M. Christian Cointat, rapporteur. Eh oui !

M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, n’hésitez donc pas à aller dévaliser le bureau de la distribution, car, sur ce point, le rapport n° 490 de M. Cointat deviendra assurément un « collector » parlementaire ! (Sourires.)

En effet, ce rapport reproduit en annexe tous les amendements non adoptés par la commission, y compris ceux qui ont été, le 24 juin dernier, déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Or, pas plus tard que le lendemain, le 25, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la résolution tendant à modifier le règlement du Sénat, et chacun a pu apprécier le caractère humoristique de certains de ses considérants. (Nouveaux sourires.) Il a ainsi estimé que tout amendement frappé d’irrecevabilité financière ne peut être publié, distribué et mis en discussion, le contrôle de recevabilité devant être effectif et systématique au moment du dépôt, y compris auprès de la commission saisie au fond.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de m’interroger. En effet, plus l’article 40 de la Constitution montre son incapacité à protéger la France d’un déficit de plus en plus majestueux (Nouveaux sourires), plus le Conseil constitutionnel en souhaite une application rigoureuse, limitant le pouvoir des parlementaires et le rôle du Parlement. Curieux paradoxe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. Bernard Frimat. Quand on ajoute à tout cela les facultés imaginatives de la commission des finances du Sénat, telles que nous les a décrites tout à l’heure M. le rapporteur, je pense que la lecture d’Alfred Jarry n’est pour nous qu’une consolation ! (Rires.)

Toutefois, la commission des lois n’est pas restée sourde aux préoccupations exprimées par le congrès et a modifié, afin de renforcer certaines garanties financières, le projet de loi organique sur les trois points suivants, qui sont loin d’être négligeables : les modalités d’application du terme de la mise à disposition gratuite des personnels de l’enseignement ; le choix de la période de référence pour la détermination de la compensation des charges d’investissement ; la continuité du financement des projets lancés par l’État avant transfert de la compétence, ce qui permettra d’assurer le financement de la construction des lycées du Mont-Dore et de Pouembout.

Les accords de Matignon prévoyaient, pour toute leur durée, un partage de compétences entre l’État, les provinces et le territoire de la Nouvelle-Calédonie. En revanche, l’un des éléments essentiels – pour ne pas dire le principal – de l’équilibre de l’accord de Nouméa est le transfert progressif et irréversible des compétences de l’État à la Nouvelle-Calédonie, dont les modalités d’exécution sont déclinées au point 3 : certaines seront transférées immédiatement, d’autres, lors d’étapes intermédiaires, et les dernières, les compétences régaliennes, à l’issue du scrutin d’autodétermination.

M. le rapporteur l’a rappelé, les matières à transférer au cours de l’étape intermédiaire correspondant aux mandats du congrès ouverts en 2004 et 2009 sont visées au III de l’article 21 de la loi organique de 1999.

Aux termes de l’article 26 de cette même loi, les « compétences transférées et l’échéancier des transferts font l’objet d’une loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le début de chaque mandat ».

L’exécution des transferts ayant accusé un retard en 2004, la loi du pays relative à ces transferts doit donc intervenir impérativement avant le 30 novembre prochain.

Pour des raisons pratiques et opérationnelles, il est apparu, dès les travaux préparatoires, que les compétences en matière de droit civil, d’état civil, de droit commercial et de sécurité civile nécessitaient un délai supplémentaire avant leur transfert.

Cela a été rappelé, le dernier comité des signataires a ainsi unanimement approuvé un « glissement » de ces matières de l’article 21 à l’article 27 de la loi organique, afin de permettre au congrès de ne pas être soumis à ce délai de six mois. Bien qu’un tel scénario de transfert de compétences ait été élaboré dans le consensus, la solution retenue, dont la traduction est inscrite aux articles 1er et 3 de la version initiale du projet de loi organique, comporte un risque de dénaturation de l’accord de Nouméa.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Frimat. Le dispositif retenu risque la censure du Conseil constitutionnel au motif qu’il rendrait aléatoire l’obligation constitutionnelle d’opérer les transferts, alors que l’accord de Nouméa prévoit clairement que, en 2014, seules les compétences régaliennes n’auront pas été transférées.

M. Christian Cointat, rapporteur. Tout à fait !

M. Bernard Frimat. Il est curieux que le comité de pilotage et la mission d’appui, composée d’experts, de magistrats et de hauts fonctionnaires, n’aient pas attiré l’attention sur les conséquences prévisibles de la solution retenue et validée par le comité des signataires.

La menace de la transgression de l’accord de Nouméa a été soulignée par de nombreux élus calédoniens. Le groupe socialiste a partagé cette crainte et l’a relayée vigoureusement.

Il est heureux que M. le rapporteur ait souscrit à cette analyse et que, sur sa proposition, la commission ait modifié la rédaction des articles 1er et 3 du projet de loi organique. La solution retenue est pragmatique : elle consiste à retarder non pas les transferts, mais la décision de transférer les quatre compétences – parce que ces transferts-là exigent, chacun le reconnaît, un temps de préparation plus long –, tout en assurant, dans la rédaction approuvée à l’unanimité par la commission des lois, l’effectivité des transferts en novembre 2009 et en 2011.

En revanche, il ne semble pas nécessaire de solder l’hypothèse où le congrès n’adopterait pas de loi du pays relative aux transferts ni le cas où il ne le ferait que pour certaines compétences. Je me réjouis que cette préoccupation ait été retenue.

L’équation calédonienne en matière de transferts repose sur une mathématique politique imparable : l’automaticité des transferts doit conjurer tout risque d’immobilisme.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, veillons à ne pas brûler les étapes.

La problématique de la sortie de l’accord de Nouméa se pose dans les mêmes termes que celle de la sortie des accords de Matignon. Il faut y travailler sans chercher à instrumentaliser les règles de gouvernance de la Nouvelle-Calédonie. Si la loi organique prévoit que les transferts de compétences doivent être décidés par le congrès à la majorité des trois cinquièmes, c’est pour les solenniser par une manifestation périodique de quasi-consensus, et non pour les remettre en cause.

L’accord de Nouméa a pris en compte la poursuite du rééquilibrage économique et social entre les trois provinces, dont l’élément déterminant est la réalisation effective de l’usine du Nord. La province Nord est partie prenante.

La Nouvelle-Calédonie a connu, ces dernières années, une euphorie économique exceptionnelle, sous le double effet des investissements publics et de la flambée des cours du nickel. La stabilité politique a facilité son intégration régionale dans le Pacifique. Avec un revenu par habitant avoisinant celui de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, elle suscite de plus en plus l’intérêt des États océaniens.

Mais aujourd’hui, rattrapée par la crise, la Nouvelle-Calédonie risque de connaître une explosion sociale. Le creusement des inégalités constitue un risque politique majeur.

Mes chers collègues, un quart des ménages calédoniens vit sous le seuil de pauvreté relative. Le salaire minimum brut est égal à un peu moins de 70 % de son équivalent métropolitain, et une récente enquête de l’UFC-Que choisir a révélé que le panier de la ménagère était 96 % plus cher qu’en métropole.

Ayons le courage de le reconnaître, cette disparité crée une société à deux vitesses, divisée entre une minorité urbaine aisée, essentiellement européenne, et une population majoritairement kanake, peu formée et défavorisée.

Il faut renforcer la notion d’équilibre politique à l’origine de la provincialisation justement instaurée par les accords de Matignon, en développant, par des projets structurants, un rééquilibrage spatial.

Celui-ci doit s’accompagner de politiques sociales volontaristes, pour réduire les disparités importantes des niveaux de vie qui marquent toujours la société calédonienne et pour répartir plus équitablement les richesses locales.

En conclusion, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, je forme le double vœu que nous puissions adopter ce projet de loi organique et ce projet de loi ordinaire à l’unanimité, pour donner à nos délibérations toute la force nécessaire, et que l’Assemblée nationale ait la sagesse de ne pas remettre en cause le point d’équilibre ainsi trouvé. Ce serait à mes yeux la meilleure manière de confirmer les acquis du passé et d’assurer, en Nouvelle-Calédonie, les voies d’un avenir pacifique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)

(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. le Président de la République et le Gouvernement d’avoir organisé une consultation sur la question depuis si longtemps posée par les Mahorais, afin de doter Mayotte d’un statut définitif au sein de la République française.

C’est par un score sans appel, à 95,2 %, chère collègue Éliane Assassi, que les Mahorais se sont prononcés, le 29 mars dernier, pour que Mayotte devienne en 2011, le cent unième département français d’outre-mer.

Il faut voir là le résultat de notre « longue marche », patiente et parfois douloureuse, vers un statut répondant aux espoirs de plusieurs générations de Mahorais.

Le projet de loi organique proposé aujourd’hui apportera la sanction législative de cette évolution statutaire.

Il s’agit, certes, d’obtenir la départementalisation, mais, surtout, de la réaliser et de la réussir.

Il convient, en premier lieu, d’éviter le risque de « placage institutionnel ». Notre territoire est désireux de se développer rapidement pour répondre aux besoins d’une population qui a subi bien des retards, comme aux espoirs d’une jeunesse nombreuse et ardente.

Il faut redire ici que les Mahorais ne souhaitent pas tomber dans les facilités des sociétés de consommation ou de l’assistanat généralisé. Ils aspirent à développer des activités productives, génératrices d’emplois et de richesses et expriment une volonté de développement endogène, dans le cadre de la solidarité nationale et européenne.

Ainsi, l’organisation départementale de Mayotte devra conjuguer efficacité et simplicité. Nous voulons être un département d’outre-mer qui ne superpose pas les organes et les compétences relevant du département et de la région. Nous souhaitons que la départementalisation de Mayotte constitue un modèle original et novateur.

Dans un premier temps, il faudra compléter rapidement le cadre législatif et réglementaire nécessaire à la réalisation de nos projets afin de mettre en place un plan vigoureux de développement économique et social qui nous assure un véritable rattrapage, sans oublier la protection des plus démunis, notamment des personnes âgées et dépourvues de toutes ressources.

Dans son intervention à Versailles, lors du Congrès du 22 juin dernier, le chef de l’État a reconnu la place de l’outre-mer et la nécessité d’un traitement spécifique de nos problèmes.

Il s’agira donc d’adapter à notre situation particulière ce nouveau cadre institutionnel si l’on veut parer aux dangers d’une assimilation trop théorique et oublieuse de nos spécificités insulaires.

Le droit public français a multiplié depuis longtemps les modalités différenciées d’application de la loi républicaine. C’est le cas pour Paris, pour les départements alsaciens, pour la Corse et, bien entendu, pour les départements d’outre-mer.

Mayotte entend se prévaloir de ses spécificités pour réaliser l’application la plus efficace du système juridique français.

Bien au-delà du « plan de relance » élaboré par le Gouvernement, il sera nécessaire de programmer à moyen et à long terme les opérations de restructuration et de modernisation de l’économie mahoraise. À cet égard, les équipements nécessaires au fonctionnement du deuxième quai du port de Longoni et l’allongement de la piste aérienne sont des opérations prioritaires pour le désenclavement de l’île et le développement de ses échanges.

Il est nécessaire d’en finir avec le sempiternel refrain des « études préalables » – et jamais terminées ! – pour entrer, enfin, dans le domaine des réalisations.

Les états généraux de l’outre-mer ont ouvert la voie. Ils s’inscrivent dans la continuité de la consultation sur la départementalisation. L’intérêt manifesté à Mayotte pour ces états généraux est d’ailleurs croissant. La population veut maintenant participer à l’élaboration du nouveau statut. Il est devenu urgent de concrétiser toutes ces bonnes intentions pour préparer la transformation de Mayotte en département d’outre-mer français à partir de 2011.

En un mot, Mayotte a besoin, pour son économie, d’un véritable plan qui regrouperait la relance des activités agricoles et vivrières, la modernisation de la pêche et un vigoureux programme de formation de la jeunesse. Il est donc essentiel de poursuivre activement l’effort entrepris depuis plusieurs années. L’effectif croissant des enfants scolarisés et l’élévation du niveau de nos étudiants sont, à coup sûr, des indices des plus encourageants.

L’éducation est, en effet, le fondement par excellence du progrès de Mayotte. Il est cependant regrettable que les efforts réalisés par l’éducation nationale soient partiellement compromis par la présence massive d’enfants clandestins que nous avons l’obligation de scolariser.

Il s’agit essentiellement d’assurer une juste application du « contrat de projets de Mayotte 2008-2014 » dans un esprit de solidarité et dans une volonté de responsabilité partagée, qui sont les meilleurs gages de progrès.

Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais qu’une régularisation intervienne au bénéfice de tous les fonctionnaires de l’État et du nouveau département de Mayotte. En effet, aux termes des articles 1er et 2 de la loi n° 50-772 du 30 juin 1950,  « les personnels civils et militaires en service dans les territoires relevant du ministère de la France d’outre-mer » recevront « une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l’éloignement ».

Or cette indexation a cessé de s’appliquer à Mayotte en vertu de l’article 9 du décret n° 78-119 du 12 décembre 1978, alors que tous les agents publics des autres territoires et départements d’outre-mer continuent d’en bénéficier.

Les fonctionnaires de Mayotte réclament donc le rétablissement légitime de l’indexation des salaires. Il s’agit, bien sûr, de mettre fin à une discrimination, mais surtout de compenser la cherté de la vie à Mayotte. Ainsi, à la fin décembre 2008, l’indice des prix de la France entière – métropole plus départements d’outre-mer  – n’avait augmenté que de 1 % en glissement annuel, contre 5,1 % à Mayotte.

J’avais déjà signalé cette situation en 2008 à votre prédécesseur, madame la secrétaire d'État, mais je n’ai reçu aucune réponse satisfaisante.

Il est également anormal de constater qu’aujourd’hui, au moment de l’intégration des fonctionnaires de Mayotte dans la fonction publique, l’administration ne veut pas tenir compte de leur ancienneté, alors qu’ils ont servi l’État et la collectivité durant trente ans et parfois beaucoup plus.

Le statut actuel de Mayotte vis-à-vis de l’Union européenne est celui de PTOM, pays et territoires d’outre-mer. Dans ce cadre, elle bénéficie du Fonds européen de développement.

L’un des enjeux de la transformation en 2011 de notre collectivité en département est de la faire accéder au statut de « région ultrapériphérique » et, par conséquent, de lui donner la possibilité de bénéficier des fonds structurels européens. En effet, le traité actuel instituant la Communauté européenne, qui mentionne les « départements français d’outre-mer », doit permettre à Mayotte de devenir une région ultrapériphérique. L’Europe pourrait ainsi contribuer davantage à son développement.

Cela suppose donc, dans le cadre du traité actuel, une ferme volonté politique du Gouvernement, ainsi qu’un accompagnement et un soutien auprès des institutions communautaires.

Nous sommes prêts à toutes les adaptations requises. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut arrêter des mesures spécifiques pour fixer les conditions d’application du traité en tenant compte « des caractéristiques et contraintes particulières de régions ultrapériphériques sans nuire à l’intégrité et à la cohérence de l’ordre juridique communautaire ».

Je demande au Gouvernement que, lors de la prochaine programmation des fonds structurels, notre département puisse en être bénéficiaire.

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, à cette tribune, à redire ma profonde gratitude et celle de la population que je représente au président Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont toujours soutenu l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie.

Ce territoire, peuplé depuis 4 000 ans par des tribus d’origine mélanésienne, a été annexé par la France en 1853. Le peuple kanak a été ainsi dépossédé de ses terres, le travail obligatoire lui a été imposé, de même des taxes et autres mesures niant ses droits.

À partir de 1946, année où la Nouvelle-Calédonie devient un territoire d’outre-mer, les contours d’une certaine autonomie se dessinent, mais une autonomie dont le contenu varie en fonction des gouvernements en place en métropole.

Les révoltes de la population kanake sont ainsi fréquentes, dans un climat de violence opposant les deux communautés principales, kanake et européenne, jusqu’aux terribles événements de 1988 survenus sur l’île d’Ouvéa, qui coûtèrent la vie à vingt et une personnes.

Les tensions politiques s’apaiseront après la signature, le 26 juin 1988, des accords de Matignon, qui rétabliront la paix et la stabilité institutionnelle.

Si le référendum sur l’autodétermination qu’ils prévoyaient n’a pas eu lieu dix ans après, des négociations sur l’avenir institutionnel du territoire sont engagées et aboutissent, le 5 mai 1998, à la signature de l’accord de Nouméa.

Cet accord, dont le préambule évoque «  les ombres de la période coloniale », est déterminant puisqu’il reconnaît l’identité du peuple kanak et engage la Nouvelle-Calédonie vers la pleine souveraineté. Le 8 novembre 1998, ce sont près de 72 % des Néo-Calédoniens qui approuvent l’accord de Nouméa.

C’est donc un long processus qui s’est mis en place en 1998 et que la France se devait d’accompagner démocratiquement.

En 1998, nous avons donc tout naturellement approuvé la révision constitutionnelle nécessaire pour la mise en œuvre de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. Elle constituait une étape capitale dans l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, au même titre que la loi organique du 19 mars 1999, à laquelle nous avons également apporté notre soutien.

Inscrit dans un processus de décolonisation et d’accès à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, l’accord de Nouméa prévoit un partage progressif des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. Des compétences seront transférées dès la mise en œuvre de la nouvelle organisation, d’autres le seront selon un calendrier défini, modulable par le congrès, suivant le principe d’auto-organisation. L’accord de Nouméa prévoit que les compétences transférées ne pourront revenir à l’État, ce qui traduit le principe d’irréversibilité de cette organisation.

Le calendrier et les modalités des transferts de compétences sont organisés par la loi organique du 19 mars 1999. Conformément à l’accord de Nouméa, la loi organique distingue les compétences transférées immédiatement après l’entrée en vigueur de la loi – la plupart étant déjà dévolues au territoire – et celles qui seront transférées ultérieurement, lors d’étapes qui correspondent au renouvellement du Congrès de la Nouvelle-Calédonie en 2004 et en 2009.

L’article 21 de la loi organique distingue les compétences régaliennes conservées par l’État, les compétences partagées et, dans son paragraphe III, les compétences destinées à être transférées à la Nouvelle-Calédonie. Je rappelle que ces dernières concernent la police et la sécurité en matière de circulation aérienne intérieure et de circulation maritime dans les eaux territoriales, l’enseignement du second degré public et privé, la santé scolaire, l’enseignement primaire privé, le droit civil, les règles concernant l’état civil, le droit commercial, la sécurité civile.

Selon l’article 26 de la loi organique, les compétences transférées et l’échéancier des transferts prévus par le paragraphe III de l’article 21 doivent faire l’objet d’une loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès, au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant le début du mandat commençant en 2004 et en 2009.

Enfin, l’article 27 prévoit que le congrès peut, à partir de son mandat débutant en 2009, adopter une résolution tendant à ce que lui soient transférées, par une loi organique ultérieure, les compétences dans les domaines suivants : les règles relatives à l’administration des provinces, des communes et de leurs établissements publics, le contrôle de légalité et le régime comptable et financier de ces collectivités et établissements, l’enseignement supérieur et la recherche, la communication audiovisuelle. Ces transferts pourront intervenir dès 2009 et se poursuivre après 2014.

Si les articles 21 et 26 reprennent chacun des points de l’accord de Nouméa, il n’en est pas de même de l’article 27, relatif à des points qui ne sont pas traités dans cet accord.

En 2004, le congrès n’a pas usé de son droit de demander de nouveaux transferts de compétences. Des travaux préparatoires à de nouveaux transferts ont donc été engagés dès le mois de septembre 2006, sous l’autorité du haut-commissaire de la République. Ont été mis en place un comité de pilotage au mois de février 2007, puis des groupes de travail et des comités consultatifs au cours de l’année 2007 et enfin une mission d’appui au mois de février 2008.

Les conclusions de la mission d’appui ont été validées au mois de décembre 2008 : lors de cette réunion, le comité des signataires de l’accord de Nouméa a approuvé la définition des périmètres et des modalités de transferts de compétences donnée par le projet de loi. Cependant, les membres de la mission d’appui et les partenaires calédoniens ont considéré que la loi organique de 1999 n’offrait pas un cadre juridique de nature à conduire à un consensus sur les transferts de compétences. Le Gouvernement s’est alors engagé à présenter au Parlement un projet de loi en priorité pour que la loi organique de modification puisse être promulguée au mois d’août 2009.

Même si le Gouvernement respecte cet engagement – la loi sera vraisemblablement promulguée le mois prochain –, nous regrettons qu’elle soit adoptée dans l’urgence, au cœur de l’été, alors que les débats sur les transferts de compétences ne sont pas clos, ni en Nouvelle-Calédonie ni en métropole, comme nous avons pu le constater lors des travaux de la commission des lois.

Par ailleurs, le calendrier fixé par le Gouvernement au mois de décembre 2008, lors de la réunion du comité des signataires, n’a pas été respecté. Dans le relevé de conclusions du comité, il était prévu que le haut-commissaire réunirait, au début de l’année 2009, un groupe de travail pour lui soumettre l’avant-projet de loi organique. Puis le congrès devait recevoir, pour une consultation informelle, une information sur l’avant-projet. Enfin, le congrès nouvellement renouvelé devait être consulté dans les jours qui ont suivi les élections provinciales du 10 mai 2009. C’était uniquement à l’issue de ce processus d’information et de consultation que le Gouvernement devait présenter le projet de loi organique au Parlement.

Or l’avant-projet de loi n’a pas été soumis au groupe de travail qui aurait dû se réunir au mois de janvier dernier. Lorsque les élus calédoniens ont reçu le texte au mois de mai dernier, c’est déjà le projet de loi définitif qui leur a été présenté. Ce dernier a ainsi été soumis en urgence au congrès, qui a rendu son avis le 12 juin, après avoir eu seulement trois jours pour en débattre et pour défendre des amendements.

Le non-respect du calendrier fixé par le Gouvernement est l’une des raisons pour lesquelles certains élus du congrès se sont opposés au projet de loi. Nous considérons que cette présentation en urgence ne respecte ni les partenaires calédoniens ni leur droit légitime à élaborer des propositions sur l’évolution de leurs institutions et de la Nouvelle-Calédonie.

Une autre raison motive notre opposition : la présentation du projet de loi définitif aux élus calédoniens est intervenue un mois après le référendum du 29 mars à Mayotte. Le Gouvernement a ainsi rattaché la départementalisation de Mayotte à ce projet de loi organique, sous prétexte qu’il avait besoin d’un véhicule législatif adapté pour inscrire dans la loi cette départementalisation. Or, en décembre 2008, dans le cadre du comité des signataires, le Gouvernement n’a pas informé les élus calédoniens de son intention de procéder de la sorte.

Est-ce un hasard ? Nous ne le pensons pas : rapprocher la départementalisation de Mayotte de l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie est, hélas, assez symbolique. L’État veut-il garder la mainmise sur la Nouvelle-Calédonie, comme il le fait avec Mayotte ? Il est vrai que des intérêts économiques liés au nickel constituent un enjeu important pour la France.

Dans un passé récent, le Gouvernement a exprimé des positions qui nous laissent sceptiques quant à l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, positions en contradiction avec l’accord de Nouméa et avec l’objectif d’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

À l’occasion d’une question orale posée le 20 novembre 2007, ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a interrogé Christian Estrosi, alors secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, sur le respect de l’accord de Nouméa. En effet, lors d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie au mois d’octobre 2006, Christian Estrosi avait insisté sur le rôle de l’État et souligné que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie était dans la France. La réponse donnée à Nicole Borvo Cohen-Seat ne nous a pas rassurés : concluant son intervention sur le référendum d’autodétermination qui devra intervenir entre 2014 et 2018, il a affirmé avoir « le sentiment que » les Néo-Calédoniens « ne se tromperont pas lors du référendum d’autodétermination et qu’ils opteront, dans une large majorité, pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la France, en réaffirmant leur attachement à la République ».

Cette position gouvernementale reflète en réalité la volonté du Président de la République de maintenir la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, dans sa « lettre aux Calédoniens », affirmait son souhait de voir la Nouvelle-Calédonie « confirmer » sa « volonté d’un destin français ».

Analysant le scrutin de l’élection législative de 2007, le conseil politique du Rassemblement-UMP du 23 juin 2007, constatant que 63 % des Néo-Calédoniens avaient voté pour Nicolas Sarkozy, n’a pas hésité à affirmer qu’« en votant pour Nicolas Sarkozy, près des deux tiers des électeurs calédoniens ont donc clairement exprimé leur adhésion à sa personne, à son projet pour la France, leur volonté que la Nouvelle-Calédonie reste française et que l’État assume pleinement ses responsabilités ».