M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. In medio stat virtus, monsieur Danglot ! (Sourires.) Le projet de loi prévoit que les centrales devront être équipées en vue du captage, mais vous allez trop loin en proposant d’imposer la mise en place d’un dispositif de stockage. À tant faire, vous auriez dû écrire qu’il n’y aura plus de centrales à charbon tant que la question du stockage du dioxyde de carbone n’aura pas été complètement réglée ! Or nous ne pouvons nous permettre, à l’heure actuelle, de renoncer aux centrales à charbon, étant entendu que celles-ci doivent être propres.

La commission a donc émis un avis défavorable sur votre amendement, dont l’adoption reviendrait à écarter tout nouveau projet de ce type, car elle estime que le texte, dans sa rédaction présente, est équilibré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, nous avons prévu de déclasser, d’ici à 2015, 50 % des centrales à charbon et de réduire des deux tiers les émissions de gaz à effet de serre.

Pour autant, la technologie de captage et de stockage du carbone, particulièrement dans les sites dits aquifères, n’est pas encore totalement au point.

Cela étant, le texte adopté par la commission est très précis : « Aucune mise en service de nouvelle centrale à charbon ne sera autorisée si elle ne s’inscrit pas dans une logique complète de démonstration de captage, transport et stockage du dioxyde de carbone. » Dès lors que la technologie sera maîtrisée, les centrales seront bien évidemment toutes équipées d’un dispositif de captage et de stockage du carbone.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'installation d'équipements permettant le remplacement d'une source d'énergie non renouvelable par une source d'énergie renouvelable pour la production de chaleur dans un bâtiment donne lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie selon des modalités de calcul spécifiques. Les équipements pris en compte sont les équipements neufs assurant la fourniture de chaleur à partir d'énergies renouvelables pour le chauffage ou l'eau chaude sanitaire dans des bâtiments, s'ils sont installés dans des locaux à usage d'habitation, d'activités agricoles ou industriels et tertiaires.

La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. L'article 15 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique prévoit que « l'installation d'équipements permettant le remplacement d'une source d'énergie non renouvelable par une source d'énergie renouvelable pour la production de chaleur dans un bâtiment donne lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie ».

Cependant, le décret n° 2006-603 du 23 mai 2006 relatif aux certificats d'économies d'énergie limite la portée de cette disposition aux « locaux à usage d'habitation ou d'activités tertiaires ».

Cet amendement tend à étendre l'application des certificats d'économies d'énergie, outil important d’amélioration de l'efficacité énergétique en France, à la substitution des sources d'énergie renouvelable aux sources d’énergie fossile dans les secteurs agricole et industriel, qui présentent tous deux des gisements très importants d’économies d’énergie. Il semble cohérent d’aligner leur régime sur celui des locaux d’habitation et d’activités tertiaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Les auteurs de cet amendement évoquent un sujet que la commission a déjà traité dans le cadre de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit Grenelle II.

Il s’agit du cas particulier des certificats délivrés à raison non pas d’une économie d’énergie, mais du remplacement d’une source d’énergie non renouvelable par une source d’énergie renouvelable.

Un décret d’application est venu apporter une restriction que la loi ne prévoyait pas, en limitant le champ de ce dispositif aux bâtiments à usage d’habitation ou d’activités tertiaires, ce qui exclut notamment les bâtiments agricoles.

Lorsqu’elle a examiné le titre « Énergie et climat » du Grenelle II, le 11 juin dernier, la commission a tranché ce débat en maintenant les dispositions de la loi actuelle, qui visent tous les bâtiments sans distinguer selon leur destination. Il n’apparaît donc pas nécessaire d’évoquer à nouveau cette question à l’occasion de l’examen du Grenelle I.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qu’elle suggère à M. Soulage de retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Les particuliers disposent du système du crédit d’impôt en ce qui concerne la production de chaleur. Pour les bâtiments plus importants visés par cet amendement, le fonds chaleur a été mis en place. Doté de 800 millions d’euros pour les trois prochaines années, il permet de garantir un financement stable, ce qui n’est pas nécessairement le cas des certificats d’économies d’énergie, qui sont négociables et donc soumis à des fluctuations de cours.

C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas très favorables à l’extension, dans le Grenelle II, du champ d’application des certificats d’économies d’énergie. Toutefois, nous pourrons évoquer de nouveau cette question lors de l’examen de ce texte.

M. le président. Monsieur Soulage, l'amendement n° 53 est-il maintenu ?

M. Daniel Soulage. Puisque nous en reparlerons lors de l’examen du Grenelle II, je le retire, monsieur le président.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Ou du Grenelle III !

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l'article 17.

M. Didier Guillaume. Nous allons nous abstenir sur cet article, car si nous avons entendu l’engagement pris par Mme la ministre, il nous faut néanmoins des certitudes.

À ce stade, nous avons le sentiment que le débat ne se déroule pas dans l’esprit évoqué par M. Borloo au début de la discussion générale.

Nous avons défendu jusqu’à présent dix amendements, destinés à apporter des précisions sur le texte et qui relevaient tout à fait du Grenelle I, mais ils ont été systématiquement repoussés par M. le rapporteur et par Mme la ministre, au motif qu’ils devraient plutôt être discutés à l’occasion de l’examen du Grenelle II. Or, comme l’a signalé M. Emorine, des centaines d’amendements seront déposés sur ce dernier texte : lorsque nous l’examinerons, on nous objectera qu’il y en a trop ! Faudra-t-il un Grenelle III pour que nos amendements soient pris en considération ?

Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je tiens à vous dire très tranquillement que ce débat nous déçoit beaucoup. Nous pensions qu’il se déroulerait dans le même esprit que la discussion du Grenelle I et que certains de nos amendements pourraient recueillir un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Guillaume, je regrette que votre groupe s’abstienne sur cet article important.

Je voudrais rappeler que lors de la première lecture, conduite selon l’ancienne procédure d’examen des textes, nous avons accepté avec joie nombre d’amendements du groupe socialiste.

Il ne faut pas non plus oublier que, sous la nouvelle procédure, applicable à la deuxième lecture, nous avons également accepté un certain nombre d’amendements en commission. Certes, nous savons très bien que désormais, hormis quelques exceptions, les amendements qui n’ont pas été acceptés lors de l’examen en commission seront refusés en séance publique.

M. Roland Courteau. On ne les déposera plus en commission !

M. Bruno Sido, rapporteur. Je reconnais que cela pose un vrai problème et je comprends votre sentiment de frustration, même si la plupart de vos amendements ont été satisfaits en commission.

M. le président. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
(Non modifié) (début)

Article 17 bis

Article 17 bis
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
(Non modifié) (interruption de la discussion)

(Non modifié)

Afin de limiter les dommages environnementaux causés par l'activité hydroélectrique sur les bassins versants sur lesquels les ouvrages sont installés, et afin de faciliter la mise en place de politiques locales de développement durable, la taxe sur le chiffre d'affaires des concessions hydroélectriques pourra être déplafonnée au-delà de 25 %.

M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Mayet et Pinton, est ainsi libellé :

I. - Dans cet article, après les mots :

limiter les

insérer le mot :

éventuels

II. - Compléter cet article par les mots :

si ces dommages sont prouvés

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 17 bis.

(L'article 17 bis est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

(Non modifié) (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Discussion générale

8

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale.

Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.

9

(Non modifié) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Article 18

Mise en œuvre du Grenelle de l'environnement

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 18.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement
Rappel au règlement (début)

Article 18

La production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier leurs effets sur les sols et la ressource en eau. La France soutiendra aux niveaux européen et international la mise en place d'un mécanisme de certification des biocarburants tenant compte de leur impact économique, social et environnemental.

Une priorité sera donnée au développement de la recherche sur les biocarburants de deuxième et de troisième générations.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.

M. Jacques Muller. L’article 18 traite des biocarburants, terme auquel je préfère pour ma part celui d’« agrocarburants ». Je présenterai d’ailleurs un amendement visant à rétablir cette terminologie, que la Haute Assemblée avait adoptée en première lecture mais que la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a rejetée.

La question, à cet instant, n’est donc pas de savoir si l’on est pour ou contre les agrocarburants ou les biocarburants, mais quelle dénomination il faut retenir pour éviter toute confusion.

En commission, M. le rapporteur n’a pas voulu me suivre, arguant que, le terme « biocarburants » étant déjà entré dans le langage courant, il serait difficile de revenir en arrière. Cet argument n’est pas recevable.

En effet, user du terme « agrocarburants » est parfaitement possible, d’autant que de nombreuses institutions internationales, telles que la FAO ou le Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité, et pas seulement des associations environnementales, l’emploient. Le ministère de l’écologie lui-même y a recours, l’étude de décembre 2008 de M. Jean-Marc Salmon développant longuement la notion d’agrocarburants de première, de deuxième et de troisième générations.

Par ailleurs, le risque de confusion que j’évoquais à l’instant tient à l’usage du préfixe « bio ».

En premier lieu, les cultures destinées à la production de « biodiesel » ou de « bioéthanol » sont tout sauf biologiques, cette qualité étant certifiée par l’attribution d’un label. Or on a pu voir fleurir, dans certaines stations-services, de curieux panneaux vantant des « carburants 100 % écologiques ». User de manière inconsidérée du terme « biocarburants » risque donc de porter atteinte à la crédibilité de la filière de l’agriculture biologique, qui est soumise, dans notre pays et à l’échelon européen, à des contrôles et à une procédure de certification apportant une garantie aux consommateurs. Cette filière, qui est source d’emplois agricoles et dont les objectifs du Grenelle de l’environnement prévoient qu’elle devra à terme approvisionner les cantines à hauteur de 20 %, ne doit pas être mise en péril. Le « bio » veut dire quelque chose non seulement pour les consommateurs, mais aussi pour les producteurs, qui nous interpellent pour que nous clarifiions la situation.

En second lieu, le mot « biocarburant » est en fait une mauvaise traduction de l’anglo-saxon biofuel. Or, en anglais, aucune confusion n’est possible, puisque agriculture biologique se dit organic agriculture, tandis que les produits issus de l’agriculture biologique sont appelés organic products. Dans le monde anglo-saxon, tout risque de confusion entre biocarburants et produits « bio » est donc écarté. Nous ne pouvons pas laisser subsister chez nous une terminologie source d’ambiguïté.

Pour conclure, je voudrais rappeler les recommandations de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, l’ARPP, concernant les arguments écologiques et relatifs au développement durable : « La publicité doit proscrire toute déclaration de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur la réalité des avantages ou propriétés écologiques des produits ainsi que sur la réalité des actions que l’annonceur conduit en faveur de l’environnement. […] L’utilisation d’un signe ou d’un symbole ne se conçoit qu’en l’absence de toute confusion sur l’attribution d’un signe, symbole ou label officiel en la matière. Le choix des signes ou des termes utilisés dans la publicité, ainsi que des couleurs qui pourraient y être associées, ne doit pas suggérer des vertus écologiques que le produit ne possèderait pas. »

Ainsi, le secteur privé est tenu, à juste titre, de respecter une certaine déontologie. Je rappelle d’ailleurs que Danone, qui commercialisait un yaourt dénommé « Bio », a dû le rebaptiser « Activia » en raison d’un risque de confusion. J’aimerais donc que nous suivions les mêmes règles au moment où nous élaborons un texte fondateur pour la politique de l’environnement en France.

Mes chers collègues, je voudrais que nous fassions preuve de cohérence et de précision. C’est pourquoi je vous inviterai tout à l’heure à lever toute ambiguïté en substituant le terme d’« agrocarburants » à celui de « biocarburants ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Muller, Raoult, Courteau et Raoul, Mme Herviaux, MM. Repentin, Ries, Teston, Guillaume, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

des biocarburants

insérer les mots :

et notamment des agrocarburants

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. En intervenant sur l’article, j’ai voulu montrer que le préfixe « bio » ne pouvait pas être utilisé sans précaution. Par cet amendement, je voudrais maintenant justifier l’emploi du mot « agrocarburants ».

Ce terme est-il recevable ? Oui, car le mot « agriculture » est très général, qui recouvre des activités humaines aussi diverses que la céréaliculture, l’élevage, la pisciculture, l’exploitation de la forêt, etc. En conséquence, le terme « agrocarburants » me paraît avoir une acception plus large que le mot « biocarburants ».

En outre, le ministère de l’écologie utilise lui-même ce terme, je le répète, et ce de manière très précise. Selon l’étude de M. Salmon que j’ai déjà citée, « les […] agrocarburants sont obtenus à partir d’une matière première végétale (biomasse). D’autres possibilités énergétiques d’utilisation de la biomasse existent, ou peuvent être envisagées, qui ne nécessitent pas l’usage de l’agriculture.

« Les agrocarburants de première génération (ACG1) utilisent les organes de réserves de quelques plantes cultivées (graines de blé, tubercules du colza, tiges de la canne à sucre ou de la betterave, etc.). Leur production a été développée en France à partir de 1992 pour les moteurs diesel (filières huiles végétales) et essence (filière éthanol).

« Les agrocarburants de deuxième génération (ACG2) restent l’objet de recherches, y compris dans des unités de production expérimentales. Elles visent à diminuer les coûts de production en utilisant les principaux constituants des plantes (tiges, branches, troncs). Les ressources utilisables sont largement répandues (agriculture, forêts, résidus de provenance diverse).

« Les agrocarburants de troisième génération (ACG3) sont l’objet de recherches. Elles visent à améliorer encore la productivité en utilisant des algues, des microbes, etc. »

Ce vocable est en outre utilisé par la FAO et figure dans la terminologie unifiée de la bioénergie de l’INRA, notamment. Par conséquent, je propose qu’il soit retenu dans le projet de loi.

Initialement, l’amendement n° 20 visait à remplacer purement et simplement le mot « biocarburants » par le mot « agrocarburants ». Nous l’avons rectifié pour tenir compte du fait que tous les biocarburants ne sont pas d’origine agricole, mais seulement 90 % d’entre eux.

M. le président. L’amendement n° 70 rectifié bis, présenté par Mmes Didier, Schurch et Terrade, MM. Danglot, Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

biocarburants

insérer (trois fois) les mots :

, notamment les agrocarburants,

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. La démonstration impeccable de notre collègue Jacques Muller me permettra d’abréger mon propos.

Nous avons nous aussi rectifié notre amendement dans l’espoir d’emporter l’adhésion et de mieux convaincre la commission et le Gouvernement de l’intérêt d’éviter toute confusion dans les termes. La proposition que nous soumettons aujourd'hui au Sénat me semble équilibrée. Notre collègue Fortassin recommandait tout à l’heure d’arrêter de faire de la sémantique, mais il importe d’avoir de tels débats. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que son expression « carburants alternatifs » soit satisfaisante.

Il me semble que la rédaction que nous proposons est cohérente, équilibrée et de nature à satisfaire tout le monde.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je voudrais tout d’abord formuler une remarque d’ordre procédural. Je ne suis pas un juriste distingué, mais il me semble que les amendements en discussion ont subi une modification beaucoup plus substantielle qu’une simple rectification, au point que je me demande pourquoi le service de la séance les a acceptés. Quoi qu’il en soit, nous n’en avons pas débattu en commission.

Mme Évelyne Didier. Nous avons voulu trouver un compromis !

M. Bruno Sido, rapporteur. Certes, mais il y a là, me semble-t-il, un déficit démocratique. Si les amendements ne sont pas des cavaliers, la procédure est quelque peu cavalière !

Cela étant dit, quel est exactement votre objectif ? Voulez-vous procéder à un simple ajustement sémantique ou visez-vous en fait à empêcher la production de carburants à partir de la betterave ou du colza ? Je l’ignore. Quoi qu’il en soit, cela n’a aucune importance, car ces propositions n’ont aucune chance d’être retenues en commission mixte paritaire.

M. Jean-Jacques Mirassou. Quel argument !

M. Bruno Sido, rapporteur. Je vous livre le fond de ma pensée !

Les auteurs des amendements déclarent proposer une sorte de moyen terme, mais faut-il comprendre que tout ce qui n’est pas agrocarburant est biocarburant ? Il serait important de le savoir, mais nous n’avons pu en discuter en commission…

La Commission européenne, notre référence suprême, a consacré le terme « biocarburants ». Certes, des contresens sont possibles, mais il en est ainsi pour d’autres mots couramment usités selon une acception erronée : comme je l’ai dit en première lecture, on parle de magasins « bien achalandés » pour signifier qu’ils présentent un large éventail de marchandises, et non qu’ils attirent beaucoup de chalands… Vous aurez beau faire, mes chers collègues, tout le monde continuera à employer le mot « biocarburants », parce qu’il est passé dans l’usage.

En tout état de cause, je suis pragmatique, et je me tourne donc vers le Gouvernement pour lui demander son avis avant de m’exprimer à titre personnel, la commission ne s’étant pas prononcée sur ces amendements.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Il ne faut pas confondre la spécification d’un produit tel que le biocarburant et le greenwashing auquel il peut donner lieu, comme d’autres. Certains abus de langage sont liés à une volonté de tout habiller de vert et cela ne concerne pas les seuls biocarburants. Ainsi, on parle également parfois de « voiture propre », notion sur laquelle on pourrait s’interroger.

Ces amendements présentent grosso modo les agrocarburants comme une sous-catégorie des biocarburants. Scientifiquement, on peut en effet considérer que la catégorie des biocarburants comprend, à côté des agrocarburants, les sylvocarburants ou les carburants issus d’algues.

On peut souscrire à l’idée qu’une évaluation spécifique des performances énergétiques et environnementales des agrocarburants est nécessaire, dès lors que l’enjeu aujourd'hui est celui du changement d’affectation des sols et que nous souhaitons préserver nos sols agricoles.

Les amendements ne remettent pas en cause les biocarburants, mais visent simplement à préciser que les agrocarburants en sont une sous-catégorie ; on peut y être plutôt favorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote sur l’amendement n° 20 rectifié.

M. Yves Détraigne. On nous indique que le terme « biocarburants » est susceptible de créer une confusion avec l’agriculture biologique. N’est-ce pas plutôt l’inverse ? En effet, le concept de biocarburant est antérieur à celui d’agriculture biologique. (M. Jacques Muller proteste.)

En outre, le préfixe « bio » vient en l’occurrence de « biomasse », et non de « biologique ». Les biocarburants, ce sont les carburants que l’on produit à partir de la biomasse. Si l’on change la terminologie comme le proposent les auteurs des amendements, faudra-t-il parler de la forêt comme de l’agromasse ? (Sourires.)

Par ailleurs, l’État a défini voilà plusieurs années le biocarburant par un décret dont je n’ai pas eu le temps de retrouver ce soir les références. Il faudrait tout de même se documenter sur ce point avant de balayer cette terminologie d’un revers de la main.

J’ajoute que l’on travaille aujourd'hui sur les biocarburants de deuxième génération, fabriqués à partir de la plante entière. Je me rendrai demain à Bazancourt, dans mon canton, où sera construit le prototype Futurol d’unité de production des biocarburants de deuxième génération. Les biocarburants ne sont donc pas uniquement issus du blé, de la betterave, du colza, du maïs ou du tournesol.

Notre collègue Muller a évoqué la vigilance du Bureau de vérification de la publicité. Or le BVP a sanctionné une publicité pour un biocarburant non pas en raison de l’utilisation d’un terme de nature à créer l’ambiguïté, mais parce que le produit était présenté dans un bidon vert, lequel est devenu bleu ! L’emploi du terme « biocarburant » n’a pas été remis en cause.

Je ne crois donc pas que l’on puisse, ce soir, rayer d’un trait de plume l’appellation « biocarburants », définie par l’État, couramment employée, reconnue par tout le monde, et qui ne faisait voilà deux ans encore l’objet d’aucun débat. Cette discussion est apparue avec le Grenelle de l’environnement, qui n’est pourtant pas le début de tout : l’existence des biocarburants lui est bien antérieure.

Pour ces raisons, je suis clairement défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Nous n’avons discuté, en commission, que du choix des termes, entre « biocarburants » et « agrocarburants ». J’ai bien écouté le Gouvernement et M. Détraigne : le mot « biocarburants » est employé de longue date, et l’on sait ce qu’il recouvre.

En tant que rapporteur, je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je voterai contre les amendements.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Notre collègue Détraigne découvre ce débat dans l’hémicycle, mais nous avions déjà longuement discuté de la terminologie en commission, en examinant la proposition de M. Muller.

D’un côté, le mot « agrocarburants » paraît tout à fait adapté pour désigner des carburants d’origine agricole ; de l’autre, l’Européen convaincu que je suis préfère s’appuyer sur la dénomination européenne. Certes, on peut essayer de se faire plaisir et, sur le fond, je partage l’analyse de notre collègue Jacques Muller, mais il convient de rester cohérent avec l’esprit européen.

Pour ma part, je préconise donc le maintien du terme « biocarburants » et je demande à M. Muller et à Mme Didier de bien vouloir retirer leurs amendements, auxquels je suis plutôt défavorable à titre personnel.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. La référence à l’Europe est parfaitement légitime, mais ne me semble pas suffisante pour récuser le terme « agrocarburants » et donc maintenir une appellation source de confusion, en raison du préfixe « bio ».

J’observerai tout d’abord que ce débat a déjà eu lieu en Europe. La position du Comité économique et social européen, le CESE, a alors été la suivante : « Dans la proposition de directive, le terme officiel retenu est celui de “biocarburant”. Le CESE a dans plusieurs avis attiré l’attention sur les nombreux problèmes environnementaux provoqués par ces “biocarburants”. Dans la mesure où le préfixe “bio” laisse entendre qu’il s’agit d’un produit irréprochable sur le plan écologique, le CESE – qui rassemble toutes les composantes de la société civile – opte dans le présent avis pour le terme plus neutre d’“agrocarburant” plutôt que de “biocarburant”. » C’est un message européen.

Ensuite, lorsque la directive traduit le terme anglo-saxon « biofuel » par « biocarburant », les États membres gardent néanmoins la latitude, reconnue par le droit européen, de modifier certains termes, au moment de la transposition, au regard de caractéristiques nationales spécifiques. Or, dans la langue française, le préfixe « bio » introduit une confusion majeure.

À titre d’exemple, la notion européenne de « services d’intérêt général » continue à être désignée, dans la loi française, par l’expression « services publics ».

L’argument selon lequel l’Europe nous obligerait à utiliser le terme « biocarburants » dans la transposition de la directive est donc infondé : nous pouvons parfaitement apporter une précision de langage, en indiquant en l’occurrence que les agrocarburants sont une catégorie de biocarburants, certes très majoritaire, mais là n’est pas la question.

Enfin, si « biocarburants » est le terme que la France a retenu lors de négociations au sein du Conseil européen, nous ne pouvons, à l’heure où nous écrivons une loi fondatrice, laisser planer d’ambiguïté.

Contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Détraigne, l’agriculture biologique existait bien avant que l’on ne commence à produire des agrocarburants, et la certification « bio » est bien antérieure à la création d’une filière industrielle pour transformer les céréales en éthanol, ce qui a d’ailleurs un coût énergétique important.

En revanche, je vous accorde que les carburants issus des produits forestiers font partie des biocarburants. Le site du ministère de l’écologie parle d’ « agrocarburants de deuxième génération » ; pour ma part, je préfère l’appellation de « sylvocarburants ».

Mais revenons au texte de l’article 18. Aux termes de son premier alinéa, « la production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier leurs effets sur les sols et la ressource en eau ». Dans la mesure où sont évoqués les sols et la ressource en eau, il s’agit bien, implicitement, d’agrocarburants, mais il serait préférable de l’écrire ! Permettez-moi d’insister sur le fait que je souhaite non pas supprimer du texte le terme « biocarburants », mais le préciser. D’ailleurs, l’article 18, qui prévoit que la France soutiendra, aux échelons européen et international, la mise en place d’un mécanisme de certification des biocarburants – et agrocarburants ! – tenant compte de leur impact, illustre bien une volonté de préciser les choses. Ma proposition est donc conforme à l’esprit voulu par le Gouvernement.

Par conséquent, je ne retirerai pas mon amendement. Cette discussion me paraît emblématique de la difficulté inhérente au débat et de la nécessité de tenir le cap au regard des engagements du Grenelle de l’environnement.