Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

MM. Philippe Nachbar, Jean-Paul Virapoullé.

1. Procès-verbal

2. Mise au point au sujet d'un vote

MM. Nicolas About, le président.

3. Dépôt de rapports du Gouvernement

4. Dépôt d'un rapport de la cour des comptes

5. Organisme extraparlementaire

6. Questions orales

provisionnement du démantèlement des éoliennes

Question de M. Dominique Leclerc. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Dominique Leclerc.

situation de la décharge de l'affit à roumazières-loubert

Question de Mme Nicole Bonnefoy. – Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; Nicole Bonnefoy.

création d'une zone économique exclusive en méditerranée

Question de M. Roland Courteau. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Roland Courteau.

réorganisation territoriale de météo-france

Question de M. Yannick Bodin. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Yannick Bodin.

alimentation électrique de la bretagne

Question de M. François Marc. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. François Marc.

fermeture du centre départemental de météo-france de vichy-charmeil

Question de Mme Mireille Schurch. – Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; Mireille Schurch.

pénurie d'enseignants de médecine générale

Question de Mme Anne-Marie Escoffier. – M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; Mme Anne-Marie Escoffier.

deuxième plan maladies rares

Question de Mme Marie-Thérèse Hermange. – M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; Mme Marie-Thérèse Hermange.

situation de la maison d'arrêt d'aurillac

Question de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; Mme Anne-Marie Escoffier, en remplacement de M. Jacques Mézard.

tabagisme et grossesse

Question de Mme Anne-Marie Payet. – M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; Mme Anne-Marie Payet.

amélioration de la couverture en téléphonie mobile de tous les territoires

Question de M. Jean Boyer. – MM. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Jean Boyer.

difficultés d'application de l'article l. 111-3 du code rural

Question de M. Pierre Martin. – MM. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Pierre Martin.

baisse significative du niveau des élèves de cm2 entre 1987 et 2007

Question de M. Claude Biwer. – MM. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Claude Biwer.

suppression de la carte scolaire

Question de M. Claude Jeannerot. – MM. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Claude Jeannerot.

difficulté de recrutement des personnels des crèches

Question de M. Christian Cambon. – MM. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire ; Christian Cambon, en remplacement de M. Jean-Claude Carle.

reconnaissance d'un statut fiscal dérogatoire aux epcc

Question de M. Rachel Mazuir. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Rachel Mazuir.

difficultés rencontrées par les mairies pour la délivrance des passeports biométriques

Question de M. Christian Cambon. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Christian Cambon.

retard dans la mise en place de la dotation de développement urbain

Question de M. Daniel Reiner. – Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur ; M. Daniel Reiner.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

7. Engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi organique

8. Loi pénitentiaire. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale : M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre Fauchon, Alain Anziani, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Anne-Marie Escoffier.

Clôture de la discussion générale.

M. le président.

Texte de la commission mixte paritaire

Vote sur l’ensemble

MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur.

Adoption du projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme le garde des sceaux.

9. Souhaits de bienvenue à quatre grands sportifs

Suspension et reprise de la séance

10. Questions cribles thématiques

crises agricoles

M. le président.

MM. Gérard Bailly, Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; Bernard Fournier.

Mme Odette Herviaux, MM. le ministre, Didier Guillaume.

MM. Gérard Le Cam, le ministre, Mme Annie David.

MM. Daniel Soulage, le ministre.

MM. François Fortassin, le ministre, Mme Anne-Marie Escoffier.

MM. Alain Vasselle, le ministre.

MM. Jean-Pierre Godefroy, le ministre, François Patriat.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. le ministre.

M. le président.

11. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Russie

12. Parcs de l'équipement. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale : M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Anne-Marie Escoffier.

Clôture de la discussion générale.

Texte de la commission mixte paritaire

Adoption de l’ensemble du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance

13. Article 61-1 de la Constitution. – Adoption d’un projet de loi organique (Texte de la commission)

Discussion générale : MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. François Zocchetto.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

M. Robert Badinter.

Suspension et reprise de la séance

MM. Jacques Mézard, Jean-Pierre Sueur, Patrice Gélard.

M. le secrétaire d'État.

Clôture de la discussion générale.

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendements nos 13 à 15 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des trois amendements.

Article 1er

Amendement n° 19 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. François Zocchetto, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Patrice Gélard. – Rejet.

Amendement n° 1 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendements nos 12 rectifié de M. Yvon Colin et 16 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 2 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 17 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Christian Cointat, le président de la commission. – Rejet.

Amendement n° 3 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 11 rectifié bis de M. Yvon Collin. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Frimat, Patrice Gélard, Pierre-Yves Collombat. – Adoption.

Amendement n° 5 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.

Amendements nos 4 rectifié et 6 rectifié à 8 rectifié de M. Yvon Collin. – Retrait des quatre amendements.

Amendement n° 18 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le secrétaire d'État, le président de la commission, Christian Cointat, Bernard Frimat. – Rejet.

Amendements nos 20 à 22 de M. Jean-Pierre Sueur et 24 de la commission. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement no 21 ; adoption de l’amendement no 24, les amendements nos 20 et 22 devenant sans objet.

Amendements nos 9 et 10 de M. Yvon Collin. – Retrait des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 23 de M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État, Christian Cointat, le président de la commission, Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Articles 2, 2 bis, 3 et 4. – Adoption

Vote sur l'ensemble

MM. Jean-Pierre Sueur, François Zocchetto, Mmes Catherine Troendle, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Christian Cointat.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.

M. le secrétaire d'État.

14. Renvoi pour avis

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Philippe Nachbar,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Monsieur le président, lors du vote, par scrutin public n° 2, sur l’ensemble du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, auquel j’ai participé au nom de mon groupe, deux de mes collègues, MM. Marcel Deneux et Yves Détraigne, ont été déclarés par erreur comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’ils souhaitaient voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. Monsieur le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :

– le rapport relatif à l’autonomie financière des collectivités territoriales pour 2007 établi en application de l’article L.O. 1114-4 du code général des collectivités territoriales ;

– le rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution établi en application de l’article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001. Ce rapport donnera lieu à un débat le jeudi 22 octobre 2009.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier sera transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et à la commission des finances. Le deuxième sera transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

4

Dépôt d'un rapport de la cour des comptes

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Séguin, Premier Président de la Cour des comptes, le rapport de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, conformément à l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

5

Organisme extraparlementaire

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Institut national de l’audiovisuel.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de la culture à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

6

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

provisionnement du démantèlement des éoliennes

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, auteur de la question n° 600, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Dominique Leclerc. Madame la secrétaire d’État, à l’heure où le réchauffement climatique pèse sur l’avenir de notre planète, les enjeux environnementaux intéressent de plus en plus les Français, comme en témoignent les récents débats sur le Grenelle de l’environnement et sur la taxe carbone. Avec le protocole de Kyoto, ratifié par la France dès 1997, nous avons fait pour la première fois le choix de l’adoption d’objectifs contraignants visant à réduire les émissions des gaz à effet de serre. L’Europe a franchi un pas supplémentaire en 2008 avec l’adoption, sous présidence française, du paquet énergie-climat, qui fixe à l’horizon 2020 un triple objectif : 20 % d’économie énergétique, 20 % de réduction des gaz à effet de serre et 20 % d’énergie renouvelable.

Dans la perspective de la conférence de Copenhague de cet automne, l’Europe apparaît comme le continent qui a le plus œuvré pour la révolution verte. Mais il nous faut poursuivre cet effort en soutenant, notamment, la promotion et le développement des énergies renouvelables.

L’énergie éolienne a connu un développement continu au cours de ces dernières années. À ce rythme, le nombre d’éoliennes installées en France devrait passer de 2 500 aujourd’hui à près de 15 000 d’ici à 2030, soit une forte augmentation en vingt ans.

Certes, les éoliennes contribuent au développement des énergies renouvelables. Mais elles représentent aussi une nuisance sonore difficilement supportable par les riverains ...

M. Roland Courteau. Pas sonore !

M. Dominique Leclerc. ... et une dégradation des paysages. Elles sont également à l’origine d’un effondrement du prix de l’immobilier dans les zones environnantes. Le développement de ce secteur répond avant tout à une logique économique et financière, spécialement pour les communes qui acceptent d’accueillir ces projets.

Actuellement, le développement des éoliennes soulève quelques interrogations. En juillet 2003, le Parlement a adopté la loi urbanisme et habitat, qui oblige le promoteur à provisionner le démantèlement de ses éoliennes. Selon un nouvel article du code de l’environnement, « il doit, au cours de l’exploitation, constituer des garanties financières nécessaires à ces opérations ». La loi renvoyait à un décret en Conseil d’État qui devait en fixer les modalités précises d’application. Or, à ce jour, aucun texte réglementaire n’a été pris. Que ferons-nous, dans l’avenir, de ces milliers de squelettes d’éoliennes qui n’auront pas été démantelés ?

Madame la secrétaire d’État, quand comptez-vous mettre fin à cette situation de vide juridique ?

Aujourd’hui, nos concitoyens ont compris l’importance de l’énergie renouvelable, notamment sous forme éolienne. Néanmoins, de l’aveu même de nombreux écologistes, les éoliennes n’ont un rendement énergétique que de 25 %, contrairement au photovoltaïque, qui a le mérite de produire davantage d’énergie à un moindre coût.

On évoque la mise en place du photovoltaïque et d’autres modes d’énergie renouvelable. Si nous voulons que les Français y adhèrent, on doit le faire dans la transparence. Il faut que des autorités dont la compétence, la neutralité et l’indépendance sont reconnues publient des bilans financiers et énergétiques incontestables ainsi que des études comparatives en termes de rendement, de coût et, bien entendu, de pollution. Nous ne pouvons plus nous contenter des informations fournies par les industriels ou les lobbys écologistes. Le discours incantatoire ne suffit pas.

Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour remédier à l’opacité actuelle, pour nous donner des informations complètes et vérifiées, et pour faire du secteur des énergies renouvelables un secteur transparent, et donc incontestable ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, comme vous le savez pour y avoir participé, les modalités de développement de l’énergie éolienne ont fait l’objet de débats ...

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. ... lors de l’examen ici même, il y a quelques jours, du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II.

Le Parlement a donné des orientations précises à l’occasion du vote de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle I.

L’article 19 de cette loi de programmation précise ainsi que, dans chaque région, un schéma régional des énergies renouvelables aura en particulier vocation à déterminer des zones dans lesquelles les parcs éoliens seront préférentiellement construits. La concertation locale et le cadre réglementaire de l’éolien seront améliorés.

Le Gouvernement entend, donc, conformément à ces orientations, améliorer la planification territoriale du développement de l’énergie éolienne et favoriser la construction de parcs éoliens de taille plus importante qu’actuellement dans des zones préalablement identifiées, pour éviter le mitage du paysage et des territoires. Compte tenu de l’accroissement prévisible de la taille des parcs éoliens, il est également nécessaire d’améliorer les processus de concertation locale et l’encadrement réglementaire qui devra répondre aux préoccupations que vous venez d’évoquer sur la transparence, la lisibilité et l’efficacité de ces outils.

Nous avons eu l’occasion, lors de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, de débattre de manière approfondie de la façon de mettre en œuvre concrètement ces orientations. Grâce au texte adopté par le Sénat, nous sommes en mesure de concevoir, pour les éoliennes, une réglementation plus adaptée, ...

M. Roland Courteau. Et plus sévère !

Mme Valérie Létard, secrétaire d’État. ... qui comprendra une obligation de constitution de garanties financières et de démantèlement des installations en fin d’exploitation.

L’article 34 du texte adopté par la Haute Assemblée est précis : « L’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site à la fin de l’exploitation. Au cours de celle-ci, il constitue les garanties financières nécessaires. »

Nous attendons que le projet de loi Grenelle II soit adopté par l’Assemblée nationale pour publier le décret. Ainsi, le Gouvernement pourra honorer les engagements que vous venez de rappeler, monsieur le sénateur, et, je l’espère, pourra trouver une solution à chaque situation.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Madame la secrétaire d’État, vous avez compris la préoccupation que je partage avec d’autres. Il est indispensable que des dispositions financières soient prises le plus rapidement possible à titre de précaution.

Quelle sera la réalité dans des dizaines d’années ? Qui aurait pu imaginer voilà trente, quarante ou cinquante ans, lors de l’installation de stations services le long de nos routes, qu’elles seraient aujourd’hui abandonnées et sources de nuisances paysagères ? Or ces structures peuvent être reconverties en locaux commerciaux ou d’habitation, ce qui ne sera pas le cas des éoliennes.

Par ailleurs, nos concitoyens adhèrent aux énergies renouvelables, pour des raisons de bilan énergétique, de mode. On parle beaucoup du photovoltaïque, de la biomasse ; bien d’autres énergies renouvelables apparaîtront dans les années à venir. Que deviendront alors les éoliennes implantées dans nos paysages, ces grandes silhouettes de ferraille devenues déchets environnementaux, alors que les sociétés qui les auront mises en place et exploitées auront depuis bien longtemps disparu ?

situation de la décharge de l'affit à roumazières-loubert

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 608, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les interrogations et sur les inquiétudes des membres de l’association locale pour la protection de l’environnement, de la population et des élus de la commune de Roumazières-Loubert, située dans le département de la Charente, concernant le suivi et la surveillance de l’ancienne décharge de l’Affit.

L’historique de cette décharge remonte à 1992 lorsque, devant l’incapacité de l’ancien exploitant d’assurer les obligations de surveillance du site, un accord de principe avait été trouvé avec les quatre producteurs de déchets – EDF, Rhône-Poulenc, Grande Paroisse, l’Institut national de recherches appliquées, aujourd'hui dissous – pour assurer le financement des mesures de suivi et de travaux de ladite décharge, l’État étant, au titre de cet accord, chargé de régler 10 % du coût.

La participation financière de l’État s’était alors matérialisée par la signature de deux conventions entre le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, respectivement aux mois de mars 2002 et de juillet 2004.

Ce dispositif avait alors permis, jusqu’au mois de décembre 2007, d’assurer le paiement de la quote-part de l’État et des factures présentées par la société Eurovia pour les travaux liés à la surveillance de la décharge, même si ce fut, hélas, avec beaucoup de retard.

Le 16 mai 2008, l’ADEME a signifié au directeur d’Eurovia que sa mission était désormais terminée et qu’elle n’était plus en mesure d’honorer les paiements des factures pour les prestations exécutées à partir du mois de janvier de la même année.

Devant cette situation et afin de garantir la pérennité du suivi du site, la commune de Roumazières-Loubert a alors demandé la mise en œuvre d’une procédure d’institution de servitude d’utilité publique, qui devait être diligentée par les services de l’État, dont la dépense pourrait être partagée entre l’ensemble des producteurs de déchets et l’État.

Mais, aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, cette commune n’a toujours aucune nouvelle de la mise en place d’une telle procédure. De plus, depuis le mois de janvier 2008, voilà presque deux ans maintenant, la société Eurovia n’a reçu aucun règlement des factures correspondant à la part de l’État.

Compte tenu de la crise économique, cette société ne peut plus se permettre d’effectuer des prestations sur le site de cette décharge sans être payée. Son directeur n’exclut pas, d’ailleurs, la possibilité de stopper ses interventions sur le site, avec les conséquences qui en découleraient, si l’État n’honorait pas rapidement les paiements dus au titre de l’année 2008 et des six premiers mois de cette année.

Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : où en est la procédure d’institution de servitude d’utilité publique, demandée et attendue par la commune de Roumazières-Loubert ? Quand l’État compte-t-il honorer les paiements dus à la société Eurovia ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Madame Bonnefoy, la question de la surveillance de la décharge de l’Affit à Roumazières-Loubert, en Charente, est bien connue des ministères chargés du développement durable et de l’industrie.

Cette décharge a accueilli pendant de nombreuses années des déchets d’origine industrielle, dont ceux de l’Institut national de recherche chimique appliquée, l’IRCHA, d’EDF, de Grande Paroisse et de Rhône-Poulenc. À la suite de la défaillance de son exploitant, les producteurs de déchets, dont l’IRCHA, se sont vu confier l’entretien et la surveillance du site – vous l’avez rappelé, madame la sénatrice –, la contribution financière de chaque producteur étant évaluée au prorata des tonnages des déchets stockés. La quote-part de l’IRCHA s’élève ainsi à 10 % des dépenses.

À la dissolution de cet institut, ses droits et obligations ont été dévolus au ministère chargé de l’industrie. Par conventions successives, l’ADEME s’est vu confier les versements correspondant à la participation de l’État dans la gestion du site jusqu’au début de l’année 2008. Effectivement, aucune nouvelle convention n’a été conclue.

Ce dossier a retenu toute l’attention de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, qui souhaite tout mettre en œuvre, afin que cette situation cesse au plus vite. Il a demandé à l’ADEME d’intégrer le financement d’une partie de la surveillance de la décharge, ainsi que des études nécessaires à la réalisation d’une servitude d’utilité publique lors de la prochaine réunion de la commission des aides, c'est-à-dire dans un délai maximal de trois mois.

Madame la sénatrice, dans trois mois, une réponse précise vous sera apportée et l’État honorera ses engagements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.

Mme Nicole Bonnefoy. Madame la secrétaire d’État, j’ai pris bonne note de votre réponse sur la procédure d’institution d’une servitude d’utilité publique, mais qu’en est-il des paiements dus à la société Eurovia ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, cette question sera traitée par la commission des aides.

création d'une zone économique exclusive en méditerranée

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 611, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Roland Courteau. J’ai voulu attirer l’attention de M. le ministre d’État sur la convention des Nations unies relative au droit de la mer dite « de Montego Bay », qui a consacré, sur un plan général, l’essentiel du droit international sur le sujet, soit en redéfinissant les notions classiques du droit maritime, comme les eaux territoriales, soit en précisant les notions plus récentes, comme la zone économique exclusive, la ZEE.

À ce jour, madame la secrétaire d’État, la France est dotée d’une zone économique exclusive dans l’Atlantique, la Manche et outre-mer. Mais point de ZEE en Méditerranée. Cette mer ne dispose, en fait, que d’une zone de protection écologique, que nous avons contribué à créer ici même, au Sénat, au mois de janvier 2003, grâce à l’adoption d’un projet de loi. Monsieur Gaudin, si j’ai bonne mémoire, vous présidiez d’ailleurs cette séance, et j’ai le souvenir de débats très intéressants.

Aujourd’hui, grâce à la loi n° 2003-346, cette zone de protection écologique est en place. Elle constitue une réelle avancée et permet de mieux lutter contre les pollutions en Méditerranée, mer particulièrement fragile, même si beaucoup reste encore à faire dans le domaine de la lutte contre les pollutions.

J’aurai d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce point dans le cadre de la mission que m’a confiée l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l’état de cette mer face aux pollutions et au réchauffement des eaux sur l’ensemble du bassin d’est en ouest, de la rive nord à la rive sud.

Mais, aujourd’hui, je veux évoquer un tout autre sujet : la protection des ressources, en général, et des ressources halieutiques et minérales, en particulier, en Méditerranée

Madame la secrétaire d’État, mes préoccupations portent sur la nécessité de mieux contrôler les eaux de cette mer, de mieux protéger nos zones de pêche, de mieux assurer le contrôle des bateaux venant du monde entier, ce que nous ne pouvons faire que dans nos eaux territoriales, c’est-à-dire à l’intérieur de la zone des 12 milles marins.

Or, à ma connaissance, la seule réponse qui puisse être apportée est la mise en place d’une zone économique exclusive en Méditerranée. C’est d’ailleurs ce que je demande depuis quelques années.

La zone économique exclusive est un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains et exclusifs sur les ressources vivantes des eaux et sur les ressources minérales des sols et des sous-sols et dispose de droits de juridiction dans certains domaines. C’est ce que nous n’avons pas en Méditerranée. C’est l’instrument dont la France doit se doter le plus vite possible.

Notre pays doit effectivement détenir des droits souverains aux fins d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques et non biologiques. Il convient aussi de permettre certaines autres activités à des fins économiques, telles que la production d’énergie.

Pourquoi ne calquerait-on pas cette zone économique exclusive sur la zone de protection écologique déjà en place ?

Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : est-il dans les intentions de la France de déclarer auprès des Nations unies une zone économique exclusive en mer Méditerranée ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur Courteau, vous avez souhaité interroger le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, sur la création d’une zone économique exclusive en mer Méditerranée, ce dont je vous remercie.

Comme vous le savez, la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, à laquelle la France est partie, donne le droit à tout État d’établir une zone économique exclusive située au-delà de sa mer territoriale et pouvant aller jusqu’aux 200 milles marins.

Mais, pour des raisons d’ordre géopolitique, jusqu’en 1990, les États situés autour du bassin méditerranéen n’ont pas souhaité établir de zone économique exclusive dans cette mer semi-fermée. Pourtant, progressivement, la nécessité de la prise en considération de la préservation de l’environnement marin et la lutte contre la pêche illégale ont fait émerger auprès des responsables publics des États concernés la nécessité d’agir. Ainsi, certains États ont opté, dans le respect du droit international de la mer, pour une voie intermédiaire, telle que la zone de protection halieutique instituée par l’Espagne au large de ses côtes.

Pour sa part, en 2004, la France a choisi d’instituer au large de ses côtes méditerranéennes une zone de protection écologique visant à protéger le milieu marin.

Cette protection n’était que partielle et ne permettait pas, par exemple, de lutter contre la pêche illégale au-delà de nos 12 milles marins. La création d’une ZEE qui puisse inspirer un élan global en Méditerranée fait partie, par ailleurs, des engagements du Grenelle de la mer tel qu’arrêtés le 15 juillet dernier.

Le ministre d’État a ainsi annoncé le 24 août dernier, lors d’un déplacement au large de Cassis, que la France avait décidé de déclarer auprès de l’Organisation des Nations unies une zone économique exclusive en Méditerranée.

Ce changement de cap voulu par le gouvernement français vise à protéger la pêche française, comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, mais surtout à protéger les ressources halieutiques et à éviter la venue de flottes puissantes en Méditerranée.

En effet, cette zone, qui s’étendrait sur un périmètre approximatif de 70 milles marins – ce qui correspond à l’actuelle zone de protection écologique –, obligera la France à renforcer ses capacités de contrôle, tout en lui permettant d’exercer ses droits souverains, tels que prévus par la convention sur le droit de la mer, en ce qui concerne tant les ressources halieutiques que celles du sous-sol.

De plus, cette démarche délivrera un signal clair sur la volonté de la France d’inscrire le développement et la préservation de l’espace méditerranéen dans une approche nouvelle, conformément à la réflexion actuellement menée au sein de l’Union pour la Méditerranée.

Comme vous pouvez le remarquer, monsieur le sénateur, le Gouvernement attache une importance particulière à ce dossier et souhaite, dans l’esprit du Grenelle de la mer, préserver et assurer la meilleure gestion possible des ressources communes aux riverains de la Méditerranée. C’est, nous l’espérons, le premier pas vers une communautarisation des eaux des pays de l’Union pour la Méditerranée et, à terme, vers la mise en œuvre d’un dispositif commun de gestion, de surveillance et de contrôle.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse.

Toutefois, dans quels délais, même approximatifs, pouvons-nous espérer que la France déclarera cette zone économique exclusive auprès des Nations unies ? Sera-ce dans cinq ans, une année, quelques mois, quelques semaines ?…

M. François Marc. Ou quelques jours ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je ne vous donnerai pas de date précise. Toutefois, si le ministre d’État Jean-Louis Borloo s’est permis de procéder à cette annonce, c’est parce qu’il a en tête un calendrier rapproché. D'ailleurs, la mise en œuvre des mesures adoptées dans le cadre du Grenelle de la mer renforce notre volonté de faire preuve de dynamisme sur ce dossier.

Nous pourrons donc très prochainement vous donner des délais précis. Cette démarche sera engagée dans les prochaines semaines, me semble-t-il.

M. Roland Courteau. Merci !

réorganisation territoriale de météo-france

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la question n° 623, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d'État, la réorganisation territoriale de Météo-France prévoit la fermeture de cinquante-trois centres en France entre 2012 et 2017.

L’un des premiers sites « sacrifiés » par cette réorganisation, et le seul de la région Île-de-France sur les cinq existants, serait le centre de Melun-Villaroche, en Seine-et-Marne. Pourtant, celui-ci assure la couverture météorologique de la moitié de la région.

Vous prétendez qu’il s’agit là de la réorganisation d’un service public et vous utilisez le prétexte de la révision générale des politiques publiques. Toutefois, en réalité, vous tentez simplement, comme dans tant d’autres domaines, de justifier une réduction du nombre de fonctionnaires !

Cette réorganisation ne doit pas se faire au détriment d’un service public de qualité. Or, dans le cas qui nous préoccupe aujourd’hui, il semble que les améliorations technologiques susceptibles de pallier l’absence humaine dans les départements ne sont pas validées à ce jour : à l’expertise locale de techniciens connaissant les spécificités du climat, le plan de restructuration tend à substituer une supervision à distance, assistée par des observations automatiques.

Ce document prévoit de rattacher le site de Melun-Villaroche à un centre météorologique territorial, qui est actuellement en projet à Saint-Mandé, dans le Val-de-Marne, et qui regrouperait également les fonctions du centre interdépartemental de Paris et de la petite couronne, installé à Montsouris.

En Seine-et-Marne, l’identité climatique de ce département spécifique risque de disparaître si elle est traitée par un service éloigné de ce territoire.

Les fonctionnaires travaillant sur ce site ont acquis un savoir-faire et une très bonne connaissance du climat seine-et-marnais. L’activité économique, l’aérodrome, les parcs d’attraction ainsi que le caractère rural très marqué de ce département nécessitent des prévisions météorologiques de qualité, qui ne peuvent être réalisées que par des techniciens spécialisés, présents localement.

Les représentants du personnel du centre de Melun-Villaroche m’ont fait part de leurs craintes concernant ce projet de restructuration. Le comité syndical de l’agglomération nouvelle de Sénart, qui regroupe huit communes en Seine-et-Marne et compte plus de 110 000 habitants, a d’ailleurs voté, le 26 mars dernier, une motion exprimant sa vive inquiétude et sa très grande préoccupation quant au projet de suppression du centre de Melun-Villaroche.

Madame la secrétaire d'État, quels moyens comptez-vous donc employer pour conserver un service public météorologique de qualité dans le département de Seine-et-Marne ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, si le plan stratégique de Météo-France prévoit un resserrement progressif de l’organisation territoriale de cet établissement, à partir de 2012, c’est dans le cadre d’une mobilisation, d’une mutualisation et d’une concentration de ses ressources, qui visent un double objectif.

Il s'agit de permettre à Météo-France, d'une part, de conserver, pour ses recherches de haut niveau, son rang d’excellence scientifique sur le plan international, et, d'autre part, de mieux répondre, par une offre de services élargie et plus efficace, aux attentes des pouvoirs publics, de la société civile et des partenaires économiques.

Ces deux objectifs se trouvent au cœur du contrat d’objectifs et de performance 2009-2011 signé récemment entre l’État et Météo-France.

L’évolution des métiers et des techniques de la météorologie et les caractéristiques climatiques de notre pays rendaient indispensable la mutation de l’établissement et la réorganisation consécutive de son réseau territorial, qui a été arrêtée après une longue préparation et qui sera mise en œuvre selon un calendrier très progressif.

Cette réorganisation répond également aux recommandations qui ont été formulées par la Cour des comptes et reprises par la commission des finances de la Haute Assemblée, comme par celle de l’Assemblée nationale.

En s’appuyant sur les progrès des techniques d’observation, de prévision et de transmission de l’information, Météo-France continuera de disposer de tous les moyens nécessaires pour accomplir pleinement ses missions.

Loin de remettre en cause la qualité des services rendus par l’établissement aux collectivités locales et aux usagers, à ses partenaires et à ses clients, dont la demande est de plus en plus diverse et de plus en plus exigeante d'ailleurs, la réforme engagée entend, au contraire, sur l’ensemble du territoire, grâce au maintien d’une présence forte à proximité, améliorer ses prestations, notamment pour lui permettre de remplir sa mission de protection et de sécurité des personnes et des biens.

Au-delà d’une optimisation des capacités d’observation et de la performance du système de prévision et de prévention des risques d’origine climatique, il s’agit de développer les utilisations de la météorologie, d’étendre les prestations opérationnelles à des fonctions de conseil et d’aide à la décision et d’accroître la réactivité de l’établissement en cas de crise.

Le redéploiement des moyens et des implantations de Météo-France doit aussi permettre de dégager les ressources nécessaires à la poursuite des recherches menées par l’établissement avec ses partenaires européens et mondiaux, comme dans le domaine de la modélisation opérationnelle sur le changement climatique. Je vous rappelle d'ailleurs, monsieur le sénateur, que le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a retenu le modèle de simulation numérique de Météo-France.

Pour ce qui concerne le service à la navigation aérienne, l’établissement doit enfin s’adapter aux règlements dits du « ciel unique européen » et s’engager dans le programme de recherche et développement SESAR, c'est-à-dire Single European Sky ATM Research Programme.

Il convient d’ajouter que le nouveau réseau territorial a été arrêté en tenant compte au mieux des contraintes techniques liées à l’exercice des missions de l’établissement et des conséquences sociales de la mobilité fonctionnelle et géographique demandée aux agents.

La réorganisation débutera en 2012 pour se terminer en 2017, avec à terme, en dépit de la réduction du nombre des implantations prévues, qui passeront de 108 à 55, un réseau qui restera le plus dense d’Europe, comprenant sept centres interrégionaux, une vingtaine de centres spécialisés et trente centres territoriaux, dont chacun assurera le suivi de trois départements.

Bien entendu, le Gouvernement comprend l’inquiétude des élus, notamment de ceux des départements concernés par la suppression d’un centre.

Toutefois, je le répète, le processus sera mené très progressivement et dans la plus grande concertation avec les élus, les préfets ayant été mandatés pour travailler sur ce sujet dans chaque département concerné.

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse. Votre raisonnement a le mérite d’une certaine cohérence, même si, bien sûr, vous suivez la logique typique du Gouvernement en matière de réorganisation du service public.

Votre postulat, c’est la réduction les effectifs. Vous théorisez donc la réorganisation des services de l’État, et vous finissez par porter atteinte à la qualité du service public !

Chaque fois que je pose une question, la réponse qui m’est apportée suit le même schéma ! J’en ai fait l’expérience avec la santé ou l’éducation dans le département dont je suis l’élu !

Le centre départemental de Météo-France a reçu en 2007 quelque 170 000 appels téléphoniques, de la part de l’aérodrome et des entreprises qui sont implantés à Villaroche, mais aussi des services de sapeurs-pompiers, de la police et de la gendarmerie. Il faudrait tout de même prendre en compte cette réalité !

Je le répète, ce centre créé en 1947 représente un atout très précieux pour l’attractivité du pôle d’activité et pour les deux établissements de la SNECMA du groupe Safran, qui représentent tout de même cinq mille emplois, ce qui pèse très lourd dans le sud du département !

Madame la secrétaire d'État, je vous demande donc de veiller avec la plus grande attention à l’avenir du site de Villaroche et de bien vouloir réexaminer sa situation.

alimentation électrique de la bretagne

M. le président. La parole est à M. François Marc, auteur de la question n° 626, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. François Marc. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur l’approvisionnement énergétique, notamment électrique, de la Bretagne. Elle s’adressait à M. Borloo, mais je suis honoré que vous m’apportiez les éléments de réponse nécessaires.

La Bretagne est une région particulière, puisqu’elle ne produit que 8 % de l’énergie électrique qu’elle consomme, ce qui, bien entendu, crée une situation de déficit parfois inquiétante. De là un certain nombre de réflexions, menées depuis quelques années déjà, qui visent à résoudre ce problème. Bien entendu, la situation péninsulaire de la région entraîne un surcoût en matière d’acheminement de l’électricité.

Des projets de toutes sortes ont été imaginés s'agissant de la production additionnelle nécessaire pour écrêter les pointes de consommation.

Aujourd'hui, compte tenu de la prise de conscience de ces problèmes, en Bretagne comme ailleurs, trois enjeux sont mis en avant : la constitution d’un appoint d’électricité, certes, mais aussi et surtout la maîtrise de la demande et la dynamisation des énergies alternatives, à travers la production de sources décentralisées.

Les collectivités bretonnes, qui se sont engagées récemment à travers un « pacte électrique », ont essayé d’imaginer des réponses optimales pour le territoire dont elles ont la charge.

Plusieurs préconisations ont été formulées dans ce cadre, dont l’une portait sur la construction d’une centrale électrique à Ploufragan, dans les Côtes-d’Armor. Ce projet était soutenu par tous. Toutefois, il semble que l’État, aujourd'hui, considère qu’il ne s’agit plus d’une bonne solution et contribue à son enlisement.

Dès lors, madame la secrétaire d'État, les préconisations formulées en juin dernier par l’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, peuvent-elles être reprises par le Gouvernement à travers le soutien qu’il apporte à ce dossier ?

L’État est-il en mesure de relancer le projet de production d’électricité à Ploufragan ? Quelles suites seront données aux propositions émanant récemment de l’ADEME ?

Bien entendu, nous avons tous conscience que les projets qui seront mis en œuvre dépendront d’innovations technologiques sur les sources, qu’il s’agisse d’énergies marines, d’éolien terrestre ou offshore ou d’installations de production électrique à partir de la biomasse.

Nous savons aussi que le Grenelle de l’environnement a souligné l’impérieuse et urgente nécessité de lutter contre les dérèglements climatiques, en particulier par le biais des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique, et que le Grenelle de la mer a récemment abouti à un certain nombre d’engagements sur ce sujet.

Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir préciser, d'une part, le cadre d’action partenariale dans lequel l’État entend œuvrer auprès des collectivités bretonnes pour développer ce type de politique énergétique « relocalisée », et, d'autre part, les moyens spécifiquement dédiés à la problématique électrique bretonne.

Madame la secrétaire d'État, les collectivités bretonnes attendent que le Gouvernement affine ses arbitrages sur ces questions, car les inquiétudes sont fortes face aux risques de rupture d’approvisionnement lors des pointes de consommation, notamment en hiver.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le sénateur, comme vous le soulignez, la région Bretagne est confrontée à des difficultés sérieuses d’approvisionnement électrique.

Cette situation résulte à la fois d’une croissance soutenue de la consommation locale d’électricité, avec une progression annuelle de 2,4 %, contre 1,7 % à l’échelle nationale, et de moyens de production limités, qui couvrent seulement 7 à 8 % des besoins, comme vous l’avez rappelé.

La feuille de route énergétique de la France pour 2020, que le Gouvernement a transmise très récemment au Parlement, souligne le caractère alarmant de cette situation et la nécessité de prendre des mesures d’urgence.

Le Gouvernement a fait procéder à une revue de l’ensemble des solutions envisageables pour répondre à cette situation. Il résulte de cette analyse que les actions très ambitieuses menées dans le cadre du Grenelle de l’environnement en matière d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables ne seront pas suffisantes, car elles ne s’inscrivent pas dans les mêmes échéances.

Il faudra également, comme vous l’indiquez, monsieur le sénateur, envisager dans le nord de la Bretagne un nouveau moyen de produire de l’électricité, qui, au demeurant, se substituera à des centrales au fuel plus polluantes.

Cependant, conformément au Grenelle de l’environnement, un tel projet doit s’inscrire dans un schéma énergétique plus large, réaffirmant la priorité accordée à la maîtrise de la consommation et au développement des énergies renouvelables.

Il nous faut donc travailler en parallèle sur des actions d’économies d’énergie. Je pense au déploiement de l’éco-prêt à taux zéro et de l’éco-prêt logement social pour la rénovation énergétique des logements, au déploiement de compteurs intelligents, permettant de mieux maîtriser les consommations d’électricité, au lancement de nouvelles filières de valorisation énergétique, qui pourraient prendre une part significative en Bretagne, à la méthanisation et au biogaz, et, à plus long terme, aux énergies marines.

Le Gouvernement a bien noté que les élus de Bretagne avaient pris des initiatives et avaient notamment organisé un ensemble de réunions de travail et d’auditions dans le but de construire un positionnement partagé. Cela servira de base à des échanges avec les services de l’État et de l’ADEME pour envisager de futurs partenariats.

En effet, c’est grâce à la mobilisation de tous que nous parviendrons à relever ce défi majeur pour la Bretagne.

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Je remercie Mme la secrétaire d'État des éléments de réponse qu’elle vient d’apporter. Ces avancées permettront aux élus territoriaux bretons qui travaillent sur ce sujet d’envisager de nouvelles pistes de travail.

Une étude de l’ADEME fait état de cinq solutions qui pourraient être appliquées immédiatement et qui permettraient d’éviter la construction d’une unité supplémentaire de production d’électricité. Cela supposerait toutefois l’installation d’une cogénération au gaz à hauteur de 60 000 mégawatts, pour garantir l’apport d’électricité dans les périodes de pointe.

Madame la secrétaire d'État, vous n’ignorez pas que la perspective d’une nouvelle unité de production suscite des réactions fortes dans les terroirs et dans l’opinion. C’est pourquoi les préconisations de l’ADEME nous paraissent pertinentes et méritent un examen approfondi.

fermeture du centre départemental de météo-france de vichy-charmeil

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 645, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Mme Mireille Schurch. Le 28 novembre 2008, le conseil d’administration de Météo-France a adopté un plan de réorganisation territoriale qui vise à diviser par deux le nombre de centres départementaux à l’horizon 2017. Madame la secrétaire d'État, vous avez parlé d’un resserrement progressif de l’organisation territoriale selon un calendrier très progressif.

Ce projet de réduction des unités de proximité entraîne déjà une diminution des effectifs. En effet, de nombreux centres départementaux perdent, dès cette année, des personnels au gré des vacances de postes. La diminution du nombre de techniciens qui animent les réseaux d’observateurs bénévoles et qui effectuent la maintenance des stations automatiques entraîne la disparition programmée d’autant de points de mesures.

Peut-on légitimement prétendre à une meilleure efficacité en réduisant le nombre de personnels censés effectuer le même travail sur un territoire trois fois plus grand ? Est-il pertinent, au moment où nous venons de décider, dans la loi portant engagement national pour l’environnement, de mettre en place des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie, de se priver de l’expertise des centres départementaux de Météo-France et des mesures fines du territoire qu’ils proposent ?

Madame la secrétaire d'État, pour justifier cette diminution drastique des moyens humains, vous avez avancé l’argument des évolutions techniques. Cela ne me paraît pas raisonnable. La modernisation technique, les moyens de plus en plus performants de transmission ne sont des facteurs de progrès que par la qualité scientifique des personnels qui les utilisent !

Ainsi, dans le département de l’Allier, dès 1974, ont été diffusés par téléphone les premiers bulletins locaux en direction des agriculteurs. Dès 1986, le centre départemental de Météo-France de Vichy-Charmeil s’est équipé pour le traitement statistique. Dès 1989, la première des stations automatiques de la grande région Centre-Est y a été installée.

Une part importante de l’activité économique de l’Allier est orientée vers l’élevage, la culture maraîchère et céréalière. Le département est donc demandeur d’informations météorologiques précises. En 1990, le centre départemental de Météo-France a produit, en coopération avec la chambre d’agriculture et le conseil général, l’un des premiers atlas agro-climatiques locaux. Le maillage territorial a été méthodiquement construit : actuellement, quarante-cinq postes tenus par des observateurs bénévoles viennent compléter les données transmises par dix-sept stations automatiques.

Avec le plan de réorganisation territoriale proposé par le Gouvernement, les deux tiers des points de mesures pourraient disparaître dans l’Allier.

Madame la secrétaire d'État, vous comprendrez les inquiétudes et les interrogations bien légitimes du personnel du centre départemental de Météo-France de Vichy-Charmeil et des élus de mon département.

Je souhaite savoir si le Gouvernement entend maintenir ce plan de réorganisation territoriale, qui me paraît incohérent au regard des priorités du Grenelle de l’environnement sur lesquelles la Haute Assemblée vient de s’accorder et de se prononcer. Si cette décision de suppression était maintenue, quelles seraient les conséquences en termes d’emplois, de délocalisation du personnel, de qualité de service, d’aménagement du territoire ? Quelles dispositions spécifiques seraient prévues pour les salariés des centres départementaux de Météo-France ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Madame la sénatrice, je ne reviendrai pas sur les modalités du plan de réorganisation territoriale de Météo-France qui doit s’achever à l’horizon 2017 ; je les ai déjà largement exposées. J’ai bien conscience des services que rendent actuellement les centres départementaux de Météo-France, notamment celui de Vichy-Charmeil. Aujourd'hui, l’objectif est d’optimiser les capacités d’accompagnement des missions de Météo-France tout en acceptant les évolutions nécessaires et attendues dans ce domaine et en s’adaptant aux normes européennes.

J’en viens aux conséquences sociales que cette réorganisation entraînera, notamment en termes de mobilité fonctionnelle et géographique des agents.

Désormais, chaque centre territorial de Météo-France assurera le suivi de trois départements. J’insiste sur le fait que les préfets et les services de l’État seront en contact régulier avec les élus et l’ensemble des équipes des centres départementaux de Météo-France concernés pour travailler collectivement en amont à la réorganisation des structures existantes. Il s’agit de conserver un service public de qualité, tourné vers l’avenir, tout en tenant compte de la situation individuelle de chaque salarié.

La réorganisation territoriale de Météo-France devra maintenir ce service d’intérêt général dans de bonnes conditions, quelles que soient les spécificités des départements. Cela suppose, certes, de le restructurer, mais surtout de l’optimiser. Dans cette perspective, il sera indispensable de prendre en considération la dimension humaine.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse.

Je ne suis pas convaincue qu’il faille systématiquement opposer service de proximité, mesure fine, technologie et recherche. Tous ces paramètres ont leur place et doivent pouvoir se conjuguer.

Les élus de l’Allier craignent que les mesures fines que le centre départemental de Vichy-Charmeil met à la disposition du département ne disparaissent pour être remplacées par des mesures plus approximatives. Voilà pour ce qui concerne l’aménagement du territoire. Enfin, les syndicats seront très attentifs aux propositions que vous formulerez à destination des personnels de ces établissements.

Madame la secrétaire d'État, nous regrettons une fois encore ces mesures de suppression des centres départementaux de Météo-France, alors que ceux-ci ont toute leur pertinence et assurent un service public utile.

pénurie d'enseignants de médecine générale

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 617, adressée à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Anne-Marie Escoffier. La reconnaissance en troisième cycle de la spécialité de médecine générale a été saluée tant par les professionnels que par les étudiants. La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », consacre cette notoriété nouvelle en inscrivant les missions du médecin généraliste en ses dispositions.

Pourtant, le manque de moyens financiers et humains reste problématique. Alors que plus de 6 000 étudiants s’orientent vers cette spécialité et que plus de 3 000 postes d’internes en médecine générale seront ouverts à l’examen national classant, le ratio entre étudiants et enseignants reste quinze fois inférieur à celui des autres spécialités et le budget consacré à cette discipline représente cent fois moins que celui qui est consenti pour les autres spécialités, quelles qu’elles soient.

Les enseignants et les étudiants ne cachent plus leur amertume face à l’implosion certaine et programmée de la médecine générale. Comment est-il possible que seuls 135 enseignants associés assurent les cours à plus de 6 000 étudiants répartis sur huit universités ? Comment se satisfaire de l’intégration de seulement dix professeurs associés au poste de professeur titulaire, de la nomination de huit maîtres de conférences et de huit maîtres de conférences associés, alors que la loi HPST préconise la nomination de vingt professeurs, de trente maîtres de conférences et de cinquante chefs de clinique universitaires par an ? Certes, le ministère vient de procéder à l’intégration de vingt-sept candidats enseignants reconnus aptes par le Conseil national des universités, le CNU. Mais qu’en sera-t-il des trente-huit candidats dont le dossier a été soumis à la Commission nationale d’intégration et qui pourraient utilement venir renforcer les rangs des enseignants ?

Il convient aujourd'hui de mettre en place des mesures urgentes pour faire face à la raréfaction des enseignants universitaires et assurer la présence de plus d’un professeur par université dans le cursus de médecine générale. Quelles dispositions seront prises ? Sur le moyen et le long terme, quels sont les engagements que le Gouvernement envisage de prendre pour que soit appliquée la loi HPST, qui prévoit un numerus clausus d’effectifs à nommer chaque année ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la sénatrice, c’est avec enthousiasme que le Gouvernement a accueilli l’initiative de votre ancien collègue, Francis Giraud, visant à créer une filière universitaire de médecine générale.

Mme Pécresse, qui aurait souhaité répondre personnellement à votre question orale, mais qui accompagne ce matin le Président de la République, a soutenu cette proposition de loi relative aux personnels enseignants de médecine générale tout au long de son parcours parlementaire, veillant en particulier à ce que, une fois voté par votre assemblée, ce texte puisse être examiné au plus vite par l’Assemblée nationale. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. C’est ensuite avec la même célérité que, en liaison avec la ministre de la santé et des sports, Mme Roselyne Bachelot, fut publié le décret statutaire nécessaire à l’application de la loi.

Sept mois se seront donc écoulés entre le dépôt de la proposition de loi sur le bureau de votre assemblée et la publication du décret d'application. C’est bien la preuve d’une motivation forte !

Cette reconnaissance statutaire, qui était attendue depuis de nombreuses années, se double d’un effort sans précédent en moyens humains.

Depuis 2007, quatre-vingt-treize postes ont été créés. Dans ces conditions, il n’existe aucune difficulté à se conformer aux dispositions de l’article 47 de la loi HPST. Les postes prévus seront ouverts : vingt postes de professeurs, trente postes de maîtres de conférences et cinquante postes de chefs de clinique.

Nous ne pouvons préciser à ce stade comment ces postes seront pourvus. Tout dépendra du nombre de candidats disposant des qualités requises pour postuler et être inscrits sur la liste d’admission du CNU. Là est la véritable question. Il ne faut pas sacrifier la qualité des recrutements à une politique d’annonce.

C’est à une gestion pluriannuelle et raisonnée des emplois que nous nous attachons avant tout aujourd'hui. Comme vous le soulignez à juste titre, madame la sénatrice, notre priorité est la qualité de l’enseignement supérieur.

C’est pourquoi l’accent est mis sur le recrutement des chefs de clinique : quarante-sept chefs de clinique ont été recrutés depuis 2007. Ils constitueront le vivier dans lequel seront recrutés les futurs maîtres de conférences et professeurs titulaires.

Trois voies existent, en effet, pour « alimenter » cette nouvelle filière.

La première est celle du recrutement des associés : cette voie a vocation à s’éteindre progressivement du fait du nouveau statut. Elle sera néanmoins maintenue pour assurer les formations tant que le vivier des titulaires n’est pas constitué. Pour cette seule rentrée, douze maîtres de conférences associés sont élevés au rang de professeurs associés et, conformément aux propositions du CNU, les vingt-sept candidats aux postes de maîtres de conférences associés ont tous été recrutés, soit trois fois plus que les années précédentes et plus que le nombre d’associés pour l’ensemble des sections médicales du CNU.

La deuxième voie pour faire vivre cette nouvelle filière de médecine générale est l’intégration dans le corps. Elle a commencé dès cette année avec l’intégration de dix professeurs associés devenus, véritable révolution dans le monde de la médecine universitaire, les premiers professeurs titulaires de médecine générale.

Enfin, la troisième voie, amenée à devenir la voie « classique », est, naturellement, celle du concours. Tous les verrous réglementaires ayant été levés, il sera organisé pour la première fois cette année universitaire, au printemps, comme pour toutes les autres disciplines médicales.

Je peux vous assurer que les doyens de médecine sont satisfaits de la politique ainsi mise en œuvre, dans un contexte pourtant difficile de non-création d’emplois et de vivier de candidats incertain.

Oui, je l’affirme, madame la sénatrice, la filière de médecine générale, dernière née dans l’université, constitue une priorité pour le Gouvernement. Et ce n’est pas un vain mot ; il correspond de plus en plus à la réalité !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse et des éléments d’information que vous nous avez apportés qui nous rassurent pour partie.

Je veux cependant insister sur la vive inquiétude tant des étudiants que des médecins eux-mêmes concernant cette filière de médecine générale. Nos départements connaissent encore aujourd'hui une pénurie dramatique de médecins de médecine générale et nous comptons beaucoup sur ces nouvelles filières pour venir nourrir nos territoires ruraux. (Mme Marie-Thérèse Hermange approuve.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous informer que l’état de santé de M. Francis Giraud, qui a siégé longtemps au sein de cette assemblée, n’est pas bon, et nous le regrettons profondément.

deuxième plan maladies rares

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 499, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le secrétaire d’État, j’avais déjà interpellé Mme la ministre de la santé et des sports, en 2008, sur le problème des maladies rares qui touchent 4 millions de personnes en France.

La journée des maladies rares, qui a eu lieu le 28 février 2009, a mis en évidence, en s’appuyant sur des études européennes qui ont fait l’objet d’une publication, la mauvaise adaptation des systèmes de santé européens en matière de prise en charge des maladies complexes et mal connues.

Selon ces études, 40 % des patients ont eu à subir les conséquences d’un premier diagnostic erroné et 25 % d’entre eux ont dû patienter entre cinq et trente ans pour que leur maladie soit diagnostiquée correctement. En outre, 18 % des diagnostics résultent d’une suggestion des patients eux-mêmes. Autre élément grave, dans 25 % des cas, la nature génétique de la maladie n’est pas communiquée aux patients, et ce à l’heure du tout génétique.  

Enfin, les études montrent que, une fois le diagnostic posé, les patients interrogés ont consulté au moins neuf services relevant de spécialités différentes avant d’arriver au service approprié, ce qui engendre des conséquences, bien évidemment pour les patients, mais aussi pour les parents si le malade est un enfant, ainsi que pour la sécurité sociale.

À l’échelon national, il existe, il faut le reconnaître, un plan des maladies rares, qui témoigne d’une prise de conscience des enjeux liés à ces maladies, plan que le Sénat met d’ailleurs à l’honneur chaque année, dans le jardin du Luxembourg, lors d’une manifestation émouvante, en présence de Mme Bachelot, ainsi que de l’ensemble des associations et de nombreux enfants.

Pour autant, les associations insistent beaucoup sur l’errance du diagnostic, les difficultés de prise en charge des soins, l’accès restreint aux médicaments.

L’élaboration du deuxième plan national comporte sept axes, qui visent l’observation, la prise en charge financière dans de meilleures conditions, l’information et la formation, l’organisation du diagnostic, le médicament, la recherche, la coopération européenne internationale.

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les mesures qui sont prises pour mieux connaître l’épidémiologie des maladies rares et reconnaître leur spécificité, par exemple, dans le cadre de la tarification à l’activité, la TAA ?

Par ailleurs, quelle sera la feuille de route du Plan des maladies rares pour renforcer l’action des centres de référence ? Ces derniers seront-ils situés exclusivement dans les grandes villes pourvues de centres hospitaliers universitaires ? Une attention sera-t-elle portée au problème du manque de reconnaissance de l’expertise de ces centres de référence, notamment auprès des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, de l’éducation nationale, des médecins conseillers des caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, et au fait que certaines maladies rares ne sont pas couvertes par la sécurité sociale ?

En outre, quelle évaluation concrète sera faite de la bonne mise en place des protocoles nationaux de diagnostics et de soins ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame Hermange, je vous réponds à la demande de Mme Roselyne Bachelot-Narquin.

Le premier Plan national maladies rares 2005-2008 a témoigné, comme vous le soulignez, d’une prise de conscience des enjeux spécifiques liés aux maladies rares. Par-delà cette prise de conscience, le plan a permis d’obtenir de véritables améliorations dans la prise en charge des personnes atteintes de maladies rares, comme l’a indiqué le rapport d’évaluation du Haut conseil de la santé publique.

C’est dans cet esprit que le professeur Gil Tchernia a reçu la mission de piloter l’élaboration et le suivi du deuxième Plan national maladies rares.

Cette élaboration a débuté en mai 2009 par la réunion du comité de suivi du premier plan. Elle se poursuit actuellement au sein de groupes de travail, en étroite concertation avec les associations de malades et les professionnels concernés, autour de sept axes de travail.

Certains de ces axes devraient permettre de prendre en compte vos préoccupations.

L’épidémiologie et l’évaluation devront être renforcées. Ce renforcement s’appuiera sur la diffusion de logiciels de saisie et d’exploitation des données, spécialement conçus pour les maladies rares.

L’axe concernant la prise en charge financière et les remboursements a pour objectif de garantir l’égalité des droits aux remboursements sur l’ensemble du territoire, en s’appuyant notamment sur l’expérience de la cellule nationale sur les maladies rares mise en place à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS.

C’est dans ce groupe de travail que sont abordés les protocoles nationaux de diagnostics et de soins dans la mesure où ils conditionnent ces droits à remboursement.

La simplification de leurs modalités d’élaboration et les modalités de contrôle de leur bonne mise en œuvre y sont discutées.

Pour l’information et la formation, la question clef est la suivante : comment s’assurer de la bonne connaissance des dispositifs et structures spécifiques de prise en charge auprès de l’ensemble des professionnels de santé, des familles et du grand public ? C’est à la réponse à cette question que s’attache le groupe de travail traitant de cette thématique.

Le diagnostic, les soins et les prises en charge médicale et sociale ont conduit à réfléchir aux interfaces à construire entre les centres de référence et l’ensemble des acteurs du parcours de soins.

La question de la reconnaissance de l’expertise des centres de référence et de la spécificité des maladies rares par les institutions qui jalonnent le parcours de vie des malades, qu’il s’agisse de l’école, du monde du travail, du secteur social avec les MDPH, est également abordée par ce groupe.

Cette feuille de route est volontairement ouverte afin de permettre la concertation la plus large possible et l’adoption, fin 2009, d’un second plan national maladies rares 2010-2014 opérationnel et que l’ensemble des acteurs se seront approprié, plus nettement encore qu’au cours de la période précédente.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je me félicite, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement soit attentif à la mise en place du deuxième plan national maladies rares.

Je veux insister sur le fait que les plans ne sont pas seulement des logiciels et des normes et que, derrière les maladies avec leurs spécificités, il y a des hommes qu’il faut prendre en considération.

Permettez-moi, monsieur le président, de remercier, par votre intermédiaire, le Président du Sénat pour son action dans ce domaine. Il est important, en effet, que le Sénat continue à se mobiliser et à accueillir chaque année ces manifestations qui témoignent de l’intérêt qu’il porte, lui aussi, à ces malades.

situation de la maison d'arrêt d'aurillac

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, en remplacement de M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 614, adressée à M. le secrétaire d'État à la justice.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Jacques Mézard, dont le vol a été retardé.

Mon collègue souhaitait attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur la situation de la maison d’arrêt d’Aurillac.

Il y a en moyenne entre cinquante et soixante-cinq détenus à la maison d’arrêt d’Aurillac, pour une capacité d’accueil supérieure à soixante-dix détenus, mais seuls deux gardiens ont la charge d’assurer la relève de nuit, et ce depuis des années.

Or le fonctionnement de nuit avec deux gardiens ne correspond pas aux exigences réglementaires concernant les maisons d’arrêt à petit effectif.

Comme le souligne la circulaire du 4 septembre 2008 de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, « la présence de trois agents en service de nuit est indispensable : un agent portier, un agent rondier et un agent de piquet ». Quant au protocole d’accord du 11 mai 2009, il dispose en son 3° que « les plus petits établissements, dans lesquels le service de nuit n’est assuré que par trois surveillants depuis 1995, seront progressivement renforcés afin que le service de nuit soit assuré par quatre agents ».

Au nombre insuffisant et non réglementaire de gardiens assurant la relève de nuit, s’ajoutent aujourd’hui une insuffisance d’effectifs ainsi que la question des travaux nécessaires à la mise aux normes de la porte d’entrée de la maison d’arrêt, travaux qui n’ont toujours pas été réalisés à ce jour.

Cette situation pose très clairement de réels problèmes de sécurité, notamment en cas de bagarres, d’agressions sexuelles, de mises à feu, de tentatives de suicide, mais aussi de santé ; en outre, elle facilite l’entrée de produits stupéfiants devenue chronique.

Ainsi, compte tenu de l’urgence de la situation et des dangers réels en termes de sécurité et de santé des détenus et des gardiens de la maison d’arrêt d’Aurillac, M. Mézard vous demande de bien vouloir lui indiquer quand les moyens humains et matériels nécessaires seront mis en œuvre afin de remédier à la situation et de respecter la réglementation et les engagements pris.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir bien voulu poser la question de votre collègue Jacques Mézard.

Comme vous l’avez rappelé, la maison d’arrêt d’Aurillac dispose d’une capacité de soixante-douze places théoriques, cinquante-huit personnes y étant détenues actuellement. Ce n’est pas une prison surpeuplée, contrairement à d’autres établissements.

Elle est dotée d’un organigramme de référence de dix-neuf surveillants, quatre premiers surveillants, deux officiers, soit un total de vingt-cinq agents. L’effectif réel se compose aujourd’hui de vingt surveillants, cinq premiers surveillants et deux officiers, soit vingt-sept agents, c'est-à-dire un taux de couverture supérieur à ce qui est normalement prévu.

Dans le prolongement de la signature du protocole d’accord du 11 mai dernier signé avec les organisations professionnelles, l’effectif du service de nuit sera renforcé passant de trois à quatre agents et, à cette fin, trois surveillants seront affectés à l’établissement à l’occasion des prochaines opérations de mobilité. Une régularisation est donc en cours.

Par ailleurs, un audit des effectifs et de l’organisation des services sera conduit dans les prochains jours par les services spécialisés de la direction de l’administration pénitentiaire, afin de déterminer les causes de la situation actuelle et d’éviter à l’avenir ce type de dysfonctionnements, mineurs certes, mais qu’il importe de prendre au sérieux d’emblée.

L’aménagement de la porte d’entrée a nécessité un diagnostic qui a permis d’estimer les travaux à 650 000 euros.

L’établissement fait également l’objet de travaux d’entretien de maintenance au titre des crédits de fonctionnement déconcentrés, et des travaux de mise en conformité électrique sont actuellement en cours de réalisation. Les frais correspondant à l’aménagement de la porte seront budgétés prochainement. L’administration pénitentiaire, la chancellerie et moi-même suivrons naturellement ce dossier de près.

J’espère, madame la sénatrice, avoir répondu à la question de la manière la plus précise possible.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de toutes les informations que vous m’avez communiquées et que je transmettrai fidèlement à M. Jacques Mézard.

Je vous remercie d’avoir précisé le rapport entre effectifs réels et effectifs théoriques, mais aussi de nous avoir rassurés sur le service de nuit, en annonçant l’arrivée de deux agents supplémentaires, ainsi que sur les travaux qui vont être entrepris, notamment sur la porte d’entrée.

Vous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que les crédits pour cette opération seraient budgétés prochainement. On peut donc espérer que cela sera fait dans le budget 2010 et vous en remercier par avance !

tabagisme et grossesse

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 594, adressée à Mme la ministre de la santé et des sports.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais attirer votre attention sur les effets néfastes du tabagisme pendant la grossesse. Je sais que vous relaierez de façon efficace ma préoccupation auprès de Mme Roselyne Bachelot-Narquin et vous en remercie.

Malgré la mesure n° 10 préconisée par le Plan Cancer 2003-2007 et le soutien par le ministère de la santé et des sports de la charte « maternité sans tabac », signée par 356 des 580 maternités – soit 60 % –, aujourd’hui un enfant sur cinq est encore exposé in utero au tabagisme de sa mère.

D’après le récent rapport européen sur la santé périnatale de 2008, la France est le pays ayant la plus grande proportion de fumeuses parmi les femmes enceintes : 22 % au troisième trimestre de la grossesse, contre 6 % en Suède, tandis que la proportion pendant toute la grossesse est de 17 % au Royaume-Uni et de 11 % en Allemagne.

Je tiens à souligner que l’exposition au tabac in utero augmente le risque d’avortement spontané, de grossesse extra-utérine, d’accouchement prématuré et d’hypotrophie. En outre, le tabagisme des parents augmente les risques de mort subite du nourrisson et d’infection broncho-pulmonaire.

La France est le pays d’Europe dans lequel la mortalité fœtale est la plus élevée – 9 pour 1000 –, supérieure d’un tiers à celle qui est observée en Russie et trois fois plus importante qu’en Suède et en Finlande.

La proportion de nouveau-nés de moins de 1 kilogramme a été multipliée par trois depuis 1990. Or un poids faible est souvent associé à des séquelles nerveuses et intellectuelles sérieuses.

La France est également le pays européen dans lequel la proportion de nouveau-nés avec un poids compris entre 1,5 kilogramme et 2,5 kilogrammes est la plus élevée. Elle est par exemple supérieure de 83 % à celle qui est observée en Suède.

Ces constatations illustrent la gravité de la situation actuelle sur le plan sanitaire, social et financier, et ce malgré les améliorations récentes. En effet, d’après le baromètre santé de l’INPES, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, la proportion de fumeuses parmi les femmes enceintes est passée de 28 % à 20 % entre 2000 et 2004. Mais il semble que ces chiffres sont vraisemblablement sous-estimés, car ils se fondent sur les déclarations des femmes enceintes. Or celles-ci manquent de fiabilité, comme l’ont montré les dosages du monoxyde de carbone dans l’air exhalé par les patientes.

Dans ce contexte, il serait judicieux, comme le préconise le rapport Tubiana, qu’à chaque visite prénatale les maternités effectuent un dosage du monoxyde de carbone contenu dans l’air expiré par la femme enceinte et, si possible, par son conjoint.

Si ce dosage est élevé, la femme enceinte doit être envoyée à une consultation d’arrêt du tabac. La sécurité sociale pourrait prendre en charge les substituts nicotiniques pendant la grossesse et pendant l’allaitement.

Il est également nécessaire d’organiser une éducation parentale dans les maternités, qui passerait notamment par la distribution de documents standards et, si besoin est, par un suivi personnalisé.

Par ailleurs, la réalisation d’un rapport annuel sur la mise en œuvre de ces recommandations est indispensable, afin de vérifier que les moyens engagés sont adéquats, et de suivre les résultats.

De même, la notation des établissements hospitaliers devrait prendre en compte le respect de la charte « maternité sans tabac » dans les établissements, ainsi que les résultats obtenus. En plus de la responsabilité personnelle des chefs de service, celle des directeurs d’établissement et des présidents de commission médicale d’établissement, ou CME, doit être engagée pour ce qui est du fonctionnement des maternités.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande de bien vouloir me faire part de l’avis du Gouvernement sur ces propositions du rapport Tubiana, ainsi que des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation actuelle.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. C’est bien volontiers, madame Payet, que je réponds à votre question, à la demande de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, qui n’a pu, à son grand regret, être présente ce matin pour le faire en personne.

Vous avez raison d’attirer notre attention, et plus particulièrement celle de Mme la ministre de la santé et des sports, sur les effets néfastes du tabagisme pendant la grossesse, qui sont connus et n’ont plus besoin d’être démontrés.

Ce problème concernait en 2005, date du dernier baromètre santé, encore 18 % des femmes enceintes, notamment celles qui étaient âgées de vingt-six à trente-cinq ans.

Il est vrai que, ces dernières années, comme vous l’avez rappelé, les pouvoirs publics et les associations ont mis en œuvre un plan de lutte soutenu avec successivement, depuis 2004, une conférence de consensus sur le thème « grossesse et tabac », une campagne « grossesse et santé », l’autorisation donnée de prescrire en seconde intention des substituts nicotiniques et la création d’un nouveau carnet de maternité.

Par ailleurs, le déploiement du dispositif « maternité sans tabac », qui existe depuis 2004 sur la base du volontariat, doit être encouragé. L’ensemble de ces actions a conduit à une réduction de 26 % de la proportion de femmes fumant pendant leur grossesse, ce qui me paraît démontrer l’efficacité de la démarche engagée.

Je ne suis pas sûr que le fait de vouloir mettre en jeu la responsabilité des directeurs d’établissements ou celle des présidents de CME constitue forcément le meilleur moyen de motiver les différents acteurs, étant donné les difficultés auxquelles on est parfois confronté pour faire passer ce message.

Pour autant, vous avez raison de dire que, au regard de l’objectif d’une grossesse sans tabac, nous devons assurément aller encore plus loin.

C’est un objectif de santé publique et la question de la prise en charge des traitements de l’arrêt du tabac, au-delà du forfait proposé par l’assurance maladie, va être abordée dans le cadre du prochain plan cancer.

L’amélioration de cette prise en charge nécessite un effort de recherche, afin d’évaluer notamment l’intérêt d’utiliser la mesure du monoxyde de carbone expiré pour établir un diagnostic, ou encore l’efficacité du recours aux substituts nicotiniques. Dans ce dernier cas, d’ailleurs, un essai clinique financé par le ministère de la santé et des sports est en cours.

Enfin, les recommandations issues de l’évaluation du plan périnatalité apporteront également de nouvelles pistes pour renforcer la lutte contre le tabagisme des femmes enceintes.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse, que je transmettrai bien évidemment aux professionnels de santé et qui est de nature à calmer leurs inquiétudes.

Je tiens à préciser que l’action dans ce domaine est vraiment nécessaire. En effet, si 60  % des maternités ont signé la charte « maternité sans tabac », seuls 15  % – soit une centaine d’établissements – intègrent la mesure du monoxyde de carbone expiré et moins de 10 % appliquent des traitements efficaces.

amélioration de la couverture en téléphonie mobile de tous les territoires

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 627, adressée à M. le ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

M. Jean Boyer. Avant d’aborder mon propos, je tiens à profiter de cette occasion pour vous assurer, monsieur le ministre, de ma fidèle considération.

Je souhaite, avec une certaine insistance, attirer votre attention sur les difficultés persistantes en matière de couverture en téléphonie mobile.

Certes, des avancées significatives, en partenariat avec l’État, les opérateurs et les départements qui ont bien voulu en accepter la maîtrise d’ouvrage, ont été engagées d’une manière exceptionnelle, avec la multiplication des projets destinés à la mise en place de relais de transmission dans les zones blanches.

Oui, nous pouvons le reconnaître : sans l’initiative du Gouvernement, sans la conclusion d’un accord entre les trois opérateurs présents sur le marché et sans le concours des collectivités locales, qui n’a pas été négligeable – en particulier de la part des départements –, le désenclavement dans le domaine de la téléphonie mobile n’aurait pu avoir lieu.

Cependant, l’inquiétude va grandissant en ce qui concerne les zones grises où, pour l’instant, comme vous le savez, un seul opérateur intervient. N’étant plus de ce fait prioritaires, ces zones deviennent aujourd’hui sur la carte de France de véritables zones d’ombre à l’accessibilité limitée.

Dorénavant, les zones blanches d’hier sont devenues –  et c’est tant mieux – compétitives, car elles sont desservies par un site de téléphonie mutualisée ou fonctionnant en itinérance. On peut dire : bravo !

Mais les zones grises n’ont, quant à elles, pas évolué ; elles continuent à souffrir d’une disparité car elles ne bénéficient que de la couverture d’un opérateur.

À l’image du haut débit, la téléphonie mobile participe au développement économique, mais également à l’attractivité des territoires, quels qu’ils soient.

Sans une bonne couverture assurée par tous les opérateurs, des pans entiers de nos espaces, et particulièrement les plus fragiles – telles les zones de montagne –, risquent de subir une nouvelle fois les conséquences de nombreux handicaps qui se cumulent.

Quelles mesures, monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il prendre pour que les zones grises puissent bénéficier de la même couverture à partir d’un seul pylône, ce qui éviterait ainsi de démultiplier les équipements et favoriserait l’accessibilité de tous les usagers à cette nouvelle technologie ?

Le Gouvernement – et c’est là, je crois, la question fondamentale – ne pourrait-il pas contraindre les opérateurs à fonctionner partout en itinérance, c’est-à-dire à faire en sorte que l’on contraigne chaque opérateur, lorsqu’il est seul, à acheminer les communications des deux autres ?

Nous savons tous que la technologie le permet. Il ne faudrait pas que, demain, les zones grises d’aujourd’hui deviennent des zones pratiquement blanches.

Monsieur le ministre, qu’en est-il exactement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur Boyer, comme vous l’avez rappelé, un programme gouvernemental, fondé sur une coopération entre l’État, les collectivités et les opérateurs, a été lancé en 2003 pour apporter la téléphonie mobile dans les centres-bourgs de communes identifiées, lors d’un recensement conduit la même année, comme privées de tout service mobile.

Les communes éligibles ont été recensées dans le cadre d’une procédure de mesure sur le terrain réalisée conjointement par les opérateurs, les services de l’État et les collectivités locales. Ce programme national portait sur près de 3 000 communes. En 2008, un nouveau recensement a été fait et trois cent soixante-quatre nouvelles communes se sont ajoutées aux premières ; la couverture doit être réalisée dans ces communes d’ici à 2011. Il s’agit là des communes dites en zone blanche.

Les communes dites en zone grise, dans lesquelles au moins un des opérateurs mobiles fournit un service, n’étaient pas concernées par ce plan. Le Gouvernement a bien entendu considéré que cette situation n’était pas satisfaisante et a souhaité que la couverture mobile soit améliorée à l’occasion du déploiement des services de téléphonie mobile de troisième génération.

Un certain nombre de dispositions ont ainsi été incluses dans la loi de modernisation de l’économie votée par le Parlement en juillet 2008.

Un bilan précis de la couverture de chaque opérateur mobile de deuxième génération a été effectué à l’été 2009 par l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

Ce bilan comprend notamment un atlas présentant, département par département – y compris pour les départements et collectivités d’outre-mer –, les cartes de couverture de chaque opérateur, ainsi que les cartes des zones blanches, grises et noires. Je rappelle que dans ces dernières tous les opérateurs sont présents.

Le bilan montre qu’en métropole environ 99,82 % de la population est couverte par au moins un opérateur mobile, ce qui signifie que 100 000  habitants sont privés de toute couverture à l’heure actuelle. Dans le même temps, 97,8 % de la population est couverte par les trois opérateurs mobiles et 2 % résident dans des zones grises. Les trois quarts de ces zones grises sont couvertes par deux opérateurs et un quart par un seul.

Ce rapport sera complété par un bilan de la couverture mobile de troisième génération, qui sera publié à la fin de cette année par l’ARCEP.

Par ailleurs, à l’issue d’une consultation publique lancée fin 2008, l’ARCEP a demandé le 14 avril 2009 aux opérateurs de conclure un accord-cadre avant le terme de l’année 2009 concernant le partage de leurs infrastructures de troisième génération.

En effet, c’est bien dans la mutualisation des infrastructures entre tous les opérateurs, notamment pour les zones grises et les zones blanches, que réside la solution.

Cette mutualisation sera rendue obligatoire dans les territoires pour lesquels la couverture de la population est assurée à plus de 95 % et dans les communes concernées par le programme de couverture des zones blanches. L'ensemble de la population sera donc concerné. Cette démarche va aussi permettre de réduire le nombre de points hauts nécessaires à la couverture mobile, ce qui va dans le sens de la préservation des paysages.

Par ailleurs, l’attribution par l’ARCEP dans les prochains mois de nouvelles fréquences hertziennes issues du « dividende numérique » aux opérateurs doit permettre d’améliorer la qualité de la couverture des communes rurales en téléphonie mobile de troisième génération.

Monsieur le sénateur, voilà, me semble-t-il, un ensemble de mesures rationnelles et efficaces, de nature à répondre aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens.

J’ai rencontré hier soir le président de France Télécom ; il m’a indiqué que nombre de projets d’infrastructures sont en panne en raison d’oppositions locales au déploiement des pylônes. Certains manifestants se seraient même plaints d’avoir eu des boutons juste après l’installation de pylônes à côté de chez eux, alors que ceux-ci n’avaient pas encore été raccordés !

J’ai donc demandé au président de France Télécom de me fournir la liste des infrastructures prêtes à être réalisées dans chaque département. Je vous les communiquerai pour que vous et vos collègues alliez convaincre les futurs bénéficiaires qu’il est très difficile de disposer d’un réseau de téléphonie mobile sans les pylônes qui vont avec !

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, sans verser ni dans la réponse de Normand – comment cela aurait-il été possible, d’ailleurs, puisque vous êtes Rhône-alpin ! (Sourires.) –, ni dans la langue de bois, votre propos très constructif, qui va dans le sens des souhaits du monde rural, m’a particulièrement plu. Je regrette, comme vous, le manque de civisme qui se manifeste parfois sur le plan local. En tout cas, je tiens à vous remercier de la qualité et de la richesse de votre réponse. (M. Jean Arthuis applaudit.)

M. le président. Monsieur le ministre, nous nous associons aux compliments de notre collègue Jean Boyer.

difficultés d'application de l'article l. 111-3 du code rural

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, auteur de la question n° 602, adressée à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, ma question s’adresse à M. Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Le 15 avril 2008, j’interrogeais son prédécesseur, M. Michel Barnier, sur les critères d’urbanisme applicables dans le périmètre de bâtiments d’élevage.

Cette règle, qui figure à l’article L. 111-3 du code rural, énonce un principe général de réciprocité et impose qu’une distance d’éloignement de 100 mètres soit respectée entre les bâtiments à usage agricole et toute nouvelle construction ou à l’occasion de tout changement de destination de construction à usage non agricole nécessitant un permis de construire. Ce principe est fondé sur la législation des installations classées pour la protection de l’environnement.

Malgré les dérogations qui lui ont été apportées, l’application de cet article soulève un grand nombre de difficultés dans les communes rurales et les communes à forte pression démographique, et s’avère source de nombreux conflits et litiges entre nouveaux voisins.

J’avais alors demandé à M. Barnier s’il lui était possible de revoir cette question, pour assurer l’accueil de nouveaux arrivants dans nos villages, pour préserver le maintien des agriculteurs dans nos campagnes et pour favoriser l’installation des jeunes. Attentif à ces problèmes, il a désigné, comme il l’avait annoncé dans sa réponse, une inspection générale qu’il a confiée dès le mois d’avril 2008 au conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux, en y associant le conseil général de l’environnement et du développement durable.

Après un travail approfondi, la mission a remis son rapport au ministre de l’agriculture et avancé trois recommandations : la suppression, en la matière, de l’« ardu » code rural au profit du code de l’urbanisme ; la refonte de l’article et le renvoi à un décret d’application pour les dérogations ; l’élaboration d’une circulaire interministérielle s’appuyant sur une cartographie de la localisation des exploitations. Or leur mise en œuvre éventuelle demandera beaucoup de temps, beaucoup trop de temps pour les projets actuellement en gestation ou à l’étude dans nos zones rurales.

Cela étant, la rédaction du dernier alinéa de l’article L. 111-3 du code rural nous offre un outil non négligeable puisque les parties concernées y sont autorisées à déroger à la règle des 100 mètres par la création d’une servitude.

Ce type de dérogation, largement utilisé dans l’un de nos départements, reste toutefois trop modestement appliqué ailleurs, du fait, peut-être, que cette servitude ne concerne que les changements de destination ou l’extension de bâtiments agricoles existants, ce qui exclut les constructions neuves. L’article introduit pourtant une souplesse appréciable tout en ayant le mérite d’ouvrir le dialogue entre les parties prenantes.

Dans mon département – disant cela, je sais que je me fais l’écho des préoccupations de nombre de mes collègues dans les leurs –, une réponse rapide doit être apportée à l’attente des fonctionnaires, des chambres d’agriculture, des maires, des propriétaires ruraux et des nouveaux arrivants, qui se heurtent à l’application de la règle.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, à l’heure où nous travaillons sur le Grenelle de l’environnement et cherchons, en particulier, à lutter contre le mitage des territoires ruraux, s’il vous est possible, compte tenu des normes et conditions d’hygiène actuellement imposées aux bâtiments agricoles, de compléter rapidement la rédaction de l’article L. 111-3 du code rural, pour faire en sorte que les servitudes permettant de déroger aux règles d’éloignement fassent partie des pièces prioritaires composant une demande de permis de construire. Nous éviterions ainsi bien des querelles de voisinage.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur Martin, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, qui n’a pu être présent ce matin. Pour être honnête, la réponse que je vais vous apporter en son nom apparaît quelque peu théorique par rapport à la suggestion que vous venez de faire. Celle-ci mérite en effet d’être étudiée rapidement, tant la création de servitudes est peut-être la meilleure façon de sortir de l’impasse actuelle.

Vous l’avez très largement rappelé, les règles d’urbanisme applicables à proximité des bâtiments d’élevage posent un certain nombre de problèmes au regard de l’objectif affiché de préserver les activités agricoles tout en permettant l’installation dans ces zones rurales de nouveaux habitants, qu’ils soient ou non exploitants. Je rappelle que c’est dans ces zones que la population croît le plus vite dans notre pays.

Si les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural imposant les mêmes règles de distance pour la construction d’habitations liées ou non à l’exploitation ont justement pour objet de permettre une cohabitation entre ruraux historiques et nouveaux ruraux dans les meilleures conditions, force est de constater qu’elles sont bien difficiles à mettre en œuvre. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle elles ont été modifiées par l’article 79 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux et par l’article 19 de la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006, ce qui a permis aux communes d’assouplir le principe en édictant des règles d’éloignement spécifiques.

L’application de la règle de réciprocité reste néanmoins très complexe et soulève de nombreux problèmes. Vous l’avez rappelé, M. Barnier avait confié au conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux une mission d’évaluation.

En outre, les règles d’éloignement en la matière font l’objet de nombreuses dispositions législatives et réglementaires figurant dans divers codes. Leur gestion relève de plusieurs compétences ministérielles et leur application, au niveau local, de différents services départementaux et des mairies.

Face à ces difficultés réelles, l’inspection générale a proposé trois niveaux de recommandations. Vous les avez rappelés, je n’y reviens donc pas. Muni de ces éléments, le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche poursuit son travail d’analyse et n’a encore pris aucune décision concernant la suite à leur donner.

Monsieur Martin, à mon sens, la suggestion que vous venez de faire d’avoir recours à la servitude, technique très ancienne du code civil, peut naturellement être versée au dossier puisqu’il est encore temps. Je la transmettrai donc à M. Le Maire, qui, j’en suis certain, ne manquera pas de vous tenir informé des développements de ce dossier et, notamment, du devenir de votre proposition.

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir précisé que ma suggestion méritait d’être prise en compte assez rapidement, tant il est vrai que la règle de réciprocité pose problème en la matière.

Mon département compte 560 000 habitants, mais comprend 782 communes, donc beaucoup de petites communes rurales dans lesquelles il devient impossible de construire, car les agriculteurs, soucieux de se protéger, s’appuient sur la règle des 100 mètres. Soyons sérieux : personne ne peut prétendre, en toute logique, que les mouches et les odeurs d’un élevage s’arrêtent à cette limite !

M. Michel Mercier, ministre. C’est sûr !

M. Pierre Martin. La création de servitudes permettrait de faciliter les rencontres et de recréer une certaine convivialité, élément essentiel de la vie de nos villages. À la campagne, il doit tout de même être possible de vivre en toute tranquillité, sans créer trop de préjudices à ses voisins !

baisse significative du niveau des élèves de cm2 entre 1987 et 2007

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 458, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je pourrais m’associer aux deux questions précédentes, qui ont mis en lumière certaines difficultés que connaît, au quotidien, le monde rural. J’ai d’ailleurs pu apprécier dans vos réponses votre finesse politique et votre bon sens, et j’ose espérer que vous suivrez la même voie pour la question que je m’apprête à vous poser !

« Les performances des élèves de CM2 en lecture, calcul et orthographe ont baissé de manière significative entre 1987 et 2007. » Cette affirmation, sans appel, émane non pas d’un homme politique désireux de marquer son hostilité à l’égard de notre système éducatif, mais de la très officielle direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale, dans une note publiée à la fin du mois de janvier dernier.

S’agissant de la lecture, deux fois plus d’élèves, soit 21 %, se situent en 2007 au niveau de compétence des 10 % d’élèves les plus faibles en 1987. De plus, les élèves ont tendance à s’abstenir de répondre aux questions exigeant un effort de rédaction.

En calcul, l’étude réalisée note une baisse importante du niveau des élèves entre 1987 et 1999, mais une baisse plus légère entre 1999 et 2007, ce qui est peut-être dû à la remise à l’ordre du jour du calcul mental et des techniques opératoires dans les programmes à compter de 2002.

En orthographe, la même dictée proposée aux élèves en 1987 et 2007 a donné des résultats vraiment très préoccupants : 46 % des élèves font plus de quinze erreurs en 2007, contre 26 % en 1987. Nul doute que le développement exponentiel des SMS et de leur orthographe si singulière ne va certainement pas améliorer cette situation, et je frémis d’avance en pensant aux résultats d’un test similaire qui serait réalisé dans vingt ans !

Au courant du mois de janvier dernier, les élèves de CM2 ont été soumis à un nouveau test de connaissances. Si les résultats publiés par l’éducation nationale semblent plus encourageants, il ne s’agit en réalité que d’un artifice de présentation : à y regarder de plus près, ils sont toujours aussi mauvais !

En premier lieu, plus des deux tiers des questions posées aux élèves de CM2 en français et en maths étaient du niveau du CM1 et du CE2.

En second lieu, l’addition des élèves ayant des acquis insuffisants à ceux qui sont dotés d’acquis fragiles, sans que l’on sache véritablement quelle est la différence entre les deux, fait apparaître que la proportion d’élèves de CM2 qui entreront en classe de sixième sans en avoir le niveau est toujours aussi préoccupante : 25 % pour le français et 35 % pour les maths.

Enfin, les évaluations nationales qui se sont déroulées fin mai 2009 pour les élèves de CE1 ne sont guère plus encourageantes : 27 % des élèves ont des difficultés en français et 25 % en maths. Professeurs ou parents d’élèves eux-mêmes –  peut-être les uns et les autres  – sont-ils moins bons qu’auparavant ? Il ne m’appartient pas de répondre à cette question.

Ces résultats, tous aussi alarmants les uns que les autres, semblent démontrer que, malgré l’augmentation considérable des moyens humains, matériels et financiers dévolus à l’éducation nationale au cours des vingt dernières années, la qualité de l’enseignement a baissé, entraînant une augmentation importante du nombre d’élèves en difficulté. Les collectivités locales sont d’ailleurs, vous le savez, monsieur le ministre, saisies régulièrement sur les cités afin d’engager des actions périscolaires pour compenser ces mauvais résultats.

Pour toutes ses raisons, je vous serais reconnaissant de m’indiquer ce que le Gouvernement compte faire afin d’accentuer les réformes déjà entreprises ayant pour but de mettre l’accent sur les « fondamentaux » à l’école primaire. L’objectif est que, au sortir de celle-ci, les élèves sachent au minimum lire, écrire et compter ; c’est bien le moins que l’on puisse attendre de notre système éducatif !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale. Il vous aurait répondu bien mieux que moi, mais il se trouve en ce moment même avec le Président de la République pour présenter la réforme du lycée, qui devrait constituer l’un des éléments de réponse à la question que vous posez.

Le ministre de l’éducation nationale a pris la pleine mesure de la situation évoquée par la note de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance à laquelle vous faites référence et qui confirme des études antérieures et convergentes.

Dans le cadre de la réforme de l’enseignement primaire, le Gouvernement s’est fixé des objectifs précis destinés à assurer la réussite de chaque élève et à lutter contre l’échec scolaire : d’abord, diviser par trois, en cinq ans, le nombre d’élèves qui sortent de l’école primaire avec de graves difficultés ; ensuite, diviser par deux le nombre d’élèves ayant pris une année de retard dans leur scolarité.

Pour atteindre ces objectifs et garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition du socle commun de connaissances et de compétences, de nouveaux programmes recentrés sur les enseignements fondamentaux sont entrés en application à la rentrée scolaire 2008-2009 dans toutes les classes des écoles maternelles et élémentaires.

Deux dispositifs sont également entrés en vigueur à la rentrée scolaire 2008-2009.

Premier dispositif : la mise en place de deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée et l’organisation de stages de remise à niveau. La suppression de la classe le samedi matin a permis, depuis la rentrée 2008, de libérer deux heures chaque semaine dans l’emploi du temps des enseignants et de les consacrer aux élèves qui éprouvent des difficultés dans leurs apprentissages.

Ces deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée ont bénéficié à près d’un million d’élèves l’an passé, sans compter les stages de remise à niveau proposés aux élèves de CM1 et de CM2 pendant les vacances de printemps et d’été pour lesquels les enseignants n’ont pas hésité à se porter volontaires, témoignant ainsi du haut niveau de conscience professionnelle de leur corps, n’est-ce pas, monsieur Mazuir ?

Deuxième dispositif : les nouvelles évaluations nationales en CE1 et CM2 qui permettent le repérage objectif des difficultés des élèves.

Il s’agit de faire le bilan des acquis de tous les élèves scolarisés dans les écoles publiques et privées sous contrat, en français et en mathématiques, à deux moments clé de la scolarité primaire : la fin du CE1 et la fin du CM2.

Il ne s’agit plus seulement de repérer les élèves en grande difficulté et d’analyser cette difficulté mais, pour chaque élève, d’être confronté au niveau défini par le programme.

Instrument commun de mesure, les évaluations constituent donc le cœur de la réforme de l’école primaire.

Ces nouvelles évaluations, qui s’appuient sur les progressions fixées par les programmes, ont un objectif : permettre aux professeurs de connaître précisément le niveau de chaque élève par rapport aux objectifs fixés pour, le cas échéant, redresser la barre avant que les difficultés ne s’accumulent.

Grâce à ces évaluations, la nation s’est dotée d’un moyen de placer tous les élèves face à la même référence nationale, où qu’ils soient et d’où qu’ils viennent.

C’est une sorte de rendez-vous républicain qui est offert à chaque élève pour faire en sorte de lui offrir un traitement adapté en cas de difficulté.

Vous le voyez, monsieur Biwer, faire progresser les résultats de chaque élève et aider ceux qui rencontrent des difficultés à les surmonter sont les préoccupations constantes du ministère de l’éducation nationale ! Les nouvelles évaluations mises en place à l’école primaire contribuent à atteindre ces objectifs.

Je vais maintenant m’exprimer à titre purement personnel. Ce qu’il faut bien voir, c’est que les élèves du primaire sont probablement beaucoup plus savants aujourd’hui que nous ne l’étions à leur âge dans les mêmes classes. Mais ils ne connaissent pas les mêmes choses que nous.

Les nouvelles technologies leur offrent une ouverture sur le monde entier et leur apportent, dans quantité de domaines, des notions qu’ils approfondissent grâce à l’ordinateur. Mais, en même temps, elles les libèrent du carcan des programmes sans qu’on sache très bien où les élèves vont vagabonder !

Les enseignants sont donc confrontés à un nouveau défi. Jusqu’alors maîtres du savoir, il leur faut apprendre à devenir guides vers le savoir, ce qui est tout à fait différent et change le métier. Il faut en avoir pleinement conscience.

En même temps, on s’interroge sur l’opportunité de la réforme de l’orthographe.

Dans ces conditions, la mise en place d’un système de référence nationale peut permettre de faire progresser tout le monde et pas seulement les virtuoses de la Toile, qui savent aller y chercher telle ou telle connaissance. Car tel est bien là le fondement républicain de notre système d’éducation !

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir laissé la place, dans votre propos, à une part privée. Il est rare d’entendre un membre du Gouvernement développer ainsi une part tirée de son expérience personnelle. En la reliant à la réponse officielle, nous allons obtenir quelque chose de cohérent, quelque chose qui me convient assez bien.

Il est vrai que l’ordinateur peut faire beaucoup pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens. Mais nous avons encore besoin de savoir lire et de savoir compter. De ce point de vue, la machine à calculer n’arrange rien !

C’est en intégrant ces deux dimensions que le Gouvernement pourra progresser dans la direction qu’il a choisie mais qui mérite encore d’être améliorée.

suppression de la carte scolaire

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, auteur de la question n° 629, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis les lois de décentralisation, qui ont confié l’investissement et le fonctionnement des collèges aux départements, les conseils généraux ont engagé une politique éducative volontaire et ambitieuse, plaçant l’élève au cœur de leur action. Monsieur le ministre, vous en montrez d’ailleurs l’exemple dans votre beau département du Rhône !

De même, le département que je préside, le Doubs, consacre 68 millions d’euros chaque année – 3 175 euros par an et par élève – pour offrir des conditions modernes d’enseignement, égales pour tous les collégiens. Ainsi propose-t-il un ambitieux programme pluriannuel d’investissement de rénovation de ses quarante-huit collèges d’un montant de 495 millions d’euros, la gratuité du transport scolaire de la maternelle au lycée, le transport individualisé pour les élèves handicapés, une aide à la restauration scolaire et l’accompagnement d’une offre pédagogique diversifiée.

L’objectif des départements, vous le savez, monsieur le ministre, est d’assurer une politique éducative de qualité et de proximité, de veiller à un équilibre des populations au sein des établissements et d’associer à la mise en œuvre de cette politique les problématiques du développement économique du territoire et de son aménagement harmonieux. Vous le savez aussi, au-delà de la réponse à un besoin démographique constaté, un collège contribue à l’attractivité d’un territoire.

Mais, en permettant le nomadisme des élèves, l’assouplissement de la carte scolaire mis en place à la rentrée 2007 pourrait indéniablement fragiliser le fonctionnement des établissements, hypothéquant du même coup les efforts d’aménagement du territoire fournis dans ce cadre par les conseils généraux.

La libéralisation de la carte scolaire risque de favoriser la ségrégation scolaire et de contrarier notre volonté de mixité sociale.

Sa suppression pure et simple à la rentrée 2010, telle que l’envisageait Xavier Darcos, ne ferait qu’accroître le phénomène d’évitement et menacerait ainsi la pérennité de certains établissements, qui se trouveraient alors engagés dans un mécanisme infernal, celui de la réduction des moyens éducatifs et pédagogiques accordés par l’État, réduction justifiée par la baisse des effectifs, elle-même consécutive à la fin de la sectorisation !

Si cela se produisait, tous les efforts engagés par les départements en faveur d’un maillage équilibré et équitable des collèges sur le territoire seraient réduits à néant.

Monsieur le ministre, quelles suites entendez-vous donner à l’assouplissement de la carte scolaire et selon quel calendrier ? Surtout, quelles dispositions comptez-vous mettre en œuvre pour répondre à trois objectifs majeurs, auxquels vous souscrivez, j’en suis sûr : garantir une présence éducative de proximité, assurer le maintien d’une offre éducative et pédagogique de qualité, enfin, favoriser la mixité sociale, enjeu, pour nous, le plus important ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je vous prie à nouveau d’excuser Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, qui ne peut vous répondre ce matin puisqu’il est aux côtés du Président de la République pour présenter la réforme des lycées.

Créée en 1963, la carte scolaire a été un outil de régulation des flux dans un contexte d’explosion de la démographie scolaire. Quarante-cinq ans après, la France a profondément changé. Plus nombreuses sont les familles qui veulent choisir l’établissement de leur enfant, éventuellement hors du secteur.

En 2007, l’éducation nationale a engagé l’assouplissement de la carte scolaire en accordant aux familles une liberté de choix. Cet assouplissement s’est poursuivi en 2008 et en 2009.

Des critères de priorité très rigoureux ont été fixés, notamment pour favoriser la mixité au sein des établissements. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que la mixité sociale doit être un objectif partagé par tous les acteurs – État et collectivités territoriales. Les critères choisis offrent de la transparence.

Auparavant, les familles les moins informées, souvent les plus défavorisées, étaient pour ainsi dire « condamnées » à respecter la sectorisation scolaire, tandis que les familles culturellement mieux informées trouvaient des stratégies pour y échapper – on se souvenait soudain de la cousine, de la grand-mère ou de la grand-tante qui habitait au bon endroit !

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que l’éducation nationale a pris l’engagement de garantir le maintien des moyens dans des établissements susceptibles d’être moins fréquentés pour mieux accompagner les élèves et remettre les établissements dans une dynamique porteuse de réussite.

Ainsi, les établissements qui perdent des élèves voient leur dotation maintenue pendant trois ans, ce qui leur permet d’accroître leur taux d’encadrement, d’engager des projets innovants et, en fin de compte, d’obtenir des résultats qui vont les rendre à nouveau attractifs pour la population, et c’est bien ce que tout le monde recherche !

L’assouplissement de la carte scolaire ne signifie en aucun cas l’abandon des établissements qui perdent des élèves.

En 2008, 88 % des demandes de dérogation ont été satisfaites et 72 % l’ont été en 2009. Cette mesure rencontre une large adhésion des familles.

Je ne dispose pas de chiffres globaux, mais, dans mon département par exemple, il y a eu 1 700 demandes de dérogation pour 63 000 collégiens, ce qui est assez peu.

Là où la carte scolaire a été supprimée, comme à Paris, on constate que jamais autant d’élèves boursiers ne sont entrés dans des lycées prestigieux. Pour s’en tenir aux lycées proches du Sénat, à l’évidence, les chances pour un élève habitant un quartier lointain d’y être scolarisé seraient très minces avec une carte scolaire !

Luc Chatel a demandé une évaluation du dispositif. Cependant, s’il veut suivre de près sa mise en application, le Gouvernement ne reviendra pas sur cette mesure phare qui laisse le choix aux familles : le Gouvernement, monsieur le sénateur, a pris des engagements et il les tient, l’objectif étant d’assurer tant la réussite que la mixité sociale, gages d’avenir pour les élèves.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre engagement de ne pas abandonner les établissements qui verraient leurs effectifs diminuer pour cause de modification ou d’abandon de la carte scolaire.

Je retiens aussi l’engagement du Gouvernement d’être vigilant pour préserver la mixité sociale, qui, vous l’avez souligné, est un élément d’équilibre majeur dans nos territoires et, en effet, nous devons absolument veiller, comme l’ensemble des acteurs, à sa pleine réalisation.

Je vous remercie donc, monsieur le ministre, et, en ce qui me concerne, je serai attentif au maintien, dans les années qui viennent, de cet élément d’équilibre.

difficulté de recrutement des personnels des crèches

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, en remplacement de M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 588, adressée à M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, M. Carle vous prie de bien vouloir excuser son absence, un empêchement de dernière minute l’ayant privé de ce rendez-vous avec vous ; il m’a chargé de vous adresser à sa place sa question, ce dont je suis d’autant plus heureux qu’elle nous concerne tous.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur les importantes difficultés rencontrées par les communes pour recruter les personnels des crèches.

Ceux-ci, pour prétendre à une nomination en tant que stagiaires, doivent réussir les concours de la fonction publique territoriale.

Organisés par les centres de gestion, ces concours regroupent généralement plusieurs départements et attirent une foule de candidats tout en n’offrant que peu de places.

Dans de nombreux départements – par exemple celui de la Haute-Savoie, département de M. Carle, qui connaît un accroissement de population de plus de 10 % chaque année depuis bientôt vingt ans –, les créations de structures multi-accueil augmentent fortement, ce qui nécessite beaucoup de personnel.

Les titulaires de la fonction publique territoriale faisant défaut, les collectivités territoriales se voient contraintes d’embaucher du personnel non recruté par concours.

J’illustrerai mon propos par le cas de la crèche d’Épagny, commune de la couronne annécienne.

En vue de son ouverture, en 2004, la commune a dû embaucher du personnel titulaire du diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture, de psychomotricienne et d’éducateur de jeunes enfants.

Par la suite, afin de satisfaire aux obligations légales, ces agents se sont présentés aux épreuves des concours de la fonction publique territoriale, mais sans succès.

Or, à Épagny, ils donnent toute satisfaction et s’acquittent de leur tâche de manière très professionnelle.

Lors de la session 2008 du concours d’auxiliaire de puériculture, une candidate a obtenu la note de 16 sur 20. Nous pouvons donc dire que cette personne est parfaitement qualifiée pour exercer. Hélas ! le seuil d’admission avait été fixé à 17 sur 20, et elle a donc été recalée…

Pour compléter le tableau, parallèlement, les préfectures sollicitent très régulièrement les communes pour que celles-ci régularisent la situation des agents n’ayant pas encore obtenu leur concours.

Il s’agit donc là d’une situation particulièrement ubuesque !

Une solution simple pour résoudre cet imbroglio existerait pourtant : il conviendrait de reconnaître les diplômes de l’État à l’échelon territorial et de permettre une passerelle entre les deux fonctions publiques. Après tout, si ces personnels sont qualifiés au niveau de l’État, pourquoi ne le seraient-ils pas aux yeux des centres de gestion ?

Nous souhaitons donc vous demander, monsieur le ministre, si vous accepteriez de donner une suite favorable à cette proposition, qui permettrait de simplifier nos procédures, déjà bien assez complexes, et de répondre aux besoins pressants des échelons locaux ?

Enfin, monsieur le ministre, qu’en est-il du dispositif de formation d’intégration obligatoire que doivent effectuer les stagiaires de la fonction publique territoriale durant leur stage et dont la durée de cinq jours est généralement considérée comme excessive tant par les élus locaux que par les intéressés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. Monsieur Cambon, vous vous êtes fait le porte-parole de M. Carle ; permettez-moi d’être celui d’Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, qui, lui non plus, ne pouvait être présent ce matin et qui vous prie de l’en excuser.

La question que vous posez, qui intéresse d’ailleurs tous les postes de fonctionnaires de la fonction publique territoriale, porte tout à la fois sur le concours, le niveau de recrutement au concours et la formation précédant l’entrée véritable en fonction.

Il s’agit là d’une organisation assez complexe, mais c’est à elle que l’on doit l’excellence de notre fonction publique locale, excellence d’autant plus indispensable que, les élus locaux que nous sommes le savent tous, c’est cette fonction publique qui, depuis la décentralisation, est le plus en contact avec la population.

Il y a donc, d’une part, le concours, qui est le mode normal de recrutement dans la fonction publique. C’est ce qui permet à tout citoyen d’être candidat à un poste de la fonction publique et il s’agit donc d’un principe dont la mise en œuvre peut, certes, être améliorée, mais auquel il est impossible d’échapper.

D’autre part, il y a le niveau du diplôme d’État nécessaire pour se présenter au concours, et, trop souvent, on confond les deux choses, alors qu’elles sont complètement différentes : le titulaire d’un diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture peut ainsi travailler dans des structures relevant d’une caisse d’allocations familiales, d’une commune ou de l’État, mais sous réserve de passer un concours.

Une réflexion a été engagée en vue d’alléger le contenu des épreuves des concours donnant accès aux cadres d’emplois du secteur médico-social.

Ces travaux ont trouvé leur traduction dans un décret du 4 avril 2008 modifiant le décret du 18 mars 1993 relatif aux conditions d’accès et aux modalités d’organisation des concours de nombreux cadres d’emplois de la filière médico-sociale publié au Journal officiel du 6 avril 2008, décret qui porte sur les modalités de recrutement dans les cadres d’emplois des auxiliaires de puériculture territoriaux et des auxiliaires de soins territoriaux.

Dans la mesure où le diplôme d’État exigé des candidats – mais qui ne vaut pas admission au concours – correspond à une qualification professionnelle avérée, l’épreuve écrite d’admissibilité, qui était un QCM, a été supprimée.

En revanche, l’épreuve orale d’admission de quinze minutes devant permettre à un jury de sélectionner les candidats sur leur motivation et sur leur aptitude à exercer les missions dévolues aux agents de ces cadres d’emplois a été maintenue.

L’épreuve écrite ayant été supprimée, il ne reste plus que l’épreuve orale et il me semble que les choses vont beaucoup mieux.

S’agissant de cette épreuve orale, il est normal que le jury du concours appelé à vérifier les qualités des candidats soit souverain et fixe librement le seuil d’admissibilité, par exemple, comme dans le cas que vous avez évoqué, en exigeant une note minimale de 17 sur 20. C’est une garantie conforme de surcroît au principe de libre administration des collectivités locales, qui doivent pouvoir organiser les concours comme elles l’entendent en fonction du volume des recrutements auxquels elles veulent procéder.

Par ailleurs, les modalités de recrutement différenciées dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique d’État découlent de leurs propres spécificités.

Enfin, en ce qui concerne la formation, deux décrets du 29 mai 2008 relatifs aux formations d’intégration et de professionnalisation ont redéfini en profondeur la formation statutaire obligatoire dans la fonction publique territoriale afin de répondre à l’exigence de formation tout au long de la vie professionnelle posée par la loi du 19 février 2007 pour tous les fonctionnaires territoriaux, y compris ceux qui relèvent de la catégorie C, qui, jusqu’alors, en étaient exclus.

Ces textes ont fixé les objectifs et la durée de la formation d’intégration.

Cette durée est de cinq jours, et elle est la même pour tous les cadres d’emplois, quelle que soit la catégorie dont ils relèvent.

La formation est centrée sur l’acquisition d’un socle minimum de connaissance sur le monde territorial afin d’offrir à chacun une culture commune et de favoriser ainsi l’adaptation des agents à leur nouvel environnement professionnel.

Ces textes prévoient également des mécanismes de dispense ou de réduction de formation.

Ainsi, compte tenu des formations professionnelles ou diplômantes déjà suivies, des acquis de l’expérience professionnelle ou des bilans de compétences, les fonctionnaires peuvent être dispensés, sur leur demande ou sur celle de leur employeur, de tout ou partie des formations statutaires après accord du Centre national de la fonction publique territoriale.

La durée de formation d’intégration avant titularisation peut être réduite et le solde reporté sur la première période de formation de professionnalisation à l’occasion de la prise du premier poste.

Je pense, monsieur Cambon, avoir ainsi répondu à l’ensemble des questions que vous avez posées. (M. Jean Arthuis applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision de la réponse que M. Woerth vous a transmise à mon intention et à celle de M. Carle, mais je pense que, si nous vous avions interrogé personnellement, votre réponse, eu égard aux lourdes responsabilités qui ont été les vôtres à la tête du département du Rhône, n’aurait sans doute pas été tout à fait identique…

Vous savez bien en effet que le recrutement des auxiliaires de puériculture est un problème auquel toutes les collectivités locales sont confrontées et que la question de M. Carle est tout à fait fondée, dans la mesure où une équivalence entre les qualifications d’État et celles de la fonction publique territoriale permettrait d’apporter une solution concrète et rapide.

J’ose espérer que le fait de revenir régulièrement sur le même sujet dans cette assemblée permettra, un jour, de faire comprendre aux fonctionnaires de Bercy la gravité de ce problème. La demande en crèches est énorme, ce qui nous conduit, nous les maires, à être en concurrence les uns avec les autres : il nous arrive de voir un auxiliaire de puériculture quitter notre commune pour 20 ou 30 euros supplémentaires et il faudra bien parvenir à trouver de vraies solutions !

reconnaissance d'un statut fiscal dérogatoire aux epcc

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 596, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.

M. Rachel Mazuir. Madame la secrétaire d'État, j’ai souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur les règles actuelles régissant la fiscalité des établissements publics de coopération culturelle, les EPCC, créés par la loi du 4 janvier 2002.

Les initiatives des collectivités dans le domaine culturel se sont multipliées au point que ces dernières consacrent deux fois plus de moyens que l’État dans le domaine du spectacle vivant.

Les interventions des collectivités s’inscrivent souvent, mais pas toujours, dans le cadre de financements croisés, associant plusieurs d’entre elles, avec ou sans l’État.

L’EPCC a pour avantage d’institutionnaliser la coopération entre ces différentes personnes publiques sans qu’aucune puisse se la voir imposer et de doter d’un statut opérationnel les grandes institutions culturelles d’intérêt à la fois local et national.

Il permet l’organisation d’un partenariat équilibré entre des collectivités territoriales et l’État ou entre des collectivités territoriales seules.

La ville de Bourg-en-Bresse et le conseil général de l’Ain ont ainsi créé un établissement public de coopération culturelle pour gérer le théâtre de la ville chef-lieu, qui est aussi le seul théâtre du département. Ces deux collectivités ont ainsi confirmé leur volonté d’amplifier la vocation du théâtre de Bourg-en-Bresse à jouer le rôle de pôle d’excellence artistique dédié à la création et à la diffusion de spectacles.

Les recettes des EPCC comptent des produits divers tirés des spectacles, des opérations commerciales, de la location d’espaces et de matériels, ou encore des biens et placements. Elles peuvent aussi inclure les dons et les legs.

Cependant, pour l’essentiel, il s’agit surtout des subventions de l’État, des collectivités territoriales et de toutes autres personnes publiques ou privées. Les charges de ces établissements sont constituées principalement des frais de personnel et des frais de fonctionnement, les impôts et les contributions de toute nature venant en sus.

Jusqu’à présent les EPCC assujettissaient leurs subventions de fonctionnement à la TVA et bénéficiaient ainsi du droit de déduire la TVA sur leurs dépenses, au même titre que sur les recettes dégagées lors de représentations.

Depuis l’arrêt SATAM rendu en 1993 par la Cour de justice des Communautés européennes, transposé en droit français au travers de l’article 231 du code général des impôts, ces subventions de fonctionnement, constituant l’essentiel des recettes d’un EPCC, n’ouvrent plus droit à la déduction de TVA, à moins d’être assimilées à une subvention complément de prix, c’est-à-dire à une subvention octroyée exclusivement pour compléter le prix réclamé au public moyennant un engagement formel de la part des partenaires.

Ces subventions tombent alors sous le coup de l’application de l’article 231 et sont prises en compte pour le calcul du rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires. C’est là que le bât blesse !

Aujourd’hui, l’EPCC de Bourg-en-Bresse, qui a déclaré l’intégralité de ses produits au titre du droit à déduction de la TVA, se trouve dans une impasse. S’il formule une demande de remboursement de la TVA collectée à tort pendant plusieurs années, il risque de faire l’objet d’une procédure de redressement de la part de l’administration fiscale en raison de la taxe sur les salaires non due.

Madame la secrétaire d'État, en vertu de cet imbroglio juridico-fiscal très pénalisant pour nos structures, ne serait-il pas raisonnable de bien vouloir considérer les EPCC, symboles forts de coopération culturelle entre plusieurs collectivités publiques, comme faisant partie des exceptions énumérées à l’article 231 du code général des impôts ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, Christine Lagarde et Éric Woerth m’ont demandé de vous apporter un certain nombre d’éléments de réponse sur le sujet particulièrement complexe des EPCC, qui jouent un rôle très positif.

Compte tenu des évolutions de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes interprétant la directive communautaire relative au système de TVA, le plus souvent, les subventions perçues par les établissements publics de coopération culturelle sont octroyées dans des conditions qui ne permettent pas de répondre aux conditions exigées pour l’application de cette taxe.

L’instruction fiscale du 16 juin 2006 a pris acte de ces évolutions. Ainsi, en matière de spectacles, seules peuvent être qualifiées de subventions « complément de prix » taxables à la TVA les sommes qui, au terme d’une analyse de leurs conditions d’octroi, présentent un lien direct et immédiat avec le prix des places que les structures de spectacle vendent au public.

Une relation non équivoque doit exister entre la décision de la partie versante d’octroyer la subvention et la diminution des prix pratiqués par le bénéficiaire vis-à-vis de sa clientèle.

En principe, la perception de subventions non taxables à la TVA par un employeur a pour conséquence de l’assujettir à la taxe sur les salaires.

En effet, les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA ou qui l’ont été sur moins de 90 % de leur chiffre d’affaires sont soumis à la taxe sur les salaires. Cet impôt a une logique et une cohérence : toutes les personnes physiques ou morales non imposables à la TVA ou qui y sont partiellement soumises doivent l’acquitter.

Je rappelle, monsieur le sénateur, que cette taxe, au rendement financier de plus de 11 milliards d’euros, abonde le budget de la sécurité sociale et concerne notamment les employeurs qui perçoivent des subventions de fonctionnement non imposables à la TVA en raison des règles communautaires régissant cette dernière.

Il ne paraît malheureusement pas envisageable d’introduire une exception pour les EPCC, ni pour telle ou telle catégorie déterminée de redevables, aussi dignes d’intérêt soient-ils, sans que cela suscite des demandes tout aussi légitimes de la part des autres redevables de la taxe sur les salaires.

Toutefois, en raison de l’importance du sujet que vous avez soulignée, monsieur le sénateur, des échanges sont en cours et devront être poursuivis sous votre impulsion entre les services de la direction de la législation fiscale et ceux du ministère de la culture afin d’apporter les éclairages utiles aux structures du spectacle qui, comme l’EPCC de Bourg-en-Bresse, pourraient être désireuses d’adapter leurs contrats de sorte que les subventions perçues soient taxables à la TVA dans le respect des principes communautaires, avec les conséquences que vous pourriez espérer sur la taxe sur les salaires.

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.

M. Rachel Mazuir. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de cette ouverture dont je prends acte.

Vous n’êtes pas sans savoir que les EPCC remplissent quasiment un service public dans des départements très ruraux comme le mien où les distances sont grandes.

Le département de l’Ain, qui consent beaucoup d’efforts, tient à cette action en faveur du théâtre.

difficultés rencontrées par les mairies pour la délivrance des passeports biométriques

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 576, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Christian Cambon. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés que les mairies rencontrent pour la délivrance des passeports biométriques.

En effet, la généralisation du nouveau passeport, équipé d’une puce électronique et contenant les empreintes digitales de son titulaire, se révèle plus difficile que prévue.

Certes, depuis octobre 2008, plus de 30 000 passeports de ce type auraient déjà été délivrés pour un total de 83 000 demandes.

Toutefois, des temps d’attente très importants sont signalés, et nombre de services d’état civil de nos mairies se heurtent à des épisodes de déconnexion du serveur de l’Agence nationale des titres sécurisés, l’ANTS, portant à près d’une demi-heure le traitement d’un seul dossier, ce qui engendre de fréquents embouteillages.

Le directeur de l’ANTS indiquait au printemps dernier, dans un article de presse, que ces problèmes devaient sans doute être liés à une mauvaise prise en main des outils informatiques. Il n’en est rien, car nos personnels ont été, pour la plupart d’entre eux, parfaitement formés.

Les administrés ne comprennent pas les tracas administratifs qui leur sont faits. Ils craignent de ne pouvoir obtenir leurs passeports à temps soit pour partir en vacances à l’étranger, soit, dans le cas de chefs d’entreprise ou de cadres, pour porter les couleurs de leur société à travers le monde. C’est un secteur, madame la secrétaire d'État, qui vous tient à cœur et pour lequel vous vous battez particulièrement.

Il serait infiniment dommageable qu’un dispositif destiné à simplifier et à accélérer la procédure d’obtention d’un passeport sécurisé soit remis en cause pour des raisons purement techniques.

En conséquence, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures pourront être prises à l’avenir pour améliorer cette procédure et permettre, ainsi, aux services d’état civil de répondre sereinement et efficacement aux administrés ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vais vous communiquer la réponse préparée par Brice Hortefeux, mais il est certain que la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur que je suis est également intéressée par l’efficacité du dispositif de délivrance des passeports au service des chefs d’entreprise, notamment de PME, qui se battent sur les marchés internationaux.

Le règlement du 13 décembre 2004 du Conseil européen faisait obligation à tous les pays membres de l’Union d’instaurer, au plus tard le 28 juin 2009, une nouvelle génération de passeports comportant, dans un composant électronique, des données biométriques.

La volonté du ministre de l’intérieur, à l’occasion de la mise en place de ce nouveau passeport, a été de deux ordres : améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude en sécurisant la chaîne de traitement et simplifier la procédure de délivrance ou de renouvellement au bénéfice des demandeurs.

Le dispositif mis en œuvre répond à ce double objectif.

Les délais ont été considérablement réduits grâce au lien télématique entre la mairie, la préfecture, l’Agence nationale des titres sécurisés et l’Imprimerie nationale.

Les contraintes ont été allégées. L’usager n’est plus lié à sa commune de résidence ou à son département. Il pourra désormais formuler sa demande de passeport dans l’une des 2 072 communes équipées sur l’ensemble du territoire national et, le cas échéant, dans l’un des 212 consulats de France à l’étranger.

Actuellement, le temps d’enregistrement de la demande, incluant le recueil des données biométriques, se situe en moyenne nationale, pour l’ensemble des communes équipées, à dix minutes. Nous sommes donc loin de la demi-heure que vous avez évoquée dans certains cas. Une très large majorité des départements ont un fonctionnement normal et satisfaisant, avec un délai de retour du passeport de sept à dix jours après le dépôt de la demande.

Il est vrai que, au cœur de l’été, neuf départements, mais neuf seulement, ont éprouvé des difficultés liées à plusieurs raisons.

Tout d’abord, nous assistons à un afflux de demandes très important en cette période de l’année, les mois de juin et juillet étant, en effet, les mois traditionnellement les plus chargés, notamment pour les préfectures des grandes agglomérations.

Nous avons enregistré ensuite un surcroît d’activité engendré par les demandes de renouvellement des cartes nationales d’identité délivrées en 1999, année du passage à la gratuité de ce titre, et qui arrivent à échéance. Il y a eu, en quelque sorte, embouteillage.

Enfin, nous avons dû faire face à l’effet de nouveauté du passeport biométrique, car les usagers ont attendu l’instauration effective de ce titre pour en demander l’attribution.

Pour toutes les raisons que j’ai invoquées, nous avons eu à gérer une sorte de « bosse » pendant les mois d’été.

Afin de faire face à la situation, le ministère de l’intérieur a alloué une dotation budgétaire spécifique permettant aux préfectures les plus en difficulté d’avoir temporairement recours à un renfort de vacataires ou de rémunérer des heures supplémentaires pour les personnels des services des titres des préfectures.

Depuis le début du programme et jusqu’à la date du 31 août, plus de 470 000 passeports biométriques ont été fabriqués et envoyés aux mairies concernées pour qu’elles les remettent aux usagers.

Monsieur le sénateur, s’il est vrai que des difficultés temporaires et estivales ont pu être enregistrées, tous les moyens ont été mobilisés afin d’y remédier dans les plus brefs délais pour améliorer encore les services rendus à nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, des précisions que vous venez de m’apporter.

Les maires, singulièrement ceux des grandes agglomérations et des départements de la région parisienne, qui ont été beaucoup plus touchés que les autres pour les raisons évoquées, seront heureux d’apprendre que l’État a mis en place un effort financier et en moyens humains afin de faire disparaître le plus rapidement possible cette « bosse » dont vous avez expliqué l’existence.

La procédure est excellente. Nos collaborateurs, dans les mairies, ont beaucoup investi de leur temps pour maîtriser ces techniques. Il ne faudrait pas que des retards viennent porter ombrage à une réforme que nous trouvons, par ailleurs, extrêmement positive.

retard dans la mise en place de la dotation de développement urbain

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 587, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Daniel Reiner. Ma question porte sur le retard très important pris dans la mise en place de la dotation de développement urbain.

L’article 172 de la loi de finances pour 2009, votée en décembre 2008 au Sénat, a instauré une nouvelle dotation de développement urbain, ou DDU, d’un montant de 50 millions d’euros pour l’ensemble du territoire national. Dans l’esprit, cette nouvelle dotation devait permettre aux cent premières communes répondant à trois critères – l’éligibilité à la dotation de solidarité urbaine, la DSU, une proportion de population résidant en zone sensible supérieure à 20 % et un conventionnement avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU – d’obtenir des financements pour « réaliser des projets d’investissement ou des actions dans le domaine économique et social ». L’utilisation de ces crédits est subordonnée à la signature d’une convention entre le préfet, représentant de l’État dans le département, et les communes ou établissements publics de coopération intercommunale concernés. Dans mon département, quatre communes satisfont à ces critères et sont en conséquence éligibles à cette dotation : elles ont sollicité mon intervention dès la fin du mois de mai, en raison du retard pris dans le versement de cette nouvelle dotation.

En période de crise économique, qui n’épargne naturellement pas les villes répondant aux critères d’attribution de la DDU, il est étonnant que le décret d’application ne soit paru que le 9 juin 2009, soit près de six mois après le vote de la loi. Je m’étonne d’autant plus de ce retard que l’étude d’impact remise par le Comité des finances locales, précisait dès le mois de février : « Les éléments nécessaires au calcul de la DDU seront fournis en totalité par le calcul préalable de la DSU. » La charge de travail supplémentaire se limitait donc aux tâches de notification et de versement de la DDU, qui incombent respectivement aux services préfectoraux et au réseau du trésor public. Cette nouvelle dotation ne représentait donc pas une charge administrative lourde.

Lorsque j’écrivais cette question, en juin dernier, les préfectures n’avaient pas encore reçu de consigne sur la mise en place de cette dotation. Cette question a depuis perdu un peu d’actualité puisqu’elle n’a été inscrite à l’ordre du jour qu’en octobre : les préfectures ont reçu entre-temps des directives, mais les conventions sont toujours en cours de signature à la mi-octobre. Naturellement, le retard pris dans l’application de cette mesure handicape les communes qui auront du mal à mener, d’ici à la fin de l’année, les actions qu’elles avaient définies.

Je m’inquiète aussi de l’utilisation totale des crédits inscrits dans la loi de finances pour 2009. Il conviendrait d’éviter que les reports de crédit dans la loi de finances pour 2010 ne s’imputent sur la nouvelle dotation. Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que les crédits reportés s’ajouteront bien aux nouveaux crédits alloués ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement exposé le dispositif de la dotation de développement urbain, je n’y reviendrai donc pas. Je vous répondrai sur les problèmes de délais qui fondent votre interrogation.

En premier lieu, les délais que vous mentionnez sont tout à fait explicables. Vous avez évoqué une date de parution tardive du décret d’application, publié le 9 juin 2009. Mais je me permets de vous rappeler qu’il était obligatoire de saisir au préalable, pour avis, le Comité des finances locales. Cette saisine est intervenue dès le 3 février, soit un mois seulement après l’entrée en vigueur de la loi de finances. Ensuite, la Commission consultative des normes a été saisie le 5 mars et, enfin, le Conseil d’État s’est prononcé le 7 avril.

En second lieu, pour tenir compte des enjeux liés à cette dotation et des délais de consultation nécessaires, le Gouvernement a anticipé la parution du décret : dès le 19 mai, il a transmis à l’ensemble des préfets la liste des cent communes éligibles à la DDU en 2009, le montant des enveloppes départementales, ainsi qu’un projet de circulaire relative à cette dotation. Les préfets ont donc pu entamer, de façon informelle, les discussions avec les communes éligibles de leur département, qui ont pu elles-mêmes, dès le printemps, commencer à réfléchir et à programmer leurs dossiers.

La circulaire relative à la DDU, publiée le 15 juin, a fixé au 15 septembre la date limite de signature des conventions. Les préfets pourront donc procéder aux premiers versements de subvention au plus tard au début de l’automne. Enfin, la totalité des autorisations d’engagement de crédits leur a été déléguée.

Vous vous interrogez également, monsieur le sénateur, sur le niveau de consommation des crédits en 2009, compte tenu des délais constatés pour la mise en place des dotations.

Je tiens à vous préciser, d’une part, que les collectivités éligibles à la dotation bénéficient de garanties de paiement. Ainsi, pour anticiper dès à présent l’éventualité d’une sous-consommation des crédits de paiement 2009, il est prévu de reporter sur 2010 le reliquat de crédits restant : les projets retenus en 2009 dans le cadre de cette dotation seront par conséquent financés à hauteur des montants inscrits dans les conventions.

D’autre part, le principe de la DDU est reconduit dans le projet de loi de finances pour 2010 à hauteur de 50 millions d’euros. Cette dernière information répond aux craintes que vous avez exprimées dans votre question.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je remercie Mme la secrétaire d’État de ces précisions, que je transmettrai aux communes qui m’avaient sollicité. J’ai souligné le fait que ma question, rédigée en juin, n’était plus tout à fait d’actualité. Cela dit, votre réponse, madame, m’inspire deux remarques.

En premier lieu, ces délais de mise en œuvre, même s’ils sont normaux, s’avèrent très longs dans la mesure où cette dotation nouvelle est très spécifique et ne concerne que cent communes. Les délais administratifs ne sont pas adaptés à la réalité du terrain : en période de crise, il est nécessaire d’intervenir rapidement. Peut-être serait-il souhaitable de raccourcir les délais de saisine de l’ensemble des organismes concernés.

En second lieu, je persiste à regretter que ces crédits ne soient pas totalement utilisés en 2009 : ils n’auront pas contribué à améliorer la politique de la ville dans ces communes cette année, ni concouru à la mise en œuvre du plan de relance.

Cela étant, j’ai bien noté que les crédits non utilisés seraient reportés en 2010, d’une part, et que des crédits d’un montant identique à celui de 2009 seraient réinscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, d’autre part, sans confusion entre ces deux masses financières.

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

7

Engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi organique

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin (no 634, 2008-2009), déposée sur le bureau de notre assemblée.

8

 
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Discussion générale (suite)

Loi pénitentiaire

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 1er A

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pénitentiaire (n°  20).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, au-delà de sa mission constitutionnelle d’assurer la représentation des collectivités territoriales de la République, le Sénat s’est toujours particulièrement investi dans la défense des libertés.

Il n’est donc pas étonnant qu’il ait marqué une attention constante à la situation des établissements pénitentiaires et aux conditions de détention dans notre pays. Comment ne pas rappeler une fois encore le rapport issu de la commission d’enquête présidée par Jean-Jacques Hyest, Prisons : une humiliation pour la République, qui, tout en reconnaissant les mutations profondes de notre administration pénitentiaire ces dernières décennies, n’en appelait pas moins à des réformes fondamentales ? Le projet de loi pénitentiaire a naturellement rejoint bon nombre de nos préoccupations et nous nous sommes efforcés, dans un travail largement consensuel, d’en améliorer le contenu.

Le volet relatif aux conditions de détention, à la différence de la partie consacrée aux aménagements de peine, avait suscité une déception largement partagée. Nous nous sommes donc employés à l’enrichir, rééquilibrant ainsi les deux aspects du projet de loi.

L’Assemblée nationale, sous l’impulsion de son rapporteur, Jean-Paul Garraud, a confirmé et conforté l’essentiel des apports du Sénat.

Ont ainsi été approuvés l’institution d’une obligation d’activité avec pour corollaire la possibilité pour les plus démunis d’obtenir en numéraire une partie de l’aide apportée par l’État, la limitation des fouilles, le renforcement des garanties reconnues aux détenus menacés de sanctions disciplinaires, avec la présence d’une personne extérieure à l’administration pénitentiaire au sein de la commission de discipline, l’obligation de garantir la sécurité des personnes détenues, avec l’instauration d’un régime de responsabilité sans faute de l’État pour les décès en détention survenus du fait d’une agression commise par un autre détenu, et l’extension à tous les détenus du bilan d’évaluation prévu au début de l’incarcération.

Alors que le Sénat prévoyait la possibilité de consultation des détenus par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées, l’Assemblée nationale en a fait une obligation, reconnaissant ainsi un droit d’expression aux personnes détenues. Elle a imposé la motivation du refus d’un permis de visite. Alors que le Sénat avait consacré le droit au respect de la dignité des personnes détenues, l’Assemblée nationale, dans une rédaction plus protectrice, enjoint à l’administration pénitentiaire de garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.

De même, les députés ont très largement validé les modifications introduites dans le projet de loi sur l’initiative de M. Nicolas About, au nom de la commission des affaires sociales. Ils ont en particulier maintenu la garantie que les fouilles corporelles internes, dont le Sénat avait également prévu qu’elles ne pourraient être réalisées que par un médecin requis à cet effet par l’autorité judiciaire, ne puissent être faites par un médecin affecté à l’établissement.

Si les députés ont supprimé la référence à la permanence des soins, tout en maintenant le principe de qualité et de continuité des soins en milieu pénitentiaire, ils ont garanti aux détenus un accès aux soins d’urgence « dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population ».

Enfin, l’Assemblée nationale a ajouté un certain nombre de dispositions relatives aux femmes détenues, prévoyant par exemple la possibilité d’organisation d’activités de façon mixte et l’obligation que tout accouchement ou examen gynécologique se déroule sans entraves et hors de la présence des personnels pénitentiaires.

Le volet consacré aux aménagements de peine a fait l’objet d’un certain rééquilibrage, rééquilibrage qui a davantage joué par rapport aux dispositions proposées par le Gouvernement dans le projet de loi initial que par rapport aux modifications introduites par le Sénat en première lecture.

Le projet de loi déposé au Sénat portait de un à deux ans le quantum ou le reliquat de peine d’emprisonnement susceptible de faire l’objet, en cours d’exécution, d’un aménagement de peine par la juridiction de jugement ab initio ou par le juge de l’application des peines. L’Assemblée nationale, sans mettre en cause le principe de cette disposition, a souhaité exclure les personnes condamnées en état de récidive légale de son champ d’application.

Cette position, qui se révèle cohérente avec la législation des années récentes, ne met nullement en cause les avancées nombreuses du texte en matière d’alternatives à l’incarcération, qu’il s’agisse de l’élargissement du champ des bénéficiaires, de l’assouplissement de leurs conditions d’octroi ou encore de la simplification des procédures.

En outre, la portée de cette restriction doit être relativisée. Un aménagement de peine n’est jamais automatique et la juridiction de jugement, ou le juge de l’application des peines, apprécie notamment le passé pénal de l’intéressé avant de lui en accorder le bénéfice. Une personne condamnée en état de récidive légale serait donc, de toute façon, moins susceptible de bénéficier d’un aménagement de peine qu’un primo-délinquant.

Au total, le nombre de points de désaccord entre les deux assemblées apparaissait donc limité. Il en était deux principaux portant, d’une part, sur les conditions dans lesquelles une personne détenue peut, à quatre mois de sa libération, être placée sous surveillance électronique et, d’autre part, sur le principe de l’encellulement individuel.

La commission mixte paritaire, réunie le 7 octobre dernier, a, sur le premier point, adopté une proposition de rédaction de ses deux rapporteurs attribuant la mise en œuvre du placement sous surveillance électronique à quatre mois de la libération au directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, sous l’autorité du procureur de la République, auquel il reviendra de fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre. En l’absence de décision de placement, la personne condamnée pourra saisir le juge de l’application des peines.

En ce qui concerne les modalités d’encellulement, second point de désaccord, bien que la rédaction de l’Assemblée nationale se rapprochât de celle du Sénat, la commission mixte paritaire est revenue à la rédaction du Sénat et a maintenu la règle de l’encellulement individuel assortie, d’une part, des trois dérogations déjà admises dans notre droit – lorsque les intéressés demandent l’encellulement collectif, lorsque la personnalité des détenus justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls, lorsque les détenus ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent – et, d’autre part, de la reconduction du moratoire pour une période de cinq ans pour la mettre en œuvre.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire, à l’article 1er A relatif au sens de la peine, a complété le texte adopté par l’Assemblée nationale afin d’indiquer que le régime d’exécution de la peine privative de liberté doit être inspiré par l’objectif de permettre à la personne détenue, comme l’avait prévu le Sénat, de mener une vie responsable.

À l’article 2 quinquies, la commission mixte paritaire a précisé, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, le caractère « indépendant » de l’observatoire chargé de collecter et d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l’exécution des décisions de justice en matière pénale, à la récidive et à la réitération.

Elle a en outre repris la disposition adoptée par le Sénat selon laquelle le rapport de cet observatoire devrait comporter une estimation du taux de récidive et de réitération par établissement pour peines afin de pouvoir appréhender l’incidence des conditions de détention sur la récidive et sur la réinsertion.

La commission mixte paritaire a supprimé l’article 12 bis A, issu d’un amendement qu’avait adopté par l’Assemblée nationale et qui tendait à abroger l’article L. 7 du code électoral. Même si cet article, en prévoyant une automaticité de la peine d’inéligibilité, est susceptible de donner lieu à de profondes injustices, le projet de loi pénitentiaire ne constitue pas le cadre adapté pour trancher cette question.

À l’article 20 bis, la CMP a adopté, sur la proposition des parlementaires socialistes et des membres du groupe socialiste, radical et citoyen, une modification qui prévoit que les médecins et personnels soignants intervenant en milieu carcéral ne peuvent être requis d’office pour effectuer une expertise médicale ou un acte dénué de lien avec les soins ou la préservation de la santé du détenu.

Sur l’initiative de notre collègue Nicolas About, la commission mixte paritaire a rétabli l’article 22 quater dans le texte du Sénat, en prévoyant la constitution, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, d’un dossier médical électronique unique pour chaque personne détenue.

À l’article 47, la commission mixte paritaire. a fixé à soixante-dix ans, comme l’avait proposé le Sénat, contre soixante-quinze ans dans le texte de l’Assemblée nationale, l’âge dispensant de l’obligation d’avoir accompli un temps d’épreuve pour pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle.

Enfin, madame la ministre d’État, je me suis engagé, devant la commission mixte paritaire, à vous interroger sur trois points.

Le premier concerne l’article 14 bis, que le Sénat avait introduit dans le projet de loi et qui était relatif à la possibilité de donner, dans le code des marchés publics, une priorité aux productions des établissements pénitentiaires. L’Assemblée nationale a logiquement supprimé cette disposition, qui relevait du domaine du règlement, mais les membres de la commission mixte paritaire ont souhaité savoir si le Gouvernement ne jugerait pas opportun de reconnaître, lors de la passation de marchés publics, un droit de préférence au service pénitentiaire de l’emploi et aux sociétés concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par des personnes détenues.

Le deuxième point est lié à une proposition de modification qui, présentée par le député Philippe Goujon, visait à harmoniser la liste des produits « cantinables » ainsi que les prix de ces produits entre les différents établissements pénitentiaires.

Le troisième point a trait à une proposition de notre collègue Nicolas About tendant à reconnaître à l’administration pénitentiaire la possibilité de rémunérer des détenus faisant fonction d’aidant auprès d’autres détenus en situation de handicap.

Serait-il possible, madame le ministre d’État, de donner satisfaction à nos deux collègues par le biais de l’élaboration, en application de l’article 49 A du projet de loi, d’un règlement intérieur-type, selon les grandes catégories de structures, de manière à limiter les risques d’inégalité tout en permettant aux détenus de mieux appréhender leurs droits et leurs devoirs ?

M. Nicolas About. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame la ministre d’État, mes chers collègues, je vous avais confié, lors du premier examen de ce texte, qu’un échec sur la question pénitentiaire serait la principale déception de ma vie de parlementaire. Je sais bien que tous les problèmes ne sont pas réglés et que le quotidien restera encore longtemps très difficile dans l’univers carcéral. Mais je suis convaincu que nous avons posé ensemble les conditions d’une véritable rupture entre la prison d’hier et celle de demain.

Il nous appartiendra désormais de veiller à ce que les moyens de notre ambition collective ne nous soient pas refusés, afin de faire de l’incarcération un temps utile, et non plus un temps mort, et de se donner les meilleures chances de réussir, grâce aux alternatives à l’incarcération et aux aménagements de peine.

Lorsque, loin des écoles de la récidive, nos prisons deviendront des ateliers de la réinsertion, elles auront cessé à tout jamais d’être une « humiliation pour la République ». (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous vous apprêtez à voter marque l’aboutissement d’un long processus, qui est lui-même l’expression d’une prise de conscience et le signe d’une réelle ambition.

Le texte rappelle que la prison remplit aujourd’hui une triple mission : protéger la société – car on ne saurait oublier cette fonction –, sanctionner les actes de délinquance et les actes criminels, mais aussi, comme vous l’avez tous rappelé, renforcer la lutte contre la récidive en aidant à une réelle réinsertion des détenus.

Ce projet de loi, en favorisant la prise de conscience de l’état lamentable de nos prisons, est cohérent avec la politique de construction de nouveaux établissements qui a été lancée en 2002 et qui nous permettra de disposer, d’ici à 2012, de 63 000 places, nombre qui correspond à celui des détenus.

Ce texte sera concrétisé par des actions destinées à développer les activités en milieu pénitentiaire et à améliorer le suivi médical et social des condamnés.

Je tiens à souligner que le Sénat s’est, d’emblée, pleinement impliqué dans l’élaboration de ce texte fondamental pour l’avenir de nos prisons. Et je me plais à souligner combien les débats ont été riches, fructueux, souvent passionnants, parfois passionnés… Les échanges entre votre assemblée, l’Assemblée nationale et le Gouvernement ont permis à chacun de faire valoir sa vision, ses préoccupations, sa sensibilité et d’apporter son expertise.

Je souhaite saluer, en cette fin de discussion, l’implication de votre rapporteur, M. Jean-René Lecerf. Grâce à lui, avec votre aide et votre soutien, le texte a gagné à la fois en cohérence, en lisibilité et en pertinence.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des avancées obtenues au cours de la discussion au Sénat. Pour autant, trois points, qui ont fait l’objet des discussions les plus longues, méritent d’être soulignés.

D’abord, les devoirs et les droits des détenus ont été clarifiés.

Le respect de dignité humaine, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, ne s’arrête pas aux portes de la prison. En inscrivant dans la loi le droit à des soins médicaux de qualité, le Sénat a montré son attachement à certaines valeurs.

Il est important que les assemblées, ainsi que l’opinion publique, aient toujours conscience que le temps de l’incarcération est un temps de sanction, mais aussi de reconstruction. C’est la raison pour laquelle l’obligation d’activité du détenu doit être reconnue. À cet égard, les améliorations apportées par le Sénat ont permis d’aboutir aujourd'hui à un texte véritablement ambitieux. Il faudra évidemment que les moyens suivent.

Monsieur le rapporteur, vous m’interrogez notamment sur le droit de préférence qui devrait être accordé à certaines entreprises donnant du travail aux détenus. Vous le savez, ces dispositions relèvent du code des marchés publics, mais elles pourraient effectivement y être ajoutées.

La diversification des activités qui peuvent être proposées au détenu me paraît également importante et devrait s’inscrire dans le cadre d’un parcours tourné vers les préoccupations de la société telles que la protection de l’environnement ou le développement durable.

Je souhaite à présent insister sur le principe de l’encellulement individuel, qui est consacré par le texte.

Il s’agit, vous le savez, d’un objectif que nous partageons avec vous. Néanmoins, par respect du caractère normatif de la loi – c’est peut-être mon tropisme d’universitaire – et pour éviter un énième moratoire, j’avais souhaité que le texte soit immédiatement applicable. Cela étant, le Sénat et l’Assemblée nationale ont fait un choix différent et je mettrai bien entendu tout en œuvre pour que soit atteint l’objectif à l’issue des cinq ans du moratoire. Les 5 000 places supplémentaires annoncées par le Président de la République et destinées à prolonger le plan qui est mis en œuvre depuis 2002 nous permettront de nous rapprocher dans les meilleurs délais de l’objectif qui nous est commun.

Soyez assurés, en tout cas, que je ferai le maximum pour respecter ce qui est décidé par le Parlement.

Nous avons également travaillé ensemble sur les règles d’aménagement des peines.

Aujourd’hui, ces règles sont cohérentes avec notre politique pénale et devraient normalement nous permettre d’avancer dans la bonne voie.

Toutefois, je suis préoccupée par l’inexécution des peines prononcées par un juge. Non seulement celle-ci est, à mes yeux, moralement inadmissible, mais elle aussi très négative pour l’image de notre justice, sans compter qu’elle bat en brèche la triple mission de la prison.

Le texte et les actions inscrites en loi de finances nous permettront de faire en sorte que les peines prononcées soient effectivement exécutées. Grâce aux aménagements de peine, notamment en fin de peine, nous pourrons rapidement mettre un terme à ce scandale résultant de la non-exécution de 30 000 peines.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre succès ou notre échec commun – je ne pense pas que l’on puisse, à cet égard, distinguer entre le Parlement et le Gouvernement – se mesurera à la diminution de la récidive. Cela signifiera que l’on a permis à ceux qui ont commis des fautes à un moment donné de se réinsérer.

Pour y parvenir, plusieurs conditions sont requises : à côté du texte, qui donne un cadre, il faut mener des actions concrètes au sein des établissements et à leur sortie.

À cet égard, je souhaiterais répondre à deux interrogations sur des points très concrets.

J’ai constaté, lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, des différences entre les cantines, qui, si elles pouvaient s’expliquer en théorie, n’en étaient pas pour autant justifiables. Je peux d’ores et déjà vous dire que, par voie réglementaire, l’alignement des différents tarifs des produits de cantine est maintenant en cours.

Vous avez également, monsieur le rapporteur, évoqué la rémunération des détenus aidants. Ce point s’inscrit bien dans la logique qui conduit à montrer aux détenus qu’ils peuvent jouer un rôle pour les autres, c’est-à-dire, aussi, dans la société. Il pourra être effectivement intégré sans aucune difficulté dans le décret d’application sur les droits et les devoirs des détenus. Je souligne au passage qu’une aide peut également être attribuée par le biais des conseils généraux puisque ceux-ci interviennent eux-mêmes dans le domaine du handicap.

Je conclurai en soulignant qu’à mes yeux l’efficacité de la réponse pénale, qui est aussi de notre responsabilité, va totalement de pair avec le respect de la dignité de la personne condamnée. C’est la condition sine qua non pour que le temps de l’emprisonnement soit un temps positif, un temps permettant de réparer des échecs passés.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens du texte sur lequel vous allez vous prononcer, tel est le sens de la politique pénale du Gouvernement, tel est aussi, je le pense, le sens de l’avenir de notre société tout entière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes au terme du débat sur la loi pénitentiaire et je voudrais bien pouvoir dire : enfin, la France s’est dotée d’une loi fondamentale parce que, au terme d’un long processus, engagé voilà environ dix ans, l’ensemble des représentants de la nation sont au diapason pour affirmer que la dignité humaine doit être respectée partout, y compris dans les lieux de détention, et que la sanction pénale, quand sanction il y a, pour être efficace, doit avoir un sens, doit faire comprendre et réinsérer. Hélas ! je ne peux le dire parce que tel n’est pas le cas.

Mon constat n’enlève rien au sérieux dont ont fait preuve de nombreux sénateurs, toutes tendances confondues – au premier chef, notre rapporteur –, pour améliorer un texte gouvernemental initialement assez indigent. Mon groupe et moi-même avions d’ailleurs souligné les avancées réalisées ici même sur la dignité des personnes, en l’occurrence des détenus, l’aménagement des peines et une série d’autres points, avancées qui nous avaient d’ailleurs amenés à nous abstenir sur le texte du projet de loi résultant des travaux du Sénat.

Je rappellerai aussi que la déclaration d’urgence nous prive d’une deuxième lecture. Or, l’examen de ce texte ayant finalement pris plus de six mois – ce qui, au passage, démontre une fois de plus que l’urgence n’était pas justifiée –, l’absence de deuxième lecture nous empêche de tirer les conséquences des débats qu’il a suscités à l’Assemblée nationale et d’en évaluer les dispositions au regard du contexte.

En effet, à l’Assemblée nationale, le Gouvernement s’est beaucoup dépensé pour revenir à la rédaction initiale et donc remettre en cause les avancées votées par le Sénat : cela me conforte dans l’idée que ce gouvernement, madame le garde des sceaux, s’est seulement résigné à se mettre en conformité avec les règles européennes parce que la France avait été montrée du doigt à plusieurs reprises, mais qu’il n’est disposé ni à reconnaître fondamentalement les principes qui devaient guider une loi pénitentiaire, et donc à mener une réflexion sur le sens de la sanction pénale, ni à reconnaître explicitement les droits fondamentaux à ces sujets de droit que sont les personnes détenues. Je l’avais dit à Mme Dati, à l’époque. Malheureusement, vous n’avez en rien invalidé mon analyse lors des débats à l’Assemblée nationale.

De fait, les améliorations des conditions de la détention inscrites dans le texte sont assorties soit de renvois à des décrets ou à des règlements relevant de l’administration pénitentiaire soit, plus directement, de restrictions. C’est le cas pour les dispositions relatives aux régimes différenciés de détention, aux fouilles à corps et au quartier disciplinaire.

Permettez-moi, à ce propos, de m’interroger sur l’immixtion dans le débat, à l’Assemblée nationale, du directeur de l’administration pénitentiaire, distribuant des bons points à certains parlementaires, dont il considérait qu’ils l’encourageaient « à faire valoir le savoir-faire pénitentiaire », des mauvais points à d’autres, dont les commentaires étaient selon lui « inspirés par la vulgate foucaldienne »… On est en droit d’attendre d’un haut fonctionnaire une plus grande réserve et un plus grand respect à l’égard du législateur, qu’il appartienne à l’opposition ou même à la majorité, puisque les sénateurs, entre autres, semblaient également visés.

Certes, la commission mixte paritaire a rétabli pratiquement le texte du Sénat sur un point très important, à savoir le principe de l’encellulement individuel, que l’Assemblée nationale et le Gouvernement avaient balayé au motif qu’il ne pouvait pas être appliqué dans l’immédiat ni même dans un avenir proche.

C’est bien là que le bât blesse ! Si c’est un droit, il faut se donner les moyens de son effectivité. Or, madame le garde des sceaux, vous ne le voulez ni ne le pouvez parce que vous êtes dans une autre logique. D’une part, vous considérez que l’administration pénitentiaire doit avoir un moyen de pression vis-à-vis des détenus, et je constate que M. d’Harcourt s’est félicité de la légalisation par le Parlement du régime différencié, dont il vante les mérites. D’autre part, la logique pénale du Gouvernement et les choix budgétaires qui y correspondent ne vont pas dans le sens de la mise en œuvre de ce principe.

En effet, la construction de places de prison est budgétée – le projet de loi de finances pour 2010 ne me démentira pas – pour faire face à un accroissement prévisible du nombre de personnes détenues, je dirai même un accroissement organisé puisque le Gouvernement s’apprête à déposer un nouveau projet de loi sur la récidive et un autre sur les bandes organisées.

De ce point de vue, les propos tenus par l’aiguillon du parti du Président, M. Frédéric Lefebvre, sont particulièrement explicites et en deviennent franchement préoccupants. Ils remettent sur le métier les peines automatiques, associant d’un même élan délinquants sexuels et « casseurs ». Quand on sait le danger qui existe à incriminer des personnes supposées appartenir à un groupe sans distinction, il y a de quoi s’inquiéter !

Vous continuez de répondre à l’augmentation de la délinquance – signe que l’aggravation de la loi pénale depuis dix ans n’est pas efficace – par une nouvelle aggravation de la loi pénale. Force m’est de constater que l’idée même d’une autre approche de la sanction et de la réinsertion – et donc des moyens à mettre en œuvre – n’est pas à l’ordre du jour.

La façon d’aborder les aménagements de peine est significative. Le bracelet électronique apparaît comme un moyen miracle de désencombrement des prisons, avec à la clé un instrument de contrôle ou de pression, puisque c’est le parquet, au lieu du juge de l’application des peines, qui en décidera, ce qui permet de doser cet aménagement de peine en fonction de l’opinion publique ou de tel ou tel événement.

Comment, en effet, ne pas craindre la pression « diffuse » sur les parquets quand on entend des parlementaires affirmer haut et fort que ce texte donne aux délinquants un signe de clémence, ou encore un syndicat de police énoncer qu’il existe un lien direct entre les aménagements de peine et la hausse de la délinquance ? Or l’existence d’un tel lien de causalité est à rebours de toutes les réflexions sérieuses qui ont été conduites jusqu’ici sur le sujet !

Je ne peux m’empêcher de déplorer le lobbying pesant qui s’est déployé auprès du Gouvernement et des parlementaires, notamment celui de l’Institut pour la justice – officine dont les idées sont bien connues et qui ne cesse de pourfendre les alternatives légales à la détention ainsi que le « laxisme » de la justice pénale –, pour s’opposer à toute évolution dans la conception de la sanction pénale. Ce lobbying s’est, hélas, révélé efficace puisqu’il a finalement empêché que nous ayons un réel débat de fond sur la question.

Ce débat devrait porter, entre autres, sur les moyens – c’est surtout de leur absence qu’il devrait d’ailleurs être question, en l’occurrence ! – à mettre en œuvre pendant l’incarcération, mais aussi après l’incarcération, pour assurer un véritable suivi sociojudiciaire en vue de réduire les risques de récidive : réinsertion sociale, traitement médical, psychiatrique, accompagnement, etc. Au contraire, les récidivistes, vis-à-vis desquels le texte est en retrait s’agissant de l’aménagement des peines, quel que soit le délit ou le crime, sont considérés comme une catégorie – prédéterminée, je suppose ! – pour laquelle il faut prendre des sanctions automatiques de plus en plus lourdes, tendant en quelque sorte à son élimination.

Là encore, quand aborderez-vous la question autrement ? Pourquoi y a-t-il récidive ? Dans quels domaines ? Quels sont les facteurs de non-récidive ou de moindre récidive ? Car l’objectif du législateur doit être de s’occuper des personnes et de les réinsérer, précisément pour qu’elles ne récidivent pas, non de faire croire aux Français qu’il existe un remède infaillible à la récidive, par exemple l’enfermement à vie. Au reste, quand celui-ci interviendrait-il ? Personne ne peut répondre !

Aussi, mes chers collègues, au terme de cette réflexion sur le cheminement de votre conception de la loi pénitentiaire, je constate que la contradiction profonde entre l’affichage d’une loi et la politique pénale du Gouvernement hypothèque gravement la sincérité de ce texte. Il nous paraît indispensable de souligner que cet état de fait est dangereux.

Dès lors que le Gouvernement et la majorité n’entendent donner aucun signe réel de leur volonté de s’interroger sur leur politique pénale, bien au contraire, nous ne pouvons cautionner le faux-semblant d’un consensus sur ce projet de loi. Aussi mon groupe votera-t-il contre, et je le regrette. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le premier propos d’un membre du groupe centriste sera, et cela ne surprendra personne, pour saluer le caractère exemplaire de la démarche législative que nous concluons aujourd’hui, d’autant que le président de ce groupe en aura été l’un des agents les plus créatifs,…

M. Pierre Fauchon. … dans un esprit non seulement sanitaire, qui relève de sa compétence propre, mais plus largement humanitaire, qui restera comme le trait dominant de cette démarche.

Le mérite en revient à tous ceux qui, depuis longtemps déjà au Sénat, et spécialement à la commission des lois – en particulier sous l’impulsion de son président actuel –, se sont préoccupés du problème des prisons et ont fait ce qu’il fallait pour que nous n’ayons pas, en somme, la conscience tranquille à cet égard. Notre rapporteur et ceux qui l’ont aidé ont été exemplaires, je n’hésite pas à l’affirmer : exemplaires par leur souci d’une connaissance concrète, précise, des situations de fait, qui est essentielle ; exemplaires par la qualité de leurs réflexions ; exemplaires par des propositions qui ont su allier ce qu’il faut d’idéal, comme toujours, avec ce qu’il faut, hélas ! de pragmatisme.

Ayant dit cela, je ne peux me contenter d’enregistrer et de saluer les résultats acquis en commun avec nos collègues députés. Sans doute ces résultats sont-ils consistants et permettent-ils d’espérer de réelles améliorations – dans la mesure où le Gouvernement, et je lui fais pleinement confiance, saura les mettre en œuvre avec fidélité et persévérance.

Pour autant, nous ne saurions nous déclarer satisfaits et assurés en conscience d’avoir apporté la meilleure des solutions aux problèmes que pose notre système dit « pénitentiaire », expression qui est en elle-même révélatrice d’un certain archaïsme intellectuel.

En m’autorisant maintenant de l’expérience de l’avocat, mais aussi, si vous me le permettez, de celle de l’administrateur que j’ai été au début de ma vie professionnelle – où j’eus précisément à diriger une maison d’arrêt pendant assez longtemps et dans une période assez difficile, à savoir la fin du protectorat au Maroc –, je tiens à exprimer mon sentiment profond : le système global de l’incarcération en tant que mode de traitement de la délinquance mérite non seulement d’être amélioré ponctuellement, comme nous essayons de le faire, mais aussi d’être repensé en profondeur, pour la simple raison qu’il a cessé depuis longtemps – à supposer qu’il y soit jamais parvenu – d’engendrer les résultats pour lesquels il a été créé, et qui sont supposés le justifier.

L’incarcération telle que nos sociétés la pratiquent le plus souvent n’est ni une pénitence qui serait ressentie comme équitable en dépit de sa rigueur – elle est bien davantage perçue comme une humiliation démoralisante et souvent, trop souvent, cruelle –, ni un mode de correction et d’amendement des comportements, il s’en faut de beaucoup, ni une prévention efficace de la récidive. L’incarcération, avouons-le, est globalement un échec.

Est-elle pour autant un mal nécessaire ? Je n’en suis même pas sûr dans la mesure où j’ai la conviction que des modifications substantielles, et qui ne sont d’ailleurs pas nécessairement coûteuses, pourraient améliorer significativement une situation dont nul ne peut ignorer le caractère déplorable, au point de constituer une véritable honte pour nos sociétés dites « avancées » et qui se targuent orgueilleusement d’« humanisme ».

On me taxera, inévitablement, d’utopie, mais je rejette cette accusation par l’évocation d’exemples concrets que j’ai vécus, soit dans la période où j’ai été directeur de prison – eh oui, cela peut arriver ! – soit comme sénateur.

Directeur de prison, j’ai pratiqué et généralisé un système de brèves suspensions de détention pour circonstances familiales, appelées « permission de quelques jours », qui se sont révélées très bénéfiques.

Par ailleurs, ayant à faire face à un accroissement considérable du nombre de détenus à la suite d’une émeute – la fin du protectorat fut en effet une période troublée –, j’ai organisé avec succès, je crois pouvoir le dire, des travaux collectifs de plein air, qui étaient du reste fort peu surveillés, afin d’éviter à ces détenus, au nombre d’une centaine, les rigueurs des camps auxquels ils étaient destinés. Je souligne que nous n’avons, dans cette circonstance, enregistré ni évasions ni désordres trop fréquents, même s’il y a, bien entendu, un minimum incompressible.

Sénateur, j’ai participé à la démarche de nos anciens collègues Jacques Larché et Guy-Pierre Cabanel – je suis heureux d’avoir l’occasion de citer leurs noms – nous engageant dans la pratique du bracelet électronique. Cette démarche, qui était alors considérée avec beaucoup de méfiance et le plus grand scepticisme, se révèle aujourd’hui appropriée dans des cas de plus en plus nombreux.

Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, de tels exemples montrent qu’il faut non pas se laisser aller à la résignation et au scepticisme, mais se convaincre qu’il existe des alternatives à l’incarcération pure et simple, à l’incarcération sommaire que nous connaissons, et que celles-ci doivent être expérimentées avec persévérance et imagination.

Cela vaut a fortiori – ce sera la dernière, mais non la moindre de mes réflexions – pour les détenus en situation de prévention et non de sanction.

On ne le dit pas assez, il est scandaleux et insupportable que des êtres humains, non reconnus coupables et placés en détention préventive, subissent le même sort que les condamnés, et dans ses modalités les plus cruelles puisqu’ils sont détenus dans des maisons d’arrêt et non des centrales, où les conditions de vie sont moins déplorables. Ainsi, ceux qui sont encore présumés innocents sont traités d’une manière pratiquement aussi rigoureuse que des personnes reconnues coupables par la justice. Je sais bien que des efforts sont faits pour les distinguer, mais ils restent en réalité tout à fait insuffisants. Il y a vraiment là de quoi être profondément choqué !

S’il est, parmi tant d’autres, une leçon à retenir de la terrible affaire d’Outreau et que nous devons sans cesse rappeler, c’est bien celle-là, et il ne devrait pas être impossible de prendre assez rapidement les mesures appropriées pour corriger des pratiques aussi regrettables, qui concernent environ le quart des personnes détenues actuellement.

Voilà pourquoi nous devons être conscients du fait que la conclusion positive de la phase législative à laquelle nous souscrivons pleinement – le groupe de l’Union centriste votera, bien entendu, le texte – ne saurait nous autoriser à refermer ce dossier : il doit rester ouvert, et dans nos consciences et dans nos travaux.

Selon la formule d’Albert Camus, « une société se juge à l’état de ses prisons ». Il y va de l’idée que nous nous faisons de la dignité humaine – c’était un peu le sens de votre conclusion, madame le garde des sceaux – comme de l’idée que nous nous faisons d’une civilisation, une idée qui implique un peu moins de satisfaction et un peu plus d’exigence. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, du RDSE et de lUMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi pénitentiaire a commencé ici même le 3 mars dernier.

En dépit d’une procédure d’urgence que nous pouvons qualifier d’ « absurde », encore plus aujourd’hui qu’hier, en une petite semaine, le Sénat, toutes sensibilités confondues – je tiens à saluer ici le travail de notre rapporteur –, a bouleversé le texte de Mme Dati, un texte qui n’osait pas aborder la question essentielle : quel est le sens de la peine, à quoi sert la prison ?

J’avais moi-même espéré, comme beaucoup d’autres, en particulier Robert Badinter, que la peine ne se limiterait pas à surveiller et punir, mais qu’elle aurait également l’ambition d’humaniser et de réinsérer.

Sept mois plus tard, l’obstination du Sénat a permis de progresser dans cette voie, en refusant notamment d’empiler les détenus dans les cellules et en leur reconnaissant le droit à l’encellulement individuel, ou encore en proclamant que, hormis les cas de crime, la prison serait la peine de dernier recours et, bien entendu, en soutenant les mesures alternatives à l’emprisonnement.

Nous avons tiré notre cohérence d’un grand principe, qui consiste au fond à faire entrer le droit en prison. Pour y parvenir, nous avons recouru à une méthode simple : le respect des règles pénitentiaires européennes.

Trop longtemps, c’est avec déplaisir que je le rappelle, la France a été condamnée du fait de son refus d’appliquer les règles pénitentiaires européennes ; pourtant, ces dernières sont loin d’avoir été dictées par des esprits farfelus ou subversifs !

Je regrette d’ailleurs, madame le garde des sceaux, que pour mettre fin à un conflit social, il y a quelques mois, le ministère de la justice ait cru devoir marchander ces règles pénitentiaires européennes. Il serait bon, au moment où s’achève la discussion du projet de loi pénitentiaire, que vous nous annonciez que ces règles ne sont pas l’objet de marchandages. On ne marchande pas avec le droit à la dignité !

En fin de compte, le texte voté par le Sénat, admettons-le tous ensemble, n’était plus le texte de la Chancellerie, ce qui a pu déplaire, mais celui d’un Sénat déterminé à mettre fin à cette « humiliation de la République » qu’il avait dénoncée à plusieurs reprises.

Bien sûr, nous avons craint qu’au cours de la procédure parlementaire une autre majorité politique à l’Assemblée nationale ne défasse ce que nous avions construit amendement après amendement. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie jeudi dernier, a permis, me semble-t-il, de rapprocher les points de vue au moins sur quelques points essentiels.

Il s’agit d’abord de l’encellulement individuel, à propos duquel la formulation du Sénat a fini par l’emporter. Mais je voudrais vous inviter, madame le garde des sceaux, à mettre fin à un mauvais débat.

On lit ici et là – je ne sais pas ce qu’il en est dans la réalité – que la Chancellerie considère que le Parlement a été plus généreux que pragmatique en posant comme principe le droit à l’encellulement individuel. Personne ne doute que le principe « un homme, une cellule » ne soit une ambition difficile à réaliser. Mais à quoi servons-nous, nous parlementaires, fervents défenseurs de l’action publique, si nous ne posons pas un horizon, si nous n’affichons pas une volonté, un objectif à atteindre, fût-il très ambitieux, et quand bien même il suppose la mobilisation de moyens relativement importants.

La notion de libre choix de sa cellule est une « légende urbaine », permettez-moi de le dire aussi simplement. Imagine-t-on que dans une prison l’on demande au détenu, à son arrivée, s’il préfère une cellule à quatre ou cinq personnes ou une cellule individuelle ? (Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Josiane Mathon-Poinat s’exclament.) Non, telle n’est pas la réalité ! Dans les faits, le détenu choisira d’abord d’être proche de sa famille. Si on lui donne le choix entre une cellule individuelle à 300 ou 400 kilomètres de son domicile, de sa femme, de ses enfants et une cellule où s’entassent déjà plusieurs détenus, mais située à 20 ou à 50 kilomètres de chez lui, il choisira la seconde solution en dépit de son droit à la dignité ou de son droit « à la reconstruction de sa personne humaine », selon la formule très juste que vous avez employée, madame la ministre d’État.

Nous devons avoir le courage de tenir nos engagements. L’article 59 du projet de loi prévoit un nouveau moratoire. Ce n’est pas le premier, mais je souhaite que ce moratoire de cinq ans soit le dernier que le Parlement aura à voter. Sinon, la déception qui pourra être éprouvée face à l’action publique n’aura d’égale que l’humiliation qui sera infligée au Parlement, dont le travail n’aura pas été respecté.

Bien entendu, on m’objectera la surpopulation pénale. Mais ne traitons pas la surpopulation pénale comme s’il s’agissait d’une question immobilière ! Même si l’on bâtit encore des prisons dans les années qui viennent, nous ne résoudrons pas la question de la surpopulation.

Il existe, à mon avis, une solution plus constructive et sans doute moins onéreuse. Elle consiste à ne pas faire entrer en prison ceux qui n’ont pas grand-chose à y expier : les malades mentaux qui y séjournent faute d’unités hospitalières prêtes à les accueillir, les sans-papiers qui subissent là une double peine ou les « courtes peines » qui ne font que se désocialiser.

La commission mixte paritaire a aussi retenu quelques amendements qui, selon nous, améliorent le texte : le caractère indépendant de l’observatoire des prisons – grâce à un amendement de notre ami Jean-Pierre Sueur –, le fait que le personnel soignant ne puisse être appelé à effectuer des actes dictés par des considérations de sécurité et non de santé – M. About avait, me semble-t-il, raison de soutenir cet amendement –, le dossier médical unique du détenu, la possibilité d’une libération conditionnelle sans temps d’épreuve à soixante-dix ans, et non à soixante-quinze ans.

Permettez-moi d’ouvrir ici une parenthèse. Comment peut-on marchander la libération conditionnelle à soixante-quinze ans ? Soixante-dix ans, surtout en prison, où les années comptent double, est déjà un âge qui doit permettre la libération conditionnelle sans temps d’épreuve !

Enfin, parmi les points positifs, figure la saisine du juge d’application des peines pour le placement sous surveillance électronique.

Toutefois, nous regrettons que la commission mixte paritaire ne nous ait pas suivis sur d’autres amendements, y compris parfois sur des amendements qui avaient été votés par le Sénat.

Il s’agit tout d’abord de la question – difficile, je le concède – des régimes différenciés, qui nous inspirent la plus grande méfiance. Les débats de mars dernier ont montré que trier les arrivants selon des critères passablement imprécis – qui seront en tout cas fixés non pas par le juge, mais sans doute par l’administration pénitentiaire –, permettant de décréter que celui-ci, parce qu’il présente une dangerosité manifeste, se verra appliquer tel traitement, mais que celui-là, qui semble plus doux, bénéficiera de tel autre traitement, ne constitue pas une bonne solution. Nous sommes pour le pouvoir du juge. Une peine doit être fixée par le juge et uniquement par lui, et ne doit pas se trouver aggravée au sein de la prison par une décision administrative.

À cet égard, je tiens à rappeler l’engagement qu’avait pris Mme Dati lorsqu’elle nous avait assurés que le régime différencié ne concernerait que le régime « porte ouverte » ou le régime « porte fermée ». J’espère que cet engagement sera tenu.

Sur un sujet analogue, nous avions souhaité que le placement en régime disciplinaire ou à l’isolement puisse faire l’objet d’une procédure de référé dans laquelle la condition d’urgence serait considérée comme présumée, ce que le Sénat avait accepté. Le refus de la commission mixte paritaire de rétablir cette rédaction ne me semble pas empreint d’une grande sagesse.

Lorsqu’une personne est placée en cellule disciplinaire, à l’évidence, le caractère d’urgence ne devrait même pas être discuté, ni donc soumis à l’appréciation d’un juge, laquelle peut être différente à Pau, à Nantes, à Paris ou à Strasbourg. Une telle décision, si elle est contestée, doit forcément faire l’objet d’une procédure d’urgence ; sinon, cela ne sert à rien ! La personne concernée ne pourra plus qu’engager une procédure en indemnisation, qui n’aboutira que deux ans plus tard.

Je me félicite que les fouilles intégrales, les fouilles à corps, aient fait l’objet d’un encadrement, car c’était indispensable. N’oublions tout de même pas que nous sommes en 2009 ! Dans les aéroports, on utilise des portiques électroniques pour détecter tous les objets qu’un voyageur peut avoir sur lui. On ne le soumet plus à une fouille, qui pouvait, parfois, être intégrale. La modernité doit aussi s’imposer en prison. Pour notre part, nous sommes favorables à l’introduction des moyens de détection électronique qui existent. Il est vrai que cela a un coût, et là est toute la question, sur laquelle je reviendrai ultérieurement.

Nous regrettons que la majorité persiste dans sa volonté d’exclure les récidivistes de l’élévation à deux ans du seuil à partir duquel les aménagements de peine ab initio sont possibles. Ce n’est pas que nous soyons plus laxistes que d’autres ! Mais il faut bien comprendre que l’aménagement de peine n’est pas un « cadeau » fait à la personne détenue ; au contraire, c’est un moyen de permettre au détenu, y compris au récidiviste, d’avoir, demain, une vie meilleure, plus responsable, pour reprendre les termes retenus par le Sénat, afin de se réinsérer, pour pouvoir vivre tout simplement dans un autre monde que celui qui était le sien avant qu’il connaisse la prison.

Au final, quel bilan tirons-nous de ce texte ?

Tout d’abord, je le dis très nettement, je reconnais volontiers que ce texte a un grand mérite, celui d’exister. Notre pays attendait depuis très longtemps – je pèse mes mots ! – une loi précisant les droits des détenus, notamment, bien sûr, le droit d’être respecté dans son intimité comme dans sa sécurité. Aujourd’hui, les principes sont posés par la loi ; il appartiendra au Gouvernement de les faire vivre, et aussi, grâce au travail du Sénat, aux juges de les faire appliquer si nécessaire.

Nous considérons en outre que les aménagements de peine, en particulier au cours des deux dernières années, constituent des mesures indispensables pour préparer le détenu à sa sortie et à sa réinsertion.

Malheureusement, il subsiste des points sur lesquels nous jugeons le texte insuffisant. J’ai déjà évoqué tout à l’heure les régimes différenciés, je n’y reviendrai donc pas, mais je voudrais citer deux tristes records de nos prisons.

Le premier concerne le nombre de suicides. Or je crains que cette loi ne permette pas de le réduire. À cet égard, permettez-moi de vous dire, madame le garde des sceaux, que vous ne lutterez pas contre les suicides en fournissant aux détenus des draps indéchirables et des pyjamas en papier… J’ai lu que vous aviez annoncé cette mesure, mais celle-ci n’est évidemment pas de nature à lutter contre les suicides. En effet, le suicide n’est pas affaire de procédés techniques ; il résulte toujours, malheureusement, d’une volonté d’en finir par n’importe quel moyen.

Sur cette question sensible, un rapport avait été remis à Mme Dati, mais il avait été immédiatement retiré, car il avait fait l’objet d’une polémique au sujet de son contenu. Pour ma part, je souhaite que le rapport Albrand, dans sa version non corrigée, soit de nouveau mis sur la table afin d’engager une réflexion d’ensemble.

L’autre record, dont on parle moins, est tout aussi inquiétant, car il est révélateur de l’état de notre politique pénale et de notre politique pénitentiaire : je veux parler du nombre de récidivistes. Notre pays affiche le taux de récidive le plus élevé, alors même que notre politique pénale est la plus répressive ! J’en reviens donc à ma question initiale : à quoi sert la prison ? Si, sous couvert de punition, la prison doit servir d’école de la délinquance, c’est une absurdité !

Que savons-nous sur ce sujet ?

D’abord, on compte deux fois plus de récidives lorsque la sortie est sèche, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas accompagnée. Il faut donc creuser l’idée de la préparation à la sortie.

Je suis obligé de vous le dire, madame le garde des sceaux, la politique du Gouvernement est fondée sur l’hypocrisie. D’un côté, sa politique pénale remplit, à grand bruit, les prisons, allant ainsi dans le sens de l’opinion publique, et, de l’autre, devant le désastre de la surpopulation pénale, sa politique pénitentiaire tente de les vider en catimini ou, à tout le moins, de « gérer les flux », comme on dit aujourd'hui.

Les aménagements de peine nécessitent de vrais moyens d’accompagnement. À défaut, le cercle vicieux que nous connaissons se poursuivra : de nouveaux faits divers s’étaleront à la une des journaux, seront suivis de déclarations toujours plus musclées, puis de l’annonce d’une législation encore plus répressive. Tout cela n’aboutira à rien de moins qu’à aggraver la récidive et, sans doute, la condition pénitentiaire. On ne réalisera ainsi aucun progrès.

Selon nous, la vraie prévention de la récidive a un nom : la réinsertion.

M. Robert Badinter. Très bien !

M. Alain Anziani. La réinsertion devrait constituer une obsession du service public pénitentiaire, non pas dans les deux ou trois mois qui précèdent la sortie du détenu, mais à tous les moments du parcours du détenu, dès son entrée en prison.

Aussi bien manque-t-il, selon moi, à ce texte un titre supplémentaire, qui aurait pu s’intituler : « De la sortie de prison et de la réinsertion du condamné », et qui ne viserait d’ailleurs pas uniquement à prévenir la récidive. Ainsi que me l’a soufflé tout à l'heure dans le creux de l’oreille notre collègue Robert Badinter, si l’ancien détenu devient un SDF, c’est que quelque chose ne fonctionne pas ! Le but est aussi de permettre au détenu d’avoir une vie normale, de s’intégrer, d’avoir un travail, un foyer, une famille, un avenir, de l’espoir.

En conclusion, je tiens à dire que cette loi pénitentiaire comporte, nous ne le contestons pas, un certain nombre d’avancées. Toutefois, elle peut rester lettre morte si, dès le mois prochain, lors de l’examen du projet de loi de finances, vous ne donnez pas, madame le garde des sceaux, aux surveillants, aux services d’insertion et de probation, aux juges de l’application des peines, les moyens matériels d’exercer correctement leur mission. La vérité de cette loi réside aussi dans la volonté de dégager ces moyens budgétaires.

Tout en notant les améliorations qu’apporte ce texte, et que nous ne nions pas, nous relevons ses insuffisances. Voilà pourquoi le groupe socialiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, l’essentiel des principes fondamentaux que le Sénat avait initialement inspirés ont été conservés dans ce projet de loi pénitentiaire.

Disons-le clairement, M. le rapporteur, avec sa parfaite connaissance du dossier et son souci humaniste de préserver des valeurs telles que la dignité ou le respect de la personne, a permis d’endiguer en grande partie la vague sécuritaire qui a partiellement marqué les débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale, même s’il en subsiste un peu d’écume…

Nous nous devons également de saluer le travail réalisé depuis de nombreuses années, au sein du Sénat, par nombre de nos collègues, notamment le président de la commission des lois.

Cette loi, dont les objectifs fondamentaux sont largement partagés, n’aura de sens que si son application est effectivement assurée, dans l’intérêt des détenus, des personnels et des victimes. La situation que nous connaissons aujourd'hui dans nos prisons est inacceptable ; elle résulte non point de la responsabilité d’un seul gouvernement, mais de tous ceux qui se sont succédé depuis de nombreuses années, qu’ils soient de droite ou de gauche. En effet, ce problème fut souvent éludé, car il ne constituait pas, convenons-en, une priorité vis-à-vis de l’opinion publique.

Il faut avoir le courage de le dire, parce que c’est la réalité : la prison française favorise non pas la réinsertion, mais la récidive. M. le rapporteur a dit qu’il fallait faire du temps passé en prison un temps utile. Quel vaste programme par rapport à la situation actuelle ! Lorsqu’il évoque les centres de détention de Casabianda ou de Mauzac, on voit bien que des efforts considérables allant dans le bon sens pourraient être fournis.

Madame le ministre d’État, vous avez parlé tout à l'heure de l’« état lamentable » de nos prisons. Ce constat correspond bien à la réalité.

Ce texte sera-t-il un texte fondateur ? Oui, dans sa rédaction, mais il y a loin de la coupe aux lèvres, de la parole aux actes, de la loi à son application. Ce peut être une grande loi, mais il vous appartient de la faire vivre, en cohérence avec la politique pénale, et c’est là que réside toute la difficulté de l’exercice.

Notre collègue Pierre Fauchon a posé le problème de l’incarcération en expliquant qu’elle était un échec et non pas un mal nécessaire. Comment faire de la prison un lieu d’espérance et non de désespérance, si ce n’est en ayant le sens de l’humain ? Lors de l’examen de ce projet de loi en première lecture, j’ai rappelé cette phrase de Sénèque : « Quant aux mœurs publiques, on les corrige mieux en étant sobre de punitions. »

Le vrai débat, c’est celui qui porte sur la politique pénale de notre pays.

Cette politique ne saurait être un moyen de communication destiné à masquer la réalité, car la situation de nos prisons est catastrophique et la justice française, considérée en Europe comme l’un des mauvais exemples.

N’oublions pas la réalité de l’univers carcéral. Qui sont les détenus ? Quelles sont leurs origines ? De quels milieux sont-ils issus ? On compte 95 % d’hommes et 50 % d’illettrés ! Telle est la réalité.

La réalité, c’est encore, en juin 2009, la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme et la nécessité, comme l’a rappelé notre collègue Alain Anziani, de respecter les règles pénitentiaires européennes.

La responsabilité est collective, mais le choix politique est fondamental. Mettre à la disposition de la justice les budgets nécessaires, telle est la condition préalable à toute amélioration de la situation et tel est le moyen de respecter les règles pénitentiaires européennes adoptées le 11 février 2006.

Je n’épiloguerai pas sur les constats dressés par les uns et les autres, qu’il s’agisse du bâtonnier de Paris ou du contrôleur général des lieux de privation de liberté : surpopulation carcérale, nombreux lieux de non-droit où toutes les violences se propagent, taux de suicide en progression, désarroi des personnels, dont la tâche devient impossible.

J’ai visité récemment la maison d’arrêt de ma ville. Pratiquement tous les jours, on jette de la drogue par-dessus les murs ! Alors, on finit par laisser faire parce qu’on n’a pas les moyens de faire autrement. La réalité, c’est aussi cela.

Concilier la protection de la société, l’application d’une sanction pour des actes délictueux ou criminels avec l’impératif d’un travail de réinsertion sociale et des conditions satisfaisantes d’exercice professionnel des personnels, tel est l’objectif de toute politique générale pénitentiaire équilibrée et raisonnable.

Pour nous, le déséquilibre intervient lorsque l’on privilégie le volet sécuritaire par volonté de communication médiatique : ce que je qualifierai, comme je l’ai déjà fait, de « populisme pénal ». (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Ce texte apporte des améliorations tant sur le plan des principes que sur celui des droits reconnus au détenu, droits inhérents à la personne humaine : dispositif de l’article 2 bis ; garantie donnée à tout détenu par l’administration pénitentiaire du respect de ses droits ; affirmation du caractère subsidiaire de l’emprisonnement ferme ; nécessité de prévoir son aménagement, mise en exergue dans le texte lui-même.

L’inscription dans la loi des principes du régime disciplinaire relève aussi du retour à la voie de droit, mais ne nous hisse pas au niveau européen.

Aujourd’hui, nous avons tous dans la tête les images de la réalité. Nous sommes en effet un certain nombre à savoir ce qu’est une prison, pour y être allés souvent et avoir vu les conditions de détention. Ce qui existe, c’est le droit, lorsque l’on est en cellule collective, d’être transféré, souvent après plusieurs mois de procédure, dans une cellule individuelle, n’importe où en France, comme cela vient d’être rappelé.

Conforter le principe du droit à l’encellulement individuel, c’est mettre l’État devant ses responsabilités, même si ce n’est pas facile, et c’est aussi nous mettre tous devant nos responsabilités.

Sans plan d’urgence pour en finir avec la surpopulation carcérale, cette future loi pénitentiaire ne sera qu’une déclaration d’intention. En effet, l’objectif n’est pas d’augmenter le nombre des détenus ; il est de faire en sorte que ces derniers puissent sortir de prison en bénéficiant d’une véritable réinsertion.

Or, aujourd’hui, c’est l’entassement des prévenus et des condamnés en cellule collective, dans des conditions que nous savons tous humiliantes, dégradantes : la promiscuité, la loi du plus fort, l’arbitraire qui découle de cette surpopulation, l’insuffisance des moyens d’une politique de réinsertion.

Dans ce texte, nous avons posé un cadre positif : l’affirmation du principe de l’encellulement individuel, le rapporteur et notre commission ayant fait preuve d’une grande ténacité pour aller dans ce sens.

Mais comment ne pas noter la contradiction existant entre la politique d’affichage sécuritaire, qui aboutit à l’augmentation du nombre des détenus – peines plancher, rétention de sûreté, « carcéralisation » du soin psychiatrique – et le projet de loi qui nous est soumis ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous oubliez le volet « aménagements des peines » ! C’est quand même extraordinaire !

M. Jacques Mézard. Je ne l’oublie pas, cher président, car je vous écoute toujours avec beaucoup d’intérêt !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne soyez pas toujours négatif !

M. Jacques Mézard. Mais je ne suis pas négatif tout le temps ! Sinon, nous voterions contre ce projet de loi, alors que, majoritairement, dans notre groupe, nous allons nous abstenir de manière positive ! (Sourires. – M. Dominique Braye s’esclaffe.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’était pour vous le faire dire ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Vous voyez, monsieur le président, que nous sommes loin d’être négatifs !

Pour en revenir à l’essentiel, nous connaissons, comme vous, la situation dont nous n’attribuons pas la responsabilité à un seul gouvernement. Car cela aussi, c’est la réalité ! Nous savons équilibrer les responsabilités, nous savons que, comme tous les élus, nous en avons aussi notre part.

M. Alain Fouché. Plus large que chez nous !

M. Jacques Mézard. On se passerait de ce genre d’interruptions qui ne font guère avancer le débat...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais celle-ci est significative !

M. Dominique Braye. Et « s’abstenir positivement », c’est faire avancer le débat ?

M. le président. Poursuivez, mon cher collègue.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, je ne pensais pas mériter autant d’interruptions ! Mais j’en prends acte...

M. René-Pierre Signé. Cela prouve l’intérêt de vos propos ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Merci, mon cher collègue !

Aujourd’hui, la justice est incompatible avec le suivisme de la médiatisation, avec le développement de la notion d’insécurité, insécurité que la recherche du chiffre, disons-le, accentue plus qu’elle ne la diminue.

Nous ne sommes pas montrés du doigt en raison du nombre de détenus rapporté à la population ; d’ailleurs, il suffit de voir ce qui se passe aux États-Unis pour comprendre que, parfois, nous ne sommes pas forcément les plus mauvais, monsieur le président de la commission !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh non !

M. Jacques Mézard. Nous sommes montrés du doigt en raison des déplorables conditions de détention, inacceptables pour le pays des droits de l’homme !

Nous le sommes aussi pour les inégalités dans l’exécution des peines. Sans aller jusqu’à dire que la non-exécution des peines devient un aménagement de peine, je constate néanmoins que l’inégalité qui existe à cet égard pose un problème considérable par rapport aux droits fondamentaux, madame le ministre d’État.

L’utilisation du populisme médiatique sur la récidive et les aménagements de peine est tout de même l’illustration d’un débat qui, malheureusement, n’est pas vraiment allé dans le bon sens. Tant que l’on n’affirmera pas, avec une traduction dans les faits, que la prison ne doit être qu’une sanction de privation de liberté et non une dégradation de l’être humain, tant que l’on considérera que l’entassement et la promiscuité peuvent cohabiter avec la réinsertion, au lieu de reconnaître qu’ils nourrissent la récidive, tant que l’on acceptera que la prison soit un lieu où la violence a libre cours, ce qui est aujourd’hui le cas, il nous restera, mes chers collègues, beaucoup de chemin à parcourir.

Nous avons une loi, faites-en bon usage ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, comme nous tous, saluer l’excellent travail mené par notre rapporteur, Jean-René Lecerf, et plus globalement par notre Haute Assemblée, travail que l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire ont respecté pour l’essentiel.

Le Sénat avait, en premier examen, considérablement enrichi et rééquilibré le texte du Gouvernement en renforçant les droits des détenus et le respect des principales recommandations du Conseil de l’Europe. Notre assemblée a ainsi imposé la reconnaissance de principes fondamentaux, à commencer par celui de l’encellulement individuel.

Il a toujours été très clair, pour notre groupe comme pour notre rapporteur, que l’on ne pouvait revenir sur ce droit. Cela aurait constitué un recul inacceptable, occultant tous les progrès inscrits par ailleurs dans ce texte. La réaffirmation de ce principe permet, de surcroît, de respecter la recommandation 18-5, qui figure dans les règles pénitentiaires européennes, RPE, adoptées à l’unanimité par le Conseil de l’Europe en 2006.

Ensuite, les sénateurs et députés ont consacré le droit à la dignité de la personne incarcérée. L’Assemblée nationale a d’ailleurs renforcé le dispositif de l’article 10 en prévoyant que l’administration pénitentiaire garantit ce droit inhérent à la personne humaine.

Le Parlement a également limité les fouilles en restreignant notamment la possibilité de recourir à des fouilles intégrales.

Les dispositions relatives à la santé des détenus ont été enrichies grâce aux amendements de la commission des affaires sociales du Sénat, de même que les règles relatives aux relations des personnes incarcérées avec le monde extérieur – accès à l’information amélioré, obligation de motiver les refus de droit de visite, consécration législative du caractère secret des correspondances échangées entre les détenus et le contrôleur général des lieux privatifs de liberté, etc.

Les députés et les sénateurs ont également eu comme souci permanent la réinsertion du détenu, que ce soit à travers l’obligation d’activité, la participation à une activité professionnelle dans le respect de l’égalité de traitement avec les personnes handicapées, mais aussi en renforçant les dispositifs d’alternative à la détention provisoire et d’aménagement de peine, en excluant néanmoins de certaines dispositions les personnes en état de récidive légale, montrant ainsi une cohérence avec les lois votées antérieurement par notre majorité.

Avec nos collègues députés, nous avons su trouver un accord sur les conditions de sortie sous bracelet électronique, quatre mois avant la fin de leur peine, des personnes détenues.

On peut, enfin, saluer la mise en conformité de notre droit avec le droit européen en matière d’appel. Ainsi, l’article 39 du projet de loi modifie l’article 505 du code de procédure pénale pour réduire le délai d’appel dont dispose le procureur général à l’encontre d’un jugement de condamnation rendu en matière correctionnelle, ce délai passant ainsi de deux mois à vingt jours. En effet, le délai de deux mois avait été jugé contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mes chers collègues, ce texte apporte donc de réelles améliorations aux conditions d’incarcération des détenus et à leur réinsertion. Toutefois, il restera encore beaucoup à faire pour permettre aux personnes recouvrant leur liberté de se réinsérer totalement dans la société.

Pour que ce texte devienne effectif, encore faut-il que les moyens matériels et humains soient à la hauteur de ses ambitions. La construction de nouvelles prisons et de centres adaptés aux jeunes délinquants va dans ce sens.

Mais cela ne suffit pas. Le recrutement de travailleurs sociaux pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation, la formation et le recrutement de médecins psychiatres pour traiter les psychopathologies qui ne relèvent pas d’une incarcération, la création d’emplois plus nombreux destinés aux détenus, la possibilité pour ceux-ci de disposer d’un logement décent à leur sortie de prison : autant d’objectifs concrets à atteindre pour éviter de faire de la prison l’école de la récidive ou de la marginalisation.

Cela passe également par une prise de conscience des chefs d’entreprise et des responsables des collectivités locales, qui peuvent proposer d’accompagner les détenus – je connais beaucoup de cas – par le biais de contrats d’apprentissage ou de contrats à durée déterminée, et, de manière plus globale, par un effort du monde du travail.

Par conséquent, madame le garde des sceaux, nous comptons sur vous pour poursuivre cet effort, car nous connaissons votre attachement aux valeurs que nous avons voulu défendre lors de nos travaux préparatoires en commission, puis en séance publique. C’est en tout cas avec la satisfaction d’avoir jeté les bases d’un véritable droit pénitentiaire que le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. –Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà huit mois, nous nous retrouvions ici même pour examiner en première lecture le projet de loi pénitentiaire. Tous, nous avions alors salué la qualité exceptionnelle du débat, au cours duquel tous les groupes politiques avaient pu apporter une contribution constructive et parfois décisive, à la hauteur de la mission qui nous était confiée : donner à la France cette grande loi pénitentiaire attendue depuis si longtemps.

Sous la responsabilité du rapporteur, M. Jean René Lecerf, à qui je renouvelle mes remerciements pour son écoute, son engagement et parfois même son audace, nous avions réussi à trouver de nombreux points d’entente dans l’élaboration de cette loi fondamentale.

Je vous rappelle que la paternité de cette loi, nous la devons au Parlement, avant sa reprise en main par le Gouvernement, et que le projet de loi initial n’est plus qu’une ombre portée sur le projet que nous examinons aujourd’hui. (M. Nicolas About s’exclame.) II faut donc se féliciter du rôle, rare, que le Parlement a joué dans l’élaboration de cette loi.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De la coproduction législative, en quelque sorte ! (Sourires.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Notre feuille de route était simple.

D’abord, il nous appartenait de codifier, dans notre droit interne, les règles pénitentiaires européennes, ainsi que la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’homme relative aux droits des personnes détenues et à leur protection.

Cet objectif va de pair avec un autre objectif que nous nous étions fixé : mettre un terme à une forme d’opacité des règles régissant la condition carcérale, domaine dans lequel l’administration pénitentiaire a pu jouir, à une époque pas si lointaine, d’une certaine latitude, voire d’une impunité s’agissant de quelques pratiques.

Je pense, par exemple, au recours abusif à la notion de « mesure d’ordre intérieur », qui permet à l’administration pénitentiaire de prononcer des mesures sans que celles-ci puissent être contrôlées par un juge, notamment pour ce qui concerne les régimes différenciés. Je pense également aux règles que l’administration pénitentiaire produisait elle-même, alors que celles-ci relevaient manifestement du domaine de la loi.

En élevant au rang législatif les dispositions applicables dans les établissements pénitentiaires en matière de droits des personnes détenues et, surtout, en fixant un cadre procédural à leur protection, nous leur avons donné une nouvelle dimension, ce dont nous pouvons nous féliciter.

Je vous épargnerai un inventaire à la Prévert, me contentant de vous faire part d’un regret : nous aurions pu aller plus loin, notamment pour ce qui est de l’engagement des personnes détenues dans les associations de gestion de leur quotidien ou de leurs activités. C’est dans cette optique que nous avons défendu des positions concernant plusieurs droits dont la protection ne nous semble pas suffisante.

Certaines pratiques méritaient d’être, à tout le moins, mieux encadrées, voire carrément bannies. C’est le cas des fouilles intégrales et des investigations corporelles : je suis convaincue que rien ne peut justifier, dans un État de droit, de telles atteintes à la dignité des personnes détenues, ces pratiques étant, par nature, attentatoires à la dignité humaine. Dans la mesure où elles sont condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme, nous aurions dû les proscrire purement et simplement.

Je songe également aux restrictions imposées à la jouissance ou à l’exercice des droits reconnus, dont le contour nous paraît flou : en laissant l’administration pénitentiaire interpréter souverainement des notions aussi imprécises que le « bon fonctionnement de l’établissement », on lui donne la possibilité de disposer des droits des détenus.

Cette démarche nous semble contraire non seulement à l’esprit même des objectifs que nous nous étions fixés, à savoir l’élévation au niveau législatif des dispositions relatives à la protection des droits des personnes détenues, mais aussi à l’article 34 de la Constitution, qui définit de manière stricte le domaine de compétence du pouvoir réglementaire.

Enfin, nous regrettons le maintien des régimes différenciés, dont la consécration législative nous fait craindre qu’ils ne soient utilisés par l’administration pénitentiaire comme un outil de gestion de la détention. Il nous paraît fondamental que les décisions de placement en régime différencié puissent être contrôlées par un juge de l’excès de pouvoir, et ce contre l’avis de l’administration pénitentiaire, laquelle les considère comme des mesures d’ordre intérieur ne faisant pas grief.

Sur ce point, nous avions obtenu satisfaction, et je souhaite que M. le rapporteur nous confirme cette interprétation de l’article 51 du projet de loi.

Sous toutes ces réserves, nous pouvons admettre que le volet relatif aux droits des détenus est satisfaisant. Il a d’ailleurs été largement étoffé par l’Assemblée nationale, ce dont nous devons nous réjouir.

Ainsi, le principe du respect de la dignité du détenu, sur lequel nous avons eu un débat vif dans cet hémicycle, a été consacré et la mise en œuvre de sa protection, renforcée.

Pour ce qui concerne le volet relatif aux aménagements de peine, il faut également se réjouir du maintien, dans le code de procédure pénale, du principe de l’encellulement individuel. Il s’agissait là d’un casus belli entre le Gouvernement et le Sénat ; ce dernier l’a finalement emporté, même si l’application de ce principe est rendue théorique par la mise en œuvre d’un moratoire.

En revanche, la restriction apportée aux aménagements de peine pour les récidivistes ne laisse de nous inquiéter. Cette proposition est arrivée « comme un cheveu sur la soupe » devant l’Assemblée nationale, sans avoir jamais été évoquée devant le Sénat.

Pourquoi ce retour en arrière ? Pourquoi le thème de la récidive surgit-il de nouveau au sein d’un projet de loi pourtant consensuel ? Pourquoi l’instrumentaliser encore davantage dans le cadre d’un projet de loi pénitentiaire supposé simplifier les procédures relatives aux aménagements de peine ?

La réponse à ces questions n’est pas seulement à chercher dans l’actualité, où des faits divers ont fourni une nouvelle occasion au Gouvernement de mettre en avant son absence de laxisme en matière de politique pénale.

Il faut savoir que, depuis quelques mois, des associations ont entrepris un lobbying intense auprès tant des services de la Chancellerie que des députés de la majorité. Ces associations, en apparence mues par la volonté d’aider les victimes, sont en réalité profondément hostiles à ce projet de loi, notamment aux dispositions relatives aux aménagements de peine.

L’une de ces associations dénonçait au mois d’août dernier la mise en conformité de la France avec les règles pénitentiaires européennes, qu’elle a qualifiées – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – d’« absurdes », les considérant comme autant de « menaces » pour la « sécurité de nos prisons ». Cette même association, qui tenait voilà quelques mois une conférence au Local, haut lieu de la jeunesse d’extrême droite à Paris, a organisé un colloque à l’Assemblée nationale, à la veille de la séance publique consacrée à l’examen du projet de loi pénitentiaire, colloque pour lequel elle a même obtenu le parrainage de plusieurs personnalités de la majorité.

Si le volet relatif aux aménagements des peines a été durci dans le projet de loi, c’est à la suite des pressions exercées par ces associations, qui « surfent » de manière dangereuse sur le populisme pénal.

Comment interpréter autrement le nouvel article 47 bis, introduit à l’Assemblée nationale, qui permet à l’avocat de la partie civile de faire valoir ses observations en cas de demande de libération conditionnelle ? Est-ce son rôle ? Le juge de l’application des peines n’est-il pas maître de ses décisions ? Or cette mesure se trouve très précisément dans un document émanant de l’une de ces associations que j’ai reçu dernièrement.

Mes chers collègues, nous respectons profondément le droit des victimes d’obtenir, dans le cadre d’un procès digne, la condamnation de l’auteur d’un crime. Toutefois, nous refusons catégoriquement ce que ces associations revendiquent, à savoir des peines perpétuelles, la remise en cause systématique des décisions de non-lieu rendues par un tribunal ou l’abolition des remises de peine.

Le législateur devrait se tenir à l’écart de ces organisations, sous peine de se trouver associé à de telles revendications et de sombrer dans un populisme pénal indigne de notre pays.

J’aimerais enfin évoquer un point qui est totalement absent de ce projet de loi pénitentiaire et qui mériterait pourtant quelques mots : la place que le Gouvernement entend donner, à l’avenir, au Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire.

Ce conseil est visé par les articles D. 234 et suivants du code de procédure pénale et a vocation à se réunir une fois par an, en séance plénière, afin de délibérer sur les questions relevant de la compétence de la direction de l’administration pénitentiaire et qui sont soumises à son examen par le ministre de la justice.

Il est censé formuler des avis et établir des rapports à destination du ministre de la justice et du directeur de l’administration pénitentiaire sur tous les sujets touchant la question pénitentiaire : le suicide en prison, la surpopulation, les conditions de travail des personnels ou la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes.

Au cours de ces derniers mois, les occasions de réunir cette autorité n’ont pas manqué. Le Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire aurait ainsi pu contribuer à poser les bases d’une politique pénitentiaire digne de ce nom, afin que nous réfléchissions ensemble sur des questions sensibles comme l’augmentation démesurée et récente des suicides en prison.

En fait, ce conseil, dont M. Jean-René Lecerf, M. Roland du Luart et moi-même sommes membres, s’est réuni pour la dernière fois le 8 juillet 1999, sous la présidence, à l’époque, d’Élisabeth Guigou. Autant dire que, depuis dix ans, ce conseil sommeille, alors qu’il aurait pu jouer un rôle important, notamment dans l’élaboration de ce projet de loi pénitentiaire. Ne devrait-il pas, normalement, participer à la définition des politiques pénitentiaires et à la vérification de leur exécution ? Ne devrait-il pas, compte tenu des multiples expertises de ses membres, être reconnu comme compétent pour formuler des avis ?

Il pourrait aussi prendre toute sa place dans le processus de mise en œuvre de la future loi pénitentiaire. On pourrait lui confier la tâche d’émettre des avis sur différents rapports, notamment celui du contrôleur général des lieux de privation de liberté, ou de contribuer à l’élaboration des décrets d’application, et d’abord ceux de la loi que nous examinons aujourd’hui, afin de trouver, dans un cadre consensuel, des solutions acceptables par tous les acteurs du monde pénitentiaire.

Ma dernière remarque prendra donc la forme d’une question, que je vous adresse, madame le garde des sceaux : avez-vous l’intention de convoquer le Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire, après dix ans d’un coma injustifié, afin qu’il puisse apporter sa pierre à la mise en œuvre de la loi pénitentiaire et participer aux décisions qui seront prises pour son exécution ?

Lors de la première lecture de ce texte devant le Sénat, les sénatrices et sénateurs Verts s’étaient abstenus, déplorant que le projet de loi, qui avait pris un excellent chemin, se soit arrêté en cours de route. Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne nous a pas convaincus : si la position du Sénat a été maintenue sur de nombreux points, l’Assemblée nationale a souhaité revenir au texte du Gouvernement sur d’autres aspects, ce que nous regrettons.

Pour toutes ces raisons, les sénatrices et sénateurs Verts s’abstiendront lors du vote sur le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, le texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pénitentiaire, dont nous débattons aujourd’hui, a un grand mérite : il aborde un problème fondamental de notre société contemporaine, l’incarcération. Mais il a malheureusement un grand défaut : il ne le règle pas totalement.

Telle est, après beaucoup d’autres projets de loi, la constatation un peu désespérée que nous sommes plusieurs à formuler dans cet hémicycle, ayant relevé que les conséquences des législations successives ne reflètent pas toujours les bonnes intentions affichées au départ. Car là réside bien le paradoxe actuel ! Plus on légifère et plus la situation semble s’aggraver dans les prisons. Plus on tente d’améliorer le sort des prisonniers et plus celui-ci semble se détériorer, pour toutes sortes de raisons, structurelles et conjoncturelles, certes, qui aboutissent cependant aux mêmes résultats : surpopulation, promiscuité, maladies psychiatriques, vieillissement et répression, faisant de l’univers carcéral, d’une part, un lieu non conforme au respect de la dignité humaine et, d’autre part, un espace criminogène, ce qui montre ses limites en matière de lutte contre la délinquance.

Il est vrai que, par son caractère hétéroclite – trop de circulaires régissent la vie du prisonnier –, le droit pénitentiaire demeurera un droit de seconde catégorie, y compris au lendemain du vote de ce nouveau projet de loi. En effet, malgré de véritables avancées, ce texte n’ôte pas au droit pénitentiaire le défaut permanent que dénoncent certains, à savoir l’insécurité juridique dont il est empreint.

Si, au nom du plus grand nombre des sénateurs du groupe RDSE, je ne puis qu’émettre une appréciation réservée sur un projet de loi qui ne règle pas les problèmes que je viens d’évoquer, je me félicite que, d’une manière toute consensuelle, les sept sénateurs et sept députés composant la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 7 octobre dernier soient revenus à l’unanimité, malgré l’avis du Gouvernement, sur des positions plus proches de celles du Sénat. Cela prouve une fois de plus, s’il en était besoin, la qualité des réflexions et décisions de notre Haute Assemblée, surtout lorsqu’il s’agit de l’importante question de la liberté individuelle, à laquelle elle est toujours très attachée.

La commission mixte paritaire a en effet repris à son compte le principe de l’encellulement individuel qui, je le rappelle, existe dans la loi française depuis 1875, c’est-à-dire depuis l’instauration officielle de la IIIRépublique. Elle a également conservé l’idée d’une surveillance électronique des détenus condamnés à des peines égales ou inférieures à deux ans d’emprisonnement, dont l’initiative revint naguère à Guy-Pierre Cabanel, alors président du RDSE, avec la complicité de M. le président de la commission des lois, lequel, voilà tout juste dix ans, avait cosigné avec lui un remarquable rapport au sous-titre explicite : « Prisons, une humiliation pour la République ».

Je ne reviendrai pas, en effet, sur la question de la surpopulation carcérale, grandissante, inacceptable, indigne d’une démocratie moderne, surtout lorsque se retrouvent à trois, quatre ou cinq par cellule, dans une promiscuité insoutenable, des personnes en détention provisoire et d’autres purgeant de courtes peines, avec toutes les conséquences que cela implique.

J’ai parfaitement conscience que l’on ne construira pas, dans les prochains mois, ni même dans les prochaines années, les cellules individuelles désormais conformes à la loi. Mais la loi, c’est indispensable, doit être l’aiguillon d’une nouvelle politique interdisant désormais au Gouvernement de se réfugier derrière des arguties juridiques pour ne pas prendre ses responsabilités en la matière et ne pas ouvrir enfin le vaste chantier des prisons.

N’est-ce pas l’esprit même des déclarations de notre estimé collègue rapporteur, M. Jean-René Lecerf, lorsqu’il affirme : « Pour la première fois dans notre histoire, les conditions sont réunies pour que nous parvenions à l’encellulement individuel » ? Il doit s’agir non d’un vœu, mais d’un but. La représentation nationale y sera attentive.

Parallèlement, la CMP s’est montrée favorable au bracelet électronique et à ses conditions d’utilisation – heures de présence au domicile, interdiction de fréquenter tels lieux ou telles personnes… –, et a confié cette décision au procureur de la République ou, à défaut, au juge de l’application des peines.

En évitant opportunément la surpopulation carcérale et la rupture des liens sociaux, professionnels et familiaux, cette mesure constitue un réel outil de réinsertion. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, là où elle a été expérimentée, cette solution de substitution fiable a fait ses preuves et inversé de façon constructive le « tout-prison », si éminemment abusif.

En première lecture, le Sénat avait adopté d’autres mesures, dont la faculté donnée au juge de l’application des peines de prononcer des mesures alternatives à l’emprisonnement. Ces dispositions tendaient toutes à humaniser davantage le milieu carcéral – dans le respect de sa triple mission que vous avez rappelée tout à l’heure, madame la ministre d’État – et à faire bénéficier les détenus de mesures effectives de réinsertion.

Toutes n’ont pas été retenues ; c’est pourquoi le groupe RDSE, dans sa quasi-totalité, tout en relevant les améliorations sensibles qui ont été apportées, s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

En cet instant solennel, je souhaite personnellement féliciter le rapporteur, la commission des lois ainsi que son président. Nos travaux sur la défense des droits des individus privés de liberté, engagés voilà plus de dix ans, ont profondément marqué ce texte de leur empreinte, et le Sénat peut être fier d’avoir contribué à la défense de la dignité humaine.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement :

1° aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ;

2° le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue, le cas échéant, sur les amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

TITRE PRÉLIMINAIRE

DU SENS DE LA PEINE DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Discussion générale (suite)
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Article 1er

Article 1er A

Le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions.

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AU SERVICE PUBLIC PÉNITENTIAIRE ET À LA CONDITION DE LA PERSONNE DÉTENUE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux missions et à l’organisation du service public pénitentiaire

Article 1er A
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Article 2

Article 1er

Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines des personnes condamnées.

Article 1er
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Article 2 bis

Article 2

Le service public pénitentiaire est assuré par l’administration pénitentiaire sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice, avec le concours des autres services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et d’autres personnes publiques ou privées.

Les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires sont assurées par l’administration pénitentiaire. Les autres fonctions peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé bénéficiant d’une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

Article 2
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Article 2 ter

Article 2 bis

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l’administration pénitentiaire, afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

La possibilité de contrôler et de retenir les correspondances prévue par l’article 17 ne s’applique pas aux correspondances échangées entre le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et les personnes détenues.

Article 2 bis
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Article 2 quinquies

Article 2 ter

Un conseil d’évaluation est institué auprès de chaque établissement pénitentiaire afin d’évaluer les conditions de fonctionnement de l’établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.

La composition et les modalités de fonctionnement de ce conseil sont déterminées par décret.

………………………………………………………………………………

Article 2 ter
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Article 2 sexies

Article 2 quinquies

Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire indépendant, chargé de collecter et d’analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l’exécution des décisions de justice en matière pénale, à la récidive et à la réitération, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive et de réitération en fonction des catégories d’infractions et des peines prononcées et exécutées, ainsi qu’une estimation de ces taux par établissement pour peines. Il comprend également le taux de suicide par établissement pénitentiaire. Ce rapport présente une évaluation des actions menées au sein des établissements pénitentiaires en vue de prévenir la récidive et la réitération, favoriser la réinsertion et prévenir le suicide.

Article 2 quinquies
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Article 3

Article 2 sexies

Les conditions dans lesquelles les représentants des collectivités territoriales et les représentants des associations et autres personnes publiques ou privées peuvent participer aux instances chargées de l’évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires ainsi que du suivi des politiques pénitentiaires sont fixées par décret.

Article 2 sexies
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Article 3 bis

Article 3

L’État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l’organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.

Six mois avant le terme de la période prévue au premier alinéa, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de cette expérimentation.

Article 3
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Article 4

Article 3 bis

Le premier président de la cour d’appel, le procureur général, le président de la chambre de l’instruction, le président du tribunal de grande instance, le procureur de la République, le juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction, le juge de l’application des peines et le juge des enfants visitent au moins une fois par an chaque établissement pénitentiaire situé dans leur ressort territorial de compétence.

Chapitre II

Dispositions relatives aux personnels pénitentiaires et à la réserve civile pénitentiaire

Section 1

Des conditions d’exercice des missions des personnels pénitentiaires

Article 3 bis
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Article 4 quinquies

Article 4

L’administration pénitentiaire comprend des personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d’insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques.

Un code de déontologie du service public pénitentiaire, établi par décret en Conseil d’État, fixe les règles que doivent respecter ces agents ainsi que les agents des personnes de droit public ou privé habilitées en application du second alinéa de l’article 2.

Ce même décret fixe les conditions dans lesquelles les agents de l’administration pénitentiaire prêtent serment ainsi que le contenu de ce serment.

………………………………………………………………………………

Article 4
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Article 6

Article 4 quinquies

Les personnels de l’administration pénitentiaire sont tenus de suivre une formation initiale et continue adaptée à la nature et à l’évolution de leurs missions.

Ils participent, à leur demande ou à celle de l’administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l’École nationale de l’administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation.

………………………………………………………………………………

Section 2

De la réserve civile pénitentiaire

Article 4 quinquies
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Article 7

Article 6

Il est créé une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité relevant du ministère de la justice, ainsi que des missions de formation des personnels, d’étude ou de coopération internationale. La réserve civile pénitentiaire peut également être chargée d’assister les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation dans l’exercice de leurs fonctions de probation.

La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire.

Les réservistes sont soumis au code de déontologie du service public pénitentiaire.

Un agent ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l’exercice des missions prévues au premier alinéa ne peut se porter volontaire pour entrer dans la réserve civile.

Article 6
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Article 8

Article 7

Les agents mentionnés à l’article 6 peuvent demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service.

Les volontaires doivent remplir des conditions d’aptitude fixées par décret. Ceux dont la candidature a été acceptée souscrivent un engagement contractuel d’une durée minimale d’un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an.

………………………………………………………………………………

Article 7
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Article 9

Article 8

Le réserviste exerçant des fonctions salariées qui effectue les missions prévues à l’article 6 au titre de la réserve civile pénitentiaire pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l’accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, ou de conventions conclues entre l’employeur et le ministre de la justice.

Un décret détermine les conditions d’application du présent article. Il fixe notamment les conditions de forme et de délai dans lesquelles le salarié adresse sa demande d’accord à son employeur en application du présent article, l’employeur notifie au salarié son refus éventuel et le salarié informe l’administration pénitentiaire de ce refus.

Article 8
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Article 10

Article 9

Les périodes d’emploi des réservistes sont indemnisées dans des conditions fixées par décret.

Dans le cas où le réserviste exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d’ancienneté, d’avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.

Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l’encontre d’un réserviste en raison des absences résultant de la présente section.

Pendant la période d’activité dans la réserve, l’intéressé bénéficie, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions prévues à l’article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.

Chapitre III

Dispositions relatives aux droits et devoirs des personnes détenues

Section 1

Dispositions générales

Article 9
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Article 10 bis

Article 10

L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L’exercice de ceux-ci ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l’intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de l’état de santé, du handicap et de la personnalité de la personne détenue.

Article 10
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Article 10 ter

Article 10 bis

Lors de son admission dans un établissement pénitentiaire, la personne détenue est informée oralement, dans une langue compréhensible par elle, et par la remise d’un livret d’accueil, des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations et aux recours et requêtes qu’elle peut former. Les règles applicables à l’établissement sont également portées à sa connaissance et lui sont rendues accessibles pendant la durée de sa détention.

Article 10 bis
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Article 11

Article 10 ter

Toute personne détenue doit pouvoir connaître ses droits et bénéficier, pour ce faire, d’un dispositif de consultations juridiques gratuites mis en place dans chaque établissement.

Article 10 ter
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Article 11 bis

Article 11

Les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats.

Article 11
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Article 11 ter

Article 11 bis

Les personnes détenues ont droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l’organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement.

Section 1 bis

De l’obligation d’activité

Article 11 bis
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Article 11 quater A

Article 11 ter

Toute personne condamnée est tenue d’exercer au moins l’une des activités qui lui est proposée par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation dès lors qu’elle a pour finalité la réinsertion de l’intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité.

Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l’activité consiste par priorité dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul. Lorsqu’elle ne maîtrise pas la langue française, l’activité consiste par priorité dans son apprentissage. L’organisation des apprentissages est aménagée lorsqu’elle exerce une activité de travail.

Article 11 ter
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Article 11 quater

Article 11 quater A

Sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité des établissements et à titre dérogatoire, des activités peuvent être organisées de façon mixte.

Article 11 quater A
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Article 12

Article 11 quater

Sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement, les personnes détenues sont consultées par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées.

Section 2

Des droits civiques et sociaux

Article 11 quater
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Article 12 bis A

Article 12

Les personnes détenues peuvent élire domicile auprès de l’établissement pénitentiaire :

1° Pour l’exercice de leurs droits civiques, lorsqu’elles ne disposent pas d’un domicile personnel. Avant chaque scrutin, le chef d’établissement organise avec l’autorité administrative compétente une procédure destinée à assurer l’exercice du vote par procuration ;

2° Pour prétendre au bénéfice des droits mentionnés à l’article L. 121-1 du code de l’action sociale et des familles, lorsqu’elles ne disposent pas d’un domicile de secours au moment de leur incarcération ou ne peuvent en justifier ;

3° Pour faciliter leurs démarches administratives.

Article 12
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(Supprimé)

Article 12 bis A

Article 12 bis A
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Article 12 bis

(Supprimé)

(Supprimé)
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(Supprimé)

Article 12 bis

Article 12 bis
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Article 12 ter

(Supprimé)

(Supprimé)
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(Supprimé)

Article 12 ter

Article 12 ter
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Article 13

(Supprimé)

(Supprimé)
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Article 14

Article 13

Les personnes détenues dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie réglementaire reçoivent de l’État une aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d’existence. Cette aide peut aussi être versée en numéraire dans des conditions prévues par décret.

………………………………………………………………………………

Article 13
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Article 14 bis

Article 14

La participation des personnes détenues aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l’établissement d’un acte d’engagement par l’administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d’établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles la personne détenue, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l’absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l’insertion par l’activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

Dans le cadre de l’application du présent article, le chef d’établissement s’assure que les mesures appropriées sont prises afin de garantir l’égalité de traitement en matière d’accès et de maintien à l’activité professionnelle en faveur des personnes handicapées détenues.

Article 14
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(Supprimé)

Article 14 bis

Article 14 bis
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Article 15 A

(Supprimé)

Section 3

De la vie privée et familiale et des relations avec l’extérieur

(Supprimé)
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Article 15

Article 15 A

Les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à leur comparution devant la juridiction de jugement.

Article 15 A
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Article 15 bis

Article 15

Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

L’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d’un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions.

L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer.

Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l’autorité judiciaire.

Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées.

Article 15
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Article 15 ter

Article 15 bis

Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue.

Toute personne détenue peut bénéficier à sa demande d’au moins une visite trimestrielle dans une unité de vie familiale ou un parloir familial, dont la durée est fixée en tenant compte de l’éloignement du visiteur. Pour les prévenus, ce droit s’exerce sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire compétente.

Article 15 bis
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Article 15 quater

Article 15 ter 

I. – L’article 515-3 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou, en cas d’empêchement grave à la fixation de celle-ci, dans le ressort duquel se trouve la résidence de l’une des parties » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d’empêchement grave, le procureur de la République requiert le greffier du tribunal d’instance de se transporter au domicile ou à la résidence de l’une des parties pour enregistrer le pacte civil de solidarité. » ;

3° Au deuxième alinéa, le mot : « elles » est remplacé par les mots : « les personnes qui concluent un pacte civil de solidarité » ;

4° Au dernier alinéa, les mots : « deuxième et quatrième » sont remplacés par les mots : « troisième et cinquième ».

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 515-5 du même code, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».

III. – À l’article 2499 du même code, après les mots : « “greffe du tribunal de première instance” », sont insérés les mots : «, les mots : “greffier du tribunal d’instance” sont remplacés par les mots : “greffier du tribunal de première instance” ».

Article 15 ter
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Article 16

Article 15 quater 

Une convention entre l’établissement pénitentiaire et le département définit l’accompagnement social proposé aux mères détenues avec leurs enfants et prévoit un dispositif permettant la sortie régulière des enfants à l’extérieur de l’établissement pour permettre leur socialisation.

Article 15 quater
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Article 17

Article 16

Les personnes détenues ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Elles peuvent être autorisées à téléphoner à d’autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire.

L’accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l’information.

Le contrôle des communications téléphoniques est effectué conformément à l’article 727-1 du code de procédure pénale.

Article 16
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Article 18

Article 17

Les personnes condamnées et, sous réserve que l’autorité judiciaire ne s’y oppose pas, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.

Le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être contrôlé et retenu par l’administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du bon ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l’autorité judiciaire selon les modalités qu’elle détermine.

Ne peuvent être ni contrôlées ni retenues les correspondances échangées entre les personnes détenues et leur défenseur, les autorités administratives et judiciaires françaises et internationales dont la liste est fixée par décret, et les aumôniers agréés auprès de l’établissement.

Lorsque l’administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d’une personne détenue, elle lui notifie sa décision.

Article 17
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Article 18 bis

Article 18

Les personnes détenues doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l’utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification.

L’administration pénitentiaire peut s’opposer à la diffusion ou à l’utilisation de l’image ou de la voix d’une personne condamnée, dès lors que cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre son identification et que cette restriction s’avère nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu’à la réinsertion de la personne concernée. Pour les prévenus, la diffusion et l’utilisation de leur image ou de leur voix sont autorisées par l’autorité judiciaire.

Article 18
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Article 19

Article 18 bis

Toute personne détenue a droit à la confidentialité de ses documents personnels. Ces documents peuvent être confiés au greffe de l’établissement qui les met à la disposition de la personne concernée. Les documents mentionnant le motif d’écrou de la personne détenue sont, dès son arrivée, obligatoirement confiés au greffe.

Section 4

De l’accès à l’information

Article 18 bis
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Article 19 bis

Article 19

Les personnes détenues ont accès aux publications écrites et audiovisuelles. Toutefois, l’autorité administrative peut interdire l’accès des personnes détenues aux publications contenant des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l’encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues.

Section 4 bis

De la sécurité

Article 19
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Article 20 A

Article 19 bis

L’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.

Même en l’absence de faute, l’État est tenu de réparer le dommage résultant du décès d’une personne détenue causé par des violences commises au sein d’un établissement pénitentiaire par une autre personne détenue.

Toute personne détenue victime d’un acte de violence caractérisé commis par un ou plusieurs codétenus fait l’objet d’une surveillance et d’un régime de détention particuliers. Elle bénéficie prioritairement d’un encellulement individuel.

Lorsqu’une personne détenue s’est donné la mort, l’administration pénitentiaire informe immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et facilite, à leur demande, les démarches qu’ils peuvent être conduits à engager.

Section 5

De la santé

Article 19 bis
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Article 20

Article 20 A

L’administration pénitentiaire respecte le droit au secret médical des personnes détenues ainsi que le secret de la consultation, dans le respect des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 6141-5 du code de la santé publique.

Article 20 A
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Article 20 bis A

Article 20

La prise en charge de la santé des personnes détenues est assurée par le service public hospitalier dans les conditions prévues par le code de la santé publique.

La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population.

Un protocole signé par le directeur général de l’agence régionale de santé, le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef de l’établissement pénitentiaire et le directeur de l’établissement de santé concerné définit les conditions dans lesquelles est assurée l’intervention des professionnels de santé appelés à intervenir en urgence dans les établissements pénitentiaires, afin de garantir aux personnes détenues un accès aux soins d’urgence dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population.

L’état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention.

L’administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l’éducation sanitaires.

Elle assure un hébergement, un accès à l’hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.

Article 20
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Article 20 bis

Article 20 bis A

Une prise en charge sanitaire adaptée à leurs besoins doit être assurée aux femmes détenues, qu’elles soient accueillies dans un quartier pour femmes détenues ou dans un établissement dédié.

Article 20 bis A
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Article 21

Article 20 bis

Ne peuvent être demandés aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral ni un acte dénué de lien avec les soins ou avec la préservation de la santé des personnes détenues, ni une expertise médicale.

Article 20 bis
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Article 22

Article 21

Doivent être titulaires d’un permis de visite les autorisant à s’entretenir avec les personnes détenues, hors de la présence du personnel pénitentiaire :

1° Les personnes bénévoles intervenant auprès des personnes malades en fin de vie, visées à l’article L. 1110-11 du code de la santé publique ;

2° Les personnes majeures accompagnant les personnes malades mineures, visées à l’article L. 1111-5 du même code ;

3° Les personnes de confiance accompagnant et assistant les personnes malades, visées à l’article L. 1111-6 du même code ;

4° Les personnes présentes lors de la consultation des informations du dossier médical des personnes malades, visées à l’article L. 1111-7 du même code ;

5° Les personnes, visées au troisième alinéa de l’article L. 2212-7 du même code, accompagnant les détenues mineures à l’occasion d’une interruption volontaire de grossesse.

Article 21
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Article 22 bis

Article 22

Toute personne détenue se trouvant dans la situation de handicap prévue par l’article L. 1111-6-1 du code de la santé publique a le droit de désigner un aidant de son choix. L’administration pénitentiaire peut s’opposer au choix de l’aidant par une décision spécialement motivée.

Article 22
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(Supprimé)

Article 22 bis

Article 22 bis
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Article 22 ter AA

(Supprimé)

(Supprimé)
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Article 22 ter A

Article 22 ter AA

Il est proposé à la personne détenue, lors de son incarcération, un bilan de santé relatif à sa consommation de produits stupéfiants, d’alcool et de tabac. Ce bilan, effectué à titre préventif, dans un but de santé publique et dans l’intérêt du patient, reste confidentiel.

Article 22 ter AA
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Article 22 ter

Article 22 ter A

Tout accouchement ou examen gynécologique doit se dérouler sans entraves et hors la présence du personnel pénitentiaire, afin de garantir le droit au respect de la dignité des femmes détenues.

Article 22 ter A
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Article 22 quater

Article 22 ter

Une visite médicale est proposée à toute personne condamnée dans le mois précédant sa libération.

Article 22 ter
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Article 22 quinquies

Article 22 quater

Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un dossier médical électronique unique est constitué pour chaque personne détenue.

Article 22 quater
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Article 22 sexies

Article 22 quinquies

Le 2° de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l’article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, est complété par un j ainsi rédigé :

« j) Elles évaluent et identifient les besoins sanitaires des personnes en détention. Elles définissent et régulent l’offre de soins en milieu pénitentiaire ; ».

Article 22 quinquies
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Article 24

Article 22 sexies

Après le 4° de l’article L. 1434-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de l’article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 précitée, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Les objectifs et les moyens dédiés à l’offre de soins en milieu pénitentiaire. »

………………………………………………………………………………

Section 7

De la surveillance

Article 22 sexies
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Article 24 bis

Article 24

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues.

Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes.

Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin n’exerçant pas au sein de l’établissement pénitentiaire et requis à cet effet par l’autorité judiciaire.

Article 24
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Article 26

Article 24 bis

Des caméras de surveillance peuvent être installées dans les espaces collectifs présentant un risque d’atteinte à l’intégrité physique des personnes au sein des établissements pénitentiaires. Cette faculté constitue une obligation pour l’ensemble des établissements pénitentiaires dont l’ouverture est postérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.

Section 8

Des mineurs détenus

………………………………………………………………………………

Article 24 bis
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Article 29

Article 26

Les mineurs détenus, lorsqu’ils ne sont pas soumis à l’obligation scolaire, sont tenus de suivre une activité à caractère éducatif.

………………………………………………………………………………

Chapitre IV

Dispositions diverses

………………………………………………………………………………

Article 26
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Article 32

Article 29

L’article 205 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles un établissement public national à caractère administratif peut exercer à la demande du garde des sceaux, ministre de la justice, pour les opérations qu’il lui confie, dans des conditions prévues par convention, la maîtrise d’ouvrage de plein exercice. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, les mots : « L’agence » sont remplacés par les mots : « Cet établissement » ;

b) À la dernière phrase, les mots : « l’agence » sont remplacés par les mots : « l’établissement » ;

3° Au début du dernier alinéa, les mots : « L’Agence de maîtrise d’ouvrage des travaux du ministère de la justice » sont remplacés par les mots : « L’établissement ».

………………………………………………………………………………

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU PRONONCÉ DES PEINES, AUX ALTERNATIVES À LA DÉTENTION PROVISOIRE, AUX AMÉNAGEMENTS DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ ET À LA DÉTENTION

Chapitre Ier

Dispositions modifiant le code pénal

………………………………………………………………………………

Section 1

Des aménagements de peines

Article 29
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Article 33

Article 32

L’article 132-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l’article 132-19-1, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d’emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l’objet d’une des mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28. »

Article 32
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Article 33 bis

Article 33

I. – L’article 132-25 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, elle peut décider que cette peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la semi-liberté à l’égard du condamné qui justifie :

« 1° Soit de l’exercice d’une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d’un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d’un emploi ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de l’existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d’un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l’épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « par l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « aux alinéas précédents » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.

II. – L'article 132-26 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : «, à la recherche d'un emploi » et les mots : « ou au traitement » sont remplacés par les mots : «, au traitement ou au projet d'insertion ou de réinsertion » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le condamné admis au bénéfice du placement à l'extérieur est astreint, sous le contrôle de l'administration, à effectuer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire. »

III. – L’article 132-26-1 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement, ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, elle peut décider que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime du placement sous surveillance électronique à l’égard du condamné qui justifie :

« 1° Soit de l’exercice d’une activité professionnelle, même temporaire, du suivi d’un stage ou de son assiduité à un enseignement, à une formation professionnelle ou à la recherche d’un emploi ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de l’existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout autre projet caractérisé d’insertion ou de réinsertion de nature à prévenir les risques de récidive.

« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d’un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l’épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an. » ;

2° La dernière phrase du second alinéa est supprimée.

IV. – L’article 132-27 est ainsi modifié :

1° Le mot : « grave » est supprimé ;

2° Les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an » ;

3° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

Article 33
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(Supprimé)

Article 33 bis

Article 33 bis
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Article 35

(Supprimé)

Section 2

Du travail d’intérêt général

……………………………………………………………………………….

(Supprimé)
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Article 37

Article 35

I. – L'article 132-54 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La juridiction peut, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 132-40 et 132-41, prévoir que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à deux cent dix heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d'intérêt général. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La juridiction peut en outre soumettre le condamné à tout ou partie des obligations prévues à l'article 132-45 pour une durée qui ne peut excéder dix-huit mois. L'exécution du travail d'intérêt général avant la fin de ce délai ne met pas fin à ces obligations. »

I bis. – Au dernier alinéa de l'article 132-55, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « dix-huit ».

II. – L’article 132-57 est ainsi modifié :

1° Après les mots : « le condamné accomplira », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « , pour une durée de vingt à deux cent dix heures, un travail d’intérêt général non rémunéré au profit soit d’une personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général. » ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article est applicable aux peines d’emprisonnement ayant fait l’objet d’un sursis partiel, assorti ou non d’une mise à l’épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d’emprisonnement inférieures ou égales à six mois résultant de la révocation d’un sursis, assorti ou non d’une mise à l’épreuve.

« En cas d’exécution partielle d’un travail d’intérêt général, le juge de l’application des peines peut ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende. »

Chapitre II

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

………………………………………………………………………………

Section 1

De l’assignation à résidence avec surveillance électronique

Article 35
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Article 38

Article 37

I. – L'intitulé de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est ainsi rédigé : « Du contrôle judiciaire, de l'assignation à résidence et de la détention provisoire ».

II. – L'article 137 est ainsi rédigé :

« Art. 137. – Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

« Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

« À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire. »

III. – Les sous-sections 2 et 3 de la section VII du chapitre Ier du titre III du livre Ier deviennent respectivement les sous-sections 3 et 4, l’article 143 devient l’article 142-4 et, après cet article 142-4, il est rétabli une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« De l’assignation à résidence avec surveillance électronique

« Art. 142-5. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique peut être ordonnée, avec l’accord ou à la demande de l’intéressé, par le juge d’instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d’emprisonnement correctionnel d’au moins deux ans ou une peine plus grave.

« Cette mesure oblige la personne à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s’en absenter qu’aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat.

« Cette obligation est exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l’aide du procédé prévu par l’article 723-8. Elle peut également être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile, à l’aide du procédé prévu par l’article 763-12, si la personne est mise en examen pour une infraction punie de plus de sept ans d’emprisonnement et pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Les articles 723-9 et 723-12 ainsi que, le cas échéant, les articles 763-12 et 763-13 sont applicables, le juge d’instruction exerçant les compétences attribuées au juge de l’application des peines.

« La personne peut être en outre astreinte aux obligations et interdictions prévues par l’article 138.

« Art. 142-6. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique est décidée par ordonnance motivée du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui statue après un débat contradictoire conformément à l’article 145.

« Elle peut également être décidée, sans débat contradictoire, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté.

« Art. 142-7. – L’assignation à résidence est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée pour une même durée selon les modalités prévues au premier alinéa de l’article 142-6, sans que la durée totale du placement dépasse deux ans.

« Art. 142-8. – Le deuxième alinéa de l’article 139 et les articles 140 et 141-3 sont applicables à l’assignation à résidence avec surveillance électronique.

« La personne qui ne respecte pas les obligations résultant de l’assignation à résidence avec surveillance électronique peut faire l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’amener et être placée en détention provisoire, conformément à l’article 141-2.

« Art. 142-9. – Avec l’accord préalable du juge d’instruction, les horaires de présence au domicile ou dans les lieux d’assignation peuvent, lorsqu’il s’agit de modifications favorables à la personne mise en examen ne touchant pas à l’équilibre de la mesure de contrôle, être modifiés par le chef d’établissement pénitentiaire ou le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation qui en informe le juge d’instruction.

« Art. 142-10. – En cas de décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, la personne placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique a droit à la réparation du préjudice subi selon les modalités prévues par les articles 149 à 150.

« Art. 142-11. – L’assignation à résidence avec surveillance électronique est assimilée à une détention provisoire pour l’imputation intégrale de sa durée sur celle d’une peine privative de liberté, conformément à l’article 716-4.

« Art. 142-12. – Les juridictions d’instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas prévus par les articles 135-2, 145, 148, 201, 221-3, 272-1, 397-3, 695-34 et 696-19.

« Cette mesure peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d’instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire en application des articles 148-2, 148-6, 213, 272-1, 695-35, 695-36, 696-20 et 696-21.

« Art. 142-13. – Un décret détermine les modalités d’application de la présente sous-section. »

Section 2

Des aménagements de peines

Sous-section 1

Du prononcé des aménagements de peines

Article 37
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Article 39

Article 38

I. – La première phrase du dernier alinéa de l’article 707 est ainsi rédigée :

« À cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d’exécution si la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ou leur évolution le permettent. »

II. – L’article 707 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, les peines privatives de liberté peuvent être immédiatement aménagées, dans les conditions prévues par le présent code, sans attendre que la condamnation soit exécutoire conformément aux dispositions du présent article, sous réserve du droit d’appel suspensif du ministère public prévu par l’article 712-14. »

Article 38
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Article 40

Article 39

I. – À l’article 498, les mots : « Sauf dans le cas prévu par l’article 505 » sont remplacés par les mots : « Sans préjudice de l’article 505 ».

II. – L’article 505 est ainsi rédigé :

« Art. 505. – En cas de jugement de condamnation, le procureur général peut également former son appel dans le délai de vingt jours à compter du jour du prononcé de la décision.

« Sans préjudice de l’application des articles 498 à 500, les autres parties ont alors un délai de cinq jours pour interjeter appel incident. Même en l’absence d’appel incident, la cour d’appel peut, en cas d’appel formé par le seul procureur général en application du présent article, prononcer une peine moins importante que celle prononcée par le tribunal correctionnel. »

III. – L’article 548 est abrogé.

IV. – Au premier alinéa de l’article 549, la référence : « 506 » est remplacée par la référence : « 505 ».

V. – Le deuxième alinéa de l’article 708 est complété par les mots : «, quelle que soit sa nature ».

Article 39
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Article 41

Article 40

Après le deuxième alinéa de l’article 712-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge de l’application des peines peut également, chaque fois qu’il l’estime nécessaire, décider, d’office ou à la demande du condamné ou du ministère public, de renvoyer le jugement de l’affaire devant le tribunal de l’application des peines. Le juge ayant ordonné ce renvoi est membre du tribunal qui statue conformément à l’article 712-7. La décision de renvoi constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. »

Article 40
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Article 42 bis

Article 41

L’article 712-8 est ainsi modifié :

1° Le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, pour l’exécution d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou de placement sous surveillance électronique ou pour l’exécution de permissions de sortir, le juge de l’application des peines peut, dans sa décision, autoriser le chef d’établissement ou le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation ou, s’agissant des mineurs, le directeur régional de la protection judiciaire de la jeunesse, à modifier les horaires d’entrée ou de sortie du condamné de l’établissement pénitentiaire, ou de sa présence en un lieu déterminé, lorsqu’il s’agit de modifications favorables au condamné ne touchant pas à l’équilibre de la mesure. Il est informé sans délai des modifications opérées et peut les annuler par ordonnance non susceptible de recours. »

………………………………………………………………………………

Article 41
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Article 44

Article 42 bis

L’article 712-21 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elles concernent les infractions violentes ou de nature sexuelle mentionnées à l’article 706-47, les expertises psychiatriques ordonnées préalablement aux mesures d’aménagement des peines conformément au présent article doivent se prononcer spécialement sur le risque de récidive du condamné. »

………………………………………………………………………………

Article 42 bis
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Article 45

Article 44

I. – La première phrase du premier alinéa de l'article 720-1 est ainsi modifiée :

1° Les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;

2° Le mot : « grave » est supprimé ;

3° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

II. – Le deuxième alinéa de l'article 720-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, en cas d'urgence, lorsque le pronostic vital est engagé, la suspension peut être ordonnée au vu d'un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est pris en charge le détenu ou son remplaçant. »

III. – Le second alinéa de l’article 712-23, tel qu’il résulte de l’article 43 de la présente loi, est complété par les mots : « , soit en cas de délivrance du certificat médical visé à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 720-1-1 ».

Article 44
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Article 46

Article 45

L’article 720-5 est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « ou du placement sous surveillance électronique » ;

2° Le début de la seconde phrase est ainsi rédigé :

« La semi-liberté ou le placement sous surveillance électronique est alors ordonné par le tribunal (le reste sans changement) ».

Article 45
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Article 47

Article 46

I. – Le premier alinéa de l'article 723 est ainsi rédigé :

« Le condamné admis au bénéfice du placement à l'extérieur est astreint, sous le contrôle de l'administration, à exercer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire. »

II. – L’article 723-1 est ainsi rédigé :

« Art. 723-1. – Le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans. Les durées de deux ans prévues par le présent alinéa sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

« Le juge de l’application des peines peut également subordonner la libération conditionnelle du condamné à l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, pour une durée n’excédant pas un an. La mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur peut être exécutée un an avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729. »

III. – Le premier alinéa de l’article 723-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime du placement sous surveillance électronique défini par l’article 132-26-1 du code pénal soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans. Les durées de deux ans prévues par le présent alinéa sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

« Le juge de l’application des peines peut également subordonner la libération conditionnelle du condamné à l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de placement sous surveillance électronique, pour une durée n’excédant pas un an. La mesure de placement sous surveillance électronique peut être exécutée un an avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729. »

IV. – À l’article 723-11, les mots : « prévues au troisième alinéa de l’article 723-7 » sont supprimés.

Article 46
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Article 47 bis

Article 47

L’article 729 est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par six alinéas ainsi rédigés :

« Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle s’ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale et lorsqu’ils justifient :

« 1° Soit de l’exercice d’une activité professionnelle, d’un stage ou d’un emploi temporaire ou de leur assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ;

« 2° Soit de leur participation essentielle à la vie de leur famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs victimes ;

« 5° Soit de leur implication dans tout autre projet sérieux d’insertion ou de réinsertion. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le condamné est âgé de plus de soixante-dix ans, les durées de peines accomplies prévues par le présent article ne sont pas applicables et la libération conditionnelle peut être accordée dès lors que l’insertion ou la réinsertion du condamné est assurée, en particulier s’il fait l’objet d’une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l’établissement pénitentiaire ou s’il justifie d’un hébergement, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public. »

Article 47
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Article 48

Article 47 bis

I. – Après le troisième alinéa de l’article 730, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les demandes de libération conditionnelle concernant des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou à une peine de réclusion, l’avocat de la partie civile peut, s’il en fait la demande, assister au débat contradictoire devant le juge de l’application des peines, le tribunal de l’application des peines ou la chambre de l’application des peines de la cour d’appel statuant en appel pour y faire valoir ses observations, avant les réquisitions du ministère public. »

II. – Le dernier alinéa des articles 712-7 et 712-13 est supprimé.

III. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 712-13, les mots : « aux deux premiers alinéas de » sont remplacés par le mot : « à ».

Sous-section 2

Des procédures simplifiées d’aménagement des peines

Article 47 bis
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Article 49

Article 48

I. – L’article 723-14 devient l’article 723-13-1, et l’intitulé de la section VII du chapitre II du titre II du livre V ainsi que l’article 723-15 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Section 7

« Des procédures simplifiées d’aménagement des peines

« Art. 723-14. – Les personnes condamnées à de courtes peines d’emprisonnement, qu’elles soient libres ou incarcérées, peuvent bénéficier de procédures simplifiées d’aménagement de ces peines dans les conditions et suivant les modalités prévues aux articles 723-15 à 723-27.

« Ces procédures ne sont pas exclusives de l’application des articles 712-4 et 712-6.

« Un décret détermine en tant que de besoin les modalités et les conditions d’application de la présente section.

« Paragraphe 1

« Dispositions applicables aux condamnés libres

« Art. 723-15. – Les personnes non incarcérées, condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans d’emprisonnement, ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, ou pour lesquelles, en cas de cumul de condamnations, le total des peines d’emprisonnement prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à deux ans bénéficient, dans la mesure du possible et si leur personnalité et leur situation le permettent, suivant la procédure prévue au présent paragraphe, d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique, d’un fractionnement ou d’une suspension de peines, d’une libération conditionnelle ou de la conversion prévue à l’article 132-57 du code pénal. Les durées de deux ans prévues par le présent alinéa sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

« Préalablement à la mise à exécution de la ou des condamnations, le ministère public informe le juge de l’application des peines de cette ou de ces décisions en lui adressant toutes les pièces utiles, parmi lesquelles une copie de la ou des décisions et le bulletin n° 1 du casier judiciaire de l’intéressé.

« Sauf s’il a déjà été avisé de ces convocations à l’issue de l’audience de jugement en application de l’article 474 du présent code, le condamné est alors, sauf décision contraire du juge de l’application des peines, convoqué en premier lieu devant le juge de l’application des peines, puis devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation, dans des délais qui ne sauraient être respectivement supérieurs à trente et à quarante-cinq jours à compter de leur information par le ministère public, afin de déterminer les modalités d’exécution de sa peine les mieux adaptées à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Art. 723-15-1. – Si, à l’issue de la convocation, une mesure d’aménagement ou la conversion de la peine lui paraît possible et si l’intéressé en est d’accord, le juge de l’application des peines ordonne cette mesure ou cette conversion selon les modalités prévues aux premier ou deuxième alinéas de l’article 712-6. Si le juge ne dispose pas des éléments d’information suffisants pour ordonner immédiatement cette mesure ou cette conversion, il peut charger le service pénitentiaire d’insertion et de probation d’examiner les modalités d’exécution de la décision qu’il envisage de prendre et, le cas échéant, de lui présenter une autre proposition d’aménagement ou de conversion, dans un délai de deux mois à compter de cette saisine. Au vu du rapport motivé du service pénitentiaire d’insertion et de probation, il peut ordonner l’aménagement ou la conversion de la peine du condamné selon les modalités prévues aux premier ou deuxième alinéas de l’article 712-6.

« Art. 723-15-2. – Si le condamné ne souhaite pas bénéficier d’un aménagement ou d’une conversion de sa peine ou si, au vu du rapport motivé du service pénitentiaire d’insertion et de probation, un tel aménagement ou une telle conversion ne lui paraît pas possible, le juge de l’application des peines peut fixer la date d’incarcération.

« À défaut de décision du juge de l’application des peines dans les quatre mois suivant la communication de la copie de la décision, ainsi que dans les cas prévus par l’article 723-16, le ministère public peut ramener la peine à exécution.

« Si, sauf motif légitime ou exercice des voies de recours, la personne ne se présente pas aux convocations, le juge de l’application des peines en informe le ministère public qui ramène la peine à exécution. »

II. – L’article 723-16 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « procédure, », sont insérés les mots : « soit d’un risque avéré de fuite du condamné, » ;

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Il en informe immédiatement le juge de l’application des peines si celui-ci a été saisi en application du deuxième alinéa de l’article 723-15. »

III. – 1. Après l’article 723-18, il est inséré une division ainsi rédigée :

« Paragraphe 2

« Dispositions applicables aux condamnés incarcérés ».

2. Après l’article 723-19, la division et l’intitulé : « Section VIII : Dispositions applicables aux condamnés en fin de peine » sont supprimés.

3. Les articles 723-19 et 723-20 sont ainsi rédigés :

« Art. 723-19. – Les personnes détenues condamnées à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à deux ans ou condamnées à une ou des peines d’emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans bénéficient, sauf impossibilité matérielle et si leur personnalité et leur situation le permettent, d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique ou d’une libération conditionnelle, conformément à la procédure prévue par le présent paragraphe. Les durées de deux ans prévues par le présent alinéa sont réduites à un an si le condamné est en état de récidive légale.

« Art. 723-20. – Le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant de l’article 723-19, afin de déterminer, après avis du chef d’établissement pénitentiaire, la mesure d’aménagement de la peine la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Sauf en cas d’absence de projet sérieux d’insertion ou de réinsertion ou d’impossibilité matérielle de mettre en place une mesure d’aménagement, le directeur, après avoir obtenu l’accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, adresse au procureur de la République, en vue de la saisine du juge de l’application des peines, une proposition d’aménagement comprenant le cas échéant une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l’article 132-45 du code pénal. À défaut, il lui adresse, ainsi qu’au juge de l’application des peines, un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles un aménagement de peine ne peut être proposé et en informe le condamné.

« S’il estime la proposition justifiée, le procureur de la République transmet celle-ci pour homologation au juge de l’application des peines. Celui-ci dispose alors d’un délai de trois semaines à compter de la réception de la requête le saisissant pour décider par ordonnance d’homologuer ou de refuser d’homologuer la proposition.

« S’il n’estime pas la proposition justifiée, le procureur de la République en informe le juge de l’application des peines en lui transmettant cette proposition. Il avise également le condamné de sa position. Le juge de l’application des peines peut alors ordonner un aménagement de peine, d’office ou à la demande du condamné, à la suite d’un débat contradictoire conformément à l’article 712-6 du présent code. Il peut également le faire après avoir reçu le rapport prévu au deuxième alinéa du présent article. »

III bis. – L’article 723-21 est abrogé.

IV. – L'article 723-23 est abrogé.

V. – L'article 723-24 est ainsi rédigé :

« Art. 723-24. – À défaut de réponse du juge de l'application des peines dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d'aménagement. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. Elle est préalablement notifiée au juge de l'application des peines. »

VI. – À la première phrase de l’article 723-25, la référence : « 723-21 » est remplacée par les références : « 723-20 ou de l’article 723-22 » et la référence : « 723-20 » est remplacée par la référence : « 723-19 ».

VII. –  L'article 723-27 est ainsi rédigé :

« Art. 723-27. – Pour les condamnés mentionnés à l'article 723-19 et afin de préparer une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle selon les modalités prévues par le présent paragraphe, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l'application des peines, une proposition de permission de sortir, selon les modalités prévues par les articles 723-19 à 723-24. »

VIII. – L’article 723-28 est remplacé par une division, un intitulé et un article 723-28 ainsi rédigés :

« Section 8

« Modalités d’exécution des fins de peines d’emprisonnement en l’absence de tout aménagement de peine

« Art. 723-28. – Pour les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, lorsqu’aucune mesure d’aménagement n’a été ordonnée six mois avant la date d’expiration de la peine, toute personne condamnée à laquelle il reste quatre mois d’emprisonnement à subir ou, pour les peines inférieures ou égales à six mois, à laquelle il reste les deux tiers de la peine à subir, exécute le reliquat de sa peine selon les modalités du placement sous surveillance électronique sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus de l’intéressé, d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive.

« Le placement est mis en œuvre par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation sous l’autorité du procureur de la République qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations énumérées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal auxquelles la personne condamnée devra se soumettre.

« En l’absence de décision de placement, la personne condamnée peut saisir le juge de l’application des peines pour qu’il statue par jugement après débat contradictoire conformément à l’article 712-6.

« Un décret précise les modalités d’application du présent article. »

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Section 3

Des régimes de détention

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Article 48
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Article 51

Article 49

I. – Après l’article 715, il est inséré un article 715-1 ainsi rédigé :

« Art. 715-1. – Toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la sécurité de la prison sont accordées aux personnes mises en examen, prévenus et accusés pour l’exercice de leur défense. »

II. – L'article 716 est ainsi rédigé :

« Art. 716. – Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :

« 1° Si les intéressés en font la demande ;

« 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;

« 3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent.

« Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées. »

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Article 49
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Article 53

Article 51

L’article 717-1 est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dès leur accueil dans l’établissement pénitentiaire et à l’issue d’une période d’observation pluridisciplinaire, les personnes détenues font l’objet d’un bilan de personnalité. Un parcours d’exécution de la peine est élaboré par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive. Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l’application des peines. » ;

2° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur santé, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Le placement d’une personne détenue sous un régime de détention plus sévère ne saurait porter atteinte aux droits visés à l’article 10 de la loi n°   du  pénitentiaire. » ;

3° À la première phrase du cinquième alinéa, les mots : « deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « troisième et quatrième ».

II. – Au premier alinéa de l’article 763-7, le mot : « second » est remplacé par le mot : « troisième ». 

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Article 51
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Article 53 bis

Article 53

L’article 726 est ainsi rédigé :

« Art. 726. – Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d’État.

« Ce décret précise notamment :

« 1° Le contenu des fautes disciplinaires, qui sont classées selon leur nature et leur gravité ;

« 2° Les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises. Le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ;

« 2° bis La composition de la commission disciplinaire, qui doit comprendre au moins un membre extérieur à l’administration pénitentiaire ;

« 3° La procédure disciplinaire applicable, au cours de laquelle la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d’office, en bénéficiant le cas échéant de l’aide de l’État pour l’intervention de cet avocat ;

« 4° Les conditions dans lesquelles la personne placée en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle exerce son droit à un parloir hebdomadaire ;

« 5° Les conditions dans lesquelles le maintien d’une mesure de placement en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle est incompatible avec l’état de santé de la personne détenue.

« Le placement, à titre exceptionnel, des détenus mineurs de plus de seize ans en cellule disciplinaire ne peut excéder sept jours.

« En cas d’urgence, les détenus majeurs et les détenus mineurs de plus de seize ans peuvent faire l’objet, à titre préventif, d’un placement en cellule disciplinaire ou d’un confinement en cellule individuelle. Cette mesure ne peut excéder deux jours ouvrables.

« Lorsqu’une personne détenue est placée en quartier disciplinaire, ou en confinement, elle peut saisir le juge des référés en application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. »

Article 53
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Article 54

Article 53 bis

Après l’article 726, il est inséré un article 726-1 ainsi rédigé :

« Art. 726-1. – Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l’autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l’isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d’office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu’après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L’isolement ne peut être prolongé au-delà d’un an qu’après avis de l’autorité judiciaire.

« Le placement à l’isolement n’affecte pas l’exercice des droits visés à l’article 10 de la loi pénitentiaire n°         du        , sous réserve des aménagements qu’impose la sécurité.

« Lorsqu’une personne détenue est placée à l’isolement, elle peut saisir le juge des référés en application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. »

Section 4

Dispositions diverses et de coordination

Article 53 bis
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Article 55

Article 54

I. – À l'article 113-5, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

II. – L'article 138 est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° L'avant-dernier alinéa est supprimé ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « et au placement sous surveillance électronique » sont supprimés.

III. – Le dernier alinéa de l'article 143-1 est complété par les mots : « ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ».

IV. – Le premier alinéa de l'article 144 est complété par les mots : « ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

IV bis. – Après l’article 145-4, il est inséré un article 145-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 145-4-1. – Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention peut prescrire, par ordonnance motivée, que la personne placée en détention soit soumise à l’isolement aux fins d’être séparée des autres personnes détenues, si cette mesure est indispensable aux nécessités de l’information, pour une durée qui ne peut excéder celle du mandat de dépôt et qui peut être renouvelée à chaque prolongation de la détention. La décision du juge d’instruction peut faire l’objet d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction.

« Le placement à l’isolement n’affecte pas l’exercice des droits visés à l’article 10 de la loi pénitentiaire n° du, sous réserve des aménagements qu’impose la sécurité. »

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

V. – L'article 179 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : «, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « détention », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

VI. – L'article 181 est ainsi modifié :

1° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Le contrôle judiciaire ou l'assignation à résidence avec surveillance électronique dont fait l'objet l'accusé continuent à produire leurs effets. » ;

2° À la première phrase du sixième alinéa, après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : «, l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

VII. – Au premier alinéa de l'article 186, après la référence : « 137-3 », sont insérées les références : «, 142-6, 142-7 ».

VIII. – À la fin de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 207, les mots : « un contrôle judiciaire ou en modifie les modalités » sont remplacés par les mots : « ou modifie un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique ».

IX. – La seconde phrase du second alinéa de l'article 212 est complétée par les mots : « ou à une assignation à résidence avec surveillance électronique ».

X. – Le troisième alinéa de l'article 394 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou de le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

2° À la dernière phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

3° La deuxième phrase est ainsi rédigée :

« Ce magistrat peut, après audition du prévenu, son avocat ayant été avisé et entendu en ses observations, s'il le demande, prononcer l'une de ces mesures dans les conditions et suivant les modalités prévues par les articles 138, 139, 142-5 et 142-6. »

XI. – Le dernier alinéa de l'article 396 est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « ou le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

2° À la dernière phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XII. – À la première phrase de l'article 397-7, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XIII. – Aux première et dernière phrases de l'article 495-10, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : «, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XIV. – À l'article 501, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XV. – À la première phrase du deuxième alinéa de l'article 569, les mots : « prend fin » sont remplacés par les mots : « et l'assignation à résidence avec surveillance électronique prennent fin ».

XVI. – Au 5° de l'article 706-53-2, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XVII. – La seconde phrase du dernier alinéa de l'article 706-53-4 est complétée par les mots : « ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XVIII. – À la seconde phrase de l'article 706-64, après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XIX. – L’article 706-71 est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, après les mots : « juridiction de jugement, » sont insérés les mots : « à l’interrogatoire de l’accusé par le président de la cour d’assises en application de l’article 272, à la comparution d’une personne à l’audience au cours de laquelle est rendu un jugement ou un arrêt qui avait été mis en délibéré ou au cours de laquelle il est statué sur les seuls intérêts civils, à l’interrogatoire par le procureur ou le procureur général d’une personne arrêtée en vertu d’un mandat d’amener, d’un mandat d’arrêt ou d’un mandat d’arrêt européen, » ;

2°Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elles sont de même applicables devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, devant le premier président de la cour d’appel statuant sur les demandes de réparation d’une détention provisoire, devant la commission nationale de réparation des détentions, devant la commission et la cour de révision et devant la commission de réexamen des condamnations. » ;

3° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

b) À la première phrase, les mots : « de la juridiction compétente » sont remplacés par les mots : « du magistrat, de la juridiction ou de la commission compétents » ;

c) La dernière phrase est complétée par les mots : « sauf si une copie de ce dossier a déjà été remise à l’avocat ».

Article 54
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Article 56

Article 55

I. – Le quatrième alinéa de l'article 471 est ainsi modifié :

1° La référence : « 131-6 » est remplacée par la référence : « 131-5 » ;

2° Après la référence : « 131-11 », sont insérées les références : « et 132-25 à 132-70 ».

II. – L'article 474 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « un an » sont, deux fois, remplacés par les mots : « deux ans », et les mots : « être inférieur à dix jours ni » sont supprimés ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Le condamné est également avisé qu'il est convoqué aux mêmes fins devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation dans un délai qui ne saurait être supérieur à quarante-cinq jours. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « Cet avis » sont remplacés par les mots : « L'avis de convocation devant le juge de l'application des peines » et les mots : « à cette convocation » sont remplacés par les mots : « devant ce magistrat » ;

3° À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « est convoqué devant » sont remplacés par les mots : « n'est convoqué que devant ».

III. – L'article 702-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du présent article, le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »

IV. – L'article 710 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du présent article, sauf en matière de confusion de peine, le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »

V. – L'article 712-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la durée de la peine prononcée ou restant à subir le permet, ces mesures peuvent également être accordées selon les procédures simplifiées prévues par les articles 723-14 à 723-27. »

bis. – À la dernière phrase du premier alinéa de l’article 721-3, les mots : « à l’avant-dernier » sont remplacés par les mots : « au neuvième ».

VI. – L'article 733-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette décision peut également intervenir à la suite de l'exécution partielle du travail d'intérêt général. »

VII. – Le premier alinéa de l'article 747-2 est complété par les mots : « ou de l'article 723-15 ».

VIII. – Le premier alinéa de l'article 775-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les juridictions compétentes sont alors composées conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 702-1. »

Article 55
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Article 57

Article 56

I. – L'article 709-2 est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « le premier jour ouvrable du mois de mai » sont remplacés par les mots : « au plus tard le premier jour ouvrable du mois de mars » ;

2° (Supprimé)

II. – L'article 716-5 est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin d'assurer l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de réclusion, le procureur de la République et le procureur général peuvent autoriser les agents de la force publique à pénétrer au domicile de la personne condamnée afin de se saisir de celle-ci. Cependant, les agents ne peuvent s'introduire au domicile de la personne avant 6 heures et après 21 heures. » ;

2° Au deuxième alinéa, à la première phrase du quatrième alinéa et au cinquième alinéa, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : «, ou le procureur général, ».

III. – À l'article 719, après les mots : « Les députés et les sénateurs », sont insérés les mots : « ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France ».

IV. – 1. L’article 727 est abrogé.

2. À l’article 58 de la loi n° 83-520 du 27 juin 1983 rendant applicables le code pénal, le code de procédure pénale et certaines dispositions législatives dans les territoires d’outre-mer, les mots : « les deuxième et troisième alinéas de l’article 727, » sont supprimés.

Article 56
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Article 57 bis

Article 57

I. – (Supprimé)

II. – Après l’article 844, sont insérés deux articles 844-1 et 844-2 ainsi rédigés :

« Art. 844-1. – Pour l’application de l’article 474 en Nouvelle-Calédonie, lorsque le condamné est mineur, le service chargé de la protection judiciaire de l’enfance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d’insertion et de probation.

« Art. 844-2. – Pour l’application de l’article 474 dans les îles Wallis et Futuna, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d’insertion et de probation. »

III. – Après l’article 868-1, il est inséré un article 868-2 ainsi rédigé :

« Art. 868-2. – En Nouvelle-Calédonie, lorsque le condamné est mineur, le service chargé de la protection judiciaire de l’enfance ou son directeur exerce les fonctions dévolues, selon les cas, au service pénitentiaire d’insertion et de probation ou à son directeur. »

IV. – Après l’article 868-1, sont insérés deux articles 868-3 et 868-4 ainsi rédigés :

« Art. 868-3. – Pour son application en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le dernier alinéa de l’article 713-3 est ainsi rédigé :

« “La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum défini localement par les autorités compétentes de la Polynésie française ou de la Nouvelle-Calédonie. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.”

« Art. 868-4. – Pour son application dans les îles Wallis et Futuna, le dernier alinéa de l’article 713-3 est ainsi rédigé :

« “La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum défini à l’article 95 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d’outre-mer. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. ” »

IV bis. – Après l’article 901-1, il est inséré un article 901-2 ainsi rédigé :

« Art. 901-2. – Pour son application à Mayotte, le dernier alinéa de l’article 713-3 est ainsi rédigé :

« “La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum interprofessionnel garanti défini à l’article L. 141-2 du code du travail applicable à Mayotte. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.” »

V. – Après l’article 926, il est inséré un article 926-1 ainsi rédigé :

« Art. 926-1. – Pour l’application de l’article 474 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d’insertion et de probation. »

VI. – Après l’article 934, sont insérés deux articles 934-1 et 934-2 ainsi rédigés :

« Art. 934-1. – Pour l’application des articles 723-15, 723-24 et 723-27 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le chef d’établissement pénitentiaire exerce les fonctions dévolues, selon les cas, au service pénitentiaire d’insertion et de probation ou à son directeur.

« Art. 934-2. – Pour l’application de l’article 723-20 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le premier alinéa de cet article est ainsi rédigé :

« “Le chef d’établissement pénitentiaire examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant de l’article 723-19 afin de déterminer la mesure d’aménagement de la peine la mieux adaptée à leur personnalité. ” »

Article 57
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 58 B

Article 57 bis 

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 222 est abrogé ;

2° Au premier alinéa de l’article 727-1, les mots : « que les personnes détenues ont été autorisées à passer » sont remplacés par les mots : « des personnes détenues ».

TITRE III

DISPOSITIONS FINALES

………………………………………………………………………………

Article 57 bis
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(Supprimé)

Article 58 B

Article 58 B
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Article 58

(Supprimé)

(Supprimé)
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 58

I. – La présente loi est applicable :

1° En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, à l’exception des deuxième à quatrième alinéas de l’article 9, du deuxième alinéa de l’article 14, de l’article 22 quinquies, de l’article 22 sexies et de l’article 58 A ;

2° Dans les îles Wallis et Futuna, à l’exception de l’article 2, des deuxième à quatrième alinéas de l’article 9, du deuxième alinéa de l’article 14, de l’article 22 quinquies, de l’article 22 sexies et de l’article 58 A.

II. – Pour l’application des articles 2 et 2 sexies, la Nouvelle-Calédonie est regardée comme une collectivité territoriale.

III. – (Supprimé)

IV. – L’État peut conclure avec les autorités compétentes des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie une convention afin de définir les modalités d’application de l’article 20.

V. – Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 sont applicables à Mayotte.

VI. – Par dérogation à l’article 2 ter, un conseil d’évaluation unique est institué en Polynésie française auprès de l’ensemble des établissements pénitentiaires.

VII. – Pour l’application de l’article 11 ter à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna, les mots : « et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation » sont supprimés.

VIII. – Pour son application dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, le 2° de l’article 12 est ainsi rédigé :

« 2° Pour prétendre au bénéfice des droits et des prestations d’aide sociale prévus par la réglementation applicable localement, lorsqu’elles ne disposent pas d’un domicile personnel au moment de l’incarcération ou ne peuvent en justifier ; ».

IX. – Pour l’application de l’article 20 A dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mots : «, dans le respect des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 6141-5 du code de la santé publique » sont supprimés.

X. – L’article 15 ter n’est pas applicable en Polynésie française.

XI. – Pour l’application de l’article 15 quater dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mots : « le département » sont remplacés par les mots : « les institutions compétentes de la collectivité ».

XII. – Pour l’application de l’article 20 dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mots : « par le code de la santé publique » et les mots : « le directeur général de l’agence régionale de santé » sont remplacés respectivement par les mots : « par la réglementation applicable localement » et par les mots : « les institutions compétentes de la collectivité ».

XIII. – Pour l’application du 1° de l’article 21 en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les mots : «, visées à l’article L. 1110-11 du code de la santé publique » sont supprimés. 

………………………………………………………………………………

M. le président. Sur les articles 1erA à 58, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Vote sur l’ensemble

Article 58
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame le garde des sceaux, la manière dont vous avez rappelé, dans votre intervention liminaire, les trois objectifs de toute loi pénitentiaire – protéger la société, sanctionner les coupables, réinsérer les détenus – me donne à penser que vous vouliez hiérarchiser ces objectifs, en sous-entendant que seuls des irresponsables pourraient préférer les coupables aux victimes et privilégier le troisième objectif par rapport au deuxième ou, pis encore, au premier.

Or, sauf à admettre que ceux qui entrent en prison n’en sortiront jamais – dans ce cas, les 63 000 places ne suffiront pas ! –, le seul but de la peine n’est-il pas que le détenu retourne à la vie normale, dans un meilleur état que celui qui était le sien avant son incarcération ? La sanction n’a de sens qu’administrée dans ce but.

La meilleure façon d’éviter la récidive et de protéger la société consiste à appliquer des sanctions qui sont comprises et à permettre aux détenus de se réinsérer. Il ne saurait donc être question de hiérarchiser les objectifs, ni de faire preuve de plus d’humanité à l’égard des détenus que des victimes, ou vice-versa.

Comme beaucoup de mes collègues, je ne voterai pas contre ce texte, car il va dans le bon sens ; je ne voterai pas non plus en sa faveur, car il ne va pas assez loin. Je m’abstiendrai donc.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Alain Anziani a déjà justifié la position de notre groupe.

Je veux, à mon tour, souligner le travail accompli par le Sénat. Ainsi que vous venez de le rappeler, monsieur le président, nous avons eu le sentiment de travailler de manière extrêmement positive sur cette question très difficile, et nous avons apprécié tant l’indépendance d’esprit que la pugnacité de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, au cours de ces derniers mois et de ces dernières semaines.

Parmi les éléments incontestablement positifs, figurent l’obligation d’activité pour les détenus, le fait que les fouilles internes ne puissent avoir lieu que sous responsabilité médicale et, point déterminant pour nous, le rappel du principe de l’encellulement individuel.

Il est également important que l’observatoire qui aura pour mission de produire des données relatives au suicide, à la récidive et à d’autres domaines particulièrement sensibles soit qualifié d’« indépendant ». Cet ajout essentiel permet de s’assurer que cet organisme ne sera pas, madame le garde des sceaux, une émanation de votre ministère, pour lequel j’ai par ailleurs le plus grand respect, ou de la direction de l’administration pénitentiaire. Comme vous le savez, on ne peut être juge et partie. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur ce point et de vous interroger sur les moyens qui seront mis en œuvre pour garantir l’indépendance de cet observatoire.

Parmi les éléments négatifs, on peut mentionner notamment les régimes différenciés établis sans l’intervention du juge, ainsi que la restriction des aménagements de peine, dont Mme Boumediene-Thiery vient de parler.

Nous souhaitons aussi que notre abstention permette de répondre positivement à trois questions qui restent pour nous essentielles.

La première est celle des moyens. Il est évident que la meilleure loi pénitentiaire n’aura aucun effet si le budget ne suit pas, avec les moyens humains et matériels nécessaires.

La deuxième est celle de la réinsertion. Nombre de collègues de tous bords l’ont déjà souligné : si nous ne voulons pas que la prison soit l’école de la récidive, il faut attribuer des moyens très importants à la réinsertion et éviter les sorties sèches ; la sortie de prison doit s’accompagner d’un environnement matériel, social et professionnel qui crée toutes les conditions d’une absence de récidive.

Enfin, la question de la relation entre la politique pénale et la politique pénitentiaire se pose évidemment. Pour que ce texte ait de l’effet, une totale harmonie entre les deux s’avère indispensable. On ne peut pas avoir, d’un côté, une politique pénale qui remplit inexorablement les prisons et, de l’autre, une politique pénitentiaire qui prône de meilleures conditions carcérales pour favoriser la réinsertion. Pour mieux s’occuper des détenus, il faut sans doute moins de personnes incarcérées, ce qui suppose de développer d’autres types de peines.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous nous abstiendrons, mais cette abstention doit être interprétée comme manifestant notre souhait d’aller de l’avant.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas l’habitude d’intervenir après le vote d’un projet de loi, mais, dans le cas présent, je m’y autorise, tant je considère ce moment comme très important.

Le vote qui vient d’avoir lieu est l’aboutissement d’un long processus, qui aura débuté avec le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, dont notre ancien collègue Guy-Pierre Cabanel était le rapporteur.

Lui-même, cela a été rappelé, est à l’origine de l’introduction dans notre droit du placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté.

L’examen de ce texte, dont on nous promettait depuis bien longtemps l’inscription à l’ordre du jour, était sans cesse reporté. C’est pourquoi il faut saluer son adoption, bientôt définitive, loin du fracas médiatique et des diverses rumeurs qui ont été colportées.

Chère collègue Alima Boumediene-Thiery, vous suggérez que certains parlementaires seraient soumis à l’influence de telle ou telle association ; sachez que je demeure totalement insensible aux groupes de pression, quels qu’ils soient. Nous avons été mus par le seul souci de légiférer aussi bien que possible.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est absolument pas vous que je visais !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand vous évoquez un certain institut, moi, je pourrais aussi vous parler d’un certain observatoire…

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je n’en ai pas parlé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr, puisque, en l’espèce, vous vouliez dénoncer les pressions exercées en sens inverse !

Je crois qu’en la matière il faut savoir raison garder.

Je me rappelle l’époque où certains critiquaient l’installation de téléviseurs dans les cellules, parlant de « prisons quatre étoiles ». Pour ma part, je n’ai jamais visité de tels établissements pénitentiaires, non plus que M. le rapporteur, qui connaît tous ceux que compte notre pays.

Cette loi, madame le garde des sceaux, pose le principe selon lequel la peine, c’est la privation de liberté. Un plus grand respect de la dignité des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires, c’est l’assurance d’une moindre récidive. Tel était le sens du rapport de la commission d’enquête sénatoriale, à la suite duquel ont été lancées, d’une part, une politique de recrutement de personnel, d’autre part, la réhabilitation de certains établissements pénitentiaires et la construction de nouveaux.

Nous sommes convaincus que, grâce aux aménagements de peine et à cette loi pénitentiaire, l’encellulement individuel est un objectif qu’il est possible d’atteindre d’ici à cinq ans.

Mes chers collègues, la loi ne règle pas tout. Si tel était le cas, nous n’en serions pas là aujourd’hui puisque, depuis1875, la loi française prévoit l’encellulement individuel.

Comme vous l’avez déclaré, monsieur le président, le Sénat peut s’honorer du vote de cette grande loi.

Cependant, bien qu’ils souscrivent à l’essentiel de ses dispositions, certains ne l’ont pas votée. Je le regrette, car je crois que, s’il s’était montré unanime, le Sénat aurait exprimé avec plus de force encore son souci de préserver un équilibre entre la punition, qui fait partie de notre droit, et le respect de la dignité des personnes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. M. le président de la commission venant de rappeler l’historique et l’importance de cette loi, je serai très brève.

À mon tour, je tiens à saluer l’ensemble des intervenants, même si, comme dans tout débat, j’ai relevé quelques inexactitudes, y compris dans les dernières phases de celui-ci.

En adoptant cette loi à une très large majorité, certains d’entre vous décidant d’opter pour ce qu’ils ont appelé une « abstention positive », le Sénat accomplit un geste essentiel. Nous disposons désormais d’un cadre. Il reste désormais à mener des actions qui, elles, reposent sur une volonté politique. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que j’ai cette volonté politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
 

9

Souhaits de bienvenue à quatre grands sportifs

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le grand plaisir de saluer la présence, dans les tribunes du public, à l’invitation de notre collègue François Fortassin et des sénateurs amis du Tour de France, de quatre grands champions cyclistes : Bernard Hinault, Joop Zoetemelk, Bernard Thévenet et Jan Janssen. Je leur souhaite, en votre nom à tous, la bienvenue. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

Nous les reprendrons à dix-sept heures très précises, pour notre première séance de questions cribles thématiques.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures.)

M. le président. La séance est reprise.

10

Questions cribles thématiques

crises agricoles

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur les crises agricoles.

Mes chers collègues, nous vivons aujourd’hui une première.

Comme la conférence des présidents l’a décidé, l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Pour aider les orateurs à maîtriser la durée de leur intervention, nous avons placé à la vue de tous des afficheurs chronométriques qui indiqueront le temps restant, puis le temps dépassé, le cas échéant... (Sourires.)

Notre impératif est en effet est de rester dans le cadre du temps d’antenne dont nous disposons. À cet égard, je tiens à remercier Public Sénat, qui retransmet cette séance, et France 3, qui fera de même à compter du 27 octobre, mais en différé et deux fois par mois, après l’émission de M. Frédéric Taddéï, Ce soir (ou jamais !).

M. Jean-Pierre Sueur. À vingt-trois heures trente !

M. le président. S’il reste du temps, une huitième et dernière question pourra être posée, cette semaine par un sénateur du groupe UMP.

La parole est à M. Gérard Bailly, pour le groupe UMP.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai effectivement l’honneur, mais aussi la lourde charge, d’inaugurer ces séances de questions cribles thématiques.

Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord, avec l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, à saluer votre engagement et votre détermination, qui ont conduit l’Europe à décider, le 5 octobre dernier, de s’engager dans la voie d’une régulation européenne du marché du lait.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas gagné !

M. Gérard Bailly. Non, ce n’était pas gagné ! Mais, grâce à votre persévérance, monsieur le ministre, vous avez réussi à entraîner un grand nombre d’autres États membres.

Il est certes dommage qu’il faille attendre le mois de juin 2010 pour voir émerger des décisions concrètes, mais il s’agit tout de même d’un changement de cap majeur pour l’Europe, qui permet d’envisager plus sereinement l’avenir de nos producteurs de lait.

Cependant, monsieur le ministre, les producteurs de lait réclament des mesures concrètes et immédiates, et nous les comprenons.

Vous avez déjà mis en place un plan national d’accompagnement des producteurs laitiers, d’un montant de 60 millions d’euros, comprenant notamment des aides de trésorerie et la mise en place de prêts relais. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut aller encore plus loin, tant la crise est ample ! Nous devons parvenir rapidement à mettre en place des accords entre producteurs de lait, industriels et distributeurs, en vue de rééquilibrer les relations en faveur des producteurs, comme le demande le rapport remis le 30 juillet dernier par l’observatoire des prix et des marges.

M. le président. Il ne vous reste que 30 secondes, mon cher collègue !

M. Gérard Bailly. Il est nécessaire de décider d’un report d’une année des charges structurelles pour les producteurs qui ont vu baisser leurs prix d’une façon significative.

À l’échelon européen, les pays du G20 agricole se sont réunis hier, à Vienne, pour préparer le prochain Conseil des ministres de l’agriculture du 19 octobre à Luxembourg.

M. le président. Dix secondes !

M. Gérard Bailly. Malgré les réticences de la présidence suédoise, peut-on espérer « arracher » un accord sur des mesures immédiates et significatives allant dans le sens d’un redressement rapide de la situation du marché du lait ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’alimentation de l’agriculture et de la pêche, que je tiens à remercier pour sa présence, tout en saluant également celle de M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de me réjouir d’être le premier membre du Gouvernement à intervenir dans le cadre de ces questions cribles thématiques. Le Sénat a pris là une excellente initiative, qui constitue un progrès de notre démocratie parlementaire.

Je m’efforcerai de répondre de façon précise à toutes vos questions portant sur la crise du lait que nous traversons.

Je commencerai par deux remarques d’ordre général.

En premier lieu, la situation actuelle du marché du lait est totalement inacceptable. Il n’est pas admissible qu’en France, comme dans d’autres pays européens, des producteurs de lait perçoivent un prix de vente largement inférieur au prix de revient de leur production. Cette situation nous conduit droit dans le mur !

Je tiens à faire observer, en second lieu, que l’Europe a fait le choix constant, depuis plusieurs années, de la dérégulation au sein de la filière laitière et de toutes les autres filières agricoles, ce qui signifie toujours plus de concurrence, une libéralisation totale des marchés et l’abandon complet du contrôle des volumes.

Il était temps de revenir en arrière, et c’est ce que nous avons fait en marquant, d’abord avec l’Allemagne, le 2 juillet, puis hier, à Vienne, avec dix-neuf autres États membres, notre volonté d’avancer vers une régulation européenne du marché du lait et des autres marchés agricoles.

La régulation donne aux producteurs la possibilité de conclure des contrats justes et équilibrés avec les industriels afin de stabiliser leurs revenus sur plusieurs années. Elle permet également d’instaurer des mécanismes d’intervention plus efficaces à l’échelle européenne et une transparence sur les volumes qui permettra d’éviter les surproductions que nous avons connues dans les années passées.

M. le président. Plus que quinze secondes, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre Notre détermination à avancer dans cette voie est totale. Nous avons obtenu les premiers résultats il y a deux semaines, et de nouveau, hier, lorsque la Grèce s’est jointe à nous : vingt et un États membres ont ainsi pu signer un accord, dont je parlerai ultérieurement, sur les mesures concrètes et immédiates qu’il convient de prendre.

Le 19 octobre prochain, lors du Conseil des ministres européens de l’agriculture, soyez-en assurés, la détermination de la France sera pleine et entière ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour la réplique.

M. Bernard Fournier. Nous sommes bien conscients, monsieur le ministre, que vous n’avez pas ménagé vos efforts, depuis des semaines, pour convaincre vos collègues européens de se joindre à la déclaration franco-allemande pour une nouvelle régulation du secteur laitier, finalement signée par vingt et un pays membres sur vingt-sept.

Le 5 octobre dernier, grâce à un intense travail de persuasion, l’Europe a accepté de s’engager dans la voie d’une nouvelle régulation européenne du marché du lait.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est une réplique très bienveillante !

M. René-Pierre Signé. Ce n’est plus une réplique !

M. Bernard Fournier. Nous le savons, sans la France, rien ne se serait passé !

Nous pouvons désormais espérer que, le 19 octobre, lors du prochain Conseil des ministres européens de l’agriculture, de nouvelles réponses communautaires immédiates et concrètes, à la mesure de la crise, seront apportées.

Les producteurs de lait mettent tous leurs espoirs dans l’aboutissement de ce Conseil. L’enjeu est de taille pour les producteurs français, qui produisent à perte depuis plus de six mois et souhaitent légitimement obtenir des prix rémunérateurs pour continuer à garantir le leadership de la France en matière de sécurité alimentaire et environnementale.

J’ai pu mesurer dans mon département, la Loire, le désarroi de nos producteurs de lait, et je veux aujourd’hui être leur porte-parole. Si les tensions sont très vives, si le climat est très « chaud », c’est parce que le désespoir est profond.

Soyez assuré, monsieur le ministre, de notre entier soutien dans l’action que vous menez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, il n’est jamais trop tard pour reconnaître que les choix arrêtés par le gouvernement français au cours de ces dernières années n’ont pas aidé le secteur agricole, bien au contraire, qu’il s’agisse de la loi d’orientation agricole de janvier 2006, dont le but affiché était de faire des exploitations agricoles des entreprises comme les autres, obéissant en cela à une dérive libérale dénoncée maintenant par les responsables du secteur,...

Mme Odette Herviaux. ... ou de la loi de modernisation de l’économie, adoptée en août 2008 et dont l’objectif était de relancer la consommation par une baisse des prix en faveur des consommateurs.

Et pourtant, nous vous avions prévenu que ces deux lois, adoptées en urgence, ne répondraient en aucun cas aux attentes, faute d’un travail suffisant au Parlement. Pis, les prix des produits agricoles à la consommation n’ont pas diminué, tandis que ceux payés aux producteurs agricoles par la grande distribution sont de moins en moins rémunérateurs.

Dès le début de cette année, le Président de la République nous annonçait, encore une fois, une nouvelle loi de modernisation de l’agriculture pour préparer l’après 2013. Sera-t-elle censée corriger les dérives que nous avions pourtant dénoncées lors des précédents débats au Parlement ?

Par ailleurs, au niveau européen, le bilan de santé de la politique agricole commune, adopté – il faut le souligner ! –sous présidence française, s’appliquera dès l’année prochaine, mais sur la base d’un diagnostic d’emblée obsolète.

Vous semblez reconnaître, monsieur le ministre, que la politique de dérégulation menée au cours de ces dernières années est en grande partie responsable de la crise. Vous dites souhaiter « gagner la bataille de la régulation européenne des marchés agricoles ». Mais qu’avez-vous obtenu concrètement lundi dernier, lors de la réunion des ministres européens de l’agriculture ?

Plus généralement, la France va-t-elle s’engager à défendre une vraie politique publique européenne en matière agricole et alimentaire, seule capable de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés nos agriculteurs ? Dans cet esprit, ne faudra-t-il pas s’opposer à une renationalisation de la PAC et soutenir dès maintenant un budget européen beaucoup plus ambitieux, qui ne se réduise pas à 1 % du revenu national brut européen ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Bravo ! Exactement deux minutes !

M. René-Pierre Signé. Elle s’est entraînée ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Il faut éviter, madame la sénatrice, à l’occasion de ce débat difficile, de jeter la pierre à qui que ce soit.

Un sénateur socialiste. Et pourtant !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite rappeler quelques faits afin de rétablir la vérité.

En 1999, l’un de mes prédécesseurs au ministère de l’agriculture, Jean Glavany, a voulu se battre en faveur de la régulation européenne et du maintien des quotas sur le marché laitier. Mais il a été mis en minorité par ses homologues européens et a échoué. La France s’est alors retrouvée isolée et n’a pas eu gain de cause.

Aujourd’hui, la France réclame également davantage de régulation européenne sur le marché du lait, mais les démarches diplomatiques entamées depuis deux mois lui ont permis d’obtenir la majorité qualifiée.

M. Dominique Braye. Il fallait un bon ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre. Nous sommes désormais en mesure d’imposer cette régulation.

Je suis surpris, madame Herviaux, qu’une élue socialiste se fasse l’écho du discours de la Commission quand elle prétend que les vingt et un États membres qui représentent la majorité qualifiée et réclament la régulation européenne du marché du lait sont incapables de proposer des mesures concrètes et immédiates.

Je tiens à vous rassurer sur ce point, madame la sénatrice : c’est faux ! Hier, à Vienne, ces vingt et un États membres ont négocié pendant quatre heures, sous ma direction, et sont parvenus, contrairement à ce qui leur est reproché, à se mettre d’accord sur des mesures concrètes et immédiates.

En voici un exemple tangible : dans le document que les vingt et un États membres ont signé hier, et qui sera remis aujourd’hui à la Commission européenne et à la présidence suédoise, nous réclamons le déblocage immédiat de 300 millions d’euros supplémentaires de fonds européens pour le secteur laitier en 2010. Je vous transmettrai ce document ; vous pourrez ainsi constater que nous réclamons bien d’autres mesures immédiates. J’ai bon espoir qu’elles seront toutes définitivement adoptées lundi prochain, lors du Conseil des ministres européens de l’agriculture. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour la réplique.

M. Didier Guillaume. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que vous ne nous avez pas convaincus ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Didier Guillaume. L’expérience vécue par le ministre socialiste de l’agriculture que vous avez cité s’inscrivait en effet dans un contexte, celui de 1999, totalement différent de ce qu’il est aujourd’hui !

Vous n’avez pas convaincu les sénateurs de gauche, et pas davantage les producteurs de lait, qui sont, comme l’ensemble des agriculteurs, en pleine détresse.

D’ailleurs vendredi prochain, 16 octobre, l’ensemble des manifestations qui se dérouleront sur le territoire montreront ce qu’il en est. Aujourd’hui, la France agricole n’en peut plus des dérégulations ; la France agricole veut de la régulation. Monsieur le ministre, ce n’est pas la direction que vous prenez.

M. Dominique Braye. Il n’a rien compris !

M. Didier Guillaume. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe socialiste et apparentés proposent la mise en place d’une commission d’enquête sur la formation des prix agricoles. Il n’est pas normal qu’en France les agriculteurs se fassent voler pendant que d’autres s’engraissent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour le groupe CRC-SPG.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question a trait à la crise laitière et, en filigrane, à l’ensemble des crises qui frappent la quasi-totalité des filières de productions agricoles.

La réalité inavouée est qu’il s’agit, dans ce domaine comme ailleurs, de la crise du système économique libéral, prisonnier, d’une part, de ses propres règles de concurrence libre et non faussée et, d’autre part, des traités européens, qui figent dans le marbre les règles intangibles du capitalisme. Il n’est donc pas surprenant que le Conseil des ministres européens de l’agriculture soit un échec total aux yeux de tous les observateurs avertis, dans la mesure où les traités européens vous lient pieds et poings face à toute régulation ou à toute remise en cause des quotas.

Il est irresponsable, voire fatal, pour ne pas dire criminel, de renvoyer à l’été 2010 les conclusions d’un groupe d’experts, alors que nos producteurs laitiers perdent 100 à 150 euros par jour, soit 3 000 à 4 500 euros par mois. Des mesures d’urgence exceptionnelles doivent être mises en œuvre avant la fin de cette année.

Manifestement, l’enveloppe de prêts à taux préférentiel et le report de six mois des annuités sociales et assurantielles ne répondent pas à la détresse des producteurs. Il faut que l’argent qui leur a été volé leur soit rendu (Exclamations sur les travées de lUMP), tout en assurant la pérennité des exploitations.

Des mesures de fond de régulation du marché et des échanges, des mesures de contrôle des marges et de la grande distribution sont également indispensables pour sauver la production laitière et ses exploitants, pour préserver notre indépendance alimentaire, pour faire vivre nos espaces ruraux.

Nous ne voulons pas, monsieur le ministre, du modèle des fermes de 2 000 à 5 000 vaches qui est en préparation, pour le plus grand bénéfice des transformateurs et de la distribution.

M. le président. Il ne vous reste que trente secondes, mon cher collègue !

M. Gérard Le Cam. Nous ne voulons pas livrer cette production aux intégrateurs, véritables esclavagistes des temps modernes.

Allez-vous engager immédiatement des discussions avec l’ensemble des producteurs, et pas seulement avec la Fédération nationale des producteurs de lait ? Quelles mesures d’urgence et de fond préconisez-vous pour assurer des prix rémunérateurs et pour éviter les crises à répétition ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Le Cam, je suis en parfait accord avec vous. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Il n’y aura pas de réplique !

M. Bruno Le Maire, ministre. Je l’ai dit à plusieurs reprises : je ne souhaite ni l’intégration – je suis, au contraire, favorable à des contrats équilibrés et justes, garantis par la loi, passés avec les producteurs, de façon à rééquilibrer les rapports de force entre producteurs et industriels –, ni des exploitations de 2 000 à 5 000 vaches – j’ai eu l’occasion d’en visiter –, qui ne correspondent pas à notre modèle ni à la diversité géographique de la France. Je veux insister sur ce point : je regrette qu’il n’y ait pas davantage d’unité et de soutien de la part des socialistes dans la bataille pour la régulation. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Eh oui ! Ils font de la petite politique !

M. Bruno Le Maire, ministre. Ils savent très bien, sauf à être de mauvaise foi, que la France se bat pour la régulation et qu’elle n’est pas favorable à la dérégulation.

Si nous avons tant de difficultés à convaincre nos partenaires européens, si la bataille est aussi rude, c’est parce qu’elle cache des enjeux économiques majeurs entre les pays du nord de l’Europe, qui ont intérêt à pratiquer la dérégulation, à avoir des exploitations de 2 000 à 5 000 bêtes et à faire jouer la concurrence exclusivement par le prix, et d’autres pays, à la tête desquels se trouve la France, qui réclament que l’on prenne en compte la diversité géographique, la diversité des exploitations, les questions d’aménagement du territoire, de sécurité sanitaire et alimentaire.

M. le président. Plus que trente secondes, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le modèle alimentaire français doit être préservé.

Je précise également, toujours en parfait accord avec vous, monsieur Le Cam, que durant cette crise, – je l’ai fait hier, je continue à le faire aujourd’hui et je continuerai à le faire demain –j’ai dialogué avec toutes les organisations syndicales agricoles représentatives ; je les ai écoutées. En effet, nous ne trouverons de solution à cette crise qu’à travers le dialogue, l’ouverture et à la condition d’être capables de tenir compte des intérêts et des remarques de chacun. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur quelques travées de lUnion centriste.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, bien que vous affirmiez partager les propos de notre collègue Gérard Le Cam, votre réponse ne nous satisfait pas.

M. Dominique Braye. Est-ce que l’on peut vous satisfaire ?

Mme Annie David. En fait, vous ne répondez pas à la détresse actuelle des agricultrices et des agriculteurs de notre pays. Vous dites partager le constat du caractère inacceptable de leur situation, de la nécessité de prix rémunérateurs et d’une régulation du secteur agricole. Mais est-ce euro-compatible ? Comment allez-vous arriver à traduire ces constats dans la réalité ? Dans l’immédiat, les agricultrices et les agriculteurs ont besoin de mesures concrètes. M. Bailly en a parlé. Il s’agit notamment d’une année blanche et du report des délais relatifs à la mise aux normes des bâtiments agricoles.

M. le président. Plus que dix secondes !

Mme Annie David. Il s’agit aussi, pour la filière laitière, d’un prix d’achat minimal qui se situe entre 350 et 400 euros les 1 000 litres de lait. Les particularités de la montagne doivent également être prises en compte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour le groupe de l’Union centriste.

M. Daniel Soulage. Je représente dans cette enceinte le Lot-et-Garonne, département de polyculture et d’élevage du Sud-Ouest, qui compte 5 000 agriculteurs et 15 000 salariés agricoles. Le chiffre d’affaires de la filière des fruits et légumes correspond à 44 % du chiffre d’affaires total de la ferme agricole départementale. C’est dire l’importance de ce secteur pour notre économie !

La semaine dernière, au cours d’une réunion de crise relative à cette filière, les responsables de mon département ont souhaité que je vous transmette leurs demandes, monsieur le ministre. Je me fais donc leur interprète, à travers quatre questions courtes.

En ce qui concerne les prix, pourquoi, en période de crise grave, ne pas utiliser le coefficient multiplicateur ? Cette mesure a été votée par le Parlement, le Gouvernement a publié les décrets d’application, mais l’efficacité de cette disposition n’a jamais été testée.

S’agissant des mesures sociales, les exonérations de charges patronales mises en place ne concernent que le personnel occasionnel ; il paraît indispensable que le Gouvernement prenne également en compte le personnel permanent.

Concernant encore les mesures sociales, serait-il possible, monsieur le ministre, de créer la TVA sociale pour le secteur des fruits et légumes, ce qui aurait pour conséquence de baisser durablement le coût de main-d’œuvre ? Cela semble possible, compte tenu du niveau de la TVA sur les produits agricoles.

Par ailleurs, la situation financière des producteurs étant catastrophique, les agriculteurs ne pouvant faire face à leurs engagements financiers, vous devriez, monsieur le ministre, prendre des mesures afin de tenir compte des intérêts des emprunts et de reporter en fin de tableau la charge en capital de ces emprunts. Pouvez-vous répondre positivement à cette demande ?

M. le président. Plus que trente secondes !

M. Daniel Soulage. Pour ce qui est de la règle actuelle de minimis, le montant maximal de l’aide de l’État, fixé à 7 500 euros, doit pouvoir être dépassé en période de crise.

Certains trouveront que les producteurs sont exigeants, que ces mesures sont financièrement trop lourdes. Mais la situation est grave et ce n’est qu’à ce prix que l’on conservera un secteur « fruits et légumes » de qualité.

Si nous sommes contraints d’acheter notre nourriture à l’extérieur de la ferme France, nous perdrons nos marchés, nos emplois, et nous appauvrirons nos territoires. Il deviendra inutile de parler de sécurité sanitaire ou alimentaire. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Soulage, permettez-moi d’insister : la crise agricole concerne non pas uniquement la filière du lait, mais toutes les filières agricoles.

M. Bruno Le Maire, ministre. Je l’ai dit tout à l’heure à l’Assemblée nationale : c’est la France agricole tout entière qui souffre aujourd’hui.

En ce qui concerne la filière des fruits et légumes, nous souhaitons – je l’ai déjà affirmé cet été – apporter des réponses les plus concrètes possibles pour la soutenir et pour lui permettre de passer un cap difficile et, surtout, de trouver un nouvel élan.

Je suis néanmoins attentif à ne pas créer d’illusions ou de déceptions sur des mesures qui me paraissent hasardeuses ou difficiles à mettre en œuvre.

S’agissant du coefficient multiplicateur, nous pouvons bien sûr l’expérimenter – je suis ouvert à toute expérimentation. J’attire cependant votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le risque d’une importation massive de produits étrangers que la mise en place d’un tel coefficient ferait courir. Nous nous demandons déjà si la présence d’un grand nombre de produits d’importation sur nos étals est vraiment légitime. Je pense plus particulièrement aux pommes du Chili, alors que la production française permet largement de répondre à la demande des consommateurs. Veillons à ne pas favoriser les importations de produits étrangers.

Pour ce qui est de la TVA sociale, prenons garde à ne pas créer de faux espoirs ou des illusions. Cette taxe comporte deux risques. D’une part, elle risque d’être incompatible avec les règles communautaires. D’autre part, on peut craindre qu’elle ne grève le pouvoir d’achat des Français…

M. le président. Plus que vingt-cinq secondes !

M. Bruno Le Maire, ministre. … et un prix trop élevé des fruits et légumes pourrait détourner nos concitoyens de ces produits, alors qu’il est déjà difficile de les inciter à en consommer.

En revanche, sur la question de l’allégement des charges pour les personnels temporaires, les saisonniers du secteur des fruits et légumes, nous sommes prêts à avancer le plus loin possible. Le Président de la République aura l’occasion de s’exprimer sur ce sujet prochainement. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour la réplique.

M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses et de votre engagement au service de l’agriculture française et de nos agriculteurs.

Cependant, les producteurs de fruits et légumes, comme ceux de la filière laitière ou d’autres filières dont on a moins parlé, sont confrontés à un grave problème de revenu et de trésorerie à très court terme. Les agriculteurs ont besoin d’une intervention rapide et concrète de la collectivité nationale. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous et sur le Gouvernement. Il y va de la survie de très nombreuses exploitations de notre pays.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, jamais les termes « crises agricoles » n’ont été aussi adaptés à une situation catastrophique et calamiteuse : les prix des oléagineux et des céréales ont enregistré une baisse de 30 %, ceux de la viande de porc et des fruits et légumes, de 15 %.

Mais la crise la plus importante concerne la filière du lait. Monsieur le ministre, je vous donne acte de votre bonne volonté. Cependant, un certain nombre de producteurs risquant d’abandonner leur activité dans les mois qui viennent, il est à craindre que les mesures prises n’aient l’effet d’un emplâtre sur une jambe de bois. Quelles mesures draconiennes comptez-vous prendre ? Une solidarité doit être créée au sein de la filière. Les producteurs laitiers doivent-ils être la seule variable d’ajustement ou êtes-vous en mesure de faire en sorte que les distributeurs et les industriels, qui n’ont jamais gagné autant d’argent alors que nous traversons une crise laitière, partagent les risques ? Telle est la vraie question. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, je ne saurais trop vous recommander de prendre en compte l’amendement que j’avais déposé, qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat…

M. le président. Plus que trente secondes !

M. François Fortassin. … et aux termes duquel les herbivores doivent essentiellement manger de l’herbe. En effet, c’est avec l’herbe et le foin que sont produits la meilleure viande et le meilleur lait. Dans le même temps, les nappes phréatiques sont protégées, ce qui, d’un point de vue environnemental, est assez exceptionnel.

Nous attendons des mesures draconiennes,…

Mme Annie David. Et concrètes !

M. François Fortassin. … qui seront impopulaires aux yeux de certains ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Fortassin, je partage votre analyse : nous ne pouvons pas attendre pour poursuivre les mesures de soutien au secteur agricole, en général, et à la filière laitière, en particulier. Des mesures immédiates doivent être adoptées à l’échelon européen comme à l’échelon national.

Sur le plan européen, – je répondrai ainsi à la remarque formulée par Mme David tout à l’heure – nous n’attendrons pas que le groupe à haut niveau remette ses conclusions au mois de juin 2010. Je demande, avec les vingt et un États qui soutiennent notre pays, des mesures immédiates. Je demande le déblocage pour le budget 2010 des 300 millions d’euros supplémentaires. Je demande également l’ouverture, dans les meilleurs délais possibles, de l’organisation commune de marché, ce qui répond aussi à votre question. En effet, seule cette ouverture nous permettra d’être en adéquation avec les règles européennes lorsque nous mettrons sur pied un accord entre industriels et producteurs de lait. La régulation et les règles juridiques européennes doivent être modifiées.

À l’échelon national, un certain nombre de mesures ont déjà été prises : 60 millions d’euros en mesures de soutien ont été affectés à la filière, 250 millions d’euros de prêts bonifiés ont été accordés par le Crédit agricole, les mesures de la PAC seront débloquées dès vendredi plutôt qu’au 1er décembre, ce qui représente un coût de l’ordre de 3 millions d’euros pour l’État français.

Toutes les mesures nécessaires seront prises, et si des difficultés nouvelles venaient à survenir, pour le lait ou pour d’autres filières, nous adopterions les décisions qui s’imposent. Nous ne laisserons aucun exploitant agricole français sur le bord du chemin ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur quelques travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour la réplique.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous nous avez apportés. Les mesures immédiates que vous vous apprêtez à adopter dans divers domaines nous apportent un certain réconfort.

Il n’en reste pas moins que vous n’avez pas évoqué le problème des distributeurs, alors qu’il se trouve au cœur des difficultés que nous connaissons aujourd'hui. Bien entendu, nous aimerions disposer d’informations complémentaires à cet égard.

C’est dans ce cadre-là, monsieur le ministre, que nous attendons des mesures, immédiatement mais aussi à moyen terme. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour le groupe UMP.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, l’agriculture française, toutes productions confondues, est au bord de la faillite.

Or les producteurs et les agriculteurs français ne pourront agir comme l’État français, qui est en faillite depuis quelques années (Rires sur les travées du groupe socialiste), qui fait de la cavalerie budgétaire et qui emprunte pour rembourser sa dette !

M. Didier Guillaume. Nous n’aurions pas dit mieux !

M. Alain Vasselle. La dérégulation est certainement le poison dont l’agriculture française est en train de souffrir.

M. Éric Doligé. Très bien !

M. Alain Vasselle. Pour les agriculteurs, les charges ne cessent de croître, la barque de s’alourdir, et le Grenelle II n’a pas arrangé la situation à cet égard : même si la taxe carbone devrait a priori être compensée,…

M. Daniel Raoul. Espérons-le !

M. Alain Vasselle. … il n’est pas certain que les contraintes nouvelles qui viennent s’imposer aux agriculteurs français, comme des démarches administratives supplémentaires, amélioreront la situation, et cela vaut pour toutes les productions.

Je suis l’élu d’une région dite « de grandes cultures », la Picardie, où les cultures céréalières, betteravières, oléagineuses et protéagineuses dominent. Or, monsieur le ministre, je puis vous affirmer que l’EBE, c'est-à-dire l’excédent brut d’exploitation, ne permettra pas aux agriculteurs d’honorer leurs annuités d’emprunt en 2010.

M. Didier Guillaume. C’est ça la vérité !

M. Alain Vasselle. Ce manque à gagner asséchera leur trésorerie, mettant en jeu d’une manière particulièrement dangereuse l’équilibre des exploitations.

Il m’importe donc de connaître les initiatives que le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation et permettre aux agriculteurs d’éviter les effets néfastes de la dérégulation. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, je le répète, toutes les filières agricoles sont touchées.

Vous avez évoqué le secteur des céréales, qui est en effet l’un des plus affectés aujourd'hui par la crise, parce qu’il supporte le poids cumulé de trois facteurs négatifs : l’augmentation constante du coût des intrants pour la production ; l’effondrement, que vous connaissez parfaitement, du cours des céréales au cours des derniers mois, alors que l’année précédente avait été plus favorable ; enfin, une parité euro-dollar qui nous est très largement défavorable.

Nous disposons de mécanismes de réaction et d’intervention, dont certains sont automatiques, comme le soutien européen, qui, à la demande de la France, sera maintenu pour le blé en 2010, et de systèmes d’adjudication, destinés à relever le prix des céréales, qui devront être utilisés par la Commission européenne pour faire face à l’effondrement du prix des céréales survenu au cours des derniers mois.

Face à ces facteurs négatifs, permettez-moi de le souligner, nous nous battrons pour mettre en place une véritable régulation européenne sur l’ensemble des marchés.

De même, nous lutterons, et j’espère que nous œuvrerons tous en ce sens, mesdames, messieurs les sénateurs, pour instituer des dispositifs nationaux d’assurance revenu, qui permettront aux agriculteurs, dans toutes les filières, de faire face aux variations de prix et de revenus trop importantes qu’ils connaissent depuis des années.

La mise en place d’assurances revenus doit constituer aujourd'hui pour l’agriculture française un objectif stratégique, partagé par tous les acteurs.

Enfin, je souhaite faire le point sur la grande distribution, pour répondre à la remarque qui m’a été adressée tout à l’heure.

Oui, la grande distribution doit encore accomplir des efforts, notamment à l’égard de la filière des fruits et légumes, comme elle l’a fait avec les ventes au déballage.

Au regard des résultats obtenus en matière de transparence des prix et des marges pour les fruits et légumes, je souhaite qu’elle en fasse encore davantage, notamment en mettant fin, en 2010, au système des remises, rabais et ristournes qui, compte tenu de la crise, ne me semble plus légitime. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un vœu !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour la réplique.

M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse que vous avez bien voulu porter à notre connaissance et je salue votre volonté de défendre les intérêts de la profession.

Je souhaite que les mesures de régulation que vous venez d’évoquer aient des effets concrets pour la profession, afin que celle-ci puisse vivre des prix agricoles, plutôt que des aides publiques et européennes.

Demain, si les soutiens européens disparaissaient, c’est l’ensemble de la profession qui serait en situation de faillite. Ce n’est pas ce que souhaite le Gouvernement, me semble-t-il. J’espère donc que les résultats seront au rendez-vous.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, à la suite de notre débat du 25 juin dernier sur la crise du lait, de votre audition du 22 septembre 2009 par le Sénat et du Conseil des ministres européens de l’agriculture du 5 octobre dernier, l’idée de régulation semble faire son chemin, ce qui n’était pas acquis.

Néanmoins, pourriez-vous nous indiquer quel type de régulation vous envisagez et dans quels délais vous espérez aboutir ? Quelle sera d'ailleurs la part de la régulation et celle de la contractualisation, sachant que les agriculteurs ne veulent pas de cette dernière ?

Pendant que ce processus se déroule, la France entend-elle demander le gel de l’augmentation de 1 % des quotas laitiers qui est prévue chaque année jusqu’en 2015 ? Pensez-vous pouvoir peser sur vos collègues européens dont les États n’utilisent pas la totalité de leurs quotas, ce que l’on appelle les « quotas noirs » ?

En attendant les décisions à venir d’ici au mois de juin prochain, environ un tiers des producteurs, soit 87 000 fermes laitières, se trouvent à la limite de la cessation de paiement. Ils ont subi une perte sèche de l’ordre de 18 000 euros nets depuis le début de l’année. Certains d’entre eux ont même un taux d’endettement supérieur à 40 % !

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour faire face à cette réalité, sachant que les premières décisions annoncées, notamment le recours aux banques pour obtenir des fonds de roulement, ne semblent pas donner satisfaction ?

Seriez-vous prêt, comme certains le suggèrent, à mettre en place une aide directe à la personne, garantie par l’État et remboursable ? Pensez-vous que les mesures actuelles soient suffisantes pour éviter la disparition de très nombreuses exploitations, qui aurait pour conséquence de faciliter ce que vous ne souhaitez pas, si j’en crois vos propres propos, à savoir l’émergence de fermes comptant de 2 000 à 5 000 têtes de bétail ?

Pour rebondir sur la question de mon collègue Fortassin, et en ce qui concerne la grande distribution, le prix du lait a augmenté de 17 % en 2008. Depuis le début de l’année, il n’a baissé que de 2 % dans les grandes surfaces, alors que le cours du lait acheté au producteur s’est complètement effondré.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il y a sans doute des mesures à prendre, au lieu de simplement formuler des vœux !

Par ailleurs, vous devez prendre en compte le souhait exprimé en notre nom par notre collègue Didier Guillaume : il est indispensable qu’une mission d’information soit mise en place sur la transparence et la constitution des prix agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. François Fortassin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Godefroy, je profiterai de votre question pour préciser ce que nous entendons par « l’indispensable régulation européenne du marché du lait ».

Cette régulation, je le répète avec beaucoup de force, doit préluder à celle de l’ensemble des marchés agricoles de l’Union européenne, mais aussi, je l’espère, à celle des marchés agricoles à l'échelle mondiale, qui reste un projet stratégique indispensable et que nous devons mettre en œuvre au bénéfice de tous les producteurs agricoles de la planète. J’ai d'ailleurs eu l’occasion de le dire à mon homologue américain, voilà quelques jours, à Washington.

La régulation européenne présente trois aspects.

Premièrement, elle comporte un échelon national, avec des contrats justes et équilibrés, définis par la loi entre les producteurs et les industriels, et portant sur des volumes et des prix. C’est là le seul moyen de garantir des revenus stables et décents aux producteurs de lait, en France comme dans les autres pays européens.

Deuxièmement, elle se caractérise par la possibilité d’améliorer les instruments d’intervention européens existants. Ils ne sont plus adaptés aux situations de crise, aux aléas climatiques trop nombreux ou aux variations de prix trop importantes. Toutefois, je ne développerai qu’un seul exemple, celui du stockage privé, qui n’était possible en Europe que pendant quelques mois sur les douze que compte l’année. La France a demandé et obtenu qu’il soit autorisé en permanence, afin que nous puissions réagir aux variations des cours de manière immédiate, et non pas décalée sur une période trop brève.

Troisièmement, et sur ce point nous continuons à nous battre, parce qu’il n’est pas facile de progresser au même rythme avec l’ensemble de nos partenaires, la régulation consiste à établir une transparence…

M. le président. Plus que cinq secondes !

M. Bruno Le Maire, ministre. … et un système d’informations sur les volumes à l'échelle européenne, de façon à éviter les surproductions communautaires que nous avons connues il y a plusieurs années. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour la réplique.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, votre analyse de la situation est réelle, et votre détermination le semble tout autant. Il reste qu’elles nous laissent beaucoup d’inquiétudes.

En effet, la situation que nous connaissons aujourd'hui est le fruit de décisions antérieures et de lois iniques qui, par exemple, ont mis à mal l’interprofession du lait, ou encore, comme ce fut le cas avec la LME, c'est-à-dire la loi dite « de modernisation de l’économie », ont provoqué les déséquilibres que l’on sait entre la distribution et la production !

M. Daniel Raoul. Exactement !

M. François Patriat. La compassion dont font preuve nos collègues de la majorité aujourd'hui n’a d’égale que les propos de François Guillaume, qui écrivait naguère : « Il faut laisser aux paysans le droit de produire. Nous sommes contre les quantums. Nous sommes contre les quotas. » Cette politique a été suivie pendant des années, et nous en payons aujourd'hui les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre, ne reprochez pas à M. Glavany d’avoir fait preuve de fermeté. Ce n’était pas une erreur. S’il a échoué, c’est parce qu’il n’était pas soutenu par nos partenaires européens, et vous avez d'ailleurs rappelé ce précédent avec beaucoup de mesure.

Les mesures que vous prenez aujourd'hui sont sans doute nécessaires, mais je crains qu’elles ne soient insuffisantes, car je connais la modestie des moyens mobilisés.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. François Patriat. Surtout, même si elles ont un effet immédiat, elles ne seront un succès à terme que si elles sont accompagnées de mesures de régulation, adoptées lors des négociations de l’OMC.

À cet égard, je pense au secteur de la viande, que personne n’a évoqué jusqu’à présent : monsieur le ministre, de grâce, ne signez pas à l’OMC un accord qui, s’il était approuvé,…

M. le président. C’est terminé !

M. François Patriat. … mettrait à mal, demain, toute la filière de la viande. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour le groupe UMP. (MM. Hugues Portelli et Bernard Fournier applaudissent.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le ministre, les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon se trouvent dans une situation dramatique. Vous le savez bien, du reste, puisque vous êtes venu cet été, au mois de juillet, dans la ville dont je suis le maire, Gujan-Mestras.

Toutefois, au-delà des ostréiculteurs et de leur filière économique, c’est tout un territoire qui souffre et qui est fragilisé.

Les fermetures à répétition que nous avons connues depuis plusieurs années ont trouvé un point culminant l’été dernier, puisqu’elles n’ont été pas moins de sept alors, ce qui provoque bien sûr une incompréhension totale.

Je veux le rappeler, le mode actuel de décision en matière d’autorisation ou d’interdiction de la commercialisation des huîtres est fondé sur le test dit « de la souris », qui présente des résultats pour le moins atypiques, pour ne pas dire une absence totale de fiabilité ! Le processus de gestion en vigueur n’est pas adapté, me semble-t-il.

Enfin, je le rappelle, les fêtes de fin d’année arrivent et les ostréiculteurs réalisent 80 % de leur chiffre d’affaires durant cette période…

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quand, exactement, interviendra le remplacement des tests biologiques par des examens chimiques ? Les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon ont vraiment besoin de le savoir.

Je voudrais connaître aussi les conditions que vous fixerez éventuellement à ce passage, eu égard, notamment, aux exigences européennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre. Madame la sénatrice, comme vous l’avez rappelé, – vous étiez d'ailleurs présente lors de ce déplacement – je me suis rendu au bassin d’Arcachon voilà quelques semaines pour prendre contact avec les ostréiculteurs, me rendre compte de la situation et régler le problème du test de la souris. Je tiens d'ailleurs à rappeler que celui-ci préoccupe les ostréiculteurs depuis des années et que personne ne lui avait encore trouvé de solution.

Or, en quelques mois, nous avons réussi à obtenir la tenue d’une conférence scientifique européenne, qui a réuni les 10 et 11 septembre dernier à Bruxelles l’ensemble des savants concernés, pour passer du test de la souris à un examen chimique. C’est là un premier résultat concret, qui restait hors d’atteinte depuis des années.

Autre succès, nous avons obtenu de la part de l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, – vous aurez sans doute noté les déclarations de son directeur il y a quelques jours, madame Des Esgaulx – un feu vert pour étudier la mise en place de ce nouveau test chimique. Celui-ci apporte davantage de garanties sur la définition et le repérage des toxines présentes dans les huîtres, et il offrira donc à tous les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon un système beaucoup plus fiable que celui du test de la souris.

Il reste maintenant un obstacle important à franchir : celui des délais de modification du droit communautaire.

Trois États restaient réservés sur la mise en place rapide de nouvelles règles valables pour l’ensemble de l’Union européenne. Or j’ai reçu ce matin mon homologue italien, qui, jusqu’à présent, refusait d’accélérer le calendrier de modification des tests, et il m’a donné son feu vert. Il ne reste plus que deux États à convaincre.

J’ai bon espoir que, conformément à l’engagement que j’ai pris en me rendant sur le bassin d’Arcachon avec vous au début du mois de juillet dernier, madame la sénatrice, nous pourrons mettre en place au 1er janvier 2010, sur le fondement d’un nouveau règlement communautaire, un test chimique pour les huîtres, qui offrira à tous les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon les garanties à la fois de sécurité sanitaire et de transparence scientifique qu’ils réclament depuis des années. (Applaudissements sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous croyons beaucoup à votre engagement et à votre volonté politique de faire avancer ce dossier. Nous vous sommes reconnaissants de ne pas considérer cette question comme accessoire, mais de la saisir à bras-le-corps, à l’instar de n’importe quel autre problème agricole. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques.

Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être prêté, durant quarante-cinq minutes, à ce nouvel exercice. Ces échanges nous ont permis d’avoir une vision plus globale des crises que traverse le monde agricole et nous donnent des raisons d’espérer.

Mes chers collègues, nous avons rendez-vous pour la prochaine séance de questions cribles thématiques mardi 27 octobre à dix-sept heures. Le thème retenu par la conférence des présidents est « la crise, le plan de relance et l’emploi ».

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Russie

M. le président. J’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d’une délégation du Conseil de la Fédération de Russie, conduite par le président du groupe d’amitié, M. Evgueni Elisseev, et la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Valentina Petrenko. (MM. les ministres, M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Cette délégation est reçue en France, à l’invitation du groupe d’amitié France-Russie, présidé par notre collègue Patrice Gélard.

Dans le cadre de cette visite de quatre jours, cette délégation doit avoir de nombreux entretiens, au Sénat et dans les différents ministères, sur la coopération interparlementaire et les relations franco-russes, en matière diplomatique mais aussi dans les domaines de la famille et de la santé.

Je formule le vœu que cette visite contribue au renforcement des relations qui lient la France et la Russie, notamment dans l’optique de l’année de la Russie en France en 2010.

Je souhaite une cordiale bienvenue à nos collègues russes. (Nouveaux applaudissements.)

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Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers
Discussion générale (suite)

Parcs de l'équipement

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers
Article 3

M. le président. L’ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers (n° 21).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est appelé à voter les principes d’organisation du dernier transfert de service prévu par les actes I et II de la décentralisation, celui des parcs de l’équipement aux départements.

C’est le terme d’un long processus, qui a impliqué l’ensemble des acteurs de cette réforme : État, départements et personnels.

Le projet de loi repose sur trois principes.

Le transfert des parcs pour tous les départements interviendra au 1er janvier 2010 ou, au plus tard, au 1er janvier 2011. Les modalités de transfert seront définies localement dans un cadre conventionnel, à partir d’un dispositif commun édicté par la loi. Un transfert unilatéral est prévu par arrêté ministériel, en cas d’échec de la procédure contractuelle ou à défaut de signature de la convention au 1er juillet 2010.

En première lecture, sur proposition de la commission des lois, le Sénat s’est attaché à sécuriser les modalités du transfert des parcs de l’équipement, à garantir les droits des personnels et à leur offrir une carrière attractive, à prendre en compte la diversité des départements.

C’est ainsi qu’il a été proposé de mettre en place une commission nationale de conciliation chargée d’examiner les litiges que pourrait soulever la détermination du format du transfert, de porter de un an à deux ans le délai prévu pour introduire une demande de transfert des biens immobiliers en pleine propriété, d’exonérer, comme pour les immeubles, de tout droit, taxe ou honoraire les transferts de propriété de biens meubles et de prendre en charge le coût de remise en état des terrains.

Par ailleurs, le Sénat a également reporté de deux mois la date limite de signature de la convention pour un transfert au 1er janvier 2011, puis allongé de deux ans à trois ans la période durant laquelle la collectivité bénéficiaire du transfert pourra continuer à effectuer des prestations pour le compte de l’État.

La Haute Assemblée a aussi permis aux départements d’effectuer, pour le compte et à la demande des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, l’entretien de l’ensemble de leurs moyens matériels.

Deux points majeurs ont retenu notre attention.

Le premier, c’est la situation des personnels.

Sur proposition de la commission des lois, le Sénat a décidé d’abandonner le statut commun État-collectivités territoriales de personnels techniques spécialisés, s’agissant des ouvriers des parcs et ateliers, les OPA, pour revenir au système du droit commun de la décentralisation, à savoir la mise à disposition de plein droit et sans limitation de durée, à titre individuel, de la collectivité bénéficiaire, assortie d’une option pour le statut de fonctionnaire territorial, dans le délai de deux ans à compter du transfert du parc.

Ce droit d’option, étendu aux OPA mis à disposition des ports et aérodromes transférés aux collectivités locales, a été assorti d’importantes garanties en termes de classification, de rémunération, de régime indemnitaire et de retraite.

Notre assemblée a jugé utile de prévoir une clause de revoyure pour permettre l’établissement d’un état des lieux dans les cinq ans qui suivent le transfert – délai ramené à trois ans par l'Assemblée nationale – et procéder aux ajustements éventuellement nécessaires.

Le Sénat s’est également soucié, second point majeur, des développements possibles du réseau de communications radioélectriques géré par les parcs de l’équipement.

Il a donné aux départements la liberté de rechercher les solutions adaptées à leurs besoins : certains envisagent d’utiliser, à terme, le réseau ANTARES, adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours, des pompiers, notamment dans la perspective d’une mutualisation des services transférés du parc et des moyens des SDIS ; c’est pourquoi le Sénat a prévu la double mise à disposition des personnels transférés des parcs de l’équipement, fonctionnaires et OPA, en cas de constitution d’un syndicat mixte entre le département et le SDIS.

En conséquence, sur proposition de sa commission des lois, le Sénat a complété le projet de loi en prévoyant que les installations radioélectriques non transférées dans le cadre de la signature de la convention ou de l’arrêté de transfert et dont l’État n’aurait plus l’usage pourraient être transférées ultérieurement à la collectivité qui en ferait la demande. Par ailleurs, lorsque la collectivité déciderait de raccorder son réseau radio au réseau ANTARES, elle bénéficierait de plein droit de l’usage des équipements existants.

Enfin, la Haute Assemblée a précisé que le transfert des installations radioélectriques s’accompagnera du transfert de plein droit des conventions, baux et titres afférents.

L’Assemblée nationale a adhéré au dispositif voté par le Sénat, mais l’a complété, au-delà des précisions rédactionnelles, par la fourniture, durant une période de trois ans à compter du transfert, de prestations à la demande des communes et de leurs groupements en matière de viabilité hivernale et de sécurisation de la voirie.

La commission mixte paritaire a confirmé les dispositions adoptées par les deux assemblées sous réserve de cinq modifications.

Outre des précisions rédactionnelles, il s’agit tout d’abord de reporter du 1er au 15 décembre 2009 le délai limite de signature des conventions de transfert des parcs aux collectivités volontaires pour que celui-ci intervienne au 1er janvier 2010. Ce report prend en compte l’inquiétude manifestée par certains départements en raison du retard qu’a pris l’examen du texte au Parlement et qui a déjà entraîné, à l’Assemblée nationale, un premier report du 1er octobre, date initialement prévue par le Gouvernement, au 1er décembre.

Ensuite, la commission mixte paritaire a réintroduit, sous une forme amendée, le droit, pour les collectivités bénéficiaires du transfert du parc, de se raccorder au réseau ANTARES. En effet, le Gouvernement a fait adopter à l’Assemblée nationale un amendement pour revenir sur le texte adopté par le Sénat. Nous avons poursuivi le dialogue avec l’exécutif et proposé une nouvelle rédaction intermédiaire entre les textes adoptés par chacune des deux assemblées. Désormais, lorsque la collectivité bénéficiaire du transfert décide de raccorder son réseau radio au réseau ANTARES, elle pourra bénéficier de l’usage des équipements sous réserve de l’accord de l’État et de sa participation financière aux frais afférents. Cette nouvelle rédaction devrait répondre à l’attente des différentes parties.

En conclusion, le texte aujourd’hui soumis au vote de la Haute Assemblée paraît équilibré au regard des attentes des différentes parties au transfert. Celui-ci devrait donc se dérouler au mieux des intérêts de chacun.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter le projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. Bruno Sido. Bravo !

(Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous arrivons au terme d’un travail qui parachève le processus de décentralisation engagé en 2004. Grâce à lui, les collectivités territoriales disposeront enfin des équipes et des moyens matériels nécessaires au plein exercice de leurs missions d’entretien du réseau routier.

En effet, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 7 octobre dernier, a adopté – après des débats extrêmement longs et difficiles, ainsi que l’a reconnu M. Hyest – le texte qui est aujourd’hui soumis à votre vote, après l’avoir une nouvelle fois enrichi de deux amendements.

Le premier vise à reporter au 15 décembre 2009 la date de signature des conventions pour les collectivités territoriales qui veulent opérer un transfert des parcs de l’équipement au 1er janvier 2010.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Plusieurs d’entre vous souhaitaient introduire cette souplesse dans le calendrier afin de mettre en œuvre ce processus dans les meilleures conditions. Il s’agit là d’une excellente mesure.

M. Bruno Sido. Bravo !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Le second amendement tend non seulement à préciser, pour les collectivités bénéficiaires du transfert, les conditions d’accès aux équipements de radiocommunications utilisés par l’État mais aussi à introduire la notion de participation de celles-ci aux frais de fonctionnement et de maintenance correspondants. Nous avions eu un débat ici même à ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le voyez, ce texte a donné lieu à une concertation riche et fructueuse. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier d’avoir apporté des modifications fondamentales et guidé le Gouvernement dans la bonne direction. Vous avez su être à l’écoute de tous les acteurs, élus locaux, conseils généraux, organisations syndicales, pour proposer une solution équilibrée et consensuelle. J’ai eu l’occasion d’évoquer ce sujet avec votre collègue Daniel Laurent lors d’une séance du conseil général hier ; je me suis aperçu que ce sujet recueillait un large consensus.

Enfin, les fonctionnaires et les ouvriers des parcs et ateliers trouveront au sein des départements une structure d’accueil et de travail qui leur offrira un déroulement de carrière attractif. Le dispositif mis en place leur garantira la meilleure intégration qui soit. Le Gouvernement est donc tout à fait favorable aux conclusions de la commission mixte paritaire et remercie la commission des lois de la Haute Assemblée du travail qu’elle a réalisé. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées du RDSE. – M. Jean Boyer applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette commission mixte paritaire vient conclure plus de cinq ans de travail préparatoire et de dialogue social. Or nous sommes au regret de constater que le résultat est bien en deçà du projet initial.

À l’origine, un travail de concertation en partenariat avec les organisations syndicales et les collectivités locales avait permis de déboucher sur un accord avec la création d’un statut commun, dont les modalités devaient être fixées par décret. Aussi, les ouvriers des parcs et ateliers devaient relever de l’État ou des collectivités locales et les transferts auraient dû être globaux et commencer à partir du 1er janvier 2009.

À l’issue du débat au Sénat, le projet de créer un cadre statutaire commun État-collectivités, tel qu’il était initialement prévu, a été abandonné et remplacé par une mise à disposition sans limitation de durée, avec un droit d’option dans un cadre d’emploi existant.

Certes, cette double autorité de l’État et des collectivités n’avait pas vocation à perdurer. Toutefois, le choix de supprimer cette option a été fait sans connaître les conditions d’intégration dans la fonction publique territoriale. Tous les partenaires reconnaissent que celles-ci seront compliquées et, aujourd’hui, alors que la loi va être adoptée, et à moins de trois mois des premiers transferts, nous ne connaissons toujours pas le contenu du décret d’homologie.

En somme, les conditions d’intégration prévues par le texte risquent de jouer en défaveur des ouvriers des parcs et ateliers,…

Mme Josiane Mathon-Poinat. … qu’il s’agisse des évolutions de carrière, du maintien des rémunérations, voire des pensions de retraite, d’autant qu’aucune nouvelle concertation n’a été engagée avec les partenaires sociaux, et ce malgré de multiples relances.

Le maintien de l’outil de travail des parcs et ateliers semble plus que menacé.

En effet, compte tenu de la crise actuelle, nombre de collectivités abordent le transfert des parcs sous le seul aspect financier, oubliant la pertinence de l’outil de travail, et se déclarent prêtes à limiter le transfert au seuil minimal prévu par la loi.

En outre, un transfert à géométrie variable déstructurera le matériel ainsi que l’immobilier, et cassera l’efficacité des équipes en place. Les possibilités de concours apporté aux communes et aux intercommunalités se réduiront, voire disparaîtront, qui plus est dans un cadre concurrentiel.

Il est donc certain que ce projet de loi aura pour conséquence une dégradation des conditions de travail des OPA. Ruptures de carrière, manques de reconnaissance, problème des titres et des diplômes, menace de mobilité liée à la loi adoptée cet été pour ceux qui resteraient au service de l’État et passeraient, par exemple, au service des directions interdépartementales des routes, autant de griefs qui sont malheureusement d’actualité dans de nombreuses entreprises.

Malgré cela, les premiers transferts semblent être menés dans la précipitation. L’urgence et le manque de visibilité nous laissent craindre l’apparition d’un réel désarroi parmi les personnels et de contentieux au sein des collectivités.

D’ores et déjà, un premier problème est apparu avec le refus du ministère d’inscrire le maintien des droits syndicaux des OPA dans la convention type. Pourtant, lors du débat à l’Assemblée nationale, M. Charles de La Verpillière, alors rapporteur, avait garanti à André Chassaigne, qui avait déposé un amendement à ce sujet, que les droits syndicaux ne subiraient aucun changement. Notre collègue a retiré son amendement, puisqu’il avait obtenu une réponse favorable à sa demande.

Or nous venons d’apprendre que le ministère a refusé d’inscrire le maintien des droits syndicaux des OPA dans la convention type au motif que les textes actuels ne le permettaient pas et que la parole du Gouvernement ne pouvait être supérieure au droit. Les réponses de la commission et du Gouvernement semblaient pourtant exprimer clairement l’esprit de la loi et, donc, avoir force de loi.

En résumé, vous l’avez compris, nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jacky Le Menn applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n’aurai pas besoin de la totalité du temps qui m’est imparti pour indiquer la position du groupe socialiste, d’autant que l’Assemblée nationale n’a pas sensiblement modifié le texte tel qu’il avait été voté en première lecture par le Sénat.

Les modifications portent, pour l’essentiel, d’une part, sur le traitement, satisfaisant, de la question concernant le réseau de communications radioélectriques et, d’autre part, sur l’allongement de quelques jours du délai octroyé aux conseils généraux pour la signature des conventions de transfert.

Aussi, nous nous en tenons à notre position initiale, que je vais résumer brièvement.

Si le travail réalisé par notre rapporteur a été excellent et a permis d’aboutir à un texte convenable, il ne nous satisfait pas complètement, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, la question des travaux pour le compte des communes ne nous semble pas réglée dans des conditions de sécurité absolue, ce qui est préoccupant, s’agissant notamment du volume de transfert. En effet, si l’on avait une sécurité absolue en matière d’intervention des départements au profit des communes, les conseils généraux seraient plus enclins à accepter le transfert de l’ensemble du personnel, en allant même au-delà de leurs obligations.

Ensuite, le problème des agents en surnombre – ce point est lié au précédent – n’est pas parfaitement réglé non plus. C’est d’autant plus fâcheux que cela risque de conduire les conseils généraux à dimensionner le périmètre du transfert a minima, comme ils en ont le droit, sans se soucier de l’unité du service. On peut cependant regretter qu’un certain nombre de préfets exercent des pressions sur les présidents de conseil général pour les inciter à accepter le transfert de l’ensemble des personnels au nom de cette unité.

Enfin, les syndicats – ce point a été relevé par nos collègues du groupe CRC-SPG – ont regretté que le corps spécifique n’ait pas été retenu. On peut ne pas les suivre, mais ils ont formulées des craintes quant à une remise en cause des droits syndicaux.

Pour toutes ces raisons et compte tenu des aspects positifs de ce texte, nombreux au demeurant, nous nous abstiendrons, comme en première lecture.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement, qui relevaient jusqu’à présent de la compétence de l'État, revient de la commission mixte paritaire, après son examen par l’Assemblée nationale, un peu plus enrichi encore de dispositions qui ont reçu l’accord de toutes les parties.

Je me limiterai à souligner l’excellence des conditions dans lesquelles ce projet a abouti au texte qui nous est soumis aujourd'hui.

Certes, il a fallu plusieurs années pour y parvenir, et on peut le regretter, mais, à mes yeux, un texte longuement travaillé, mûri et négocié est préférable à un texte trop vite examiné et sans débat, comme c’est parfois le cas.

En l’occurrence, les représentants des collectivités, des départements ont été écoutés et entendus. Les représentants des personnels ont été consultés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

Mme Anne-Marie Escoffier. Le transfert interviendra en garantissant la capacité opérationnelle du service et en permettant aux collectivités de bénéficier d’un transfert à leur mesure, ce qui constitue un point de négociation essentiel.

La convention de transfert, dont la date de signature a été opportunément reportée de deux semaines, au 15 décembre 2009, avec effet au 1er janvier 2010, précisera le nombre et la nature des emplois transférés, les modalités de transfert, notamment en matière de compensation financière, et la date d’entrée en vigueur.

S’agissant des conditions de transfert des personnels, le texte préserve très largement les droits de ces derniers,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Anne-Marie Escoffier. … qu’ils soient fonctionnaires de l’État, contractuels de droit privé ou public, ouvriers des parcs et ateliers. Le droit d’option qui leur est donné, la prise en compte des services antérieurs accomplis ainsi que les garanties accordées en termes de classification, de régime indemnitaire et de retraite sont autant d’éléments positifs des dialogues conduits entre les différents partenaires, de façon excellente, permettez-moi de le dire, monsieur le rapporteur.

Enfin, je veux souligner l’intérêt de deux dispositions nouvelles.

La première, qui concerne l’entretien des routes nationales, donne la possibilité aux parcs de l’équipement désormais départementaux d’effectuer des prestations pour le compte des communes et des intercommunalités dans un cadre concurrentiel ou en dérogeant temporairement aux règles de la concurrence. Cette disposition permet aux parcs de bénéficier de recettes complémentaires.

La seconde disposition, qui est relative au réseau de communications radioélectriques, permet aux collectivités bénéficiaires du transfert du parc qui décident de se raccorder au réseau ANTARES de bénéficier de l’usage des équipements,…

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier. … sous réserve, bien entendu, de l’accord de l’État et de leur participation financière aux frais afférents.

Au total, c’est un texte dont il faut espérer qu’il permettra, dans les conditions les meilleures pour chacun des acteurs, de réunir l’efficacité, la compétence et l’équilibre dans l’exercice de missions nouvelles répondant aux exigences bien légitimes des citoyens. Aussi, le groupe RDSE le votera. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement. Le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue par un seul vote sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

TITRE IER

PRINCIPES GÉNÉRAUX ET MODALITÉS DU TRANSFERT DES PARCS DE L’ÉQUIPEMENT

………………………………………………………………………………

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers
Article 4

Article 3

Le transfert porte sur des services ou parties de service du parc constituant une entité fonctionnelle, ainsi que sur les parties de service des directions départementales de l’équipement ou des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture chargées des fonctions de support, notamment de la gestion administrative et financière, pour le compte du parc.

Dans le respect de la règle fixée au premier alinéa, le nombre des emplois transférés à la ou aux collectivités bénéficiaires du transfert ne peut être inférieur au nombre d’emplois pourvus dans le parc et les services chargés des fonctions de support mentionnés au même alinéa au 31 décembre de l’année précédant l’année de signature de la convention mentionnée à l’article 4 ou de l’arrêté mentionné à l’article 5, pondéré pour chaque agent par le taux moyen de l’activité exercée au cours de l’année 2006 au profit de la ou des collectivités bénéficiaires du transfert, au cours de l’année 2007 dans le cas du département de la Seine-Saint-Denis, ou au cours de l’année 2008 dans le cas de La Réunion.

Lorsque la collectivité le demande, le transfert intervient au-delà du seuil minimal fixé à l’alinéa précédent, et jusqu’à la totalité des emplois du parc.

La part des emplois dont le coût n’est pas remboursé au budget général par le compte de commerce ouvert par l’article 69 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989) dans le total des emplois transférés à chaque collectivité bénéficiaire ne peut être inférieure à celle des emplois dont le coût n’est pas remboursé par ce compte, pourvus dans le parc et les services chargés des fonctions de support qui lui sont associés au 31 décembre 2006.

Article 3
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Article 5

Article 4

I. – Une convention conclue entre le représentant de l’État dans le département et le président du conseil général définit la consistance du service ou de la partie de service à transférer, le nombre et la nature des emplois transférés, précise les modalités du transfert et en fixe la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2010 ou au 1er janvier 2011.

En Corse et dans les départements et régions d’outre-mer, la convention désigne la ou les collectivités bénéficiaires du transfert. Elle est également signée, dans tous les cas, par le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse ou le président du conseil régional.

II. – La convention est signée au plus tard le 15 décembre 2009 ou le 1er juillet 2010, selon que la date d’effet du transfert est fixée au 1er janvier 2010 ou au 1er janvier 2011. Le projet de convention est soumis pour avis au comité technique paritaire compétent.

III. – Un décret fixe les modalités d'application du présent article.

Article 4
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Article 6

Article 5

À défaut de signature au 1er juillet 2010 de la convention prévue à l’article 4, la consistance du service ou de la partie de service à transférer, le nombre et la nature des emplois transférés, déterminés selon les dispositions des deuxième et quatrième alinéas de l’article 3, ainsi que les modalités de transfert du parc sont fixés par arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre chargé des collectivités territoriales, après avis motivé d’une commission nationale de conciliation, placée auprès d’eux, et comprenant un nombre égal de représentants de l’État et de représentants des catégories de collectivités territoriales intéressées. La commission est présidée par un conseiller d’État. En Corse et dans les départements et régions d’outre-mer, à défaut d’accord sur la ou les collectivités bénéficiaires du transfert, une partie de service et un nombre d’emplois déterminés selon les dispositions des deuxième et quatrième alinéas de l’article 3 sont transférés à chaque collectivité.

Dans les cas visés au premier alinéa, la date d’effet du transfert du parc est fixée au 1er janvier 2011.

Article 5
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Article 8

Article 6

Dans les conditions prévues par la loi de finances, les charges de personnel transférées correspondant aux emplois fixés dans la convention prévue à l’article 4 ou, à défaut, dans l’arrêté prévu à l’article 5 font l’objet d’une compensation financière, à l’exclusion des charges remboursées au budget général par le compte de commerce ouvert par l’article 69 de la loi de finances pour 1990 précitée.

La commission consultative sur l’évaluation des charges mentionnée à l’article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territoriales est consultée sur les modalités générales d’évaluation et sur le montant de la compensation du transfert des parcs.

Le montant de la compensation est constaté pour chaque collectivité par arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre chargé du budget, après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PERSONNELS AFFECTÉS DANS LES PARCS ET AUX OUVRIERS DES PARCS ET ATELIERS

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux personnels fonctionnaires

………………………………………………………………………………

Article 6
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Article 11

Article 8

I. – Dans le délai de deux ans à compter de la date du transfert du parc, les fonctionnaires de l'État exerçant leurs fonctions dans le service ou la partie de service transféré peuvent opter soit pour le statut de fonctionnaire territorial, soit pour le maintien du statut de fonctionnaire de l'État.

II. – Les fonctionnaires de l'État ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial sont intégrés dans un cadre d'emplois de la fonction publique territoriale dans les conditions prévues par les dispositions statutaires applicables à ce cadre d'emplois. Les services effectifs accomplis par les intéressés dans leur corps d'origine sont assimilés à des services accomplis dans ce cadre d'emplois.

III. – Les fonctionnaires de l'État ayant opté pour le maintien de leur statut sont placés en position de détachement auprès de la collectivité territoriale dont relève désormais leur service.

Par dérogation à la section 2 du chapitre V de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, ces détachements sont sans limitation de durée. L'autorité territoriale exerce le pouvoir disciplinaire sur les fonctionnaires ainsi détachés. Elle informe l'administration gestionnaire de leur corps d'origine des sanctions prononcées.

Lorsque les fonctionnaires détachés sont placés, sur leur demande, dans une position statutaire dont le bénéfice est de droit, le détachement est suspendu.

Les fonctionnaires détachés sans limitation de durée peuvent, à tout moment, demander à être intégrés dans la fonction publique territoriale.

IV. – Les fonctionnaires qui, à l'expiration du délai mentionné au I du présent article, n'ont pas fait usage du droit d'option mentionné à ce même I sont placés en position de détachement sans limitation de durée.

V. – L'article 41 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale n'est pas applicable à la nomination des fonctionnaires mentionnés au I du présent article à des emplois du service ou des parties de services transférés en application de la présente loi à une collectivité territoriale.

VI. – En Corse et dans les départements et régions d'outre-mer, les fonctionnaires de l'État affectés dans le service ou la partie de service transféré, qui ont vocation à exercer leurs fonctions auprès du syndicat mixte mentionné au II de l'article 7 et qui ont opté pour le maintien de leur statut ou qui, à l'expiration du délai mentionné au I du présent article, n'ont pas fait usage du droit d'option mentionné au même I, sont placés en position de détachement sans limitation de durée auprès de ce syndicat mixte.

En cas de dissolution du syndicat mixte, les agents détachés auprès de lui sont placés de plein droit en position de détachement sans limitation de durée auprès du président du conseil général, du président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse ou du président du conseil régional, selon la collectivité à laquelle leur service ou partie de service a été transféré en application de la présente loi.

VII. – Les premier et deuxième alinéas de l’article 147 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 et les décrets en Conseil d’État pris pour l’application de l’article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales sont applicables aux intégrations et aux détachements intervenant en application des II et III du présent article.

Lorsque le droit d’option prévu au I du présent article n’est pas exercé, le détachement de l’agent et le droit à compensation qui en résulte ne prennent effet qu’à compter du 1er janvier de la troisième année suivant la date du transfert du parc. Les décrets en Conseil d’État pris pour l’application de l’article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée lui sont applicables.

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Chapitre II

Dispositions relatives aux ouvriers des parcs et ateliers

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Article 8
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Article 13 bis

Article 11

I. – Lorsqu’ils en font la demande dans le délai de deux ans à compter de la publication du décret mentionné au premier alinéa du II du présent article ou, dans le cas où ledit décret est publié à la date du transfert du parc, à compter de la date de ce transfert, les ouvriers des parcs et ateliers mentionnés à l’article 10 exerçant leurs fonctions dans le service ou la partie de service transféré sont, par dérogation à l’article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, intégrés dans un cadre d’emplois existant de la fonction publique territoriale, le cas échéant à l’issue de la période de stage, sans qu’il soit fait application de l’article 41 de la même loi.

Les ouvriers des parcs et ateliers mentionnés à l’article 10 de la présente loi qui, à l’expiration du délai de deux ans mentionné au précédent alinéa, n’ont pas demandé leur intégration dans un cadre d’emplois de la fonction publique territoriale peuvent la demander à tout moment.

Si la demande d’intégration est présentée au plus tard le 31 août, l’intégration prend effet au 1er janvier de l’année suivante. Si elle est présentée entre le 1er septembre et le 31 décembre, l’intégration prend effet au 1er janvier de la deuxième année suivant la demande.

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’intégration dans la fonction publique territoriale. Ce décret détermine notamment les cadres d’emplois auxquels les agents peuvent accéder compte tenu, d’une part, des fonctions réellement exercées et de leur classification et, d’autre part, des qualifications qu’ils possèdent, attestées par un titre ou diplôme ou une expérience professionnelle reconnue équivalente aux qualifications exigées pour l’accès aux cadres d’emplois concernés. La correspondance dans les grades et échelons du cadre d’emplois d’intégration prend en compte le niveau salarial acquis pour ancienneté de services dans l’emploi occupé par l’agent à la date d’effet de l’intégration.

Les services effectifs accomplis antérieurement en qualité d’ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes sont assimilés pour la carrière à des services accomplis dans les cadres d’emplois d’intégration. Ils ouvrent droit, pour la période antérieure à l’intégration, au versement d’une pension dans les conditions définies par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État. L’appréciation de la durée requise pour la constitution du droit à pension prend en compte les services retenus dans ce régime et ceux retenus dans la fonction publique territoriale. Pour la période postérieure à l’intégration, l’appréciation de la durée requise pour la constitution du droit à pension des fonctionnaires territoriaux prend en compte les services accomplis en qualité d’ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes. La part de pension ainsi liquidée dans le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État est revalorisée entre la date de l’intégration de l’agent dans la fonction publique territoriale et celle de la liquidation effective de sa pension dans les conditions prévues pour ce régime. Un décret précise les modalités d’application du présent alinéa.

III. – Les agents intégrés reçoivent une rémunération au moins égale à leur rémunération globale antérieure. La rémunération globale correspond à la rémunération brute de base augmentée des primes et indemnités à l'exclusion de celles versées pour services effectués lors de travaux supplémentaires. Le cas échéant, ils bénéficient d'une indemnité compensatrice qui est résorbée au fur et à mesure des augmentations de rémunération dont l'intéressé bénéficie dans le cadre d'emplois d'intégration. Un décret en Conseil d'État fixe les éléments de rémunération à prendre en considération et les modalités de détermination de l'indemnité compensatrice.

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Article 11
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Article 14

Article 13 bis

Dans un délai de trois ans à compter de la date du transfert du parc, un état des lieux est établi sur les emplois transférés aux collectivités bénéficiaires du transfert sous le régime de la mise à disposition ou de l’intégration dans un cadre d’emplois de la fonction publique territoriale, ainsi que sur les conséquences du transfert sur la situation professionnelle des agents transférés.

Chapitre III

Dispositions relatives aux autres agents non titulaires

Article 13 bis
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Article 15

Article 14

À la date du transfert du parc, les agents non titulaires de l’État autres que ceux mentionnés au I de l’article 10 qui exercent leurs fonctions dans le service ou la partie de service transféré deviennent agents non titulaires de la fonction publique territoriale. Ils conservent, à titre individuel, le bénéfice des stipulations de leur contrat. Les services antérieurement accomplis en qualité d’agent non titulaire de l’État sont assimilés à des services accomplis dans la collectivité territoriale d’accueil.

Les agents en fonction à la date de publication de la présente loi et dont le contrat arrive à échéance avant la date d’entrée en vigueur du transfert du parc peuvent être recrutés en qualité d’agents non titulaires de la fonction publique territoriale.

Les dispositions des six premiers alinéas de l’article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, en ce qu’elles déterminent les cas de recours aux agents non titulaires, et de l’article 41 de la même loi ne sont pas applicables aux agents mentionnés au présent article.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AUX BIENS

Article 14
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Article 16

Article 15

I. – Les biens immeubles utilisés à la date du transfert du parc pour l’activité du service ou de la partie de service transféré sont de plein droit mis à disposition de la collectivité bénéficiaire du transfert. En cas de transfert partiel du parc, les biens immeubles utilisés pour l’activité de la partie de service non transférée sont mis à disposition de l’État.

La mise à disposition est constatée par un procès-verbal établi contradictoirement entre l’État et les représentants de la ou des collectivités concernées. Le procès-verbal précise la consistance, la situation juridique, le mode d’évaluation, l’état des biens et l’évaluation de la remise en état de ceux-ci. Pour l’établissement de ce procès-verbal, les parties peuvent recourir aux conseils d’experts dont la rémunération est supportée pour moitié par chaque partie. À défaut d’accord, les parties peuvent recourir à l’arbitrage du président de la chambre régionale des comptes compétente. Cet arbitrage est rendu dans les deux mois de sa saisine.

II. – Lorsque l’État est, à la date de transfert du parc, propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. Le bénéficiaire de la mise à disposition assume l’ensemble des obligations du propriétaire. Il possède tous pouvoirs de gestion. Il assure le renouvellement des biens mobiliers. Il peut autoriser l’occupation des biens remis. Il en perçoit les fruits et produits. Il agit en justice en lieu et place du propriétaire. Il peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d’addition de constructions propres à assurer le maintien de l’affectation des biens. Il est substitué au propriétaire dans ses droits et obligations découlant des contrats portant notamment sur des emprunts affectés et des marchés que ce dernier a pu conclure pour l’aménagement, l’entretien et la conservation des biens. Le propriétaire constate la substitution et la notifie à ses cocontractants. Le bénéficiaire de la mise à disposition est également substitué au propriétaire dans les droits et obligations découlant pour celui-ci à l’égard de tiers de l’octroi de concessions ou d’autorisations de toute nature sur tout ou partie des biens remis ou de l’attribution de ceux-ci en dotation. En cas de désaffectation totale ou partielle des biens mis à disposition, le propriétaire recouvre l’ensemble de ses droits et obligations sur les biens désaffectés.

III. – Lorsque l’État est, à la date de transfert du parc, locataire des biens mis à disposition, le bail est transféré à la collectivité bénéficiaire du transfert. Celle-ci succède à tous les droits et obligations du locataire initial. Elle lui est substituée dans les contrats de toute nature que ce dernier avait conclus pour l’aménagement, l’entretien et la conservation des biens loués. Le locataire initial constate cette substitution et la notifie à ses cocontractants. La liste des baux substitués est annexée à la convention prévue à l’article 4.

Article 15
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Article 17

Article 16

I. – Lorsque des biens immeubles appartenant à l’État ou à une autre collectivité mentionnée à l’article 2 que celle bénéficiaire du transfert du parc sont mis à disposition de la seule collectivité bénéficiaire en application de l’article 15, ces biens sont transférés à titre gratuit en pleine propriété à cette collectivité, si celle-ci en fait la demande.

Lorsque des biens immeubles appartenant à la collectivité bénéficiaire du transfert du parc sont mis à la seule disposition de l’État en application du même article 15, ces biens sont transférés à l’État à titre gratuit en pleine propriété, s’il en fait la demande.

Ces transferts de propriété ne donnent lieu au versement d’aucun droit, taxe ou honoraire.

II. – La demande mentionnée au I est notifiée au propriétaire initial dans un délai de deux ans à compter du transfert du parc. Les dépenses éventuellement nécessaires pour individualiser les biens sont à la charge du bénéficiaire du transfert de propriété.

Article 16
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Article 18

Article 17

I. – Les biens meubles affectés au parc sont répartis de la manière suivante :

1° Les biens appartenant à l’État, au département ou, le cas échéant, à une autre collectivité territoriale mentionnée à l’article 2 qui, pendant l’année précédant le transfert du parc, ont été donnés en location à un seul utilisateur du parc demeurent affectés ou sont de plein droit transférés, à titre gratuit, en pleine propriété à la personne morale qui en était locataire ;

2° L’État et la collectivité bénéficiaire du transfert conviennent de la répartition des biens appartenant à l’État, au département ou à une autre collectivité mentionnée à l’article 2 qui, pendant la même période, ont été donnés en location à plusieurs des personnes publiques mentionnées au 1°. À défaut d’accord à la date d’effet du transfert du parc, la propriété de ces biens n’est pas transférée ;

3° Les biens qui, pendant la même période, étaient utilisés par le parc sans être donnés en location à l’État ou au département sont transférés, à titre gratuit, en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire du transfert.

Toutefois, en cas de transfert partiel, les biens affectés à la partie de service non transférée demeurent affectés ou sont transférés, à titre gratuit, en pleine propriété à l’État ;

4° Les biens qui, pendant la même période, étaient utilisés par le parc pour ses besoins de production et de travaux sont transférés, à titre gratuit, en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire du transfert du parc. En cas de transfert global du parc, l’ensemble de ces biens est transféré à titre gratuit et en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire. En cas de transfert partiel du parc, les biens affectés à la partie de service non transférée demeurent affectés ou sont transférés, à titre gratuit, en pleine propriété à l’État.

Ces transferts de propriété ne donnent lieu au versement d’aucun droit, taxe ou honoraire.

II. – (Supprimé)

III. – (Supprimé)

Article 17
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Article 19

Article 18

Sur demande de la collectivité bénéficiaire du transfert du parc, notifiée au représentant de l’État au plus tard le 15 décembre 2009 ou le 1er juillet 2010, selon que la date d’effet est fixée au 1er janvier 2010 ou au 1er janvier 2011, la collectivité est, à compter de cette date d’effet, substituée à l’État dans ses droits et obligations découlant des contrats relatifs à des marchés en cours autres que ceux mentionnés à l’article 15.

Article 18
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Article 19 bis

Article 19

Dans chaque département, si, à la date du transfert du service ou d’une partie de service à une collectivité, la contribution du parc à la trésorerie du compte de commerce ouvert par l’article 69 de la loi de finances pour 1990 précitée pour retracer les opérations de recettes et de dépenses des parcs est positive après déduction des dettes et des créances, le montant de cette contribution revient, dans les conditions prévues par une loi de finances, à cette collectivité au prorata des facturations ayant donné lieu à paiement au parc par la collectivité dans les facturations totales pendant les trois années précédant le transfert.

Article 19
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Article 20

Article 19 bis

Le coût de remise en état des terrains utilisés par le parc, selon les procédures prévues au titre II du livre Ier et au titre Ier du livre V du code de l’environnement, est pris en charge prioritairement par le compte de commerce, avant liquidation de la contribution du parc à sa trésorerie, visée à l’article 19, dans les conditions précisées par une loi de finances.

TITRE IV

DISPOSITIONS DIVERSES

Article 19 bis
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Article 21

Article 20

I. – Les emplois affectés au fonctionnement du réseau de communications radioélectriques géré par le parc ne sont pas transférés, à l’exception de ceux affectés au fonctionnement des installations radioélectriques équipant les immeubles et véhicules de la collectivité bénéficiaire du transfert du parc.

II. – S’agissant des biens meubles et immeubles nécessaires au fonctionnement du réseau mentionné au I, les dispositions du titre III de la présente loi s’appliquent sous réserve des dispositions particulières du présent II.

Les installations radioélectriques équipant les immeubles et véhicules de la collectivité bénéficiaire du transfert et, si celle-ci le demande, les installations radioélectriques participant exclusivement aux communications radioélectriques sur le réseau routier départemental demeurent affectées ou sont transférées à cette collectivité.

Les biens meubles et immeubles appartenant à la collectivité bénéficiaire du transfert qui participent aux communications radioélectriques sur le réseau routier national sont de plein droit mis à disposition de l’État.

Lorsque la convention ou l’arrêté respectivement mentionnés aux articles 4 et 5 l’ont prévu, les installations radioélectriques qui, à la date d’effet du transfert du parc à la collectivité, n’ont pas été transférées à celle-ci et dont l’État n’a plus l’usage, peuvent néanmoins être ultérieurement transférées par convention à cette collectivité si elle le demande.

Le transfert des installations radioélectriques s’accompagne du transfert de plein droit des conventions, baux et titres afférents ou est assorti, le cas échéant, d’une convention d’occupation à titre gratuit du domaine public de l’État.

III. – L'État assure à titre gratuit pour la collectivité bénéficiaire du transfert qui le demande la prestation de fourniture de communications entre les installations radioélectriques précitées. La convention prévue à l'article 4 ou l'arrêté prévu à l'article 5 précise le contenu, la durée et les modalités de cette prestation.

IV. – Lorsque la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert du parc décide de raccorder son réseau de communications radioélectriques au réseau national de radiocommunications numériques pour les services d’incendie et de secours au titre de l’infrastructure nationale partageable des transmissions, elle bénéficie de plein droit de l’usage de ces équipements, sous réserve de l’accord de l’État et aux conditions convenues.

Ce droit d’accès est accordé à titre gratuit sous réserve des investissements de capacité nécessaires qui restent à la charge de la collectivité bénéficiaire et de sa participation aux frais de fonctionnement et de maintenance correspondants.

Article 20
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Article 21 bis A

Article 21

Dans la mesure requise pour assurer la continuité du service public, la collectivité bénéficiaire du transfert du parc peut, pendant une durée qui ne peut excéder trois ans suivant la date du transfert, fournir à l’État des prestations d’entretien des engins affectés à la voirie et de viabilité hivernale sur le réseau routier national.

Article 21
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Article 21 bis

Article 21 bis A

I. – Dans la stricte mesure requise pour assurer la continuité du service public et la sécurité des personnes sur le réseau routier communal et intercommunal, la collectivité bénéficiaire du transfert du parc peut, pendant une durée maximale de trois ans à compter de la date du transfert, continuer à fournir aux communes et à leurs groupements, à leur demande, les prestations nécessaires à l’entretien des engins affectés à leur voirie, à la viabilité hivernale et à la sécurisation de ce réseau en cas de conditions météorologiques défavorables.

II. – Hors les cas mentionnés au I, la collectivité bénéficiaire du transfert du parc ne peut effectuer des prestations, pour le compte et à la demande des communes et de leurs groupements, que dans le respect des règles de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics. Ces prestations sont relatives à la construction et à l’entretien du réseau routier communal et intercommunal, ainsi qu’à l’entretien des moyens matériels affectés à ce réseau.

Article 21 bis A
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Article 22

Article 21 bis

Après l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1424-35-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1424-35-1. – Dans le respect des règles de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics, le département peut effectuer pour le compte et à la demande de l’établissement public visé au premier alinéa de l’article L. 1424-1 du présent code l’entretien de l’ensemble de ses moyens matériels. »

Article 21 bis
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Article 25 (début)

Article 22

Les personnels du service ou de la partie de service transféré chargés des fonctions de support apportent leur concours aux services de l’État pour la mise en œuvre du transfert pendant une durée maximale d’un an à compter de la date de celui-ci. Une annexe à la convention prévue à l’article 4 ou, le cas échéant, à l’arrêté prévu à l’article 5, définit la liste des agents concernés et les modalités de leur intervention.

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Article 22
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Article 25 (fin)

Article 25

Lorsqu’ils en font la demande dans le délai de deux ans à compter du transfert du service, ou à compter de la date de l’entrée en vigueur du décret prévu au premier alinéa du II de l’article 11 de la présente loi pour ceux dont la mise à disposition est antérieure à cette date, les ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes admis ou susceptibles d’être admis au bénéfice du régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État mis à disposition d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales en application de l’article 107 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée sont, par dérogation à l’article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, intégrés dans un cadre d’emplois existant de la fonction publique territoriale selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, le cas échéant à l’issue de la période de stage, et sans qu’il soit fait application de l’article 41 de la même loi.

Les ouvriers des parcs et ateliers mentionnés au premier alinéa du présent article qui, à l’expiration du délai de deux ans mentionné au présent article, n’ont pas demandé leur intégration dans un cadre d’emplois peuvent la demander à tout moment.

Les dispositions de l’article 147 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 précitée et des II et III de l’article 11 de la présente loi ainsi que celles des décrets d’application auxquels ils renvoient sont applicables aux intégrations intervenant en application du présent article.

Mme la présidente. Sur les articles 3 à 25, je ne suis saisie d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?

Le vote est réservé.

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 25 (début)
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13

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
Discussion générale (suite)

Article 61-1 de la Constitution

Adoption d’un projet de loi organique

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
Articles additionnels avant l'article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution (projet n° 613, 2008-2009 ; texte de la commission n° 638, 2008-2009 ; rapport n° 637, 2008-2009).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi organique soumis à votre examen met en œuvre le mécanisme d’exception d’inconstitutionnalité, prévu par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Il permet au justiciable de soutenir qu’une disposition législative, quelle qu’elle soit, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Le texte qui vous est proposé a été adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale. Je me réjouis de l’esprit de consensus, au-delà des clivages politiques, qui a présidé à sa discussion.

Votre commission des lois a effectué un travail remarquable sur le texte. Je salue particulièrement l’investissement du rapporteur, Hugues Portelli, sur le projet de loi organique. Grâce aux améliorations apportées, le texte a gagné en clarté, en lisibilité et en cohérence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la question prioritaire de constitutionnalité marque un progrès historique dans la pratique démocratique au quotidien. En prévoyant que « le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation », le constituant a voulu éviter certains risques.

Il y a, d’abord, le risque d’un engorgement par l’afflux de questions déjà tranchées, fantaisistes ou soulevées à des fins dilatoires.

Il y a, ensuite, le risque, plus profond, de déstabilisation de notre organisation juridictionnelle.

Le projet de loi organique institue donc le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité, en cohérence avec les principes du droit français. Des règles de procédure adaptées doivent en assurer la pleine effectivité. Il s’agit là des deux points essentiels de ce texte.

Premièrement, la question prioritaire de constitutionnalité s’inscrit en cohérence avec les principes de notre droit.

Elle réaffirme la hiérarchie des normes, dans le respect de notre architecture juridictionnelle.

D’une part, la primauté de la Constitution sur les règles de droit interne se trouve réaffirmée. Désormais, le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’une loi pourra être soulevé au cours de toute instance devant toute juridiction, qu’elle relève du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Il pourra être soulevé pour la première fois en cour d’appel. En matière pénale, il pourra intervenir au cours de l’instruction et sera alors porté devant la chambre de l’instruction. En assises, la question pourra être soulevée en amont, dans la phase d’instruction du procès criminel.

D’autre part, la question prioritaire de constitutionnalité est conforme aux principes de notre organisation juridictionnelle.

Le principe de spécialité des juridictions est respecté. Chacun reste dans sa sphère de compétence. Les juridictions judiciaires et administratives vérifient la compatibilité entre les lois nationales et les normes internationales. Le Conseil constitutionnel vérifie la conformité de la loi à la Constitution.

L’équilibre des juridictions est maintenu. Il n’est pas question de faire du Conseil constitutionnel une « super cour suprême » : son contrôle demeure abstrait et limité à la seule question de constitutionnalité qui est posée.

Les cours souveraines demeurent des cours souveraines.

La question de constitutionnalité implique une coopération des juridictions nationales, dans le respect de la compétence et de la spécialité de chacune d’entre elles.

La question prioritaire de constitutionnalité préserve donc les principes et les équilibres de notre droit.

Deuxièmement, les règles de procédure doivent être conformes à cette exigence.

Nous partageons la volonté de garantir la pleine efficacité du dispositif. Je tiens à le réaffirmer car je sais qu’il s’agit d’un des points qui soulèvent quelques questions.

Une règle est essentielle : celle de la priorité d’examen de la constitutionnalité de la loi.

Le projet de loi organique articule les deux contrôles de la loi au regard des normes qui lui sont supérieures : le contrôle de conventionnalité vise à statuer sur la contrariété d’une loi française à une norme internationale et à en écarter l’application si tel est bien le cas ; le contrôle de constitutionnalité, prévu par le présent texte et qui est une prérogative exclusive du Conseil constitutionnel, vise, quant à lui, in fine à abroger les lois contraires à la Constitution.

Si le juge pouvait écarter l’application de la loi dans le cadre du contrôle de conventionnalité avant tout contrôle de constitutionnalité, la question prioritaire de constitutionnalité de la loi elle-même risquerait d’être privée de son effectivité.

Le filtre procédural, voulu par le constituant, vise à garantir la pleine effectivité du dispositif. Il comporte deux degrés.

D’abord, l’examen de la question de constitutionnalité par le premier juge saisi vise à déterminer si le moyen est opérant et à l’écarter s’il ne l’est pas. En revanche, l’examen de la question par les cours souveraines détermine si le moyen est pertinent. Ce second filtrage permet au juge constitutionnel de n’être saisi que de véritables questions de constitutionnalité.

Ensuite, les décisions par lesquelles les juridictions de fond transmettent les questions de constitutionnalité aux cours souveraines sont de nature juridictionnelle. Elles doivent donc être motivées. Le texte adopté par la commission lève toute ambiguïté sur ce point.

La procédure, même filtrée, doit s’inscrire dans un délai raisonnable.

La question de constitutionnalité – autre point régulièrement soulevé dans ce débat – ne saurait devenir un facteur d’allongement des délais de jugement. C’est pourquoi le texte adopté par votre commission prévoit que l’examen de la question prioritaire de constitutionnalité se fasse « sans délai ».

La solution retenue par votre commission prend en compte tous les paramètres de la procédure : l’exigence de célérité, mais aussi le risque d’engorgement des cours, ainsi que le risque d’une inefficacité du filtrage en cas de délai trop strict.

Le juge examinera la question « sans délai », c’est-à-dire dès qu’il sera en mesure de le faire. Toute question transmise au Conseil constitutionnel aura été examinée par un juge du fond. Les exigences posées par le constituant seront donc satisfaites.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le travail réalisé par la commission des lois a permis de parfaire l’équilibre du texte. En renforçant concrètement la protection des droits et libertés du citoyen, il répond aux exigences posées par la Constitution. En assurant l’effectivité du mécanisme, en veillant au délai raisonnable des procédures, en préservant l’autorité de la loi, il concilie ambition et réalisme.

Cette réforme ne sera « ni gadget, ni révolution », pour citer le doyen Vedel. Toutes les conditions sont réunies pour qu’elle marque un progrès pour la justice, une avancée pour le justiciable et la réaffirmation des principes de l’État de droit. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La Constitution de la Ve République a institué, en 1958, un contrôle de constitutionnalité, confié au Conseil constitutionnel, exercé par voie d’action, abstrait, préalable à la promulgation de la loi et réservé aux autorités mentionnées par le deuxième alinéa de l’article 61, c'est-à-dire le Président de la République, le Premier ministre, les présidents des assemblées et, depuis 1974, soixante députés ou soixante sénateurs.

À l’occasion de la révision du 23 juillet 2008, le constituant a complété ce dispositif par un contrôle concret, a posteriori et ouvert aux justiciables après l’entrée en vigueur de la loi.

Ainsi, aux termes du nouvel article 61-1, premier alinéa, de la Constitution : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »

Le second alinéa de cet article réserve à une loi organique le soin de préciser les conditions d’application de ces dispositions. Tel est l’objet du texte qui vous est soumis.

Le constituant de 2008 était inspiré par un triple objectif. Le premier était de conférer au citoyen un droit nouveau lui permettant de faire valoir directement la protection de ses droits et libertés garantie par la Constitution en invoquant la non-conformité d’une disposition législative aux règles constitutionnelles, et de créer ainsi un lien direct entre le citoyen et la Constitution.

Le deuxième objectif était de purger l’ordre juridique des dispositions inconstitutionnelles ; le troisième, d’assurer la prééminence de la Constitution dans l’ordre juridique interne, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État, de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel.

Grâce à l’introduction de la question d’inconstitutionnalité, la France comble une lacune manifeste de son état de droit et rejoint les autres grands pays démocratiques qui, presque tous, connaissent depuis plusieurs décennies – voire plus d’un siècle – le contrôle de constitutionnalité a posteriori.

Le projet de loi organique a pour objet de garantir l’effectivité du nouveau droit institué par l’article 61-1 de la Constitution. Le texte proposé par le Gouvernement, tel qu’il a été complété très utilement par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de sa commission des lois, apporte à cet égard les garanties nécessaires.

Votre commission approuve très largement les avancées proposées par les députés, tout en étant attentive à l’équilibre qu’il est nécessaire de préserver entre les attentes légitimes des justiciables vis-à-vis de ce nouveau droit et les exigences de la bonne administration de la justice et de la sécurité juridique, qui sont la condition sine qua non du succès de la réforme.

La mise en œuvre de l’article 61-1 de la Constitution ouvre sans doute une nouvelle ère au contrôle de constitutionnalité en France. S’il paraît difficile de mesurer exactement l’ampleur que prendra ce nouveau contentieux, votre commission considère qu’un équilibre sera rapidement trouvé, après une période initiale d’engouement, grâce à la stabilisation de la jurisprudence et des comportements des justiciables.

Rappelons brièvement que le contrôle a posteriori de la loi s’est heurté à une sévère hostilité, y compris dans cette enceinte. (M. Robert Badinter opine.)

Notre tradition juridique était en effet opposée au contrôle de constitutionnalité de la loi, a fortiori lorsqu’il doit s’exercer après l’entrée en vigueur de celle-ci.

Avant 1958, le contrôle de constitutionnalité était pratiquement inexistant, si bien que l’introduction à cette date d’un véritable contrôle, même sous une forme a priori, a été, dans l’esprit du constituant de l’époque, un changement majeur.

Le contrôle a priori s’est progressivement affirmé dans notre ordre juridique, notamment grâce à l’audace de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais surtout après l’extension du droit de saisine aux soixante députés ou sénateurs. Le contrôle de constitutionnalité a posteriori, qui avait déjà été introduit par la plupart de nos voisins, restait cependant perçu avec méfiance.

Toutefois, au début des années 1990, un infléchissement s’est produit dans les esprits. S’appuyant sur les propositions formulées dès 1989 par notre excellent collègue Robert Badinter, alors président du Conseil constitutionnel, le Président de la République, François Mitterrand, formait le vœu, le 14 juillet 1989, que « tout Français puisse s’adresser au Conseil constitutionnel lorsqu’il estime qu’un droit fondamental est méconnu ».

Conformément à l’objectif fixé par le Président de la République, un projet de loi constitutionnelle était déposé en mars 1990, accompagné d’un projet de loi organique.

Comme vous le savez, l’hostilité du Sénat entraîna l’échec de la réforme.

M. Hugues Portelli, rapporteur. En 1993, un texte très proche fut soumis aux assemblées avec un sort identique.

Pourtant, le contrôle de constitutionnalité a posteriori ouvert au justiciable, voire directement au citoyen, était déjà reconnu dans un nombre croissant d’États. Il n’était donc que temps pour la France de rejoindre ces pays en démocratisant l’État de droit.

L’aboutissement que connaît aujourd’hui la question prioritaire de constitutionnalité est en grande partie dû à un consensus auquel sont parvenus les partis composant les deux assemblées et que votre commission des lois tient à saluer. L’adoption du présent projet de loi organique par l’Assemblée nationale à l’unanimité le 14 septembre dernier en est la manifestation la plus éclatante.

Le contrôle de constitutionnalité tel qu’il résulte de l’article 61-1 de la Constitution est en grande partie tributaire de son prédécesseur jurisprudentiel, l’exception d’inconventionnalité.

Le contrôle de conventionnalité s’exerce ainsi par voie d’exception sur l’initiative d’un justiciable qui conteste devant un juge l’application qui lui est faite d’une loi au motif que celle-ci est incompatible avec une convention internationale. Il appartient alors au juge de statuer directement sur ce moyen.

Les décisions du juge, judiciaire ou administratif, qui écartent dans un litige l’application d’une loi comme contraire à un accord international n’ont que l’autorité relative de la chose jugée : la disposition contestée n’est écartée que dans le cadre de ce litige, mais demeure en vigueur à l’égard de tous.

Par ailleurs, si le contrôle de conventionnalité a certainement contribué à conforter l’État de droit en France, il ne revêt pas la même portée que le contrôle de constitutionnalité, ni dans le champ des droits concernés ni dans la façon dont il s’exerce.

Le champ des principes conventionnels – au premier chef, les droits visés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – et celui des principes formant ce que l’on appelle en France le « bloc de constitutionnalité » ne se recouvrent pas entièrement. Il en est ainsi du principe d’égalité, qui dépasse très nettement, par sa portée, le principe de non-discrimination posé par la convention européenne.

Par rapport au contrôle de conventionnalité, le contrôle de constitutionnalité a posteriori présente davantage de garanties dans la mesure où il permet d’assurer la sécurité juridique et l’égalité des justiciables. Selon l’article 62 de la Constitution, une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution est abrogée immédiatement et erga omnes.

Voilà donc, mes chers collègues, le contexte dans lequel ce projet de loi organique nous est soumis.

Dans sa première version, c’est-à-dire le texte proposé par le Gouvernement, la question de constitutionnalité s’y organise selon deux principes simples.

D’une part, elle peut être soulevée par toute partie à l’instance, devant l’ensemble des juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, à toute étape de la procédure – première instance, appel ou cassation.

D’autre part, si les juridictions concernées sont habilitées à apprécier la recevabilité de la question, le Conseil constitutionnel demeure seul compétent pour statuer au fond sur la conformité à la Constitution.

Sur cette base, la procédure s’organise, selon les cas, en trois temps ou en deux temps.

Lorsque la question est soulevée devant une juridiction de première instance ou d’appel, celle-ci transmet la question à la cour suprême de son ordre si elle l’estime recevable. Puis le Conseil d’État ou la Cour de cassation procède de nouveau à un examen de recevabilité – c’est le principe de double filtre – et renvoie, le cas échéant, la question au Conseil constitutionnel.

Quand la question est soumise directement au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, la Haute juridiction procède de même à un examen de recevabilité et décide du renvoi de la question au Conseil constitutionnel.

Selon que la question de constitutionnalité est posée devant une juridiction relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou directement devant l’une des cours suprêmes, l’examen n’est pas régi exactement par les mêmes règles.

Dans le premier cas de figure, le projet de loi organique retient six lignes directrices.

Premièrement, la question de recevabilité peut être invoquée devant toutes les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Néanmoins, des règles particulières sont proposées en matière pénale. Ainsi, au cours de l’instruction la question doit être portée devant la chambre de l’instruction et ne peut être soulevée devant la cour d’assises. Toutefois, le texte permet que la question de compatibilité avec la Constitution soit soulevée au moment de la déclaration d’appel formé contre un arrêt de la cour d’assises statuant en premier ressort. Elle est alors transmise à la Cour de cassation.

Deuxièmement, l’initiative de soulever la question de constitutionnalité est réservée aux seules parties. Le juge n’est pas autorisé à la relever d’office.

Troisièmement, la recevabilité de la question est admise si trois conditions sont réunies : la disposition contestée commande l’issue du litige ; la disposition n’a pas été déclarée conforme par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision, sauf changement de circonstances ; la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.

Quatrièmement, la juridiction doit, si elle est saisie de moyens contestant, de façon analogue, la conformité de la disposition à la Constitution et aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier lieu sur la question de constitutionnalité.

Cinquièmement, la décision de transmettre la question est admise au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé. Le refus de la transmettre ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant le litige, c’est-à-dire en appel ou en cassation.

Enfin, sixièmement, lorsque la question est transmise, la juridiction est tenue de surseoir à statuer.

Dans le second cas de figure, lorsque la question de constitutionnalité est soulevée devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation, les cours suprêmes procèdent à un examen de la recevabilité de la question sur la base de trois critères.

Les deux premiers – lien avec le litige et éventuel changement de circonstances – sont communs à ceux qui ont été retenus dans le premier cas de figure, alors que le troisième est spécifique : il requiert que la disposition en cause soulève une question nouvelle ou présente une difficulté sérieuse.

Le Conseil d’État ou la Cour de cassation doivent renvoyer la question au Conseil constitutionnel si ces conditions sont satisfaites.

Une fois que le Conseil constitutionnel est saisi, il lui faut statuer dans un délai de trois mois, au terme d’une procédure contradictoire et, sauf cas exceptionnel, publique. Ce point mérite d’être souligné : il s’agit bien d’une procédure juridictionnelle. Par ailleurs, la décision doit être notifiée aux parties et communiquée aux principaux pouvoirs constitutionnels de l’État.

Mes chers collègues, le texte du Gouvernement a fait l’objet de modifications importantes de la part de l’Assemblée nationale.

Tout d’abord, nos collègues députés ont renommé la procédure en « question prioritaire de constitutionnalité », afin de bien indiquer que l’examen devant le Conseil constitutionnel doit toujours précédé celui qui a lieu dans le cadre d’un contrôle de conventionnalité.

Ensuite, ils ont apporté trois séries de modifications à la première étape de la procédure devant les juridictions relevant du Conseil d’État et de la Cour de cassation.

Le critère de recevabilité a été considérablement assoupli. Il n’est plus exigé que la disposition contestée commande l’issue du litige ou la validité de la procédure, il suffit qu’elle soit simplement applicable au litige ou à la procédure.

De plus, la réserve qui figurait dans le projet de loi organique initial à propos des exigences résultant de l’article 88-1 de la Constitution, à savoir un contrôle dans le cadre de l’Union européenne par renvoi à la Cour de justice des Communautés européennes, a été supprimée.

Par ailleurs, pour garantir la rapidité de la procédure, les députés ont prévu que, dans tous les cas de figure, le juge transmette « sans délai et dans la limite de deux mois la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation ».

Enfin, suivant la même logique, l’Assemblée nationale a procédé à deux harmonisations dans le cas où la question de constitutionnalité est soulevée à l’occasion d’une instance devant les cours suprêmes. Le Conseil constitutionnel est automatiquement saisi de la question de constitutionnalité si le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne se sont pas prononcés dans un délai de trois mois.

Mes chers collègues, la commission des lois du Sénat a validé, pour l’essentiel, le texte adopté par l’Assemblée nationale. Elle y a cependant introduit deux modifications.

La première concerne la question du filtrage.

Le juge constitutionnel doit bien évidemment rester seul juge de la constitutionnalité des dispositions législatives. Dans le même temps, il est indispensable d’éviter les manœuvres dilatoires et l’engorgement du Conseil constitutionnel.

La commission des lois partage la volonté de l’Assemblée nationale de maintenir une transmission rapide, voire automatique, par le Conseil d’État ou la Cour de cassation de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Cette règle se retrouve d’ailleurs dans toutes les autres juridictions constitutionnelles d’Europe, qui sont également soumises à des délais extrêmement brefs.

En revanche, le choix d’un délai de deux mois pour la transmission de la part des juridictions inférieures vers le Conseil d’État ou la Cour de cassation nous a paru excessivement contraignant.

En effet, le risque existe que les juridictions laissent courir systématiquement le délai et qu’elles renvoient en bloc les questions soulevées sans examiner les conditions de leur recevabilité. Les cours suprêmes pourraient ainsi se trouver saturées et les procédures contentieuses considérablement allongées.

C’est la raison pour laquelle la commission a adopté, sur mon initiative, un amendement visant à supprimer le délai de deux mois, tout en maintenant l’exigence, pour la juridiction, de se prononcer « sans délai » sur la transmission de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes.

L’absence de délai déterminé permettra d’introduire davantage de souplesse dans le règlement, notamment, du contentieux de masse : lorsque la même question aura été posée dans un grand nombre d’affaires devant plusieurs juridictions, comme cela peut arriver en droit fiscal ou en droit de l’environnement, celles-ci pourront attendre la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation et procéder par analogie pour les questions identiques.

La seconde modification proposée par la commission des lois porte sur la motivation des décisions des juridictions.

Elle a ainsi prévu que les décisions portant sur la transmission de la question de constitutionnalité, quelle que soit la juridiction qui l’opère, doivent être motivées, comme c’est le cas pour toutes les décisions juridictionnelles. À ses yeux, la motivation permettra d’éclairer utilement les parties sur l’appréciation des trois critères de recevabilité par le juge saisi.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais attirer votre attention sur deux sujets qui soulèvent encore des incertitudes.

Le premier a été débattu ce matin en commission. Il s’agit des effets de la décision du Conseil constitutionnel.

L’abrogation d’une disposition législative par le Conseil constitutionnel, comme celle qui est opérée par le législateur dans une loi nouvelle, ne devrait pas avoir d’effet rétroactif. Comment pourrait être réglé, en trois temps, le vide juridique né de ces situations ?

Il appartiendra d’abord au juge constitutionnel, comme le lui permet l’article 62 de la Constitution, de moduler les effets de sa décision dans le temps. En effet, le deuxième alinéa de cet article précise : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause ».

Ainsi, le Conseil constitutionnel pourrait tempérer la portée et les modalités d’application dans le temps de sa décision, de façon analogue à la technique du report des effets d’une déclaration d’inconstitutionnalité déjà utilisée par le juge constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori.

Enfin, il reviendra naturellement au législateur de déterminer le nouveau cadre juridique applicable à la suite de l’abrogation de la disposition législative censurée par le Conseil constitutionnel.

M. Hugues Portelli, rapporteur. Le second sujet porteur d’incertitudes concerne les perspectives de développement du nouveau contentieux.

Il paraît aujourd’hui impossible de prédire avec certitude l’ampleur que prendra le contentieux du contrôle de constitutionnalité a posteriori. La situation se présentera peut-être de manière très différente selon les juridictions.

Depuis 1974, il convient de le rappeler, la quasi-totalité des lois concernant les droits et libertés a été soumise au Conseil constitutionnel, de sorte que le nombre de dispositions législatives contraires à la Constitution, même antérieures à 1958, ne devrait pas être infini.

La jurisprudence des cours suprêmes et du Conseil constitutionnel devraient donc réguler les flux et concentrer les questions sur les problèmes de constitutionnalité les plus importants.

Dans cette perspective, on peut penser qu’une synergie s’instaurera entre le Conseil constitutionnel, d'une part, et le Conseil d’État et la Cour de cassation, d'autre part, dans un dialogue de juges renforcé.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi organique ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui a pour objet de mettre en application l’article 61-1 de la Constitution tel qu’il ressort de la réforme du 23 juillet 2008 et de mettre en œuvre le mécanisme d’exception d’inconstitutionnalité.

Cet article prévoit que, dorénavant, tout citoyen pourra contester, de manière indirecte, lors d’un procès, à l’exception des procès en cour d’assises, la régularité d’une loi au regard de la Constitution.

La réforme institue un système de double filtrage : celui de la juridiction saisie au fond et celui qui est prévu devant les juridictions supérieures – Cour de cassation et Conseil d’État.

Ainsi, les juridictions du fond devront statuer sans délai sur la question posée par le justiciable et en motivant leurs décisions. Dans le cas où la disposition contestée intéresse le litige, que le Conseil constitutionnel ne l’a pas déjà déclarée conforme, « sauf changement de circonstances », ou si elle revêt un caractère sérieux, les juges du fond devront transmettre la requête soit au Conseil d’État, soit à la Cour de cassation.

Ces institutions auront trois mois pour donner suite et transmettre, par décision motivée, au Conseil constitutionnel, qui rendra, lui aussi, une décision motivée dans les trois mois à la suite d’un débat contradictoire

Ainsi, se met en place, avec cette réforme, un contrôle a posteriori de la loi votée par le Parlement, qui pourra se voir abrogée par le Conseil constitutionnel.

Nous avons eu l’occasion de nous exprimer lors de la révision constitutionnelle sur l’article 61-1, que nous n’avons pas voté.

Je rappelle notre position : qu’il soit clair que nous sommes favorables au principe du contrôle de constitutionnalité d’une loi par les citoyens eux-mêmes, à condition, bien entendu, d’une part, que cela constitue une avancée démocratique dans le respect de leurs droits et libertés, d’autre part, que la sécurité juridique soit assurée, et donc, que la loi ne soit pas incertaine sous l’effet de recours interjetés devant le juge.

J’ajoute que le citoyen pouvant saisir la Cour de justice des Communautés européennes d’une disposition législative dès lors qu’il estime que les droits et libertés résultant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas garantis, il paraissait bien anachronique qu’il ne puisse rien faire s’il estime que ses droits résultant de notre Constitution ne sont pas respectés par la loi !

Notre critique de l’article 61-1 de la Constitution tient, d’abord, à la composition du Conseil constitutionnel – je vais y revenir – et à la procédure qui suit la sanction d’inconstitutionnalité.

En effet, nous considérons que, quel que soit le mode de saisine, la déclaration d’inconstitutionnalité devrait avoir pour conséquence non pas la suppression par le Conseil constitutionnel des dispositions litigieuses de la loi, voire de la loi elle-même, mais de provoquer un retour au Parlement. C’est à lui qu’il devrait appartenir de décider, sous la forme du vote en matière constitutionnelle, s’il veut abroger la loi ou réviser la Constitution –quoi de plus normal puisque le législateur est constituant ?

En réalité, notre abstention sur cet article 61-1 et, donc, sur la loi organique tient principalement à la nature du Conseil constitutionnel en France.

Les pouvoirs que lui confère l’article 61-1 en font une Cour constitutionnelle – M. Badinter avait d’ailleurs sollicité cette dénomination sans succès ! Or, en l’état, le mode de désignation de ses membres le prive, à mon sens, d’une légitimité démocratique suffisante.

J’observe que, dans la plupart des pays européens, si les cours constitutionnelles sont, comme le Conseil constitutionnel en France, désignées par des instances politiques, les mécanismes sont différents.

Les juges constitutionnels sont généralement élus par le Parlement à une majorité qualifiée – ce n’est pas la même chose que l’article 13 de notre nouvelle Constitution ! – et pour certaines de ces cours, le pouvoir judiciaire participe de leur désignation.

Il n’est rien de semblable en France où le Conseil constitutionnel, du fait de son mode de désignation et de l’évolution hyper-présidentialiste de nos institutions, risque d’être toujours très majoritairement lié à la couleur présidentielle.

Il comprend, en outre, un anachronisme s’il en est : je veux parler des anciens Présidents de la République nommés à vie, qui risquent d’y être de plus en plus nombreux. Le Gouvernement a refusé de bouger, même sur ce point !

Aussi comprendrez-vous que nous ne pouvons que confirmer notre point de vue à l’occasion de l’examen de la loi organique, qui ne peut en rien modifier ces anomalies, et je le regrette !

Je voudrais néanmoins évoquer quelques aspects de cette dernière.

En effet, il est à craindre, dans la pratique, que seuls les justiciables les plus aisés ou les groupes de pression n’aient la possibilité de mettre en œuvre les dispositions de cette réforme. Il y aurait donc là une remise en cause du principe d’égal accès à la justice pour l’ensemble des citoyens, la majoration de l’aide juridictionnelle n’étant, de toute évidence, pas suffisante eu égard au coût de la défense devant les juridictions supérieures.

Le fait d’instaurer un double filtrage peut s’avérer un obstacle tel qu’il dépossède le citoyen de son droit. En effet, les conditions du filtrage laissent une large part à l’interprétation des juges. Ainsi, le président du Conseil national des barreaux, Thierry Wickers, a pu préciser que « Dans les pays où ces types de filtre avaient été instaurés, ils ont été très vite abandonnés, car jugés justement trop filtrants ». On peut ainsi parfaitement imaginer que les juridictions se reconnaissent compétentes pour trancher la question.

Par ailleurs, il existe, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, un risque de divergences susceptible de remettre en cause l’unité de la jurisprudence, risque qui peut être accentué, notamment, en raison du flou de la notion de « changement des circonstances ».

On nous dit que ces filtres seraient destinés à éviter l’engorgement. Précisément, le président de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, craint qu’en l’état actuel des moyens de la justice et du fait d’une multiplication du nombre des recours, conséquence de la judiciarisation accrue de notre société, les délais, même s’ils sont limités en matière de contrôle de constitutionnalité, ne soient encore plus longs. Or les justiciables se plaignent déjà de la lenteur de la justice !

Les juridictions, qui vont avoir pour rôle de filtrer les recours, vont ainsi voir leurs tâches s’alourdir. Cependant, rien n’est dit à ce sujet, alors que des formations seront nécessaires, de l’avis même des intéressés, comme l’a rappelé M.  Bertrand Mathieu lors de son audition. Encore une fois, la question des moyens dévolus à la justice est posée.

Le procureur général près la Cour de cassation, M. Jean-Louis Nadal, souhaite, lui, un renforcement du dialogue entre le Conseil d’État, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel pour éviter un afflux trop important des demandes dans les premiers temps, notamment en raison de la notion assez floue du « changement des circonstances ». Or la réforme institue, de fait, une hiérarchie au profit du Conseil constitutionnel.

Ma dernière remarque concerne la nature du contrôle de constitutionnalité. Dorénavant, la loi sera soumise à un contrôle a priori et a posteriori. Cela fait peser un véritable risque sur la sécurité juridique : une loi en application depuis des années, qui a donc créé des droits, pourra ainsi être abrogée à tout moment.

Rappelons que, selon l’article 62 de la Constitution, « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »

Ainsi, c’est au Conseil constitutionnel qu’il revient de décider de la date d’abrogation. Comme le souligne le professeur Dominique Rousseau, « il est donc possible que le justiciable à l’initiative de la saisine ne puisse pas, personnellement, bénéficier de cette abrogation », ce qui accentuera son sentiment d’injustice.

J’ajoute que l’absence de légitimité démocratique suffisante du Conseil constitutionnel ne rend pas évidente pour les intérêts du justiciable la priorité donnée au contrôle de constitutionnalité sur le contrôle de conventionalité, priorité qui paraît pourtant logique en droit, et que j’approuve.

Je ne prendrai qu’un exemple. La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, pour durée excessive de la détention provisoire. La loi du 5 mars 2007, votée, précisons-le à la suite de l’affaire d’Outreau, a modifié l’article 144 du code de la procédure pénale pour « encadrer le recours à la détention provisoire ». Or, le maintien de la notion vague de « risque de trouble à l’ordre public » n’a pas été contesté par le Conseil constitutionnel a priori. Il est donc possible, il est même certain qu’un recours par un justiciable ne sera pas suivi d’effet auprès du Conseil constitutionnel, alors que la CEDH le jugera finalement recevable et pourra de nouveau condamner la France pour le motif précité.

En réalité, le fait que le Gouvernement refuse que l’on discute du statut des membres du Conseil constitutionnel au motif que cela ne découle pas directement de l’application de l’article 61-1 pose un grave problème.

Je le répète, cette réforme, qui fait du Conseil constitutionnel une Cour constitutionnelle, une sorte de Cour suprême, sans modifier aucunement l’institution elle-même, est choquante et il est regrettable que les parlementaires s’en accommodent !

Mon groupe s’abstiendra. Pour être tout à fait claire, si nous choisissons de nous abstenir plutôt que de voter contre, c’est par respect des citoyens : nous souhaitons qu’ils aient le droit de contester la constitutionnalité d’une loi ; mais nous voulons manifester, par notre abstention, les réserves qu’il y a lieu de souligner concernant l’exercice effectif de ce droit.

Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’examen de ce projet de loi organique, nous entrons dans une nouvelle étape de la mise en application de l’ensemble des dispositions de la révision constitutionnelle votée il y a maintenant plus d’un an.

Le texte ouvre au justiciable la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel.

La question de constitutionnalité s’inscrit en cohérence avec les principes de notre droit. Elle réaffirme la hiérarchie des normes juridiques, dans le respect de notre architecture constitutionnelle. La primauté de la Constitution sur les règles de droit interne se trouve ainsi réaffirmée.

On peut espérer que cette réforme permettra de mettre fin à un curieux paradoxe qui amenait le citoyen soucieux de faire valoir certains de ses droits à valeur constitutionnelle à se tourner vers les juridictions européennes, et non vers un juge français.

Aujourd’hui, il est impossible au justiciable de soulever le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’une loi. C’est, selon moi, une anomalie. Désormais, ce moyen pourra être soulevé au cours de toute instance, devant toute juridiction, qu’elle relève du Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Cette évolution était d’autant plus attendue que la France avait, à ce sujet, un retard à combler par rapport à la plupart de ses voisins européens.

En effet, une majorité des cours constitutionnelles européennes, comme les cours italienne ou allemande, ont été d’emblée conçues pour être accessibles aux citoyens.

Cette réforme ne fait donc que mettre, un peu tardivement, la France au diapason de la plupart des démocraties, notamment européennes.

Le président Badinter avait ouvert la voie à de nombreuses reprises vers cette évolution. (M. Robert Badinter opine.) Aujourd’hui, nous avons la concrétisation des attentes des uns et des autres.

Si la réforme de 1974 a conduit à une quasi-systématisation du contrôle du Conseil constitutionnel sur les textes présentant un doute sérieux quant à leur constitutionnalité, ce contrôle exercé à titre préventif se trouvera désormais complété par un mécanisme à vocation curative, a posteriori.

Le présent projet de loi permettra ainsi de s’assurer de la conformité à la Constitution de l’ensemble de notre corpus législatif, aussi bien pour les textes entrés en vigueur avant 1974 que pour ceux qui ont été adoptés depuis et qui n’ont jamais été soumis au Conseil au simple motif qu’ils étaient présumés ne pas poser de difficulté sérieuse.

À ce propos, nous pouvons nous interroger sur les conséquences très importantes qu’est susceptible d’emporter l’abrogation de lois anciennes, jamais soumises au contrôle du Conseil constitutionnel et pourtant appliquées depuis des décennies. N’allons-nous pas rencontrer des problèmes au regard de l’exigence de sécurité juridique ? Des distorsions ne vont-elles pas apparaître entre, d’une part, des décisions anciennes, définitives, ayant l’autorité de la chose jugée et, d’autre part, des décisions sur le même thème, différentes du fait d’une remise en cause par le Conseil constitutionnel de dispositions législatives ?

Monsieur le secrétaire d’État, il serait bon que vous nous éclairiez sur ce sujet, qui constitue un motif d’inquiétude. Efforçons-nous de nous prémunir, à l’occasion de cette réforme, contre le risque d’une insécurité juridique qui pourrait générer de l’incompréhension chez nos concitoyens.

Dans l’ensemble des pays ayant mis en place un contrôle de constitutionnalité a posteriori, la question de l’existence ou non d’un filtrage des requêtes a, le plus souvent, largement conditionné sa viabilité. Ici, le débat a été tranché par le texte même de l’article 61-1, qui dispose que le Conseil constitutionnel devra être saisi de cette question « sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ».

Ce n’est donc pas le projet de loi organique qui instaure ce filtre, puisque celui-ci est expressément prévu par la Constitution modifiée. Le projet de loi organique ne vise qu’à définir ses conditions de mise en œuvre.

Lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont accompli, comme l’a dit le rapporteur, un travail significatif.

Ils ont notamment souhaité renforcer le droit ouvert par l’article 61-1 en favorisant les mécanismes de transmission et de renvoi de la question de constitutionnalité.

On doit d’ailleurs saluer une modification d’ordre sémantique qui a son importance : le texte soumis à notre assemblée qualifie de « prioritaire » cette question de constitutionnalité.

L’utilisation du terme « prioritaire » dans le projet de loi organique porte, peut-être, à discussion, mais elle n’en implique pas moins que le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative puisse être examiné avant tous les autres et aussi que cet examen soit conduit avec célérité puisque prioritaire.

Je tenais également à revenir sur la question du délai.

Dans sa version initiale, le projet de loi organique ne fixait aucun délai au juge pour transmettre à la juridiction suprême la question de constitutionnalité.

Nos collègues députés ont exprimé la crainte que le juge n’attende la mise en état de l’affaire pour se prononcer sur le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, le privant de son principal intérêt.

Ils ont ainsi prévu que le juge transmette « sans délai et dans la limite de deux mois » la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.

Il est vrai que ce délai de deux mois imparti aux juridictions pour statuer pourrait induire des effets pervers. Le juge du fond ne sera-t-il pas tenté de laisser courir le délai afin de laisser à la cour suprême le soin de statuer ?

Dans une telle hypothèse, le premier filtre ne jouerait pas ; le Conseil d’État et la Cour de cassation pourraient se trouver engorgés, ce qui entraînerait un allongement des procédures, à rebours de l’objectif poursuivi.

Je me réjouis donc de l’adoption, en commission, d’un amendement déposé par le rapporteur supprimant ce délai impératif, ce qui devrait apporter une souplesse accrue à la procédure.

S’agissant de la question des incompatibilités imposées aux membres du Conseil constitutionnel, comme le rapporteur et plusieurs de mes collègues de la commission des lois, je me suis interrogé : la juridictionnalisation des missions du Conseil constitutionnel ne devrait-elle pas conduire à adapter le régime d’incompatibilités de ses membres afin d’éviter tout conflit d’intérêts ?

M. Robert Badinter. Certainement !

M. François Zocchetto. Le dispositif proposé en matière d’incompatibilités imposées aux membres du Conseil constitutionnel devra certainement être renforcé si nous votons le présent projet de loi organique.

Actuellement, c’est le règlement du Conseil constitutionnel qui prévaut. Or ce règlement ne répond qu’en partie à l’objectif de prévention de tout conflit d’intérêts.

On conçoit fort bien que des problèmes spécifiques puissent survenir pour les membres du Conseil constitutionnel exerçant par ailleurs des activités qui ne se limitent pas, comme on avait pu l’imaginer à un moment, à celles qui relèvent des professions d’avocat, d’officier public ou d’officier ministériel.

Plus largement, un certain nombre de personnes n’exerçant pas les professions que je viens d’évoquer sont fréquemment amenées à intervenir dans des procédures contentieuses, par exemple, et sans que ce soit limitatif, dans les procédures applicables devant les conseils de prud’hommes, les tribunaux administratifs, les différentes juridictions fiscales ou encore les tribunaux des baux ruraux

Bref, à mes yeux, plus que l’exercice d’une profession en tant que telle, c’est l’acte accompli par la personne qui intervient dans l’instance qui compte.

Nous avons choisi, et je crois que c’est la sagesse, de nous référer au règlement intérieur du Conseil constitutionnel, lequel, je n’en doute pas, sera en mesure d’apporter toute l’attention nécessaire à cette question.

Pour finir, je voudrais rendre hommage, et ce n’est pas une clause de style, à notre rapporteur, Hugues Portelli, dont le travail et l’indépendance font honneur à la fonction de parlementaire. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

(M. Jean-Léonce Dupont remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à m’associer à l’hommage qui vient d’être rendu au travail du rapporteur.

Je tiens aussi à dire que, si notre ami Jean-Pierre Sueur m’a cédé la priorité dans la discussion générale, c’est parce que l’essentiel sera dans son propos : le cœur du débat lui revient. Mon propos, lui, sera rétrospectif et prospectif, mais d’ordre général.

Pourquoi « rétrospectif » ? Parce que, à cette tribune, j’ai envie de m’écrier : enfin ! (Sourires.)

Voilà plus de deux décennies en effet que je souhaite, avec d’autres, très ardemment que les justiciables français puissent demander dans le cours d’un procès que soit déclarée non conforme à la Constitution une loi qui porterait atteinte à leurs droits et libertés garantis par cette même Constitution, sous réserve, bien entendu, que cette loi n’ait pas déjà fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel. Deux décennies…

Cette exception d’inconstitutionnalité, comme on l’appelait et que l’on nomme aujourd'hui « question prioritaire de constitutionnalité », elle était nécessaire !

Il est prodigieux de penser – et, en termes de sociologie juridique, l’on s’interrogera d’ailleurs longtemps – que cette nécessité n’ait pas été reconnue tant elle était évidemment nécessaire, et cela pour deux raisons.

En premier lieu, le contrôle a priori, abstrait, de constitutionnalité, essentiellement exercé aujourd'hui – au-delà des quatre plus hautes instances de l’État – sur saisine des parlementaires est, par définition, partiel : nombre de lois lui échappent, ou par indifférence ou pour des raisons politiques.

Je citerai, à titre d’exemple, les lois mémorielles. Dieu sait qu’elles posaient des problèmes de constitutionnalité, mais aucune n’a été déférée au Conseil constitutionnel : la chose était politiquement trop sensible…

Un texte me tenait particulièrement à cœur, le nouveau code pénal, instrument considérable, voté, après de très longs travaux parlementaires, en 1994. J’attendais au Palais-Royal, je guettais même la saisine par le Premier ministre afin qu’un contrôle a priori intervienne et nous permette ensuite de ne plus nous interroger sur la constitutionnalité de telle ou telle disposition. Eh bien, rien n’est venu !

Indépendamment de ces lois qui sont « oubliées » pour des raisons politiques ou parce qu’on les considère comme des textes de consensus, il y a un deuxième cas : certaines lois, notamment en matière fiscale ou sociale – lois généralement complexes dans le détail –, se révèlent, dans leur application, porteuses d’inconstitutionnalités que personne, au moment de leur discussion, n’avait décelées, le cas le plus commun, souvent évoqué, étant celui de la rupture d’égalité entre justiciables.

Enfin, demeure, évidemment, le cas des lois antérieures à l’institution du contrôle de constitutionnalité en France.

En toute logique juridique, dès lors qu’on avait instauré un contrôle de constitutionnalité, contrôle dont de surcroît, grâce à la révision de 1974, on avait, disons-le, largement étendu le champ, on ne pouvait conserver de pareilles lacunes.

Il fallait donc compléter le dispositif en instaurant un mécanisme de contrôle a posteriori, cette fois-ci concret, dont le justiciable pourrait bénéficier face à une loi dont on lui ferait application et qui, à ses yeux, porterait atteinte à ses droits et libertés constitutionnels.

En second lieu, cette protection nécessaire du justiciable me paraissait une exigence d’autant plus essentielle que, comme cela a déjà été relevé, notamment par M. le rapporteur et par M. Zocchetto, nous avions atteint un point de contradiction juridique insoutenable, très exactement depuis octobre 1981.

Un des jours de ma vie publique auquel j’attache le plus de prix est celui où je me suis rendu à Strasbourg pour lever les réserves barrant au justiciable français l’accès à ce qui était alors la Commission européenne des droits de l’homme et, surtout, à la Cour européenne des droits de l’homme.

Il y avait dans cette situation quelque chose de véritablement inouï quand on pense au rôle que la France avait joué dans le cadre de l’élaboration de la convention européenne des droits de l’homme et, partant, dans la création de la Cour européenne des droits de l’homme, dont l’un des fondateurs fut, je le rappelle, le grand René Cassin, qui en fut aussi président.

Je me souviens fort bien d’une conversation dans laquelle celui-ci disait, en riant : c’est merveilleux, je suis le président d’une grande juridiction qui ne connaît pas d’affaires !

Nous Français, nous avions interdit aux justiciables français l’accès à ces instances européennes instaurées pour assurer le respect de leurs droits !

Cette contradiction absolue ne pouvait pas subsister.

En effet, à partir du moment où on reconnaissait au justiciable français la possibilité d’user du recours en « non-conventionnalité » en leur ouvrant l’accès à Strasbourg, on ne pouvait pas à Paris les traiter en mineurs : alors qu’ils étaient devenus des majeurs conventionnels, les citoyens français ne pouvaient rester des mineurs constitutionnels, attendant que leurs représentants parlementaires veuillent bien saisir le Conseil constitutionnel et développer leurs moyens…

C’était un système à proprement parler boiteux et qui ne pouvait subsister. À peine étais-je arrivé au Conseil constitutionnel que, bien entendu, j’entrepris de voir comment forcer la voie pour régler cette contradiction insupportable et tout à fait contraire à l’intérêt des justiciables français.

Le grand Churchill disait toujours que le propre des notables vieillissants est de confondre leurs discours et leurs souvenirs ; un instant, je vais m’abandonner à la tentation…

Je le dis très franchement, j’ai eu beaucoup de mal à convaincre le Président Mitterrand.

Si l’on revient en arrière, on remarquera que, dans les programmes successifs pour l’élection présidentielle et, en général, dans les programmes de la gauche, on était partisan d’une cour suprême, à l’américaine ou à l’allemande, devant laquelle jouerait évidemment l’exception d’inconstitutionnalité.

Je ne trahis pas de secrets en disant que cette perspective grandiose était en réalité un moyen de mettre en cause le Conseil constitutionnel, que, chacun le sait, en tout cas chacun des lecteurs de ses écrits, le Président Mitterrand n’aimait guère, et le terme est faible !

Par conséquent, le projet d’une cour suprême permettait de dénoncer tous les défauts du Conseil constitutionnel alors même que sa réalisation apparaissait, il faut bien le reconnaître, difficile.

À cet égard, le Président Mitterrand rejoignait la sensibilité commune à tous – je dis bien à « tous » – les grands parlementaires de la iiie République et de la ive République, élevés dans la tradition jacobine, républicaine : pour eux, le Parlement était le dépositaire de la volonté générale.

N’oublions pas qu’il s’agissait de républiques fondamentalement parlementaires, culture dont les hommes et les femmes de cette génération étaient imprégnés : le Parlement était souverain et l’idée qu’une loi votée par lui puisse faire l’objet d’une évaluation, d’une censure, d’une abrogation par des juges leur était insupportable, impossible à admettre.

M. Robert Badinter. Le Parlement était souverain et tout se jouait au Parlement. Nous étions alors très loin de la République présidentielle qui est aujourd'hui la nôtre…

La raison inclinait à penser qu’il y avait là un défaut, un manque de garanties s’agissant des droits des citoyens. Cela apparaissait certes fâcheux, mais, dans le même temps, il était difficile d’envisager une censure des lois votées par le Parlement.

Finalement, j’eus le bonheur de convaincre François Mitterrand qui, le 14 juillet 1989 – cette grande commémoration constituait une belle occasion – annonça l’exception d’inconstitutionnalité, comme on l’appelait alors : belle illustration de l’avancée nécessaire.

À l’instar de François Mitterrand, de nombreux parlementaires, et une écrasante majorité au Sénat, étaient fondamentalement opposés à toute extension des pouvoirs du Conseil constitutionnel.

Lorsque je reçus le président Jacques Larché au Conseil constitutionnel, il me déclara avec sa courtoisie habituelle que tout cela était intéressant, mais que ce n’était pas la voie dans laquelle il souhaitait que nous nous engagions. Il ajouta que je devais savoir qu’au Sénat un tel projet n’aboutirait pas, la majorité étant absolument hostile à cet accroissement des pouvoirs du Conseil constitutionnel.

Cela explique sans doute l’échec des projets de 1990 au Sénat. En 1993, lorsque cette idée a été reprise dans le projet inspiré de l’excellent travail du comité Vedel, la voie n’était pas plus ouverte.

Le temps passa ; des générations nouvelles arrivèrent. La culture du contrôle de constitutionnalité s’étant considérablement développée dans les milieux judiciaires et juridiques, le moment était venu de revenir sur ce sujet. J’ai eu la très grande satisfaction de voir l’exception d’inconstitutionnalité reprendre corps dans le cadre des travaux du comité Balladur, qui comptait d’ailleurs parmi ses membres nombre d’éminents partisans de cette procédure.

Cela m’a fait d’autant plus plaisir que M. Balladur, pour lequel j’ai beaucoup de considération, n’avait pas toujours eu pour le Conseil constitutionnel  – non pas celui que je présidais à l’époque, mais pour l’institution elle-même – les yeux de Chimène ; je vous renvoie à cet égard aux propos qu’il avait tenus devant le Congrès. Ce changement d’orientation chez un homme d’une telle qualité et d’une telle expérience ne pouvait évidemment que me combler.

Des incertitudes subsistèrent encore quelque temps. Finalement, le Président Nicolas Sarkozy choisit la voie de ce renforcement de l’État de droit. Et c’est très bien, parce que la France n’a pas à clopiner sur le chemin des libertés.

Au-delà de ce rappel, je souhaite formuler deux considérations prospectives, car, outre des dispositions d’ordre technique, cette réforme entraînera un progrès culturel important en matière de respect des libertés.

Examinons tout d’abord ce qu’il adviendra du fait de l’association des deux juridictions suprêmes, le Conseil d’État et la Cour de cassation, au mécanisme de contrôle a posteriori.

Lors des travaux de 1989, nous avions beaucoup réfléchi au mécanisme délicat qu’il convenait d’adopter pour mettre en œuvre un système qui demeurera une spécificité française, à savoir un contrôle a posteriori concret complétant un éventuel contrôle a priori abstrait. L’ajustement était difficile. Le premier président de la Cour de cassation, Pierre Drai, le vice-président du Conseil d’État, Marceau Long, et moi-même avons longuement examiné cette question.

On aurait pu envisager, et on y a songé, un renvoi direct par la juridiction du fond saisie au Conseil constitutionnel, sans passer par les deux juridictions suprêmes.

Finalement, nous avons considéré, et j’étais très favorable à cette solution, qu’avec la technique du renvoi non seulement on unifiait les jurisprudences, ce qui est très important, mais, surtout, on faisait pénétrer en profondeur, via les décisions, toute la culture constitutionnelle dans l’ensemble des juridictions françaises. L’idée était que celles-ci baignent dans la culture du respect des garanties fondamentales.

Nous ne sommes pas les héritiers de cette culture-là, qui, maintenant, ne cesse de progresser, comme dans tous les États européens. Le système choisi devrait tout à la fois favoriser l’unification des jurisprudences et éviter l’engorgement du Conseil constitutionnel, mais cet aspect culturel, croyez-le bien, m’est toujours apparu essentiel.

Lorsque j’observe ce qu’il est advenu depuis 1981 – je fais allusion au mécanisme de l’exception de non-conventionalité qui concerne les dispositions contraires à la Convention européenne des droits de l’homme – je remarque que l’effet culturel de ce dispositif sur la justice française a été considérable, y compris au sein des commissions des lois du Parlement ; j’en porte témoignage.

Il suffit de considérer de près l’évolution du droit, les travaux conduits par la doctrine, la jurisprudence, pour constater que la question réflexe : « Cette disposition est-elle contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ? » jaillit, imprègne dorénavant la culture juridique française. Et c’est tant mieux !

Je m’exprime peu désormais, mais je tiens à dire avec force – on ne le dira jamais assez – tout ce que nous, Français, devons à la construction européenne en matière de progrès de l’État de droit.

Si j’ai enracinée en moi la conviction que c’était dans cette direction, celle d’une Europe toujours plus intégrée, qu’il fallait aller, c’est parce que sans la Cour européenne des droits de l’homme, sans octobre 1981, sans la pénétration de cette culture dans notre système juridique, nous bégaierions encore dans bien des domaines. Voilà quelques heures encore, nous avons pu constater l’influence bénéfique que les règles pénitentiaires européennes exercent sur les progrès de l’État de droit en France.

Nous avons assisté à la diffusion de la culture du respect des principes contenus dans la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Nous verrons, de la même façon, se répandre la culture du respect des libertés fondamentales et des droits des justiciables garantis par la Constitution. Certes, les avocats et les magistrats s’interrogeront. La Cour de cassation sera saisie et s’interrogera à son tour. Mais la réponse ultime reviendra au Conseil constitutionnel. Ainsi, l’ensemble du système baignera enfin littéralement dans ce à quoi j’aspire depuis toujours, dans cette culture qui rejette l’idée que l’on puisse méconnaître les droits et les libertés fondamentales du fait d’une erreur ou d’une ubris législative.

Nous vivons, j’en suis convaincu, un très grand moment. Je dis cela non pas parce qu’il s’agit de l’aboutissement d’une très longue marche, mais parce que je suis convaincu des effets bénéfiques des dispositions qui nous sont proposées.

Malheureusement, je ne peux pas vous donner rendez-vous dans vingt ans, mais je suis convaincu que nos petits-enfants juristes seront aussi imprégnés de la culture conventionnelle que les jeunes juristes d’aujourd’hui le sont de la culture constitutionnelle. Et ce sera très bien ainsi !

Nous n’avons pas toujours l’occasion de nous féliciter des lois votées par le Parlement. Mais aujourd’hui, je le dis franchement, c’est un beau jour pour l’État de droit ! (Applaudissements.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nul ne peut mieux incarner les valeurs fondamentales des libertés et des droits des justiciables que le président Robert Badinter. C’est donc avec beaucoup d’humilité que j’interviens en ce début de soirée.

L’introduction, en droit français, de l’exception d’inconstitutionnalité a longtemps relevé de la chimère, tant l’attachement à la suprématie du Parlement a marqué notre système politique et juridique.

Le « légicentrisme » qui a longtemps prévalu faisait de la loi, expression de la volonté générale, la norme indépassable par excellence. L’existence même d’une forme de contrôle de conformité des lois à une norme supérieure, Constitution ou norme internationale, était difficilement concevable.

L’histoire a montré qu’une majorité parlementaire, même investie de l’onction du suffrage universel, pouvait, oubliant toute tempérance, se laisser emporter par ses passions et s’affranchir du respect de certains principes qui délimitent la démocratie de l’excès de pouvoir.

Cette réflexion a conduit certains juristes – je songe bien sûr, en premier lieu, à Hans Kelsen – à proposer de limiter la souveraineté parlementaire en créant un contrôle de constitutionnalité des lois, s’inspirant en partie du système mis en place de façon prétorienne par la Cour suprême américaine.

La toute jeune République fédérale d’Allemagne, traumatisée par les événements que l’on connaît, érigeait en 1949 l’État de droit en paradigme de son système institutionnel : désormais, aucune norme ne pourrait plus déroger aux valeurs qui forment le substrat de la dignité de la personne humaine et ses attributs.

La France, pourtant, dut attendre, non pas 1958 et la création du Conseil constitutionnel, mais le 16 juillet 1971 pour que prenne finalement corps un contrôle au fond de la conformité d’une loi aux normes de valeur constitutionnelle, en l’espèce la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par cette décision historique, le Conseil constitutionnel signifiait pour la première fois au législateur que le franchissement par lui de certaines limites portait atteinte au respect des valeurs qui forment ce que le doyen Hauriou appelait la « Constitution sociale de la République ». Nul n’a mieux exprimé que le doyen Vedel la nouvelle règle : « La loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ».

Cette première révolution du droit constitutionnel fut naturellement suivie de la réforme constitutionnelle du 29 octobre 1974. En étendant la saisine du Conseil constitutionnel à soixante députés ou soixante sénateurs, l’opposition fut enfin habilitée à contester en droit la toute-puissance politique de la majorité. Mais aussi décisive que fut cette réforme, elle laissait toujours le simple citoyen à l’écart de la contestation juridictionnelle de la loi.

Contrairement à nos voisins européens, le droit français a longtemps persisté à refuser aux justiciables le droit de demander la remise en cause de la loi au nom des droits et libertés. L’approfondissement permanent de l’État de droit commande pourtant cette évolution.

L’exemple de la pénétration de plus en plus importante de la Convention européenne des droits de l’homme en est une illustration patente : les magistrats, eux, ont parfaitement appris à se servir de ce texte, ainsi que des autres normes internationales, pour écarter l’application d’une loi, même postérieure. Des pans entiers de législation ont évolué grâce à l’apport fondamental de ce « bloc de conventionalité » : égalité des enfants légitimes et naturels, création d’un appel devant les cours d’assises, égalité du droit à pension des anciens combattants, abrogation du droit de suite en matière de chasse, amélioration des droits de la défense…

Le maintien d’une saisine restreinte du Conseil constitutionnel a pu également laisser la place à des compromis permettant de ne pas saisir le Conseil constitutionnel, au détriment de la préservation de l’intérêt général et des droits et libertés fondamentaux. Je pense, par exemple, à l’accord tacite qui avait abouti en 2001 à la promulgation sans examen par le Conseil constitutionnel de la loi relative à la sécurité quotidienne, pourtant manifestement inconstitutionnelle sur certains aspects.

Le présent texte, qui traduit l’article 61-1 issu de la révision constitutionnelle de 2008, incarne une nouvelle évolution de notre droit, dont il est aujourd’hui difficile d’apprécier les effets futurs. Un premier projet de même nature fut présenté en 1990 par Michel Rocard. Mais ce dernier dut l’abandonner à la suite des désaccords persistants de notre Haute Assemblée.

M. Jacques Mézard. Un projet similaire fut proposé en 1993 par le comité Vedel, mais encore une fois abandonné après l’alternance qui suivit. Sans doute le temps n’était-il pas encore venu…

À l’occasion de la révision constitutionnelle, les discussions qui se déroulèrent dans les deux assemblées autour du nouvel article 61-1 ont montré que le fruit était mûr, puisque tout le monde était d’accord sur le principe. Le dispositif finalement retenu est assez classique, au regard tant de notre tradition juridique que des solutions adoptées par nos voisins. La nouvelle « question prioritaire de constitutionnalité » fait intervenir un double filtrage – des juridictions au fond et des juridictions suprêmes – pour s’assurer à la fois de l’application de la disposition législative en cause à l’instance, que la question de sa constitutionnalité n’a pas déjà été tranchée et de son caractère sérieux. Il appartiendra finalement au Conseil constitutionnel de trancher dans les trois mois suivant le renvoi devant lui de la mesure contestée.

Nous convenons de la pertinence de l’économie générale du dispositif proposé, mais celui-ci laisse subsister un certain nombre d’interrogations, sur lesquelles, je l’espère, monsieur le secrétaire d’État, vous saurez lever le voile.

La question des délais généraux de la procédure pose problème. Notre rapporteur est revenu au texte initialement proposé par le Gouvernement. Le fait d’imposer aux juges ordinaires un délai trop strict pour se prononcer sur le caractère fondé ou non de la demande de renvoi exige effectivement de leur part une somme importante de travail supplémentaire.

Mais nous nous interrogeons tout autant, si ce n’est plus, sur la question de savoir si l’absence de délai ne risque pas d’engendrer un allongement indu des délais de procédure. Il serait à cet égard intéressant de se demander si la Cour européenne des droits de l’homme ne sera pas amenée un jour à apprécier ce délai de renvoi au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Je ne doute pas non plus que vous saurez apprécier l’audacieuse et pertinente solution proposée par notre collègue Michel Charasse, qui se fonde sur la loi des 16 et 24 août 1790.

Ce point particulier soulève, au demeurant, la question des moyens matériels dont disposeront les juridictions, et surtout le Conseil constitutionnel, pour exercer son nouvel office. Il est vraisemblable que le filtrage des requêtes n’empêchera pas un contentieux constitutionnel important de se développer. Et je ne parle pas des périodes postélectorales où le Conseil est amené à examiner des centaines de requêtes. Nous souhaiterions, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous informiez sur les moyens matériels et humains qui seront mis à la disposition des membres du Conseil.

En prenant du recul, nous croyons même que se développera un jour une forme de contentieux préventif, qui consisterait, au travers de l’article 61, en une saisine a priori du Conseil par le Premier ministre ou les parlementaires de la majorité, afin de purger immédiatement toute inconstitutionnalité ou au contraire d’attester au plus vite de la constitutionnalité. Faudra-t-il y voir un réel progrès de l’État de droit ou une simple stratégie politique ?

Par ailleurs, nous restons dubitatifs quant au fait que l’invocation de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative ne puisse être un moyen d’ordre public. J’avais interrogé sur ce point notre rapporteur en commission, et il m’avait répondu que l’article 61-1 empêchait le juge de soulever par lui-même ce moyen. Ce texte précise que le Conseil constitutionnel peut être saisi lorsqu’ « il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Rien n’interdit ici, selon nous, le juge de soutenir par lui-même l’inconstitutionnalité d’une mesure, le filtrage opéré par les juridictions suprêmes permettant précisément de ne pas encombrer le Conseil de requêtes inutiles.

On me répondra sans doute que le grief d’inconventionnalité n’est pas non plus d’ordre public. Mais le texte du projet de loi organique soulève le regrettable paradoxe selon lequel le juge ordinaire peut d’office invoquer la violation de la loi comme moyen de légalité interne, mais non celui de la violation de la Constitution, norme suprême de notre droit. Je rappelle que nous nous plaçons ici sur le terrain très particulier des droits et libertés fondamentaux, pour lequel la célérité doit pourtant être de mise.

Sur un plan plus théorique, nous aurions également souhaité aborder la question, qui surviendra nécessairement un jour, d’une inconstitutionnalité négative alléguée. En clair, un requérant pourra-t-il, sur le fondement de l’article 61-1, demander le bénéfice d’une loi qui réserve son application à une autre catégorie de personnes en arguant qu’est méconnu le principe constitutionnel d’égalité ? Le texte reste silencieux sur cette question, qui, malgré un premier abord théorique, est fondamentale, car elle est susceptible de toucher de nombreux domaines de notre société, telles l’égalité entre les hommes et les femmes, l’égale contribution aux charges publiques, ou les différences de traitement selon la nationalité.

Nous imaginons, monsieur le secrétaire d’État, que cette question trouvera nécessairement une réponse de la part du Conseil constitutionnel, à l’image de la jurisprudence développée par le Conseil d’État en matière de carence du pouvoir réglementaire ou de modulation des effets dans le temps d’une annulation pour excès de pouvoir. Il appartiendra aux parlementaires de veiller à ce qu’il n’y ait pas empiètement sur le pouvoir d’opportunité, qui n’appartient qu’au seul Parlement.

En toute hypothèse, l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité suscite sans doute plus d’interrogations qu’elle n’apporte de certitudes. Les effets juridiques à en attendre sont difficiles à anticiper : près de deux cents ans de législation sont susceptibles d’être déférés, sans compter les lois à venir.

Nous tenons toutefois à souligner que la loi organique reste vague quant à la notion de « changement de circonstances » censé permettre le renvoi d’une disposition législative pourtant déjà examinée par le Conseil constitutionnel. Quelle interprétation faut-il donner à cette notion ? Doit-on lui donner le même sens qu’à la jurisprudence Alitalia du Conseil d’État sur l’abrogation des règlements devenus illégaux ? Dans le cas contraire, ne risque-t-on pas d’accorder trop de pouvoirs d’appréciation au Conseil constitutionnel ?

Nos concitoyens ont raison d’attendre beaucoup de la nouvelle procédure de l’article 61-1, qui marque un progrès incontestable et une avancée dans tous les domaines. Tout ce qui contribue au renforcement de l’État de droit va dans le sens de l’histoire. L’approfondissement des droits et libertés fondamentaux est un progrès vital. Si l’on peut penser que le nouvel office du Conseil constitutionnel n’entre pas de jure dans le champ du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la procédure qui sera applicable devant le Conseil devrait garantir à tout le moins une procédure équitable.

Je rappellerai en conclusion, de façon plus générale, que les standards déterminés depuis une trentaine d’années par la Cour de Strasbourg ont apporté une contribution décisive à la définition d’un modèle européen de protection des droits et libertés, définition complétée par les principes généraux du droit dégagés par la Cour de justice des communautés européennes. Cet ensemble forme un corpus de plus en plus achevé. Le Conseil constitutionnel ne saurait ni l’ignorer ni s’en affranchir. Bien au contraire, un conflit de normes serait tout à fait préjudiciable au justiciable, a fortiori dans une matière aussi éminente.

Des interrogations subsistent néanmoins sur le présent projet de loi organique : je songe, notamment, à l’impossibilité pour certaines juridictions, comme le Tribunal des conflits ou la Cour nationale du droit d’asile, d’effectuer ce renvoi préjudiciel.

Considérant qu’il constitue un progrès considérable dans le processus démocratique, notre groupe, unanimement, votera le projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas approuver ce qui est un droit nouveau donné à nos concitoyens ? Ce droit de saisir le Conseil constitutionnel, liberté nouvelle, est conforme à ce qui existe dans nombre de pays d’Europe. Nous devons, je pense, souligner l’aspect très positif de ce qui nous est aujourd’hui proposé. Mais cela ne doit pas nous conduire à fermer les yeux sur certaines imperfections du texte, sur certaines questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponse, sur certains problèmes qui restent posés.

Commençons par rappeler que, durant toute la IIIe République et toute la IVe République, l’idée même du contrôle de constitutionnalité n’était pas acceptée par les parlementaires et par tous ceux qui présidaient aux partis politiques, quels qu’ils soient – les « leaders d’opinion », comme on dirait aujourd’hui –, qui considéraient que, finalement, la loi qui était écrite par les représentants du peuple, lesquels constituent le Parlement, était la norme absolue, la norme devant laquelle aucune autre norme n’avait de légitimité.

À cet égard, il a été important d’observer la façon dont les choses ont évolué depuis la Constitution de 1958, en particulier avec la grande nouveauté, la réforme constitutionnelle de 1974 permettant à soixante députés ou à soixante sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. Mais comment ne pas souligner – et j’ai écouté attentivement les propos de Mme Borvo Cohen-Seat tout à l’heure – que, d’emblée, le débat a été quelque peu biaisé par le fait que la nomination des membres du Conseil constitutionnel procédait de manière tellement étroite, tellement explicite, du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif de la période que les qualités qui sont reconnues à une cour constitutionnelle ou à une cour suprême dans un certain nombre de démocraties n’étaient pas celles que l’on devait constater s’agissant de la nomination des membres du Conseil constitutionnel dans notre pays.

Toujours est-il que Robert Badinter, à qui nous devons rendre hommage, a été, là encore, le militant qui s’est battu pour que cette liberté nouvelle existe. Il a rappelé à cette tribune combien il avait dû œuvrer auprès de François Mitterrand, qui lui-même n’était pas forcément un adepte résolu du Conseil constitutionnel ; vous aurez noté, mes chers collègues, que c’est là un euphémisme ! Quoi qu’il en soit, François Mitterrand a déclaré, le 14 juillet 1989, qu’il fallait que tout Français puisse s’adresser au Conseil constitutionnel s’il estimait qu’un droit fondamental était méconnu.

Qu’il me soit permis de rendre hommage aussi à Michel Rocard, qui, en sa qualité de Premier ministre, a présenté devant le Parlement un projet de loi constitutionnelle dont l’objet était, justement, de permettre aux citoyens de saisir le Conseil constitutionnel. Je rappellerai également, parce que c’est un fait d’histoire, qu’il suscita de vives réactions négatives et que notre cher Sénat ne s’illustra pas, en cette époque, par une adhésion forte à une telle idée : il était carrément contre !

Les choses étant ce qu’elles sont, la France évolue et rejoint tous les pays qui ont mis en œuvre cette possibilité donnée aux citoyens de saisir une instance de la question de la constitutionnalité d’une loi. Dominique Rousseau, à propos du contrôle a posteriori, celui qui nous est ici proposé, déclare : « Il possède deux mérites principaux. Le premier est d’assurer une meilleure protection de libertés et droits fondamentaux. En effet, si, au moment de sa conception, une loi peut apparaître parfaitement conforme à la constitution, elle peut se révéler, au moment de son application, contraire à tel ou tel principe constitutionnel, soit parce qu’il en est fait un usage non prévu par le législateur, soit parce qu’elle s’applique à des situations nouvelles, soit encore parce qu’une nouvelle liberté ou un nouveau droit s’est vu reconnaître une valeur constitutionnelle ou donner une autre interprétation. Bref, c’est par son application qu’une loi peut s’avérer porter atteinte aux droits et libertés des individus. Or, à la différence du contrôle a priori, le contrôle a posteriori permet de saisir, au moment où elles vont ou peuvent se produire, ces atteintes aux principes constitutionnels. Le second mérite de ce système est de faire participer les individus à la défense de leurs droits puisque sa mise en œuvre n’est pas réservée aux seules autorités politiques mais ouverte aux justiciables qui disposent du pouvoir de faire apprécier par le Tribunal constitutionnel la constitutionnalité de la loi qu’une administration ou un juge veut leur appliquer. »

Ce texte va donc dans le bon sens, et nous voterons pour.

Néanmoins, un certain nombre de problèmes subsistent, et ces problèmes, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, il faut les regarder en face. Pour terminer cette intervention, j’en listerai sept.

Le premier point est celui des filtres. J’ignore ce que vous en pensez, monsieur le secrétaire d’État, mais qu’il y ait filtre, c’est normal : il faut éviter des situations ubuesques dans lesquelles le Conseil constitutionnel serait submergé par des recours de circonstance. Mais, en l’espèce, les filtres sont particulièrement filtrants, et l’on peut dire que le rapport entre le citoyen et le Conseil constitutionnel est quelque peu indirect !

Le deuxième point porte sur le champ d’application d’une loi organique. Nous pensons, et nous proposerons un amendement en ce sens, que l’organisation interne de la Cour de cassation ne relève pas nécessairement de la loi organique. Si, mon cher président de la commission, mon cher rapporteur, vous pensez le contraire, nous écouterons avec une grande attention les arguments que vous avancerez pour nous convaincre que cela relève de la loi organique ; si vous ne produisez pas d’arguments, je pense que c’est très volontiers que vous voterez notre amendement. (Sourires.)

Le troisième point concerne la possibilité pour le juge de soulever d’office la question de la constitutionnalité. Ce que nous propose le dispositif dont nous débattons aujourd’hui, c’est finalement la faculté donnée à un justiciable qui est face à un tribunal, quel qu’il soit, de soulever la question de la constitutionnalité d’un article de loi qui lui est opposé. Mais si le juge lui-même pense qu’il y a un problème de constitutionnalité, en vertu de quel argument faut-il l’empêcher de soulever d’office la question de la constitutionnalité ? En d’autres termes, pour quelle raison un justiciable serait-il légitime à le faire alors qu’un juge ne le serait pas ? Voilà une question qui m’intéresse !

Quatrième point, évoqué à l’instant par notre collègue Jacques Mézard : il nous paraît contestable non pas que le juge doive s’assurer que le Conseil constitutionnel n’a pas déjà traité du problème – c’est une mesure de bon sens – mais qu’il doive statuer selon les circonstances : « sauf changement des circonstances ». C’est clair : ou bien la question a été traitée ou bien elle ne l’a pas été ! Or le juge pourra considérer que c’est une question de circonstances. Nous avons donc présenté un amendement pour supprimer cette mention, parce qu’elle nous semble indéterminée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. N’avez-vous pas lu Dominique Rousseau ? Il dit le contraire !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’ai rien lu de contraire à ce que j’ai dit ! La mention « sauf changement des circonstances » engendre, nous semble-t-il, une part d’arbitraire non négligeable.

Cinquième point : si un justiciable saisit le tribunal, lequel, trouvant la demande légitime, saisit soit le Conseil d’État soit la Cour de cassation, et que l’une ou l’autre de ces instances saisit le Conseil constitutionnel, ce dernier avise immédiatement le Président de la République et le Premier ministre et ceux-ci peuvent produire des observations. Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont également avisés par le Conseil constitutionnel.

Nous nous posons la question suivante : en vertu de la décision prise en 1974, pourquoi ne pourrait-on pas prévoir que soixante sénateurs ou soixante députés puissent faire part de leur position ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un seul peut le faire !

M. Jean-Pierre Sueur. On a objecté à l’Assemblée nationale – j’ai lu les débats, monsieur le secrétaire d’État, notamment ce qui a été dit par le Gouvernement – que tout un chacun pouvait envoyer des lettres au Conseil constitutionnel. Nous pouvons, il est vrai, envoyer des lettres au Conseil constitutionnel, et même des cartes postales ! Mes chers collègues, cette réponse est quelque peu légère. La position de soixante parlementaires importe, puisqu’elle déclenche la saisine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. Je sais bien qu’il n’est pas question ici de saisine, puisque celle-ci émane du justiciable, du tribunal de première instance, du Conseil d’État ou de la Cour de cassation. Mais pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité ? Quel inconvénient y aurait-il ? En quoi cela poserait-il un problème juridique, monsieur le rapporteur ? J’espère, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que vous accueillerez favorablement notre amendement.

Le sixième point porte sur la conséquence qu’il convient de tirer d’une décision du Conseil constitutionnel.

En l’état, le projet de loi organique n’a pas prévu d’introduire dans le code de procédure pénale un mécanisme spécifique de révision visant à tirer les conséquences de la décision d’abrogation par le Conseil constitutionnel du texte ayant donné lieu à sa saisine, lorsque les voies de recours ordinaires et le pourvoi en cassation ne peuvent plus être exercés.

Une telle disposition paraît d’autant plus essentielle que les hypothèses visées concerneront, notamment au pénal, des questions touchant aux libertés individuelles, plus particulièrement lorsqu’une détention est en jeu.

L’absence de cette mesure incitera les parties à soulever prioritairement la question de conventionalité, ce qui pourrait avoir pour conséquence de vider de leur intérêt les dispositions de l’article 61- 1, d’autant qu’un dispositif de réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme est prévu aux articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale.

Afin de combler ce vide, monsieur le secrétaire d’État, nous proposons que la procédure applicable au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme s’applique également lorsque le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu’il y ait sursis à statuer et a rendu une décision sur le fondement du texte abrogé par le Conseil constitutionnel. Il ne serait pas acceptable qu’une décision du Conseil constitutionnel n’ait pas de conséquences directes.

Septième et dernier point : notre vote sur ce projet de loi organique ne nous empêche pas d’avoir des choses à dire sur le Conseil constitutionnel.

En premier lieu, se pose la question de la compatibilité de membre du Conseil constitutionnel avec l’exercice de certaines professions. Pour aller plus loin que M. le rapporteur, nous proposerons que les membres du Conseil constitutionnel ne puissent exercer aucune profession : leur qualité est suffisante, leurs moyens raisonnables, et ce serait une garantie totale d’indépendance.

En deuxième lieu, il faudra veiller à ce que toutes les conditions du procès équitable soient remplies par le Conseil constitutionnel, conformément à ce que les instances européennes ne cessent d’affirmer.

Enfin, en troisième lieu, nous réaffirmons ici notre désaccord complet sur le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel. Si nous nous orientons vers une cour constitutionnelle, alors, monsieur le secrétaire d’État – je pense que vous en serez d’accord, car vous avez souvent défendu cette position –, nous ne pouvons nous satisfaire du mode de désignation de ceux-ci. On a cité tout à l’heure les démocraties où sont requises des majorités qualifiées au sein des parlements pour désigner les membres des cours constitutionnelles et des cours suprêmes.

Mes chers collègues, nous voterons ce texte, parce que nous ne voulons pas nous opposer à l’ouverture d’un droit nouveau à nos concitoyens, mais des questions importantes restent posées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’étonne que personne n’ait cité entièrement l’article 61-1 de la Constitution, qui explique parfaitement le contenu de la loi organique dont nous discutons aujourd’hui : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Voilà un article court, pertinent et, pour une fois, bien écrit !

Cet article crée dans notre droit constitutionnel une révolution juridique aux conséquences difficilement prévisibles.

S’agissant tout d’abord de la révolution juridique, pendant très longtemps, jusqu’à l’adoption de la révision constitutionnelle de 2008, la France n’était que partiellement un État de droit. En effet, certaines lois pouvaient être contraires à la Constitution et continuer de s’appliquer sans que quiconque puisse les déférer devant un juge, quel qu’il soit.

Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas : il n’y a pas de cour constitutionnelle au Royaume-Uni, même s’il existe un certain nombre de dispositions de caractère supraconstitutionnel comme le Bill of rights et l’Habeas corpus, qui s’imposent non seulement aux parlementaires, mais aussi à tous les tribunaux, qui doivent veiller à leur application.

En réalité, les Britanniques ont jusqu’à maintenant fait comme nous, en suppléant l’absence de contrôle de constitutionnalité par un contrôle de conventionalité, qui a permis un certain développement des droits et des libertés au Royaume-Uni.

La tradition française était contraire au contrôle de la constitutionnalité des lois. En effet, la différence fondamentale entre le système français et le système anglo-saxon, c’était notre vision optimiste du droit, à l’inverse des Anglo-Saxons, qui en avaient une vision pessimiste.

Pour les Anglo-Saxons, le droit était au service du pouvoir, lequel devait être contrôlé le plus étroitement possible par le juge, ce qui a amené à la fois la conception de la Common law au Royaume-Uni et de la Cour suprême aux États-Unis. En France, nous avions une conception « rousseauiste » du droit : il a pour objet d’améliorer l’homme, de le rendre plus heureux, de faire en sorte que tous ses besoins soient satisfaits.

Nous nous sommes peut-être un peu trompés, mais cela a abouti à une théorie que tous les constitutionnalistes connaissent, celle de Carré de Malberg : la loi est l’expression de la volonté générale ; la loi ne peut pas mal faire ; la loi peut tout faire – on a même ajouté, y compris changer un homme en femme – ; la loi ne peut pas être jugée. Ces principes ont conduit à ce que l’on a appelé « la souveraineté parlementaire », c’est-à-dire, en réalité, à l’absence de contrôle de constitutionnalité.

On a beaucoup cité le modèle européen, qui est récent : il date de l’immédiat après-guerre. Auparavant, il n’existait pas en Europe, contrairement aux États-Unis, de modèle de contrôle de la constitutionnalité. Car entre les deux guerres, de nombreux pays vivaient sous des régimes autoritaires. En outre, ce n’était pas dans la tradition : la tradition française s’est imposée pratiquement à tous les États au lendemain de la guerre de 1914-1918, et dans les nouvelles constitutions développées, notamment, par Michel Mouskely.

Le mouvement constitutionnel d’après-guerre a tout changé. En Allemagne, en 1949, en Italie, en Belgique, va progressivement se développer un système de contrôle de constitutionnalité, qui se poursuivra à la chute des dictatures espagnole, grecque et portugaise, mais avec des modalités différentes.

En Grèce, par exemple, il n’y a pas de cour constitutionnelle, mais toutes les juridictions ont le droit d’assurer le contrôle de constitutionnalité.

En France, la grande révolution date, bien sûr, de 1958, avec la mise en place du Conseil constitutionnel. Il était alors conçu pour être un gardien de la Constitution uniquement au service du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle certains l’avaient baptisé, à l’époque, le « chien de garde » du Gouvernement. Car de 1958 à 1971, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est exclusivement au service gouvernemental. Il faut dire que toute saisine était impossible, sauf par le président du Sénat, qui a usé de ce droit en 1971.

L’année 1971 constitue donc un premier virage, avec l’apparition des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, du bloc de constitutionnalité, qui débordait la Constitution elle-même. Mais le véritable virage aura lieu en 1974, lorsque soixante députés ou soixante sénateurs pourront saisir le Conseil constitutionnel, ouvrant dès lors la voie à la saisine de l’opposition.

À partir de 1974, on assistera à ce que l’on a appelé « la juridicisation » du droit constitutionnel, avec son chantre Louis Favoreu, qui transformera l’approche du droit constitutionnel, passant d’une approche de science politique à une approche beaucoup plus juridique. La théorie de celui-ci était fondée sur le fait qu’il existait deux grands modes de contrôle de constitutionnalité : le contrôle a priori, qui est le modèle français, et le contrôle a posteriori.

Louis Favoreu s’est fait l’ardent défenseur – l’avocat, en réalité – du contrôle a priori, arguant du fait qu’il était aussi efficace que le contrôle a posteriori. Il n’avait pas tout à fait tort sur un certain nombre de points, car le contrôle a posteriori présente des inconvénients, sur lesquels je reviendrai ultérieurement.

Quoi qu’il en soit, le contrôle de constitutionnalité existant était imparfait. Si l’on n’avait pas saisi le Conseil constitutionnel a priori, un certain nombre de lois pouvaient entrer en application, même si elles étaient contraires à la Constitution. Ce contrôle a été progressivement remplacé par le contrôle de conventionnalité, qui s’est imposé au sein des tribunaux, d’abord judiciaires, puis administratifs ; le Conseil d’État a développé, depuis une vingtaine d’années maintenant, une jurisprudence dans ce domaine.

La révolution juridique que nous venons de connaître avec la révision constitutionnelle aura des conséquences difficilement prévisibles.

Le projet de loi qui nous est soumis est court : quatre articles, qui modifient assez profondément l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, en incluant, à l’article 1er, un chapitre II bis visant à créer les articles 23-1 à 23-11, puis, à l’article 2, les articles L.O. 771-1 et L.O. 771-2, les articles L.O. 461-1 et L.O. 461-2, ainsi que les articles L.O. 630 et L.O. 142-2.

Certains de nos collègues ont évoqué deux filtres. Personnellement, je pense qu’il y en a quatre. Il n’y a pas de recours en constitutionnalité s’il n’existe pas préalablement une instance, premier filtre, et une instance non pas dans tous les domaines, mais qui porte exclusivement sur une atteinte aux droits et libertés du citoyen, deuxième filtre. Par ailleurs, intervient l’appréciation du juge saisi, troisième filtre, puis le Conseil d’État ou la Cour de cassation, quatrième filtre.

Ces garanties visent à éviter les engorgements, mais des conséquences immédiates découleront de l’adoption de ces nouvelles dispositions, ce qui suscite un certain nombre d’interrogations.

Tout d’abord, il va falloir que les juges modifient leur comportement. En effet, l’approche du contrôle de constitutionnalité n’est pas naturelle chez les magistrats. Leur formation en droit constitutionnel devra être améliorée, car elle n’est pas encore parfaite. Le droit constitutionnel devra donc être revalorisé dans les études juridiques, et vraisemblablement à l’École nationale de la magistrature.

Ensuite, il faudra redynamiser le droit constitutionnel. L’année 1974 avait donné un coup d’accélérateur à la connaissance du droit constitutionnel ; l’année 2009 produira les mêmes effets. Il sera nécessaire d’assurer une meilleure formation en droit constitutionnel durant les études juridiques – mais pas uniquement dans ce domaine – et de compléter une matière nouvelle qui va s’imposer, à savoir le contentieux constitutionnel, qui changera complètement de nature, celui-ci étant, pour l’instant, strictement limité à des domaines très précis.

Le Conseil constitutionnel devra bénéficier de nouveaux moyens, car il se trouvera confronté à une surcharge de travail, notamment durant les premières années. Surtout, il faudra inventer d’autres règles de procédure, en élaborant un véritable code de procédure. En effet, toute une série de questions se poseront. Comment doit se dérouler le procès ? Car il s’agit bien d’un procès entre des parties. Le Parlement aura-t-il le droit d’intervenir ?

J’en viens à mes interrogations, auxquelles la loi organique qui nous est proposée ne répond pas, mais tel n’est pas son rôle.

Premièrement, pouvons-nous craindre un engorgement du Conseil constitutionnel ? Ce n’est pas impossible, car, au cours des premières années, nous risquons de connaître une tendance au recours systématique, qui, les juges aidant, facilitera l’accès au Conseil constitutionnel. Il faudra donc créer une jurisprudence, car il ne sera pas aisé, pour le Conseil constitutionnel, de décider.

La deuxième question qui me chagrine un peu plus concerne les possibles conflits entre, d’une part, la jurisprudence du Conseil d’État et celle de la Cour de cassation pour ce qui concerne la saisine du Conseil constitutionnel, et, d’autre part, le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État lorsqu’ils exercent le contrôle de conventionnalité. Les juridictions suprêmes pourront invoquer le fait que tel texte constitue une violation des conventions internationales, tandis que le Conseil constitutionnel prétendra que celui-ci n’est pas contraire à la Constitution.

Troisièmement, il convient de s’interroger sur les conséquences de l’annulation d’un texte par le Conseil constitutionnel. Je n’ai pas tellement de craintes pour ce qui concerne le droit pénal, car celui-ci a fait l’objet de suffisamment de corrections, d’analyses, de recours devant le Conseil constitutionnel pour laisser penser qu’il est quelque peu bordé. Mais il n’en sera peut-être pas de même s’agissant de la procédure pénale.

Les recours risquent d’être nombreux dans certains domaines : je veux parler du droit fiscal, du droit douanier, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne faut pas le dire !

M. Patrice Gélard. … du droit de l’environnement ou encore du droit de l’urbanisme.

Souvent, dans le passé, les tribunaux ou les administrations ont procédé à des condamnations non pas à des peines de prison, mais à des amendes. Si le Conseil constitutionnel annule telle ou telle disposition, en raison de sa responsabilité du fait des lois, l’État devra indemniser ceux qui, à tort, auront été condamnés à verser des indemnités sur le fondement d’une loi contraire à la Constitution.

Telles sont, entre autres, les interrogations auxquelles je n’ai pas de réponse.

Vous le savez, l’une des craintes des Anglo-Saxons, notamment des Américains, résidait dans le fait que le contrôle a posteriori risquait d’entraîner des catastrophes juridiques en cascade. Ainsi, l’annulation d’un texte, à un moment donné, parfois dix ou quinze ans après son adoption, impose d’étudier toutes les conséquences de cette annulation et à remonter, en quelque sorte, jusqu’au point de départ. Dans certains cas très précis, cela a parfois posé problème aux États-Unis. Toutefois, la Cour suprême opère elle-même le tri et n’examine pas les quelque milliers de recours dont elle est saisie. Seuls quelques-uns peuvent bénéficier d’une décision de la Cour suprême grâce au writ of certiorari.

Ne disposant pas d’un tel système, nous pouvons craindre les conséquences de l’annulation de certains textes de loi si l’on devait, en quelque sorte, remonter toute la filière, depuis l’origine. Mais je suis aujourd'hui dans l’incapacité totale de vous dire lesquelles.

Je me demande également s’il ne serait pas souhaitable d’envisager – mais cela ne relève pas de la loi organique –, en cas de recours systématiques en cascade, des sanctions pour recours abusif, comme c’est actuellement le cas devant les tribunaux administratifs ou judiciaires.

Enfin, à l’instar de certains de mes collègues, je m’interroge sur la notion « sauf changement des circonstances ».

J’en arrive à ma conclusion. Il sera nécessaire de dresser, d’ici à deux ans, un premier bilan de l’application de la loi de façon à examiner la manière dont le Conseil constitutionnel a fait face à ses nouvelles fonctions.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les propos qui ont été tenus sur la composition du Conseil constitutionnel. Il y aurait beaucoup à dire sur celle des autres juridictions suprêmes ; il n’y a pas de système absolu et parfait pour désigner les membres de ces instances. Le système à la française n’est peut-être pas le meilleur, mais il n’est pas le pire non plus.

M. Pierre-Yves Collombat. Il peut être moins imparfait !

M. Patrice Gélard. Le groupe UMP votera unanimement ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme il a voté la révision constitutionnelle !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le doyen Patrice Gélard a assez bien résumé l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons.

Comme l’ont rappelé notamment M. le rapporteur et M. Badinter, la France rejoint les grandes démocraties européennes qui ont ouvert la saisine du juge constitutionnel au citoyen, après l’ouverture de la saisine aux parlementaires en 1974 et la mise en place du contrôle de conventionnalité. Il s’agit là de parachever la construction de notre État de droit.

En vous écoutant, monsieur Gélard, une anecdote m’est venue à l’esprit. Vous avez parlé des cours de droit constitutionnel dispensés il y a quarante ans. Étudiant, j’ai assisté, pour le plaisir, aux cours de Jean Waline, pensant que ces cours ne seraient certainement ceux qui me serviraient le plus au cours de ma carrière professionnelle. Désormais, ces cours seront abordés non seulement avec plaisir, mais également avec le sentiment qu’ils contribuent utilement à la formation des juristes.

Comme plusieurs d’entre vous l’ont relevé, il s’agit d’un changement culturel. Certains ont noté le chemin parcouru en matière de formation des magistrats. Je puis vous assurer que l’École nationale de la magistrature travaille déjà à cette mutation, y compris par le biais de la formation continue.

Le projet de loi garantit, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une procédure contradictoire devant le Conseil constitutionnel, ainsi que la publicité de l’audience.

Les filtres sont évidemment de nature à éviter un engorgement du Conseil constitutionnel. D’ailleurs, comme le prévoit l’exposé des motifs du projet de loi, nous dresserons un bilan de l’application de la loi dans deux ans. Mais les juridictions suprêmes et le Conseil constitutionnel sont d’ores et déjà très attentifs à leurs jurisprudences réciproques.

M. le rapporteur et Robert Badinter ont souligné, de manière très intéressante et convaincante, le parachèvement de notre État de droit. Certes, l’édifice n’est jamais achevé, monsieur Sueur, mais nous reviendrons ultérieurement sur ce point.

L’intervention de Robert Badinter – je ne peux que saluer son propos – fut très émouvante, car il a été l’un des principaux acteurs d’une autre étape importante, celle de l’accès du citoyen français à la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, je salue la mémoire de René Cassin. Je me souviens de l’avoir croisé tout jeune étudiant ; j’étais fort impressionné par sa pensée et par son action.

Trente ans après cette première évolution importante, la France ouvre à ses citoyens la possibilité, par ce nouveau recours, de faire valoir directement la protection de leurs droits et libertés garantie par la Constitution.

Je formulerai quelques brèves remarques sur les interventions, toutes intéressantes, des uns et des autres.

Madame Borvo Cohen-Seat, le projet de loi organique qui vous est soumis répond en grande partie à votre souhait, me semble-t-il, puisqu’il renforce la garantie de la protection des droits et préserve la sécurité juridique. Ainsi, le Conseil constitutionnel pourra abroger les dispositions inconstitutionnelles, mais il appartiendra au Parlement de voter une nouvelle loi.

S’agissant de la composition du Conseil constitutionnel, celle-ci a fait l’objet d’un débat à l’occasion de la révision constitutionnelle et le Parlement s’est prononcé. La transparence a été renforcée, puisque les nominations seront soumises, dans les deux assemblées, à l’avis des commissions compétentes, qui pourront s’y opposer à la majorité des trois cinquièmes. C’est un progrès important par rapport à la situation antérieure.

J’en viens à la question du coût. Les justiciables qui bénéficient de l’aide juridictionnelle en bénéficieront également devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation.

En outre, il n’y aura aucune obligation de produire de nouvelles observations devant les juridictions suprêmes : elles se prononceront au vu des observations échangées devant les premiers juges.

M. Zocchetto s’est inquiété de la sécurité juridique, question qui a été reprise par d’autres sénateurs au cours du débat.

Le texte qui a été adopté par le constituant en juillet 2008 est équilibré et le Conseil constitutionnel saura le mettre en œuvre avec discernement. Le principe adopté est l’absence d’effet rétroactif. La déclaration d’inconstitutionnalité conduira donc seulement à une abrogation de la loi, abrogation qui pourra elle-même intervenir de façon différée, afin de permettre au Parlement d’adopter une nouvelle loi.

À titre exceptionnel, le Conseil constitutionnel pourra déterminer « les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être mis en cause. » Le seul objet de cette mesure est de permettre au Conseil de donner un effet utile à sa décision pour le justiciable qui est à l’origine de la question et pour ceux qui ont déjà engagé un contentieux. En effet, en elle-même, l’abrogation ne permettrait pas d’écarter l’application de la loi inconstitutionnelle au litige dans lequel la question a été soulevée. Je tiens à vous rassurer : en aucun cas le Conseil constitutionnel ne pourra remettre en cause une décision juridictionnelle définitive.

Monsieur Mézard, vous êtes allé au fond des choses et vous avez posé un certain nombre de questions tout à fait pertinentes. Dans un premier temps, je n’en reprendrai que quelques-unes.

D’abord, les délais de jugement ne seront pas allongés de manière indue. Le juge renverra la question dès qu’il sera en mesure de le faire et l’examen par la juridiction suprême et par le Conseil constitutionnel s’imputera sur l’instruction.

S’agissant des moyens matériels du Conseil constitutionnel, à ce jour, ce dernier n’a pas exprimé de besoins particuliers. Mais le Gouvernement veillera, bien sûr, à ce que le Conseil dispose des moyens nécessaires. Lancer une telle réforme en ne lui permettant pas de mener à bien les nouvelles tâches qui lui incombent n’aurait en effet aucun sens.

Le juge peut-il invoquer d’office l’inconstitutionnalité d’une loi ? La Constitution réserve au justiciable la possibilité de poser la question de constitutionnalité. Sur ce point, l’article 61-1 est très clair : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question ». Or, dans le procès, ce sont les parties qui soutiennent les moyens. Le rôle du juge est d’y répondre.

Le constituant a entendu ouvrir un droit nouveau au justiciable ; c’est à lui de décider s’il veut en faire usage. Cette solution respecte la stratégie contentieuse des parties.

En outre, le pouvoir de relever d’office un moyen est intimement lié au pouvoir d’apprécier le bien-fondé de ce moyen. Or la Constitution n’habilite pas les juridictions de fond à apprécier elles-mêmes la constitutionnalité des dispositions législatives. Il est donc préférable d’exclure la possibilité pour le juge de soulever d’office la question de constitutionnalité.

Monsieur Sueur, je ne répondrai pas dans le détail sur les sept points que vous avez abordés dans votre intéressant développement ; j’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de vos amendements. Dans un premier temps, je m’en tiendrai donc à quelques remarques.

Je vous remercie tout d’abord d’avoir souligné ce droit nouveau donné à nos concitoyens.

S’agissant des filtres, le constituant a prévu un examen de la demande par le Conseil d’État ou par la Cour de cassation.

Les principes relatifs à la composition des formations de jugement de la Cour de cassation relèvent de la loi. Ils figurent dans la partie législative du code de l’organisation judiciaire.

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai parlé de la loi organique !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Seules les parties au procès pourront soulever le nouveau moyen.

Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer la notion « sauf changement des circonstances », mais je peux encore en dire un mot. Il s’agit seulement de permettre de prendre en considération les éléments de droit ou de fait nouveaux qui modifient nécessairement les termes de la question déjà tranchée par le Conseil.

Il pourra s’agir de circonstances de droit, telle la proclamation de nouveaux droits constitutionnellement garantis depuis l’intervention de la décision du Conseil constitutionnel.

Il faut aussi envisager l’hypothèse de changement dans les circonstances de fait. On peut penser aux domaines marqués par une évolution rapide de la science ou des techniques, ou encore aux évolutions démographiques qui peuvent rendre inconstitutionnel, après un certain nombre d’années, un découpage électoral, par exemple, qui avait été, en son temps, validé par le Conseil constitutionnel.

Pour ce qui est de l’intervention des parlementaires devant le Conseil, la modification de la Constitution a ouvert un droit nouveau au justiciable et n’a pas entendu conférer ce droit-là aux parlementaires, qui ont d’autres droits, vous le savez fort bien.

Concernant le Conseil constitutionnel, le décret de novembre 1999 prévoit des obligations destinées aux membres du Conseil. Il n’est pas souhaitable de leur interdire toute activité professionnelle. Un professeur de droit membre du Conseil constitutionnel ne pourrait plus donner de cours, ce qui serait dommage.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En outre, ce serait inconstitutionnel !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. En conclusion, la discussion générale marque un consensus assez large sur les avancées que constitue ce texte.

Certains d’entre vous ont posé, à juste titre, un certain nombre de questions sur lesquelles il faudra être très attentif au moment où le dispositif sera véritablement mis en œuvre. D’autres ont ouvert des perspectives hors modification de la Constitution. Il est toujours intéressant de réfléchir aux évolutions possibles. Mais nous avons déjà vraiment de quoi faire avec cette modification.

Nous abordons le débat dans un esprit extrêmement positif, voire enthousiaste si j’en juge par certaines de vos interventions dans lesquelles vous considérez qu’il s’agit d’un vrai progrès. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, les mots : « des votes et de ne prendre aucune position publique, » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements de coordination nos 15 et 13.

M. le président. J’appelle donc en discussion des deux amendements suivants.

L'amendement n° 15, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 14 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les décisions sont signées par tous les conseillers ayant participé au délibéré, mention étant faite du rapporteur.

« Les conseillers peuvent exprimer leur désaccord sur le dispositif et les motifs de la décision ou sur les seuls motifs dans une opinion séparée, signée de son auteur, annexée à la décision majoritaire et publiée au Journal officiel. »

L'amendement n° 13, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 20 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est complété par les mots : «, de même que les éventuelles opinions séparées ».

Vous avez la parole, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme le dit Wanda Mastor, professeur de droit public, le droit public français n’a jamais consacré la publicité des divergences en matière juridictionnelle. Bien au contraire, il énonce de manière ferme un principe élevé au rang de dogme, celui du secret des délibérés. Ce dernier est ancré dans notre droit depuis si longtemps et de manière si constante que l’on parle de tradition française du secret.

Lors de l’instauration du Conseil constitutionnel, les règles de procédure s’inspirèrent naturellement de celles des juridictions ordinaires. Au moment de prêter serment devant le Président de la République, les membres du Conseil constitutionnel « jurent de bien et fidèlement remplir leurs fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes et de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. »

Le décret pris en application de la loi organique relative au Conseil constitutionnel fait figurer parmi les obligations imposées au juge constitutionnel celle de ne prendre aucune position publique sur les questions ayant fait ou susceptibles de faire l’objet de décision de la part du Conseil.

Tout cela, vous pourriez me le dire, monsieur le secrétaire d’État, mais je vous dispense ainsi de me rappeler ce que nous connaissons tous.

J’ai été, comme plusieurs de mes collègues, invité par M. le président du Conseil constitutionnel. Vous pensez bien que, par respect pour cette haute institution, nous avons répondu à l’invitation. Le président a remis à chacune des personnes qu’il avait conviées un ouvrage, que je lis régulièrement le soir.

M. Patrice Gélard. Un roman policier ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit non pas d’un roman policier, contrairement à ce que croit un éminent collègue, mais tout simplement du compte rendu des délibérations du Conseil constitutionnel. Je dis bien « délibérations » et non « décisions », avec, bien évidemment, une certaine distance dans le temps.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va de soi ! Nous avons légiféré sur les archives !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le président du Conseil constitutionnel suggérait ainsi qu’il y a un grand intérêt à lire les délibérations pour comprendre les décisions du Conseil, tout comme il est utile de connaître les délibérations du Parlement pour bien comprendre les lois !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. J’ai annoncé que j’allais présenter mes trois amendements en même temps, monsieur le président. Je pourrais donc parler trois fois cinq minutes. (Trois minutes seulement ! sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le règlement a été modifié, monsieur Sueur : vous disposez d’un temps de parole de trois minutes par amendement !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai ! Mais, vous le savez, mes chers collègues, je suis quelque peu conservateur, comme un certain nombre d’entre vous, …

M. Christian Cointat. Beaucoup plus que nous !

M. Jean-Pierre Sueur. …et j’ai donc du mal à me faire aux nouvelles habitudes !

J’en reviens à mes amendements.

D’abord, les opinions séparées peuvent être à l’origine de l’adoption de certaines lois de modification de la norme. C’est ainsi que les opinions dissidentes de certains juges de la Cour suprême des États-Unis relatives à la condamnation de l’esclavage ont été la pierre angulaire de l’édifice d’un long processus de transformation du droit et des mœurs.

Ensuite, les opinions séparées peuvent annoncer des revirements jurisprudentiels, les opinions minoritaires d’hier pouvant devenir les opinions majoritaires de demain.

Par ailleurs, les opinions séparées permettent de rendre les décisions majoritaires plus compréhensibles.

Enfin, l’expression des opinions séparées existe dans un certain nombre de pays ; je veux parler de l’Italie, de l’Espagne, des États-Unis et de beaucoup d’autres.

Vous savez aussi – ce n’est un secret pour personne – qu’il existe même des membres du Conseil constitutionnel qui trouveraient très bénéfique que l’on puisse publier les opinions séparées.

C’est pour aller dans le sens de la modernisation de nos institutions que nous présentons ces trois amendements, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements pour deux raisons.

D’abord, ils n’ont aucun lien avec la loi organique.

Ensuite, la question de savoir si une juridiction doit faire connaître les opinions dissidentes ou individuelles de ses membres regarde la seule juridiction ; le législateur n’a pas à s’immiscer dans la composition d’une décision de justice.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements pour les mêmes raisons. Ces décisions seront ainsi dotées de l’autorité nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
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Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

Après le chapitre II du titre II de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« Chapitre II bis

« De la question prioritaire de constitutionnalité

« Section 1

« Dispositions applicables devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation

« Art. 23-1 (non modifié). – Devant les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d’irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d’appel. Il ne peut être relevé d’office.

« Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n’est pas partie à l’instance, l’affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis.

« Si le moyen est soulevé au cours de l’instruction pénale, la juridiction d’instruction du second degré en est saisie.

« Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d’assises. En cas d’appel d’un arrêt rendu par la cour d’assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation.

« Art. 23-2. – La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :

« 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

« 2° Elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

« 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

« En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu’elle est saisie de moyens contestant la conformité d’une disposition législative d’une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d’autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation.

« La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d’État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n’est susceptible d’aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu’à l’occasion d’un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.

« Art. 23-3 (non modifié). – Lorsque la question est transmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu’à réception de la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel. Le cours de l’instruction n’est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires.

« Toutefois, il n’est sursis à statuer ni lorsqu’une personne est privée de liberté à raison de l’instance, ni lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté.

« La juridiction peut également statuer sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu’elle statue dans un délai déterminé ou en urgence. Si la juridiction de première instance statue sans attendre et s’il est formé appel de sa décision, la juridiction d’appel sursoit à statuer. Elle peut toutefois ne pas surseoir si elle est elle-même tenue de se prononcer dans un délai déterminé ou en urgence.

« En outre, lorsque le sursis à statuer risquerait d’entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d’une partie, la juridiction qui décide de transmettre la question peut statuer sur les points qui doivent être immédiatement tranchés.

« Si un pourvoi en cassation a été introduit alors que les juges du fond se sont prononcés sans attendre la décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation ou, s’il a été saisi, celle du Conseil constitutionnel, il est sursis à toute décision sur le pourvoi tant qu’il n’a pas été statué sur la question prioritaire de constitutionnalité. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé.

« Section 2

« Dispositions applicables devant le Conseil d’État et la Cour de cassation

« Art. 23-4 (non modifié). – Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à l’article 23-2 ou au dernier alinéa de l’article 23-1, le Conseil d’État ou la Cour de cassation se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il est procédé à ce renvoi dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

« Art. 23-5 (non modifié). – Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Le moyen est présenté, à peine d’irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Il ne peut être relevé d’office.

« En tout état de cause, le Conseil d’État ou la Cour de cassation doit, lorsqu’il est saisi de moyens contestant la conformité d’une disposition législative d’une part aux droits et libertés garantis par la Constitution et d’autre part aux engagements internationaux de la France, se prononcer en premier sur le renvoi de la question de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

« Le Conseil d’État ou la Cour de cassation dispose d’un délai de trois mois à compter de la présentation du moyen pour rendre sa décision. Le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité dès lors que les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 sont remplies et que la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

« Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d’État ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu’à ce qu’il se soit prononcé. Il en va autrement quand l’intéressé est privé de liberté à raison de l’instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation est tenu de se prononcer en urgence, il peut n’être pas sursis à statuer.

« Art. 23-6 (non modifié). – Le premier président de la Cour de cassation est destinataire des transmissions à la Cour de cassation prévues à l’article 23-2 et au dernier alinéa de l’article 23-1. Le mémoire mentionné à l’article 23-5, présenté dans le cadre d’une instance devant la Cour de cassation, lui est également transmis.

« Le premier président avise immédiatement le procureur général.

« L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre spécialement concernée.

« Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre.

« Pour l’application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu’il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués qu’ils désignent parmi les conseillers de la chambre.

« Art. 23-7. – La décision motivée du Conseil d’État ou de la Cour de cassation de saisir le Conseil constitutionnel lui est transmise avec les mémoires ou les conclusions des parties. Le Conseil constitutionnel reçoit une copie de la décision motivée par laquelle le Conseil d’État ou la Cour de cassation décide de ne pas le saisir d’une question prioritaire de constitutionnalité. Si le Conseil d’État ou la Cour de cassation ne s’est pas prononcé dans les délais prévus aux articles 23-4 et 23-5, la question est transmise au Conseil constitutionnel.

« La décision du Conseil d’État ou de la Cour de cassation est communiquée à la juridiction qui a transmis la question prioritaire de constitutionnalité et notifiée aux parties dans les huit jours de son prononcé.

« Section 3

« Dispositions applicables devant le Conseil constitutionnel

« Art. 23-8 (non modifié). – Le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, avise immédiatement le Président de la République et le Premier ministre. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui est soumise. Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont également avisés par le Conseil constitutionnel.

« Lorsqu’une disposition d’une loi du pays de la Nouvelle-Calédonie fait l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel avise également le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le président du congrès et les présidents des assemblées de province.

« Art. 23-8-1 (non modifié). – Lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi de la question prioritaire de constitutionnalité, l’extinction, pour quelque cause que ce soit, de l’instance à l’occasion de laquelle la question a été posée est sans conséquence sur l’examen de la question.

« Art. 23-9 (non modifié). – Le Conseil constitutionnel statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leurs observations. L’audience est publique, sauf dans les cas exceptionnels définis par le règlement intérieur du Conseil constitutionnel.

« Art. 23-10. – La décision du Conseil constitutionnel est motivée. Elle est notifiée aux parties et communiquée soit au Conseil d’État, soit à la Cour de cassation ainsi que, le cas échéant, à la juridiction devant laquelle la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée.

« Le Conseil constitutionnel communique également sa décision au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que, dans le cas prévu au dernier alinéa de l’article 23-8, aux autorités qui y sont mentionnées.

« La décision du Conseil constitutionnel est publiée au Journal officiel et, le cas échéant, au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie.

« Art. 23-11 (non modifié). – Lorsque le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, la contribution de l’État à la rétribution des auxiliaires de justice qui prêtent leur concours au titre de l’aide juridictionnelle est majorée selon des modalités fixées par voie réglementaire. »

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles sont enfin incompatibles avec toute activité professionnelle. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La question qui est posée est celle de la compatibilité du statut de membre du Conseil constitutionnel avec certaines activités professionnelles. Pour simplifier les choses, nous proposons que les membres du Conseil constitutionnel n’exercent aucune activité professionnelle.

Il est clair que la profession d’avocat pose problème. Un membre du Conseil qui l’exercerait pourrait ainsi être impliqué dans une procédure aboutissant à la saisine de cette juridiction, et se trouver dans une situation ambiguë où il serait à la fois juge et partie. De même, il paraît évident que l’on ne saurait être à la fois membre du Conseil constitutionnel et membre du Gouvernement ou du Parlement.

Plus généralement, c’est la question du respect des principes du procès équitable qui se pose, mes chers collègues. En effet, au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, parmi les garanties générales du procès équitable figure l’indépendance du tribunal. Celle-ci s’apprécie tant par rapport au pouvoir exécutif qu’à l’égard des parties en cause. Pour déterminer si un organe est indépendant, il faut prendre en compte, notamment, le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l’existence d’une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s’il existe ou non une apparence d’indépendance.

Le mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel et la possibilité qui leur est laissée d’exercer une activité professionnelle sont autant d’occasions de dépendance. Pourtant, leur statut leur permet de vivre décemment, et ils sont, par définition, suffisamment attachés au bien commun et à l’esprit républicain pour ne pas ressentir le besoin d’exercer une autre profession, quelle qu’elle soit.

Toutefois, nous ne sommes pas des extrémistes et, pour être parfaitement clairs, nous ne pensons pas que l’interdiction d’exercer une activité professionnelle doive s’étendre à l’écriture et à la publication. Nous n’opposons pas d’objections à ce qu’un membre du Conseil constitutionnel écrive des romans policiers, que nous avons d’ailleurs plaisir à lire certains soirs. Nous n’interdisons pas non plus à un ancien Président de la République membre dudit Conseil de publier quelque histoire sentimentale... (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est uniquement pour dire cela que vous avez déposé cet amendement ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Je dois tout d’abord à l’honnêteté de dire que votre rapporteur avait déposé en commission un amendement sur les incompatibilités, notamment avec l’exercice de la profession d’avocat ou d’officier ministériel. Un débat approfondi a toutefois fait apparaître la relative complexité du sujet. En effet, la question du statut des membres du Conseil ayant été écartée lors de la révision constitutionnelle, nous pouvons difficilement l’introduire dans la loi organique.

Tous les États européens imposent une qualification juridique aux membres des cours constitutionnelles, ce qui n’est pas le cas de la France. Si rien n’est exigé aux États-Unis, le Sénat américain vérifie la qualification professionnelle, notamment juridique, des candidats proposés par le Président des États-Unis. Nous n’en sommes pas là ! Si, à l’avenir, nous souhaitons aborder cette question, il faudra d’abord traiter de la qualification avant de se pencher sur les incompatibilités professionnelles. Lors de la révision constitutionnelle de 2008, un débat s’était engagé dans cette assemblée, mais la question avait finalement été écartée par le Congrès. La position de la commission a donc été d’écarter toute espèce d’incompatibilité.

J’ajoute, par parenthèse, que la Constitution empêche d’interdire l’exercice de deux professions : professeur d’université et ministre du culte d’Alsace-Moselle. Pour ces deux catégories professionnelles, le Conseil constitutionnel serait obligé de censurer votre amendement s’il venait à être adopté (M. Patrice Gélard et Mme Catherine Troendle font un signe d’approbation.)

Je préfère vous épargner cette censure, et émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je compléterai les propos extrêmement sensés et convaincants de M. le rapporteur en rappelant que le Gouvernement souhaite garantir l’impartialité des membres du Conseil constitutionnel et faire en sorte que celle-ci ne soit pas mise en doute.

Toutefois, le droit en vigueur permet déjà d’atteindre cet objectif. En vertu de l’article 3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, tout membre du Conseil constitutionnel a l’obligation, avant d’entrer en fonction, de jurer de bien et fidèlement remplir ses fonctions et de les exercer en toute impartialité. De surcroît, l’article 2 du décret du 13 novembre 1959 sur les obligations du Conseil constitutionnel prévoit que ses membres s’interdisent, en particulier pendant la durée de leurs fonctions, de consulter sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l’objet de décisions de la part du Conseil.

En visant à interdire, par exemple, à un professeur de droit nommé au Conseil constitutionnel de continuer à donner ses enseignements, ce qui constitue tout de même une conséquence autrement plus sérieuse que l’écriture de romans policiers ou d’autres types d’ouvrages, cet amendement paraît excessif, monsieur Sueur.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voterai en faveur de cet amendement, afin de protester contre le manque d’intérêt porté au statut des membres du Conseil constitutionnel.

Je ne vois pas très bien pourquoi la loi organique ne pourrait pas concerner le statut et les incompatibilités professionnelles des membres de cette institution, monsieur le rapporteur. Ce n’est pas parce que le constituant a refusé de se prononcer à cet égard que la loi organique ne peut pas prévoir des incompatibilités. Cette position ne me paraît pas défendable.

M. Patrice Gélard. Ce serait un cavalier !

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Plus que la question des incompatibilités professionnelles, c’est celle des incompatibilités d’activités qu’il faudrait se poser.

Nous avons déjà abordé ce sujet en commission et lors de la discussion générale. Parce qu’il est difficile d’imaginer toutes les activités qui sont incompatibles, il faut laisser le soin au Conseil constitutionnel de régler la question au cas par cas pour ses membres, par le biais de son règlement intérieur.

L’amendement de M. Sueur est assez radical. Certes, on pourrait considérer qu’en interdisant toute activité professionnelle on réglerait définitivement le problème. Mais il ne me semble pas nécessaire d’aller jusqu’à cette extrémité. Il paraît d’ailleurs difficile d’interdire à tout ancien Président de la République, membre de droit du Conseil constitutionnel, d’exercer une activité professionnelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un comble !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je partage la grande considération que vous portez à l’égard des membres du Conseil constitutionnel. Néanmoins, croyez-vous que ce serait véritablement un drame pour l’université française si onze personnes, parmi lesquelles il doit y avoir tout au plus un ou deux professeurs,…

M. Jean-Pierre Sueur. …, étaient dans l’impossibilité de donner des cours et d’exercer leurs fonctions ?

M. Patrice Gélard. C’est la Constitution !

M. Jean-Pierre Sueur. Premièrement, le poste resterait ouvert au budget de l’État et pourrait être occupé par un autre universitaire, sauf si le Gouvernement décidait de supprimer des postes, mais c’est un autre débat...

Deuxièmement, être membre du Conseil constitutionnel est un travail. J’avoue avoir toujours été choqué par le fait qu’un maître de conférences élu parlementaire devait renoncer à l’enseignement, contrairement à un professeur d’université titulaire. Je considère que le travail de parlementaire est très prenant, tout comme celui de professeur d’université. De même, il n’est nullement scandaleux d’être membre à temps plein du Conseil constitutionnel.

Je ne connais pas aussi bien que certains dans cet hémicycle le statut des magistrats et je ne sais pas si ces derniers peuvent exercer une autre profession. Mais trouveriez-vous normal qu’on ne puisse pas exercer une autre activité quand on est juge dans un tribunal d’instance, dans un tribunal de grande instance, au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, et qu’on puisse le faire quand on est membre du Conseil constitutionnel ?

Notre amendement est clair, simple et salubre ; il ne porte préjudice à personne.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ces considérations sont très intéressantes, mais je rappelle que nous discutons d’un projet de loi d’application de l’article 61-1 de la Constitution. Nous avons eu ce débat lors de la révision constitutionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si, je suis désolé ! Finalement, je me demande pourquoi vous saisissez cette juridiction qui présente tant de défauts à vos yeux…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence extraordinaire depuis 1971. La diversité du Conseil fait aussi sa richesse, et l’histoire a montré que ses membres, loin de se prononcer en fonction d’intérêts partisans, prenaient souvent des décisions que l’on n’attendait pas.

On peut épiloguer indéfiniment, mais une incompatibilité totale serait une erreur. D’ailleurs, si l’on n’interdit pas aux membres du Conseil d’exercer une activité professionnelle en particulier, tout ne leur est pas permis pour autant.

On nommera peut-être un jour un professeur de médecine ; ce serait d’ailleurs opportun, dans la perspective des lois bioéthiques. Pourquoi lui interdire de donner des cours ? Franchement, l’interdiction générale me paraît excessive.

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. L’amendement de notre collègue Jean-Pierre Sueur est malheureusement irrecevable, car inconstitutionnel. Il est en effet impossible de modifier la Constitution par le biais d’un simple amendement.

Le projet de loi organique dont nous débattons devant être obligatoirement soumis au contrôle du Conseil constitutionnel, celui-ci déclarerait cette disposition contraire à la Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur. Il sera juge et partie !

M. Patrice Gélard. Il faut donc retirer cet amendement ou modifier la Constitution.

En effet, le statut des professeurs d’université et des ministres des cultes alsaciens et mosellans est désormais garanti par la Constitution et, contrairement à ce que vous pensez, toutes les grandes démocraties consacrent l’indépendance des professeurs d’université et la possibilité pour eux d’être membres des cours constitutionnelles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

de ce qu'une disposition législative

insérer les mots :

, le cas échéant interprétée par la jurisprudence,

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Une disposition législative peut ne pas être en soi inconstitutionnelle mais l'être devenue du fait de la jurisprudence des cours et des tribunaux. Aussi considérons-nous que doivent pouvoir être mises en cause devant le Conseil constitutionnel non seulement les dispositions législatives, mais aussi la jurisprudence à laquelle elles ont donné lieu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Cet amendement nous a laissés quelque peu perplexes : une loi est constitutionnelle ou pas. Nous ne nous intéressons pas ici au contrôle de constitutionnalité de la jurisprudence, qui est indépendante du texte de la loi. À la limite, cette question pourrait être traitée au titre de ce que l’on appelle le « changement de circonstances ».

En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Collin et Mézard et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 6, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

II. - En conséquence, alinéa 24, dernière phrase

Procéder à la même suppression.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. L'actuelle rédaction du projet de loi organique ne permet pas au juge de relever d'office le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaîtrait les droits et libertés garantis par la Constitution.

Il nous paraît étonnant qu'une telle violation de la hiérarchie des normes, a fortiori dans un domaine aussi éminent que celui de la protection des droits fondamentaux et de l'État de droit, ne puisse constituer un moyen d'ordre public, alors que le moyen tiré de la violation de la loi s'impose d'office au juge comme moyen de légalité interne.

Certes, le Conseil d'État ne se saisit pas d'office des moyens tirés de l'inconventionnalité, mais le renforcement de l'effectivité des principes de l'État de droit tiré de l'article 61-1 de la Constitution rend nécessaire, selon nous, d’ouvrir cette possibilité nouvelle aux juges ordinaires.

De plus, l'existence d'un filtrage opéré par le Conseil d'État ou la Cour de cassation garantit que les contentieux transmis seront conformes aux critères établis par les autres dispositions du projet de loi organique.

Enfin, le maintien du dispositif actuel risquerait de ne permettre qu'aux seuls justiciables ayant les moyens de s'attacher les services d'un conseil de soulever un tel moyen.

Il paraît difficile d’envisager que le juge ne puisse pas d’office relever ce moyen. Lors du débat en commission, on a pu entendre qu’il lui suffirait de rouvrir les débats et de demander aux parties de s’expliquer sur ce qui pourrait être un moyen d’inconstitutionnalité. Effectivement, c’est une voie indirecte permettant au juge de relever ce moyen, mais il nous semblerait beaucoup plus simple qu’il puisse le faire d’office.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. La rédaction de l’article 61-1 a été élaborée pour les justiciables, et non pour les juges ou les parlementaires. Les termes employés attestent d’ailleurs bien que le constituant de 2008 a entendu réserver aux seules parties au litige la possibilité de soulever la question de constitutionnalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Hugues Portelli, rapporteur. Nous devons nous en tenir à cette ligne.

Dans le même ordre d’idées, le juge ne soulève jamais d’office l’inconventionnalité d’une disposition législative : ce sont les parties au procès qui le font. En outre, qu’il s’agisse du contrôle de conventionnalité ou du contrôle de constitutionnalité, cette interprétation restrictive laisse aux parties la possibilité de soulever tel ou tel moyen, selon leur stratégie de défense, sans que le juge puisse se substituer à elles sur ce point.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons exposées tout à l’heure.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 6, dernière phrase

Supprimer le mot :

ne

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Les avis de la commission et du Gouvernement ayant été sollicités de façon prématurée, alors que les deux amendements sont en discussion commune, je connais maintenant le point de vue, argumenté, de M. le rapporteur, et celui, extrêmement succinct, de M. le secrétaire d'État…

Le projet de loi organique prévoit donc que la question de constitutionnalité ne puisse être d’office relevée par le juge, l’article 61-1 de la Constitution réservant cette possibilité aux seules parties à l’instance.

Or, selon le rapport de la commission, que j’ai lu avec un grand intérêt, plusieurs des hautes personnalités entendues se sont interrogées sur ce choix. Ainsi, M. Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, dont personne ne conteste la compétence, surtout sur cette question constitutionnelle et de droit public, s’est étonné devant nous qu’un juge puisse appliquer une loi qu’il sait inconstitutionnelle, alors qu’il peut relever à tout moment l’inconventionnalité d’une loi au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.

De même, le professeur Guillaume Drago a critiqué cette capitis diminutio des pouvoirs du juge, déclarant qu’une telle interdiction du relevé d’office risquait de nuire à l’efficacité de la réforme pour trois raisons : premièrement, elle réduira drastiquement le nombre de questions de constitutionnalité dont le juge aura effectivement à connaître ; deuxièmement, seuls les justiciables ayant les moyens financiers de faire appel à un conseil juridique pourront soulever des questions de constitutionnalité ; troisièmement, les juges pourront difficilement s’approprier un mécanisme qui est soustrait à leur initiative. Ces remarques sont éclairantes, même si elles sont formulées par un éminent professeur de droit selon une logique qui lui est propre.

J’ajouterai, monsieur le rapporteur, que j’ai été quelque peu contrarié par la manière dont vous avez présenté le rôle du juge. Devra-t-il rester passif, les bras ballants, seuls les justiciables pouvant soulever la question de constitutionnalité ? Peut-il être totalement incompétent en cette matière ? Un juge ne se contente pas de regarder passer les trains ! Reconnaissez, monsieur le secrétaire d'État – peut-être mon intervention vous amènera-t-elle à vous montrer un peu plus prolixe ! –, qu’une telle situation ne serait guère cohérente au regard de la grande compétence des juges de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hugues Portelli, rapporteur. Mon cher collègue, j’ai assisté à toutes les auditions, étant d’ailleurs parfois seul à les conduire… (Sourires.)

Les personnalités que vous avez citées ont fait part de leur point de vue. Cela est tout à fait légitime, mais le constituant, ici présent, est le mieux à même d’interpréter les textes qu’il a votés !

M. Hugues Portelli, rapporteur. En outre, je rappelle que le ministère public étant partie dans tout procès, il lui est toujours loisible de soulever la question de constitutionnalité, même s’il est exact que l’intention du constituant était de réserver cette possibilité aux justiciables.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Monsieur Sueur, ayant déjà exprimé tout à l’heure, clairement me semble-t-il, le point de vue du Gouvernement, je n’ai pas jugé utile, par souci d’éviter toute répétition, de reprendre l’excellente argumentation de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote sur l'amendement n° 12 rectifié.

M. Jacques Mézard. Notre collègue Jean-Pierre Sueur a très opportunément rappelé les observations formulées par certaines des personnalités auditionnées par la commission,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elles ont émis une opinion !

M. Jacques Mézard. … dont le professeur Drago.

Pour ma part, je ne suis absolument pas convaincu par l’argument selon lequel le ministère public a toujours la possibilité de soulever la question de constitutionnalité : en effet, pourquoi, dans ces conditions, refuser la même faculté aux magistrats du siège ? Je n’y vois vraiment pas de motif valable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

le fondement

par les mots :

l'un des fondements

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Nous considérons qu’il peut, en tout état de cause, y avoir plusieurs fondements à une même instance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.

La rédaction de l’alinéa visé a été assez complexe. L’Assemblée nationale, au terme d’un travail très approfondi, a étendu la possibilité de saisine en décidant que la disposition contestée devait être « applicable au litige ou à la procédure », et non plus « commander l’issue du litige ou la validité de la procédure ». Il vaut mieux à mon sens s’en tenir là, d’autant que la modification proposée n’aurait pas une incidence décisive sur le contenu de l’alinéa.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, d’autant que la rédaction du texte adopté en commission est tout à fait compatible avec la diversité des situations auxquelles il a été fait allusion.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

sauf changement de circonstances

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous retrouvons l’aspect rituel de nos débats : la majorité vote avec la majorité, l’opposition avec l’opposition. Or il conviendrait, en l’occurrence, de faire un effort pour sortir de cette routine, car ce projet de loi organique contient une disposition dont je voudrais vous convaincre, mes chers collègues, ainsi que vous, monsieur le secrétaire d'État, de l’inopportunité : avant de transmettre la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, le projet de loi organique prévoit que la juridiction saisie devra s’assurer que la disposition « n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ».

Réfléchissons bien à la signification du mot « circonstances ».

S’il s’agit ici des circonstances de droit, alors aucun problème ne se pose. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la notion de changement des circonstances existe dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et l’interprétation que l’on peut en donner ne soulève pas de difficulté. Un tel changement se produit en cas de modification de l’ordre constitutionnel.

En revanche, s’il est question des circonstances de fait, alors on entre dans l’arbitraire le plus total. J’en appelle, à cet instant, au rapport de la commission, rédigé dans ce style limpide qui caractérise généralement la prose de M. Portelli :

« Deux risques doivent être conjurés : l’instabilité juridique, l’appréciation au fond de la question de constitutionnalité par le juge alors que cette compétence appartient au Conseil constitutionnel.

« Le recours au changement de circonstances ne devrait, en conséquence, intervenir que de manière tout à fait exceptionnelle. En particulier, un changement de circonstances de fait ne semble admissible que plusieurs décennies après l’adoption de la disposition législative litigieuse.

« En dehors du changement de circonstances, la disposition déclarée conforme ne devrait plus pouvoir être contestée quels que soient les moyens invoqués. »

Le recours au changement de circonstances de fait « ne semble admissible », « de manière tout à fait exceptionnelle », « que plusieurs décennies après l’adoption de la disposition législative litigieuse » : entre nous soit dit, monsieur le rapporteur, toutes ces précautions oratoires montrent assez bien que la mesure en cause ne vous séduit pas particulièrement, et qu’elle est même gênante !

Mes chers collègues, je pense donc que nous tirerons M. le rapporteur d’embarras et rendrons service à la République en supprimant, dans le projet de loi organique, une fâcheuse allusion à d’imprécises circonstances…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Si vous le permettez, monsieur Sueur, je vais tenter d’interpréter moi-même mes propos ! (Sourires.)

Dans le projet de loi organique que nous examinons, trois critères cumulatifs sont requis pour qu’il soit procédé à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : le lien de la disposition contestée avec le litige, le caractère sérieux de la question et, si le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur la conformité à la Constitution de ladite disposition, un changement des circonstances.

Exclure ce dernier critère revient à considérer que le Conseil constitutionnel s’est prononcé une fois pour toutes et donc à interdire tout changement de jurisprudence sur le sujet. Or on ne peut pas fermer toute possibilité, pour le juge, de faire évoluer la jurisprudence ; celle-ci n’est pas garantie constitutionnellement ! Voilà pourquoi nous souhaitons le maintien des trois critères cumulatifs.

Cela étant, la possibilité de recourir au changement de circonstances ne remettra pas en cause la sécurité juridique et la continuité jurisprudentielle : le Conseil constitutionnel ne changera pas de jurisprudence tous les deux ans, même si sa majorité politique change, ce qui est d’ailleurs déjà arrivé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne lui arrivera plus !

M. Hugues Portelli, rapporteur. Nous ne sommes pas aux États-Unis, où un changement de majorité politique au sein de la Cour suprême annonce un revirement de la jurisprudence.

Par ailleurs, l’expression « changement de circonstances » apparaît régulièrement dans la jurisprudence, en particulier administrative. Il ne s’agit pas d’une invention du législateur organique : elle fait sens pour le juge qui devra appliquer le texte.

Il peut s’agir, bien entendu, de changements de circonstances de droit, par exemple à la suite de l’adoption de nouvelles dispositions constitutionnelles, mais aussi de changements de circonstances de fait, en particulier dans le cas des lois antérieures à 1958 et à l’adoption de notre Constitution. C’est en pensant particulièrement à ces lois que j’ai écrit, dans mon rapport, qu’ « un changement de circonstances de fait ne semble admissible que plusieurs décennies après l’adoption de la disposition législative litigieuse ».

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. M. le rapporteur vient de développer des arguments très convaincants. J’ai moi-même eu l’occasion tout à l’heure de donner quelques exemples concrets de ces changements de circonstances de fait, forcément exceptionnels, souvent liés à l’évolution de la société.

Il me semble, monsieur Sueur, que l’adoption d’un tel amendement, en figeant les choses, irait à l’encontre de ce que vous souhaitez et de l’esprit du présent projet de loi organique. J’avoue que j’ai du mal à vous suivre ! L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Moi non plus je ne comprends pas très bien la démarche de notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur.

Tout à l’heure, monsieur Sueur, vous nous avez longuement expliqué que le juge devait avoir la possibilité de s’autosaisir, en quelque sorte, d’une question de constitutionnalité et d’agir directement auprès du Conseil constitutionnel.

Tout à l’heure, vous avez voté un amendement tendant à prévoir qu’il faudrait tenir compte non seulement de la loi, mais aussi de la jurisprudence.

Or voilà que vous opérez un virage à 180 degrés en disant exactement l’inverse !

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !

M. Christian Cointat. Vous souhaitiez que l’on fasse confiance au juge : eh bien nous entendons lui faire confiance pour estimer si les circonstances ont changé ou non ! L’amendement que vous défendez contredit totalement les propos que vous teniez tout à l’heure. En réalité, vous vous faites plaisir en jouant avec les mots, en défendant une chose et son contraire !

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout !

M. Christian Cointat. Vous le faites d’ailleurs avec talent, mais, pour notre part, nous préférons rester sérieux et ne pas voter cet amendement.

M. Jean-Pierre Sueur. La loi n’est pas affaire de circonstances !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il me paraît paradoxal de vouloir à tout prix limiter les possibilités de recours pour les justiciables.

Vous nous avez dit, monsieur Sueur, avoir lu le rapport de M. Portelli.

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, avec attention !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n’ignorez donc pas que la disposition en question s’inspire directement de la jurisprudence du Conseil d’État sur les règlements légaux à l’origine mais devenus illégaux en raison d’un changement de circonstances de droit ou de fait.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ou de fait, mon cher collègue ! Un certain nombre d’exemples ont déjà été cités à cet égard. Un autre concerne l’égalité professionnelle, dont l’introduction dans la Constitution lors de la révision de 2008 peut rendre certaines dispositions législatives antérieures illégales.

M. Jean-Pierre Sueur. Une modification constitutionnelle est un changement de circonstances de droit, et non de fait !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse, Mézard et Alfonsi et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 14

supprimer les mots :

d'une part

et remplacer les mots :

et d'autre part

par le mot :

ou

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je vous prie de considérer, mes chers collègues, qu’un brusque changement de circonstances s’est produit, ce qui vous permettra de voter cet amendement… (Sourires.)

Le Conseil constitutionnel a rappelé à plusieurs reprises, depuis 1975, qu’il n’était compétent qu’en ce qui concerne la conformité à la Constitution, la conformité aux traités et accords internationaux ne relevant pas de son champ d’intervention. Or la rédaction proposée pour l’alinéa visé pourrait conduire à penser que la loi organique étend la compétence du Conseil constitutionnel en méconnaissant les limites de ses attributions. Il convient donc de la modifier pour clairement préciser qu’il s’agit des droits et libertés garantis par la Constitution ou par un engagement international souscrit par la France et faisant partie du bloc de constitutionnalité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Cet amendement procède d’un contresens sur le texte, qui traite non du Conseil constitutionnel, mais de la juridiction saisie.

Un justiciable peut saisir une juridiction, administrative ou ordinaire, sur deux moyens : les droits et libertés garantis par la Constitution, d’une part, les droits et libertés garantis par les conventions, d’autre part. Dans le cas où un justiciable soulève ces deux moyens, le juge doit d’abord, « en tout état de cause », se prononcer sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Le contrôle de constitutionnalité est donc prioritaire.

En conclusion, la commission émet bien entendu un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 14

Remplacer le mot :

premier

par le mot :

priorité

II. - En conséquence, alinéa 25

Procéder au même remplacement.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Il est vrai que l’expression « en premier » n’est guère élégante, mais les mots « en priorité » ne sont pas exacts sur le plan juridique. Nous proposons donc à M. Mézard de rectifier son amendement afin qu’il tende à remplacer les mots « en premier » par les mots « par priorité », juridiquement plus appropriés. S’il acceptait cette rectification, la commission émettrait un avis favorable.

M. le président. Monsieur Mézard, acceptez-vous la suggestion de la commission ?

M. Jacques Mézard. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, et ainsi libellé :

I. - Alinéa 14

Remplacer le mot :

en premier

par le mot :

par priorité

II. - En conséquence, alinéa 25

Procéder au même remplacement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Je voudrais saluer l’ouverture d’esprit de M. le rapporteur : pour la première fois depuis le début de l’examen de ce texte, nous avons l’immense satisfaction de voir un amendement recueillir un avis favorable. Il convient d’apprécier toute l’importance de cet instant ! J’ai en effet cru un temps que ce débat n’allait servir à rien, puisque tous les amendements présentés étaient systématiquement rejetés, après s’être vu opposer des arguments discutables par M. le rapporteur et avoir donné lieu à de fort longs commentaires du Gouvernement…

Je salue donc cet heureux moment, qui rend au travail parlementaire toute sa valeur.

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. J’irai dans le même sens que M. Frimat qui, pour être l’un des auteurs de notre nouveau règlement, sait parfaitement que nous ne sommes plus dans la même situation qu’auparavant : les textes étant désormais adoptés d’abord en commission, tous les amendements que nous examinons en séance publique ont déjà été refusés par cette dernière. Il est donc tout à fait logique qu’ils recueillent de nouveau un avis défavorable, sauf s’ils permettent une amélioration du texte à la marge, comme c’est le cas ici.

Cela s’inscrit dans la logique du nouveau règlement du Sénat, tel qu’il a été rédigé et adopté par nous tous, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. La logique serait, à l’inverse de ce que dit M. Gélard, de régler les détails en commission et de réserver les débats de fond, s’il en reste, à la séance publique.

M. Patrice Gélard. Non, ce n’est pas l’esprit du texte que nous avons adopté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si la juridiction ne s'est pas prononcée à l'issue d'un délai de deux mois à compter de la présentation du moyen, toute partie à l'instance peut demander, dans le délai d'un mois, au Parlement ou à ses commissions compétentes d'interpréter la disposition législative dans les conditions prévues par l'article 12 de la loi des 16 et 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire. L'interprétation ainsi donnée s'impose tant que le Conseil constitutionnel n'a pas statué ou que la disposition législative n'a pas été modifiée. La décision du Parlement ou de ses commissions compétentes est notifiée aux parties, au Conseil d'État ou à la Cour de cassation, et aux membres du Conseil constitutionnel.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il serait difficile d'accepter que le Conseil d'État ou la Cour de cassation puissent s'enfermer dans un silence prolongé, constituant un déni de justice et une violation des droits définis par l'article 61-1 de la Constitution.

Si l'on peut admettre qu’il n’est pas souhaitable d’imposer aux juridictions suprêmes des délais trop stricts, l'action engagée par les parties concernées doit néanmoins absolument aboutir à une décision.

Notre éminent collègue Michel Charasse a eu l’idée lumineuse de se référer à la loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, dont l'article 12, toujours en vigueur, confère au Parlement un pouvoir d'interprétation de la loi. Nous proposons ainsi que le Parlement ou ses commissions compétentes puisse être saisi, à l’expiration du délai visé, afin de statuer sur l'interprétation de la loi, cette interprétation restant valable tant que le Conseil constitutionnel ne s'est pas prononcé ou que le Parlement n'a pas décidé de modifier la disposition législative en cause.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. L’insertion de cet amendement après l’alinéa qui traite des juridictions inférieures pose problème : comment pourrait-on demander au Parlement d’interpréter un texte qui fait l’objet d’une procédure juridictionnelle ? C’est une première hérésie du point de vue du principe de la séparation des pouvoirs.

De plus, il est proposé que le Parlement puisse intervenir alors que la procédure se déroule dans les juridictions inférieures, avant transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d’État ou à la Cour de cassation : c’est une seconde hérésie.

Par conséquent, monsieur Mézard, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 5 rectifié, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L’adoption de cet amendement amènerait le Parlement à intervenir dans une instance en cours en donnant une interprétation de la disposition législative contestée. Or il n’est ni possible ni souhaitable, à mon sens, que le législateur se prononce à l’occasion d’un litige individuel. Monsieur le sénateur, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié est retiré.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Après les mots :

peut statuer

insérer le mot :

provisoirement

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je retire cet amendement, monsieur le président, ainsi que les trois amendements suivants.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse et Mézard, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« En tout état de cause, le Conseil d'État ou la Cour de cassation doivent, lorsqu'il sont saisis de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution ou aux engagements internationaux de la France,…

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Charasse et Alfonsi, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Remplacer les mots :

doit, lorsqu'il est saisi

par les mots :

doivent, lorsqu'ils sont saisis

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Charasse et Alfonsi, Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 27, dernière phrase

Remplacer les mots :

est tenu

par les mots :

sont tenus

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 18, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 30, 31 et 32

supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Plus le temps passe, plus je me dis que j’ai eu raison de ne pas voter la révision constitutionnelle, qui aboutit à interdire au juge de soulever la question de constitutionnalité et empêche en outre de poser dans la loi constitutionnelle le problème de possibles conflits d’intérêts, mais dont un texte d’application règle en revanche dans le détail la procédure par laquelle la Cour de cassation doit se prononcer si elle est saisie.

En réalité, il ne s’agit pas, pour la Cour de cassation, de se prononcer sur le fond, sur la constitutionnalité de la disposition législative visée : il appartient au Conseil constitutionnel de le faire ; il s’agit simplement de jouer un rôle de filtre – filtre que, pour ma part, je trouve un peu épais… Comme l’a dit tout à l’heure M. Cointat, faisons confiance au juge pour décider s’il faut ou non transmettre la requête au Conseil constitutionnel. Nous aurions tout intérêt à alléger le texte en supprimant les alinéas 30, 31 et 32.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. S’il est interdit par la Constitution d’introduire des dispositions qui relèvent de la loi organique dans une loi ordinaire, l’inverse n’est nullement vrai. Les dispositions dont nos collègues demandent la suppression ne sont donc pas contraires à la Constitution et sont au cœur même du dispositif visé par l’article 61–1.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La création de la formation spéciale visée au trentième alinéa de l’article est souhaitée par la Cour de cassation pour assurer un examen rapide des questions de constitutionnalité et pour éviter des divergences de jurisprudence entre les chambres. On ne peut qu’y souscrire.

Cette organisation fonctionne d’ailleurs aujourd’hui de façon très satisfaisante dans le cas, par exemple, des saisines pour avis de la Cour de cassation, où l’avis est rendu par une formation spéciale prévue par le code de l’organisation judiciaire.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je n’ai jamais dit que les alinéas en question étaient anticonstitutionnels ; j’ai simplement soutenu qu’ils étaient parfaitement superfétatoires. Il revient à la Cour de cassation de s’organiser, non pas, je le redis, pour examiner dans de bonnes conditions la requête au fond, avec toutes les précautions que cela suppose, mais pour décider si elle transmet ou non cette dernière au Conseil constitutionnel. La suppression de ces alinéas apporterait une clarification.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi organique doit fixer les conditions dans lesquelles sont examinées les requêtes. Dans cette perspective, les alinéas visés ne me semblent pas superfétatoires.

Monsieur Collombat, vous avez indiqué que vous vous étiez opposé à la révision de la Constitution, mais je ne pense pas que vous étiez défavorable à l’article 61-1.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous vos collègues ont dit qu’il s’agissait d’une bonne réforme !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes donc contre ?

M. Pierre-Yves Collombat. Vous le saurez à la fin des débats !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est intéressant !

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je comprends parfaitement la position de M. le rapporteur, mais j’avoue être embarrassé par la disposition en question, car la volonté du constituant n’était pas, à mon sens, d’organiser les travaux de la Cour de cassation. Dans ces conditions, je m’abstiendrai sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Je voudrais, à la suite de M. Cointat, souligner que nous ne sommes vraiment pas ici au niveau de la loi organique : les alinéas en cause descendent dans le détail d’une façon étonnante.

L’alinéa 30 semble marquer une certaine solennité : « L’arrêt de la Cour de cassation est rendu par une formation présidée par le premier président et composée des présidents des chambres et de deux conseillers appartenant à chaque chambre. »

À l’alinéa 31, les choses commencent à se dégrader : « Toutefois, le premier président peut, si la solution lui paraît s’imposer, renvoyer la question devant une formation présidée par lui-même et composée du président de la chambre spécialement concernée et d’un conseiller de cette chambre. »

Enfin, l’alinéa 32 procède à une sorte de délégation générale : « Pour l’application des deux précédents alinéas, le premier président peut être suppléé par un délégué qu’il désigne parmi les présidents de chambre de la Cour de cassation. Les présidents des chambres peuvent être suppléés par des délégués, qu’ils désignent parmi les conseillers de la chambre. »

Pensez-vous vraiment nécessaire d’inscrire dans la loi organique les différents niveaux de délégation au sein de la Cour de cassation ? Laissons-la s’organiser : les tendances spontanéistes et révolutionnaires de cette juridiction ne sont guère à redouter… (Sourires.)

En supprimant les alinéas précités, on conférerait à ce texte un peu plus de solennité. C’est d’ailleurs l’opinion profonde et intime de M. Portelli, même s’il dit le contraire…

M. Hugues Portelli, rapporteur. C’est fou ce que l’on me fait dire !

M. Bernard Frimat. Les contraintes de la fonction de rapporteur sont telles qu’il faut quelquefois sacrifier sa liberté d’expression.

Supprimer les alinéas en question ne porterait nullement atteinte au fond du texte qui nous est présenté. C’est simplement une question de niveau : la loi organique doit-elle prévoir la désignation de délégués par les présidents de chambre de la Cour de cassation ? Pour ma part, je ne le pense pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 23-8. - Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat sont avisés par le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, et peuvent présenter des observations. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 21, 20 et 22.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 37, première et deuxième phrases

Supprimer ces phrases.

II. - Alinéa 37, dernière phrase

Supprimer le mot :

également

L'amendement n° 22, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Après le mot :

République

rédiger ainsi la fin de l'alinéa :

, le Premier ministre et les Présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, lesquels informent les membres de leur assemblée respective. Les autorités sus nommées peuvent adresser au Conseil constitutionnel leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui leur est soumise. Le même droit est ouvert à soixante députés ou soixante sénateurs.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Sueur. Ces trois amendements relèvent d’une logique commune. Les amendements nos 21 et 20 sont, en quelque sorte, des amendements préjudiciels, qui visent à vous convaincre, mes chers collègues, du bien-fondé de l’amendement n° 22.

Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale est particulièrement bizarre. Il prévoit que le Conseil constitutionnel, une fois saisi soit par la Cour de cassation, soit par le Conseil d’État, avisera immédiatement le Président de la République et le Premier ministre, qui pourront lui adresser leurs observations sur la question de constitutionnalité soulevée. Le texte précise ensuite que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat seront également avisés par le Conseil constitutionnel, en quelque sorte à titre subsidiaire et sans pouvoir, quant à eux, formuler d’observations.

Or il s’agit de se prononcer sur une loi, toujours votée par le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement ou de parlementaires. Admettons que le Président de la République et le Premier ministre soient avisés par le Conseil constitutionnel, mais il faudrait pour le moins que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat soient placés sur le même plan que le pouvoir exécutif, afin notamment qu’ils puissent eux aussi formuler un avis. Nous serions honorés que MM. Larcher et Accoyer puissent exprimer leur point de vue !

Mes chers collègues, cette rédaction n’est pas digne du rôle dévolu au Parlement par la Constitution. Nous ne pouvons donc pas l’accepter.

Par ailleurs, la saisine du Conseil constitutionnel émane, depuis 1974, de soixante députés ou de soixante sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement !

M. Jean-Pierre Sueur. Par symétrie, nous proposons donc que le même nombre de députés ou de sénateurs puissent exprimer leur avis sur la question de constitutionnalité soulevée à propos d’une loi qui aura été nécessairement adoptée par le Parlement.

Monsieur le secrétaire d'État, je connais les objections qui ont été opposées à cette proposition par Mme le garde des sceaux à l’Assemblée nationale. Il a été affirmé aux députés qu’une telle mesure était inutile, parce qu’ils pouvaient s’adresser par lettre au Conseil constitutionnel. En effet, tout le monde a la possibilité d’écrire à cette haute juridiction ; on peut même lui envoyer des cartes postales : cela fera travailler La Poste ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Néanmoins, on voit bien que cette réponse est quelque peu dilatoire. Inscrire dans la loi organique que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat informeront les membres de leur assemblée respective et que soixante députés ou soixante sénateurs pourront présenter leurs observations au Conseil constitutionnel n’est pas anodin au regard des droits du Parlement. Nous ne doutons pas que le Conseil constitutionnel accordera une toute particulière importance aux remarques qu’ils formuleront.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Portelli, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 37

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 23-8.- Le Conseil constitutionnel, saisi en application des dispositions du présent chapitre, avise immédiatement le Président de la République, le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ceux-ci peuvent adresser au Conseil leurs observations sur la question prioritaire de constitutionnalité qui lui est soumise. 

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 24 et donner l’avis de la commission sur les amendements nos 21, 20 et 22.

M. Hugues Portelli, rapporteur. L’amendement n° 24 vise à rétablir le texte initial du Gouvernement, aux termes duquel le Conseil constitutionnel avise les quatre autorités qui sont informées dans le cadre de la saisine actuellement en vigueur.

Les remarques formulées par M. Sueur nous semblent justifiées. Par ailleurs, nous estimons que l’on ne peut écarter le Premier ministre et le Président de la République, qui participent eux aussi, directement ou indirectement, à la procédure législative, que ce soit à travers l’initiative des lois, leur promulgation ou la demande éventuelle d’une seconde délibération d’un texte de loi. Il est donc normal que ces quatre autorités, toutes actrices du processus législatif, soient avisées par le Conseil constitutionnel et puissent formuler des observations.

Si cette proposition de la commission était adoptée, les autres amendements en discussion commune n’auraient plus d’objet. En ce qui concerne l’amendement n° 22, qui prévoit notamment d’ouvrir le droit à soixante députés ou sénateurs d’adresser leurs observations au Conseil constitutionnel, je souligne que tout parlementaire a cette faculté : il est inutile d’être soixante ou davantage pour prendre une telle initiative. Inscrire une telle disposition dans la loi organique n’est donc pas nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Bien entendu, je ne vois pas comment le Gouvernement pourrait s’opposer à l’amendement n° 24, qui vise à rétablir son texte initial !

J’ajoute que cette rédaction n’interdit pas aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, s’ils le souhaitent, de recueillir en outre les observations des membres de leur assemblée, selon des modalités qui relèvent du règlement de celle-ci.

En ce qui concerne la possibilité, pour soixante députés ou sénateurs, d’adresser leurs observations au Conseil constitutionnel, je fais mienne l’argumentation de M. le rapporteur.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement n° 24 et défavorable aux amendements nos 21, 20 et 22.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 20 et 22 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 39

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art.... - Un membre du Conseil constitutionnel siégeant au titre du deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution peut décider de ne pas participer aux délibérations dans lesquelles est en cause une disposition législative promulguée par lui au titre du premier alinéa de l'article 10 de la Constitution.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 9 rectifié est retiré.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard et Charasse et Mmes Escoffier et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 44

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement est lui aussi retiré, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par MM. Sueur, Collombat, Frimat et Michel, Mmes Klès, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions des articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale sont applicables lorsque le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu'il y ait eu sursis à statuer  et a rendu sa décision  sur le fondement d'un texte abrogé par le Conseil constitutionnel.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Comme je l’ai exposé lors de la discussion générale, le projet de loi organique n’a pas prévu d’introduire dans le code de procédure pénale un mécanisme spécifique de révision permettant de tirer les conséquences de la décision d’abrogation par le Conseil constitutionnel pour l’instance ayant donné lieu à la saisine de ce dernier, lorsque les voies de recours ordinaires et le pourvoi en cassation ne peuvent plus être exercés.

Il existe donc un vide juridique, qu’il nous paraît essentiel de combler, d’autant que les hypothèses visées concerneront, notamment au pénal, des questions touchant aux libertés individuelles, particulièrement lorsqu’une détention est en jeu.

En outre, l’absence d’une telle disposition inciterait les parties à soulever prioritairement la question de conventionalité, ce qui pourrait avoir pour conséquence de vider les dispositions de l’article 61-1 de la Constitution de leur intérêt.

Afin de combler ce vide juridique, la procédure applicable au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme devrait pouvoir s’appliquer également, nous semble-t-il, quand le juge a saisi le Conseil constitutionnel sans qu’il y ait sursis à statuer et rendu une décision sur le fondement du texte abrogé par la haute juridiction.

Dans un tel cas de figure, si cet amendement était adopté, le dispositif prévu aux articles 626-1 à 626-7 du code de procédure pénale s’appliquerait de la même manière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. Monsieur Sueur, la question que vous soulevez est intéressante et importante. Malheureusement, le dispositif que vous proposez est inapplicable en l’occurrence.

En effet, l’article du code de procédure pénale auquel vous faites référence concerne les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme. Or les décisions de cette juridiction ont pour caractéristique principale de s’appliquer à un litige en particulier et de ne produire des effets que pour ce dernier, même si, bien entendu, la Cour de cassation peut être conduite à s’inspirer, dans sa jurisprudence, des principes dégagés par la Cour européenne de Strasbourg, pour les appliquer à d’autres affaires.

Les articles du code de procédure pénale que vous citez, mon cher collègue, ne visent que cette situation. Or l’abrogation par le Conseil constitutionnel d’une disposition législative constitue un autre cas de figure, car son effet est définitif : la loi en cause a cessé d’exister, alors que, dans le cas d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme, elle existe toujours !

Le code de procédure pénale vise donc à répondre au problème posé par une loi qui existe toujours mais dont la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré qu’elle ne s’appliquait pas au litige pour lequel la juridiction a été saisie. Il s'agit de deux cas de figure juridiques totalement différents, et la procédure prévue pour l’un ne peut être transposée à l’autre.

Indépendamment de l’intérêt de la question que vous soulevez, mon cher collègue, la réponse que vous fournissez est inapplicable dans le cadre du texte de loi organique dont nous discutons ce soir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. On ne saurait mieux dire ! Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur, je ne voterai pas cet amendement. J’en suis désolé pour MM. Sueur et Collombat, mais les arguments qui lui ont été opposés sont imparables.

Cela dit, la question soulevée méritait de l’être.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle existe !

M. Christian Cointat. En effet, monsieur Sueur.

Certes, la Constitution comporte tout de même un certain nombre de garde-fous, puisque le Conseil constitutionnel se voit confier une mission claire. Toutefois, j’aurais préféré, je ne le cache pas, que la loi organique prévoie un dispositif garantissant une clarté totale et une complète sécurité juridique en cas d’invalidation d’une disposition législative ayant déjà produit des effets.

Cela étant, puisque la loi organique reste muette sur ce point, il appartiendra au Conseil constitutionnel de préciser clairement, pour chacune de ses décisions, comment sera assurée la sécurité juridique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est déjà prévu dans la Constitution !

M. Christian Cointat. Je le sais, monsieur le président de la commission, mais j’aurais préféré qu’on précise ce point dans la loi organique, même si nous pouvons faire confiance au Conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais cela figure déjà à l’article 62 de la Constitution ! Voulez-vous que je relise cet article ? Nous n’allons pas le répéter dans la loi organique !

M. Christian Cointat. Je le répète, j’aurais apprécié qu’une telle disposition figure également dans la loi organique ; néanmoins, puisque tel n’est pas le cas, nous ferons confiance au Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’article 62 de la Constitution dispose qu’« une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision […] ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. »

Monsieur Cointat, estimez-vous que ce texte n’est pas assez précis et qu’il doit être répété dans la loi organique ? La Constitution est sur ce point tout à fait explicite, me semble-t-il. La question judicieusement posée par M. Sueur trouve sa réponse dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais pourquoi voulez-vous inscrire une telle disposition dans la loi organique si la Constitution prévoit explicitement ce que doit faire le Conseil constitutionnel quand il abroge une disposition déclarée contraire à la loi fondamentale ? Franchement, c’est chercher midi à quatorze heures !

M. Christian Cointat. Non, la loi organique pourrait préciser le dispositif. Certes, la Constitution prévoit des garde-fous, mais la loi organique pourrait être plus explicite.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Cointat, excusez-moi, mais l’article 62 de la Constitution est parfaitement explicite ! Si vous ne parvenez pas à comprendre cela, je renonce ! Il est inutile d’en rajouter : le Conseil constitutionnel n’aura qu’à se reporter à la Constitution. La loi organique est l’application de la Constitution.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. En cas d’abrogation par le Conseil constitutionnel, la loi sera certes déclarée nulle et non avenue, mais les jugements qui auront été rendus sur son fondement existeront toujours !

M. Hugues Portelli, rapporteur. Bien sûr !

M. Pierre-Yves Collombat. Dès lors, nous pourrions peut-être nous préoccuper du sort des gens qui auront été jugés en fonction d’une loi déclarée inconstitutionnelle !

Tout à l'heure, nous avons longuement discuté des délais dans lesquels les juridictions devraient se prononcer, du rôle du Premier président de la Cour de cassation ou de ses délégués, en entrant dans les détails de dispositions totalement anodines, et maintenant on se contente de renvoyer à la Constitution le traitement d’un problème d’une réelle importance ! Que faisons-nous ici ce soir, dans ces conditions ?

Mes chers collègues, il s'agit tout de même d’un point important, puisque l’intérêt de cette réforme, si elle en a un, c’est précisément de permettre de rapporter des jugements rendus sur le fondement de lois inconstitutionnelles. Il n’est peut-être pas totalement inutile de savoir comment procéder !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme je l’ai souligné au cours de la discussion générale, aux termes de l’article 62 de la Constitution, le Conseil constitutionnel précisera au cas par cas les conséquences de ses décisions. Ces conséquences pourront être variables, ce qui suscitera une certaine insécurité juridique, c’est le moins que l’on puisse dire !

Ce problème a d'ailleurs été soulevé par le professeur Dominique Rousseau : le Conseil constitutionnel, s’il va jusqu’au bout de cette logique, pourra décider que sa décision ne s’appliquera pas aux personnes qui l’auront saisi. Un véritable problème se pose, et il conviendrait de tenter de trouver une solution, même si ce n’est pas facile. En tout état de cause, la réponse qui nous a été donnée n’est pas convaincante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Au-delà des arguments invoqués, il reste une réalité : dès lors que le Conseil constitutionnel a déclaré une loi inconstitutionnelle, celle-ci est abrogée et n’existe plus. Le Parlement peut alors à nouveau légiférer.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour autant, qu’advient-il des justiciables à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel ? À cette question, vous n’apportez pas de réponse.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est dans la Constitution ! Relisez l'article 62 !

M. Jean-Pierre Sueur. Quid des jugements prononcés sur le fondement de la loi abrogée ? Sur ce point, il existe un vide juridique. Nous avons proposé une issue,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle est mauvaise !

M. Jean-Pierre Sueur. … consistant à reprendre les dispositions du code de procédure pénale relatives au réexamen d’une décision pénale consécutif au prononcé d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Sueur. Néanmoins, le code de procédure pénale prévoit bien une solution dans le cas que je viens d’évoquer. Celle que nous formulons ne vous paraît pas appropriée, monsieur Hyest : dont acte, mais vous n’en proposez pas d’autre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle est dans la Constitution !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous entends, mais je n’y ai rien lu concernant le sort du justiciable qui aura été à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
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Article 2 bis

Article 2

I (Non modifié). – Après le chapitre Ier du titre VII du livre VII du code de justice administrative, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« Chapitre Ier bis

« La question prioritaire de constitutionnalité

« Art. L.O. 771-1. – La transmission par une juridiction administrative d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’État obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

« Art. L.O. 771-2. – Le renvoi par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par les articles 23-4, 23-5 et 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée. »

II (Non modifié). – Le livre IV du code de l’organisation judiciaire est complété par un titre VI ainsi rédigé :

« Titre VI

« Question prioritaire de constitutionnalité

« Art. L.O. 461-1. – La transmission par une juridiction de l’ordre judiciaire d’une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

« Art. L.O. 461-2. – Le renvoi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel obéit aux règles définies par les articles 23-4 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée. »

III (Non modifié). – Le titre Ier bis du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Titre Ier BIS

« De la question prioritaire de constitutionnalité

« Art. L.O. 630. – Les conditions dans lesquelles le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé dans une instance pénale, ainsi que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut être saisi par la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité, obéissent aux règles définies par les articles 23-1 à 23-7 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »

IV (nouveau). – Après l’article L. 142-1 du code des juridictions financières, il est inséré un article L.O. 142-2 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 142-2. – I. – La transmission au Conseil d’État, par une juridiction régie par le présent code, d’une question prioritaire de constitutionnalité obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

« II. – Devant une juridiction financière, l’affaire est communiquée au ministère public dès que le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé afin qu’il puisse faire connaître son avis ».  – (Adopté.)

Article 2
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[Non modifié]

Article 2 bis 

Article 2 bis
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Article 3

[Non modifié]

Après le premier alinéa de l’article 107 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions d’une loi du pays peuvent faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-11 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. »  – (Adopté.)

[Non modifié]
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[Non modifié]

Article 3

Article 3
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Article 4

[Non modifié]

Les modalités d’application de la présente loi organique sont fixées dans les conditions prévues par les articles 55 et 56 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. À l’article 56 de la même ordonnance, après les mots : « les règles de procédure », sont insérés les mots : « applicables devant lui ».  – (Adopté.)

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Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution
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Article 4

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

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La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa promulgation – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai très bref, m’étant déjà amplement exprimé lors de la discussion générale et au cours de l’examen des amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là pour cela, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes là pour faire la loi !

M. Jean-Pierre Sueur. Si nous ne pouvons plus nous exprimer et faire ainsi vivre la démocratie, à quoi sert le Parlement ?

Je le répète, nous voterons ce texte, car nous considérons qu’il ouvre à l’ensemble des citoyens de la République française un droit important, qui n’existait pas auparavant.

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, ayant annoncé cela d’emblée au nom de mon groupe, je pensais que vous accorderiez davantage d’attention à certains de nos amendements que vous ne l’avez fait. Notre engagement sur cette question est ancien – il n’est qu’à rappeler l’action de Robert Badinter et de différents gouvernements, voilà bien des années maintenant –, et nous ne changeons pas d’avis. Par ailleurs, nous avons évoqué un certain nombre de problèmes tout à fait réels.

Compte tenu de l’esprit résolument positif dont nous avons fait preuve, nous aurions pu espérer que vous accepteriez certains de nos amendements. Or aucun n’a trouvé grâce à vos yeux.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un amendement excellent !

M. Jean-Pierre Sueur. Soit, mais c’est dérisoire !

M. Christian Cointat. C’est beaucoup quand on n’a rien ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agissait d’un amendement grammatical, tout à fait justifié, mais vous avez refusé toute avancée sur le fond. Or nous pensons – et nous ne sommes pas les seuls – que des problèmes subsistent. Nous regrettons donc que votre état d’esprit n’ait pas été au diapason du nôtre.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

M. François Zocchetto. Nous avons réalisé un travail d’orfèvre pour ciseler le plus beau texte possible : cela est bien normal, car ce projet de loi organique marque une évolution très importante dans le fonctionnement de nos institutions. Certes, l’essentiel avait été fait avec l’adoption de la révision constitutionnelle, mais encore fallait-il définir les modalités d'application de celle-ci.

Les oppositions apparues ce soir m’ont semblé quelque peu factices, dans la mesure où nous sommes tous d’accord sur le fond : il était très important, dans le système de la Ve République, de permettre à un justiciable de saisir le Conseil constitutionnel.

À l’issue de nos travaux, nous parvenons à un texte satisfaisant. Chacun d’entre nous est impatient de voir quels seront ses effets dans la pratique. Pour ma part, j’ai confiance dans la qualité du texte que nous avons élaboré. Le groupe de l’Union centriste le votera.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les citoyens ne pouvaient pas contester la constitutionnalité d’un texte lors d’une instance en cours devant une juridiction. La loi, expression de la souveraineté du peuple, ne pouvait pas être remise en cause dès lors qu’elle avait été promulguée. Grâce à l’introduction de l’article 61-1 dans la Constitution, cela est désormais possible.

Ce projet de loi organique constitue une avancée historique ; il marque un réel progrès dans l’approfondissement de l’État de droit et dans la pratique démocratique au quotidien. En effet, la question de constitutionnalité permettra pour la première fois au justiciable de soutenir qu’une disposition législative qu’on veut lui appliquer, quelle qu’elle soit, porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. La vocation première de notre bloc de constitutionnalité, à savoir protéger les libertés et les droits fondamentaux des citoyens, est ainsi consacrée.

Je tiens à saluer, au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, le travail de grande qualité de notre rapporteur, M. Hugues Portelli. Sur son initiative, la procédure a été confortée sur deux points.

Tout d’abord, a été supprimée l’obligation, pour les premiers juges saisis de l’inconstitutionnalité d’une disposition législative, de statuer dans un délai de deux mois à l’issue duquel, à défaut de réponse de leur part, le justiciable pourrait saisir directement le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Comme l’a indiqué à juste titre M. le rapporteur, les juges auraient pu être tentés de laisser courir ce délai, au risque d’entraîner un engorgement des cours suprêmes et un ralentissement des procédures, à rebours de l’objectif visé.

Ensuite, les décisions des juridictions concernant la transmission, par les juges du fond, de la question de constitutionnalité aux cours suprêmes et le renvoi de la question de celles-ci au Conseil constitutionnel devront être motivées. Il est en effet indispensable que les parties puissent être complètement éclairées sur l’application par le juge des critères de recevabilité fixés par le législateur organique.

Ces améliorations introduites par la commission des lois permettront incontestablement de mieux assurer l’application effective du dispositif.

Le groupe UMP votera sans réserve ce projet de loi organique ambitieux, qui vise à donner réalité à la protection des droits et des libertés garantis par la loi fondamentale de notre pays. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je m’étonne, une fois de plus, que la question de la composition du Conseil constitutionnel ne semble préoccuper personne dans les rangs de la majorité… Apparemment, aux yeux de nos collègues, par une sorte de déterminisme à l’envers, quand on devient membre du Conseil constitutionnel, on devient forcément impartial.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, le Conseil constitutionnel a déjà fait montre, en diverses circonstances où il avait été saisi par soixante députés ou sénateurs, d’une certaine frilosité quand il s’est agi de garantir le respect des droits et libertés, ce qui est cependant sa vocation : je pense par exemple aux récentes lois pénales.

Nous ne pourrons éluder longtemps la question de la composition du Conseil constitutionnel et du mode de désignation de ses membres, certains l’étant de droit à vie. Ouvrir aux citoyens un droit à contester la constitutionnalité d’une loi est évidemment positif, mais ne suffit pas pour que nous puissions nous considérer comme quittes ! C’est pourquoi le groupe CRC-SPG s’abstiendra.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai écouté tout à l'heure M. Badinter rappeler ses efforts pour convaincre François Mitterrand d’accepter une initiative allant dans le sens du texte que nous examinons aujourd'hui.

J’étais à l’époque un militant du RPR et je combattais, dans le sens noble du terme s’entend, François Mitterrand. Pourtant je n’ai pas hésité un instant à me désolidariser de mes amis pour annoncer que je soutiendrais son action dans ce domaine, parce que le droit est l’une des valeurs les plus fondamentales qui soit. La protection des citoyens, dans une société bien organisée, mérite d’être soutenue avec courage, sinon il n’y a pas véritablement de droit.

Le dispositif en vigueur jusqu’à présent, en dépit de l’amélioration qu’a constituée la possibilité de saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs, reposait sur ce principe bien connu en droit selon lequel la faute n’existe que lorsqu’elle est constatée, ce qui conduit à faire en sorte qu’elle ne puisse jamais l’être… Désormais, tout citoyen pourra la faire constater. L’adoption du présent projet de loi représentera donc un grand pas en avant.

Je voterai bien entendu ce texte avec mon groupe, plus que par conviction : avec une grande joie, car, en cette soirée qui fera date, nous aurons fait progresser le droit. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l’adoption 316

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur et le président de la commission des lois, ainsi qu’à remercier le Sénat d’avoir permis une avancée historique en votant ce texte, sans aucune opposition.

Tout à l’heure, M. Badinter se projetait dans vingt ans, mais je suis persuadé que, dans seulement cinq ou dix ans, il paraîtra inimaginable que la possibilité de mettre en question a posteriori la constitutionnalité d’une loi n’ait pas toujours existé. Nous sous-estimons encore, au terme de ce débat, le caractère historique de cette avancée ainsi que les effets concrets et positifs qu’elle aura dans la vie de nos concitoyens et leur rapport aux institutions. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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14

Renvoi pour avis

M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne (n° 29, 2009-2010), dont la commission des finances est saisie au fond est envoyé pour avis, à leur demande, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

15

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 14 octobre 2009, à quatorze heures trente et, éventuellement, le soir :

1. Désignation des membres de la mission commune d’information sur le traitement des déchets.

2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (n° 505 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Marcel-Pierre Cléach, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 18, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 19, 2009-2010).

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie (n° 7, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour le Sénat.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 octobre 2009, à zéro heure trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD