les départements ruraux, de handicaps en atouts.

Par ailleurs, soyons satisfaits, car de 300 projets prévus à l’origine, la Commission nationale de présélection des pôles d’excellence rurale a finalement validé 379 projets. Bravo et merci, monsieur le ministre ! Il convient également de remercier votre prédécesseur, car les élus constatent souvent un manque de crédits de la part du Gouvernement. Mais, en la circonstance, il y a eu un plus, que nous avons apprécié.

Reconnaissons très objectivement que l’État a suivi toutes les initiatives locales, dépassant assez largement l’objectif initialement fixé. C’est un encouragement à poursuivre des actions de développement local.

Ces projets à financements divers et multiples se sont étalés sur trois ans. D’ailleurs, aujourd’hui, tous ne sont pas bouclés, mais ils le seront certainement. Notre collègue Rémi Pointereau, sénateur du Cher, a accepté une mission nécessaire objective, prospective, voire visionnaire. Il sera sans aucun doute un artisan actif à vos côtés, monsieur le ministre, au sein des assises des territoires ruraux.

Cher Rémi Pointereau, vous habitez le Cher et vous connaissez bien Vierzon. On y fabriquait du matériel agricole, que j’ai utilisé lorsque j’étais en activité ; on y fabriquait également des locomotives et des tracteurs : je sais que vous serez toujours le tracteur qui tirera la charrue des pôles d’excellence rurale. (Sourires.)

Je formulerai une autre appréciation positive : reconnaissons, monsieur le ministre, que l’existence d’un ministère de l’espace rural permet la prise en compte tangible de nos territoires ruraux, donc de tous nos territoires.

Nous nous félicitons que notre ministre, ex-sénateur, toujours élu départemental, sache qu’il existe aussi, dans le Rhône ou ailleurs, ce monde rural où, s’il n’y a pas la tour Eiffel, se trouvent des hommes de bonne volonté qui veulent que leur pays puisse associer à la fois économie et écologie, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement. La France rurale n’a pas de grands équipements, mais elle a des responsables qui aiment leur pays et se battent régulièrement pour compenser les handicaps qui la singularisent dans certains secteurs.

Dans les zones de revitalisation rurale, ou ZRR, les compensations fiscales ont été surtout appréciées lorsqu’elles risquaient d’être perdues : on apprécie un avantage quand on ne l’a plus !

M. Michel Mercier, ministre. Eh oui !

M. Jean Boyer. Des richesses en sommeil dans nos territoires ont attiré l’attention sur différents secteurs comme la filière bois, le tourisme, le patrimoine ou la qualité des productions.

Dans quelques semaines, nous serons amenés à tirer les conclusions de cette première initiative en faveur des territoires ruraux. Néanmoins, je me permettrai de vous livrer mon sentiment personnel : un état d’esprit collectif est souvent indispensable ; dans les pôles d’excellence rurale, on ne peut pas « jouer perso » si l’on veut participer à la construction de l’édifice ; il faut apporter les complémentarités indispensables à une réussite collective.

Les pôles d’excellence rurale sont jeunes ; il faut les regarder grandir et, pour cela, surveiller leur développement, mais aussi leurs difficultés. Ils vont accompagner encore longtemps nos territoires ruraux. Une mise au point semestrielle me semble une démarche minimale pour voir si quelqu’un ne reste pas au bord de la route.

Enfin, le système des financements croisés ne peut-il pas être amélioré, afin que les projets ne soient pas bloqués ?

Monsieur le ministre, certains retards sont indépendants de la volonté des porteurs de projets et correspondent plutôt à des comportements personnels négatifs – les parcelles ne sont pas disponibles, le propriétaire se bloque – ou à des délais incompressibles dus à l’administration. C’est la raison pour laquelle il a été demandé de porter une attention bienveillante à certains porteurs de projets dont le retard n’était pas imputable à leur comportement.

L’idée d’une ligne budgétaire spécifique pour les pôles d’excellence rurale est avancée. Elle aurait, monsieur le ministre, le mérite de la clarté par rapport aux fonds ministériels mutualisés, qui sont peu visibles pour les acteurs de ces programmes de développement.

Nous avons pu également constater que le montage de certains dossiers avait été trop rapide. Il faudra demander aux responsables des pôles de ne pas agir dans la précipitation. Nous avons pu dresser ce constat dès la mise en place de la première vague des PER. C’était une aubaine pour les responsables ruraux et ils sont parfois allés un peu vite, sans avoir suffisamment réfléchi.

Reconnaissons malgré tout que cette initiative nationale a été très appréciée.

Dans le contexte actuel où les difficultés sont importantes, voire persistantes, où la morosité est contagieuse, la deuxième génération de PER sera indiscutablement bienvenue. Elle apportera à cette France rurale, à cette France d’en bas, des possibilités nouvelles qui non seulement génèreront des richesses, mais également créeront indiscutablement une envie d’entreprendre et de travailler ensemble. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce débat sur les pôles d’excellence rurale marque, une fois encore, l’attachement de la Haute Assemblée aux questions de la ruralité.

Je tiens en premier lieu à rendre hommage à mes collègues Jean-Paul Emorine et Rémy Pointereau, qui ont pris l’initiative de créer, en février dernier, au sein de la commission de l’économie, un groupe de travail dédié aux pôles d’excellence rurale, afin d’en établir un bilan et d’analyser leurs effets sur le développement des territoires ruraux.

Le rapport d’information, présenté par notre collègue Rémy Pointereau, souligne le succès des PER créés en 2006 et 2007 et qui arrivent à leur terme à la fin de cette année. La raison de ce succès, c’est que les projets sont définis localement et mis en œuvre par les acteurs des territoires, et qu’ils bénéficient d’un ancrage rural fort.

En conséquence, le rapport d’information préconise de continuer cette politique fédératrice et dynamisante pour les territoires ruraux : sont ainsi formulées vingt propositions en vue du lancement d’une seconde génération de pôles d’excellence rurale, pour en améliorer encore l’efficacité.

À ce sujet, le Premier ministre, François Fillon, qui était en déplacement dans mon département de la Gironde le 8 septembre dernier – vous étiez présent, monsieur le ministre –, notamment pour saluer la cohérence du développement local, a annoncé l’engagement d’un nouveau cycle de pôles d’excellence rurale pour 2010, ce dont nous nous réjouissons tous.

À l’origine, lors de leur création, à la fin de l’année 2005, les pôles d’excellence rurale devaient être au nombre de 300. Finalement, près de 400 PER ont été labellisés. Ce bilan positif nous conduit tout naturellement à appeler de nos vœux une nouvelle vague de PER pour le développement, l’attractivité et la compétitivité de nos territoires ruraux.

Toutefois, comme le souligne très opportunément Rémy Pointereau, les thématiques du nouvel appel à projets devront désormais être orientées en priorité vers le développement durable, les services au public et le soutien aux filières existantes.

J’adhère totalement à ces nouveaux objectifs, qui me paraissent essentiels et incontournables. Néanmoins, chaque situation particulière doit être étudiée avec pragmatisme, en vue d’apporter le meilleur soutien aux territoires.

Par ailleurs, les PER marquent un engagement fort de l’État, que le rapporteur du groupe de travail a souligné, notamment d’un point de vue financier, mais également par l’intervention des préfectures et des services aux côtés des collectivités territoriales.

Les pôles d’excellence rurale constituent aussi un outil concret au service de la relance. Plus d’un milliard d’euros d’investissement auront été réalisés au titre des PER à la fin de l’année 2009, grâce au versement de 160 millions d’euros de crédits de paiement par l’État cette année, après 45 millions d’euros l’an dernier. On constate d’ores et déjà que 6 000 emplois directs ont été créés en 2008 et 2009, et l’on estime à 30 000 le nombre total d’emplois qui auront été créés ou maintenus à l’issue de l’opération, dont 11 600 emplois directs, ce qui est considérable.

Le partenariat public-privé, condition de l’éligibilité d’un projet au dispositif des PER, a également profondément modifié et dynamisé les méthodes de travail sur le plan local. L’évaluation montre que l’association des entreprises est souvent difficile ; mais, lorsque le partenariat est noué, il perdure et apporte au PER une dimension économique incontestable et indispensable.

Les travaux d’évaluation qualitative confirment l’effet positif des PER en termes d’accélération et d’amplification des projets locaux, de revalorisation de l’image des territoires ou d’aide à la reconversion de territoires fragilisés. Il y a là un véritable effet de « label » pour le territoire, qu’il faut faire vivre dans la durée.

Les évaluations font apparaître nombre de résultats remarquables, par exemple pour les PER développés autour de la filière bois, qu’ils concernent l’utilisation du bois dans l’éco-construction ou le développement de filières d’énergies renouvelables ancrées dans les territoires.

En Gironde, cinq pôles d’excellence rurale ont été labellisés en 2006, ce qui représente une véritable chance pour le département.

Il s’agit du projet de territoire visant à développer l’activité touristique, culturelle et économique de la juridiction de Saint-Émilion autour des richesses du patrimoine bâti et du patrimoine naturel ; du projet de « l’Estuaire de la Gironde, l’univers nature », espace naturel remarquable, le plus vaste et le mieux préservé des grands estuaires européens ; du « pôle biomasse : énergie et chimie verte », avec la création d’une filière bois, d’une filière bioénergie et chimie verte ; du pôle de valorisation de la race bazadaise – ce quatrième PER, qui est celui qui me tient le plus à cœur et pour lequel je me suis particulièrement investie, a pour objectif de promouvoir le terroir de la région du grand Bazadais par la valorisation de l’ensemble des richesses naturelles au travers de deux opérations : la création d’une ferme éducative sur la race bazadaise et l’ouverture d’une vitrine de promotion et de valorisation des produits du terroir ; enfin, le cinquième PER, qui a été récemment qualifié de « réussite » par le Premier ministre et par vous-même, monsieur le ministre, lors de votre visite, est celui de l’Entre-Deux-Mers.

Ce dernier PER, encore plus important que les précédents pour le département de la Gironde, a pour stratégie de développement économique l’œnotourisme, qui repose sur la valorisation du vignoble et des produits du terroir. Le renforcement du partenariat, permis par ce PER, entre l’office du tourisme et les viticulteurs est considéré comme une vraie réussite dans le département et bénéficie d’un report du délai de réalisation jusqu’au 31 décembre 2010.

Je crois savoir – et je ne peux que m’en féliciter, mais vous me le confirmerez, monsieur le ministre – que la conviction du Président de la République est non seulement que, dans cette crise qui dure, nous ne devons laisser aucun territoire sur le bord du chemin, mais également que la France peut en sortir plus forte si elle investit utilement, notamment dans ses territoires.

L’aménagement du territoire et la ruralité devraient donc figurer parmi les six domaines prioritaires d’investissement d’avenir identifiés par le Président de la République, et susceptibles de bénéficier des moyens financiers tirés d’un grand emprunt. En tant que représentante d’un territoire rural, je ne peux que me réjouir d’une telle décision.

Les territoires ruraux connaissent aujourd’hui de profondes transformations. Terres d’exode pendant plus d’un siècle, ils bénéficient de nos jours, de manière affirmée et presque généralisée, d’une attractivité indiscutable, comme l’attestent les derniers résultats du recensement de la population. Ruralité rime désormais avec modernité, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Nos concitoyens viennent non seulement y chercher un environnement de qualité, mais ils souhaitent également y trouver du travail, des systèmes de transport efficaces, des services publics accessibles, ainsi que le même accès que les urbains à internet et à la société de l’information.

À l’évidence, les zones rurales continueront à se développer dans les dix ou vingt prochaines années grâce à l’arrivée de nouveaux habitants et à une volonté politique affirmée depuis 2002, avec la loi relative au développement des territoires ruraux, les zones de revitalisation rurale – qu’il faut absolument maintenir –, les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale, sans oublier les lois de modernisation de l’agriculture.

Les territoires ruraux ont ainsi pu démontrer leur dynamisme et leurs atouts. La forte mobilisation des partenaires a permis d’aller au-delà des objectifs initiaux et de mettre en place des outils spécifiques aux territoires ruraux.

Au final, mes chers collègues, les pôles d’excellence rurale constituent le dispositif emblématique de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et sur les richesses de nos territoires. Donc, souhaitons-leur longue vie ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.

M. Yves Chastan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat porte sur les pôles d’excellence rurale lancés en décembre 2005 dans le but de renforcer la cohérence de l’action publique et les synergies locales dans les zones rurales. Mais, plus largement, il s’agit pour nous d’évoquer la politique de développement rural et d’aménagement du territoire menée par le Gouvernement et son degré d’efficacité pour, d’une part, compenser les handicaps humains et naturels des zones rurales et les écarts de croissance qui en découlent et, d’autre part, valoriser les ressources et les atouts existants, qui sont souvent sous-exploités.

J’évoquerai d’abord le redressement démographique des espaces ruraux et les mutations qui s’y produisent.

Si l’exode rural a marqué nos campagnes depuis l’après-guerre et a amené l’État à mettre en place des politiques publiques d’aménagement du territoire pour ne pas laisser ces espaces à l’abandon, on assiste aujourd'hui à un renouveau d’attractivité et à l’installation, ou au retour, de nouvelles populations à la recherche d’un cadre de vie et d’un environnement plus agréables.

La population rurale se modifie donc, avec de moins en moins d’actifs agricoles, mais également plus d’ouvriers, d’artisans et de retraités, quelquefois même en proportion plus importante que dans les villes. On assiste à un développement de l’emploi dans le secteur tertiaire, notamment en matière de services à la personne, à un maintien des activités industrielles – agroalimentaire, mécanique, imprimerie, textile –, lesquelles sont souvent en mutation, et, enfin, à un développement du télétravail.

Comment accompagner cette nouvelle dynamique qui semble s’être enclenchée et l’évolution des espaces ruraux qu’elle rend nécessaire ?

Le rapport du Commissariat général du plan sur les politiques de développement rural de juin 2003 avait identifié cinquante-neuf dispositifs opérationnels visant à stimuler le développement rural. Mais il soulignait aussi le manque de lisibilité des politiques menées par l’État et l’absence de cohérence des choix stratégiques et des actions, qui sont souvent conduites de façon trop sectorielle.

Face à l’affirmation des prérogatives des collectivités territoriales et de l’Union européenne, laquelle soutient une politique régionale économique et sociale visant à réduire l’écart de développement entre les différentes régions européennes, l’État doit continuer à jouer un rôle moteur dans l’aménagement du territoire et assumer la responsabilité qui est la sienne pour garantir la cohésion de ce dernier.

Mais une nouvelle conception du développement des territoires est à construire de façon coordonnée et partagée entre les différents acteurs de ces territoires. Cela rend particulièrement nécessaire le maintien de services publics et de services au public de qualité et fait aussi naître des besoins auxquels il faut répondre : habitat résidentiel et locatif, infrastructures d’éducation, de santé, de garde d’enfants, transports adaptés, nouvelles technologies de l’information et de la communication, structures d’accueil pour les touristes, mise en valeur de l’espace, des paysages, du patrimoine, commerce et artisanat, formation professionnelle, ou bien encore qualification.

Ces besoins sont bien sûr différents selon les zones rurales. L’intervention publique doit s’adapter à cette diversité de besoins, mais aussi de moyens.

Les services déconcentrés de l’État ont donc encore un rôle important à jouer, en coordination avec les collectivités locales et avec le soutien des associations de développement rural.

Les pôles d’excellence rurale affichaient cette ambition de renouveau de la politique d’aménagement du territoire dans les zones rurales et de promotion des partenariats locaux public-privé. Il est vrai qu’ils ont donné de la visibilité et des financements à des projets locaux de qualité, puisque l’on estime qu’une bonne centaine de ces projets sont de bons exemples de développement territorial avec des actions innovantes portées par le public et le privé.

Cette créativité institutionnelle a pu provoquer un effet de levier intéressant, malheureusement essentiellement pour des projets déjà existants.

Il reste que, dans les zones rurales, le manque d’ingénierie pour monter des projets et des clusters est un handicap, ce qui explique peut-être le lent démarrage de la première génération des PER.

Les deux caractéristiques principales des zones rurales, notamment des zones les plus reculées, restent leur faible densité de population et le manque d’activités économiques, qui handicapent les acteurs locaux pour se structurer et piloter des projets.

Le département de l’Ardèche, dont je suis l’élu, a souscrit à huit PER avec des thématiques différentes. Je n’en évoquerai qu’un : le développement d’un projet de service productif local fondé sur la mise en place d’une nouvelle fibre textile. Ce projet, qui devrait relancer l’activité textile – très importante pour mon département –, montre qu’il est possible de développer un secteur de recherche et une industrie en milieu rural grâce à un partenariat public-privé entre une communauté de communes portant le projet et l’association d’une quinzaine de chefs d’entreprises.

Quoi qu’il en soit, je suis obligé de constater qu’il existe souvent un écart important dans la réalisation des opérations des PER. Celui-ci peut s’expliquer par un manque de soutien technique, par des délais trop contraignants lors de la présentation des projets de la première phase des PER et, bien sûr, par les difficultés conjoncturelles récentes liées à la crise économique.

C’est pourquoi je souhaite que soient accordés des délais pour les PER de la première génération susceptibles de concrétiser des opérations intéressantes et innovantes qui n’ont pu être menées à bien dans le temps imparti. Je sais que des préfets –  c’est d’ailleurs le cas en Ardèche – ont déjà agi en ce sens.

Pour en revenir aux PER de deuxième génération, je souligne que le dispositif d’appel à projets peut favoriser les zones où il y a déjà une concentration de capital humain, technique et financier. En effet, disposer d’un projet, mener les études préalables, construire, le projet puis passer au montage financier requiert des connaissances et un degré d’expertise qui peut faire défaut dans certaines régions rurales.

Les financements proposés, notamment par l’État et ses services, ont d’ailleurs été d’une grande complexité. Je souhaite que la création d’un « fonds PER » permette de simplifier les montages financiers pour la deuxième phase à venir. Toutefois, une partie de ce fonds devrait être consacrée à l’aide au montage des opérations et, le cas échéant, à certaines dépenses connexes de fonctionnement, afin que les zones les plus en retard puissent aussi y participer et développer des initiatives innovantes et pérennes.

L’une des critiques principales que je ferais est que les collectivités territoriales n’ont peut-être pas été assez associées à la définition du dispositif, alors qu’elles en sont les acteurs principaux, soit en portant les projets, soit en étant la source principale de financement.

Le rapport d’information aboutit à une vingtaine de propositions pour donner un nouvel élan à l’excellence rurale et dépasser les obstacles auxquels ont été confrontés les premiers PER. Je soutiens ces propositions. J’espère que le prochain appel à projets en tiendra le plus grand compte. J’en profite d’ailleurs pour souligner la qualité du travail de M. Pointereau et de l’ensemble des membres du groupe de travail.

S’agissant des orientations possibles de la deuxième génération des PER, nous savons seulement, pour l’instant, qu’il sera demandé aux nouveaux pôles de mettre l’accent sur l’innovation, les services au public et l’emploi. Cette ambition peut paraître quelque peu démesurée par rapport aux résultats obtenus par la première génération de PER – il faudra d’ailleurs procéder à une évaluation à la fin de ceux-ci – et aux moyens, certes limités, mais tout de même non négligeables, mis par l’État dans ces « contrats » au travers de redéploiements de crédits, y compris européens.

En tout état de cause, les pôles d’excellence rurale ne régleront évidemment pas l’ensemble des problèmes, en particulier ceux qui sont liés aux enjeux nationaux, lesquels devraient être prioritaires pour l’État. Les PER ne doivent surtout pas cacher les défaillances des autres politiques d’aménagement du territoire, notamment en matière de services publics.

Les services publics doivent être efficaces et accessibles à tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence. Il s’agit d’un principe communément admis dans notre République, mais qui est malheureusement de plus en plus éloigné de la réalité, surtout dans les zones rurales. Nous le constatons depuis quelques années : qu’il s’agisse de services essentiels à la population ou de services d’intérêt général comme la santé, l’accès aux soins ou la justice, l’État se désengage ou s’éloigne des zones les moins densément peuplées, au mépris des principes de solidarité et de cohésion économique et sociale des territoires.

Or l’attractivité économique des zones rurales et l’installation de nouvelles populations, comme nous l’avons vu, dépendent du maintien et du développement des services publics et des services au public. Le maillage des territoires par ces derniers est donc une absolue nécessité.

Quant aux collectivités territoriales, vouées à subir une réforme de leurs compétences et de leur organisation, elles risquent d’être asphyxiées par la suppression de la taxe professionnelle. Comment départements et régions pourront-ils poursuivre leurs forts partenariats avec les communes et les EPCI, notamment dans les futurs PER, si leurs compétences et leurs moyens se trouvent fortement érodés ? Nous sommes donc à un tournant pour l’avenir des zones rurales et les PER ne suffiront pas.

Dans tous les cas, ne faisons pas l’impasse sur les difficultés actuelles des territoires ruraux et sur la responsabilité de l’État à assurer l’équité territoriale.

Le nouveau ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire annonce avoir une autre ambition pour les territoires et compte orienter la politique d’aménagement vers la compétitivité des territoires ruraux, la correction des inégalités et la réduction de la fracture territoriale. Nous sommes prêts à le suivre dans cette voie, mais nous aimerions en savoir plus.

Monsieur le ministre, vous avez lancé l’idée des assises des territoires ruraux. Vous avez déclaré que ces assises permettraient d’aborder sans tabou tous les sujets de la vie des territoires : la santé, le transport, l’emploi, la formation, l’enfance, etc. ; dans la transparence et la concertation, ce serait encore mieux, car, pour l’instant, nous n’avons aucune information sur les tables rondes, les participants et les rencontres départementales qui devraient avoir lieu. C’est sans doute un peu trop tôt… Néanmoins, je vous remercie par avance des éclaircissements que vous pourrez nous apporter à cet égard.

J’aimerais aussi en savoir plus sur l’avenir de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires. Je me demande si l’instabilité de son rattachement ministériel, qui n’est pas de votre fait, monsieur le ministre, n’est pas néfaste à terme. En effet, sans faire toute une litanie, depuis 2003-2004, les rattachements ont changé à peu près tous les deux ans.

Jusqu’à une période récente, la DIACT était rattachée au ministre d’État chargé de l’écologie. Désormais, elle est rattachée aux services du Premier ministre et du ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire et devrait redevenir la DATAR. Qu’est-ce que cela va changer ? Qu’est-ce que cela peut apporter dans le « pilotage » d’une vraie politique d’aménagement du territoire, qui reste encore à construire aujourd’hui ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.

M. Jean-Claude Etienne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ma connaissance, c’est la première fois qu’est nommé un ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Je salue avec beaucoup d’émotion le nouvel intitulé de cette fonction ministérielle.

À Rémy Pointereau, dont Jean Boyer disait à l’instant qu’il est le tracteur de la ruralité, je veux dire que plus qu’un semi-diesel de Vierzon, il est un diesel total.

Intervenant le dernier, à plus de vingt-trois heures, après tant d’orateurs qui ont tout disséqué avec le scalpel du chirurgien, je me demande s’il est opportun de lire le discours que j’avais préparé. Je vais m’en garder, car ce serait une redite de ce qui a déjà été exposé si brillamment.

Après avoir entendu mon prédécesseur à cette tribune, Yves Chastan, et tous ceux qui sont intervenus avant lui, je me pose effectivement la question de savoir si nous ne nous trouvons pas à un tournant pour la ruralité en France. En fait, nous sommes à la veille de ce tournant : il commence à s’ébaucher, car beaucoup reste à faire !

La dynamique économique et sociale a longtemps reposé sur la ruralité non seulement dans notre pays, mais également dans le reste du monde, puisque tout ou presque était issu de l’agriculture. L’ère industrielle, avec les services qui s’y rattachent, a créé des agglomérats de populations qui ont fabriqué un déterminant démographique vraiment prééminent en milieu urbain.

Yves Chastan vient de dire à l’instant que les derniers recensements pouvaient peut-être allumer quelques espoirs dont le bien-fondé pourrait reposer sur les prémisses de mutations de la ruralité et sur les comportements de nos concitoyens. Il est vrai, comme La Fontaine le disait déjà en son temps, qu’il y a un comportement des villes et un comportement des champs.

Pour ma part, je suis tellement citadin que certains m’ont demandé ce que je venais faire dans ce débat. Mais il m’a semblé important de mettre en exergue une telle problématique, car nous avons de plus en plus besoin, quand on voit le comportement des villes, de nous référer au comportement des champs et de nous y ressourcer. La ruralité doit enfin renaître des cendres quelque peu refroidies par cette ère industrielle pour retrouver toute sa place dans la dynamique économique et sociale de notre pays. Voilà le fameux tournant que l’on ne peut qu’appeler de nos vœux, car il répondra à bien des questions que se posent nos concitoyens dans notre société actuelle.

Tournons-nous vers cette ruralité ! Sachons en dégager les grandes vertus, qui ont été nourries par l’expérience, la tradition et les cultures qui se sont toujours mues pour faire le cœur des grandes civilisations !

Ce matin, la Haute Assemblée connaissait la première réunion de notre nouvelle délégation à la prospective. Nous sommes d’ailleurs la seule assemblée en Europe, avec les Finlandais, à être dotée d’une telle délégation. Alors que nous réfléchissions à la teneur des premiers débats, savez-vous ce qui est venu tout naturellement à l’esprit du bureau de la délégation ? Eh bien ! s’est posée à nous la fameuse problématique vécue par nos concitoyens dans les villes : comment répondre à cette soif incontestable de retourner vivre en milieu rural afin de retrouver les fondements d’un art de vivre de qualité, que nous avons trop souvent perdu en étant entassés dans des agglomérations qui finissent par avoir une taille démesurée ?

Je pense au Minotaure, qui finit par mourir d’avoir trop mangé les autres. Un jour viendra – il n’est peut-être pas si éloigné – où cette ruralité, qui avait perdu la prééminence de dynamique économique et sociale, pourra enfin retrouver droit de cité. Pendant longtemps, la ruralité était synonyme d’agriculture, et les concentrations urbaines d’industrie. Aujourd’hui, on le sent avec les perspectives qui se dessinent, le monde industriel n’est plus étranger au monde de l’agriculture. Il arrive même à ceux-ci d’entrer en résonnance : on parle parfois d’agro-industrie !

Voilà que la nouvelle industrie, intimement liée à la problématique de l’agriculture, apparaît. Dès lors, un nouveau souffle peu venir habiter un territoire rural, qui s’était désertifié du fait des flux démographiques et des courants provoqués par l’industrialisation.

Au travers de ces formidables pôles d’excellence rurale qui ont été lancés, pour la première fois depuis longtemps, le qualificatif « rurale » est accolé à la notion d’excellence. Quelle avancée ! En comparaison, pour les villes, nous en sommes restés aux pôles de compétitivité…

Aujourd'hui, l’excellence deviendrait-elle enfin le fait des terroirs et des espaces de la ruralité ? Pourquoi pas ? Il semble que la voie soit ouverte. Regardez la nouvelle industrie ! La chimie, par exemple, est une chimie verte. Adieu la chimie du charbon et de l’acier ! Adieu, probablement, les tours de cracking distillant du pétrole : c’est la production agricole qui sera « enfournée » dans ces nouvelles tours.

On voit ainsi bouger la nature de l’industrie, qui revient vers la production agricole. La syncrétie entre les mondes agricole et industriel se trouve ainsi créée, régénérant la ruralité.

Je souhaite revenir sur les pôles d’excellence rurale, auxquels je me suis fortement intéressé. Notre ami parlait de la Gironde ; permettez-moi de dire quelques mots sur la Champagne-Ardenne : cela, c’est de la ruralité, je puis vous l’assurer ! Je dirai au passage aux Girondins que notre petit vin local n’est pas plus mauvais que les autres. (Sourires.)

Sur les dix-neuf pôles d’excellence de ma région, je me suis intéressé non pas à ceux qui étaient prometteurs et qui fonctionnaient bien, mais aux trois qui étaient en panne ; c’est de ceux-là que je voudrais parler un court instant pour conclure.

Les porteurs de projets ont déploré que la méthodologie pour construire ces pôles d’excellence et les projets pour les décliner concrètement n’assurent pas la faisabilité, que les problématiques de fonctionnement secondaires ne soient pas toujours prises en charge au départ. Ils ont évoqué l’intérêt de la méthode, qui a d'ailleurs cours à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, consistant à asseoir la faisabilité des projets dès leur instruction, en les dotant, comme les programmes Leader +, d’une petite somme apéritive d’argent ouvrant droit, s’ils sont acceptés, à la suite de l’instruction et à leur déclinaison concrète. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec un plaisir non feint que je viens dialoguer avec vous sur les pôles d’excellence rurale.

Cher monsieur le rapporteur, je voudrais tout d’abord vous remercier du travail nourri et précieux que vous avez conduit sur les pôles d’excellence rurale, avec votre groupe de travail, à la suite d’une décision de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Vous venez de nous livrer la substantifique moelle de votre rapport. Je dois dire que nous étions impatients de disposer de ses conclusions, puisque nous nous sommes très largement appuyés sur vos travaux – je vous remercie de nous les avoir transmis par anticipation – pour lancer la deuxième vague de pôles d’excellence rurale annoncée par le Premier ministre le 8 septembre dernier. Vous verrez que nous sommes restés très proches des propositions du Sénat.

Je suis heureux d’être ce soir au Sénat, une institution qui m’est chère et dont je connais l’engagement au service des territoires. Vos interventions ont montré, au-delà de votre engagement, une vraie passion pour les territoires. Cette passion, vous le savez, je la partage : c’est notre culture commune, et j’ai la chance de la vivre pleinement et intensément au sein du ministère dont j’ai la charge.

Les territoires ruraux sont une priorité. L’intitulé du ministère qui m’a été confié indique une volonté politique forte, celle du Président de la République, du Premier ministre et du Gouvernement tout entier. Le Président de la République avait souligné la priorité qu’il accordait au développement des territoires ruraux au mois de juin dernier, devant le Congrès. Il a eu maintes occasions de le rappeler depuis et il devrait le confirmer encore prochainement.

Il y a désormais un ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire : ce n’est pas un effet d’annonce ; c’est l’expression d’une nouvelle ambition pour la politique d’aménagement du territoire, en accordant une attention particulière aux territoires ruraux, que l’on a trop souvent mis de côté.

M. Chastan a évoqué la DATAR. Dans la conscience collective, la DATAR était le signe d’une volonté affirmée d’aménager le territoire. Nous retrouvons cet engagement fort, ce qui est essentiel.

Depuis leur création en 2005, les pôles d’excellence rurale ont constitué une formidable dynamique pour le développement économique des territoires ruraux. Votre rapport le montre bien, monsieur Pointereau, en soulignant la nouvelle vision de l’aménagement du territoire que les PER ont su inspirer, tout en définissant une nouvelle ambition pour le monde rural et en préservant un tissu économique local au travers du soutien accordé à des savoir-faire spécifiques, emblématiques d’un terroir et d’une tradition historique.

Je partage votre bilan : au-delà des réussites, des améliorations sont certes souhaitables. Nous allons ensemble essayer d’y œuvrer.

Avec le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, M. Bruno Le Maire, nous allons lancer la nouvelle génération de PER en 2010, comme l’a voulu le Premier ministre. C’est un dossier phare pour le ministère de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, sur lequel je m’engage avec détermination et conviction.

M. Bourquin a souligné quelques points faibles et déploré l’absence d’un véritable bilan des pôles d’excellence rurale ; MM. Boyer et Etienne en ont également parlé. C’est exact, car ces pôles vivent encore et n’ont pas épuisé leurs attributions. L’évaluation sera faite et elle sera naturellement présentée au Sénat.

Il existe un décalage entre les engagements et les paiements. Les PER en cours ont bénéficié de 175 millions d'euros de crédits d’État de toute nature ; 117 millions d'euros de crédits d’État ont déjà été versés à l’Agence de services et de paiements, qui les reverse à chacun des PER, et 55 millions d'euros ont été effectivement payés ; le reste le sera lorsque toutes les factures auront été transmises.

Pour ce qui est du décalage entre le moment où les PER sont labellisés et leur réalisation effective, il est dû au problème de l’ingénierie, que vous avez tous souligné. Nous allons essayer d’y répondre en organisant mieux le dépôt des candidatures et la période de la décision, afin de laisser le temps suffisant pour préparer les dossiers à l’échelon des territoires. Nous allons également mobiliser l’ingénierie publique pour les porteurs de projets qui souhaiteraient y avoir recours.

La réforme des préfectures va libérer les sous-préfets. Lors de la dernière réunion des préfets, place Beauvau, j’ai demandé que les sous-préfets soient à la disposition des porteurs de projets, qu’ils deviennent de véritables assembleurs, sur le terrain, aux côtés des élus.

M. Michel Mercier, ministre. Dans une République décentralisée, l’État n’a pas à être toujours au-dessus : il doit être à côté.

M. Michel Mercier, ministre. Son rôle est d’accompagner et de rendre réalisables les idées exprimées sur le terrain. C’est ce nouveau rôle que nous souhaitons voir jouer aux sous-préfets dans les pôles d’excellence rurale et, plus largement, dans l’ensemble des politiques qui seront mises en œuvre au profit des territoires ruraux.

Plusieurs d’entre vous ont souligné que les collectivités locales avaient beaucoup participé, mais l’État ne se défausse pas pour autant ! Nous avons simplement appliqué la loi de 1982, qui fut une grande étape de la décentralisation, ainsi que la loi intérimaire sur le Plan, votée à l’instigation de M. Rocard et qui prévoit expressément la compétence du département pour tout ce qui concerne l’équipement rural. Nous avons respecté cette compétence dans le cadre des PER.

M. Vall nous a expliqué qu’il était un fervent partisan des PER et qu’il craignait que la réforme de l’organisation territoriale ne casse cette belle dynamique en ne reconnaissant plus les pays. Je tiens à le rassurer : la future loi n’a pas pour objet d’abroger les pays existants ; simplement, il ne s’en créera pas de nouveaux.

Vous avez évoqué, monsieur Vall, la difficulté pour une seule communauté de communes de porter un PER. Le Gouvernement répond pleinement à votre attente en proposant de rationaliser la carte de l’intercommunalité.

Comme vous, nous pensons qu’un certain nombre de communautés de communes sont trop petites et qu’il faut définir des périmètres plus pertinents.

M. Yvon Collin. C’est vrai !

M. Michel Mercier, ministre. Dans cet esprit, la réforme de l’organisation territoriale comportera une rationalisation de l’intercommunalité. Cela va dans le sens que vous souhaitez, monsieur Vall, et votre intervention me semble donc annoncer un soutien au texte que nous soumettrons prochainement au Sénat, soutien dont je vous remercie d’ores et déjà ! (Sourires.)

Le cahier des charges de l’appel à projets pour la nouvelle génération de PER précise d’ailleurs que la structure porteuse pourra être un établissement public de coopération intercommunale, un parc naturel régional, un conseil général, une association ou un groupement d’entreprises privées, sous certaines conditions : vous n’avez donc rien à craindre.

M. Boyer a souligné à juste titre que les PER ont permis de transformer des handicaps en atouts : telle était bien leur vocation. Il nous a par ailleurs fait part de ses inquiétudes concernant la pérennisation du dispositif des zones de revitalisation rurale. Un bilan de ce dispositif est actuellement en cours, mais il est certain que son statut fiscal, notamment au regard de la taxe professionnelle, en est l’un des points forts. Or il n’échappera à aucun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que la proposition du Gouvernement de supprimer la taxe professionnelle pour la remplacer par une cotisation économique territoriale répond parfaitement à la préoccupation de M. Boyer. En effet, la cotisation complémentaire ne sera payée que par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros : les PME en seront donc toutes exemptées, ce qui revient à dire que l’adoption du projet de loi de finances que vous examinerez bientôt permettra la création de ZRR sur l’ensemble du territoire, et c’est tant mieux pour le développement économique local ! (MM. Yvon Collin et Raymond Vall rient.) Je ne doute pas que je parviendrai à vous en convaincre lors du débat budgétaire, si ce n’est déjà fait ! (Rires.)

En ce qui concerne les financements croisés, vous avez raison de dire, monsieur Boyer, qu’ils sont toujours complexes. En matière de financement, il faut choisir entre soutenir un grand nombre de pôles d’excellence rurale ou opter pour un champ d’intervention réduit. Mon ministère prévoit d’ores et déjà de réserver un peu plus de 100 millions d’euros à la nouvelle génération de PER, mais d’autres ministères peuvent également contribuer au financement du dispositif : je pense, en particulier, au ministère de l’intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Lorsque j’ai été nommé ministre, on m’a notamment confié la mission d’instaurer une plus grande équité des dotations versées par l’État aux communes rurales par rapport à celles qu’il attribue aux communes urbaines. La dotation de développement rural constitue naturellement l’une des sources de financement des PER, mais il convient à mon sens d’utiliser complètement les fonds européens. Or, parfois, la réglementation européenne nous conduit à en rendre une partie. Il serait préférable de prévoir des contreparties budgétaires avec certains ministères afin de pouvoir mobiliser leurs fonds européens et disposer ainsi d’une masse de crédits plus importante pour financer les PER, l’Agence de services et de paiement de l’État pouvant gérer l’ensemble.

Monsieur Boyer, vous considérez enfin que le montage des dossiers a été trop rapide. Nous veillerons à répondre à la préoccupation que vous avez exprimée.

Madame Des Esgaulx, il est vrai que notre premier objectif est de créer des emplois et d’assurer le développement économique des territoires ruraux. Il est exact que ces derniers sont très divers : si l’agriculture constitue leur épine dorsale, d’autres activités économiques y existent également. Les PER, qui comporteront une forte dimension économique, contribueront à dynamiser les territoires ruraux et à stimuler certaines filières, comme la filière bois, que vous avez évoquée.

Les PER pourront également permettre la mise en place d’un certain nombre de services : je pense en particulier au haut débit et au très haut débit, et j’ai à l’esprit la proposition de loi de M. Pintat.

M. Chastan a souligné avec raison que, pendant très longtemps, gérer les territoires ruraux est revenu à gérer un déclin. Aujourd'hui, nous devons accompagner leur redressement démographique, en maintenant les services publics et les services au public. À cet égard, je vous félicite, monsieur le sénateur, d’avoir bien fait la distinction entre ces deux notions, car elle est essentielle : dans la vie de tous les jours, on a davantage besoin d’un médecin que d’une perception, même s’il est très important de pouvoir payer ses impôts !

En ce qui concerne cette question des services publics, nous devons être le plus clairs possible. J’ai suivi, il y a bien longtemps, l’enseignement d’un professeur qui avait lui-même été formé, à Bordeaux, dans la grande école du service public du doyen Duguit. J’ai appris qu’un service public se caractérisait par un certain nombre de principes, dont celui de mutabilité : un service public doit toujours s’adapter pour remplir au mieux son rôle, car on ne peut plus gérer les choses aujourd'hui comme il y a cinquante ans. Cela ne signifie pas que les services publics doivent disparaître, mais ils doivent évoluer.

À cet égard, les PER pourront être utilisés, par exemple pour développer le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ainsi, j’ai inauguré voilà quelques jours une maison des services publics équipée d’une borne de visioconférence, qui permet aux habitants d’un territoire où il n’y a jamais eu de service de sécurité sociale de s’entretenir de leur dossier avec un agent.

Il est donc possible aujourd'hui de faire vivre autrement les services publics, et c’est à juste titre que vous avez souligné que les territoires ruraux peuvent être des lieux d’innovation sur ce plan. Ainsi, j’ai décidé il y a quelques jours de créer une nouvelle aide, d’un montant de 20 millions d’euros, pour les « grappes d’entreprises », qui assurent les services publics locaux. En milieu rural, ces grappes d’entreprises doivent travailler en lien avec les pôles de compétitivité : il n’y a pas d’opposition entre ces deux structures, qui doivent au contraire être complémentaires.

Vous avez donc raison de dire que la ruralité est à un tournant, monsieur Étienne. Nous devons non plus la cacher, mais à l’inverse la montrer comme un espace de modernité et de progrès, où les gens ont envie de vivre.

Tel est le but des assises de la ruralité qui se tiendront prochainement. Tout ne doit pas être décidé depuis Paris : il faut écouter les acteurs de terrain. Je vais demander aux préfets d’organiser, dans les semaines qui viennent, des débats dont ils feront remonter les conclusions, ce qui nous permettra, dès la fin du mois de janvier prochain, de définir les lignes de force de notre politique en faveur des territoires ruraux.

J’évoquerai maintenant les axes de la nouvelle génération d’appels à projets, lesquels doivent s’inscrire dans les problématiques des territoires ruraux. Ils visent à favoriser de nouvelles dynamiques territoriales, concernant aussi bien la valorisation du potentiel local existant que la gouvernance et les relations entre les acteurs. Je souhaite que les appels à projets permettent de faire émerger des propositions d’actions diversifiées et adaptées en prenant en compte la complémentarité des instances.

Deux enjeux fondamentaux pour les territoires doivent, à mes yeux, structurer les appels à projets : le renforcement de la capacité économique des territoires ruraux et la prise en compte des besoins des populations dans le domaine des services publics et des services au public, en fonction des évolutions des territoires.

Je crois en la diversité économique des territoires, qui est, selon moi, un atout à valoriser. Les nouveaux emplois ne relèvent pas uniquement des productions agricoles ou agroalimentaires ; il faut aussi mieux prendre en compte les potentialités naturelles des territoires, leurs savoir-faire techniques, leurs spécialisations artisanales et industrielles, leur patrimoine, voire leur vocation.

Je pense en particulier au développement des entreprises et des filières, à la création d’activités marchandes fondées sur les productions de nos territoires. Plusieurs exemples pourraient être cités, mais je n’évoquerai que celui de la filière pierre volcanique qui a été relancée dans le Puy-de-Dôme.

Je pense aussi à la création d’ateliers-relais ou de pépinières d’entreprises dans une logique de développement durable, en lien avec les bio-constructions et les bioénergies. Les ressources forestières peuvent ainsi trouver une valorisation et un débouché dans les chaufferies, en milieu rural ou en milieu urbain.

L’emploi et l’économie sont bien sûr les priorités des pôles d’excellence rurale, mais, parallèlement, il est essentiel de répondre aux besoins des habitants en termes de services.

Plusieurs d’entre vous ont observé que, du fait de l’essor démographique des territoires ruraux, de nouveaux habitants côtoient désormais les ruraux « historiques ». Ce mélange de populations, l’accès aux nouvelles technologies, ainsi que l’ouverture sur le monde de ces territoires, font que, aujourd'hui, les standards de vie sont les mêmes que l’on vive en ville ou en milieu rural : les besoins et les envies sont les mêmes, on s’habille de la même façon, on regarde les mêmes chaînes de télévision.

Il faut donc offrir un socle de services adaptés à la demande de la population. Cela passe par l'utilisation de nouvelles technologies et par de nouveaux types de partenariats : je pense aux missions de service public et aux maisons médicales de santé. Cet après-midi, j'ai travaillé avec Mme Bachelot-Narquin pour que nos ministères puissent concevoir ensemble des réponses au problème de la démographie médicale, que les habitants de certaines zones rurales subissent quotidiennement.

On peut bien sûr envisager le déploiement, comme dans la Manche, de bornes visio-relais pour assurer le maintien et l'amélioration des services publics, mais il faudra aller plus loin.

Les pôles d’excellence rurale pourront ainsi contribuer à développer des formes expérimentales de services, comme les espaces publics numériques, les télé-centres avec visioconférence ou la télémédecine : nous lancerons une expérimentation en ce sens avec le ministère de la santé.

Cette deuxième génération se caractérise donc par une ouverture de l'objet des pôles d'excellence rurale, qui pourront parfaitement servir à développer les services publics et les services au public. Pour être sélectionnés au titre de cette nouvelle génération de PER, les projets devront répondre à des objectifs précis, que M. Pointereau a d’ailleurs mentionnés dans son intervention.

En ce qui concerne le calendrier, le premier appel à projets sera lancé dès la fin de ce mois, les réponses pouvant être adressées jusqu’en janvier 2010, en vue d’une prise de décisions vers le mois d’avril de la même année. Une seconde vague sera lancée au début de 2010, après les assises des territoires ruraux, les décisions devant être arrêtées pendant l’été. Ces délais, de quatre mois pour la première vague et de dix mois pour la seconde, sont, me semble-t-il, de nature à répondre à vos attentes. S’agissant de l’ingénierie publique, les sous-préfets, notamment, se tiendront à la disposition des collectivités territoriales pour les aider à élaborer des projets. Pour l’heure, nous avons prévu, pour la seconde vague, un financement au moins égal à celui de la première vague.

Nous comptons articuler ce dispositif avec l’ensemble des autres instruments de la politique en faveur des territoires ruraux, qui ne se résume pas aux seuls pôles d’excellence rurale, même si ces derniers sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils associent des acteurs qui n’avaient pas l’habitude de travailler ensemble jusque-là.

Afin d’aller plus loin, d’autres actions seront menées. Ainsi, s’agissant du numérique, M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, Mme la secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique et moi-même avons lancé aujourd'hui un appel à projets pour utiliser les 30 millions d’euros de crédits européens qui viennent d’être mis à disposition de la France. En outre, j’ai déjà évoqué les grappes d’entreprises et les actions que nous envisageons de mener avec le ministère de la santé pour répondre à un certain nombre de problèmes en matière de permanence des soins et de démographie médicale.

J'ai le sentiment d’avoir été un peu long, ce dont je vous prie de m'excuser,…

M. Jean-Pierre Plancade. Un discours intéressant n’est jamais long !

M. Michel Mercier, ministre. … mais je voulais répondre à chacune et à chacun d'entre vous, puisque c'est une des premières fois que je m'exprime devant le Sénat en qualité de membre du Gouvernement. De surcroît, la relance de la politique d'aménagement du territoire, notamment dans sa dimension rurale, est un sujet qui mérite qu’on s’y attarde. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je constate que le débat est clos.

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 22 octobre 2009 :

À neuf heures trente :

1. Question orale avec débat n° 47 de Mme Nathalie Goulet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur le contrôle parlementaire de l’action du Fonds stratégique d’investissement.

Mme Nathalie Goulet attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la nécessité d’instaurer un meilleur contrôle parlementaire de l’action du Fonds stratégique d’investissement (FSI).

Né de la volonté du président de la République et d’une annonce du 20 novembre 2008, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) est composé de deux actionnaires, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et l’État, qui détiennent respectivement 51 % et 49 % du fonds. Le Parlement, s’il a agréé au principe de la création de ce fonds, n’a été associé ni à son organisation ni à sa gouvernance. Le 6 juillet dernier, l’État et la CDC ont annoncé l’apport de 14 milliards d’euros de participation au FSI, portant ainsi sa dotation à 20 milliards d’euros.

Comme toute filiale de la CDC, le FSI exerce ses activités sous le contrôle de la commission de surveillance de la Caisse. C’est dans ce cadre que les parlementaires représentant les deux assemblées au sein de la commission de surveillance exercent, quand ils sont présents, leur contrôle sur la stratégie et les investissements du FSI. De même, un rapport au Parlement est bien remis mais il s’agit seulement d’une information a posteriori. Elle s’interroge sur le bien-fondé d’une telle gouvernance, à l’heure où l’ensemble des organismes financiers réclament plus de contrôle et plus de transparence. De la même façon, elle s’interroge sur le processus décisionnel qui a conduit l’État à apporter des participations dans des entreprises faisant l’objet d’un rapport annuel, jaune budgétaire annexé à la loi de finances. Ces procédés lui semblent peu en adéquation avec les impérieuses nécessités de la LOLF.

Hormis ces questions de gouvernance et de stratégie, les annonces récentes du Président de la République le 3 septembre, à Caligny, dans l’Orne, quant à l’implication du FSI dans plusieurs actions visant à renforcer les fonds propres des entreprises, puis, le 25 septembre, quant à la participation du FSI dans un fonds de consolidation et de développement des entreprises destiné à soutenir les PME en difficulté, ne sauraient laisser le législateur indifférent. Là encore, compte tenu de la crise de l’ensemble du secteur industriel, elle estime nécessaire que les modalités de participation fassent l’objet d’un examen attentif non discriminatoire et soient justifiées économiquement.

Compte tenu de l’importance des montants engagés, du caractère stratégique de son intervention, mais aussi du fait que le FSI a la pleine et entière responsabilité de ses actifs, elle estime souhaitable qu’une réflexion commune soit engagée rapidement afin de mettre en place un pilotage spécifique de ses actions. Il lui apparaît en effet essentiel que le Parlement soit pleinement associé dans la gouvernance et le contrôle des choix du FSI. Les exemples étrangers comme le Fonds structurel norvégien, qui associe en amont et en aval le Parlement norvégien à ses travaux, montre qu’il existe d’autre type de gouvernance.

Elle souhaite par conséquent que la présente question orale avec débat permette de débattre des méthodes et des objectifs du FSI ainsi que du contrôle parlementaire sur son fonctionnement et ses choix.

À quinze heures :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 22 octobre 2009, à onze heures.

3. Débat européen de suivi des positions européennes du Sénat :

- brevets européen et communautaire ;

- droits des consommateurs ;

- transposition insuffisante d’une directive ferroviaire (mise en demeure de la France) ;

- coopération judiciaire et policière : situation en Bulgarie et Roumanie.

4. Débat sur les prélèvements obligatoires.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD