Sommaire

Présidence de Mme Catherine Tasca

Secrétaires :

Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Sylvie Desmarescaux.

1. Procès-verbal

2. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Article additionnel avant le chapitre Ier

Amendement n° 70 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ; Jean-Pierre Michel, Michel Charasse. – Rejet.

Intitulé du chapitre Ier

Amendement n° 1 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Richard Yung, Jean-Pierre Michel. – Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Article 1er

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Louis Mermaz, Jean-Pierre Sueur, le secrétaire d'État, Michel Charasse.

Amendement no 71 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Pierre Fauchon, Bernard Frimat. – Rejet.

Amendement no 2 de la commission et sous-amendements nos 194 à 200 de M. Bernard Frimat, 28 rectifié bis de M. Michel Charasse, 47 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 140 à 145 de M. Bernard Frimat et 27 rectifié de M. Michel Charasse. – MM. le rapporteur, Claude Bérit-Débat, Jean-Pierre Michel, Bernard Frimat, Jean-Pierre Sueur, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Pierre Bel, Richard Yung, Michel Charasse, le secrétaire d'État, Pierre Fauchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Yves Détraigne, Mme Nathalie Goulet, M. Henri de Raincourt. – Retrait de l’amendement no 27 rectifié et du sous-amendement no 47 ; rejet des sous-amendements nos 194 à 197, 199 et 200 ; adoption des sous-amendements nos 198 rectifié, 28 rectifié bis et de l'amendement no 2 modifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Suspension et reprise de la séance

Article 2

Amendement no 72 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no 73 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Pierre Fauchon. – Rejet.

Amendement no 147 rectifié de M. Bernard Frimat ; amendements identiques nos 48 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 146 de M. Bernard Frimat. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Claude Bérit-Débat, le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Frimat, Michel Charasse, Pierre Fauchon, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des trois amendements.

Amendements nos 148 de M. Bernard Frimat, 3 rectifié bis de la commission et sous-amendements nos 57 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 201 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le secrétaire d'État, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Charasse, Mme Nathalie Goulet, M. Pierre Fauchon. – Retrait de l’amendement no 148 et des deux sous-amendements ; adoption de l’amendement no 3 rectifié bis.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

M. Jean-Pierre Michel.

Amendements identiques nos 74 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 149 de M. Bernard Frimat. – Mme Éliane Assassi, MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 75, 76 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 4 de la commission et sous-amendements nos 59, 58 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 202 à 205 de M. Bernard Frimat et 30 rectifié bis de M. Michel Charasse ; amendements nos 150 à 154 de M. Bernard Frimat, 78 à 81 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 29 rectifié de M. Michel Charasse. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Yannick Bodin, Bernard Frimat, Richard Yung, Mme Éliane Assassi, MM. Michel Charasse, le secrétaire d'État, Pierre Fauchon, Mme Nathalie Goulet. – Retrait des amendements nos 150 et 29 rectifié ; rejet des amendements nos 75, 76 et des sous-amendements nos 59, 202 à 205 et 58 ; adoption du sous-amendement no 30 rectifié bis et de l'amendement no 4 modifié rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 3 bis 

M. Michel Charasse.

Amendements identiques nos 82 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 155 de M. Bernard Frimat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nathalie Goulet. – Rejet des deux amendements.

Amendement no 49 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement no 83 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no 156 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 4

Amendement no 84 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no 85 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no 87 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 88 rectifié et 157 rectifié de M. Bernard Frimat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Charasse. – Rejet de l’amendement no 87 ; adoption des amendements nos 88 rectifié et 157 rectifié.

Amendement no 86 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendements nos 158 de M. Bernard Frimat et 5 de la commission. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le secrétaire d'État, Michel Charasse, Mme Nathalie Goulet. – Rejet de l’amendement no 158 ; adoption de l’amendement no 5.

Amendements nos 159 de M. Bernard Frimat et 31 rectifié de M. Michel Charasse. – MM. Louis Mermaz, Michel Charasse, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement no 159 ; adoption de l’amendement no 31 rectifié.

M. Louis Mermaz.

Adoption de l'article modifié.

Article 5

Amendement no 89 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.

Amendement no 6 de la commission et sous-amendement no 215 de M. Michel Charasse ; amendements nos 90, 94 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 160 de M. Bernard Frimat. – MM. le rapporteur, Michel Charasse, Jean-Pierre Sueur, Mme Éliane Assassi, M. le secrétaire d'État. – Retrait du sous-amendement ; adoption de l’amendement no 6, les autres amendements devenant sans objet.

Amendement no 60 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, Pierre Fauchon, Bernard Frimat. – Adoption.

Amendement no 7 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption.

Amendements nos 32 rectifié de M. Michel Charasse et 91 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait de l’amendement no 32 rectifié ; rejet de l’amendement no 91.

Amendements nos 8 de la commission et 33 rectifié de M. Michel Charasse ; amendements identiques nos  50 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 161 de M. Bernard Frimat. – MM. le rapporteur, Michel Charasse, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Pierre Sueur, le secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement no 8, les autres amendements devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 5

Amendement n° 92 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 93 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Retrait.

Intitulé du chapitre II

Amendement n° 9 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Frimat. – Adoption de l'amendement rédigeant l'intitulé.

Article 6

MM. Jean-Pierre Sueur, le secrétaire d'État.

Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 7

Amendement n° 162 de M. Bernard Frimat. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

3. Décision du conseil constitutionnel

4. Communication

Mme la présidente, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M.  Jean-Léonce Dupont

5. Consultation des Électeurs de Mayotte. – Débat sur une déclaration du Gouvernement

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Yves Détraigne, co-rapporteur de la mission d’information sur Mayotte ; Adrien Giraud, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ; Mme Éliane Assassi, M. Jean-Paul Virapoullé.

Mme la ministre.

Clôture du débat.

6. Dépôt de propositions de loi

7. Dépôt d'une proposition de résolution

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinquante.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel avant le chapitre Ier

Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 183 et 196).

La discussion générale a été close hier.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle, d’une part, que nous avions prévu d’examiner les articles 13, 13 bis, 13 ter et l’article additionnel après l’article 13 ter le mardi 17 février 2009 à seize heures et, d’autre part, que la conférence des présidents a décidé, sur proposition de M. le président de la commission des lois, d’examiner de façon séparée les amendements de suppression de chacun des articles de ce texte.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Intitulé du chapitre Ier

Article additionnel avant le chapitre Ier

Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Avant le chapitre premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La proposition de loi, une fois déposée sur le bureau de l'assemblée concernée, est transmise sans délai au Conseil constitutionnel qui, après déclaration de sa conformité à la Constitution, organise la collecte des pétitions des électeurs et, après vérification de leur nombre et de leur validité, les remet au Parlement.

La proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée concernée conformément aux dispositions de l'article 48, alinéa 2, de la Constitution. Elle est envoyée pour examen à l'une des commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution.

Si la proposition n'est pas adoptée par le Parlement dans les quatre mois, le Président de la République la soumet au référendum après saisine du Conseil constitutionnel conformément à l'article 61 de la Constitution.

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'un chapitre additionnel ainsi rédigé :

Chapitre....

Organisation du référendum partagée en application de l'article 11, alinéa 4, de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne doute pas du sort qui sera réservé à cet amendement portant article additionnel, mais je tiens tout de même à le défendre, parce que nous pouvons nous inquiéter de la suite de l’application de la révision constitutionnelle.

Auditionné par la commission des lois du Sénat, le 3 février dernier, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, que, pour compléter la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, trois nouveaux projets de loi organique seraient présentés, qui porteraient respectivement sur le Conseil économique, social et environnemental, sur l’exception d’inconstitutionnalité et sur le Conseil supérieur de la magistrature et le Défenseur des droits.

Nous en prenons acte, tout en regrettant que ces projets de loi organique ne soient présentés qu’après les textes qui, au fond, arrangeaient le Gouvernement !

Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, vous oubliez, semble-t-il, que le Gouvernement a accepté de modifier l’article 11 de la Constitution. Sans doute voulait-il par là justifier les forts reculs que sa réforme entraîne en matière d’expression et de droit d’amendement des parlementaires – en un mot, montrer que cette révision constitutionnelle avait du bon pour le Parlement –, ou encore répondre à l’exigence de citoyenneté qui monte dans notre pays et que vous ne pouvez ignorer !

Quoi qu'il en soit, vous avez accepté d’introduire dans la Constitution une forme d’initiative parlementaire s’appuyant sur l’intervention citoyenne. Ce dispositif est intéressant, même s’il est soumis à bien des contraintes, comme nous l’avons souligné à l’époque, et si sa mise en œuvre sera extrêmement difficile. Toutefois, s’agissait-il seulement d’une mesure d’affichage, d’un leurre destiné à faire passer les autres mesures ?

En tout cas, vous n’avez pas envisagé, apparemment, de présenter le projet de loi organique qui est pourtant nécessaire afin de mettre en œuvre cette nouvelle disposition constitutionnelle, c'est-à-dire le semblant de référendum d’initiative citoyenne !

Je rappelle que ce référendum « nouvelle formule » peut être organisé sur l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soit cent quatre-vingt députés et sénateurs, et qu’il doit être soutenu par un dixième des électeurs inscrits, c'est-à-dire par plus de quatre millions de personnes. Vous constatez, mes chers collègues, qu’il n’est pas très menaçant !

D'ailleurs, cette initiative aboutirait à une proposition de loi soumise au bon vouloir de la majorité, ce qui montre que le dispositif est très encadré et que nous restons bien loin de la démocratie directe et du référendum d’initiative populaire !

Toutefois, ce nouvel espace démocratique, si étroit soit-il, doit être aménagé.

Je propose donc que nous évitions une nouvelle loi organique et décidions de mettre en œuvre le dispositif de l’article 11 à travers cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Comme l’a indiqué Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution prévoit une initiative référendaire et fixe les conditions dans lesquelles celle-ci peut être organisée.

Pour permettre l’application de ces dispositions, une loi organique sera nécessaire, et peut-être M. le secrétaire d'État pourra-t-il nous apporter quelques indications sur la date du dépôt de ce texte.

En tout état de cause, les mesures proposées n’ont pas leur place dans le présent projet de loi organique, puisque celui-ci ne vise que les articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Un autre texte organique sera nécessaire, comme d'ailleurs pour bien d’autres dispositions.

Le projet de loi organique relatif au référendum devrait être déposé le plus rapidement possible, me semble-t-il, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’a même pas été annoncé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais, je le répète, cette disposition n’a pas sa place dans le présent texte.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Il est vrai que, lors de mon audition devant la commission des lois, j’ai évoqué la préparation des autres projets de loi organique sans entrer dans les détails. Toutefois, un texte relatif au référendum sera bien déposé, et il est lui aussi en préparation.

Un projet de loi organique a d'ores et déjà été transmis au Conseil d'État, qui porte sur l’exception d’inconstitutionnalité. Comme l’a souligné Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, deux autres textes sont prêts, qui sont relatifs respectivement au Conseil économique, social et environnemental et au Conseil supérieur de la magistrature.

Quant au projet de loi organique sur le référendum, nous y travaillons. Bien sûr, tous les textes prévus par la révision constitutionnelle seront présentés progressivement au Parlement, au cours de l’année 2009.

Au bénéfice de cet engagement du Gouvernement, madame Borvo Cohen-Seat, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Je voterai cette disposition, comme l’ensemble des sénateurs de mon groupe.

Tout d'abord, monsieur le rapporteur, cet amendement a tout à fait sa place dans ce projet de loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas un cavalier : il suffit de modifier l’intitulé du projet loi organique et de préciser que celui-ci s’appliquera également à l’article 11 de la Constitution pour que cet amendement soit recevable !

Dans un projet de loi organique relatif à l’application de la révision constitutionnelle de juillet 2008, nous pouvons tout à fait introduire d’autres dispositions…

M. Patrice Gélard. Non ! Ce n’est pas la règle !

M. Jean-Pierre Michel. … que celles que le Gouvernement a restrictivement prévues, d'ailleurs dans son intérêt propre et non dans celui du Parlement ou de la démocratie ! (M. le secrétaire d'État se récrie.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et pourquoi pas un projet de loi organique unique pour tous les articles de la Constitution ?

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le secrétaire d'État, si nous pouvions organiser aujourd'hui un référendum d’initiative populaire, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution, je suppose que l’on trouverait assez de parlementaires pour interroger les citoyens, par exemple, sur la politique économique et sociale du Gouvernement !

Il serait intéressant de consulter les Français pour savoir s’ils approuvent, ou non, les demi-mesures prises par le Gouvernement, ou encore le plan de relance de l’automobile ! Peugeot annonçait hier la suppression de dix mille postes sans licenciements, mais cela augmentera le chômage dans les régions où l’entreprise est implantée, notamment celle dont je suis l’élu !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Quel rapport avec le projet de loi organique ?

M. Jean-Pierre Michel. Il serait intéressant de savoir ce que pensent les Français de la situation aux Antilles, en Martinique et en Guadeloupe, ou ailleurs outre-mer !

Toutefois le Gouvernement se garde bien de demander l’avis des Français sur ces questions, tandis que le Président de la République continue à pérorer, de saut de puce en saut de puce, en France ou à l’étranger ! (Exclamations sur les travées de lUMP, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme Christiane Hummel. C’est inacceptable !

M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement me semble donc tout à fait intéressant.

Mme la présidente. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 70 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse est très floue. Bien sûr, vous ne pouvez affirmer qu’il n’y aura pas de loi organique pour appliquer cette disposition, dès lors que la révision constitutionnelle l’exige. Toutefois, dans la liste des textes qui sont envisagés, ou déjà en cours d’examen, vous avez omis, sans doute à dessein, celui qui porte sur le référendum !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Pas du tout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, vous avez évoqué ce projet de loi organique dans votre réponse, mais sans fixer de date précise !

De toute façon, nous pouvons en décider nous-mêmes. Le Parlement a la faculté d’appliquer des dispositions constitutionnelles, sans d'ailleurs que de longues discussions soient nécessaires. Ce vote aurait le mérite de montrer que les sénateurs, ou du moins une partie d’entre eux – les autres se détermineront comme ils l’entendent – sont soucieux d’appliquer la Constitution…

Je maintiens donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je suis perplexe dans cette démarche, mais j’estime que l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat a le grand mérite de nous permettre de demander au Gouvernement à quel moment viendront les autres projets de loi organique, puisque toute une série de textes de cette nature a été prévue par la révision constitutionnelle de juillet dernier, dans plusieurs domaines, notamment dans ceux où, monsieur le secrétaire d’État, les dispositions sont attendues avec beaucoup d’impatience.

Mme Borvo Cohen-Seat et ses amis, soutenus par le groupe socialiste, parlent de la procédure de référendum d’initiative populaire ou je ne sais quoi. (Sourires.)

Nombreux sont ceux qui attendent de pouvoir mettre en œuvre d’autres dispositions, par exemple celle qui permet de saisir le Conseil constitutionnel d’une exception d’inconstitutionnalité. Beaucoup d’autres – et moi le premier – attendent la possibilité de saisir le Conseil supérieur de la magistrature sur le comportement d’un magistrat. J’en passe et des meilleures, sans compter toutes les lois organiques prévues par le texte constitutionnel et concernant le fonctionnement des institutions.

Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, il serait très utile et intéressant, aussi bien pour l’organisation de notre travail que pour l’information de la commission des lois, que nous ayons le calendrier de présentation de tous ces textes.

Si l’on doit se retrouver à la fin de l’année avec un certain nombre de textes qui n’auront pas encore été votés parce qu’ils ne font pas partie des dispositions qui entrent en vigueur le 1er mars, beaucoup finiront par s’interroger sur la véritable portée de la révision constitutionnelle et la volonté réelle qui l’a animée.

Par conséquent, l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat a au moins l’avantage de nous conduire à vous poser cette question, en espérant que nous obtenions rapidement une réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je répondrai à M. Charasse que le texte sur l’exception d’inconstitutionnalité a déjà été transmis au Conseil d’État et que le texte relatif au Conseil économique, social et environnemental sera envoyé incessamment.

Devrait suivre, dans les jours à venir, le texte sur le Conseil supérieur de la magistrature, tandis que celui qui est consacré au référendum est en cours d’élaboration, ce qui veut dire qu’il sera transmis un peu plus tard au Conseil d’État.

En tout état de cause, le projet de loi organique sur l’exception d’inconstitutionnalité pourrait être examiné avant l’été, en séance publique, ainsi que peut-être le texte relatif à l’exception d’inconstitutionnalité et celui qui est consacré au Conseil économique, social et environnemental.

Aurons-nous le temps, en revanche, d’ici la fin du mois de juin, de nous occuper des deux autres, c'est-à-dire des projets de loi organique sur le référendum et sur le Conseil supérieur de la magistrature ? Avec l’établissement de l’ordre du jour partagé, je ne suis pas absolument certain que ce soit possible.

Toutefois, monsieur Charasse, je peux prendre l’engagement de communiquer à la Haute Assemblée, dans les semaines à venir, le programme et le calendrier précis en la matière, de manière que chacun sache dans quels délais l’ensemble des textes pourra être adopté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, alors que la révision constitutionnelle était censée démocratiser nos institutions et donner plus de liberté –comme l’affirmait le comité Balladur – tout ce qui pourrait constituer des avancées démocratiques est remis à plus tard.

Au contraire, le texte que vous nous soumettez aujourd’hui est en retrait par rapport à la révision constitutionnelle. Le dispositif prévu par le projet de loi organique – nous aurons l’occasion d’en discuter mardi prochain – va au-delà des restrictions apportées à l’expression des parlementaires par l’article 44 de la Constitution tel qu’il a été réécrit.

Pour toutes ces raisons, en tant que parlementaires, nous voulons clairement dire que les dispositions permettant une certaine démocratisation doivent elles aussi être applicables, non pas aux calendes grecques, mais maintenant ! (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. M. Jean-Pierre Michel applaudit)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Michel. Que le peuple s’exprime, et autrement que par des sondages ! (Sourires.)

CHAPITRE IER

Dispositions, prises en vertu de l'article 34-1 de la Constitution, relatives aux résolutions

Article additionnel avant le chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :

Dispositions relatives aux résolutions prises en vertu de l'article 34-1 de la Constitution

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voudrais profiter du débat sur cet amendement, qui ouvre en fait la discussion sur le chapitre 1er du projet de loi et sur les différents articles qu’il comporte, pour énoncer quelques principes que le groupe socialiste entend défendre.

Le chapitre est consacré à cette innovation importante que sont les résolutions. Nous saluons cette innovation qui constitue un progrès dans le mode d’expression du Parlement et par conséquent une avancée pour la démocratie.

Si les propositions de la commission vont en partie dans un sens qui nous agrée, parce qu’il est aussi le nôtre, nous considérons néanmoins que le texte présente un certain nombre d’insuffisances auxquelles nous voulons remédier.

Nous considérons que les amendements de la commission tendant à simplifier le texte sur le plan rédactionnel sont, dans un grand nombre de cas, inutiles. Nous ne les voterons pas. Le texte doit, nous semble-t-il, être suffisamment précis pour permettre une bonne transcription dans le règlement de notre assemblée.

La commission a proposé de rétablir l’examen en commission des propositions de résolution. Nous saluons cette disposition, que nous préconisons nous aussi et que, par conséquent, nous soutiendrons.

Mais, pour conforter cette mesure, pour aller au bout de la logique de la commission et conduire notre réflexion sur ce sujet jusqu’à son terme, nous souhaitons également que soit prise en compte la possibilité pour les commissions concernées de se saisir pour avis des résolutions et que l’assemblée qui le souhaite puisse créer une commission spéciale.

Nous considérons que ces deux éléments sont de nature à permettre un débat de fond entre les membres de notre assemblée. Même s’ils ne présentent pas d’amendements, ils seront informés pour prendre en toute connaissance de cause la décision de voter ou non la résolution. Tout ce qui permet le débat va dans le bon sens et éclaire nos votes !

Enfin, la commission suggère que l’exception d’irrecevabilité opposée à une proposition de résolution puisse émaner du Gouvernement et non du Premier ministre. Cette rectification est faite à l’article 3 du projet de loi organique, mais nous pensons qu’elle devrait également figurer à l’article 2, qui prévoit le renvoi sans délai des propositions de résolution au Premier ministre par le président de l’assemblée saisie.

Telles sont les positions que nous entendons défendre dans le débat sur ce chapitre 1er. En ce qui concerne l’amendement n° 1, qui tend à modifier l’intitulé de ce chapitre, il ne nous pose pas de problème particulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Je voterai cet amendement de la commission, qui montre le travail considérable accompli par le Sénat et son rapporteur sur ce projet de loi organique !

Le rapporteur et la commission n’ont rien trouvé à dire sur l’article 13 et les articles suivants, qui constituent pourtant le cœur de ce projet de loi organique et ont suscité les débats que l’on connaît à l’Assemblée nationale. De tout cela, pas un mot, évidemment !

En revanche, peut-être dans le but de faire perdre du temps au Sénat, on transforme l’intitulé de ce chapitre, déjà modifié par voie d’amendement à l’Assemblée nationale !

Admirons la profondeur du travail effectué par la commission et son rapporteur ! L’intitulé actuel est : « Dispositions, prises au nom de l’article 34-1 de la Constitution, relatives aux résolutions ». L’intitulé que la commission nous propose d’adopter est : « Dispositions relatives aux résolutions prises en vertu de l’article 34-1 de la Constitution ».

Ce serait risible si ce projet de loi organique n’était pas aussi important. Personnellement, je ne vois absolument pas la différence ! Cela nous permet simplement de bavarder agréablement cinq minutes sur ce projet de loi !

M. Henri de Raincourt. C’est toujours cela !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La grammaire n’est pas inutile.

M. Jean-Pierre Sueur. La syntaxe, en l’occurrence !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous avez raison. Merci, monsieur le professeur ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. Il faut dire que le texte de l’Assemblée nationale est si mal rédigé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà qui illustre tout l’intérêt, monsieur Michel, qu’il y aura à discuter en séance publique du texte de la commission. Nous ne serons plus amenés à examiner de tels amendements. C’est le type de corrections qui ne vous donnera plus l’occasion de parler de tout autre chose que de ce dont il s’agit !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a unanimité. C’est donc que l’amendement est excellent !

Intitulé du chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 2

Article 1er

Les propositions de résolution déposées sur le bureau d'une assemblée au titre de l'article 34-1 de la Constitution sont signées par un ou plusieurs membres de cette assemblée.

Le nombre de propositions de résolution pouvant être déposées par session ne peut être limité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais justifier, par cette intervention sur l’article, le doute qui nous saisit à la lecture de l’article 1er portant application de l’article 34-1 de la Constitution, qui crée la procédure des propositions de résolution.

Ce projet de loi organique montre bien toutes les limites d’un exercice qui ressortit de l’équilibrisme. Tout a commencé il y a un an et demi avec le Président de la République, le comité Balladur, puis le Gouvernement, qui a défendu les dispositions de la révision constitutionnelle.

Depuis, le Président de la République et ses porte-parole – dont vous faites partie, monsieur le secrétaire d’État – n’ont eu de cesse de cacher la réalité de cette révision constitutionnelle, que je considère, vous le savez, non pas comme une avancée pour les droits du Parlement, mais au contraire comme un renforcement du présidentialisme, ce que nous critiquons.

Il s’agissait d’abord d’une « révolution ». On parle maintenant, dans les communiqués officiels, d’une « petite révolution ». Et, pour cause, il était tout de même osé d’employer à ce sujet le mot « révolution » !

Le tour de passe-passe est assez simple. Le pouvoir exécutif se dessaisit d’un certain nombre de prérogatives, mais de façon tellement limitée qu’on peut se poser des questions !

En réalité, il transmet des pouvoirs à la majorité parlementaire, que l’hyper-présidence, qui a aussi réduit le Gouvernement au rang de cabinet, a placée directement sous le contrôle de l’Élysée.

Le Président de la République impose sa loi, l’annonce à la télévision, mais n’est pas responsable devant le Parlement.

Qu’il s’agisse de l’ordre du jour dit « partagé », des procédures de nomination, de l’opposition, de la procédure accélérée ou d’autres modifications, le pouvoir exécutif maintient son contrôle par le biais d’une majorité parlementaire qui est présidentielle, tout à fait dévouée au Président de la République.

Je fais d’ailleurs observer que le Président de la République en personne a énoncé il y a quelques jours une contre-vérité ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

Il a dit que la nomination du P-DG de France Télévisions serait très démocratique puisque, même si c’est lui qui le nommerait, il faudrait l’accord des trois cinquièmes des membres du Parlement.

Or, nous savons tous que tel n’est pas le cas, puisque le P-DG sera nommé sauf si les trois cinquièmes du Parlement s’y opposent, ce qui est exactement l’inverse ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Le journaliste qui a interrogé le Président de la République sur ce sujet, et qui était donc censé connaître son dossier, n’a pas émis la moindre observation. Il aurait pu dire au moins que ce n’était pas tout à fait le texte de la Constitution. Nous avons assisté à ce que j’appellerais du « service après-vente » !

Je rappelle que le pouvoir de dissolution existe toujours, de même que la procédure dite du « 49-3 », même si son utilisation est réduite, ainsi que le vote bloqué.

Comment ne pas se souvenir du texte relatif au découpage électoral, qui donne tout pouvoir au Gouvernement pour faire pression sur les députés en fragilisant leur avenir ?

Il faut garder en mémoire les pressions exercées à ce sujet, en juin dernier, sur un certain nombre de députés de l’opposition pour obtenir un vote favorable à Versailles.

Le « crédit-temps », instauré par l’article 13 du projet de loi organique, est symptomatique de ces orientations. En réalité, la majorité bénéficiera d’un véritable « 49-3 parlementaire », plus dangereux pour l’opposition que le « 49-3 » de l’exécutif, puisque l’ordre d’intervention des débats sera laissé à l’initiative du Parlement.

En compensation, le Parlement se voit octroyer un nouveau droit : voter des résolutions. Mais à ce droit est posée une limite absolue et ô combien significative : l’autorisation du Gouvernement à en débattre. L’opposition devra donc s’autocensurer pour obtenir un débat en application de l’article 34-1 de la Constitution.

Quelle drôle de conception de l’initiative parlementaire et de la revalorisation des droits du Parlement !

Nous refusons totalement qu’un progrès, si minime soit-il, soit d’emblée placé dans les mains du Gouvernement. Nous proposons donc de supprimer cet article 1er, qui ne doit pas faire écran à la disposition essentielle du texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur l'article 1er illustre bien la façon dont le Gouvernement se comporte depuis 2007.

Chaque fois qu’il nous annonce des réformes censées accroître les libertés, chaque fois qu’il affirme agir pour le bien du peuple et de la démocratie, il faut faire très attention, car un examen attentif des dispositions proposées nous montre que c’est exactement le contraire qui se produit. Et c’est vrai de tous les textes de loi, qu’il s’agisse de la réforme de l’audiovisuel, de celle des universités, de la prochaine loi électorale ou de la présente loi organique. Le Gouvernement fait de la communication, mais sa politique est rétrograde.

L’article 34-1 issu de la révision constitutionnelle de juillet dernier prévoit que les « assemblées peuvent voter des résolutions » – c’est très bien ! –, mais « dans les conditions fixées par la loi organique », ce qui est déjà mauvais signe ! Il précise : « Sont irrecevables » – cela commence bien ! – « et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. » Voilà une possibilité aussitôt encadrée !

Avec le Gouvernement, d’un côté, et sa majorité, de l’autre, il ne reste plus beaucoup de libertés aux parlementaires, et pas seulement à ceux de l’opposition, encore que certains, dans la majorité, aient conservé leur libre expression, et c’est une bonne chose.

Nous n’en sommes qu’au début du débat, l’important reste à venir, à l’article 12 et, surtout, à l’article 13. En attendant, nous avons déjà un avant-goût de ce qui se prépare. Lors des débats sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la VRépublique, le droit pour les assemblées parlementaires de voter des résolutions a connu un examen extrêmement chaotique, de suppression en rétablissement, ce qui explique, au final, le détournement de son contenu par rapport à sa finalité initiale.

En effet, les conditions, précitées, qui ont été introduites à chaque étape de la renaissance du droit de résolution, supprimé par la Constitution en 1958, sont telles que ce droit, envisagé initialement pour restaurer la fonction tribunicienne du Parlement, est devenu un droit octroyé, sous conditions, par le Gouvernement. C’est lui qui jugera de sa recevabilité et de son inscription à l’ordre du jour. Les conditions d’application de cette procédure sont donc renvoyées à une loi organique, celle dont nous débattons depuis avant-hier.

Si l’on examine, parallèlement, l’article 50-1 de la Constitution, qui réserve au Gouvernement seul la prérogative d’accepter ou de refuser l’organisation d’un débat thématique – et dont on se souvient que la création, pour l’Assemblée nationale, ne valait qu’en contrepartie de la suppression de la procédure de résolution –, nous sommes loin d’assister au renforcement du rôle du Parlement et, surtout, de l’opposition.

Ces deux articles permettent au Gouvernement d’utiliser le Parlement, mais ne peuvent être considérés comme des moyens de renforcer véritablement les droits de ce dernier. Les conditions à remplir sont telles que l’on peut douter de l’intérêt réel de cette nouvelle procédure pour le Parlement. On ne peut pas y voir, à proprement parler, un droit nouveau, puisque celui-ci est soumis à une autorisation.

Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle, l’Assemblée nationale a supprimé cet article 34-1. Le groupe socialiste du Sénat, comme la commission des lois et la commission des affaires étrangères, ont alors déposé des amendements tendant à son rétablissement, avec, cependant, une différence de taille : tout d’abord, nous ne renvoyions pas les conditions de vote à une loi organique, mais nous tranchions la question ; ensuite, nous ne spécifiions pas que les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement pouvaient être irrecevables. À nos yeux, il ne fallait pas poser de limites au vote de résolutions par le Parlement.

Il y aura toujours beaucoup de lieux en France où l’on pourra heureusement s’exprimer librement. Mais, avec une telle rédaction de l'article 34-1, le seul endroit où il sera vraiment difficile de se faire entendre jusqu’au bout, ce sera finalement le Parlement, tant la liberté de parole y sera organisée, encadrée, réduite. On le verra de nouveau bientôt avec l’article 13.

Cet article étant ce qu’il est, nous sommes bien obligés de revenir sur ce que nous avons dénoncé dès l’origine. Nous avons eu la sagesse de prévoir, dès l’été, ce qui se préparait, et nous y sommes. Il ne nous reste plus qu’à essayer d’éviter le pire en modifiant autant que faire se peut les articles 1er à 5 du projet de loi organique.

Nous proposerons donc, par une série d’amendements et de sous-amendements, d’encadrer, dans le temps, la possibilité pour le Gouvernement de soulever l’irrecevabilité.

Dans la mesure où nous refusons que le Gouvernement décide unilatéralement, nous souhaitons que, en cas de contestation lors du dépôt d’une proposition de résolution, quand il estime que sa responsabilité est mise en cause, il puisse y avoir un débat avec lui au sein de la conférence des présidents de l’assemblée saisie de la proposition de résolution. Nous ne faisons d’ailleurs pas courir un très grand risque au Gouvernement, puisque la majorité domine actuellement au sein de la conférence des présidents.

Dès le début, nous nous sommes élevés contre les restrictions posées par l’article 34-1 de la Constitution telle qu’elle a été révisée en juillet dernier. Ce qui se passe aujourd’hui nous confirme que nous avions raison d’être doublement prudents !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, puisqu’il est toujours sage d’en revenir à la littérature, je voudrais évoquer la comédie de Beaumarchais, où le célèbre Figaro explique que, dès lors qu’il n’évoque aucun des sujets qui fâchent, il peut parler de tout ou à peu près de tout, sous le contrôle de deux ou trois censeurs !

Bien sûr, monsieur le secrétaire d’État, le droit de résolution constitue une mesure positive puisqu’elle sera une nouvelle forme d’expression du Parlement. Mais le Gouvernement, lors du débat sur la révision constitutionnelle, a tellement tenu à le restreindre qu’il a été précisé : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ». Qu’il est regrettable qu’une telle restriction ait été inscrite dans la Constitution, dans un pays de liberté comme le nôtre !

M. Pierre Fauchon. Monsieur Sueur, relisez les débats sur la révision constitutionnelle ! La Constitution est révisée depuis six mois !

M. Jean-Pierre Sueur. Cher collègue Fauchon, ne réagissez pas ainsi, car je voulais justement rendre hommage aux propos que vous avez bien voulu tenir en expliquant que le rôle principal du Parlement était de faire la loi.

M. Pierre Fauchon. Elle est faite !

M. Jean-Pierre Michel. Nous avons bien l’intention d’en reparler ! Nous avons tout le temps !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous en sommes à la loi organique !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Fauchon, nous débattons d’un nouveau texte. Je vous saurai donc gré de garder le calme et la sérénité qui font partie de vos principales qualités !

Nous examinons un projet de loi organique. Vous nous avez dit que notre rôle était de légiférer, et j’ai pu ajouter que le débat permettait de bien légiférer. De toute façon, les fondateurs de notre République ont considéré que les lois devaient être faites non pas par des professeurs de droit ou des experts en législation, mais par les représentants du peuple qui en discutent librement.

Par conséquent, lorsque nous débattons, nous pouvons aborder tout sujet et évoquer ce qui relève de la responsabilité du Gouvernement, même si cela ne lui convient pas.

Je ne comprends donc pas pourquoi il a fallu écrire dans la Constitution – et qu’il faille encore le préciser à l’article 3 –que seules sont recevables les résolutions dont le Gouvernement estime qu’elles ne mettent pas en cause sa responsabilité.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est responsable de beaucoup de choses !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Si l’un de nos collègues décidait de déposer une résolution sur ce qui se passe actuellement aux Antilles, le ministre concerné rétorquerait-il que cela est susceptible de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas forcément !

M. Jean-Pierre Sueur. De même, si nous évoquons l’industrie automobile, comme l’a fait à juste titre notre collègue Jean-Pierre Michel, le Gouvernement aura toute possibilité d’affirmer que sa responsabilité est engagée, comme c’est d’ailleurs très largement le cas à la suite du plan qui a été annoncé lundi dernier. Je pourrais multiplier ainsi les exemples.

Pour en revenir à Beaumarchais, le système proposé s’apparente à un droit de veto donné au Gouvernement sur les sujets que le Parlement serait susceptible d’aborder par le biais des résolutions. Aujourd'hui, un tel droit de veto n’existe pas et ne saurait être accepté pour ce qui est des débats proprement législatifs.

Je le dis, je le redis, parce qu’il faut que cela soit su, et chacun en conviendra : ces dispositions ne s’inscrivent pas dans le droit-fil des libertés républicaines. (M. le secrétaire d’État exprime son désaccord.) Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons nous résoudre à cette forme de censure, de droit de veto, où les considérations du Gouvernement l’emportent.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. C’est affligeant !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous qui avez écrit – brillamment ! – sur des ministres de la IIIe République, vous le savez bien, jamais ceux-ci n’auraient admis que fût ainsi limité le droit d’expression parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous en prie, il faut raison garder, car j’ai entendu des propos pour le moins curieux ! À vous entendre, on restreint, on contraint, on empêche, on met son veto ; certains en viennent même à invoquer la IIIe République. C’est tout de même extraordinaire !

Le droit de résolution est un droit nouveau, qui n’existait plus. Comment pourrions-nous, alors, mettre en place un système qui le contraigne ?

M. Bernard Frimat. C’est un droit fictif !

M. Louis Mermaz. Un leurre !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Non, monsieur Mermaz, ce droit s’ajoute au système parlementaire actuel, dans lequel le Parlement dispose d’une batterie de moyens – propositions de loi, questions orales, questions écrites – pour contrôler l’action du Gouvernement. La révision constitutionnelle introduit d’ailleurs d’autres éléments de cette nature, parmi lesquels la semaine de contrôle, que nous avons évoquée hier lors de la conférence des présidents, et la semaine d’initiative législative.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Autrement dit, un nouvel équilibre se met en place dans les relations entre l’exécutif et le législatif.

À gauche comme à droite, tout le monde s’était accordé pour dire qu’il n’était pas question d’en revenir aux résolutions de la IVRépublique, sources d’instabilité et de blocage. C’est d’ailleurs pour cette raison que les constituants de 1958, y compris ceux qui étaient issus de la mouvance socialiste, ont tenu à supprimer ce droit.

M. Michel Charasse. À commencer par François Mitterrand !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Aujourd'hui, le droit de résolution est réintroduit, mais avec la volonté affichée d’éviter les errances et les dérapages du passé. Je ne prétends pas que le système trouvé soit forcément idéal, et le débat permettra peut-être de le faire évoluer.

Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un droit nouveau pour le Parlement. Ce n’est ni une arme absolue, ni un leurre. Je souhaite sincèrement que chacun le prenne comme un droit supplémentaire qui vient s’ajouter aux dispositions existantes et nouvelles, comme le partage de l’ordre du jour, pour que les pouvoirs du Gouvernement et du Parlement soient plus équilibrés.

Nous verrons à l’usage, dans les mois et les années qui viennent, si ce droit nouveau permet cet équilibre et, lorsque notre expérience sera suffisante, s’il est nécessaire de le modifier d’une manière ou d’une autre.

Voilà un droit qui n’existe plus dans ce pays depuis plus de cinquante ans et que nous rétablissons en l’encadrant, il est vrai, afin éviter les erreurs de la IVe République. Laissons-le prospérer et nous verrons s’il convient, à terme, de le modifier dans le sens d’un meilleur équilibre ! Quoi qu’il en soit, il s’agit bien d’un droit supplémentaire pour le Parlement.

Mme la présidente. L’amendement n° 71, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai déjà défendu cet amendement lors de mon intervention sur l’article, mais je tiens tout de même à reprendre la parole. Après tout, c’est encore mon droit !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne faut pas en abuser !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites constamment référence, monsieur le secrétaire d’État, à des périodes de l’histoire où la France connaissait un régime parlementaire. Cessez de le faire ! Nous ne vivons plus sous ce type de régime depuis les révisions constitutionnelles de 1958 et de 1962 ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes dans un régime que je ne qualifierai pas de présidentiel, puisqu’il ne comporte pas les contreparties prévues par un tel régime. Je l’appellerai régime présidentialiste, d’autres le nomment régime monarchique. En tout état de cause, nous ne sommes plus sous la IIIe ou la IVe République. Comparaison n’est pas raison !

Le droit prévu à l’article 1er pourrait constituer un droit nouveau pour les parlementaires, un droit visant à rééquilibrer et à modifier les institutions issues des révisions constitutionnelles de 1958 et de 1962. Or il a été immédiatement restreint, de telle sorte qu’il représente non pas un droit nouveau, mais un simple moyen de présenter des vœux pieux.

Il est écrit à l’article 19 de la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 : « Les chambres ont la faculté de supplier le Roi de proposer une loi sur quelque objet que ce soit, et d’indiquer ce qu’il leur paraît convenable que la loi contienne ». Cela ne vous rappelle-t-il pas notre régime plutôt que la IVe République ? (M. le secrétaire d’État s’esclaffe.)

M. Patrice Gélard. Ce n’est pas très convaincant !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Je ne suis pas loin de partager ce qui a été dit par les uns et les autres au sujet des résolutions. Pour ma part, je n’étais pas très favorable, lors du débat sur la révision constitutionnelle, à cette disposition.

Au fond, qu’est-ce que le droit de résolution au sens parlementaire du texte, sinon une invention de la procédure parlementaire, sous les IIIe et IVe Républiques, destinée plus ou moins à renverser le Gouvernement ?

M. René Garrec. Exactement !

M. Michel Charasse. C’était cela, le système des résolutions !

M. René Garrec. Tout à fait !

M. Michel Charasse. Ces résolutions se concluaient généralement, mes chers amis, par le vote d’un ordre du jour contraire à celui qui avait été demandé par le Gouvernement. C’était donc le rejet de l’ordre du jour gouvernemental qui entraînait la démission du Gouvernement, sans que celui-ci y soit d’ailleurs contraint, sauf en cas de majorité qualifiée, qui n’a été atteinte qu’une ou deux fois sous la IVe République, ce qui a conduit, notamment, à la dissolution demandée par le gouvernement dirigé par Edgar Faure.

Je n’étais donc pas très favorable à cette disposition qui participe à l’instabilité. Mais il se trouve, mes chers collègues, qu’elle a été votée. Or, si nous commençons à refuser d’adopter les projets de loi organique et les règlements nécessaires à l’application des nouvelles dispositions de la Constitution, alors il ne fallait pas voter la Constitution !

Nous ne pouvons pas – et je suis prêt à vous donner des explications sur le fond ! –, refuser d’appliquer un texte constitutionnel. Dans ce cas, nous pourrions faire de même à l’occasion de tous les articles inscrits dans ce projet de loi organique, puis refuser d’appliquer les lois organiques suivantes, en disant qu’on n’applique rien !

Nous nous trouverons alors dans une situation où la Constitution, qui est ce qu’elle est et dont on peut penser ce que l’on veut, ne sera pas appliquée parce que l’on aura refusé de la mettre en œuvre en votant les textes nécessaires !

Si je suis d’accord sur le fond avec ce qui a été dit, je ne peux donc pas suivre cette démarche qui consiste à refuser le principe même des textes nécessaires à l’application de la Constitution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement ayant été présenté, il est normal que la commission donne son avis !

Madame Borvo Cohen-Seat, votre amendement est paradoxal puisqu’il tend à supprimer l’article 1er, qui a pour objet de favoriser l’exercice du droit de résolution. Je rappelle que ce droit avait été proposé par le comité présidé par Édouard Balladur. Il s’agissait, à l’époque, d’éviter le vote des lois mémorielles, qui créent nombre de difficultés. Légiférer pour l’histoire, pour ma part, je n’aime pas cela !

Le problème n’est d’ailleurs pas le sujet des résolutions, puisque le Parlement aura le droit d’en adopter sur des questions d’actualité. Les résolutions ne devront pas avoir pour objet de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ou de lui adresser des injonctions. Mais rien n’interdit de déposer des résolutions, et de les faire voter, sur des questions d’intérêt général ou pour exprimer des souhaits du Parlement.

Je ne souhaite pas que l’on revienne sur le débat constitutionnel que nous avons eu sur ce sujet. Il s’agit aujourd’hui de mettre en application ce droit de résolution qui figure dans la Constitution et les conditions de sa mise en œuvre. La commission proposera ensuite des amendements tendant à aménager et à clarifier ce droit individuel afin qu’il représente véritablement un droit nouveau pour les parlementaires.

Je ne puis qu’être défavorable à l’amendement n° 71, car l’article 1er ne fait qu’appliquer un article de la Constitution résultant de la dernière révision constitutionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Conformément à ce que j’ai expliqué, j’émets un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. J’ai dit avant-hier, lors de l’examen de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, que je m’inquiétais que l’article 13 du projet de loi organique prévoie certaines hypothèses pouvant conduire au vote d’amendements sans discussion. J’avais conclu mon intervention en disant qu’il fallait y réfléchir.

Ce qui vient de se passer alimente ma réflexion dans un sens favorable à la thèse selon laquelle, au-delà d’une certaine limite, il convient de mettre fin à nos discussions. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sourit.) Les propos tenus sont quelquefois tellement oiseux et inutiles qu’ils ont pour résultat de nous discréditer complètement.

Nous avons adopté, que cela plaise ou non, la dernière révision constitutionnelle, qui offre au Parlement un droit nouveau, même s’il est extrêmement restreint. J’étais d’ailleurs de ceux qui regrettaient la rédaction de l’article en question. Mais cet article a été adopté ! Or, comme si tel n’était pas le cas, M. Sueur reprend le débat à zéro et nous explique que nous aurions dû voter différemment.

M. Jean-Pierre Sueur. Je parlais des articles 1er, 2 et 3 du présent texte !

M. Pierre Fauchon. Quant à Mme Borvo Cohen-Seat, elle propose de supprimer purement et simplement le droit de résolution. Nous nous trouvons dans une situation absurde et complètement surréaliste ! En outre, cette discussion n’intéresse personne, sinon les vingt ou trente sénateurs ici présents, et surtout pas nos compatriotes !

La bonne réflexion, qui n’est en aucun cas politique, doit en revanche nous conduire à trouver une organisation de nos travaux plus digne et plus conforme à l’idée que l’on peut se faire d’une assemblée parlementaire ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP ; M. Michel Charasse applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. J’écoute toujours M. Pierre Fauchon avec beaucoup d’intérêt, mais il ne faut pas tout confondre, comme il vient de le faire.

M. Michel Charasse. On est bien obligé d’appliquer le texte, même s’il ne plaît pas !

M. Bernard Frimat. Le groupe socialiste est intervenu à deux reprises sur cet article. M. Sueur a évoqué deux articles du projet de loi organique. Cela ne me paraît pas exorbitant ! Il me semble tout à fait normal que l’on puisse dire, à l’occasion de ces prises de parole, que le droit de résolution tel qu’il résulte du présent texte n’est pas conforme à ce que nous souhaitions.

Nous n’allons pas voter l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat, non parce que nous sommes en désaccord avec elle sur le fond – au contraire, nous l’approuvons ! –, mais parce que la révision constitutionnelle a été votée, même si nous y étions défavorables. Comme l’a expliqué Michel Charasse, nous sommes dans l’obligation d’adopter une loi organique précisant les modalités de fonctionnement de ce droit de résolution réduit à l’approbation et aux acquêts. Ce faisant, nous n’accomplissons que notre devoir de parlementaire.

Pour ce qui est de l’intérêt de nos discussions, je vous rappelle, monsieur Fauchon, que nous ne sommes pas maîtres de l’ordre du jour ; nous débattons des textes que l’on nous propose. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire qu’il n’était pas de la première urgence d’obliger le Parlement à débattre de la suppression de la publicité à la télévision, qui ne figurait pas parmi les préoccupations majeures des Français, et de susciter de telles discussions parlementaires en décembre et en janvier.

Il n’était pas non plus indispensable de procéder de la même façon pour un certain nombre d’autres textes. D’autres démarches étaient envisageables !

Mais, lorsque la table est mise, comme c’est le cas aujourd’hui en prévision du 18 février, nous sommes bien obligés d’ingurgiter le brouet que l’on nous propose !

M. Pierre Fauchon. C’est joliment dit !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 71.

(L’amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L’amendement n° 2, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le nombre de propositions de résolution déposées par un ou plusieurs membres d'une assemblée ne peut être limité. 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de simplification rédactionnelle visant à supprimer la précision inutile selon laquelle les propositions de résolution sont déposées sur le bureau de l’assemblée. Cela paraît évident.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 194, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de l'amendement n° 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le dépôt d'une proposition de résolution sur le bureau d'une assemblée au titre de l'article 34-1 de la Constitution est un droit individuel des membres de cette assemblée.

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Ce sous-amendement a un double objet.

Tout d’abord, il vise à simplifier la rédaction de l’article 1er. Puisque le projet de loi organique ne fixe pas le nombre minimal de signataires d’une proposition de résolution, il n’y a pas lieu de préciser que ces résolutions doivent être signées par un ou plusieurs parlementaires.

Ensuite, au-delà de la simplification qui est proposée, ce sous-amendement a aussi et surtout une portée de principe.

Il convient de solenniser la nouvelle rédaction de l’article 1er en affirmant clairement que le droit d'initiative en matière de proposition de résolution au titre de l’article 34-1 de la Constitution est bien un droit individuel des membres du Parlement.

On le voit, les préoccupations de forme rejoignent les préoccupations de fond, et je dirais même les préoccupations fondamentales. Préciser ici que le droit de résolution est un droit individuel des parlementaires revient à considérer que l’activité législative est avant tout, et je vous prie de m’excuser pour cette tautologie, le fait des parlementaires, qui sont en premier lieu, individuellement, des représentants de la nation.

En tant que représentant de la nation, chacun d’entre nous doit donc pouvoir s’exprimer librement, en conscience. Cela doit valoir pour les résolutions, mais aussi pour les amendements. Mais n’anticipons pas !

Le droit de résolution est un droit de chaque parlementaire. Il est donc bon de réaffirmer dès à présent ce qui relève de l’individuel et du collectif dans ce projet de loi organique, en insistant bien sur les attributions que confère à chacun de nous notre fonction. Il me semble aussi nécessaire de bien s’accorder sur ce que l’on attend des représentants de la nation et sur le Parlement que nous souhaitons.

Si l’on veut un Parlement rénové, qui exerce au mieux un véritable contrôle politique et sa fonction législative, cela ne devra pas se faire contre les parlementaires.

Nous sommes tous, je crois, suffisamment responsables, et bien conscients des devoirs qui nous incombent. Si nous avons donc tous un devoir de responsabilité, chacun d’entre nous doit aussi avoir la garantie que ses droits seront respectés. C’est en s’appuyant sur cette éthique de responsabilité que nous pourrons donner enfin aux parlementaires les droits qui devraient être effectivement les leurs sous la Ve République. C’est en ce sens que la reconnaissance du droit d’initiative individuelle en matière de résolution nous paraît nécessaire.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 195, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, après le mot :

déposées

insérer les mots :

sur le bureau d'une assemblée

II. - En conséquence dans le même alinéa, remplacer les mots :

d'une assemblée

par  les mots :

de cette assemblée

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. M. Hyest, qui a pour habitude de défendre les droits du Parlement, tout au moins ceux du Sénat, nous présente néanmoins l’amendement n° 2, qui aboutit à restreindre les pouvoirs du Parlement. Il considère en effet qu’il est inutile de préciser que les propositions de résolutions seront déposées sur le bureau d’une assemblée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On ne le précise pas davantage pour les propositions de loi !

M. Jean-Pierre Michel. Donc, il donne pleins pouvoirs au président, puisque les propositions de résolution lui seront adressées directement.

Pour notre part, nous estimons cette précision indispensable. Le bureau est une instance collégiale au sein de laquelle toutes les sensibilités politiques sont représentées. Loin d’avoir un rôle secondaire, le bureau a la charge d’organiser nos débats et de se prononcer sur la procédure législative. Il est juge, par exemple, de la recevabilité des propositions de lois susceptibles d’avoir des conséquences financières ; il procède à la vérification du quorum.

Donc, dès le dépôt d’une proposition de résolution, le bureau sera en mesure de se prononcer sur sa recevabilité au titre de l’article 34-1. Il pourra aussi s’opposer au Gouvernement si celui-ci refuse d’inscrire cette proposition de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée. En effet, nous proposerons ultérieurement une procédure permettant de trancher les différends entre le Gouvernement et l’assemblée sur l’exception d’irrecevabilité, et ce dans un délai réduit.

Par conséquent, il faut prévoir dans l’article que les propositions de résolution sont déposées sur le bureau des assemblées. Ce pouvoir ne relève pas uniquement du président de l’assemblée saisie au motif que, parmi les membres du bureau, certains ne sont pas conviés à la discussion politique qui devrait avoir lieu.

C’est la raison pour laquelle nous demandons, par ce sous-amendement, de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 196, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, remplacer le mot :

déposées

par les mots :

susceptibles d'être déposées à tout moment

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Le sous-amendement n° 196 traite du moment du dépôt. Nous ne revenons pas sur le fait que ces résolutions, outre qu’elles sont très encadrées, se réduisent comme peau de chagrin. (M. le secrétaire d’État le conteste.) C’est notre sentiment, monsieur le secrétaire d’État, et je sais que vous allez le partager bientôt ! (Sourires.)

Le projet de loi organique comme la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur ne mentionnent aucune période de dépôt des propositions de résolution. Si nous nous accordons tous sur le caractère individuel du droit de résolution, celui-ci n’a pas à être limité – il l’est déjà suffisamment par le contrôle du Gouvernement – dans le temps : les propositions de résolution doivent pouvoir être déposées à tout moment. Les droits du Parlement se trouveraient ainsi renforcés.

Le Président de la République, qui n’est pas l’un de mes auteurs favoris, avait déclaré, lors de la mise en place du comité Balladur : vous pourrez examiner l’opportunité de permettre au Parlement de déposer des résolutions « susceptibles d’influencer le travail gouvernemental ». Si ce dernier membre de phrase - au-delà de son côté un peu surréaliste – a un début de vérité, comme nous soupçonnons le Gouvernement de travailler aussi hors session, eh bien ! les parlementaires doivent pouvoir déposer des propositions de résolution à tout moment. Un certain nombre d’événements importants peuvent en effet survenir hors session…

M. Bernard Frimat. …et conduire les parlementaires, à titre individuel ou au nom de leur groupe, à déposer une proposition de résolution afin d’alimenter le débat public.

Nous souhaitons donc que les parlementaires soient libres de déposer, lorsqu’ils l’estiment nécessaire, des propositions de résolution, même s’il ne s’agit que de toutes petites résolutions. (Sourires.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 197, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, après le mot :

assemblée

insérer les mots :

, au cours d'une session ordinaire et extraordinaire,

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout d’abord, je souhaite remercier M. le secrétaire d’État des précisions qu’il a bien voulu m’apporter sur Jean Zay, pour lequel nous partageons la même admiration.

M. Michel Charasse. Il serait temps qu’on lui rende un peu mieux hommage !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez tout à fait raison, monsieur Charasse !

Ensuite, je voudrais dire à notre ami Pierre Fauchon qu’il est un archétype, voire un artéfact, du débat parlementaire : en règle générale, la majorité trouve toujours que l’opposition parle de ce dont il ne faudrait pas parler. Autrement dit, le débat est toujours objet de débat : c’est une constante !

Ce qui nous réunit tous, c’est que nous sommes profondément attachés à la liberté de la parole. C’est ce qui fait l’intérêt du Parlement, même si les uns trouveront toujours que les autres sont hors sujet, et inversement.

Vouloir tout normer, tout encadrer – nous savons que c’est malheureusement l’objet de l’article 13, en particulier – contrevient forcément à l’éthique parlementaire.

Ce sous-amendement n° 197 est un sous-amendement de repli par rapport à celui que vient de défendre Bernard Frimat.

Dans son amendement n° 2 de réécriture de l’article 1er, la commission des lois ne se prononce pas sur la période de dépôt des résolutions. Ce faisant, elle laisse planer un doute. L’article 4 du présent projet de loi organique fait référence à la session parlementaire à propos des propositions de résolution qui ne peuvent pas être inscrites à l’ordre du jour si elles ont le même objet qu’une proposition de résolution antérieure.

Mais il s’agit là non pas du dépôt, mais de l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution. En ne se prononçant pas avec précision sur le dépôt, la commission des lois laisse aux règlements des assemblées le soin d’apporter la réponse. Il ne serait donc pas exclu que chaque assemblée détermine une limite différente de dépôt dans le temps, ce qui ne serait pas cohérent.

En outre, rien n’interdirait aux règlements des assemblées de fixer un cadre temporel plus restrictif que la session. Dans ce cas, le droit de déposer des propositions de résolution risquerait de devenir quelque peu virtuel.

Il convient de se prémunir contre cette occurrence en prévoyant dès à présent dans la loi organique un temps très large de dépôt, par exemple la durée de la session ordinaire.

Encore faut-il se souvenir qu’en vertu de l’article 29 de la Constitution le Parlement peut également être réuni en session extraordinaire à la demande de la majorité des membres composant l’Assemblée nationale.

Dans ce cas, le Sénat, qui n’a pas l’initiative des sessions extraordinaires, est nécessairement convoqué en même temps que l’Assemblée nationale. On peut tout à fait imaginer que les députés usent de cette faculté et que l’examen d’une proposition de résolution figure à l’ordre du jour de la session extraordinaire.

Le sous-amendement n° 197 nous paraît donc tout à fait justifié. En effet, il se réfère non seulement aux sessions ordinaires, mais aussi aux sessions extraordinaires.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 199, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de l'amendement n° 2, remplacer les mots :

ne peut être limité

par les mots :

est illimité

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Le président de la commission des lois – sans doute faut-il y voir un hommage à la qualité du texte ! – propose une approche doublement négative. Si c’est ainsi qu’il apprécie l’ensemble de la loi, nous pouvons facilement tomber d’accord avec lui.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh bien, tant mieux !

M. Bernard Frimat. Comme lui, nous trouvons ce projet de loi doublement, voire triplement négatif.

Aux termes de l’amendement n° 2, qui tend à rédiger l’article, le nombre de propositions de résolution « ne peut-être limité ». Ce que nous proposons, c’est qu’il soit « illimité » : il s’agit de passer d’une formulation négative à l’affirmation d’un principe.

Dans son amendement n° 28 rectifié, notre collègue Michel Charasse propose de remplacer les mots : « ne peut être limité » par les mots : « n’est pas limité ». Bien qu’encore négative, la rédaction progresse vers le caractère affirmatif.

Nous pensons qu’il faut substituer la forme affirmative à la forme négative afin d’inscrire clairement dans la loi organique le caractère quasi absolu du droit des parlementaires de déposer des propositions de résolution.

Je suis d’accord avec vous pour considérer qu’entre l’interdiction de limiter un droit et l’affirmation de son caractère illimité, il n’y a pas de différence fondamentale. Dès lors, vous ne pouvez que vous rallier avec enthousiasme à notre proposition grammaticale ! (Sourires.)

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 47, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 2 par les mots :

au cours d'une même session ordinaire ou extraordinaire

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à expliciter le fait que les propositions de résolution peuvent être déposées dans le cadre d’une session extraordinaire. Il vous est donc suggéré d’affirmer que les propositions de résolution, dont le nombre sera illimité, pourront être déposées en session ordinaire comme en session extraordinaire.

La contraction à laquelle procède l’amendement n° 2 de la commission ne me semble pas préserver cette possibilité dans la mesure où il évacue la notion même de session. Devons-nous en conclure que cela englobe également les sessions extraordinaires ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment, puisque cela s’applique également hors session !

Mme Alima Boumediene-Thiery. De la réponse à cette question dépendra notre décision de maintenir ou non ce sous-amendement.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 198, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :

Ces propositions de résolution peuvent également être déposées sur le bureau d'une assemblée au nom d'un groupe par son président.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Nous avions annoncé que nous déposerions des amendements qui ne seraient pas de pure forme : c’est le cas de celui-ci !

Si je m’exprime en tant que président de groupe, c’est parce que ce sous-amendement pose une question essentielle : il a pour objet de faire en sorte qu’une proposition de résolution puisse être déposée au nom d’un groupe par son président.

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit antérieurement : le droit de déposer une résolution est effectivement un droit individuel ; il peut donc être exercé par un membre de l’assemblée.

Mais quel est le sens de la réforme des institutions votée en juillet dernier, sinon donner plus de visibilité au travail parlementaire ? S’il est un domaine à propos duquel la question de l’expression des groupes en tant que telle se pose, c’est bien celui des propositions de résolution, car elles permettent d’affirmer l’intérêt général et de faire valoir une orientation politique, dans le bon sens du terme. Ces procédures, qui ont une signification politique, me semblent donc mériter un sort particulier.

Actuellement, les groupes politiques, et en particulier leur président, jouent un rôle relativement important aux différents stades de la procédure législative.

M. Jean-Pierre Bel. Nous pouvons faire opposition aux candidatures présentées par les commissions permanentes, les commissions spéciales, les commissions mixtes paritaires ou par certains organismes extraparlementaires.

Tout récemment encore, nous avons entendu le président de notre assemblée exprimer sa volonté de donner un rôle nouveau à la conférence des présidents : au sein de cette dernière, les présidents des groupes jouent un rôle au moins aussi actif, aussi important que celui des présidents des commissions, en particulier en ce qui concerne la fixation de l’ordre du jour.

J’ai eu du mal à comprendre l’hostilité de la commission des lois à l’égard de notre proposition, qu’elle a considérée comme pouvant être redondante.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y a pas d’hostilité !

M. Jean-Pierre Bel. Tant mieux ! Il est en effet différent de déposer une proposition de résolution au nom de Jean-Pierre Bel, sénateur de l’Ariège, ou de le faire en tant que président du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

J’estime donc que cette suggestion devrait être prise en considération, d’autant qu’en la matière un consensus semble se dégager entre les présidents des différents groupes politiques de notre assemblée.

Sont présents ce matin trois présidents de groupe, y compris celui du groupe des non-inscrits – ceux-ci n’ont pas le statut d’un groupe politique, mais nous les respectons et nous souhaitons que chacun d’entre eux puisse jouer un rôle éminent dans notre assemblée –, d’autres sont certainement représentés, et j’aurais souhaité que les présidents des autres groupes expriment aussi leur point de vue sur leur rôle politique et sur la manière de valoriser la présentation de leurs orientations, politiques ou plus générales, au Sénat.

Il est vrai que notre assemblée est favorablement connue pour sa grande technicité dans l’examen des textes, mais nous devons aussi assurer la visibilité des orientations politiques que nous défendons dans nos débats.

C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, ce sous-amendement, qui aurait aussi le mérite de mettre l’article 1er en cohérence avec l’article 3 bis que l’Assemblée nationale a adopté, sur proposition de son rapporteur, et qui vise la demande d’inscription, par le président d’un groupe, d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée. Il s’agirait donc d’une coordination au sein du chapitre Ier du présent projet de loi organique.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 200, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées fixent les conditions de dépôt et de publicité des propositions de résolution.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Ce sous-amendement vise à compléter l’excellent amendement n° 2 de la commission…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah ! Tout à l’heure, il a été dit qu’il était mauvais…

M. Richard Yung. …en précisant que les règlements des assemblées fixent les conditions de dépôt et de publicité des propositions de résolution.

Cette proposition raisonnable et pleine de bon sens devrait, me semble-t-il, faire l’unanimité, ne serait-ce que parce qu’elle est de nature à concourir au bon fonctionnement des assemblées.

Cependant, en présentant ce sous-amendement, nous pensons également au sort des motions qui seront déclarées irrecevables. À cet égard, je ferai un parallèle avec un mal dont nous souffrons tous, l’article 40 de la Constitution : dans les couloirs de cette maison errent quantité d’amendements, déclarés irrecevables en application de cet article, tels des vaisseaux fantômes à la recherche d’un port d’attache où s’abriter… (Sourires.)

Tout le monde perçoit le malaise qui résulte de cette situation ! Eh bien ! nous craignons qu’il n’en soit de même avec les propositions de résolution qui seraient déclarées irrecevables, dans les conditions que j’ai déjà évoquées et sur lesquelles je ne reviens pas, mais dont le statut serait indéfini.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, puisqu’elles seraient publiées !

M. Richard Yung. Nous estimons qu’une proposition de résolution, même déclarée irrecevable, a un statut politique et doit être mise à la disposition de tous les parlementaires et même du public, car elle porte un message politique. Peu importe que l’on soit ou non d’accord avec ce message !

Nous proposons donc que, au-delà des mesures relatives à la publicité des propositions de résolution, les règlements des assemblées prévoient également le statut des résolutions déclarées irrecevables. Ils devraient d’ailleurs également le faire, mais ce n’est pas le sujet de ce débat, pour les amendements rejetés en application de l’article 40 de la Constitution

Mme la présidente. L'amendement n° 140, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Le dépôt d'une proposition de résolution sur le bureau d'une assemblée au titre de l'article 34-1 de la Constitution est un droit individuel des membres de cette assemblée.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Pour des raisons de procédure parlementaire qui n’ont pas échappé à la vigilance du président de la commission des lois, nous avons redéposé les amendements nos 140, 141, 142, 144, 143 et 145 sous forme de sous-amendements afin d’éviter que la nouvelle rédaction de l’article proposée par la commission, dont l’adoption rendrait sans objet ces amendements, nous prive de la possibilité, à laquelle nous tenons, de voter sur nos propres propositions.

En conséquence, madame la présidente, on peut considérer que ces six amendements ont été défendus.

Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de cette assemblée

par les mots :

de ses membres

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Madame le président, plusieurs amendements que j’ai déposés avec des collègues et amis de mon groupe et d’autres groupes sont rédactionnels et n’ont pas d’incidence de fond.

Pour ma part, je trouve que le texte qui nous est transmis par l’Assemblée nationale est très mal rédigé…

M. Bernard Frimat. Absolument !

M. Michel Charasse. …et, sans vouloir être désagréable à l’égard de nos amis et collègues députés, je pense que le rôle du Sénat est aussi d’essayer d’écrire les textes correctement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et après, on me le reproche !

M. Michel Charasse. Un jour, je posais la question au Président François Mitterrand : « mais comment a-t-on pu rédiger – et les juristes d’alors n’avaient pas la formation d’aujourd'hui – une Déclaration de 1789 tellement ramassée, où tout est dit en très peu de mots – par exemple : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. », etc. –, alors qu’aujourd'hui, pour dire la même chose, il faut trois ou quatre articles plus ou moins illisibles ? Est-ce un problème d’intelligence, de formation…? » Il m’a répondu : « ne cherchez pas, cher ami : c’est tout simplement le remplacement de la plume d’oie par la machine à traitement de texte. »

M. Adrien Gouteyron. Belle expression !

M. Michel Charasse. Je crois que ce n’est pas être désagréable à l’égard de nos collègues députés que de dire que le texte mérite, quoi que l’on en pense sur le fond, d’être un peu mieux rédigé.

En outre, monsieur le secrétaire d'État, plus nous passerons du temps pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, plus nous aboutirons à des textes mal rédigés. Car ceux de 1958, quoi que l’on en pense sur le fond aussi, sont quand même assez bien écrits et d’une façon très sobre. Il faut dire, évidemment, qu’ils n’ont pas été rédigés par des professeurs de droit réunis dans une commission de juristes théoriciens… (Sourires.)

L’amendement n° 27 rectifié est donc rédactionnel. Il prévoit simplement de remplacer les mots : « membres de cette assemblée » par les mots : « de ses membres ». Et je présenterai d’autres amendements de la même veine dans un moment.

J’ai bien noté les sous-amendements qui ont été présentés par mes amis du groupe socialiste. Je ne vais pas reprendre la parole à cet égard tout à l’heure, mais je m’interroge quand même sur un sous-amendement : je crois qu’il ne faudrait pas, en cherchant à être trop précis à l’occasion de ce débat, donner de mauvaises idées à certains.

Aujourd'hui, que la session soit ordinaire ou extraordinaire, on peut tout faire : déposer des amendements sur des textes futurs, déposer des propositions de loi, et même déposer une motion de censure à l’Assemblée nationale, mais c’est expressément prévu par la Constitution elle-même. La session extraordinaire n’interdit rien par rapport à l’intersession ! Donc, je le dis à mon ami Frimat, le mentionner expressément dans ce texte-là pourrait donner un jour à penser que, si cette possibilité n’est pas prévue expressément pendant une session extraordinaire, alors on ne peut pas le faire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà !

M. Michel Charasse. Comme je préfère ne pas être en recul sur les droits du Parlement, cela me paraît aller de soi !

En ce qui concerne le sous-amendement dont parlait M. Frimat et la question de savoir si l’on doit retenir les termes « n’est pas limité » ou les termes « est illimité », je suis prêt à me rallier tout à l’heure à la solution proposée par le groupe socialiste.

Mais si on élaborait un texte un peu mieux rédigé, ce serait quand même à l’honneur du Sénat, même si nous sommes beaucoup à être plus ou moins réservés sur le fond.

Mme la présidente. L'amendement n° 141, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elles peuvent être également déposées sur le bureau d'une assemblée au nom d'un groupe par son président.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 142, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Les propositions de résolution visées à l'article 34-1 de la Constitution peuvent être déposées à tout moment.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 144, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

session

insérer les mots :

ordinaire et extraordinaire

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

ne peut être limité

par les mots :

n'est pas limité

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Dans la mesure où mon ami Frimat propose une rédaction positive, alors que je présente une rédaction plutôt négative, mais qui se traduit quand même positivement pour les droits du Parlement, je veux bien me rallier à son sous-amendement et je retire mon amendement

Mme la présidente. L'amendement n° 28 rectifié est retiré.

L'amendement n° 143, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

ne peut être limité 

par les mots :

est illimité

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 145, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées fixent les conditions de dépôt et de publicité des propositions de résolution visées au premier alinéa.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons tous souhaité que la loi organique ne soit pas « bavarde ». Cela implique que ce qui relève du règlement reste dans le règlement.

Plusieurs questions se posent donc, y compris d’ailleurs à l’égard de notre règlement actuel – je vous renvoie, mes chers collègues, à son article 24, qui est très clair – puisque, pour les propositions de résolution, s’appliqueront exactement les mêmes règles que pour les propositions de loi.

Je dis d’ailleurs d’emblée qu’il serait faux de préciser « session ordinaire ou extraordinaire » : le débat d’un texte en session extraordinaire n’est pas possible s’il n’est pas inscrit à l’ordre du jour de cette session.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a eu, sur ce point, une petite confusion dans les propos de Jean-Pierre Sueur.

Il est évident que l’on peut déposer des propositions de résolution à tout moment, y compris hors session. Une telle précision constitue donc une limitation.

La deuxième question soulevée par ces amendements et sous-amendements a trait au caractère individuel du droit de dépôt des propositions de résolution.

Certains voudraient que ces propositions puissent être déposées au nom d’un groupe, mais ce serait contradictoire avec le caractère individuel de ce droit.

C’est pourquoi je précise, dans la rédaction très synthétique que je propose à l’amendement n° 2, qu’elles peuvent être « déposées par un ou plusieurs membres d'une assemblée ».

Les propositions de loi et les amendements sont présentés par leurs auteurs, dont les noms apparaissent, et éventuellement les autres membres de leur groupe : il doit en aller de même pour les propositions de résolution. Sinon, ce serait un changement dans nos règles habituelles : le groupe, même s’il s’agit de l’ensemble du groupe, est un groupe de sénateurs.

Il faut, à l’évidence, conserver le droit individuel, mais il est inutile de le préciser dans la loi organique, même si, pour des raisons de commodité, on peut dans la pratique viser l’ensemble des membres du groupe socialiste. C’est pourquoi je suis défavorable au sous-amendement n° 194.

De même, je suis défavorable au sous-amendement n° 195.

Monsieur Michel, pourquoi préciser que les propositions de résolution sont déposées sur le bureau d’une assemblée ? Cela a toujours été le cas pour les propositions de lois et je ne vois pas pour quelle raison on changerait, en ce qui concerne les résolutions, les règles générales qui s’appliquent en matière de dépôt sur le bureau des assemblées. Si l’on apportait cette précision dans la loi organique, il faudrait aussi le faire pour les propositions de loi !

S’agissant du sous-amendement n° 196, qui vise à préciser que les propositions de résolution sont « susceptibles d’être déposées à tout moment », on sera d’accord pour reconnaître que c’est une précision qui n’est pas indispensable.

Pour ce qui est du sous-amendement n° 197 relatif à l’insertion des mots : « au cours d’une session ordinaire et extraordinaire », l’adoption d’une telle mesure reviendrait à empêcher le dépôt de propositions de résolution en dehors des sessions Je ne peux donc qu’y être défavorable.

J’en viens au sous-amendement n° 199, qui vise à rendre le nombre de propositions de résolution « illimité ». Un tel adjectif n’est jamais utilisé dans les textes ; pour ma part, je ne l’ai jamais vu !

C'est la raison pour laquelle la rédaction de l'amendement de la commission – « ne peut être limité » – paraît préférable. Peut-être même celle de l'amendement n° 28 rectifié – « n’est pas limité » – est-elle meilleure encore.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est donc défavorable au sous-amendement n° 199.

Que signifie le terme « illimité » ?... En revanche, personne ne peut porter de limite à ce droit : c’est différent ! Nous allons pouvoir parler syntaxe, monsieur Sueur ; vous savez que je suis toujours extrêmement attentif à vos compétences exceptionnelles dans ce domaine,...

M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. ...même si vous ne les utilisez pas toujours à bon escient. (Rires.)

M. Jean-Pierre Sueur. In cauda venenum ! (Nouveaux rires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Compte tenu des explications que je viens de fournir, la commission demande le retrait du sous-amendement n° 47 : les propositions de résolutions peuvent être déposées à tout moment, même hors session.

Certains ont évoqué l'article 40 de la Constitution. Les propositions de résolution sont imprimées et diffusées ; je vous renvoie à l'article 24 du règlement.

M. Michel Charasse. Ce n’est pas comme les amendements qui sont déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Les propositions de résolution s’apparentent aux propositions de loi !

M. Michel Charasse. Elles sont d’abord publiées, puis elles peuvent être déclarées irrecevables.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, mais pas au titre de l'article 40 !

M. Michel Charasse. Il n’en reste pas moins que la question de la publication des amendements déclarés irrecevables au titre de l'article 40 n’est pas stupide !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai, mais il s’agit d’une autre question !

Je vous invite à relire l'article 24 du règlement, qui est très complet : il existe depuis cinquante ans et son application n’a jamais posé de problème. Les règles seront identiques pour les propositions de résolution !

Ne mettons pas dans la loi organique ce qui relève du règlement ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 198. J’ai déjà répondu par anticipation à Jean-Pierre Bel : déposer une proposition de résolution est un droit individuel ; les noms de tous les auteurs doivent donc y figurer. Il en est d’ailleurs ainsi pour les propositions de loi. Et vouloir que les propositions de résolution puissent également être déposées sur le bureau d’une assemblée au nom d’un groupe par son président est contradictoire !

M. Jean-Pierre Bel. La situation a bougé ! La révision constitutionnelle a changé les choses !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sur cette question, la révision constitutionnelle n’a rien modifié, à mon avis.

M. Bernard Frimat. C’est votre avis !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est l’avis de la commission !

M. Bernard Frimat. Il arrive que vous le partagiez !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Autrement, je ne serai pas rapporteur, mon cher collègue. (Sourires.)

S’agissant du sous-amendement n° 200, je vous renvoie, là encore, à l'article 24 du règlement.

La commission est également défavorable aux amendements nos 140 et 27 rectifié.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L'amendement n° 27 rectifié est satisfait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement, l'amendement n° 27 rectifié est satisfait par l'amendement de la commission.

M. Michel Charasse. Il n’aura plus d’objet si l'amendement de la commission est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C'est la raison pour laquelle certains sous-amendements ont été déposés à l'amendement n° 2 !

La commission est défavorable à l'amendement n° 141, pour les mêmes raisons que celles qu’elle a avancées pour l'amendement n° 198.

La commission est défavorable à l'amendement n° 142 : il vise à apporter une précision qui n’est pas indispensable.

La commission est défavorable à l'amendement n° 144. J’ai déjà indiqué que la référence à une session, qu’elle soit ordinaire ou extraordinaire, me semblait une erreur.

Monsieur Charasse, je pense que la commission pourrait se rallier à votre amendement n° 28 rectifié, à condition que vous acceptiez de le transformer en sous-amendement.

M. Bernard Frimat. Qu’en pense le rapporteur ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À titre individuel, le rapporteur trouve cet amendement pertinent.

J’ai déjà indiqué pourquoi l’adjectif « illimité » ne me paraissait pas opportun ; il paraîtrait curieux de le faire figurer dans un texte de cette nature.

M. Michel Charasse. Il s’agit d’un droit absolu !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait ! C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 143.

Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 145. Il est inutile de renvoyer aux règlements des assemblées.

Mme la présidente. Monsieur Charasse, acceptez-vous de transformer votre amendement en sous-amendement à l’amendement de la commission ?

M. Michel Charasse. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 28 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

A la fin du second alinéa de l'amendement n° 2, remplacer les mots :

ne peut être limité

par les mots :

n'est pas limité

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Après les excellentes explications de M. le rapporteur, je serai bref.

Je ne reviendrai pas sur les débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et en commission au Sénat : s’agissant du dépôt des propositions de résolution, tout le monde, à gauche comme à droite, tient à ce que ce droit soit individuel.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement a confirmé cette position : déposer une proposition de résolution est un droit individuel continu, qui peut s’exercer à tout moment, en session ordinaire, en session extraordinaire, ou hors session. Ce droit n’est pas limité.

Je suis heureux de l’accord qui est intervenu entre la commission des lois et Michel Charasse. Le sous-amendement n° 28 rectifié bis permettra à l'amendement de la commission d’être plus conforme.

Il s’agit d’un droit individuel nouveau. Si l’ensemble du groupe socialiste souhaite déposer une proposition de résolution, rien n’empêche, comme c’est le cas pour les amendements, de préciser les cosignataires, même si ce sont les deux cents parlementaires. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.) C’est à l'Assemblée nationale que l’on compte deux cents parlementaires socialistes, veuillez m’excusez !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous anticipez bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dieu nous en garde !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est trop de rapidité !

M. Bernard Frimat. C’est de la divination !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un lapsus révélateur !

M. Pierre Fauchon. Patience, mes chers collègues !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je voulais parler des cent quinze sénateurs du groupe socialiste !

M. Jean-Pierre Sueur. Deux cents sénateurs socialistes, ce serait excessif. Un peu moins nous conviendrait !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’étais encore sur un débat que j’ai eu tout à l’heure avec le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. Il est inutile de faire montre d’une précipitation inutile, de nourrir des rêves secrets ou de vouloir lire dans des boules de cristal !

Toujours est-il que la disposition prévue à l'article 1er constitue un droit nouveau, je le répète. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 2 de la commission, modifié par le sous-amendement n° 28 rectifié bis. Nous aurons ainsi une rédaction cohérente permettant de conforter le droit individuel, qui peut être étendu à un certain nombre de sénateurs cosignataires. Les propositions de résolutions pourraient être déposées à tout moment : pendant la session ordinaire, extraordinaire, ou hors session. Et le nombre de propositions de résolutions ne serait pas limité.

La question de la publicité des propositions de résolution relève du règlement et ne doit pas être traitée dans une loi organique.

Le Gouvernement émet donc, à regret – mais tout le monde devrait pouvoir se rallier à l’amendement de la commission – un avis défavorable sur les sous-amendements nos 194, 195, 196, 197, 199, 47, 198, 200, ainsi que sur l'amendement n° 140.

L'amendement n° 27 rectifié est, à mon sens, satisfait par l'amendement n° 2.

M. Michel Charasse. Absolument ! C'est la raison pour laquelle je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 141, 142, 144, 143 et 145.

Enfin, j’émets un avis favorable sur le sous-amendement n° 28 rectifié bis de M. Charasse.

Sincèrement, la rédaction de la commission, sous amendée, pourrait, je le répète, convenir à tout le monde : le nombre de propositions de résolution n’est pas limité ; celles-ci peuvent être déposées à tout moment ; enfin, le droit individuel n’est pas remis en cause.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 194.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 195.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 196.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 197.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 199.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 28 rectifié bis.

M. Bernard Frimat. Je me réjouis que M. le rapporteur ait proposé, à titre personnel, d’abandonner la position de la commission pour se rallier à une meilleure rédaction. Je persiste à croire que la nôtre était novatrice. Pour autant, nous voterons le sous-amendement n° 28 rectifié bis de M. Charasse.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 28 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Madame Boumediene-Thiery, le sous-amendement n° 47 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Non, madame la présidente, je le retire.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 47 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 198.

M. Jean-Pierre Bel. Je souhaite revenir sur le débat auquel a donné lieu la présentation de ce sous-amendement. J’ai bien entendu les objections que vous avez formulées, monsieur le rapporteur, et je les prends en considération. Il me semble toutefois que vous ne tenez pas compte de certaines évolutions, en particulier celle qui a été introduite par la dernière révision constitutionnelle et qui a renforcé le poids des groupes politiques.

L'article 51-1 de la Constitution dispose : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires. »

Que la possibilité de déposer des projets de résolution soit un droit individuel n’exclut pas que cette faculté puisse être dévolue à un groupe en tant que groupe !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si !

M. Jean-Pierre Bel. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation que j’ai déjà développée.

L’évolution de la Constitution, que vous avez vous-mêmes voulue, devrait vous amener à être plus ouverts s’agissant d’un amendement qui permettrait de bien déterminer les orientations politiques d’un groupe.

Yvon Collin, en tant que président du groupe du RDSE, soutient notre position et je suis persuadé que si Henri de Raincourt était présent il aurait lui aussi à cœur de réaffirmer notre volonté – nous le disons souvent en conférence des présidents – de voir les groupes traités plus souvent en tant que groupe.

Certes, je peux déposer une proposition de résolution en mon nom, mais celle-ci aura une portée bien plus grande si elle est déposée au nom du groupe que je représente.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est pareil !

M. Jean-Pierre Bel. Et je ne parle pas uniquement des cent quinze membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés. La volonté de réaffirmer la force d’un groupe, afin de donner plus de visibilité à ses actions, s’exprime régulièrement et elle est largement consensuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je partage les propos que vient de tenir M. Bel. Nous abordons un domaine nouveau, celui des résolutions. Grâce au droit de résolution, les diverses opinions de l’assemblée pourront être exprimées, sans passer par le biais de textes normatifs, souvent artificiels, comme par le passé. Si un parlementaire a quelque chose à dire, il le fait, sans pour autant mettre en cause le Gouvernement ; cette limitation est d’ailleurs établie.

Ce nouveau système, qui a de l’avenir, me semble-t-il, permettra de valoriser la responsabilité des groupes. D’une manière générale, toute mesure concourant à favoriser cette responsabilité au sein de la vie parlementaire me paraît bienvenue et de nature à améliorer l’ensemble de nos délibérations.

Monsieur le rapporteur, il revient à peu près au même de dire M. Untel et les membres de son groupe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, c’est différent !

M. Pierre Fauchon. Cependant, la formulation retenue par M. Bel me paraît meilleure et ne pas comporter d’inconvénient. Par conséquent, je voterai en faveur de ce sous-amendement.

Je souhaite en cet instant répondre à M. Sueur qu’il ne faut pas m’apostropher en se plaçant sur les cimes de l’éthique parlementaire. En ce qui me concerne, j’ai la faiblesse, plutôt j’ai la force de croire que l’éthique parlementaire consiste non pas à parler le plus longtemps et le plus souvent possible, mais à élaborer les meilleures lois possibles, ce qui n’est pas tout à fait pareil !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à revenir sur les précisions que souhaitent introduire mes collègues socialistes par le biais des sous-amendements qu’ils ont déposés. J’indique d’ores et déjà que je soutiens le sous-amendement n° 198.

Tout le monde souhaite revaloriser la politique et donc les groupes au Parlement. Il est très important de savoir que telle mesure est voulue par un groupe et pas seulement par plusieurs parlementaires.

Cependant, j’aurais une petite divergence avec mon collègue : par définition, les sénateurs non-inscrits ne constituent pas un groupe puisqu’ils ne réunissent pas les conditions numériques pour en former un. La disposition dont il s’agit ne saurait donc s’appliquer aux sénateurs non-inscrits, qui ne sont qu’une juxtaposition d’individualités. Du reste, ils ne souhaitent pas intégrer un groupe !

Certains groupes ne savent déjà pas s’ils sont dans la majorité ou dans l’opposition ! Si, de surcroît, des parlementaires qui n’appartiennent pas à un groupe peuvent s’exprimer en tant que groupe, on n’y comprend plus rien !

Conservons le sens politique des groupes et reconnaissons qu’ils ont des droits, qui peuvent être inscrits dans un texte.

J’aimerais partager les bonnes paroles de M. le rapporteur comme de M. Charasse. Mais nous ne sommes plus en 1789 !

M. Patrice Gélard. Heureusement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ni en 1792 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’ailleurs, les nombreuses interprétations des droits fondamentaux de 1789 montrent que ces droits ne sont pas compris comme étant fondamentaux par tout le monde : l’histoire l’a prouvé.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer : cela devient la devise du Parlement ! Il s’agit souvent de brouiller les pistes.

On nous dit : n’inscrivons pas dans la loi organique ce qui relève du domaine règlementaire. Mais alors, pour quelle raison faire figurer l’article 13 dans la loi organique ? Vous êtes en pleine contradiction, mes chers collègues !

En l’occurrence, pourquoi inscrire cette précision dans la loi organique ? Tout simplement parce que nous sommes méfiants ! Vous craignez, dites-vous, d’être assaillis par des milliers de propositions de résolution déposées à titre individuel par des parlementaires. Mais le dépôt des telles propositions est tellement encadré que les parlementaires devraient faire preuve de beaucoup d’imagination pour arriver à en déposer 3 000 susceptibles d’être examinées ! Quoi qu’il en soit, si tel était le cas, 2 999 feraient d’emblée l’objet d’un veto du Premier ministre. Il ne s’agirait donc que de bouts de papier rangés dans des tiroirs et qui auraient fait plaisir à leurs auteurs.

Étant donné la crainte que suscite l’octroi de ce nouveau petit droit, le règlement pourrait empêcher tout dépôt de résolution, notamment pendant les sessions extraordinaires. Donc, mieux vaut définir clairement les choses dans la loi organique, ce qui évitera aux règlements des assemblées de contredire votre généreuse pensée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

Un sénateur socialiste. On vote !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Qui a dit cela ?...

M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas un gros mot !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, mais cela signifie que l’avis du président de la commission des lois est inutile !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Pierre Michel. Mais non !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certains droits des groupes d’opposition et minoritaires sont d’ores et déjà déterminés et d’autres devront l’être dans le règlement. Je vous rappelle, mes chers collègues, que les membres du Parlement ont l’initiative des propositions de loi et des amendements. Ils peuvent se regrouper : on dit couramment « une proposition de loi du groupe socialiste ».

M. Bernard Frimat. Alors, écrivons-le !

M. Jean-Pierre Bel. C’est dans la Constitution !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, mon cher collègue ! Ce serait contraire aux articles 39 et 44 de la Constitution relatifs aux propositions de loi et aux amendements.

M. Jean-Pierre Bel. Il s’agit de résolutions !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mieux vaut retenir une formulation identique pour les trois cas. C'est pourquoi la précision en question ne me paraît pas utile.

M. Jean-Pierre Bel. Ce sera différent !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À la limite, on pourrait l’indiquer dans le règlement, mais pas dans la loi organique.

M. René Garrec. Ce n’est pas la place d’une telle disposition !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’aucuns disent : « c’est un droit individuel ». Dans ces conditions, il ne peut s’agir du droit d’un groupe. C’est contradictoire !

La commission maintient donc son avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je suis assez sensible aux propos du président Jean-Pierre Bel relatifs aux groupes. J’entends bien ce que dit M. le président-rapporteur. A priori, je ne suis pas horrifié que les groupes entrent, ès qualités, dans la loi organique à partir du moment où ils figurent désormais dans la Constitution depuis juillet dernier.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est autre chose !

M. Michel Charasse. Mes chers collègues, je veux tout de même rappeler qu’à ma connaissance aucune Constitution de la République n’a jamais mentionné les groupes politiques.

Les groupes parlementaires sont apparus dans le droit parlementaire seulement dans les années 1912-1914. En effet, auparavant, le Parlement n’avait pas le droit de s’organiser en groupes. Les affinités étaient regroupées dans des formations très bizarres, que l’on appelait des « bureaux ».

C’est à partir de 1912-1914 que les groupes ont été admis dans les deux chambres et que l’on a considéré que ce n’était pas méconnaître la loi Le Chapelier que d’autoriser des « coalitions » sous forme de groupes politiques à l’intérieur des assemblées parlementaires.

Les groupes figurent aujourd'hui dans la Constitution à l’article 51-1, qu’a rappelé voilà un instant le président Jean-Pierre Bel.

Ce n’est pas une horreur de préciser cette notion de groupe – Mme Borvo Cohen-Seat a un peu abordé la question tout à l’heure en parlant des sénateurs non-inscrits –, étant entendu que le droit du parlementaire est d’abord individuel, chaque député ou chaque sénateur ayant individuellement le droit d’agir.

M. Michel Charasse. Bien entendu, il ne peut pas y avoir obligation de se regrouper. Sinon, le Conseil constitutionnel considérerait que c’est contraire à des règles de liberté auxquelles nous sommes attachés, les uns et les autres, et que c’est une forme de mandat impératif.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Évidemment !

M. Michel Charasse. Donc, la règle, c’est le droit individuel d’adhérer ou non à un groupe et d’agir ou non.

Cela dit, comme l’a rappelé le président-rapporteur Jean-Jacques Hyest, un certain nombre d’articles, relatifs en particulier aux propositions de loi et aux amendements, visent déjà un ou plusieurs sénateurs, ou députés, selon le règlement de l’assemblée dans laquelle on siège. On peut ajouter les groupes ! Ce n’est pas un inconvénient.

Le bureau du Sénat réfléchit actuellement à la réforme du règlement. Afin de faciliter la lecture de ce règlement, je serais assez favorable à ce que l’on regroupe sous un article unique du règlement l’ensemble des prérogatives des groupes et de leur président. En effet, actuellement, c’est au terme d’une recherche dans le règlement que l’on trouve que le président d’un groupe, et lui seul, en dehors, bien évidemment, du Gouvernement et de la commission, peut demander la vérification du quorum, un scrutin public, etc.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce sont des pouvoirs spécifiques !

M. Michel Charasse. En l’état, je ne vois pas d’objection à ce que la loi organique tire les conséquences des dispositions de la Constitution – je suis d’ailleurs heureux que l’on se décide à appliquer la Constitution, même si on était plutôt réservé – en prolongeant l’article 51-1 et en introduisant une mention qui ne défigure pas complètement la loi organique, monsieur le président-rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Que le droit de résolution soit un droit individuel, personne ne le conteste ! Mais pourquoi s’interdire qu’il soit aussi le droit d’un groupe ?

On déplore bien souvent que soient déposés des amendements très individuels, voire pittoresques, visant à régler un problème particulier. Si l’on refuse à un groupe le droit de résolution, la même dérive est à craindre : le droit individuel de résolution pourrait être utilisé comme l’est parfois le droit d’amendement et les résolutions d’origine individuelle portant sur des sujets ésotériques, pittoresques, risquent de se multiplier.

Accorder le droit de résolution aux groupes permettrait de mieux utiliser ce droit et d’en conserver l’esprit.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je partage le point de vue de M. Détraigne. Pour illustrer mon propos, j’évoquerai l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe où existe une vieille tradition. Le caractère individuel du droit de résolution aboutit à des batailles de propositions de résolution : le lundi, les Arméniens déposent des résolutions, qui sont combattues le mardi par les Azéris, etc. La procédure perd alors tout intérêt ! En l’espèce, la résolution sera publiée et aura ainsi force probante.

Par conséquent, je soutiens le sous-amendement n° 198.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Le sous-amendement défendu par Jean-Pierre Bel me paraît extrêmement intéressant.

En effet, l’exercice du droit de résolution ne doit pas trouver de limite du fait de l’objet même de la résolution. Les sujets les plus divers, qu’ils soient techniques ou éminemment politiques, peuvent être considérés par tel ou tel groupe politique ou par tel membre de notre assemblée comme véritablement déterminants au regard de l’intérêt général de notre pays.

Je prie mes amis et collègues de la commission des lois de bien vouloir m’en excuser, mais je souhaite ardemment que le groupe UMP soutienne le sous-amendement n° 198.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission était défavorable à ce sous-amendement surtout par cohérence avec les dispositions relatives aux propositions de lois et aux amendements. Dans la pratique, les propositions de loi et, parfois, les amendements sont présentés par M. Untel et les membres du groupe.

Madame la présidente, ce sous-amendement semblant recueillir une quasi-unanimité, je souhaiterais, toujours par cohérence, qu’il soit rectifié : il conviendrait de supprimer la référence au bureau d’une l’assemblée. J’ai en effet expliqué que cette précision n’était pas utile et il ne me paraîtrait pas judicieux de la réintroduire au travers de ce sous-amendement.

Mme la présidente. Monsieur Bel, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans ce sens ?

M. Jean-Pierre Bel. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 198 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Compléter l’amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :

Ces propositions de résolution peuvent également être déposées au nom d’un groupe par son président.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Nous venons de faire la preuve que le débat peut être fructueux si on lui permet de s’installer. Il faudra méditer cette leçon au fur et à mesure que nous nous rapprocherons de l’article 13 !

Comme nous ne voulons pas troubler l’unanimité et que nous sommes heureux que le président Henri de Raincourt nous ait rejoints dans notre volonté d’accorder à tous les groupes ce nouveau droit, nous acceptons, bien sûr, la rectification de notre sous-amendement et nous retirons notre demande de scrutin public, qui n’a plus de raison d’être et qui allongerait inutilement nos débats.

M. Jean-Pierre Michel. Embrassons-nous, Folleville !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Comme quoi le débat a un sens, surtout s’il est bien conduit !

Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, le problème s’était posé et beaucoup de députés, de gauche comme de droite, avaient estimé que le fait d’accorder ce droit aux groupes était contradictoire avec la notion de droit individuel appartenant à chaque parlementaire. Cela explique que même les groupes de gauche n’aient pas demandé que ce droit soit reconnu aux groupes.

M. Bernard Frimat. Ils n’ont pas été bavards !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ils l’ont été sur bien d’autres sujets !

Le Gouvernement est très attaché au droit individuel des parlementaires.

M. Michel Charasse. C’est la règle !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. De nombreux députés pensaient qu’une résolution présentée à titre individuel serait plus facilement adoptée, car si elle émanait d’un groupe elle pourrait être considérée comme plus politique.

Sincèrement, le Gouvernement n’en fait pas une question de principe. La preuve en est que le nouvel article 51–1 de la Constitution, auquel M. Charasse a fait référence, mentionne les groupes politiques.

Puisqu’une magnifique unanimité se dégage sur ce point, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée sur ce sous-amendement.

M. Michel Charasse. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 198 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 200.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2, modifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé, et les amendements nos 140, 141, 142, 144, 143 et 145 n’ont plus d’objet.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 3

Article 2

Le président de chaque assemblée transmet sans délai toute proposition de résolution au Premier ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous tenons à marquer notre désaccord avec la logique du Gouvernement et, en l’occurrence, de M. le rapporteur en demandant la suppression de l’article 2.

Cet article manifeste la soumission du pouvoir législatif au pouvoir exécutif. Il prévoit ainsi que les propositions de résolution doivent être transmises « sans délai » au Premier ministre.

Nous avons contesté et nous contestons toujours la rédaction finale de l’article 34-1 de la Constitution, qui limite considérablement, en pratique, la possibilité, pour le Parlement, d’élaborer des résolutions.

Pour que les choses soient claires, je précise que, en ce qui nous concerne, nous sommes favorables aux propositions de résolution, qui sont, traditionnellement, un moyen d’expression du Parlement.

Un usage jugé excessif des propositions de résolution sous la IVe République avait amené les constituants de 1958 à supprimer purement et simplement ce droit pourtant essentiel du Parlement à intervenir dans les choix publics. Ayant toujours été contre la Constitution de 1958, nous ne pouvons approuver cette suppression.

Actuellement, le domaine de la résolution est réduit à sa plus simple expression : modification du règlement, avis sur les actes communautaires, création de commission d’enquête.

Le projet de loi constitutionnelle débattu en juillet dernier comprenait initialement un article 12 qui n’a finalement pas été retenu et qui prévoyait que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement ».

Cette conception très large, intéressante, des résolutions parlementaires a sans aucun doute été utilisée par le Gouvernement pour montrer aux parlementaires, qui devaient évidemment adopter la réforme constitutionnelle, que leurs droits se trouvaient rétablis dans leur plénitude, alors que, la suite l’a montré, la majorité avait déjà décidé de tempérer largement ces belles intentions. D’ailleurs, elle a tout bonnement proposé, à l’Assemblée nationale, de supprimer l’article 12 du projet de loi constitutionnelle.

La majorité du Sénat a rétabli la disposition, mais en écartant la possibilité de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. C’est curieux, car il n’y a pas de motion de censure au Sénat ! Dès lors, comment la responsabilité du Gouvernement pourrait-elle être mise en cause sur le plan institutionnel ?

L’Assemblée nationale, en deuxième lecture, a fini de vider le concept même de résolution de sa substance en excluant toute « injonction » au Gouvernement. Que signifie, en l’occurrence, le mot « injonction » d’un point de vue institutionnel ? Quand l’opposition élabore une proposition de résolution, c’est pour dire quelque chose au Gouvernement. Le débat est suivi d’un vote, et si la majorité n’est pas d’accord, elle n’adopte pas la proposition de résolution. Mais pourquoi empêcher l’opposition de s’exprimer, y compris par des injonctions au Gouvernement ? C’est aussi son rôle.

Ce petit rappel des faits montre, s’il en était besoin, qu’il n’y a pas de rééquilibrage des pouvoirs entre législatif et exécutif.

M. Gélard lui-même comparait mercredi dernier la nouvelle procédure des résolutions à celle des questions orales avec débat, dont nos concitoyens ignorent jusqu’à l’existence.

Il y a eu un effet d’annonce sur les propositions de résolution, c’est un fait, et, malheureusement, le Gouvernement et la majorité se sont empressés de rectifier le tir en vidant la procédure de tout son sens.

Telle est la raison pour laquelle, avec obstination, nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne puis qu’émettre un avis défavorable. Nous venons de voter l’article 1er : si l’on n’adoptait pas l’article 2, le texte serait complètement déséquilibré. Il faut bien déterminer les modalités du dispositif relatif aux résolutions dans la loi organique.

Je comprends très bien votre opiniâtreté, ma chère collègue, mais ma persévérance m’amène à émettre un avis défavorable. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel. Perseverare diabolicum !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

de résolution

insérer les mots :

, que la Conférence des Présidents de l'assemblée concernée estimerait, à la majorité des trois cinquièmes des membres de nature à mettre en cause la responsabilité du gouvernement ou contenir des injonctions à son égard,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Me doutant du résultat du vote qui vient d’intervenir, j’avais déposé un amendement de repli !

M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas être pessimiste !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 73 ne vise pas à contredire l’article 34-1 de la Constitution qui instaure la nouvelle procédure des résolutions. Aux termes de cet article, « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard ».

Il faut bien qu’une instance puisse juger si cette « estimation » du Gouvernement est correcte et respecte les droits du Parlement, d’autant que le conditionnel est employé dans la rédaction de cet article.

Nous pensons qu’il revient à la conférence des présidents d’analyser la réponse du Premier ministre et de décider finalement de la recevabilité d’une proposition de résolution.

C’est bien cela, garantir et revaloriser les droits du Parlement, et non pas accorder au Premier ministre un droit de censure de l’initiative parlementaire, un droit de veto a priori, quand il « estimera », en fonction d’on ne sait quels critères, qu’une proposition de résolution serait de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ou contient des injonctions à son égard.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’appartient ni à l’assemblée ni à une commission permanente de se substituer au Gouvernement dans l’appréciation de l’irrecevabilité d’une proposition de résolution.

De surcroît, prévoir que la conférence des présidents se prononce à la majorité des trois cinquièmes revient à accorder à la minorité le pouvoir de décider, ce qui me semble quelque peu curieux.

La commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Madame Borvo Cohen-Seat, en la matière, les choses sont relativement simples : votre amendement ne correspond pas à la révision constitutionnelle, parce que l’article 34-1, alinéa 2, de la Constitution donne un pouvoir propre au Gouvernement.

Le plein exercice de ce pouvoir implique que le Gouvernement soit destinataire de toutes les propositions, sans filtre ni habilitation par une quelconque instance.

Dans ces conditions, ce pouvoir relevant du seul Gouvernement du fait même de la Constitution, l’amendement n’est pas recevable et le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je regrette beaucoup de ne pouvoir voter cet amendement, que j’aurais alors sous-amendé afin de proposer que la conférence des présidents se prononce par une majorité simple, ce qui me semble suffisant.

Il est exclu que je vote un amendement qui ne correspond pas aux dispositions que nous avons adoptées l’année dernière à l’occasion de la révision constitutionnelle, mais j’aurais préféré, je l’avoue, que ce soit au sein des assemblées que l’on apprécie si une proposition de résolution est de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

Cela étant, nous n’en avons pas décidé ainsi l’été dernier, et nous ne pouvons donc que nous conformer à notre vote d’alors.

Je tenais toutefois à exprimer mon regret et une certaine solidarité – relative – avec Mme Borvo Cohen-Seat. (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. Des convergences ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 147, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre

par les mots :

Gouvernement qui se prononce dans un délai de trois jours francs après réception du texte de la proposition

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Loin de moi l’idée d’adresser quelque critique que ce soit au service de la séance, mais il me semble que cet amendement aurait dû, en toute logique, venir en discussion après les amendements identiques nos 48 et 146, dont la portée rédactionnelle est moindre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On commence par examiner l’amendement dont la rédaction est la plus éloignée du texte !

M. Jean-Pierre Michel. L’article 2 du projet de loi organique ne fixe aucun délai au Gouvernement pour se prononcer sur les propositions de résolution qui lui sont transmises.

Il existe donc une inégalité manifeste de traitement entre le Gouvernement et le Parlement, le Gouvernement n’étant soumis à aucun délai, contrairement à l’assemblée saisie de la proposition de résolution.

Ainsi, aux termes de l’article 3 bis du projet de loi organique, « lorsque le président d’un groupe envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée, il en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription à l’ordre du jour ne soit décidée ».

Par ailleurs, conformément à l’article 4, une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée moins de huit jours francs après son dépôt. Ce même article précise qu’« une proposition de résolution ayant le même objet et le même objectif – quelle est d’ailleurs la différence entre ces deux termes ? –…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Demandez aux socialistes de l'Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Michel. … qu’une proposition de résolution antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour de la même session ». Encore des restrictions !

Ces conditions illustrent le déséquilibre qui existe entre les assemblées et le Gouvernement au regard de la procédure des résolutions. Pourtant, ce projet de loi organique vise, paraît-il, à renforcer les droits du Parlement. Ses dispositions sont en fait très encadrées et vont bien entendu dans le sens de l’intérêt du Gouvernement…

Pour notre part, nous estimons qu’il faut atténuer cette disparité. Certes, le Gouvernement doit s’exprimer sur la proposition de résolution dont il est saisi, mais quelle règle appliquera-t-on en cas de silence ? Certainement pas celle qui prévaut en droit administratif : « qui ne dit mot consent » !

Il convient aussi d’éviter que le silence du Gouvernement ne se traduise par un blocage de la procédure avec, pour conséquence, l’enterrement de fait de la proposition de résolution déposée.

Pour que la proposition de résolution puisse être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée saisie, il faut, aux termes de l’article 3 du présent projet de loi organique, que le Premier ministre – ou le Gouvernement – s’exprime. Tant qu’il ne se sera pas exprimé, la proposition de résolution ne pourra être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de prévoir que le Gouvernement devra se prononcer dans un délai de trois jours francs après transmission de la proposition de résolution.

Mme la présidente. Mon cher collègue, en ce qui concerne la fixation de l’ordre de présentation des amendements, l’article 49, alinéa 2, de notre règlement intérieur prévoit que, dans une discussion commune, sont d’abord examinés les amendements de suppression, puis les autres amendements en commençant par ceux qui s’écartent le plus du texte proposé, ce qui est le cas de l’amendement n° 147 par rapport aux deux amendements identiques nos 48 et 146, que j’appelle donc maintenant en discussion.

L'amendement n° 48 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 146 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre 

par le mot :

Gouvernement

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 48.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La modification proposée peut sembler de détail, mais elle est en fait assez importante. J’imagine que cela n’a pas échappé à la vigilance de M. le rapporteur !

J’aimerais demander à M. le secrétaire d’État les raisons pour lesquelles il a été décidé de faire référence au Premier ministre, et non au Gouvernement.

En effet, aux termes de l’article 34-1 de la Constitution, c’est le Gouvernement, et non pas le Premier ministre, qui juge de la recevabilité d’une proposition de résolution. Il me semblerait donc cohérent de prévoir que les propositions de résolution soient transmises au Gouvernement.

Par ailleurs, cet amendement relève du même esprit qu’un sous-amendement qui viendra en discussion ultérieurement, prévoyant que la décision de déclarer irrecevable une proposition de résolution doit être prise en conseil des ministres. En effet, il n’appartient pas au Premier ministre de décider seul.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 146.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement procède de la même philosophie.

À l’instar de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, nous nous étonnons que la commission des lois ait refusé cette rectification,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous expliquerai pourquoi !

M. Claude Bérit-Débat. … alors que l’argumentation qu’elle développe à propos de l’article 3 du projet de loi organique s’applique également à l’article 2.

Nous estimons que, par cohérence, le président de l’assemblée saisie doit transmettre la proposition de résolution au Gouvernement, même si, en pratique, la personne physique concernée sera vraisemblablement le ministre chargé des relations avec le Parlement…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. À la bonne heure !

M. Claude Bérit-Débat. … ou le secrétariat général du Gouvernement, instance chargée de l’organisation du travail gouvernemental et du respect des procédures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 147, il ne semble pas nécessaire de contraindre le Gouvernement à se prononcer dans un délai aussi rapide, alors que l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n’est pas même envisagée.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne les deux amendements identiques, la commission proposera effectivement, à l’article 3, de mentionner le Gouvernement, au lieu du Premier ministre, mais il ne s’agit ici que de la transmission des propositions de résolution.

M. Pierre Fauchon. Mais oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si l’on écrit que les propositions de résolution seront transmises au Gouvernement, où les adressera-t-on ?

M. Yannick Bodin. À l’Élysée !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Bodin, vous souhaitez une nouvelle révision constitutionnelle ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pourquoi pas ?

M. Yannick Bodin. Je lis trop les journaux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Après tout, certains sont pour le régime présidentiel !

Il faut donc bien prévoir, à notre sens, que les propositions de résolution soient transmises au Premier ministre, et c’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 48 et 146.

Tout à l’heure, nous proposerons de faire référence, à l’article 3, au Gouvernement, et non au Premier ministre comme le prévoit la rédaction actuelle. Nous respectons ainsi parfaitement les termes de l’article 34-1 de la Constitution, car il appartient au Gouvernement, et non à une personne particulière, de juger de la recevabilité d’une proposition de résolution.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ces trois amendements en discussion commune visent à ce qu’il soit fait mention du Gouvernement, et non du Premier ministre.

Toutefois, le lien ordinaire, classique et constitutionnel entre le Parlement et le Gouvernement est naturellement le Premier ministre. Certes, j’ai entendu avec gratitude citer le ministre chargé des relations avec le Parlement, seul membre du Gouvernement en liaison directe avec ce dernier, mais il n’a pas de pouvoir propre, n’agissant que par délégation du Premier ministre. En réalité, c’est donc le Premier ministre qui constitue le lien normal avec le Parlement.

En ce qui concerne l’amendement n° 147, la loi organique ne saurait ajouter expressément une condition de délai s’imposant au Gouvernement, une telle disposition n’étant pas prévue dans la Constitution.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 147, ainsi qu’aux amendements identiques nos 48 et 146.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 147.

M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, j’ai pris acte de vos explications concernant l’ordre d’appel des amendements. Toutefois, ces amendements n’auraient pas dû faire l’objet d’une discussion commune. Il aurait fallu d’abord examiner l’amendement n° 147, puis le mettre aux voix.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’allez pas recommencer !

Mme la présidente. Il a été décidé qu’il devait y avoir discussion commune.

M. Jean-Pierre Michel. Pourquoi ? Pour que l’on s’exprime moins !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non, monsieur Michel !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d’émettre quelques doutes sur votre argumentation concernant le délai prévu par l’amendement n° 147.

Vous vous retranchez derrière la Constitution, arguant que celle-ci ne prévoyant pas de délai, la loi organique ne saurait en comporter. Mais, dans ce cas, à quoi servent les lois organiques ?

M. Bernard Frimat. Si, lors de la révision constitutionnelle, nous avions proposé d’inscrire des délais dans la Constitution, vous nous auriez répondu qu’il ne fallait pas surcharger cette dernière de précisions inutiles, relevant de la loi organique !

Si je peux admettre vos arguments lorsque vous affirmez que les propositions de résolution doivent être transmises au Premier ministre, et non au Gouvernement, en revanche, je le répète, il appartient bien à la loi organique de prévoir des délais. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

M. le rapporteur, quant à lui, a fondé son argumentation sur le fait qu’il ne faut pas fixer de délai parce que le Gouvernement ne devra se prononcer sur la recevabilité d’une proposition de résolution que si celle-ci est inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée. Or il faut qu’elle ait été déclarée recevable pour qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour ! Cela signifie-t-il que l’on va devoir procéder à une inscription fictive ou conditionnelle ? Cela risque de déstabiliser l’ordre du jour ! À moins que l’on ne transmettre la proposition de résolution au Premier ministre dès lors qu’il est envisagé de l’inscrire à l’ordre du jour ? Mais qu’est-ce que cela signifie pour la conférence des présidents ? Soit l’ordre du jour est établi, soit il ne l’est pas !

Comme nous ne craignons pas une inflation du nombre des propositions de résolution, étant donné leur modeste portée, il nous semble plus sain de fixer un délai au Gouvernement pour se prononcer, afin que puisse ensuite éventuellement s’engager un débat public sur sa décision.

En conséquence, nous maintenons l’amendement n° 147, en espérant avoir convaincu nos collègues de l’adopter.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Autant je suis d’accord avec l’idée d’introduire un délai, autant je suis réservé en ce qui concerne la substitution du mot « Gouvernement » aux mots « Premier ministre ».

En effet, il existe une pratique très ancienne : toutes les fois que, en matière de procédure, la Constitution fait mention du Gouvernement, c’est le ministre présent en séance qui, par exemple, accepte ou refuse un amendement au nom du Gouvernement.

Or l’adoption de l’amendement n° 147 de M. Frimat dans sa rédaction actuelle aboutirait à obliger le Gouvernement à se réunir pour se prononcer. Ce serait d’une lourdeur intolérable ! Il faut maintenir la référence au Premier ministre, sinon on pourrait en arriver un jour à considérer que le ministre présent en séance au banc du Gouvernement n’a plus la capacité de s’exprimer seul au nom du Gouvernement. Il faudra alors réunir celui-ci en urgence pour qu’il donne son appréciation sur chaque amendement. Dans ce cas, aucun débat ne sera plus possible !

Si M. Frimat acceptait de corriger l’amendement n° 147 en ce sens, je serais prêt à le voter, car pour le reste prévoir un délai ne me gêne pas, au contraire !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. La rectification proposée par M. Charasse me semblant de nature à convaincre un plus grand nombre d’entre nous de voter l’amendement, j’accepte très volontiers sa suggestion.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

À la fin de cet article, après les mots :

Premier ministre

insérer les mots :

qui se prononce dans un délai de trois jours francs après réception du texte de la proposition

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’appelle une nouvelle fois l’attention de la Haute Assemblée, et notamment de M. Charasse, sur le fait que la loi organique ne peut contraindre davantage le Gouvernement que la Constitution. Je suis au regret de dire que l’instauration d’un délai ne serait pas acceptée par le Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je suis confus de devoir le dire à M. le secrétaire d’État, mais il ne me paraît pas évident que le Conseil constitutionnel censure l’inscription d’un délai dans un projet de loi organique.

Cela étant, je ne voterai pas cet amendement qui me semblait pourtant judicieux, car prévoir un délai de trois jours n’est pas raisonnable ; il devrait être plus long.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Peut-être le délai devrait-il être plus long, mais pour ma part, en tout cas, je voterai cet amendement.

Je trouve en effet curieux d’entendre M. le secrétaire d’État nous dire que le Conseil constitutionnel pourrait ne pas accepter l’inscription d’un délai dans le projet de loi organique, alors qu’il nous a été rétorqué, lors du l’examen du projet de loi constitutionnelle, qu’il ne convenait pas d’alourdir le texte de la Constitution et que la fixation des délais relevait de la loi organique !

Aujourd’hui, vous nous dites le contraire, monsieur le secrétaire d’État ! Mais le Conseil constitutionnel pourrait aussi estimer qu’une mesure non assortie d’un délai est absolument inapplicable. La distinction entre ce qui relève de la Constitution et ce qui relève de la loi organique me paraît tout à fait floue.

Peut-être le Conseil constitutionnel nous contredira-t-il, mais il nous semble possible d’inscrire un délai dans la loi organique. Quoi qu’il en soit, c’est à lui qu’il revient de trancher.

En tout état de cause, les explications qui nous ont été fournies ne sont pas du tout convaincantes. C’est pourquoi je voterai l’amendement n° 147 rectifié, quitte à ce que le délai prévu soit allongé si l’on considère qu’il est insuffisant pour que le Gouvernement puisse se prononcer.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce qui me gêne dans cette affaire, c’est que l’on oublie l’article 3 du projet de loi organique !

Des propositions de résolution peuvent ne jamais être examinées, parce que leur inscription à l’ordre du jour n’aura jamais été demandée. Dès lors, je ne vois vraiment pas l’intérêt de se prononcer sur leur recevabilité. Se poserait-on la question de la recevabilité des amendements s’ils n’étaient pas ensuite soumis à l’assemblée ?

Le texte de l’article 3 précise bien que « si le Premier ministre estime qu’une proposition de résolution est irrecevable en application du deuxième alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, il le fait savoir au président de l’assemblée intéressée avant que l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de résolution ne soit décidée ».

En outre, l’article 3 bis nouveau précise que « lorsque le président d’un groupe envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée, il en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription à l’ordre du jour ne soit décidée. Le président de l’assemblée en informe sans délai le Premier ministre. »

Comme vous pouvez le constater, le rôle des groupes est reconnu, en cohérence avec ce qui a été décidé ce matin.

M. Henri de Raincourt. Cela ne nous avait pas échappé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En tout état de cause, le Gouvernement a le temps de se prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution.

M. Bernard Frimat. Il a quarante-huit heures ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est un minimum, mais il est inutile de prévoir un délai de trois jours francs pour toutes les propositions de résolution. C’est seulement dès lors que l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour est prévue que le Gouvernement doit se prononcer.

Imaginez que certains parlementaires multiplient les propositions de résolution : que se passerait-il alors ? C’est une question de logique, de cohérence. Il faut lire tous les articles ! Cet amendement, tout simplement pour des raisons pratiques, n’a pas grand sens, sauf à vouloir établir un système sans aucun intérêt.

En revanche, ce qui importe, c’est que le Gouvernement puisse se prononcer en temps utile sur la recevabilité ou non de la proposition de résolution, avant son inscription à l’ordre du jour. D’ailleurs, s’il ne le faisait pas, la proposition de résolution serait considérée ipso facto comme recevable : qui ne dit mot consent !

Je trouve que nous devrions consacrer un peu moins de temps à des points qui sont tout de même quelque peu secondaires !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Cher président Hyest, il existe une grande différence entre l’article 3 et l’amendement n° 147 rectifié présenté par M. Frimat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Justement !

M. Michel Charasse. Avec le dispositif de l’article 3, le Gouvernement est soumis à la décision de l’assemblée. Si une assemblée ennemie du Gouvernement veut l’embêter, elle pourra décider d’inscrire la proposition de résolution à l’ordre du jour vingt-quatre heures après sa transmission au Premier ministre. Dans ce cas, le Gouvernement aura vingt-quatre heures pour se prononcer, ce qui, vous en conviendrez, est extrêmement court, alors que l’amendement n° 147 rectifié prévoit que le Gouvernement disposerait d’au moins trois jours.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Après le dépôt !

M. Michel Charasse. Oui, pour se prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution.

Pour ma part, je préfère que le Gouvernement dispose au moins de trois jours francs,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On va dire cinq !

M. Michel Charasse. … plutôt que d’être soumis à une assemblée qui voudra le gêner et lui faire des « chicayas », ce qui peut toujours arriver, puisque nous sommes en régime bicaméral.

M. Henri de Raincourt. C’est rare !

M. Michel Charasse. Par conséquent, après la rectification consistant à remplacer « Gouvernement » par « Premier ministre », je souhaite que l’on retienne le délai de trois jours francs, qui est un minimum, cher président Hyest !

M. Pierre Fauchon. C’est trop court !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Arrêtons !

M. Michel Charasse. Imaginez, par exemple, que le Sénat soit dans l’opposition et que, pour embêter le Gouvernement, il décide d’inscrire la proposition de résolution à l’ordre du jour le lendemain matin de sa transmission !

M. Pierre Fauchon. C’est impensable !

M. Michel Charasse. Cela peut toujours arriver !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Charasse, si M. Hyest veut bien me permettre de poursuivre son raisonnement, j’indiquerai que l’article 3 bis prévoit un délai minimal de quarante-huit heures. Par conséquent, il est exclu que l’assemblée inscrive la proposition de résolution à l’ordre du jour dès le lendemain de sa transmission.

Je crois très sincèrement que les articles 2, 3 et 3 bis forment un tout cohérent. Nous avons tenté d’éviter le dépôt de milliers de propositions de résolution. En effet, dans un tel cas, on ne pourrait demander au Gouvernement de porter une appréciation véritablement motivée sur leur recevabilité dans un délai de trois jours, ni même de huit jours ! Chacun peut comprendre que cela n’a pas de sens.

En revanche, les articles 3 et 3 bis précisent très clairement que lorsqu’une proposition de résolution sera susceptible d’être inscrite à l’ordre du jour par l’assemblée concernée, le Gouvernement disposera d’un délai déterminé pour se prononcer.

Un tel dispositif me semble beaucoup plus raisonnable que la fixation d’un délai s’appliquant à toute proposition de résolution. Sinon, comme l’a dit M. Hyest, que ce soit au Sénat ou, plus encore, à l’Assemblée nationale, le système sera inapplicable.

En effet, si certains parlementaires – puisqu’il s’agit d’un droit individuel – déposaient une proposition de résolution par jour,…

M. Bernard Frimat. Des noms ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … on aboutirait rapidement à un blocage, sauf à ce que le Gouvernement se prononce en motivant systématiquement sa décision par une formule lapidaire du type : « irrecevable parce que non conforme à la Constitution ».

Il me paraît donc nettement préférable de s’en tenir au dispositif des articles 3 et 3 bis : le Gouvernement se prononcera dans des délais raisonnables et de façon véritablement motivée sur un nombre plus restreint de propositions de résolution.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 147 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 et 146.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 148, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

et aux commissions permanentes intéressées ou à une commission spécialement désignée à cet effet, si l'assemblée saisie le demande

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. L’Assemblée nationale a souhaité supprimer la possibilité de transmettre les propositions de résolution pour examen à une commission. L’argument avancé est admissible : la proposition de résolution ne devant pas être dénaturée, elle n’est donc pas amendable.

La commission des lois du Sénat a pris une position différente en conservant cette possibilité d’examen par une commission.

Même si une proposition de résolution n’est pas amendable et ne peut qu’être rectifiée par son auteur, il peut selon nous être intéressant d’avoir en commission un échange de vues. Cela peut permettre de faire ressortir un certain nombre d’éléments susceptibles d’amener des personnes a priori d’avis différents à adopter une vision commune – c’est peut-être aussi cela, le travail parlementaire ! –, et donc l’auteur ou les auteurs de la proposition de résolution à la rectifier.

Supprimer l’étape de la discussion en commission reviendrait à se priver d’un temps de réflexion. Cela étant, je sais bien qu’il est plutôt dans l’air du temps d’agir d’abord et, dans le meilleur des cas, de réfléchir ensuite si on en a le temps !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais non !

M. Bernard Frimat. La politique du Gouvernement nous fournit des exemples de cet ordre en permanence ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Toutefois, il nous semble, à nous qui sommes peut-être quelque peu traditionnalistes, que mieux vaudrait réfléchir au préalable. Sur de nombreux points, c’est plus satisfaisant pour l’esprit et pour l’action. Par conséquent, ne nous privons pas du débat en commission, d’autant qu’une proposition de résolution peut être complexe.

Lors de la révision constitutionnelle, nous étions, ici au Sénat du moins, d’accord pour bannir les lois mémorielles, le travail d’une assemblée parlementaire n’étant pas d’écrire l’histoire sous forme législative.

M. Bernard Frimat. Cela révulse d’ailleurs tous les historiens !

Or il serait intéressant qu’une proposition de résolution visant à bannir les lois mémorielles, pour reprendre cet exemple, ou portant sur un autre problème complexe puisse être examinée par une commission spécialement constituée à cet effet.

Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées peuvent prévoir qu'une proposition de résolution est envoyée à la commission permanente compétente, à sa demande.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous souhaitons effectivement rétablir la possibilité, supprimée par les députés, de renvoyer une proposition de résolution à la commission compétente.

La compétence des commissions permanentes se fonde non seulement sur leur pouvoir d’amendement, mais aussi sur leur vocation à éclairer tous les parlementaires. Le rôle de contrôle est également important.

Ainsi, la commission des affaires étrangères examine les projets de loi tendant à autoriser ou à ratifier les accords internationaux, qui ne peuvent pourtant, en tant que tels, être modifiés.

En outre, dès lors que le projet de loi organique reconnaît la possibilité pour le ou les signataires de la proposition de résolution de rectifier celle-ci après son inscription à l’ordre du jour, l’examen préalable en commission peut s’avérer utile, en donnant par exemple à l’auteur des indications sur les rectifications qui pourraient favoriser l’adoption du texte par l’assemblée plénière.

Sans revenir au principe posé par la rédaction initiale du texte d’un examen systématique en commission, cet amendement a pour objet de permettre à la commission permanente compétente de se saisir, si elle le souhaite, d’une proposition de résolution.

L’Assemblée nationale avait justifié la suppression de cette possibilité par le fait que, la proposition de résolution ne pouvant être amendée, l’examen en commission était inutile. Cette argumentation est trop brutale !

En revanche, monsieur Frimat, constituer une commission spéciale est un processus très lourd. D’ailleurs, l’inscription à l’ordre du jour ne pourra certainement pas, dans ce cas, se faire dans les délais prévus.

M. Bernard Frimat. Même pour l’histoire de la décolonisation ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous aurions bien trouvé une commission pour se pencher sur ce sujet.

M. Bernard Frimat. Pourquoi pas une commission spéciale ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Peut-être aurions-nous d’ailleurs considéré que, après tout, il n’était pas nécessaire de renvoyer une telle proposition de résolution à une commission, ces questions étant en principe connues de tous.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’histoire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons tout de même tous appris un peu d’histoire, du moins je l’espère !

Par conséquent, mon cher collègue, je préfère en rester à la proposition de la commission. Nous travaillons dans le même esprit, mais il me semble que constituer une commission spéciale serait une procédure un peu lourde. J’indique donc d’ores et déjà que la commission est défavorable à l’amendement n° 148.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 57, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 3, remplacer le mot :

qu'

par les mots :

les modalités selon lesquelles

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement vise à préciser que le règlement ne devra pas prévoir seulement la possibilité d’un renvoi de la proposition de résolution à une commission, mais également les modalités de ce renvoi.

Par ailleurs, prévoir la consultation des commissions compétentes exige qu’une procédure spécifique soit inscrite dans le règlement. En effet, un renvoi en commission ne semble pas avoir d’effet particulier sur la proposition de résolution elle-même, puisque aucun amendement ne sera examiné.

Cela étant dit, comment la commission compétente sera-t-elle déterminée ? Telle est, en fait, la question de fond !

En effet, certains sujets sont transversaux. Comment alors désigner la commission compétente dans le cas d’une proposition de résolution portant sur de tels sujets, relevant de plusieurs domaines de compétence ? Serait-il possible que plusieurs commissions soient compétentes ?

En tous cas, indiquer simplement que le règlement prévoit le renvoi en commission me semble insuffisant. Je pense, au contraire, que le règlement doit préciser les modalités de transmission de la proposition de résolution.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 201, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de l'amendement n° 3 rect., remplacer les mots :

à la commission permanente compétente, à sa demande

par les mots :

aux commissions permanentes intéressées ou à une commission spécialement désignée à cet effet, si l'assemblée saisie le demande 

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. J’avais l’intuition que M. Hyest préfèrerait sa rédaction à la mienne ! Je ne peux lui en vouloir, étant donné que nous avons trouvé un accord au sein de la commission des lois sur l’essentiel, à savoir que le renvoi en commission peut être utile et qu’il faut maintenir cette possibilité.

Nous divergeons sur un point faisant l’objet de ce sous-amendement, dont l’acceptation par la commission conditionnera notre position sur l’amendement n° 3 rectifié.

La rédaction présentée par la commission comprend l’expression « à sa demande ». S’agit-il de la demande du président de la commission ou de celle de la majorité de la commission ? Le président de la commission aura-t-il le pouvoir de décider que la proposition de résolution n’intéresse pas celle-ci et ne sera donc pas examinée ? Il nous semble difficile d’en rester à cette formulation, d’où notre proposition rédactionnelle : nous souhaitons remplacer les mots : « à la commission permanente compétente, à sa demande » par le membre de phrase : « aux commissions permanentes intéressées ou à une commission spécialement désignée à cet effet, si l’assemblée saisie le demande ».

Le fait de mentionner l’assemblée renvoie à la conférence des présidents, qui constitue en quelque sorte la plateforme du dispositif et permet aux présidents de groupe de s’exprimer.

Je ne mets absolument pas en doute l’objectivité des présidents de commission, mais il me semble qu’il ne convient pas de leur donner le pouvoir de décider de ce qui intéresse ou non leur commission. Au sein de la conférence des présidents devra pouvoir se tenir un petit débat permettant aux groupes politiques de s’exprimer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappelle que la commission est défavorable à l’amendement n° 148.

Le sous-amendement n° 57 tend à apporter une précision inutile, qui relève du règlement.

De plus, le respect de l’autonomie de chaque assemblée implique de laisser aux députés le soin de décider s’ils veulent ou non revenir sur ce point. Puisque nous ne souhaitons pas que l’Assemblée nationale nous impose ses choix en matière réglementaire, n’allons pas nous livrer à ce petit jeu !

S’agissant du sous-amendement n° 201, ces considérations ne sont pas du niveau de la loi organique.

En outre, il ne faut pas se montrer d’une rigidité absolue dans ce domaine. Le bureau de la commission se réunit souvent pour examiner l’opportunité de se saisir d’un texte. Il s’agit bien de la demande de la commission, et non de celle de son seul président. Il est donc évident que la saisine devra faire l’objet d’un accord entre les responsables de chaque groupe au sein de la commission.

Franchement, si l’on introduit de trop grandes rigidités, nous ne pourrons pas progresser vers le consensus que nous souhaitons tous.

Je suis donc défavorable au sous-amendement n° 201.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’ai bien entendu les propos tenus par M. Frimat et Mme Boumediene-Thiery.

Le Gouvernement avait initialement prévu la possibilité d’un passage en commission, mais, lors du débat à l’Assemblée nationale, un certain nombre de députés ont expliqué qu’ils voulaient pouvoir déposer et faire inscrire à l’ordre du jour des propositions de résolution sans qu’elles puissent être amendées et éventuellement détournées par la majorité de la commission.

Les députés ont alors estimé que, en l’absence de possibilité d’amender les propositions de résolution, le passage en commission perdait tout intérêt, et ils ont décidé de supprimer cette faculté.

La vision du Sénat sur ce point est autre, puisqu’il souhaite qu’une proposition de résolution puisse être débattue en commission, même s’il est impossible de l’amender.

Le Gouvernement, dans la mesure où il avait lui-même inscrit la possibilité d’un renvoi à une commission dans la rédaction initiale de son texte, peut se rallier à ce point de vue. Il émet donc un avis positif sur l’amendement n° 3 rectifié, dans la mesure où chacune des assemblées restera libre d’inscrire ou non dans son règlement intérieur la possibilité d’un renvoi en commission.

Par ailleurs, le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission sur l’amendement n° 148 et les sous-amendements nos 57 et 201, car il ne souhaite pas que des contraintes supplémentaires soient imposées, d’autant qu’elles ne seraient pas les mêmes pour les deux assemblées.

En conclusion, le dispositif de l’amendement n° 3 rectifié nous semble relativement équilibré et de nature à être accepté aussi bien par le Sénat que par l’Assemblée nationale. En effet, je ne voudrais pas que cette dernière juge que l’on cherche à lui imposer des dispositions dont elle ne veut pas et rejette la rédaction qui lui sera présentée en deuxième lecture. La proposition de la commission des lois du Sénat me paraît propre à éviter cet écueil.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 148.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On peut bien évidemment comprendre le souci de l’Assemblée nationale d’éviter qu’une proposition de résolution puisse être détournée. Cela étant, ses auteurs voteront alors contre.

Néanmoins, il me semble important qu’une proposition de résolution puisse être examinée en commission et éventuellement amendée  – c’est mon opinion personnelle – si cela peut permettre d’aboutir à un accord.

Cela manifesterait en outre que le droit de résolution est un droit du Parlement à part entière, soumis à une procédure parlementaire normale.

Sinon, nous pourrions craindre que ce droit qui nous est octroyé ne devienne rapidement, comme certains l’ont souligné à plusieurs reprises, une simple faculté d’émettre des vœux pieux, dont la plupart ne donneront jamais lieu à discussion.

Il me semble donc qu’il nous faut nous garder de ces deux écueils. Dans cette optique, la proposition de la commission des lois, sous-amendée par le groupe socialiste, me paraît acceptable. Son adoption donnerait peut-être aux députés matière à réfléchir.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Première observation, je crois que l’Assemblée a bien fait d’écarter le premier alinéa de l’article 2. Après tout, on peut très bien refuser le principe du renvoi automatique en commission que prévoyait cet alinéa. M. le secrétaire d’État a raison, de ce point de vue, d’évoquer les travaux de l’Assemblée sur ce sujet. Pour ma part, je ne porte pas le deuil, car chaque assemblée fait ce qu’elle veut. C’est ce que propose l’amendement de la commission, sous-amendé par M. Frimat et ses amis. Cette formule me convient beaucoup mieux, dans la mesure où il s’agit là d’un renvoi facultatif en commission des propositions de résolution.

Si nous acceptons la philosophie recommandée par la commission, nos règlements pourront prévoir le renvoi en commission – ce ne sera donc pas une obligation – et, s’ils le font, en préciser les modalités.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Michel Charasse. Je ferai d’ailleurs observer – ma voisine, madame Goulet, vient de me le souffler incidemment – que sans commission, il n’y a pas de rapporteur. Par conséquent, la proposition de résolution est soumise à une assemblée sans qu’aucun rapport ait été élaboré, car je ne vois pas qui est compétent pour en rédiger un !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Michel Charasse. Or, s’il n’y a parfois pas besoin de rapport, parce que la matière est simple, il n’est tout de même pas anormal qu’une résolution portant sur des sujets compliqués soit éclairée par un rapport réalisé par un ou plusieurs collègues ayant réfléchi à la question. Par conséquent, écrire que les règlements peuvent prévoir le renvoi à la commission me convient très bien !

Deuxième observation – je crois que M. Frimat a soulevé ce point avant moi –, M. Hyest et la commission proposent d’inscrire les mots : « à sa demande ». À la demande de qui ? Du président de l’assemblée ? Du Premier ministre ? De la commission elle-même ? Je n’en sais rien. Du fait du lien avec l’alinéa précédent, on ne parvient pas à le savoir. (M. le rapporteur proteste.) Monsieur Hyest, il s’agit juste d’un problème de mise au point de la rédaction !

Troisième observation, comment va-t-on régler le problème de la commission compétente ? Je m’interroge sérieusement sur ce point. C’est toute la question qui est posée par le sous-amendement n° 201.

En effet, ne l’oubliez pas, mes chers collègues, les règlements des deux assemblées ont prévu que, en cas de conflit de compétence, il y a obligatoirement lieu de procéder à la nomination d’une commission spéciale, aux termes notamment de l’article 16, alinéa 3, du règlement du Sénat.

Cela signifie, conformément d’ailleurs à la Constitution, que la commission spéciale reste la règle, la commission permanente étant l’exception, même si, depuis 1958, on a fait le contraire ! (Sourires.)

Par conséquent, je préfèrerais de beaucoup, pour éviter des conflits et des « chicayas » épouvantables entre les présidents de commission au sein de la conférence des présidents, que le texte proposé par la commission des lois soit rédigé de la façon suivante : « Les règlements des assemblées peuvent prévoir qu’une proposition de résolution est envoyée à une commission permanente ou spéciale. » On s’en tient là ! Dans ce cas, une partie du sous-amendement n° 201 serait d’ailleurs satisfaite.

Quant à la question de savoir de qui émanera la demande, c’est le règlement qui le dira. C’est une modalité d’application. Mes chers collègues, laissons le soin aux règlements de régler cette question !

M. le président Hyest et M. le secrétaire d’État ont raison : si l’on s’amuse, à tout bout de champ, à nommer une commission spéciale pour une proposition de résolution, on risque de ne pas en sortir ! Cependant, il peut y avoir des cas où le problème posé est tellement important que l’Assemblée nationale ou le Sénat jugera opportun de mettre en place une commission spéciale. De grâce, ne fermez pas la porte !

Je propose donc de rédiger ainsi l’amendement n° 3 rectifié de la commission : « Les règlements des assemblées peuvent prévoir qu’une proposition de résolution est envoyée à une commission permanente ou spéciale. » Les règlements préciseront les modalités.

M. Bernard Frimat. C’est intéressant !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je souhaite simplement appuyer l’intervention de M. Charasse.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Si le sujet est identique, l’orateur est différent : c’est pourquoi je me permets d’apporter ma contribution à ce débat.

Moi qui attache beaucoup d’importance à la possibilité de voter des propositions de résolution, je ne vois pas pourquoi nous nous interdirions d’envisager ce qui, au fond, serait beaucoup plus naturel qu’on ne le croit, et qui était d’ailleurs le système autrefois, à savoir le recours à une commission spéciale.

Par définition, les commissions sont créées et ont l’habitude de travailler selon le processus législatif. Or il s’agit ici du processus de la résolution, qui est différent et qui posera fréquemment des problèmes transversaux pouvant intéresser différentes commissions. Certaines pourront être consultées pour avis, à côté de la commission saisie au fond.

Dans un certain nombre de cas significatifs – j’espère qu’ils seront nombreux –, il sera intéressant, pour notre assemblée, de se prononcer à travers une proposition de résolution, laquelle, selon moi, sera mieux examinée par une commission spéciale que par une commission permanente.

Il est donc souhaitable de prévoir, dans la rédaction élégante proposée par M. Charasse – cela n’a rien d’étonnant de sa part –, la possibilité de recourir à une commission permanente ou à une commission spéciale. Cela ne mange pas de pain !

Si l’Assemblée nationale ne souscrit pas à une telle proposition, pourquoi faudrait-il que nous la suivions ? S’il existe deux assemblées, élues de manière différente, dont les positionnements politiques sont différents et qui possèdent des cultures et des langages différents, c’est bien parce qu’il y a une raison, liée à notre tradition républicaine. Que chaque assemblée s’assume dans son style, dans ses manières, dans ses méthodes ! Je n’y vois aucun inconvénient. Pourquoi faudrait-il absolument que les deux assemblées adoptent les mêmes méthodes ?

Par conséquent, conformément à la qualité particulière du Sénat, je souhaite qu’on laisse la porte ouverte et que l’assemblée puisse choisir entre une commission permanente et une commission spéciale.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est dommage que nos collègues n’aient pas déposé des amendements ou des sous-amendements, au lieu de se livrer à un travail de commission en séance publique ! Nous avions tout de même déjà beaucoup débattu de ce sujet en commission des lois.

Monsieur Fauchon, le principe de l’autonomie des assemblées est clair. Il semble que l’Assemblée nationale ne souhaite pas inscrire dans son règlement la possibilité d’un renvoi en commission des propositions de résolution. De notre côté, nous pouvons le faire.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’inscription de cette possibilité a fait l’objet d’un consensus au sein de la commission des lois. Plusieurs commissions pourraient d’ailleurs être saisies, mais à défaut d’accord, une commission spéciale serait constituée.

M. Michel Charasse. C’est le règlement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela étant dit, la commission modifie encore son amendement n° 3 rectifié, et propose maintenant la rédaction suivante : « Les règlements des assemblées peuvent prévoir qu’une proposition de résolution est envoyée à une commission permanente ou à une commission spéciale. » Le règlement précisera les conditions dans lesquelles les propositions de résolution seront envoyées à une commission.

MM. Michel Charasse et Pierre Fauchon. Très bien !

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 3 rectifié bis, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées peuvent prévoir qu'une proposition de résolution est envoyée à une commission permanente ou une commission spéciale.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Peut-être sommes-nous en train de faire un travail de commission, mais nous apportons surtout la preuve que le débat parlementaire peut permettre de rapprocher les points de vue et être utile.

Puisque personne ici ne met en cause l’élément essentiel du dispositif, à savoir la possibilité du renvoi à une commission, nous nous rallions à l’amendement n° 3 rectifié bis. Par voie de conséquence, nous retirons l’amendement n° 148 et le sous-amendement n° 201.

Mme la présidente. L’amendement n° 148 et le sous-amendement n° 201 sont retirés.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je suis heureux de participer à ce travail…

M. Jean-Pierre Michel. C’est comme en commission !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est ce que j’allais dire, monsieur Michel ! Vous voyez, vous refusez que le Gouvernement assiste aux réunions de commissions, mais vous faites dans l’hémicycle le travail qui aurait dû être effectué en commission, ce qui me fait particulièrement plaisir ! (Sourires.)

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 3 rectifié bis.

Mme la présidente. Madame Boumediene-Thiery, le sous-amendement n° 57 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 57 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 3 bis

Article 3

Si le Premier ministre estime qu'une proposition de résolution est irrecevable en application du deuxième alinéa de l'article 34-1 de la Constitution, il le fait savoir au président de l'assemblée intéressée avant que l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de résolution ne soit décidée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.

M. Jean-Pierre Michel. Je partage l’avis de M. le secrétaire d’État, selon lequel ces propositions de résolution constituent une innovation, qui permettra aux parlementaires de s’exprimer en dehors de l’examen des projets de loi, des séances de questions au Gouvernement et, pour l’Assemblée nationale, des procédures de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement.

Toutefois, en lisant l’article 34-1 de la Constitution et le présent projet de loi organique, j’ai eu l’impression que le Gouvernement a tremblé en introduisant cette disposition nouvelle.

D’abord, L’article 34-1 de la Constitution dispose que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique ». Je ne pense donc pas, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, que le Conseil constitutionnel aurait jugé inconstitutionnel le fait de fixer au Gouvernement ou au Premier ministre un certain nombre de délais dans la loi organique, puisqu’ils rentrent tout à fait dans le champ des « conditions » visées par la Constitution.

Plus important, si je comprends bien que le Gouvernement pourra déclarer irrecevables des propositions de résolution qui auraient pour effet de mettre en cause sa responsabilité, puisque des procédures sont prévues à cet effet – le Sénat ne dispose pas d’une telle possibilité –, que recouvre exactement l’interdiction de voter des résolutions qui contiendraient des « injonctions » à son égard ? Que je sache, les assemblées parlementaires ne peuvent adresser des « injonctions » à l’exécutif, dont elles sont indépendantes. Elles votent des lois, que l’exécutif est chargé d’appliquer.

Imaginons qu’une proposition de résolution ait par exemple pour objet de rappeler au Gouvernement qu’il doit prendre les décrets d’application prévus dans une loi adoptée un an auparavant. S’agit-il alors d’une « injonction » ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Pierre Michel. On peut se le demander. Bien entendu, tout est dans le style ! Il n’est pas question d’ordonner quoi que ce soit au Gouvernement. Une assemblée n’en a ni le droit ni la possibilité.

Pour ce qui concerne le projet de loi organique, même si nous venons d’adopter une disposition visant à permettre le renvoi des propositions de résolution à une commission, ce qui me paraît bon, je ne comprends absolument pas l’ « usine à gaz » mise en place par le Gouvernement.

Le texte prévoit d’abord que n’importe quel parlementaire peut déposer, quand il le souhaite, une proposition de résolution, puis que le président de chaque assemblée « transmet sans délai toute proposition de résolution au Premier ministre ».

Ensuite, à l’article 3 bis, il est écrit que « lorsque le président d’un groupe envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée – on peut supposer qu’il s’agit d’une proposition de résolution que le Premier ministre n’a pas estimée irrecevable –il en informe le président de cette assemblée […] ». Le président d’un groupe doit donc informer le président de l’assemblée de son intention de demander l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution. De quoi s’agit-il exactement ? Le président d’un groupe n’a pas d’intentions ; il a des opinions et une action politiques.

Par ailleurs, comment les parlementaires qui déposent des propositions de résolution à titre personnel pourront-ils les faire inscrire à l’ordre du jour ? Ce n’est pas prévu dans le texte ! Il faudra donc qu’ils passent par un président de groupe. Dès lors, comment feront ceux qui n’appartiennent à aucun groupe ou ceux dont la proposition de résolution n’aura pas obtenu l’assentiment de l’ensemble de leur groupe ? Dans de tels cas, la proposition de résolution sera vouée à l’échec.

Toutes ces dispositions sont donc à la fois très mal rédigées et superfétatoires. Les présidents de groupe auront la possibilité de demander l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution, ce qui, à mon avis, ne pourra pas être refusé si celle-ci n’a pas été déclarée irrecevable, mais le parlementaire qui voudra user de son droit individuel de déposer une proposition de résolution ne pourra pas solliciter son inscription à l’ordre du jour !

Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, on nous donne d’une main un berlingot que l’on reprend très rapidement de l’autre.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 74 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 149 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 74.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement de suppression de l’article 3 s’inscrit bien entendu dans notre critique plus globale de la nouvelle procédure des résolutions soumise à la censure du Premier ministre.

On passe d’un système d’interdiction absolue des propositions de résolution à un système de soumission de celles-ci aux desiderata du Premier ministre. J’ai la faiblesse de penser qu’il ne s’agit pas là d’un progrès.

Dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, M. Warsmann a cité un éminent constitutionnaliste qui, en 1959, disait qu’« il était inévitable que [la nécessaire rupture] ne puisse être entreprise que sous un certain climat d’antiparlementarisme propice à quelques excès maladroits qu’il conviendrait maintenant de dominer ».

Pire, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi organique, le groupe UMP de l’Assemblée nationale s’est livré à un accès d’antiparlementarisme. La polémique malsaine autour de l’obstruction et le clip vidéo ridicule de M. Copé amenaient à cette conclusion bien simple : les parlementaires sont prêts à se tirer une balle dans le pied en remettant en cause leur propre droit d’expression !

Concernant les résolutions, le fait de restreindre à ce point les capacités d’initiative en ce domaine ne met-il pas en lumière une conception antiparlementariste des institutions ? Le Parlement est ainsi incompétent, irresponsable ou « irrecevable ».

Selon nous, le présent article 3 n’a donc pas lieu d’être. Sur la forme, il est possible de s’interroger sur l’obligation d’inscrire dans la loi organique de telles dispositions, l’article 34-1 de la Constitution ne précisant que les conditions de recevabilité des propositions de résolution.

Enfin, nous notons que le Premier ministre ne s’adressera qu’au président de chaque assemblée. Quid des présidents de groupe et des auteurs des propositions de résolution ?

Pour cet ensemble de raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l’article 3.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l’amendement n° 149.

M. Louis Mermaz. L’article 3 est très révélateur de la façon dont le Gouvernement et, surtout, le Président de la République raisonnent.

Je rappelle les termes de l’article 34-1 de la Constitution, visé par le présent projet de loi organique :

« Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.

« Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »

Le renvoi à la loi organique qu’opère l’article 34-1 de la Constitution ne concerne donc que les conditions de vote des propositions de résolution, et non les conditions de leur irrecevabilité. Nous ne devrions donc pas discuter de ces dernières aujourd’hui. Les conditions d’irrecevabilité sont inscrites au second alinéa de l’article 34-1, sans que soit spécifié de renvoi à une loi organique pour l’application de ses dispositions.

Dans cette affaire, le Gouvernement se livre quelque peu au jeu du chat et de la souris : on s’attend à ce que le règlement intervienne, or c’est la loi organique qui traite du sujet. On en retire l’impression que le Gouvernement se méfie même de sa propre majorité, puisqu’il n’a de cesse de se protéger de toute initiative parlementaire.

Nous considérons donc que l’article 3 est superfétatoire, sa suppression aurait le mérite d’alléger le dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’avis est défavorable.

Il faut bien déterminer les conditions dans lesquelles le Gouvernement informera le Parlement de sa décision quant à la recevabilité d’une proposition de résolution.

Certains auteurs d’amendements invoqueront tout à l’heure un recours au Conseil constitutionnel sur ce sujet, mais cela n’est pas possible s’agissant d’actes de gouvernement. Cela a été très clairement spécifié lors de la révision constitutionnelle.

J’en viens à me demander si l’on ne gagnerait pas un temps précieux en supprimant cet article, monsieur le secrétaire d’État ! (Sourires.) Cela ferait tomber un grand nombre d’amendements et nous épargnerait des discussions philosophiques.

M. Bernard Frimat. Excellente idée !

Mme Éliane Assassi. Nous sommes des éclaireurs !

M. Louis Mermaz. C’est révélateur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Rassurez-vous… Il y a lieu de maintenir cet article en améliorant sa rédaction. Ce sera l’objet de l’amendement n° 4.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cet article 3, amélioré par l’amendement de la commission, ne fera que préciser la rédaction de la révision constitutionnelle de 2008.

Je suis sincèrement étonné qu’un aussi grand nombre d’amendements aient été déposés sur un article dont l’apport n’est pas considérable, je le reconnais volontiers. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

M. Louis Mermaz. C’est un article oratoire !

M. Bernard Frimat. Superfétatoire !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cet article, dont la rédaction sera donc précisée par l’amendement n° 4 de la commission, vise en réalité à fixer des modalités de procédure.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 et 149.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 75, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Lorsque le Premier ministre fait savoir au président de l'assemblée qu'une proposition de résolution contient une injonction à l'égard du Gouvernement ou que son adoption ou son rejet serait de nature à mettre en cause la responsabilité de celui-ci, la Conférence des présidents de l'assemblée concernée se réunit pour rendre un avis. Elle peut demander l'audition du Premier ministre. En cas d'avis conforme, la proposition de résolution ne peut être examinée en commission ni inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée. En cas de désaccord, le président de l'assemblée saisit pour avis le Conseil constitutionnel dans un délai ne pouvant excéder huit jours.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Puisque cet article subsiste, il mérite débat !

Le projet de loi organique donne une interprétation très restrictive de l’article 34-1 de la Constitution en accordant au Premier ministre, en tant que représentant du Gouvernement, un véritable droit de veto contre les propositions de résolution, avant toute discussion.

Cette prérogative exorbitante, qui ne pourra faire l’objet d’aucune discussion ni contestation, a pour effet d’anéantir la portée d’un dispositif que l’on nous avait pourtant présenté comme un nouveau droit du Parlement. En l’occurrence, le Gouvernement disposera d’un droit de veto absolu.

L’article 34-1 de la Constitution se borne à assortir ce droit nouveau de certaines conditions. Or, aux termes de l’article 3, le Premier ministre estimera seul, sans débat préalable, qu’une proposition de résolution contient des injonctions à l’égard du Gouvernement ou est de nature à mettre en cause la responsabilité de celui-ci. Le mot « injonctions » peut donner lieu à des interprétations particulièrement extensives. Quant à la mise en cause de la responsabilité du Gouvernement, la notion reste floue, en particulier au Sénat où l’on ne voit pas très bien ce que ce terme recouvre, la mise en jeu de cette responsabilité ne pouvant pas, comme à l'Assemblée nationale, prendre la forme d’une motion de censure.

Pourtant, tel n’est pas le sens de l’article 34-1 de la Constitution, qui n’induit nullement que l’estimation à laquelle se livrera le Premier ministre puisse prendre la forme d’un veto absolu. Une « estimation » doit pouvoir être contestée par le Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise précisément à ce que le Parlement puisse discuter de l’estimation du Premier ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Lorsque le Premier ministre fait savoir au président de l'assemblée qu'une proposition de résolution contient une injonction à l'égard du Gouvernement ou que son adoption ou son rejet serait de nature à mettre en cause la responsabilité de celui-ci, le président de l'assemblée saisit pour avis le Conseil constitutionnel dans un délai ne pouvant excéder huit jours.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans le droit fil de l’amendement n° 75, cet amendement tend à conférer au président de l’assemblée concernée le pouvoir de contester, y compris devant le Conseil constitutionnel, l’estimation faite par le Premier ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Lorsque le Gouvernement estime qu'une proposition de résolution est irrecevable en application du second alinéa de l'article 34-1 de la Constitution, il informe de sa décision le président de l'assemblée intéressée avant que l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de résolution ne soit décidée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à faire référence non au Premier ministre, mais au Gouvernement, autorité désignée par l’article 34-1 de la Constitution pour apprécier la recevabilité des propositions de résolution.

À l'article 5 du projet de loi organique, c'est d'ailleurs bien le Gouvernement qui est chargé de s'opposer éventuellement à une rectification d’une proposition de résolution.

Le dispositif proposé me semble donc cohérent. Aux termes de la Constitution, les pouvoirs du Premier ministre sont distincts de ceux du Gouvernement, et c’est bien ce dernier qui détermine et conduit la politique de la nation. Il faut conserver les termes précis employés dans la Constitution et ne pas interférer dans les modalités de prise de décision du pouvoir exécutif.

M. Michel Charasse. C’est la séparation des pouvoirs !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument, et nous la respectons.

Toutefois, il va de soi que, très concrètement, c’est le Premier ministre qui annoncera la décision.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ou le ministre chargé des relations avec le Parlement…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet article a le mérite de prévoir que le Gouvernement doit informer le Parlement de sa décision avant l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution. À défaut d’une telle précision, on pourrait imaginer qu’il déclare une proposition de résolution irrecevable postérieurement à son inscription à l’ordre du jour !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce n’est pas mon genre !

Mme Éliane Assassi. Mais ce pourrait être celui de votre successeur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet article ne se contente donc pas de reprendre les dispositions constitutionnelles ; il apporte aussi une précision indispensable.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 59, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 4, après le mot :

Gouvernement

insérer les mots :

, par décision motivée prise en Conseil des ministres,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement a pour objet la motivation de la décision d’irrecevabilité.

L’article 3 du projet de loi organique fait référence à une décision prise par le Gouvernement pour déclarer une proposition irrecevable.

Quelle forme cette décision prendra-t-elle ? Quand sera-t-elle prise ? Tout le monde se pose ces questions. C’est pourquoi il est impérieux de prévoir que cette décision sera prise en conseil des ministres et, surtout, qu’elle sera motivée en fait et en droit, ce qui évitera l’arbitraire d’une décision qui, parfois, peut être prise par un collaborateur.

Il nous a été affirmé que le Gouvernement ne pourrait pas motiver valablement toutes ses décisions si les propositions de résolution sont trop nombreuses. Cet argument ne nous semble guère valable. En effet, même s’il devait y avoir 3 000 propositions de résolution, cela n’entraînera pas une surcharge de travail, car motiver une décision ne prendra pas plus de temps que répondre à une question écrite.

Si une procédure est instituée, elle doit être transparente, et nous devrons savoir pourquoi une proposition de résolution aura été déclarée irrecevable. Le fait de prévoir que la décision sera prise en conseil des ministres permettra de lui donner un cadre précis.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 202, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 4, après le mot :

estime

insérer les mots :

, par une décision motivée,

La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Il est prévu que le Gouvernement « estimera » si une proposition de résolution est irrecevable. À l’instar de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, nous souhaitons que soit précisé sur quelles considérations sera fondée la décision du Gouvernement. Il s’agit là, en fait, de porter un jugement. La décision du Gouvernement ne doit pas être discrétionnaire.

C’est une revendication de bon sens, conforme à l’exigence de transparence démocratique. Je n’imagine pas que le Gouvernement puisse prononcer une décision d’irrecevabilité sans l’expliciter.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 203, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 4, après le mot :

estime

insérer les mots :

, par une décision rendue publique,

La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Le Gouvernement doit non seulement motiver sa décision, mais aussi la rendre publique. Tel est l’objet de ce sous-amendement.

Aucun secret ne doit entourer des questions de cette importance. Dans un autre domaine, même lorsqu’un procès se déroule à huis clos, la décision est toujours rendue en audience publique.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 204, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 4, après le mot :

intéressée

insérer les mots :

et le cas échéant, le président de groupe à l'initiative d'une demande d'inscription d'une proposition de résolution à l'ordre du jour,

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Ce sous-amendement fait suite à la disposition que nous avons adoptée ce matin, tendant à reconnaître aux présidents de groupe la possibilité de déposer, au nom de leur groupe, des propositions de résolution.

Aussi estimons-nous, par parallélisme des formes et conformément à l’esprit de l’article 51-1 de la Constitution, qui reconnaît un rôle aux présidents de groupe, que le Gouvernement doit informer de sa décision d’opposer l’irrecevabilité à une proposition de résolution le président de groupe concerné.

Je concède que la rédaction du présent sous-amendement est loin d’être parfaite et qu’elle pourrait être avantageusement simplifiée, en rédigeant ainsi le dernier membre de phrase : « et le cas échéant, le président de groupe à l’initiative d’une proposition de résolution ».

L’adoption de ce sous-amendement ne dénaturerait pas l’amendement de la commission et permettrait de tirer les conséquences logiques des dispositions votées ce matin.

Mme la présidente. Il s’agit donc du sous-amendement n° 204 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 4, après le mot :

intéressée

insérer les mots :

et le cas échéant, le président de groupe à l'initiative d'une proposition de résolution

Le sous-amendement n° 58, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter l'amendement n° 4 par deux alinéas ainsi rédigés :

En cas de désaccord entre le ou les signataires de la proposition de résolution et le Gouvernement sur les conditions d'application du deuxième alinéa de l'article 34-1 de la Constitution, le président de l'assemblée intéressée, sur demande du ou des signataires de la proposition de résolution, ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de quatre jours.

La décision du Conseil constitutionnel est motivée et notifiée au président de l'assemblée intéressée et au Premier ministre. Elle est publiée au Journal officiel.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce sous-amendement porte sur le contrôle de l’irrecevabilité.

Après la question de la motivation de l’irrecevabilité, nous touchons là un autre point essentiel. Le Gouvernement semblant disposer d’un droit de vie ou de mort sur toute proposition de résolution, nous demandons que ses décisions d’irrecevabilité puissent être contestées.

Comment pourront-elles l’être ? Comment sera d’ailleurs prise la décision ? Qui va évaluer les critères retenus par le Gouvernement pour déclarer l’irrecevabilité ? Le projet de loi organique reste muet sur ces questions. Le Gouvernement, de manière totalement arbitraire et opaque, pourra décider qu’une proposition de résolution a pour objet de mettre en cause sa responsabilité. Aucun contrôle n’est prévu. Le Gouvernement pourra donc, à volonté, écarter toute proposition de résolution pour ce simple motif.

C’est pourquoi nous proposons de mettre en place une procédure qui permettrait de contrôler le motif d’irrecevabilité. Le Conseil constitutionnel, en cas de désaccord, pourrait être saisi, soit par le président de l’assemblée concernée, soit par le Premier ministre, aux fins de vérifier le caractère fondé ou non de la décision d’irrecevabilité.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 205, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter l'amendement n° 4 par alinéa ainsi rédigé :

En cas de contestation de la décision du Gouvernement, la conférence des présidents de l'assemblée saisie peut décider, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, de déférer cette décision au Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours francs à partir de la saisine.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. À la suite de nos collègues du groupe CRC-SPG ou d’Alima Boumediene-Thiery, je m’interroge à mon tour sur les conditions entourant la décision du Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité à une proposition de résolution.

Certains ont affirmé qu’il était nécessaire de motiver cette décision et de la rendre publique. Cela va dans le bon sens. Néanmoins, il peut arriver qu’un désaccord persiste entre les auteurs de la proposition de résolution et le Gouvernement.

Nous avons à plusieurs reprises souligné les risques d’un tel cas de figure. L’article 34-1 de la Constitution prévoit essentiellement deux cas d’irrecevabilité : la mise en cause du Gouvernement et le caractère d’injonction d’une proposition de résolution.

Ces critères, surtout le second, sont manifestement assez généraux et difficiles à appréhender. Qu’est-ce qu’une injonction ? Imaginons que nous voulions interpeller le Gouvernement sur la situation actuelle à Madagascar, en indiquant, par une proposition de résolution, que le Sénat souhaite qu’il participe activement à la recherche d’une solution permettant de ramener la paix dans ce pays. C’est un vœu, c’est un souhait, c’est la suggestion d’une ligne directrice, mais s’agit-il pour autant d’une injonction au Gouvernement ? Pour ma part, je ne sais pas répondre à cette question. Cependant, le Gouvernement, quant à lui, peut considérer qu’il s’agit là d’une injonction du Sénat et, à ce titre, déclarer la proposition de résolution irrecevable.

Par conséquent, il nous paraît nécessaire de prévoir un mécanisme de « sortie de crise » permettant de surmonter une divergence d’appréciation entre les auteurs de la proposition de résolution et le Gouvernement. C’est pourquoi nous proposons que la conférence des présidents de l’assemblée saisie puisse, à la majorité des trois cinquièmes – nous avons, comme de bons élèves, repris cette modalité, mais sans en inverser les termes ! –, décider de déférer la décision du Gouvernement devant le Conseil constitutionnel, qui statuera dans un délai de huit jours.

Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Au début de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre

par le mot :

Gouvernement

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement fait suite aux remarques qu’ont formulées plusieurs des constitutionnalistes entendus par la commission. Néanmoins, madame la présidente, je le retire dans la mesure où il est satisfait par la nouvelle rédaction de l’amendement n° 4 de la commission, qui, soit dit sans vouloir anticiper le vote du Sénat, a peut-être une chance infime d’être adopté… (Sourires.)

Par ailleurs, madame la présidente, je considère que les amendements nos 151, 152, 153 et 154 sont défendus, puisque nous les avons repris sous forme de sous-amendements à l’amendement n° 4 de la commission, eu égard au risque qu’ils ne deviennent sans objet une fois ce dernier adopté.

Mme la présidente. L'amendement n° 150 est retiré.

L'amendement n° 79, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer les mots :

fait savoir au président de l'assemblée intéressée

par les mots :

justifie par écrit au président de l'assemblée intéressée et à chaque président de groupe

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 3 prévoit que le Premier ministre « fait savoir au président de l’assemblée intéressée » s’il estime irrecevable une proposition de résolution. Nous trouvons cette formulation quelque peu condescendante. La moindre des choses, à notre sens, serait que le Premier ministre justifie par écrit sa décision au président de l’assemblée intéressée et à chaque président de groupe.

Mme la présidente. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer les mots :

il le fait savoir au

par les mots :

il saisit à cet effet le

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui sera satisfait si l’amendement de la commission est adopté.

Mme la présidente. L'amendement n° 78, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

savoir

insérer les mots :

par une décision écrite motivée et rendue publique

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement obéit à la même logique que celui que j’ai défendu à l’instant.

Mme la présidente. L'amendement n° 151, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

savoir

insérer les mots :

par une décision motivée

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 152, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

savoir

insérer les mots :

par une décision rendue publique

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 80, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

intéressée

insérer les mots :

et à chaque président de groupe

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous estimons que les présidents de groupe doivent être informés par le président de l’assemblée concernée de la décision du Premier ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

intéressée

insérer les mots :

, qui en informe les présidents de groupe,

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 153, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans cet article, après le mot :

intéressée

insérer les mots :

et le cas échéant, au président de groupe à l'initiative d'une demande d'inscription d'une proposition de résolution à l'ordre du jour,

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 81, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Si tel n'est pas le cas, la résolution est examinée par l'assemblée concernée.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne sais pas s’il s’agit d’une de ces « chicayas » chères à M. Charasse, mais cet amendement vise à préciser que, en l’absence de réponse du Premier ministre, la proposition de résolution pourra être discutée par l’assemblée concernée.

M. Michel Charasse. Dans le cas présent, il ne s’agit pas de « chicayas » ! C’est précis ! (Sourires.)

Mme la présidente. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Aucune irrecevabilité ne peut être opposée après l'expiration de ce délai sauf dans les conditions prévues à l'article 5.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Cet amendement a pour objet de préciser que, en dehors des cas prévus à l’article 5, lorsque le Premier ministre n’a pas réagi dans le délai imparti, c’est-à-dire avant l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution par la conférence des présidents, il ne peut plus ensuite lui opposer l’irrecevabilité.

La commission et le Gouvernement m’objecteront peut-être que cela va de soi, dans la mesure où si les conditions d’opposition d’irrecevabilité prévues par le texte n’ont pas été respectées, la proposition de résolution ne peut plus être déclarée irrecevable, mais d’autres pourraient très bien estimer que le Premier ministre sera en droit d’opposer une irrecevabilité hors du délai si par exemple il a été retenu par un voyage à l’étranger ou pour une autre raison. Non ! Il faut tout de même que l’on puisse, à un moment ou à un autre, savoir si l’on va pouvoir ou non discuter de la proposition de résolution.

Tel est l’objet tout simple de l’amendement n° 30 rectifié.

Mme la présidente. L'amendement n° 154, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En cas de contestation de la décision du Premier ministre, la conférence des présidents de l'assemblée saisie peut décider, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, de déférer cette décision au Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours francs à partir de la saisine.

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements et sous-amendements autres que l’amendement n° 4 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En préambule, je signale que toute disposition visant à ce qu’une décision du Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité puisse être déférée au Conseil constitutionnel ou faire l’objet d’une quelconque contestation est inconstitutionnelle.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. De telles dispositions sont contraires à l’article 34-1 de la Constitution, sans compter qu’une telle saisine n’entre pas dans les attributions du Conseil constitutionnel. La commission ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur les amendements nos 75 et 76.

Par ailleurs, je ne vois pas au nom de quoi la loi organique devrait prévoir que la décision de déclarer irrecevable une proposition de résolution devra être prise en conseil des ministres et motivée. Il n’appartient pas au Parlement de s’immiscer dans l’organisation de l’exécutif.

La commission est donc défavorable au sous-amendement n° 59.

De même, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 202. Le Gouvernement n’a pas à motiver sa décision. On peut la contester, mais pas davantage : s’agissant d’un acte de gouvernement, la Constitution l’a prévu ainsi !

M. Michel Charasse. Le Gouvernement ne peut pas déclarer irrecevable une proposition de résolution en fonction de sa seule humeur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si le Gouvernement a des humeurs, il devra se soigner ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On pourrait l’inscrire dans le texte !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si vous voulez, cela ne me dérange pas ! (Nouveaux sourires.) Cela figurera dans les travaux préparatoires !

Le sous-amendement n° 203 vise à contraindre le Gouvernement à rendre publique toute décision de déclarer irrecevable une proposition de résolution : je ne vois pas comment il pourrait garder secrète cette information dans la mesure où il doit, aux termes de l’article, la communiquer au président de l’assemblée intéressée ! L’avis est défavorable.

S’agissant de votre sous-amendement n° 204 rectifié, monsieur Frimat, j’observerai d’abord qu’un président de groupe peut demander l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution déposée non par le groupe, mais par un parlementaire à titre personnel.

Il va de soi que le président de l’assemblée concernée informera le ou les auteurs d’une proposition de résolution ayant fait l’objet d’une décision du Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité.

Monsieur Bodin, nous avons une certaine complicité géographique…

M. Michel Charasse. Et historique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait ! Nous nous connaissons depuis longtemps.

M. Michel Charasse. C’est votre vie privée ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, cela se cantonne à la vie publique, tout de même ! (Nouveaux sourires.)

Tout parlementaire a le droit de présenter une proposition de résolution. Il n’est pas indispensable de prévoir une information spécifique. Cette question relève du règlement de chaque assemblée.

En tout état de cause, la commission est défavorable aux sous-amendements nos 58 et 205, ainsi qu’à l’amendement n° 79, pour des raisons analogues à celles que j’ai exposées à propos de l’amendement n° 75.

Il me semble que l’amendement n° 29 rectifié est retiré, monsieur Charasse…

M. Michel Charasse. Si l’amendement de la commission est adopté, le mien deviendra sans objet. En conséquence, je le retire.

Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 78 pour des raisons identiques à celles qui ont motivé son avis défavorable sur le sous-amendement n° 59.

Les amendements nos 151, 152, 153 et 154 ayant exactement le même objet que les sous-amendements du groupe socialiste à l’amendement de la commission, je ne répéterai pas mon argumentation. L’avis est défavorable. En tout état de cause, ils n’auront plus d’objet si l’amendement n° 4 est adopté.

La commission est défavorable à l’amendement n° 80, qui appelle les mêmes observations que le sous-amendement n° 204 rectifié. Le droit de présenter des propositions de résolution appartient à chaque parlementaire et l’information sera la plus large possible.

Le dispositif des amendements nos 77 et 80 est d’ordre réglementaire. L’avis est donc défavorable.

L’amendement n° 81 est pour l’essentiel satisfait par l’amendement n° 30 rectifié, sur lequel la commission a donné un avis favorable.

En effet, l’amendement n° 30 rectifié permet de marquer sans ambiguïté que le Gouvernement ne pourra plus opposer l’irrecevabilité après l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour de l’assemblée par la conférence des présidents, à moins bien sûr que ladite proposition de résolution ne soit rectifiée ensuite par son auteur.

Les autres irrecevabilités ne sont pas pertinentes dans le cas de propositions de résolution. En particulier, celles-ci n’ayant pas de caractère normatif, elles ne peuvent entraîner de dépenses supplémentaires.

La précision apportée par l’amendement n° 30 rectifié s’inscrit dans le prolongement des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale. Elle est utile et lève toute ambiguïté. C’est pourquoi la commission y est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Frimat. Favorable ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement a déjà été si souvent favorable aux amendements présentés depuis ce matin… (Nouveaux sourires.)

Mesdames, messieurs les sénateurs, le fait que le Gouvernement déclare une proposition de résolution irrecevable constitue un acte de gouvernement qui, à ce titre, n’est pas susceptible d’un recours devant le Conseil constitutionnel ni devant le Conseil d’État.

Tous les amendements tendant à prévoir une telle disposition ne peuvent donc que faire l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement.

Faut-il prévoir que la décision du Gouvernement soit transmise également au président de groupe intéressé ou aux auteurs des propositions de résolution ? Connaissant les usages des deux assemblées, je ne conçois pas que le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale ne communique pas sans délai l’information reçue du Gouvernement.

Ne compliquons donc pas les règles du jeu. Le fonctionnement des assemblées me paraît suffisamment souple pour garantir l’information immédiate des auteurs de propositions de résolution ou des groupes intéressés.

Par ailleurs, il me paraît clair que si le Gouvernement n’a pas déclaré l’irrecevabilité d’une proposition de résolution avant son inscription à l’ordre du jour d’une assemblée, il ne pourra plus le faire ensuite. Néanmoins, si M. le rapporteur considère qu’il est utile de le préciser explicitement dans le projet de loi organique, je n’y vois pas d’objection.

En conclusion, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 75 et 76.

J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 4 de la commission.

Le Gouvernement est défavorable aux sous-amendements nos 59, 202, 203, 204 rectifié, 58 et 205, ainsi qu’aux amendements nos 79, 78, 151, 152, 80, 77, 153, 81 et 154.

Enfin, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 30 rectifié.

Mme la présidente. Monsieur Charasse, l’amendement n° 30 rectifié est-il transformé en sous-amendement à l’amendement n° 4 de la commission ?

M. Michel Charasse. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Il s’agit donc du sous-amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

Compléter l'amendement n° 4 par un alinéa ainsi rédigé :

Aucune irrecevabilité ne peut être opposée après l'expiration de ce délai sauf dans les conditions prévues à l'article 5.

Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 59.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 202.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 203.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 204 rectifié.

M. Bernard Frimat. Je conçois parfaitement l’état d’épuisement dans lequel doivent se trouver M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, après l’effort considérable qu’ils ont consenti ce matin en reconnaissant aux présidents de groupe la possibilité de déposer une proposition de résolution ! (Sourires.) Cela étant, je considère qu’il faut aller au bout de la démarche.

Appuyés par certains groupes de notre assemblée, notamment le RDSE et le groupe de l’Union centriste, rejoints par le groupe socialiste lors du débat sur la révision constitutionnelle, vous avez souhaité reconnaître les groupes politiques dans la Constitution.

Comme l’a souligné M. Charasse, il s’agissait d’une innovation constitutionnelle. Notre Constitution est probablement la seule dans ce cas, mais il faut bien reconnaître qu’elle est quelque peu particulière.

Dans la logique de cette démarche de reconnaissance de droits aux groupes politiques, j’estime, monsieur le secrétaire d’État, qu’il conviendrait que vous consentiez un petit effort supplémentaire qui ne vous coûtera vraiment pas cher, en prévoyant que le Premier ministre communiquera la décision du Gouvernement aux présidents de groupe en même temps qu’au président de l’assemblée. Ce n’est tout de même pas demander la lune ! Rassurez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous ne vous la demanderons pas non plus à propos de l’article 13, n’ayez aucune inquiétude sur ce point !

Toutefois, en l’occurrence, vous auriez pu faire un petit effort. Vous vous y êtes refusé. Cela ne changera pas grand-chose, certes, car nous savons tous que cet article 3 est parfaitement inutile et que la Constitution suffisait. Vous avez pourtant tenu à reprendre des dispositions constitutionnelles dans le projet de loi organique, qui est encore moins bien rédigé que la Constitution, laquelle n’est déjà pas un chef-d’œuvre littéraire. Dont acte ! Dans ces conditions, vous auriez pu consentir au modeste ajout que nous proposions.

Quoi qu’il en soit, nous maintenons notre sous-amendement. Ne voulant mettre personne mal à l’aise, nous n’irons pas jusqu’à demander qu’il soit voté par scrutin public, ce qui obligerait certains groupes à se prononcer contre la reconnaissance de leurs droits et du rôle des présidents de groupe…

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’admire la dialectique de M. Frimat.

M. Bernard Frimat. Je suis sensible au compliment !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il peut être à double sens, mon cher collègue ! (Sourires.)

Les groupes politiques étaient déjà reconnus dans la Constitution, mais cette reconnaissance a été réaffirmée avec l’inscription des droits des groupes minoritaires.

S’agissant de l’article 3 de ce projet de loi organique, la rédaction proposée par la commission, heureusement complétée par le sous-amendement de M. Charasse, me semble pertinente.

Il est évident que le président de l’assemblée, lorsque lui aura été notifiée l’irrecevabilité d’une proposition de résolution, informera non seulement les présidents de groupe, mais aussi, éventuellement, les auteurs du texte s’il n’émane pas d’un groupe. Pourquoi les présidents de groupe feraient-ils l’objet d’une mention particulière ? De toute façon, l’inscription de la proposition de résolution à l’ordre du jour des travaux de l’assemblée par la conférence des présidents permettra de les informer.

Veillons donc à ne pas alourdir le texte. Ce matin, la précision apportée était sans doute souhaitable…

M. Bernard Frimat. Certainement souhaitable !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Sans doute souhaitable ! En tout état de cause, elle a été inscrite dans le texte, n’en rajoutons pas et cessons de bavarder sur ce point !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je partageais l’idée d’accorder une sorte de droit d’initiative particulier, en matière de propositions de résolution, aux présidents de groupe, afin de mettre en valeur leur rôle.

En revanche, je trouve singulier de demander qu’une notification de la déclaration d’irrecevabilité du Gouvernement soit adressée spécifiquement aux présidents de groupe, en même temps qu’au président de l’assemblée. Il revient à celui-ci d’informer l’assemblée tout entière.

Cette demande me semble dépasser le raisonnable, et cela me surprend d’ailleurs de votre part, monsieur Frimat.

Je vous demande d’y réfléchir, parce que ce formalisme est excessif. Il évoque un peu l’étiquette de l’Ancien Régime ! Nous avons fait du bon travail ce matin, mais vous le compromettez quelque peu maintenant. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce matin, le Gouvernement s’est déclaré favorable aux résolutions de groupe. Après tout, c’est l’affirmation, au sein de l’Assemblée nationale ou du Sénat, d’une volonté, d’une existence politique.

Cependant, le jeu institutionnel entre le Gouvernement et l’Assemblée nationale ou le Sénat passe forcément par le président. À aucun moment, le Gouvernement ne s’adresse officiellement à un président de groupe ou à un président de commission.

M. Bernard Frimat. Il les reçoit !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. On peut imaginer, comme je le disais tout à l’heure, que le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat informera immédiatement les présidents de groupe concernés, les auteurs de la proposition de résolution ou même l’ensemble de l’assemblée.

De surcroît, vous réservez de fait un sort particulier aux propositions de résolution émises par des parlementaires à titre personnel, puisque vous ne demandez pas que leurs auteurs soient directement informés de la décision d’irrecevabilité du Gouvernement. C’est un peu compliqué !

Pour ma part, je suis plutôt de ceux qui pensent qu’il convient de renforcer le rôle des groupes politiques et de leurs présidents, comme l’a fait la révision constitutionnelle, mais, en l’occurrence, je ne vois pas très bien l’intérêt du dispositif présenté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je me demande s’il ne serait pas plus simple de prévoir dans le règlement que la déclaration d’irrecevabilité soit inscrite au feuilleton. Chacun serait alors informé, à la seule condition de lire le feuilleton attentivement !

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 204 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 58.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 205.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 30 rectifié bis.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé et les amendements nos 79, 78, 151, 152, 80, 77, 153, 81 et 154 n’ont plus d’objet.

Article 3
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 4

Article 3 bis 

Lorsque le président d'un groupe envisage de demander l'inscription d'une proposition de résolution à l'ordre du jour d'une assemblée, il en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l'inscription à l'ordre du jour ne soit décidée. Le président de l'assemblée en informe sans délai le Premier ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, sur l'article.

M. Michel Charasse. Je crois qu’il ne faut pas expédier trop vite la question de la compétence du Conseil constitutionnel, évoquée à l’instant à propos de l’article 3.

Je voudrais simplement dire que nous n’avons pas fait attention, au moment de la révision constitutionnelle, à revoir éventuellement l’étendue des compétences du Conseil constitutionnel.

Nous en restons donc, sur ce point, à la jurisprudence traditionnelle et constante de ce dernier, telle qu’elle a été établie au début de la VRépublique : le Conseil a dit que sa compétence devait soit être inscrite et prévue expressément dans la Constitution,…

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Eh oui !

M. Michel Charasse. … soit figurer dans les ordonnances organiques, qui n’ont pas été examinées par le Conseil constitutionnel lorsqu’elles ont été promulguées à la fin de 1958 ou au début de 1959, parce que celui-ci n’était pas encore installé et surtout parce que l’article 92 de la Constitution n’avait pas prévu qu’elles devaient être soumises à une déclaration de conformité préalablement à leur promulgation.

Il est dommage que ce dont nous discutons aujourd’hui n’ait pas été inscrit dans la Constitution comme pouvant aller devant le Conseil, car des conflits pourront naître – on vient d’en évoquer un possible à propos de l’article 3 –, que nous ne pourrons pas faire régler par une autorité, quelle qu’elle soit, notamment par le Conseil constitutionnel, dans la mesure où la Constitution ne l’a pas prévu et autorisé.

En réalité, je voudrais souligner ici que la commission des lois, que je vais défendre cette fois-ci, ne joue pas les « pères fouettards » en l’occurrence, pas plus que le Gouvernement. Telle est la situation, et l’on ne peut pas imposer au Conseil constitutionnel une compétence que la Constitution et les ordonnances organiques ne lui ont pas donnée, ni en 1958 ou en 1959, ni après.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 82 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 155 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 82.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article 3 bis, inséré dans le texte par l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, constitue une nouvelle limitation aux pouvoirs des assemblées et des groupes politiques en matière de résolutions.

Le projet de loi organique initial ne prévoyait pas de délai de dépôt des propositions de résolution pour les présidents de groupe. Le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, auteur de cette modification, s’inscrit totalement dans une logique de limitation des pouvoirs du Parlement.

Cet article est significatif d’une démarche dite de « rationalisation » des débats parlementaires, qui vise en fait à corseter toute initiative parlementaire, si modeste soit-elle.

Les règlements de nos assemblées sont pourtant déjà fortement marqués par cette conception, prévoyant des délais de dépôt des amendements, des délais d’inscription, des temps de parole, un nombre minimal de parlementaires pour engager une initiative, pour ne citer que quelques dispositions de cet ordre.

En l’occurrence, avec l’article 3 bis, il s’agit tout simplement de laisser au Gouvernement le temps de la réflexion pour examiner une proposition de résolution et autoriser qu’elle soit débattue.

Ainsi, le président de groupe qui envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée en informera le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que cette inscription ne soit décidée.

On retrouve dans cet article, apparemment secondaire, la caractéristique fondamentale de la Ve République.

Nous proposons de rappeler la nécessité de rééquilibrer réellement les pouvoirs entre assemblées et pouvoir exécutif en permettant aux parlementaires de réagir immédiatement sur tel ou tel sujet, à tel ou tel événement, par le dépôt de propositions de résolution susceptibles d’être débattues rapidement.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 155.

M. Louis Mermaz. Nous n’en sommes encore qu’à la pose des banderilles ! (Sourires.) C’est avec l’article 13 que nous arriverons au cœur du sujet.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dépêchons-nous d’y arriver !

M. Louis Mermaz. J’espère que M. le secrétaire d’État a le pied marin : tantôt il nous explique que le sujet traité relève de la loi organique, tantôt, quand on lui demande un enrichissement de la loi organique, il déclare qu’il relève de la compétence des assemblées. Nous sommes souvent à front renversé !

L’article 3 bis relève exactement de la même logique que l’article 3, dont nous n’avons pas obtenu la suppression.

Pour bien en saisir la portée, il convient d’avoir à l’esprit les termes de l’article 34-1 de la Constitution.

Le premier alinéa dispose que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique ». Nous sommes bien au cœur du débat !

En revanche, les dispositions du second alinéa, selon lequel « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard », relèvent des règlements des assemblées.

Selon le premier alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, la loi organique doit s’attacher à préciser les modalités de vote des résolutions.

De fait, toutes les questions ayant trait à l’irrecevabilité des propositions de résolution ne doivent, à notre sens, pas être traitées dans le présent projet de loi organique, sauf à ce que le Gouvernement empiète sur les prérogatives des assemblées.

Il est vrai que nous avons parfois prêté la main à cette dérive, puisque, comme je le disais tout à l’heure, il nous est arrivé de réclamer que la loi organique traite de sujets qui ressortissent la plupart du temps aux règlements des assemblées.

Nous sommes néanmoins confrontés à un Président de la République et à un Gouvernement qui se mêlent de tout, y compris du fonctionnement interne des assemblées, et cette tendance ne fait que s’amplifier.

Nous estimons que le second alinéa de l’article 34-1 de la Constitution se suffit à lui-même. Si la mise en application de ses dispositions nécessite des précisions ou des coordinations, il reviendra aux règlements des assemblées d’y procéder.

L’article 3 bis est finalement une déclinaison de l’article 3, relatif aux modalités d’application de l’irrecevabilité des propositions de résolution, qui ne relèvent que du règlement intérieur.

Il prévoit qu’un président de groupe qui envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription ne soit décidée.

À ce point, nous serions tous heureux de bénéficier d’une explication de texte, car ces dispositions sont vraiment très mystérieuses, à moins que le président de groupe en question ait un don de prescience et de double vue… (Sourires.) Mais M. Hyest, qui a l’esprit très vif, pourra sans doute nous expliquer tout cela.

L’article 3 bis prévoit enfin que le président de l’assemblée devra alors informer sans délai le Premier ministre de l’intention du président de groupe. Faudra-t-il éventuellement prévenir en pleine nuit le Gouvernement qu’une proposition de résolution risque d’être inscrite à l’ordre du jour ? Sauve qui peut !

Comme l’article 3, l’article 3 bis n’a pas à figurer dans le projet de loi organique.

Nous estimons, de manière générale, qu’il n’est pas de bonne pratique qu’un projet de loi « organicise » – excusez ce barbarisme – des dispositions qui relèvent des règlements des assemblées. Cela étant, je dois reconnaître très honnêtement que nous avons parfois eu cette tendance pour contrarier le Gouvernement et le président de la commission !

Il est par exemple regrettable que l’article 4 s’inspire des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat pour éviter, au cours d’une même session, la répétition de résolutions sur un même sujet.

Toujours la même inquiétude… Cependant, nous sommes tous suffisamment subtils pour faire en sorte qu’une proposition de résolution ne soit pas la réplique exacte de la précédente !

Lorsque viendra le temps de réviser les règlements des assemblées, nous aurons donc à prendre en compte – si cet article est adopté, ce qui est hélas probable – les conditions restrictives de l’article 34-1 de la Constitution en matière de recevabilité des propositions de résolution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Mermaz, vous qui avez été ministre, président de l’Assemblée nationale…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ne soyez pas jaloux !

M. Louis Mermaz. Je n’ai pas été Président de la République ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne suis pas jaloux ! Je suis très heureux d’être parlementaire, et je ne vise pas d’autres fonctions, contrairement à d’autres qui, compte tenu de leurs qualités éminentes, sont appelés au Gouvernement, notamment pour remplir les fonctions de secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement ! (Nouveaux sourires.)

L’article 3 bis est issu d’une initiative de l’Assemblée nationale. Il représente la contrepartie de l’amendement que celle-ci avait adopté à l’article 3 et qui tendait à prévoir que le Gouvernement informe le président de l’assemblée concernée de l’irrecevabilité de la proposition de résolution avant que ne soit décidée son inscription à l’ordre du jour.

Il répond donc à une logique, que je partage. Dans ces conditions, je ne vois aucune raison de modifier l’article 3 bis.

On peut toujours brocarder, mais « sans délai » est une notion bien connue de notre droit. À partir du moment où nous avons voté l’article 3, il est indispensable d’adopter l’article 3 bis, qui en constitue le pendant.

J’émets donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 82 et 155.

M. Louis Mermaz. Cela nous consterne, mais nous nous en remettrons ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Je ne vais pas prolonger inutilement les débats, car je souscris tout à fait à l’avis que le président Hyest vient d’exposer.

Évidemment, et vous le savez bien, monsieur Mermaz, « sans délai » ne signifie pas « toutes affaires cessantes » ! On ne ferme pas les dossiers en cours pour courir téléphoner ! Le « sans délai », l’immédiat, est une notion assez partagée, et je ne vois pas en quoi elle peut choquer.

Il est logique, il est normal que le Gouvernement soit tenu de déclarer ou non l’irrecevabilité dès lors qu’il a pu statuer. L’équilibre provient de ce qu’il dispose du temps nécessaire pour se prononcer, mais que, une fois sa conclusion arrêtée, il doit la faire savoir « sans délai ».

Pris isolément, chacun des articles du projet de loi organique peut paraître incomplet : c’est l’équilibre global atteint à travers l’ensemble du texte qui, à mon sens, permettra aux deux assemblées de fonctionner de manière cohérente.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis un peu troublée, car, pour ma part, j’aurais préféré que l’on fixe des délais, et dans les deux cas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Non !

Mme Nathalie Goulet. On a expliqué tout à l’heure à M. Frimat que, trois jours francs, c’était trop court.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il ne s’agissait pas de la même chose !

Mme Nathalie Goulet. Et voilà que, maintenant, c’est « sans délai » qui convient !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Un délai est bien prévu : quarante-huit heures !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, quarante-huit heures !

Mme Nathalie Goulet. « Au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription à l’ordre du jour ne soit décidée », c’est un délai à rebours, et je pressens qu’il va rendre bien des explications de texte nécessaires ! J’ignore s’il est prévu que celles-ci soient fournies dans le règlement des assemblées ou si c’est la pratique qui les dégagera.

Il aurait été indéniablement plus clair de fixer dans la loi organique le délai dans lequel le Gouvernement fait connaître sa décision. La pratique s’accommoderait sans doute mieux d’un calendrier positif que d’un délai à rebours !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 155.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement no 49, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après le mot :

avant

rédiger comme suit la fin de la première phrase de cet article :

le conseil des ministres précédant le jour prévu pour l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agissait, à l’origine, de fixer un délai pour le dépôt d’une proposition de résolution afin de permettre au conseil des ministres de statuer sur sa recevabilité.

Cela étant, je ne suis pas sûre, compte tenu des votes déjà intervenus, que cet amendement de coordination soit encore utile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si nous votions cet amendement, nous serions effectivement en contradiction avec ce que nous avons précédemment voté !

M. Bernard Frimat. Ce ne serait pas la première fois ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mme Boumediene-Thiery a bien compris que, même si, formellement, on ne peut pas affirmer que son amendement n’a plus d’objet, il serait incohérent que nous le votions.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis !

Mme la présidente. Madame Alima Boumediene-Thiery, l’amendement no 49 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement no 49 est retiré.

L’amendement no 83, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase de cet article, supprimer les mots :

sans délai

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est effectivement souhaitable de ne pas être en permanence en contradiction avec ses choix précédents…

Je m’appuierai sur les excellents développements de M. Mermaz : on ne peut tantôt accepter d’inscrire dans la loi organique ce qui relève du règlement des assemblées et tantôt s’y refuser. Nous aurons tout le loisir d’y revenir lorsque nous aborderons l’article 13.

Dans l’immédiat, je voudrais souligner que, si la notion de « sans délai » a toute sa place dans notre droit, elle n’est pas pour autant justifiée ici. En l’occurrence, puisqu’il s’agit du fonctionnement du Parlement, mieux vaudrait, en la matière, réserver au règlement des assemblées le soin de fixer les délais.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis désespéré, madame la présidente ! (Rires.)

M. Bernard Frimat. Les chants désespérés sont les chants les plus beaux !

M. Louis Mermaz. Gardez courage !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le « sans délai » que vous voulez supprimer, madame Borvo, est en fait la seule façon de permettre au président de l’assemblée d’informer le Gouvernement dans le délai de quarante-huit heures avant que l’inscription ne soit décidée. Si nous supprimons l’indication « sans délai », nous supprimons tout délai !

M. Louis Mermaz. C’est pour vous donner le tournis, monsieur le rapporteur ! (Nouveaux rires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’y parviendrez pas, monsieur Mermaz, surtout que je suis parfaitement au point sur l’article 13 ! (Sourires.)

Mme la présidente. N’anticipons pas !

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 83.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement no 156, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre

par le mot :

Gouvernement

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Il s’agit d’un amendement de repli. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous avons déjà bien distingué, à propos de l’article 3, la prise de décision, qui relève du Gouvernement, de la transmission, qui ne peut qu’être le fait du Premier ministre.

La commission a donc émis un avis défavorable, par cohérence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 156.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis.

(L’article 3 bis est adopté.)

Article 3 bis
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 5

Article 4

Une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée moins de huit jours francs après son dépôt.

Une proposition de résolution ayant le même objet et le même objectif qu’une proposition de résolution antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour de la même session.

Mme la présidente. L’amendement no 84, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement de suppression s’inscrit de toute évidence dans la logique de nos remarques précédentes.

Comme déjà dans la révision constitutionnelle, tout est fait, dans ce projet de loi organique, pour limiter le champ d’application de la procédure des résolutions. Ce qui devait être une nouvelle possibilité d’initiative risque fort de se révéler inopérant tant les contraintes ici posées sont lourdes.

Au demeurant, les dispositions de cet article 4 n’auraient-elles pas dû relever du règlement des assemblées ? Je pose encore la question, et ce n’est sans doute pas la dernière fois !

L’intervention du Gouvernement, intervention tatillonne, ne constitue-t-elle pas une ingérence dans le fonctionnement interne des assemblées ?

Permettez-moi de revenir sur la discussion de la révision constitutionnelle, en juin dernier.

Le texte originel du projet de loi constitutionnelle concernant les résolutions, l’article 12 – je l’ai déjà cité –, prévoyait que les assemblées avaient compétence pour organiser dans leurs règlements la procédure des résolutions. La commission des lois de l’Assemblée nationale a supprimé l’ensemble du dispositif. Le Sénat l’a rétabli, mais a renvoyé, pour les modalités d’organisation, à une loi organique, c’est-à-dire, en pratique – nous le constatons aujourd’hui –, à la compétence gouvernementale. Pourriez-vous, monsieur le président de la commission des lois, nous éclairer sur ce compromis ?

En effet, vous aviez affirmé alors : « D’abord, le Parlement doit, selon nous, assumer la fonction tribunitienne, qui est inhérente à la démocratie représentative et qui trouve dans les résolutions son moyen d’expression le plus naturel, comme en témoigne l’expérience d’une grande majorité des parlements étrangers. »

Et vous voulez aujourd’hui soumettre cette fonction tribunitienne au bon vouloir de l’exécutif, tant sur le fond que sur la forme ? Comment conciliez-vous ces deux positions ?

Je crains que, une fois encore, nous n’ayons très vite abandonné la fonction tribunitienne pour tomber dans le régime des suppliques – suppliques à l’exécutif ? suppliques au Président de la République ? – rigoureusement triées par l’exécutif.

M. Bernard Frimat. Bien sûr !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’objet de cet article est d’éviter la discussion répétée, au cours d’une même session, de propositions de résolution identiques ou très proches. Il ne paraît pas très utile, en effet, de rediscuter à intervalle rapproché d’une proposition de résolution qui aurait déjà été repoussée par l’assemblée concernée – et encore moins d’une proposition de résolution qui aurait été votée !

Madame, je vous remercie d’avoir cité mes propos sur la fonction tribunitienne ainsi que sur l’intérêt des résolutions, et je les maintiens. Pour autant, la fonction tribunitienne ne se réduit pas à la répétition permanente !

Il est donc tout à fait légitime, comme c’est d’ailleurs déjà le cas pour les propositions de loi, que l’on ne puisse pas présenter sans fin la même proposition de résolution. Aussi, l’article 4 est à mes yeux tout à fait justifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 84.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement no 85, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toute proposition de résolution doit être examinée en séance publique.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis sûre que vous allez m’objecter que cet amendement est superflu… (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas du tout ce que je vais dire !

M. Bernard Frimat. Ce sera pire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, ce sera pire ! (Nouveaux sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien la raison pour laquelle nous l’avons déposé !

Nous pensons qu’il est en tout état de cause nécessaire de préciser que les propositions de résolution sont examinées en séance publique. La décision prise par notre assemblée, à l’article 2 du projet de loi, de les renvoyer à la commission permanente ou à la commission spéciale, donne d’ailleurs un relief particulier à notre démarche : cette disposition ne permettra-t-elle pas de limiter le débat en commission, comme cela peut déjà être le cas pour les propositions de résolution relatives à un projet d’acte communautaire ?

M. Michel Charasse. Elle le peut !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela mérite donc des précisions, mais je pense que celles que vous allez m’apporter, monsieur le rapporteur, ne me conviendront pas. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, je vous propose, afin de prévenir toute interprétation restrictive, de préciser que le débat public et pluraliste est garanti pour les propositions de résolution – rappelons qu’elles auront déjà franchi la censure préalable du Gouvernement - et que, à l’instar de toute initiative parlementaire, elles seront discutées en séance publique.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas dit !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ma chère collègue, votre amendement indique que « toute proposition de résolution doit être examinée en séance publique ». C’est oublier qu’elle doit être d’abord déclarée recevable puis inscrite à l’ordre du jour ! Et, dans ces conditions, je ne vois pas où elle pourrait être examinée sinon en séance publique.

Outre qu’il est inutile, l’amendement est donc contraire à l’article 34-1 de la Constitution, et vous le savez fort bien, madame Borvo Cohen-Seat, puisque vous l’avez avoué vous-même. (Sourires.)

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement no 85.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no 87, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Une résolution dont l’examen est accepté par le Gouvernement peut être immédiatement inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sens qu’une fois encore, monsieur le rapporteur, ma proposition ne va pas vous convenir ! (Sourires.)

Cela ne m’empêchera pas de considérer que, une fois l’accord du Gouvernement obtenu, ce qui constitue déjà un frein considérable, une proposition de résolution doit pouvoir être débattue immédiatement.

Nous avons déjà discuté, au moment de la révision constitutionnelle, de ce droit nouveau consenti au Parlement : le droit de résolution. Le propre d’une résolution, qui n’est pas une loi, est d’introduire une certaine dynamique dans le travail parlementaire, dans la vie parlementaire. Les résolutions doivent avoir un rapport direct avec la vie qui se déroule en dehors du Parlement, avec l’actualité de la société, l’actualité de la politique.

Par conséquent, ce qui fait l’intérêt d’une résolution, c’est le débat vif et, si possible, interactif qu’elle permet sur une question donnée.

Le filtre auquel sont soumises les propositions de résolution est tout de même très épais. Rares sont celles qui arriveront en débat ! Il est donc normal, me semble-t-il, qu’elles puissent être discutées immédiatement, et non renvoyées aux calendes grecques, ce qui les priverait de toute actualité.

Mme la présidente. L'amendement n° 157, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

huit jours francs après son dépôt

par les mots :

six jours francs après son examen en commission

La parole est à M. Bernard Frimat !

M. Bernard Frimat. Je salue la contribution du groupe UMP au débat : elle est tout à fait remarquable et elle honore le Parlement… Les innombrables interventions de nos collègues de la majorité parlementaire nous feraient presque perdre le fil de nos propos ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Madame la présidente, je voudrais rectifier l’amendement n° 157, pour substituer à la mention : « six jours francs après son examen en commission », les mots : « six jours francs après son dépôt ». Cette modification se limite donc au point de départ du délai.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 157 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

huit jours francs après son dépôt

par les mots :

six jours francs après son dépôt

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Bernard Frimat. Il est évident que l’objet de cet amendement, que vous avez tous lu attentivement, mes chers collègues, se justifie encore davantage dès lors que nous avons trouvé en début d’après-midi, à la suite d’un débat fructueux et grâce à la rédaction proposée par Michel Charasse, une formulation susceptible de recueillir l’accord de tous.

Toutefois, si le problème de l’examen en commission, qui restera possible, a été résolu, celui du délai reste entier.

À titre de comparaison, permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, que, lorsque le Gouvernement engage sa responsabilité sur le vote d’un projet ou d’une proposition de loi, sur le fondement de l’article 49-3 de la Constitution, les députés disposent de vingt-quatre heures pour déposer une motion de censure !

Or, ici, on prévoit huit jours francs, qui deviendront deux semaines dans l’agenda parlementaire. Mes chers collègues, ce délai ne vous semble-t-il pas excessif, compte tenu des règles qui seront les nôtres et dont nous avons commencé à mesurer hier, lors de la conférence des présidents, combien elles rendaient difficile l’implication des sénateurs dans le travail parlementaire ?

En outre, les auteurs des propositions de résolution peuvent avoir l’ambition de coller à l’actualité et ne pas souhaiter réserver leurs initiatives aux questions mémorielles !

Par exemple, on pourrait estimer opportun, compte tenu de la situation actuelle de la Guadeloupe et de la Martinique, de déposer une résolution incitant le Gouvernement à développer une vision plus solidaire de ce dossier...

Il me semble donc intéressant de réduire ce délai. Un temps trop long peut faire perdre à la résolution une partie de son opportunité et de son intérêt.

Je le répète, si on le compare aux vingt-quatre heures dont disposent les députés pour déposer un texte aussi important qu’une motion de censure, le délai de huit jours francs paraît tout de même très long.

Vu le succès que j’ai obtenu tout à l'heure – j’y ai été particulièrement sensible ! –, en proposant que le Gouvernement se prononce sur les propositions de résolution en trois jours francs (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), je n’ai pas repris exactement les mêmes termes dans le texte de cet amendement.

Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, la réduction de ce délai ne devrait pas perturber outre mesure le Gouvernement, surtout par rapport aux turbulences qu’il traverse en ce moment !

Mme la présidente. L'amendement n° 88, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

huit jours

par les mots :

un jour

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me rallierai à la position défendue par Bernard Frimat.

Bien sûr, compte tenu de l’examen en commission, un laps de temps d’une journée peut sembler insuffisant. Toutefois, je continue de penser que le délai doit être très court, sinon le droit de résolution perdra tout son sens.

Je le répète, une résolution n’est pas une loi, et il faut savoir à quel usage elle répond. S’il s’agit seulement de fixer les dates des journées de commémoration, rien ne presse, en effet ! Mais, si l’on souhaite donner toute sa portée à ce nouveau droit, malgré les restrictions que vous lui apportez, chers collègues de la majorité, la proposition de résolution doit pouvoir être discutée rapidement, faute de quoi elle perdrait tout intérêt.

Je rectifie donc mon amendement, de telle sorte qu’il soit identique à l’amendement n° 157 rectifié, madame la présidente.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 88 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, et qui est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

huit jours francs après son dépôt

par les mots :

six jours francs après son dépôt

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 87 vise à supprimer le délai de huit jours prévu entre le dépôt de la proposition de résolution et son examen en séance publique.

Or ce laps de temps est utile pour que le Gouvernement puisse, le cas échéant, opposer l’irrecevabilité, pour que l’auteur de la proposition ait la possibilité de rectifier son texte, ou encore, comme l’a prévu la commission des lois, pour permettre à la commission concernée de se saisir, éventuellement, de la proposition de résolution.

Dans la logique des dispositions que nous avons déjà adoptées, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

J’en viens aux amendements identiques nos 157 rectifié et 88 rectifié. S’ils étaient adoptés, la proposition de résolution ne pourrait être examinée « moins de six jours francs après son dépôt ».

M. Bernard Frimat. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce point est important, dans la logique des dispositions que nous avons adoptées et qui complètent l’article 2 : nous ne pourrions prévoir un délai de « six jours après son examen en commission », car il n’y aura pas nécessairement examen en commission. Donc, il s'agit bien du dépôt, monsieur Frimat.

M. Bernard Frimat. Oui, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur la nécessité de ne pas fixer un laps de temps trop court si nous souhaitons qu’une commission examine la proposition de résolution.

En effet, que se passera-t-il, en général ? Un groupe, un sénateur à la demande d’un groupe ou un sénateur individuellement demandera l’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution. Le débat sera prévu lors des séances mensuelles réservées ou au cours de la semaine consacrée à l’initiative parlementaire. Comme la conférence des présidents aura fixé en amont l’ordre du jour du Sénat, le délai, qu’il soit de huit ou de six jours francs – c'est-à-dire, dans les faits, une semaine dans les deux cas –, importe peu, au fond.

Monsieur Frimat, autant la commission ne pouvait émettre un avis favorable sur l’amendement n° 157, autant elle peut accepter un délai de six jours au lieu de huit.

M. Michel Charasse. Mais la mention de « l’examen en commission » a été retirée de l’amendement ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait, monsieur Charasse. Aux termes de l’amendement rectifié, le délai est de « six jours francs après son dépôt ». Nous maintenons le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, sauf que le délai n’est plus de huit jours, mais de six.

Je ne suis pas hostile à cette disposition, d’autant que, si elle était adoptée, l’examen en commission de la proposition de résolution resterait possible.

J’émets donc un avis favorable sur les amendements identiques nos 157 rectifié et 88 rectifié, mais à titre personnel, la commission n’ayant pas examiné ces dispositions.

M. Bernard Frimat. Nous ne vous demanderons pas de la réunir !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 87.

En ce qui concerne les amendements identiques nos 157 rectifié et 88 rectifié, je ne vois pas d’inconvénient majeur à prévoir un délai de six jours francs, qui partirait du dépôt de la proposition de résolution, d’autant que l’Assemblée nationale, à la différence du Sénat, ne prévoit pas de soumettre ce texte à l’examen d’une commission.

Si M. le président de la commission des lois considère que ce laps de temps suffit, je ne serai pas plus royaliste que le roi !

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été nombreux ce matin à souligner qu’il fallait absolument un examen du texte de la proposition de résolution en commission. Si vous réduisez le délai, la commission devra se réunir encore plus vite…

Cela étant, si les responsables des commissions acceptent que le délai passe de huit jours francs à six jours francs, je ne vois pas de raison de m’y opposer. Je le répète, cette disposition ne posera aucun problème à l’Assemblée nationale, qui n’a pas souhaité, pour éviter tout amendement, prévoir la réunion d’une commission.

Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 157 rectifié et 88 rectifié.

M. Bernard Frimat. J’ai été amené à rectifier l’amendement n° 157 parce que, au moment où j’ai déposé cette disposition, j’imaginais que la proposition de résolution serait systématiquement examinée en commission.

Or, mes chers collègues, nous avons débattu de cette question, et de nos échanges est issue une rédaction commune aux termes de laquelle les règlements des assemblées « peuvent prévoir » qu’une proposition de résolution sera envoyée à une commission. Je ne pouvais donc laisser inchangé un amendement dont le texte était fondé sur une obligation devenue, conformément à un accord intervenu entre nous, une simple possibilité !

C'est pourquoi j’ai pris comme point de départ le dépôt de la proposition de résolution et j’ai considéré qu’un délai de six jours francs était suffisant pour coller à l’actualité.

Nous devrons avoir la sagesse de déposer nos propositions de résolution à un moment qui permette leur examen en commission.

Certes, si les auteurs d’une proposition de résolution n’ont pas la liberté d’y inclure n’importe quelle disposition, du moins ont-ils, jusqu’à ce qu’on la leur enlève, celle de déposer leur texte au moment où ils le souhaitent ! Il nous appartiendra, cependant, et dans le respect de la loi organique, de déposer nos propositions dans des délais qui permettent leur examen en commission, si celui-ci est retenu.

Je suis donc satisfait des réponses de M. le secrétaire d'État et de M. le rapporteur, qui ont d'ailleurs rendu hommage à notre position, montrant par là qu’il ne faut jamais restreindre le temps du débat ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Pour ma part, je voudrais simplement faire observer que nous débattons ici, à l’article 4, à travers l’amendement n° 157 rectifié de M. Frimat et de ses amis, du délai minimum pendant lequel on ne peut pas discuter la proposition de résolution. Cela signifie que, passés les six jours – si ce délai est retenu –, la discussion de la proposition deviendra possible, mais ne sera pas obligatoire, car elle pourra ne jamais être discutée du tout.

Je voudrais faire observer au Sénat que c’est une disposition qui, en fait, aboutit à nous interdire d’aborder l’actualité brûlante. Elle met donc les chambres à l’abri de la clameur publique et des hurlements de trottoir !

Et, une fois le délai écoulé, même s’il n’est que de six jours, monsieur Frimat, l’émotion sera retombée.

Ce délai conduira donc vraisemblablement à mettre en œuvre des propositions de résolution qui aborderont plutôt des problèmes de fond, extrêmement sérieux, que des questions émotionnelles. Et je ferai remarquer au passage que, selon mon expérience, pour tous les Gouvernements, les questions de fond sont toujours beaucoup plus embêtantes que les questions émotionnelles…

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 157 rectifié et 88 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 86, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toutes les propositions de résolution ayant le même objet sont examinées dans le cadre d’une discussion commune en séance publique.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement se justifie par son texte même. Il est logique que toutes les propositions de résolution ayant le même objet soient examinées dans le cadre d’une discussion commune en séance publique, mais mieux vaut le préciser.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, cette précision est du niveau du règlement et non de la loi organique. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis !

Mme la présidente. Madame Borvo Cohen-Seat, l’amendement n° 86 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Puisque, en toute hypothèse, une telle précision relève du règlement et qu’il s’agit d’une démarche plutôt positive, il faudrait préciser que cela concerne toutes les propositions de résolution qui auront le même objet mais aussi qui auront été déposées dans un certain délai. Sinon, nous pourrons toujours attendre…

M. Michel Charasse. Tout cela relève du règlement !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 86.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 158, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

ayant le même objet et le même objectif qu’

par les mots :

rédigée en termes identiques à

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Notre amendement vise à modifier le second alinéa de l’article 4, qui a trait aux conditions d’inscription des propositions de résolution à l’ordre du jour.

La rédaction de cet alinéa a évolué. Dans le texte initial, ne pouvait être inscrite à l’ordre du jour de la même session une proposition de résolution « ayant le même objet » qu’une proposition antérieure. L’Assemblée nationale, pensant sans doute bien faire, a souhaité viser les propositions de résolution « ayant le même objet et le même objectif ». La commission des lois du Sénat propose, elle, d’en revenir à la rédaction initiale.

Je fais partie de ceux, à mon avis très nombreux, qui se sont interrogés sur la signification, dans ce cas précis, des termes « objet » et « objectif », lesquels sont suffisamment vagues pour nous mettre quoi qu’il arrive dans l’embarras.

Avoir le même objet, c’est avoir le même contenu, la même proposition. Avoir le même objectif, c’est avoir la même intention, mais la notion est encore plus floue et donc encore plus difficile à saisir.

Imaginons, par exemple, que nous déposions une proposition de résolution relative à la politique pénitentiaire et visant à désengorger les prisons, objectif somme toute important,…

M. Richard Yung. …dans laquelle nous prônerions le développement du bracelet électronique. Imaginons aussi qu’un certain nombre de nos collègues proposent, un mois après, une nouvelle résolution, en demandant, cette fois-ci, un recours accru à la mise en liberté conditionnelle. Nos collègues ne risquent-ils pas de s’entendre opposer une fin de non-recevoir, les deux propositions ayant le même objectif ?

Et encore ai-je eu soin de prendre un sujet peu conflictuel.

Vous le voyez, la rédaction actuelle est source de problèmes. C’est parce que nous pensons que le terme « objet » et, encore plus, le terme « objectif » sont trop vagues, voire, d’une certaine manière, dangereux, que nous vous proposons de les remplacer par les mots « rédigée en termes identiques à ».

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas du tout la même chose !

M. Richard Yung. Quel objectif visons-nous ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Objectif ?

M. Richard Yung. Oui, monsieur le rapporteur, et un objectif précis en l’occurrence !

Nous comprenons le souci du Gouvernement de ne pas être confronté à plusieurs dizaines de résolutions rédigées dans les mêmes termes, ce qui serait, convenons-en, une façon de faire de l’obstruction.

M. Pierre Fauchon. Tiens donc !

M. Richard Yung. Monsieur Fauchon, vous le savez, ce n’est pas notre manière de faire !

M. Richard Yung. La rédaction que nous proposons présente à nos yeux le mérite d’écarter tout danger d’obstruction tout en ouvrant la voie à de véritables résolutions et, partant, à de vrais débats.

M. Pierre Fauchon. Cela doit cacher quelque chose !

Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :

et le même objectif

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 158.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette question a fait l’objet d’importants débats à l’Assemblée nationale. Pour la commission, il n’est pas sûr que la distinction entre les notions d’« objet » et d’« objectif » puisse être toujours très clairement établie. Dans quelle mesure, en effet, l’objet n’inclut-il pas l’objectif ? Afin d’éviter des contestations délicates, la commission propose de supprimer la référence à l’objectif et de s’en tenir au seul objet, en revenant à la rédaction initiale du Gouvernement, qui lui paraît très claire.

Au demeurant, mes chers collègues, ce n’est pas le nombre de résolutions qui pose problème, car il sera forcément régulé dans le cadre de l’organisation de la séance publique et des journées d’initiative parlementaire, au titre de l’article 48 de notre règlement. Rassurez-vous, nous n’aurons pas à examiner des propositions de résolution matin, après-midi et soir !

D’ailleurs, la multiplication des résolutions ne serait pas de nature à dynamiser nos travaux. Le fait de ne pas pouvoir inscrire à l’ordre du jour une proposition de résolution ayant le même objet qu’une proposition antérieure, comme cela se fait déjà pour les propositions de loi, est d’ores et déjà une garantie.

Monsieur Yung, nous devrions être capables de déterminer si deux propositions de résolution ont le même objet et la même ampleur. Je reviens un instant sur les deux exemples que vous avez évoqués à propos de la politique pénitentiaire. À partir du moment où ces propositions ne constituent pas une mise en cause de la responsabilité du Gouvernement et ne contiennent pas d’injonctions à son égard, elles devraient être toutes les deux recevables puisque leur objet respectif, suffisamment précis, n’est pas du tout le même. S’il y a litige, le sujet sera évoqué au sein de la conférence des présidents, dès lors que le Gouvernement n’aura pas invoqué l’irrecevabilité.

À mon avis, nous devrions tout de même pouvoir y arriver !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Cela a été dit, l’Assemblée nationale a modifié la rédaction initiale du Gouvernement, lequel s’en était tenu à l’objet et n’avait pas envisagé l’objectif. L’initiative de cette modification revient à Mme Billard, qui, considérant que les objectifs pouvaient être un élément un peu plus précis et déterminant que le seul objet, avait déposé un amendement en ce sens. Un débat avait eu lieu et, finalement, le Gouvernement avait laissé l’Assemblée nationale voter la modification.

Je reconnais bien volontiers que le fait d’ajouter l’objectif ne change pas la nature d’un débat qui est, de toute manière, loin d’être clair.

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 5 de la commission.

En revanche, il est défavorable à l’amendement n° 158. Les termes proposés sont tellement réducteurs qu’ils pourraient conduire à une interprétation du texte extensive, donc dangereuse. Il suffirait en effet de changer un mot, une virgule ou je ne sais quel autre signe typographique pour prétendre que la rédaction n’est pas identique ! La réserve tenant à l’identité d’objet n’aurait alors plus de sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l’amendement n° 158.

M. Michel Charasse. Dans cette affaire, ceux qui auront à rédiger le règlement auront beaucoup de travail !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est sûr !

M. Michel Charasse. L’article 34-1 de la Constitution a prévu les cas de recevabilité ou d’irrecevabilité que peut évoquer ou invoquer le Premier ministre, mais il n’a pas prévu d’autres cas.

Or la loi organique en introduit un, là, qui concerne le caractère non répétitif des résolutions identiques, ou à peu près, tout au long de la session. Il faudra bien que l’on décide, dans le règlement, qui sera juge de leur recevabilité. Si l’on sait que le Premier ministre est, selon la Constitution, juge de la recevabilité d’une partie des propositions de résolution, celles qui sont concernées ici ne rentrent pas dans son champ de compétence, puisque cela ne lui a pas été donné par la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !

M. Michel Charasse. Par conséquent, il faudra déterminer qui sera juge de la recevabilité : le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat, la conférence des présidents, la commission des lois, etc.

Il faudra aussi définir la portée de la mention qui sera finalement retenue, entre « ayant le même objet », « ayant le même objet et le même objectif » ou « rédigée en termes identiques ». En proposant cette dernière, notre collègue Bernard Frimat et ses amis socialistes n’ont, bien entendu, pas l’intention de dire qu’il suffit de changer une virgule pour considérer que cela n’est pas « en termes identiques », parce que cela serait – excusez-moi du terme – de la « flibuste », et ce n’est pas le genre de notre grande Maison.

Mais comme nous aurons certainement à réfléchir à cette question au moment de l’élaboration du règlement, je voudrais vous signaler que, au moment de la révision constitutionnelle de juillet dernier, nous avons adopté, ici, au Sénat, un amendement – j’en étais d’ailleurs l’auteur, avec plusieurs amis, mais ce n’est pas par vanité que je le dis – visant à préciser à l’article 11 de la Constitution, sur le référendum d’initiative populaire ou autre, l’impossibilité de soumettre une deuxième fois, dans un délai de deux ans, un référendum rejeté une première fois par le suffrage universel. Or la mention que le Sénat a retenue à l’époque, M. Hyest s’en souvient, était « portant sur le même sujet ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Michel Charasse. Je livre donc ces réflexions à celles et ceux qui auront à rédiger le règlement, parce que, à mon avis, nous devrons y revenir.

Même si l’on retient la formule de la commission des lois, qui propose de revenir au texte initial, ou celle du groupe socialiste, permettez-moi de vous dire que nous ne réglerons pas pour autant le problème, parce qu’il faudra bien un juge de la recevabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Notre collègue Michel Charasse vient d’ouvrir une piste intéressante, qui pourrait devenir un amendement de compromis.

La réponse du Gouvernement sur notre amendement nous laisse tout de même un goût d’amertume.

Alors que notre souci était de proposer une rédaction permettant d’éviter les propositions de résolution répétitives, le Gouvernement nous rétorque qu’il suffirait alors de changer une virgule pour que les parlementaires puissent déposer des résolutions en rafale. Ce n’est pas sérieux, car telle n’est évidemment pas notre intention !

Nous souhaitons introduire de la clarté dans ce second alinéa de l’article 4. Nous avons montré, les uns et les autres, que la rédaction actuelle, qui s’articule autour des termes « objet » et « objectif », était à la fois très vague et très discutable. La réponse qui nous est faite n’est véritablement pas à la hauteur de l’enjeu !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Yung, la rédaction que vous proposez n’est vraiment pas acceptable, car il suffirait de changer un seul mot pour pouvoir proposer de nouveau la même résolution.

Monsieur Charasse, c’est tout à fait volontairement que nous avons retenu à l'article 11 de la Constitution, pour les référendums, l’expression « portant sur le même sujet ». Le terme « sujet » est en effet beaucoup plus restrictif qu’« objet ». C’est tout aussi volontairement que nous souhaitons retenir ce dernier pour les propositions de résolution.

Le mot « sujet » est bien plus restrictif que le mot « objet ».

M. Patrice Gélard. « Objet », c’est vaste !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

La situation n’étant donc pas la même pour les référendums et pour les résolutions, nous devons, en l’occurrence, en rester au mot « objet ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pourquoi pas « objet sur un sujet » ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Ce débat a eu lieu à l’Assemblée nationale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, nous sommes sauvés !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Justement, non !

Certains députés préféraient le mot « sujet ». Au cours du débat, un exemple avait été pris, celui de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie. Une résolution pourrait avoir pour objet de fixer une date marquant la fin de la guerre, et une autre résolution, débattue au cours de la même session, pourrait retenir une autre date anniversaire ou un autre élément de commémoration. Le « sujet » étant la commémoration, les résolutions fixant d’autres dates porteront sur le même sujet.

Le mot « sujet » est donc plus contraignant pour les parlementaires que le mot « objet ». C’est la raison pour laquelle le Gouvernement en était resté à ce dernier mot. Mais nous pourrions en débattre éternellement !

M. Michel Charasse. Nous pourrions dire : « ayant pour objet un sujet…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. ...  n’ayant pas le même objectif » ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je nous donne rendez-vous dans un an pour faire le point sur le nombre de propositions de résolution déposées et examinées, et sur quels objets !

Introduire le mot « sujet », pourquoi pas ? Mais le terme « objet » convient tout à fait. Pour ma part, je reprends à mon compte les excellents termes de l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat : « Toutes les propositions de résolution ayant le même objet seront examinées en même temps ». Nous travaillerons ainsi sur des résolutions portant sur un sujet identique et ayant un objet identique, même si elles sont rédigées de façon différente, et tout rentrera dans l’ordre ! Peut-être pourrions-nous désormais passer à autre chose ?

M. Nicolas Alfonsi. Il y aura plus de propositions de résolution que de référendums !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 158.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 159, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

de la même session

par les mots :

avant le délai de trois mois

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Il s’agit d’un amendement de repli. En effet, si, comme je l’ai dit, et comme je le répéterai au moment du vote, nous sommes en fait favorables à la suppression pure et simple de l’article 4, nos collègues, silencieux, mais sans doute attentifs, doivent bien comprendre que nous essayons de desserrer un garrot qui nous menace tous !

Le délai précédant le nouvel examen d’une proposition de résolution identique doit-il être court ou long ? Cette question a donné lieu à diverses propositions à l’Assemblée nationale : trois mois, six mois, neuf mois.

Cet amendement vise à retenir, pour les deux assemblées, le délai de trois mois figurant dans le règlement du Sénat. C’est le problème que j’exposais tout à l’heure : on trouve dans le projet de loi organique des dispositions qui devraient figurer dans le règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Contradiction totale !

M. Louis Mermaz. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous voterons contre cet article. Et, si j’ai parlé de « desserrer le garrot », c’est à l’intention de ceux de nos collègues qui considèrent qu’il convient de mélanger règlement intérieur et loi organique.

L’article 28 du règlement du Sénat dispose en effet : « Les propositions de loi et les propositions de résolution qui ont été déposées par les sénateurs et qui ont été repoussées par le Sénat ne peuvent être reproduites avant le délai de trois mois ».

M. Michel Charasse. « Reproduites » !

M. Louis Mermaz. Dans sa rédaction actuelle, le second alinéa de l’article 4 du projet de loi organique dispose qu’une proposition de résolution similaire à une proposition antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour de la même session. Nous proposons de réduire le délai à trois mois, car une session dure neuf mois, mes chers collègues…

Initialement, le texte du projet de loi organique renvoyait au délai d’un an, car le Gouvernement avait mesuré large. Ce faisant, il s’inspirait directement de l’actuel règlement de l’Assemblée nationale.

Lors de l’examen de l’article 4 à l’Assemblée nationale, le débat a ensuite permis des évolutions, le rapporteur de la commission des lois ayant même proposé de porter ce délai à six mois, ce qui est un peu plus souple.

Finalement, le choix de la session apparaît comme une solution de compromis. Il nous semble qu’un délai supérieur à trois mois serait excessif.

Dans le cadre de l’ordre du jour partagé prévu à l’article 48 de la Constitution, les assemblées n’auront pas à examiner un nombre démesuré de propositions de résolution. En particulier, celles qui seront présentées par les groupes d’opposition ou les groupes minoritaires seront discutées dans le cadre de la journée mensuelle réservée.

Il n’y a pas de surcharge de travail à craindre au sein des assemblées, surtout au regard des conditions de recevabilité et d’inscription à l’ordre du jour des propositions de résolution prises en vertu de l’article 34-1 de la Constitution.

C’est la raison pour laquelle, contrairement au texte du projet de loi organique initial, nous invitons le Sénat à s’inspirer de la disposition de son règlement, puisque l’on a validé la méthode bizarre de le transférer dans le projet de loi organique, selon laquelle « les propositions de loi et les propositions de résolution qui ont été déposées par les sénateurs et qui ont été repoussées par le Sénat ne peuvent être reproduites avant le délai de trois mois ».

Il serait logique que nos collègues, notamment ceux de l’opposition, acceptent au moins de faire cette démarche. Par ailleurs, nous voterons contre l’article 4.

Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de cet article, après les mots :

de la même session

insérer le mot :

ordinaire

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Cet amendement tend à introduire une simple précision afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté.

L’article 4 ne peut s’appliquer qu’aux sessions ordinaires, puisque l’ordre du jour des sessions extraordinaires est fixé par le Président de la République, ou par l’Assemblée nationale sur sa demande de convocation. Cela n’interdit pas au Président de la République, s’il en a envie, d’inscrire une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une session extraordinaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 159, si le règlement du Sénat prévoit bien qu’une proposition de loi repoussée ne peut être « reproduite » dans le délai de trois mois, ce délai ne vise que le dépôt de la proposition. La comparaison faite par M. Mermaz n’est donc pas pertinente.

Le projet de loi organique, il faut le rappeler, ne prévoit aucune restriction s’agissant du dépôt des propositions de résolution. L’article 4 ne vise que l’inscription à l’ordre du jour. Il est normal de l’encadrer davantage, afin d’éviter toute obstruction. C’est le seul motif pour lequel je suis défavorable à cet amendement. Votre comparaison était intéressante, monsieur Mermaz, mais non valide !

M. Louis Mermaz. On peut toujours déposer une proposition !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne vous en empêcherai pas !

M. Louis Mermaz. Mais, si elle n’est pas examinée, on parle pour la gloire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais vous savez bien que ce droit sera forcément restreint, ne serait-ce que du fait de l’organisation de l’ordre du jour. Les groupes politiques auront donc tout intérêt à ne pas redemander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour avant un certain délai.

La commission est en revanche favorable à l’amendement n° 31 rectifié, qui apporte une précision utile.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de précision n° 31 rectifié. Comme l’a dit M. Charasse, rien n’interdit au Président de la République d’inscrire à l’ordre du jour des sessions extraordinaires, qui est quelque peu différent, des propositions de résolution. Mais c’est un autre sujet.

S’agissant de l’amendement n° 159, j’indique que le présent projet de loi organique, dans sa rédaction actuelle, résulte d’un compromis. Le Gouvernement avait prévu un délai d’un an. Après débat à l’Assemblée nationale, Mme Billard a proposé un amendement tendant à retenir l’intervalle d’une session. Il s’agissait d’un amendement de compromis, adopté par l’ensemble des députés.

Je ne suis pas convaincu que la réduction de ce dernier délai permette de travailler sereinement et de manière approfondie. Étant donné l’ordre du jour chargé – désormais partagé - des assemblées parlementaires, cela paraît difficilement tenable, surtout si l’on tient compte du temps nécessaire – surtout au Sénat ! –, à l’examen de la proposition de résolution par la commission, à son inscription à l’ordre du jour et à sa discussion en séance. Cela fait beaucoup ! Le délai d’une session paraît plus raisonnable.

Mme Nathalie Goulet. Ou alors, il ne faudra plus cumuler les mandats !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 159.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 31 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur l’article 4.

M. Louis Mermaz. Dans la mesure où cet article consacre l’empiétement du Gouvernement sur les prérogatives des assemblées en transférant dans la loi organique ce qui relève de leur règlement intérieur, le groupe socialiste votera contre l’article !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié.

(L’article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel après l'article 5

Article 5

Les propositions de résolution peuvent être rectifiées après leur inscription à l'ordre du jour et jusqu'au terme de leur examen en séance par leur auteur ou leur premier signataire. Le Gouvernement peut à tout moment s'opposer à une rectification s'il estime qu'elle a pour effet de rendre une proposition de résolution irrecevable en application du deuxième alinéa de l'article 34-1 de la Constitution.

Les propositions de résolution sont examinées et votées en séance. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun amendement.

Les résolutions sont adoptées à la majorité absolue des suffrages exprimés.

Mme la présidente. L’amendement n° 89, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 5 du projet de loi organique démontre que le Gouvernement entend aller plus loin encore que ne l’obligeait le nouvel article 34-1 de la Constitution dans la restriction de l’initiative parlementaire.

Rien ne vous obligeait, monsieur le secrétaire d’État, à refuser le droit d’amendement sur une proposition de résolution.

Lors de la discussion de l’article 1er, il nous a été indiqué qu’il était inconcevable de déposer un amendement de suppression puisqu’il fallait appliquer la Constitution. Cet article 5 montre bien que la Constitution peut être appliquée de manière tendancieuse ou orientée.

Sur ce chapitre I, non seulement nous refusons le principe même de résolutions « alibis », mais encore nous dénonçons l’application qui est faite de la Constitution.

Certains à droite me diront que, décidément, nous voulons saisir tous les moyens de faire de l’obstruction, de détourner le droit d’amendement, et autres. Pour répondre à ces détracteurs potentiels ou avérés, je citerai le rapport de M. Hyest : « En revanche, l’argument avancé [pour réformer le droit d’amender] dans les débats à l’Assemblée nationale, selon lequel l’impossibilité d’amender permettrait de mieux préserver l’intention de l’auteur de l’amendement, ne convainc pas entièrement.

« D’abord, la proposition, si elle est adoptée, a vocation à devenir l’expression de l’assemblée tout entière et pas seulement l’expression d’une personne ou d’un groupe politique. Ensuite, l’amendement de la proposition peut être la condition de son adoption par l’assemblée. »

Ainsi, le droit d’amender les résolutions est une condition importante pour les faire vivre. C’est la démocratie, c’est le pluralisme, c’est le débat !

Nous avons bien compris, monsieur le secrétaire d’État, et vous savez que nous y reviendrons longuement, que M. Sarkozy et son gouvernement n’apprécient pas le droit d’amendement. « Amender » est un gros mot à l’Élysée !

Nous, nous aimons ce mot, car nous considérons qu’il est indissociable du mot « Parlement » et du mot « liberté ». C’est pourquoi nous proposons au Sénat de supprimer cet article 5 et, à défaut, de le rejeter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’avis est défavorable. Je rappelle que, si nous nous opposons aux amendements, c’est pour ne pas dénaturer les résolutions. À l’Assemblée nationale, tous les groupes se sont accordés sur ce principe : oui à la possibilité de rectification, non aux amendements, susceptibles de complètement dénaturer la résolution initiale.

Je comprends généralement les arguments de Mme Assassi sur le droit d’amendement mais, dans le cas précis, c’est au nom d’une prudence justifiée que nous nous opposons au dépôt d’amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cet article est vraiment le fruit d’une discussion avec les différents courants. À l’origine, le Gouvernement avait refusé la possibilité d’amendements pour une raison simple : supposons qu’une proposition de résolution d’initiative socialiste soit soumise au débat et que la majorité l’amende et la modifie profondément ; à l’issue du débat, la proposition de résolution soumise au vote, amendée par des groupes politiques n’ayant pas la même sensibilité que ses auteurs, n’aurait plus rien à voir avec la version initiale.

Pour nous prémunir contre ce risque, la voie choisie a consisté à laisser la maîtrise du texte à l’auteur de l’initiative, seul en mesure de rectifier sa proposition. Le principe de l’amendement est exclu, sauf à s’exposer à voir, au moment du vote, une résolution socialiste devenir une résolution de droite, ce qui n’aurait pas grand sens.

Cela explique que le passage en commission, maintenu par le Gouvernement dans son texte initial, a été supprimé à l’Assemblée nationale avec l’assentiment général. Tout le monde s’est accordé sur le fait que, une fois le risque de dénaturation de la proposition de résolution écarté, le débat en commission perdait toute utilité.

L’auteur de la résolution peut, de sa propre initiative, procéder à une rectification dans le cadre du débat.

Sincèrement, voyez dans cette rédaction non une quelconque volonté de restreindre le droit d’amendement ou de le contraindre, mais le souci de respecter la volonté de l’auteur de l’initiative pour que son texte ne soit pas dénaturé au moment du vote.

Je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement de suppression d’un article qui protège l’auteur de la résolution.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’apporte mon entier soutien à M. le secrétaire d’État, qui n’en a nul besoin, je pense. (Sourires.) La séance d’hier confirme la pertinence de son propos : au départ, la proposition de loi de M. Béteille avait vingt-cinq articles tout à fait cohérents ; à l’issue de la discussion, elle comptait cinquante articles, ce qui n’avait plus le même sens.

Si nous faisons de même avec les propositions de résolution, nous allons complètement en dénaturer l’esprit ! Pour ma part, je suis tout à fait opposée à la possibilité d’amender, que l’initiative vienne des parlementaires ou du Gouvernement ! L’essentiel est que le texte garde sa cohérence - bonne ou mauvaise. Il reviendra à l’assemblée de se prononcer. Mais qu’il nous soit épargné de revivre une dérive comme celle que nous avons connue hier !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa de cet article :

Jusqu'au terme de leur examen en séance, les propositions de résolution peuvent être rectifiées par leur auteur.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement, outre qu’il autorise la rectification de la proposition de résolution à compter de son dépôt, et non de son inscription à l'ordre du jour, vise, par souci de simplicité rédactionnelle, « l’auteur », et non plus le « premier signataire », expression que les députés adorent, mais qui serait source de difficultés dans le cas où le premier signataire serait un groupe. On imagine qu’il faudrait alors faire mention du nom du président dudit groupe. Avec notre formule, tout est plus simple.

Madame Goulet, permettez-moi de vous faire observer que, quand on n’est pas d’accord avec un texte qui a été voté, on n’est pas obligé de dire qu’il est insensé !

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 215, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de l'amendement n° 6 par une phrase ainsi rédigée :

Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun amendement, sauf pour rectifier une erreur matérielle.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. C’est très simple. J’avais déposé, avec plusieurs amis, l’amendement n° 32 rectifié, qui est devenu quelque peu obsolète et même inutile depuis les votes intervenus ce matin. Il s’agissait de disposer que les propositions de résolution sont renvoyées aux commissions compétentes, puis examinées et votées en séance.

En revanche, cet amendement comportait une disposition qui me paraît toujours utile. Aussi je propose de compléter le second alinéa de l’amendement n° 6 de la commission par une phrase ainsi rédigée : « Elles ne peuvent faire l’objet d’aucun amendement, sauf pour rectifier une erreur matérielle. »

Mme la présidente. L'amendement n° 90, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

rectifiées

par le mot :

amendées

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. L'amendement n° 160, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

inscription à l'ordre du jour

par les mots :

examen en commission

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous le savez, notre groupe est toujours fidèle à la cohérence. Sans cohérence, on ne fait rien de solide, ni de sérieux !

Pour nous, il est nécessaire que les propositions de résolution soient examinées en commission, à l’instar des projets ou propositions de loi. Pourquoi exclure du champ de compétence des commissions les propositions de résolution telles qu’elles seront désormais instituées ?

La commission est le lieu privilégié de la discussion. Qu’elle s’agisse d’une commission ordinaire ou d’une commission spéciale constituée pour parler du sujet, c’est en son sein que pourront se nouer les accords éventuels entre les différents groupes pour le vote en séance publique.

En outre, les auteurs des propositions de résolution pourront tirer profit des travaux des commissions pour rectifier et améliorer leur rédaction.

Notre amendement est d’ailleurs à mettre en parallèle avec l’amendement n° 6 de la commission, qui ouvre le droit de rectification dès le dépôt de la proposition de loi.

Quoi qu’il en soit, la rectification ne peut attendre l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution. Cette règle, trop restrictive, dessert le droit de voter des résolutions.

En tout cas, nous sommes persuadés que, dès lors que cette procédure serait instaurée, il serait vraiment judicieux que les commissions puissent remplir leur office.

Mme la présidente. L'amendement n° 94, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

leur auteur

rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article :

leurs auteurs dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Notre amendement vise à redonner une marge de manœuvre aux assemblées pour l’organisation de la procédure de rectification des propositions de résolution.

Non seulement, nous l’avons vu, cet article 5 refuse le droit d’amendement aux parlementaires, mais en plus, le Gouvernement, par l’intermédiaire de la loi organique, règle dans le moindre détail la procédure d’élaboration des propositions de résolution.

Nous considérons qu’il revient non à la loi organique, d’origine gouvernementale, de décider qui peut rectifier ces textes, mais bien au règlement de nos assemblées.

Tel est le sens de notre amendement n° 94.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 215 ainsi que sur les amendements nos 90, 160 et 94 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous l’avons dit, si les propositions de résolution peuvent faire l’objet d’une rectification, elles ne sauraient être amendées.

Pour moi, il est évident que l’on peut procéder à la rectification d’une erreur matérielle sans qu’il soit besoin de recourir à un amendement. Je le répète, nous avons exclu les amendements du champ des propositions de résolution. Je demande donc à notre collègue Michel Charasse de bien vouloir retirer son sous-amendement, qui est largement satisfait.

La commission ne peut qu’être défavorable pour les mêmes raisons à l’amendement n° 90.

J’en viens à l’amendement n° 160. La commission a proposé que la rectification puisse intervenir dès le dépôt de la proposition de résolution. Cette formule paraît encore plus souple que la disposition défendue par M. Sueur. La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 160.

Quant à l’amendement n° 94, il apporte une précision qui n’est pas indispensable. Le texte de la loi organique paraît suffisamment précis dans ce domaine. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 94.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 6, sur le sous-amendement n° 215, ainsi que sur les amendements nos 90, 160 et 94 ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Sur le sous-amendement n° 215, M. Charasse voudra bien m’excuser de ne pas voir en quoi sa proposition apporte une garantie. L’article prévoit, pour l’auteur de la résolution, la possibilité de rectifier son texte si un problème quelconque survenait, et ce sans qu’il soit besoin d’ouvrir le droit d’amendement. Là-dessus, nous sommes d’accord. Je propose à M. Charasse de bien vouloir retirer son sous-amendement.

M. Michel Charasse. Pas seulement l’auteur ! N’importe qui peut faire une rectification d’une erreur matérielle !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. N’importe qui peut suggérer à l’auteur une rectification. Je ne vois pas pourquoi l’auteur de la résolution refuserait de procéder à une rectification matérielle si on le lui suggère et qu’il n’en a pas eu l’idée lui-même ! Je ne vois pas pourquoi l’auteur d’une proposition de résolution, qui s’emploie à la faire voter, refuserait la rectification matérielle, sous réserve qu’elle soit pertinente.

M. Michel Charasse. Je pense à une erreur de date, de lieu ou de numérotation.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Tout à fait ! Mais pourquoi l’auteur refuserait-il de rectifier l’erreur qui lui est signalée ? Il n’est pas nécessaire de rouvrir le droit d’amendement.

M. Michel Charasse. La pratique réglera cela.

Mme la présidente. Monsieur Charasse, maintenez-vous le sous-amendement ?

M. Michel Charasse. Je le retire, ainsi que l’amendement n° 32 rectifié.

Mme la présidente. Le sous-amendement n°215 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 6. Il ne peut donc qu’être défavorable aux amendements nos 90, 160 et 94.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 90, 160 et 94 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 60, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Au début de la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

Le Gouvernement peut à tout moment s'opposer à une rectification

par les mots :

Le président de chaque assemblée transmet sans délai toute rectification de la proposition de résolution au Gouvernement, qui peut à tout moment s'y opposer

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à insérer la nécessaire transmission de toute rectification au Gouvernement par le président de l’assemblée concernée. La rectification est libre jusqu’à l’examen en séance de la proposition de résolution.

Sans qu’il en soit fait usage de manière intempestive, ce droit de rectification pourra néanmoins s’exercer avant la séance. Comment cette rectification, qui aura des conséquences notamment pour l’impression du document et la mise à disposition de cette proposition de résolution, sera-t-elle transmise au Gouvernement ?

Notre amendement a pour objet de combler un vide du projet de loi organique : définir qui informe le Gouvernement d’une telle rectification ; déterminer si les services du Sénat devront automatiquement transmettre cette rectification ou si seules les rectifications majeures seront visées par une transmission. Ce sont des questions qui méritent d’être posées.

Les services des ministères devront-ils rester « pendus » au site du Sénat pour prendre connaissance des rectifications ou bien seront-ils informés automatiquement ?

Cet amendement précise en conséquence que la rectification est transmise par le président de l’assemblée concernée au Gouvernement sans aucun délai.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est une précision qui peut être utile ; la commission y est favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. La rédaction proposée est effectivement plus claire et apporte une précision qui sera probablement utile, à la fois pour le Gouvernement et pour le Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon groupe va, bien sûr, voter cet amendement qui apporte une précision supplémentaire dans le texte et je remercie Mme Boumediene-Thiery d’avoir bien voulu le proposer à notre assemblée.

Je ne voudrais cependant pas, mes chers collègues, qu’à la faveur de ces amendements nous sombrions dans une sorte de béatitude, propice à l’état de somnolence qui parfois s’empare de nos travées ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.-M. le secrétaire d’État proteste en souriant.)

Vos exclamations soudaines, mes chers collègues, me sont très sympathiques ! Je tiens en effet à attirer votre attention sur le fait que nous sommes en train d’adopter, non pas avec l’amendement de Mme Boumediene-Thiery mais avec l’alinéa sur lequel il porte, une disposition très excessive.

Nous sommes tous attachés aux libertés parlementaires et je suis sûr que nous protesterions, peut-être pas en chantant l’hymne national mais en tout cas avec la dernière vigueur, si le Gouvernement voulait imposer la même tutelle sur nos propos alors que nous débattons des projets et propositions de loi !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. D’abord, pour que le Parlement vote une résolution, il faut l’accord du Gouvernement, puisque celui-ci peut s’opposer à toute proposition de résolution qu’il juge susceptible de mettre en cause, si peu que ce soit, sa responsabilité. En confidence, monsieur le secrétaire d'État, j’ai des difficultés à imaginer un sujet qui échappe totalement à la responsabilité du Gouvernement étant donné l’étendue de celle-ci, mais peut-être pourrez-vous nous faire part, si vous en avez, de vos idées sur la question…

Mais ensuite, s’il y a une rectification – le Premier ministre, grâce à Mme Boumediene-Thiery, en sera immédiatement informé, ce qui est fort bien – et que le pouvoir exécutif la considère comme malvenue, nous ne pourrons débattre ni de la rectification, ni de la proposition de résolution elle-même !

C’est un système vraiment très contraignant.

M. Charasse a rappelé que, sous la ive République, les résolutions avaient fini par devenir délétères. Certes, mais on a rappelé aussi, à juste titre, que les résolutions pouvaient alors fonctionner comme des sortes de motion de censure, tandis que, dans la Constitution de la ve République, c’est totalement impossible : il s’agit de moyens d’expression.

Peut-être ces résolutions permettront-elles d’éviter des lois « bavardes » ou encore des dispositions « dépourvues de tout lien » avec le texte qui les contient, pour reprendre les termes de la décision que vient opportunément de rendre, voilà une demie heure, le Conseil constitutionnel à propos de certains passages de la loi que nous a présentée M.  Devedjian. Peut-être…

Toujours est-il que, si l’on admet que les résolutions peuvent être légitimes et utiles, on n’en crée pas moins un système qui donne au pouvoir exécutif des capacités tutélaires excessives.

En tout cas, les Premiers ministres, présents et à venir, se pencheront avec intérêt sur les rectifications apportées aux propositions de résolution, et ils pourront tout arrêter si ces rectifications ne leur conviennent pas.

Pour ma part, je ne suis pas en harmonie avec cette conception des rapports entre l’exécutif et le législatif.

M. Pierre Fauchon. Ah, le bon apôtre !

M. Jean-Pierre Sueur. Je dis ce que je veux, libre à M. Fauchon d’intervenir s’il le souhaite !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Si c’est un débat biblique, allons bon !...

M. Michel Charasse. C’était un compliment…

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Naturellement, je ne suis pas d’accord avec M. Sueur. Le Gouvernement déclare recevables ou irrecevables les propositions de résolution en fonction d’un certain nombre d’éléments.

L’auteur de la proposition de résolution pouvant rectifier celle-ci, chacun comprend que la seule chose à quoi vise en réalité le dispositif prévu par cet article 5 est le détournement de procédure.

En clair, vous envoyez au Gouvernement une proposition de résolution très banale, très soft, dans laquelle rien ne puisse déclencher l’irrecevabilité, puis, une fois qu’elle a été déclarée recevable, vous la rectifiez…

M. Jean-Pierre Sueur. Ce ne serait pas honnête ! Nous avons tout de même une certaine éthique.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Sueur, je ne doute pas de l’honnêteté intégrale et de l’intégrité complète de chacune et de chacun des membres de la Haute Assemblée…

M. Jean-Pierre Sueur. Merci pour tous les autres !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …et, en effet, de tous ! Que la tentation – je ne doute pas que chacun y résistera – d’introduire dans une proposition de résolution déclarée recevable une rectification la rendant irrecevable puisse exister est cependant concevable, et il s’agit juste de prévenir une telle situation.

Franchement, le Gouvernement aura autre à faire que de passer son temps à vérifier qu’un mot ou une virgule n’ont pas changé la nature de la proposition de résolution ! En revanche, au cas où il s’agirait d’une rectification majeure modifiant l’équilibre d’une proposition de résolution, le Gouvernement doit pouvoir déclarer que cette dernière est devenue irrecevable.

Il ne s’agit là ni de contrainte, ni de contrôle !

M. Jean-Pierre Sueur. Mme la présidente, qui a été ministre déléguée à la francophonie et qui est aujourd'hui membre de l’assemblée parlementaire de la francophonie, confirmera que le mot soft n’appartient pas à la langue française !

M. Bernard Frimat. M. le secrétaire d'État est cool ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. Aujourd'hui, je n’ai pas parlé de « chicaya »…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Eh si, monsieur Charasse, vous l’avez fait ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Il faut toute l’innocence de notre collègue Jean-Pierre Sueur pour croire, ou pour feindre de croire,…

M. Jean-Pierre Sueur. Stop ! Pas d’injures ! (Sourires.)

M. Pierre Fauchon. …qu’à la faveur d’une rectification l’on ne puisse pas dénaturer profondément une proposition de résolution et d’un texte tout en douceur passer à un autre, lui extrêmement agressif !

M. Jean-Pierre Sueur. La majorité parlementaire votera contre !

M. Pierre Fauchon. Cher ami, je salue votre innocence, mais, en vérité, j’ai quelques doutes, et c’est pourquoi j’ai dit : « Ah, le bon apôtre ! ».

M. Michel Charasse. Le parti catholique a su apprécier ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. M. Sueur ayant déjà expliqué son vote, il ne peut plus prendre la parole et je tiens donc à m’élever en faux contre les propos de Pierre Fauchon.

Nous défendons, comme vous, mon cher collègue, une certaine éthique, et le propos de Jean-Pierre Sueur se comprend dans cette éthique. Il a, comme chacun de nous, ses qualités et défauts, mais aucun qui puisse relever de la naïveté ou de la dissimulation !

Il n’est évidemment pas question de faire passer au Gouvernement, en comptant la rectifier ensuite dans un sens bien moins positif, une proposition de résolution aseptisée, du genre : « Nous souhaitons réaffirmer que le Premier ministre est beau », ce qui devrait pouvoir être considéré comme recevable. (Sourires.) C’est même sans doute là la résolution type qu’attend le Gouvernement en ouvrant cette grande faculté aux parlementaires de la majorité,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Et de l’opposition !

M. Bernard Frimat. … qui sortiront peut-être alors de leur mutisme. Quant à ceux de l’opposition, monsieur Karoutchi, je vous rappelle que les propositions de résolution ne peuvent être amendées !

Mais enfin, mes chers collègues, nous sommes ici pour faire la loi, et nous devons reconnaître que, constamment, comme Michel Charasse l’a dit, et comme Louis Mermaz l’a répété à propos de l’article 4, cette loi organique empiète sur le règlement de nos assemblées.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais non !

M. Bernard Frimat. Nous voterons l’amendement d’Alima Boumediene-Thiery, mais il est normal que Jean-Pierre Sueur nous fasse part de son émotion et dise qu’il y a quelque chose de redondant à prévoir que le Gouvernement pourra revenir sur la recevabilité des propositions de résolution si les parlementaires ont l’audace de les rectifier !

À un moment, il faut savoir s’arrêter ! Pour ma part, j’ai toujours considéré que la fonction de commissaire politique n’était pas au nombre des plus nobles dans la République !

M. Pierre Fauchon. Belle innocence !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

second 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Notre collègue a vraiment un grand désir de parler, ce soir…

M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais, pour la seconde fois – et non pas la deuxième —,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y en aura donc pas de troisième !

M. Jean-Pierre Sueur. … marquer notre soutien à l’amendement de M. le président-rapporteur, car il s’emploie, comme disait le grand poète Mallarmé, à « donner un sens plus pur aux mots de la tribu ».

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. « Un sens plus pur » ?

M. Alain Vasselle. C’est un alibi pour parler !

M. Jean-Pierre Sueur. Je cite Mallarmé, monsieur le secrétaire d’État, et je ne saurais rectifier son œuvre.

Je profite de cette occasion pour dire à mon collègue Pierre Fauchon, ainsi qu’à M. le secrétaire d'État, que, dans le débat qui a précédé, on a tout de même évité de prendre en considération une composante très importante.

Dans votre esprit, mes chers collègues, tout se passe comme s’il y avait un risque de rectification fallacieuse et, partant, de désordre susceptible de mettre en difficulté le gouvernement de la République.

Je veux simplement vous rappeler qu’il existe une majorité et une opposition.

Si un membre de l’opposition présentait une proposition de résolution banale – par exemple, proposition de résolution pour qu’il ne pleuve plus ou pour qu’il n’y ait plus de tempêtes –,…

M. Michel Charasse. Plus dans le jardin du Luxembourg !

M. Jean-Pierre Sueur. … et y glissait, de manière tout à fait fallacieuse, une rectification portant atteinte au Gouvernement ou mettant en cause sa responsabilité, vous concevez bien, mes chers collègues, que la majorité s’empresserait de voter contre.

Il n’y a donc pas de risque.

Et qu’est-ce donc que ce discours dans lequel on nous dit que nous pourrons aborder tout sujet et faire toute rectification, mais à condition que le Gouvernement déclare que nous avons le droit de le faire !

Il y a là quelque chose de choquant et, même si nous finissons par nous habituer à ces procédés, il me vient l’envie de vous livrer le fond de ma pensée.

M. Pierre Fauchon. Non, ne le dites pas, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part – il s’agit d’un point de vue tout à fait personnel–, je préférerais ne déposer aucune proposition de résolution, plutôt que de le faire dans ces conditions et en subissant toutes ces contraintes.

Il n’en reste pas moins que je suis solidaire de mon groupe et de la position que nous avons adoptée ensemble : nous sommes un groupe démocratique, attachés à un parti démocratique ; nous délibérons de tous les sujets, et personne n’est là pour nous dire que telle ou telle initiative est susceptible de mettre en cause la responsabilité de qui que ce soit. Si nous en étions arrivés là, nous ne pourrions plus parler !

M. Pierre Fauchon. Et ce serait dramatique ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous tournons en rond ; vous nous contraignez à répéter toujours les mêmes arguments.

La révision constitutionnelle a créé des droits nouveaux, dont nous avons déjà dénoncé le caractère très limitatif et peu emblématique d’une revalorisation des droits du Parlement par rapport à ceux du Gouvernement.

Loin d’en rester là, vous avez décidé de réduire par la loi organique ce nouveau droit, qui de fait se rétrécit comme peau de chagrin.

Pour déplacer une virgule, il faudra bientôt demander l’avis du Gouvernement. C’est que, chers collègues, un simple changement de ponctuation peut quelquefois provoquer des explosions nucléaires !

Dans ce débat, nous avons l’air d’aimer pinailler, alors que c’est vous qui nous y contraignez.

Ce droit nouveau va se trouver réduit à rien. Les résolutions ne serviront qu’à constater. Loin de déposer des résolutions visant à arrêter les tempêtes, nous pourrons toujours, grâce à elles, affirmer qu’il fait beau quand il fait beau ou qu’il fait mauvais quand il fait mauvais.

De deux choses l’une : ou le Parlement jouit d’un droit nouveau ou non. Dans ce dernier cas, le Parlement peut uniquement déposer des propositions de loi, à des moments très précis et à condition que celles-ci ne dérangent pas.

Nous avons pris acte que nous était accordé le droit de déposer des propositions de résolution, mais encore faut-il que ces résolutions aient un sens politique !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis navré par l’idée que certains se font d’une résolution.

S’il s’agit uniquement de s’opposer et de déposer des textes qui n’ont aucune chance d’aboutir, parce qu’ils remettraient par exemple en cause une loi votée trois mois auparavant, cela témoigne d’une conception assez pauvre de la démocratie.

La Haute Assemblée est capable de se rassembler, ses membres sont capables de faire un travail en commun sur certains sujets d’intérêt général. Nous l’avons encore prouvé hier.

M. Jean-Pierre Sueur. Excellemment !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Sénat n’est pas qu’un lieu d’affrontement.

M. Jean-Pierre Sueur. Non, mais j’attends la suite…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais c’est pourtant comme cela que vous présentez le Sénat et comme cela que vous présentez les résolutions !

Je suis convaincu que, sur certains des sujets portés par ces résolutions, un consensus se dégagera.

M. Jean-Pierre Sueur. Je l’espère bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En revanche, il est vrai que les rapports de force politiques peuvent être très différents à l'Assemblée nationale et au Sénat.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il se peut que la majorité du Sénat ne soit pas celle de l'Assemblée nationale. Nous n’avons pas le droit de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Laissez-nous apprécier !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais il arrive qu’une assemblée soit dans l’opposition. Cela s’est vu dans le passé !

M. Nicolas Alfonsi. C’est arrivé, et cela se reproduira bientôt !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. « Ma foi, sur l’avenir bien fou qui se fiera :…

M. Bernard Frimat. « …Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. « Un juge, l’an passé, me prit à son service ;

« Il m’avait fait venir d’Amiens pour être suisse.

« Tous ces Normands voulaient se divertir de nous :

« On apprend à hurler, dit l’autre, avec les loups.

« Tout Picard que j’étais, j’étais un bon apôtre,

« Et je faisais claquer mon fouet tout comme un autre. » (Très bien ! et vifs applaudissements.)

Plus sérieusement, mes chers collègues, il faut prévoir les cas où les rectifications qui sont apportées sont telles que la résolution met finalement en cause la responsabilité du Gouvernement.

Il ne s’agit pas d’en faire une affaire d’État !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je fais miens les propos du rapporteur. (Sourires.) Pour ma part, je ne comprends pas très bien les arguments qui nous sont opposés. Le Parlement dispose d’un certain nombre de moyens pour alerter le Gouvernement : les questions orales, les questions écrites, les propositions de loi, et j’en oublie.

Si certaines propositions de loi peuvent faire l’objet d’un large consensus, d’autres recueillent plus difficilement l’assentiment. Quelle que soit leur origine, il est des propositions de loi qui sont adoptées par les deux assemblées, même si elles ont une marque politique.

Une proposition de résolution n’a pas la portée normative d’une proposition de loi. Elle peut dépasser les courants ou les clivages politiques ; elle peut aborder des sujets qui ne sont pas législatifs ou qui n’ont pas de lien avec la politique du Gouvernement.

Peu importe la nature de la résolution, dites-vous, puisque la majorité peut voter contre. Mais tout n’est pas conflit politique : il est des sujets ou des thèmes sur lesquels le Parlement peut avoir envie de déposer une proposition de résolution ou de s’exprimer, loin de toute idéologie ou de toute conviction partisane. La vie politique ne se réduit pas à un affrontement entre la majorité et l’opposition.

À mon sens, les résolutions ne méritent ni cet excès d’honneur ni cette indignité.

Mme Nathalie Goulet. C’est un fantasme !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Elles constituent un moyen supplémentaire d’expression des parlementaires, et il ne bouleversera pas les équilibres en vigueur.

L’usage dira ce qu’est ce droit nouveau ; je ne pense pas qu’il faille y voir un élément aussi mécanique en termes d’opposition ou de majorité.

M. Alain Vasselle. Voilà un amendement de précision qui a mobilisé beaucoup d’énergie !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. Alain Vasselle. Beaucoup de débats pour pas grand-chose !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

Les propositions de résolution sont renvoyées à la commission compétente puis examinées et votées en séance. Elles ne peuvent faire l'objet d'aucun amendement sauf pour corriger une erreur matérielle.

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 91, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de conséquence avec l’amendement n° 90, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement n° 90 ayant été rejeté, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer une précision inutile, selon laquelle « les propositions de résolution sont adoptées à la majorité absolue des suffrages exprimés ».

Il s’agit de la procédure habituelle de calcul des majorités. Il va de soi que ni la Constitution ni le projet de loi organique n’autorisent les règlements des assemblées à prévoir une majorité qualifiée pour l’adoption des résolutions.

Quand la majorité qualifiée est requise, la Constitution le prévoit.

Mme la présidente. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Au troisième alinéa de cet article, après les mots :

sont adoptées

insérer les mots :

par scrutin public

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Si l'Assemblée nationale a jugé opportun d’apporter une précision dont Jean-Jacques Hyest vient de démontrer qu’elle était parfaitement inutile, dès lors que la majorité absolue est requise, celle-ci ne peut être exprimée valablement que par scrutin public.

Mais si l’on admet que, dans une assemblée, les délibérations ne peuvent être adoptées qu’à la majorité absolue de ceux qui sont là pour voter, le dernier alinéa de l'article 5 est superflu. L'amendement n° 8 a alors toute sa pertinence et mon amendement devient sans objet.

M. Alain Vasselle. Très bien !

Mme la présidente. Les amendements nos 50 et 161 sont identiques.

L'amendement n° 50 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 161 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le dernier alinéa de cet article, supprimer le mot :

absolue

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 50.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de supprimer l’adjectif « absolue », qui ne sert à rien dans la mesure où la référence aux suffrages exprimés est suffisante.

Si le dernier alinéa de l’article 5 existe, ce n’est pas pour rien : il s’agit de se prémunir contre la tentation d’établir, dans le cadre du règlement, une majorité renforcée.

Cette question est sans doute moins importante pour l’Assemblée nationale que pour le Sénat. Le Gouvernement sait en effet qu’il ne dispose pas de la majorité absolue à la Haute Assemblée.

Ainsi, si une résolution était proposée par le groupe du RDSE et recevait le concours d’autres groupes, l’UMP par exemple, elle serait adoptée sans problème.

Je soupçonne donc le rapporteur d’imposer cette suppression pour pouvoir, à terme, demander la majorité qualifiée pour l’adoption d’une résolution au Sénat.

Alors que l'Assemblée nationale s’est décidée pour la majorité simple, le Sénat se verrait bloqué en raison de la configuration partisane qui prévaut ici.

Nous devons maintenir cette référence à la majorité simple, qui doit être la règle.

C’est la raison pour laquelle je précise d’emblée que je ne voterai pas l’amendement n° 8.

M. Michel Charasse. La majorité simple est toujours absolue, sauf dans les cas prévus par la Constitution !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 161.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement va exactement dans le même sens et vise également à supprimer l’adjectif « absolue ».

Nous nous exprimons et nous votons à la majorité. Si elle recueille la majorité des voix, la résolution est adoptée.

Pourquoi la majorité « absolue » serait-elle requise pour l’adoption d’une résolution, alors qu’elle ne l’est nullement pour le vote d’une loi ?

Dans la hiérarchie des normes, une loi a beaucoup plus d’effet qu’une résolution, qui n’est qu’un texte par lequel on s’exprime. À l’instar d’une motion, la résolution n’emporte pas en elle-même d’effet concret, alors que la loi s’applique, et souvent pour très longtemps, à l’ensemble des citoyens de notre pays.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n°33 rectifié ainsi que sur les amendements identiques nos 50 et 161 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai expliqué pourquoi cet alinéa ne servait à rien.

Si l’adjectif « absolue » est supprimé, la nouvelle rédaction de l’alinéa est la suivante : « Les résolutions sont adoptées à la majorité des suffrages exprimés. » Dans ce cas, c’est l’ensemble de l’alinéa qui devient superflu.

M. Jean-Pierre Sueur. Si l'amendement de la commission est adopté, le nôtre n’a plus d’objet !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pourquoi alors refuser la suppression de la totalité de l’alinéa ? Parce que, sinon, on pourrait un jour imposer la majorité qualifiée ? Certainement pas ! Il faut que la Constitution le prévoie.

Il existe des majorités spécifiques, pour les révisions de la Constitution, pour l’adoption de certaines lois en dernière lecture. Si aucune disposition spécifique n’existe, c’est la règle générale de la majorité des suffrages exprimés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la majorité des votants !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si le vote a lieu par scrutin public, il est procédé au comptage des votes, mais cela ne change strictement rien.

Les divers modes de votation sont prévus dans le règlement, mais c’est sans incidence : c’est toujours voté à la majorité des suffrages exprimés, puisqu’il n’est pas tenu compte des abstentions.

C'est la raison pour laquelle tout le monde ne peut qu’être d’accord avec la commission quand elle propose la suppression du dernier alinéa de l’article 5.

La commission est évidemment défavorable à tous les autres amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements et le sous-amendement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Dans le texte initial du projet de loi organique, le Gouvernement n’avait prévu aucune modalité de vote.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, si j’ai bonne mémoire, c’est une disposition résultant de l’adoption d’un amendement déposé par l’opposition qui a été ajoutée à l’article 5, certains membres de l’opposition craignant une rédaction du règlement de leur assemblée plus contraignante.

Le Gouvernement avait alors répondu, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, que, dans la mesure où la Constitution ne le prévoit pas, hormis les quelques exemples cités tout à l’heure, aucun élément plus contraignant ne peut être introduit.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 8. Si ce dernier est adopté, les trois autres amendements deviendront sans objet. Si tel n’était pas le cas, le Gouvernement y serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.

M. Jean-Pierre Sueur. Je l’ai déjà indiqué, les membres de mon groupe voteront deux des amendements présentés. Tel est le cas de l’amendement n° 8. Il nous paraît raisonnable de ne pas maintenir dans la loi l’alinéa concerné et de supprimer le concept de majorité absolue. Les résolutions doivent être adoptées à la majorité des suffrages exprimés.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 33 rectifié et les amendements identiques nos 50 et 161 n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Intitulé du chapitre II

Article additionnel après l'article 5

Mme la présidente. L'amendement n° 92, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les résolutions adoptées par une assemblée ont une valeur contraignante.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La rédaction de cet amendement va certainement vous déplaire, chers collègues, mais je suis prête à la modifier, car la question est sérieuse et nous tenons à ce qu’elle soit traitée.

Les résolutions ont un champ limité ; elles sont strictement encadrées d’abord par la Constitution, puis par la loi organique. Sans avoir de portée normative, elles doivent cependant avoir une certaine portée, sinon pourquoi déposer des propositions de résolution ?

L’amendement n° 92 a pour objet de prévoir qu’une fois adoptée à la majorité une résolution est suivie d’effet. Sinon, il s’agirait d’un vœu pieux.

Mes chers collègues, si vous préférez une autre rédaction, je suis prête à modifier mon amendement et à remplacer les mots « ont une valeur contraignante » par les mots « doivent être suivies d’effet ». Mais on ne peut pas accepter qu’une résolution adoptée, et on sait au bout de quel parcours, soit immédiatement rangée dans un tiroir !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Assortir une résolution d’une valeur contraignante serait contraire à la définition même des résolutions.

De surcroît, à qui serait opposé ce caractère contraignant ? On ne peut pas engager la responsabilité du Gouvernement ni formuler d’injonctions, je vous le rappelle.

Une résolution reflète ce que pense une assemblée parlementaire sur tel ou tel sujet, notamment historique. On a déjà évoqué l’esclavage et les commémorations. Sur le génocide arménien, il aurait sans doute mieux valu adopter une résolution qu’une loi.

Le fait même qu’une résolution émane d’une assemblée lui donne une valeur vis-à-vis de l’opinion publique ; elle a un caractère pédagogique. C’est aussi ce à quoi je faisais allusion quand je parlais de la fonction tribunitienne du Parlement. Mais on ne peut pas dire qu’une résolution a une valeur contraignante.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Madame Borvo Cohen-Seat, si vous voulez un texte à valeur contraignante, normative, il faut déposer une proposition de loi et non une proposition de résolution. Ne mélangeons pas les genres. Les critères et les contraintes ne sont pas identiques. Ne travestissons pas la procédure.

Les choses sont simples. Nous avons défini le champ des résolutions ; leur donner un caractère contraignant serait contraire à la définition retenue.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Au cours du débat, j’ai déjà évoqué notamment l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Elle adopte un certain nombre de mesures qui devraient être soumises au comité des ministres mais qui sont rarement suivies d’effet, sauf exception. Cependant, ce travail, même s’il n’a pas de force obligatoire, peut servir ultérieurement.

Il est important que la proposition de résolution soit immédiatement publiée dès son dépôt, afin d’assurer une certaine communication sur le sujet. Il est extrêmement dommageable que les résolutions n’aient pas plus d’effet, mais laissons ce nouvel outil évoluer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Les membres du groupe socialiste ne partagent pas l’objectif des auteurs de l’amendement n° 92. Dès lors que l’on instaure des résolutions, on crée un droit à l’expression au profit d’une assemblée parlementaire,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument ! C’est ce que j’ai dit !

M. Jean-Pierre Sueur. …qui peut ainsi exprimer une position majoritaire.

Mais que signifie l’adjectif « contraignant » ? Si l’on veut un texte contraignant, normatif, qui aboutit à une action et qui s’applique à l’ensemble des citoyens, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, il faut déposer une proposition de loi.

M. Bernard Frimat. C’est évident !

M. Jean-Pierre Sueur. Or il ne faudrait pas que la pratique des résolutions porte préjudice aux propositions de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Roland du Luart. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur. D’ailleurs, les auteurs de la révision constitutionnelle ont bien dit qu’elle avait pour objet de donner plus de pouvoir au Parlement. Une plus grande place sera donc laissée à l’initiative parlementaire et, par conséquent, aux propositions de loi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Il reviendra au législateur de choisir s’il veut s’exprimer par la voie d’une résolution ou d’une proposition de loi, qui a un caractère normatif, donc contraignant.

M. Roland du Luart. Vous avez tout à fait raison, mon cher collègue !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le débat parlementaire est toujours très intéressant. Si je comprends bien, il ne serait pas possible qu’une résolution exprime un souhait.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si ! Ce n’est pas une contrainte !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais un souhait doit être suivi d’effet, si une majorité se dégage pour le formuler. Je vous ai déjà indiqué, mes chers collègues, que j’étais prête à modifier l’amendement n° 92 en ce sens. J’ai conscience que l’actuelle rédaction n’est pas satisfaisante.

Donner aux parlementaires un droit d’expression, fort bien ! On pourrait tenir des séances sympathiques, et passionnantes, au cours desquelles tous les parlementaires s’exprimeraient, par exemple sur le mode psychanalytique. (Sourires.) Mais tel n’est pas le rôle du Parlement.

Une fois une résolution adoptée, elle a une certaine signification. Elle peut exprimer un souhait de l’assemblée et ce souhait doit alors être suivi d’effet. Il peut s’agir, notamment, d’une réponse du Gouvernement.

Bien sûr, le champ des propositions de résolution est déjà très limitatif. Le Premier ministre peut s’opposer à une telle proposition s’il pense, par exemple, qu’elle l’obligerait à déposer un projet de loi ou à prendre une décision.

Sauf à se contenter d’une grande séance de blabla, une résolution adoptée doit être suivie d’effet, sinon nous nous dispenserons de déposer des propositions de résolution !

M. Alain Vasselle. Cela limitera d’autant le nombre des propositions de résolution déposées !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la première fois aujourd'hui que l’on entend s’exprimer un membre de la majorité : cela valait vraiment la peine d’attendre !

Madame la présidente, je souhaite rectifier l’amendement n° 92 et, comme je l’ai indiqué, remplacer les mots « ont une valeur contraignante » par les mots « doivent être suivies d’effet ».

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 92 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, et ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les résolutions adoptées par une assemblée doivent être suivies d'effet.

Je le mets aux voix.

M. Jean-Pierre Sueur. Les membres du groupe socialiste s’abstiennent, compte tenu de cette rectification.

M. Roland du Luart. Ponce Pilate !

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 93, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées déterminent les conditions dans lesquelles sont inscrites à l'ordre du jour, chaque mois, un nombre minimum de propositions de résolution émanant de chacun des groupes parlementaires.

Cet amendement a été retiré.

CHAPITRE II

Dispositions, prises en vertu de l'article 39 de la Constitution, relatives à la présentation des projets de loi

Article additionnel après l'article 5
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 6

Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :

Dispositions relatives à la présentation des projets de loi prises en vertu de l'article 39 de la Constitution

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Au risque de me faire brocarder par M. Sueur, mais il s’est lui-même condamné au silence en disant tout à l’heure qu’il défendait son second argument, et non pas son deuxième, je vous présente un amendement rédactionnel, de syntaxe, pour reprendre son observation de ce matin.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Comme ce matin, nous continuons dans la prose : « belle marquise, d’amour me font… ». (Sourires.) Les membres du groupe socialiste ne s’opposeront pas au changement de libellé proposé, mais sans plus...

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé du chapitre II est ainsi rédigé.

Intitulé du chapitre II
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel avant l'article 7 (début)

Article 6

Les projets de loi sont précédés de l'exposé de leurs motifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet article 6 doit avoir un intérêt, sinon il ne figurerait pas dans le projet de loi organique.

Je me suis interrogé sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à faire figurer cette phrase et je pense, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous éclairer.

Je me suis penché sur cette question des exposés des motifs et j’ai retrouvé une jurisprudence du Conseil constitutionnel formulée à la suite d’une requête présentée par M. Philippe de Villiers, dont je ne partage pas les thèses par ailleurs. Voilà en quels termes s’exprime le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 avril 2005 : « L’exposé des motifs qui, conformément à la tradition républicaine, accompagne un projet de loi et présente les motifs pour lesquels son adoption est proposée, est inséparable de ce projet. »

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur la portée de cet article 6 et j’ai plusieurs questions à vous poser. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Mes chers collègues, on nous demande de voter un article de loi : j’interroge le Gouvernement, c’est mon rôle.

M. Roland du Luart. C’est normal !

M. Pierre Fauchon. C’est un bonheur de vous entendre !

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, monsieur Fauchon.

Premièrement, comment se fait-il que cette disposition ne s’applique pas aux propositions de loi ? Pourquoi le Gouvernement restreint-il la nécessité d’un exposé des motifs aux seuls projets de loi ?

La proposition de loi, dès lors qu’elle est destinée à devenir, après débat parlementaire, une loi, ressortit à la même exigence à cet égard, me semble-t-il, que le projet de loi. Autrement dit, si un exposé des motifs est nécessaire pour un projet de loi, je ne comprends pas pourquoi il ne le serait pas pour une proposition de loi.

Deuxièmement, monsieur le secrétaire d’État, quelles seraient les conséquences de l’absence d’un exposé des motifs ?

Considérez-vous que l’exposé des motifs est, comme le dirait M. le président du Sénat, « consubstantiel » à la loi, de telle manière que la conférence des présidents ne pourrait pas inscrire à l’ordre du jour un projet de loi qui ne serait pas précédé de son exposé des motifs ?

Troisièmement, un projet de loi qui ne serait pas précédé de l’exposé des motifs serait-il constitutionnel ? Le Conseil constitutionnel aura peut-être l’occasion de se prononcer.

Enfin, quatrièmement, l’exposé des motifs étant inséparable du projet de loi, et ici je reviens à un argument que vous avez présenté tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Allons bon !

M. Jean-Pierre Sueur…. que se passe-t-il si, comme il arrive quelquefois, un exposé des motifs est dilatoire…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Dilatoire ?

M. Jean-Pierre Sueur.… je veux dire tellement vague et général qu’il n’a pas de rapport avec l’objectif réel poursuivi par le Gouvernement ?

Mme Nathalie Goulet. L’objet ou l’objectif ?

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, pas plus tard qu’il y a quinze jours, ici même, nous avons eu à examiner le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés. Nous avons lu l’exposé des motifs et nous avons vu ensuite ce qui était dans ce projet de loi et surtout les dispositions que le Gouvernement y introduisait, celles qu’il approuvait, qu’il s’agisse des partenariats public-privé, de mesures financières tout à fait exceptionnelles sans rapport avec la crise, de l’archéologie, ou encore des architectes des Bâtiments de France, auxquels, je le signale, le Conseil constitutionnel vient de rendre la totalité de leurs attributions en annulant des dispositions de ce projet de loi.

Ce n’est qu’un exemple, mais on peut citer de nombreux cas d’exposés des motifs sans grand rapport avec le contenu du texte.

Mais un exposé des motifs tout à fait « innocent », comme dirait mon collègue Pierre Fauchon, tout à fait terne et général, n’est-ce pas finalement une imposture ? Parce que le Gouvernement sait très bien ce à quoi il veut arriver, et cela n’est pas toujours dit.

J’ai lu l’exposé des motifs du présent projet de loi et, hormis quelques propos généraux, il n’est nulle part indiqué qu’il vise à restreindre le droit d’amendement, ce qui est pourtant l’objectif. (M. le secrétaire d’État rit.)

Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez deux solutions : soit ne pas inscrire dans cet article 6 que les projets de loi sont précédés de l’exposé de leurs motifs, considérant que la pratique est suffisante, soit introduire cette disposition dans le projet de loi organique. C’est cette seconde solution que vous avez choisie, ce qui m’amène à vous poser trois questions.

Premièrement, pourquoi les propositions de loi ne sont-elles pas concernées ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Parce que la Constitution vise les projets de loi !

M. Jean-Pierre Sueur. Deuxièmement, peut-on inscrire à l’ordre du jour un projet de loi qui, par hypothèse, ne serait pas précédé d’un exposé des motifs ?

Troisièmement, qu’en serait-il dans le cas, fréquent, où l’exposé des motifs n’a qu’un rapport très lointain avec les dispositions du texte ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je veux bien croire que M. Sueur ne lit dans la Constitution que ce qui lui convient, mais c’est toujours un bonheur de lui apporter des éclaircissements.

L’article 39 de la Constitution dispose que la présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. Voilà pourquoi il est normal de parler des projets de loi et non pas des propositions de loi, dont les modalités de dépôt peuvent être organisées par ailleurs.

L’exposé des motifs existe depuis 1793. S’il arrivait qu’un projet de loi soit présenté sans exposé des motifs, que déciderait le Conseil constitutionnel ? Il lui reviendrait de déterminer si l’absence d’exposé des motifs est substantielle ou pas.

Dans la pratique, il dirait, me semble-t-il, que c’est substantiel et que l’absence d’exposé des motifs dans un projet de loi pose problème. En revanche, je ne suis pas sûr, monsieur Sueur, que le Conseil constitutionnel vérifie le contenu de l’exposé des motifs, contenu qui est éminemment politique et qui est, par définition, beaucoup moins normatif que le texte lui-même.

L’exposé des motifs existe depuis deux cent quinze ans, l’article 39-1 l’impose pour les projets de loi et ne mentionne pas les propositions de loi. Le Conseil constitutionnel pourrait considérer que l’exposé des motifs est un élément substantiel pour un projet de loi et qu’il n’a pas à se prononcer sur son contenu.

M. Jean-Pierre Sueur. Il a dit que c’était « inséparable » !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Voilà pourquoi l’article 6, même s’il ne change pas la nature du texte, n’est pas inutile : il résulte de l’article 39.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est inséparable : cela vaut donc pour la substance, pas seulement pour la forme !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel avant l'article 7 (interruption de la discussion)

Article additionnel avant l'article 7

Mme la présidente. L'amendement n° 162, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque assemblée parlementaire a la faculté de procéder à des audits et études à l'occasion du dépôt de projets de loi ou de propositions de loi. À cette fin, chaque assemblée dispose de la faculté de commander à l'ensemble des organismes de contrôle et d'évaluation des rapports et des études.

La parole est à M. Richard Yung, étant précisé que, à l’issue de l’examen de cet amendement, je suspendrai la séance et renverrai la suite de la discussion à une prochaine séance.

M. Richard Yung. Madame la présidente, il s’agit d’un article additionnel avant l’article 7, mais, puisque nous sommes dans la liturgie romaine, pour reprendre une expression qui a déjà été utilisée, il est « consubstantiel » à l’article. (Sourires.)

Nous formulons cette proposition en amont du débat qui va avoir lieu sur le fond, parce que nous sommes des traumatisés de l’article 40 de la Constitution !

M. Richard Yung. Nous allons discuter de la possibilité de procéder à des audits, des études, mais tout cela ne tiendra pas, puisque, chaque fois que notre noble assemblée s’adressera à tel ou tel organisme de recherche, au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, elle ne pourra pas les financer. Les foudres de l’article 40 de la Constitution, invoqué par M. le président de la commission des finances, s’abattront sur nous et la proposition sera vidée de son sens.

C’est dans cet esprit-là que nous avons rédigé cet article additionnel. Le Gouvernement est, bien sûr, dans son droit et il a le pouvoir de présenter des études d’impact, mais il nous semble vraiment fondamental que le Parlement puisse faire procéder à ses propres études, sans avoir à se contenter de produits tout faits. De surcroît, nous savons que, dans la plupart des cas, les études d’impact sont réalisées après le projet de loi. C’est en quelque sorte le service après-vente.

Dans l’état actuel des choses, le Parlement n’a aucune possibilité d’apprécier ces études, de les faire analyser, d’avoir une vision intelligente et critique des dossiers.

Nous reviendrons sur ce sujet ultérieurement et nous verrons qu’il y a dans d’autres pays, je pense à la Grande-Bretagne, un système d’évaluation tout à fait élaboré.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est curieux, vous nous donnez l’impression, mon cher collègue, que le Parlement dépend du Gouvernement. Mais c’est faux ! Rien n’interdit aujourd'hui aux assemblées parlementaires de faire procéder à des études et à des audits.

M. Richard Yung. L’article 40 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout ! Il n’y a pas d’article 40 dans le cadre du budget du Sénat ! C’est nous qui décidons d’affecter les crédits du Sénat, mon cher collègue !

M. Roland du Luart. On serre quand même les écrous ! (M. le secrétaire d’État rit.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les bons écrous, pour permettre d’en desserrer d’autres, plus utiles !

M. Roland du Luart. Tout à fait, monsieur le président de la commission !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’amendement n° 162 ne paraît pas apporter de précisions utiles et n’entre pas, de surcroît, dans le champ d’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Mon cher collègue, vous voulez introduire dans la loi organique une disposition qui ne concerne que le fonctionnement interne du Parlement. Je regretterais vivement qu’elle soit adoptée, car cela signifierait alors que nous nous fixons des limites que nous n’avons pas actuellement ! Je le répète, l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas ici ! Les offices parlementaires, même s’ils ont fonctionné assez peu, pouvaient faire procéder à des études.

Ainsi, l’Assemblée nationale et le Sénat ayant décidé d’affecter des crédits à l’office parlementaire d’évaluation de la législation, ce dernier a pu ensuite faire procéder à des études et à des audits. Mais nous n’avons jamais rien demandé au Gouvernement ! D’ailleurs, j’ai toujours entendu le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale exprimer la volonté de disposer de cette faculté ; de même, le président de la commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, commande souvent des études à la Cour des comptes.

On me rétorquera que l’on opposera l’article 40 à toute demande ; mais pas du tout ! Si des études auprès d’organismes publics sont justifiées, nous les financerons, car cette décision relève de notre fonctionnement interne.

Je vous demande vraiment, mon cher collègue, de retirer votre amendement, qui n’est pas justifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est un peu embarrassé de donner un avis sur un amendement qui remet en quelque sorte en cause l’autonomie financière des assemblées parlementaires.

De la même manière que le Gouvernement ne se prononce pas sur le budget du Sénat ou de l'Assemblée nationale, il n’a pas à juger si l'Assemblée nationale ou le Sénat prévoit des crédits pour faire procéder à des rapports, à des audits, à des études d’impact. Par définition, le budget des deux assemblées ne tombe pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution et ne fait l’objet d’aucune contrainte de la part du Gouvernement.

Par conséquent, je ne vois pas très bien comment le Gouvernement pourrait émettre un avis favorable sur l’inscription dans la loi organique d’une disposition assez contraire à l’autonomie financière des assemblées parlementaires.

C’est pourquoi j’invite également M. Yung à retirer son amendement.

Mme la présidente. Monsieur Yung, l'amendement n° 162 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut dire que « le règlement des assemblées déterminera les conditions… » !

M. Richard Yung. Je formulerai deux observations.

Je prends acte des propos de M. le rapporteur : l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas au budget du Sénat.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne manquerait plus que ça !

M. Richard Yung. J’en conclus que nous pouvons demander des études. Personnellement, au cours des trois ou quatre dernières années, je n’ai pas vu le Sénat passer beaucoup de commandes pour mener un audit sur tel ou tel projet de loi.

M. Roland du Luart. Cela relève des commissions !

M. Richard Yung. Sans doute notre assemblée fait-elle procéder à de telles études, mais j’aimerais bien les connaître.

Toutefois, cet amendement, loin de porter uniquement sur l’article 40, vise, d’une manière générale, à doter les assemblées parlementaires d’une capacité d’intervention.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il n’y a pas besoin de le faire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous faisons ce que nous voulons !

M. Richard Yung. C’est le fondement de la démocratie ! Sinon nous serons pieds et poings liés : nous devrons accepter les différentes études qui nous seront soumises et ne disposerons pas d’études techniques critiques. Il s’agit vraiment là d’un problème de fonctionnement de notre démocratie.

Je maintiens donc l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour ma part, je souhaite voir subsister l’autonomie des assemblées parlementaires. Je demande donc instamment à mes collègues de ne pas voter un tel amendement, qui vise à enserrer l’organisation propre de notre assemblée dans une loi organique.

Je comprends d’ailleurs que M. le secrétaire d’État ait éprouvé quelque gêne à émettre un avis sur cet amendement, car cela revient pour lui à interférer dans le fonctionnement des assemblées. Je vous en supplie, mon cher collègue, retirez votre amendement, qui n’a aucun sens !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, pour faire droit à la demande de M. Yung, qui a toute sa légitimité puisque, dans les faits, une telle pratique ne prévaut pas, …

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est une sorte de résolution !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … il serait possible de rectifier l’amendement pour prévoir que le règlement des assemblées déterminera les conditions dans lesquelles ces dernières peuvent demander des audits.

Mme Nathalie Goulet. Cela existe déjà !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 162.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, sur proposition de la conférence des présidents, le Sénat a décidé d’examiner les articles 13, 13 bis et 13 ter du projet de loi organique, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 13 ter, le mardi 17 février, à partir de seize heures.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel avant l'article 7 (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Discussion générale

3

Décision du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date de ce jour, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel relative à la conformité à la Constitution de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement.

M. Jean-Pierre Sueur. Intéressante décision, madame la présidente !

Mme la présidente. Acte est donné de cette communication.

4

Communication

Mme la présidente. Conformément aux conclusions de la conférence des présidents, je vous indique que la commission des lois saisie au fond du projet de loi pénitentiaire se réunira le mercredi 18 février, à neuf heures trente, pour examiner les amendements déposés sur ce projet de loi, dont la discussion en séance publique commencera le mardi 3 mars.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, la commission des lois a décidé de transmettre son calendrier, mais il n’appartient pas encore à la conférence des présidents de décider des réunions des commissions ! Nous n’avons fait que communiquer une information. Ce sont tout de même les commissions qui décident de se réunir quand elles le souhaitent ! Elles sont d’ailleurs parfois contraintes de prévoir des réunions supplémentaires.

Mme la présidente. Il vous revient en effet de prendre les décisions à cet égard, monsieur le président de la commission.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M.  Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Consultation des Électeurs de Mayotte

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 72-4 de la Constitution, sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis 1976, date à laquelle elle est devenue collectivité territoriale à statut particulier, Mayotte a vu se succéder les réformes. Pourtant, trente années de réformes n’ont pas suffi à répondre à la volonté, exprimée à Mayotte, d’un rapprochement avec la métropole.

Lors de sa campagne électorale pour les élections présidentielles de 2007, le Président de la République s’était engagé à consulter les Mahorais pour trancher une fois pour toutes la question institutionnelle.

Le conseil général de Mayotte s’est prononcé à l’unanimité le 18 avril 2008 en faveur de la départementalisation.

Dès lors, une feuille de route, le Pacte pour la départementalisation de Mayotte, a été proposée par le Gouvernement et présentée par le Président de la République le 16 décembre. Des améliorations y ont été apportées grâce aux échanges avec les élus de Mayotte.

La procédure de changement de statut décidée par le Gouvernement a été lancée le 14 janvier 2009. Le décret du 20 janvier 2009 met en œuvre la décision d’organiser la consultation des électeurs.

Le 29 mars prochain, une consultation référendaire permettra aux Mahorais de se prononcer démocratiquement sur leur avenir. La question posée aux électeurs sera ainsi libellée : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée “Département”, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer ? »

L’organisation de ce scrutin répond à une exigence de transparence et d’information de l’électeur à toutes les étapes de la consultation. La question formulée pour un référendum doit être claire, afin qu’il puisse y être répondu par « oui » ou par « non ».

Lors de la phase préparatoire au scrutin, le Pacte pour la départementalisation de Mayotte a été adressé à l’ensemble des foyers mahorais. Il s’accompagne d’un résumé traduit dans les deux langues communément parlées à Mayotte en plus du français.

Après le scrutin, si les Mahorais acceptent l’évolution institutionnelle proposée, un projet de loi organique sera présenté dès cet été à la représentation nationale pour tirer les conséquences du scrutin. Une loi ordinaire viendra le compléter.

Le scrutin du 29 mars prochain engage l’avenir de Mayotte.

La feuille de route définie par le Gouvernement en concertation avec les élus de Mayotte accompagne cette évolution, d’une part, en précisant très clairement les principes qui guideront la mise en place des nouvelles institutions et, d’autre part, en fixant de nouveaux objectifs à la politique de développement économique, social et culturel de Mayotte.

Tout d’abord, si les électeurs mahorais approuvent le changement institutionnel, les institutions de Mayotte évolueront conformément aux principes et aux valeurs de la République.

Des institutions en phase avec les aspirations des Mahorais et de leurs élus, tel est le premier objectif du Gouvernement.

Le département de Mayotte sera créé en 2011. Il s’agira d’une collectivité à statut particulier de l’article 73 de la Constitution, regroupant les compétences du département et de la région, comme il en existe déjà.

S’agissant du mode de scrutin et du nombre de conseillers élus, j’ai engagé une discussion avec les élus mahorais. Ce sera l’objet des textes suivants.

Les responsabilités de chacun seront clarifiées. Entre la collectivité unique et les communes, une nouvelle répartition des compétences sera mise en œuvre.

Cela suppose, bien entendu, des moyens financiers adéquats. La mise en place de la taxe foncière donnera aux maires de nouveaux moyens pour exercer leur responsabilité.

La tutelle de fait du conseil général sur les communes disparaîtra.

La création du département de Mayotte s’accompagnera d’une adaptation des ressources et de la fiscalité de la collectivité. La fiscalité sera progressivement alignée sur le droit commun. Pour garantir la stabilité des ressources du futur département de Mayotte, des adaptations seront toutefois nécessaires pour la fiscalité professionnelle comme pour la fiscalité des particuliers.

Un travail en profondeur devra bien entendu être poursuivi pour la valorisation du plan cadastral. Il reste beaucoup à faire en la matière.

L’évolution institutionnelle entraînera une modification du statut de Mayotte au regard du traité sur l’Union européenne. Mayotte est en effet classée actuellement comme « pays et territoire d’outre-mer », ou PTOM, et souhaite l’évolution de son statut vers celui de région ultrapériphérique, ou RUP. Bien entendu, le Gouvernement portera cette demande auprès des autorités européennes. Mais cette dernière sera conditionnée par la validation des acquis communautaire. L’accès aux fonds structurels européens ne sera possible qu’à l’échéance de l’actuel programme, en 2013.

La création d’une nouvelle collectivité n’est pas une simple question technique, et j’insiste sur ce point. Elle doit permettre de conforter Mayotte dans la République en lui appliquant un certain nombre de principes et de valeurs.

La mise en place d’un état civil stable est la garantie du respect des droits de chacun. Un travail important a été réalisé par la Commission de révision de l’état civil, la CREC, mais beaucoup reste à faire en la matière. Les travaux de cette commission doivent gagner en rapidité et en efficacité. Son fonctionnement sera donc aménagé et amélioré. J’y travaille avec le garde des sceaux, afin que nous soyons en mesure de tenir les échéances et de remplir nos obligations, notamment en matière de sécurité.

Conforter Mayotte dans la République, c’est aussi réaffirmer les principes qui fondent notre pacte républicain.

L’égalité entre les hommes et les femmes devra être pleinement respectée. Je sais qu’à Mayotte les femmes ont toujours joué un très grand rôle, même sans que cela se dise. (M. le président de la commission des lois acquiesce.) Elles ont toujours su imposer leur vision des choses, jusqu’à « la chatouille », n’est-ce pas ? (Sourires.)

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Vive la chatouille ! (Nouveaux sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mais il y a de toute façon un principe républicain. Après tout, peut-être ce dernier protégera-t-il les hommes ? (Rires.) L’égalité entre les hommes et les femmes devra donc être pleinement respectée.

Les règles actuellement en vigueur à Mayotte concernant le mariage devront disparaître. Là encore, elles seront alignées sur celles qui prévalent partout ailleurs en France. La polygamie sera interdite pour l’avenir.

L’âge légal minimal des femmes pour se marier sera relevé de quinze ans à dix-huit ans. Toute référence au tuteur matrimonial sera supprimée, afin de garantir le libre consentement des époux. Le mariage religieux devra avoir été précédé d’un mariage en mairie par un officier de l’état civil.

La justice est la même pour tous les citoyens français, à Mayotte comme sur tous les territoires de la République. Tous les citoyens doivent bénéficier des mêmes droits et garanties devant la justice.

La justice cadiale sera donc supprimée. Les cadis pourront continuer à exercer une mission d’expertise et de médiation auprès des magistrats de droit commun.

Le français est la langue de la République. Tout doit être fait pour donner de meilleures chances aux Mahorais. Cela passe aussi par une meilleure maîtrise du français qui, à Mayotte, n’est parlé que par une partie de la population.

Le Gouvernement s’engage à mobiliser l’ensemble des services publics concernés : éducation nationale, culture, audiovisuel. Il travaillera en liaison étroite avec l’ensemble du monde associatif local, qui a un rôle important à jouer.

Ainsi, mesdames et messieurs les sénateurs, la départementalisation de Mayotte entraînera de profonds changements institutionnels.

Cette départementalisation, si elle est souhaitée par les Mahorais, devra aussi s’accompagner d’un nouvel élan pour le développement économique, social et culturel de l’île.

Telle est la deuxième ambition affirmée par la feuille de route.

Cela implique, bien entendu, des instruments adaptés. Un fonds de développement économique, social et culturel contribuera à donner à Mayotte les équipements nécessaires à son développement.

Pour des raisons d’efficacité et de rapidité, il a été décidé que ce fonds serait créé non pas ex nihilo, mais à partir de l’actuel fonds mahorais de développement. Bien entendu, le montant des ressources de ce dernier sera réévalué pour correspondre à l’ambition affichée et les acteurs socio-économiques devront être mieux associés à la gouvernance du fonds.

Le développement économique n’est évidemment pas une fin en soi. Si nous le recherchons, à Mayotte comme partout sur le territoire national, c’est aussi pour que les individus en tirent bénéfice. L’homme doit en effet être toujours le cœur et la finalité de toute politique, notamment de toute politique de développement économique.

Pour pouvoir répondre à cet objectif, qui vise à permettre aux hommes et aux femmes de Mayotte de mieux se développer, il faut aussi prendre en compte un certain nombre de spécificités.

Ainsi, pour qui connaît la situation de Mayotte – et je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont dans ce cas, pour être des élus de Mayotte ou pour s’y être rendus –, il n’est évidemment ni possible ni souhaitable de verser immédiatement des prestations sociales au même taux que dans les départements de métropole et d’outre-mer.

Une bascule brutale du système, dans l’environnement géographique que nous connaissons, avec la situation des Comores ou de Madagascar, risquerait de déstabiliser complètement l’économie de l’île et, s’agissant des pays voisins, de créer immédiatement un appel d’air. Celui-ci aggraverait l’immigration irrégulière, qui, comme nous le savons, est l’un des problèmes majeurs de Mayotte.

Nous souhaitons donc atteindre le but fixé en prenant le temps nécessaire pour permettre un alignement progressif des prestations sociales, correspondant au développement et à la mise en œuvre des autres évolutions.

De nouvelles politiques de solidarité seront mises en place grâce au nouveau fonds, qui financera en particulier des structures d’accueil pour les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées. Dans ce domaine, il n’existe aucun risque d’appel d’air ou de déstabilisation.

Nous sommes donc prêts, dès 2010, à revaloriser un certain nombre d’allocations, notamment les allocations familiales, et à poursuivre cet effort en 2011.

Nous sommes également prêts à revaloriser l’allocation spéciale pour les personnes âgées et l’allocation aux adultes handicapés dès 2010. Sur ces sujets, nous disposons de moyens de contrôle et nous pouvons éviter un certain nombre de dérives. J’ai demandé une expertise sur cette question, afin que, au moment opportun, nous puissions tendre vers le montant versé en métropole et dans les départements d’outre-mer.

Une mission interministérielle d’audit sur le logement social sera menée dans les prochains mois. Sur ce dossier également, certaines spécificités, s’agissant tant des faiblesses que des besoins d’allocation, doivent être prises en compte.

Dès les résultats de cette étude connus, la création de l’allocation de logement social pourra être envisagée à Mayotte. La mission nous permettra de préciser la date exacte de cette création, qui se fera en 2010 ou en 2011.

Le revenu de solidarité active et les autres allocations de solidarité seront mises en place en 2012, à un niveau qui correspondra initialement au quart du niveau national. Ces allocations progresseront ensuite d’année en année, ce qui permettra de rattraper la norme nationale sur une période d’environ vingt à vingt-cinq ans tout en s’assurant que l’environnement pourra intégrer et accepter ces évolutions.

Par ailleurs, pour préserver l’équilibre social, il faut aussi agir à l’égard de l’immigration irrégulière qui, nous le savons, est très problématique à Mayotte.

En la matière, il faut toujours prendre en compte le facteur humain. Il est certain que les populations qui tentent à tout prix de venir à Mayotte, même en situation irrégulière, le font parce que, là où elles sont, notamment dans les autres îles de l’archipel des Comores, elles ne trouvent ni l’environnement économique, ni l’environnement social, ni l’environnement politique, celui-ci étant souvent très tendu, leur permettant de s’épanouir.

Il faut savoir prendre en compte cette réalité et être humain. Mais il est aussi important, au regard des besoins de Mayotte, d’être ferme sur la question.

L’entrée, l’éloignement et le séjour des étrangers sur le territoire national continueront donc de répondre à des règles de droit spécifique à Mayotte, qui seront maintenues en l’état.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, il y aurait certainement encore beaucoup à dire ! Mais je pense que les interventions à venir permettront de préciser tous ces points.

Je veux simplement souligner que, avec cette nouvelle démarche, nous faisons le choix de la responsabilité, en confiant l’avenir de Mayotte à la décision souveraine des Mahorais.

Nous faisons aussi le choix de l’efficacité, en inscrivant l’évolution institutionnelle de Mayotte dans un calendrier resserré et subordonné à un certain nombre d’étapes, notamment en ce qui concerne la réalisation d’un état civil fiable.

Nous faisons enfin le choix des valeurs, en réaffirmant les principes et les valeurs qui font, aujourd’hui comme hier, l’unité de notre République et la pérennité de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, Mayotte est devenue française en 1841 et, cinq années plus tard, l’ordonnance royale du 9 décembre 1846 abolissait l’esclavage dans cet archipel qui avait connu de nombreuses razzias.

Dès les premières années, l’appartenance à la France est ainsi devenue synonyme de liberté pour la grande majorité des Mahorais.

Le 18 avril 2008, le conseil général de Mayotte a adopté à l’unanimité une résolution demandant que l’île accède au régime des départements et régions d’outre-mer, défini à l’article 73 de la Constitution. Le Président de la République, conformément à ses engagements, a choisi de lancer le processus d’évolution statutaire.

Comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, les électeurs de Mayotte auront donc à répondre le 29 mars prochain à la question suivante : « Approuvez-vous la transformation de Mayotte en une collectivité unique appelée "Département”, régie par l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions d’outre-mer ? »

Vous l’avez également signalé, madame le ministre, une exigence de transparence, que nous partageons bien entendu, veut que les Mahorais soient informés des tenants de cette future départementalisation avant de faire leur choix. Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte a donc été adressé à tous les électeurs pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause.

Les Mahorais attendent la question qui leur est posée depuis des décennies, et l’attention du Sénat et de sa commission des lois a accompagné chaque étape de l’histoire de Mayotte.

Ainsi, à la veille d’une probable évolution statutaire majeure, une mission d’information de la commission des lois s’est rendue à Mayotte du 1er au 6 septembre 2008. Il s’agissait – nos collègues de Mayotte s’en souviennent ! – du troisième déplacement de la commission sur l’île en huit ans.

Au cours de cette mission, Michèle André, Christian Cointat, Yves Détraigne et moi-même avons rencontré l’ensemble des responsables politiques, administratifs, socio-économiques et associatifs. Ceux d’entre nous qui connaissaient déjà Mayotte ont mesuré les progrès indéniables de la collectivité en matière d’équipement. Nous avons également observé les retards dont la correction suppose un effort particulier de la part des Mahorais, de leurs élus et de l’État.

À l’issue de cette semaine de travail, complétée par des auditions à son retour à Paris, la mission d’information a proposé à la commission des lois d’approuver la démarche engagée par le Président de la République et le Gouvernement pour permettre à Mayotte de devenir le cent unième département français.

Mayotte exprime depuis plus de cent soixante ans un attachement indéfectible à la France. Depuis 1958, la départementalisation est revendiquée comme le moyen d’ancrer le plus solidement possible Mayotte au sein de la République française. Le choix d’accéder au statut départemental représente aussi une garantie pour la population de Mayotte : un ancrage plus fort dans la République et l’assurance de pouvoir vivre dans un état de droit et dans une société démocratique.

Au cours des trente dernières années, cette revendication ne pouvait être satisfaite, car Mayotte n’était pas prête. Outre le contexte international, c’est avant tout l’attachement des Mahorais à leur mode de vie traditionnel qui a justifié les options statutaires passées. À cette époque, Mayotte n’aurait pu devenir un département sans connaître une profonde crise sociale et identitaire, en raison d’une application trop brutale du droit commun.

Mais, en 2009, la situation a évolué. La population de Mayotte est devenue plus mobile. De nombreux Mahorais ont fait des études et se sont déjà rendus plusieurs fois en métropole ou à la Réunion.

Les efforts accomplis depuis trente ans pour rapprocher l’île du droit commun dans de nombreux domaines ont changé la donne. Mayotte dispose aujourd’hui d’un statut sur mesure, défini en 2001 et actualisé en 2007, qui lui a permis d’avancer progressivement vers l’application du droit commun.

L’accès au statut de département et région d’outre-mer permettra d’achever cet alignement sur le droit commun, tout en préservant des possibilités d’adaptation, bien évidemment justifiées par les caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte, tel que le prévoit la Constitution pour les territoires d’outre-mer.

Si Mayotte est aujourd’hui une collectivité d’outre-mer, elle le doit en grande partie à ses très fortes particularités.

Ainsi, à Mayotte, deux statuts civils coexistent : le statut de droit commun, que nous connaissons en métropole, et le statut personnel ou statut civil de droit local, dont relèvent les Mahorais musulmans qui n’y ont pas renoncé. À cette dualité de statuts correspondent une dualité des règles en matière d’état des personnes et des biens ainsi qu’une justice particulière aux citoyens de statut personnel, rendue par les cadis.

Le statut personnel, la justice cadiale et l’état civil sont trois points majeurs d’évolution nécessaire en vue de la départementalisation.

Le statut personnel a certes connu plusieurs modifications, qui, depuis 2001, l’ont rapproché des principes républicains en matière de polygamie, de répudiation, de divorce ou de droit des successions. Mais il doit encore être rendu pleinement compatible avec les droits fondamentaux de notre République. De nouvelles modifications doivent lui être apportées pour garantir aux personnes qui en relèvent les mêmes droits qu’aux personnes ayant le statut civil de droit commun.

Il s’agit d’une réforme indispensable pour assurer l’égalité entre les hommes et les femmes, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre. La départementalisation rend ainsi indispensable l’interdiction de toute nouvelle union polygame.

En ce qui concerne la justice cadiale, les membres de la mission d’information ont rencontré le grand cadi, les cadis et les magistrats du tribunal supérieur d’appel.

Je rappelle que le cadi fonde ses décisions à la fois sur la doctrine musulmane et sur des règles coutumières issues d’Afrique de l’Est. La justice cadiale est marquée par la quasi-inexistence de règles procédurales, une méconnaissance totale du principe du contradictoire et de la représentation par avocat. C’est, il faut le dire, une justice aléatoire, sans garantie, critiquée par les Mahorais eux-mêmes.

C’est pourquoi la commission des lois estime, comme l’a également souligné Mme le ministre, que la départementalisation devra s’accompagner de la suppression des fonctions juridictionnelles des cadis.

La départementalisation de Mayotte et l’organisation même de la consultation du 29 mars prochain posent en outre la question de l’état civil des Mahorais.

Vu de métropole, où l’état civil remonte au xvie siècle – il est en réalité beaucoup plus ancien, mais il n’est à peu près lisible que depuis cette époque –, il est difficile de mesurer le changement que représente pour les Français de Mayotte la fixation de leur état civil, avec nom et prénoms.

Les travaux de la Commission de révision de l’état civil, la CREC, ont progressé trop lentement. Les Mahorais ayant fait en grand nombre la démarche de saisir cette commission, qui doit fixer leurs nom et prénoms et établir les actes d’état civil, on dénombre plus de 14 000 dossiers en instance. Il me semble avoir lu dans les comptes rendus des débats de l’Assemblée nationale que, pour l’année 2008, moins de 800 dossiers avaient été traités.

En outre, y compris après le traitement de ces 14 000 dossiers, de nombreuses personnes n’auront toujours pas d’état civil parce qu’elles ne l’ont pas demandé.

Or, les Mahorais, en l’absence d’un acte de naissance reconstitué par la CREC, pourraient se trouver comme des « étrangers en France », n’étant pas en mesure d’obtenir des documents d’identité. Hors Mayotte, en effet, les exigences de certaines préfectures, mairies ou départements pour le renouvellement d’une carte d’identité sont impossibles à satisfaire, ce qui est paradoxal. Une telle situation est contraire au principe d’égalité et exige d’être rapidement corrigée. L’action de l’État doit trouver en ce domaine plus de cohérence.

Nous ne pouvons demander aux Mahorais d’appliquer le droit commun si nous ne sommes pas en mesure de fixer leur état civil. La réalisation de cet objectif conditionne en outre l’établissement de listes électorales fiables.

La commission des lois, notamment notre excellent collègue Yves Détraigne qui s’exprimera tout à l’heure, a d’ailleurs émis plusieurs recommandations pour accélérer le traitement des dossiers par la CREC.

Il faut prévoir la nomination d’au moins un vice-président, qui pourrait être un fonctionnaire qualifié en matière d’état civil, afin de doubler le nombre d’audiences et de multiplier ainsi le nombre de décisions rendues chaque semaine.

Il convient également de créer une équipe administrative de cinq ou six fonctionnaires aguerris en matière d’état civil, qui seraient chargés de coordonner les travaux des rapporteurs et de superviser la préparation des décisions.

La mission d’information de la commission des lois a souligné que la population de Mayotte devait être pleinement informée des implications et des conséquences de la départementalisation. Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte, que tous les Mahorais ont lu, j’en suis sûr, avec le plus grand intérêt, a fait connaître ces éléments.

Cette évolution statutaire interviendra en effet, alors que la situation de Mayotte paraît porteuse de risques et d’inquiétudes. Elle demandera d’importants efforts aux habitants, aux élus et à l’État. L’avenir de l’archipel repose sur un équilibre fragile, que l’accès au statut de département et région d’outre-mer doit non pas compromettre, mais renforcer.

Il appartiendra à chacun d’assumer ses responsabilités pour que le changement de statut permette à Mayotte de mieux surmonter les défis auxquels elle est confrontée.

Le premier de ces défis, particulièrement visible, réside dans l’immigration irrégulière, qui, contribuant à la jeunesse et à la forte croissance de la population, paraît annihiler parfois les efforts déployés pour développer l’archipel.

Mayotte est confrontée à une très forte pression migratoire en provenance des îles composant l’Union des Comores, en particulier de l’île d’Anjouan, distante de soixante-dix kilomètres.

Un nombre élevé de clandestins perdent la vie en tentant de gagner Mayotte à bord de « kwassas-kwassas ».

En dépit des moyens très importants déployés par l’État dans la lutte contre l’immigration illégale, la population en situation irrégulière représenterait environ 35 % de la population totale de Mayotte, soit près de 60 000 personnes.

Madame le ministre, la délégation de la commission des lois a visité le Centre de rétention administrative, créé en 2003 pour accueillir les étrangers faisant l’objet d’une procédure d’éloignement ou d’une interdiction du territoire français. Ce centre a bénéficié – et c’était bien utile – de travaux d’amélioration au cours des derniers mois. Mais la construction d’un nouveau centre, qui est prévue par votre ministère, doit rester une priorité.

Le maintien de règles spécifiques en matière d’entrée et de séjour des étrangers paraît donc indispensable.

La commission des lois considère par ailleurs que l’immigration ne pourra être maîtrisée sans une coopération massive – elle se révèle difficile, je le sais – entre la France et l’Union des Comores. Celle-ci serait bénéfique aux deux pays et favoriserait un équilibre plus solide dans cette partie de l’océan Indien.

Mayotte est donc confrontée à des difficultés que peu d’autres collectivités françaises connaissent : elle doit à la fois faire face à une explosion démographique, former ses enfants, assurer à ces derniers un avenir professionnel et assimiler l’ensemble des principes républicains.

La population de l’archipel a été multipliée par huit au cours des cinquante dernières années, atteignant aujourd’hui près de 190 000 habitants.

Entre 1997 et 2007, la population scolaire de Mayotte a augmenté de 62 % : quarante écoles, qui accueillent deux fois plus d’élèves qu’en métropole en raison de l’organisation du temps scolaire – les élèves vont en classe soit le matin, soit l’après-midi –, ont été construites, ainsi que sept collèges et quatre lycées.

Les enfants mahorais doivent souvent faire l’apprentissage de deux ou trois langues : le shimaoré ou le shibushi, l’un ou l’autre étant leur langue maternelle, le français, langue de l’école, et l’arabe, enseigné à l’école coranique.

L’intense effort de scolarisation déployé par l’État est donc indispensable à l’apprentissage de la langue française et au développement équilibré de l’archipel. Nous avons d’ailleurs pu observer sur place la grande motivation des personnels de l’éducation nationale.

L’explosion démographique et l’immigration irrégulière donnent l’impression que les efforts visant à développer Mayotte s’apparentent à un travail de Sisyphe ! Aussi l’accès au statut de département et région d’outre-mer doit-il être le moyen pour Mayotte de relever les énormes défis auxquels elle est confrontée.

La départementalisation devrait ainsi s’accompagner, à terme, d’un changement de statut de Mayotte au sein de l’Union européenne. Mayotte figure en effet parmi les pays et territoires d’outre-mer. L’obtention du statut de région ultrapériphérique lui permettrait d’accéder aux financements européens et de faire des progrès rapides en matière d’infrastructures et de développement économique.

Certes, l’évolution du statut de Mayotte en droit interne est sans conséquence sur la situation de la collectivité au regard de l’Union européenne. (M. Jean-Paul Virapoullé acquiesce.) Le traité de Lisbonne permettrait d’intégrer Mayotte à la liste des régions ultrapériphériques, sans modifier l’article 299, si le Conseil de l’Union européenne le décidait à l’unanimité. Cet objectif fera l’objet du programme suivant, qui sera mis en œuvre à compter de 2013. Une telle évolution, qui est indispensable, devrait permettre de financer les équipements nécessaires dans un certain nombre de domaines.

Enfin, en ce qui concerne la nouvelle organisation statutaire de Mayotte, la commission des lois juge adapté le maintien d’une seule assemblée exerçant à la fois les compétences du département et de la région. La question qui sera posée aux Mahorais porte d’ailleurs sur ce sujet.

Le nouveau département aura besoin de ressources fiscales.

Il faudra pour cela créer une fiscalité locale, qui paraît aujourd’hui inapplicable. En effet, si le plan cadastral de Mayotte est achevé depuis décembre 2004, il ne comporte aucune évaluation de la valeur locative des parcelles.

Par ailleurs, la collectivité départementale tire une part importante de ses ressources des droits de douane : ces recettes douanières ne pourront subsister que de façon transitoire si Mayotte accède au statut de région ultrapériphérique.

L’évolution statutaire impliquera donc un effort important en matière de fiscalité : il sera nécessaire de défaire le système actuel pour en construire un nouveau. Mais peut-être, d’après ce que j’ai compris, une telle évolution ne concerne-t-elle pas uniquement Mayotte. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)

Une démarche progressive semble s’imposer également en ce qui concerne l’application à Mayotte des prestations sociales. Vous l’avez d’ailleurs très bien précisé, madame le ministre, en évoquant certaines allocations.

En effet, si l’assimilation des principes républicains suppose un effort d’acculturation, la départementalisation ne doit pas y ajouter les bouleversements et les frustrations que provoquerait une élévation artificielle des niveaux de vie ou une déstructuration sociale.

Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte prévoit que les prestations s’appliqueront de façon progressive, ce qui rejoint parfaitement les recommandations émises par la commission.

Je rappelle que la mise en œuvre de l’égalité entre les prestations dans les départements d’outre-mer a demandé beaucoup de temps.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut en effet préserver les équilibres sociaux et économiques de collectivités qui connaissent par ailleurs des mutations rapides. Et des erreurs ont parfois été commises, n’est-ce pas, mon cher collègue ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La consultation du 29 mars doit amener chaque électeur de Mayotte à réfléchir sur l’avenir de son île.

Chacun mesure l’ambition et les exigences de la départementalisation. Il faut faire de cette dernière une chance pour Mayotte. Ce doit être un engagement dans la confiance, celle des Mahorais dans l’État, qui leur permet d’accéder à un statut longtemps revendiqué, et celle de la France dans la capacité de la population de Mayotte à assumer cette évolution. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de lUnion centriste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, rapporteur de la mission d’information sur Mayotte.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la mission d’information sur Mayotte. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la population de Mayotte s’apprête à vivre un moment historique. Elle participera en effet, le 29 mars prochain, à une consultation que ses élus demandaient depuis plusieurs décennies et pourra alors faire sans ambiguïté le choix de la départementalisation.

M. le président de la commission des lois vient de retracer parfaitement les enjeux d’une telle évolution. Aussi vais-je me contenter de revenir sur certains aspects qui ont particulièrement retenu l’attention des membres de la mission d’information de la commission des lois qui s’est rendue à Mayotte en septembre dernier.

J’évoquerai donc quelques points sur lesquels la départementalisation aura un impact direct, et dont la population de Mayotte doit être informée. Il importe en effet que la consultation du 29 mars prochain se déroule sans incertitude ni faux-semblant sur les changements qui pourraient en découler.

Cette démarche de sincérité conditionne le succès de la départementalisation. Je sais, madame le ministre, que le Gouvernement en est pleinement conscient et que la feuille de route présentée en décembre dernier répond à ce souci d’information.

La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a doté l’île d’un statut de collectivité départementale, qui répondait aux aspirations d’alignement sur le régime des départements, tout en admettant l’impossibilité d’une départementalisation à court terme du fait des spécificités locales.

Au même moment étaient lancés les travaux de la commission de révision de l’état civil, la CREC, instituée par l’ordonnance du 8 mars 2000. En effet, la dualité de statuts civils s’accompagnait d’un double système d’état civil et, jusqu’en 2000, les Français nés à Mayotte étaient identifiés par des vocables.

La CREC a donc reçu pour mission de fixer les nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local nées avant la publication de l’ordonnance et d’établir les actes d’état civil. Son mandat, qui devait s’achever en avril 2006, a été prorogé pour une durée de cinq ans.

Depuis sa mise en place, la commission a rendu environ 65 000 actes d’état civil. Présidée par un magistrat, elle est restée plusieurs mois sans président, alors qu’elle comptait au 31 décembre 2007, comme vient de le rappeler M. le président de la commission, 14 000 dossiers en instance. À cet égard, pouvez-vous nous dire, madame le ministre, où en est la nomination du président et du secrétaire général de la CREC ?

La visite des services de l’état civil de certaines mairies a permis à la mission d’information de mesurer l’ampleur de la tâche. Le très mauvais état des anciens registres fait que l’état civil des personnes ayant le statut de droit commun n’est parfois pas plus fixé que celui des personnes soumises au statut personnel de droit local.

Les exigences des administrations, combinées à l’extrême lenteur des travaux de la CREC, aboutissent en fait, dans certaines situations, à rendre les Mahorais étrangers chez eux.

S’ils ne disposent pas d’un acte de naissance reconstitué par la CREC, les Mahorais ne peuvent obtenir ni certificat de nationalité française, ni carte nationale d’identité, ni passeport. Ils peuvent ainsi se retrouver dans l’impossibilité de voyager, d’effectuer des déplacements professionnels ou, encore, de poursuivre leurs études à l’extérieur de l’archipel.

Ils peuvent également rencontrer des difficultés pour faire valoir leurs droits à la retraite, la date de naissance constituant alors un élément déterminant.

Or le délai de réponse de la CREC oscille aujourd’hui entre deux ans et demi pour les cas les plus simples et six ans et demi pour les cas plus complexes.

Le diagnostic établi par la mission d’information est donc clair. L’action de l’État en matière de révision de l’état civil n’étant pas crédible, une réforme de l’organisation et du fonctionnement de la CREC s’impose.

La nomination d’au moins un vice-président permettrait de doubler le nombre d’audiences. La création d’une équipe administrative chargée d’encadrer les rapporteurs serait sans doute de nature à accélérer fortement le traitement des dossiers.

Ces deux mesures, qui devraient permettre à la CREC de réduire ses délais d’instruction et de terminer plus rapidement ses travaux, nous paraissent indispensables.

L’organisation de la justice – peut-être d’ailleurs faudrait-il dire « des justices » – à Mayotte a également mobilisé la mission d’information. La justice doit être la même pour tous en République. Or il existe, à Mayotte, une double justice.

Les litiges nés de l’application du statut personnel sont en effet de la compétence de juridictions spécifiques : les cadis, le grand cadi et la chambre d’annulation musulmane.

L’application de certains principes du droit coutumier – la répudiation, la polygamie, la double part successorale pour les hommes, etc. – est aujourd’hui rejetée par une partie de la population, et le fonctionnement même de la justice cadiale est critiqué.

Les cadis ne disposent souvent d’aucune documentation, et leur connaissance aléatoire du droit musulman entraîne des divergences de jurisprudence d’autant plus dommageables que le taux d’appel de leurs décisions demeure très faible.

De plus, l’absence de formule exécutoire rend l’exécution de leurs décisions parfois très hypothétique.

En outre, la justice cadiale est un facteur de complexité, les cadis étant aussi amenés à juger des litiges impliquant des justiciables qui relèvent en fait du droit commun, qu’il s’agisse de ressortissants comoriens en situation irrégulière ou de citoyens persuadés à tort de relever du statut civil de droit local.

Aussi la commission des lois a-t-elle estimé que la départementalisation devait entraîner l’extinction de la justice cadiale.

Il appartiendra alors au conseil général, dont relèvent les cadis, d’envisager les dispositifs qui permettront de les employer à d’autres fonctions ou de les maintenir, par exemple, dans un rôle de médiation.

La perspective de la départementalisation me conduit à évoquer également la situation des communes mahoraises.

Les dix-sept communes de Mayotte présentent en effet une situation financière structurellement dégradée, caractérisée par une insuffisance criante de ressources de fonctionnement.

Leurs capacités budgétaires sont faibles ; leurs recettes de fonctionnement par habitant sont trois fois moins élevées en moyenne que celles des communes de métropole, et leurs ressources sont constituées exclusivement par des dotations.

Les communes rencontrent donc des problèmes récurrents de trésorerie, rendant notamment difficile le paiement des traitements des derniers mois de l’année.

Les maires que nous avons rencontrés ont évoqué l’incapacité des communes à programmer des investissements ou même, parfois, à assurer les services d’un centre communal d’action sociale.

De nombreuses communes ne sont pas capables d’assurer la scolarisation des enfants de trois ans, qui sera pourtant obligatoire à Mayotte à compter de la rentrée 2010. La forte croissance démographique rend impossible la réalisation de cet objectif, qui supposerait la construction massive de nouvelles salles de classe.

Un autre exemple significatif des difficultés que connaissent les communes et du retard qu’il convient de rattraper pour réussir la départementalisation est celui du numérotage des rues. Ce travail n’est pas achevé à Mayotte. Or, le montant de la dotation de premier numérotage que l’État accorde aux communes paraît insuffisant.

La départementalisation, en entraînant la création d’une fiscalité directe locale, devrait permettre aux communes de disposer de moyens plus importants. La place de ces dernières dans la nouvelle organisation de Mayotte devra donc être examinée avec attention.

La mission d’information a également été alertée sur la question de l’intégration des agents publics de Mayotte dans la fonction publique, qui se pose depuis 1976.

La loi statutaire du 11 juillet 2001 établit le droit à l’intégration, au plus tard le 31 décembre 2010, des agents publics de la collectivité départementale, des communes et des établissements publics administratifs de Mayotte dans l’une des trois fonctions publiques ou dans des corps transitoires.

Mais les corps passerelle ou corps transitoires ne sont pas encore constitués, et leur régime indemnitaire n’est pas fixé, ce qui bloque l’intégration de plusieurs centaines de fonctionnaires. Sur les 6 800 agents intégrables, seuls 1 600 – des instituteurs pour la plupart – ont en effet été intégrés dans l’une des trois fonctions publiques.

Par ailleurs, en l’absence de dispositions réglementaires relatives à la transition entre les régimes de retraite et permettant de garantir la pérennité des caisses, certains agents qui remplissent les conditions requises pour prendre leur retraite ne peuvent le faire. Il appartient donc à l’État de prendre les mesures nécessaires en ce domaine.

Enfin, je souhaite insister sur la nécessité de mettre en œuvre une coopération massive avec les Comores, afin de préserver l’équilibre régional et la stabilité de Mayotte.

Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Paul Virapoullé. Très bien !

M. Yves Détraigne, rapporteur de la mission d’information sur Mayotte. D’un niveau de vie beaucoup plus élevé que celui des Comores – le rapport serait de un à dix en termes de PIB par habitant –, Mayotte est devenue la destination d’une très importante immigration clandestine pour des raisons économiques, sanitaires, voire familiales.

Alors que l’île connaît une forte croissance démographique, la maîtrise de l’immigration constitue donc, de toute évidence, un enjeu majeur pour le développement économique ainsi que pour la préservation de l’ordre public et des équilibres sociaux.

Face à cette situation, des politiques actives de contrôle de l’immigration ont été mises en place depuis quelques années.

Toutefois, la maîtrise de l’immigration à Mayotte n’est possible que si la population de l’Union des Comores, et en particulier de l’île d’Anjouan, dispose de services comparables à ceux qu’elle vient trouver à Mayotte dans le domaine sanitaire.

La France conduit déjà des actions de développement aux Comores. Mais la départementalisation de Mayotte devra s’accompagner d’un accroissement de cet effort pour garantir la stabilité de la région.

L’État devra également poursuivre ses efforts d’investissement en matière de constructions scolaires, d’infrastructures et de lutte contre l’immigration irrégulière.

La départementalisation impliquera par conséquent la programmation sur plusieurs années d’un effort financier exceptionnel. Il faut en être conscient.

En conclusion, si, lors de la consultation du 29 mars prochain, la population de Mayotte se prononce pour la départementalisation, elle fera alors le choix de la modernité mais aussi de la responsabilité.

L’État, quant à lui, devra en tirer toutes les conséquences et s’engager pleinement dans les directions que je viens d’évoquer, et dans d’autres tout aussi essentielles qui sont citées dans le Pacte pour la départementalisation de Mayotte et que je ne peux rappeler, faute de temps.

Les conséquences de l’évolution statutaire devront nécessairement être progressives, pour être assimilées sans heurts par la société et l’économie mahoraises.

Alors, sous ces conditions, on pourra dire non plus que Mayotte n’est pas prête pour la départementalisation, mais que la départementalisation est l’avenir de Mayotte. (Applaudissements sur les travées de lUMP, de lUnion centriste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il apparaît aujourd’hui que la vieille revendication de Mayotte d’avoir un statut définitif au sein de la République Française est en voie d’aboutir. La consultation des Mahorais, prévue le 29 mars prochain, apporte toutes les garanties d’une procédure éminemment démocratique, c’est-à-dire d’une réponse claire à cette question tout aussi claire que nous posons depuis plus d’un demi-siècle.

Partout dans le monde, la consultation populaire demeure l’expression la plus légitime du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Les Mahorais n’ont cessé de l’invoquer, à juste titre.

Je n’ai aucune raison de taire ma satisfaction personnelle devant cette étape, probablement décisive, dans l’évolution institutionnelle de notre « collectivité départementale ».

Faut-il rappeler, à cet égard, que tous les membres du groupe de l’Union centriste du Sénat ont accepté de cosigner ma proposition de loi n° 43 du 23 octobre 2007 qui visait justement, selon son intitulé, « à réintroduire la procédure de la consultation populaire dans le dispositif destiné à l’accession de Mayotte au statut de département et région d’outre-mer » ?

Mais ce n’était là qu’un point de départ. L’essentiel réside en effet dans les propos et la décision du Président de la République, qui ont eu le mérite d’infléchir cette évolution dans le sens souhaité depuis fort longtemps par la population mahoraise. C’est dans son discours du 27 novembre 2008 aux élus d’outre-mer que le Président de la République a déclaré, à notre grande satisfaction, que, vis-à-vis de Mayotte, « l’État respectera ses engagements ». Ce jour-là, les Mahorais ont compris que nous sortions enfin de cette trop longue période de lois non appliquées et de promesses non tenues.

La confirmation de cette rupture avec le passé nous est venue de l’entretien que le Président de la République a accordé le 16 décembre 2008, à l’Élysée, à une délégation des représentants de Mayotte.

Telles sont les étapes de notre « longue marche » retracée dans une feuille de route qui, pour l’essentiel, servira de support à mon intervention dans ce débat.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rappel de quelques points d’histoire me paraît ici indispensable à la bonne compréhension de nos aspirations.

Mayotte est devenue française en 1841, c’est-à-dire avant Nice et la Savoie. Si Mayotte avait connu le même destin que ces deux entités, son état civil ne serait pas dans la situation qui est la sienne actuellement, et les Mahorais parleraient davantage le français.

Il s’agissait d’un acte volontaire d’adhésion, destiné à échapper à un environnement oppressif. Cette volonté plusieurs fois réitérée n’a jamais été remise en cause par les Mahorais.

Notre demande d’accession au statut de département français d’outre-mer remonte à 1958, l’année même de la naissance de la Ve République. Elle n’a jamais varié à ce jour : c’est notre conception du fameux « sens de l’Histoire ».

Quant à l’évolution institutionnelle de Mayotte, elle repose depuis longtemps sur la consultation populaire. Ainsi, en 1976, Mayotte a exprimé à la fois sa volonté de demeurer française et son choix du statut de départements d’outre-mer.

Plus récemment, c’est aux termes de la consultation du 2 juillet 2000 que Mayotte a choisi le statut de collectivité départementale comme une transition vers la départementalisation de droit commun.

Dans sa Lettre aux Mahorais, datée du 14 mars 2007, le candidat Nicolas Sarkozy a promis de consulter les Mahorais sur la départementalisation, à condition que le conseil général de Mayotte le demande. La résolution du conseil général, adoptée à l’unanimité le 18 avril 2008, a été rapidement transmise au Gouvernement.

La population mahoraise tient à remercier le Président de la République, Nicolas Sarkozy, d’avoir respecté la parole donnée.

Tel est le cheminement qui a conduit les Mahoraises et les Mahorais, en dépit de toutes les pressions contraires, à se maintenir dans leur détermination et leur volonté d’adhésion aux principes et valeurs de la République française.

D’ailleurs, aujourd’hui, ceux qui ont fait librement un autre choix en subissent encore les conséquences, par la multiplication des coups d’État, par d’évidentes régressions dans le bien-être des populations et par l’afflux massif de migrants vers nos rivages, au péril de leur vie.

C’est pourquoi je n’ai cessé de plaider pour que le Gouvernement prenne ses responsabilités en renforçant la politique française de coopération et d’aide au développement des pays de la zone de l’océan Indien.

Mais notre revendication départementaliste ne résulte pas simplement d’une préoccupation de sécurité internationale ou diplomatique. Elle se fonde de plus en plus, en particulier chez les jeunes, sur une aspiration générale des Mahorais au progrès économique et social, dans la liberté.

Pour la première fois dans notre histoire, nous avons déterminé avec le Gouvernement les principales étapes de ce que pourrait être la marche vers la départementalisation. Ces dispositions vont s’inscrire dans une loi organique, et nous retiendrons surtout que la création du cent unième département français, celui de Mayotte, suivra l’installation du conseil général nouvellement élu en avril 2011.

Il va sans dire que ce délai doit être mis à profit pour améliorer encore l’état civil mahorais grâce à la modernisation des services municipaux et à la formation des agents.

Quant à l’organisation du département de Mayotte, elle devra conjuguer efficacité et simplicité.

Ainsi, Mayotte sera dotée d’une assemblée unique exerçant conjointement les compétences du département et de la région. Nous éviterons ainsi les complications d’un bicamérisme insulaire sur un territoire de 375 kilomètres carrés.

À mon sens, ces compétences élargies devraient privilégier les objectifs du développement économique et social et se traduire notamment par la création, recommandée par la récente mission de la commission des lois, d’un fonds de développement économique et social. Il sera essentiel et urgent d’accorder au nouveau département les moyens de son développement ou, plutôt, d’un nécessaire rattrapage.

Sans pour autant rétablir l’instrument de planification, qui fut mis en place dans les années 1986 et 1987, il me paraît opportun de prévoir une programmation de l’investissement public afin d’assurer le financement de certaines infrastructures ou équipements de base encore insuffisants à Mayotte.

Il faut redire fortement que nous avons besoin d’une véritable politique de « mise à niveau » dans les domaines éducatif, économique et social.

C’est dire que nous acceptons et défendons l’idée d’une programmation à moyen terme de l’effort de l’État.

De ce financement public, Mayotte, bien entendu, prendra sa part, toute sa part.

Une telle politique d’investissement pourra également être financée sur les fonds communautaires. L’on ne peut être plus « ultrapériphérique » que Mayotte. Il appartient, en conséquence, au Gouvernement d’assurer d’ores et déjà l’accès de Mayotte aux fonds structurels de l’Union européenne destinés à soutenir nos progrès.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en définitive, je voudrais, une fois encore, faire ressortir la signification profonde du combat plus que séculaire de Mayotte : c’est un combat pour la liberté. Une telle perspective ne peut que renforcer l’engagement des Mahorais en faveur de la départementalisation.

C’est aussi tout le sens de leur adhésion aux principes et aux valeurs de la République, aux droits, comme aux devoirs – j’y insiste – de notre citoyenneté française.

Mes remerciements vont à M. le Président, à vous-même, madame la ministre, ainsi qu’à tous mes collègues qui ont bien voulu être présents ce soir pour soutenir Mayotte dans sa marche vers la départementalisation. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, de lUMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le 29 mars 2009, Mayotte s’apprête à vivre un moment historique dans son devenir au sein de la France. Après cinquante ans de combat politique difficile, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a décidé, par décret n° 2009–67 du 20 janvier 2009, et en application de l’article 72–4 de la Constitution, de consulter la population de Mayotte sur l’évolution institutionnelle de l’île, conformément à l’article LO 6111–2 du code général des collectivités territoriales, instauré par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

À cette occasion, la question retenue par le Conseil d’État, et arrêtée lors du conseil des ministres du 14 janvier 2009, est claire : elle invite la population à répondre par oui ou par non à la transformation du statut actuel de collectivité départementale, régie par l’article 74 de la Constitution, en statut de département d’outre-mer, régi par l’article 73 de la Constitution, doté d’une assemblée unique exerçant les compétences dévolues aux départements et aux régions.

La déclaration du Gouvernement nous invite à en débattre afin d’éclairer l’opinion nationale sur les motivations de ce parcours qui apparaît si singulier.

Mes chers collègues, la consultation de la population de Mayotte sur le statut départemental marque à la fois l’aboutissement d’un long combat, une avancée diplomatique et l’expression d’une volonté politique forte.

C’est d’abord l’aboutissement d’un long et difficile combat politique.

En effet, c’est en 1958, à la veille du référendum organisé en vue de l’adoption de la Constitution de la Ve République, que le général de Gaulle avait promis aux peuples coloniaux qu’ils étaient libres de choisir entre trois régimes pour l’avenir de leur pays respectif, entre l’indépendance, le statut de territoire d’outre-mer ou celui de département d’outre-mer.

À cette occasion, les Mahorais, pour la première fois, ont opté pour le statut de département.

Dans ce but, au mois de mai 1958, les notables de Mayotte ont donné mandat à leurs quatre conseillers à l’Assemblée territoriale des Comores, à savoir, Abdourraquib Ben Ousseni, Marcel Henry, Mari Sabili et Souffou Sabili, pour demander la départementalisation de Mayotte.

Une motion en ce sens a été déposée, puis débattue le 11 décembre 1958. Elle a été rejetée par l’Assemblée territoriale des Comores, par 25 voix contre 4, au motif que « les mahorais [ayant] leurs mœurs et coutumes particulières, [ils auraient] de la peine à s’intégrer au statut français ».

Un mois plus tôt, les notables de Mayotte réunis en congrès le 2 novembre 1958 à Tsoundzou, sous la houlette de George Nahouda, avaient pourtant manifesté leur volonté de voir l’île de Mayotte accéder au statut départemental, volonté réaffirmée dix-huit ans plus tard, le 11 avril 1976, quand les Mahorais rejetèrent le statut de territoire d’outre-mer et déposèrent dans l’urne plus de 13 000 bulletins dits « sauvages » réclamant la départementalisation.

Par cette revendication, que recherchaient les Mahorais en 1958, alors qu’il n’y avait ni minimas sociaux ni fonds structurels européens ? Essentiellement deux choses : d’une part, rester français pour être libres, vivre en paix et en sécurité ; d’autre part, avoir la garantie d’un ancrage plus profond dans la République française.

Mes chers collègues, il faut se souvenir que les premières indépendances africaines de la fin des années cinquante ont été marquées par des dictatures, des guerres civiles et des coups d’État à répétition ; elles ne pouvaient donc pas, à cette date, servir de modèle aux Mahorais.

De surcroît, les Comores, indépendantes depuis 1975, ont connu trente coups d’État, la terreur des mercenaires de Bob Denard et la crise séparatiste d’Anjouan, la corruption, la mal-gouvernance, le déficit démocratique, entraînant la fuite des cerveaux vers la France métropolitaine et la Réunion ainsi qu’une émigration illégale massive vers Mayotte.

Face à ce tableau qui résume parfaitement les trente-quatre années d’indépendance des Comores, les Mahorais ne trouvent aucune raison de regretter d’avoir choisi de rester français ni, a fortiori, de renoncer à un ancrage plus fort de l’île dans la République à travers le statut départemental pour lequel ils se battent depuis cinquante ans.

Est-il besoin de rappeler que, comme cela a été indiqué par les intervenants précédents, Mayotte est française depuis 1841, non par conquête coloniale, mais par cession de son souverain, bien avant Nice et la Savoie, quarante-cinq ans avant les trois autres îles de l’archipel des Comores et cinquante-cinq ans avant Madagascar ?

Au cours de ces 168 ans, la population de Mayotte a été consultée quatre fois : d’une part, pour confirmer sa volonté de rester française ; d’autre part, pour choisir le statut de l’île dans la France.

Elle n’a connu jusqu’ici que des statuts provisoires : en 1976, avec celui de collectivité territoriale, et, en 2000, avec celui de collectivité départementale, qu’elle a conservé jusqu’à présent.

Certes, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, en procédant à l’inscription nominative de Mayotte dans la Constitution, a permis de réaliser l’ancrage constitutionnel de l’île au sein de la République.

Désormais, l’article 53 le mentionne : « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées. »

Cependant, l’accord du 27 janvier 2000 sur l’avenir de Mayotte, approuvé par 73 % des Mahorais, vise l’identité législative. Cet objectif a été réalisé en grande partie par la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer. En même temps, celle-ci exclut les Mahorais de l’égalité de droits et de devoirs dans des matières essentielles, telles que le droit fiscal et douanier, le droit de l’urbanisme, le droit social, le droit du travail, le droit des étrangers et les finances communales.

C’est pourquoi il convient de mettre en harmonie cet ancrage constitutionnel avec l’ancrage institutionnel en dotant l’île d’un statut durable : celui de département d’outre mer.

Cette consultation marque aussi une avancée diplomatique encore fragile qu’il conviendra de consolider dans le cadre des travaux du Groupe de travail de haut niveau, le GTHN, qui réunit la France et l’Union des Comores.

Comme vous le savez, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Mayotte constitue le seul territoire de la République à faire l’objet d’une revendication de la part d’un pays étranger.

En effet, l’île figure en même temps à l’article 72–3 de la Constitution de la République française et à l’article I de la Constitution de l’Union des Comores. De ce fait, au regard du principe de droit international qui énonce l’intangibilité des frontières issues de la colonisation, la France est accusée d’occupation de force à Mayotte, ce qui lui vaut, depuis l’indépendance des Comores, des condamnations rituelles de la part de la Ligue arabe, de l’Union africaine et de l’Assemblée générale des Nations unies.

Or, comme nous l’avons déjà dit plus haut, Mayotte a choisi librement la France par le traité de cession du 25 avril 1841, ratifié par le roi Louis-Philippe Ier, au nom du peuple français.

Ce choix a été confirmé à deux reprises : le 22 décembre 1974, lors de la consultation des populations des Comores, par 64,3 % des suffrages, et le 8 février 1976, par 99,3 % des voix, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le Conseil constitutionnel a validé ces résultats, et force est de constater que, depuis une dizaine d’années, la France ne fait plus l’objet de condamnations systématiques en raison de sa présence à Mayotte. La départementalisation de Mayotte est donc une question de souveraineté qu’il convient de réaffirmer avec force au sein des instances régionales et internationales.

Les agitations actuelles de la diplomatie comorienne, relayées par l’Union africaine, sont sans conséquences sur la tenue de la consultation de la population de Mayotte, qui relève du droit interne français.

En revanche, les élus de Mayotte sont disposés à entamer un dialogue constructif avec l’Union des Comores, dès lors que celle-ci aura reconnu le choix du devenir français de Mayotte, afin de bâtir ensemble une coopération durable, pragmatique et mutuellement avantageuse, susceptible de favoriser des échanges de toute nature, la circulation des biens et des personnes, mais aussi l’adhésion de Mayotte à la charte des Jeux des îles de l’océan Indien, à la commission de l’océan Indien et aux autres organismes régionaux impliquant toute la zone de l’océan Indien.

Cette consultation résulte avant tout de la volonté politique d’un homme, Nicolas Sarkozy. Il est vrai que l’ancien Président de la République Jacques Chirac a apporté sa part dans le dossier de Mayotte ; il a notamment indiqué à l’ancien député de Mayotte, Mansour Kamardine, qu’il était favorable à l’avancement d’un an ou de deux ans de la clause de rendez-vous de 2010 prévue pour cette consultation par la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte, consécutive à l’accord du 27 janvier 2000 sur l’avenir de Mayotte.

Et c’est fort de cet avis présidentiel que Mansour Kamardine a déposé un amendement avançant de 2010 à 2008 la date de cette consultation. En outre, l’ancien Président de la République a ajouté qu’il était également favorable à la mise en place d’un plan de rattrapage des minimas légaux applicables à Mayotte entre 2007 et 2010. L’absence d’un décret d’application et des financements nécessaires n’ont pas permis d’exécuter entièrement ce plan.

Mais, incontestablement, c’est à Nicolas Sarkozy que revient la part décisive dans l’aboutissement rapide de ce dossier.

D’abord, le Président de la République tient sa promesse en décidant d’organiser cette consultation le 29 mars 2009, par décret n°2009-67 du 20 janvier paru au Journal officiel de la République.

Ensuite, il envisage de se rendre à Mayotte, en 2009 nous l’espérons, pour partager ce moment historique avec les Mahorais.

Enfin, il porte moralement le pacte pour la départementalisation de Mayotte qui se donne pour ambition de réaliser l’égalité sociale avec la métropole et avec les autres départements d’outre-mer en une génération.

En cas de vote positif des Mahorais, ce document d’orientation retient le calendrier suivant.

En 2011, la concertation entre le Gouvernement et le conseil général de Mayotte devrait permettre de définir le calendrier et les modalités de transfert des compétences régionales et les ressources correspondantes.

Un plan de revalorisation des minima sociaux existants sera mis en place.

Les discussions entre la France et l’Union européenne se poursuivront en vue de faire de Mayotte une région ultrapériphérique de l’Europe avant 2013.

Les autres minima sociaux, dont le RSA, seront étendus à partir de 2012, à hauteur de 25 % de leur montant en métropole.

La fiscalité locale et la fiscalité douanière entreront en vigueur au 1er janvier 2014.

Le SMIC évoluera en fonction de la croissance économique.

L’État poursuivra ses efforts en matière d’intégration républicaine de manière à obtenir, à terme, un état civil fiable, une seule justice, l’égalité entre les hommes et les femmes, une maîtrise accrue de la langue française, un meilleur contrôle de l’immigration irrégulière.

Sur le plan économique, il faudra organiser la mise en œuvre du contrat de projet 2008-2014 et de certaines dispositions du plan de relance. Un fonds de développement économique, social et culturel sera mobilisé pour financer les opérations nouvelles. Tous les deux ans, un rapport évaluera l’impact des dépenses publiques et permettra les ajustements nécessaires.

Madame la ministre, mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, la départementalisation de Mayotte est une grande ambition partagée. Elle marque non pas la fin d’une époque, mais le début de l’avenir de Mayotte dans la République. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans ce débat crucial pour l’avenir de Mayotte, il m’est apparu indispensable d’intervenir au nom de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes afin de faire entendre la voix des femmes de Mayotte.

J’ai eu la chance de me rendre dans ce territoire en 1990 en qualité de secrétaire d’État chargée des droits des femmes. J’ai donc pu mesurer, lors de la visite que j’ai effectuée au mois de septembre avec la délégation conduite par le président Hyest, les progrès considérables qui ont été accomplis par la collectivité en termes de développement et la volonté de l’administration d’assurer une bonne gestion des affaires publiques.

J’ai aussi pu mesurer, comme les autres membres de la délégation, tout ce qu’il reste à faire pour parvenir à l’égalité des femmes et des hommes.

En effet, les femmes de Mayotte ne bénéficient pas encore d’une égalité de droits comparable à celle des femmes de métropole et de celle des autres collectivités d’outre-mer, donc des femmes de France. Or la départementalisation n’a de sens que si elle apporte aux Mahorais, et en premier lieu aux Mahoraises, une meilleure garantie de leurs droits et libertés.

Certes, dans la société mahoraise traditionnelle, la filiation est définie dans la lignée maternelle et la résidence de la famille est établie chez la mère, selon les principes de matrilinéarité et de matrilocalité. Mais de nombreux aspects du statut civil de droit local placent les femmes dans une situation d’infériorité par rapport aux hommes : polygamie, inégalité successorale, capacité testimoniale.

Les Mahoraises assument en outre de lourdes responsabilités familiales, souvent à un très jeune âge, ce qui entraîne l’interruption de leur scolarisation. De très jeunes filles ont parfois l’impression que leur vie est vouée à la seule obéissance. Elles rencontrent par conséquent davantage de difficultés que les hommes à s’assurer un avenir professionnel.

Les femmes ont cependant joué un rôle important dans le combat pour le maintien de Mayotte dans la République française, vous y avez fait allusion, madame la ministre.

Cette place des femmes dans l’histoire de Mayotte est symbolisée par le combat des Chatouilleuses. Ainsi, lorsque Zaïna M’Dére et Zaïna Méresse se sont engagées, dès les années soixante, pour une « Mayotte française », leur action a été saluée.

Avec elles, d’autres femmes, telles que Coco Djoumoi et Boueni M’Titi, ont mené des actions contre les autorités venant de la Grande Comore, en recourant à un moyen d’intervention original. Il s’agissait de chatouiller les officiels puisque, à leurs yeux et devant la maréchaussée, chatouiller n’était pas un délit. C’est toujours vrai !

Ces actions, qui s’inscrivaient dans un climat de tension, illustrent le courage et la rapidité d’action dont ont fait preuve les femmes de Mayotte.

Ces femmes mahoraises ont joué un rôle incontestable dans le maintien de Mayotte dans l’ensemble français. La mobilisation des Chatouilleuses a été déterminante et je mesure combien elles ont pu être déçues lorsque, dans les années soixante-dix, elles furent éloignées des postes à responsabilité et de la scène politique. Mais c’est si banal et cela se produit si souvent…

Saluons donc ces femmes à qui je veux rendre hommage. Nous avons été heureux de rencontrer celles qui incarnent encore cette action, lors de notre passage à Labattoir. Je remercie M. Adrien Giraud d’avoir organisé cette rencontre avant notre retour en métropole.

Nous avons pu malgré tout observer les signes d’une reconnaissance des femmes dans la vie politique puisque nous avons eu la chance de rencontrer, parmi les nouveaux maires élus en 2008, deux femmes courageuses et admirables : Mme Ramlati, maire de Pamandzi, et Mme Ibrahima, maire de Chirongui. Elles nous ont dit combien elles étaient démunies pour pouvoir accorder des aides sociales et combien cette situation leur semblait inacceptable.

Qu’en est-il aujourd’hui de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes à Mayotte ? Poser cette question, c’est poser la question du statut personnel.

Ce statut concerne essentiellement les droits de la personne et de la famille, ainsi que les droits patrimoniaux. Dans ces domaines, les Mahorais ayant conservé leur statut personnel sont soumis à des règles particulières : polygamie, possibilité de répudiation de la femme par le mari, inégalités des sexes en matière de droit successoral. Ils bénéficient en outre d’une exception de juridiction. Cependant, comme l’a souligné M. Détraigne, la grande majorité de la population méconnaît son propre statut.

Les Mahorais – c’est-à-dire les Français considérés comme originaires de Mayotte – musulmans sont automatiquement soumis au statut personnel dérogatoire tant qu’ils n’y ont pas renoncé, cette renonciation étant irréversible.

Le statut personnel en vigueur à Mayotte est un droit coutumier qui se réfère au Livre des croyants zélés, recueil d’aphorismes et de préceptes fondés sur la charia et qui emprunte des éléments aux coutumes africaines et malgaches.

Le statut civil de droit local ne peut être transmis que par deux parents ayant eux-mêmes conservé le statut personnel. Ainsi, une part importante de la population mahoraise échappe au statut personnel, souvent sans même en avoir conscience, ce qui peut d’ailleurs entraîner beaucoup de confusion.

En effet, l’acquisition ou la réintégration dans la nationalité française emporte l’accession au statut de droit commun. De même, le statut de droit commun se transmet automatiquement aux enfants mineurs d’un couple mixte.

Au fil du temps, le statut personnel a été rapproché du respect des droits fondamentaux.

D’abord, la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte avait précisé les règles de conciliation du statut civil de droit local avec celui de droit commun.

Ensuite, la loi de programme pour l’outre-mer de 2003 a mis fin à certains aspects du statut personnel qui n’étaient toujours pas compatibles avec les principes républicains. Souvenons-nous, mes chers collègues de la commission des lois, combien nous avions regretté qu’il ait fallu attendre si longtemps avant que ces dispositions ne soient prises.

Ces dispositions étaient les suivantes : limitation du champ d’application du statut personnel de droit local à l’état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités ; interdiction de la polygamie pour les personnes qui accèdent à l’âge requis pour se marier – 18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes, ou plutôt pour les filles, car ce sont encore de bien jeunes femmes – à compter du 1er janvier 2005 seulement ; interdiction de la répudiation unilatérale pour les personnes accédant, à compter du 1er janvier 2005, à l’âge requis pour se marier ; interdiction des discriminations entre enfants devant l’héritage, fondées sur le sexe ou sur le caractère légitime ou naturel de la naissance, pour les enfants nés après la promulgation de la loi de programme.

La loi du 26 mai 2004 relative au divorce a apporté des compléments à ces réformes.

Il s’agit d’avancées partielles, dont le seul rappel permet de mesurer le chemin qui reste à parcourir pour atteindre l’égalité de droits.

Le statut personnel est protégé par l’article 75 de la Constitution, mais certains de ses éléments sont contraires aux principes républicains et à la Convention européenne des droits de l’homme.

En 2003, le Conseil constitutionnel a considéré que, dès lors qu’il ne remettait pas en cause l’existence même du statut civil de droit local, le législateur pouvait adopter des dispositions de nature à en faire évoluer les règles dans le but de les rendre compatibles avec les principes et droits constitutionnellement protégés.

Il apparaît ainsi que le législateur ne peut contraindre les citoyens à renoncer au bénéfice de leur statut personnel, ni abolir ce statut. Mais l’article 75 de la Constitution ne fige pas le contenu du statut personnel, fort heureusement !

Le processus d’accès au statut de département et région d’outre-mer, si les Mahorais en font le choix le 29 mars prochain, doit permettre à Mayotte d’entrer pleinement dans la modernité.

L’évolution statutaire apportera des droits nouveaux et imposera aussi des devoirs nouveaux correspondant au respect des principes de notre République. Les Mahorais ne devront pas abandonner leur identité mais ils devront s’inscrire dans la pleine application des principes et des droits fondamentaux de notre République.

L’ancrage dans la République doit s’accompagner du respect de valeurs fondamentales comme l’égalité et la laïcité. C’est d’ailleurs un mouvement qui correspond à une aspiration de la population de Mayotte, en particulier des jeunes.

Ainsi, selon les personnes que nous avons rencontrées sur place, pour les affaires compliquées, les pensions alimentaires par exemple, les Mahorais préfèrent s’adresser à la justice de droit commun plutôt qu’à la justice cadiale, parce qu’ils savent que leurs droits y seront mieux défendus.

Par conséquent, de nouvelles modifications doivent être apportées au statut personnel afin de garantir aux personnes qui en relèvent les mêmes droits qu’aux personnes ayant le statut civil de droit commun.

Tout d’abord, comme le souligne la commission des lois dans son rapport d’information, les fonctions juridictionnelles et notariales des cadis doivent être supprimées.

Ensuite, l’âge légal du mariage des femmes ayant le statut personnel doit être porté à dix-huit ans.

Sur l’initiative du Sénat, la loi de 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a relevé l’âge légal du mariage des femmes de quinze à dix-huit ans. Mais l’élévation de l’âge légal du mariage des femmes ne s’applique qu’aux femmes ayant le statut civil de droit commun.

Les femmes relevant du statut civil de droit local peuvent encore être mariées à quinze ans par le cadi – c’est le petit mariage –, ce qui n’est plus acceptable. Je pense que MM. Adrien Giraud et Soibahadine Ibrahim Ramadani seront d’accord sur ce point. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à penser que le mariage à quinze ans n’est pas une solution pour nos enfants. Si Mayotte devient un département, l’âge du mariage défini par le droit commun devra s’y appliquer.

Se pose ensuite la question de la polygamie. Il apparaît que les nouvelles unions polygames doivent être interdites dès l’accession au statut départemental. Le respect de cette réforme essentielle pour le respect des droits des femmes suppose sans doute que la polygamie soit pénalisée, conformément au régime de droit commun, puisqu’elle est clairement interdite sur le territoire de la République.

Permettez-moi de m’éloigner quelque peu de la situation des femmes pour évoquer une autre question essentielle pour l’avenir de Mayotte, à savoir celle de sa jeunesse, puisque 71 % de la population a moins de 30 ans et que près de 80 000 habitants sur 180 000 sont scolarisés, ce qui est considérable.

Après avoir eu connaissance de ces chiffres, je me suis prise à penser aux pauvres élus du Massif central, qui luttent pour éviter la fermeture d’une école alors que ceux de Mayotte se débattent avec les services de l’État pour obtenir le financement nécessaire à l’ouverture d’une école.

Je profite de cette tribune, et je pense que tous mes collègues partagent mon appréciation, pour saluer le remarquable travail accompli par les autorités et par le recteur de Mayotte représentant les enseignants de l’éducation nationale.

L’accueil des enfants, qui est un défi majeur qu’ils pensent pouvoir relever, est assuré dans des conditions que nous avons tous trouvées remarquables.

Mais qu’en est-il en matière de protection des enfants en danger ? Les autorités n’ont pas mis en place une véritable politique. Le service d’aide sociale à l’enfance dispose de moyens financiers et humains très insuffisants. La protection des enfants en danger est pourtant une compétence majeure du département, qui n’a pas encore été mise en place à Mayotte et sur laquelle il faudra progresser.

Mme Dominique Versini, la défenseure des enfants, s’est émue de cette absence de prise en charge lors d’une récente mission et l’a fait connaître dans son rapport de novembre 2008.

Les phénomènes de déscolarisation s’amplifient, de même que les addictions à l’alcool et à l’herbe de cannabis – bangué –, ainsi que la prostitution de jeunes adolescentes en errance. Il n’existe pas de structure d’accueil des mineurs en grandes difficultés. Les enfants d’origine étrangère représentent une écrasante proportion de ces mineurs en rupture avec la société ; ils ont droit à toute notre attention.

Comme l’a dit aux membres de la délégation Mme Cris Kordjee, représentante de l’Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes, rappelant un proverbe mahorais, « les enfants sont les enfants du juge ».

Pour éviter l’aggravation de cette situation et un risque d’explosion, le conseil général doit créer très rapidement une ou des structures d’hébergement adaptées aux besoins pour le placement en urgence de mineurs en grande difficulté, et une solution alternative à l’incarcération pour les jeunes commettant des actes de délinquance. Il doit aussi renforcer les moyens financiers et humains du service d’aide sociale à l’enfance.

Tout porte à croire que les Mahorais feront le choix de la départementalisation, à laquelle ils aspirent depuis longtemps, ainsi que leurs élus. Ils feront alors le choix de la responsabilité et de l’égalité de droits entre les femmes et les hommes. Les Mahorais devront alors accepter que le statut personnel soit rendu entièrement compatible avec les principes de notre République.

Pour terminer, mes chers collègues, je dirai que l’enjeu de la consultation du 29 mars sera de bien faire comprendre à la population de Mayotte les profondes modifications qui résulteront du nouveau statut et de faire accepter les bouleversements que vivra toute la société lorsqu’elle entrera dans un autre rythme.

Il faut bien mesurer tous ces enjeux afin que nul ne soit déçu et que l’effort important auquel tous devront consentir, qu’il s’agisse de l’État français, des élus de Mayotte ou de la population, prenne son sens. J’ai confiance.

En tout cas, je souhaiterais que toutes les femmes de Mayotte y trouvent une véritable égalité et l’expression positive de leur bonheur. C’est un enjeu capital, et je suis fière d’avoir pu évoquer ce soir à cette tribune les figures de quelques-unes de ses grandes dames. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, de toute évidence, je serai ce soir dans l’hémicycle la voix dissonante au cours de ce débat.

Le poids de l’histoire pèse dans les relations entre la France et Mayotte. Vingt-cinq ans après l’accession de la République des Comores à l’indépendance, le statut de Mayotte est toujours sujet à débat et aujourd’hui plus particulièrement, puisqu’il est question de transformer Mayotte en département d’outre-mer.

Le débat que nous tenons ce soir précède l’organisation, le 29 mars prochain, d’un référendum sur la départementalisation de Mayotte.

Actuellement collectivité départementale depuis la loi du 11 juillet 2001, Mayotte pourrait ainsi devenir le cinquième département d’outre mer et le cent unième département français.

Le Gouvernement présente cette consultation référendaire comme la continuation logique de l’évolution du statut de Mayotte depuis 1976 mais, ce faisant, il occulte totalement l’histoire de Mayotte avec la France.

Le rapport d’information fait état d’une situation à Mayotte « porteuse de risques et d’inquiétudes » et évoque même « une situation potentiellement explosive », « la coopération avec l’Union des Comores [apparaissant] difficile, car celle-ci n’a jamais accepté que Mayotte devienne française. » Et pour cause : Mayotte n’est restée française que parce que la France l’a décidé de façon unilatérale !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah non !

Mme Éliane Assassi. En effet, la loi du 23 novembre 1974 a organisé une consultation d’autodétermination « des populations des Comores » et non de la population des Comores,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évidemment !

Mme Éliane Assassi. … afin de permettre le décompte des suffrages île par île.

Or, si les trois autres îles constituant les Comores que sont Anjouan, la Grande Comore et Mohéli se sont prononcées à une très large majorité en faveur de l’indépendance, Mayotte s’est prononcée à 63,82 % en faveur du maintien dans la République française.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Éliane Assassi. C’est sur ce fondement que la France a décidé unilatéralement de conserver Mayotte dans le giron de la République française et de mettre ainsi fin à l’unité de l’archipel des Comores.

Pourquoi une telle pression sur Mayotte, alors que le droit interne français avait jusque-là toujours reconnu l’unité des Comores ?

En effet, l’Assemblée nationale française, durant toute la période coloniale, a toujours traité les Comores comme une seule et unique entité composée par quatre îles principales à travers plusieurs lois : la loi du 25 juillet 1912 portant rattachement des îles de Mayotte, Anjouan, Mohéli et Grande Comore à Madagascar, et les lois du 9 mai 1946 et du 22 décembre 1961 relatives à l’organisation des pouvoirs publics aux Comores. Pourquoi donc remettre en cause, quinze ans plus tard, cette unité si ce n’est pour l’intérêt stratégique que représente Mayotte pour la France ?

Mayotte constitue en effet un emplacement stratégique pour les autorités françaises : contrôle maritime du canal du Mozambique par où transitent les deux tiers des exportations pétrolières en provenance du Moyen-Orient et possibilité d’y maintenir des bases militaires.

Mme Éliane Assassi. Au moins, je ne suis pas contredite sur cette question, monsieur Hyest !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je n’ai pas parlé !

M. Yves Détraigne, rapporteur de la mission d’information sur Mayotte. Il n’a rien dit ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Personne n’ignore qu’afin d’éviter que la population mahoraise n’opte pour l’indépendance la consultation de 1974 a été précédée de répressions, d’intimidations et de violences.

Comment ne pas remettre en cause le résultat de cette consultation qui, de toute façon, aurait dû être organisée pour la population des Comores et non île par île ?

Pour mémoire, rappelons que la résolution n° 1514 du 14 décembre 1960 de l’Assemblée générale de l’ONU affirmait que « tous les peuples ont un droit inaliénable à la pleine liberté, à l’exercice de leur souveraineté et à l’intégrité de leur territoire national » et déclarait que « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies ».

Faisant fi de cette résolution – comme de celles qui allaient suivre d’ailleurs –, le Gouvernement français de l’époque décida donc de morceler l’archipel des Comores en maintenant Mayotte dans la République.

Alors que les Comores accèdent à l’indépendance le 6 juillet 1975 à la suite d’une déclaration unilatérale du Gouvernement des Comores, la France ne reconnaît l’indépendance que des seules îles de Grande Comore, Anjouan et Mohéli par la loi du 31 décembre 1975.

Elle organise deux consultations de la seule population de Mayotte sur son maintien dans la République. En février 1976, si 99,4 % des suffrages exprimés se prononcent pour ce maintien, en avril 1976, ce sont 97,47 % des suffrages qui se prononcent contre le statut de territoire d’outre-mer. La loi du 24 décembre 1976 créera ensuite la collectivité territoriale de Mayotte, avec un statut sui generis provisoire.

Or ces deux consultations ont été condamnées par l’Assemblée générale des Nations unies dans sa résolution 31/4 du 21 octobre 1976 sur la question de l’île comorienne de Mayotte, dont le texte parle de lui-même… Il y est ainsi considéré : « que  les référendums imposés aux habitants de l’île comorienne de Mayotte constituent une violation de la souveraineté de l’État comorien et de son intégrité territoriale ; que l’occupation par la France de l’île comorienne de Mayotte constitue une atteinte flagrante à l’unité nationale de l’État comorien, membre de l’Organisation des Nations unies ; qu’une telle attitude de la France constitue une violation des principes des résolutions pertinentes de l’ONU, en particulier de la résolution 1514 de l’Assemblée générale du 14 décembre 1960 [...] ».

À ce titre, l’assemblée générale « condamne les référendums du 8 février et du 11 avril 1976 organisés dans l’île comorienne de Mayotte par le Gouvernement français et les considère comme nuls et non avenus, rejette toute autre forme de référendums ou consultations qui pourraient être organisés ultérieurement en territoire comorien de Mayotte par la France et condamne énergiquement la présence de la France à Mayotte ».

Au total, ce seront plus d’une vingtaine de résolutions des Nations unies qui condamneront la France pour sa politique envers Mayotte et l’occupation illégale de son territoire.

L’appartenance de Mayotte à la souveraineté française n’est reconnue ni par les Nations unies ni par l’Union africaine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle l’est par les Mahorais !

Mme Éliane Assassi. Ils en décideront au mois de mars.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous direz que c’est illégal !

Mme Éliane Assassi. Je n’ai jamais dit que j’étais contre le référendum, monsieur Hyest.

Vous ne pourrez éternellement réécrire l’histoire uniquement pour des raisons géostratégiques aux relents colonialistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui réécrivez l’histoire !

Mme Éliane Assassi. Et je suis moins sévère que certains, madame la ministre !

Pourtant, le Gouvernement français occultera toutes ces résolutions : aucune mention n’est faite de ces condamnations dans le rapport d’information de M. Hyest, pas plus que dans le compte rendu du conseil des ministres du 14 janvier 2009 à propos de l’organisation du référendum sur la départementalisation de Mayotte.

Contrairement à ce qui a été dit, la communauté internationale n’est pas restée silencieuse depuis dix ans, puisque les ministres africains des affaires étrangères ont condamné à l’unanimité l’organisation du référendum et exigent l’arrêt immédiat de ce processus.

Dans une décision prise au début du mois, l’Union africaine demande l’instauration immédiate d’un dialogue entre l’Union des Comores et la France en vue de définir ensemble les modalités du retour de Mayotte dans l’Union des Comores.

Ce référendum, qui doit être considéré, comme la consultation du 2 juillet 2000 sur l’accord relatif à l’avenir de Mayotte, comme nul et non avenu, tout autant que la départementalisation ne font que traduire la position néocolonialiste de la France à l’égard de Mayotte, en violation flagrante du droit international.

La départementalisation entérine le morcellement de l’archipel des Comores, au détriment de la population comorienne et de la stabilité institutionnelle et politique de l’archipel, dans le seul but de conserver la mainmise sur l’archipel et de maîtriser toute velléité indépendantiste.

Les Mahorais sont demeurés profondément Comoriens par la culture, la langue et la religion. Ce sont les mêmes familles qui peuplent les quatre îles de l’archipel.

Pourtant, ce sont ces mêmes familles comoriennes qui sont considérées comme des clandestins lorsqu’elles se rendent à Mayotte, ce que les rapporteurs de la mission d’information traduisent par le fait que Mayotte est « confrontée à une forte pression migratoire en provenance des îles composant l’Union des Comores ».

Il convient de rappeler que le visa «Balladur » a crispé les relations entre les îles de l’archipel, en créant une frontière artificielle qui sépare Mayotte de ses sœurs. Chaque année, ce sont donc des milliers de Comoriens qui tentent d’accéder à Mayotte sur des embarcations de fortune et qui, pour certains, perdent la vie dans cette traversée désespérée de l’Archipel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comment cela se fait-il, d’après vous ?

Mme Éliane Assassi. Depuis l’instauration du visa « Balladur » en 1994, près d’un millier de Comoriens meurent chaque année dans des naufrages entre Mayotte et Anjouan, l’île la plus proche.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

Mme Éliane Assassi. La France engage sa responsabilité dans ces drames, tout autant que dans la gestion désastreuse de l’immigration à Mayotte.

Les chiffres sont éloquents : 13 990 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière en 2007. Sur ces 13 990 personnes, 13 829 sont Comoriennes. Autrement dit, ces femmes et ces hommes, Comoriens, qui tentent de se rendre sur un territoire qui doit être considéré comme comorien au regard du droit international, sont considérés comme des clandestins chez eux !

Ils se retrouvent pourtant parqués, entassés dans un centre de rétention administrative que la Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie en 2003 par ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat, a jugé « indigne de la République ».

Aujourd’hui rien n’a changé : une vidéo, tournée récemment par un agent de la police de l’air et des frontières, montre en effet que ces Comoriens « clandestins » sont toujours aussi nombreux : 200 pour un nombre de place estimé à 60. Quelques matelas jonchent le sol de deux salles exiguës séparant hommes et femmes ; les enfants dorment à même le sol aux côtés de leur mère : aucun endroit ne leur est spécifiquement adapté ; les restes des repas côtoient les poubelles, etc. Je m’arrêterai là dans cet inventaire de la honte.

Les conditions de rétention sont tout simplement inhumaines.

Le pire est que le rapport d’information souligne qu’« une forte proportion des personnes reconduites aux Comores reviennent à Mayotte à court ou moyen terme » ; comment voulez-vous qu’il en soit autrement puisque les Comoriens ont des liens indéfectibles avec Mayotte !

La départementalisation ne réglera en rien ce problème, puisqu’elle va accroître les écarts entre les populations des trois îles des Comores et Mayotte.

Si Mayotte devait devenir un département d’outre-mer, l’avenir qui se profile n’est en rien porteur d’espoir pour la population mahoraise.

En effet, l’assimilation au corpus républicain devra supposer, selon les termes du rapport, « un effort d’acculturation » ; le but est donc bien de couper tout lien culturel avec les îles sœurs d’Anjouan, de Grande Comore et de Mohéli, en contradiction avec les résolutions de l’ONU.

De plus, d’un point de vue social, c’est une départementalisation au rabais qui est prévue par le Gouvernement. Je pense notamment à la mise en œuvre du RMI et du SMIC, qui va se faire non seulement de manière progressive mais, de surcroît, sur une base inférieure à celle qui est applicable en métropole.

Sous prétexte que « la départementalisation ne doit pas […] ajouter des bouleversements et des frustrations provoqués par une élévation artificielle des niveaux de vie », selon les termes du rapport d’information, il ne paraît « pas envisageable que les habitants de Mayotte disposent immédiatement de l’ensemble des transferts sociaux en vigueur dans les départements de métropole ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Votre propos est incohérent ! Si vous estimez qu’ils sont Comoriens, pourquoi leur donner quelque chose ?

Mme Éliane Assassi. Cette décision relève du vieux réflexe colonialiste de l’envahisseur blanc, qui sait ce qui est bon pour les populations indigènes locales. Nous ne voulons pas soutenir une telle politique et accompagner une départementalisation contraire au droit international. (Mme la ministre, M. le président de la commission et M. le rapporteur de la mission d’information s’exclament.)

La France doit assumer son passé colonial et non l’occulter. Elle s’honorerait de soutenir une politique de développement des quatre îles des Comores, y compris avec l’aide de l’Union européenne, afin de contribuer au développement de toutes les Comores et de construire ainsi les conditions sociales, économiques et politiques de l’affirmation d’une unité des Comores.

Pour terminer, je tiens à indiquer que le point de vue que je viens d’exprimer est celui des élus communistes républicains et citoyens, mais non celui des sénateurs du Parti de gauche.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout, ce point de vue dénote une bonne connaissance de Mayotte ! (Sourires ironiques.)

M. Yves Détraigne, rapporteur de la mission d’information sur les Comores. C’est une réécriture de l’histoire !

Mme Éliane Assassi. Ne refaites pas l’histoire comme vous souhaiteriez qu’elle se soit passée !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui refaites l’histoire ! Mais c’est habituel…

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous nous attendions, de la part de notre collègue du groupe communiste, à un discours dissonant. Mais ce ne fut pas un discours dissonant, ce fut un discours d’outre-tombe ! J’ai cru entendre Georges Marchais évoquant, voilà trente ans de cela, l’avenir des quatre départements d’outre-mer…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Ma chère collègue, vous êtes sénatrice de la République française : vous n’êtes pas là, nous ne sommes pas là pour instruire un procès contre la France.

Mme Éliane Assassi. Quand il le faut, je le fais !

M. Jean-Paul Virapoullé. Prenez donc l’avion et venez voir sur place !

Mme Éliane Assassi. Je viendrai, ne vous inquiétez pas !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je le dis avec force, je le dis avec conviction, et je le répéterai autant que nécessaire : la France peut être fière d’avoir sorti de la misère et de l’exploitation les quatre départements français d’outre-mer. Aujourd’hui, malgré les manifestations, malgré les problèmes qu’il reste à résoudre, malgré les différences et les difficultés inhérentes à notre situation, à notre isolement, à notre éloignement, nous sommes des îlots de prospérité au cœur de bassins de misère.

Nous sommes fiers de ce que la France a réalisé dans ces quatre départements sur le plan de la santé, sur le plan de l’éducation, sur le plan de l’équipement, sur le plan du logement, sur le plan du développement : nous avançons vers le progrès, vers la liberté, vers la dignité.

Il est normal que les Mahorais aspirent à s’engager eux aussi sur ce chemin de la prospérité. Et quand la France dit oui à Mayotte, elle ne démantèle pas la République des Comores ; elle respecte le droit des peuples à s’émanciper par la voie qui leur convient.

Nous aussi, dans les années 1960, aux côtés notamment de l’illustre Michel Debré, nous avons emprunté ce chemin, et je suis heureux que tous les Présidents de la République qui se sont succédé, sous quelque étiquette politique qu’ils aient été élus, aient choisi de conforter la départementalisation des quatre départements d’outre-mer.

À nous aussi, dans les années soixante, lorsque le général de Gaulle a entrepris de libérer les anciennes colonies, s’offraient deux voies : celle de l’autonomie, qui a conduit la plupart du temps à l’indépendance, et celle de l’intégration, adaptée, progressive, à la mère patrie.

Nous avons choisi la seconde. Aujourd’hui, connaissez-vous encore beaucoup de Français habitant l’un de ces quatre départements d’outre-mer qui réclament l’indépendance ? Avez-vous vu beaucoup de Réunionnais quitter la Réunion pour Madagascar ? Avez-vous vu beaucoup de Mahorais quitter Mayotte pour la Grande Comore ? Avez-vous vu beaucoup d’Antillais quitter leur île pour Saint-Domingue ? Non !

Mme Éliane Assassi. Ils viennent ici !

M. Jean-Paul Virapoullé. C’est qu’il fait bon vivre en France !

Mme Éliane Assassi. Parlez-en aux Guadeloupéens et aux Martiniquais, surtout aujourd’hui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Oui, je parlerai des Guadeloupéens, des Martiniquais, des Guyanais, et peut-être même des Réunionnais !

Les Mahorais doivent le savoir : la départementalisation n’est pas un miracle qui se produit, comme ça, par le simple vote d’une loi. C’est un très long chemin, un chemin sur lequel j’ai la chance d’avancer depuis près de quarante ans maintenant, depuis mon premier mandat électif.

Je suis fier d’avoir été un adversaire de l’indépendance des quatre départements d’outre-mer, je suis fier d’avoir mené tous ces combats qui, peu à peu, ont permis aux Réunionnais de voir leur niveau de vie progresser, ont permis à des jeunes dont les parents se rendaient dans les champs de canne sans chaussures et touchaient des salaires de misère d’être aujourd’hui des médecins, des ingénieurs, des commerçants, des ouvriers et d’avoir des revenus dignes de Français.

Avant d’en venir à Mayotte, je ferai un détour par la Martinique et la Guadeloupe.

Il est normal qu’aujourd’hui se joue un nouveau combat pour l’égalité économique, pour l’égalité devant le pouvoir d’achat. Il y a eu le combat pour l’égalité sociale : nous étions des milliers dans la rue. Il y a eu le combat contre le statut d’autonomie, c’était en 1981-1982 : nous étions des milliers dans la rue. À la Réunion, il y a eu le combat contre la bidépartementalisation, qui était une aberration : Anne-Marie Payet s’en souvient, nous étions des milliers dans la rue. Aujourd’hui, madame la ministre, nous estimons que les taxes, que dis-je ! que les marges coloniales que perçoivent les compagnies pétrolières, que les marges coloniales que s’octroient les oligopoles de la grande distribution pèsent injustement sur le pouvoir d’achat des Domiens et n’ont plus de raison d’être.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Nous allons bientôt discuter du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, la LODEOM. Ce sera l’occasion, madame la ministre, de décoloniser économiquement certaines branches des départements d’outre-mer, car c’est indispensable.

Tel est le sens, ma chère collègue, qu’il faut donner aux manifestations de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane ; tel est le sens de la mobilisation qui se prépare à la Réunion.

Songez, mes chers collègues, que, saisi par Air France, concernée par les prix du kérosène, le Conseil de la concurrence a récemment estimé qu’à la Réunion la fixation des prix des produits pétroliers reposait sur un index, appelé l’index Caltex Bahrein, qui – écoutez bien, madame la ministre ! –, qui n’existe pas… Cet index n’est rien d’autre qu’un abus de position dominante permettant une majoration qui fausse le prix des produits.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Le Conseil de la concurrence a condamné les pétroliers à 41 millions d’euros d’amende ; c’est bien qu’il y a matière à défiler, c’est bien qu’il y a matière à protester !

Il faut donc saisir la justice. Ce gouvernement a eu le mérite, à votre demande, madame la ministre, et à la demande de M. Jégo, de mettre en place une mission d’inspection sur le prix des produits pétroliers : tirons-en ensemble, le moment venu, toutes les conclusions !

Le transport, nous dit-on, coûte cher. Mais, avec la mondialisation, le transport maritime coûte de moins en moins cher ! Pourquoi les prix des produits, sur les rayons des supermarchés, sont-ils aussi élevés si ce n’est du fait d’ententes illicites, d’abus de position dominante ? La population demande justice, faisons-lui justice !

Il ne s’agit pas d’un changement de statut, il ne s’agit pas d’un mal-vivre lié à l’exploitation par la France ; c’est une juste revendication qui pousse les Guadeloupéens et les Martiniquais dans la rue. Dans le processus de départementalisation, l’amélioration du pouvoir d’achat est le prochain combat qu’ils doivent mener, que nous devons mener avec eux, et que, comme bien d’autres auparavant, nous devons remporter.

Venons-en à Mayotte. Je veux vous saluer, vous, nos compatriotes et frères mahorais, nos voisins – nombre d’entre vous sont venus habiter à la Réunion –, vous qui avez voté l’avancée vers la départementalisation. Vous n’êtes pas plus que les Comoriens, mais vous n’êtes pas moins que les Comoriens ! Ceux-ci ont voulu l’indépendance, et leur vote doit être respecté ; la logique voudrait que, de la même manière, soit respecté le vote des Mahorais, qui ont choisi la France.

Je voudrais à ce propos saluer le travail de nombreux parlementaires français. Mme Goulet connaît l’importante contribution de son mari, qui, dès les débuts, était aux côtés de mon frère Louis, aux côtés d’Alain Poher, président du Sénat, pour mener cette œuvre, à une époque où rares étaient ceux qui croyaient à la volonté de Younoussa Bamana, de Marcel Henry, d’Henry Jean-Baptiste. Bien d’autres également – je ne saurais les citer tous – se sont tenus à vos côtés, mes chers collègues de Mayotte qui prenez aujourd’hui le relais, vous, les combattants de la liberté et de l’égalité.

Je vais être bref, mais je vais essayer d’être franc. La départementalisation, je l’ai dit, n’est pas un miracle. Pour la réussir, il faut d’abord respecter l’identité culturelle de Mayotte. C’est le premier principe que m’avait enseigné Michel Debré lorsqu’il commençait à être question de la départementalisation : « Jean-Paul, m’avait-il dit, la départementalisation, ce n’est pas l’assimilation. » L’assimilation, c’est inévitable, conduit à l’éclatement de l’identité culturelle ; l’éclatement de l’identité culturelle d’une région aboutit à la révolte.

La départementalisation respecte l’identité culturelle, la départementalisation est adaptée, la départementalisation est progressive : soixante ans après le vote de la loi de départementalisation, les DOM ne l’ont pas encore totalement atteinte, notamment sur le plan économique.

Il faut également prendre certaines précautions.

La première précaution, c’est l’adaptation du rythme entre égalité sociale et développement économique. Ce fut le plus difficile à réaliser dans les quatre DOM, et ce sera le plus difficile à réaliser à Mayotte, territoire exigu et surpeuplé.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Que le développement économique doit entraîner l’égalité sociale, et non l’inverse. Sans un début de développement économique, l’égalité sociale sera plaquée sur Mayotte et aboutira à l’asphyxie de son économie, à la crise, à la révolte, notamment des jeunes qui ne trouveront pas d’emploi dans leur pays. Les Mahorais doivent prendre les rênes de leur développement économique, comme nous avons tenté de le faire, et plutôt avec succès, à la Réunion.

Je le dis à mes collègues mahorais et à tous ceux qui sont venus de Mayotte et nous écoutent : nous, Réunionnais, sommes prêts, dans le domaine agricole, dans le domaine du bâtiment et des travaux publics, à contribuer à la formation des Mahorais, à travailler avec vous au développement de ces filières.

Si vous demandez l’égalité sociale avant que le développement économique ne s’amorce, ce sera mettre la charrue avant les bœufs. En revanche, quand elle est adaptée, quand elle est progressive, quand elle respecte le rythme du développement, l’égalité sociale est une nécessité ; alors, elle devient le support du développement économique.

La deuxième précaution indispensable à prendre, c’est l’analyse des erreurs que nous-mêmes, dans les quatre DOM, avons commises tout au long de ces soixante années de départementalisation. Bien sûr, madame la ministre, je n’ai pas de conseil à vous donner ; je crois cependant que vous devriez nommer à cet effet une mission, ou quelque chose de semblable. Consultez-nous, demandez aux préfets qui ont servi là-bas les erreurs qu’ils ont décelées, et ne les reproduisez pas à Mayotte ! Vous gagnerez du temps, vous gagnerez de l’argent, vous gagnerez en efficacité.

Je pense même qu’un conseil de coordination de la départementalisation de Mayotte devrait harmoniser l’action de tous les ministères dans le nouveau département. La coordination nous a manqué ; tous les ministères n’avancent pas au même rythme !

Enfin, je voudrais vous montrer tout le travail qu’il reste à faire sur le plan économique.

Pour ce qui est de la pêche, vous possédez l’un des plus beaux lagons au monde, et l’élevage de poissons représente certainement une richesse importante pour vous.

Sur le plan touristique, les possibilités sont plus limitées compte tenu de la superficie du territoire, mais les potentialités sont réelles, notamment du fait des touristes qui viennent par leurs propres moyens, sur leur propre voilier.

En ce qui concerne l’agriculture, je citerai quelques chiffres.

Mes chers compatriotes de Mayotte, chaque année, vous consommez 7900 tonnes de viande de volaille et en produisez seulement 60 tonnes. Votre consommation n’est donc couverte qu’à hauteur de 1,30 %. De grâce, élevez des poulets, ce n’est pas difficile ! Et ce n’est pas parce que je m’appelle Virapoullé que je vous le dis ! (Sourires.)

Vous consommez 4000 tonnes de viande de bœuf – un produit qui, pour le coup, est plus difficile à obtenir ! – et en produisez 225 tonnes.

Vous consommez 15 millions de litres de lait et en produisez 1,5 million.

Vous ne faites pratiquement pas pousser de légumes, qui sont tous importés.

Vous n’êtes guère autonomes que pour les œufs, puisque vous produisez 98 % de ceux que vous consommez. Comme quoi, le travail paye !

Il faut donc créer des filières, qui ont fait la preuve de leur efficacité. À la Réunion, des taxes ont été instituées sur les importations, avec l’accord des entreprises concernées. Leur recette est versée à une caisse et sert à encourager la production locale. Aussi, l’île est quasiment autonome dans de nombreux domaines.

Je vous propose donc de créer, dans le cadre du conseil de coordination, un partenariat entre la Réunion et Mayotte, afin de favoriser, dans le domaine du bâtiment, de l’agriculture et de l’action sociale, l’intégration progressive des Mahorais à la France.

La réussite de cette intégration est le gage de la pérennité de la présence française dans l’océan Indien. En effet, et je conclurai sur ces mots, nous avons tout intérêt à comprendre que nous sommes une chance pour la France, de même que celle-ci est une chance pour nous !

Monsieur Hyest, n’êtes-vous pas heureux, en tant que sénateur français, que Mayotte constitue une position géostratégique clef pour la France ? (M. le président de la commission des lois acquiesce.) Pour ma part, j’en suis ravi, de même que je me félicite que la France puisse compter sur la biodiversité, l’espace maritime, les énergies renouvelables et les autres richesses de la Réunion. L’outre-mer est un atout pour la France, la France est une chance pour l’outre-mer !

Telle est l’évolution que nous souhaitons. Je suis heureux que les Mahorais aillent bientôt aux urnes, je respecterai leur vote, et, tous ensemble, nous en tirerons toutes les conséquences.

Seuls 3 % des Français désapprouvent le processus de départementalisation, ce qui signifie que la quasi-unanimité de nos concitoyens souhaite élargir la famille française à Mayotte, cent unième département français ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’éprouve presque quelques scrupules à reprendre la parole à cette heure tardive, d’autant que, à une exception près, toutes les interventions ont été extrêmement intéressantes, positives, riches d’idées et de suggestions qui devraient permettre, à l’avenir, de donner toutes ses chances à Mayotte.

Néanmoins, je répondrai rapidement aux questions qui ont été soulevées, par courtoisie pour les orateurs.

Tout d'abord, s'agissant du déroulement de la consultation référendaire, qui a été évoqué par M. le président de la commission des lois, mais aussi par M. Détraigne et par Mme André, je souhaite, en effet, que les Mahorais soient pleinement informés des conséquences de la départementalisation. Ils doivent savoir quels changements celle-ci provoquera dans leur vie quotidienne, qu’ils soient positifs ou négatifs pour certains.

C’est pourquoi j’ai tenu à ce que des documents d’information, rédigés dans les trois langues parlées sur l’île, soient adressés à chaque foyer.

C’est pourquoi également le préfet, à ma demande, se rend dans les communes afin de présenter à la population, en toute impartialité – j’ai bien insisté sur ce point –, les enjeux liés à la départementalisation, au cours de réunions publiques, qui sont d'ailleurs très suivies.

En effet, comme vous l’avez tous souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, la départementalisation entraînera des changements considérables à Mayotte, notamment en ce qui concerne l’état civil, dont la mise en place constitue d'ailleurs un préalable à d’autres réformes.

Il est vrai, comme l’ont souligné M. Hyest, M. Détraigne et les deux sénateurs de l’île, MM.  Giraud et MM. Ibrahim Ramadani, que la commission de révision de l’état civil, la CREC, a accumulé beaucoup de retard, alors même que la mise en place d’un état civil complet et fiable conditionne la réussite de la départementalisation.

Aussi, pour répondre à M. Détraigne, qui m’a interrogé sur ce point, je puis vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le nouveau président de la CREC sera nommé dans les deux mois et que le secrétaire général de cette institution est sur le point d’être désigné.

De même, des mesures de réorganisation interne ont été arrêtées pour améliorer le rendement de la commission. Une opération interservices sera organisée en 2009 dans toutes les communes de l’île, afin d’inciter les Mahorais qui le souhaitent à saisir la commission.

De toute façon, à la fin de l’année 2008, j’ai donné instruction aux préfets de ne pas exiger systématiquement, lors du renouvellement des titres d’identité, la décision délivrée par la CREC.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, c’est inutile puisque ce document a déjà été présenté !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ainsi, me semble-t-il, nous pourrons à la fois apporter une réponse aux difficultés que rencontrent aujourd'hui les Mahorais et que vous rappeliez tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, et nous efforcer de rattraper le retard qui a été pris.

L’évolution du statut de l’île affectera également la justice cadiale, qui doit être supprimée, comme MM. Hyest et Détraigne l’ont rappelé. Le juge de droit commun traitera de l’ensemble des affaires, y compris celles qui relèveraient du droit local, dès lors que certains éléments de ce dernier subsisteront. Par ailleurs, j’ai souligné tout à l'heure que les cadis seront appelés à exercer d’autres fonctions, par exemple celles de médiateurs.

Pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes, sur laquelle Mme André a justement insisté, après que M. Hyest l’eut évoquée, la réforme du statut personnel est tout à fait indispensable. La départementalisation parachèvera les évolutions en cours.

Madame André, j’ai été heureuse de vous entendre citer les noms de quelques-unes des femmes que j’ai pu rencontrer lors de mes nombreux séjours à Mayotte, où je me rends depuis un peu plus de trente années.

Ces femmes ont fait l’histoire de Mayotte. Non seulement elles ont toujours défendu le rattachement de Mayotte à la France, mais elles ont exprimé leur fierté de vivre sur une île qui accueillit un temps la capitale des Comores. C’est d'ailleurs lorsque la capitale de l’archipel fut transférée de Dzaoudzi à Moroni que les Chatouilleuses, évoquées par Mme André, ont mené certains de leurs combats les plus fameux.

Je ne reviendrai pas sur l’interdiction de la polygamie, qui a déjà été rappelée.

Madame André, vous avez insisté sur la situation des enfants mineurs. J’ai toujours été frappée à Mayotte par la place accordée aux enfants et l’attachement que les familles leur témoignaient. Il est vrai que la situation a quelque peu changé et que certains enfants doivent aujourd'hui recevoir une aide sociale, notamment ceux qui se trouvent délaissés, voire complètement abandonnés, après qu’ils sont arrivés étrangers sur l’ile. Les services de l’État doivent intervenir pour mettre fin à certaines dérives. De même, les associations ont un rôle important à jouer en la matière, en lien étroit avec la justice.

La départementalisation pose également le problème de l’intégration des agents publics mahorais dans la fonction publique, comme l’a souligné M. Détraigne.

La loi a posé le principe de l’intégration, au plus tard le 31 décembre 2010, des agents publics mahorais. Selon leur niveau et leur indice, ceux-ci rejoindront soit les corps de la fonction publique, soit, s’ils se trouvent au bas de l’échelle des carrières, des corps spécialement créés, à titre transitoire, et appelés « corps passerelles ».

Jusqu’à présent, le système des « corps passerelles » n’a pas très bien fonctionné, c’est le moins que l’on puisse dire. Aussi, en décembre 2008, le Gouvernement a proposé un certain nombre de mesures destinées à le rendre plus attractif. Le préfet a engagé sur cette base des négociations, qui se poursuivent et qui ont déjà permis certaines avancées. Il est nécessaire à présent d’aller plus loin encore.

J’en viens au grand enjeu de la départementalisation, que M. Virapoullé a évoqué avec son talent et sa passion coutumiers, ainsi d'ailleurs que MM. Giraud et Ibrahim Ramadani : le développement économique de Mayotte.

Monsieur Virapoullé, nous avons effectivement tout intérêt à étudier les échecs des autres pays, qui sont parfois plus instructifs que leurs réussites !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vive les études d’impact ! (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En ce qui concerne la nécessaire coordination entre les administrations, je vous signale que la RGPP, la révision générale des politiques publiques, qui renforce l’autorité du préfet sur les services, permettra de résoudre les problèmes posés par la trop grande autonomie des services. Nous avons donc déjà accompli des progrès sensibles, me semble-t-il.

Monsieur Giraud, le contrat de projet 2008-2014 prévoit la construction d’équipements qui contribueront au développement de l’île. Certaines infrastructures sont en effet indispensables, que ce soit pour promouvoir le tourisme ou, tout simplement, pour encourager les échanges. Je pense, en particulier, à la réalisation d’une piste longue à l’aéroport de Dzaoudzi, qui est réclamée depuis longtemps par les acteurs locaux, et d’un nouveau quai au port de Longoni.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait ! Ce sont des équipements indispensables.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Fonds de développement économique et social, que j’ai déjà évoqué, nous permettra de dégager les moyens nécessaires à la réalisation des grands projets d’infrastructures.

D'ailleurs – j’y insiste, car j’ai oublié de mentionner ce point tout à l'heure –, le plan de relance de l’économie qui est mis en œuvre en ce moment prévoit de lancer des travaux à Mayotte, notamment dans le domaine scolaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il permettra donc d’accompagner le développement de l’île.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’aborderai pour conclure la question des relations avec les Comores, qui a été évoquée en des termes divers par certains d’entre vous.

Je tiens à le dire d’emblée, la départementalisation ne se fait pas contre les Comores. Il s’agit simplement de reconnaître cette liberté fondamentale que constitue le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Madame Assassi, j’ai bien vu que vous lisiez un discours, fort proche, d’ailleurs, de celui qu’a lu, lui aussi, votre collègue député à l’Assemblée nationale. J’ai bien senti qu’ils étaient tous deux inspirés par cette même nostalgie stalinienne d’une Union soviétique imposant l’unité à tant de peuples pendant des décennies !

Mme Éliane Assassi. Ne soyez pas agressive !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour notre part, c’est un principe que nous avons toujours combattu, au nom de la liberté.

Mme Éliane Assassi. Il y a une opposition à la départementalisation, il n'y a pas d’homogénéité !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est au nom de la liberté que le choix des Mahorais doit être respecté. Et il le sera ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Éliane Assassi. Alors, laissez tout le monde s’exprimer !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Assassi, je vous ai entendu dire des contrevérités. Figurez-vous qu’en 1974 j’ai occupé des fonctions au cabinet du ministre de l'outre-mer, ce qui m’a valu de participer non seulement aux négociations d’alors, mais aussi à la rédaction, d'une part, de l’acte d’indépendance des Comores à la demande de leur président, et, d'autre part, de la Constitution de la République islamique des Comores.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je sais les conditions dans lesquelles on a donné aux Mahorais la possibilité de choisir leur devenir. Contrairement à ce que vous dites, il n’y a eu ni violences ni pressions.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les Mahorais !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qu’est-ce que vous connaissez de Mayotte ?

Mme Éliane Assassi. Et vous, qu’est-ce que vous connaissez de la Seine-Saint-Denis ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour avoir été témoin de ces événements, je peux en parler. Je n’admettrai jamais que l’on profère ainsi des contrevérités, dans le seul but de dénigrer la France ! Madame Assassi, soyez-en sûre, vous pourrez toujours répéter à l’envi de telles contrevérités, vous n’en ferez jamais une réalité ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Heureusement, pour vous, que le ridicule ne tue pas ! (Mme Éliane Assassi proteste.)

Cela étant dit, des propos beaucoup plus intéressants et beaucoup plus positifs ont été tenus. Parallèlement à la départementalisation, il convient en effet de développer la coopération, qui en est le corollaire.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le Président de la République et le Président de l’Union des Comores ont mis en place une structure à cet effet, le Groupe de travail de haut niveau, qui doit permettre de mieux contrôler les flux migratoires et de lancer des projets communs, tels que la construction d’un hôpital à Anjouan. Nous entendons renforcer la coopération entre nos deux pays, pour peu que les Comores renouent avec la stabilité politique et la démocratie.

Il ne faut cependant pas s’arrêter à cet archipel. Comme vous l’avez souligné, monsieur Virapoullé, c’est une coopération élargie aux pays de l’océan Indien qu’il nous faut envisager, car nous avons tous des besoins et des intérêts communs. La départementalisation va nous permettre de faire évoluer positivement l'ensemble des pays de la zone et d’y conforter l’image de la France. Comme par le passé, notre pays demeurera ainsi fidèle à ses engagements, à ses principes et à ses valeurs ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 216 et distribuée.

Madame le ministre, mes chers collègues, j’ai été particulièrement heureux de présider cette séance, au cours de laquelle j’ai pu vraiment apprécier l'ensemble des interventions.

6

Dépôt de propositions de loi

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Michel Baylet une proposition de loi relative à la reconnaissance officielle de la date anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962 comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 217, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

M. le président du Sénat a reçu de MM. Yvon Collin, Michel Charasse, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, Jean-Pierre Chevènement, François Fortassin, Daniel Marsin, Jacques Mézard, Jean Milhau, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Plancade, Robert Tropeano et Raymond Vall une proposition de loi visant à exclure du dispositif de service d’accueil les communes de moins de 2 000 habitants.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 219, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

Dépôt d'une proposition de résolution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Hugues Portelli une proposition de résolution, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l’article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive facilitant l’application transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière (n° E-3823).

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 218, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 février 2009 :

À dix heures :

1. Questions orales.

(Le texte des questions figure en annexe).

À seize heures et le soir :

2. Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 183, 2008-2009).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 196, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 13 février 2009, à zéro heure quinze.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD