M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet argument n’est pas acceptable !

M. Nicolas About. Est-il scandaleux de souhaiter que soient punis seulement d’une amende ceux qui commettent des erreurs légères, sans risques pour les tiers, quand d’autres sont tout juste réprimandés, ou ne sont pas même mis en cause, pour avoir, après une instruction bâclée, envoyé des innocents pendant des années en prison, les poussant ainsi au suicide ?

Je serai très attentif, avec le groupe auquel j’appartiens, au traitement qui nous sera réservé. Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie au fond de la proposition de loi n° 378 rectifiée bis, tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire, présentée par notre collègue Nicolas About.

Déposée le 10 juin 2008, cette proposition de loi tend, en particulier, à supprimer le retrait de points en cas d’excès de vitesse inférieurs à 5 kilomètres par heure. J’ai procédé à de très nombreuses auditions et tous les points de vue ont été écoutés.

À titre liminaire, je tiens à souligner le caractère extrêmement sensible de la politique de sécurité routière. L’expérience montre que, dans ce domaine plus que dans d’autres, une mesure annoncée commence à produire des effets avant même qu’elle soit devenue effective. C’est donc avec la plus grande prudence que je me suis attachée à examiner cette proposition de loi.

Ce texte présente le mérite important de nous forcer à nous interroger sur l’acceptabilité de la politique menée depuis 2002. Répressive, cette politique a mis fin au sentiment d’impunité de nombreux conducteurs, résultant principalement de la faible probabilité d’être contrôlé. Depuis lors, la quasi-certitude d’être sanctionné et le rôle du permis à points ont provoqué une rupture dans le comportement des usagers. Cette sévérité nouvelle s’est traduite par une hausse très importante du nombre de permis invalidés pour défaut de points, avec les conséquences professionnelles imaginables lorsque le permis est un outil de travail indispensable.

Pour autant, doit-on prendre le risque de remettre en cause les succès obtenus depuis 2002 en assouplissant les règles de retrait de points ? Les solutions avancées par la proposition de loi résoudraient-elles les problèmes soulevés ?

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Ce sont les questions délicates auxquelles nous devons répondre.

Permettez-moi de rappeler brièvement les succès obtenus.

Entre 2002 et 2008, les progrès de la sécurité routière ont permis d’épargner 12 741 vies et 157 000 blessés. Cela correspond à une baisse de 44 % du nombre de tués.

Ces progrès rapides ont rapproché la France du peloton de tête des pays européens. Mais il ne s’agit que d’une étape. Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux de moins de 3 000 morts en 2012 ; je rappelle que le nombre des morts a été de 4 620 en 2007 et 4 274 en 2008.

La rupture de 2002 ne peut véritablement s’expliquer que par le renforcement de la répression des infractions routières. Les autres facteurs ont certes leur part dans la baisse tendancielle observée depuis trente ans. Toutefois, aucune révolution technologique ou de quelque autre nature n’a pu démultiplier soudainement leur incidence sur la sécurité routière. (M. Nicolas About s’exclame.)

C’est bien le permis à points qui est au cœur de cette stratégie de responsabilisation des conducteurs.

Je ne rappellerai pas l’histoire et le fonctionnement du permis à points, si ce n’est pour dire que c’est avant tout un outil pédagogique et préventif. Il n’y a pas à proprement parler de sanction tant que le solde de points est supérieur à zéro. Le but est de responsabiliser de façon mesurée et progressive le comportement des conducteurs qui transgressent les règles de la route à plusieurs reprises. L’invalidité du permis ne sanctionne jamais une infraction, elle sanctionne une répétition d’infractions plus ou moins graves commises dans un laps de temps relativement court.

La perte de points constitue, en fait, une alerte qui doit amener le conducteur à prendre conscience de la nécessité d’une conduite raisonnable.

La stratégie développée depuis 2002 a consisté à agir sur le comportement de tous les conducteurs, et non uniquement sur celui des conducteurs les plus dangereux.

En 2002, la vitesse était la première cause de mortalité sur les routes. L’action s’est donc portée spécialement sur ces infractions.

En 2007, la contravention à la vitesse est devenue la première contravention constatée, devant le stationnement, avec près de neuf millions d’infractions. Les excès de vitesse représentent désormais 80 % des infractions entraînant un retrait de points.

Cette répression renforcée a produit immédiatement des effets. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a baissé de 8 kilomètres à l’heure environ, passant de 89,5 kilomètres à l’heure à 81,6 kilomètres à l’heure, tous réseaux confondus.

Qu’en est-il de l’acceptabilité sociale de la politique de sécurité routière ? Est-elle menacée ?

La multiplication des contrôles et la sévérité des sanctions pénales ou administratives ne sont tolérables pour les usagers de la route, c’est-à-dire la quasi-totalité de la population, qu’à la condition de préserver les vertus pédagogiques et préventives du permis à points.

Le permis à points ne doit pas être perçu comme un compte à rebours inéluctable se traduisant inexorablement, à plus ou moins brève échéance, par la perte de la totalité des points.

Je ne détaillerai pas les différents modes de récupération des points que définit le code de la route. Je rappelle simplement qu’à la suite du comité interministériel de sécurité routière du 8 novembre 2006, plusieurs dispositions nouvelles ont été adoptées dont la mesure dite « un point-un an ».

J’en viens à l’examen par la commission de chacun des articles.

La proposition de loi tend à corriger les excès et les effets pervers du système de permis à points et à réorienter la politique de sécurité routière vers des facteurs de risque insuffisamment pris en compte jusqu’à présent. Elle se compose de sept articles modifiant soit le code de la route, soit le code des assurances.

La principale disposition de cette proposition de loi figure à l’article 1er, qui a pour objet de supprimer le retrait de points en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 kilomètres à l'heure.

En droit positif, les plus petits excès de vitesse - moins de 20 kilomètres à l'heure - sont punis d’une amende et donnent lieu de plein droit au retrait d’un point.

La législation ne fait donc aucune distinction entre un excès de vitesse de 19 kilomètres à l’heure et celui de 1 kilomètre à l'heure.

M. Nicolas About. C’est complètement fou !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Le présent article introduirait au contraire une différenciation entre, d’une part, les excès de vitesse compris entre 1 kilomètre à l'heure et 4 kilomètres à l'heure et, d’autre part, ceux qui sont compris entre 5 et 19 kilomètres à l'heure. Les premiers ne seraient plus sanctionnés que d’une amende.

M. Nicolas About. Tout à fait !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. De nombreux arguments ont conduit la commission à ne pas adopter cet article.

Les experts admettent communément qu’une baisse de 1 kilomètre à l'heure de la vitesse moyenne se traduit par une diminution de 4 % du nombre de tués. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a ainsi baissé de 8 kilomètres à l'heure, tandis que le nombre de tués diminuait de 40 % et celui des blessés de 25 %.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Ce sont les changements d’ensemble des comportements sur la route qui permettent d’obtenir des progrès durables.

Or, en matière de répression des contraventions routières, l’expérience montre que l’amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points. La suppression du retrait de points en cas d’excès de vitesse de moins de 5 kilomètres à l'heure pourrait dès lors être interprétée comme une quasi-dépénalisation. De fait, les vitesses maximales autorisées seraient relevées de 5 kilomètres à l'heure.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ou de 10 % au-dessus de 100 kilomètres à l’heure !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cette différence de 5 kilomètres à l'heure est loin d’être anodine. Ne la sous-estimons pas ! Ajoutée à la marge technique,…

M. Nicolas About. La marge d’erreur !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. … elle aurait pour effet que les excès de vitesse ne seraient sanctionnés d’un retrait de points qu’en cas de dépassement de 10 kilomètres à l'heure.

M. Nicolas About. Non, c’est une marge d’erreur, pas une marge technique !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. En ville, sur sol sec, un véhicule roulant à 60 kilomètres à l'heure a besoin de neuf mètres supplémentaires pour s’arrêter rapidement par rapport à un véhicule circulant à 50 kilomètres à l'heure. De même, un piéton renversé à 50 kilomètres à l'heure peut encore avoir une chance de s’en sortir, alors qu’à 60 kilomètres à l'heure ses chances sont quasiment nulles.

En outre, cette disposition n’apparaît pas justifiée.

Selon un premier argument avancé dans la proposition de loi, de nombreux permis seraient invalidés par une succession de petits excès de vitesse.

M. Nicolas About. Pas seulement !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cette répression serait excessive compte tenu de la dangerosité réelle de ces dépassements, d’un côté, et des conséquences sociales et économiques d’un retrait de permis, de l’autre.

En réalité, le cas de figure évoqué est extrêmement marginal. La proportion de permis invalidés à la suite d’infractions ne donnant lieu qu’à des retraits de 1 ou 2 points est égale à 0,12 %,…

M. Nicolas About. Avec les infractions pour défaut de port de la ceinture de sécurité !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. … soit une centaine de personnes, et dix-sept permis ont été invalidés consécutivement à douze retraits d’un point en 2008.

M. Nicolas About. C’est incroyable !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Selon le rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’ONISR, pour 2007, l’analyse des permis invalidés entre 2004 et 2006 fait apparaître que seulement 15 % des points retirés résultent d’infractions liées à la vitesse. Cela signifie qu’une proportion encore plus faible est due à des excès de vitesse de moins de 20 kilomètres à l'heure et a fortiori de moins de 5 kilomètres à l'heure.

Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière, a indiqué que la moitié des permis invalidés l’était à la suite d’une infraction donnant lieu à un retrait de six points correspondant aux infractions les plus graves.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Un deuxième argument avancé serait que de nombreux conducteurs ne seraient pas conscients – n’en ayant parfois pas été informés - que leur permis a été invalidé, en particulier lorsque cette décision survient à la suite d’infractions bénignes qui ne sont pas de nature à créer une prise de conscience de la gravité des conséquences.

Si je conçois que nombre de retraits de points qui devraient être notifiés par lettre simple ne le sont pas, en revanche, il est plus discutable d’imaginer que de nombreux conducteurs puissent ignorer que leur permis a perdu sa validité.

En cas de perte de la totalité des points, le titulaire se voit notifier cette situation ainsi que l’obligation de restituer son permis à la préfecture par lettre recommandée avec accusé de réception. Si l’adresse n’est pas la bonne, la lettre n’est pas notifiée et donc le permis continue d’être valide. La préfecture enclenche alors des recherches pour retrouver la bonne adresse. Le permis n’est invalidé qu’à compter de la notification.

Outre la notification par lettre recommandée, il faut rappeler l’envoi d’un avertissement lorsque le solde est égal ou inférieur à six points. Cet avertissement – 600 000 recommandés ont été envoyés en 2008 - rappelle la possibilité de récupérer quatre points en suivant un stage de sensibilisation à la sécurité routière. (M. Nicolas About s’exclame.) Pourtant, seulement 20 % des personnes ayant vu leur permis invalidé ont effectué au moins une fois ce stage.

J’ajoute que le retrait de points est toujours la conséquence d’une infraction.

M. Nicolas About. Ce n’est pas une infraction !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Or un contrevenant est toujours informé qu’il a commis une infraction au code de la route. On ne paie pas une amende à son insu. Vous conviendrez, dès lors, avec moi que l’ignorance complète en toute bonne foi de plusieurs retraits de points soit difficilement concevable.

M. Nicolas About. Personne n’a dit cela !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Un dernier argument serait celui de la conduite sans permis ou sans assurance.

En premier lieu, il faut rappeler que le fait de conduire sans permis ne signifie pas que le véhicule ne soit plus assuré.

M. Nicolas About. Personne ne dit le contraire !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. On peut assurer son véhicule même si l’on n’est pas titulaire du permis de conduire. Les dommages aux tiers restent pris en charge par l’assureur, et non par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, le FGAO, qui n’intervient qu’en cas de défaut d’assurance ou de véhicule inconnu.

En second lieu, le nombre de conducteurs sans permis impliqués dans les accidents corporels est resté stable en 2006 et 2007, bien en dessous du niveau de l’année 2002.

Les chiffres parfois évoqués de 1 ou 2 millions de conducteurs sans permis sont invérifiables. Le seul chiffre fiable est celui des infractions constatées. Entre 2003 et 2007, les condamnations pour conduite sans permis ont doublé. Ces résultats ne sont pas nécessairement la conséquence de la hausse des permis invalidés.

Les contrôles se sont renforcés et, selon M. Patrice Chazal, chef du service du fichier national des permis de conduire au ministère de l’intérieur, 90 % des personnes conduisant sans permis ne l’ont jamais obtenu.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Eh oui !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Enfin, il faut souligner qu’un nouvel équilibre entre les retraits et les récupérations de points est en passe de s’établir.

La mise en œuvre de la politique de sécurité routière en 2002 et 2003 s’est immédiatement traduite par une hausse exponentielle des retraits de points et, par voie de conséquence, des permis invalidés. Entre 2002 et 2007, le nombre total de points retirés chaque année est passé de 3,1 millions à 9,5 millions.

Dans le même temps, le nombre de permis invalidés chaque année a été multiplié par six, passant de 13 601 à 88 698.

Si cette tendance à la hausse se poursuivait, le système mis en place en 2002 ne serait pas soutenable.

Mais on observe précisément un rééquilibrage qui semble démontrer l’efficacité et les vertus du permis à points.

En 2008, le nombre de permis invalidés a continué à progresser mais dans des proportions moins impressionnantes. En revanche, on observe une première baisse du nombre total de points retirés.

Parallèlement, le nombre de points récupérés a très fortement augmenté.

Logiquement, la règle dite des trois ans, qui permet de récupérer la totalité de ses points en l’absence d’infractions pendant cette période, commence seulement à produire ses effets différés. Alors qu’en 2005 moins de 600 000 conducteurs en avaient bénéficié, en 2007, 1 430 000 conducteurs récupéraient la totalité de leurs points. En 2008, ce nombre a encore augmenté, avec près de 1 800 000 bénéficiaires.

La mesure dite « un point-un an » commence également à produire ses effets. En vigueur depuis le 1er janvier 2007, elle s’est traduite par la restitution de 2,5 millions de points en 2008. Ce nombre doit être rapporté aux 3,9 millions d’infractions constatées en 2008 et donnant lieu à un retrait d’un point.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. L’effet de ciseaux constaté entre 2002 et 2007 est donc très probablement en cours de résorption.

Pour ces raisons, il n’apparaît pas opportun de modifier profondément les règles du permis à points, alors que les récentes réformes commencent seulement à produire leurs effets. Une première évaluation de celles-ci est indispensable avant d’envisager d’autres ajustements. En conséquence, la commission n’a pas adopté l’article 1er.

La proposition de loi tend également à supprimer le retrait de points en cas de défaut de port de la ceinture de sécurité par le conducteur.

Actuellement, le code de la route impose à tout conducteur ou passager le port de la ceinture de sécurité, sauf quelques exceptions limitativement énumérées. Le défaut de port de la ceinture de sécurité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 135 euros s’agissant d’une amende forfaitaire, et donne lieu de plein droit à un retrait de trois points.

La commission des lois est opposée à la suppression proposée.

En effet, le port de la ceinture s’avère indispensable à la sécurité routière ; 20 % des conducteurs non ceinturés impliqués dans un accident corporel ont été tués, alors que moins de 2 % des conducteurs ceinturés ont péri.

En outre, la société a un intérêt propre à imposer le port de la ceinture. Le conducteur ou le passager qui ne met pas sa ceinture prend le risque de faire peser sur la société une charge financière plus importante en cas d’accident, notamment en termes de frais médicaux et de prise en charge du handicap.

Il est donc cohérent de maintenir le retrait de points pour les conducteurs en infraction.

Il est vrai toutefois qu’un retrait de trois points est peut-être excessif ; en retirer un ou deux pourrait suffire. La définition du barème relevant du domaine réglementaire, nous pourrions suggérer au Gouvernement de s’engager à étudier cette proposition.

Quant à l’article 3 de la proposition de loi, il a pour objet d’aligner la vitesse de nuit sur la vitesse par temps de pluie.

Le code de la route ne fait aucune différence entre la conduite de jour et celle de nuit. Seules les conditions atmosphériques sont prises en compte. Soulignant les risques particuliers de la conduite de nuit, la proposition de loi tend à différencier les vitesses de nuit, en les alignant sur celles qui sont prévues par temps de pluie ou en cas de brouillard.

L’exposé des motifs fait état des statistiques de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière : 45 % des tués et 31 % des blessés sur la route seraient constatés la nuit, alors que le trafic de nuit ne représente que 10 % du trafic total. Simultanément, l’Observatoire relève que les vitesses moyennes pratiquées la nuit ainsi que les taux de dépassement des vitesses maximales sont globalement supérieurs à ceux qui sont constatés de jour.

D’autres arguments plaident, cependant, en faveur du maintien des vitesses actuelles.

Tout d’abord, des facteurs propres à la circulation de nuit expliquent cette surmortalité. L’alcool est devenu le premier facteur d’accidents devant la vitesse au cours des dernières années. La proportion des accidents mortels avec alcool s’élève à 29 %. L’alcool est ainsi devenu un facteur prépondérant, a fortiori la nuit. En effet, sur ces 29 % d’accidents mortels avec alcool, 70 % surviennent la nuit.

Par ailleurs, plusieurs personnes auditionnées ont craint qu’une baisse des vitesses de nuit n’aboutisse en réalité à décrédibiliser la politique de sécurité routière. Lorsque le trafic est très faible, voire nul, comment justifier une baisse de la vitesse alors même que la visibilité est souvent très bonne de nuit ?

Il faut aussi rappeler que les résultats obtenus depuis 2002 l’ont été sans que les vitesses maximales autorisées aient été réduites. L’effort a porté exclusivement sur leur respect effectif.

Enfin, ces dispositions relèvent du domaine réglementaire.

Pour toutes ces raisons, la commission n’a pas adopté l’article 3.

Les articles 4 à 7 de la proposition de loi sont relatifs à la conduite sans assurance. Ils tendent à compléter les sanctions encourues en pareil cas, en prévoyant, à l’article 4, un retrait de points et, à l’article 5, une peine complémentaire de vente du véhicule au profit du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

L’article 6 prévoit que les contrats d’assurance responsabilité civile continuent à produire leurs effets jusqu’à l’échéance normale du contrat lorsque l’assuré a perdu la totalité des points de son permis de conduire.

Enfin, de manière à supprimer le risque de voir des conducteurs titulaires d’un permis invalidé continuer à circuler en toute bonne foi faute d’avoir été dûment informés, l’article 7 tend à instaurer l’obligation pour chaque assuré, lors de la conclusion ou du renouvellement d’un contrat d’assurance automobile, de fournir à l’assureur un certificat de détention du permis de conduire de moins d’un mois. Ce certificat serait délivré par la préfecture de son lieu de résidence.

Aucun de ces articles n’a été adopté par la commission. Ils révèlent, à l’évidence, un malentendu sur la nature de l’obligation d’assurance en France. En effet, je le rappelle, l’assurance porte non pas sur le conducteur, mais sur le véhicule. Il en résulte que ces articles sont, pour l’essentiel, sans objet.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a décidé de ne pas établir de texte, de sorte que, en application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique porte sur le texte même de la proposition de loi.

En effet, la commission a jugé prématuré de modifier les équilibres du permis à points au moment même où les aménagements apportés à ce permis en 2006 et en 2007 commencent à corriger les excès répressifs sans affaiblir les vertus pédagogiques du système.

Pour autant, ces conclusions ne signifient pas que le système soit parfait. Aussi, permettez-moi d’émettre quelques recommandations.

La commission a déploré, en particulier, les incohérences de la signalisation routière,…

M. Roland du Luart. C’est tout à fait vrai !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. … notamment les variations de vitesse maximale multiples, soudaines et erratiques (Applaudissements sur les travées de lUMP) qui rendent difficile la connaissance de la vitesse autorisée et donnent le sentiment aux usagers de la route d’avoir été piégés.

Les comités des usagers de la route auprès des préfectures devraient s’approprier cette problématique et proposer des réajustements à mettre en œuvre par l’État, le département ou la commune en fonction du classement des routes concernées par de telles incohérences.

L’impunité des conducteurs étrangers reste également un point en souffrance.

Certes, l’application de la directive européenne facilitant l’application transfrontalière de la législation dans le domaine de la sécurité serait une solution.

Or, il apparaît que le recours à une directive, instrument juridique du premier pilier, ne serait pas approprié à une transposition nationale, une décision-cadre relevant du troisième pilier étant plus adéquate.

Il résulte de cette analyse un blocage juridique momentané.

Dans ces conditions, je l’affirme, le recours à des accords bilatéraux demeure, pour l’instant, la solution la plus effective.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. C’est exact.

Mme Catherine Troendle, rapporteur. J’en veux pour preuve l’accord bilatéral signé entre la France et la Suisse, qui permet l’échange d’informations automatique sur les dossiers des fautifs, via une plateforme de recherche en ligne. Ce qui est possible avec la Suisse doit l’être avec tous les pays ayant des frontières communes avec la France.

M. Nicolas About. Très bien !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Depuis le 1er janvier 2008, tout nouveau permis est assorti de six points. En l’absence d’infraction, ces permis sont crédités de deux points supplémentaires chaque année. Les douze points sont acquis au bout de trois ans.

Auparavant, les nouveaux permis étaient assortis de six points au départ, et ce n’était qu’au terme de trois ans sans infraction que les douze points étaient acquis.

Il s’avère que la date d’application du nouveau dispositif, le 1er janvier 2008, crée une inégalité. La personne qui a passé son permis antérieurement à cette date ne peut en bénéficier : elle devra fatalement attendre trois ans pour récupérer en une seule fois les six points complémentaires, alors que, en attendant, les nouveaux permis bénéficient d’un système de points plus avantageux.

Une rétroactivité du nouveau dispositif ne serait-elle pas envisageable, afin de lever cette inégalité de traitement ? Ne pourrait-on pas ainsi la concevoir, par exemple, à compter du 1er janvier 2007 ?

M. Roland du Luart. Ce serait le minimum.

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Enfin, en tant que rapporteur, j’appelle également de mes vœux la constitution, par le Gouvernement, d’un groupe de travail pour réfléchir à une réforme du contentieux du permis de conduire, qui connaît aujourd’hui trop de dérives. Il en découle un réel encombrement des juridictions, une inefficacité de la politique de lutte contre la violence routière…

M. Nicolas About. C’est ce que j’ai dit !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. … et une profonde inégalité, tous les conducteurs ne pouvant pas s’offrir les services d’un avocat spécialisé.

M. Roland du Luart. Cela justifie cette proposition de loi !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Ce groupe de travail serait donc particulièrement bienvenu. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Nicolas About applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, personne ne peut nier les résultats obtenus depuis quelques années dans le domaine de la sécurité routière grâce au développement des contrôles de vitesse, notamment depuis l’installation de radars automatiques le long des routes.

Mais personne ne peut non plus contester le caractère aveugle d’un système dont on ne peut pas dire qu’il soit toujours très équitable.

Je vais vous en donner quelques exemples, comme d’autres intervenants l’ont fait, notamment l’auteur de la proposition de loi.

Le système vous paraît-il équitable lorsqu’il sanctionne de la même manière un conducteur qui dépasse la limitation de vitesse de 2 kilomètres par heure et celui qui la dépasse de 19 ? Il est pourtant évident que les conséquences en cas d’accident ne sont pas les mêmes. Mme Troendle le reconnaît d’ailleurs dans son rapport. (M. le président de la commission des lois opine.)

Le système vous paraît-il équitable quand on sait qu’un conducteur fautif qui a les moyens de s’offrir les services d’un avocat peut toujours faire valoir qu’on lui a retiré, à tort, un point sur son permis parce que ce n’est pas lui qui conduisait, ou obtenir, si cela est absolument nécessaire pour l’exercice de son activité professionnelle, de pouvoir continuer à rouler, malgré la disparition du permis blanc, alors que le conducteur qui n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat n’aura pas d’autre choix que de perdre des points ?

Le système vous paraît-il équitable quand il frappe de la même manière un conducteur qui n’a pas besoin de son permis pour travailler et celui qui en a absolument besoin et dont l’annulation du permis, ou simplement la perte de quelques points, va entraîner le licenciement ? Je ne sais pas si vous le savez, mes chers collègues, mais, pour certaines professions, il est écrit noir sur blanc dans le contrat de travail que la perte d’un certain nombre de points, pas forcément de la totalité, est un motif de licenciement.