M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Bravo !

(Mme Monique Papon remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon

vice-présidente

Mme la présidente. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’en suis désolée, mais je vais rompre quelque peu le consensus.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Oh, non !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. C’était trop beau !

Mme Évelyne Didier. Lorsque les premiers groupes de travail du Grenelle de l’environnement se sont mis en place en 2007, nous étions loin de penser que le débat sur le projet de loi de programmation, appelé communément Grenelle I, interviendrait aussi tardivement, alors même que nous avons entamé l’examen du Grenelle II. Après deux lectures dans chacune des chambres du Parlement, force est de constater que la lenteur du processus aura permis à tous ceux qui s’inquiètent de voir les thématiques environnementales progresser de poursuivre leurs tentatives pour édulcorer le texte. On nous a dit qu’il ne fallait pas trop entraver le développement économique, comme si, jusqu’à présent, ce n’étaient pas les intérêts économiques et financiers qui avaient prévalu sur les deux autres piliers : le social et l’environnemental.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Nous ne nions pas l’aspect positif du Grenelle – large concertation, recherche du consensus, évolution réelle des uns et des autres vers une prise de conscience, mesures positives – mais tout cela n’est pas à la mesure des enjeux. Surtout, nous ne changeons pas les fondements du système qui nous a amenés à la situation d’aujourd’hui.

Vous dites, monsieur le ministre d’État, que ce texte est en harmonie avec la société et qu’il est fondateur. Sans doute ! Vous êtes d’ailleurs très convaincant lorsque vous portez un sujet,…

M. Bruno Sido, rapporteur. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. … mais la crise économique et financière, qui s’approfondit de jour en jour, nous invite à réaffirmer solennellement que seules des politiques publiques fortes et des financements adaptés sont en mesure de permettre la mise en œuvre des engagements que nous confirmons ici, comme la réduction des émissions de gaz à effets de serre dans le bâtiment, la mise en œuvre de transports non polluants, la préservation des continuités écologiques, le développement d’un modèle d’agriculture visant à répondre aux objectifs de souveraineté alimentaire à quantité d’intrants réduite, sans parler des enjeux de santé publique liés aux produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, aux biocides ou encore aux nouvelles technologies.

Le Gouvernement continue de décliner ses outils libéraux : la révision générale des politiques publiques ; le transfert de charges aux collectivités sans contrepartie, si ce n’est une baisse accentuée de leurs dotations de fonctionnement ; la mise sous tutelle de ces mêmes collectivités par l’État ; le basculement de missions de service public vers le privé, pour la plus grande satisfaction des acteurs économiques et financiers.

Quand se décidera-t-on à comprendre que c’est le système tout entier qui est en faillite et que les vieilles solutions ne sont plus de mise ?

L’étiquette « développement durable », utilisée en toutes circonstances, ne peut masquer la transformation radicale qui est en train de s’opérer à marche forcée, à savoir la transformation d’un État garant de l’intérêt général en un État garant de la concurrence libre et non faussée dans tous les domaines de la vie de nos concitoyens. Non, nous le pensons et le réaffirmons, le marché ne peut décidément pas opérer une conversion factice à l’écologie et au respect de l’environnement, pour accroître les seuls profits des actionnaires, comme c’est déjà le cas avec le système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre, devenu un marché spéculatif comme les autres.

Les derniers textes examinés par l’Assemblée nationale et le Sénat ont déjà largement contribué à « lever le voile ». En effet, comment concilier les objectifs généraux du Grenelle avec la libéralisation des transports ferroviaires, qui isole chaque jour un peu plus les territoires ruraux, la disparition des services publics dans nos communes rurales, la réforme annoncée des procédures d’enquête publique et les mesures du plan de relance, dont certaines font disparaître des zones humides qu’il faudrait protéger ?

L’urgence environnementale est trop pressante pour que nous ne parlions pas de ces incohérences.

Outre les cadeaux fiscaux qui profitent toujours aux mêmes catégories sociales, la faiblesse des mesures concrètes contenues dans les projets de loi de finances, que nous avions déjà soulignée lors de l’examen du texte en première lecture, dénature les signaux positifs que je relevais au début de cette intervention.

Le recyclage du capitalisme, soucieux désormais de développement durable et converti à la croissance verte à l’occasion de la crise que nous traversons, ne sera qu’un habillage si les fondements restent les mêmes. Au fond, monsieur le ministre d’État, le logiciel que vous nous proposez est intéressant dans le cadre du tout-libéral, mais nous disons que c’est le disque dur qu’il faut changer.

Par ailleurs, les travaux scientifiques et les observations avancent à un rythme plus rapide que celui de nos travaux parlementaires, et les réunions préparatoires au sommet de Copenhague nous montrent que nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent déjà être révisés à la hausse au niveau mondial. Il faut donc agir, mais en tenant compte des ménages, des salariés et des catégories les plus fragiles de notre population, qui n’adhéreront à ces bouleversements de leurs modes de vie, de déplacement, de consommation que si les engagements de ce projet de loi se traduisent par une plus juste répartition des richesses et non par un simple « verdissement » des mesures fiscales, alors même que les nouvelles coupes budgétaires privent la recherche, les transports, l’habitat, la santé et la plupart des services publics de leurs moyens d’action pour assurer cette transition nécessaire.

Le texte que nous examinons aujourd’hui, comme M. le rapporteur l’a lui-même souligné, est le résultat d’une reformulation parlementaire, et seuls vingt articles restent ouverts à la délibération. Nous interviendrons donc pour rappeler des points qui nous tiennent à cœur.

La lutte contre le réchauffement climatique, enjeu majeur pour les générations futures, passe avant tout par la réduction de la consommation énergétique, notamment celle des bâtiments existants, et la promotion de nouvelles constructions moins « énergivores ».

Si l’État doit montrer l’exemple, il faut tout d’abord qu’il aide les collectivités territoriales à suivre ce chemin vertueux, et ce n’est certainement pas en diminuant les dotations de fonctionnement, en supprimant la taxe professionnelle, dont on ne sait trop par quoi elle sera remplacée, ou en présentant les partenariats public-privé comme le seul recours que le résultat sera à la hauteur des ambitions affichées !

Concernant le logement social, alors que les charges et les loyers sont parfois déjà lourds à assumer pour les locataires, nous ne pouvons nous satisfaire des objectifs et moyens que vous nous proposez pour la rénovation des bâtiments, d’autant que les institutions financières seront encore privilégiées par le marché des éco-prêts et des crédits « développement durable » pour le secteur privé. Dans cette affaire, il s’agit aussi de justice sociale ! En favorisant des crédits d’impôt sur le revenu en faveur des économies d’énergies et de l’utilisation d’énergies renouvelables, vous oubliez ceux qui, chaque jour plus nombreux, touchés par le chômage et la précarité, ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu.

Ma collègue Mireille Schurch reviendra plus largement sur la question des transports, que je m’abstiens donc d’évoquer.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, nous aurons l’occasion de redire que les seules mesures de défiscalisation ne peuvent permettre leur développement. L’exploitation de la biomasse et des agro-carburants est bien entendu à promouvoir, mais elle ne doit pas se faire au détriment des cultures vivrières. Surtout, il faut encourager la réduction de la consommation d’énergie par l’innovation en termes de construction et de conception des produits. Enfin, l’exploitation des énergies thermiques est à améliorer, mais non pas au détriment de la santé de nos concitoyens. En tout état de cause, l’épuisement des ressources fossiles est devenu une certitude pour tous ; il serait temps d’en tenir compte et de préparer l’après-carbone.

Concernant la santé des hommes et des écosystèmes et la préservation de la biodiversité, si nous approuvons les dispositifs mis en place pour la trame bleue et la trame verte et l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides et biocides, nous souhaitons une avancée dans le classement des rivières, car l’état de certains cours d’eau et points de captage reste préoccupant.

La santé des travailleurs doit également être mieux préservée grâce au renforcement du rôle des lanceurs d’alerte et comités d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, pour qu’un scandale comme celui de l’amiante ne puisse plus se reproduire.

Les nouveaux risques, ou risques émergents, nécessitent aussi une plus grande vigilance. Leur suivi ne saurait être confié aux seules instances sanitaires financées par les industriels. Il faut aussi accorder des fonds à la recherche publique et faire confiance aux salariés des entreprises.

La question du traitement et du recyclage des déchets doit être approfondie. Il y a non pas une solution mais des solutions selon les produits, l’endroit où l’on vit et la fiabilité des filières mises en place. Gardons-nous de privilégier telle ou telle technique. Voyons, ici ou là, ce qui marche et pourquoi cela marche.

Lors d’un déplacement du groupe de travail sur les déchets en Espagne, nous avons vu que les certitudes d’hier n’étaient plus celles d’aujourd’hui. Mais nous avons surtout constaté, comme nous le faisons dans d’autres domaines, que ce qu’on a tendance à développer ici ou là, ce n’est pas forcément la meilleure technique au meilleur coût, mais bien ce qui a été aidé et financé par l’Europe, par l’État, par les agences.

Souvenons-nous que, dans le domaine de l’assainissement, nous avons développé partout et à tout prix l’assainissement collectif pour revenir aujourd’hui à un peu plus de souplesse, notamment à l’assainissement non collectif pour les bâtiments isolés. Attention donc à la tentation de la solution unique !

L’éco-conception des produits et la réduction des déchets à la source est la première piste à encourager. Désigner toujours le consommateur comme le pollueur revient à le rendre seul responsable et à s’en remettre à lui pour être vertueux pour trier et consommer mieux, alors que l’on fabrique sans vergogne des produits qui sont producteurs de CO2, dangereux pour la santé ou coûteux, en fin de vie, pour la collectivité.

Pour conclure, je souhaite remercier tous ceux qui ont permis que les discussions et le débat aient lieu et qui ont toujours répondu à nos sollicitations. Je citerai d’abord les rapporteurs, particulièrement Bruno Sido, qui nous ont permis d’accéder à toutes les auditions, de poser toutes les questions nécessaires. Ainsi, le débat n’a pas été limité.

Je remercie également les administrateurs de la commission, ainsi que les collaborateurs du ministère, qui ont toujours répondu à nos demandes.

Nous vous donnons acte, monsieur le ministre d’État, de ce que vous avez accepté la confrontation et le dialogue. J’ai d'ailleurs eu plaisir à vous lire dans l’Humanité Dimanche, cette semaine (Rires.), …

M. Bruno Sido, rapporteur. Cela mérite un abonnement gratuit !

Mme Évelyne Didier. … revue très intéressante dont je vous recommande la lecture, chers collègues. (Exclamations et rires sur les travées de lUMP.) Je peux d'ailleurs vous en procurer quelques exemplaires, si vous le souhaitez !

Monsieur le ministre d’État, vous aurez sans doute trouvé mon intervention bien sévère. Mais nous avons voulu rappeler notre conviction profonde et ce qui fait la spécificité de notre groupe. Car, en réalité, au nom du pragmatisme, vous voulez nous faire jouer « petit bras » alors que c’est d’une révolution que nous avons besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Evelyne Didier ayant conclu son intervention sur des louanges, je ne peux évidemment que m’inscrire dans la même dynamique, au moins pour ce qui est de la première partie de mon propos.

Monsieur le ministre d’État, vous avez, sur la forme, donné un ton à ce projet de loi qui, à mes yeux, est assez exemplaire et qui traduit une volonté de concertation ainsi qu’une volonté tout aussi forte de dégager une ligne directrice. D’ailleurs, le Sénat ne s’y est pas trompé en votant ce texte à la quasi-unanimité.

Je tiens au passage à saluer le travail remarquable qui a été fait au nom de la commission par notre collègue Bruno Sido.

M. François Fortassin. Il vous arrive parfois d’applaudir hors de propos, mon cher collègue, mais, pour une fois que vous êtes dans le ton, je ne vous en ferai pas le reproche ! (Sourires.)

La période de crise financière mondiale que nous traversons nous oblige à être beaucoup plus vigilants que nous ne le serions en temps normal. L’essentiel de l’effort qui doit être accompli aujourd’hui - au-delà de ce texte, dont je ne doute pas qu’il sera voté - consiste en un travail pédagogique auprès de nos concitoyens.

On ne doit pas se contenter de dire qu’il s’agit d’un texte fondateur. Il y a des messages à faire passer dans l’opinion publique, ce qui n’est pas forcément très facile.

Ainsi, au risque de les déconcerter, à ceux qui prônent une diminution impérative de la consommation d’énergie, je réponds : oui, mais à condition que ce ne soit pas aux pays pauvres de payer les pots cassés. On sait en effet qu’il existe une corrélation extrêmement étroite entre la consommation d’énergie et le niveau de vie.

De même, ne perdons pas de temps sur des débats sémantiques, aussi intéressant soient-ils, pour savoir si l’on doit utiliser le terme d’« agro-carburant » ou de « biocarburant ». On peut régler le problème en trois minutes en parlant de « carburants alternatifs ».

M. François Fortassin. Certaines questions me semblent beaucoup plus importantes.

Ainsi, il est de notre devoir de faire en sorte que la production alimentaire soit suffisante et de qualité, de manière à ne pas créer de pénurie tout en veillant à la santé de nos concitoyens. Tel est l’un des messages forts que nous devons faire passer au-delà des textes.

À ce propos, monsieur le ministre d’État, nous insistons pour que, une fois le texte voté, les décrets d’application soient pris sans retard, car il ne sert à rien de faire un très bon travail au Sénat ou à l’Assemblée nationale si, sur le terrain, cela ne se traduit pas par des mesures concrètes. Nous n’avons pas envie de ressembler à une société savante ! Nous voulons effectivement que notre travail se traduise par des faits.

Certains des amendements qui avaient été déposés par mon groupe seront de nouveau présentés. C’est le cas de l’un d’entre eux qui avait fait beaucoup sourire, puisque j’avais dit en le présentant qu’il était normal que les herbivores mangent de l’herbe. C’était une manière de souligner qu’il était important de protéger à la fois les nappes phréatiques, les paysages et la qualité des produits, qu’il s’agisse du lait ou de la viande. C’était aussi une façon de dire que l’herbe et le foin étaient pour les animaux les meilleurs aliments. C’est le genre de porte ouverte que je ne me lasse pas d’enfoncer, car il est des évidences qu’il est souvent bon de rappeler.

Nous nous félicitons de ce que certains de nos amendements sur l’« effacement » concernant les microcentrales électriques aient été repris.

Mon groupe suit avec attention les travaux de la commission, mais soyez assurés, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, que, si nous sommes plutôt favorables à ce texte, nous serons extrêmement vigilants quant à l’application qui en sera faite. Pour le dire familièrement, si le Grenelle I est une très belle lettre au père Noël, avec le Grenelle II, il faudra y mettre les moyens ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le père Noël, apparemment, est passé avec une hotte pleine. Y a-t-il des jouets par milliers ? Je n’en sais rien. (Sourires.) En tout cas, après la lettre qu’ont faite de nombreuses associations et sur laquelle les parlementaires ont travaillé, je pense que le père Noël a de quoi répondre aux nombreuses sollicitations qui lui ont été adressées.

Le contexte de cette deuxième lecture du Grenelle I est différent de celui de la première, comme cela a déjà été souligné. La crise que nous traversons est aujourd'hui beaucoup plus forte qu’elle ne l’était il y a plusieurs mois, et nos concitoyens la ressentent de plus en plus. Le besoin d’écologie, de plus d’environnement et de développement durable est passé dans les faits et nos concitoyens sont conscients que le Grenelle est pour la France, et peut-être demain pour l’Europe, un modèle pour appréhender différemment nos pratiques.

Le succès du film Home de Yann Arthus-Bertrand et les résultats enregistrés aux élections européennes par la liste Europe écologie quarante-huit heures après la diffusion de ce film à la télévision ont démontré, s’il en était besoin - même si l’offre politique était peut-être différente - que nos concitoyens sont intéressés par le développement durable et par l’environnement et croient à ce que nous pouvons faire dans le Grenelle de l’environnement.

Dans ce contexte, nous souscrivons au discours qu’a prononcé le Président de la République à Versailles, faisant valoir que, contrairement à ce que certains pouvaient dire, le Grenelle de l’environnement ne coûte pas cher, qu’il faut faire prendre à la France une avance qui lui permettra, demain, de créer 600 000 emplois nouveaux.

Monsieur le ministre d’État, lorsque vous parlez, comme vous l’avez fait tout à l’heure dans votre discours liminaire, de « fol espoir », de « soutien de la population », d’« avance de la France », le groupe socialiste est prêt à vous soutenir sans réserve.

Les Français sont également disposés à nous soutenir et, aujourd’hui, un rendez-vous est pris avec l’histoire, un rendez-vous est pris entre le peuple et le législateur. C’est un rendez-vous important, car le Grenelle I a suscité beaucoup d’espoirs. Cette deuxième lecture va vraisemblablement en susciter d’autres. Aussi nous devons rechercher la cohérence entre le Grenelle I et le Grenelle II, à commencer par la cohérence dans le temps parlementaire.

Alors que nous abordons le Grenelle I en deuxième lecture, nous avons déjà travaillé en commission sur le Grenelle II. Or notre groupe a le sentiment que le Grenelle II n’est pas à la hauteur du Grenelle I. Nombre de nos amendements ont été repoussés alors qu’au vu des deux textes il nous semble que bien des efforts restent à faire.

C’est la raison pour laquelle, pour reprendre la métaphore de mon ami François Fortassin, je voudrais être sûr que la lettre au père Noël sera suivie d’effets et que le Père Noël aura, dans sa hotte, beaucoup de belles propositions.

Aujourd’hui, malheureusement, il nous apparaît que, sur bien des sujets, le compte n’y est pas et que nous devrons aller plus loin.

Certes, l’unanimisme qui accompagne le Grenelle I est important et les parlementaires socialistes vont continuer à défendre cette idée qui fait de la France un modèle. Mais il faudra pousser les feux sur les transports - Michel Teston y reviendra -, sur l’alternative au transport du fret, sur le covoiturage, sur l’agriculture biologique, chère à Odette Herviaux, etc.

Il faudra dégager les moyens suffisants, parce que, sans moyens, on ne pourra pas aller bien loin.

Il faudra aussi investir sur la recherche, chère à Daniel Raoul. Lorsqu’on annonce que des centaines de postes de chercheurs en éco-toxicologie seront créés, il faut que les budgets correspondants soient mis en place car, à défaut, tout en restera à l’effet d’annonce.

Sur l’énergie et le climat, sujets qui seront évoqués par Roland Courteau et Paul Raoult, il est nécessaire d’aller plus loin pour répondre aux attentes de nos concitoyens. Concernant le climat, le point essentiel est les émissions de gaz à effet de serre. Dans les mois qui viennent, nous devrons aborder le débat sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire, qui ne doit pas être un sujet tabou au moment où les gaz à effet de serre sont une problématique absolument cruciale.

Thierry Repentin traitera la question de l’urbanisme, notamment la trame bleue et la trame verte.

Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, si nous sommes d’accord avec les bonnes intentions qui figurent dans le Grenelle I, nous déplorons le manque d’engagement réel et de moyens. Rien ne serait pire que de se contenter d’avoir fait rêver, d’avoir laissé penser que la France pouvait montrer la voie d’une planète et de modes de vie différents.

Lorsque le Président de la République vilipende l’ultralibéralisme,…

M. Dominique Braye. Bonne référence !

M. Didier Guillaume. … il a raison ! L’ultralibéralisme est incompatible avec notre conception du développement durable et avec une nouvelle approche de la planète.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Didier Guillaume. Mes chers collègues, les discours doivent maintenant absolument être suivis d’actes, pour réussir et passer de l’intention à une nouvelle approche de l’écologie politique.

Monsieur le ministre d’État, madame, monsieur le secrétaire d’État, vous devez répondre à nos interrogations dans les semaines qui viennent. Je le répète, nous sommes prêts à suivre vos orientations. Mais nous proposerons des amendements lors de la discussion du Grenelle II pour préciser les mesures envisagées.

Qu’au final nous-mêmes soyons déçus n’est pas ce qui compte le plus. L’important, surtout, est de ne pas décevoir l’espoir que ce débat a fait naître et qu’il faut absolument concrétiser.

C'est la raison pour laquelle nous adopterons, lors de la deuxième lecture, la même attitude qu’en première, ce qui ne nous empêchera pas d’être très exigeants et de présenter des propositions très fortes pour vous aider à réussir votre pari, monsieur le ministre d’État. Vous avez affirmé que la France devait être pilote en Europe : espérons que nous y parvenions ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Dominique Braye applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, madame, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà plusieurs mois que tous les commissaires de la commission de l’économie vivent au rythme du Grenelle. Avec l’examen en deuxième lecture du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, nous arrivons à la fin d’un premier cycle.

En déclenchant une véritable prise de conscience de l’urgence environnementale chez l’ensemble de nos concitoyens, le Grenelle a été un véritable succès. Il est en effet indispensable que nous soyons convaincus de la nécessité d’agir tous ensemble pour protéger notre environnement.

On a tendance à l’oublier, mais, chaque année, la consommation d’énergie des ménages continue de croître, alors que le secteur industriel a entrepris sa mue énergétique depuis plusieurs années déjà.

Les technologies de substitution continuent de soulever un certain nombre d’interrogations, comme le prouvent les nombreux articles qui fleurissent ces jours-ci sur les risques des ampoules fluocompactes pour l’environnement.

Mais nos concitoyens sont désormais conscients de la nécessité de tous faire des efforts.

Par ailleurs, la « croissance verte », comme on l’appelle, est une véritable opportunité pour notre économie, durement touchée par la crise.

Selon une étude du Boston Consulting Group faite à la demande du MEEDDAT, les quinze grands programmes du Grenelle de l’environnement devraient générer sur douze ans environ 450 milliards d’euros d’activité et 600 000 emplois en moyenne.

Ces résultats sont à mettre en parallèle avec les conclusions du rapport Stern, qui démontrent ceci : si l’on ne fait rien, cela coûtera à terme largement plus cher qu’agir, et conduire une politique de développement durable, en y consacrant une part du PIB tout à fait raisonnable, est à notre portée.

Je suis donc tout à fait favorable à ce projet de loi sur le fond. L'Assemblée nationale a conservé de nombreuses dispositions qui avaient été ajoutées ou modifiées par le Sénat. Je me félicite notamment de ce que plusieurs mesures que j’avais eu l’honneur de présenter et auxquelles j’attache beaucoup d’importance aient été maintenues.

La première de ces mesures prévoit une modulation pour la réduction des intrants dans les filières de production qui ne disposent aujourd’hui d’aucune molécule pouvant se substituer à celles qui sont interdites ou qui vont l’être prochainement.

La seconde vise au développement de ressources en eau, par la création de retenues. Stocker l’eau quand elle est abondante, en prévision des périodes plus sèches, est une mesure de bon sens qui répond au principe de précaution : nous l’avons répété à de nombreuses reprises à cette tribune, mais la question revient systématiquement. Cette problématique n’est pas seulement agricole. Ainsi, le secrétaire général de l’ONU a affirmé le 24 janvier dernier au Forum économique mondial de Davos que les ressources en eau étaient en train de s’épuiser.

Dans le cadre de la deuxième lecture, la commission a apporté plusieurs modifications au présent projet de loi. Les principales, à mon sens, portent sur l’article 26, relatif à la trame bleue.

Elle a ainsi supprimé une disposition prévoyant l’effacement des ouvrages les plus problématiques. Cette suppression est conforme à l’article L. 211-1 du code de l’environnement aux termes duquel la gestion équilibrée de la ressource en eau doit permettre de satisfaire les exigences nombreuses et importantes de « l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées ». On voit donc bien l’importance de cette question.

De même, la commission a remplacé la notion de restauration des continuités écologiques par celle de remise en bon état, sur vos bons conseils, me semble-t-il, madame la secrétaire d’État.

Cette modification s’inscrit dans la droite ligne des travaux que la commission a menés sur le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, et il est primordial de maintenir une cohérence entre les deux textes sur les articles où cela est possible.

Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas en détail sur la problématique de l’agriculture, que j’avais défendue en première lecture. Je tiens toutefois à rappeler que les agriculteurs ont déjà entrepris de gros efforts d’adaptation et de réduction des intrants.

Avec la mise en œuvre du Grenelle, ces efforts seront encore démultipliés. Les agriculteurs sont tout à fait conscients de la nécessité d’adapter leur activité aux impératifs environnementaux. Ils ont toutefois besoin d’un peu de temps, mais également de se sentir accompagnés. C’est pourquoi je tenais à souligner la nécessité de faire preuve de prudence dans la rédaction des décrets d’application sur ces thèmes et de beaucoup de pédagogie dans leur mise en œuvre.

J’en viens à l’élimination des déchets.

L’article 41 fixe les principes et objectifs qui devront guider la politique des déchets dans les années à venir, conformément aux conclusions du Grenelle de l’environnement.

Les députés ont ajouté à cet article un alinéa ayant pour objet d’améliorer la gestion des déchets organiques. Dans son rapport, M. Sido souligne que « la valorisation organique est sans aucun doute l’un des enjeux majeurs des futures politiques de gestion des déchets au regard du gisement des déchets organiques – un quart à un tiers du gisement total ».

Avant l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi, le groupe sénatorial de travail sur les déchets, présidé par notre dynamique et compétent collègue Dominique Braye et auquel j’ai l’honneur d’appartenir, s’est rendu en Catalogne.

Ce fut l’occasion d’étudier sur place les résultats des actions mises en œuvre en matière de tri mécano-biologique et de méthanisation, grâce à des visites et des discussions avec les responsables, c’est-à-dire les élus locaux, les députés de la majorité ou de l’opposition, les techniciens et les ingénieurs.

Ce déplacement n’a fait que renforcer mes doutes sur cette technique.

La méthanisation est une technique intéressante et nous devons la favoriser quand cela est possible, en particulier dans nos territoires agricoles, pour les déchets de l’agriculture – notamment les lisiers, les boues et les fientes –, voire pour la partie organique des ordures ménagères quand elle est collectée de façon sélective.

En revanche, force est de constater que la tri-méthanisation des ordures ménagères résiduelles, les OMR, que nous expérimentons en France depuis plus de 20 ans, n’a toujours pas convaincu techniquement et économiquement.

L’expérience catalane de tri-méthanisation des OMR est un échec patent. Tous nos interlocuteurs, politiques et techniciens, ont été unanimes à ce sujet. Ils ont même décidé de convertir leurs installations en les réservant aux biodéchets collectés séparément.

De plus, la méthanisation ne réduit que faiblement la quantité de déchets ultimes. Donc, en aval, l’incinération ou le stockage sont indispensables.

On peut d’ailleurs s’interroger sur l’intérêt d’investir lourdement dans une installation de méthanisation pour produire du méthane alors que, dans le stockage, de toute façon indispensable, on peut s’organiser pour récupérer et valoriser le biogaz par un investissement simple ou par la mise en place d’un bioréacteur, comme l’a fait l’un de nos collègues dans sa circonscription.

Par ailleurs, en ce qui concerne le tri mécano-biologique, l’ADEME a réalisé une étude comparative des traitements dits « TMB » dans différents pays européens.

Il est frappant de constater que seule la France s’est orientée vers la production de compost à partir d’OMR. J’ai toujours défendu la position suivante : notre agriculture et nos sols ont besoin de recevoir des intrants et du compost, mais il faut des garanties.

Dans tous les autres pays, la qualité médiocre de ces composts et le caractère non pérenne de leur utilisation en agriculture ont conduit à l’arrêt des productions. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à interdire l’épandage de ces composts sur les terres agricoles.

En France, il me semble que l’on s’obstine – nous connaissons le tri-compostage depuis au moins deux décennies ! –, et que l’on se ment même parfois, en diluant avec des déchets verts ces composts pour atteindre une norme qui ne garantit en rien leurs qualités et la pérennité des débouchés.

La preuve en est que l’ADEME n’aide plus ces unités et encourage le compost issu des biodéchets collectés sélectivement.

Soyons-en persuadés, les orientations que nous allons prendre et les solutions que nous aurons choisies en adoptant ce texte guideront les responsables de nos collectivités dans leur choix. Elles auront donc des conséquences sur le plan environnemental, ainsi que, bien évidemment, sur la charge financière pesant sur nos concitoyens.

Aussi, nous devons répondre à quelques interrogations. Je ne citerai que trois d’entre elles, parmi les plus importantes : quel avenir pour le compost réalisé à partir des ordures ménagères résiduelles ? Le tri mécano-biologique couplé à la méthanisation peut-il être une solution d’avenir ? Pouvons-nous faire l’économie de créer en milieu urbain de nouvelles capacités d’incinération et de poursuivre en milieu rural la stratégie de stockage avec récupération et valorisation du méthane à partir d’installations simples ou de la mise en place d’un bioréacteur ?

Pour apporter des éléments de réponse, le groupe de l’Union centriste a, sur ma proposition, demandé au Sénat de bien vouloir diligenter, dans le sillage du groupe d’études sur les déchets présidé par notre collègue Dominique Braye, une mission d’information.

Je sais que le président du Sénat et la commission de l’économie, présidée par Jean-Paul Emorine, ont émis un avis favorable sur cette demande. Je les en remercie sincèrement et je suis sûr que nous pourrons, d’ici à la fin de l’année, réaliser un travail très utile. Monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, nous aurons, si vous le voulez bien, des contacts avec vous-mêmes et vos collaborateurs sur ces sujets. (M. le ministre d'État acquiesce.)

Je terminerai en vous remerciant, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État. Mes remerciements vont également au président de la commission de l’économie et à M. le rapporteur, qui a accompli – est-il besoin de le signaler ? – un travail remarquable, comme toujours, ainsi qu’aux collaborateurs de la commission, lesquels sont particulièrement dévoués, efficaces et disponibles. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)