compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

Mme Anne-Marie Payet.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Mises au point au sujet de votes

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin n°88 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

À la suite d’une erreur matérielle, mon collègue Gilbert Barbier a été déclaré comme n’ayant pas pris part au vote alors qu’il souhaitait voter pour le projet de loi ordinaire, conformément à son vote sur le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Les deux scrutins nos 88 et 89 se sont succédé et il apparaît assez normal que, sur ces deux textes, son vote soit identique. Cette règle est d’ailleurs valable pour notre collègue Gilbert Barbier comme d’ailleurs pour tous les membres de mon groupe, qu’ils se soient abstenus, aient voté pour ou contre.

Je demande donc, madame la présidente, que cette rectification soit prise en compte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, lors du vote par scrutin public n°88 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, M. Jean-Paul Virapoullé a été déclaré comme ne prenant pas part au vote, alors qu’il avait souhaité voter pour. Je vous remercie de bien vouloir prendre en compte cette mise au point.

Mme la présidente. Mes chers collègues, acte vous est donné de ces mises au point au sujet de votes. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.

Mes chers collègues, je vous rappelle que toutes les discussions inscrites à la séance d’aujourd'hui interviennent dans le cadre de l’ordre du jour réservé.

3

 
Dossier législatif : proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Discussion générale (suite)

Abrogation de la loi instituant un droit d'accueil à l'école

Adoption des conclusions du rapport d’une commission rejetant une proposition de loi

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi abrogeant la loi n° 2008-790 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire, présentée par Mme Brigitte Gonthier-Maurin et les membres du groupe CRC-SPG (nos 147, 166).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la proposition de loi.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires, votée en urgence l’été dernier, se révèle génératrice de difficultés non négligeables.

Depuis sa promulgation, l’application de cette loi a suscité de nombreuses interrogations, auxquelles le ministère n’a pas apporté de réponse. Elle a également donné lieu à un grand nombre de recours juridiques, des préfets ayant assigné en justice des maires qui n’avait pas appliqué ce service minimum.

En effet, de nombreuses communes n’ont pas organisé ce service ou ont rencontré des difficultés pour le faire, et ce pour de multiples raisons. Certaines communes considèrent qu’il n’est pas de leur compétence de fournir un tel service ou d’assumer les conséquences des différends entre l’État et ses fonctionnaires. De nombreuses autres estiment que les moyens pratiques ne sont pas réunis pour assurer de bonnes conditions de sécurité et un encadrement de qualité.

Ces difficultés étaient prévisibles. Nous les avions largement soulevées lors du débat devant notre assemblée. L’usage vient, en quelque sorte, confirmer nos craintes.

Le 27 novembre dernier, lors du congrès des maires de France, le Président de la République a d’ailleurs évoqué un aménagement de cette loi.

Le rapport que M. Richert va nous présenter dans quelques instants conclut à une absence de « vice législatif ». Je ne partage pas cet avis,…

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. C’est bien dommage !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … car, à mon sens, les difficultés rencontrées découlent bien des dispositions de la loi.

De fait, les maires sont confrontés à plusieurs écueils.

Tout d’abord, la loi précise que « le maire établit une liste des personnes susceptibles d’assurer le service d’accueil prévu à l’article L. 133-4 du code de l’éducation en veillant à ce qu’elles possèdent les qualités nécessaires pour accueillir et encadrer des enfants ». Traduire concrètement cette notion vague de « qualités nécessaires », qui n’est nullement explicitée dans la loi, constitue un véritable casse-tête. Avec qui et comment constituer une telle liste en l’absence de toute recommandation ? Comment en assurer la permanence, la viabilité et la réactivité, y compris dans le temps ?

L’émoi des maires est d’autant plus grand qu’il s’agit d’assurer un service en toute sécurité, pour des enfants très jeunes, âgés de deux à dix ans, alors même que, par ailleurs, l’éducation nationale soumet les personnels travaillant auprès des enfants à des obligations de qualifications très strictes. Je pense aux enseignants et aux personnels des établissements scolaires, qui doivent notamment recevoir un enseignement des règles générales de sécurité, une formation les sensibilisant à la prévention des risques et aux missions des services de secours ; aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui doivent notamment être titulaires du CAP petite enfance ; aux animateurs des centres aérés, qui doivent être détenteurs du BAFA ; aux assistantes maternelles, qui doivent obtenir un agrément de la DDASS et suivre ensuite une formation abordant notamment les règles d’hygiène et de sécurité.

On sait que, lorsqu’une école organise le déplacement d’un groupe d’enfants, des contraintes considérables sont imposées en matière de taux d’encadrement et de qualification professionnelle des encadrants.

Comment demander à un maire d’oublier le respect de ces réglementations qu’on exige par ailleurs de lui ?

C’est si vrai que le Président de la République lui-même, toujours lors de son discours au dernier congrès des maires de France, a implicitement reconnu que le BAFA était le minimum requis, alors que la loi n’y fait absolument pas mention.

L’appréciation des « qualités nécessaires » relève donc du seul jugement du maire, ce que n’a d’ailleurs pas démenti la circulaire du 26 août 2008 publiée par le ministère de l’éducation nationale.

Or, si le maire a recours à une personne se révélant au final incompétente, causant par exemple un accident, seule la responsabilité pénale du maire sera recherchée. Certes, l’article L. 133-9 du code de l’éducation prévoit que l’État lui accorde sa protection, mais celle-ci correspond uniquement à la prise en charge des frais judiciaires et ne couvre pas le risque de poursuites pénales.

L’inquiétude des maires porte également sur le taux d’encadrement.

Votre argument, monsieur le rapporteur, selon lequel, pour le mode d’accueil de mineurs n’excédant pas quatorze jours par an, il n’y a aucune obligation en termes de qualification des personnels ou de taux d’encadrement, n’est pour les maires ni satisfaisant ni rassurant.

J’observe que, si nous nous sommes heurtés à un refus de fixer dans la loi un taux d’encadrement garant de la sécurité des enfants, il n’en a pas été de même pour le calcul de la contribution financière, puisqu’un décret fixe, à titre indicatif, le taux d’encadrement régissant cette contribution à un adulte pour quinze enfants.

La prétendue latitude laissée au maire est un prétexte bien commode. Il permet de laisser croire aux parents que le Gouvernement a créé à leur intention un nouveau droit, alors que simultanément il poursuit la réduction des moyens accordés à l’école.

Quant à la procédure permettant de constituer le vivier des personnels susceptibles d’assurer ce service d’accueil, la loi prévoit que l’identification de ces personnes relève de la seule compétence du maire. Le maire peut bien sûr faire appel à son personnel communal ; encore faut-il que celui-ci soit en nombre suffisant !

Pour les communes de petites tailles, notamment rurales, il suffit, on le sait, qu’un enseignant soit en grève pour que le seuil des 25 % déclenchant ce service soit atteint. Pour les maires de ces communes, répondre à l’obligation d’offrir un service d’accueil est donc impossible, faute de personnels.

Mais la problématique s’avère finalement être la même pour des grandes villes. Dans les communes à très forte densité, où le nombre d’écoles, et donc d’élèves, est élevé, le nombre de personnels communaux potentiellement mobilisables sera également insuffisant.

À Lyon par exemple, le tribunal administratif, qui avait été saisi par le préfet, a donné raison à la commune, estimant que, si elle n’était pas parvenue à organiser le service d’accueil, elle avait fait « le nécessaire pour s’acquitter de ses obligations légales ».

Dans le cas de Paris, si le tribunal administratif saisi en référé par le préfet a sommé le maire d’appliquer le service minimum, le jugement au fond pourrait bien être différent. Selon Le Parisien, lors de l’audience au fond de vendredi dernier, la commissaire du gouvernement a listé les failles de cette loi – choix des personnes pour garder les enfants, absence de taux d’encadrement,… – estimant, et je cite l’article en question, qu’« il est impensable que les maires puissent faire appel à des gens non qualifiés ». La magistrate a enfin conclu que la loi était « inapplicable dans de bonnes conditions dans les grandes et les petites communes. »

La réaction des maires est donc légitime. Sans compter qu’affecter des agents communaux au service minimum d’accueil risque d’entraîner un autre désordre, celui de conduire à privilégier la continuité d’un service public au détriment d’un autre, ce dernier étant ainsi vidé de son personnel. À cet égard, je rappelle que le maire ne peut réquisitionner ces personnels et que ceux-ci disposent aussi du droit de grève.

À défaut, les maires sont donc contraints de se tourner vers des personnels non communaux. Sont concernés au premier chef les maires ruraux, dont le rapport souligne les difficultés et l’absence de moyens.

Que devront faire les maires pour recruter ces personnes ? Faudra-t-il arriver à la situation absurde, dénoncée par le maire de Champs-sur-Marne, consistant à afficher sur les portes de toutes les écoles un courrier destiné aux parents d’élèves les invitant à participer à la constitution dudit vivier ?

M. le rapporteur invoque, quant à lui, la nécessité de renforcer « l’accompagnement de l’État », réclamant notamment l’implication des services de l’éducation nationale dans la constitution des « listes-viviers ». C’est sans doute ce à quoi fait écho le courrier de l’inspecteur d’académie de Loire-Atlantique adressé en début d’année aux professeurs du premier degré partis à la retraite ces trois dernières années, les invitant à participer à l’organisation du service d’accueil de leur commune ou d’une autre commune.

Quel paradoxe quand on sait que ce service d’accueil a été instauré par le Gouvernement dans la probabilité de conflits qui l’opposeraient à ses fonctionnaires, conflits qui découlent pour une grande part de la dégradation des conditions du bon exercice du service public de l’éducation !

J’en viens à une autre difficulté.

Au-delà même de la constitution du vivier en amont, le délai dont dispose le maire pour organiser ledit service d’accueil et prévenir les parents des modalités de sa mise en œuvre lorsqu’un conflit social surgit, soit quarante-huit heures, est très bref. De fait, ce temps imparti de quarante-huit heures ne permet pas au maire de faire toutes les vérifications indispensables : disponibilité des personnes sur la liste au moment requis, évolution de leur situation personnelle et professionnelle...

Par ailleurs, aucune disposition de la loi ne prévoit à quelle date cette liste doit être établie, si elle doit être révisée et, dans l’affirmative, sous quel délai cette révision doit avoir lieu. On peut déduire de ce mutisme qu’une fois établie cette liste deviendra définitive.

J’ai bien noté la recommandation de M. le rapporteur et sa préconisation faite aux communes de préparer leur liste « bien avant le déclenchement des conflits sociaux ». Mais rien ne prouve qu’à la date de la grève les personnes inscrites sur la liste-vivier seront toujours d’accord pour assurer le service d’accueil, qu’elles seront disponibles ce jour-là, qu’elles ne seront pas elles-mêmes en grève et qu’elles présenteront toujours les « qualités nécessaires » pour accueillir et encadrer les enfants.

Nous sommes donc en présence d’une loi aux contours manifestement imprécis. Ces imprécisions, à elles seules, en justifieraient l’abrogation.

Plus grave encore, cette loi a été instituée au motif de créer un nouveau droit pour les parents en instaurant ce service d’accueil. C’est ce qu’a souligné en ces termes le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008 : « Considérant qu’en instituant un droit d’accueil des enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires publiques ou privées sous contrat, le législateur a entendu créer un service public ; que, si ce dernier est distinct du service public de l’enseignement, il lui est directement associé et contribue à sa continuité (...) ».

C’est précisément au regard de cette ambition que la loi révèle des lacunes quant aux obligations inhérentes à un véritable service public, à savoir l’égal accès de tous les élèves sur l’ensemble du territoire et leur égalité de traitement.

Ainsi, on peut considérer que cette loi porte en elle un caractère discriminatoire.

S’agissant des enfants handicapés, cette loi ne prévoit aucune condition minimale de qualification des personnels. Elle exclut ainsi de fait les enfants handicapés du dispositif, dispositif qui, je le rappelle, est non seulement prévu en temps de grève, mais aussi en cas d’absence imprévisible et d’indisponibilité des enseignants.

La remarque vaut tout autant pour les enfants scolarisés en milieu prioritaire. Une nouvelle fois, ni la loi ni la circulaire du 26 août 2008 n’apportent de réponse à cette question pourtant essentielle de l’accueil d’enfants nécessitant un encadrement renforcé et spécifique.

Un véritable service public ne peut pas reposer sur la singularité de moyens locaux plus ou moins importants. Il doit se fonder sur la mise en commun de moyens permettant une péréquation, qui est seule de nature à garantir un accès à tous et sur l’ensemble du territoire. Nous en sommes loin !

J’ajoute que le fait de ne pas exiger le recrutement de personnels qualifiés, explicitement liés au service public de l’éducation, fait sortir ce service d’accueil du champ de l’éducation nationale et de la sécurité minimale due aux enfants et à leurs familles.

L’ensemble des dispositions contenues dans cette loi et sa philosophie posent encore plus de problèmes si l’on se réfère à la Convention internationale des droits de l’enfant, qui a été adoptée par l’assemblée générale des Nations unies en novembre 1989 et qui est entrée en vigueur en France en septembre 1990.

En effet, selon son article 3, « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

Cet article dispose également : « Les États parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié ».

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de voter en faveur de l’abrogation de cette loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ordre du jour nous réserve parfois bien des surprises : nous voici invités à abroger la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire six mois après son adoption ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je note ainsi que ceux qui étaient contre hier sont toujours contre aujourd’hui.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et ceux qui étaient pour hier sont toujours pour aujourd’hui !

M. Philippe Richert, rapporteur. Si je me réfère à ce qui s’est passé en commission, ceux qui ont voté en faveur du projet de loi rejettent la proposition de loi visant à abroger ce texte. Il y a donc une certaine constance.

Mme Éliane Assassi. On peut dire ça !

M. Philippe Richert, rapporteur. Si toutes les lois qui ont été adoptées par la majorité contre l’avis de l’opposition devaient être systématiquement remises en cause six mois après, cela engorgerait encore un peu plus l’ordre du jour du Parlement.

M. Pierre-Yves Collombat. Entre-temps, la situation a changé !

M. Jean-Claude Carle. En quoi a-t-elle changé ?

Mme Annie David. Cette loi est inapplicable, monsieur le rapporteur !

M. Philippe Richert, rapporteur. Pas du tout !

Nous sommes donc invités à abroger cette loi du 20 août 2008 au motif que les grèves de l’automne dernier auraient démontré qu’elle était impossible à mettre en œuvre et qu’il valait mieux, en conséquence, renoncer enfin à l’appliquer.

Au travers de la présente proposition de loi, trois questions nous sont donc posées.

Les communes sont-elles confrontées à de grandes difficultés lorsqu’elles doivent mettre en œuvre le service d’accueil ?

M. Philippe Richert, rapporteur. Ces difficultés sont-elles si aiguës qu’elles ne pourront pas être surmontées ?

Ces difficultés sont-elles d’abord imputables à la loi ? (Oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je ne fais que poser les questions, mes chers collègues. Laissez-moi le temps de développer le sujet.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous, nous y répondons !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est sur ces trois questions que la commission s’est penchée. Elle l’a fait sans s’interroger à nouveau sur la légitimité du droit consacré l’été dernier car, s’il est une chose que les grèves de l’automne 2008 ont largement démontrée, c’est qu’il se trouvait dans chaque commune des familles pour utiliser et apprécier ce nouveau service.

L’expérience a également montré que ces familles étaient loin d’être les plus favorisées. M. le ministre nous l’avait déjà fait remarquer lors de l’examen du projet de loi. Sans ce service, comment auraient-elles pu s’organiser pour garder leurs enfants lors des mouvements sociaux à répétition que nous avons connus tout au long du dernier trimestre de 2008 ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il n’était donc pas illégitime que le Parlement s’en préoccupe.

M. Jean-Claude Carle. Tout à fait !

M. Philippe Richert, rapporteur. Sur le principe, l’intérêt du service d’accueil est donc indiscutable. Le Conseil constitutionnel n’a pas dit autre chose lorsque, le 7 août dernier, il a explicitement affirmé que le législateur avait souhaité créer un nouveau service permettant de garantir la continuité du service public de l’enseignement.

Ce dont nous allons débattre aujourd’hui, ce n’est donc pas de la légitimité du service d’accueil, mais de la capacité des communes à le mettre en place.

Avant d’en venir aux enseignements qui peuvent être tirés des grèves du 7 octobre et du 20 novembre, il me faut vous rappeler, mes chers collègues, que le service d’accueil n’est pas toujours de la compétence des communes. En effet, il revient par principe à l’État de l’organiser chaque fois que, pour une raison ou pour une autre, un professeur est absent dans une école publique et ne peut être remplacé.

Pour répondre aux propos de Mme Gonthier-Maurin, je tiens à le répéter : lorsqu’il s’agit d’absences liées notamment à des questions de santé, c’est à l’État d’organiser le remplacement du professeur !

M. Philippe Richert, rapporteur. Il est nécessaire de le réaffirmer, car certains laissent parfois entendre le contraire.

S’agissant des écoles privées sous contrat, l’organisation du service d’accueil relève des organismes de gestion de ces écoles.

La commune n’est donc compétente que dans un cas bien précis : lorsque plus de 25 % des professeurs d’une école publique ont déclaré leur intention de faire grève. La raison de ce transfert de compétence est simple : lorsqu’un mouvement social atteint une telle ampleur, l’État ne peut plus assurer lui-même le service d’accueil des élèves, qui doit bien entendu ne pas être confondu avec le service public de l’enseignement.

Le choix de confier aux communes une partie de la compétence en matière de service d’accueil est donc avant tout un choix pragmatique : soit nous renoncions au service d’accueil en cas de grève importante, soit nous confiions la compétence à la commune, c’est-à-dire au seul échelon territorial capable de mettre en place le service au niveau de chaque école.

Malgré toutes les difficultés que cela pourrait poser, nous étions en effet certains que les maires seraient capables, dans la très large majorité des cas, d’offrir ce service. Les faits ne nous ont pas démentis : le 20 novembre dernier, alors que près d’un professeur sur deux était en grève dans le primaire, l’immense majorité des communes est parvenue à proposer le service d’accueil.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais dans quelles conditions !

M. Philippe Richert, rapporteur. Dans certaines académies, comme celles de Rouen, de Poitiers, de Nice ou de Versailles, plus de 95 % des communes l’ont en effet organisé. Dans les académies d’Aix-Marseille et de Strasbourg, ce sont près de 90 % des communes qui l’ont proposé. Au total, il semble que, dans la très grande majorité des académies, la proportion de communes offrant ce service ait toujours été supérieure à 80 %.

On note cependant ici et là quelques exceptions, comme dans l’académie de Montpellier ou dans les départements de l’Ariège, de la Haute-Saône et de la Seine–Saint-Denis. Mais, dans l’ensemble, plus de huit communes sur dix ont organisé le service d’accueil.

Cela prouve, mes chers collègues, que si la tâche est difficile pour les communes – il ne s’agit pas de dire le contraire –, elle n’est pas insurmontable. De fait, dans leur immense majorité, les communes sont bien parvenues à organiser le service.

M. Pierre-Yves Collombat. Cela ne prouve rien du tout !

M. Philippe Richert, rapporteur. Pour la commission, ce simple fait suffirait à justifier le rejet de la présente proposition de loi. L’idée d’un texte inapplicable et inappliqué dans la réalité est démentie par les faits ! Aussi la commission ne peut-elle expliquer le dépôt de cette proposition de loi que par le retentissement médiatique qui a accompagné la décision prise par certaines communes de ne pas appliquer la loi.

La commission a toutefois souhaité aller plus loin et approfondir l’analyse afin de comprendre les difficultés qui ont pu être rencontrées par les communes.

La minorité de communes concernées peut en effet être confrontée à des difficultés particulières, qui ne justifieraient pas l’abrogation de la loi, mais son adaptation à des cas particuliers. Il convient donc de se pencher plus avant sur les difficultés que ces communes ont effectivement rencontrées.

Ce qui saute aux yeux de celui qui se penche sur les dernières grèves, c’est que, parmi cette minorité de communes, il y a deux catégories bien distinctes : une partie d’entre elles n’est pas parvenue à organiser le service d’accueil malgré des efforts réels ; les autres ont décidé, bien avant les premières grèves, de ne pas appliquer la loi en invoquant d’abord son illégitimité – on a reçu entre-temps la réponse du Conseil constitutionnel – et, à titre subsidiaire, l’impossibilité de la mettre en œuvre.

Ces deux catégories ne peuvent être confondues, pour une raison simple : les communes confrontées à de véritables difficultés n’ont jamais pris de délibération de principe refusant d’appliquer la loi et elles ont toujours cherché à l’organiser. De fait, il est donc facile de les distinguer des communes qui, en amont des grèves, ont affiché leur volonté de ne pas appliquer la loi ou se sont bien gardées de faire quoi que ce soit pour l’appliquer.

Un critère simple permet donc de distinguer les unes des autres : les communes qui n’ont pas réussi à organiser le service ont ouvertement cherché à le mettre en place.

En un sens, il y a eu commencement d’exécution, et cela se constate. Les communes en question ont lancé plusieurs appels à candidatures pour constituer le vivier, ou encore elles ont cherché à évaluer le nombre d’élèves à accueillir. En un mot, elles ont fait leur possible pour appliquer la loi.

Les autres, au contraire, sont toujours restées en retrait et n’ont pas cherché, de quelque manière que ce soit, à appliquer la loi. Par principe, celle-ci était décrétée illégitime et inapplicable.

De ce que la loi n’a pas été partout appliquée, on ne peut donc pas déduire qu’elle est partout inapplicable.

Par ailleurs, parmi les 20 % de communes n’ayant pas mis en œuvre le service, celles dont les élus ont cherché de bonne foi à proposer ce dernier constituent une minorité. Là encore, mes chers collègues, les faits démentent l’impression que nous pouvions avoir. C’est pourquoi nous nous devons de garder à l’esprit qu’une commune qui n’applique pas la loi n’est pas nécessairement une commune qui ne peut pas l’appliquer.

Je prendrai un seul exemple, celui de la ville de Paris, qui est parfaitement parvenue, au début du mois d’octobre, à mettre en œuvre le service, et qui regrettait même d’avoir mobilisé trop de personnel. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin proteste.)

Quelques jours plus tard, elle se déclarait incapable de refaire ce qu’elle avait pourtant déjà fait une fois : avoir recours aux nombreux animateurs dont elle dispose.

Chacun de nous devine ce que signifie une attitude aussi fluctuante : c’est que, au-delà des moyens nécessaires pour appliquer la loi, il faut aussi avoir la volonté de le faire. Or, me semble-t-il, ce ne fut pas le cas partout.

Force est néanmoins de constater que certaines communes ne sont pas parvenues à organiser le service. La question légitime qui se pose dès lors est la suivante : pourquoi certaines communes – et seulement certaines – ont-elles été confrontées à des difficultés telles qu’elles n’ont pas pu les surmonter ?

À mes yeux, l’explication est simple : ces communes n’ont pas obtenu toute l’information, n’ont pas bénéficié de tout le suivi et de toute l’aide nécessaires pour organiser le service.