Sommaire

Présidence de Mme Monique Papon

Secrétaires :

MM. François Fortassin, Jean-Noël Guérini.

1. Procès-verbal

2. Débat sur les travaux de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes (Ordre du jour fixé par le Sénat)

Point de vue de la mission

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information ; M. Christian Demuynck, rapporteur de la mission commune d’information.

Point de vue des groupes politiques

Mmes Christiane Demontès, Catherine Morin-Desailly, MM. Jean-François Voguet, Jacques Legendre, Mme Françoise Laborde, MM. Martial Bourquin, Michel Thiollière, Mme Bernadette Dupont.

3. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires chiliens

4. Débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes (suite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse.

Débat interactif et spontané

MM. Antoine Lefèvre, le haut-commissaire.

MM. Jacques Mahéas, Christian Demuynck, rapporteur de la mission commune d’information.

Mme Éliane Assassi, M. le haut-commissaire.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. le haut-commissaire.

Mme Maryvonne Blondin, MM. le haut-commissaire, le rapporteur.

Mme Catherine Troendle, M. le haut-commissaire, Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. 

Mme Virginie Klès, M. le haut-commissaire.

Mme Gisèle Gautier, M. le haut-commissaire.

Mme Bernadette Bourzai, M. le haut-commissaire.

Mmes Françoise Laborde, la présidente de la commission, MM. le rapporteur, le haut-commissaire.

5. Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

6. Réforme de l'hôpital. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (Texte de la commission)

Article additionnel avant l’article 28 (réservé jusqu’après l’article 34)

Article 28

Mme Bernadette Bourzai, MM. Yves Daudigny, Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.

Amendements identiques nos 970 de M. François Autain et 1108 de M. Jacky Le Menn ; amendements nos 1107 de M. Yves Daudigny et 971 de M. François Autain. – MM. Guy Fischer, Bernard Cazeau, Yves Daudigny, Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Paul Blanc, Marc Laménie. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 970 et 1108 ; retrait de l’amendement no 1107 ; rejet de l’amendement no 971.

Amendements identiques nos 972 rectifié de M. François Autain et 1109 de M. Jacky Le Menn. – MM. Guy Fischer, Bernard Cazeau, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 223 de M. René Beaumont, 1110 de M. Jacky Le Menn et 975 de M. François Autain. – MM. René Beaumont, Yves Daudigny, Mme Annie David, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait des amendements nos 1110 et 223 ; rejet de l’amendement no 975.

Amendements nos 1106 de M. Yves Daudigny, 224 de M. René Beaumont, 976 de M. François Autain et 1111 de M. Jacky Le Menn. – MM. Yves Daudigny, Guy Fischer, Mme Patricia Schillinger, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement no 224 ; rejet des amendements nos 1106, 976 et 1111.

Amendement n° 225 de M. René Beaumont. – Retrait.

Amendement n° 1139 rectifié de M. Michel Mercier. – Retrait.

Amendements nos 1140 de M. Michel Mercier et 1112 de M. Jacky Le Menn. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 1113 de M. Jacky Le Menn. – Mme Bernadette Bourzai, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, MM. Guy Fischer, Michel Mercier. – Rejet.

Amendements nos 1170 du Gouvernement ; amendements identiques nos 983 rectifié de M. François Autain et 1124 de M. Jacky Le Menn. – Mmes la secrétaire d'État, Annie David, MM. Bernard Cazeau, le rapporteur, Guy Fischer. – Retrait des amendements nos 1124 et 983 rectifié ; adoption de l’amendement no 1170.

Amendements nos 973 de M. François Autain, 1114 à 1119 de M. Jacky Le Menn, 982 de M. François Autain, 226 de M. René Beaumont et 1008 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – MM. Guy Fischer, Claude Bérit-Débat, Mmes Annie David, Bernadette Bourzai, MM. Yves Daudigny, Bernard Cazeau, René Beaumont, Alain Vasselle, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement no 226 ; rejet des amendements nos 973, 1114, 982 et 1115 à 1119 ; adoption de l’amendement no 1008 rectifié bis.

Amendement n° 227 de M. René Beaumont. – Retrait.

Amendements nos 1120 de M. Jacky Le Menn, 974, 979 de M. François Autain, 1332 et 1333 de la commission. – MM. Yves Daudigny, Guy Fischer, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 1120, 974 et 979 ; adoption des amendements nos 1332 et 1333.

Amendement n° 1121 de M. Jacky Le Menn. – Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement n° 1171 rectifié du Gouvernement et sous-amendement no 1354 de Mme Sylvie Desmarescaux. – Mme la secrétaire d'État, M. le rapporteur, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. le président, Alain Vasselle, Bernard Cazeau, Gérard Dériot, Gilbert Barbier.

M. le président.

Renvoi de la suite de la discussion.

7. Dépôt d'un projet de loi

8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

9. Dépôt de rapports

10. Dépôt de textes de commissions

11. Dépôt d'un rapport d'information

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-Noël Guérini.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Débat sur les travaux de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes

(Ordre du jour fixé par le Sénat)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle un débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.

Point de vue de la mission

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la mission commune d’information.

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, pourquoi une mission d’information sur la politique en faveur des jeunes ? Parce que les jeunes, ce n’est pas un concept théorique ou une catégorie statistique de l’INSEE, ce sont les 8 millions de Français qui vont prendre notre relève. Ils sont notre avenir, rien de moins ! Or la situation des 16-25 ans en France est loin d’être brillante ; elle s’aggrave, et il y a urgence !

La plupart des indicateurs de notre jeunesse sont dans le rouge : le taux de chômage dépasse les 20 % – soit plus du double du taux de chômage de l’ensemble de la population. Déjà parmi les plus élevés d’Europe, ce taux de chômage des jeunes a très fortement augmenté, avec une hausse de 34 % ces douze derniers mois. Tous contrats confondus, les perspectives d’embauches sont catastrophiques... Résultat, nous vivons dans un pays où plus d’un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté. Aussi, il n’est pas étonnant que, à l’échelle des pays riches, seule la jeunesse japonaise soit plus déprimée que la nôtre !

Pour la première fois en France, la jeune génération pense que son avenir sera plus difficile et plus sombre que celui de ses parents. Quand la sinistrose atteint ceux qui sont précisément censés rêver à des lendemains qui chantent, il n’est plus temps de s’inquiéter ; il faut agir.

Bien sûr, cette mission s’imposait, parce que, dans le contexte de crise économique majeure qui est le nôtre, la situation va empirer. D’ailleurs, tous les analystes s’accordent à dire que, malheureusement, pour les jeunes, le fond n’a pas encore été atteint.

La dimension conjoncturelle n’est pas seule en cause. Depuis trente ans, le taux de chômage des jeunes en France est supérieur à 18 %. Depuis trente ans, la situation se dégrade, plus ou moins lentement. Depuis trente ans, nous avons tenté de trouver des remèdes, mais nous avons aussi développé des problèmes structurels dans l’accompagnement, la réalisation, l’épanouissement de nos jeunes... Quand on en arrive à ce qu’une frange non négligeable de notre jeunesse doive choisir entre se loger et se nourrir, admettons-le, c’est bien que, depuis trente ans, en matière de politique des jeunes, nous nous sommes tous rendus coupables d’une certaine incompétence.

Cette mission avait donc pour double objectif de faire des propositions – je laisserai M. le rapporteur vous les exposer –, mais également de comprendre comment nous en sommes arrivés là en identifiant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Monsieur le haut-commissaire, vous en conviendrez certainement, à cette fin, une commission et une mission lancées en parallèles ne sont pas de trop.

Avant que je n’aborde les principaux constats auxquels nous sommes parvenus, permettez-moi de vous dire quelques mots de la façon dont nous avons travaillé.

Dans un délai délibérément condensé en à peine deux mois, la mission a mené un peu plus de quatre-vingts auditions et tables rondes rencontrant, entre autres, des sociologues, des chercheurs, des représentants des employeurs, des représentants des salariés, des syndicats d’étudiants, des jeunes militants politiques, des éducateurs, des travailleurs de terrain, des jeunes réalisant un service civique, et même des ministres et un haut-commissaire ! (Sourires.)

Autant que la quantité de ces auditions et la qualité des intervenants véritablement impliqués dans leurs actions, ce qui a fait, à mes yeux au moins, l’intérêt du travail de cette mission, c’est bien l’esprit d’ouverture dont tous les membres ont su faire preuve.

Je ne vous dirai pas que nous sommes venus sans a priori – nous en avons tous –, mais il me semble que les membres de cette mission ont su les dépasser au gré des nécessités, afin de comprendre en profondeur les défaillances de notre système.

La mission a également effectué deux déplacements en province, le premier en milieu rural, à Bayeux, le second, en milieu urbain et en « banlieue », à Lyon et à Saint-Fons. S’il y a des problématiques transversales, les difficultés qu’affrontent nos jeunes ne sont pas les mêmes pour celui qui vit dans une tour, proche d’un centre d’activités, ou dans un secteur géographique plus dépeuplé.

Dès le début, malgré leur ampleur et leur complexité, nous avons choisi de traiter les thèmes qui nous semblaient centraux – formation, orientation, emploi et accès à l’emploi, ressources et autonomie financière, logement, santé, citoyenneté... – et, même si certains thèmes se sont peu à peu imposés, nous avons tenté de nous y tenir jusqu’au bout, sans très bien y parvenir. Les questions relatives à l’accès à la culture, au sport, et même à la santé, auraient mérité que nous nous y intéressions d’avantage, ce que nous n’avons pu faire, faute de temps. Il en est de même pour la difficile question de l’autonomie financière.

Aussi, les membres de la mission ont convenu de se réunir dans les semaines à venir pour aboutir à la fin du mois de juin au second tome de notre rapport, comprenant les auditions que nous avons réalisées, les débats de ce jour. Ce second tome s’intéressera également aux propositions du Livre vert de la « commission Hirsch ».

J’en viens maintenant au cœur de ce qui nous occupe aujourd’hui, à savoir les principaux constats auxquels est parvenue la mission.

L’amélioration de l’orientation est une priorité. Les membres de la mission sont unanimes sur ce point, d’autant que c’est une des premières préoccupations exprimées par les jeunes. En effet, la quasi-totalité des personnes auditionnées a dénoncé l’illisibilité des structures d’orientation et la persistance d’un paradoxe français entre la coexistence des 8 500 points d’information recensés sur le territoire, qui manifestent l’ampleur des moyens consacrés à l’orientation, et la permanence d’un sentiment général de déficit de « signalisation » des parcours de formation ou d’insertion professionnelle.

Parce que c’est là un élément déterminant, nous nous sommes demandé pourquoi l’orientation était trop souvent vécue, en France, comme un traumatisme. Contrairement à ce qui se passe dans les pays scandinaves, notre système exerce une très forte « pression » sur les jeunes ; il ne leur reconnaît pas suffisamment le droit au positionnement progressif des trajectoires.

Dans l’enseignement scolaire, l’orientation apparaît, dès le plus jeune âge, comme une cascade d’exclusions successives fondées sur des critères contestables. On a trop tendance à trier les élèves en fonction de leurs seuls résultats scolaires dans les savoirs abstraits, ce qui mine peu à peu l’estime de soi de nombreux jeunes, leur fait porter un regard négatif sur eux-mêmes, les conduit au découragement

Il faut noter encore la persistance des déterminismes sociaux, puisque l’origine sociale et les diplômes des parents continuent de peser lourdement sur l’orientation des jeunes.

En outre, de fortes disparités territoriales, une rigidité de l’offre de formation professionnelle, une orientation des élèves de la filière professionnelle largement irréversible à défaut de réelles passerelles, minent notre système.

En résumé, notre schéma d’orientation fonctionne mal et, pire, il ne laisse aucune possibilité de seconde chance. Dans la mesure où 20 % des jeunes, soit environ 150 000 personnes, sortent chaque année du système scolaire sans diplôme, nous pouvons dire – et je cite le rapport de la mission – que « notre modèle méritocratique républicain marque le pas ». Nous nous prononçons clairement pour la création d’un service public de l’orientation avec l’embauche de personnels dédiés.

Par ailleurs, la nécessité d’accentuer le rapprochement entre l’école et le monde du travail a fait l’objet du plus grand consensus au sein de notre mission.

Les possibilités de stages demeurent aujourd’hui limitées, et tant qu’elles ne seront pas organisées par les établissements sur le principe de « bourses aux stages », elles continueront de reproduire les inégalités sociales liées au milieu d’origine, puisque l’obtention d’un stage dépend aujourd’hui avant tout du réseau familial, quand il y en a un…

Plus profondément, toute la difficulté est d’insuffler dans le système éducatif et dans le monde professionnel une véritable « culture du stage » ainsi que de combattre les cloisonnements qui handicapent l’insertion des jeunes.

Évidemment, nous nous sommes également penchés sur la nécessaire valorisation des filières en alternance, qu’elles soient sous statut scolaire ou sous contrat d’apprentissage. Leur « segmentation » complique l’orientation et soulève des interrogations sur la nécessité de mutualiser les moyens de formation, notamment en zone rurale.

Il est vrai que le taux d’accession à l’emploi des jeunes issus de l’alternance sous contrat est plus élevé. Mais avant de miser sur le « tout apprentissage », comme souhaite le faire le Président de la République, il serait bon de se demander, surtout en ce moment, quelle sera la capacité d’accueil des entreprises françaises ? Comment renforcer l’attractivité des lycées professionnels ? Ou encore, comment décloisonner les différentes voies de formation par alternance ?

J’en viens au volet relatif à l’emploi des jeunes.

Dans ce domaine, je l’ai dit au début de mon intervention, le constat est alarmant : à la fin de l’année 2008, plus d’un jeune sur cinq était au chômage et l’augmentation constatée était de 34 % sur un an, notamment parce qu’un grand nombre de contrats précaires n’ont pas été renouvelés. La France est mal placée dans ce domaine car le taux de chômage des jeunes est supérieur de sept points à la moyenne de l’OCDE. Les jeunes de banlieue sont confrontés à des problèmes encore plus graves : dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, c’est-à-dire les banlieues, le taux de chômage est d’environ 40 %.

Pour sortir du chômage, les jeunes sont souvent contraints d’accepter des emplois précaires. La proportion de contrats d’intérim ou de contrats à durée déterminée chez les 16-25 ans est ainsi deux fois supérieure à la moyenne nationale. Un grand nombre de jeunes alternent contrats courts, stages, périodes de chômage et retours en formation avant de se stabiliser. Il s’écoule donc en moyenne six à sept ans entre le moment où un jeune achève ses études et celui où il décroche un contrat à durée indéterminée. Six ou sept ans, c’est un long parcours du combattant, inacceptable pour nous.

Les raisons de ce constat sont sans doute multiples. La mission en a fait émerger plusieurs parmi lesquelles le concept de « culture d’entreprise ».

Il n’est pas normal que ceux qui s’occupent d’éducation, de formation et d’orientation n’aient aucune notion de la « culture d’entreprise ». Ces deux mondes doivent apprendre à se rencontrer et à échanger.

Il n’est pas normal que les entreprises soient, elles aussi, atteintes de la « diplômite » aiguë, ne valorisant que le diplôme ou le parcours de formation sans faute, au détriment du savoir-faire, du savoir-être et du parcours personnel du candidat, valorisé au contraire de façon intéressante dans les pays du nord de l’Europe.

Il n’est pas non plus normal que nombre d’entreprises s’autorisent à proposer à un jeune diplômé un stage plutôt qu’un contrat de travail. Nous évoquons là un changement de paradigme qui amènerait nos entreprises à se sentir concernées par l’entrée des jeunes dans la vie professionnelle.

Nous nous sommes aussi préoccupés des ressources financières des jeunes et de la question plus générale de leur autonomie.

Plusieurs sociologues auditionnés par la mission ont souligné le décalage croissant entre une aspiration à l’indépendance personnelle plus précoce des jeunes et une autonomie financière rendue plus tardive par l’allongement de la durée des études et la précarisation des emplois.

À défaut de consensus tant sur le concept d’autonomie même que sur les moyens d’y arriver, les aides publiques aux jeunes sont toutefois plus que jamais nécessaires pour remédier à l’inégalité des chances et pour les aider à s’insérer dans une société où les nouveaux entrants sont structurellement désavantagés, notamment en raison des caractéristiques du marché du travail ou du marché du logement. En d’autres termes, les jeunes sont victimes d’inégalités criantes et ils ont besoin d’une solidarité intergénérationnelle organisée et mutualisée.

Pour répondre aux difficultés des jeunes, des dispositifs différenciés ont été mis en place selon qu’ils poursuivent ou non un cursus de formation.

Pour les étudiants, si des bourses sont versées à environ 525 000 d’entre eux, leurs montants limités ne suffisent pas à répondre à la problématique de l’autonomie.

Pour les jeunes inactifs non étudiants, la situation est encore pire puisque les seules aides existantes consistent en l’addition de dispositifs ponctuels et peu diffusés tels le contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, 366 euros par an en moyenne, ou le contrat d’autonomie, 300 euros pendant six mois. Pourquoi un tel vide ? La France est l’un des trois seuls pays de l’OCDE qui exclut les moins de 25 ans des minima sociaux. C’est bien une dimension centrale des politiques en faveur des jeunes qu’il faudra envisager de front à court terme.

Il me semble important de rappeler ici que le préambule de la Constitution prévoit le droit pour chacun à des moyens convenables d’existence. Il faudra bien avancer sur cette difficile question de l’autonomie financière des jeunes. La mission entend donc poursuivre ses travaux sur ce point pendant le mois de juin.

L’accès au logement constitue également un élément clé de l’accès à l’autonomie des jeunes. En effet, 57 % des 16-25 ans vivent encore chez leurs parents et force est de constater que l’offre de logements adaptée aux jeunes est très largement insuffisante, comme l’offre générale d’ailleurs.

Le parc du CROUS – centre régional des œuvres universitaires et scolaires – n’offre que 157 000 logements pour 2,3 millions d’étudiants.

Les foyers de jeunes travailleurs ne disposent que de 40 000 places pour loger les quelque 600 000 jeunes en formation en alternance et près de 800 000 jeunes travailleurs en situation précaire.

Le parc social présente l’inconvénient de n’offrir que très peu de logements de petite taille, avec des délais d’attente compris entre six et vingt-quatre mois dans certaines zones tendues, peu compatibles avec la mobilité des jeunes.

Enfin, alors que 58 % des jeunes sont locataires dans le parc privé, l’accès à un logement s’apparente de nouveau à un « véritable parcours du combattant » s’ils ne bénéficient pas de l’aide de leurs parents.

Enfin, mes chers collègues, pour terminer sur une note plus personnelle, je voudrais partager avec vous deux ou trois impressions qui m’ont le plus marquée au cours de cette mission.

Que ce soit lors des auditions ou lors des déplacements sur le terrain en province, à Bayeux et à Saint-Fons, j’ai été frappée, pour tout dire impressionnée, par l’implication de nos interlocuteurs.

Les professionnels que nous avons rencontrés sont motivés, innovants, créatifs, ayant tous mené une réflexion approfondie sur leur action et conscients de l’importance des enjeux. Les jeunes que nous avons rencontrés, qu’ils soient étudiants, travailleurs ou en recherche d’emploi, malgré des parcours très différents, étaient manifestement avides d’être entendus, pressés de témoigner, et, bien souvent, si elles étaient empreintes d’une certaine désillusion, leurs analyses étaient éclairantes et étonnantes de maturité.

À Bayeux, nous avons rencontré au Pôle emploi une douzaine de jeunes regroupés pour un bilan sur leur recherche d’emploi déjà ancienne.

Pour la plupart sans qualification, avec des histoires de vie difficiles et une série d’échecs scolaires, précisément victimes de ce système d’exclusion par l’échec que j’évoquais précédemment, ces jeunes nous ont dit comment ils persévèrent, s’acharnent même, pour tenter de s’en sortir.

Nous avons tous été vraiment remués par cette rencontre. Nous avions face à nous une France qui se lève tôt pour essayer désespérément de trouver sa place dans la société.

Enfin, concernant les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système sans formation, je tiens à dire à quel point j’ai été frappée par le nombre de professionnels qui nous ont expliqué qu’avant même de penser formation ou emploi, il s’agissait de les « réparer », de les persuader qu’ils étaient capables de réussir quelque chose.

Lorsque ces propos sont tenus par des associations d’éducation populaire ou des missions locales, ce regard, cette approche sont considérés comme normaux ; mais ces mêmes propos sont tenus par le représentant de l’Établissement public d’insertion de la défense, l’EPIDE, un militaire de carrière, qui raconte : « Quand un jeune arrive chez nous, il nous dit “je suis une merde” et notre premier travail va consister à lui permettre de réussir enfin quelque chose. » Lorsqu’on entend cela, on se dit qu’il est grand temps d’agir.

Le rapport de la mission n’a pas été adopté par l’ensemble des membres, mais tous nous refusons qu’un jeune sorte du système scolaire sans aucune reconnaissance d’un savoir-faire ou d’un savoir-être ; nous refusons que des jeunes diplômés mettent presque dix ans à stabiliser leur vie professionnelle, donc leur vie personnelle ; nous refusons qu’un jeune ait à choisir entre se loger et manger.

C’est cette ambition qui nous a fédérés et je terminerai en disant à chaque membre de la mission, ainsi qu’aux collaborateurs qui nous ont assistés, que j’ai vécu à l’occasion de cette étude deux mois passionnants, et je ne doute pas que notre travail sera encore enrichi par les échanges que nous aurons aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de lUnion centriste et de l’UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Demuynck, rapporteur de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à me réjouir de l’organisation de ce débat en séance publique. Nos nouvelles pratiques parlementaires nous permettent ainsi de débattre tous ensemble des sujets de préoccupations qui ont inspiré les travaux de notre mission commune d’information, avant même que le rapport ne soit rendu public, ce qu’il sera demain.

Comme l’a indiqué Mme Le Texier, de nombreuses raisons justifiaient que le Sénat se penche sur la situation des jeunes. Nous avons aussi voulu contribuer, en amont, à la concertation que vous avez engagée, monsieur le haut- commissaire.

Enfin, nous jugeons indispensable que le regard de la société sur la jeunesse change car elle pâtit de l’image négative souvent véhiculée par les médias, notamment à travers la mise en avant d’épiphénomènes de violence qui ne concernent qu’une infime minorité. Cela ne doit pas faire oublier le message transmis par les représentants des radios très écoutées par les jeunes entendus par la mission.

Aux questions : « Quels sont les attentes et les besoins des jeunes d’après vous et comment les pouvoirs publics pourraient-ils s’adresser plus efficacement à eux ? », ils répondent que les jeunes ont besoin de sincérité, de proximité, de respect, mais aussi de repères et d’autorité leur donnant un cadre. Ils ont une forte envie d’explications les aidant à comprendre le monde dans lequel ils évoluent et celui qui les attend. Ils ont envie de dialoguer, mais il faut absolument éviter l’écueil du jeunisme !

C’est avec cette envie d’aider notre société à retisser les fils intergénérationnels, d’écouter, de dialoguer avec les jeunes et de fixer de nouveaux cadres pour une société plus positive et accueillante à leur égard que notre mission a conduit ses travaux.

Quelles sont nos propositions ? Sans être exhaustif, j’en évoquerai les principales.

Tout d’abord, pour renforcer l’efficacité de l’orientation, la mission préconise un ensemble cohérent de recommandations.

S’agissant des structures, et dans le prolongement de la création de la Délégation interministérielle à l’orientation, nous estimons souhaitable de créer un véritable service public de l’orientation et de généraliser les plateformes multiservices d’information régionales exerçant une fonction d’aiguillage vers les dispositifs existants.

En ce qui concerne la méthode, nous proposons de développer les démarches volontaristes de soutien à l’orientation et d’accompagnement des jeunes les plus en difficulté, y compris en les contactant à leur domicile, comme le font, par exemple, les Danois.

S’agissant des personnels, la mission estime qu’il convient de fonder la formation et le recrutement des conseillers d’orientation sur la connaissance concrète du monde du travail et d’organiser un recrutement au « tour extérieur » de nouveaux conseillers d’orientation ouvert à d’anciens professeurs ou à des personnes issues du monde de l’entreprise.

Enfin, mieux informer et sensibiliser les jeunes à l’égard des métiers en tension qui connaissent des difficultés de recrutement nous apparaît comme une mesure de bon sens.

En matière d’orientation, tout se joue en réalité dès le primaire. Même si notre mission ne devait pas évoquer les problèmes de l’enseignement, nous avons estimé nécessaire de faire un point sur ce sujet particulier et nous avons jugé essentiel de combattre les « décrochages » scolaires dès le plus jeune âge, notamment en dédoublant les cours d’apprentissage de la lecture en cours préparatoire.

De façon plus globale, on ne pourra réduire le traumatisme de l’orientation qu’en s’attaquant aux principaux défauts de notre « modèle méritocratique républicain », dont la rigidité explique le malaise de bien des jeunes.

Nous soulignons l’importance qui s’attache, tout d’abord, à reconnaître aux jeunes le droit à la différenciation des parcours, en développant les passerelles entre les différentes voies de formation, pour faciliter les réorientations et les reprises d’études.

Dans la même logique, nous recommandons de « semestrialiser » ou de « trimestrialiser » la durée des formations en lycée professionnel.

Il est en même temps essentiel de garantir à chaque jeune, en particulier à celui qui s’engage dans une formation professionnelle courte, une possibilité ultérieure de reprise d’études.

Enfin, pour mettre un terme aux sorties du système éducatif sans aucun diplôme et en finir avec la logique actuelle du « tout ou rien », la mission appelle très solennellement à évaluer et à identifier les compétences ainsi que les acquis scolaires de tous les élèves et à leur délivrer une certification ou une attestation. Il faut valoriser non seulement les savoirs, mais aussi les savoir-faire et les savoir-être.

Le rapprochement du monde éducatif et du monde professionnel est une sorte de « serpent de mer » : au fil du temps, nous sommes passés de l’incantation à l’affichage de principes ; pour parfaire leur mise en œuvre, la mission propose plusieurs mesures concrètes.

Pour rendre les stages des jeunes plus accessibles et plus formateurs, nous souhaitons que les établissements d’enseignement scolaire et universitaire organisent des « bourses de stages », afin de favoriser l’égalité des chances et, pour ce faire, d’intensifier les partenariats avec les employeurs et le service public de l’emploi.

Nous préconisons de labelliser et de valoriser les entreprises et les collectivités publiques qui se mobilisent pour accueillir des stagiaires et proposent un accompagnement de qualité. Nous proposons aussi d’insuffler la « culture du stage » au sein des entreprises, dans l’intérêt bien compris de développement du vivier de recrutement de leur entreprise.

La mission commune d’information recommande aussi de rendre obligatoires, pour l’ensemble des enseignants et des personnels d’orientation, des stages d’immersion en entreprise, dans le secteur public ou dans l’enseignement professionnel, et d’encourager l’intégration des professionnels de terrain dans l’enseignement secondaire, en tant que conférenciers, référents, représentants au sein du conseil d’administration ou formateurs.

Constatant que le développement de la formation en alternance est l’un des moyens les plus efficaces pour favoriser l’accès des jeunes à l’emploi, la mission commune d’information estime nécessaire d’encourager l’entreprise à devenir plus « formatrice » sans, pour autant, se limiter à s’acquitter de prélèvements destinés à financer des organismes de formation.

Souscrivant ainsi au principe qui a guidé l’annonce, par le Président de la République, d’un plan de soutien à l’alternance sous contrat, chiffré à 1,3 milliard d’euros, la mission commune d’information a identifié, sur le terrain, quelques mesures complémentaires utiles.

Elle appelle ainsi à veiller à ce que les incitations à la signature de nouveaux contrats de professionnalisation puissent bénéficier aux jeunes non diplômés. Elle demande également de sécuriser le financement des centres de formation d’apprentis, les CFA, en simplifiant et en recentrant sur sa fonction essentielle le système d’affectation de la taxe d’apprentissage. Par ailleurs, elle estime légitime d’améliorer le statut des apprentis en alignant les avantages conférés par la carte d’apprenti sur ceux de la carte d’étudiant ou en fusionnant les deux documents.

Au-delà de ces mesures de soutien conjoncturel, la mission commune d’information préconise de poursuivre deux combats difficiles, mais exaltants.

Tout d’abord, nous proposons la constitution de pôles d’excellence à partir de certaines formations professionnelles existantes et la création de grandes écoles professionnelles accessibles aux bacheliers professionnels ou technologiques, afin de renforcer l’image et l’attractivité de cette filière.

Plus fondamentalement, la mission commune d’information milite pour le décloisonnement des voies d’alternance et la mutualisation de leurs moyens pédagogiques et financiers.

Dans cette logique, elle recommande la constitution de campus de formation intégrant l’hébergement des jeunes et remplissant une fonction de « brassage social » susceptible d’abolir les frontières entre le monde scolaire ou universitaire et le monde du travail.

La mission commune d’information préconise de porter le nombre des écoles de la deuxième chance à une centaine, avec au moins un site-école par département, et de mettre en place un internat dans les départements ruraux ou les plus défavorisés.

En outre, nous proposons d’explorer plusieurs pistes pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes.

Tout d’abord, le service public de l’emploi doit accompagner les jeunes. Il nous paraît essentiel de renforcer sa coordination avec l’éducation nationale, afin que les jeunes qui quittent le système scolaire sans formation bénéficient, dans les meilleurs délais, d’un suivi assuré notamment par les missions locales.

Les missions locales jouent un rôle irremplaçable au service des jeunes, et nous proposons de les renforcer, notamment en rapprochant leur réseau de celui des points d’information jeunesse.

Le travail des missions locales doit bien sûr être évalué, car les résultats sont inévitablement contrastés dans un réseau qui compte près de 500 structures. Selon nous, cette évaluation doit être fondée sur les résultats obtenus en matière d’insertion professionnelle des jeunes plutôt que sur une approche quantitative conduisant à dénombrer le nombre d’entretiens ayant eu lieu au cours d’une année.

Le travail des missions locales doit être complété par celui des autres opérateurs, Pôle emploi bien sûr, mais aussi les associations spécialisées et les opérateurs privés, qui ont été récemment mis à contribution pour lancer le contrat d’autonomie.

Les expériences de mise en relation directe des employeurs et des demandeurs d’emploi devraient être multipliées dans la mesure où elles permettent souvent de lever les préjugés qui peuvent exister de part et d’autre.

Nos déplacements sur le terrain nous ont également permis de mesurer à quel point les problèmes de mobilité peuvent faire obstacle à l’insertion professionnelle de nombreux demandeurs d’emploi. Les actions menées en ce domaine doivent donc être encore amplifiées, notamment pour faciliter l’accès au permis de conduire des jeunes les plus en difficulté.

Ensuite, il convient de généraliser la pratique des stages dans toutes les filières de formation tant pour les élèves du secondaire qui en ont besoin pour affiner leurs choix d’orientation qu’au niveau de la licence, afin que chaque étudiant ait un minimum d’expérience professionnelle au moment de l’obtention de son diplôme.

Parallèlement, nous proposons de compléter la réglementation applicable pour lutter contre la pratique des stages hors cursus, qui conduit des jeunes à s’inscrire fictivement à l’université pour obtenir une convention de stage. De plus, il est indispensable que les établissements d’enseignement s’investissent davantage dans la recherche et l’organisation de l’offre de stages.

Pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, des dispositifs spécifiques doivent être mobilisés. Il faut faire preuve de pragmatisme en la matière et recourir à tous les outils disponibles, y compris les contrats aidés dans le secteur non marchand. Mon expérience d’élu local, que partagent d’ailleurs nombre de participants à cette mission, m’a convaincu qu’il est possible d’accueillir un jeune dans une collectivité territoriale, de le former et de le réinsérer ensuite dans le secteur privé où il pourra valoriser ses compétences acquises.

De ce point de vue, la proposition du Président de la République de financer, cette année, 30 000 contrats aidés supplémentaires dans le secteur non marchand et 50 000 autres dans le secteur marchand, en privilégiant les secteurs porteurs, nous paraît aller dans le bon sens. Je rappelle que ces contrats s’ajoutent aux 300 000 contrats déjà prévus dans le budget de 2009. Ils devraient permettre d’atténuer l’effet de la crise sur l’insertion professionnelle des jeunes qui sortiront du système scolaire en cours d’année.

La mission commune d’information estime que les nombreux dispositifs d’aides aux jeunes mis en place et réformés au fil des années sont trop épars, et sans doute globalement insuffisants. Or l’autonomie des jeunes doit être accrue, non pas dans une logique d’assistanat, mais dans l’objectif de garantir l’accès de tous à une formation, puis à un emploi.

Dans ce contexte, nous avons décidé de ne pas statuer sur ce sujet et nous nous donnons encore un mois pour formuler des propositions précises. Toutefois, nous n’écartons aucune piste.

Deux modèles ont notamment retenu notre attention.

Il s’agit tout d’abord des pays d’Europe du Nord, où existent des droits de tirage pour le financement des périodes de formation, financés par une combinaison de bourses et de prêts ; notre rapport présente ces dispositifs en annexe.

Ensuite, l’idée de dotations en capital pour les jeunes, évoquée notamment par M. Luc Ferry devant la mission et analysée dans un récent rapport du Centre d’analyse stratégique, est également séduisante. De tels systèmes existent, par exemple, au Royaume-Uni et au Canada.

Ces modèles ne sont évidemment pas totalement transposables, ni exempts de défauts. Leur mise en place nécessiterait des expérimentations préalables ; il nous faut donc y réfléchir pour le moyen terme.

En tout état de cause, la solution proposée sera coûteuse. C’est ainsi que je propose, à titre personnel et de manière exceptionnelle en cette période de crise, de réduire la portée du bouclier fiscal pour faire participer ses bénéficiaires à l’effort en direction de notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Dans l’immédiat, la mission commune d’information a souligné la nécessité de concentrer les efforts de façon ciblée, en tenant compte des besoins concrets des jeunes, afin de faciliter une insertion de ceux qui sont en plus grande difficulté.

Un suivi individualisé de chaque jeune en difficulté est nécessaire, afin d’identifier la nature de l’aide à lui apporter : aide au logement, aide à la mobilité, financement d’une formation spécifique. Des dispositifs tels que le Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes, le FIPJ, ou encore l’allocation CIVIS répondent à cette problématique, mais leurs montants sont pour l’heure insuffisants. Nous proposons donc d’abonder le FIPJ à hauteur de 50 millions d’euros, afin de combler la réduction de ces crédits.

À court terme, la mission commune d’information suggère, par ailleurs, de s’orienter vers une amélioration des systèmes de bourses et de prêts de la façon suivante : en attribuant les bourses pendant dix mois plutôt que neuf ; en allouant des aides supplémentaires pour les formations dans les secteurs en tension ; en ouvrant le prêt étudiant garanti par l’État aux apprentis ; en transformant ce prêt en une avance remboursable garantie à 100 % par l’État afin de permettre à tous les jeunes étudiants et apprentis d’y accéder, à taux très réduits, avec un remboursement différé jusqu’à l’obtention d’un emploi stable et conditionnel aux revenus.

Enfin, la mission commune d’information présente plusieurs orientations de nature à favoriser la mobilité des jeunes.

Concernant le logement, il s’agit à la fois de développer l’offre de logements en direction des jeunes et de sécuriser leur parcours résidentiel.

Parmi les mesures que nous préconisons, je citerai en particulier : l’augmentation, si nécessaire, de la part des logements sociaux de petite taille, de type studio ou T1, dans les nouveaux programmes ; le développement de l’offre dans les foyers de jeunes travailleurs et les résidences hôtelières à vocation sociale, ainsi que la mise à disposition prioritaire de « logements passerelles » pour les jeunes actifs venant de décrocher un emploi.

Nous proposons également de promouvoir des formules innovantes de logement pour les jeunes, telles que la colocation, le logement intergénérationnel et les dispositifs d’intermédiation locative.

Enfin, il convient de mieux adapter les aides au logement à la situation des jeunes, en prévoyant une révision trimestrielle du montant des aides pour mieux prendre en compte l’évolution des ressources, en n’incluant pas une partie des revenus des étudiants qui travaillent pour financer leurs études, en offrant des aides journalières ou hebdomadaires et la possibilité de couvrir le coût de deux logements pour les jeunes engagés dans une formation en alternance.

Pour ce qui concerne la santé, la mission commune d’information souscrit pleinement aux orientations du plan « Santé des jeunes », lancé au mois de février 2008, et souhaite que sa mise en œuvre se poursuive. Il semble toutefois qu’un effort supplémentaire doit être consenti, d’une part, pour mieux former les médecins à la prévention des comportements à risques – addictions, dérives alimentaires, etc. – et, d’autre part, pour améliorer le recours aux soins et la couverture complémentaire santé des jeunes, en accordant aux étudiants boursiers et à tous les jeunes en situation précaire un « chèque santé » permettant de financer au moins 75 % du coût de leur complémentaire santé.

Par ailleurs, la mission commune d’information souhaite le renforcement du dispositif existant du service civil en lançant une campagne de promotion du service volontaire, en assurant une enveloppe budgétaire suffisante pour 50 000 jeunes et en inscrivant le service civil dans la validation des acquis de l’expérience.

Par ailleurs, la journée d’appel de préparation à la défense, qui a succédé au service militaire, devrait être musclée par l’introduction du bilan de santé prévu par le « Plan santé » et par un renforcement des partenariats avec les missions locales.

M. Jacques Legendre. Très bien !

M. Christian Demuynck, rapporteur. Enfin, pour améliorer l’accès des jeunes à la culture, la mission commune d’information souhaiterait que soit mise en place une maison numérique de la jeunesse et de la culture, qui serait, en fait, un site officiel de téléchargement illimité de contenus culturels libres de droits ou dont les droits seraient payés par l’État.

Le dispositif de la gratuité dans les musées pourrait être étendu de manière expérimentale aux entrées dans les théâtres nationaux.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux sujets que nous avons évoqués au cours de cette mission ; ils ne sont bien entendu pas exhaustifs. Comme l’a indiqué Mme la présidente de la mission, nous allons poursuivre nos travaux, notamment pour ce qui concerne l’autonomie des jeunes.

À ce stade de mon intervention, je tiens à remercier M. le président de la commission des affaires sociales d’avoir accepté d’interrompre l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires pour débattre de cette question importante. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

Par ailleurs, je veux rendre hommage au travail et à l’investissement de deux anciens ministres sur cette question, à savoir Gérard Larcher et Jacques Legendre, que je remercie par ailleurs pour leurs suggestions particulièrement intéressantes.

Je remercie également tous les membres de la mission. L’ambiance fut conviviale : même si nous n’étions pas forcément en accord sur toutes les questions, nous avons appris à nous connaître, et je suis persuadé que nous parviendrons, dans les semaines à venir, à trouver des solutions sur l’autonomie. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Point de vue des groupes politiques

Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est aux orateurs des groupes.

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour le groupe socialiste.

Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la mission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux dire d’emblée ma satisfaction – et celle des membres de mon groupe – d’avoir participé à la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes et rencontré, durant deux mois, des interlocuteurs très différents, mais tous concernés par la tranche d’âge des 16-25 ans, qui ont tant de difficultés à s’intégrer dans notre société, car ils peinent à s’insérer professionnellement. Ainsi, sur les 8,18 millions de jeunes concernés, seuls 26 % pensent que « leur avenir est prometteur », contre 60 % au Danemark !

Nos débats ont été riches et diversifiés. Il nous incombe maintenant d’en tirer des conclusions et de formuler des propositions pour vous permettre, monsieur le haut-commissaire d’avancer sur cette question.

Je centrerai mon propos sur le volet « éducation et orientation » ; mon collègue Martial Bourquin interviendra tout à l’heure sur le volet « emploi et autonomie des jeunes ».

Ma première remarque sera pour regretter de ne pas avoir rencontré suffisamment d’interlocuteurs de l’éducation nationale. Même si ce sont les 16-25 ans qui sont concernés, nous nous sommes rendu compte, tout au long de cette mission, que beaucoup se joue en amont.

En caricaturant à peine, je dirais que tout se passe comme si l’éducation nationale avait peu à voir avec les difficultés de nos 16-25 ans. Pourtant, les difficultés d’une partie d’entre eux apparaissent très tôt. Ce qui se joue dès les premières années de la scolarité est très fortement déterminé par les conditions de vie de la famille.

Aujourd’hui, je le rappelle, et M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté le sait bien, près de 6,7 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays. Cet accroissement de la pauvreté a bien sûr des conséquences sur la réussite scolaire des enfants.

M. le rapporteur rappelle d’ailleurs que, contrairement aux principes fondateurs de l’école républicaine, l’origine sociale et les diplômes des parents sont déterminants pour l’avenir de leurs enfants.

On ne peut pas se contenter de déplorer la sortie massive du système scolaire de 150 000 jeunes sans qualification chaque année, soit 20 % de la population des sortants du système éducatif, sans exiger une réelle réflexion de l’éducation nationale sur ce sujet.

En cela, notre mission a un petit goût d’inachevé. Qui plus est, comment ne pas s’interroger, comme l’a fait devant nous l’ancien ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, M. Luc Ferry, aujourd’hui président délégué du Conseil d’analyse de la société au sein du Comité d’orientation du Centre d’analyse stratégique, sur les conséquences néfastes du non-remplacement de 30 000 enseignants qui prennent leur retraite et sur la suppression programmée des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED ? Selon les propres termes de M. Luc Ferry, « la réforme du primaire est calamiteuse » !

Mmes Maryvonne Blondin et Gisèle Printz. Eh oui !

Mme Christiane Demontès. Voilà pour les remarques générales.

Je voudrais maintenant revenir sur cinq des nombreux points qui ont été examinés, et tenter de faire quelques propositions.

Si, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, on ne peut expliquer l’échec scolaire qu’au prix d’une démarche pluridisciplinaire, la problématique de l’apprentissage de la lecture occupe une place toute particulière.

En effet, 80 % des enfants qui n’ont pas appris à lire au cours préparatoire n’apprendront jamais. Ce premier échec scolaire est dramatique pour la suite. Par conséquent, il faut changer les choses dès l’école primaire et même dès le cours préparatoire.

Monsieur le rapporteur, la mission propose un dédoublement des classes de cours préparatoire pour les modules de lecture. Selon nous, il faut aller encore plus loin. Dès cette classe, les groupes ne doivent pas être supérieurs à douze élèves pour l’apprentissage de la lecture.

Mais le nombre d’enfants n’est pas seul déterminant. La formation des professeurs des écoles est aussi indispensable. Formation initiale, bien sûr, pour laquelle nous réclamons le maintien des IUFM – c’est un point important –, mais aussi formation continue sous la responsabilité des inspecteurs de l’éducation nationale et avec le soutien de tous ceux qui sont regroupés au sein des RASED : les psychologues scolaires, les rééducateurs psychopédagogiques et les rééducateurs en psychomotricité.

Mme Christiane Demontès. Cette obligation de l’apprentissage de la lecture ne mérite pas des réductions budgétaires, mais bien plutôt des priorités budgétaires.

Comme cela est souligné dans le rapport au sujet du déterminisme social, il y va « des principes fondateurs de l’école républicaine » !

J’en viens au deuxième point et à une deuxième proposition.

L’une des difficultés de notre système scolaire réside dans ce que je qualifierais de « tout ou rien ». En effet, avec l’obtention d’un diplôme, on a tout, mais, en cas d’échec à l’examen ou au passage dans la classe supérieure, on n’a rien ! Il faut trouver les moyens de sortir de cette dichotomie.

L’Uniopss, qui est à l’origine de contributions au débat tout à fait intéressantes sur l’emploi des jeunes, dit fort justement : « L’accès à l’emploi des jeunes passe [...] par une formation initiale achevée, ayant permis d’acquérir les savoirs de base ».

Mettons donc en place à partir du collège et tout au long de la scolarité un système semestriel, voire trimestriel, à l’issue duquel chaque élève pourra valider ses acquis scolaires, ses compétences professionnelles pour ceux qui suivent une formation professionnelle.

Le troisième point concerne la formation professionnelle initiale sous statut scolaire, qui est aujourd’hui très dévalorisée, à la fois par les acteurs économiques et les acteurs du système scolaire eux-mêmes. Elle est tellement dévalorisée que nombreux sont les élèves qui suivent cette filière par défaut !

En lien avec les conseils régionaux, en charge des lycées et de la formation professionnelle, ne pourrait-on regrouper au sein des mêmes établissements la formation professionnelle – qui permet d’acquérir un CAP, un BEP, un bac professionnel –, la formation technologique – qui prépare au bac technologique –, la formation générale – qui conduit au bac général – et – pourquoi pas ? – la formation par apprentissage ?

Les établissements ne seraient ainsi plus stigmatisés et, par voie de conséquence, les élèves de ces filières non plus. Qui plus est, cela freinerait sans doute le développement d’un « territorialisme » qui met les établissements en concurrence, favorise la désectorisation et pénalise les élèves, notamment ceux qui sont d’origine modeste.

À ce sujet, le bac professionnel en trois ans nous paraît extrêmement dangereux.

Mme Christiane Demontès. Créé pour permettre aux élèves qui ont besoin de plus de temps pour apprendre d’accéder à un niveau de formation supérieur, ce diplôme professionnel n’était jusqu’à présent accessible qu’aux élèves titulaires du BEP, voire du CAP. Alors que le Gouvernement parle de « revalorisation de l’enseignement professionnel », comment imaginer qu’un élève qui a besoin de quatre ans de formation réussira en trois ans, sans diplôme intermédiaire ? Que deviendront ceux qui ne le réussiront pas ? Disposeront-ils d’un niveau reconnu ? N’y a-t-il pas une volonté de supprimer les BEP pour ne laisser que les bacs pro en trois ans et quelques CAP ?

Gageons que la fermeture massive, partout en France, de sections de CAP et de BEP sera lourde de conséquences, y compris sur l’accroissement du nombre de jeunes qui quittent le système scolaire sans qualification. Voilà encore un bel exemple du système de « tout ou rien » que je dénonçais tout à l’heure.

J’en arrive au quatrième point. Toujours sur le plan régional, je pense qu’il faut aussi réinventer de nouvelles formes d’internats, de résidences lycéennes, pour les jeunes qui souhaitent suivre des formations qui ne sont pas dispensées à proximité du domicile de leurs parents, et ceux qui ne bénéficient pas chez eux des conditions nécessaires à leur réussite scolaire. Ce ne serait que la traduction dans les faits de l’égalité républicaine et de la justice sociale, ainsi que de l’exercice du droit d’accès à la formation souhaitée.

Enfin, le cinquième et dernier point, qui est important, concerne l’orientation. Si un thème fait l’unanimité contre lui dans tous les débats, c’est bien celui-là !

Pour résumer, on peut parler d’un « système d’orientation actuellement très défaillant ». La difficulté réside dans le flou qui définit l’orientation. Qui en porte la responsabilité ? Le chef d’établissement, le conseiller d’orientation, le jeune et ses parents, le monde économique ? L’orientation est à la fois un choix personnel, une demande, satisfaite ou non, d’affectation dans une formation, un choix de métiers... Ce n’est bien évidemment pas un processus linéaire.

Le sujet est difficile, mais essentiel. Nous proposons de créer dans les régions un service public de l’orientation, voire de l’orientation et de l’emploi, qui serait chargé d’aider les jeunes dans la connaissance de soi, la connaissance des métiers, la connaissance des formations.

Lien entre l’école et l’entreprise, il serait chargé d’organiser les stages en entreprise des élèves et des enseignants, le passage entre la sortie de la formation et l’entrée dans l’emploi, et le regroupement à l’échelle du territoire de l’ensemble des professionnels de l’orientation et de l’emploi. La formation de ces professionnels, objet de beaucoup de critiques, serait pluridisciplinaire. Elle pourrait être commune aux actuels conseillers d’orientation, aux conseillers professionnels de Pôle emploi, et aux conseillers en insertion professionnelle des missions locales.

M. Jacques Legendre. C’est juste !

Mme Christiane Demontès. Relevons le défi avec ces quelques propositions qui ont pour objectif de résoudre les difficultés auxquelles se heurtent trop souvent les jeunes dans les domaines de l’orientation, de la formation et, bien sûr, de l’emploi.

Soyons certains d’une chose : si ces réformes ont parfois un coût – et, à ce sujet, nous avons apprécié les propos de M. le rapporteur, qui a osé lever un tabou sur le bouclier fiscal ! –, elles ont avant tout pour objectif un investissement sur l’homme et son avenir, en l’occurrence sur notre jeunesse, et donc sur notre devenir collectif ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union centriste.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l’image d’une jeunesse insouciante, pleine d’espoir et de confiance dans l’avenir est une image d’Épinal en ce début de XXIe siècle ! Les jeunes d’aujourd’hui sont pessimistes et se sentent abandonnés. Les chiffres sont accablants. Le fameux ascenseur social républicain hoquette sans arrêt.

À vrai dire, la question n’est ni récente, ni propre à la France, même si, comme nous avons pu le constater lors des travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, la situation apparaît plus inquiétante dans notre pays qu’ailleurs.

Le problème est structurel, même si, déjà fragilisée, la jeunesse prend de plein fouet les conséquences de la crise, ce qui amplifie les problèmes existants.

Depuis une trentaine d’années, des politiques ont été mises en œuvre. Devenues illisibles, elles manquent de cohérence, sont inégalement dotées et s’avèrent peu efficaces. Il était temps de saisir à bras-le-corps ce sujet ; la nomination au mois de janvier dernier d’un haut-commissaire à la jeunesse est un signe fort.

La mission a abordé de nombreuses thématiques : éducation, orientation, emploi, logement, revenus, santé, loisirs, vie associative. Le sujet de la famille mériterait d’être aussi approfondi dans les semaines à venir.

Intervenant en mon nom et en celui de mon collègue Jean-Léonce Dupont – nous représentons le groupe de l’Union centriste au sein de la mission –, je m’attacherai à développer trois points qui, selon moi, sont constitutifs de la construction et de l’épanouissement d’un jeune : l’éducation et la formation, l’insertion professionnelle et les pratiques culturelles et sportives.

En 1995, Tony blair avait défini ses priorités : éducation, éducation, éducation. Son opposant conservateur avait répliqué, non sans humour, que ses priorités étaient les mêmes, mais ... dans un ordre différent ! (Sourires.)

L’éducation est en effet la clé de voûte. Beaucoup se joue à l’école, où se forgent les apprentissages fondamentaux. Aussi faut-il garantir à tous les enfants la poursuite d’études dans des conditions optimales, avec une attention particulière pour les acquis au cours préparatoire.

Sachant que, depuis des années, 20 % d’une classe d’âge sort du système éducatif sans diplôme ni qualification, et un taux de chômage chroniquement élevé, il faut poser les vraies questions.

Regardons les choses en face ! Malgré un budget qui a augmenté de 23 % en dix ans, les enquêtes internationales nous placent légèrement au-dessous de la moyenne, très loin derrière la Finlande, qui est en tête. La réussite des jeunes n’est donc pas, comme nous l’entendons trop souvent, uniquement une question de moyens.

Notre système éducatif, avouons-le, est souvent bridé par des conservatismes. Il faut avoir de l’aptitude scolaire une approche moins académique, plus souple, plus complète, et reconnaissant à l’élève un droit à l’erreur. La grande mission de l’école est de veiller à ce que soient acquis non seulement les savoirs définis par le socle commun des connaissances, mais également le savoir-faire – l’acquis d’une technique particulière – et le savoir-être – la relation à soi et aux autres.

À l’école, comme au sein de l’entreprise, des administrations, dans le monde du sport, des arts et de la culture, il faut promouvoir les talents, faire bénéficier la collectivité de la diversité des intelligences et des sensibilités. Mais la France souffre d’un système de hiérarchisation des formes d’intelligence qui privilégie l’intelligence abstraite.

Des jeunes de mon département, épanouis aujourd’hui dans une formation professionnelle agricole, ont tous dénoncé la pression qu’ils ont subie lors de leur orientation de la part des professeurs, qui, au vu de leurs résultats, les encourageaient à poursuivre dans la filière générale.

Les filières courtes, l’enseignement professionnel et l’apprentissage, bien que prometteurs sur le marché du travail, continuent de pâtir d’une mauvaise image. Le travail de revalorisation effectué depuis quelques années est à poursuivre absolument, tant auprès des familles que des enseignants eux-mêmes, ainsi que la réflexion sur une réforme des lycées inchangés depuis 1975.

J’en viens à une autre question, celle de l’orientation et de son organisation, que ce soit à l’école ou à l’université.

La multiplication des structures et des interlocuteurs, le manque de lisibilité, sont autant de difficultés qui font que les jeunes ont du mal à s’y retrouver. Résultat : près de 60 % d’entre eux ne terminent pas les études qu’ils ont commencées à l’université !

Et que dire de l’orientation fondée sur des stéréotypes dont les filles sont les premières victimes ? À elles les études littéraires ou paramédicales ; à eux les études scientifiques et techniques ! Le service public de l’orientation préconisé dans le rapport de mission, garant de la connaissance concrète du monde du travail, s’avère donc indispensable.

Les difficultés d’orientation sont accrues par le décalage existant entre la représentation que les jeunes se font du monde du travail et la réalité de celui-ci. Cela implique de généraliser les stages réguliers et obligatoires tout au long de la scolarité et de la formation. Car il faut savoir qu’un étudiant en sciences humaines peut passer cinq années sur les bancs de la faculté sans jamais être obligé de faire des stages !

Le rapprochement entre l’entreprise, d’une part, l’école et l’université, d’autre part, est donc indispensable. On l’a dit, ces deux univers sont trop cloisonnés, et toutes les auditions nous l’ont confirmé.

C’est donc une véritable révolution culturelle qui doit s’accomplir, tant du côté des enseignants que de celui des employeurs. En effet, ces derniers ont, eux aussi, un rôle à jouer ; cela fait partie de leur responsabilité sociale.

En matière d’éducation, on observe une méfiance générale envers toute démarche pragmatique, à laquelle on préfère trop souvent les grands principes. Mais les bons sentiments transformés en slogan – « 80% de réussite au bac » – ainsi que le rêve du collège unique ont fait, nous l’avons vu, la preuve de leur échec.

Il faut bien l’avouer, la phobie générale à l’égard de toute orientation précoce, voire de toute orientation et de toute sélection ont conduit des jeunes dans des impasses. Pourquoi laisser des dizaines de milliers d’étudiants s’engouffrer dans des filières qui ne conduisent nulle part ?

En dehors de certaines d’entre elles – médecine, droit ou encore pharmacie –, les filières universitaires longues offrent trop peu de débouchés par rapport au nombre d’étudiants. Ces derniers sont donc confrontés à une concurrence très forte. Cela veut dire, chaque année, 80 000 jeunes quittant l’université sans avoir obtenu de diplôme.

La loi relative aux libertés et responsabilités des universités, ou loi LRU, a été une première étape dans la réforme de l’enseignement supérieur ; cette réforme, il faut la poursuivre. À cet égard, des chantiers ont été ouverts, portant notamment sur l’insertion professionnelle, les bourses et le logement étudiant.

Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne la question de l’insertion professionnelle, qui revêt une acuité particulière en ces temps de crise où le chômage des jeunes atteint des sommets.

L’insertion des jeunes dans l’emploi est devenue incertaine, lente et chaotique ; elle subit davantage les fluctuations de la conjoncture. Cela fait trente ans que la question préoccupe les gouvernements. Depuis 1977, date à laquelle, je le rappelle, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans était de 11,3 %, contre 5,3 % pour les autres catégories, bien des mesures incitant les entreprises à prendre des jeunes en échange d’exonérations de charges se sont succédé, sous différentes appellations. Hélas ! ces politiques n’ont pas toujours eu le succès escompté.

La difficulté à être embauché s’explique également par différentes raisons, qui parfois se cumulent : le manque de diplôme – même si les diplômes ne constituent plus un rempart contre le chômage, contrairement à ce qui se passait dans les années soixante-dix –, l’inadéquation entre la formation et le marché du travail, mais aussi le manque d’expérience. Cela confirme l’absolue nécessité des stages et des immersions régulières, qui permettent aux jeunes non seulement de mieux s’orienter, mais encore d’acquérir la fameuse première expérience.

Les mutations du marché du travail et des métiers doivent, par ailleurs, être mieux anticipées. Parfois, on ne peut être que frappé par l’inadéquation entre les offres et les demandes d’emploi.

Ceux qui, par bonheur, ont réussi à franchir le cap de l’embauche sont confrontés à une deuxième difficulté, celle des contrats précaires – CDD, intérim, temps partiel –, qui ne leur permettent pas de vivre correctement, de devenir pleinement autonomes et ainsi de pouvoir se projeter dans l’avenir.

Un certain nombre de jeunes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Le revenu de solidarité active, mis en place à partir du 1er juin, ne concerne pas les jeunes qui vivent des ruptures dans leur parcours professionnel. On peut le regretter.

Au sein de la mission commune d’information, l’idée d’instaurer une « allocation jeune » a été émise. S’il convient, selon nous, de distinguer ce qui est souhaitable de ce qui est possible, cette question de l’autonomie financière des jeunes mérite d’être approfondie.

Le troisième et dernier point que j’aborderai concerne le risque qu’il y a à voir grandir, dans la jeunesse, compte tenu des difficultés qu’elle rencontre, le repli sur soi et le sentiment d’inutilité. Plus que jamais, dans un monde où l’individualisme se développe et fragilise la cohésion sociale, la vie associative, qui ouvre aussi à la vie citoyenne, de même que les pratiques sportives et culturelles pour tous – mais en particulier pour les jeunes – doivent être facilitées.

On ne saurait trop le répéter : de l’école à l’université, dès le plus jeune âge, la pratique d’activités physiques et la sensibilisation aux arts et à la culture participent de l’équilibre et de l’épanouissement des individus.

Rendre les musées et les théâtres gratuits, comme le propose notre mission commune d’information, serait certes une mesure intéressante, mais elle suppose, pour être pleinement bénéfique, qu’en amont dans la vie des jeunes on se soit attaché, à travers des dispositifs appropriés, à les familiariser à la culture, à éveiller leur goût et leur curiosité.

Ainsi, l’effort doit porter non seulement sur l’école, mais aussi sur l’université, où, à la différence de ce que l’on constate dans d’autres pays, l’offre reste malheureusement disparate et insuffisante. À cet égard, j’ai souhaité qu’une étude sur les pratiques culturelles à l’université soit réalisée dans le cadre de notre mission commune d’information, car la culture est, comme le sport, un outil de socialisation indispensable au moment où l’on construit sa personnalité et où l’on doit s’ouvrir au monde et aux autres.

Aujourd’hui, les jeunes vivent la culture essentiellement sur le Net ; elle n’est plus forcément associée à un lieu – théâtre, musée ou cinéma – ou à des supports réels, comme les livres ou les disques. D’ici à quelques années, ces nouveaux comportements seront ceux de quasiment toute la population. Territoires réels et territoires virtuels de la culture sont désormais intrinsèquement liés. Aussi, à côté des industries culturelles, les pouvoirs publics doivent s’emparer de ces champs nouveaux, car, si la culture c’est la création, la découverte, l’innovation, c’est aussi la transmission de nos patrimoines et de nos valeurs. Or il convient d’assurer cette transmission.

On a déjà eu l’occasion de le dire lors de précédents débats : il faut veiller à ce que les nouveaux supports de diffusion de la culture disposent d’une offre riche et « multi-supports » de qualité.

Pour finir, je souhaiterais dire quelques mots sur le rôle des collectivités territoriales, que notre Haute Assemblée a notamment pour mission de représenter. Si la jeunesse doit être abordée de façon transversale au niveau de l’État, il doit en aller de même au niveau local : elle mériterait de se voir dédier une délégation à part entière dans les collectivités.

Par ailleurs, celles-ci, comme les entreprises, doivent veiller à accueillir les jeunes. Comme au niveau central, une mobilisation de tous les acteurs concernés sur nos territoires est indispensable. Or il n’existe actuellement aucune réelle coordination des politiques liées à la jeunesse. Il n’y a que des instances qui, le plus souvent, travaillent parallèlement : les services de la ville, les associations, les instances de l’éducation nationale, les parents, les entreprises, le milieu associatif. Qui, mieux que le maire, peut fédérer tous ces acteurs ? Il rencontre en effet au quotidien ses jeunes administrés.

L’objectif, quel que soit le niveau d’intervention, est d’extirper les racines de l’échec en trouvant pour chacun le parcours qui le mènera à la réussite et en l’aidant à trouver sa voie d’accès à l’autonomie.

La jeunesse constitue la force de demain. C’est donc un investissement incontournable, qui concerne, rappelons-le, 8,2 millions de nos concitoyens dont nous avons la responsabilité. Gardons toujours à l’esprit que, selon le mot d’un de nos illustres prédécesseurs, Victor Hugo, « la jeunesse est le sourire de l’avenir ». (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, de lUMP, du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour le groupe CRC-SPG.

M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en participant à cette mission commune d’information, nous souhaitions favoriser l’émergence de nouvelles politiques publiques pour répondre enfin à l’ensemble des problèmes des jeunes de notre pays, dont la situation sociale n’a cessé de se dégrader depuis trente ans et qui, pour nombre d’entre eux, subissent une stigmatisation permanente.

Depuis de nombreuses années, les jeunes sont plutôt oubliés par l’action publique. Pourtant, la situation qui est faite à notre jeunesse, nous la connaissons tous !

Les problèmes qui enflamment régulièrement nos villes nous montrent la désespérance de beaucoup de jeunes. Tenter d’y remédier suppose des réformes touchant tous les compartiments de leur vie, en vue de les accompagner sur le chemin de l’autonomie. Ces réformes doivent être aussi audacieuses qu’ambitieuses : l’heure n’est plus aux petits ajustements qui, au nom du pragmatisme prévalant ces derniers temps, permettent au mieux de maintenir entre deux eaux les populations qui se noient, mais ne les autorisent jamais à rejoindre la rive d’une existence apaisée.

Aussi demandons-nous des engagements forts de la nation, inscrits dans la durée, assortis d’importants moyens et qui instituent de nouveaux droits pour tous les jeunes. C’est une vraie mobilisation qu’il faut déclarer, monsieur le haut-commissaire. La jeunesse doit devenir une cause nationale !

Voilà pourquoi je vous proposais, dès notre première rencontre, d’inscrire vos projets et les travaux de notre mission commune d’information dans la perspective d’une loi d’orientation pour un engagement national en faveur de l’autonomie des jeunes, loi que nous appelons de nos vœux. Pour l’instant, vous n’avez pas souscrit à cette demande.

Nous ne pouvons, dès lors, que regretter que notre mission commune d’information se soit bornée à n’examiner que certains aspects des problèmes posés, et seulement à partir des pistes ouvertes par vos déclarations, monsieur le haut-commissaire. En ne proposant que des adaptations aux politiques actuelles, notre mission commune d’information se contente de continuer dans des voies qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

C’est pourquoi nous considérons que, malgré la pertinence de l’approche choisie pour notre étude, fondée sur des auditions et des débats, de très nombreux aspects ne sont pas abordés dans le rapport et que de très nombreuses pistes, bien qu’elles aient été ouvertes, ont été insuffisamment explorées.

Si nous approuvons évidemment certaines des propositions, d’autres nous semblent trop timides et d’autres encore, dangereuses.

Nous regrettons, tout particulièrement, que l’ensemble des questions d’éducation ne soient pas traitées dans leur globalité, alors qu’elles sont au cœur des problèmes rencontrés.

Nous ne pouvons pas non plus nous satisfaire d’un ensemble de propositions qui ne visent qu’à rapprocher le monde de l’entreprise et celui l’enseignement. Sans nier, bien sûr, la nécessité d’une telle relation, non plus que caractère indispensable d’une revalorisation des filières professionnelles, nous estimons que le fait de privilégier cette seule piste de réflexion ouvre la voie à un assujettissement renforcé de notre système éducatif au monde de l’entreprise.

De plus, cette perspective ignore l’objectif fondamental qui devrait être celui de notre service public d’enseignement, à savoir la transmission des connaissances et l’épanouissement de toutes les capacités. Par le fait même, elle nous en éloigne toujours plus. C’est cette action éducative qu’il nous faut pourtant renforcer, à rebours des politiques actuelles de restriction des moyens et de suppression de postes.

Nous pourrions alors repenser les contenus et la pédagogie pour parvenir à la réussite de tous, dans le cadre d’un projet éducatif global passant par l’accompagnement, le soutien et la valorisation de chacun.

En ce qui concerne l’insertion et l’emploi, nous savons tous que les jeunes sont les premières victimes de notre système économique, qui privilégie les dividendes au détriment de l’emploi et de l’innovation.

C’est donc par des mesures réelles de revalorisation du travail, par des investissements authentiquement productifs et par la reconnaissance de tous les diplômes que notre jeunesse trouvera la voie de l’emploi.

Cependant, les jeunes se trouvent confrontés à une série de problèmes spécifiques qu’il nous faut résoudre.

Depuis trente ans, de façon insidieuse, l’idée que le travail des jeunes possède une moindre valeur s’est répandue dans notre société, se légitimant elle-même au fil des « mesurettes » qui se sont succédé. On en finirait par s’interroger sur leur capacité à exercer convenablement une activité professionnelle, alors que leur niveau de formation s’est élevé !

Ainsi, notre société impose aux jeunes une véritable course d’obstacles, leur fait subir un insupportable « bizutage » social en les contraignant, pendant des années, aux petits boulots, à de multiples compléments de formation ou d’adaptation à l’emploi, à des stages et autres contrats spécifiques peu rémunérés ; elle leur réserve également les emplois précaires.

Dès lors, toute mesure allant à l’encontre des règles favorisant la flexibilité et la baisse du coût du travail renforcerait l’insertion professionnelle des jeunes.

Quant aux aides et primes diverses en faveur des entreprises, qui se sont développées au cours des dernières décennies, elles n’ont pas permis d’endiguer le chômage massif et la précarisation des jeunes. Elles doivent donc être réorientées vers le soutien à des formations réellement qualifiantes, à l’insertion et aux véritables emplois en CDI et à temps plein. Dans ce cadre, l’ensemble des pouvoirs publics doivent être mobilisés.

Pour les jeunes éloignés de la formation et de l’emploi, il faut renforcer les politiques publiques d’accompagnement en faveur de leur insertion sociale et professionnelle par un suivi plus personnalisé et inscrit dans la durée.

Plus généralement, nous soutenons certaines propositions de notre mission commune d’information visant à améliorer les conditions de vie de la jeunesse, telle l’attribution d’un dixième mois de bourse, mais nous regrettons qu’elles se bornent à envisager de refondre l’ensemble des dispositifs d’aides, sans proposer d’aller résolument vers la création d’un revenu pour l’autonomie des jeunes, proposition que nous portons avec force pour accompagner leurs efforts de formation, d’insertion et de recherche d’emploi.

Nous le regrettons d’autant plus que, loin de promouvoir cette solidarité active, notre mission commune d’information propose d’endetter les jeunes avant même qu’ils ne disposent d’un revenu !

Certes, notre proposition d’un revenu d’autonomie nécessite la mobilisation d’importants moyens financiers. Nous en avons d’ailleurs discuté lors de notre dernière réunion. Qu’il me soit cependant permis de rappeler ici que gouverner, c’est faire des choix. Pour exonérer d’impôts les plus riches, vous avez trouvé des moyens considérables ! Et je ne parle pas seulement du bouclier fiscal ; j’ai aussi en tête, évidemment, toutes les niches fiscales, qui représentent plusieurs dizaines de milliards. Il suffirait d’en réduire le nombre pour mettre en place cette allocation.

Du reste, ces sommes attribuées aux jeunes viendraient non pas augmenter les capitaux spéculatifs qui nous font tant de mal, mais enrichir notre économie. C’est donc un investissement durable que nous proposons.

Cette question du pouvoir d’achat est essentielle au regard de l’autonomie que doivent acquérir les jeunes. Elle est à la base de bon nombre des difficultés qu’ils rencontrent dans le domaine du logement, de la santé, de l’accès à la culture et aux loisirs ; elle conditionne aussi leurs possibilités de déplacements et de détente.

C’est pourquoi nous soutenons toutes les mesures tendant à améliorer la situation dans ces domaines, notamment par l’institution de droits nouveaux, dont la mise en œuvre doit reposer sur la mobilisation non seulement des collectivités locales, mais aussi des pouvoirs publics, notamment en matière de logement et de transport.

Pour ce qui concerne la citoyenneté, nous ne pouvons nous satisfaire des propositions qui sont mises en avant. Nous considérons que de nouvelles étapes doivent être franchies pour permettre l’expression des jeunes, favoriser leur prise de responsabilité, valoriser leur rôle dans notre société et faire en sorte que leurs droits soient mieux respectés.

Enfin, à propos de la création d’un éventuel service civique, nous sommes, pour notre part, favorables à un service national de solidarité largement ouvert à tous les jeunes. Ses missions et ses conditions d’exercice, mais aussi sa rémunération devront être attractives, afin que des dizaines de milliers de jeunes fassent le choix de s’y engager, ce qui permettrait, à terme, de le généraliser.

Mes chers collègues, après ces remarques, ces critiques et ces contre-propositions, vous ne serez pas étonnés que, tout en saluant le travail réalisé par cette mission, en particulier par sa présidente et son rapporteur, entourés de fonctionnaires des commissions, dont je tiens à saluer la compétence, notre groupe ne soit pas favorable à ses conclusions.

Nous restons cependant disponibles pour engager de vraies réformes, qui transformeraient, enfin, la vie de la jeunesse de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe UMP.

M. Jacques Legendre. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le malaise des jeunes n’est pas l’apanage de notre époque.

Lors de son audition devant la commission des affaires culturelles, le 6 mai dernier, Luc Ferry avait sans doute raison d’introduire son propos en faisant observer que la situation générale des jeunes pouvait paraître meilleure que celle des générations précédentes, confrontées au pire des maux : la guerre.

Au moment où nous débattons de ce sujet, j’ai également à l’esprit la célèbre formule de Paul Nizan, qui fut tué durant les combats de 1940 : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » C’est par ces mots que s’ouvre Aden Arabie, livre paru en 1932.

Pour autant, pouvons-nous considérer que la situation des jeunes de notre époque est satisfaisante ? Si nous les questionnons, nous apprenons qu’ils ont peur pour leur avenir, qu’ils sont inquiets et qu’ils rencontrent des difficultés pour entrer dans la vie active.

Notre propre génération a sans doute eu plus de chance. En effet, la guerre d’Algérie était derrière nous et la France connaissait un important développement économique. Notre seul problème était de réussir nos études : nous ne connaissions pas l’angoisse du chômage, sachant qu’une bonne formation permettait à coup sûr d’avoir un emploi intéressant.

Nous qui avons eu cette chance, nous avons le devoir de faire le maximum pour les jeunes d’aujourd’hui. Ces derniers doivent avoir confiance en l’avenir, ce qui n’est malheureusement pas le cas à l’heure actuelle.

Nous nous glorifions souvent de notre titre de champion d’Europe de la natalité. Certes, nous avons des jeunes en nombre, mais nous ne leur permettons pas d’entrer dans la vie active avec confiance. Si nous ne remédions pas à une telle situation, nous aurons été injustes à leur égard et n’aurons pas rendu service à notre pays.

En tant que président de la commission des affaires culturelles du Sénat, je suis particulièrement sensible à ce problème. C’est pourquoi j’ai tenu à en traiter à plusieurs reprises, notamment en commettant, avec d’autres collègues, deux rapports d’information, l’un portant sur ce « délit d’initié » que constitue parfois l’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles, l’autre sur le baccalauréat, qu’il soit général, technologique ou professionnel. Nous avions en particulier montré que la réussite à cet examen suscite des frustrations à la hauteur des espoirs qu’il peut faire naître, notamment chez tous ceux dont les parents ne sont pas eux-mêmes bacheliers, car il ne leur permet finalement pas toujours d’obtenir dans la société la place qu’il est censé leur garantir.

Cela dit, je me félicite des avancées récentes en matière de décloisonnement de l’orientation et de l’action interministérielle. Le délégué interministériel à l’orientation nous a présenté la très récente instruction interministérielle du 22 avril 2009 relative à la prévention du décrochage scolaire et à l’accompagnement des jeunes sortant sans diplôme du système scolaire. Si les mesures en question vont dans le bon sens, encore faudra-t-il s’assurer qu’elles seront bien appliquées sur le terrain...

Le 24 avril dernier, alors que nous travaillions, au sein de la mission commune d’information, sur ces questions, le Président de la République a annoncé un important plan de soutien à l’emploi des jeunes ; nous nous en réjouissons.

Mes chers collègues, vous savez l’importance qui s’attache aux filières professionnelles et aux formations en alternance. Voilà vingt-neuf ans, alors que j’étais secrétaire d’État chargé de la formation professionnelle, au cours des débats parlementaires qui ont conduit à l’adoption de la première loi sur l’alternance, à savoir la loi du 12 juillet 1980 relative aux formations professionnelles alternées, j’avais dressé – qu’on me pardonne de me citer moi-même ! – le constat suivant : « Sur les 650 000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail, 200 000 ont une formation générale relativement faible et sont dépourvus de qualification professionnelle. » Je soulignais alors « l’impression de tourner en rond pour qui ne peut trouver un emploi faute d’expérience, et qui ne peut en acquérir puisqu’il n’a pas encore pu travailler ».

Mes chers collègues, si je n’avais pas indiqué l’époque à laquelle ces propos ont été tenus, je me demande si vous n’auriez pas eu l’impression qu’ils décrivaient la situation actuelle ! Pourtant, de nombreuses décisions sont intervenues depuis lors, et les moyens ont été substantiellement renforcés.

La loi du 12 juillet 1980 visait à systématiser le recours à la pédagogie nouvelle que constituait l’alternance, destinée à permettre aux jeunes d’acquérir à la fois une qualification et une expérience. Considérée comme une mauvaise loi, elle a été abrogée en 1981, mais fort heureusement reprise à partir de 1983. Aujourd’hui, nous pouvons en faire le constat : sur toutes nos travées, nous avons fait quelques progrès !

Actuellement, à l’issue de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire en fin de troisième, près de 40 % des élèves – cette part est stable depuis dix ans – s’engagent dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire soit sous contrat d’apprentissage. Il convient de rattacher à ces deux filières d’alternance les contrats de professionnalisation, ouverts à tous les jeunes de seize à vingt-cinq ans ainsi qu’aux demandeurs d’emplois âgés de vingt-six ans qui relèvent de la formation professionnelle.

La mission a formulé d’importantes propositions en faveur des jeunes apprentis, en vue notamment d’aligner leur statut sur celui des étudiants. Nous souhaitons aussi que des aides au logement et à la mobilité géographique permettent aux jeunes qui le désirent de s’engager dans cette voie sans être freinés par des obstacles matériels et financiers.

Les jeunes qui ont bénéficié d’une formation en alternance obtiennent, je le rappelle, d’excellents résultats en termes d’insertion professionnelle – et c’est bien cela qui compte ! – puisque 80 % d’entre eux trouvent un emploi durable en moins d’un an. Selon moi, il convient donc, tout particulièrement en cette période de crise, de poursuivre nos efforts dans ce domaine.

M. Jacques Legendre. Bien entendu, les entreprises doivent se mobiliser, et j’ai insisté pour que cela soit clairement affirmé dans le rapport de la mission commune d’information. Il est en effet de la responsabilité citoyenne des entreprises de s’engager à accueillir des jeunes et de contribuer à leur formation. Si notre système éducatif n’est pas sans défaut, il ne peut toutefois se substituer aux employeurs, qui sont évidemment les plus à même de transmettre les connaissances et compétences concrètes de leurs métiers, en perpétuelle évolution.

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. Absolument !

M. Jacques Legendre. En revanche, le rapport le dit bien, il appartient à l’école d’identifier et de valoriser tous les potentiels des jeunes : les connaissances théoriques, à l’évidence, mais aussi les savoir-faire et le savoir-être.

Je me souviens avoir entendu certains, au cours d’un débat, proclamer que l’entreprise n’avait pas de rôle à jouer dans l’éducation et la formation. Or, on s’en rend bien compte aujourd’hui, les entreprises n’ont jamais cherché à jouer un rôle dans le domaine de la formation des jeunes.

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Jacques Legendre. Au contraire, en France, les entrepreneurs souhaitent avoir des jeunes formés aux tâches de production, alors que, dans d’autres pays – je pense notamment à l’Allemagne –, il leur semble normal de former les jeunes aux exigences des métiers. Selon moi, la vérité se situe entre ces deux conceptions.

J’évoquerai rapidement un sujet qui a fait débat au sein de la mission d’information : faut-il orienter les jeunes vers les métiers dits « en tension » ?

Soyons clairs : personne ne s’est exprimé, au sein de la mission, pour l’orientation forcée de quiconque. En revanche, il paraît de bon sens de prendre en considération – sans être taxé, comme j’ai pu l’entendre, d’« adéquationnisme » ! – l’inadéquation entre les offres et les demandes d’emploi. Peut-on continuer à former plus de 50 % des psychologues européens – je n’ai rien contre les psychologues, mais cela fait tout de même beaucoup ! – et ne pas s’interroger sur les 100 000 projets de recrutement recensés en 2009 qui peinent à trouver preneurs, même en cette période de crise économique ?

Bien entendu, les professionnels en question doivent aussi s’interroger et découvrir pour quelles raisons leurs métiers n’attirent pas les jeunes. Mais il n’est pas inutile de rappeler aux jeunes l’existence des secteurs qui recrutent. Le devoir de la formation est de préparer à l’emploi dans les métiers où les embauches sont avérées.

Peut-on laisser 150 000 élèves sortir chaque année du système scolaire sans aucun diplôme ni certification – je disais la même chose il y a trente ans : c’est grave ! – et, le plus souvent, avec un sombre avenir pour tout horizon, et ne pas penser que certains d’entre eux pourraient trouver leur voie dans ces secteurs d’activité ?

Bon sens et pragmatisme doivent prévaloir à cet égard. Les propositions de la mission commune d’information s’orientent dans cette direction et c’est pourquoi elles me paraissent très raisonnables. Nous avons souhaité mettre les jeunes au centre des dispositifs et leur redonner confiance. Puissent nos propositions être entendues, monsieur le haut-commissaire ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du RDSE.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de souligner la densité et la richesse des travaux de notre mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Je tiens à remercier Mme la présidente Raymonde Le Texier et M. le rapporteur Christian Demuynck d’avoir mené avec brio cette étude passionnante, malgré la brièveté des délais.

Il relève de notre responsabilité de parlementaires de garder toujours à l’esprit cette préoccupation lorsque nous légiférons : quels arbitrages notre société veut-elle et doit-elle faire en faveur des jeunes ? Quel sens les mesures législatives que nous votons, ou ne votons pas, ont-elles pour les générations futures ?

Par nature, ces questionnements ont un caractère transversal. Ils sont restés, tout au long des travaux de la mission commune d’information, au centre de nos réflexions sur la mise en place de nouveaux outils en faveur des jeunes.

En effet, dans la crise profonde que nous traversons, ces derniers sont, avec les seniors, en première ligne face à l’effondrement du marché du travail. Déjà, les chiffres du chômage évoqués pour cette année annoncent un taux record d’un jeune sur quatre sans emploi. Pour noircir encore le tableau, je rappellerai que 49 % de ceux qui ont la chance de travailler occupent un emploi précaire. On observe la paupérisation et la précarisation de toute une classe d’âge sur laquelle devrait, au contraire, reposer l’élan de notre pays.

Dans ce contexte, l’éducation et la formation sont la clé des dispositifs en faveur des jeunes. Toute politique digne de ce nom ne doit pas se limiter aux seules questions d’emploi et d’employabilité : il convient de prendre aussi en compte la santé, l’aide sociale, le logement, ainsi que l’accès à la culture et au sport.

Au terme de la très large consultation qu’il nous a été possible de mener, de nombreuses propositions concrètes ont été esquissées. Mais, avant d’aller plus loin, permettez-moi de vous faire part de ma perplexité et de ma très vive inquiétude face aux moyens insuffisants que le Gouvernement a consacrés aux budgets de l’enseignement scolaire et de l’enseignement supérieur dans la loi de finances de 2009. Ces choix budgétaires consacrent l’exclusion des 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme.

Monsieur le haut-commissaire, comment redonner espoir aux générations futures en appliquant une politique de pénurie de moyens ?

Cette contradiction ayant été soulignée, je souhaite évoquer les grands axes susceptibles, selon moi, de donner un nouvel élan aux jeunes générations.

En premier lieu, il est urgent de dédramatiser l’orientation, tout en fournissant une meilleure information aux jeunes.

Je suis convaincue que l’initiation à la connaissance du monde du travail doit être conçue comme un nouveau module d’enseignement consacré à la découverte de l’éventail des possibles. L’enseignement de cette nouvelle matière à part entière, qui doit commencer avant que n’interviennent les premières orientations vers l’enseignement général ou professionnel, pourrait être prodigué selon un rythme mensuel en fin de primaire et hebdomadaire au collège. Il pourrait être assorti d’un bilan annuel qui serait, tout au long de la scolarité et jusqu’aux débuts de la vie active, réalisé avec un conseiller d’orientation. Cela imposerait évidemment de recruter davantage de conseillers, eux-mêmes bien formés.

Pour que l’orientation soit vécue non plus comme un choix négatif ou subi, mais comme une chance, le rôle de l’enseignant est de la dédramatiser dès le plus jeune âge, auprès des jeunes et de leurs familles. C’est pourquoi cette nouvelle thématique devrait également être intégrée à la formation des enseignants au moyen de stages en entreprise leur permettant de parfaire leur connaissance du monde du travail.

La découverte du monde du travail, telle qu’elle est conçue aujourd’hui en classe de troisième, me paraît très insuffisante. Elle se résume à un stage d’une semaine qui, dans le meilleur des cas, confirme ou infirme une vocation naissante. Le plus souvent, il s’agit d’une simple formalité administrative sans autre lien avec le projet personnel du jeune que sa capacité – ou plutôt celle de son entourage – à « trouver un stage ». Cela manque terriblement de sens et d’ambition !

Pour autant, je ne voudrais pas donner l’impression de chercher à formater les élèves suivant la seule logique de la demande de l’entreprise, notamment celle des secteurs en tension.

Il serait réducteur de limiter la connaissance en matière d’orientation professionnelle aux seuls secteurs d’activité qui recrutent. Il est en revanche nécessaire de l’ouvrir à la grande diversité des métiers. Comment ? Tout simplement en donnant à chaque jeune la possibilité de découvrir, tout au long de sa scolarité, les cursus qui l’attirent le plus, afin qu’il cerne mieux ses propres goûts, ses chances de réussite, les débouchés professionnels de telle ou telle formation et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs.

Certes, cet effort pour améliorer l’orientation n’empêchera pas les erreurs de parcours, mais il devrait sérieusement restreindre l’absence de motivation, les désillusions et les abandons de filières, que ce soit à l’université ou dans l’enseignement professionnel.

Afin d’orienter les vocations vers les métiers émergents, il serait aussi très utile d’engager une revalorisation statutaire des professions concernées ; je pense, en particulier, aux métiers de la culture, du sport, de l’animation ou encore des services à la personne.

En second lieu, il conviendrait de redorer l’image de l’apprentissage et de l’enseignement professionnel. La filière technique continue d’apparaître comme une sanction de l’échec. Elle est pourtant porteuse d’espoir, car elle a un fort potentiel, notamment grâce à l’alternance. Elle n’interdit en rien l’excellence professionnelle ni l’épanouissement personnel, bien au contraire. Les jeunes qui s’engagent dans cette voie peuvent s’assumer financièrement et débuter une vie d’adulte autonome.

Pour parvenir à rendre ces filières plus attractives, les allers-retours entre la formation et l’emploi doivent être facilités tout au long du parcours professionnel, sous forme de capitalisation des acquis et de modules, si petits soient-ils. Ce droit à tâtonner et à se former, s’il était élargi, pourrait renforcer l’implication du jeune et sa confiance envers les dispositifs de validation des acquis de l’expérience.

Ainsi, les dispositifs des écoles de la seconde chance, qui ont accueilli 5 000 personnes en 2008, doivent être généralisés. Ils ont fait leurs preuves et sont d’autant plus importants qu’ils s’adressent aux jeunes les moins qualifiés.

La réforme du bac professionnel a, elle aussi, été évoquée durant nos travaux. Ma conviction est que cette troisième année obligatoire n’est pas pertinente, car elle exclut les élèves qui sont le plus en difficulté. Il est préférable que le jeune obtienne un premier module en deux ans, puis le complète, immédiatement ou après une période de travail pendant laquelle il aura pu mesurer, tout à la fois, la pertinence de son choix professionnel et la nécessité de compléter sa formation dans un domaine précis s’y rattachant.

Je rappelle à cette occasion que la formation continue constitue un droit accessible au salarié tout au long de sa carrière. Encore faut-il l’encourager à en bénéficier !

Je souhaiterais également aborder la mise en place d’une allocation d’autonomie. Ce concept, intéressant si l’on envisage la refonte de l’ensemble des dispositifs d’aide financière existants, suppose toutefois une réelle ambition.

II faut se rendre à l’évidence : l’attribution d’une allocation, qu’il s’agisse d’un prêt à taux zéro ou de l’allongement d’un mois de la durée du versement des bourses étudiantes, ne suffira pas à ralentir la paupérisation de nos jeunes. Surtout, elle n’encouragera pas leur désir de formation.

Pour éviter l’écueil de l’assistanat, cette allocation pourrait être conditionnée au suivi d’un cursus qualifiant. Accompagné d’un dispositif de tutorat, ce cursus permettrait de replacer le jeune sans qualification dans une logique de projet, de réussite et de confiance en l’avenir. En envoyant ce signe fort, notre société montrerait que, loin d’abandonner les plus jeunes au bord du chemin, elle entend leur donner le temps et les moyens de se former et d’acquérir des compétences.

En ce qui concerne la santé, il ressort des auditions que, par manque de moyens, les jeunes négligent la prévention et s’exposent à des problèmes chroniques. C’est pourquoi je soutiens la proposition, évoquée dans le rapport, de mettre en place, pour tous les jeunes, des outils de type chèque-santé ou visite médicale annuelle gratuite.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Françoise Laborde. Parmi les nombreuses questions qui mériteraient encore d’être développées, je me contenterai donc d’aborder celle de l’accès à la culture et au sport pour tous, que nous n’avons pas traitée, faute de temps. Dans ce domaine, de nombreuses initiatives ont déjà été prises, notamment grâce aux collectivités territoriales. Il est aussi envisagé d’évaluer le succès de certaines mesures engagées par l’État, telles que la gratuité d’accès aux musées pour les moins de vingt-six ans.

Pour ma part, comme tous les membres du groupe du RDSE, je m’interroge sur les moyens qui seront déployés pour traduire dans la législation les pistes tracées par notre mission.

La deuxième partie de nos travaux devra valider les mesures financières à mettre en œuvre afin d’améliorer les conditions de vie de notre jeunesse. C’est une noble ambition ; c’est aussi un devoir pour la représentation nationale. Car n’oublions pas ces mots très justes et d’une grande actualité de l’écrivain Georges Bernanos : « Quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents. » (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et de lUnion centriste, ainsi que sur plusieurs travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour le groupe socialiste.

M. Martial Bourquin. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, j’ai rejoint les rangs des membres de cette mission commune d’information avec une forte attente : que l’on puisse dégager quelques mesures pour mettre un terme à l’exception française d’un taux de chômage des jeunes deux fois supérieur à la moyenne nationale.

Comme mes collègues qui se sont exprimés précédemment, je tiens à adresser mes félicitations à la présidente et au rapporteur de la mission pour la qualité des travaux qui ont été menés.

Deux mois après le début des auditions, je viens devant vous avec la même obsession et, je dois l’avouer, avec un certain nombre de craintes.

Mon propos s’articulera autour de trois remarques relatives à l’accès des jeunes à l’emploi.

La première concerne l’apprentissage. Dans sa première mouture, le rapport de la mission – déjà très médiatisé avant même d’avoir été soumis à la représentation nationale et évalué – consacrait de très nombreuses pages au récent discours du Président de la République sur ce sujet.

L’apprentissage constitue une filière d’excellence efficace, qu’il faut davantage valoriser sans pour autant la dénaturer. À cet égard, je m’inquiète d’une montée en puissance trop rapide qui serait sans lien avec les entreprises ou avec les possibilités d’orientation privilégiée des jeunes concernés. L’apprentissage doit rester une formation d’excellence. Prenons garde de ne pas la galvauder.

Deux autres écueils sont à éviter : d’une part, un effet d’aubaine pour des entreprises qui n’auront pas la capacité en si peu de temps d’accueillir des jeunes et de leur dispenser une formation de qualité, mais bénéficieront d’une main-d’œuvre sous-payée ; d’autre part, une tentative du Gouvernement et de l’État de se dégager de leurs responsabilités. Nous savons que les régions ont en charge l’apprentissage et que, au fil des années, de nombreuses compétences leur ont été transférées sans compensation financière. Nous savons aussi que le produit de la taxe d’apprentissage ne couvre pas l’ensemble des dépenses liées à l’apprentissage.

Le taux de rupture des contrats d’apprentissage est déjà très élevé et, si nous nous contentons d’une approche quantitative, sans nous préoccuper de la qualité de l’apprentissage, nous courrons au-devant de déboires importants.

L’État, et c’est là ma deuxième remarque, doit prendre toute sa part de responsabilité dans ce combat pour l’emploi des jeunes.

Tout en émettant des réserves, le rapporteur a affirmé que la mission n’était pas opposée au recrutement éventuel de jeunes dans le secteur non marchand. Le secrétaire d’État à l’emploi a fait, lui aussi, lors de son audition par la mission, part de sa non-hostilité.

En ce qui me concerne, je serai plus précis encore : il s’agit d’une proposition phare que les sénateurs socialistes soutiennent sans ambiguïté et qu’ils voudraient voir se concrétiser le plus vite possible. Mais y a-t-il une réelle volonté politique de mettre en œuvre cette préconisation ?

Monsieur le haut-commissaire, plusieurs faits me font douter que l’emploi des jeunes soit aujourd’hui une priorité.

En premier lieu, la défiscalisation des heures supplémentaires coûte environ 4,3 milliards d’euros à l’État et empêche environ 90 000 personnes de rentrer sur le marché du travail, tout en alourdissant très sensiblement les comptes de la sécurité sociale.

M. Jacques Mahéas. Très juste !

M. Martial Bourquin. Avec cette somme, nous aurions, tenez-vous bien, les moyens de créer 300 000 emplois-jeunes !

M. Jacques Mahéas. Tout à fait !

M. Martial Bourquin. Ce rapport, même s’il n’y consacre que quelques lignes, reconnaît certains mérites au dispositif qui a permis l’insertion professionnelle et sociale de 350 000 jeunes. Nous croyons qu’il est tout à fait souhaitable de se servir de cette expérience pour améliorer la qualité des tutorats et des formations et pour relancer le dispositif.

En deuxième lieu, j’évoquerai la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Depuis 2007, plus de 100 000 postes ont disparu de la fonction publique. Des emplois occupés par des seniors n’ont pas été remplacés. Là encore, cette réserve d’emplois fait cruellement défaut à nos territoires. Elle aurait pu être pour partie proposée à des jeunes peinant à s’insérer aujourd’hui, d’autant que d’autres propositions phares du rapport, comme le dédoublement des classes de CP ou la création d’un service public de l’orientation, que nous soutenons, nécessitent des femmes et des hommes qualifiés.

M. Jacques Mahéas. C’est évident !

Mme Sylvie Goy-Chavent. À condition qu’ils soient vraiment qualifiés !

M. Martial Bourquin. Chers collègues, monsieur le haut-commissaire, monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas avares de propositions et nous espérons que l’urgence et, parfois, la gravité de la situation vous conduiront à les examiner de près.

Nous proposons que, dès maintenant, soient recrutés et formés 100 000 emplois-jeunes dans le secteur non marchand, ce qui aurait des effets immédiats sur la croissance et la consommation.

Nous proposons également la création d’un service public de l’orientation, assorti de la formation et du recrutement de conseillers d’orientation.

Avec quels moyens ? me direz-vous. Et je sais que l’application de l’article 40 de la Constitution suscite régulièrement des discussions dans notre assemblée. L’UNEDIC vient d’annoncer 600 000 chômeurs de plus en 2009. Ne croyez-vous pas qu’il est temps de mettre un terme à la défiscalisation des heures supplémentaires et à la RGPP ? Nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, n’ont pas à faire les frais d’un entêtement devenu intenable. En pleine période de récession, avec des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires, c’est un non-sens de continuer à défiscaliser les heures supplémentaires !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Cela n’a rien à voir !

M. Martial Bourquin. Bien sûr que si ! C’est directement lié ! Lorsqu’une entreprise licencie des salariés et renvoie des centaines d’intérimaires tout en continuant à recourir aux heures supplémentaires, il y a quelque chose qui ne va pas ! Et les intéressés ressentent cela comme une profonde injustice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. C’est logique !

M. Martial Bourquin. En troisième lieu, ce rapport fait la part belle à une théorie sur le papier très séduisante : celle des métiers « en tension ». D’un côté, des secteurs économiques peinent à trouver des candidats à l’emploi durable ; de l’autre, des jeunes n’arrivent pas à trouver du travail. La tentation est forte de rapprocher les deux pour que ces jeunes s’orientent massivement et mécaniquement vers ces secteurs demandeurs de main-d’œuvre.

Je souhaite que nous brisions les tabous. Tout à l’heure, vous en avez levé un, monsieur le rapporteur, et je vous en sais gré. Ne pourrait-on pas prolonger cette expérience intéressante ? Pourquoi ces métiers ne sont-ils pas suffisamment attractifs ? Pourquoi les jeunes ne se dirigent-ils pas davantage vers ces filières demandeuses ?

À ce titre, je regrette vivement que le rapport passe sous silence le fait que les entreprises confrontées à des difficultés de recrutement ont également la responsabilité, si elles souhaitent fidéliser leurs employés, de rendre plus attractifs les métiers concernés. Certaines d’entre elles – n’hésitons pas à le dire, puisque nous brisons les tabous – proposent des salaires insuffisants et des conditions de travail pénibles, recourent massivement à la précarité, n’assurent aucun tutorat ni aucune formation réelle, ne prennent pas en compte les difficultés de logement ou de transport. Et elles se plaignent ensuite de ne trouver personne !

La Fédération nationale des travaux publics a commencé à se pencher sur ce problème et a engagé, avec un certain succès, des mesures concrètes pour fidéliser ses employés. Nous devons encourager d’autres fédérations à suivre cet exemple.

Dans quelque temps, nous aurons à débattre de la mise en œuvre de la TVA à 5,5 % dans la restauration, qui est un secteur sous tension. J’y vois l’occasion de conditionner la diminution de la TVA à un véritable engagement des entreprises à revaloriser les rémunérations et les conditions de travail de leurs employés, et à contribuer ainsi à rendre plus attractifs des métiers qui, s’ils sont passionnants, nécessitent une forte technicité.

Je suggère que l’État et les filières de la restauration signent une charte en faveur de l’emploi et de la formation des jeunes. J’aurais aimé que le rapport définisse comme prioritaire la nécessité de poser des contreparties fortes à la mise en place de la TVA à 5,5 % dans ce secteur. Le Gouvernement ne peut pas manquer une telle occasion de passer du discours aux actes.

Mes chers collègues, le taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans est passé en peu de temps à 21,2 % et 600 000 jeunes vont entrer en septembre sur le marché du travail. Les perspectives qui s’ouvrent à eux sont terriblement sombres. Dans certains quartiers sensibles, nous devons en être conscients, la situation est désespérante. Nombre de jeunes ont le sentiment de n’avoir aucun avenir.

Dans un sondage récent, 51 % des personnes interrogées déclaraient ne pas avoir confiance dans la jeunesse. Ce sont pourtant ces jeunes qui constituent l’avenir de notre société et qui contribueront, par leur travail, à assurer demain le financement des retraites et à alimenter la croissance, qui nous fait cruellement défaut aujourd’hui.

Mes chers collègues, notre responsabilité est grande. Comme la présidente Raymonde Le Texier l’a justement rappelé, notre mission ne fait que commencer. Je suis de plus en plus convaincu qu’il faut faire de l’emploi des jeunes une véritable urgence nationale, pas seulement dans les discours, mais aussi dans les actes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Thiollière, pour le groupe UMP.

M. Michel Thiollière. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire ma joie de participer à ce débat, contribution du Sénat à cette responsabilité que nous avons tous envers la jeunesse. Je souhaite en particulier saluer le travail de la présidente Raymonde Le Texier et du rapporteur Christian Demuynck, qui, secondés par des fonctionnaires du Sénat, ont permis à cette mission commune d’information de se dérouler dans de très bonnes conditions et de produire des fruits dans des délais très brefs.

La politique en faveur des jeunes doit permettre de valoriser, comme cela est dit dans le rapport, l’« atout majeur de notre pays » que constituent nos huit millions de jeunes Français âgés de seize à vingt-cinq ans.

Ce sujet se trouve au cœur des valeurs de notre pays. Luc Ferry, président délégué du Conseil d’analyse de la société, que nous avons auditionné, écrit que « le xxe siècle a vu la déconstruction des valeurs et des autorités traditionnelles ». Or, lorsqu’on parle des valeurs et de l’autorité, c’est tout simplement à la vie en société que l’on fait référence. Notre société se trouve donc, à l’aube du xxie siècle, à un tournant : soit nous renforçons nos valeurs et refondons la société de manière que les jeunes y trouvent toute leur place, soit nous courons à notre perte en laissant se produire l’irrémédiable décrochage – au sens que les aviateurs donnent à ce mot – de notre jeunesse.

Pour nous, l’enjeu n’est pas de résoudre un problème catégoriel ou socioprofessionnel : c’est le cœur même de la société et de la République qui se trouve en cause. Voilà pourquoi il nous appartient, j’en suis convaincu, de construire ensemble un véritable pacte républicain entre les jeunes de notre pays et nous-mêmes, car notre génération a le devoir d’apporter des réponses à leurs inquiétudes.

Ce pacte républicain doit d’abord reposer sur l’acquisition par les jeunes de l’autonomie indispensable à leur épanouissement personnel. Toutefois, il s’agit aussi de faire émerger une société qui donne toute sa place à cette génération et nous permette de construire ensemble de nouvelles valeurs et de nouvelles autorités.

Dans le cadre de ce pacte républicain, nous pourrions inclure un ensemble de mesures qui seraient autant de passeports permettant d’accéder à la vie adulte. Je prendrai deux exemples.

On entend dire souvent que le baccalauréat constitue un passeport pour la vie universitaire. De même, le permis de conduire est le passeport pour une plus grande mobilité. Or, selon moi, le logement et l’entreprise doivent être aussi deux moments forts dans le cheminement des jeunes vers leur vie d’adulte.

Le logement, d’abord, joue souvent le rôle d’un passeport pour accéder à la vie communale, que l’on vive dans un village ou en ville ; il est la première marque tangible de l’acquisition de l’autonomie. Dans le cadre du pacte républicain, le premier logement est aussi considéré comme le début d’un parcours résidentiel. De nombreuses aides personnalisées sont accordées par divers niveaux d’administration. Cependant, les travaux de notre mission, en particulier les auditions auxquelles nous avons procédé, ont mis au jour le fait que l’offre de logements était insuffisante, qu’il s’agisse de foyers de jeunes travailleurs, de résidences universitaires ou d’offre locative dans nos villes et nos villages.

L’État réalise d’importants efforts financiers pour la rénovation urbaine, l’amélioration de l’habitat et, dans certaines collectivités, la construction ou la réhabilitation d’édifices publics. Mais il est nécessaire de revoir ces priorités, qui ont conduit pendant une trentaine d’années à regrouper de petits logements pour en faire de grands, alors que nous en avons aussi besoin pour permettre aux jeunes d’accéder à leur premier logement. Il convient donc de réorienter ces efforts budgétaires vers des logements adaptés aux jeunes.

Le second exemple concerne l’entreprise. Dans ce domaine, notre pacte républicain doit s’engager plus fortement en faveur des stages. Les travaux de la mission nous ont en effet permis de prendre conscience du fait que les stages constituaient une priorité pour les jeunes et un passeport formidable pour accéder à l’entreprise, donc à une formation et à un emploi durable. Des chartes existent. Il y a aussi la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances. En outre, le Président de la République, a fait, le 24 avril dernier, des déclarations importantes à ce sujet.

À l’heure où nous débattons, un certain nombre de stagiaires, étudiants d’université ou élèves de grande école, effectuent des stages en région ou à Paris. Or, lorsqu’ils indiqueront la mention « stage » sur leur CV, elle n’aura pas toujours la même valeur. Selon moi, en même temps que nous incitons les jeunes à faire des stages, il convient aussi d’encourager les entreprises à accompagner les stagiaires – même si cela est difficile pour les plus petites d’entre elles – et à procéder à une certification de ces stages de manière que leur valeur soit universellement reconnue.

À travers ces deux exemples, je souhaitais affirmer notre volonté de faire de concert un effort considérable en faveur des jeunes, dans le cadre de ce pacte républicain aux termes duquel ils doivent être pourvus d’un passeport pour leur vie d’adulte. Il est nécessaire que notre société s’engage et que, ainsi, elle redonne confiance à nos jeunes, leur insuffle l’envie de bâtir la société de demain. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur quelques travées de lUnion centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour le groupe UMP.

Mme Bernadette Dupont. Monsieur le haut-commissaire, depuis le vote de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, dans laquelle le Sénat avait inséré un amendement concernant la situation des 18-25 ans en recherche d’emploi, vous avez été également placé en charge de la jeunesse.

Le 24 avril dernier, le Président de la République a annoncé un plan d’urgence en faveur des jeunes.

Dans le même temps, le Sénat a créé une mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes. Aujourd’hui, celle-ci rend compte de son analyse et formule des propositions.

À mon tour, je tiens à remercier Mme la présidente et M. le rapporteur de notre mission pour la façon dont ils ont mené à bien ces réunions qui avaient parfois, il faut le reconnaître, des allures de marathon...

Les résultats de toutes les auditions convergent : notre jeunesse connaît de graves problèmes d’insertion dans la société. C’est le cas tout particulièrement d’une population qui se trouve en déficit de formation et est donc inapte à l’emploi. Or ce déficit peut entraîner addictions, actes de violence, délinquance, voire trafics illicites et autres formes de désespérance.

Il convient également, en cette période de crise, de noter la croissance du taux de chômage des jeunes diplômés.

Et je ne saurais passer sous silence la question du travail des jeunes handicapés, qui font toujours, hélas, figure de lanterne rouge en matière d’embauche.

Depuis plusieurs années, l’État a mis en place, en direction des grands adolescents et des jeunes adultes, des politiques d’accompagnement dont les multiples volets n’ont pas abouti aux résultats espérés. D’innombrables associations, publiques ou privées, œuvrent dans ce domaine avec, pour la plupart, persévérance et conviction. Des millions d’euros – après des millions de francs – sont mobilisés. Et pourtant, il faudrait investir encore plus. En tout cas, il serait sans doute nécessaire d’investir différemment.

Notre mission a organisé plusieurs déplacements et auditions, et le constat de défaillance est quasiment unanime. Tout cela vous a été exposé et le tableau noir a usé beaucoup de craie ! Il reflète malheureusement une réalité que l’on ne peut ignorer, d’autant qu’aux difficultés structurelles la conjoncture en a ajouté d’autres. De ce constat découlent les propositions de la mission commune quant à l’environnement et l’accompagnement des jeunes : il s’agit de créer un nouvel élan.

La jeunesse, cela a souvent été rappelé, est le futur de notre pays. Notre devoir est de la préparer à prendre en main son avenir et de lui apprendre à conjuguer savoir-être et savoir-faire, comme l’a excellemment dit notre rapporteur.

Certaines des racines du mal ont été évoquées. L’accent a été mis notamment sur la question de l’enseignement primaire, d’où un fort pourcentage d’enfants sortirait dépourvu des bases les plus élémentaires, au premier rang desquelles la lecture. Mauvais primaire, secondaire chaotique… Comment, dans ces conditions, nos jeunes pourraient-ils affronter sereinement leur avenir professionnel ? Il y a, dans cette copie-là, beaucoup à corriger ! Et nous devons le faire en étant animés d’une volonté commune.

J’évoquerai pour ma part, avant d’ajouter une note d’espoir, voire d’optimisme à notre débat, la racine volontairement ou involontairement passée sous silence alors qu’elle est la première de toutes : la famille.

Nous avons tous entendu, il y a quelques années, qu’il n’y avait plus « un » modèle familial, mais « des » modèles familiaux. Or cela a rendu, durant les vingt-cinq dernières années, la politique familiale de l’État totalement illisible, fractionnée, voire inexistante. (Mme Janine Rozier applaudit.) Il y aurait là de quoi nourrir un débat entier ! Je me contenterai donc seulement de souligner que le creuset social qui devrait accompagner au premier chef nos enfants pour les mener à l’âge adulte a été saboté. L’impuissance de certains parents, mal conseillés, insuffisamment accompagnés, a eu de très graves conséquences : déscolarisation des enfants avant l’âge de seize ans, mal-être d’une partie de la jeunesse… Aidons donc les familles à structurer leurs enfants !

A présent, je souhaiterais apporter une note de confiance. Un sondage IPSOS-Santé réalisé pour la fondation Wyeth et publié le 13 mai dernier nous donne, à entendre les adolescents qui ont été interrogés, des raisons d’espérer : 75 % d’entre eux estiment être parvenus à accomplir une chose positive durant les derniers trois mois dans leurs relations amicales, 63 % dans leurs relations familiales et 56 % à l’école ; sept adolescents sur dix déclarent être confiants dans leurs capacités à réussir dans la vie ; 60 % croient pouvoir faire mieux que leurs parents, étant toutefois précisé que seulement 12 % en sont tout à fait convaincus. Ils font plus confiance aux filières professionnelles et technologiques qu’aux filières générales. Ils disent aspirer à travailler pour réussir, avoir confiance en soi, être bien dans sa peau, avoir un bon métier, être en bonne santé et mener une vie de couple épanouie.

Autre note positive : les Xèmes Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui se sont tenues hier, ont donné à voir l’image réconfortante d’une jeunesse déterminée à réussir.

En conclusion, je rappellerai que, particulièrement en cette période de récession, il nous faut accorder toute notre attention aux jeunes qui sont aujourd’hui en difficulté et mettre toute notre détermination à les aider, en prenant néanmoins garde qu’ils ne tombent pas dans l’assistanat. Mais il est également indispensable que, dans le même temps, nous reprenions le problème dans sa globalité en fortifiant les racines appauvries de notre société. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

3

Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires chiliens

Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer la présence dans nos tribunes d’une délégation de parlementaires chiliens conduite par M. Guido Girardi, président du groupe d’amitié Chili-France du Sénat, et par M. Jorge Pizarro Soto, président de la commission des affaires étrangères, venus en France avec la Présidente de la République du Chili, Mme Michèle Bachelet.(Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le haut-commissaire se lèvent et se tournent vers la tribune officielle.)

Nos hôtes ont été reçus par nos collègues le questeur Jean-Marc Pastor, président du groupe France-Pays du Cône Sud, et Bernard Angels, président délégué du groupe pour le Chili.

Leur présence dans notre pays témoigne de l’intérêt soutenu qu’ils portent à nos travaux et, tout comme nous, à l’établissement de relations toujours plus étroites entre nos deux assemblées et, à travers elles, entre nos deux pays.

Qu’ils soient assurés des sentiments fraternels du Sénat de la République française et des vœux chaleureux que nous formons pour le succès de leur mission. (Applaudissements.)

4

Débat sur les travaux de la mission commune d'information sur la politique en faveur des jeunes (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons le débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.

La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire à la jeunesse. Madame la présidente, madame la présidente de la mission d’information, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je remercie le président Gérard Larcher ainsi que Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, et Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, d’avoir permis l’organisation d’un débat consacré à la politique en faveur des jeunes, dans le cadre de cette semaine de contrôle. C’est le symbole fort de la priorité qui doit être accordée à la jeunesse.

Je remercie aussi l’ensemble des orateurs qui se sont succédé à la tribune, à commencer par Mme la présidente de la mission d’information et M. le rapporteur. Je salue l’investissement de chacun et me réjouis qu’autant de propositions aient pu être formulées en seulement deux mois, s’agissant d’un sujet dont on mesure toute la complexité et toutes les exigences.

Pour notre part, nous avons entamé notre réflexion voilà quelques mois. À cet égard, je ne doute pas que les réflexions engagées, d’une part, par le haut-commissariat et, d’autre part, par la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes permettront d’élaborer d’intéressantes propositions.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souscris à nombre de vos orientations. Soyons tenaces et saisissons cette occasion pour faire passer nos messages.

Comme le rappelait Mme Bernadette Dupont, le Sénat, voilà six mois, dans le cadre de l’examen de la loi généralisant le revenu de solidarité active, adoptait à l’unanimité un amendement créant un fonds d’expérimentation pour la jeunesse. Doté dans un premier temps de 10 millions d’euros, ce fonds atteint désormais 150 millions d’euros. Tout en maintenant la limite d’âge à vingt-cinq ans pour bénéficier du RSA, nous avions pris l’engagement, devant vous, de ne pas oublier pour autant les 16-25 ans. Aujourd’hui, six mois plus tard, nous voulons, avec votre soutien, tenir notre promesse.

Je vous exposerai la logique de notre action et détaillerai nos orientations en sept points.

Premier point : M. Legendre a montré que ce qu’il pouvait déclarer voilà trente ans était, hélas ! pratiquement toujours d’actualité aujourd’hui. Il importe de s’accorder sur des objectifs politiques quantifiés portant à la fois sur le taux d’emploi des jeunes de moins de vingt-cinq ans, sur leurs qualifications, sur la réduction des situations d’échec et de la pauvreté dans cette population. Nous devons être liés par des objectifs, qui doivent nous inciter à tout tenter pour aider ces jeunes à entrer dans la vie active. À cette demande d’estime et de respect, nous ne pouvons répondre par le mépris et l’indifférence.

Deuxième point : il faut garantir la continuité des parcours. Vous avez été plusieurs à souligner qu’on ne peut pas laisser un jeune de seize ans livré à son sort pendant un, deux ou trois ans, avant qu’il soit éventuellement « récupéré ». Les organismes publics chargés de la jeunesse ont l’obligation de maintenir une chaîne de responsabilités continue.

À cet égard, on peut se demander s’il ne conviendrait pas d’obliger les jeunes à suivre jusqu’à dix-huit ans une formation, en alternance ou non, en impliquant l’ensemble de la chaîne éducative et les missions locales.

Troisième point : vous avez tous évoqué la question de l’orientation. Sans doute faudrait-il créer un service public de l’orientation, laquelle serait alors dédramatisée. Une telle mesure irait certainement de pair avec l’attribution d’un droit à la réorientation et à une deuxième chance. Ce droit ne s’exercerait pas nécessairement dans les écoles de la deuxième chance, mais, à tout le moins, il conviendrait, pour prévenir les échecs et les ruptures, qu’il soit possible de passer d’une filière à une autre en tant que de besoin. Pour ce faire, le service public de l’orientation devrait veiller à organiser et décloisonner ces filières.

Unr filière ne doit pas être courte par principe ; l’essentiel est qu’elle permette au jeune qui le souhaite de poursuivre ses études. Au cours des Xèmes Rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui ont eu lieu hier ici même, nous avons tous pu constater qu’on peut avoir suivi une excellente formation par apprentissage dans la boulangerie ou dans la céramique et, pour autant, vouloir poursuivre dans la voie de l’enseignement général ou de l’enseignement supérieur. Nous devons être capables d’organiser ce genre de parcours.

Ce service de l’orientation doit mettre en relation les jeunes avec les entreprises et les employeurs. Il doit permettre à tout jeune qui le souhaite d’effectuer un stage en entreprise, d’entrer en contact avec les professionnels du secteur qui l’intéresse, et cela même s’il ne bénéficie d’aucun réseau familial. Ce n’est qu’ainsi que nous mettrons fin à la sélection par l’échec et que nous offrirons aux jeunes la possibilité de choisir une formation en toute connaissance de cause.

Quatrième point : l’emploi. Il n’est pas acceptable que les jeunes doivent attendre six ou sept ans après l’obtention de leur diplôme pour décrocher un contrat à durée indéterminée. Beaucoup d’entre vous ont souligné que, pour remédier à une telle situation, l’essentiel était d’utiliser différents leviers, tant les contrats du secteur non marchand que ceux du secteur marchand.

M. Bourquin se demandait si nous renoncions aux emplois aidés dans le secteur non marchand. Je tiens à le rassurer en lui rappelant que le Président de la République a annoncé le 24 avril dernier que 30 000 emplois aidés allaient être créés dans ce secteur. Toutefois, les faits étant ce qu’ils sont, il faut être conscient que, malheureusement, le jeune qui a bénéficié d’un emploi aidé dans le secteur non marchand a plus de risque, un an après la fin de celui-ci, de se retrouver au chômage que le jeune qui n’a pas bénéficié d’un tel contrat aidé. C’est pourquoi il ne faut pas faire de ces contrats l’alpha et l’oméga de la lutte contre le chômage des jeunes.

Il est cohérent, à mon sens, de privilégier, là aussi, les formules d’alternance dans le secteur public, dans le secteur associatif, dans la fonction publique hospitalière, dans la fonction publique territoriale, formules que nous développerons. Depuis vingt-cinq ans, depuis la création des travaux d’utilité collective, les TUC, nous déplorons tous que les contrats aidés, aussi bénéfiques soient-ils, ne comportent pas une dimension formation.

Proposons donc des contrats d’alternance aidés intégrant une formation systématique et obligatoire. Les jeunes ne seront plus contraints de choisir entre l’alternance et le contrat aidé et il sera possible de combiner les deux. Il faut savoir que, dans l’ensemble des secteurs, une formation par apprentissage, dans 80 % des cas, permet à son bénéficiaire d’obtenir un contrat à durée indéterminée dans l’année qui suit la fin de sa formation.

Cinquième point : la question de l’amélioration des ressources. La mission commune d’information reviendra sur ce sujet et la commission que j’ai l’honneur de présider proposera de mettre fin au statu quo sur la question des ressources. Quelles sont les pistes ? Rappelons que l’alternance permet à la fois de percevoir des revenus tout en assurant une formation. L’augmentation des ressources doit aller de pair avec une meilleure qualification ; elle ne doit pas se faire au détriment de l’insertion professionnelle.

Alors que nous venons de créer le revenu de solidarité active pour les plus de vingt-cinq ans, il est exclu que nous en revenions à une situation moins profitable. C’est pourquoi il faut interdire les stages hors cursus et privilégier les vrais emplois ou l’alternance. Pour ce faire, utilisons les notions de capital ou de dotation, autant de pistes que vous avez ouvertes, mesdames, messieurs les sénateurs, pour permettre aux jeunes de percevoir des ressources durant leurs périodes de formation, de recherche d’emploi ou d’insertion. Personne ne doit rester sans revenu, sauf à violer le principe énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que l’a rappelé Mme Le Texier.

Enfin, il conviendra de compléter les ressources de ceux qui travaillent afin d’éviter que des jeunes âgés de vingt-quatre ou de vingt-six ans, percevant le même salaire et exécutant le même travail, n’aient finalement des revenus différents.

Sixième point : la notion de citoyenneté et le service civique, sur lesquels plusieurs d’entre vous ont insisté. Il serait vain de proposer aux jeunes un projet qui ne leur permettrait pas de s’engager. Il faudra ouvrir plus largement le service civique et en faire un instrument à la disposition des jeunes de toutes conditions, de tous niveaux d’étude, de manière à étancher leur soif d’engagement, d’innovation et de création.

Toute politique en direction des jeunes doit comporter une dimension artistique et culturelle, et sa place mérite d’être centrale parce qu’elle seule leur permet d’exprimer leur créativité au service de la transformation de la société. Elle ne doit pas se contenter de leur offrir un moule dans lequel se couler, alors même que les liens sociaux ont tendance à se distendre en raison de la crise.

Septième et dernier point : la programmation des moyens. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez raison de dire que, puisqu’il existe des lois de programmation pour la police et l’armée, par exemple, il ne serait pas incongru qu’une politique en direction de la jeunesse puisse être programmée et évaluée dans la durée. Ce n’est qu’ainsi que nous obtiendrons à des résultats tangibles, qui nous placeront, en la matière, dans le peloton de tête des pays de l’OCDE, et non parmi les deux ou trois derniers, comme c’est le cas actuellement. La bonne santé démographique de notre pays sera ainsi récompensée ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Débat interactif et spontané

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané.

Chaque sénateur peut intervenir pendant deux minutes au maximum. Les membres de la mission ou le Gouvernement, s’ils sont sollicités, pourront répondre.

La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le premier point que je souhaite aborder concerne la valorisation de l’apprentissage.

Ce mode de formation pourrait faire l’objet de l’une des mesures phares en matière de qualification des jeunes en difficulté scolaire, car il est, depuis longtemps, dévalorisé et délaissé par les entreprises. Ne pourrait-on pas le relancer par des mesures incitatives, afin de redorer l’image des métiers manuels et de redonner aux artisans et aux chefs d’entreprise confiance dans ce système mixte d’indemnisation et de formation, cette période de test débouchant éventuellement ensuite sur la conclusion d’un contrat de travail ?

Par ailleurs, nous l’avons constaté à de nombreuses reprises lors des auditions de la mission, certains jeunes sont dans une situation de véritable survie, rencontrant des problèmes d’hébergement et même, parfois, des difficultés pour assurer leur subsistance. Ils sont alors plus rétifs à toute notion d’accompagnement du fait de leur instabilité permanente.

S’agissant des adultes, il existe le RMI et il y aura bientôt le RSA pour pallier ces difficultés. Ne pourrait-on pas imaginer un système d’aide ou de bourse, gérées par les structures d’accueil, qui viendrait compléter les contrats d’insertion dans la vie sociale, les CIVIS, et les contrats d’autonomie ? Un tel dispositif contribuerait à améliorer l’équité de traitement des populations jeunes sur un même territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Monsieur le sénateur, je répondrai en premier lieu à vos observations sur la revalorisation de l’apprentissage.

Dans la période de crise que nous connaissons, nous nous sommes efforcés de réduire le coût des apprentis pour les employeurs afin d’inverser la tendance à la décélération annoncée pour la rentrée.

Le mot d’ordre est simple : à la rentrée 2009, les places en alternance, sous quelque forme que ce soit, doivent être occupées à 100 %. Nous reviendrons devant vous avec les engagements des branches professionnelles tendant à augmenter le nombre de places de formation en alternance, notamment en apprentissage. Les négociations sont en cours avec les grandes fédérations. La fédération du bâtiment, par exemple, qui emploie plus d’un tiers des jeunes en apprentissage, proposera plus de places en 2009 qu’en 2008. Et d’autres filières suivront.

Il faut continuer à marteler que l’apprentissage s’applique à tous les métiers, à tout l’éventail des professions : boulangerie, journalisme, soins infirmiers, management, etc.

J’en viens aux jeunes en difficulté, second volet de votre intervention, monsieur Lefèvre.

Vous avez évoqué les différents systèmes d’aide. Il faut réviser les CIVIS et les contrats d’autonomie afin d’être en mesure d’apporter un soutien plus individualisé et plus marqué, avec un vrai contrat comportant des droits et des devoirs. Les prochains dispositifs devront tirer les enseignements du fonctionnement des CIVIS et des contrats d’autonomie.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. Le rapport précise que, « dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, le taux de chômage des jeunes est presque deux fois plus élevé » que la moyenne, se situant à 42 % en 2007. Ce chiffre a récemment explosé dans les zones urbaines sensibles, progressant de 57,2 % entre janvier 2008 et janvier 2009. Chez les jeunes titulaires d’un bac+3, il a même plus que doublé, enregistrant une augmentation de 104 %.

On peut s’interroger sur les causes de cette situation, mais le rapport ne traite pas de cette question.

Pourquoi être jeune et habiter en banlieue sensible serait-il un double handicap ? Sans doute parce que l’expression « jeune de banlieue » est source d’amalgames insupportables et installe d’emblée une représentation négative. Sans doute parce que le Gouvernement et les médias instrumentalisent, à des fins sécuritaires, le moindre fait divers qui se déroule dans un quartier sensible.

Inutile d’encombrer le Parlement avec une énième loi répressive, qui se révélera aussi inefficace que les précédentes !

Dans quelques quartiers, s’installe une logique de guérilla entre jeunes et forces de l’ordre. Il est nécessaire d’avoir une police de proximité qui gomme les difficultés. Il est nécessaire d’encourager, notamment financièrement, les associations qui interviennent dans ces quartiers parce qu’elles y sont sources d’équilibre. Il est nécessaire d’accélérer les restructurations urbaines. Il est nécessaire de bannir les pôles de compétitivité, qui concentrent l’emploi sur un seul site au détriment de ces quartiers.

Non, les jeunes de banlieue ne sont pas des délinquants en puissance ! Ils sont un vivier, une chance, pas une menace à contenir ! Pour les côtoyer chaque jour, je connais bien leur potentiel de richesse et d’inventivité. Mais je sais aussi quelle peut être la désespérance de ceux qui, à seize ans, passent sans transition de l’école au chômage.

Cette situation, intolérable dans un pays civilisé, est source de graves tensions dans nos quartiers. Plus d’un jeune sur deux s’y retrouve sans emploi. C’est le résultat d’une politique aveugle.

Monsieur le haut-commissaire, vous avez mis fin aux emplois-jeunes, alors que, contrairement à vos affirmations, il y a eu des réussites pleines et entières dans nos municipalités, dans l’éducation nationale.

Ce gouvernement se fait une gloire de supprimer chaque année des postes dans la fonction publique : encore 34 000  suppressions annoncées pour 2010 !

En mars, pour réaliser une économie de 100 millions d’euros, on a réduit, par décret, la prise en charge des cotisations sociales en faveur des entreprises installées en zone franche urbaine, alors que ces entreprises embauchent.

Où est le plan Marshall pour les banlieues ? Se résume-t-il à la « mesurette » du contrat d’autonomie, dont le rapport souligne le « démarrage laborieux »’ ? Ce sont 600 000 jeunes – nous l’avons dit et répété, le groupe socialiste n’a cessé d’insister sur ce point – qui arriveront sur le marché du travail en septembre prochain. La situation est extrêmement préoccupante.

Monsieur le haut-commissaire, j’attire votre attention sur l’urgence qu’il y a à prendre des mesures. Pouvez-vous décrire plus particulièrement celles qui sont destinées aux jeunes habitant dans nos quartiers sensibles.

J’espère très sincèrement que votre rapport va nous enthousiasmer ! Alors, monsieur le haut-commissaire, étonnez-nous par des mesures concrètes qui s’adressent en priorité aux jeunes des quartiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Demuynck, rapporteur. Il se trouve que je suis élu d’une commune voisine de Neuilly-sur-Marne, dont Jacques Mahéas est maire.

Il est vrai que les banlieues connaissent des problèmes et des difficultés. Il faut donc absolument les valoriser, comme cela se fait à Neuilly-sur-Marne, comme je le fais à Neuilly-Plaisance, car certains des jeunes de ces quartiers ont des qualités absolument remarquables.

Ce serait sûrement plus facile si nous pouvions faire passer ce message dans les médias. Bien sûr, l’opération « Talents des cités », dont le Sénat est partenaire, rencontre quelque écho, mais, tout le reste de l’année, lorsqu’on parle de la Seine-Saint-Denis ou de certains quartiers, c’est de manière négative. On en donne une image déformée.

Comment remédier à cette situation ? Pour ma part, je crois beaucoup aux contrats aidés, notamment dans les collectivités.

M. Jacques Mahéas. Six mois, c’est trop court !

M. Christian Demuynck, rapporteur. Permettez-moi d’évoquer ma propre expérience. J’ai, comme d’autres sans doute, mis en place des contrats d’accompagnement dans l’emploi, des CAE, pour des jeunes en très grande difficulté. Personne d’autre que nous n’est prêt à les prendre ! L’objectif est d’amener ces jeunes à un certain niveau de compétence – meilleure aptitude à la lecture et au calcul, simplement – afin de les insérer dans les services municipaux. La collectivité peut alors – c’est ce qui s’est passé dans ma commune – prendre en charge la formation de ces jeunes dans un CFA. Seule une collectivité publique peut assumer cette tâche !

Voilà un moyen d’aider ces jeunes. D’autres dispositifs sont mis en place par l’État, mais je pense que les contrats aidés sont un moyen efficace pour lutter contre cette situation.

M. Jacques Mahéas. Remettez donc en place les emplois-jeunes ! C’est beaucoup plus intelligent !

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Avant d’en venir à l’objet de ma question, permettez-moi de réagir aux propos que vient de tenir M. Demuynck en réponse à M. Mahéas, l’un et l’autre étant maires d’une commune de Seine-Saint-Denis.

Vous déclarez, monsieur le rapporteur, qu’il faut cesser de stigmatiser les jeunes de banlieue, et je ne peux que partager ce point de vue. Mais ne pensez-vous pas que Mme la ministre de l’intérieur devrait, d’abord, appliquer elle-même ce précepte ? Déclarer que certaines villes de ce département sont des « supermarchés de la drogue » ne contribue pas à aplanir les difficultés !

En qualité de membre de la mission, je tiens à saluer à mon tour le sérieux et la qualité de ses travaux. Cela a été rendu possible grâce à sa présidente, Mme Le Texier, à son rapporteur, M. Demuynck, et aux collaborateurs du Sénat qui nous ont accompagnés.

Monsieur le haut-commissaire, comme cela a été rappelé du haut de la tribune, chacun des membres de la mission a constaté qu’un consensus se formait sur l’objectif d’octroyer à tous les jeunes une allocation ; c’est ce que, pour notre part, nous appelons le « revenu pour l’autonomie des jeunes ».

Je considère que ce consensus est une avancée. Les élus de mon groupe soutiennent ce projet depuis de nombreuses années, mais force est de constater qu’il ne s’est jamais trouvé une majorité pour le mettre en œuvre.

Aujourd’hui, pour justifier le report de son étude, a fortiori de sa mise en œuvre, on avance bien entendu son coût. Monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous donc nous indiquer la nature et le montant actuel des différentes aides fiscales et budgétaires destinées aux jeunes ?

Pour calculer le coût réel d’une telle aide, nous vous proposons d’envisager un revenu qui comprendrait deux allocations : l’une, fixe, pour tous les jeunes, l’autre, variable en fonction des revenus de chacun. Il est bien évident qu’il s’agit du revenu du jeune, pas de celui de ses parents, et que la somme de ces deux allocations devra dépasser le seuil de pauvreté.

Enfin, monsieur le haut-commissaire, comme l’a suggéré M. Jean-François Voguet, ne pourrait-on pas rechercher les fonds nécessaires à la mise en place de ce revenu d’autonomie du côté des niches fiscales et du bouclier du même nom ?

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame le sénateur, on estime à 30 milliards d’euros le coût des divers dispositifs de soutien fiscaux et sociaux. Je parle sous le contrôle de votre collègue Virginie Klès, coprésidente du groupe « ressources », en charge de ce dossier.

La question de la mise en place d’un revenu ou d’une dotation d’autonomie pour les jeunes n’est pas simplement de nature financière.

Si, depuis des dizaines d’années, ce projet figure dans les programmes politiques sans pour autant trouver une traduction concrète, ce n’est pas seulement pour une question de coût. C’est aussi pour une question de principe. Nous considérons en effet qu’il serait préjudiciable d’accorder un revenu sans avoir, parallèlement, une augmentation du taux d’activité, du niveau de formation ou de qualification. C’est le nœud du problème et cela nous force à être imaginatifs.

Nous envisageons donc différents scénarios. Il faut expérimenter divers dispositifs en évitant de créer un revenu de soutien qui se substituerait à un revenu du travail. Je suis persuadé que vous seriez les premiers à accuser le gouvernement qui instaurerait un tel dispositif de se substituer aux employeurs, de faire de l’insertion factice, d’encourager la concurrence vis-à-vis de vrais contrats salariaux. Il faut donc trouver un levier.

À cet égard, il existe plusieurs pistes, mais je pense surtout à celle qui consisterait à créer une sorte de capital dont le jeune pourrait disposer sous certaines conditions. Cela aurait évidemment des effets sur le pourcentage de jeunes en formation ou ayant un emploi. Mais cela doit aussi avoir une incidence sur les efforts qu’ont, de leur côté, à consentir les entreprises et les différents organismes publics pour ne pas continuer à avoir 14 % ou 15 % de jeunes qui ne sont ni en formation ni dans un emploi.

Nous ne travaillons donc pas uniquement dans un esprit comptable. Nous essayons de trouver la dynamique qui permettra d’augmenter les taux d’activité, de formation et de qualification.

J’ai cru comprendre que vous me demandiez par ailleurs s’il serait envisageable – mais il s’agit aussi de savoir si la représentation nationale l’accepterait – que des aides soient versées directement aux jeunes, sans passer par leur famille.

Parmi les différentes aides, qu’il s’agisse du quotient familial, des prestations familiales après dix-huit ans, pouvons-nous trouver un accord pour que tout ou partie des ressources allouées aille directement sur le compte du jeune ? Au passage, est-il possible de prévoir une égalisation pour que les jeunes issus de familles modestes perçoivent une aide supérieure à celle qu’ils perçoivent aujourd'hui ?

Effectivement, la logique impose d’accepter de telles propositions. J’espère que le réalisme politique ne s’y opposera pas. (Mme Éliane Assassi s’esclaffe.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Chacun d’entre nous sait que la crise ne fait qu’amplifier le problème récurrent du chômage des jeunes.

La flexibilité accrue du marché du travail pèse, pour une large part, sur leurs épaules : dans le secteur privé comme dans la fonction publique, ils servent souvent de variable d’ajustement.

En marge de l’actualité conjoncturelle, il convient de ne pas négliger un aspect déterminant qui est la perte de sens, voire la perte du sens même de notre culture.

Depuis le siècle dernier, le travail s’impose comme une notion centrale. La formation doit déboucher sur l’emploi ; l’emploi assure l’autonomie. Cette centralité est en adéquation avec notre culture, qui établit que l’épanouissement de la personne est intimement lié à son activité professionnelle.

Aujourd’hui encore plus qu’hier, la réalité économique détruit cette logique, mais aussi l’emploi, la qualité du parcours pour y parvenir, les conditions de travail et, parfois, toute perspective d’épanouissement.

En 2008, seulement 26 % des jeunes Français jugeaient leur avenir prometteur, contre 60 % au Danemark et 54 % aux États-Unis.

C’est dans ce contexte que s’effectue le précieux travail des missions locales ; précieux parce qu’il relève de l’accompagnement de publics à qui l’on ne cesse de promettre des solutions qui tardent à venir ou auxquelles on ne croit plus depuis longtemps.

La notion d’accompagnement est cruciale. Un seul chiffre vous convaincra : en 2007, grâce aux missions locales, 600 000 jeunes ont trouvé un emploi bien qu’ils n’aient pas été inscrits à l’ANPE ni répertoriés dans vos statistiques.

Ces résultats attestent que les missions locales ont développé un savoir-faire contribuant sans aucun doute à restaurer le sens et la valeur – la vraie ! – du travail dans notre société, comme en leur temps les emplois-jeunes avaient eu pour vertu d’intégrer le public concerné dans un parcours cohérent au sein du monde du travail en le maintenant à distance de la précarité.

L’actuel gouvernement considère ouvertement que l’insertion des jeunes a un coût élevé. Cette conception étriquée ne prend pas en compte la notion incontournable du coût évité.

Si ce rapport valorise les missions locales, et l’on doit s’en féliciter, il s’abstient de préconiser une augmentation de leurs moyens alors que le nombre de jeunes concernés ne cesse de croître. Au moment où les charges des missions locales augmentent, leur budget stagne désespérément depuis 2005. À l’heure actuelle, un conseiller de mission locale peut suivre jusqu’à 400 jeunes sur l’année… C’est plus qu’incompréhensible : c’est inadmissible ! Comment concevoir un accompagnement personnalisé réalisable dans ces conditions ?

Monsieur le haut-commissaire, envisagez-vous de prendre les mesures budgétaires qui s’imposent pour donner aux missions locales, qui n’ont plus à faire la preuve de leur utilité et de leur efficacité, les moyens nécessaires à leur bon fonctionnement ?

En parlant de coût évité, monsieur le haut-commissaire, je fais référence à un rapport qu’avait remis au Gouvernement, en 1990, un homme que vous connaissez bien, M. Claude Alphandéry, puisque ce rapport au gouvernement traitait du coût évité des politiques sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame le sénateur, vous avez raison.

Nous avons évoqué tout à l’heure les évolutions qui se sont produites au cours des trente dernières années. La création des missions locales, en 1982, a été une des initiatives les plus intéressantes parmi celles qui ont été prises à l’époque en matière de politique sociale en faveur des jeunes. Ce n’est pas un hasard si les missions locales ont peu à peu essaimé sur l’ensemble du territoire et si elles ont acquis la place qui est actuellement la leur.

Comme toutes les autres structures, elles ont connu des réussites variables d’un endroit à l’autre, mais il ne viendrait aujourd'hui à l’esprit de personne de remettre en cause leur existence. Au contraire, il convient de voir comment peut être améliorée leur articulation avec les autres acteurs.

Effectivement, un million de jeunes passent par les missions locales chaque année, lesquelles affichent un taux de retour à l’emploi d’environ 42 %, ce qui signifie aussi que, sur cent jeunes franchissant leurs portes, cinquante-huit ne trouveront ni un emploi ni une formation.

Mais il faut savoir que beaucoup de jeunes n’arriveront pas jusqu’à la mission locale ou mettront deux ou trois ans pour y parvenir. De nombreux acteurs des missions locales déplorent qu’ils n’aient pas accès aux établissements d’enseignement parce que, pour ces derniers, les missions locales sont synonymes d’échec.

Sur la question des moyens des missions locales, je peux vous annoncer que, face à l’afflux actuel de la demande, Pôle emploi augmentera de 20 % à 25 % sa contribution aux réseaux des missions locales dans les prochaines semaines. Le directeur général de Pôle emploi me l’a garanti il y a trois jours.

M. Jacques Mahéas. Sous quelle forme ? Financière ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Sous forme de co-traitance. Dans la mesure où l’on reconnaît que les missions locales traitent plus de jeunes, il est clair qu’il faut augmenter le nombre de forfaits que Pôle emploi versera, à partir de ses ressources, aux missions locales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le haut-commissaire, le déficit de confiance dont souffrent les jeunes a été un véritable leitmotiv au cours de nos travaux.

Nous vivons le paradoxe d’une société dont l’objectif est d’émanciper l’individu, de le rendre plus autonome, mais qui, dans le même temps, dresse des obstacles devant lui.

C’est un problème de conscience et de justice sociale. Mais notre devoir d’élus et de parents doit aussi nous amener à considérer la jeunesse comme notre richesse et notre avenir.

Il s’agit de réconcilier la société avec ses jeunes, c’est-à-dire de croire en leur potentiel et de définir les moyens pour faciliter leur prise d’autonomie.

Accéder à un logement autonome est un moment fort dans la vie d’un jeune. Il marque le passage à l’âge adulte. Pour ceux qui sont en situation plus difficile, l’acquisition d’une adresse est aussi un préalable indispensable à la recherche d’emploi.

Le logement est un domaine où le déficit de confiance envers les jeunes est flagrant. On le mesure, notamment, à tout ce que les jeunes doivent fournir à un bailleur : caution parentale, fiches de paie, attestations de toutes sortes, avance de loyers, etc.

De nombreuses propositions sont faites à cet égard dans le rapport, qui ont reçu l’assentiment de mon groupe : extension des garanties des risques locatifs ; généralisation des Loca-Pass ; attribution d’une APL beaucoup plus réactive et adaptée aux jeunes.

Je souhaite apporter un éclairage particulier sur deux dispositifs et mettre en évidence une nécessité.

Tout d’abord, dans le cadre de la location, une piste intéressante, susceptible d’apporter une réponse innovante, alternative et immédiate – elle a été évoquée par le rapporteur – consiste à favoriser les rapprochements intergénérationnels. Nous avons, d’un côté, des jeunes qui rencontrent des problèmes de ressources et de logement et, de l’autre, des personnes âgées qui éprouvent des difficultés liées à la solitude. Les avantages matériels et pratiques apparaissent d’emblée : on soulage la demande de logement et l’on contribue à répondre au problème de solitude des personnes âgées en créant du lien social.

Il y a là une convergence qui relève indiscutablement d’une stratégie de gagnant-gagnant, grâce à des baux encadrés favorisant une cohabitation à la fois constructive et équilibrée.

Derrière ces évidences, c’est la notion de confiance qui réapparaît. Une telle démarche réhabiliterait le rôle des jeunes et réaffirmerait leur utilité aux yeux de la société et d’eux-mêmes.

Les agences immobilières à vocation sociale, les AIVS, ont aussi un rôle à jouer en matière d’autonomie grâce, notamment, au mécanisme de garantie locative.

Sur le plan pratique, ces agences tiennent lieu de « tiers de confiance » en dissipant la crainte du bailleur. Leur intervention facilite l’obtention d’un toit, le maintien de la dignité et permet au jeune de s’inscrire dans un parcours résidentiel ainsi que dans un processus d’autonomisation.

Le rôle dévolu aux AIVS s’affirme d’autant mieux qu’elles couvrent un éventail potentiel d’actions très large et qu’elles sont capables de s’adapter aux besoins des jeunes et aux réalités.

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Maryvonne Blondin. La pénurie de logements sociaux ressort de manière frappante de nos auditions. La priorité des priorités est d’en construire non seulement pour les familles, mais aussi pour les jeunes et pour les moins jeunes.

Les collectivités territoriales ont un rôle à jouer, qu’elles assument au travers d’outils de planification que nous connaissons tous.

Monsieur le haut-commissaire, il faut que nous puissions construire des logements et que nous en ayons les moyens.

J’espère que ces thèmes seront abordés lors des IVèmes rencontres parlementaires sur le logement, qui se dérouleront le 11 juin prochain.

Les jeunes attendent beaucoup de nous. Nous ne devons pas les décevoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame Blondin, j’ai pu apprécier dans le Finistère les initiatives prises en faveur des jeunes et du logement.

La mission d’information a mis l’accent sur cette question, et nous y travaillons.

Concernant le logement intergénérationnel, il existe un paradoxe : tout le monde le plébiscite, mais il reste très marginal.

Les assises du logement intergénérationnel que nous organisons et qui se tiendront en septembre ont tout simplement pour objet de mettre les différents protagonistes autour d’une table et de populariser cette pratique. Les collectivités locales soutiennent cette démarche et nous devons mettre à contribution les différents acteurs pour que ce type d’échange se diffuse.

Cela suppose aussi que soit traité un problème juridique qui n’est pas bien compliqué, mais qui n’a jamais résolu à ce jour : il faut que le jeune puisse être accueilli en échange de quelques heures de travail sans violation de la législation en vigueur.

Le bail de colocation soulève également quelques problèmes juridiques, mais ils devraient être résolus assez facilement et le dispositif sera opérationnel au mois de juin.

Vous m’avez par ailleurs interrogé sur la garantie du risque locatif.

Il faut le marteler ici comme partout, le risque d’impayé de loyer n’est pas plus élevé chez les jeunes !

Du reste, la présomption d’impayé et de non-fiabilité que l’on fait peser sur les jeunes s’assimile purement et simplement à une pratique discriminatoire : tel est le cas lorsque l’on exige plus de garanties, à revenu égal, d’un jeune qui cherche à louer un logement que d’une personne plus âgée. J’ai donc décidé de saisir la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, afin que, au-delà du travail qu’elle a déjà réalisé sur les discriminations en fonction de la couleur de la peau – et qu’elle a eu raison de mener ! –, elle procède à un testing pour démontrer la nécessité de mettre un terme aux discriminations à l’accès au logement en fonction de l’âge. J’espère que cette saisine sera traitée dans l’année.

Enfin, vous avez insisté sur le foncier et la commission de concertation sur la politique de la jeunesse devra se prononcer sur cette question. Le maire de Courcouronnes qui co-préside le groupe de travail sur le logement au sein de la commission estime, par exemple, que deux stratégies sont possibles : la première consiste à proposer une dizaine de mesures, assortie de quelques crédits, la deuxième consiste à mobiliser le foncier pour la construction de logements. Notre effort doit porter sur cette deuxième option, plutôt que sur la création de dispositifs spécifiques. Le Livre vert qui sera soumis à votre sagacité, avant la conclusion de vos travaux, abordera également cette question.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Demuynck, rapporteur. Nous avons travaillé sur la question du logement intergénérationnel et nous avons considéré, comme vous, monsieur le haut-commissaire, que trop peu de contrats étaient signés : le dispositif fonctionne donc plutôt mal.

Aussi, nous avons envisagé la possibilité de distinguer, d’une part, le bail portant strictement sur les modalités de location et, d’autre part, les services supplémentaires que la personne âgée peut souhaiter et qu’elle rémunère au moyen de chèques services ou de tout autre mode de paiement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable réalisé par la mission sénatoriale d’information et j’exprime l’espoir que des mesures pragmatiques et immédiatement applicables apportent des réponses aux difficultés rencontrées par nos jeunes dans tous les domaines évoqués aujourd’hui.

Plusieurs de mes collègues, monsieur le haut-commissaire, ont exprimé des interrogations quant à la tranche d’âge retenue, 16 à 25 ans. En effet, tout le monde en conviendra, les problèmes des jeunes trouvent généralement leur source avant l’âge de 16 ans.

Ce préalable étant posé, j’en viens plus précisément à ma question, relative à l’apprentissage, qui mérite de retrouver effectivement ses lettres de noblesse. L’accès à l’apprentissage à l’âge de 16 ans est une bonne chose, mais il vaudrait encore mieux permettre à certains jeunes d’y accéder plus tôt : je pense très précisément au dispositif de l’«  apprentissage junior ». (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Les jeunes qui en bénéficient réussissent le plus souvent parfaitement leur parcours. Pour eux, deux ans de scolarité normale en collège les auraient conduits à l’échec et auraient contribué à les démotiver, les poussant à décrocher totalement. Tel est, en effet, le langage tenu par les jeunes en rupture suivis par les missions locales, au sein des services « info-jeunes ».

Monsieur le haut-commissaire, comptez-vous promouvoir toute mesure qui permettrait à un jeune de moins de 16 ans qui en exprimerait le souhait d’accéder à l’apprentissage ?

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame la sénatrice, ces questions se sont déjà posées dans le passé. Je ferai délibérer sur ce sujet la commission sur la politique de la jeunesse, mais il me semble que, s’il peut être bon d’effectuer un passage en milieu professionnel avant 16 ans – pour changer d’air, apprendre autre chose, éventuellement reprendre confiance en soi en pratiquant des activités plus concrètes par rapport à ses aptitudes –, le fait de placer un jeune de moins de 16 ans dans la situation de subordination induite par un contrat de travail pose en revanche un problème.

On peut encourager la transition vers le monde du travail par un dispositif du type de la formation en alternance, mais en maintenant le terme de la scolarité obligatoire à 16 ans et sans abaisser l’âge à partir duquel on peut souscrire un contrat de travail. Il me semble possible de concilier ces objectifs sans rouvrir les débats infructueux sur l’apprentissage et le salariat de jeunes de 13 ou 14 ans engagés il y a trois ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la mission.

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. Puisque notre débat est interactif, je souhaiterais ajouter un commentaire aux propos de M. le haut-commissaire.

Il me semble qu’il ne faut pas faire l’économie d’une réflexion sur la tendance que l’on observe trop souvent, consistant à renvoyer les jeunes qui « s’ennuient » dans le cursus scolaire classique vers l’apprentissage, des stages ou, directement, l’emploi. Je souhaiterais que l’on se pose vraiment la question de savoir pourquoi tant de jeunes ne réussissent pas dans le circuit scolaire classique : pourquoi conserver ce système d’éducation linéaire, le même pour tous, auquel tous les gamins – excusez ce terme familier qui se voulait chaleureux – doivent s’adapter ? Nous devons réfléchir aux différences existant entre les élèves et tenter de trouver des réponses adaptées.

Notre mission d’information propose de dédoubler les effectifs des cours de lecture au cours préparatoire, ou CP, parce que 80 % des enfants qui ne savent pas lire à la fin du CP ne sauront jamais lire : elle reprend ainsi une idée émise notamment par Luc Ferry. En même temps, lorsque nous avons intégré cette proposition à notre rapport, je me disais qu’il serait bon de dédoubler complètement les classes de CP : je n’ai cependant pas formulé cette proposition parce que j’étais sûre qu’elle serait refusée, en raison du coût financier et des difficultés de tous ordres qu’elle entraînerait, en termes d’effectifs, de locaux, etc. En revanche, le dédoublement des classes de lecture est indispensable. Il devrait également être possible d’inventer d’autres solutions pour les enfants en difficulté scolaire, avant de les orienter vers l’apprentissage.

M. Mahéas a soulevé la question des villes et des quartiers en difficulté : je la connais bien, étant élue dans une ville difficile, eu égard aux nombreux problèmes que rencontrent ses habitants. Notre commune compte vingt et un groupes scolaires : le taux de réussite au brevet des collèges s’élève à 43 % ! Les remèdes sont connus : au lieu de constituer des classes de trente élèves, limitons les effectifs à douze élèves, renforçons la présence des adultes dans les établissements… (M. Jacques Legendre s’exclame.) Oui, cela coûte cher ! Mais voulez-vous que des milliers de gamins continuent d’échouer au brevet des collèges ? Les solutions existent, elles ont été expérimentées notamment aux États-Unis, des sociologues comme Edgar Morin en parlent très bien ! Les remèdes sont connus, mais ils ont un coût : les choix financiers sont des choix politiques, et vice-versa. Je ne vous dis pas que nous allons adopter cette solution ce soir, mais je voudrais que l’on se pose sérieusement cette question ! (Mme Maryvonne Blondin applaudit.)

M. Patrice Gélard. C’est de la démagogie !

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. Non, je ne fais pas de démagogie !

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. Qu’allez-vous faire de ces jeunes ?

Je vous le dis très amicalement, pour abonder dans le sens de l’intervention de Jacques Mahéas, – et je profite de la présence de M. le haut-commissaire – les situations dans ces villes deviennent absolument ingérables : on y trouve une concentration de toutes les misères, la mixité sociale n’y existe plus ! Ne vous faites pas plaisir en continuant de parler de notre idéal de mixité sociale, il est mort ! Nous sommes en train de fabriquer ce que l’on a toujours voulu éviter en France : des ghettos et de l’apartheid ! (Mme Patricia Schillinger opine.)

Nous devons donc nous interroger sur cette situation. Je suis très heureuse que M. le haut-commissaire soit présent aujourd’hui parce qu’il ne pourra pas me répondre en évoquant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, et les moyens qui lui sont accordés. L’action de l’ANRU est très positive, mais il ne suffit pas de ravaler les façades, de restructurer les quartiers ; il faut réfléchir aux moyens de mettre un terme à la formation de ghettos.

Vous ne voulez pas vous poser cette question : je vous assure que nous allons tous le payer très cher, dans peu de temps ! Mais ce sont ces jeunes qui le paieront le plus cher, et cela, ce n’est pas de la démagogie !

M. Jean-François Voguet. Chez nous, l’échec scolaire est inévitable !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Je souhaite simplement répondre à Mme la présidente de la mission d’information car je suis un peu choquée par ses propos liminaires sur l’apprentissage. J’ai clairement dit qu’il importe, à mes yeux, de rendre à l’apprentissage ses lettres de noblesse. Je n’ai pas voulu dire qu’il fallait placer en apprentissage, dès 14 ou 15 ans, des enfants en rupture qu’il faudrait aiguiller sur une voie de garage. Cessons de dire qu’un enfant qui ne réussit pas doit aller en apprentissage !

Au contraire, des jeunes disposant des capacités intellectuelles qui permettent de poursuivre des études longues – vers lesquelles on les pousse d’ailleurs ! – décident de quitter l’école à 16 ans, parce que ce type d’enseignement ne répond pas à leurs attentes. Le monde de l’apprentissage manque précisément de ces jeunes, dotés de capacités intellectuelles importantes, et qui, par la suite, continueront à se former parallèlement à l’apprentissage et fréquenteront peut-être un jour l’université. Donnons-leur la possibilité d’accéder plus tôt à l’apprentissage !

Mon propos ne portait donc pas sur les enfants en difficulté majeure, mais sur les enfants qui ont envie, à un moment donné, de quitter le circuit normal des études et se trouvent en difficulté à 16 ans, parce que cette possibilité ne leur a pas été offerte plus tôt.

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. D’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le haut-commissaire, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention exprimer votre volonté de maintenir et de développer le dispositif du service civil volontaire. Laissez-moi émettre le vœu que l’histoire ne soit pas un éternel recommencement ! En effet, si je confronte les annonces à mon expérience pratique d’élue de terrain, je ne peux qu’envisager une multitude de difficultés.

J’ai cru dès le début au service civil volontaire et, en tant qu’élue, j’ai œuvré pour qu’il puisse se mettre en place, sous toutes ses facettes, sur le territoire dont j’ai la charge. J’ai eu alors l’impression de devenir un yoyo ou un bilboquet, je vous laisse le choix, et de contribuer à la mise en œuvre d’une politique tenant lieu de « sparadrap » – or les vétérinaires, comme les médecins, savent que des pansements occlusifs posés sur des plaies infectées, ou prêtes à s’infecter, ne constituent pas la panacée !

L’idée était pourtant bonne ! Le service civil volontaire se présente essentiellement sous deux versions. La première, confiée à l’Établissement d’insertion professionnelle de la défense, l’EPIDE, et aux centres « défense deuxième chance », s’adresse aux gamins – je m’exprime comme Mme la présidente de la mission d’information ! –, aux jeunes les plus en difficultés, les laissés-pour-compte, ceux que l’on a oubliés au bord de la route, en les réaccompagnant avec des moyens très renforcés vers le savoir-être et le savoir-faire. Certes, le taux de démission dans ces centres est relativement important durant le premier mois, le plus souvent en raison de problèmes d’éloignement géographique, certains de ces jeunes ne pouvant pas rentrer chez eux le week-end ; mais, passé le premier mois, les taux de réussite et de réinsertion sociale et professionnelle sont de l’ordre de 60 % pour certains centres et de 90 % pour d’autres.

La deuxième version du service civil volontaire peut s’exercer au sein d’associations ou de collectivités locales. Cette formule s’adresse aussi bien à des jeunes en difficulté, après avoir rencontré quelques échecs successifs, qu’à des jeunes ressentant l’envie de s’investir dans des projets. Le point commun à tous ces jeunes est la volonté et l’envie de s’en sortir ou d’œuvrer au service de la collectivité.

J’évoquerai la période s’étendant de 2006 à 2009. À l’origine, l’EPIDE devait accueillir 20 000 volontaires par an dans une quarantaine de centres. Le budget de l’établissement public avoisinait alors 100 millions d’euros pour vingt-deux centres. Une forte montée en puissance avait donc été prévue. En 2009, le contrat d’objectifs et de moyens a été signé : il prévoit 2 000 jeunes dans vingt centres, pour un budget de 85 millions d’euros.

Cette logique d’ouverture et de fermeture m’échappe. Mme Fadela Amara nous annoncé récemment l’ouverture d’un centre au Mans, une région qui ne me semble pas dépourvue de centres « Défense deuxième chance », puisqu’on en trouve à Alençon, à Angers, et la région parisienne n’est pas très loin.

À l’inverse, un centre a été fermé en Bretagne et aucune ouverture n’est annoncée, sans doute d’autres régions en France en sont tout aussi dépourvues.

En ce qui concerne le service civil volontaire dans les associations et dans les collectivités, en 2005, 2006, 2008 et même encore très récemment, on annonçait la signature de 50 000 agréments. Or il n’y a aujourd’hui que 3 000 conventions dont 2 000 seulement sont pourvues, ce qui représente 2 000 jeunes contre 50 000 annoncés dans les territoires. C’est très peu !

Dans notre collectivité, après dix-huit mois de travail, nous avons obtenu l’agrément pour sept jeunes dans le service civil volontaire !

Dans une première fournée, nous avons recruté sept jeunes ; six mois plus tard, on nous annonçait qu’il n’y aurait pas de deuxième fournée ; puis six mois plus tard encore, on nous accorde finalement un autre recrutement ; quelques mois après on se rétracte et aujourd’hui nous avons recruté deux jeunes supplémentaires, nous avons même l’autorisation d’en recruter un autre dans quelques mois !

Comment organiser quelque chose de sérieux dans lequel les jeunes pourraient avoir confiance quand il nous faut quinze jours pour leur annoncer que nous avons une mission à leur confier, pour laquelle ils devront se présenter quinze jours plus tard avec quatre, cinq ou six autres candidats parmi lesquels personne ne sera finalement recruté ?

Cette politique de bilboquet et de yoyo doit absolument cesser !

Quelles sont les réelles intentions du Gouvernement en la matière ? Je parle bien des intentions qui seront tenues et non de celles qui seront affichées ! Un véritable encadrement au niveau national est-il envisagé pour donner de la cohérence et de la stabilité au système ? Cela permettrait de rétablir la confiance des acteurs comme des jeunes dans ce dispositif de service civil volontaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame Klès, ce sont des sujets sur lesquels vous nous alertez depuis toujours (Sourires), avant même que vous soyez élue au Sénat ! Je reconnais la ténacité dont vous faites preuve à juste titre.

Comme vous, je me refuse aux promesses qui ne seraient pas tenues, par respect pour les jeunes et eu égard à leurs espoirs.

D’abord, L’EPIDE, l’Établissement public d’insertion de la défense, a connu une croissance rapide dans un premier temps. Puis on s’est demandé si le coût n’était pas trop élevé et qui devait le payer. En conséquence, on constate une disproportion entre les moyens annoncés et les réalisations. Il a fallu du temps pour remettre de l’ordre dans ce système.

Vient d’être signé entre l’EPIDE et l’État un contrat d’objectifs et de moyens pour permettre une programmation réelle tenant ses objectifs et ses engagements. Je ne peux pas vous répondre précisément à propos du Mans, mais il est certain qu’une programmation aura lieu.

Ensuite, je ferai un parallèle avec la question des écoles de la deuxième chance. Ces dernières sont expérimentales depuis environ quinze ans. L’État n’y avait jamais mis d’argent. Tout le monde a pris plaisir à les inaugurer, à en faire l’éloge et la promotion. On a mis quinze ans pour mener des évaluations dans ces écoles, pour leur proposer un financement d’État pérenne et pour établir une stratégie de développement sur l’ensemble du territoire, là où les acteurs le veulent. Cela va, d’ailleurs, dans le sens de votre objectif. Vous prévoyez cent écoles, je ne sais pas si nous atteindrons ce nombre. Quoi qu’il en soit, nous envisageons une grande école de la deuxième chance par région avec une antenne départementale, ce qui paraît tout à fait normal. Ainsi, nous passerons de 7 800 à 15 000 places.

Évaluer le système pour savoir s’il convient peut sembler un peu technocratique, mais c’est le meilleur moyen de le pérenniser sur des bases solides. Si grâce à un encadrement et un accompagnement renforcé, un jeune en difficulté parvient à s’en sortir, cela permet-il de neutraliser la dépense supplémentaire qu’on lui a consacrée ? Dans certains cas, oui, dans d’autres, non. On ne peut pas répondre à la question au hasard.

Les procédures d’évaluation de montée en charge progressive sont les meilleurs moyens pour convaincre de la nécessité d’un financement pérenne, y compris parfois d’un financement plus élevé pour des jeunes davantage en difficulté.

Enfin, j’en viens au service civique proprement dit, pour lequel le rapporteur a montré tout son attachement il y a quelques semaines.

Si le service civique n’a pas été annoncé le 24 avril, c’était pour bien montrer qu’il ne s’agissait pas d’un substitut à l’emploi ni d’un contrat aidé de deuxième zone, mais d’un engagement, qui peut être indemnisé. Nous avons neuf chances sur dix de donner réellement son essor au service civique cette année.

Nous avons poussivement atteint 2 000 ou 3 000 places ; nous serons désormais en mesure d’obtenir un développement, un financement mais aussi un souffle. Le service civique est un magnifique projet, il ne faut pas le gâcher ! Je souhaite qu’il y ait plus de demandes de jeunes que de places disponibles. Le service civique doit attirer des jeunes très en difficulté comme des jeunes très diplômés auxquels il offre la possibilité de rendre à la nation ce qu’ils lui doivent, et faut que tous puissent le valoriser.

On voit émerger un consensus en faveur du service civique permettant de le pérenniser.

M. Christian Demuynck, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Nous avons eu l’occasion et le plaisir hier, dans l’enceinte de notre Haute Assemblée, de recevoir les apprentis de différentes activités professionnelles, venant de tous les départements de France. Ils avaient été sélectionnés à l’échelon départemental et régional pour être reçus au Sénat.

Cela a été pour nous un moment privilégié pour échanger avec les responsables des chambres de métiers, les maîtres d’apprentissage, et avec les PME, les TPE et les artisans qui emploient ces apprentis.

Comme ils me l’ont rappelé, il existe une volonté très forte du Président de la République de recruter davantage d’apprentis que par le passé. Un chiffre a d’ailleurs été fixé : 320 000 apprentis doivent être recrutés entre juin 2009 et juin 2010.

Des mesures très incitatives accompagnent cet objectif. Ainsi, la mesure « zéro charges » sera appliquée pour les nouvelles embauches d’apprentis. Le Gouvernement a mis en place, dans le cadre du plan de relance, le dispositif « zéro charges » pour toutes les embauches dans les entreprises de moins de dix salariés. On propose d’étendre ce dispositif aux entreprises de plus de dix salariés.

Cette mesure sera applicable pour un an aux embauches réalisées avant le 30 juin 2010.

Cette mesure est incitative, certes, mais un an, c’est un peu court lorsque l’apprentissage s’étale sur trois ans. Ne pourrait-on pas imaginer de porter le délai à trois ans ?

Ces aides d’accompagnement sont évidemment les bienvenues. Cependant, le recrutement des apprentis n’étant pas une économie mais impliquant au contraire investissement personnel et disponibilité pour former les jeunes, ne peut-on pas prolonger cette mesure sur trois ans ?

Ces PME, ces TPE et ces artisans ne demandent pas un gain, ils souhaiteraient avant tout être accompagnés sur trois ans.

En outre, peut-on imaginer que cette mesure qui s’arrête au 30 juin 2010 sera reconduite dans l’année ou les années à venir ?

Par ailleurs, j’ajouterai une question concernant les collectivités territoriales. Existe-t-il une réglementation pour inciter les collectivités – les mairies, les régions ou les conseils départementaux – à recruter des apprentis ? Leur participation au dispositif constituerait un symbole très fort, un signal qui serait envoyé à l’ensemble des acteurs employant de jeunes apprentis. Selon moi, l’apprentissage est un passeport pour l’avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Concernant la nature des aides et l’avenir des mesures prises, les dispositifs annoncés le 24 avril, qui permettent de concentrer un effort de 1,3 milliard d’euros sur les jeunes, sont des dispositifs de crise.

Ils ont été prévus pour être incitatifs maintenant, afin d’inverser la tendance. Ces mesures fortes et relativement massives sont conjoncturelles. Elles visent à accroître le nombre d’apprentis à la rentrée, alors que l’on prévoyait une baisse de 30 %. Il en va de même pour les contrats de professionnalisation, qui tendent à diminuer de 40 %.

Chaque semestre, nous ferons le point, afin de savoir si la situation nécessite ou non l’incitation.

Ces mesures ont été prévues pour aider à franchir une mauvaise passe comprise entre maintenant et mai 2010. Je ne peux pas vous en dire plus. Pour beaucoup des acteurs que nous rencontrons, ces mesures sont fortes.

Le cumul que vous avez rappelé – l’exonération de charges, la prime de 1 800 euros et le cadre de l’apprentissage qui était déjà considéré comme favorable – rassemble des mesures suffisamment incitatives, même lorsqu’il s’agit de recruter un apprenti pour un ou deux ans. Nous souhaitons également éviter de déclencher le remplacement de la main-d’œuvre habituelle par cette main-d’œuvre durablement peu chère.

M. Christian Demuynck, rapporteur. Oui !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il faut tenir cet équilibre conjoncturel de crise, suffisamment massif et ciblé pour être adapté. Et, je le répète, nous ferons le point sur la situation semestriellement.

J’ai parlé tout à l’heure d’évaluation. Je reviens sur un autre dispositif interactif qui a été évoqué au sujet du dédoublement des classes de cours préparatoire.

Si je suis d’accord avec nombre de propositions formulées par la mission, il me semble que sur ce point l’évaluation du dispositif ne soit pas très concluante.

Lorsque Luc Ferry avait proposé cette mesure, il avait envisagé qu’elle serait ensuite évaluée. Or l’évaluation n’a pas montré une réelle amélioration de la situation. En effet, dans une classe de trente élèves, quinze conservent leur professeur habituel, quinze autres ont un professeur qu’ils ne connaissent pas. Résultat : quinze s’en sortent et quinze ne s’en sortent pas. Ce n’est donc pas forcément la meilleure solution pour résoudre le problème du mauvais apprentissage de la lecture en cours préparatoire. Il faut absolument traiter cette question mais pas nécessairement par le dédoublement des classes.

Enfin, madame Gautier, j’en viens à votre question concernant l’apprentissage dans la fonction publique. Le député Laurent Hénart a été missionné par le Premier ministre auprès des différents membres du Gouvernement concernés pour pousser le développement de l’apprentissage dans la fonction publique.

On dénombre en tout et pour tout 6 000 contrats en alternance dans la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. Des élèves infirmières suivent une formation tout en travaillant dans une pseudo-alternance où elles sont payées 90 euros par mois ! Ce n’est pas normal. Cela doit devenir une véritable alternance, pour obtenir la rémunération d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le haut-commissaire, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des jeunes en milieu rural, dont il n’a guère été question jusqu’à présent. S’ils sont certes moins nombreux que les jeunes urbains, ils méritent aussi toute notre attention.

À l’occasion des auditions de la mission d’information, Mme Cécile Van de Velde, maître de conférences à l’école des hautes études en sciences sociales, a déclaré que l’on pouvait « établir un parallèle entre la situation des jeunes isolés en zone rurale et celle des jeunes qui se sentent “piégés” dans les cités : ces deux catégories sont, en effet, soumises à des trajectoires d’insertion d’autant plus difficiles que certains jeunes éprouvent des difficultés à quitter des lieux qui ne leur offrent pas de débouchés professionnels mais où se concentrent leurs attaches identitaires et personnelles ».

J’ai trouvé son analyse très juste étant moi-même élue d’un territoire rural.

Je voudrais insister sur deux difficultés spécifiques aux jeunes ruraux, même si de nombreuses autres difficultés se posent à eux, comme le manque d’emploi, les obstacles à l’accès à la santé ou à la culture.

La première difficulté que je veux souligner porte sur l’accès au logement.

En milieu rural, il est quasi impossible de trouver moyennant un loyer abordable un logement de petite taille qui puisse accueillir un jeune seul. Cette absence de logements pose souvent problème quand il s’agit de répondre à d’éventuelles offres d’emploi.

Créer des logements individuels, des foyers de jeunes travailleurs ou des résidences sociales mixtes et intergénérationnelles permettrait aux jeunes de se loger plus facilement à des prix raisonnables et favoriserait l’instauration d’un cercle vertueux non seulement pour les jeunes ruraux mais pour l’ensemble du monde rural et son économie.

On peut aussi se demander comment un jeune apprenti, compte tenu de l’indemnité qu’il perçoit, pourrait payer deux loyers : un loyer sur son lieu de travail, et un autre sur son lieu de formation. Comme cela se fait dans de nombreuses régions, notamment dans le Limousin, il convient de généraliser l’internat ou des structures d’hébergement dans les CFA.

La seconde difficulté concerne l’accès physique du jeune à l’emploi ou aux lieux de formation. Il s’agit de la mobilité et des moyens de transport.

La mission locale d’insertion des jeunes de Tulle, que vous avez récemment visitée, me rappelait récemment que 54 % des jeunes reçus par elle-même et ses antennes en moyenne Corrèze n’ont pas le permis de conduire et que 28 % de ceux qui en sont titulaires ne disposent pas d’un véhicule. Les jeunes des secteurs d’Egletons, d’Argentat et d’Uzerche, où sont situées les antennes, ne peuvent qu’utiliser les transports collectifs, souvent insuffisants ou aux horaires inadaptés par rapport aux horaires du travail.

Dans ces deux domaines, des actions vigoureuses doivent être menées. Elles ne peuvent reposer uniquement sur la responsabilité et les moyens des acteurs locaux, et notamment des collectivités locales, qui sont de plus en souvent sollicitées, y compris pour le financement des PAIO et des missions locales.

Par ailleurs, la mission locale de Tulle mène une action d’accompagnement renforcé des jeunes en apprentissage, action que vous-même soutenez. À cet égard, je regrette que les crédits des missions locales, notamment ceux qui leur sont alloués par l’État, stagnent, voire diminuent. Cela est contradictoire avec la forte mobilisation que nous avons observée sur le terrain et la motivation dont font preuve tous les acteurs concernés, comme Mme Jarraud-Vergnolle l’a souligné tout à l'heure.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame la sénatrice, vous avez insisté principalement sur deux points qui sont sources de difficultés pour les jeunes en milieu rural : le logement et la mobilité. Sans dire que les problèmes auxquels ils sont confrontés sont plus importants que ceux que rencontrent les autres jeunes – ce serait nier les difficultés qui ont été évoquées tout à l’heure pour les zones urbaines sensibles -, ces problèmes sont réels et il faut pouvoir les résoudre.

Sur la question du logement, notamment quand les jeunes sont en alternance, nous devons, là aussi, si nous le pouvons, madame la présidente de la mission, monsieur le rapporteur, unir nos efforts afin que l’aide au logement puisse suivre l’apprenti dans sa mobilité géographique et, éventuellement, être un peu plus élevée pour tenir compte de sa situation particulière. Qui doit avoir deux maisons pour suivre son apprentissage ne doit pas pour autant perdre la raison ! (Sourires.)

Les aides à la mobilité sont indispensables, nous le savons. Les jeunes qui n’ont pas les moyens de se payer le permis de conduire peinent à trouver un emploi. Un peu d’argent d’État et de l’argent privé ont été mobilisés. Sur les 50 millions d’euros que j’ai obtenus d’une grande compagnie pétrolière française à destination du fonds d’expérimentation pour les jeunes, 10 millions d’euros seront consacrés au financement de 10 000 permis de conduire.

Nous avons intégré cette aide dans l’appel à projets et vous pouvez annoncer à la mission locale de Tulle, pour laquelle j’ai une affection particulière, compte tenu de la qualité de son travail, qu’elle peut prétendre à cette aide, que nous mettrons immédiatement à sa disposition. Ce sera un utile complément au programme de prévention des ruptures des contrats d’apprentissage qu’elle conduit avec notre soutien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, durant les travaux de cette mission, nous n’avons pas abordé la question de la situation des jeunes en milieu carcéral. Or il sera d’autant plus important d’y réfléchir, dans un second temps, que les jeunes, notamment les mineurs, qui se retrouvent en prison sont souvent dépourvus de qualification et que le milieu carcéral n’est guère propice à leur formation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la mission.

Mme Raymonde Le Texier, présidente de la mission commune d’information. Madame Laborde, vous avez raison de soulever cette question, qui est essentielle.

En matière de formation des jeunes qui sont incarcérés, notre pays a quand même quelques lacunes, c’est le moins que l’on puisse dire ; il est donc urgent aussi de travailler sur cette question.

En même temps, ayant pris une part active à la mission, vous savez que nous avons préféré laisser provisoirement de côté un certain nombre de problèmes très vastes, notamment ceux qui touchent les banlieues, qui ont été évoqués tout à l’heure par M. Mahéas. Ne disposant que de deux mois, nous voulions nous concentrer sur un certain nombre de sujets, qui sont ceux dont nous avons discuté cet après-midi.

En tout cas, - et ce sera une manière pour moi de conclure ce débat - le point que vous avez abordé et d’autres sont à revoir. Je souhaite que nous restions mobilisés, aussi actifs et productifs pendant le mois de juin que nous l’avons été au cours de ces deux mois, avec le souci de travailler dans le même sens, sans a priori et en nous gardant des conflits stériles.

Je ne saurais terminer – même si ce type de propos peut paraître convenu – sans remercier très sincèrement, pour le travail qui a été accompli, les membres de la mission et les personnels du Sénat qui nous ont apporté leur collaboration et dont je tiens à saluer les compétences. Et bien entendu, je vous remercie, mes chers collègues, pour votre participation aujourd'hui à ce débat.

Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie également de vos réponses qui ont été, comme d’habitude, précises et en même temps encourageantes. Vous nous avez donné « la pêche » à la fin de cette mission ! Nous étions parfois un peu démoralisés lorsque nous prenions la mesure de tout ce qui nous restait encore à faire, les réflexions à mener, les actions à mettre en place…

Parmi tous les points que nous avons évoqués ce soir, notamment le dernier, qu’a soulevé Mme Laborde, certains pourraient être traités sans que cela coûte les yeux de la tête. Une volonté affirmée, partagée peut suffire à faire évoluer les situations. Il faut se battre sans lâcher prise. Le Livre vert, dont nous connaîtrons bientôt le contenu, ajouté au travail que nous menons, nous aidera sans doute à être toujours plus persuasifs et combatifs.

M. Demuynck et moi-même étudierons attentivement, à tête reposée, les débats que nous avons eus cet après-midi afin de les intégrer au travail que nous allons poursuivre au mois de juin, en particulier sur des sujets qui n’ont pas été évoqués ou sur lesquels nous piétinons – je ne les citerai pas, ils sont connus de tous ici.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Demuynck, rapporteur. Comme vient de le dire Mme Le Texier, la mission a effectivement bien travaillé. Une partie du rapport sera mise en ligne demain puis publiée, mais notre tâche n’est pas terminée.

Au moins une dizaine de points, qui ont été évoqués au cours de ce débat, restent à étudier. Cela étant, nous devrons probablement cibler les questions.

Nous savons que nous n’avons guère approfondi certains aspects, telle la culture. Il est vrai aussi que certains de nos collègues ont déjà mené des missions dont nous pouvons nous inspirer. Ainsi, M. Lecerf a effectué sur le milieu carcéral un travail très important.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Christian Demuynck, rapporteur. N’aurions-nous pas intérêt à partir de son rapport, quitte à proposer des modifications, plutôt que de tout reprendre à zéro ? (Mme la présidente de la mission commune d’information et Mme Catherine Troendle opinent.)

Monsieur le haut-commissaire, je vous remercie de vous êtes prêté à ce débat interactif, qui, pour vous, est une première, ainsi que vous l’avez souligné. Cette procédure, en permettant à tous ceux qui le souhaitent d’intervenir, nous paraît excellente.

Je remercie également mes collègues pour leur présence à ce débat ; nous étions en effet nombreux cet après-midi, ce qui montre que les sénateurs savent se mobiliser.

Enfin, je remercie une nouvelle fois pour leur travail les personnels du Sénat, sur qui nous comptons pour la suite, notamment le second tome de ce rapport !

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Madame Laborde, l’insertion professionnelle des jeunes détenus et, plus largement, des jeunes sous main de justice est effectivement, pourrait-on dire, une question orpheline. Elle a pourtant été au cœur de ce que l’on a appelé le « Grenelle de l’insertion ».

Des programmes ont démarré, notamment dans le Sud-Ouest, tels que le programme LOTU dans le Pays basque, qui rassemble des entreprises, des travailleurs sociaux, le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP, pour accompagner les jeunes sortant de prison vers une insertion professionnelle.

Des crédits supplémentaires ont permis de faire naître des programmes nouveaux. Nous voulons montrer que ces programmes de la deuxième chance, en quelque sorte, donnent de bons résultats. D'ailleurs, les employeurs qui ont collaboré à ce système en sont généralement les plus ardents défenseurs : ils expliquent qu’ils ont eu affaire à des gens motivés, qui ont eu raison de tous leurs préjugés.

Nous sommes parvenus à créer une dynamique et j’espère que vous nous apporterez votre aide pour continuer dans cette voie.

À mon tour, je voudrais exprimer ma reconnaissance pour le travail effectué, la confiance accordée, les propositions formulées. L’ouverture d’esprit dont vous avez fait preuve a permis qu’un véritable débat ait lieu et que l’on puisse trouver dans votre Haute Assemblée, plus qu’une écoute, une force de propositions pour les jeunes. Nous essaierons d’en être à la hauteur.

Nous vivons un moment de bascule de l’état d’esprit, qui est notamment lié au fait que des jeunes ayant toujours tout fait comme il faut se retrouvent quand même en difficulté. Il y a là un problème systémique. C'est la raison pour laquelle la question des ressources ou celle de l’accompagnement sont envisagées différemment aujourd'hui qu’il y a deux ou trois ans. Il y a là une opportunité de jeter les fondements de quelque chose de nouveau. Si nous le faisons ensemble, j’en serais très honoré. (Applaudissements sur les travées de lUMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

5

Engagement de la procédure accélérée sur un projet de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008, déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Article additionnel après l'article 27(réservé) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article additionnel avant l’article 28 (réservé)

Réforme de l'hôpital

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (nos 290, 380 et 381).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 28.

CHAPITRE III

Établissements et services médico-sociaux

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 28 (Texte modifié par la commission) (début)

Article additionnel avant l’article 28 (réservé)

M. le président. L’examen de l’amendement tendant à insérer un article additionnel avant l’article 28 a été réservé jusqu’après l’article 34.

Article additionnel avant l’article 28 (réservé)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Article 28 (Texte modifié par la commission) (interruption de la discussion)

Article 28

(Texte modifié par la commission)

I. - Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l'article L. 247-2, le mot : « agrégées » est supprimé ;

1° bis  La dernière phrase du III de l'article L. 312-1 est complétée par les mots : « et leurs règles de financement et de tarification » ;

2° L'article L. 312-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-3. - La section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale mentionné à l'article L. 6121-7 du code de la santé publique se réunit au moins une fois par an en formation élargie en vue :

« 1° D'évaluer les besoins sociaux et médico-sociaux et d'analyser leur évolution ;

« 2° De proposer des priorités pour l'action sociale et médico-sociale.

« Tous les cinq ans, elle élabore un rapport qui est transmis à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, au Gouvernement et aux autorités locales concernées.

« La section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale est consultée par le ministre chargé des affaires sociales sur les problèmes communs aux établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1, notamment sur les questions concernant leur fonctionnement administratif et financier. » ;

3° L'article L. 312-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-5. - Les schémas d'organisation sociale et médico-sociale sont établis dans les conditions suivantes :

« 1° Les ministres chargés des personnes âgées et des personnes handicapées établissent, sur proposition de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie lorsqu'il entre dans son champ de compétences et après avis du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale, un schéma au niveau national pour les établissements ou services accueillant des catégories de personnes, dont la liste est fixée par décret, pour lesquelles les besoins ne peuvent être appréciés qu'à ce niveau ; l'Assemblée des départements de France est tenue informée de ce schéma national ;

« 2° Le représentant de l'État dans la région établit les schémas régionaux relatifs :

« a) Aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile mentionnés au 13° du I de l'article L. 312-1 ;

« b) Aux services mentionnés aux 14° et 15° du I de l'article L. 312-1 et aux personnes physiques mentionnées aux articles L. 472-1, L. 472-5, L. 472-6 et L. 474-4 ;

« 3° Le directeur de l'agence régionale de santé et de l'autonomie établit le schéma prévu à l'article L. 1434-10 du code de la santé publique ;

« 4° Le président du conseil général élabore les schémas, adoptés par le conseil général, pour les établissements et services, autres que ceux devant figurer dans les schémas nationaux, mentionnés aux 1° et 4° du I de l'article L. 312-1. Pour cette dernière catégorie, il prend en compte les orientations fixées par le représentant de l'État dans le département.

« Les schémas relatifs aux personnes handicapées ou en perte d'autonomie sont arrêtés par le président du conseil général, après concertation avec le représentant de l'État dans le département et avec l'agence régionale de santé et de l'autonomie, dans le cadre de la commission prévue au 2° de l'article L. 1432-1 du code de la santé publique. Les représentants des organisations professionnelles représentant les acteurs du secteur du handicap ou de la perte d'autonomie dans le département ainsi que les représentants des usagers sont également consultés, pour avis, sur le contenu de ces schémas. Les modalités de ces consultations sont définies par décret. L'objectif de ces schémas est d'assurer l'organisation territoriale de l'offre de services de proximité et leur accessibilité. » ;

4° L'article L. 312-5-1 est ainsi rédigé :

«  Art. L. 312-5-1. - Pour les établissements et services mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 11° et 12° du I de l'article L. 312-1 qui accueillent des personnes handicapées ou des personnes âgées, le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie établit un programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie composé d'objectifs de programmation pour la mise en oeuvre du schéma régional mentionné au 3° de l'article L. 312-5. Ce programme dresse, pour la part des prestations financées sur décision tarifaire du directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, les priorités de financement des créations, extensions ou transformations d'établissements ou de services au niveau régional. » ;

5° L'article L. 313-1-1 devient l'article L. 313-1-2 ;

6° Il est rétabli un article L. 313-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-1-1. - Les projets, y compris expérimentaux, de création, de transformation et d'extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l'article L. 312-1 ainsi que des projets de lieux de vie et d'accueil sont autorisés par les autorités compétentes en vertu de l'article L. 313-3.

« Lorsque les projets font appel partiellement ou intégralement à des financements publics, ces autorités délivrent l'autorisation après avis d'une commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social qui associe des représentants des usagers. L'avis de cette dernière n'est toutefois pas requis en cas d'extension inférieure à un seuil. Une partie des appels à projets doit être réservée à la présentation de projets expérimentaux ou innovants répondant à un cahier des charges allégé. 

« Si des établissements ou services créés sans recours à des financements publics présentent des projets de transformation ou d'extension faisant appel à de tels financements, la procédure prévue à l'alinéa précédent s'applique.

« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État, à l'exception du seuil mentionné au deuxième alinéa, qui l'est par décret.

« Le décret en Conseil d'État susvisé définit notamment les règles de publicité, les modalités de l'appel à projet et le contenu de son cahier des charges, ainsi que les modalités d'examen et de sélection des projets présentés, afin de garantir une mise en concurrence sincère, loyale et équitable et la qualité de l'accueil et de l'accompagnement. » ;

7° L'article L. 313-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 313-3. - L'autorisation est délivrée :

« a) Par le président du conseil général, pour les établissements et services mentionnés aux 1°, 6°, 7°, 8°, 11° et 12° du I et au III de l'article L. 312-1 lorsque les prestations qu'ils dispensent sont susceptibles d'être prises en charge par l'aide sociale départementale ou lorsque leurs interventions relèvent d'une compétence dévolue par la loi au département ;

« b) Par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie pour les établissements et services mentionnés aux 2°, 3°, b du 5°, 6°, 7°, 9°, 11° et 12° du I de l'article L. 312-1 et pour les lieux de vie et d'accueil mentionnés au III du même article, lorsque les prestations qu'ils dispensent sont susceptibles d'être prises en charge par les organismes d'assurance maladie, ainsi que pour les établissements et services mentionnés au a du 5° du I du même article ;

« c) Par l'autorité compétente de l'État pour les établissements et services mentionnés aux 4°, 8°, 11°, 12° et 13° du I de l'article L. 312-1 ainsi que, après avis conforme du procureur de la République, pour les services mentionnés aux 14° et 15° du I de l'article L. 312-1 ;

« d) Conjointement par le président du conseil général et le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie pour les établissements et services dont l'autorisation relève simultanément du a et du b ainsi que ceux dont l'autorisation relève du 3° du I et du III de l'article L. 312-1 ;

« e) Conjointement par l'autorité compétente de l'État et le président du conseil général pour les établissements et services dont l'autorisation relève simultanément du a et du c ainsi que ceux dont l'autorisation relève du 4° du I et du III de l'article L. 312-1. » ;

8° L'article L. 313-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « initiale » est supprimé ;

b) Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Répond au cahier des charges établi, dans des conditions fixées par décret, par les autorités qui délivrent l'autorisation ; »

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les projets ne relevant pas de financements publics, l'autorisation est accordée si le projet satisfait aux règles d'organisation et de fonctionnement prévues au présent code, et prévoit les démarches d'évaluation. » ;

9° L'article L. 345-3 est complété par les mots : « ou si un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens a été conclu entre leur personne morale gestionnaire et l'État dans des conditions définies par décret » ;

9° bis Le premier alinéa de l'article L. 348-4 est complété par les mots : « ou si un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens a été conclu entre sa personne morale gestionnaire et l'État dans des conditions définies par décret » ;

10° L'article L. 313-12 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Par dérogation, les établissements et services qui atteignent ensemble, en raison tant de leur taille que des produits de leur tarification, un seuil fixé par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de l'assurance maladie, font l'objet d'un contrat d'objectifs et de moyens signé avec leur personne morale gestionnaire, qui comporte notamment des objectifs de qualité de prise en charge à atteindre. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements et services, qui font l'objet d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, pourront être accompagnés pour son élaboration et sa mise en oeuvre par l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux. » ;

11° Après l'article L. 313-12-1, il est inséré un article L. 313-12-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-12-2. - Les établissements et services mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 7°, 8°, 9°, 11°, 14° et 15° du I de l'article L. 312-1, relevant de la compétence tarifaire exclusive du directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie ou du représentant de l'État dans la région et qui atteignent ensemble, en raison tant de leur taille que des produits de leur tarification, un seuil fixé par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de l'assurance maladie, font l'objet pour leur financement d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens signé entre leur personne morale gestionnaire et l'autorité chargée de la tarification. Ce contrat comporte notamment des objectifs de qualité de prise en charge à atteindre.

« Les établissements et services, qui font l'objet d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, pourront être accompagnés pour son élaboration et sa mise en oeuvre par l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux. » ;

12° L'article L. 313-13 est ainsi rédigé :

« Art. L. 313-13. - Le contrôle des établissements et services sociaux et médico-sociaux et des lieux de vie et d'accueil est exercé par l'autorité qui a délivré l'autorisation.

« Dans les établissements et services sociaux autorisés par le représentant de l'État, les contrôles prévus au présent livre sont effectués par les personnels, placés sous son autorité ou sous celle de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, mentionnés aux articles L. 1421-1 et L. 1435-7 du code de la santé publique.

« Dans les établissements et services médico-sociaux autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, les contrôles prévus au présent livre sont effectués par les personnels de l'agence régionale de santé et de l'autonomie mentionnés aux articles L. 1421-1 et L. 1435-7 du code de la santé publique.

« Dans les établissements et services autorisés par le président du conseil général, les contrôles prévus à la présente section sont effectués par les agents départementaux mentionnés à l'article L. 133-2 du présent code, dans les conditions définies à cet article. Toutefois, ces contrôles peuvent être également exercés, de façon séparée ou conjointe avec ces agents, par les agents mentionnés au deuxième alinéa du présent article.

« Dans les établissements et services médico-sociaux autorisés conjointement par le président du conseil général et par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, les contrôles prévus à la présente section sont effectués par les agents départementaux et les personnels de l'agence régionale de santé et de l'autonomie mentionnés aux articles L. 1421-1 et L. 1435-7 du code de la santé publique, dans la limite de leurs compétences respectives.

« Quelle que soit l'autorité qui a délivré l'autorisation, le représentant de l'État dans le département peut, à tout moment, diligenter les contrôles prévus au titre III du présent livre. Il dispose à cette fin des moyens d'inspection et de contrôle de l'agence régionale de santé et de l'autonomie pour l'exercice de ses compétences.

« Lorsque le contrôle a pour objet d'apprécier l'état de santé, la sécurité, l'intégrité ou le bien-être physique ou moral des bénéficiaires accueillis dans les établissements et services sociaux ou médico-sociaux et les lieux de vie et d'accueil, il est procédé, dans le respect de l'article L. 331-3, à des visites d'inspection conduites, en fonction de la nature du contrôle, par un médecin inspecteur de santé publique ou par un inspecteur de l'action sanitaire et sociale.

« Les agents mentionnés à l'alinéa précédent, habilités et assermentés à cet effet dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, recherchent et constatent les infractions définies au présent code par des procès-verbaux transmis au procureur de la République, qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Ils peuvent, au titre des contrôles mentionnés au présent article et aux articles L. 313-16, L. 331-3, L. 331-5 et L. 331-7, effectuer des saisies dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. » ;

13° Le III de l'article L. 314-3 est abrogé ;

14° Avant le dernier alinéa de l'article L. 315-14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les établissements médico-sociaux dont l'autorisation relève de la compétence du directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie, soit exclusive soit conjointe avec le président du conseil général, les délibérations mentionnées au premier alinéa sont transmises au directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie. Dans ce cas, les compétences du représentant de l'État dans le département définies au présent article sont exercées par le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie. » ;

15° Le second alinéa de l'article L. 344-5-1 est ainsi rédigé :

« L'article L. 344-5 du présent code s'applique également à toute personne handicapée accueillie dans un établissement ou service mentionné au 6° du I de l'article L. 312-1 ou dans un établissement autorisé à dispenser des soins de longue durée, et dont l'incapacité, reconnue à la demande de l'intéressé avant l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 113-1, est au moins égale à un pourcentage fixé par décret. » ;

16° L'article L. 312-8 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 procèdent à des évaluations de leurs activités et de la qualité des prestations qu'ils délivrent, au regard notamment de procédures, de références et de recommandations de bonnes pratiques professionnelles validées ou, en cas de carence, élaborées, selon les catégories d'établissements ou de services, par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Les résultats des évaluations sont communiqués à l'autorité ayant délivré l'autorisation. Les établissements et services rendent compte de la démarche d'évaluation interne engagée. Le rythme des évaluations et les modalités de restitution de la démarche d'évaluation sont fixés par décret. » ;

a bis)  Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 autorisés et ouverts avant la date de promulgation de la loi n°         du            portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, communiquent les résultats d'au moins une évaluation interne dans un délai fixé par décret. » ;

b) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 sont tenus de procéder à deux évaluations externes entre la date de l'autorisation et le renouvellement de celle-ci. Le calendrier de ces évaluations est fixé par décret. » ;

c) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 autorisés et ouverts avant la date de promulgation de la loi n°          du              portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, procèdent au moins à une évaluation externe au plus tard deux ans avant la date de renouvellement de leur autorisation. » ; 

d) Le c du 1° est abrogé ;

e)  Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de certification par des organismes visés à l'article L. 115-28 du code de la consommation, un décret détermine les conditions dans lesquelles cette certification peut être prise en compte dans le cadre de l'évaluation externe.

« La disposition prévue à l'alinéa précédent entre en vigueur à compter du 1er janvier 2011. » ;

17° Le IV de l'article L. 14-10-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « innovantes », sont insérés les mots : «, à la formation des aidants familiaux » ;

b) Aux b du 1 et du 2, après le mot : « vie, », sont insérés les mots : « de dépenses de formation des aidants familiaux » ;

18° Le IV de l'article L. 14-10-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « innovantes », sont insérés les mots : «, à la formation des accueillants familiaux mentionnés aux articles L. 441-1 et L. 444-1 » ;

b) Aux b du 1 et du 2, après le mot : « vie, », sont insérés les mots : « de dépenses de formation des accueillants familiaux mentionnés aux articles L. 441-1 et L. 444-1 » ;

19°  L'article L. 313-26 devient l'article L. 313-27 et il est créé un nouvel article L. 313-26 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-26. - Au sein des établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 du présent code, lorsque les personnes ne disposent pas d'une autonomie suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par un médecin à l'exclusion de tout autre, l'aide à la prise de ce traitement constitue une modalité d'accompagnement de la personne dans les actes de sa vie courante.

« La distribution et l'aide à la prise de médicaments peuvent, à ce titre, être assurées par toute personne chargée de l'aide aux actes de la vie courante, dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise ne présente ni difficulté d'administration ni d'apprentissage particulier.

« Le libellé de la prescription médicale permet, selon qu'il est fait ou non référence à la nécessité de l'intervention d'auxiliaires médicaux, de distinguer s'il s'agit ou non d'un acte de la vie courante.

« Des protocoles de soins sont élaborés avec l'équipe soignante afin que les personnes chargées de la distribution et de l'aide à la prise des médicaments soient informées des doses prescrites et du moment de la prise. » ;

20 ° L'article L. 311-1 est complété par sept alinéas ainsi rédigés :

« Sont qualifiés d'établissements sociaux et médico-sociaux privés d'intérêt collectif les établissements privés qui :

« Exercent leurs missions sociales et médico-sociales dans un cadre non lucratif et dont la gestion est désintéressée ;

« Inscrivent leur action dans le cadre d'un projet institutionnel validé par l'organe délibérant de la personne morale de droit privé gestionnaire, qui décrit les modalités selon lesquelles les établissements qu'elle administre organisent leur action en vue de répondre aux besoins sociaux et médico-sociaux émergents ou non satisfaits, d'une part, et de limiter le reste à charge des personnes accueillies ou accompagnées, dès lors qu'une participation financière est prévue par les textes en vigueur, d'autre part ;

« Publient leurs comptes annuels certifiés ;

« Établissent le cas échéant des coopérations avec d'autres établissements sociaux et médico-sociaux pour organiser une réponse coordonnée et de proximité aux besoins de la population dans les différents territoires, dans un objectif de continuité et de décloisonnement des interventions sociales et médico-sociales réalisées au bénéfice des personnes accueillies ou accompagnées.

« Les personnes morales de droit privé gestionnaires d'établissements sociaux et médico-sociaux privés adoptent le statut d'intérêt collectif par une délibération de leur organe délibérant transmise à l'autorité ayant compétence pour délivrer l'autorisation. La qualité d'établissement social et médico-social privé d'intérêt collectif se perd soit par une nouvelle délibération de l'organe délibérant de la personne morale de droit privé gestionnaire, transmise à l'autorité ayant enregistré l'engagement initial dans l'intérêt collectif social et médico-social, soit du fait d'une appréciation de l'autorité ayant délivré l'autorisation, dans des conditions de procédure définies par décret.

« Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'État. » ;

21°  Il est ajouté, après l'article L. 313-23-2, un article L. 313-23-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-23-3. - À défaut d'accord de branche ou d'accord d'entreprise ou d'établissement définissant les modalités d'un service minimum permettant d'assurer, en cas de grève, la sécurité du personnel et des personnes handicapées ou âgées accompagnées de façon permanente dans les établissements et services définis aux 2°, 5°, 6°, 7° et 12° de l'article L. 312-1 du présent code, un service minimum est mis en place dans ces établissements et services dans des conditions prévues par décret. » ;

22°  Le quatrième alinéa de l'article L. 314-8 est complété par trois phrases ainsi rédigées : « Un décret définit les conditions d'expérimentation comparative de plusieurs modalités de fonctionnement et de tarification pour l'accueil temporaire des personnes accueillies dans des établissements et services visés au 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Cette expérimentation prend effet à compter du 1er juin 2009. Un rapport sur cette expérimentation est remis au Parlement par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie avant le 15 octobre 2012. » ;

23°  L'article L. 411-1 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, à une convention internationale ou un arrangement en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles » ;

b) Au septième alinéa, les mots : « le titre » sont remplacés par les mots : « le titre ou ensemble de titres » ;

c) Il est ajouté, à la fin du même article, un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéficiaire peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l'État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l'établissement où il l'a obtenu. » ;

24°  L'article L. 312-7 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa :

- les mots : « gestionnaires mentionnés à » sont remplacés par les mots : « qui peuvent être gestionnaires au sens de » ;

- avant le mot : « peuvent », sont ajoutés les mots : « ainsi que les personnes morales ou physiques concourant à la réalisation de leurs missions, » ;

b) Au sixième alinéa, la référence : « L. 129-1 » est remplacée par la référence : « L. 7232-1 » ;

c) Avant le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« d) Créer des réseaux sociaux ou médico-sociaux avec les personnes mentionnées au premier alinéa et adhérer à ces mêmes réseaux ou aux réseaux et groupements de coopération ou d'intérêt public prévus au code de la santé publique. » ;

d) Au huitième alinéa :

- les mots : « gestionnaires de services mentionnés à l'article L. 312-1 du présent code » sont remplacés par les mots : « mentionnés au premier alinéa » ;

- la référence : « L. 6133-1 » est remplacée par la référence : « L. 6111-1 » ;

e) Le début du neuvième alinéa est ainsi rédigé : « Les premier et troisième alinéas de l'article L. 6133-3, le premier alinéa de l'article L. 6133-4, les articles L. 6133-6 et L. 6133-7 sont applicables... (le reste sans changement) » ;

f) Au douzième alinéa, la référence : « L. 129-1 » est remplacée par la référence : « L. 7232-1 » ;

g) Au treizième alinéa :

- les mots : « telles que mentionnées au 1° de l'article L. 6122-15 du code de la santé publique » sont supprimés ;

- la dernière phrase est supprimée ;

h) Avant le dernier alinéa de cet article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La convention constitutive des groupements de coopération définit notamment l'ensemble des règles de gouvernance et de fonctionnement. Elle peut prévoir des instances de consultation du personnel. » ;

25°  Après l'article L. 313-14, il est inséré un article L. 313-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 313-14-1. - Dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant du I de l'article L. 312-1 à l'exception du 10°, gérés par des organismes de droit privé à but non lucratif, lorsque la situation financière fait apparaître un déséquilibre financier significatif et prolongé ou lorsque sont constatés des dysfonctionnements dans la gestion de ces établissements et de ces services, et sans préjudice des dispositions relatives au contrôle des établissements et services prévus au présent code, l'autorité de tarification compétente adresse à la personne morale gestionnaire une injonction de remédier au déséquilibre financier ou aux dysfonctionnements constatés et de produire un plan de redressement adapté, dans un délai qu'elle fixe. Ce délai doit être raisonnable et adapté à l'objectif recherché.

« Les modalités de retour à l'équilibre financier donnent lieu à la signature d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens prévu à l'article L. 313-11.

« S'il n'est pas satisfait à l'injonction, ou en cas de refus de l'organisme gestionnaire de signer la convention susmentionnée, l'autorité de tarification compétente peut désigner un administrateur provisoire de l'établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à une période de six mois renouvelable une fois. Si l'organisme gestionnaire gère également des établissements de santé, l'administrateur provisoire est désigné conjointement avec le directeur général de l'agence régionale de santé et de l'autonomie dans les conditions prévues à l'article L. 6161-3-1 du code de la santé publique.

« L'administrateur provisoire accomplit, pour le compte des établissements et services, les actes d'administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés ainsi que la préparation et la mise en œuvre d'un plan de redressement.

« La rémunération de l'administrateur est assurée par les établissements gérés par l'organisme et répartie entre les établissements ou services au prorata des charges d'exploitation de chacun d'eux.

« L'administrateur justifie, pour ses missions, d'une assurance couvrant les conséquences financières de la responsabilité conformément aux dispositions de l'article L. 814-5 du code de commerce, prise en charge dans les mêmes conditions que la rémunération.

« En cas d'échec de l'administration provisoire, l'autorité de tarification compétente peut saisir le commissaire aux comptes pour la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 612-3 du code de commerce. »

II. - Le 1° et le 2° du I, ainsi que le 2° du III de l'article 45 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale sont ainsi modifiés :

a) Après les mots : « lorsqu'ils accueillent des personnes handicapées », sont insérés les mots : « à titre temporaire ou permanent ou des personnes âgées à titre temporaire ou en accueil de jour » ;

b) Après les mots : « lorsqu'ils accueillent des personnes âgées », sont insérés les mots : « à titre permanent ».

La perte de recette pour l'État résultant du présent II est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. L'intitulé du chapitre II du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code du travail est complété par les mots : « ou d'intérêt général ».

Le 2° de l'article L. 2512-1 du même code est complété par les mots : « ou d'une mission d'intérêt général et d'utilité sociale telle que définie à l'article L. 311-1 du code de l'action sociale et des familles ».

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.

Mme Bernadette Bourzai. Mme Jarraud-Vergnolle, qui a dû rentrer précipitamment dans les Pyrénées-Atlantiques, m’a demandé de la suppléer, ce que je fais volontiers.

Madame la secrétaire d'État, je vais aller droit au but en m’en tenant aux points les plus importants, bien qu’ils ne soient pas les seuls à susciter une inquiétude profonde au sein des associations concernées, chez les personnels et parmi de nombreux élus, autrement dit de quasiment tout le monde à part vous, quant au sort que ce projet de loi réserve au secteur médico-social.

Aussi loin que remonte le serment d’Hippocrate, les médecins ont toujours dû concilier leur pratique avec une exigence de solidarité.

L’hôpital, traditionnel lieu d’accueil des pauvres et des personnes les plus vulnérables, s’est départi peu à peu de ses missions sociales, ce que l’on peut déplorer, pour se concentrer sur sa technicité et sa rentabilité.

De fait, le personnel hospitalier n’a plus le temps d’apporter une réponse d’accompagnement médico-social à cette population. Et tous regrettent de ne plus pouvoir réintégrer la dimension éthique et humaine à leur profession. « L’égalité des soins ne suffit pas à rendre une décision médicale juste si elle n’est pas ressentie comme telle par l’intéressé » insiste Véronique Fournier, responsable du Centre d’éthique clinique.

Il était donc urgent d’articuler le sanitaire et le social afin que puissent se construire des parcours qualitativement adaptés aux besoins de ce public.

Mais, en dépit de l’unanimité qui règne quant à la nécessité d’un décloisonnement entre le sanitaire et le médico-social, la confusion que vous insufflez prive ce secteur de la souplesse qui le caractérise et lui donne tout son sens, puisqu’elle lui permet de s’inscrire dans un champ non limité aux soins et couvrant également la notion d’accompagnement ; cette confusion le prive également, et c’est tout aussi grave, de sa capacité d’innovation.

Pourtant, plusieurs rapports avaient émis des préconisations tout à fait intéressantes : le rapport Ritter de janvier 2008 soulignait que l’un des enjeux de la création des agences régionales de santé était la recomposition de l’offre hospitalière au profit du médico-social, et le rapport Larcher d’avril 2008 recommandait d’organiser la prise en charge multidimensionnelle des personnes fragiles.

La vision purement gestionnaire et non paritaire que traduit votre projet de loi est tout de même bien étriquée.

D’une part, elle cause la perte de l’identité et de la vocation propre du médico-social. À l’instar des professionnels de santé, les travailleurs sociaux s’interrogent sur le sens et la portée de leurs pratiques.

Cette tendance à la confusion est aggravée par l’assimilation systématique des personnes bénéficiaires à des patients, alors que les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes en réinsertion ne sont pas des patients. Cette confusion est renforcée par l’extension des compétences des ARS aux établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, qui, eux, sont financés par l’État et non par l’assurance maladie.

D’autre part, l’instauration d’une nouvelle procédure d’autorisation des établissements par appel à projet, la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sont autant d’exemples qui attestent d’une méconnaissance notoire de la valeur ajoutée incontestable qu’apporte au sanitaire le volet médico-social, tel que nous le pratiquons, avant que vous ne le démontiez en vous focalisant sur le soin et l’écrasement de son coût.

En outre, la fin de l’opposabilité des conventions collectives agréées et la suppression des procédures budgétaires contradictoires n’ont-elles pas seulement pour vocation de « responsabiliser les gestionnaires dans le cadre des ressources qui leur sont imparties », comme l’indiquait M. Vasselle lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ? Alors que ce secteur s’oblige à salarier des personnels formés, qualifiés, travaillant souvent dans des conditions difficiles, jour et nuit, usés physiquement et psychologiquement, vous souhaitez bloquer leur déroulement de carrière !

Enfin, la tentation de procéder à des transferts de dépenses entre le sanitaire et le médico-social sans tenir compte du fait que les personnels diffèrent par leur nombre autant que par leur formation et leur coût pose immanquablement la question de l’absence de transferts de moyens et de ressources pour le financement de ces personnels.

Jusqu’à quel niveau les conseils généraux vont-ils devoir contribuer ? Quelles garanties et quelles compensations peuvent être raisonnablement mises en avant pour nous convaincre qu’il ne s’agit pas là d’une astuce budgétaire ?

Pour toutes ces raisons, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite que, lors de l’examen des amendements tendant à restaurer la notion même de médico-social, nous puissions veiller à ce que ce volet – qui fait la spécificité et la réputation de notre approche, au même titre que certains de nos voisins européens en pointe sur ces sujets – ne soit pas le parent pauvre de ce projet de loi. (M. Guy Fischer s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons, avec l’article 28 de ce projet de loi, les nouvelles compétences des agences régionales de santé en matière médico-sociale.

En réalité, nous avons d’ores et déjà abordé, à plusieurs reprises, ce versant de la restructuration territoriale du système de santé. Ce mardi même, l’examen de l’article L. 1432-10 du code de la santé publique relatif au schéma régional d’organisation médico-social a focalisé nos débats ; c’est en effet un point névralgique de la réforme.

Les inquiétudes dont les représentants d’usagers et d’association responsables d’établissements nous ont fait part et les craintes que nous avions nous-mêmes sont loin d’être atténuées par ce qui a déjà été voté ici.

Vous avez d’emblée fait « sauter » le terme « autonomie » de la dénomination des agences régionales pour, avez-vous dit, conserver au secteur sa visibilité institutionnelle, en quelque sorte effacer pour mieux voir ! Ce premier signe n’est pas bon.

Vous n’avez pas voulu, au sein de ces mêmes agences, de l’appui maintenu des comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, qui, à ce jour, ont pourtant, de par leur composition, une appréhension globale du secteur médico-social et dont l’expertise de terrain aurait été fort utile.

Vous avez écarté les élus du conseil national de pilotage et cantonné les représentants des collectivités territoriales au rôle de donneurs d’avis au sein des conseils de surveillance des agences et dans les processus d’élaboration du plan régional de santé.

Vous faites état, certes, de la garantie que constituera le principe dit de « fongibilité asymétrique », qui opérera en même temps que la transformation d’unités de soins de longue durée, ou USLD, en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, un transfert de fonds. Mais, on le sait, celui-ci ne sera pas toujours intégral.

Certes, Mme la secrétaire d’État s’est engagée à consulter l’ensemble des acteurs sur les décrets : c’est d’autant plus nécessaire qu’ils sont prévus en très grand nombre et sont importants. Mais pourquoi alors avoir voulu supprimer la structure qui les fédère et se passer ainsi de leurs compétences ?

Mme la ministre a promis que, dans la plupart des agences régionales, « pour ne pas dire toutes » a-t-elle ajouté, un adjoint au directeur général serait chargé de ce domaine très spécifique qu’est le secteur médico-social.

Mais alors pourquoi ne pas inscrire clairement ces engagements dans la loi ? L’importance de l’articulation des compétences des agences avec celles des conseils généraux, qui doivent s’exercer de manière cohérente sur un même territoire, justifiait de confier ce domaine à un directeur général adjoint. Ce choix était « gagnant-gagnant », puisqu’il réalisait ce à quoi vous vous engagez et donnait un signe très positif aux acteurs du médico-social, car c’est bien d’eux que dépend la réussite de votre réforme, autrement dit sa concrétisation au jour le jour.

Enfin, selon la même méthode, vous avez maintenu d’une main la possibilité de pondérer les voix de certains membres du conseil de surveillance et promis, l’autre main posée sur le cœur, que les représentants de l’État ne disposeraient pas de plus du tiers des voix.

Notre collègue Philippe Leroy a parfaitement décrit la situation en s’interrogeant non pas sur votre sincérité, qui n’est pas mise en doute, mais sur l’avenir. Vous prenez incontestablement le risque de briser les réseaux mis en place et les dynamiques positives enclenchées. Vous maintenez une contradiction fondamentale entre le rôle affirmé de chef de file du département et la compétence générale conférée aux agences régionales de santé.

Ces questions sont celles que nous allons aborder au cours de l’examen de l’article 28.

Je n’évoque à l’instant la question de l’instauration d’un service minimum que pour mémoire, tant cette disposition est caricaturale – nous y reviendrons.

Avant cela, je veux rappeler – vous l’avez-vous-même souligné – la spécificité à la fois structurelle et culturelle du secteur médico-social : ce dernier s’est construit à partir des besoins mêmes de la population et il dépend essentiellement de facteurs humains dans l’élaboration des projets de vie et l’accompagnement. Il fonctionne grâce à l’engagement des associations et des conseils généraux.

Or je crains que cette approche ne soit conciliable ni avec l’évidente logique descendante des agences régionales de santé ni avec les critères d’évaluation de performance et de rentabilité que vous entendez leur faire appliquer.

En tout état de cause, la meilleure garantie de votre bonne foi, la crédibilité de vos engagements, madame la secrétaire d’État, se jugeront à l’aune des avis que vous émettrez sur nos amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi dessine un nouveau cadre pour le secteur médico-social, puisque les questions d’accompagnement et de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont intégrées à la gouvernance des agences régionales de santé. La commission partage le souci de poser des passerelles entre le sanitaire et le médico-social, d’assurer la continuité du parcours de soins et de la prise en charge et, donc, de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social.

Cela étant, elle est consciente que ce nouveau cadre a suscité des inquiétudes, en particulier celle de faire du secteur médico-social, on l’a souvent dit, le « parent pauvre » face au poids du secteur sanitaire. La garantie des fonds dédiés au secteur médico-social grâce au principe de « fongibilité asymétrique » introduit par l’Assemblée nationale est donc une excellente chose.

Dans le même souci, nous avons envisagé, à un moment, de créer un poste de directeur adjoint, chargé du médico-social, avant d’y renoncer pour ne pas figer dans la loi l’organigramme des agences.

Par ailleurs, en ce qui concerne la programmation et la planification médico-sociale, la commission continue de s’interroger sur l’articulation entre le schéma régional et les schémas départementaux d’organisation médico-sociale et, plus globalement, sur le pilotage d’ensemble du dispositif.

Elle plaide également pour une véritable dynamique de concertation entre, d’un côté, l’agence et, de l’autre, les conseils généraux, notamment par le biais de la commission de coordination spécialisée dans le secteur médico-social.

Au-delà de ces réflexions, madame la secrétaire d'État, la commission a tenu à enrichir le volet médico-social du texte.

Tout d’abord, nous avons assigné aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens – les fameux CPOM – conclus par les établissements, des objectifs de qualité de prise en charge à atteindre ; de même, le cahier des charges de l’appel à projets devra garantir, outre une concurrence sincère, loyale et équitable, la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes dépendantes.

Ensuite, nous avons créé un statut d’établissement social et médico-social d’intérêt collectif afin de mieux distinguer, au sein des établissements privés, ceux qui ont un but lucratif de ceux qui ont un but non lucratif.

Enfin, nous avons incité les partenaires sociaux à organiser un service minimum en cas de grève dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes âgées ou des personnes handicapées et nous leur avons imposé l’obligation de préavis dans cette hypothèse. (M. Paul Blanc applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que nous ne commencions l’examen des amendements, je souhaiterais répondre aux orateurs qui se sont exprimés sur l’article.

Je voudrais rappeler que ce projet de loi, qui vise notamment à mettre en place des agences régionales de santé, a justement pour objet d’améliorer la coordination des politiques en faveur des personnes âgées et handicapées. Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger longuement sur cette question lors de la discussion sur l’article 26, mais j’aimerais apporter ici quelques précisions.

Madame Bourzai, ce projet de loi n’a pas une finalité uniquement gestionnaire. Il s’agit, en présence des acteurs du secteur, de décloisonner le système, de promouvoir des logiques de filières et d’obtenir une meilleure articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, dans l’intérêt d’une population âgée de plus en plus dépendante.

Vous avez évoqué l’écrasement des coûts. Je vous indique que, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous avons obtenu 920 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le secteur médico-social, ce qui représente une progression de plus de 8 % du budget en faveur des personnes âgées et une hausse globale de 6,3 %. Ces chiffres sont largement supérieurs à la moyenne d’évolution des autres budgets de l’État.

Vous nous avez également fait part de votre inquiétude en ce qui concerne le transfert des moyens. Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, il est garanti par la fongibilité asymétrique : chaque fois que nous transformerons des unités de soins de longue durée en EHPAD, par exemple, les moyens correspondants seront transférés à hauteur du niveau de dépendance des publics concernés.

M. Guy Fischer. Ce n’est pas vrai !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. C’est dans la loi ! À partir du moment où la loi précise ce principe, ce qui a d’ailleurs fait l’objet d’un débat à l'Assemblée nationale, nous avons la garantie qu’il sera appliqué.

Monsieur Daudigny, vous avez rappelé que les comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, les CROSMS, apportaient la garantie d’un travail partenarial. J’aurai l’occasion de revenir, lors de la discussion des amendements, sur cette question sur laquelle je me suis déjà exprimée. Vous le savez, notre objectif est bien de réunir l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ médico-social, notamment les usagers et les conseils généraux, au sein des différentes instances de gouvernance, qu’il s’agisse des commissions spécialisées ou des commissions d’appel à projets. Nous nous sommes engagés à préparer les décrets dans la concertation, pour donner à chaque acteur la possibilité d’échanger sur la présentation de leur contenu.

Enfin, je veillerai, avec Roselyne Bachelot-Narquin, à ce que la spécificité du secteur médico-social soit bien prise en compte lors de l’élaboration de l’organigramme des agences, qui ne relève pas du domaine de la loi. L’organisation des ARS doit non seulement permettre de décloisonner le système et de développer des logiques de filières, mais également de faciliter le travail avec les départements, qui seront des partenaires au quotidien.

Tels sont les précisions que je souhaitais vous apporter à ce stade.

Je tiens à remercier, au nom du Gouvernement, l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales, notamment son rapporteur et son président, pour leur travail, qui a d’ores et déjà permis d’enrichir le texte, en précisant de nombreux points et en sécurisant le champ du secteur médico-social, auquel le Sénat est très attaché. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 970 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 1108 est présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 2° du I de cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 970.

M. Guy Fischer. Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur viennent, une fois de plus, de tenter d’apaiser les craintes que fait naître l’article 28. Il vise à mettre en œuvre plusieurs réformes dans le domaine du médico-social, notamment à tirer les conséquences de la nouvelle gouvernance née de la création des ARS.

Les interrogations des usagers et des associations sont bien réelles, nous le savons. Allons-nous faire prévaloir la véritable spécificité des établissements médico-sociaux qui, dans notre pays, ont souvent pour origine de grandes associations ? Je pourrais citer nombre d’entre elles, mais je me contenterai de mentionner l’UNAPEI, qui a été créée dans le département du Rhône.

Avec cet amendement, nous entendons nous opposer à une disposition qui, si elle était adoptée, aurait pour conséquence de supprimer les CROSMS. Nous ne sommes pas défavorables à une certaine forme de décentralisation, mais nous souhaitons qu’elle soit plus solidaire. Nous voulons faire vivre une véritable démocratie sanitaire, renforcée par rapport à la situation actuelle.

Nous aurions pu, dans un autre contexte, autour d’un projet politique différent, nous prononcer pour la mise en place d’agences régionales de santé compétentes en matière d’autonomie, de dépendance et de handicap. Mais, madame la secrétaire d’État, vous avez recherché l’affrontement en lieu et place du consensus ; vous avez privilégié l’autoritarisme sur la démocratie ; vous avez favorisé l’offre de soins aux dépens des besoins en santé et en accueil médico-social. Nous n’avons eu de cesse de dénoncer cette situation lors du débat sur l’article 26.

Nous ne pouvons pas non plus accepter que, sous couvert de décentralisation, il soit procédé à la suppression des CROSMS et que le Gouvernement déconstruise des mécanismes qui, depuis des décennies, ont pourtant fait la preuve de leur efficacité et permis de faire respecter le principe de solidarité.

Les très importants débats qui se sont produits dans cet hémicycle hier soir ont montré l’inquiétude des présidents de conseil général et, plus largement, de tous ceux qui ont concouru à la mise en place des établissements médico-sociaux – nous sommes nombreux dans ce cas ici – ou qui participent à leur gestion.

Certains diront que je fais du catastrophisme, mais l’adoption de l’article 28 en l’état serait, à mes yeux, très inquiétante pour le secteur médico-social, dans la mesure où les présidents de conseils généraux pourraient ne plus avoir besoin de consulter l’ensemble des acteurs du secteur médico-social pour adopter – c’est l’un des points du débat – définitivement le schéma départemental d’organisation sociale et médico-sociale.

Nous regrettons que cet amendement déposé à l’Assemblée nationale ait été adopté. La suppression de la consultation des CROSMS sur les schémas départementaux revient en réalité à se priver de compétences et d’analyses diverses et complémentaires sur un schéma qui, arrêté tous les cinq ans, revêt, pour les personnes en situation de dépendance et de handicap et pour leurs familles, une grande importance.

Nous le regrettons d’autant plus que la consultation de cette structure régionale aurait permis de confronter au niveau régional, qui est considéré dans le projet de loi comme pertinent, les différents schémas départementaux dans un souci de solidarité et d’équité territoriale.

Mes chers collègues, vous qui devrez demain élaborer des schémas départementaux d’organisation sociale et médico-sociale, vous savez combien l’association des acteurs est cruciale. Vous n’ignorez pas non plus combien les CROSMS, lieux de concertation et de consultation avec les personnes morales gestionnaires d’établissements et de services médico-sociaux, sont des atouts pour dépolitiser un débat qui n’a d’ailleurs pas lieu de l’être, et pour permettre une prise en compte réelle des besoins. Les CROSMS auraient sans doute dû être modifiés, mais il aurait fallu pour cela consulter les partenaires.

C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement, sur lequel nous demandons un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 1108.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, nous nous associons à la demande de scrutin public de M. Fischer.

Comme lui, nous demandons la suppression du 2° du I de l’article 28, car nous regrettons la disparition des CROSMS. Leur composition leur permet de représenter l’ensemble des partenaires et des décideurs : services déconcentrés de l’État, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale – ils seront, certes, représentés au sein de l’ARS – ; personnes morales gestionnaires d’établissements, qui sont des membres importants car elles sont souvent à l’origine de la création de ces établissements – vous savez comment tout cela fonctionne dans le domaine du handicap, et il n’est pas nécessaire d’évoquer notamment l’UNAPEI et les Papillons blancs – ; personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux ; usagers ; travailleurs sociaux et professions de santé. Bref, tout un éventail de personnalités capables d’apprécier les problèmes et les évolutions et de prendre les risques nécessaires.

Désormais, comme nous l’avons indiqué lors du débat sur l’article 26, les consignes viendront d’en haut, depuis le conseil des ministres jusqu’au directeur de l’ARS.

Comme M. Daudigny l’a rappelé, il n’y aura même pas de directeur adjoint. Madame la secrétaire d’État, je sais que vous y étiez favorable, mais vous n’avez pas obtenu gain de cause. Peut-être allez-vous trouver une autre solution…

Il est tout de même fâcheux de renoncer à un système qui fonctionne. J’ai l’habitude de dire que, en France, quand quelque chose marche, on s’emploie à le casser !

M. Bernard Cazeau. Et cette remarque est valable dans tous les domaines, pas uniquement dans celui de la santé. En l’occurrence, puisque les CROSMS fonctionnent bien, nous allons envisager d’autres solutions qui n’ont pas été expérimentées et qui ne paraissent pas meilleures. Je regrette ce changement de pied.

Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer le 2° du I de l’article 28.

M. le président. L'amendement n° 1107, présenté par MM. Daudigny, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, M. Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 312-3 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :

au Gouvernement

par les mots :

à l'Assemblée des départements de France, aux ministres

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Au 2° du I de l’article 28, il est proposé une réécriture de l’article L. 312-3 du code de l’action sociale et des familles qui définit les missions de la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, le CNOSS et celle des comités régionaux de l’organisation sanitaire et médico-sociale, les CROSMS.

Pour notre part, nous suggérons que l’Assemblée des départements de France, en vue de parfaire sa bonne information, soit également destinataire du rapport quinquennal établi par la section sociale du CNOSS.

Cet ajout constituerait une bien faible contrainte en regard de l’intérêt que représente cette source d’information pour l’ADF, qui est en première ligne de ce secteur. En outre, cela s’inscrirait parfaitement dans la volonté marquée par notre commission d’associer pleinement l’Assemblée des départements de France en décidant, comme elle l’a fait à l’article L. 312-5, que l’ADF est également tenue informée du schéma national d’organisation sociale et médico-sociale établit par les ministres chargés des personnes âgées et des personnes handicapées.

Ces dispositions ne peuvent que favoriser l’installation d’une synergie entre les acteurs du social et ceux du médico-social. C’est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 971, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'article L. 312-3 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

ainsi que sur tous les projets de décrets d'application de la loi n°   du   portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dans le cadre des travaux préparatoires à ce projet de loi, mon groupe, à l’instar de M. le rapporteur, a réalisé de nombreuses auditions. Au reste, j’imagine que tous les groupes ont procédé ainsi. Il faut dire que les inquiétudes étaient nombreuses. D’ailleurs, beaucoup d’entre elles demeurent. Les associations, les organisations syndicales et les collectifs que nous avons rencontrés nous ont effectivement tous fait part de leurs craintes face à un projet de loi qu’ils estiment, à raison, plus dicté par les règles du marché que par la satisfaction des besoins de la population.

À titre d’exemple, sachez que nous avons reçu les deux plus grandes fédérations d’associations gestionnaires d’établissements sociaux et médico-sociaux. Elles nous ont fait connaître leurs inquiétudes face à la suppression des CROSMS, et on les comprend. Elles nous ont également signalé que, à l’occasion d’une rencontre avec elles, le Gouvernement, peut-être par votre voix, madame la secrétaire d’État, s’était engagé à ce que le Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, qui rend des avis sur les projets de schéma d’organisation sanitaire, les indices nationaux de besoins, les conditions de fonctionnement, les demandes relevant de la compétence du ministre ainsi que les recours hiérarchiques formés auprès de ce dernier, soit étroitement associé à ce projet de loi.

Le Gouvernement s’étant engagé à ce que le CNOSS soit consulté sur les projets de décrets découlant de l’adoption de ce projet de loi, ce que nous considérons comme très légitime, notre amendement vise donc à inclure dans le projet de loi la consultation du CNOSS sur les décrets rendus nécessaires par les modifications apportées par cet article aux différents codes, notamment au code de l’action sociale et des familles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Les amendements identiques nos 970 et 1108 visent à réinstaurer les CROSMS. Cette disposition va à l’encontre du but visé.

En effet, compte tenu des futures compétences des ARS en matière médico-sociale, le maintien des CROSMS serait source de grande confusion, d’autant que leurs missions sont désormais attribuées à deux nouvelles structures : une commission spécialisée de la conférence régionale de santé et de l’autonomie dans le secteur de la prise en charge et l’accompagnement médico-social, composée de l’ensemble des acteurs médico-sociaux, rendra un avis sur le schéma régional de l’organisation médico-sociale ; une commission de sélection d’appel à projet social ou médico-social sera chargée de rendre un avis sur les projets d’autorisation de création de places.

À cet égard, je rappelle que, aujourd’hui, le CROSMS ne joue plus du tout son rôle de filtre : la plupart des projets auxquels il donne un avis positif ne reçoivent pas par la suite de financement.

La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 1107 vise à ce que le Comité national de l’organisation sanitaire et sociale remette son rapport quinquennal à l’Assemblée des départements de France. En tant que membre du CNOSS, l’ADF est censée avoir connaissance de ce rapport. Il paraît donc inutile d’apporter cette précision dans le projet de loi.

Aussi, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 971 a pour objet d’associer le CNOSS à l’élaboration des mesures réglementaires relatives à l’application du présent projet de loi. D’une part, le CNOSS est déjà consulté sur toutes les mesures réglementaires relatives au secteur médico-social. D’autre part, une telle mesure rendrait sa consultation obligatoire pour l’ensemble des mesures réglementaires prises en application de la loi HPST. Ce serait ainsi le cas pour les décrets pris dans le domaine sanitaire, ce qui n’est pas acceptable.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 970 et 1108.

En effet, le maintien des CROSMS serait source de confusion, alors même que le projet de loi crée l’organe stratégique qu’est la conférence régionale de santé et de l’autonomie, qui comprend une formation plénière et une commission spécialisée pour le secteur médico-social.

Les partenaires qui siègent actuellement au sein des CROSMS seront représentés dans cette instance, qui reprendra les principales missions de l’actuel CROSMS en matière de planification et d’autorisation des établissements et services médico-sociaux. Cependant, leur rôle sera bien plus important, puisqu’ils participeront dorénavant à la définition collective des besoins, via notamment l’élaboration du plan stratégique régional de santé et, plus généralement, la politique de santé dans la région au sein de la CRSA, au lieu de donner un simple avis sur les projets.

L’amendement n° 1107 vise à prévoir la transmission du rapport de la section sociale du CNOSS à l’ADF.

L’Assemblée des départements de France siège au sein de la section sociale du CNOSS, ce qui permet d’assurer la diffusion des informations relatives à ce schéma national. Dans la mesure où cet amendement est satisfait, le Gouvernement demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer.

L’amendement n° 971 tend à consulter le CNOSS sur tous les projets de décrets d’application du présent projet de loi.

Comme vous l’avez rappelé, madame David, le Gouvernement a également consulté l’ensemble des représentants des personnes âgées, des personnes handicapées, des partenaires sociaux, des départements pour connaître leurs orientations, leurs interrogations, leurs inquiétudes. Il est légitime en effet que, dès qu’un texte de cette ampleur est envisagé, des interrogations et des inquiétudes se créent.

De ces consultations, il est ressorti plusieurs choses.

Tout d’abord, nous avons noté une attente par rapport à la fongibilité asymétrique. Il s’agissait vraiment d’une condition déterminante. Il y a été répondu dans le cadre du débat parlementaire.

Ensuite, pour les fédérations que nous avons rencontrées, l’important était la place des usagers. D’ores et déjà, elle est acquise, à tous les niveaux de la gouvernance.

Enfin, en ce qui concerne les commissions de sélection d’appels à projets, qui, avec les commissions spécialisées, se substituent donc au CROSMS, les associations nous ont demandé de faire absolument une place à l’innovation dans les projets. Là aussi, c’est d’ores et déjà inscrit dans le texte.

Tout cela pour vous dire que la concertation a bien eu lieu en amont. Les acteurs que nous avons rencontrés lors de ces échanges, nous nous sommes engagés à les revoir, non pas seulement le CNOSS ou telle ou telle autre instance, mais bien l’ensemble de celles et de ceux avec qui nous avons échangé, y compris les partenaires sociaux ou les départements. Nous les avons consultés en amont ; nous les consulterons également lors de l’élaboration des décrets afin d’organiser et de traduire de la façon la plus partagée possible tout ce qui figure dans ce texte. J’en ai pris l’engagement.

Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 970 et 1108.

Mme Annie David. Après avoir entendu les avis de la commission et du Gouvernement, j’ai parfaitement compris que l’on considérait que l’amendement n° 970 allait à l’encontre du projet de loi. M. le rapporteur nous a même dit qu’il serait source de confusion. Pourtant, je persiste et je signe, pour nous, les comités régionaux de l’organisation sanitaire et médico-sociale sont l’instance transversale où se tiennent les débats et les concertations.

De notre point de vue, les commissions spécialisées de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie ou encore les commissions d’appels à projets, dont nous a parlé M. le rapporteur, et la réunion « au moins une fois par an » de la section sociale du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale ne remplaceront pas les comités régionaux qui existaient jusqu’à présent.

En effet, les CROSMS reflètent la spécificité du secteur médico-social, son caractère unique : ils sont porteurs d’une histoire, d’une culture du fait que ce secteur a été créé de façon militante par les associations des familles de personnes handicapées. Cela explique sa parfaite adaptation à des personnes fragiles, qui requièrent chacune quasiment un traitement unique en réponse à leurs difficultés, à leurs souffrances ou à leur environnement social et familial.

Oui, dans ces comités régionaux, il y a de l’« humain », il y a le souci permanent de créer les outils destinés à assurer la dignité des personnes handicapées ! Or intégrer le médico-social dans le champ des ARS conduira à gommer la spécificité de ce secteur, qui se situe à l’intersection de l’emploi, de l’action sociale et de la santé mentale.

Cette transformation, ce changement radical de logique sont déjà à l’œuvre avec le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État. Pour infirmer votre propos introductif dans lequel vous nous disiez qu’il n’y aurait pas de logique budgétaire, je voudrais vous donner un exemple déjà en action aujourd’hui, notamment dans les ESAT.

Les directeurs de ces établissements et services d’aide par le travail ont eu la très désagréable surprise de recevoir du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville un questionnaire d’évaluation de la performance des ESAT fondé sur le nombre de conventions de mises à disposition et sur le nombre de suivis des travailleurs handicapés intégrés en milieu ordinaire. Si l’objectif est en effet de rendre les personnes handicapées plus autonomes, dans la mesure de leurs possibilités, que fera-t-on, avec votre vision bureaucratique, de celles qui restent en ESAT, de celles qui régressent ? Leur refuserez-vous l’accès aux ESAT ou leur maintien dans ces établissements pour ne pas voir baisser les financements ? La véritable performance d’un établissement accueillant des personnes handicapées n’est-elle pas d’accompagner dans la dignité ceux qui progressent comme ceux qui régressent ?

Cette initiative pour le moins malheureuse d’introduire des « critères de performance des établissements », qui a pour objectif non avoué de diminuer les aides à l’emploi, illustre bien à quoi l’on veut réduire le secteur médico-social. Nous, nous tenons à la place de ces comités régionaux ! C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter l’amendement n° 970.

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

M. Paul Blanc. Avant tout, je voudrais faire remarquer à nos collègues qui siègent du côté gauche de l’hémicycle qu’ils ne sont pas les seuls à avoir reçu les grandes associations.

Mme Annie David. Je l’ai dit, monsieur Blanc !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n’avez pas le monopole du cœur ! (Sourires.)

M. Paul Blanc. Chaque année, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j’assure auprès d’elles le service « après-vote ». En somme, je fais mon travail de contrôle. Je puis même vous dire que je les rencontre régulièrement.

Mme Annie David. Je n’ai jamais dit le contraire !

M. Paul Blanc. C’est vrai que les associations ont eu quelques inquiétudes, non pas par rapport à la suppression des CROSMS, mais plutôt en ce qui concerne les appels à projets. Pour en avoir discuté avec elles, je peux vous dire que, aujourd’hui, elles sont rassurées. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

J’ai longtemps siégé au sein de la CRISMS, la commission régionale des institutions sociales et médico-sociales, ainsi qu’au CROSMS. Le drame, c’est qu’on examinait des projets qui étaient tout à fait viables, mais auxquels aucun financement ne pouvait être attribué.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il n’y avait pas de sous !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Paul Blanc. On donnait donc un avis favorable sur le principe, mais, faute de crédits, rien ne se faisait. Aujourd’hui, grâce à la nouvelle gouvernance, les projets retenus seront assurés de recevoir un financement. On ne laissera pas le milieu associatif dans l’incertitude alors que les besoins sont là.

M. Guy Fischer. C’est bien !

M. Paul Blanc. Je m’adresse à nos collègues président de conseil général. Qui établit le schéma de gérontologie, qui établit le schéma du handicap, sinon le conseil général ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Paul Blanc. Il a donc la main sur la programmation, même si, pour certains établissements, ce n’est pas lui qui paie. En effet, qui paie les MAS, les maisons d’accueil spécialisées, sinon la sécurité sociale ? Et qui paie les ESAT, sinon le ministère du travail ?

Je voterai donc contre ces amendements, comme, je pense, l’ensemble de mon groupe.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. On ne peut pas laisser Paul Blanc, emporté par sa fougue, dire n’importe quoi (Rires et exclamations sur les travées de lUMP), même s’il siège effectivement dans beaucoup de comités où je l’ai d’ailleurs souvent rencontré.

Ne confondons pas avec le secteur sanitaire, mon cher collègue, qui n’est effectivement pas financé par les départements et que nous n’avons jamais revendiqué.

Jusqu’à présent, des décisions étaient prises, fondées sur l’appréciation d’un apanage de personnes qualifiées, qui en avaient l’habitude et qui le faisaient bien – à preuve, ce système a fonctionné pendant des années. Ensuite, s'agissant du financement, en fonction du caractère sanitaire, social ou mixte, il y avait une négociation entre les partenaires qui souhaitaient la mise en place, l’État – le préfet – et les départements.

À l’exception de ce qui relève essentiellement du domaine social pris en charge par le département, je vous l’accorde, madame la secrétaire d’État, je crains qu’il ne s’agisse d’un diktat et que les choix ne soient arrêtés directement par l’État, l’ARS et le préfet.

Autrement, pourquoi changerait-on un système qui marche ? Il y a bien une raison ! M. Paul Blanc ne nous a pas dit que les CROSMS ne fonctionnaient pas,…

M. Paul Blanc. Si, faute de financement !

M. Bernard Cazeau. … et il a siégé au sein de l’un de ces comités. Si l’on souhaite changer, c’est pour « serrer la vis » et prendre de plus en plus le pouvoir, comme d'ailleurs dans tout ce qui relèvera de l’organisation générale de la santé avec les ARS. Les départements devront se contenter d’être consultés de temps à autre, de prendre éventuellement quelques décisions, mais à la marge. (M. Paul Blanc sourit.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous pourrions engager un long débat, monsieur Paul Blanc. Nous connaissons fort bien les problèmes médico-sociaux, et vous admettrez par exemple que la transformation des CAT en ESAT n’a pas été sans poser des problèmes de financement. Des directeurs ont régulièrement exprimé leur mécontentement…

M. Paul Blanc. Je ne vous croyais pas aussi conservateur, mon cher collègue !

M. Guy Fischer. Nous aurons l’occasion, tout au long du débat sur l’article 28, de revenir plus précisément sur les dysfonctionnements et sur les transferts de financement, en particulier lorsque nous aborderons la transformation des USLD en EHPAD. Nous verrons quelles en seront les conséquences, comment sera maîtrisée la planification des établissements médico-sociaux à l’échelon d’un département. Il apparaît clairement que l’on cherche aujourd'hui à trouver de nouveaux équilibres. Comme les financements étaient difficiles, ce ne sera pas sans conséquences sur les transferts. Or les conseils généraux voient leur participation financière augmenter régulièrement.

On a constaté un net décalage entre les autorisations et les mises en chantier, je vous le concède, mais notre collègue Christiane Demontès, maire de Saint-Fons, pourrait vous citer l’exemple d’un EHPAD qui attend depuis plusieurs années. Là aussi, il y a des jeux politiques.

Alors, quand j’entends Mme la secrétaire d’État dire : « aussitôt dit, aussitôt fait »,…

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Eh oui !

M. Guy Fischer. … c’est-à-dire aussitôt financé, je la trouve résolument optimiste. Mais nous aurons l’occasion de la mettre à l’épreuve !

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, j’interviendrai plus particulièrement sur l’amendement n° 1107 que nous a présenté notre collègue M. Yves Daudigny.

Je pense qu’il y a vraiment, depuis des années, une volonté d’informer l’ensemble des élus et des partenaires concernés. Il est de surcroît clairement indiqué à l’article 28 que le rapport est transmis « aux autorités locales concernées ». Par conséquent, je ne pense pas qu’il faille alourdir encore la procédure.

Nous sommes destinataires de plus en plus de documents d’information. Il y a une réelle volonté de transparence, et c’est ce qui importe. En outre, sur ce sujet sensible des établissements sociaux ou médico-sociaux, le côté humain est réellement privilégié localement. Comme l’a rappelé fort justement M. Paul Blanc à nos collègues, il convient de faire preuve d’objectivité et l’on constate une réelle volonté de simplifier les choses.

Restons simples ! À ce stade, il faut aussi faire confiance. Avec mes collègues du groupe UMP, nous voterons contre ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Nous en sommes à un point névralgique du texte et, comme à l’article 26, il me paraît souhaitable d’apporter quelques précisions.

Je remercie M. Paul Blanc d’avoir bien voulu souligner l’une des grandes avancées de la nouvelle organisation, qui est de jouer « cartes sur table », comme le disait le président About.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Aujourd'hui, on reçoit les porteurs de projets et on leur dit que leurs projets sont remarquables. Simplement, les projets présentés sont dix fois trop nombreux pour l’enveloppe de crédits disponible. Ainsi, nombre de projets sont autorisés parce qu’ils sont techniquement recevables et l’on suscite de l’espoir chez des porteurs de projets, sans même être certain que ceux-ci correspondent aux besoins du territoire. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Gérard Dériot. Effectivement, ils ne correspondent pas toujours aux besoins du territoire !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Les autorisations et les financements sont établis en fonction des dates de dépôt. C’est ainsi que l’on peut se retrouver avec des territoires comportant de nombreux projets de création d’EHPAD et très peu de projets de services de soins infirmiers à domicile, dont nous manquons pourtant cruellement aujourd'hui.

L’intérêt des commissions d’appels à projets sera, en fonction de besoins identifiés, d’éviter, comme dans certains territoires ruraux, que des personnes âgées ne partent en maison de retraite faute de services de soins infirmiers à domicile.

M. Alain Vasselle. Très bien !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il ne s’agit nullement de critiquer les uns ou les autres. Je dis simplement que cette dynamique permettra non pas de réduire la voilure budgétaire, mais de lancer des appels à projets correspondant aux besoins dans tous les domaines de compétences et sur tous les types de structures. Les projets pourront de surcroît être autorisés et financés de manière simultanée parce qu’ils seront dimensionnés aux enveloppes que vous aurez votées, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Vous voudriez renoncer au vote du Sénat sur l’enveloppe du PLFSS à l’issue d’un long débat, monsieur Fischer ? Celui-ci me semble pourtant utile.

La consultation systématique des départements par les agences régionales de santé est inscrite dans le projet de loi. Jusqu’à présent, il n’était écrit nulle part dans la loi que les départements devaient être obligatoirement consultés pour établir un PRIAC.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Là, c’est clair !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Avec ce texte, ce sont les 15 milliards d’euros de crédits de l’assurance maladie gérés par les ARS sur lesquels on demandera l’avis des départements pour organiser leur programmation. C’est une belle avancée et non une régression !

Le fait de passer du CROSMS à cette dynamique me paraît plutôt positif. Quant aux associations, il n’est nullement question de les mettre hors jeu : elles seront bien présentes dans l’organisation des commissions spécialisées dans le médico-social. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Jean Boyer applaudissent également.)

M. Alain Vasselle. Bravo ! Excellent !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 970 et 1108.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 170 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 138
Contre 203

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Je persiste à penser que souligner la place de l’Assemblée des départements de France – qui représente l’ensemble des départements de notre pays – à ce stade de la loi, et indépendamment du rôle que l’ADF peut jouer au sein du CNOSS, aurait été un signe de reconnaissance. Vous ne le souhaitez pas. C’est dommage !

Toutefois, compte tenu des arguments qui ont été avancés, je retire l’amendement n° 1107.

M. le président. L’amendement n° 1107 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 971.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 972 rectifié est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 1109 est présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles par deux phrases ainsi rédigées :

Les établissements et services relevant du b) du 5° du I de l'article L. 312-1 font l'objet d'un schéma d'orientation national de réadaptation professionnelle, permettant de coordonner les activités et les métiers auxquels ils conduisent. Ce schéma est porté à la connaissance des autorités en charge d'élaborer les programmes régionaux et les schémas départementaux correspondants, ainsi que de délivrer les autorisations, conformément aux dispositions définies ci-après.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 972 rectifié.

M. Guy Fischer. En raison de la spécialisation des centres de réadaptation professionnelle pour personnes handicapées sur certains métiers ou secteurs d’activités, il peut arriver que l’orientation des travailleurs handicapés vers ces établissements et services les conduise à se rendre dans une région où ils ne résident pas.

En effet, les personnes handicapées qui souhaitent bénéficier de telles formations privilégient naturellement leur technicité et leur efficacité d’un point de vue professionnel, plutôt qu’une éventuelle proximité de leur domicile, d’autant que ces formations durent seulement quelques trimestres.

Il paraît donc nécessaire de prévoir pour ces personnes un hébergement adapté, en parallèle du programme pédagogique.

Notre amendement vise à instituer, sans interférer sur la composante départementale et régionale de l’analyse des besoins et de la régulation des établissements et services concernés, une coordination et une prévision nationales de l’offre de formation professionnelle destinée aux personnes handicapées.

L’objectif d’une telle offre de formation, qui est de permettre l’insertion des personnes handicapées dans la vie professionnelle, notamment en milieu ordinaire, est louable. Je pense qu’il est partagé par tous les membres de la Haute Assemblée. Cela mérite donc un tel aménagement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 1109.

M. Bernard Cazeau. Sans intervenir sur la composante départementale et régionale de l’analyse des besoins et de la régulation des établissements et services concernés, cet amendement vise à instituer une coordination et une prévision nationales de l’offre de formation professionnelle spécifique qui est mise en place pour assurer l’insertion professionnelle des personnes handicapées, notamment en milieu ordinaire, sur la base d’un schéma d’orientation nationale de réadaptation professionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à préciser que les établissement et services d’aide par le travail, les ESAT, doivent faire l’objet d’un schéma d’orientation nationale et de réadaptation professionnelle.

Or, mes chers collègues, l’élaboration d’un tel schéma national entrerait en contradiction avec les compétences exercées par les régions en matière de formation professionnelle. En effet, l’analyse des besoins et la régulation des établissements et services d’aide par le travail relèvent de l’échelon régional.

En outre, une telle mesure complexifierait l’architecture de la planification médico-sociale, en créant un nouvel échelon.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 972 rectifié et 1109.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 223, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :

établit

insérer les mots :

, après avis de la conférence régionale sociale et médico-sociale,

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Cet amendement concerne les schémas d’organisation sociale et médico-sociale et les conditions dans lesquelles ils sont établis.

J’observe que le texte proposé au 1° de l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit d’associer un certain nombre de structures à l’élaboration de ces schémas au niveau national. Il s’agit, notamment, de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale, ainsi que l’Assemblée des départements de France. Une large concertation est donc prévue.

J’aurais aimé qu’en vertu du principe de parallélisme des formes une concertation comparable soit envisagée sur le plan régional. Mais le projet de loi est beaucoup plus bref sur le sujet. Il est ainsi rédigé : « Le représentant de l’État dans la région établit les schémas régionaux ». En d’autres termes, c’est le préfet qui établit tout seul ces schémas !

Même si je ne suis ni un maniaque ni un nostalgique des CROSMS ou des CRISMS, je souhaiterais tout de même qu’il y ait un minimum de concertation. Cela me semble indispensable.

J’ai déposé cet amendement sur le texte proposé pour l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles, mais j’ai également déposé des amendements ayant le même objet sur nombre de dispositions instituées par le projet de loi, car le principe d’une concertation au niveau régional a, me semble-t-il, été oublié.

Certes, pour gagner du temps, je préciserai à chaque fois que mes amendements ont déjà été défendus, mais j’aimerais tout de même obtenir des assurances sur ce point. Il est indispensable d’instaurer une concertation au niveau régional, ainsi qu’au niveau départemental lorsque c’est le conseil général qui est compétent.

M. le président. L'amendement n° 1110, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :

établit

insérer les mots :

, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale,

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1110 est retiré.

L'amendement n° 975, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nos échanges précédents ont bien montré que l’une des principales mesures du présent article consistait à supprimer les CROSMS.

Nous l’avons bien compris, madame la secrétaire d’État, une telle disposition est tout à fait conforme à l’esprit de votre projet de loi, qui vise – nous ne le répéterons jamais suffisamment – à centraliser autoritairement les pouvoirs pour mieux réduire les dépenses publiques en matière de santé.

Une fois de plus, vous voulez faire disparaître toute forme de concertation avec les acteurs de ce secteur. Une fois de plus, nous vous faisons part de notre opposition à cette mesure.

Certes, je veux bien reconnaître que le fonctionnement des CROSMS – cela a été souligné tout à l’heure – n’est pas toujours satisfaisant.

À cet égard, et contrairement à ce que vous prétendez, monsieur Blanc, je précise que nous avons rencontré les acteurs de terrain. Comme je l’ai déjà souligné, nous avons, à l’instar des autres groupes, procédé à de nombreuses auditions. Mais sans doute deviez-vous écouter d’une oreille un peu distraite à ce moment-là… En tout cas, pour ma part, je n’ai jamais mis en doute votre travail, mon cher collègue.

Quoi qu’il en soit, nous devons nous préoccuper des inquiétudes que la suppression des CROSMS suscite chez les acteurs de terrain, les associations et les fédérations médico-sociales.

Les organismes qui auraient vocation à remplacer ces comités ne sont pas de même nature et leur composition sera sans doute différente.

Au demeurant, nous ne pourrons même pas discuter de cette question, puisqu’elle est renvoyée à un décret.

De notre point de vue, il est tout à fait négatif de se priver d’une structure qui fait entrer la démocratie dans la prise de décision, notamment sur des questions aussi complexes que la définition des besoins et la programmation médico-sociale.

C’est pourquoi nous souhaitons que le représentant de l’État dans la région ne puisse pas établir des schémas planifiant l’implantation de certains services sans avoir pris l’avis du CROSMS concerné.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. À mon sens, il existe une contradiction entre l’objet de l’amendement n° 223, qui a été déposé par notre collègue René Beaumont, et son contenu.

Dans sa rédaction actuelle, cet amendement vise à modifier les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans la région établit les schémas régionaux relevant de sa compétence – c’est le texte proposé pour le 2° de l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles –, en insérant les mots : « après avis de la conférence régionale sociale et médico-sociale ».

Or l’objet de l’amendement fait référence, quant à lui, au schéma régional d’organisation sociale et médico-sociale, qui est élaboré par le directeur général de l’ARS, et non par le préfet de région.

En outre, l’auteur de cet amendement semble faire une confusion : actuellement, il existe non pas une conférence régionale sociale et médico-sociale, mais une commission spécialisée des conférences régionales de santé et de l’autonomie dans le secteur médico-social.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 975, qui a été déposé par les membres du groupe CRC-SPG, vise à réintroduire les CROSMS. Par cohérence avec ses avis précédents, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 223.

En effet, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le maintien d’une conférence régionale sociale et médico-sociale serait source de confusion alors que nous mettons en place de nouvelles instances dans le projet de loi ; je les ai largement présentées lorsque nous avons débattu des amendements précédents.

En ce qui concerne les centres d’accueil de demandeurs d’asile, les CADA, l’article 69 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion prévoit un plan d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile inclus dans le plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées. Les associations seront associées à l’élaboration de ce plan, qui comporte un volet dédié aux CADA.

Par ailleurs, s’agissant des services de protection des majeurs et d’aide à la gestion du budget familial, le projet de loi ne modifie pas l’économie du dispositif particulier prévu par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 223.

Enfin, le Gouvernement partage l’analyse de la commission et demande également le retrait de l’amendement n° 975.

M. le président. Monsieur Beaumont, l'amendement n° 223 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. On connaît la réponse !

M. René Beaumont. Madame la secrétaire d’État, j’ai du mal à comprendre pourquoi on prend la précaution de consulter un certain nombre d’organismes pour l’élaboration des schémas au niveau national – c’est le texte proposé pour le 1° de l’article L. 312-5 du code de l’action sociale et des familles – alors qu’on laisse le représentant de l’État décider seul des schémas qui sont établis à l’échelon régional et départemental.

Il faudrait que l’on m’apporte des explications, car je suis peu convaincu par la rédaction actuelle du projet de loi. Je vous en donnerai une seule illustration : le texte proposé pour le 1° de l’article L. 312-5 fait plusieurs lignes, alors que celui qui est présenté pour le 2° du même article se limite à une seule phrase, ainsi rédigée : « Le représentant de l’État dans la région établit les schémas régionaux relatifs ». (M. Guy Fischer acquiesce.) Cela me gêne beaucoup que le représentant de l’État puisse établir tout seul des schémas régionaux.

Certes, je veux bien retirer mon amendement pour vous être agréable, madame la secrétaire d’État (M. Jean Desessard s’exclame.),…

M. Guy Fischer. Vous avez tort !

M. René Beaumont. …mais je pense que c’est une erreur.

M. le président. L'amendement n° 223 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 975.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1106, présenté par MM. Daudigny, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, M. Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le sixième alinéa (3°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles :

« 3° Au niveau territorial, un schéma régional d'organisation sociale et territoriale est élaboré conjointement par le représentant le représentant de l'État dans la région, le directeur de l'agence régionale de la santé et l'ensemble des présidents de conseils généraux de la région, dans le respect des compétences qui leur ont été confiées. »

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Débattre politiquement, ce n’est pas obligatoirement chercher à être agréable ; c’est d’abord défendre ses convictions.

Madame la secrétaire d’État, tout au long de cette soirée, nous allons certainement avoir un dialogue. Je souhaite que ce ne soit pas un dialogue de sourds.

Aujourd’hui, les conseils généraux établissent les schémas pour les établissements dont ils ont la responsabilité. Quand il y a double compétence, l’État et le département apportent une contribution, ce qui est bien normal. Mais c’est l’assemblée départementale qui approuve le schéma, le CROSMS, qui existe actuellement, se bornant à émettre un avis.

C’est là que les PRIAC posent problème. Dans leur première application, ces programmes préfiguraient, en quelque sorte, les ARS. En effet, dans beaucoup de départements, l’État a, la première année, décidé seul des financements, donc de la programmation, y compris pour des établissements relevant d’une responsabilité conjointe.

Puis la situation est plus ou moins rentrée dans l’ordre. Il est vrai, madame la secrétaire d’État, qu’une concertation s’est établie, mais dans un flou juridique et selon la bonne volonté des différents acteurs.

Nous ne pouvons pas être d'accord sur les modalités d’établissement du schéma : la décision sera prise par le seul directeur de l’agence régionale de santé, même si c’est à l’issue d’une concertation. Nous continuons de penser que l’élaboration doit être conjointe. D’ailleurs, l’établissement du schéma et le financement sont deux choses différentes.

Par conséquent, nous vous proposons, je le rappelle, la rédaction suivante : « Au niveau territorial, un schéma régional d’organisation sociale et territoriale est élaboré conjointement par le représentant de l’État dans la région, le directeur de l’agence régionale de la santé et l’ensemble des présidents de conseils généraux de la région, dans le respect des compétences qui leur ont été confiées. »

Une fois que le schéma aura été établi, il restera à décider de la programmation et des financements, mais ce sera une étape ultérieure.

M. le président. L'amendement n° 224, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa (3°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :

établit

insérer les mots :

, après avis de la conférence régionale sociale et médico-sociale,

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Cet amendement est déjà défendu.

M. le président. L'amendement n° 976, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le sixième alinéa (3°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :

établit

insérer les mots :

, après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale,

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous persistons et signons ! Nous sommes opposés à la suppression des CROSMS et nous nous inquiétons, une fois de plus, des pouvoirs considérables qui seront attribués aux directeurs généraux des ARS ; nous avons même, à plusieurs reprises, employé l’expression « superpréfets » de la santé. Ils agiront en s’entourant, vraisemblablement pour la forme, de quelques avis, mais ils prendront surtout leurs décisions en fonction des crédits qui leur seront alloués, comme nous l’a confirmé tout à l’heure Mme la secrétaire d’État.

Nous sommes convaincus que la suppression des CROSMS nous priverait d’une instance transversale qui couvre les différents aspects de l’action sociale et médico-sociale sur un territoire donné.

M. le président. L'amendement n° 1111, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le sixième alinéa (3°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :

En ce qu'il porte sur les établissements et services pour personnes âgées et pour personnes handicapées, ce schéma agrège au niveau régional les éléments des schémas départementaux ayant le même objet arrêté conjointement par le directeur de l'agence régionale et les conseils généraux ;

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Le projet de loi prévoit que le directeur de l’ARS arrête un schéma régional de l’organisation sociale et médico-sociale : personnes âgées, personnes handicapées et personnes confrontées à des difficultés spécifiques. Le conseil général arrêterait les schémas départementaux pour les établissements et services intervenant en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ou pour les établissements et services mettant en œuvre des mesures éducatives ordonnées par l’autorité judiciaire. Là encore, aucun mécanisme de concertation obligatoire n’est prévu. L’inquiétude est vive s’agissant de l’articulation des schémas entre eux.

Il semble préférable que l’ARS soit partie prenante des schémas départementaux et que le schéma régional, en ce qu’il porte sur les établissements et services pour personnes âgées et pour personnes handicapées, agrège les éléments des schémas départementaux ayant le même objet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 1106 prévoit que le schéma régional d’organisation médico-sociale est élaboré conjointement par l’ARS, le préfet de région et les présidents de conseils généraux.

Certes, les conseils généraux doivent être associés à l’élaboration du schéma régional, mais prévoir une décision conjointe n’est pas une bonne solution aux yeux de la commission, et ce pour deux raisons. D’abord, il y aurait un risque de paralysie du système de planification, faute d’accord entre les deux parties. Vous le savez très bien, dans le cadre d’un schéma, les chances d’obtenir un consensus sont minces. Ensuite, cette solution serait source de contentieux.

En revanche, une véritable dynamique de dialogue doit se développer entre l’ARS et le département. C’est le rôle de la commission de coordination, qui est dédiée au secteur médico-social.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement n° 224, présenté par notre collègue René Beaumont, tend à ce que le schéma régional d’organisation sociale et médico-sociale soit élaboré dans la concertation. Or cette concertation est prévue au sein de la commission de coordination compétente dans le secteur médico-social. En effet, le troisième alinéa de la sous-section 3 figurant à la page 126 du projet de loi résultant des travaux de la commission dispose : « Le schéma d’organisation médico-sociale et le programme prévu à l’article L. 312-5-1 du même code qui l’accompagne sont élaborés et arrêtés par le directeur général de l’agence régionale de santé et de l’autonomie après consultation de la commission de coordination compétente prévue à l’article L. 1432-1 du présent code et avis des présidents des conseils généraux compétents. »

Il me semble donc, mon cher collègue, que votre amendement est satisfait.

En ce qui concerne l’amendement n° 976, qui a trait aux CROSMS, la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 1111 vise à préciser que le schéma régional d’organisation sociale et médico-sociale agrège au niveau régional les schémas départementaux.

Cette mesure va à l’encontre de l’objectif visé. Le schéma régional n’a pas vocation à être une simple juxtaposition des schémas départementaux. Il doit dégager une véritable ligne de force régionale. En revanche, une articulation entre le schéma régional et les schémas départementaux est évidemment indispensable. Tel est l’objet de la commission de coordination dédiée au secteur médico-social, qui devra permettre aux différentes autorités publiques de confronter leurs démarches de planification.

Par conséquent, la commission est également défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 1106, prévoir une adoption conjointe des schémas régionaux médico-sociaux risquerait effectivement de placer dans des situations de blocage un certain nombre de schémas lorsqu’un accord complet ne serait pas intervenu entre un programme porté par l’ARS, un PRIAC et l’ensemble des schémas départementaux. Les commissions de coordination ont précisément pour objet d’améliorer ce travail en amont et de faire en sorte qu’une programmation la plus partagée possible puisse aboutir.

L’élaboration conjointe est déterminante. C’est pourquoi nous demandons le retrait de l’amendement n° 1106.

J’en viens à l’amendement n° 224. Monsieur Beaumont, nous partageons votre souci de voir cette préoccupation inscrite dans la lettre du texte. Mais c’est déjà le cas, puisque les procédures de planification et les instances de consultation prévues par le projet de loi répondent à cette nécessité de développer des espaces et des moments de concertation au sein desquels les acteurs pourront être pleinement et étroitement associés.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

Je sollicite également le retrait de l’amendement n° 976. Je me suis déjà expliquée largement tout à l’heure à propos du rétablissement des CROSMS.

Pour ce qui est de l’amendement n° 1111, l’agrégation des schémas départementaux pose toujours la même difficulté, sur laquelle nous sommes revenus à plusieurs reprises.

L’idée est que les crédits de l’assurance maladie concernant le champ médico-social et les schémas départementaux convergent, qu’ils soient construits ensemble. Mais il ne peut s’agir du simple agrégat des schémas départementaux.

En outre, le champ de ces schémas n’est pas tout à fait identique. Un travail de coordination est nécessaire, mais une adoption conjointe risquerait de mener à des situations de blocage qui seraient préjudiciables aux porteurs de projets comme aux usagers.

C’est pourquoi je demande à Mme Schillinger de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. Monsieur Daudigny, l'amendement n° 1106 est-il maintenu ?

M. Yves Daudigny. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

Personne ne pourra m’empêcher de penser que la décision du schéma prise seule, au bout du compte, par le directeur de l’agence régionale de santé, est une atteinte à la compétence des départements en matière médico-sociale et marque un recul par rapport à la décentralisation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1106.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Beaumont, l'amendement n° 224 est-il maintenu ?

M. René Beaumont. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 224 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 976.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 225, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du septième alinéa (4°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :

élabore les schémas,

insérer les mots :

après avis de la conférence régionale sociale et médico-sociale,

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 225 est retiré.

L'amendement n° 1139 rectifié, présenté par MM. Mercier, Kergueris et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du septième alinéa (4°) du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles.

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1139 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1140, présenté par MM. Mercier, Kergueris et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles.

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Je retire également cet amendement, monsieur le président.

M. Guy Fischer. C’est dommage !

M. le président. L’amendement n° 1140 est retiré.

L'amendement n° 1112, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

et après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 1112 est retiré.

L'amendement n° 1001 rectifié bis, présenté par MM. Leroy, Doligé, Sido, Lambert, du Luart, César et Huré, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article L. 312-5 du code de l'action sociale et des familles.

Cet amendement n’est pas soutenu.

L'amendement n° 1113, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 4° du I de cet article pour l'article L. 312-5-1 du code de l'action sociale et des familles :

« Art. L. 312-5-1. - Pour les établissements et services mentionnés aux 2°,3°, 5°, 6° et 7° du I de l'article L. 312-1, ainsi que pour ceux mentionnés aux 11° et 12° dudit I qui accueillent des personnes âgées ou des personnes handicapées, le directeur de l'agence régionale de santé et les présidents de conseils généraux de la région établissent, en liaison avec les préfets de département, et actualisent annuellement un programme interdépartemental d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie.

« Ce programme dresse les priorités de financement des créations, extensions ou transformations d'établissements ou de services.

« Ces priorités sont établies et actualisées sur la base des schémas nationaux, régionaux et départementaux d'organisation sociale et médico-sociale mentionnés à l'article L. 312-5. Elles veillent en outre à garantir :

« 1° Un niveau d'accompagnement géographiquement équitable des différentes formes de handicap et de dépendance ;

« 2° L'accompagnement des handicaps de faible prévalence, au regard notamment des dispositions des schémas nationaux d'organisation sociale et médico-sociale ;

« 3° L'articulation de l'offre sanitaire et de l'offre médico-sociale au niveau régional, pour tenir compte notamment des établissements mentionnés au 2° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique et également de la densité en infirmiers dans les zones mentionnées à l'article L. 162-47 du code de la sécurité sociale.

« Le programme interdépartemental est actualisé en tenant compte des évolutions des schémas d'organisation sociale et médico-sociale.

« Le programme interdépartemental est établi et actualisé par le directeur de l'agence régionale de santé et par les présidents des conseils généraux concernés après avis de la section compétente du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale. En cas de désaccords entre les deux autorités, chacune d'entre-elle arrête un programme pour la partie qui la concerne et ce après avis du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale. »

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. L’article L. 312-5-1 du code de l’action sociale et des familles réécrit par le projet de loi ne fait plus référence à la consultation des CROSMS, ni à la nécessaire articulation avec les différents schémas, puisque le PRIAC ne serait plus conçu que comme une déclinaison des objectifs de programmation du schéma régional d’organisation médico-sociale.

Le PRIAC serait arrêté par le seul directeur de l’ARS, ce qui ne réglerait pas les divergences actuelles de priorités entre les préfets de région et les présidents de conseils généraux, dont pâtissent au final les acteurs de terrain.

Cette situation milite pour que soient arrêtés des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie conjoints État-départements afin de donner une visibilité financière complète au secteur.

C’est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement vise à ce que le CROSM participe à l’élaboration du PRIAC. La commission y est défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Je précise toutefois que le PRIAC, comme le schéma régional de l’organisation médico-sociale, fera l’objet d’une concertation entre l’ARS et les conseils généraux au sein de la commission de coordination dédiée au secteur médico-social.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.

Le projet de loi ne remet nullement en cause la répartition des compétences entre les départements et l’ARS, qui se substitue, dans ce domaine, aux services de l’État. Cela est vrai, en particulier, pour les schémas départementaux, dont les départements conservent la pleine et entière responsabilité. Cela est vrai également pour le nouveau schéma régional que le projet de loi met en place et dont il confie la responsabilité à l’ARS. Ce schéma régional et le programme qu’il décline, le PRIAC, ont vocation à définir les actions et les financements que l’ARS consacrera aux établissements et services médico-sociaux relevant de sa compétence.

Il est indispensable que chaque autorité, ARS et conseil général, au terme des concertations prévues par le projet de loi, garde la maîtrise des décisions politiques ou financières qui lui incombent, au risque de créer la confusion dans les responsabilités de chacun.

Quant à l’avis du CROSM, que vous souhaitez réintroduire, je ne reviendrai pas sur les raisons qui conduisent à supprimer cet organisme consultatif dans le cadre de la réforme de la procédure d’autorisation que le présent projet de loi défend.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous craignons que, in fine, le directeur général de l’ARS, voire le préfet, ne contournent les élus et que, dès lors, tout le processus de décentralisation ne soit remis en cause. Je crois que les différents présidents de conseils généraux partagent ce point de vue, même s’ils ne l’expriment pas.

Je vous engage à relire les objets des deux amendements que M. Mercier a retirés : « cette disposition tend à instaurer une forme de tutelle de l’État sur le département pour ces missions, ce qui peut s’analyser en une forme de recentralisation peu justifiable et, en tout état de cause, incompatible avec les lois de décentralisation. » – il s’agit de l’amendement n° 1140 ; « pour autant, ces schémas doivent continuer de pouvoir être déclinés de façon autonome par le département. Faire intervenir le préfet pour cela est une mesure de recentralisation peu justifiable. » – c’est l’amendement n° 1139.

M. Bernard Cazeau. Il s’est couché : dodo, monsieur Mercier !

M. Michel Mercier. Si vous aviez été meilleurs, on n’en serait pas là !

M. Guy Fischer. Même si les choses ne sont pas dites ce soir par nos collègues des conseils généraux, des craintes existent…

Mme Annie David. La réforme Balladur !

M. Guy Fischer. … il y a en effet une anticipation de la réforme Balladur sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir,…

M. Guy Fischer. … s’agissant notamment des compétences qui seront dévolues aux départements.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Le problème de ce projet de loi est qu’il est assez touffu et qu’il faut lire les pages les unes après les autres.

M. Jean Desessard. En général, c’est ainsi que l’on procède !

M. Michel Mercier. Vous avez l’habitude de lire dans tous les sens, monsieur Desessard ! J’essaie, quant à moi, de lire de la première à la dernière page.

Cela étant, le troisième paragraphe de la sous-section 3 de l’article 26 prévoit que le schéma d’organisation médico-sociale est arrêté après avis des présidents de conseils généraux pour ce qui concerne la part de l’État. Et l’article 28 dispose que la part départementale est arrêtée par le président du conseil général après avis du préfet et du directeur de l’ARS.

Si ces deux dispositions étaient réunies, on constaterait un parallélisme des formes parfait : le directeur de l’ARS et le président du conseil général arrêtent le schéma, après avis de l’un, lorsqu’il s’agit de crédits départementaux, et après avis de l’autre, lorsqu’il s’agit de crédits de l’assurance maladie.

Ce parallélisme des formes existe bien dans le texte : il suffit de chercher un peu ! Je suis heureux de montrer à M. Desessard que, même quand on n’est pas Vert, on sait lire ! (M. Jean Desessard rit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1170, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après le 4° du I de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le septième alinéa de l'article L. 313-1 est complété par une phrase ainsi  rédigée :

« Cette autorité assure la publicité de cette décision dans la forme qui lui est applicable pour la publication des actes et décisions à caractère administratif. »

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Dans le champ social et médico-social, la législation actuelle prévoit que la cession d’une autorisation est effectuée entre un promoteur gestionnaire d’établissement qui la détient et un autre gestionnaire sur accord de l’autorité qui l’a délivrée.

Cette cession se traduit par un changement de gestionnaire sans changement substantiel de la prise en charge. L’accord rendu par l’autorité qui a délivré l’autorisation peut être confirmé par tout argument utile, mais l’autorité compétente peut également refuser la cession sur la base de réserves motivées.

Afin de favoriser la transparence et la connaissance par les tiers des décisions de cession d’autorisation, le présent amendement prévoit que l’autorité compétente doit assurer la publicité de sa décision.

En conséquence, les différentes autorités compétentes, le préfet du département, le président du conseil général, le directeur général de l’ARS, publieront au recueil des actes administratifs de la région ou du département l’information relative à la cession d’autorisation. C’est une mesure de transparence qui sera très utile.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 983 rectifié est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 1124 est présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter le I de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le septième alinéa de l'article L. 313-1 est ainsi rédigé :

« Toute cession d'autorisation accordée à une personne physique ou morale de droit privé est soumise à la confirmation de l'autorisation au bénéfice du cessionnaire par l'autorité compétente concernée.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l’amendement n° 983 rectifié.

Mme Annie David. Cet amendement vise également à apporter un peu plus de transparence dans ces cessions.

Avec l’explosion des besoins en accueil social et médico-social, liée notamment à la prise en charge de la dépendance, nous savons que ce secteur devrait connaître de manière accrue des restructurations et de nombreuses opérations de rachat d’établissements et de services sociaux ou médico-sociaux.

C’est pourquoi, face à ces évolutions prévisibles et dans le souci de garantir les meilleures conditions d’accueil et de vie des personnes, nous entendons créer un mécanisme de confirmation de cessions d’autorisation des établissements accordées aux personnes physiques et morales.

Ce dispositif permettrait d’exercer un contrôle étendu de l’opération de cession afin de contrôler les garanties offertes par le cessionnaire et de vérifier que les conditions d’exploitation de l’activité, du service ou de l’établissement cédé assurent toujours la sécurité et la qualité des prises en charge.

Il permettrait également une plus grande transparence des opérations de cession, ainsi qu’une information des tiers leur garantissant de pouvoir saisir le juge administratif dans le délai de recours de deux mois.

En effet, l’accord de l’autorité administrative sur les actuelles opérations de cession ne faisant l’objet d’aucune mesure de publicité vis-à-vis des tiers, cela conduit à des contentieux qui peuvent être déclenchés plusieurs mois, voire plusieurs années après l’opération de cession, ne garantissant ainsi aucune sécurité juridique de ces opérations, dont les enjeux financiers sont parfois très lourds.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 1124.

M. Bernard Cazeau. Le septième alinéa de l’article L. 313-1 du code de l’action sociale et des familles dispose : « Lorsque l’autorisation est accordée à une personne physique ou morale de droit privé, elle ne peut être cédée qu’avec l’accord de l’autorité compétente concernée ».

Cette faculté de cession des autorisations sociales ou médico-sociales reconnue dès 1975 aux titulaires privés – personnes physiques ou morales – d’autorisations, soumise à un simple accord de l’autorité administrative compétente, ne garantit pas nécessairement un examen rigoureux des garanties offertes par le cessionnaire et n’offre pas la transparence nécessaire, puisque cet accord ne fait l’objet d’aucune procédure consultative ni d’aucune mesure de publication.

Dans la mesure où le secteur social et médico-social connaît et devrait connaître de manière accrue des restructurations et de nombreuses opérations de rachat d’établissements et de services sociaux ou médico-sociaux, il conviendrait d’instituer un mécanisme de confirmation de l’autorisation cédée par la ou les autorités compétentes concernées : le président du conseil général, le préfet de département ou le directeur général de l’Agence régionale de santé.

Ce dispositif permettrait d’assurer un contrôle étendu de l’opération de cession afin de vérifier les garanties offertes par le cessionnaire et d’attester que les conditions d’exploitation de l’activité, du service ou de l’établissement cédé assurent toujours la sécurité et la qualité des prises en charge. En outre, il permettrait une plus grande transparence des opérations de cession, ainsi qu’une information des tiers leur garantissant de pouvoir saisir le juge administratif dans le délai de recours de deux mois.

En effet, l’accord de l’autorité administrative sur les actuelles opérations de cession ne faisant l’objet d’aucune mesure de publicité vis-à-vis des tiers conduit à des contentieux qui peuvent être déclenchés plusieurs mois, voire plusieurs années après l’opération de cession, ne garantissant ainsi aucune sécurité juridique de ces opérations, dont les enjeux financiers sont parfois très lourds.

C’est pourquoi il paraît opportun de soumettre à une procédure de confirmation de l’autorisation les opérations de cession d’autorisations sociales ou médico-sociales. Tel est l’objet de cet amendement.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 1170 visant à sécuriser et à rendre plus transparente la procédure de cession d’autorisation et qui prévoit que l’autorité publique compétente doit assurer la publicité de son accord, il est vrai, madame la secrétaire d’État, que la procédure actuelle de cession d’autorisation n’est pas satisfaisante, car trop peu sécurisée. L’accord de l’autorité n’étant pas rendu public, les gestionnaires d’établissements autres que ceux qui sont concernés par l’opération ne sont pas informés de la cession d’autorisation.

L’obligation de la publicité de l’accord devrait remédier à ces lacunes. La commission émet donc un avis favorable.

Quant aux deux amendements identiques nos 983 rectifié et 1124 tendant à sécuriser la procédure de cession d’autorisation en prévoyant que l’autorité publique chargée de donner son accord à cette cession confirme sa décision, la commission considère qu’ils sont en partie satisfaits par l’amendement n° 1170.

Mme Annie David. En partie seulement !

M. Alain Milon, rapporteur. En conséquence, elle en demande le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Pour ce qui est des deux amendements identiques nos 983 rectifié et 1124, le Gouvernement partage, bien sûr, le souhait de veiller à ce que ces opérations s’effectuent de façon transparente et contrôlée.

Comme l’amendement déposé par le Gouvernement prévoit que l’autorité compétente devra assurer la publicité de sa décision, la formulation proposée ne me semble pas apporter de garanties supplémentaires par rapport au texte actuel, l’accord donné par l’autorité compétente pour toute cession d’autorisation supposant toujours un examen préalable et circonstancié de la situation.

Le Gouvernement suggère donc le retrait de ces deux amendements au profit de l’amendement n° 1170, dont la rédaction apportera plus de sécurité.

M. le président. Monsieur Cazeau, l'amendement n° 1124 est-il maintenu ?

M. Bernard Cazeau. Même si nous ne sommes pas totalement satisfaits, nous retirons notre amendement et nous faisons nôtre celui que propose Mme la secrétaire d’État.

M. le président. L'amendement n° 1124 est retiré.

Monsieur Fischer, l'amendement n° 983 rectifié est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. L’amendement du Gouvernement a le mérite d’exister et de traiter de ce problème des cessions d’autorisation.

Mme Annie David. Partiellement !

M. Guy Fischer. Peut-être partiellement, mais nous souhaitons que cette question soit abordée, car dans le secteur médico-social, madame la secrétaire d’État, nous voyons aujourd’hui agir des sociétés à but lucratif qui ont des taux de rentabilité non négligeable, à deux chiffres.

C’est pourquoi nous ne voudrions pas que certaines sociétés…

M. Jean Desessard. Lesquelles, monsieur Fischer ?

M. Guy Fischer. Je ne les citerai pas, mais certaines sociétés sont sur ce créneau pour faire de l’argent, d’autant que les tarifs pratiqués – vous le savez fort bien, madame la secrétaire d’État, compte tenu de votre proximité avec ce secteur –, à savoir 2 000 à 2 500 euros par mois, sont inaccessibles pour de nombreuses familles.

Or l’égalité de traitement est importante, surtout lorsqu’on accueille des personnes dépendantes, qui bien souvent, malheureusement, ne sortiront plus de l’établissement.

C’est un point sur lequel nous serons très attentifs parce que des fonds sont en train de s’investir massivement dans ce secteur dont les besoins sont très importants.

Quoi qu’il en soit, nous avons été presque convaincus et nous retirons notre amendement.

Mme Françoise Henneron. Tout ça pour ça ?

M. le président. L’amendement n° 983 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1170.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 973, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer les 5° et 6° du I de cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous proposons de supprimer la disposition remplaçant les CROSMS par des mécanismes d’appel à projets pour la création, la transformation ou l’extension d’établissements.

La suppression des CROMS traduit la volonté du gouvernement de renforcer le pouvoir des ARS au détriment des associations qui fondent la spécificité du secteur médico-social. Celles-ci redoutent, à juste titre, la création d’une concurrence entre les établissements et craignent que ce choix ne privilégie la plupart du temps le « moins-disant » économique au détriment du « mieux-disant » social.

Dans le domaine de la formation professionnelle vient d’être introduite la procédure dite d’appel à projets. Or j’ai pu constater que l’ensemble des petits centres de formation professionnelle sont éliminés.

Par ailleurs, vous créez une procédure systématique d’appel à projets sans que soit exactement précisée la composition des commissions spécialisées des conférences de santé chargées de l’évaluation des besoins, ni celle des commissions d’appel à projets, qui seront toutes deux fixées par décret.

Quelle sera la représentation des usagers dans ces instances, d’autant que l’avis de la commission de sélection d’appel à projet social ou médico-social ne sera pas requis dans tous les cas ?

Les associations redoutent également que la réponse à un cahier des charges préétabli, en privilégiant un processus uniforme du haut vers le bas, plutôt qu’un processus partant du terrain, ne favorise les grands opérateurs et des projets trop « formatés » au détriment des projets innovants. Or c’est bien d’innovation, puisée dans sa longue expérience, dont le secteur médico-social fait preuve depuis cinquante ans ! Comment peut-on le déposséder ainsi de sa capacité à inventer au plus près des besoins des personnes handicapées ? Car ce n’est pas la mise en place d’un cahier des charges allégé pour les projets à caractère expérimental ou innovant qui va leur rendre l’initiative ! Dans tous les cas, il s’agira avant tout de garantir une mise en concurrence !

Par ailleurs, la plupart des associations estiment que, en matière de besoins d’équipements, l’analyse qualitative et quantitative n’a pas été réalisée. Dès lors, comment lancer ces appels à projets pour répondre à des besoins que l’on ne connaît pas de façon fine ?

Nous sommes convaincus que ce mécanisme d’appel à projet conduira à une bureaucratisation extrême et écartera des acteurs qualifiés, expérimentés et connaissant le terrain, tout en n’offrant aucune garantie de qualité, le « moins-disant » ayant toutes les chances d’être favorisé. Il est d’ailleurs édifiant, comme toujours, de regarder ce qui s’est fait ailleurs, notamment en Italie.

Vous le savez, en France, nos voisins italiens sont en train de se faire un pont d’or avec la Compagnie générale de santé, n’est-ce pas, monsieur le président Mercier ?...

M. Michel Mercier. Si vous voulez qu’on en parle…

M. Guy Fischer. Nos voisins italiens, particulièrement dans la province d’Émilie-Romagne, ont expérimenté pendant dix ans les appels à projets. Or ils viennent d’y renoncer : ceux qui remportaient les appels d’offres étaient ceux qui proposaient les coûts les plus bas ; tous, sans exception !

Par ailleurs, ainsi que le relève l’UNIOPSS, l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, le projet de loi ne transfère pas à d’autres instances l’intégralité des missions aujourd’hui assumées par les CROSMS. Il en est ainsi de la mission d’évaluation des besoins sociaux et médico-sociaux, qui disparaîtrait purement et simplement au niveau régional.

De la même façon, il n’y aurait plus d’instance de concertation obligatoire susceptible de donner un avis sur les projets de schémas des conseils généraux ou des préfets.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement visant au rétablissement des CROSMS.

M. le président. L'amendement n° 1002 rectifié bis, présenté par MM. Leroy, Doligé, Sido, Lambert, du Luart, César et Huré, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :

médico-social

insérer les mots :

qui comprend au moins un représentant par conseil général et

Cet amendement n'est pas soutenu.

Les amendements nos 583 et 1114 sont identiques.

L'amendement n° 583 est présenté par M. Gournac.

L'amendement n° 1114 est présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

et des représentants de la fédération nationale de la mutualité française

L’amendement n° 583 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour défendre l’amendement n° 1114.

M. Claude Bérit-Débat. Le projet de loi, en son article 28, substitue les commissions de sélection d’appel à projet social ou médico-social aux actuels comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale, ainsi que de nombreux collègues du groupe CRC-SPG l’ont dénoncé.

Ces comités ont pour principale mission d’émettre un avis sur tous les projets de création, ainsi que sur les projets de transformation et d’extension d’établissements ou de services sociaux et médico-sociaux soumis à autorisation.

Une personnalité qualifiée désignée sur proposition de la Fédération nationale de la mutualité française siège dans chacun de ces comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale.

Aussi est-il logique que cette représentation soit maintenue au sein des commissions de sélection d’appel à projet social ou médico-social.

M. le président. L'amendement n° 982, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

et des personnes morales gestionnaires des établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1

II. - Dans le dernier alinéa du même texte, remplacer les mots :

et le contenu

par les mots :

, le contenu et les modalités d'élaboration

et après les mots :

cahier des charges,

insérer les mots :

notamment la façon dont les représentants des gestionnaires y seront associés,

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. En lieu et place de la consultation des CROSMS, que le Gouvernement supprime dans ce projet de loi, est créé un mécanisme d’appel à projet.

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, mais je tiens à le confirmer, nous sommes opposés à ce nouveau mécanisme. Je rappelle que la consultation des CROSMS était obligatoire sur tous les projets de loi, qu’ils intègrent ou non des financements publics.

Il s’agit là d’une inversion de logique, de nature à instaurer un parcours de création, d’installation ou de renouvellement des établissements descendant, en lieu et place du parcours plus horizontal qui existe à l’heure actuelle.

Tous les acteurs le dénoncent, si ces dispositions étaient maintenues, elles auraient pour effet de déterminer par avance les types de réponse à mettre en œuvre, les coûts standard à respecter via le cahier des charges des appels à projets.

Je reprendrai à mon compte les déclarations de l’UNIOPSS pour qui « dans un monde complexe, croire qu’une seule partie peut avoir une connaissance fine des besoins de la population et des réponses à mettre en œuvre est illusoire. C’est par le croisement des regards et des propositions que l’on peut espérer répondre de manière pertinente aux besoins de la population. Ce n’est pas sans raisons que la loi du 30 juin  1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, comme la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ont écarté la procédure d’appel d’offres et celle d’appel à projets ».

Bien qu’opposés à ces appels à projets, nous entendons toutefois, comme nous l’avons fait avec les établissements sanitaires, faire entendre une autre voix que celle du Gouvernement en termes de démocratie.

Outre qu’il s’agit là d’un mécanisme très inspiré du monde marchand, donc nécessairement inadapté au secteur médico-social, nous déplorons qu’il se construise dans un déni de démocratie, à savoir la suppression de la participation des établissements gestionnaires.

Nous considérons, au contraire, que les représentants des organismes gestionnaires d’établissements médico-sociaux doivent être présents au sein de la commission chargée de l’examen des appels à projets, comme ils le sont actuellement dans les CROSMS.

Nous avons bien entendu l’argument que vous avez avancé à l’Assemblée nationale pour justifier votre décision, madame la secrétaire d'État, à savoir des conflits d’intérêts éventuels. Mais il peut en être de même avec la participation, dans une même structure, de deux représentants de l’État, à savoir le directeur de l’ARS et le préfet de région.

Il aurait donc été préférable de maintenir la participation des associations de gestionnaires d’établissements médico-sociaux dans les mécanismes d’appels à projets, tout en fixant, par décret, des modalités de consultation ou de non-participation au vote des associations directement concernées par une délibération précise. Madame la secrétaire d'État, votre argument est dérisoire au regard des enjeux démocratiques dont il est ici question.

Notre amendement tend donc à réintroduire une consultation que nous estimons nécessaire.

M. le président. L'amendement n° 1115, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

et des représentants désignés par les fédérations d'établissements et services publics et privés représentatives

La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Cet amendement vise à spécifier clairement la participation des fédérations d’établissements et services publics et privés représentatives.

Les fédérations d’établissements et services sociaux et médico-sociaux publics et privés représentatives sont aujourd’hui associées à l’examen des projets par les CROSMS, qui sont supprimés au profit des commissions d’appel à projets.

De notre point de vue, il serait regrettable de priver ces nouvelles instances non seulement de cette expertise de terrain, mais aussi d’une collaboration qui concourt à l’adhésion des personnes concernées – usagers et professionnels – aux politiques publiques sociales et médico-sociales, notamment en matière d’innovation et de réponse aux besoins sociaux et médico-sociaux émergents.

En outre, dès lors qu’il pourrait y avoir conflit d’intérêts entre un représentant de ces fédérations et la nature ou la localisation géographique d’un appel à projet donné, le décret d’application et le règlement intérieur de la commission d’appel à projets pourront y substituer un suppléant, comme c’est déjà le cas actuellement dans les CROSMS.

Par cet amendement, nous souhaitons spécifier clairement la participation de ces organisations.

M. le président. L'amendement n° 1116, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cet avis est rendu sur les projets présentés à l'initiative des promoteurs ou en réponse à l'appel à projet présenté par les autorités administratives compétentes en matière d'autorisation.

II. - Supprimer la dernière phrase du même alinéa.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. On le sait, les acteurs des services sociaux et médico-sociaux craignent que la procédure prévue en cas de financement public ne soit trop lourde et trop longue, ne rompe avec les habitudes, et surtout ne permette plus de mettre en avant les capacités d’innovation. Ces inquiétudes sont aujourd'hui loin d’être dissipées.

D’ailleurs, les procédures utilisées jusqu’à ce jour ont permis de mettre en place des réseaux d’établissements et de services médico-sociaux qui répondent très largement à l’attente des personnes concernées. On ne peut donc faire le constat d’un échec !

L'Assemblée nationale a, il est vrai, apporté une précision : « une partie des appels à projets doit être réservée à la présentation des projets expérimentaux ou innovants répondant à un cahier des charges allégé ». C’est un progrès ! Il n’en demeure pas moins que cette procédure exclut que des promoteurs puissent présenter des projets originaux traduisant des volontés, des sensibilités locales ou associatives. Ceux-ci ne pourront que répondre à des appels à projets engagés par les autorités administratives compétentes en matière d’autorisation.

Cet amendement vise donc à conserver une capacité d’initiative dans un sens ascendant, et non pas seulement en réponse à une initiative qui vient d’en haut.

M. le président. L'amendement n° 1149, présenté par M. Gouteyron, est ainsi libellé :

Après la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cette commission de sélection d'appel à projet est composée à parité des autorités publiques et organismes financeurs, d'une part, et des représentants des usagers, d'autre part.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1117, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles, insérer six alinéas ainsi rédigés :

« Toute personne physique ou toute personne morale de droit public ou de droit privé qui assure ou qui en assurera la gestion et qui veut créer, transformer ou étendre un établissement social ou médico-social relevant de l'article L. 312-1 ainsi que les projets de lieux de vie peut saisir la commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social.

« Les demandes d'autorisation portant sur des établissements ou des services de même nature sont reçues au cours de périodes déterminées par décret en Conseil d'État, afin d'être examinées sans qu'il soit tenu compte de leur ordre de dépôt.

« Le calendrier d'examen de ces demandes par la commission de sélection d'appel à projet social ou médico-social est fixé par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis des présidents des conseils généraux concernés. Ce calendrier doit être compatible avec celui des périodes mentionnées à l'alinéa précédent.

« L'absence de notification d'une réponse dans le délai de six mois suivant la date d'expiration de l'une des périodes de réception mentionnées à l'alinéa précédent vaut rejet de la demande d'autorisation.

« Lorsque, dans un délai de deux mois, le demandeur le sollicite, les motifs justifiant ce rejet lui sont notifiés dans un délai d'un mois. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre la décision de rejet est prorogé jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été notifiés.

« À défaut de notification des motifs justifiant le rejet de la demande, l'autorisation est réputée acquise.

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Cet amendement élargit les possibilités de solliciter des demandes de création, de transformation ou d’extension d’établissements sociaux et médico-sociaux au travers de la procédure de l’appel à projets, pour toute personne physique ou toute personne morale de droit public ou de droit privé qui assure ou qui en assurera la gestion.

En outre, il spécifie les modalités de demandes d’autorisation ainsi que les délais de notification de réponse ou de motifs valant rejet de la demande.

Il précise qu’à défaut de notification des motifs justifiant le rejet de la demande l’autorisation est réputée acquise.

La procédure permet de mieux contrôler l’évolution et les possibilités d’accord de la décision du pétitionnaire.

M. le président. L'amendement n° 226, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

I. - Supprimer les trois derniers alinéas du texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles.

II. - Après le 7° du même I, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après l'article L. 313-3, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Lorsque sur un territoire, les besoins de la population ne sont pas satisfaits et qu'aucun gestionnaire ne propose d'y répondre, la ou les autorités visées par l'article L. 313-3 peuvent lancer un appel à projet dans des conditions fixées par décret. » ;

III. - Supprimer le 8° du même I.

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Je poursuis toujours le même chemin !

Les 6° à 8° de l’article 28 instaurent une procédure d’appel à projets pour toute création ou extension d’établissement ou de service social et médicosocial.

Les projets de création devront respecter un certain cahier des charges et seront examinés par une commission d'appel à projet avant que l'autorité administrative se prononce sur la demande du promoteur.

Cette nouvelle procédure fait de l'autorité administrative la seule à pouvoir déterminer les besoins de la population sur le territoire. Cet amendement est proche de ceux qui viennent d’être présentés ; nous sommes en effet presque unanimes sur ce sujet-là.

Le recours systématique à la procédure d'appel d'offres reviendrait donc à annihiler cette force d'adaptation aux besoins de la population et la capacité d'innovation des acteurs du champ social et médicosocial, c’est-à-dire tous les milieux associatifs qui sont sur le terrain et qui ont le droit de faire des propositions correspondant aux besoins recueillis auparavant.

L’omnipotence de l’autorité administrative, qui est seule à juger non pas les besoins, mais les projets, est, selon moi, incompatible. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité d’obtenir aussi, sur ce sujet-là, un avis de la commission régionale sociale et médicosociale que je juge indispensable.

M. le président. L'amendement n° 1118, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :

« La commission consultative de sélection d'appel à projet social et médicosocial est un organisme composé de plusieurs collèges au sein desquels des représentants des Fédérations et organismes gestionnaires d'établissements et services du secteur médicosocial et du secteur sanitaire sont représentés, au côté des représentants des usagers. » ;

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Il s’agit de la création d'une commission consultative de sélection d'appel à projet social et médicosocial.

M. le président. L'amendement n° 1119, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :

« La consultation des associations représentant les usagers porte sur les cahiers des charges des appels à projets. »

La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Cet amendement a pour objet la consultation des associations d'usagers sur les cahiers des charges des appels à projet mentionnés à l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles.

M. le président. L'amendement n° 1008 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle et P. Blanc et Mmes Desmarescaux et Debré, est ainsi libellé :

I. - Compléter le texte proposé par le 6° du I de cet article pour l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles par un paragraphe ainsi rédigé :

« II. - Les opérations de regroupements d'établissements et services préexistants sont exonérées de la procédure visée au I, si elles n'entraînent pas des extensions de capacités supérieures aux seuils prévus audit I du présent article et si elles ne modifient pas les missions des établissements et services concernés.

« Un décret définit les modalités de réception et d'examen desdits projets par les autorités en charge de la délivrance de ces autorisations. »

II. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de ce même texte de la mention :

I. - 

III. - Compléter le second alinéa du b) du 8° du I de cet article par les mots :

, sauf en ce qui concerne les projets visés au II de l'article L. 313-1-1

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Cet amendement vise les opérations de regroupement des établissements. Nombre de ceux qui existent souffrent d'une inadaptation structurelle de leurs locaux à accueillir les personnes en situation de perte d'autonomie ou de handicap.

Les travaux nécessaires à une réhabilitation architecturale nécessitent souvent des investissements lourds et onéreux que la taille de ces établissements rend parfois impossibles. De tels investissements ne peuvent alors être envisagés qu'à condition que l'établissement concerné puisse atteindre un seuil critique de capacité lui permettant d'assumer et de financer de tels coûts.

Cette possibilité, régulièrement pratiquée par les acteurs de terrain, consiste alors à regrouper plusieurs petites unités, souvent éparses, sur un même site et dans des locaux neufs ou rénovés, afin de permettre, par cette opération de restructuration, d'apporter une amélioration certaine des conditions de prise en charge de la population accueillie dans des locaux mieux adaptés aux situations de perte d'autonomie et aux pathologies auxquelles elles sont confrontées. C’est donc bien pour le mieux-être des personnes qui sont hébergées dans ces établissements.

Afin de garantir une rénovation et une restructuration du parc existant, tout en permettant aux établissements concernés d'atteindre un seuil critique de rentabilité et de capacité d'investissement rendue nécessaire au regard de l'évolution de l'état de santé et de perte d'autonomie de la population accueillie, il importe de favoriser la mise en œuvre de ce type de réponses.

Celles-ci permettraient également à des professionnels compétents et ayant fait leurs preuves de pérenniser les conditions d'une prise en charge constante dans un environnement architectural amélioré.

De telles opérations s'opérant à périmètre inchangé en termes de capacité, car ne créant pas de lits ex nihilo, ne doivent toutefois pas entrer en concurrence avec les projets de créations pures qui visent, pour leur part, à répondre à l'évolution quantitative, voire qualitative, de la demande.

Aussi est-il proposé de prévoir, parallèlement à la procédure d'appel à projet instaurée par le présent projet de loi, une procédure allégée permettant aux acteurs existants de se mettre en situation de procéder aux nécessaires renouvellements et restructurations de leurs établissements.

Tel est l'objet de cet amendement. Je souhaite vivement que le Gouvernement, sensible à l’argumentation développée, accepte cette proposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 973, présenté par le groupe CRC-SPG, qui vise à supprimer la procédure d’appel à projet social ou médico-social.

Force est de constater que la procédure actuelle d’autorisation qui fait intervenir le CROSMS n’est satisfaisante ni pour les gestionnaires ni pour les pouvoirs publics. En effet, des autorisations obtiennent un avis positif de ce comité alors que les projets ne répondent pas aux besoins. Autrement dit, le CROSMS ne joue plus son rôle de filtre. En outre, une fois l’avis positif du CROSMS reçu, nombre de projets ne sont pas mis en œuvre, faute de financement.

L’objet de la nouvelle procédure est donc de remédier à cette inadéquation entre les projets des porteurs et les besoins à satisfaire. L’appel à projets doit permettre de sélectionner les propositions les plus conformes aux besoins de prise en charge et d’accompagnement de la population handicapée et des personnages âgées définis dans le schéma régional d’organisation sociale et médicosociale.

Toutefois, il n’est pas question que l’appel à projet se traduise par une logique de commande administrative. C’est pourquoi une procédure plus souple a été introduite à l’Assemblée nationale, l’appel à projet avec cahier des charges allégé, afin de préserver la capacité d’innovation des porteurs.

L’amendement n° 1114, présenté par le groupe socialiste, prévoit que des représentants de la Fédération nationale de la mutualité française siègent au sein de la commission de sélection d’appel à projet. Pour la commission, cette demande est inacceptable dans la mesure où ladite fédération, en tant que promoteur, serait juge et partie.

C’est en raison de ce risque évident de conflit d’intérêts que la commission a émis un avis défavorable.

Dans l’amendement n° 982 présenté par le groupe CRC-SPG, il est proposé que les représentants des organismes gestionnaires d’établissements médico-sociaux soient présents au sein de la commission chargée de l’examen des appels à projet.

Cette proposition n’est pas acceptable non plus dans la mesure où les structures gestionnaires seraient, elles aussi, juges et parties. Le risque de conflit d’intérêts est patent, et ce même si la personne représentant la structure gestionnaire concernée par l’appel à projet ne participe pas à la délibération.

À ce sujet, je rappelle qu’aujourd’hui les CROSMS ne jouent plus leur rôle de filtre en raison de la présence, en leur sein, de représentants de structures gestionnaires.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 1115, présenté par le groupe socialiste, prévoit que des représentants désignés par les fédérations d’établissements et services publics et privés représentatives siègent au sein de la commission de sélection d’appel à projet.

La commission est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent.

Dans l’amendement n° 1116 du groupe socialiste, il est proposé que la commission d’appel à projet rende un avis à la fois sur le projet répondant à l’appel à projet lancé par les autorités publiques compétentes et sur les projets présentés sur l’initiative des porteurs.

L’amendement vise donc à introduire parallèlement la procédure classique d’appel à projet et une procédure dans laquelle les porteurs auraient l’initiative. Une telle mesure viderait de son sens l’appel à projet.

En effet, les porteurs qui n’auraient pas reçu un avis positif de la commission de sélection dans le cadre de l’appel à projet pourraient utiliser cette procédure parallèle pour présenter à nouveau leur projet qui ne correspondra pas forcément aux besoins. On retombe donc dans les travers de l’actuelle procédure.

Je rappelle que l’objectif de l’appel à projet est de permettre l’adéquation entre les besoins à satisfaire et les besoins des porteurs. Aujourd’hui, trop de propositions reçoivent un avis positif du CROSMS, alors qu’elles ne répondent pas aux besoins à satisfaire.

J’ajoute que la procédure d’appel à projet avec un cahier des charges allégé introduite à l’Assemblée nationale permettra de garantir l’innovation et la créativité.

Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable.

L’amendement n° 1117 du groupe socialiste est la conséquence de l’amendement n° 1116.

Il explicite la procédure parallèle d’appel à projet dans laquelle les porteurs auraient l’initiative. Tout gestionnaire aurait la possibilité de saisir la commission d’appel à projet de son propre chef.

La commission est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que celles que j’ai exposées précédemment.

L’amendement n° 226, présenté par notre collègue René Beaumont, vise à remettre en cause la nouvelle procédure d’appel à projet. Aussi la commission souhaite-t-elle le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 1118, défendu par le groupe socialiste, est la conséquence des amendements nos 1116 et 1117.

Il y est prévu la création d’une commission consultative de sélection d’appel à projet social et médico-social composée de plusieurs collèges, au sein desquels des représentants des fédérations et organismes gestionnaires d’établissements, des services du secteur médico-social et du secteur sanitaire sont représentés, au côté des représentants des usagers.

Cette mesure vise à remettre en cause la procédure d’appel à projet. Je rappelle qu’au sein des commissions de sélection ne siégeront pas des représentants des gestionnaires, afin d’éviter tout conflit d’intérêts.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 1119, présenté par le groupe socialiste, déjà examiné par la commission, prévoit la consultation des associations représentant les usagers sur les cahiers des charges des appels à projets.

Sur le fond, la commission comprend cette proposition. Toutefois, une telle mesure serait difficile à mettre en œuvre.

En outre, est-on vraiment sûr que les représentants des usagers n’auront pas une double casquette : représentants officiels des usagers et représentants officieux des gestionnaires ? Dans ce cas, ils ne sauraient être associés à l’élaboration du cahier des charges. Surtout, ce sont les autorités publiques, État et conseils généraux, qui sont non seulement les initiatrices de la procédure d’appel à projets, mais aussi les financeurs des projets. Il est donc logique que la rédaction du cahier des charges relève de leur compétence.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

Enfin, l’amendement n° 1008 rectifié bis, défendu par notre collègue Alain Vasselle, vise à exonérer de la procédure d’appel à projet les opérations de regroupement d’établissements et services si elles n’entraînent pas des extensions de capacité supérieures aux seuils prévus à l’article L. 311-1-1 et si elles ne modifient pas les missions des établissements et des services concernés.

La commission estime que cette proposition est pertinente. Autant l’appel à projet est essentiel pour la création de places nouvelles, autant l’imposer pour la recomposition de structures existantes rendrait les gestionnaires frileux sur toute opération de rapprochement de peur de perdre l’autorisation.

La commission est donc favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Pour les raisons déjà évoquées précédemment, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 973, qui vise à supprimer la procédure d’appel à projet.

L’amendement n° 1114 vise à insérer les représentants de la mutualité française au sein de la commission d’appel à projet.

La composition de cette commission sera fixée par décret et, comme je m’y suis engagée, les dispositions d’application feront l’objet d’une concertation avec le secteur afin que les mesures arrêtées permettent une composition adaptée à la nature des projets, des publics visés et des financeurs.

Il est extrêmement important, comme l’a montré l’examen du projet de loi au Conseil d’État, d’entourer de nombreuses précautions juridiques la préparation de ce décret, afin de prendre scrupuleusement en compte les exigences communautaires qui s’imposent à nous en matière d’examen comparatif et concurrentiel des projets.

Il convient d’éviter des contentieux qui pourraient porter sur les critères de choix, la transparence du dispositif de justification des décisions d’autorisation ou de refus, ou encore sur une discrimination vis-à-vis de porteurs de projets. D’où le soin à apporter non seulement à une composition équilibrée de la commission, mais aussi à tout ce qui pourrait entraîner une suspicion de conflits d’intérêts. C’est pourquoi il est éminemment souhaitable de ne pas anticiper sur les concertations nécessaires.

J’ajoute que les partenaires institutionnels seront représentés dans l’ensemble des instances stratégiques dédiées à la concertation : il est prévu qu’ils seront membres de la conférence régionale de santé et de l’autonomie, des commissions spécialisées, ainsi que des conférences de territoire. Ils auront donc toute leur place dans l’architecture du dispositif social et médico-social et seront associés à l’élaboration des réponses collectives aux problèmes d’accompagnement et de prise en charge des publics.

Pour ces raisons, je demande le retrait de l’amendement n° 1114.

L’amendement n° 982, présenté par Mme David, tend à inclure les personnes morales gestionnaires d’établissements médico-sociaux au sein de la commission de sélection d’appel à projet.

D’abord, je rappellerai le souci qui est le nôtre de pouvoir intégrer tous les acteurs dans les commissions d’appel à projet ; nous le ferons par décret, après concertation avec l’ensemble des partenaires concernés.

Ensuite, je reprendrai l’argument avancé par M. le rapporteur sur les précautions que nous devons prendre. Sur ce point, il a d’ailleurs été plus ferme que moi ! Nous devons veiller à éviter tout conflit d’intérêts dans la représentation des organismes gestionnaires. En effet, il peut être dangereux de placer des représentants des organismes gestionnaires dans les structures où sont accordées les autorisations de financement. Il convient donc de bien encadrer la procédure.

Une fois que nous aurons pris toutes les précautions utiles, nous pourrons bien sûr envisager, comme cela se passe actuellement dans des instances telles que le CROSMS, que l’ensemble des acteurs puissent participer au débat. Pour ces raisons, nous demandons le retrait de l’amendement n° 982.

L’amendement n° 1115 vise à faire entrer les représentants des fédérations d’établissements et services publics et privés représentatives au sein de la commission de sélection d’appel à projets. Mon argumentaire sera le même que pour le précédent amendement. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement n° 1116 tend à rétablir la possibilité pour les promoteurs de présenter des projets de leur propre initiative, en dehors de la nouvelle procédure d’appel à projet. Ce serait revenir au système des CROSMS. En fait, on supprimerait le mécanisme que nous souhaitons introduire au travers de ce nouveau texte de loi pour, justement, rendre le processus plus efficace et mieux adapté aux besoins.

Il ne faut pas confondre capacité d’initiative et capacité d’innovation : les CROSMS permettaient l’initiative, mais pas nécessairement l’innovation. Nous proposons, au sein des commissions de sélection d’appel à projet, comme cela a été précisé par voie d’amendement, d’accorder plus de place à l’innovation.

Je prendrai l’exemple d’un appel à projet sur les méthodes éducatives en matière d’autisme ; celles-ci sont nombreuses : la méthode ABA, la méthode TEACCH, ou encore la méthode PECS. Nous souhaitons expérimenter ces méthodes. Or nous rencontrons des difficultés avec le dispositif actuel des CROSMS, précisément parce que l’expérimentation et l’innovation ne sont pas intégrées dans le système de fonctionnement de ces comités.

Au travers de l’appel à projet, on pourra définir les contours des innovations possibles, ce qui permettra de créer une dynamique. On a des exemples d’appel à projet sur ce type d’expérimentations. Nous disons aux acteurs de terrain que nous voulons travailler non pas sur tel ou tel projet, mais sur les méthodes éducatives : nous évaluerons les projets que vous portez dans un cadre bien défini et sécurisé scientifiquement. Dans un tel cas, la procédure d’appel à projet permettra d’aller plus loin.

Avec le dispositif prévu, nous accordons plus de place à l’innovation. C’est pourquoi je demande le retrait de l’amendement n° 1116.

L’amendement n° 1117 a le même objet. L’avis du Gouvernement sera donc identique.

L’amendement n° 226 de M. Beaumont vise à restreindre la procédure d’appel à projet au cas où les besoins ne sont pas satisfaits. La logique qui sous-tend cet amendement est la même que pour les amendements précédents : il s’agit de revenir en partie au dispositif des CROSMS. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de cet amendement.

L’amendement n° 1118 tend à intégrer les représentants des fédérations et organismes gestionnaires d’établissements au sein d’une commission consultative de sélection d’appel à projet social et médico-social. Une telle mesure relève du décret. Je propose donc également le retrait de cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 1119, il s’agit de prévoir la consultation des associations représentant les usagers sur le cahier des charges des appels à projets. La rédaction proposée aurait pour effet de limiter la consultation de ces associations au seul contenu du cahier des charges.

Dans le projet de loi, la mission et le champ de responsabilité de ces associations sont plus larges. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Enfin, en ce qui concerne l’amendement n° 1008 rectifié bis défendu par M. Vasselle, le Gouvernement émet un avis favorable. Les précisions apportées sont en effet très utiles.

M. Alain Vasselle. Vous terminez en beauté, madame la secrétaire d’État ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 973.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 982.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1115.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Beaumont, l'amendement n° 226 est-il maintenu ?

M. René Beaumont. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 226 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1008 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 227, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa (b) du texte proposé par le 7° du I de cet article pour l'article L. 313-3 du code de l'action sociale et des familles, après le mot :

autonomie

insérer les mots :

, après avis de la conférence sociale et médico-sociale,

La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Cet amendement a été défendu quatre fois, sans succès.

Je le retire donc, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 227 est retiré.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1120, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les 9°, 9° bis, 10° et 11° du I de cet article.

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Le projet de loi comporte des mesures rendant obligatoire la conclusion d’un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens dès lors que la personne morale gestionnaire est en charge d’un ensemble d’établissements ou de services dépassant certains seuils.

Ce dispositif prévoit également de substituer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens aux conventions tripartites et aux conventions d’aide sociale.

Le présent amendement traduit le souci qui est le nôtre de ne pas imposer au gestionnaire de conclure un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens. En effet, la disposition envisagée déséquilibrerait encore plus la relation entre le gestionnaire et la puissance publique en pénalisant le premier.

M. le président. L'amendement n° 974, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le 9° et le 9° bis du I de cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L’objet du présent amendement est de supprimer le détestable dispositif introduit par le 9°et le 9°bis du I de l’article 28, qui vise à subordonner la prise en charge des dépenses des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, au titre de l’aide sociale, à la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, ou CPOM.

Pour de nombreuses associations et directeurs d’établissements qui œuvrent quotidiennement au mieux-être des personnes handicapées, les CPOM seraient inadéquats, voire contre-productifs. Ces personnes demandent que la signature de tels contrats relève du volontariat. Il s’agit d’ailleurs d’une promesse gouvernementale. En effet, les gestionnaires doivent conserver la liberté de choisir leurs modalités d’organisation en fonction de la culture particulière qui est celle du secteur médico-social. Or aucune gestion digne de ce nom n’est possible avec des mesures excessivement directives, l’absence de liberté et de marge de manœuvre.

Afin de préserver la qualité, il est indispensable de laisser au monde médico-social l’initiative dont il a toujours su faire preuve au service des personnes handicapées ; on ne peut réduire celui-ci à une simple réponse apportée à une programmation !

Mme la ministre nous disait, au début de l’examen du titre IV, qu’il n’était pas question de « sanitariser » le médico-social. Mais que faites-vous avec les CPOM, doublés des tarifs plafonds ?

Vous imposez un cadre rigide : une fois que les gestionnaires ont signé, aucune opposabilité n’est possible. Les tarifs sont établis ; seule l’une des parties décide, tandis que l’autre subit !

Il s’agit là, à notre sens, d’une démarche quelque peu bureaucratique. Ne comprenez-vous pas que la grande majorité des gestionnaires sont opposés à votre réforme ? J’ai même entendu un président d’association de directeurs me dire : « on tue le plaisir de travailler » !

Outre cette défiance, bien compréhensible, du monde médico-social vis-à-vis des CPOM ainsi imposés, les directeurs d’établissements font remarquer que l’objet de ces contrats est bien distinct de celui de la convention d’habilitation à l’aide sociale. Actuellement, les ESAT, pour être autorisés à fonctionner, doivent passer avec l’État une convention de prise en charge des dépenses au titre de l’aide sociale pour les personnes qu’ils accueillent, conformément aux dispositions de l’article R. 344-7 du code de l’action sociale et des familles.

Les objectifs de la convention de prise en charge au titre de l’aide sociale et ceux des CPOM me semblent fondamentalement différents ; il n’existe donc aucun fondement juridique pour faire dépendre l’une de la conclusion de l’autre.

Cette disposition est en outre profondément injuste : elle introduit une sorte de chantage en intervenant sur les droits des personnes accueillies. C’est là, en partie, l’objet du débat que j’ai engagé avec notre collègue Paul Blanc…

M. Paul Blanc. Ici présent !

M. Guy Fischer. … sur les ESAT.

M. le président. L'amendement n° 1151, présenté par M. Gouteyron, est ainsi libellé :

Supprimer le 9° du I de cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 1332, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du b) du 10° du I de cet article :

« Les établissements et services, qui font l'objet d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, pourront disposer pour son élaboration et sa mise en œuvre des outils méthodologiques fournis par l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux et s'appuyer sur les recommandations de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. L'amendement n° 979, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le 11° du I de cet article pour l'article L. 313-12-2 du code de l'action sociale et des familles par les mots :

après qu'elles soient parvenues à un accord sur la définition et le contenu de ces objectifs et de ces moyens

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens entre l’agence régionale de santé et un établissement médico-social ne peut avoir pour unique objet l’amélioration de la gestion de ce dernier. C’est pourquoi il nous paraît important qu’une concertation entre la personne morale gestionnaire de l’établissement concerné et l’autorité chargée de la tarification puisse avoir lieu, afin de trouver un accord sur les objectifs et les moyens.

M. le président. L'amendement n° 1333, présenté par M. Milon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le 11° du I de cet article pour l'article L. 313-12-2 du code de l'action sociale et des familles :

« Les établissements et services, qui font l'objet d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens, pourront disposer pour son élaboration et sa mise en œuvre des outils méthodologiques fournis par l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux et s'appuyer sur les recommandations de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements autres que ceux de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 1120 du groupe socialiste tend à remettre en cause la généralisation des CPOM aux établissements sociaux et médico-sociaux. La commission considère qu’au contraire la généralisation des CPOM est une bonne mesure. La volonté de développer cet outil dans le secteur médico-social répond en effet à deux objectifs.

Il s’agit, d’abord, grâce à une approche décloisonnée du financement des établissements et services médico-sociaux, de rendre de la visibilité tant au secteur gestionnaire qu’aux pouvoirs publics.

Il s’agit, ensuite, de redonner, grâce à la contractualisation, des marges de manœuvre aux gestionnaires de structures dont la taille permet le développement d’une véritable stratégie.

La généralisation des CPOM se justifie également par la volonté de structurer le secteur médico-social, afin de lui donner une assise qui garantira sa place et son positionnement au regard des macrostructures hospitalières.

J’ajoute que la commission a introduit un volet qualitatif dans les CPOM, qui devront notamment fixer des objectifs de qualité, de prise en charge et d’accompagnement.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1120.

La commission a bien évidemment émis un avis défavorable sur l’amendement n° 974, qui vise à supprimer les CPOM conclus entre les établissements sociaux et médico-sociaux et l’autorité de tarification.

Enfin, l’amendement n°979, qui tend à prévoir que les CPOM ne sont pas simplement un outil de régulation budgétaire, me semble satisfait par le texte de la commission, puisque celui-ci précise que les CPOM devront notamment comporter des objectifs de qualité et de prise en charge. La commission vous demande donc, monsieur Fischer, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne l’amendement n° 1120, qui vise à supprimer l’obligation de contracter un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, la contractualisation au travers du développement des CPOM est fondamentale pour réussir une réforme bénéfique du secteur médico-social. Elle permet en effet d’atteindre trois objectifs.

Il s’agit, premièrement, de changer d’approche dans l’animation du secteur en passant d’une tarification annuelle par établissement, trop tatillonne, à une approche pluriannuelle – les contrats sont de cinq ans – et globale, les financements étant attribués pour un ensemble d’établissements, ce qui permet de mettre en relation l’objectif de qualité des services rendus et les moyens alloués.

Il s’agit, deuxièmement, grâce à cette approche pluriannuelle, de donner plus de visibilité tant au secteur gestionnaire qu’aux pouvoirs publics.

Il s’agit, troisièmement, de redonner des marges de manœuvre aux gestionnaires pour leur permettre de développer une conduite stratégique : approche par activité et non par établissement ; mutualisation des charges communes.

En outre, les CPOM se substitueront aux conventions d’aide sociale et, dans les EHPAD, à la fois aux conventions d’aide sociale et aux conventions tripartites. C’est donc une mesure de simplification importante, pour un secteur encore très éclaté et régi par des outils nombreux et dispersés.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 974 ayant le même objet, le Gouvernement a également émis un avis défavorable.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1332 de la commission.

L’amendement n° 979 vise à conditionner la signature d’un CPOM à l’accord obligatoire de l’un des contractants sur certains éléments dudit contrat. Pour les mêmes raisons que celles que j’ai évoquées précédemment, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1333 de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1120.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 974.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1332.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 979.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1333.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1121, présenté par MM. Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Printz et Le Texier, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 12° du I de cet article pour l'article L. 313-13 du code de l'action sociale et des familles, par trois phrases ainsi rédigées :

« Les agents mentionnés à l'alinéa précédent, habilités et assermentés à cet effet dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, recherchent et constatent les infractions définies au présent code. Après avoir recueilli les explications du gestionnaire de l'établissement, du service ou du lieu de vie et d'accueil visés à l'alinéa précédent, ils dressent procès-verbal de l'infraction et des explications recueillies contradictoirement, qu'ils transmettent au procureur de la République. Ces procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire.

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Le texte proposé par l’article 28 pour l’article L.313-13 du code de l’action sociale et des familles prévoit que la transmission au procureur de la République du procès-verbal rédigé par l’agent contrôleur est automatique.

Le présent amendement vise à introduire, préalablement à la rédaction du procès-verbal par l’agent contrôleur, une procédure permettant au gestionnaire de l’établissement ou du service concerné d’apporter des éclaircissements et des éléments de réponse à la suite des constats de l’agent contrôleur, ainsi que toute explication qu’il jugerait nécessaire. Ces éléments sont retranscrits dans le procès-verbal.

Un tel assouplissement de procédure tend à permettre l’expression d’éléments complémentaires ou contradictoires par rapport aux faits constatés et, dans un domaine très spécifique et particulièrement complexe, de mettre pleinement en mesure le procureur de la République de juger de l’opportunité ou non de lancer la procédure judiciaire adéquate après transmission dudit procès-verbal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’instaurer une procédure préalable à la rédaction du procès-verbal par l’agent contrôleur permettant au gestionnaire d’établissement concerné de s’expliquer sur les infractions repérées par cet agent.

La commission comprend la démarche des auteurs de l’amendement. Toutefois, elle craint que cette procédure préalable ne bloque les démarches d’inspection et, surtout, ne facilite la disparition de preuves dans toutes les affaires de maltraitance ou de détournement de fonds.

Par conséquent, dans l’attente de l’avis du Gouvernement, elle émet un avis de sagesse.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Cet amendement vise à modifier la procédure applicable en matière de procès-verbal telle qu’elle est prévue dans le code de l’action sociale et des familles et, plus généralement, dans le code de procédure pénale.

J’entends bien la principale préoccupation ainsi exprimée : il s’agit de garantir aux responsables d’un établissement la possibilité d’apporter toute explication sur des infractions constatées.

Pour autant, il est difficilement envisageable de faire du recueil de ces observations un préalable au procès-verbal constatant une infraction, sans courir le risque d’un certain blocage de la procédure dans un domaine où il s’agit avant tout de s’assurer du bon fonctionnement, donc de la sécurité des prises en charge.

Bien entendu, cela n’exclut pas que puissent figurer dans le procès-verbal, comme c’est d’ailleurs souvent le cas, des explications utiles du responsable.

Dans un domaine sensible touchant à la protection des plus vulnérables, en particulier dans les affaires de maltraitance ou de détournement de fonds, de pareilles perspectives de blocage ne sont pas envisageables.

C’est la raison pour laquelle je proposerai plutôt un retrait de l’amendement.

M. le président. L’amendement n°1121 est-il maintenu, madame Schillinger ?

Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1121 est retiré.

L'amendement n° 1171, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le début du deuxième alinéa du texte proposé par le 19° de cet article pour l'article L. 313-26 du code de l'action sociale et des familles :

« L'aide à la prise des médicaments peut, à ce titre, être assurée par toute personne...

II. - Dans le dernier alinéa du même texte, supprimer les mots :

de la distribution et

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le texte de la commission vise à permettre aux personnes chargées d'assurer l'aide aux actes de la vie quotidienne au sein des établissements et services médico-sociaux de prendre en charge la distribution et l’aide à la prise de médicaments, lorsque les personnes handicapées ou âgées ne disposent pas d'une autonomie suffisante pour prendre seules le traitement prescrit par le médecin.

Cette mesure tend à répondre à un véritable besoin de clarification dans ce domaine, afin de prendre en compte la réalité quotidienne des personnes privées d’autonomie.

Toutefois, compte tenu des conditions dans lesquelles la distribution et l’aide à la prise de médicaments sont assurées dans les établissements médico-sociaux, qui représentent notamment 460 000 places en EHPAD, plus de 500 000 places en foyers logements, 19 000 places en maisons d’accueil spécialisées, et 15 000 places en foyers médicalisés, des précautions doivent être prises afin de garantir la sécurité des personnes et protéger les personnels concernés.

C'est pourquoi il paraît nécessaire de distinguer, d’une part, ce qui relève des compétences des professionnels habilités à organiser et à surveiller la distribution des médicaments et, d’autre part, les gestes simples, mais indispensables, destinés à aider les personnes ne disposant pas d'une autonomie suffisante pour prendre elles-mêmes les médicaments qui leur ont été prescrits.

Aussi convient-il de circonscrire la mesure à l’aide à la prise de médicaments, ce qui permettra de régler les difficultés pratiques et juridiques que rencontrent les établissements.

L’amendement n° 1171 vise à apporter une précision, afin que la disposition de bon sens prévue par la commission puisse s’appliquer en toute clarté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Milon, rapporteur. Le texte de la commission vise en effet à permettre aux personnes chargées d’assurer l’aide aux actes de la vie quotidienne de prendre en charge la distribution et l’aide à la prise de médicaments au sein des établissements et services médico-sociaux lorsque les personnes handicapées ou âgées ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour prendre seules les traitements prescrits par un médecin.

L’amendement n° 1171 du Gouvernement a pour objet de mieux distinguer les gestes qui relèvent de la distribution des médicaments de ceux qui concernent l’aide à la prise de médicaments. Il tend ainsi à prévoir que les personnes chargées d’assurer l’aide aux actes de la vie courante pourront intervenir pour aider à la prise de médicaments, mais non pour les distribuer.

Madame la secrétaire d’État, la commission souhaiterait que vous clarifiiez la signification du terme « distribution ». S’il s’agit de la préparation des piluliers, seuls des professionnels qualifiés ont le droit d’intervenir. En revanche, si ce mot désigne le « portage » des médicaments, les personnes chargées d’aider aux actes de la vie courante peuvent accomplir ce geste.

Dans l’attente de vos explications, ainsi que des interventions de certains de nos collègues, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour explication de vote.

Mme Sylvie Desmarescaux. Madame la secrétaire d’État, l’amendement n° 1171, qui vise à exclure la distribution des médicaments du dispositif introduit par la commission ne me satisfait pas, bien évidemment. J’avais en effet proposé en commission, par voie d’amendement, d’insérer ces mesures, lesquelles ont été adoptées et reprises dans le texte dont nous débattons.

Dois-je rappeler que la prise de traitements médicamenteux par des personnes accueillies dans les établissements sociaux et médico-sociaux pose réellement la question de savoir à quels professionnels peuvent être confiées la distribution de médicaments et l’aide à la prise de ceux-ci. En effet, les personnes accueillies dans ces établissements doivent le plus souvent avoir recours à des tiers pour les aider à accomplir les actes de la vie courante tels que la prise de médicaments.

En 1999 et 2002, le Conseil d’État a posé le principe selon lequel la distribution de médicaments comme l’aide à la prise de médicaments sont des actes de la vie courante. Toutefois, à défaut de texte de référence réglementant explicitement la distribution et l’aide à la prise de médicaments, les établissements encourent toujours un risque civil et pénal important.

Comme M. le rapporteur l’a suggéré, le mot « distribution » prête à confusion : il pourrait être entendu au sens de « préparation ». Aussi, pour éviter toute ambiguïté, je propose un sous-amendement visant à remplacer le terme « distribution » par celui de « portage ».

L’alinéa serait donc ainsi rédigé : « La préparation des médicaments est assurée par les médecins, les pharmaciens et les personnels infirmiers ; le portage et l’aide à la prise de médicaments peuvent, à ce titre, être assurés par toute personne chargée de l’aide aux actes de la vie courante, dès lors que, compte tenu de la nature du médicament, le mode de prise ne présente ni difficulté d’administration ni d’apprentissage particulier. »

Ce sous-amendement permet d’insister sur la différence entre la préparation, effectuée par le personnel infirmier et, bien évidemment, les médecins et pharmaciens, et le portage et l’aide à la prise de médicaments.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 1354, présenté par Mme Desmarescaux, et ainsi libellé :

I. -  Au début du second alinéa du I de l'amendement n° 1171, remplacer les mots :

« L'aide à la prise des médicaments peut, à ce titre, être assurée

par les mots :

« La préparation des médicaments est assurée par les médecins, les pharmaciens et les personnels infirmiers ; le portage et l'aide à la prise de médicaments peuvent, à ce titre, être assurés

II. - Rédiger comme suit le II de l'amendement n° 1171 :

II. - Dans le dernier alinéa du même texte, remplacer les mots :

de la distribution

par les mots :

du portage

Mes chers collègues, treize amendements, y compris l’amendement n° 1171, et un sous-amendement restent à examiner sur l’article 28 : soit nous arrêtons nos travaux à zéro heure trente et nous renvoyons à demain matin, neuf heures trente, la discussion de ces amendements et du sous-amendement ; soit nous achevons l’examen de l’article 28, mais, dans ce cas, je compte sur votre concision pour que nous puissions lever la séance à une heure raisonnable, c’est-à-dire vers une heure du matin. (La plupart des sénateurs manifestent leur préférence pour la première option.)

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Je préférerais que nous terminions ce soir l’examen de l’article 28, car demain est prévue la présentation du bilan du plan « Autisme ». Mais je me plierai au choix du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, voilà bientôt trois semaines que nous siégeons presque sans discontinuer pour examiner ce texte. Auparavant, nous avons eu une semaine de débats en commission, soit cinq jours et quatre nuits.

Je ne vous fais aucun reproche, monsieur le président, mais si les présidents se relaient, ce qui est tout à fait normal, pour notre part, nous sommes présents depuis le début de la discussion de ce texte et nous terminons tous les soirs entre zéro heure trente et une heure trente du matin ; nous avons même terminé une fois à plus de trois heures du matin en commission. La fatigue commence donc à se faire sentir.

Que le Gouvernement ait des contraintes s’agissant de son emploi du temps, je veux bien l’admettre. Mais il faudra, une fois pour toutes, qu’il tire les enseignements de la réforme constitutionnelle. Le Gouvernement ne peut pas continuer à nous faire travailler comme si de rien n’était !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. J’ai dit que je me plierai au choix du Sénat !

M. Alain Vasselle. C’est la troisième fois que j’interviens sur nos conditions de travail ! En ce qui me concerne, monsieur le président, je quitterai l’hémicycle à zéro heure trente. Et vous terminerez la séance avec ceux qui resteront ! (Applaudissements sur la plupart des travées.)

M. le président. Monsieur Vasselle, j’ai simplement souhaité vous consulter. Peu m’importe, personnellement, l’heure à laquelle nous terminerons : je suis là ce soir et j’aurai l’immense privilège de vous retrouver demain matin.

Cela étant, j’ai le sentiment que le débat sur ce sous-amendement me conduira sans doute à lever la séance après l’examen de celui-ci.

Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1354 ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Madame Desmarescaux, j’émets un avis favorable sur votre sous-amendement à condition que vous acceptiez de le modifier en ajoutant, après les mots : « la prise de médicaments », les mots : « dès lors qu’ils sont conditionnés en doses à administrer dans le respect de la posologie prévue et à l’exception des doses injectables ».

M. Alain Milon, rapporteur. C’est effectivement plus que nécessaire !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Cela permettrait de sécuriser le processus.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Dans ce domaine, des procédures doivent être respectées : on ne peut pas faire n’importe quoi !

La préparation des médicaments en établissement est assurée par des personnels infirmiers et non pas par Pierre, Paul au Jacques ! Sur ce point, je suis d’accord avec Mme  Desmarescaux.

Par ailleurs, les médicaments sont distribués – le terme « portage » évoque plutôt la nourriture – par ce même type de personnels, éventuellement par des aides-soignantes, qui vérifient leur prise correcte.

Vous le savez, la plupart des personnes âgées reconnaissent les médicaments par leur couleur. Elles risquent par ailleurs de ne pas prendre la bonne dose. Il serait dangereux d’être laxiste !

Je ne parle pas des médicaments injectables, qui doivent être administrés par les infirmières. À cet égard, je n’ai pas bien compris votre proposition, madame la secrétaire d’État.

En milieu hospitalier, seuls les personnels de santé paramédicaux, infirmières et aides-soignantes, peuvent distribuer et vérifier la prise de médicaments. Sinon, on s’expose à des catastrophes ; malheureusement, cela s’est déjà produit.

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, pour explication de vote.

M. Gérard Dériot. Je suis parfaitement d’accord avec les propos de M. Cazeau et les explications de Mme Desmarescaux.

La mise en pilulier des médicaments est réalisée par l’infirmière. Mme Desmarescaux a parlé de « portage » parce que personne ne trouve le mot approprié, le terme « distribution » ne convenant pas. Il s’agit tout simplement du « portage » des médicaments de la pharmacie de l’établissement jusque dans la chambre de patient par l’aide-soignante. L’aide à la prise de médicament est également assurée par l’aide soignante.

Dans le cas d’une personne restée à son domicile, le plus souvent, c’est son aide-ménagère qui l’aide à prendre ses médicaments. À l’intérieur de l’établissement, les choses se déroulent de la même manière : l’infirmière prépare les piluliers, et, avec ou sans l’aide-soignante, les distribue dans chaque chambre. Ensuite, c’est l’aide-soignante qui aide à la prise des médicaments. Cela me paraît logique !

M. Gilbert Barbier. Et le « portage » ?

M. Gérard Dériot. Ce mot désigne tout simplement le trajet depuis la pharmacie de l’établissement jusqu’à la chambre du patient. On pourrait utiliser le terme « distribution »….

C’est pourquoi il me paraît nécessaire de soutenir le sous-amendement de Mme Desmarescaux.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Le mot « portage » est ambigu et n’apporte rien. L’expression « l’aide à la prise de médicaments » recouvre le transport des médicaments depuis la pharmacie de l’établissement, où il est procédé à leur mise en pilulier, jusqu’à la chambre.

Je suggère à Mme Desmarescaux de supprimer le terme « portage ». L’expression « l’aide à la prise » signifie que la personne ne va pas à l’infirmerie pour chercher ses médicaments ; on les lui apporte dans sa chambre.

Sous cette réserve, ce sous-amendement peut être adopté.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Je comprends que le mot « portage » ne vous convienne pas, mais le terme « distribution » n’est pas davantage adapté ; j’en ai d’ailleurs parlé avec certains de mes collègues, dont vous-même, monsieur Barbier.

Ce que je souhaite, c’est assurer la sécurité de la distribution. Or en supprimant le mot « portage » – ou le mot « distribution » ; je ne sais pas lequel employer – nous risquons de retirer au personnel soignant la capacité d’amener les médicaments depuis la salle de garde où ils se trouvent jusqu’à la personne âgée qui les prend. L’aide à la prise consiste à donner le médicament.

Le transport des médicaments depuis la salle de garde ou la pharmacie de l’établissement doit pouvoir être assuré par une infirmière ou une aide-soignante qui, ensuite, distribue les médicaments dans les actes de la vie courante.

D’ailleurs, sur ce point, je n’ai pas été laxiste, monsieur Cazeau : j’ai indiqué que la préparation des médicaments était assurée par le personnel infirmier. Il s’agit non pas de laisser le pilulier à disposition dans la chambre, mais de donner à la personne âgée ou à la personne handicapée le médicament qu’elle doit prendre.

Concernant la suggestion de Mme la secrétaire d’État, je suis d’accord avec la précision portant sur les injections. C’est en effet une question d’éthique. Quant à la première partie de sa proposition, elle ne me convainc pas : cela impliquerait que les médicaments soient mis dans des boîtes très spéciales.

M. Gérard Dériot. Des piluliers !

M. le président. Mes chers collègues, je vous propose de lever la séance, afin de laisser à Mme la secrétaire d’État et à Mme Desmarescaux le temps de se mettre d’accord sur un texte. Je ne sais pas s’il est important que figurent dans la loi des termes comme « doses injectables » : celle-ci a pour rôle d’énoncer les grands principes !

L’examen de l’amendement n°1171 et du sous-amendement n°1354 se poursuivra demain matin. D’ici là, avec l’aide de la commission des affaires sociales et des collaborateurs de Mme la secrétaire d’État, vous réussirez peut-être à trouver une rédaction qui aurait fait l’admiration de Portalis.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 28 (Texte modifié par la commission) (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires
Discussion générale

7

Dépôt d'un projet de loi

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à l’assistance et à la coopération en matière de protection et de sécurité civiles dans les situations d’urgence.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 438, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant le programme européen d’observation de la Terre (GMES) et sa mise en œuvre initiale (2011–2013) (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4486 ;

- Proposition de décision du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil, concernant la signature et l’application provisoire de l’accord de transport aérien entre les États Unis d’Amérique, premièrement, la Communauté européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement; et concernant la signature et l’application provisoire de l’accord annexe entre la Communauté européenne et ses États membres, premièrement, l’Islande, deuxièmement, et le Royaume de Norvège, troisièmement, concernant l’application de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, la Communauté européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4487 ;

- Proposition de Décision du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil, concernant la conclusion de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, la Communauté européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement; et concernant la conclusion de l’accord annexe entre la Communauté européenne et ses États membres, premièrement, l’Islande, deuxièmement, et le Royaume de Norvège, troisièmement, concernant l’application de l’accord de transport aérien entre les États-Unis d’Amérique, premièrement, la Communauté européenne et ses États membres, deuxièmement, l’Islande, troisièmement, et le Royaume de Norvège, quatrièmement ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4488 ;

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1212/2005 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certaines pièces en fonte originaires de la République populaire de Chine ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4489.

9

Dépôt de rapports

M. le président. J’ai reçu de M. Jean Arthuis un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la proposition de loi de MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel, Mme Michèle André, MM. Alain Anziani, David Assouline, Bertrand Auban, Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, M. Didier Boulaud, Mmes Bernadette Bourzai, Claire-Lise Campion, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Yves Daudigny, Jean Pierre Demerliat, Mmes Christiane Demontès, Josette Durrieu, MM. Bernard Frimat, Charles Gautier, Didier Guillaume, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Claude Jeannerot, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Jacky Le Menn, Mme Claudine Lepage, MM. François Marc, Marc Massion, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Robert Navarro, François Patriat, Bernard Piras, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Daniel Reiner, Roland Ries, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Jean-Marc Todeschini, Mme Dominique Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records (n° 363, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 437 et distribué.

J’ai reçu de Mme Annie David un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur sa proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (E-4021) (n° 340, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 439 et distribué.

J’ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (n° 288, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 442 et distribué.

J’ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires (n° 424, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 444 et distribué.

10

Dépôt de textes de commissions

M. le président. J’ai reçu le texte de la commission des affaires sociales sur la proposition de résolution européenne de Mme Annie David, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (E-4021) (n° 340, 2008-2009).

Le texte sera imprimé sous le n° 440 et distribué.

J’ai reçu le texte de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (n° 288, 2008-2009).

Le texte sera imprimé sous le n° 443 et distribué.

J’ai reçu le texte de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires (n° 424, 2008-2009).

Le texte sera imprimé sous le n° 445 et distribué.

11

Dépôt d'un rapport d'information

M. le président. J’ai reçu de M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie escoffier un rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale par le groupe de travail relatif au respect de la vie privée à l’heure des mémoires numériques.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 441 et distribué.

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, Jeudi 28 mai 2009 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008-2009).

Rapport de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 380, 2008 2009).

Texte de la commission (n° 381, 2008-2009).

À quinze heures et le soir :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 28 mai 2009, à onze heures.

3. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 28 mai 2009, à zéro heure trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD