M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l’article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental
Article unique (Texte non modifié par la commission) (fin)

Article unique

(Texte non modifié)

Par dérogation au premier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, la durée du mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental est prorogée jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois suivant la promulgation de la loi organique modifiant la composition du conseil pour l'application de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République et, au plus tard, jusqu'au 30 septembre 2010.

M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP tient à féliciter le rapporteur et à se réjouir du consensus qui s’est fait jour. Il lui paraît sage de s’accorder le temps de réussir cette réforme importante, qui marquera une évolution profonde du Conseil économique, social et désormais environnemental.

Le CESE devra s’adapter aux changements : le développement durable, le souci de parité, l’évolution du monde social et économique. Il faudra trouver la formule idéale pour qu’il puisse le faire à moyens constants, moyens financiers, bien sûr, mais aussi nombre des membres du Conseil. Or s’il est très facile, en paroles, de modifier la composition d’une assemblée, concilier les divers objectifs sans augmenter le nombre de sièges peut s’avérer un exercice difficile, voire périlleux.

Dès lors, que le Gouvernement prenne un peu de temps pour mettre en place cette réforme, quoi de moins étonnant ? Il a retenu la solution de sagesse, car il aurait sans doute été délicat de renouveler le Conseil pour une courte durée. Nous approuvons la solution retenue.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Richard Yung a proposé, tout à l’heure, que les représentants des Français de l’étranger au sein du CESE soient désignés par les associations.

Je m’expliquerai plus longuement sur ce point lorsque nous examinerons le futur projet de loi organique, mais je voudrais dès aujourd’hui préciser que, si j’apprécie le consensus qui s’est dessiné aujourd’hui dans l’hémicycle, je m’opposerai à cette proposition. Les Français de l’étranger élisent au suffrage universel direct une assemblée, dans laquelle siègent aussi leurs sénateurs et bientôt leurs députés. Il me semble que c’est plutôt à elle que ce rôle devra revenir.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 200 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 338

Le Sénat a adopté à l’unanimité des suffrages exprimés. (Applaudissements.)

Article unique (Texte non modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental
 

6

Nomination de membres d’organismes parlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé des candidatures pour trois organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Thierry Repentin pour siéger au sein du Conseil national de l’habitat en qualité de suppléant ;

- M. Dominique Braye pour siéger au sein de la Commission du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés ;

- Mme Odette Herviaux pour siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique
Discussion générale (suite)

Lutte contre la fracture numérique

Discussion d'une proposition de loi

(Texte de la commission)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique
Articles additionnels avant l’article 1er A (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique (nos  394, 559 et 560).

Dans la discussion générale, la parole est M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi.

M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier le Gouvernement d’avoir accepté d’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat le très important dossier de l’aménagement numérique de notre territoire national.

Parmi les divers défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, le déploiement des moyens d’accès à l’internet à très haut débit figure en bonne place. Nombreux sont ceux qui y voient l’un des principaux piliers de l’après-crise, tant les effets de son déploiement seront profonds, multiples, dans pratiquement tous les domaines.

Le développement du très haut débit va, en effet, amener de profonds bouleversements dans la façon de s’informer, de se former, de travailler, de communiquer.

Il en sera ainsi avec la visioconférence et le télétravail, évitant des transports de personnes coûteux en temps et en énergie. Je rappelle que le télétravail concerne déjà 40 % des salariés au Japon, mais seulement 10 % en France.

Il en ira de même pour l’enseignement, le très haut débit offrant la capacité inédite de se relier au monde, dans des conditions d’ergonomie et de rapidité inégalées, mettant à disposition de nouveaux tableaux numériques interactifs.

L’accès au très haut débit touchera également le domaine de la santé, avec la possibilité d’interventions chirurgicales à distance.

L’accès aux services publics, à l’audiovisuel, à la domotique en sera métamorphosé, contribuant de manière décisive au désenclavement des territoires. La puissance et la rapidité des travaux scientifiques et d’ingénierie seront accrues de manière fantastique.

Le plan de développement de l’économie numérique du Gouvernement a bien répertorié le vaste éventail des applications des technologies de communication numérique : c’est en réalité l’ensemble du fonctionnement économique, social, administratif et culturel de notre pays qui pourra bénéficier du saut technologique que va constituer le très haut débit par rapport aux réseaux à haut débit actuels, dont les limites de capacité constitueront très rapidement des goulets d’étranglement inacceptables.

L’ambition, portée par le plan France numérique 2012, de faire de la France l’un des leaders en matière de très haut débit est grande et incontournable.

Nous parlons donc ce soir d’un grand chantier national et ce débat est pour moi l’occasion de vous remercier, madame la secrétaire d’État, de votre investissement personnel sur ce dossier, pour lequel vous marquez votre ferme intention de fédérer, avec intelligence, tous les acteurs : les opérateurs, les pouvoirs publics et, bien sûr, les collectivités territoriales.

Mes remerciements vont également au président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, et à son vice-président, Pierre Hérisson, qui a parfaitement présidé nos débats. Je les remercie de leur expertise et de leur discernement.

Je veux également saluer le travail considérable accompli, dans un délai record, par Bruno Retailleau, rapporteur de cette proposition de loi, et remercier l’ensemble de mes collègues qui ont soutenu cette proposition de loi : le groupe UMP et son président Gérard Longuet, avec une mention spéciale pour Jacques Blanc, qui a été le premier à soutenir cette initiative, sans oublier, bien sûr, nos collègues issus d’autres groupes, en particulier Nathalie Goulet et Aymeri de Montesquiou.

L’enjeu du déploiement des réseaux de communication électronique à très haut débit est tel que nous devons tout faire pour permettre à l’ensemble de nos territoires d’en bénéficier dans un délai raisonnable.

Le très haut débit va faire figure, comme l’électricité, de service vital, rendant insupportable toute fracture territoriale dans ce domaine. Nos entreprises doivent pouvoir faire le choix de s’implanter dans les villes petites et moyennes, et même en milieu rural, en y bénéficiant d’accès efficients et compétitifs à internet, abolissant en quelque sorte les distances géographiques et permettant d’y conjuguer la qualité de vie avec la performance économique.

Une grosse entreprise installée à Paris souhaitera que ses sous-traitants disposent d’un accès au très haut débit pour être plus efficaces et réactifs. Or la France est aujourd’hui seulement au début de ce déploiement. On ne compte, en effet, que 180 000 abonnés au très haut débit pour 18 millions d’abonnés au haut débit.

De plus, ces prises très haut débit ne concernent que les grandes zones urbaines, dans lesquelles sont présents plusieurs opérateurs, et pour lesquelles la question pertinente est celle des modalités du déploiement vertical, c’est-à-dire du câblage des immeubles dans des conditions respectueuses de l’intérêt des résidents et du droit de la concurrence.

La desserte en réseaux de communications électroniques en très haut débit des zones moins denses est d’un ressort bien différent.

Ces zones sont confrontées à la contrainte propre à tous les réseaux filaires, celle des surlongueurs par abonnés, qui caractérisent les territoires à faible densité démographique et qui en compromettent la rentabilité pour les investisseurs. Pour rendre possible la réalisation des centaines de milliers de kilomètres de fibre que suppose le maillage de notre territoire, cette contrainte devra être levée. Cela passe par une volonté politique très semblable à celle qui a permis, à partir des années trente, d’irriguer l’ensemble de notre pays en énergie électrique, grâce à l’implication des collectivités, responsables de la distribution d’électricité, et à l’appui du dispositif de péréquation financière que constitue le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACÉ.

Mes chers collègues, je vous propose, pour atteindre cet objectif, un dispositif à trois composantes.

La première concerne l’indispensable rationalisation et la mise en cohérence du déploiement de la fibre optique. Ce déploiement, nous le savons, sera une opération coûteuse, mais il est possible de maîtriser ces coûts en organisant et en favorisant le partage des infrastructures entre réseaux de communications électroniques, mais aussi avec d’autres réseaux publics, au premier rang desquels figure, bien sûr, la distribution d’électricité, dont le partenariat avec le secteur des télécommunications résulte structurellement tant de l’histoire que de la géographie et de la technique.

J’ai, dans cette perspective, proposé l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ces schémas dresseront tout d’abord l’inventaire de l’existant en termes d’infrastructures et de réseaux en haut et très haut débit, de façon à déterminer les besoins prioritaires. Les schémas auront ensuite pour objet de définir des orientations en ce qui concerne le développement, sur le territoire concerné, des réseaux de communication électroniques en très haut débit.

Il me semble important, s’agissant des investissements nouveaux à programmer, de faire très clairement du très haut débit la priorité absolue.

Consentir des moyens importants pour le développement de la desserte sur des débits de type ADSL reviendrait à nous conduire à distraire une partie substantielle de nos financements sur des ouvrages qui deviendront rapidement technologiquement obsolètes et devront donc être remplacés, sans doute avant même d’avoir été amortis en totalité, par les technologies du très haut débit, qui seules apparaissent pérennes à l’heure actuelle.

La deuxième composante concerne le portage territorial de l’élaboration des schémas.

Si nous voulons favoriser une desserte satisfaisante des zones grises et des zones blanches du très haut débit, il importe de nous donner une vision suffisamment large des territoires, permettant de mettre en lumière des logiques de solidarités territoriales.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé de retenir comme périmètre d’élaboration de chacun des schémas une aire géographique correspondant au moins à celle d’un département ou à un ensemble démographique cohérent. Cela induit que le schéma soit élaboré par une personne publique de taille suffisante.

Afin de tenir compte de la compétence concurrente des divers niveaux de collectivités locales et de groupements pour exercer les attributions définies en matière de communications électroniques par le code général des collectivités territoriales, la commission propose que les syndicats mixtes, qui permettent de regrouper des collectivités de natures très différentes, mais aussi les départements ou les régions en tant que tels, puissent assurer l’élaboration des schémas, ce qui me semble une solution de sagesse permettant de s’adapter à la diversité des approches locales.

La troisième composante me paraît fondamentale : la mise en place d’un fonds d’aménagement numérique des territoires, destiné à contribuer au financement de certains travaux de réalisation des ouvrages prévus par les schémas directeurs. L’objectif est ici de permettre l’accès de l’ensemble de la population aux communications électroniques à très haut débit à un coût raisonnable.

Je remercie la commission des précisions ou compléments qu’elle a apportés sur ce point, notamment en ce qui concerne le rôle du régulateur pour la détermination des zones éligibles aux aides du fonds. La robustesse juridique de ce fonds va certainement en être améliorée au bénéfice de l’ensemble des secteurs géographiques et des populations dont la desserte sera, il faut y insister, impossible sans un tel dispositif. Je souhaite que celui-ci puisse rapidement bénéficier de sa première dotation financière, et le lancement du grand emprunt national en donnera peut-être, madame la secrétaire d’État, l’opportunité, de façon à ne pas retarder le déploiement de la fibre optique au-delà des zones denses ou très denses.

M. le président. Mon cher collègue, excusez-moi de vous interrompre, mais, au nom du président du Sénat, je souhaite informer notre assemblée que, pour la première fois sous la Ve République, le Sénat vient à l’instant précis de dépasser les mille heures de séance depuis l’ouverture de la session ordinaire le 1er octobre dernier. Il s’agit d’un moment solennel ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Bruno Retailleau, rapporteur. Je ne sais pas s’il faut applaudir ! (Sourires.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Pintat.

M. Xavier Pintat, auteur de la proposition de loi. Mes chers collègues, vous avez souhaité insérer dans la proposition de loi une mesure relative à l’obligation pour un maître d’ouvrage ouvrant une tranchée d’y accueillir des infrastructures de communications électroniques à la demande d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités.

Une telle mesure me semble très opportune, à condition de préciser que cela doit se faire avec le souci de la cohérence entre les réseaux d’initiative publique puisque le maître d’ouvrage de la tranchée peut être lui-même une collectivité ; le moment venu, je vous présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens.

Dans le cadre du basculement vers la télévision numérique terrestre, d’importantes dispositions relatives à la couverture télévisuelle des territoires ont également été ajoutées au texte par la commission. Celles-ci me semblent avoir d’autant plus leur place dans un texte relatif aux communications électroniques en très haut débit qu’un accès performant à internet fait partie des dispositifs alternatifs susceptibles de pallier l’insuffisance de la couverture de certains territoires par la TNT.

En tout état de cause, il me paraît important que la couverture des coûts afférents au traitement des zones d’ombre numérique soit assurée, de façon que ni les abonnés ni les collectivités ne soient pénalisés par ces évolutions.

L’aménagement numérique en très haut débit de notre territoire national est un défi exaltant.

L’enthousiasme que nous sommes nombreux à partager dans ce domaine aura raison, j’en suis certain, des difficultés à résoudre, et je me réjouis que notre débat d’aujourd'hui puisse y concourir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la révolution numérique qui s’accélère sous nos yeux présente deux caractéristiques.

D’une part, elle est planétaire au sens où elle contribue à l’aplatissement de notre monde, ainsi que l’aurait dit Thomas L. Friedman, et elle est mondiale, comme on l’a vu récemment avec le rôle qu’a joué internet dans l’élection américaine et aussi dans la diffusion de l’information pour couvrir les événements malheureusement beaucoup plus graves qui se sont produits en Iran.

D’autre part, il s’agit non pas d’une simple mutation technologique, mais d’une rupture radicale qui modifie l’ensemble des activités humaines. Cette révolution numérique aura demain des impacts sur notre façon de communiquer, de travailler, de nous former, ou encore de nous soigner, comme l’a souligné tout à l'heure, à juste titre, Xavier Pintat. De même, elle transforme notre modèle économique, nos systèmes de production.

Le plan France Numérique 2012 avait fixé un objectif de 30 % en termes de contribution à la croissance mondiale à l’horizon 2015, ce qui est considérable. Au moment où la France traverse une crise économique profonde et où elle cherche un nouveau modèle de croissance, nous partageons, me semble-t-il, madame la secrétaire d'État, cette conviction, cette certitude même, que l’économie numérique sera demain l’un des leviers essentiels de ce nouveau modèle de croissance, qui permettra de libérer des énergies et, surtout, de créer de la valeur ajoutée, donc de nombreux emplois.

Avec le haut débit, notre pays a su négocier correctement la première étape de la révolution numérique. Avec un peu plus de 18 millions de foyers connectés, nous avons l’un des taux de pénétration les plus élevés d’Europe et, surtout, les meilleures offres au monde pour ce qui concerne, par exemple, la télévision par ADSL ou le téléphone sur IP.

Toutefois, nous ne pouvons nous en satisfaire, car cette étape sera très vite dépassée. Nous voyons déjà poindre une nouvelle étape avec le très haut débit, pour une raison très simple : les nouveaux usages font apparaître une interactivité de plus en plus grande, ainsi qu’une plus grande consommation d’images. Demain, nous serons dans la réalité virtuelle, et les débits seront de plus en plus importants. Nos vieux réseaux deviendront donc très rapidement obsolètes. C’est pourquoi il nous faut penser à la nouvelle génération de réseaux pour le XXIe siècle, avec bien entendu la fibre optique. De ce point de vue, notre pays a sans doute des atouts, mais aussi des fragilités.

En effet, monsieur le ministre, la France est vraisemblablement l’un des pays au monde où la ruralité est la plus importante. En tout cas, en Europe, nous sommes le grand pays de la ruralité : 50 % de la population française vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants. La ruralité au sens où on l’entend généralement concerne 31 % de la population et plus de 70 % du territoire. À terme, la révolution qui s’annonce sera capitale, et nous ne pouvons laisser un espace aussi important sur le bord de la route. Le risque d’une France à deux vitesses, avec un internet des villes et un internet des champs, est extrêmement important.

C'est la raison pour laquelle la proposition de loi de Xavier Pintat est la bienvenue et tombe à point nommé, alors même que l’on réfléchit au déploiement de ces nouveaux réseaux. En outre, elle rappelle que le très haut débit constituera l’infrastructure essentielle de la société de l’information de demain.

Je tiens à revenir sur les deux dispositifs qui me semblent importants en matière de planification.

Il s’agit, d’abord, des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique à l’échelle minimale d’un territoire départemental, qui ont vocation à assurer une péréquation entre les zones plus denses et les zones moins denses.

Il s’agit, ensuite, du fonds d’aménagement numérique des territoires. En effet, il est évident que l’État ne pourra pas se désintéresser financièrement du déploiement du très haut débit dans notre pays ; j’y reviendrai tout à l'heure.

La commission de l’économie a travaillé dans des délais extrêmement courts ; je remercie d’ailleurs Xavier Pintat de l’avoir rappelé. Toutefois, nous avons tenu à conserver l’esprit de la proposition de loi, tout en l’enrichissant. Nous avons établi deux constats : premièrement, il faut essayer de réduire la fracture numérique qui existe déjà, y compris pour ce qui concerne le haut débit ; deuxièmement, il convient d’anticiper et de prévenir l’apparition d’une nouvelle fracture numérique, avec le très haut débit et la fibre optique.

J’aborderai d’abord la question de la réduction de la fracture numérique d’aujourd'hui, et non de demain, en évoquant la TNT, l’outre-mer et la montée en débit.

La télévision numérique terrestre connaît un grand succès en France, puisque 88 % du territoire sont désormais couverts et elle est aujourd'hui adoptée par les deux tiers de nos compatriotes, qui ont équipé au moins l’un de leurs postes de télévision. La loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur avait posé un principe assez simple : 100 % des Français pourraient avoir accès à la télévision numérique, dont 95 % par le biais du réseau hertzien terrestre et 5 % via d’autres moyens, tels le satellite ou l’ADSL, par exemple. Or, aujourd'hui, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, ou CSA, souhaite aller au-delà, ajoutant à l’objectif de couverture de 95 % du territoire un correctif cible départemental de 91 % à partir duquel seront numérisés les petits émetteurs qui couvrent des zones de 500 habitants. C’est un point important.

La position du CSA est actuellement attaquée par un certain nombre de chaînes qui aimeraient réduire le nombre d’émetteurs numérisés. Nous considérons qu’il ne faut pas aller dans ce sens et souhaitons donner une force législative au dispositif envisagé par le CSA.

De même, nous avions imaginé la création d’un fonds d’aide – je sais que le Gouvernement y songe également ! – afin que tous les ménages qui habiteront dans une zone d’ombre numérique et ne recevront pas l’hertzien terrestre puissent s’équiper pour bénéficier, notamment, d’une réception satellitaire. Toutefois, cette mesure est tombée sous le coup de l’article 40 de la Constitution. En conséquence, nous proposerons la remise d’un rapport au Parlement par le Gouvernement, pour inciter ce dernier à faire des propositions, car la création d’un tel fonds est capitale, mes chers collègues. Certes, un autre fonds existe déjà, mais il traite de la fracture sociale pour les personnes exonérées de la redevance audiovisuelle.

J’en viens à la fracture numérique de l’outre-mer. Il n’est pas normal que nos compatriotes ultramarins paient beaucoup plus cher que leurs compatriotes métropolitains des services moindres. Un certain nombre d’amendements de nos collègues ultramarins viendront enrichir ce texte et nous nous montrerons bienveillants à leur égard.

L’autre défi concerne le très haut débit, avec la fibre optique. Comment anticiper l’apparition d’une nouvelle fracture numérique, plus grave encore que la première ?

Comme je l’ai indiqué, la mise en place du réseau nouvelle génération, le réseau du XXIe siècle, est essentielle pour la société de l’information de demain. L’enjeu est considérable en termes de coût – entre 30 milliards et 40 milliards d’euros pour tout le territoire français – et en matière de croissance et d’emplois : la Commission européenne vient d’évaluer le déploiement du très haut débit en Europe à 1 million d’emplois et à une croissance supplémentaire annuelle de 0,6 %.

L’enjeu est également considérable en termes de menaces : si l’on ne régule pas le marché, 60 % de la population française n’auront pas accès, demain, au très haut débit.

De tels enjeux suffisent pour décider que le très haut débit sera un grand chantier national. Nous devons avoir l’objectif ambitieux de couvrir un maximum de la population française à l’horizon 2020.

Il ne saurait y avoir d’investissements aussi massifs sans une stratégie nationale volontariste et partagée afin de la soutenir dans la durée. C’est ainsi que la commission de l’économie a commencé par poser des principes d’action, ainsi qu’un cadre général de déploiement de ce nouveau réseau.

Pour ce qui concerne les principes d’action, l’État devra avoir un rôle majeur dans la définition de cette stratégie et dans son pilotage. Il devra aussi coordonner l’ensemble des acteurs et mobiliser les ressources financières nécessaires. En effet, il ne sera pas possible de déployer un tel réseau sur tout le territoire sans une intervention financière de l’État, d’une façon ou d’une autre.

Dans tous les grands réseaux, ce sont les opérateurs privés qui ont lancé le mouvement ; on l’a vu pour les chemins de fer au XIXe siècle. Cependant, à un moment donné, l’État est venu coordonner ce mouvement et le renforcer. Le régulateur aura donc un rôle très important à jouer pour favoriser un écosystème, avec un double souci : celui de la concurrence, bien sûr, mais tempéré par celui des investissements, afin d’inciter les opérateurs à déployer le réseau sur tout le territoire.

Les collectivités auront également un rôle essentiel en la matière, car elles bénéficient désormais d’une expertise. Il faudra utiliser toutes les technologies disponibles : la fibre optique, bien sûr, mais aussi, dans les territoires très peu denses, les technologies hertziennes de nouvelle génération qui seront, me semble-t-il, très utiles.

Tels sont les principes d’action que nous avons inscrits dans le rapport et que nous vous proposerons de retenir au travers d’un certain nombre d’amendements.

S’agissant du cadre de déploiement, la donnée cardinale est la densité démographique. Il existe aujourd’hui un consensus entre tous les acteurs – opérateurs, État, régulateurs – pour considérer qu’un découpage du territoire en trois zones est certainement cohérent.

La zone I, très dense, est chiffrée à environ 5 millions de foyers par l’ARCEP. Cette zone supportera, par les seules forces du marché, le déploiement de plusieurs réseaux : ce sera un déploiement avec une concurrence par les infrastructures.

La zone II, un peu moins dense, concernera entre 6 millions et 12 millions de foyers. Il faudra y favoriser un modèle coopératif, encourageant la mutualisation, afin que les opérateurs ne se dispersent pas sur plusieurs investissements et puissent rassembler leurs forces.

Dans la zone III, très peu dense, l’intervention publique, disons-le franchement, sera impérative.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’objectif visé dans la zone I sera d’encourager la concurrence, qui constituera, sur ces territoires, le gage d’une couverture rapide et de qualité.

On ne part pas de rien en termes d’équipement, puisque déjà 4 millions de foyers se trouvent à proximité d’un réseau de fibre optique.

On ne part pas non plus de rien sur un plan juridique. La loi de modernisation de l’économie a posé un certain nombre de principes de mutualisation, sur lesquels je ne reviens pas. Depuis, le régulateur a aussi fait en sorte que l’accès au génie civil soit ouvert, étant rappelé que cet accès représente 50 % à 80 % du coût de déploiement des réseaux de fibre optique. Désormais, l’accès au génie civil de l’opérateur historique pourra également servir aux opérateurs alternatifs.

Dans cette nouvelle zone, nous avons souhaité encourager un principe de neutralité technologique. Il doit être possible de déployer des fibres surnuméraires – ce que l’on appelle l’architecture en monofibre ou en multifibre – et, dans ce cadre, nous nous fixons un double objectif : éviter de revenir à une monopolisation de la phase terminale des réseaux de sous-boucle locale, et assurer dans le même temps un partage équitable des coûts. Il ne faut pas décourager les investissements ou permettre des comportements de passager clandestin à ce niveau.

Pour la zone II, dans laquelle ce modèle coopératif devra être encouragé, il faut donner à l’ARCEP les moyens de définir un point de mutualisation qui soit le plus couvrant possible, afin d’englober des périmètres beaucoup plus larges que ceux de la zone I.

Enfin, s’agissant de la mutualisation de la phase terminale des réseaux de boucle locale, une coordination sera indispensable pour faire en sorte d’obtenir des coinvestissements ou un partage du territoire. Bien entendu, les modèles retenus devront être euro-compatibles.

Madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé, au mois de mai dernier, la création une société de coinvestissement, ou du moins d’un mécanisme de financement articulé autour de la Caisse des dépôts et consignations. Ce mécanisme est important. Pour autant, il ne privera pas le régulateur de la possibilité de déterminer, si nécessaire, des offres de gros, tel que c’est le cas aujourd’hui en matière de dégroupage.

Il est bien clair, mes chers collègues, qu’il faudra mobiliser toutes les technologies, fibre ou réseau hertzien, dans la zone III, la plus rurale ; j’y reviendrai lors de la discussion des amendements. L’intervention publique sera déterminante sur ces territoires.

Elle sera déterminante en matière de planification : les schémas directeurs sont bien sûr absolument nécessaires.

Elle sera déterminante en termes de réglementation. Ainsi, la commission a repris un amendement déposé par l’un de nos collègues sur les droits à la tranchée. Ce point me semble capital : il faut mobiliser tous les réseaux et tous les travaux de génie civil.

Elle sera déterminante s’agissant du fonds d’intervention. D’ailleurs, nous avons souhaité conserver ce fonds afin de concrétiser la nécessaire intervention financière de l’État dans le déploiement du réseau de fibre optique en milieu rural. Par le passé, l’État est intervenu pour assurer l’organisation et la péréquation du financement du réseau ferroviaire, du réseau de téléphonie fixe et du réseau d’électricité.

Nous n’avons pas retenu l’idée d’une taxe imposée aux opérateurs, ce qui aurait sans doute été le plus sûr moyen d’arrêter le déploiement de la fibre optique en France, y compris dans la zone I, la plus dense. Mais il me semble que d’autres solutions sont envisageables.

Ainsi, je souscris à la proposition de Xavier Pintat visant à mobiliser l’emprunt national sur ce sujet. Nous pourrons également compter avec les recettes sur les « fréquences en or » du dividende numérique et sur les fonds européens.

Il existe donc un certain nombre de pistes, que nous souhaitons explorer. Mais il n’y aura pas de grand réseau de fibre optique en France, en zone rurale, sans une intervention financière de l’État : c’est le principal message que nous souhaitons adresser au Gouvernement !

Mes chers collègues, nous sommes au début d’un très grand chantier et je crois que nous aurons à tirer les leçons de l’expérience.

Nous devrons, bien sûr, être fermes sur les objectifs, en restant pragmatiques et très souples sur les modalités. Dans ce dossier, qui représente un enjeu considérable pour notre future croissance, notre ambition est double : faire de la France une grande nation numérique en créant, dans notre pays, l’un des environnements numériques les plus avancés au monde, et ne laisser aucun territoire sur le bord du chemin.

Le principe d’égalité est chevillé au corps de chaque Français. Même si, on le sait bien, il n’est pas identique au principe de l’égalitarisme, l’État républicain doit en être le garant. Ce point est essentiel pour respecter cette double ambition. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)