Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

MM. Philippe Nachbar, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Saisine du Conseil constitutionnel

3. Candidatures à des organismes extraparlementaires

4. Loi de finances pour 2009. – Suite de la discussion d'un projet de loi

Sécurité

MM. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

Mme Anne-Marie Escoffier, M. Charles Gautier, Mme Éliane Assassi, MM. Raymond Couderc, Philippe Madrelle, Marc Laménie, Mme Virginie Klès.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

État B

Adoption des crédits.

Article additionnel après 73

Amendement no II-84 de M. Jean Faure, rapporteur pour avis et sous-amendement no II-178 de M. François Rebsamen ; amendement no II-98 (identique à l’amendement no II-84) de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. – MM. Jean Faure, rapporteur pour avis ; François Rebsamen, Jean-Patrick Courtois, le rapporteur spécial, Mme la ministre, MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Jean-Pierre Raffarin, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Fouché, Jean-Louis Carrère. – Retrait du sous-amendement ; adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

5. Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

6. Loi de finances pour 2009. – Suite de la discussion d’un projet de loi.

Sécurité civile

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Éliane Assassi, M. Éric Doligé.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.

État B

Adoption des crédits.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

Solidarité, insertion et égalité des chances

MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Mmes Christiane Demontès, Muguette Dini, Isabelle Pasquet, MM. Alain Vasselle, Daniel Marsin, Mmes Gisèle Printz, Jacqueline Chevé, Claire-Lise Campion.

Mmes Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité ; Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille ; M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

État B

Amendement no II-183 du Gouvernement. – Mme Valérie Létard, secrétaire d'État ; M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. – Adoption.

Mme Isabelle Pasquet.

Adoption des crédits.

Article 74

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président.

Amendement no II-159 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet, M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial ; Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 74

Amendement no II-160 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Isabelle Pasquet, M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial ; Mme Valérie Létard, secrétaire d'État ; M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. – Rejet.

Article 75

Amendement no II-58 rectifié bis du Gouvernement. – MM. le haut-commissaire, Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 76

M. Jean-Pierre Godefroy.

Adoption de l'article.

Article 76 bis

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Valérie Létard, secrétaire d'État.

Adoption de l'article.

Suspension et reprise de la séance

Outre-mer

MM. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances ; Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances ; Georges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. le président.

M. Adrien Giraud, Mmes Gélita Hoarau, Lucette Michaux-Chevry, MM. Daniel Marsin, Gaston Flosse, Bernard Frimat.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

MM. Jean-Paul Virapoullé, Serge Larcher, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Jacques Gillot, Robert Laufoaulu, Georges Patient, Michel Magras.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ; M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.

M. Simon Loueckhote.

État B

Adoption des crédits.

Article 64. – Adoption

Article 65

MM. Jean-Paul Virapoullé, Jacques Gillot, le secrétaire d'État, Serge Larcher.

Amendements nos II-164 de M. Claude Lise, rapporteur pour avis, II-50 rectifié de M. Michel Magras, II-163 de M. Daniel Marsin, II-97 rectifié bis, II-96 rectifié bis de M. Louis-Constant Fleming, II-106, II-107 de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, et sous-amendement no II-184 du Gouvernement ; amendements nos II-8 de la commission, II-55 rectifié de M. Daniel Marsin et II-94 de M. Jean-Paul Virapoullé. – MM. Serge Larcher, Michel Magras, Daniel Marsin, Jean-Paul Virapoullé, Mme Anne-Marie Payet, MM. le secrétaire d'État, Éric Doligé, rapporteur spécial. – Retrait des amendements nos II-163, II-96 rectifié bis, II-106, II-8, II-55 rectifié et II-94 ; rejet de l’amendement no II-164 ; adoption de l’amendement no II-50 rectifié, du sous-amendement no II-184 et de l’amendement no II-107 modifié, l’amendement no 97 rectifié bis devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 65

Amendement no II-108 de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis, et sous-amendement no II-197 du Gouvernement. – Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis ; MM. le secrétaire d'État, Éric Doligé, rapporteur spécial. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Amendement no II-109 de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. – Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis ; Éric Doligé, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no II-110 de Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. –– Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis ; Éric Doligé, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. Jean-Paul Virapoullé. – Rejet.

Amendement no II-124 de Mme Lucette Michaux-Chevry. – Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Éric Doligé, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État. – Retrait.

Amendement no II-161 de Mme Lucette Michaux-Chevry. – Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Éric Doligé, rapporteur spécial ; le secrétaire d'État. – Retrait.

7. Dépôt de propositions de loi

8. Textes soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Philippe Nachbar,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le Président du Sénat a été informé, par lettre en date du 1er décembre 2008, par M. le Président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante députés, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

3

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé à la Haute Assemblée de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques et du Conseil supérieur de l’énergie.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu’elle propose les candidatures de MM. Pierre Hérisson, Bruno Sido, Michel Teston et Philippe Darniche pour siéger au sein du premier de ces organismes extraparlementaires ; de MM. Ladislas Poniatowski, Roland Courteau, Jean-Claude Merceron et Daniel Raoul pour siéger, les deux premiers comme titulaires et les deux derniers comme suppléants, au sein du second organisme.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

59 duodecies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Sécurité

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Sécurité

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » est dotée de 16,155 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 16,226 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 2,2 % par rapport à 2008.

Avec 13,877 milliards d’euros, les dépenses en personnel constituent 85,5 % des crédits de la mission « Sécurité », qui est donc, avant tout, une mission de personnel. Cette caractéristique forte induit une rigidité qui rend plus difficile encore la recherche de bonne gouvernance.

La baisse de la délinquance, qui constitue le premier objectif de la mission, s’est poursuivie cette année, avec un nouveau recul compris entre 2 % et 3 %.

Ces bons résultats sont liés, notamment, à la montée en puissance de la police technique et scientifique, qui intervient en appui du travail d’investigation des services de police.

Le programme « Police nationale » comporte 8,632 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,2 %.

Ce programme enregistre une réduction de ses effectifs de 2383 emplois en équivalent temps plein travaillé, ou ETPT, avec un plafond d’emplois fixé à 146 180 ETPT. Cette baisse s’inscrit dans une programmation triennale qui prévoit, à terme, la suppression de 4000 ETPT de policiers.

Il convient de relever que les crédits de paiement consacrés aux investissements fléchissent de 4,5 %. La tendance est encore plus marquée s’agissant des autorisations d’engagement, qui chutent de 22,2 %. Il faut souhaiter que les arbitrages nécessaires entre le fonctionnement et l’investissement ne mettent pas en péril la dynamique de modernisation de la police nationale.

Le programme « Gendarmerie nationale » s’appuie, pour sa part, sur 7,626 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,2 %.

Comme la police, la gendarmerie connaîtra, en 2009, une réduction de ses effectifs : son plafond d’emploi est fixé à 99 509 ETPT, soit une baisse de 1625 emplois en équivalent temps plein travaillé. Là encore, ce mouvement s’inscrit dans une programmation triennale, qui prévoit la suppression de 3000 ETPT de gendarmes.

Il faut, néanmoins, souligner que le projet de loi de finances pour 2009 prévoit les mesures nécessaires pour assurer le même déroulement de carrière aux sous-officiers et aux officiers de gendarmerie qu’aux fonctionnaires des corps actifs de la police nationale.

Les dépenses de fonctionnement de la gendarmerie progressent de 4,6 % ; ses dépenses d’investissement enregistrent en 2009 une chute de 23 % en crédits de paiement. En autorisations d’engagement, cette tendance est encore plus marquée, avec une réduction de 50,2 %.

Cette chute de l’investissement peut susciter l’inquiétude, dès lors qu’elle serait de nature à entraver la nécessaire modernisation de la gendarmerie nationale et à entamer son potentiel opérationnel dans les années à venir.

Il faut préciser que cette évolution concerne essentiellement les véhicules blindés – mais ceux-ci peuvent être mis à disposition par l’armée de terre dans un souci de mutualisation des moyens – et le remplacement des hélicoptères Écureuil, pour lesquels il faudra veiller à ce que le coût de la maintenance ne dépasse pas celui de l’amortissement de nouveaux appareils.

La mission « Sécurité » sera marquée, en 2009, par une évolution notable, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Cette évolution a pu susciter des doutes, presque des inquiétudes. Aussi est-il bon de les dissiper et de préciser qu’elle ne remet pas en cause le statut militaire de la gendarmerie, ni le dualisme « policier » qui caractérise les forces de sécurité dans notre pays. Elle consiste, en revanche, en un rattachement organique et opérationnel, en vue d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité.

La mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, constituera un deuxième axe fort de l’année 2009 pour la mission.

Sur ce thème, d'ailleurs, je ne puis que regretter que tous les éléments relatifs à cette étude ne m’aient pas été communiqués, malgré des demandes répétées. Seules les principales conclusions m’ont été fournies. On peut émettre l’hypothèse qu’un journaliste aurait bénéficié des informations qui n’ont pas été accordées à un parlementaire. (Murmures.)

Il m’aurait pourtant été précieux de disposer d’éléments chiffrés plus précis, ainsi que des diagnostics d’étape ayant abouti à ces conclusions, bref, si je peux qualifier ainsi ces informations, d’une « matière première » plus riche permettant d’alimenter mieux encore la réflexion de la commission des finances.

Faut-il rappeler que la Constitution révisée accorde une importance accrue au Parlement et incite à une coopération plus étroite encore entre les assemblées et le Gouvernement ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. S’agissant de la RGPP, cette coopération n’est pas allée aussi loin que l’on aurait pu le souhaiter.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. L’incidence budgétaire de la RGPP reste, par ailleurs, bien modeste. Qu’on en juge : sa mise en œuvre se traduira par une diminution de 0,88 % des emplois et une économie de 52 millions d’euros, soit 0,39 % du budget de la mission, ce qui est très faible.

Si ces efforts doivent bien sûr être encore encouragés, ils ne sont pourtant pas de nature à changer fondamentalement l’équation budgétaire de la mission.

Or, dans un contexte budgétaire tendu, toutes les pistes méritent d’être explorées. Il s’agit, en particulier, d’exploiter toutes les potentialités offertes par la mutualisation entre les deux forces.

Car le dualisme « policier » peut être la meilleure ou la pire des choses. Il présente plusieurs risques : les doublons, la non-interopérabilité et la concurrence exacerbée.

Madame la ministre, mes chers collègues, passons donc en revue les différentes sources d’économies qui peuvent être exploitées.

Il faut, tout d'abord, reformater le dispositif de formation initiale pour l’adapter aux variations à court terme du flux d’élèves, qui ira en diminuant. L’annonce récente de la fermeture de quatre écoles de gendarmerie va dans ce sens.

De même, afin de développer l’expertise immobilière au sein du ministère et d’optimiser le coût financier des opérations, la création d’une agence, véritable « pôle de compétence immobilière » pour la police et la gendarmerie, paraît évidente.

La mutualisation des fichiers, facteur essentiel pour la coordination et l’efficacité des deux forces, existe d’ores et déjà, mais demeure encore trop partielle ; elle devrait être totale.

Malgré de louables efforts, l’interopérabilité des réseaux de communication des deux forces n’est pas pleinement assurée, sauf dans la région parisienne, ce qui est tout à fait insuffisant. D’importants progrès doivent encore être réalisés.

Au regard du rôle croissant de la police technique et scientifique, il est difficilement compréhensible que les laboratoires ne soient pas communs dans leur ensemble. Il y a là des économies d’échelle substantielles à réaliser.

La répartition des zones d’intervention respectives de la police et de la gendarmerie n’a pas, elle non plus, encore atteint son effet optimum. La police a vocation à s’inscrire dans une logique de police territoriale d’agglomération, tandis que la gendarmerie doit faire porter ses efforts afin d’avoir un meilleur contrôle des flux sur les territoires ruraux, qu’elle connaît très bien.

De nouvelles opérations de redéploiement pourraient donc être conduites, pour parvenir à des zones plus homogènes.

En région parisienne, le « particularisme » de la préfecture de police de Paris fait courir le risque de doublons, en particulier en matière de renseignement. Partout, les renseignements généraux, les RG, et la direction de la surveillance du territoire, la DST, ont été fusionnés au sein de la direction centrale du renseignement intérieur, la DCRI, sauf à la préfecture de police de Paris. Son positionnement doit donc être revu, notamment dans la perspective de la constitution d’un Grand Paris.

Comme on le sait, l’organisation actuelle des transfèrements impose un transfert de charges indues, de la mission « Justice » vers la mission « Sécurité ».

Cette situation n’est plus acceptable, alors même que des solutions existent : système de refacturation interne, déplacements de magistrats en prison, plutôt que mobilisation des effectifs de police et de gendarmerie pour assurer toute une journée la garde d’un détenu, vidéoconférence. Il n’est pas normal, entre autres, de déplacer un détenu sous escorte pour lui demander son identité.

La direction générale de la gendarmerie nationale a estimé à près de deux millions d’heures et 1 000 équivalents temps plein travaillé le poids de ces gardes et escortes en 2007.

Du côté de la police nationale, ce sont environ 2 700 équivalents temps plein travaillé qui sont mobilisés sur ces missions.

Sur la volonté de réformer le système des transfèrements, je souligne, d’ailleurs, la convergence de vues, au sein de la commission des finances, entre le rapporteur spécial de la mission « Sécurité » et celui de la mission « Justice ».

D’une manière générale, les forces mobiles doivent être recentrées sur leur cœur de métier.

En 2003, le rapport que j’avais commandé au cabinet Accenture concluait à un temps de travail moyen annuel pour les gendarmes de 1 731 heures. En 1998, un rapport de notre collègue M. Jean-Jacques Hyest aboutissait à une évaluation de 1 300 heures par an pour la police.

La baisse régulière de la délinquance au cours des dernières années impose aujourd’hui de revoir l’équation de notre politique de sécurité. Moins d’effectifs, travaillant plus grâce à une meilleure mutualisation et à un plus grand recours à la technique – à la vidéosurveillance et à la police scientifique, notamment –, telle me paraît être la direction à suivre.

Enfin, la dimension internationale de la mission « Sécurité », via le service de coopération technique internationale de police, le SCTIP, doit être optimisée.

Le savoir-faire, l’expérience et la maîtrise technologique des forces de sécurité françaises constituent un atout à valoriser.

La coopération en matière de sécurité permet un retour en sécurité intérieure, source d’économies. Elle permet aussi d’entretenir des relations avec des pays parfois en marge des relations internationales.

Sous les réserves que je viens d’exposer, la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation vous propose d’adopter les crédits de la mission « Sécurité » et de chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à témoigner de notre soutien le plus total aux membres des forces de police et de gendarmerie, qui, dans des conditions souvent difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens : ainsi, en 2007, vingt-quatre policiers et gendarmes sont décédés dans l’exercice de leurs fonctions, dont cinq à la suite d’agressions. Qu’il me soit permis ici de leur rendre un hommage particulier !

Lors de l’examen du projet de budget pour 2008, j’avais attiré l’attention sur la nécessité de fixer rapidement un cap et de clarifier les principales réformes envisagées.

Les policiers et gendarmes étaient déstabilisés par les rumeurs circulant en permanence.

Un an plus tard, de nombreuses réponses ont été apportées. Les syndicats de policiers ainsi que les personnes entendues à l’occasion des travaux préparatoires à la discussion du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale ont indiqué que les personnels comprenaient la nécessité de participer à l’effort budgétaire demandé à l’ensemble des administrations de l’État.

Plusieurs grandes réformes structurelles sont désormais engagées ou se profilent, qu’il s’agisse du rattachement de la gendarmerie à votre ministère, madame la ministre, de la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI, dont les grandes lignes sont désormais connues, ou de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui a déjà abouti à une série de décisions.

Après un budget pour 2008 de transition, le projet de loi de finances pour 2009 s’affirme comme la première étape de ce nouveau cycle de réformes.

Elles sont rendues nécessaires par le contexte budgétaire, qui incite les forces de police et de gendarmerie, plus encore que par le passé, à faire mieux à moyens constants.

Le budget de la police et de la gendarmerie apparaît durablement contraint, les crédits hors dépenses de personnel s’inscrivant à la baisse. Toutefois, la hausse des dépenses de personnel ne se traduit pas par une hausse ou une stabilisation des effectifs, au contraire, puisqu’il est prévu de supprimer 7 000 équivalents temps plein travaillé sur l’ensemble de la mission à l’horizon 2011, soit 4 000 policiers et 3 000 gendarmes environ.

M. Jean-Louis Carrère. Cela fait beaucoup !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Pour faire face à ces défis, il importe de procéder à de profondes réorganisations et à des arbitrages clairs.

À cet égard, ma première question portera sur l’avenir des adjoints de sécurité.

En baisse constante depuis 2001, l’effectif des adjoints de sécurité est passé de 15 761 en 2001 à 9 918 au 1er août 2008.

Cette évolution laisse à penser que les adjoints de sécurité jouent le rôle de variable d’ajustement. En effet, leur place exacte dans le dispositif de sécurité ne semble pas bien arrêtée, ce qui ne facilite pas, bien entendu, la définition d’objectifs de recrutement.

Certes, ce dispositif est souvent mis en avant comme un instrument d’intégration et de promotion de la diversité dans la police nationale. Toutefois, si cette fonction est importante, elle ne peut suffire seule à maintenir ce dispositif.

En conséquence, madame la ministre, pourriez-vous nous préciser votre projet pour l’avenir des adjoints de sécurité ? Leurs missions pourraient-elles être mieux définies ?

Mes autres questions porteront sur les grands chantiers à venir.

Chacun le sait, la police scientifique et technique et sa « démocratisation » pour des faits de la délinquance quotidienne constituent un défi essentiel.

Voilà un an et demi, j’ai visité les locaux de la police scientifique, à Paris, qui sont dans un état de vétusté et de délabrement indigne d’une police moderne.

Je sais que le projet de regrouper l’ensemble des laboratoires parisiens sur un site unique et moderne est en cours et figure à l’agenda de la future LOPPSI.

Pourriez-vous, madame la ministre, préciser le degré d’avancement de ce projet et la date réaliste de livraison de l’ouvrage ?

Toujours à propos de la police scientifique, je me réjouis que vous ayez confirmé devant la commission des lois que la fusion de l’Institut national de police scientifique et de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale n’était pas à l’ordre du jour. Dans ce domaine, conserver deux organismes me semble important.

Un autre chantier essentiel est celui de la réduction des charges dites indues.

Je ne m’attarderai pas sur la question des transfèrements et extractions. La discussion des amendements identiques de la commission des lois et de la commission des affaires étrangères permettra d’y revenir.

En revanche, la question de la réduction des gardes statiques, compte tenu des progrès timides obtenus jusqu’à présent, mérite des précisions.

Comme vous nous l’avez indiqué en commission, madame la ministre, des économies sont attendues grâce, en particulier, à des moyens techniques comme la vidéosurveillance.

Toutefois, pourriez-vous être plus précise et nous indiquer, notamment, des objectifs chiffrés en termes d’équivalents temps plein travaillé économisés en 2009 ?

En outre, à moyen et à long terme, disposez-vous d’une évaluation du nombre d’équivalents temps plein travaillé que requerra la garde du futur tribunal de grande instance de Paris ?

Peut-on espérer de ce déménagement des économies grâce â une meilleure conception du bâtiment ? Je rappelle que la protection du Palais de justice de Paris est le principal consommateur de gardes statiques pour la gendarmerie nationale, avec 540 équivalents temps plein travaillé.

Mes dernières interrogations porteront sur la réforme des forces mobiles. J’avais déjà eu l’occasion, l’année dernière, de faire un point particulier sur cette question. Un an plus tard, de nombreuses réformes ont été engagées, en particulier pour réduire le format des forces mobiles.

Ma première question porte sur les conséquences de la réduction du format de la gendarmerie mobile sur les missions de maintien de l’ordre outre-mer, au moment, d’ailleurs, où l’armée se désengage de plusieurs territoires ultra-marins.

Compte tenu du taux de rotation déjà élevé de la gendarmerie mobile, est-il envisagé d’étendre aux CRS les missions outre-mer ?

Ma seconde question porte sur le rapprochement des CRS et de la gendarmerie mobile.

Les marges de progression sont encore grandes, mais des mesures importantes ont déjà été prises, comme la mise en commun du centre de formation de Saint-Astier.

D’autres pistes peuvent être explorées. Pouvez-vous nous dire, ainsi, si celle d’un partage des cantonnements est envisagée et si la direction de la gendarmerie mobile et la direction centrale des CRS seront regroupées sur un même site ?

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’année 2009 sera marquée par de profondes mutations pour la gendarmerie nationale.

J’en mentionnerai trois.

Tout d’abord, la gendarmerie nationale sera, comme l’ont dit les deux rapporteurs qui m’ont précédé à cette tribune, rattachée organiquement et budgétairement au ministère de l’intérieur.

Le transfert de la tutelle de la gendarmerie nationale du ministre de la défense au ministre de l’intérieur est prévu par le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale, qui a été déposé en premier sur le bureau du Sénat.

Le projet de loi de finances pour 2009 vise, quant à lui, à organiser – par anticipation sur les prochaines décisions – le rattachement budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.

Ce rattachement devrait permettre de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie dans la lutte contre la criminalité et d’améliorer ainsi la protection des Français.

Il permettra aussi de développer les mutualisations de moyens entre les deux forces de sécurité et favorisera donc les économies d’échelle.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné ce projet de loi, le 29 octobre dernier.

Sur ma proposition, elle a adopté dix-huit amendements, qui visent à préserver le statut militaire de la gendarmerie, conformément, d’ailleurs, au souhait exprimé avec beaucoup de vigueur par M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances, à conforter ses missions et son ancrage territorial.

Vous le savez mieux que quiconque, madame la ministre, notre pays a besoin d’une force de sécurité à statut militaire capable en toutes circonstances de faire face à des situations de crise, en métropole, outre-mer ou sur les théâtres d’opérations extérieures.

La dualité des forces de sécurité et le statut militaire de la gendarmerie doivent donc être absolument préservés.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Nous en sommes tous convaincus.

Je tiens, d’ailleurs, à saluer ici le travail que la commission des affaires étrangères a effectué avec la commission des lois, notamment avec son rapporteur pour avis, M. Jean Patrick Courtois, et la convergence de vues entre elles deux.

Le budget de la gendarmerie s’inscrit dans un cadre pluriannuel, qui résulte à la fois du document de programmation triennale et de la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Bien que je regrette, madame la ministre, que ce texte n’ait pas encore été présenté au Parlement, le budget de la gendarmerie pour 2009 intègre ainsi une première annuité de la future LOPPSI 2, ce qui permet de financer certaines priorités, notamment le recours aux nouvelles technologies.

Je m’inquiète toutefois, comme les deux rapporteurs qui m’ont précédé à cette tribune, de la forte diminution des crédits d’investissement sur les trois prochaines années et du report de plusieurs programmes d’équipements, comme le renouvellement des hélicoptères et des véhicules blindés.

Enfin, la gendarmerie n’échappe pas à la politique de maîtrise de la dépense publique et aux mesures d’économies prévues au titre de la révision générale des politiques publiques.

Ainsi, environ 3 000 postes pourraient être supprimés dans la gendarmerie sur les trois prochaines années, dont 1 625 dès 2009.

Je rappellerai pour mémoire simplement que, dans une note, un ancien conseiller du Premier ministre évoquait la suppression de 175 brigades territoriales et de 15 escadrons de gendarmerie mobile, provoquant ainsi l’émoi et l’inquiétude chez l’ensemble des élus locaux.

Mais vous avez remis les choses en ordre, lors de votre audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, puisque vous nous avez déclaré que ces réductions d’effectifs devraient concerner principalement des personnes affectées dans des tâches annexes, et maintenir ainsi à la gendarmerie sa capacité opérationnelle sur les territoires.

La capacité opérationnelle de la gendarmerie et son ancrage territorial seront donc préservés, et j’espère que vous nous le redirez tout à l’heure, madame la ministre.

J’ai d’ailleurs proposé à la commission des affaires étrangères un amendement sur les transfèrements et les extractions judiciaires, qui a été adopté à l’unanimité de la commission ; je vous le présenterai tout à l’heure.

Sous réserve de l’adoption de cet amendement, la commission a émis un avis favorable sur les crédits de la mission sécurité pour 2009, en ce qui concerne la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)

M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, c’est pour moi aujourd’hui tant un honneur qu’une épreuve d’intervenir sur la mission sécurité d’un ministère que j’ai servi avec passion, conviction et détermination.

C’est un honneur, s’agissant de l’une des missions régaliennes de l’État, garante des principes républicains et de l’indispensable équilibre entre prévention et répression.

C’est une épreuve, dès lors que, comme beaucoup d’entre nous ici, j’aurais voulu que ce projet de budget pour 2009 puisse venir à bout des retards, des dysfonctionnements et parfois des incohérences que l’on a pu relever dans la bonne marche des services en charge de la sécurité de notre pays.

Le sujet est d’autant plus délicat que la sécurité est une exigence partagée par tous les citoyens qui n’acceptent de l’État aucune exception à la notion de « risque zéro », alors qu’ils sont, à leur propre égard, d’une tolérance parfois coupable.

Il suffit pour s’en convaincre de voir le comportement de certains automobilistes qui n’hésitent pas à bafouer des règles élémentaires de conduite.

Satisfaire à cette exigence est donc un enjeu majeur, un défi que le Gouvernement entend relever.

J’ai bien lu, madame le ministre, et j’ai entendu votre volonté de mettre la sécurité publique au cœur de la démarche de modernisation de l’État, en augmentant les effectifs, en améliorant les rémunérations, en renforçant les moyens de fonctionnement et d’équipement des services de police et de gendarmerie.

J’ai suivi avec le plus grand intérêt la création, en juillet dernier, de la direction centrale du renseignement intérieur, née de la fusion de la direction de la surveillance du territoire et de la direction centrale des renseignements généraux.

J’ai adhéré au retour dans les quartiers difficiles des unités territoriales de quartier, qui, sous une nouvelle dénomination, ont remplacé la police de proximité, et tissent, avec des méthodes renouvelées, le lien social indispensable à certaines populations en déshérence au sein des quartiers difficiles.

J’ai salué les vertus du travail interministériel qui a permis, dans des formules totalement novatrices, de lutter avec efficacité contre l’économie souterraine.

J’ai relevé l’évolution favorable de certaines statistiques faisant état, là d’une réduction de la criminalité routière, ici d’une baisse de certaines formes de délinquance, ici encore de l’amélioration du taux d’élucidation des crimes et délits.

Tout cela va, assurément, dans le bon sens, même s’il nous faut analyser avec la plus grande prudence les résultats communiqués.

Car, nous le savons bien, madame le ministre, vous comme moi, les chiffres ne disent que ce que nous voulons bien leur faire dire.

Le nombre d’atteintes aux personnes a singulièrement décru à Clichy-sous-Bois, dès lors qu’a été fermée l’antenne du service de police.

Pour un chéquier volé, le nombre de plaintes peut aussi bien être d’une unité – le chéquier en question – que de vingt unités si ce chéquier comptait vingt chèques au moment du vol.

Le nombre des victimes de la route est en évolution toujours aléatoire sans qu’il soit possible d’imputer systématiquement des résultats favorables à la présence policière.

Je ne veux pas être, ici, le détracteur inconsidéré de la performance, de la quête du chiffre à tout prix, de la recherche de l’efficience idéale. Je m’interroge seulement sur les moyens de donner une meilleure efficacité à la fonction sécuritaire dont le ministère de l’intérieur a la charge.

La voie choisie est celle du rapprochement entre police et gendarmerie, placées sous la tutelle d’un même ministère. Au-delà du pilotage opérationnel, placé depuis 2002 sous l’autorité du ministre de l’intérieur, s’ajoute désormais le pilotage fonctionnel.

Ensemble, ils ont pour objet de concourir à une meilleure cohérence des deux forces, à une mise en synergie de leurs actions, à une mutualisation de leurs moyens, à une complémentarité de leurs modes d’intervention.

C’est sur ce double pilotage, madame le ministre, que je voudrais attirer votre intervention.

Comment ne pas relever, en premier lieu, un problème de calendrier ?

La particularité de la mission sécurité de ce budget tient au fait que nous examinons un texte qui doit s’appliquer à un système encore virtuel, puisque aussi bien la prochaine loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ne pourra intervenir que dans les premiers mois de l’année prochaine. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

On ne peut que regretter cette absence de « concordance des temps » qui, dans un tout autre domaine, celui de la grammaire, vaudrait une mauvaise note à l’élève défaillant ! (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Un tel retard n’est pas seulement gênant parce qu’il contraindra les deux administrations à envisager des modes de gestion provisoires, mais aussi parce qu’il est source d’inquiétude pour l’une et l’autre des deux forces.

Qui n’a pas côtoyé de très près police et gendarmerie aurait bien du mal à mesurer l’acuité de leur sensibilité. « La police marche à l’affectif », m’avait-on dit, et c’est vrai. Les policiers ont besoin de cette reconnaissance de leur autorité de tutelle pour la dangerosité et la pénibilité de leur métier ; ils sont certes, au quotidien, soumis à l’urgence, mais ils l’acceptent parce qu’elle s’inscrit dans des démarches encadrées et programmées.

Le général Gilles, directeur général de la gendarmerie, déclarait dans une récente communication : « Le gendarme, parce qu’il est fils des armées est un militaire ; parce qu’il est fils du territoire, il est toujours l’homme d’un terroir ; parce qu’il est fils de la loi, il en est le gardien intraitable ; parce qu’enfin il est fils du peuple, il en est le serviteur direct. »

Ces traits d’identité, les gendarmes veulent les conserver, coûte que coûte, et n’entendent pas les abandonner en intégrant une nouvelle administration. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

L’inquiétude des policiers et des gendarmes, que d’aucuns voudraient voir déjà gommée, tient assurément au choc de deux cultures qui, tant qu’elles étaient clairement distinctes, entraînaient peut-être des comparaisons revendicatives, mais jamais de heurts frontaux.

N’est-ce pas pour cela, madame le ministre, que les choix d’organisation future ont retenu des formules entre ombre et lumière ?

Le projet de budget pour 2009 de la mission « Sécurité » présente deux volets : le programme police est géré au niveau zonal, à travers les secrétariats généraux pour l’administration de la police, SGAP ; le programme gendarmerie reste du niveau central avec une gestion déconcentrée au niveau régional.

La gestion des carrières est rattachée au ministère de l’intérieur, sauf en ce qui concerne la discipline des gendarmes qui, à raison de leur statut militaire, implique un rattachement au ministère de la défense. Je veux sur ce point souligner que, s’agissant des procédures disciplinaires, il est de jurisprudence constante qu’un seul et unique dossier doit exister. Qu’en sera-t-il en fait ?

La formation continue est unique, mais la formation initiale est distincte, conséquence, une nouvelle fois, du statut militaire. Ne serait-il pas toutefois envisageable d’offrir, au moment de la formation initiale, un tronc commun de formation à des policiers et des gendarmes qui auront à exercer les mêmes missions globales dès leur prise de fonction ?

Enfin, il existe une parité globale des carrières, avec seulement un point de convergence au grade de brigadier, ce qui pourrait conduire à l’instauration des trop fameuses « échelles de perroquet ».

Sur ces différents points sensibles, je sais que vous vous attacherez à trouver les solutions les plus opérantes, comme vous l’avez d’ailleurs fait sur les moyens logistiques mutualisés.

Mais, dans ce domaine, où n’intervient que très peu la dimension humaine, les solutions sont aisées à trouver. C’est plus difficile, en revanche, dans tous les autres aspects touchant en particulier au respect des prérogatives fondamentales de la gendarmerie.

Je suis sensible, par exemple, aux arguments de deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale, anciens présidents de chambre à la Cour de cassation, qui dénoncent l’abandon de la procédure de réquisition de la force armée, fondant l’action de la gendarmerie, de statut militaire, depuis un décret de 1903.

Ils écrivaient : « Il est insupportable au regard des libertés publiques que la gendarmerie soit désormais laissée, dans les missions de maintien et de rétablissement de l’ordre public, à la disposition du ministre, ainsi qu’à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition à force armée. »

J’examinerai, avec la plus grande attention, les dispositions qui seront prises, dans le contexte de la prochaine loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, pour donner à la police et à la gendarmerie les meilleures chances d’une parfaite complémentarité.

Je ne doute pas, madame le ministre, que votre détermination et votre volonté de dialogue trouveront les voies d’une amélioration d’un dispositif qui, pour trouver sa pleine et harmonieuse mesure, pourrait se mettre en place avec, au terme d’une période exploratoire, une évaluation des résultats.

En cette année 2008, où nous fêtons les cent ans des brigades du Tigre, comment ne pas former le vœu que, sur les pas de votre illustre prédécesseur Georges Clemenceau, vous ouvriez, madame le ministre, une ère nouvelle de pleine efficacité de la mission de sécurité au service de nos concitoyens ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2002, première fois que j’intervenais dans ce débat sur le budget de la sécurité, mon discours a été très souvent à peu près le même, actualisé par les drames et les affirmations osées ou extrapolations de l’année. Cela finissait même par en être un peu lassant !

Mais, après réflexion et analyse, je me suis aperçu que la politique du Président de la République, la vôtre, madame la ministre de l’intérieur, avait changé. M. Sarkozy Président de la République a oublié M. Sarkozy, ministre de l’intérieur.

Tout d’abord, les projets de loi sont continuellement annoncés, puis retardés.

Par exemple, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est annoncé depuis un an, mais sans cesse repoussé.

Compte tenu de la programmation triennale, le Parlement se retrouve dans la situation baroque de discuter de la première année d’exécution budgétaire d’une loi qui n’a même pas été adoptée en conseil des ministres.

M. Jean-Louis Carrère. C’est la nouvelle orthodoxie !

M. Charles Gautier. Quant à l’examen du projet de loi relatif à la gendarmerie, qui prévoit de placer la gendarmerie nationale sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, il a été examiné en commission, puis reporté. Mais cela a été remarquablement dit par notre collègue tout à l’heure.

Comment pouvons-nous discuter d’un budget qui prend déjà en compte des modifications législatives non encore votées par le Parlement ?

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est l’anticipation !

M. Charles Gautier. Ensuite, madame la ministre, les policiers sont les grands perdants de votre politique. Leurs syndicats nous ont saisis pour exprimer leur mécontentement face aux difficultés qu’ils rencontrent et déplorer la dégradation grandissante de leurs conditions de travail. Je les cite : « Jugez plutôt : 10 000 policiers sont blessés en service chaque année, soit 10 % de l’effectif total au sol. Aucune profession ne peut afficher de tels chiffres, démonstratifs de la violence au quotidien subie par les forces de l’ordre lors de l’exercice de leur mission. »

À cet égard, je me joins aux propos qui ont été tenus tout à l’heure par Jean-Patrick Courtois, pour remercier l'ensemble des agents et les féliciter de leur travail.

Sachez, madame la ministre, que la suppression d’une partie de leurs RTT, sur la base d’un accord avec un seul syndicat, dont la représentativité est contestée, est très mal perçue sur le terrain. Le Gouvernement se doit donc de rouvrir les négociations avec l'ensemble des organisations syndicales.

Bien sûr, toutes ces décisions se traduiront forcément par une baisse de l’efficacité opérationnelle et se répercuteront sur la sécurité des policiers. Et que dire de la fermeture annoncée des écoles de formation ?

Quant au retour de la police de proximité, nous vous le demandons depuis 2003. Vous remettez celle-ci en place sous le nom d’unités territoriales de quartier, certes, mais de manière bien trop limitée. Il n’en existe aujourd’hui que huit, réparties dans trois départements, ce qui est largement insuffisant !

Enfin, la baisse annoncée des effectifs annule, pour une bonne part, les prétendues créations de postes annoncées dans le cadre de la LOPSI 1 de 2002. Les syndicats de policiers contestent d’ailleurs vos chiffres et, démonstration à l’appui, ils affirment que la réduction des effectifs est bien plus importante que celle que vous annoncez.

La politique mise en place entre 2002 et 2004 affichait l’ambition de porter de 105 000 à 108 000 le nombre de policiers en 2012. À l’époque, souvenez-vous, nous nous étions montrés sceptiques. Aujourd’hui, vous revenez totalement sur cet objectif, puisque, selon le calcul effectué par les syndicats, les effectifs passeront en fait, à cette date, de 105 000 à 100 300.

Les policiers ne tolèrent plus de telles réductions d’effectifs. Ils ont d’ailleurs manifesté partout en France à ce sujet, conscients que ces mesures auront des conséquences sur la sécurité et, donc, sur le service rendu au citoyen.

Quelle solution leur apportez-vous ? Qu’ils travaillent plus pour en pâtir plus !

Plus grave encore, madame la ministre, les budgets sont réduits.

Vous annoncez une augmentation de 2,2 % du budget de la mission « Sécurité », mais, pour la première fois depuis longtemps, les autorisations d’engagement resteront quasiment stables.

Si nous prenons en compte l’« arrivée » de la gendarmerie sous votre responsabilité, la baisse des effectifs de la police, les menaces terroristes sérieuses que vous nous citiez en commission, au bout du compte, nous avons toutes les raisons d’être très inquiets !

La vérité, c’est que la sécurité n’est plus du tout une priorité pour le Gouvernement. En matière de prévention, rien, non plus, n’a été entrepris. Le document de politique transversale Prévention de la délinquance ne permet pas de retracer une réelle volonté politique. Tout se reporte sur les collectivités locales.

En réalité, madame la ministre, vous êtes obligée de faire mieux avec moins, et l’on comprend que ce soit difficile ! Vous annoncez une baisse de 13 % de la délinquance générale, en vous fondant sur les données de l’état 4001, c’est-à-dire celles qui sont issues des enregistrements des services de police et de gendarmerie.

Les enquêtes de victimation établies par l’INSEE donnent des résultats plus complets et relativisent les données classiques. C’est ainsi que l’on apprend que, selon les estimations, le nombre d’atteintes subies en 2007 était de 4,615 millions quand le nombre d’atteintes suivies d’une plainte n’était plus que de 1,644 million. Autrement dit, les deux tiers des victimes ne déposent pas plainte auprès de vos services !

On y apprend aussi qu’un peu plus de 800 000 personnes âgées de 14 ans et plus ont déclaré avoir subi au moins un acte de violence physique en 2007, contre 736 000 en 2006, soit une augmentation de 9 %. Nous sommes loin des chiffres annoncés !

Mais foin de l’éternelle polémique sur les chiffres, et admettons – beau paradoxe ! – que la délinquance baisse en même temps que les moyens !

La réalité, je le répète, c’est que les communes se débrouillent toutes seules. Elles pallient le désengagement constant de l’État en matière de sécurité et de prévention. C’est tout à fait flagrant au regard du nombre croissant des communes qui se sont dotées d’une police municipale : on en comptabilise 4 040 aujourd'hui, contre 3 300 en 2005, soit 740 communes de plus en l’espace de trois ans ! Les collectivités ont recruté plus de 10 000 policiers municipaux. De votre côté, vous nous annoncez, pour 2009, une baisse de 7 000 policiers et gendarmes.

En termes de prévention, le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD, n’est plus affecté qu’aux opérations visant à mettre en place la vidéosurveillance. Les autres actions sont toutes abandonnées, on fait fi du travail en profondeur sur le terrain.

Or, si l’efficacité de la vidéosurveillance est prouvée pour les investigations des délits filmés, elle est beaucoup moins évidente pour ce qui est de la prévention de la délinquance, laquelle est au cœur de l’action municipale. La preuve est faite que, dans ce domaine également, vous utilisez les collectivités pour pallier vos insuffisances en matière de moyens.

À la lumière de toutes ces données, nous pouvons surtout féliciter les communes de leurs actions concernant la sécurité et la prévention de la délinquance.

En définitive, j’y insiste, les économies du ministère de l’intérieur se font au détriment des territoires.

Le groupe socialiste est donc inquiet pour l’avenir. Il ne votera pas votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, à l’occasion de l’examen de votre budget, je voudrais, à mon tour, faire une observation préalable sur la méthode employée. Vous demandez aux parlementaires de se prononcer sur vos crédits pour 2009, lesquels correspondent en fait à la première année d’exécution d’une loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure qu’ils n’ont même pas examinée !

Il y a donc de quoi s’interroger, surtout au moment où l’on nous ressasse que les droits du Parlement ont été renforcés grâce à la réforme constitutionnelle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale appelle d’ailleurs les mêmes remarques. Alors que celui-ci n’a toujours pas été examiné par le Parlement, on nous demande tout de même de voter les crédits relatifs à l’organisation du rattachement organique et fonctionnel de la gendarmerie nationale à votre ministère.

Les gendarmes, auxquels je tiens à rendre hommage, sont eux-mêmes inquiets de cette réforme, dont le report de l’entrée en vigueur risque d’ailleurs de gêner, pendant plusieurs mois, la gestion quotidienne des gendarmeries.

Pour ma part, je m’interroge sur les raisons profondes d’un tel rattachement, car je ne vois rien qui le justifie, si ce n’est, bien évidemment, la volonté de réduire la dépense publique.

La présente mission « Sécurité » est, une fois de plus, la traduction budgétaire, pour l’année 2009, de la politique très sécuritaire que vous menez depuis 2002, avec des moyens en nette diminution. Elle illustre aussi, me semble-t-il, les choix imposés par la RGPP.

C’est ainsi que, d’ici à 2011, il est prévu de supprimer 7 000 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, soit 4 000 policiers et 3 000 gendarmes.

C’est à se demander si la LOPPSI 2, dont la lecture du rapport pour avis de M. Courtois nous apprend qu’elle s’exécutera à moyens constants, voire en baisse, ne va pas défaire le peu qu’avait fait la version initiale.

Quel peut-être, dans ces conditions, l’avenir des brigades de gendarmerie ?

En outre, les effectifs des forces mobiles vont, eux aussi, diminuer.

Madame la ministre, dans la perspective de pallier toutes ces baisses d’effectifs chez les forces de l’ordre, prévoyez-vous de généraliser ce qu’il faut bien appeler – même si le terme n’est pas heureux – la « dénonciation anonyme » ? Nous en avons déjà un exemple concret dans le département de l’Isère, puisque l’on trouve sur le site internet de la préfecture une rubrique intitulée « Comment aider les forces de l’ordre ? »

Pour compenser ces baisses d’effectifs, vous prévoyez des réorganisations, en fait des redéploiements, sur le principe des vases communicants, qui ne pourront pourtant pas tout régler.

D’un côté, vous avez supprimé la police de proximité, les ADS – les adjoints de sécurité – et un certain nombre de postes de gardiens de la paix ; de l’autre, vous créez les UTeQ et les compagnies de sécurisation, qui plus est sur les mêmes territoires : comment tout cela va-t-il s’articuler ? Quelle visibilité pour la population ?

Au-delà des seules données budgétaires, j’ai la faiblesse de penser qu’on ne peut pas évoquer le thème de l’insécurité sans aborder la situation économique.

À cet égard, l’ensemble du projet de loi de finances pour 2009, en ne profitant qu’à une seule frange de la population, celle qui, paradoxalement, en a le moins besoin, tout en ignorant la plus grande partie des Français, est lui-même source d’insécurité. Parmi les nombreux exemples, je citerai le désengagement de l’État en faveur de la rénovation urbaine, la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, le projet de suppression de l’école maternelle, votre politique du logement, la suppression de très nombreux postes dans la fonction publique, celle des services publics de proximité et du lien social qui y est attaché.

Croyez-vous que c’est avec ce genre de décision que vous allez améliorer la vie de nos concitoyens et leur permettre de vivre en toute sécurité et sérénité ?

Depuis les annonces faites en 2005 à la suite des émeutes, que s’est-il passé ? Rien ! Rien n’a en effet changé dans les quartiers dits « sensibles », à tel point que l’on peut se demander où est passé le plan Banlieue, pourtant si peu ambitieux !

La situation des populations écartées des centres urbains n’a guère évolué, que ce soit en matière de sécurité, d’éducation ou de transports. La précarité, le chômage, la misère, la crise du logement, la violence, le développement de l’économie parallèle qui gangrène des quartiers entiers : tout est là !

La question fondamentale est, bien sûr, celle des moyens et de l’utilisation de l’argent public.

On nous parle de restriction budgétaire, d’économie, de maîtrise des dépenses publiques, comme si la France, qui vient de débloquer des milliards d’euros en faveur des banques et du monde de la finance, était un pays pauvre.

Le problème, ce n’est pas que l’argent manque, c’est qu’il est très mal utilisé : les cadeaux fiscaux faits aux personnes les plus fortunées de France représentent autant de recettes en moins pour l’État. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

Il est grand temps d’utiliser les deniers publics de façon plus efficiente et plus équitable, afin qu’ils profitent à l’ensemble de la population, ce qui est loin, je le répète, d’être le cas.

Plutôt que d’investir dans des domaines qui coûtent très cher, mais dont l’efficacité reste à prouver, comme la vidéosurveillance, la biométrie, les fichiers, les scanners corporels, les Taser, mieux vaudrait investir dans l’éducation, l’emploi, la formation, l’habitat social, les services publics, l’accompagnement social, le financement des associations ou, encore, le déploiement d’une police de proximité, par le biais des UTeQ.

Bien sûr, il s’agit d’une politique de longue haleine, beaucoup moins spectaculaire et moins médiatique que les descentes de police filmées au petit matin dans les campagnes françaises.

La situation nécessite ainsi de mobiliser tous les secteurs de l’État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. C’est non pas de moins d’État que nous avons besoin, mais bien au contraire de plus d’État !

Madame la ministre, tant que votre politique restera dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes de la délinquance, à son indispensable traitement social et à sa nécessaire prévention, elle demeurera inefficace.

On le sait, la délinquance urbaine, juvénile, prend racine dans les difficultés sociales et économiques des Français. Quand l’écart se creuse, quand on constate, d’un côté, la dégradation des conditions de vie d’une partie de la population, et, de l’autre, l’explosion des richesses, la délinquance a tendance à augmenter.

Dire cela ne signifie ni excuser ni faire preuve de laxisme : il s’agit simplement de réfléchir, d’expliquer, de comprendre, pour mieux répondre à une situation donnée.

En effet, la réponse ne peut pas résider seulement dans l’allongement des peines d’emprisonnement, dans l’abaissement de l’âge pénal à douze ans, dans la construction de prisons et d’établissements supplémentaires pour mineurs, ces lieux d’enfermement dont on voit malheureusement, jour après jour, avec la multiplication des suicides, les effets détestables. Il s’agit là d’un raisonnement simpliste – pour ne pas dire populiste ! –, assurément réducteur et inévitablement dangereux, que nous ne pouvons suivre.

Or vos orientations budgétaires continuent de privilégier, d’une part, la culture du chiffre, du résultat, et, d’autre part, la répression et l’enfermement, au détriment de la prévention de la délinquance. Alors que les prisons n’ont jamais été aussi surpeuplées, le Gouvernement se targue tout de même d’être à l’origine de la baisse de la délinquance générale pour la sixième année consécutive.

Surveiller, punir et enfermer, tel est votre credo. À cette conception sécuritaire, il convient d’opposer la mise en œuvre du triptyque « prévention-dissuasion-répression ».

La lutte contre le terrorisme et la délinquance vous permet d’imposer votre projet de société : celui d’une surveillance et d’un contrôle généralisés de la population. Depuis le 11 septembre 2001, de très nombreuses mesures législatives ont effectivement été adoptées, toutes plus liberticides les unes que les autres. La dernière tentative en date a été la mise en place du fameux fichier EDVIGE, supprimé grâce à la très forte mobilisation de la société civile.

Avant de conclure, je tiens à dire ma totale opposition à l’usage par les forces de l’ordre des pistolets à impulsion électrique Taser X26, dont l’utilisation a récemment été étendue aux 17 000 policiers municipaux, alors même que le Comité contre la torture de l’ONU estime que la douleur aiguë provoquée par ces armes constitue une « forme de torture ».

À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC-SPG ne votent pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc.

M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté aujourd’hui répond aux impératifs de sécurité publique de notre pays, et permet de juguler considérablement et durablement l’insécurité. En cela, ce budget est la concrétisation des engagements de campagne du Président de la République, engagements répondant à une attente forte des Français qui demandaient alors au candidat, devenu Président, de prolonger et d’amplifier sa lutte contre toutes les délinquances et toutes les insécurités.

Il est cependant indispensable de prendre en considération la répartition géographique des moyens, en fonction de l’effet constaté et de l’ensemble des projets de l’État dans les territoires.

Madame la ministre, permettez-moi, en tant que représentant des collectivités territoriales de mon département, l’Hérault, de porter à votre connaissance un certain nombre d’éléments de terrain observés, en particulier, dans la ville dont je préside les destinées, à la veille de l’ouverture d’une nouvelle prison de 820 places.

La police nationale de la circonscription de Béziers compte dans ses effectifs un peu moins de 200 agents, dont 175 agents actifs ou opérationnels. On peut regretter que l’ouverture de la prison n’ait pas été réellement anticipée. Certes, un renfort d’une trentaine de fonctionnaires est annoncé. Toutefois, ceux-ci seront mobilisés en grande partie pour d’autres tâches rattachées, comme les transferts, les présentations, ou encore les missions de police secours, dont les demandes sont d’ailleurs en augmentation constante.

Dans cette même circonscription de sécurité publique, on note malheureusement une augmentation de la délinquance de l’ordre de 5,5 % entre les dix premiers mois de 2007 et ceux de 2008.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas comme en France !

M. Raymond Couderc. Cette situation s’accompagne en particulier d’une forte augmentation du trafic de stupéfiants de près de 33 %. On ne peut donc que s’inquiéter de l’annonce d’une baisse, au niveau national, du budget de fonctionnement.

De même, la question des locaux du commissariat n’a pas été anticipée. Ces locaux sont d’ores et déjà sous-dimensionnés et le bâtiment, si l’on en croit le rapport de la dernière inspection, est en très mauvais état général. Les geôles étant trop peu nombreuses et occupées en permanence, on ne peut y faire de travaux. L’armurerie doit être sécurisée. Les vestiaires sont à la limite de l’insalubrité. Enfin, le stationnement des véhicules relève de l’exploit.

M. Jean-Louis Carrère. C’est où ? À Béziers ?

M. Raymond Couderc. En résumé, les locaux sont totalement inadaptés à l’activité contemporaine de ce commissariat. On ne sait donc pas vraiment où pourront être logés les renforts qui doivent arriver à l’occasion de l’ouverture du centre pénitentiaire.

En conclusion, je vous demanderai donc, madame la ministre, au-delà de ce budget, que je vais naturellement voter, de faire en sorte que les situations locales ne soient plus examinées selon une approche purement technocratique ou statistique et qu’une coordination soit mise en place avec le ministère de la justice, afin d’harmoniser les actions de l’État dans le domaine de la sécurité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Louis Carrère. M. Trucy a raison d’applaudir !

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez avant toute chose de souligner, à l’instar de nombreux orateurs, le caractère quelque peu surprenant, voire paradoxal, de cette discussion budgétaire. En effet, nous examinons actuellement les crédits du programme « Gendarmerie nationale », alors que nous n’avons encore discuté ni du projet de loi qui prévoit le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur au 1er janvier 2009, ni de la future loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI.

II y a là un problème de fond : le Gouvernement donne ces réformes pour acquises, alors que le Parlement n’a pas encore été invité à se prononcer.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. Philippe Madrelle. En tant que membre du groupe de travail constitué, il y a tout juste un an, au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je tiens à rendre un hommage sincère au travail effectué par le président de ce groupe, notre collègue et ami Jean Faure. Son rapport, adopté à l’unanimité par la commission, formule dix-sept recommandations résultant d’échanges et de travaux importants.

Pour en revenir à des considérations d’ordre plus strictement budgétaire, nous déplorons la diminution de près de 2 % – exactement 1,8 % – des autorisations d’engagement, qui régressent pour la deuxième année consécutive. En 2009, la gendarmerie devrait perdre 1 625 emplois et passer ainsi sous la barre des 100 000 agents.

Le rapprochement entre gendarmerie et police suscite bien des interrogations parmi les gendarmes. Êtes-vous en mesure, madame la ministre, de nous apporter les précisions relatives à cette nouvelle organisation ? Il s’agit de redéfinir la place de la gendarmerie à l’égard tant des armées que de la police. Il paraît logique que les gendarmes attendent beaucoup des perspectives de mutualisation, qui devraient notamment favoriser une organisation cohérente et efficace des matériels et des formations.

Nous savons que ces deux forces tiennent à rester fondamentalement distinctes et à garder chacune leur identité propre. C’est la spécificité de la gendarmerie, c’est-à-dire son caractère militaire, qui fait son efficacité opérationnelle. Ces personnels attendent donc une parité globale de traitement et de carrière, ainsi que l’octroi d’une grille spécifique. Je veux d’ailleurs profiter de ce débat budgétaire pour rendre hommage aux efforts et au dévouement de cette arme.

A l’occasion du débat à l’Assemblée nationale, vous avez affirmé, madame la ministre, votre volonté de « moderniser la gendarmerie. » Moderniser veut-il dire « regrouper » ? Ainsi a été annoncée la fermeture de quatre écoles de gendarmerie, parmi lesquelles figure celle de Libourne, en Gironde, qui va perdre dès l’été prochain les retombées économiques de la présence de 130 cadres permanents et de 480 stagiaires répartis en quatre compagnies d’élèves sous-officiers. Il s’agit là d’un coup très dur pour le territoire libournais, déjà fragilisé.

Je sais que la mairie de Libourne a demandé à l’État de s’impliquer dans la reconversion de ce site en privilégiant l’installation du commissariat de police et de la brigade territoriale de gendarmerie. Êtes-vous en mesure, madame la ministre, de nous apporter des précisions sur cette nécessaire et urgente reconversion du site ? Je sais qu’à titre personnel vous n’étiez pas favorable à cette fermeture.

Lors de votre audition devant la commission, vous avez déclaré : « L’accent sera mis sur un recours accru aux nouvelles technologies avec des moyens de financement accrus pour le renforcement de la protection des gendarmes ». Ne pensez-vous pas que ces moyens peuvent paraître quelque peu ambitieux lorsque, dans trop de brigades, comme j’en ai été témoin, les agents doivent rivaliser d’imagination pour faire face à l’absence de photocopieurs, d’ordinateurs, etc ?

Ce manque de moyens matériels s’avère catastrophique pour le fonctionnement des brigades et contribue à accentuer l’inquiétude et le désarroi d’un grand nombre de gendarmes, qui déplorent le fait d’être privés de contact avec la population. Contraints de consacrer beaucoup de temps à l’élaboration de statistiques, les gendarmes ne peuvent assurer dans des conditions optimales le suivi procédural des enquêtes.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous le savez, nous sommes particulièrement attachés à la présence des gendarmes, notamment en zone rurale. Le manque de moyens, la diminution des effectifs, la fermeture des brigades sont loin de favoriser l’ancrage territorial de la gendarmerie, condition indispensable à l’efficacité de ses missions.

C’est précisément pour toutes ces raisons, madame la ministre, que le groupe socialiste du Sénat ne votera pas votre budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’associe à l’hommage rendu par les précédents orateurs au dévouement et au courage de l’ensemble des gendarmes et des policiers, qui assurent au quotidien, au péril de leur vie, la sécurité des personnes et des biens.

Les chiffres cités par Jean-Patrick Courtois concernant les gendarmes et les policiers décédés en mission doivent nous interpeller. Dans le seul département des Ardennes, que je représente, en 2007 et 2008, deux motards de la gendarmerie sont décédés en service à cause de l’irresponsabilité et de l’inconscience de certains. Votre présence dans notre département et votre soutien, madame la ministre, ont été unanimement appréciés.

Vous l’avez souligné, madame la ministre : « La sécurité, ce sont d’abord des hommes et des femmes. Aucun matériel, aucune technologie ne saurait remplacer la compétence, le dévouement, le courage de celles et ceux qui servent la police, la gendarmerie, les services d’incendie et de secours ».

Dans son ensemble, la mission « Sécurité » progressera en 2009 de 2,2 %, pour atteindre 16,226 milliards d’euros de crédits de paiement.

Élu d’un département rural, les Ardennes, qui compte moins de 300 000 habitants, j’axerai plus particulièrement mon intervention sur le programme « Gendarmerie nationale », dont le montant global atteint 7,6 milliards d’euros en crédits de paiement et qui représente 99 509 emplois équivalents temps plein travaillé.

Dans nos départements ruraux, nous restons très attentifs à l’évolution du statut de la gendarmerie nationale, qui souhaite conserver son identité et son statut militaire à part entière.

Des inquiétudes subsistent pour l’avenir des petites brigades regroupées au sein de communautés de brigades. Le maintien des brigades de proximité doit rester une priorité dans le monde rural, où l’habitat est très dispersé.

Les gendarmes sont des interlocuteurs indispensables pour soutenir l’action des maires, qui se sentent souvent bien seuls et sans moyens pour faire face à des actes d’incivilité de plus en plus nombreux et pour faire appliquer leurs pouvoirs de police. L’aspect humain doit être privilégié, c’est incontestable.

Parallèlement, des demandes légitimes portant sur leurs moyens de fonctionnement sont régulièrement formulées par les gendarmes.

Premièrement, la rénovation et l’entretien des casernements doivent demeurer des priorités, et ce malgré la taille, très vaste, du parc immobilier.

Deuxièmement, des crédits destinés à la maintenance et à l’entretien des véhicules et des matériels sont indispensables.

Troisièmement, la maintenance du parc informatique doit être soutenue régulièrement. Il en va de même s’agissant de l’adaptation de l’habillement à l’implantation géographique des brigades.

Par ailleurs, des tâches administratives parfois superflues retardent souvent l’efficacité des services de gendarmerie, qui souhaiteraient être beaucoup plus présents sur le terrain. Des dispositions pourraient être envisagées pour remédier à cette situation. Nous savons, madame la ministre, que nous pouvons compter sur votre écoute et votre détermination.

Au vu de l’ensemble de ces remarques, je m’associerai à la reconnaissance du combat permanent mené au quotidien par les gendarmes et les policiers pour lutter contre la délinquance et l’insécurité en général.

La sécurité routière reste une priorité forte du Gouvernement. Cette action, nous l’approuvons, bien évidemment.

Compte tenu de l’ensemble des dispositions prévues à ce titre, madame la ministre, je voterai naturellement les crédits de la mission « Sécurité » avec l’ensemble de mon groupe. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, faisant abstraction de la complexité et de l’originalité de la situation quant aux dates et calendriers déjà largement évoqués par mes collègues, j’ai porté mon attention, dans ce projet de budget, aux moyens consacrés au développement de la vidéosurveillance et au programme 152 concernant la gendarmerie nationale.

Je commencerai mon propos en évoquant les équipements de vidéosurveillance. De nature curieuse et ayant conservé d’un lointain passé de scientifique la méthodologie de l’expérimentation et de l’évaluation, je me suis interrogée, sans trouver de réponse précise et détaillée, sur la mise en place pratique et opérationnelle de ces équipements : où, quand, pourquoi, comment, avec qui ?

Les moyens financiers que vous envisagez de consacrer aux équipements de vidéosurveillance sont importants puisque le programme « Police nationale » a été doté d’un budget de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement. De plus, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, lui consacrera 30 millions d’euros, soit la moitié de son budget global.

Pourquoi pas si ces sommes servent efficacement les objectifs poursuivis ! Mais quels sont ces objectifs : prévention de la délinquance ou élucidation et répression ? Quelle sera la nature des faits délictueux visés par ces dispositifs ? Sur quel type de territoire ? Quelle sera la surface à couvrir ? Quelles autres mesures de sécurité accompagneront cet équipement ? Le préalable à une expérimentation de qualité permettant de tirer de réelles et incontestables conclusions n’est pas au rendez-vous, ce que je regrette compte tenu des sommes concernées. J’estime, en effet, que nous en sommes encore au stade de l’expérimentation en la matière.

Sans entrer dans le débat.sur l’efficacité ou non de ces dispositifs de vidéosurveillance, je souhaite rappeler qu’une étude menée chez nos voisins britanniques – par Éric Heilmann, en 2003 – a fait apparaître tout à la fois une diminution, une stagnation, et même une augmentation de certains types d’infraction, et non des moindres – homicides, crimes sexuels, agressions violentes, délits liés à l’usage des drogues, des véhicules ou à l’atteinte à la paix publique – dans des zones équipées de vidéosurveillance. Ne nous gargarisons donc pas de chiffres généraux sur lesquels nous n’avons aucun recul, notamment en termes de déplacement éventuel de la délinquance hors des champs des caméras ou de l’apport d’autres dispositifs concomitants, y compris humains, ayant participé à une modification de la délinquance.

La vitesse et l’ampleur avec laquelle vous vous saisissez de ces moyens techniques me font craindre qu’il ne s’agisse d’abord pour le Gouvernement de mettre en œuvre, dans le domaine de la sécurité, la politique dogmatique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sans se poser au préalable la question de ses missions. Or il faudrait plutôt viser de réels objectifs d’efficacité.

Madame le ministre, en l’état actuel de notre méconnaissance de l’efficacité de la vidéosurveillance, il me semble préférable de concentrer les crédits sur le recrutement de personnel pour des missions couvrant des périmètres plus étendus qu’une caméra et apportant une véritable plus-value sociale.

À ce titre, je suis très inquiète de la baisse annoncée des effectifs de la police et de la gendarmerie, qui se traduira, d’ici à 2011, par la suppression d’environ 7 000 emplois : 4 000 pour la police et 3 000 pour la gendarmerie, laquelle joue pourtant un rôle essentiel dans le maintien d’un maillage territorial jusque dans les zones les plus rurales.

Le recentrage de l’activité des gendarmes sur leur corps de métier s’accompagne du renforcement des personnels civils de la gendarmerie, leur nombre devant passer d’environ 2 000 à environ 5 000 d’ici à 2013. L’opération pourrait être perçue comme un système de vases communicants, avec un bilan quantitatif finalement neutre, presque satisfaisant. Cependant, il faut se rappeler, tout d’abord, que les besoins de création de postes étaient estimés à 7 000 pour la période 2003-2007, mais que seulement 6 050 ont été dotés. J’ajoute que l’année 2008 s’est soldée par la suppression de 965 emplois et que les périodes considérées dans les deux cas ne sont pas les mêmes.

C’est dire que le compte n’y est pas ! Il y est même d’autant moins que la présentation stratégique annuelle de performances fait état d’un renforcement des activités auprès d’une population qui continuera d’augmenter dans la zone de responsabilité de la gendarmerie nationale. Cette dernière est, de surcroît, confrontée à des risques croissants : émergence de nouvelles formes de criminalité, progression des violences, radicalisation de la menace terroriste.

Et la livraison de nouveaux établissements pénitentiaires fera peser en zone urbaine des charges supplémentaires sur les gendarmes.

Vous comprendrez, madame le ministre, que ces perspectives m’amènent à m’interroger quant à la possibilité de maintenir un équilibre raisonnable et équitable sur l’ensemble du territoire, notamment hors des centres urbains. D’autant que, malgré les efforts consentis en matière de rémunération des gendarmes, notamment par le biais du PAGRE rénové, d’autres besoins semblent oubliés.

Le statut militaire des gendarmes, auquel nous sommes tous attachés, comporte l’obligation d’occuper un logement de fonction. Sur ce point, je regrette de constater la vétusté générale des locaux d’habitation, comme des casernes de gendarmerie. La remarque vaut pour le territoire que je représente, mais aucune raison objective ne me laisse penser que la communauté de brigade dudit territoire puisse être brimée par rapport aux autres.

Comment croire à une réelle volonté de maintenir un maillage territorial fort dans nos zones rurales devant une telle baisse des crédits par rapport à 2008 ? Ne faisons pas semblant d’ignorer que les projets de restructurations, rénovations ou constructions immobilières pour les petites structures, celles qui comptent moins de quarante gendarmes et sont implantées dans les zones rurales, font l’objet d’une décision unilatérale de transfert de la charge d’investissement aux collectivités locales.

Le retard pris pour le vote de la LOPPSI interdit aux collectivités locales concernées par un tel programme d’avoir ne serait-ce que le choix du montage juridico-financier d’un tel projet. Sans report ni délai complémentaire, celles-ci doivent, pour les programmes autorisés en 2007, s’engager avant le 31 décembre 2008 à réaliser un équipement répondant à un cahier des charges lourd et extrêmement précis. La maîtrise d’ouvrage leur est déléguée par l’État, selon la circulaire du Premier ministre et le décret 93-130 du 28 janvier 1993, qui prévoit une subvention généreuse de 18 %, un montant de travaux plafonné hors terrains et viabilisation et un loyer de 6 % invariable pendant neuf ans, calculé sur les bases locatives des domaines.

Ce qui reste à la charge des collectivités concernées, ce ne sont ni 10 %, ni 15 %, ni même 20 % : c’est plus encore, et ce pour le compte d’une compétence d’État !

D’autres montages plus favorables aux collectivités, de type partenariat public-privé ou bail emphytéotique avec l’État, sont devenus inenvisageables, puisque la LOPSI qui les autorisait est caduque. Ne peut-on espérer, à tout le moins, que l’État libère les collectivités de délais que lui-même ne tient pas, à défaut de prévoir un budget adapté aux besoins ?

Madame le ministre, mes doutes quant au maintien à long terme du maillage territorial de la gendarmerie nationale, dans des unités territoriales dotées d’effectifs suffisants et de locaux de travail et d’habitation au moins décents, sans même oser le mot « confortables », sont tout autant entretenus par le projet de budget dont nous discutons aujourd’hui que par le projet de loi visant au rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.

Dans ces conditions, vous ne serez pas étonnée que nous ne votions pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, définir un budget n’est pas un simple travail de comptabilité. Au-delà des chiffres, un budget s’inscrit dans une perspective politique et stratégique. C’est encore plus vrai lorsque l’on parle de la sécurité des Français.

Le budget de 2008 a permis d’affirmer la volonté de faire du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales un grand ministère moderne de la protection des Français, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le projet de loi de finances pour 2009 nous permet de relever un certain nombre de défis nouveaux et d’affermir notre ambition de toujours mieux protéger les Français.

Premier défi, notre action s’inscrira dans un périmètre élargi et un contexte exigeant.

En premier lieu, l’année 2009 verra l’intégration de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur de Montesquiou, monsieur Courtois, il s’agit d’une évolution importante : pour la première fois dans l’histoire de notre République, les deux services de sécurité – civile et militaire – seront placés sous la responsabilité pleine et entière du ministère de l’intérieur.

Je veux souligner, notamment à l’intention de M. de Montesquiou, de Mme Escoffier et de M. Laménie, que ce changement ne remet pas en cause le statut militaire de la gendarmerie auquel je suis très attachée. Dans ce projet de budget comme dans le projet de loi sur la gendarmerie sont réaffirmés et confortés tous les éléments du statut militaire de la gendarmerie. Ce rapprochement représente une opportunité fondamentale pour l’efficacité de la protection des Français.

J’ai bien entendu certains dire que cette évolution majeure allait intervenir de facto avant l’examen du projet de loi sur la gendarmerie. Je tiens à faire remarquer à Mme Escoffier, à M. Madrelle, à M. Gautier et à Mme Mathon-Poinat qu’il ne me revient pas d’établir l’ordre du jour des assemblées. Sinon, le calendrier de discussion des textes aurait suivi un ordre plus logique, mais cela ne change pas grand-chose à la réalité.

Permettez-moi de rappeler que, de toute façon, dans le cadre de la LOLF, voilà plusieurs années que les crédits de la gendarmerie et de la police sont présentés et votés simultanément.

S’offusquer aujourd'hui de cet état de chose au motif que le projet de loi sur la gendarmerie n’a pas encore été examiné est quelque peu étonnant. Je note d'ailleurs que Mme Klès a été plus prudente en la matière.

Quoi qu’il en soit, sur le plan technique, le directeur général de la gendarmerie se voit déléguer la gestion des crédits du programme à partir du 1er janvier 2009. Cela ne pose pas la moindre difficulté.

En second lieu, ce budget s’inscrit dans un contexte de contraintes budgétaires réelles. Messieurs les rapporteurs, je constate avec vous que la situation générale de nos finances publiques et la conjoncture actuelle nous imposent, en effet, de diminuer globalement les déficits et la dette du pays.

Madame Mathon-Poinat, il est irresponsable de nier la réalité de la crise, les difficultés et l’endettement de la France et il est inexact de dire que l’on aurait fait je ne sais quels cadeaux aux banques.

D'ailleurs, je vous rappelle que c’est au moment où vos amis participaient au gouvernement de la France sans trop se soucier du déficit budgétaire que les forces de sécurité ont été les moins bien dotées. La conséquence a été immédiate : une augmentation très sensible de la délinquance entre 1997 et 2002, à savoir plus 16 %. Cet élément non négligeable n’a été rappelé à aucun moment sur vos travées !

M. Jean-Louis Carrère. Quelle élégance !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Eh bien ! je considère qu’il est aussi de notre responsabilité de dire que le ministère de l’intérieur ne saurait rester en dehors d’une démarche d’intérêt national. C’est vrai pour aujourd'hui comme pour demain, car cette responsabilité s’étend à nos successeurs et à nos enfants.

Le deuxième défi que nous devons relever est celui de la protection des Français face à plusieurs menaces, en premier lieu la menace terroriste : nous le savons, les pays européens, dont la France, constituent une cible privilégiée pour certains mouvements terroristes.

Je rappelle que dans un communiqué du 22 septembre AQMI – Al Qaïda au Maghreb islamique – a, pour la première fois, menacé clairement le sol français. Ce qui est vrai sur le sol national l’est aussi pour nos compatriotes travaillant ou voyageant à l’étranger, comme le décès de deux Français lors des attentats de Bombay nous l’a tragiquement rappelé.

Dans ce contexte, nos services veillent avec détermination. Leur action vise en priorité à détecter les filières de recrutement et à surveiller Internet. La direction centrale du renseignement intérieur que j’ai mise en place le 1er juillet dernier est un maillon essentiel de cette protection préventive

Quatre-vingt-neuf activistes islamistes avaient été interpellés en France en 2007 ; ils sont soixante-cinq à l’avoir été depuis le début de l’année 2008. Nous avons démantelé des réseaux de financement du djihad et, je le précise, certaines arrestations ont eu lieu dans le cadre d’entraînements militaires pour le djihad conduits sur notre propre sol.

À ces menaces islamistes s’ajoutent d’autres types de menaces.

Même s’ils ont diminué de plus de la moitié, des attentats se produisent toujours en Corse. Nous devons également faire face aux menaces de l’ETA, y compris sur notre territoire : nul n’a ainsi oublié l’assassinat de deux gardes civils à côté d’Arcachon. Enfin, nous avons récemment été confrontés à des menaces d’attentat émanant de groupes anarcho-autonomes.

L’action que mènent les services de police pour assurer notre protection est donc indispensable, et elle doit être saluée.

Je souligne d’ailleurs que, dans le combat qu’ils mènent aujourd'hui, les services de police ne négligent pas les faits qui se sont déroulés dans le passé. L’arrestation d’un suspect dans l’attentat de la rue Copernic en 1980 démontre qu’ils n’oublient jamais et sont déterminés à retrouver les coupables d’actions criminelles.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C’est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance au quotidien est une exigence totale.

Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d’avoir souligné que les résultats obtenus de 2003 à 2007 ont été remarquables. Cette orientation très favorable perdure et, dans certains domaines, s’amplifie.

De novembre 2007 à octobre 2008, la délinquance de proximité a baissé de 8,2 %. J’en suis d’accord, les chiffres sont toujours abstraits, mais, en l’occurrence, cette baisse correspond très concrètement à 140 000 victimes potentielles en moins.

Monsieur Gautier, vous avez fait la comparaison entre statistique et enquête de victimisation. Je précise – Alain Bauer, qui a mené l’enquête de victimisation, le dit d’ailleurs lui-même – que les statistiques de la délinquance et les enquêtes de victimisation ne s’opposent pas, mais se complètent. Les statistiques de la délinquance s’appuient sur les mêmes paramètres depuis plus de trente ans.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au-delà des chiffres absolus, ces statistiques donnent des indications sur les évolutions, évolutions qui ont une signification.

Quant à l’enquête de victimisation, qui n’est qu’une enquête et qui a été menée sur 22 000 personnes, elle permet d’apprendre beaucoup sur les victimes et sur le contexte, et de faire apparaître une absence de plaintes dans certaines situations.

Cette absence de plaintes tient à des raisons extrêmement diverses. Certaines victimes considèrent que porter plainte ne vaut pas la peine parce que l’atteinte n’était pas très importante, notamment dans les cas de violences légères ne relevant que de contraventions. D’autres victimes de violences aux personnes, notamment en milieu intrafamilial, font la mesure entre, d’une part, ce qu’elles ressentent, d’autre part, ce qu’elles craignent.

Nous essayons aujourd'hui de faire « émerger » les violences intrafamiliales dans les plaintes, et cela se traduit d’ailleurs dans les résultats : les violences aux personnes se sont stabilisées, et ce malgré une hausse des plaintes liées à des violences intrafamiliales.

Cela signifie qu’il y a une baisse considérable des violences aux personnes, comme les vols avec violence, dans le « milieu extérieur ». En revanche, grâce, notamment, à la qualité de l’accueil et à l’action menée auprès des victimes, le nombre des violences intrafamiliales déclarées, jusque-là très faible, augmente progressivement.

La délinquance générale elle-même recule, malgré les variations qui se produisent dans notre société et qui se traduisent par l’apparition de nouveaux délits ou la hausse de certains délits, qui sont révélés du fait de l’initiative accrue des services, notamment en matière de stupéfiants ; dans ce dernier cas, il n’y a pas de victimes, et c’est parce que les services sont plus actifs, à la suite notamment de la demande très forte que j’ai exprimée en début d’année, que davantage de cas sont signalés.

Preuve de cette activité renforcée, le taux d’élucidation a été porté à 37,7 % en 2008, contre 35,7 % dans la période précédente, et je tiens à souligner que ce taux a même atteint 40,7 % en octobre ! Je rappellerai juste qu’il était de  25 % en 2001…

Parallèlement, car il ne s’agit pas seulement d’interpellations, les gardes à vue progressent de 3 % et le nombre des personnes mises en cause de 4,2 %.

Avec ces résultats, les objectifs qui m’avaient été fixés par le Président de la République sur deux années sont déjà atteints ou en voie de l’être.

Pour autant, je veux encore progresser dans la protection des Français, car certaines formes de délinquance augmentent, violences « gratuites » et escroqueries. Je n’ai pas l’intention de « camoufler » quoi que ce soit ; je veux au contraire continuer de dire la vérité, comme je l’ai toujours fait, car j’estime que c’est ce qui permet d’avancer.

Les violences gratuites aux personnes, en particulier dans le milieu intrafamilial, représentent un réel problème de société ; vous avez eu raison, monsieur Courtois, de le souligner.

Les violences dites crapuleuses, les vols à main armée et les vols avec violences ont diminué, en grande partie du fait de l’action des forces de l’ordre, diminution sensible puisque, sur douze mois, elle représente 11 000 victimes de moins, tandis que l’environnement familial a vu progresser les violences de 5,3 %.

Il y a certes une tendance à davantage signaler ce type de violences, mais nous n’en sommes pas moins confrontés à un réel problème, dont le traitement ne relève d’ailleurs pas uniquement des services de police et de gendarmerie : à côté de l’action de ces derniers, la réponse à ce véritable défi de sécurité passe aussi par la prévention et par l’éducation.

Le nombre des faits d’escroquerie a augmenté de 30 000 par rapport à l’an passé, qu’il s’agisse de l’escroquerie sur Internet, qui progresse considérablement, ou de l’escroquerie classique. Il faut mener une action, en particulier auprès des populations les plus vulnérables à cette forme de délinquance. Je proposerai donc en tout début d’année un plan d’action très général, qui associera de nombreux partenaires, en direction du plus grand nombre, en particulier des personnes âgées et des personnes fragiles.

L’insécurité routière est également un défi majeur.

Sur les dix premiers mois de 2008, nous enregistrons une baisse de 7 % du nombre de tués, soit 267 personnes, et de 9,2 % du nombre des blessés, soit 7 906 personnes. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Les efforts portant sur la réduction de la vitesse au volant ont permis, c’est vrai, de diminuer sensiblement – de près de la moitié – le nombre des accidents mortels, mais ceux-ci ont désormais pour première cause l’alcool, en liaison parfois avec la drogue.

J’ai donc demandé aux constructeurs et équipementiers automobiles de préparer la mise en œuvre d’éthylotests anti-démarrage et la LOPSI contient une disposition qui, si le Parlement la vote, fera de la conduite de véhicules équipés de ces éthylotests une peine complémentaire obligatoire.

Pour mieux lutter contre la conduite sous l’influence de stupéfiants, j’ai doté depuis cet été les forces de l’ordre de tests salivaires beaucoup plus faciles à mettre en œuvre et qui leur permettent donc de démultiplier régulièrement les opérations de contrôle.

La LOPPSI renforcera également notre action avec des sanctions plus dissuasives, notamment la confiscation des véhicules, en cas de récidive de grand excès de vitesse, de conduite sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants et en cas de conduite sans permis.

Tels sont les défis qu’il nous appartient de relever ; comme l’ont souligné plusieurs intervenants et notamment MM. les rapporteurs, le budget pour 2009 nous donne les moyens de le faire.

Sur la totalité des missions relevant de mes responsabilités gouvernementales, les crédits progressent en effet de 2 % en 2009.

J’ai tenu à ce que l’on nuance en fonction des missions l’effet de cette progression et à ce qu’une priorité toute particulière soit accordée à la sécurité. C'est la raison pour laquelle les crédits de la mission « Sécurité » augmentent davantage : ils progressent de 2,5 %.

La RGPP, dont vous êtes nombreux à avoir parlé, n’a pas à mes yeux pour finalité première de réaliser des économies ; elle doit d’abord viser à améliorer, en la modernisant, l’action que nous menons et nous conduire à utiliser au mieux chacun des euros qui nous sont donnés pour protéger les Français.

Vous l’avez dit, monsieur de Montesquiou, la RGPP est un axe fort de l’année à venir. Je regrette que les éléments que vous aviez demandés au ministère de l’intérieur ne vous aient pas tous été communiqués. Pour certains, la nécessaire intervention du ministère du budget s’est malheureusement produite trop tard pour que nous puissions vous les transmettre en temps utile. Vous le savez, aussi bien la direction générale de la police nationale que la direction générale de la gendarmerie nationale ont toujours eu pour instruction de coopérer en pleine transparence avec les commissions parlementaires.

Nous n’avons en effet rien à gagner à dissimuler quoi que ce soit : l’action est commune et, même s’il y a des divergences, par exemple sur les moyens ou sur les priorités, nous partageons tous la même volonté de protéger les Français.

Les moyens prévus dans ce budget visent d’abord à moderniser l’action des forces de police et de gendarmerie, ce qui passe d’abord par la modernisation des moyens mis à leur disposition ; tout comme vous, monsieur de Montesquiou, je suis attachée à cette orientation nouvelle de sécurité.

La modernité, c’est d’abord la police technique et scientifique : 100 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 40 millions de crédits de paiement seront consacrés à son extension.

Je souhaite également, monsieur Courtois, une police scientifique de masse, destinée aussi à la lutte contre la délinquance quotidienne, notamment les vols, les cambriolages ou les attaques contre les personnes. La politique technique et scientifique nous permet aujourd'hui d’élucider plus de 85 % des crimes. Je veux donc que les traces, quand il y en a, soient systématiquement prélevées.

Certains éléments nous aident beaucoup. Ainsi, le fichier national des empreintes génétiques, qui comportait 3 000 traces en 2002 et 500 000 au printemps 2007, en comporte à l’heure actuelle 960 000.

Cette montée en puissance a permis d’effectuer 42 300 rapprochements de traces génétiques dans des enquêtes judiciaires, d’identifier des milliers d’auteurs ou d’attribuer plusieurs faits à un même individu. Quand il s’agit d’un violeur, c’est d’autant plus important que, pour chacune de ses victimes, la première des justices est de savoir que celui qui l’a agressée sera identifié, interpellé et déféré à la justice !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De même, le fichier automatisé des empreintes digitales comportait près de 1,6 million d’individus en 2002 et 2,5 millions d’individus au printemps 2007 ; aujourd'hui, 3 millions d’individus y sont inscrits. Cette année, en dix mois, 7 300 affaires ont été résolues grâce à ce dispositif.

Il n’en reste pas moins qu’il faut moderniser les technologies de ces deux fichiers et développer des modalités simples d’utilisation si nous voulons les étendre à toutes les infractions. C’est l’enjeu du plan « Police technique et scientifique de masse », dont le projet de budget pour 2009 constitue la première étape.

Il faut également des laboratoires dignes de ce nom dans la région d’Île-de-France. Pour les avoir visités, je partage votre sentiment, monsieur Courtois : la situation actuelle n’est pas acceptable. Les personnels de ces établissements ont un très haut niveau de compétence et disposent de matériels très sophistiqués ; pour autant, l’environnement n’est pas à la hauteur du travail qu’ils accomplissent.

C’est pourquoi je fais actuellement rechercher le site le plus approprié, à la fois sur un plan économique – vous le savez, des dizaines de millions d’euros sont en jeu – et en termes de rapidité de réalisation. En effet, je souhaite que ces personnels soient le plus rapidement possible installés dans des locaux appropriés. Plusieurs pistes sont actuellement examinées : à Ivry-sur-Seine, à Vélizy-Villacoublay ou à Rueil-Malmaison, notamment. Ce sont soit des terrains nus, soit des terrains qui comportent déjà des locaux ; des études et des comparaisons sont en cours. Je ne peux pas vous donner de date, car la situation est très différente selon qu’il s’agit de bâtiments à construire ou de locaux à réaménager.

La vidéoprotection a été au centre de plusieurs interventions : elle est à la fois un outil d’élucidation qui donne des résultats et un outil de prévention efficace, madame Klès, monsieur Gautier. Pour étayer mon propos, je me contenterai de vous donner des exemples concrets.

À Strasbourg, si la délinquance a diminué sur l’ensemble de la ville de 13 %, dans les quartiers équipés de caméras, ce recul est en moyenne de 50 %. Il s’agit bien là de prévention, qui s’appuie sur un mécanisme psychologique relativement simple : quand ils ont la certitude d’être repérés, les individus ont tendance à ne pas commettre d’infraction.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À Orléans, où les installations de vidéosurveillance sont plus développées que dans d’autres villes, la délinquance a baissé de 60 % entre 2001 et 2007, et elle a encore diminué de 10 % sur les dix premiers mois de cette année. L’installation de caméras n’a donc pas seulement un effet dissuasif sur le moment : elle permet d’enclencher une inflexion qui s’accentue dans la durée. Il s’agit bien de prévention, car c’est un climat général qui s’instaure.

Ne m’appuyant pas sur une réflexion théorique, mais forte de ces exemples concrets, j’ai décidé de tripler le nombre de caméras sur la voie publique, de les généraliser dans les transports – nous nous rappelons tous l’assassinat d’une jeune femme dans le RER voilà un an –, de réaliser des raccordements entre les services de la police et ceux de la gendarmerie partout où c’est souhaité, en facilitant les démarches et en renforçant le respect des libertés individuelles. Car les systèmes utilisés permettent de garantir la non-pénétration des caméras sur les lieux privés.

À ce sujet, madame Klès, vous avez évoqué l’exemple britannique. Contrairement à ce que vous avez affirmé – je vous invite à lire les rapports en entier ! –, les services britanniques ne se plaignent pas d’avoir des caméras de surveillance en trop grand nombre ou qui ne fonctionnent pas : ils regrettent l’ancienneté de leur matériel ou l’absence de système centralisé. C’est pour ces raisons, disent-ils, que le dispositif n’est pas pleinement opérationnel.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C’est exact !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je vous confirme que les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance dévolus à la vidéoprotection s’élèveront, en 2009, à 30 millions d’euros, qui serviront surtout au plan « 1 000 caméras pour Paris » – dans le xixarrondissement, l’attente est forte – et aux raccordements entre les centres de supervision urbains et les services de police ou de gendarmerie. Il va de soi que cela ne porte en rien atteinte aux autres actions de prévention de la délinquance, qui disposeront d’un budget équivalent.

Moderniser l’action des forces de l’ordre implique de moderniser leurs moyens de protection pour s’adapter aux nouvelles formes de menaces qui s’expriment contre elles, comme nous l’avons vu notamment à Villiers-le-Bel. Ainsi, 11 millions d’euros pour les policiers et 14 millions d’euros pour les gendarmes seront consacrés à l’acquisition de lunettes de protection, de gilets tactiques et de nouvelles tenues de maintien de l’ordre.

J’en viens à la modernisation de l’organisation des forces de sécurité.

Madame Escoffier, l’examen des crédits de la mission « Sécurité » n’est pas le moment opportun pour vous annoncer ce qui relèvera du projet de loi relatif à la gendarmerie et je ne répondrai pas aujourd'hui à vos questions sur la discipline ou sur la réquisition. Soyez assurée que notre préoccupation est bien de garantir aux gendarmes le statut militaire, tout en prenant en compte un certain nombre d’évolutions, notamment sur le plan juridique.

Moderniser l’organisation des forces de sécurité, c’est d’abord recentrer l’action des policiers et des gendarmes sur ce qui constitue le cœur de leur métier.

Je ne veux pas que les policiers et les gendarmes soient distraits de leurs missions principales par des activités secondaires, comme les gardes statiques ou les transfèrements de détenus. Vos remarques à ce sujet sont tout à fait légitimes, monsieur de Montesquiou, monsieur Courtois.

Le plan de développement de la vidéoprotection sur la voie publique doit naturellement s’accompagner d’un recours accru à cette technologie pour les bâtiments publics. Cela peut parfaitement remplacer les gardes statiques. Mes services travaillent en ce sens, aussi bien pour le ministère de l’intérieur que pour d’autres ministères.

Ainsi, en ce qui concerne la garde du palais de justice de Paris, un groupe de travail associant la direction générale de la gendarmerie nationale et la direction des affaires criminelles et des grâces recherche la solution la plus adaptée. Il s’agit non pas de supprimer complètement les gardes statiques, mais de faire baisser très sensiblement les effectifs mobilisés pour ce type de mission.

Pour ce qui est de certains programmes d’équipements, comme les véhicules blindés et les hélicoptères de la gendarmerie, M. Faure a eu raison de parler de report et non d’abandon. Je veux rassurer M. de Montesquiou : cette mesure ne portera pas atteinte à la capacité opérationnelle des unités. Elle permettra, en revanche, d’économiser 15 % du budget annuel de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères.

L’immobilier de la gendarmerie n’est pas oublié, madame Klès, monsieur Laménie : 141 millions d’euros sont prévus pour la construction de 141 logements et des locaux de services associés. Si, dans les années 1997-2002, un effort avait été accompli en matière aussi bien de construction que d’entretien des locaux, nous aurions moins à faire aujourd'hui ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En outre, 13 millions d’euros sont prévus en crédits de fonctionnement pour couvrir les dépenses de loyers de locaux qui sont construits par les collectivités.

Je ne partage pas le diagnostic que certains orateurs ont établi sur l’état déplorable de tous les locaux de gendarmerie. Je visite suffisamment de gendarmeries chaque semaine pour constater qu’il n’en est rien et que des efforts ont été fournis conjointement par l’État et par les collectivités locales, je vous en donne acte (Exclamations sur les travées du groupe socialiste),...

M. Charles Gautier. Ah ! Tout de même !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...afin que notre pays dispose de casernes de gendarmerie de grande qualité. Mais il faut que les loyers soient payés en temps utile et dans leur intégralité.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C'est la raison pour laquelle le ministère dont j’ai la charge accomplit cet effort financier.

De même, monsieur Couderc, un effort sera entrepris pour les programmes immobiliers de la police qui s’imposent : 154 millions d’euros y seront consacrés.

Quatre projets relatifs au commissariat de Béziers ont été transmis au ministère de l’intérieur. L’un d’eux, une extension par l’acquisition d’une agence bancaire contiguë, est intéressant. Le coût total est estimé à environ 7,5 millions d’euros. Je veillerai à ce qu’une étude de faisabilité approfondisse cette question en 2009, tout comme je serai attentive à l’apport de renforts pour accompagner l’ouverture du nouveau centre pénitentiaire à la fin de l’année 2009 et aux conditions d’accueil de ces renforts.

Concernant les transfèrements des prévenus et des condamnés, qui mobilisent plus de 3 500 policiers et gendarmes, je souhaite, en accord avec la Chancellerie, développer la visioconférence. Je proposerai également la facturation de ces transfèrements à la Chancellerie dès l’année prochaine, monsieur de Montesquiou ; mes services en étudient actuellement les modalités. Je ne doute pas que les transfèrements seront ainsi, par la suite, mieux ajustés aux besoins essentiels.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis C’est certain !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De même, j’entends que les missions administratives et techniques qui sont aujourd'hui exercées par des personnels en uniforme, alors que ceux-ci ont été formés pour assurer la protection, le soient par des personnels administratifs et techniques. Je poursuivrai donc l’année prochaine le remplacement de 600 sous-officiers de gendarmerie et, comme cette année, de 500 fonctionnaires de police, par des personnels administratifs et techniques. Ce faisant, il me semble répondre au souci de recentrer les missions des gendarmes et des policiers sur ce qui constitue le cœur de leur métier.

Moderniser l’organisation, c’est également agir sur les structures pour les rendre plus performantes.

Oui, le rapprochement de la police et de la gendarmerie permettra de favoriser les mutualisations. D’ailleurs, le projet de LOPPSI concrétisera ce rapprochement. Ainsi seront concernées certaines formations – plongeurs, équipes cynophiles, perfectionnement du maintien de l’ordre – et diverses fonctions de soutien, telles que la réparation des véhicules ou des armes. Sont également prévues un certain nombre de mutualisations locales.

Monsieur le rapporteur spécial, la fonction immobilière elle-même sera progressivement regroupée pour répondre aux besoins des deux forces, tout en tenant compte d’un certain nombre de spécificités, puisque les systèmes immobiliers ne sont pas exactement les mêmes selon qu’il s’agisse des commissariats ou des casernes de gendarmerie.

La mise à disposition de la police des hélicoptères de la gendarmerie permettra d’éviter la création d’une nouvelle flotte, ce qui est très coûteux, ainsi que j’ai pu le constater en exerçant d’autres fonctions.

Sur le plan opérationnel, les fichiers de police criminelle, STIC et JUDEX, seront regroupés dans l’application ARIANE, et des convergences en police technique et scientifique seront recherchées.

Je ne doute pas que d’autres mutualisations démontrent leur logique par la suite. L’efficacité des groupes d’intervention régionale, les GIR, structures de mutualisation par excellence, nous y pousse. Je veillerai, bien entendu, à préserver la distinction de la police et de la gendarmerie, car, à mes yeux, il n’est pas question d’avoir, même à terme, une fusion entre ces deux corps.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas vrai ! C’est comme le deuxième porte-avions !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je le répète, nous avons besoin de deux forces de sécurité au statut différent, l’un civil, l’autre militaire. Il faut toujours garantir les savoir-faire et l’excellence de chacun, et non pas parvenir, par un jeu de rapprochements excessifs, au plus petit dénominateur commun. Je veux, au contraire, favoriser un enrichissement réciproque des deux corps, en préservant l’identité de chacun.

À l’intérieur de chaque force, j’ai demandé aux deux directions générales de lancer les ajustements nécessaires permettant le recentrage des forces mobiles sur leur vocation première, le réajustement de certains modes de fonctionnement internes et la modernisation des écoles de formation.

Monsieur Madrelle, j’ai reçu tous les élus concernés par les fermetures d’écoles de gendarmerie – vous avez eu la courtoisie de le rappeler – et j’ai désigné un expert auprès de chacune des collectivités concernées pour aider aux reconversions. J’ai pris un certain nombre d’engagements en la matière.

D’ailleurs, bien avant votre intervention, j’avais apporté des réponses positives à toutes les remarques qui vont vous conduire à émettre un vote négatif. Vous avez cependant toute liberté de vote !

M. Charles Gautier. Heureusement !

M. Jean-Louis Carrère. Quelle générosité !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Aussi bien pour ce qui concerne les objectifs, les écoles de gendarmerie, les effectifs, j’étais intervenue par anticipation.

M. Jean-Louis Carrère. Vous nous aviez promis deux porte-avions !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Toutes ces mesures, monsieur Faure, doivent être prises sans porter atteinte à la capacité opérationnelle des unités et en maintenant le service rendu à la population.

M. Jean-Louis Carrère. Promesses de Gascon !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C’est vrai pour la gendarmerie mobile comme pour la gendarmerie départementale.

Je ne doute pas que vous soyez tous de bonne foi, mesdames, messieurs les sénateurs (Sourires.), mais les rumeurs relatives à la fermeture de centaines de brigades de gendarmerie sont sans fondement. Vous connaissez, monsieur Laménie, mon attachement à la présence de l’État sur l’ensemble du territoire national, en particulier dans les secteurs les plus fragiles.

Le maillage territorial de la gendarmerie sera maintenu, mesdames Klès et Mathon-Poinat, messieurs Laménie et Madrelle. Ce n’est pas incompatible avec des ajustements qui peuvent nous permettre d’améliorer l’efficacité des unités, notamment en matière de répartition entre police et gendarmerie.

C’est en ayant à l’esprit la couverture du territoire que j’ai étendu en métropole comme dans les collectivités d’outre-mer la présence des agents qui peuvent agir dans ce domaine. J’ai donné des instructions claires visant à recentrer leur action sur un certain nombre de priorités.

Monsieur de Montesquiou, toujours en ce qui concerne le rapprochement entre la police et la gendarmerie, vous m’avez interrogée sur le redéploiement. L’essentiel a déjà été fait : trois cent trente-sept communes et une soixantaine de départements sont d’ores et déjà concernés. Le coût immobilier, très important, a dépassé 15 millions d’euros. À l’avenir, des ajustements seront opérés, mais ils seront d’ampleur restreinte. Ils viseront à consolider les logiques d’agglomération en étendant des circonscriptions de police nationale et en transférant un certain nombre de petites circonscriptions à la gendarmerie, où celle-ci pourra exercer pleinement ses savoir-faire spécifiques.

Au terme des premières réflexions, purement techniques, entre les deux directions, une vingtaine d’opérations sont envisageables dans les années à venir. La mesure est donc extrêmement limitée. Quoi qu’il en soit, ces propositions n’ont pas encore été validées et devront, préalablement à leur application, faire l’objet d’une concertation avec les élus locaux. Lors de la prochaine réunion mensuelle des préfets, je rappellerai ce point.

Monsieur Courtois, le recentrage de la gendarmerie mobile sur son cœur de métier sera sans incidence sur les missions de maintien de l’ordre outre-mer. Il n’est donc pas nécessaire d’envisager la participation des CRS à ce type de missions.

Par ailleurs, vous savez que la gendarmerie n’est pas organisée en directions fonctionnelles, comme la police nationale. Ainsi, il n’existe pas de commandement ou de direction de la gendarmerie mobile. Il n’est donc pas à l’ordre du jour de regrouper sur un même site une telle direction et la direction centrale des CRS.

En revanche, l’emploi de ces deux forces sur le plan national est organisé par un bureau commun, mesure d’efficacité.

Enfin, les cantonnements utilisés par la gendarmerie mobile, essentiellement en Île-de-France, ne suffisent déjà pas aux besoins des unités déplacées. Un partage avec les CRS n’est donc pas envisageable, du moins à court terme.

Dans le domaine opérationnel, la création de compagnies de sécurisation dans les directions départementales de la sécurité publique s’inscrit dans la même logique de cœur de métier. Cette disposition permet de disposer d’effectifs entraînés, connaissant leur territoire d’exercice, capables d’intervenir en tout point du département. Ainsi, en Seine-Saint-Denis aujourd’hui, à Marseille, à Toulouse et dans une vingtaine d’autres villes demain, la police pourra compter sur une unité formée à des situations difficiles et connaissant véritablement son environnement.

Les unités territoriales de quartier seront beaucoup plus nombreuses. Au cours de l’année 2009, nous allons en déployer plusieurs dizaines.

La création de la Direction centrale du renseignement intérieur procède de la même logique qui conjugue efficacité renforcée et économie de moyens.

Je souligne à cette occasion, monsieur de Montesquiou, que la spécificité de la préfecture de police ne remet pas en cause l’efficacité du dispositif national. Sur le plan de l’information générale, le préfet de police de Paris exerce sa responsabilité zonale à l’égard des services d’information générale d’Île-de-France. Pour ce qui concerne le renseignement sensible, des protocoles précis existent entre sa direction du renseignement et la Direction centrale du renseignement intérieur.

La modernisation passe également par l’adaptation des ressources humaines

J’ai défendu l’idée que la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux ne pouvait pas s’appliquer aux forces de sécurité.

Au titre de l’effort général pour la réduction des effectifs de la fonction publique, 41 % des personnels du ministère partant à la retraite ne seront pas remplacés – je rappelle que la règle générale est un taux de non-remplacement de 50 % –, mais, dans le domaine de la sécurité, ce taux n’est que de 36 %, soit 1432 policiers et 771 gendarmes.

Monsieur Gautier, l’important, c’est la réalité des chiffres ; ce ne sont pas des considérations d’ordre général !

M. Charles Gautier. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Les chiffres plus élevés qui ont été cités englobent des transferts d’effectifs vers d’autres programmes, avec les missions correspondantes. La gendarmerie de l’armement – donc les personnels concernés – est transférée à la défense. Ce fait explique la différence entre nos chiffres.

Le plafond d’emplois de la police nationale va diminuer de 2008 à 2011, donc sur trois ans, de 4544 fonctionnaires. Dans le même temps, je vais recruter 1485 personnels administratifs, techniques et scientifiques pour exempter les policiers des tâches administratives et les remettre au cœur de leur métier, ainsi que 132 adjoints de sécurité. Enfin, 3 000 équivalents temps plein travaillé seront récupérés parmi les gradés et les gardiens grâce à l’accord que je viens de signer avec le syndicat Alliance, parfaitement représentatif. Cet accord comporte des avancées attendues depuis des années en matière de rémunération et de statut. Au total, la capacité opérationnelle de la police est maintenue, voire améliorée, puisque les policiers sont davantage concentrés sur leur mission de protection et plus au contact de la population.

En contrepartie des non-remplacements, les rémunérations bénéficieront d’un taux de retour des économies réalisées, taux très satisfaisant pour le ministère de l’intérieur. Cela permettra non seulement de respecter les engagements pris, mais aussi d’engager de nouvelles étapes.

Monsieur Madrelle, je veillerai au strict respect de la parité entre policiers et gendarmes, en toute transparence, dans le cadre d’un dialogue permanent. Sur ce point, qui a fait l’objet de vos critiques, vous pouvez constater que des engagements ont été pris.

Le protocole de 2004 relatif aux corps et carrières de la police sera bien sûr intégralement mis en œuvre. Pour les gradés et gardiens, cela signifie la création de 2 300 postes de brigadiers, de 460 postes de brigadiers-majors et de 175 postes de responsables locaux d’unités locales de police.

De plus, je viens de signer deux protocoles additionnels qui aboutiront à augmenter de 20 % l’allocation de maîtrise, ainsi que de deux points le taux de l’indemnité de sujétion spéciale de police à partir de 2009. Les policiers souhaitaient une telle augmentation depuis une quinzaine d’années.

En contrepartie, quelque 3 000 équivalents temps plein travaillé seront récupérés par des changements apportés aux régimes horaires : cinq jours de RTT seront récupérés, les minutes et les heures supplémentaires seront comptabilisées avec exactitude, en lieu et place de l’ancienne règle de l’heure non sécable. Jusqu’à présent, lorsqu’un agent travaillait cinq minutes de plus, une heure entière lui était comptée. Vous admettrez que ce n’était pas très normal !

Enfin, dans le cadre de ce protocole, des efforts particuliers seront consentis au bénéfice des agents affectés en Île-de-France. Une véritable politique de fidélisation sera mise en place, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Il est prévu d’organiser dès l’année prochaine un concours national à vocation francilienne, lequel s’accompagnera de plusieurs mesures concrètes : le déplafonnement au-delà de cinq ans de l’actuelle prime de fidélisation ; le versement de trois primes, au début, au milieu et à la fin de l’affectation ; des avancements accélérés ; des aides renforcées à la vie personnelle, pour le logement, l’emploi du conjoint ou les crèches.

Vous m’avez interrogée, monsieur Courtois, sur l’avenir des adjoints de sécurité. En 2009, effectivement, 920 contrats ne seront pas reconduits. Mais il ne s’agira que d’une parenthèse, car les recrutements en la matière permettent de disposer d’un personnel adapté à des missions d’exécution. Tel est bien l’objectif : exécuter des missions élémentaires qui ne justifient pas la formation de plus en plus affinée des gardiens de la paix et permettre à des jeunes sans diplôme d’accéder à la vie active.

Comme vous, monsieur le sénateur, je veux développer ce véritable ascenseur social grâce auquel aujourd’hui 70 % des adjoints de sécurité n’ayant pas obtenu le baccalauréat peuvent devenir gardien de la paix après avoir réussi le concours qui leur est réservé.

Dès 2010, le nombre d’adjoints de sécurité repartira à la hausse pour atteindre 12 000 en 2013. J’ai demandé à mes services de revoir leur statut pour allonger la durée des contrats et, conséquence logique, les ouvrir à des personnes plus âgées.

Pour la gendarmerie, les engagements du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées seront également tenus. Ainsi, 900 postes d’adjudants et 1 000 postes de majors seront créés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de bien vouloir excuser la durée un peu longue de mon intervention, mais j’ai tenu à répondre à toutes les questions qui m’ont été posées

Le projet de budget pour 2009 permettra d’atteindre les objectifs que je me suis fixés et qui sous-tendent la mise en place d’un grand ministère moderne consacré à la protection des Français. Il intègre d’ores et déjà, par anticipation et logiquement, la première tranche de la LOPPSI. Ce n’est pas parce que certaines mesures normatives figurent dans cette loi que l’ensemble du dispositif financier doit être gelé. D’ailleurs, c’est ce qui s’est passé les années précédentes et, en tant que ministre de la défense, je n’avais alors noté aucune protestation de votre part, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche !

En tout cas, l’adoption des crédits de la mission « Sécurité » sera un signe fort adressé aux policiers et aux gendarmes de la reconnaissance que chacun d’entre nous leur porte et de l’intérêt que nous manifestons à la protection de la France.

Je ne doute pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous aurez cela à l’esprit lors de votre vote. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Sécurité
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article additionnel après 73 (début)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité » figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Sécurité

16 140 045 343

16 210 966 612

Police nationale

8 531 504 063

8 605 338 063

Dont titre 2

7 575 581 303

7 575 581 303

Gendarmerie nationale

7 608 541 280

7 605 628 549

Dont titre 2

6 302 090 003

6 302 090 003

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de cette mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 73 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Sécurité ».

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article additionnel après 73 (interruption de la discussion)

Article additionnel après 73

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-84 est présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

L'amendement n° II-98 est présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

Tous deux sont ainsi libellés :

I. - Après l'article 73, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les frais occasionnés par les transfèrements et les extractions judiciaires effectués par la police nationale ou la gendarmerie nationale, y compris les dépenses de personnels affectés à ces tâches, font l'objet d'un rapport comprenant une évaluation chiffrée transmis aux commissions compétentes des deux assemblées. Ce rapport comprend également l'examen des modalités d'un transfert progressif de cette charge au ministère de la justice.

II.- En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Sécurité

Le sous-amendement n° II-178, présenté par MM. Rebsamen, C. Gautier et Madrelle, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'amendement n° II-84, remplacer les mots :

effectués

par les mots :

ainsi que les charges consécutives aux gardes statiques assurées

II. - À la fin de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

au ministère de la justice

par les mots :

aux services consommateurs

La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement no II-84.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir que les extractions et les transfèrements judiciaires représentent entre 1 000 et 1 100 emplois à plein temps dans la gendarmerie ; j’ai entendu parler du double pour la police. Il serait donc intéressant de connaître les chiffres exacts.

Il serait tout aussi intéressant d’encourager la justice à utiliser des méthodes modernes pour obtenir un résultat identique ; je pense en particulier à la visioconférence.

En vertu du principe « qui commande paie », il aurait été légitime que la charge des transfèrements et des extractions judiciaires incombe au ministère de la justice, même si ce dernier ne dispose pas, dans l’immédiat, des moyens de se substituer à la gendarmerie et à la police ni de rembourser, pour l’instant en tout cas, les sommes engagées par le ministère de l’intérieur.

Le présent amendement vise donc à demander un rapport comprenant une évaluation chiffrée de ces opérations, présentant une étude des modalités de transfert de ces charges et dégageant des pistes pour résoudre ce problème. Dans le cadre d’une politique de réduction des dépenses publiques, il convient de savoir qui fait quoi.

Cet amendement n’est absolument pas contraire à une politique de réduction des dépenses et s’inscrit parfaitement dans la politique de la révision générale des politiques publiques.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour présenter le sous-amendement no II-178.

M. François Rebsamen. Ce sous-amendement vise à prolonger la réflexion de nos collègues Jean Faure et Jean-Patrick Courtois sur les charges consécutives aux gardes statiques. Cela pose, en filigrane, la question lancinante des charges indues que supportent la police nationale et la gendarmerie.

Selon la révision générale des politiques publiques, à laquelle on se réfère volontiers, il convient de concentrer l’action de la police et de la gendarmerie « sur leur cœur de métier », pour reprendre une expression à la mode tant dans le public que dans le privé.

Dans ces conditions, les missions périphériques ou annexes doivent être reconsidérées. En clair, elles doivent être supprimées ou remises à la charge d’autres donneurs d’ordres. Cela concerne la protection des personnes, les escortes et transfèrements judiciaires, mais aussi les gardes statiques.

La mesure proposée avait été adoptée à l’unanimité de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et elle n’avait soulevé aucune objection de la part de la commission des lois.

Un premier amendement avait été déposé afin de procéder à ces déplacements de crédits au sein de la mission « Sécurité ». La commission des finances a considéré qu’il était irrecevable au titre de l’article 40, au motif qu’il organisait dans les faits un transfert de charges entre deux missions en prévoyant une convention entre le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice.

Aujourd’hui, il s’agit d’une déclaration d’intention qui prend la forme d’un renvoi à l’établissement d’un rapport. Nous souhaitons que ce rapport concerne également les gardes statiques.

On ne peut toutefois qu’être perplexe ! En effet, la LOLF encourage une culture de l’évaluation soumise au contrôle du législateur, évaluation qui reste en état de gestation le temps d’un nouveau rapport. On pourrait d’ailleurs s’interroger sur l’utilité de tous ces rapports budgétaires.

La commission des finances s’est montrée restrictive, mais il serait regrettable que cela fasse jurisprudence.

Comme l’a indiqué Charles Gautier, nous discutons de la première année d’exécution budgétaire de la LOPPSI, finalisée depuis plus d’un an et demi, alors que nous n’en connaissons pas le contenu. Il s’agit, selon nous, d’un contresens et d’un manque de considération pour la représentation nationale.

Madame la ministre, en ce qui concerne l’absence de synchronisation entre le dépôt de la LOPPSI et l’examen du projet de budget et le retard pris pour la discussion du projet de loi relatif à la gendarmerie, qui devrait avoir lieu au mois de février, vous avez répondu, à juste titre, sur le plan de la technique budgétaire.

Toutefois, il s’agit pour nous d’une question de principe. Nous avons adopté une réforme constitutionnelle dont l’objet est de renforcer et de revaloriser les droits du Parlement. Ces retards ne sont pas de votre fait, j’en conviens. Faut-il en déduire que, pour le Gouvernement, un débat clair sur la sécurité des Français n’est plus à l’ordre du jour ? Un tel débat est pourtant nécessaire.

Nous sommes tous favorables au développement d’outils modernes d’investigation. Mais nous devons être cohérents. En abordant uniquement les transfèrements et les extractions de prisonniers, on oublie, même si vous l’avez évoqué dans votre intervention, madame la ministre, l’allégement des gardes statiques qui relève de la même problématique. Et ce n’est pas nouveau !

L’allégement des gardes statiques doit lui aussi être analysé, en prenant en compte la sécurité des institutions publiques ; ce n’est pas contradictoire avec la demande de rapport que souhaitent MM. Faure et Courtois. Tel est l’objet du sous-amendement que nous avons déposé.

Madame la ministre, vous mettez systématiquement en avant la modernisation de l’action des forces de police, et vous avez raison, ainsi que la nécessité de recourir aux nouvelles technologies, telles que la visioconférence et la vidéosurveillance. Cela masque la réalité sur la compression des dépenses et le ralentissement des dépenses d’investissement.

Comment la vidéosurveillance, appliquée à des espaces publics, par exemple, permettra-t-elle concrètement de redonner aux policiers l’occasion d’être plus présents sur la voie publique ? Ce qui nous guide, c’est la préoccupation d’assurer une meilleure offre de sécurité et non la réalisation d’un gain maximum de personnels.

Je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à ce sous-amendement. Nous constatons avec inquiétude que, malgré les dispositifs de vidéoprotection et de vidéosurveillance qui ont été mis en place, par exemple devant un grand nombre de préfectures, les gardes statiques de policiers sont toujours aussi nombreuses, pour ne pas dire plus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement no II-98.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bien que les transfèrements et les extractions judiciaires relèvent des missions de sécurité incombant aux forces de sécurité intérieure, ces tâches détournent les policiers et les gendarmes de leurs principales missions que sont la surveillance de la voie publique et l’investigation. En outre, elles sont peu valorisantes pour les personnels et très consommatrices d’équivalents temps plein travaillé.

Enfin, les concours apportés à la justice sont à l’origine d’un agacement des personnels à l’encontre des magistrats qui n’ont pas toujours conscience de désorganiser les brigades de gendarmerie ou les services de police.

Cette charge de travail va particulièrement peser sur la police et la gendarmerie, alors que leurs moyens vont être durablement contraints.

Pourtant, des solutions existent ; je pense notamment à la vidéoconférence. L’ensemble des établissements pénitentiaires et des tribunaux en sont désormais équipés, mais personne ne s’en sert.

En outre, il pourrait être utile de revoir la liste des actes qui doivent être notifiés en présence d’un magistrat.

Enfin, des économies pourraient être réalisées grâce à une meilleure organisation des transfèrements et extractions. Cela supposerait un minimum de coordination entre les magistrats d’un même tribunal.

Pour toutes ces raisons, le principe prescripteur-payeur devrait être appliqué en l’espèce, conformément à l’esprit de la LOLF. Une responsabilisation financière des magistrats serait le levier le plus sûr pour obtenir enfin des résultats significatifs.

Sur le modèle de la réforme des frais de justice, et après conclusion d’une convention entre le ministère de la justice et celui de l’intérieur, un droit de tirage pourrait être défini au profit du ministère de la justice, lequel le répartirait ensuite entre les juridictions. En cas de dépassement, chaque juridiction rembourserait au ministère de l’intérieur tout ou partie des frais correspondants pour responsabiliser les magistrats.

J’avais initialement envisagé avec Jean Faure de présenter un amendement prévoyant que le ministère de l’intérieur et celui de la justice concluraient une convention pour définir les modalités de ce remboursement en cas de dépassement. Toutefois, la commission des finances a rejeté un amendement similaire présenté par mon collègue Jean Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Selon la commission des finances, un tel amendement serait équivalent à un transfert de crédits entre deux missions, ce que la LOLF interdit. Cette interprétation est très stricte, mais j’en prends acte.

En conséquence, en concertation avec Jean Faure, je vous propose d’adopter le présent amendement qui a simplement pour objet de demander au Gouvernement un rapport sur le sujet. Il n’a naturellement pas la même portée que l’amendement envisagé initialement, mais il obligera le Gouvernement, notamment le ministère de la justice, à réfléchir enfin sérieusement à un mécanisme de responsabilisation financière du ministère de la justice et des magistrats.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Le sous-amendement no II-178 est trop imprécis en ce qui concerne les services consommateurs.

Par ailleurs, il recèle un vrai risque de confusion entre les gardes statiques, d’une part, les transfèrements et extractions judiciaires, d’autre part.

La commission des finances a donc émis un avis défavorable sur ce sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur Rebsamen, nous avons commencé à réduire sensiblement le nombre des gardes statiques de plusieurs ministères.

Des ministères nouveaux présentant une certaine sensibilité avaient demandé des gardes statiques. Nous leur avons proposé une autre formule.

Je n’ai pas les chiffres sous les yeux, mais je pourrai vous les transmettre rapidement.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de demander un rapport sur ce point dans la mesure où je peux vous fournir les informations que vous demandez. Fort de ces éléments, vous pourrez vous forger une opinion avant la discussion de la LOPPSI ou de la loi relative à la gendarmerie. Ce sera, me semble-t-il, le bon moment de revenir sur ces sujets.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre sous-amendement. Vous aurez toute latitude de le déposer à nouveau lors de la discussion de l’un des deux textes que je viens d’évoquer.

M. le président. Monsieur Rebsamen, le sous-amendement no II-178 est-il maintenu.

M. François Rebsamen. Non, je le retire, monsieur le président. Nous le redéposerons éventuellement lors de la discussion des textes qu’a mentionnés Mme la ministre.

M. le président. Le sous-amendement no II-178 est retiré.

La parole est à M. Jean Faure, rapporteur pour avis.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis. Je comprends le souci de nos collègues de faire le point sur l’ensemble des tâches abusives. Dans son rapport sur le futur texte de loi, la commission a dénombré une quinzaine de tâches indues ou abusives.

Nous nous sommes intéressés aux transfèrements et aux extractions judiciaires, parce qu’il s’agit des tâches les plus importantes et que celles-ci présentent un caractère spécifique.

Sur une liste de quinze tâches, on risque de n’en retenir que deux. Je souhaite que les transfèrements et les évaluations judiciaires fassent l’objet d’une évaluation chiffrée publiée dans un rapport.

Les deux assemblées du Parlement bénéficient de gardes statiques. Mais elles ne dépendent d’aucun ministère et n’ont pas les moyens de se protéger.

Pour toutes ces raisons, je suis hostile au sous-amendement no II-178.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je remercie M. Rebsamen d’avoir retiré son sous-amendement.

Je puis vous assurer que M. le rapporteur spécial est particulièrement attentif à la richesse des informations qui nous sont transmises par le ministère.

Madame la ministre, nous souhaitons que vous puissiez mettre à notre disposition tous renseignements utiles, notamment le nombre d’heures consacrées aux gardes statiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la mission de la garde républicaine !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous disposerons ainsi d’une évaluation réaliste.

Ce travail doit pouvoir être l’objet de discussions à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement. C’est alors que nous sollicitons Mme la ministre pour qu’elle nous confirme qu’il a été fait bon usage des crédits mis à sa disposition.

Je voudrais remercier nos collègues Jean-Patrick Courtois et Jean Faure d’avoir manifesté autant de bienveillance et de compréhension à l’égard de la commission des finances. Ils avaient initialement prévu des transferts de crédits d’une mission vers l’autre, ce qui n’entre pas dans les prérogatives du Parlement : nous pouvons amender; nous pouvons, au sein d’une mission, affecter à un programme des crédits attribués à un autre, mais nous ne pouvons pas les transférer d’une mission vers une autre. Le risque était donc que nous amputions la mission « Sécurité » d’une partie de ses moyens sans pouvoir restituer ceux-ci à la mission « Justice ». C’est pourquoi j’ai souhaité, mes chers collègues, que vous renonciez à la rédaction initiale de votre amendement.

Cela étant, je tiens à indiquer que la commission des finances est totalement solidaire de votre préoccupation. Nous voudrions maintenant, madame la ministre, entrer dans une démarche active. D’après l’évaluation très sommaire à laquelle nous nous sommes livrés, le coût du transfèrement dépasse probablement 150 millions d’euros par an. Si nous voulons aller jusqu’au bout de la logique, cette somme doit être mise à la disposition de la justice, de telle sorte que ce soient les magistrats qui gèrent ce budget de transfèrement et tirent le profit des économies qu’ils pourraient réaliser : ils feront des économies s’ils mettent en place des équipements de visioconférence, s’ils gèrent autrement les transfèrements, car il peut arriver que tel transfèrement ait un caractère quelque peu formel alors qu’il est extrêmement coûteux. C’est donc à eux qu’il revient de gérer ces 150 millions d’euros, dont l’évaluation reste bien sûr à parfaire.

Cela ne sera pas sans conséquence sur votre propre budget, madame la ministre, car il se peut que, dans ces conditions, les magistrats recourent moins souvent à vos services et vous versent des sommes moindres ! (Mme le ministre approuve.) Tout cela devrait donc faire l’objet d’une convention entre les deux ministères, et il est urgent que celle-ci soit conclue.

Nous savons que les magistrats sont des gestionnaires ; ils en ont fait la brillante démonstration à propos des frais de justice. Nous attendons qu’ils relèvent ce nouveau défi que représentent les transfèrements.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je le souhaite aussi !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais cela suppose que nous passions rapidement à l’acte, madame la ministre ! Nous nous sommes lancés sur cette piste des transfèrements depuis quelque temps déjà ; il nous faut maintenant aller jusqu’au bout.

La logique de la LOLF voudrait que les crédits concernés soient retirés à votre ministère et mis à la disposition de la justice, cette dernière s’acquittant auprès de vous, au titre des transfèrements qu’elle vous demanderait, de sommes qui seraient inscrites dans vos recettes. Il faut bien entendu s’attendre à ce que, dans ces conditions, elle essaie de payer le moins possible en organisant les transfèrements différemment.

Le système actuel n’est pas piloté : les magistrats vous demandent des transfèrements qui ne leur coûtent rien et que vous devez exécuter sans aucune régulation possible. C’est la négation de la gestion et de la maîtrise de la dépense publique !

Il est impératif d’en sortir, et nous comptons sur vous, madame la ministre, pour qu’il en soit ainsi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Raffarin. J’approuve tout à fait la démarche que traduisent les amendements de nos collègues Jean Faure et Jean-Patrick Courtois. Elle n’est pas l’expression, au détour de la session budgétaire, d’une volonté politique : elle reflète une réflexion issue de travaux ayant abouti à la présentation d’un rapport. La procédure me semble être de bonne méthode, et je partage les propos qu’a tenus à l’instant le président de la commission des finances au sujet de cette incitation à la vertu qui permettrait à la fois que ceux qui réalisent des économies bénéficient des crédits et que le budget de la sécurité ne se trouve pas, par une forme de gaspillage, amputé. C’est là un point clef, et la commission des affaires étrangères en a discuté.

Je voudrais néanmoins vous expliquer, madame la ministre, pourquoi, tout en approuvant ces amendements, j’ai voté contre en commission.

Je vous ai entendue, et vous savez que vous pouvez compter sur ma confiance et mon amitié. Je vous ai vue au ministère de la défense, je vous vois au ministère de l’intérieur, et je connais vos convictions : je ne doute en rien de la sincérité de vos propos sur les deux programmes de la mission « Sécurité » et sur leur indépendance.

Cependant, au-delà de votre personne, au-delà de votre politique, je reste inquiet sur les systèmes. À un moment ou à un autre, de procédure de gestion en procédure de gestion, on finira par rapprocher la police et la gendarmerie pour, finalement, aboutir à terme à n’avoir qu’une seule force de sécurité. De mon point de vue, compte tenu des responsabilités qui ont été les miennes, je vous le dis : ce serait, pour la République, dangereux. Je suis très attaché à l’existence de deux forces de sécurité et, quel que soit le goût des hauts responsables à écrire ici ou là des petits carnets et à faire quelquefois de la politique, il est heureux que cette séparation soit un fait.

M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes d’accord ! Nous verrons comment vous voterez !

M. Jean-Pierre Raffarin. Pour l’équilibre de notre République, il nous faut veiller avec la plus grande attention à ce que la gendarmerie, avec ses qualités propres, avec l’ensemble de sa formation, de son orientation, et la police, avec également toutes ses qualités spécifiques, continuent de coexister.

Je vous fais confiance, madame la ministre, parce que je sais qui vous êtes, parce que je sais que vous portez cette conviction au plus profond de vous-même, une conviction de professionnelle sur la sécurité, une conviction de républicaine sur la protection de nos équilibres. Pour cette raison, je vous suivrai. Pour autant, le sujet est très important, et j’attire l’attention de nos collègues sur l’orientation que nous sommes en train de prendre.

Ce qui me paraît le plus malheureux, c’est la suppression, ou tout au moins le ralentissement de l’effort de formation de la gendarmerie. Car, mes chers collègues, où se crée la culture des deux forces de sécurité ? Dans la formation !

Et ne croyez pas, mes chers collègues, que c’est à cause de la suppression de l’école de Châtellerault que je monte au créneau avec tant d’énergie ! Oui, la suppression de l’école de Châtellerault est une erreur ! Mais c’est une erreur plus grande encore que de diviser par deux le nombre des écoles de gendarmerie, car c’est affaiblir la formation de la gendarmerie ! À terme, quand les écoles se rassembleront, les corps se rassembleront, et la République sera affaiblie.

Restons conscients de ce qu’il faut faire pour l’avenir. Croyez-moi, c’est un travail permanent !

M. Jean-Louis Carrère. C’est la fronde !

M. Jean-Pierre Raffarin. Mais cela dépasse tous les clivages, monsieur Carrère ! Nous devons, nous politiques, faire en sorte que les systèmes ne nous dominent pas. Or les systèmes de rapprochement et de parité pourraient finir par nous dominer.

Aujourd’hui, dans cette assemblée, la volonté politique est claire. Je l’approuve, je m’en félicite, et je remercie la ministre. Mais je voudrais vraiment que nous restions très vigilants, car il se pourrait qu’un jour les procédures l’emportent sur les convictions. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je me limiterai à une très brève observation : quand le général Gilles a été auditionné par la commission des affaires étrangères, il a tenu à souligner, abondant dans le sens de la vertu recommandée par la commission des finances, que le Conseil constitutionnel prenait déjà en charge ses propres gardes statiques. C’est assurément un exemple que les autres institutions pourraient suivre pour entrer dans ce cercle vertueux, et Mme Rachida Dati, hier, était parfaitement d’accord.

Je voterai les deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. J’ai longtemps été avocat – je l’étais encore il y a peu –, ce qui me conduit à penser que la réforme proposée est indispensable. Les magistrats immobilisent des heures entières les forces de police ou de gendarmerie pour des tâches qui pourraient fort bien être assumées par le budget de la justice. Au demeurant, si les juges les géraient, sans doute y seraient-ils beaucoup plus attentifs, et ce serait beaucoup mieux.

Par ailleurs, je pense moi aussi nécessaire que coexistent dans notre pays deux forces de sécurité importantes, avec chacune un système de formation fort.

Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que je suis moi aussi un élu du département de la Vienne. L’école de gendarmerie de Châtellerault a été supprimée alors que le Premier ministre s’était formellement engagé à la maintenir. C’est la raison pour laquelle, tout à l’heure, je n’ai pas voté les crédits. Mes chers collègues, il nous faut donc à l’avenir être très vigilants pour ce qui concerne les formations. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

M. Jean-Louis Carrère. Nous voterons ces amendements, mais nous avons un problème d’entendement dans cet hémicycle.

Nous sommes très sensibles aux arguments de M. Raffarin et, comme lui, nous souhaitons conserver deux forces distinctes. Concrètement, cela signifie que nous irons jusqu’à voter contre la loi d’annexion de la gendarmerie par le ministère de l’intérieur ! La question que je pose à mes collègues de l’UMP est donc de savoir s’ils iront eux aussi au bout de la logique, comme je les y invite vivement.

Monsieur Raffarin, je partage vos craintes. Vous avez fort bien décrit le risque que court cette force républicaine qu’est la gendarmerie de ne plus irriguer les territoires ruraux, ce qui posera un problème à la République. La logique voudrait que, par nos votes, nous nous opposions à cette fusion-annexion avec le ministère de l’intérieur : je vous demande, mes chers collègues, de suivre cette logique et je vous invite à vous joindre à nous pour que, ensemble, nous mettions un terme à cette loi qui n’est pas une bonne loi pour la République.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-84 et II-98.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 73.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité ».

Article additionnel après 73 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Discussion générale

5

Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires économiques a proposé plusieurs candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame MM. Pierre Hérisson, Bruno Sido, Michel Teston et Philippe Darniche membres de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ; MM. Ladislas Poniatowski et Roland Courteau, membres titulaires, et MM. Jean-Claude Merceron et Daniel Raoul, membres suppléants du Conseil supérieur de l’énergie.

6

Article additionnel après 73 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Sécurité civile

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Sécurité civile

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité civile ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter l’ensemble des acteurs de la sécurité civile. En 2007, la saison des feux n’a touché qu’une superficie de 6 440 hectares, ce qui est inférieur au quart de la moyenne établie sur les dix dernières années.

Je relève également l’efficacité de la sécurité civile lors de ses nombreuses interventions à l’étranger, qu’il s’agisse des missions d’évacuation au Tchad ou encore de l’envoi de détachements en Inde et en Chine à la suite de catastrophes naturelles.

Je me félicite par ailleurs de la mise en place d’indicateurs nationaux des SDIS, les services d’incendie et de secours, au cours de l’année 2007. Ils permettront la mise en place, à partir de 2009, d’une stratégie transversale de la performance au sein des SDIS.

Cependant, je regrette une fois de plus que le périmètre de la mission « Sécurité civile » reste inchangé malgré la révision générale des politiques publiques. La mission continue d’être artificiellement divisée en deux programmes très imbriqués, et son périmètre budgétaire reste étroit, avec moins de 500 millions d’euros de crédits.

Le montant des crédits de la mission doit être comparé avec les dépenses des SDIS, qui s’élèvent à 5,3 milliards d’euros dans les budgets prévisionnels pour l’année 2008. En hausse prévisionnelle de 6,15 % en 2008, le budget des SDIS représente ainsi plus de dix fois celui de la mission.

La part relative des départements dans les recettes de fonctionnement des SDIS tend à s’accroître pour représenter, en 2008, un peu plus de 2 milliards d’euros, soit 53,4 % du total, ce qui correspond à près de 5 % des dépenses totales de fonctionnement des départements.

Ce constat me conduit à regretter très vivement la nouvelle diminution des crédits du Fonds d’aide à l’investissement, le FAI, des SDIS : 24,4 millions d’euros en 2009, soit moins 12,8 %. Le FAI est censé matérialiser l’aide de l’État aux dépenses d’investissements des SDIS, actuellement largement prises en charge par les collectivités territoriales. Je regrette d’autant plus vivement cette baisse continue – en trois ans, les crédits du FAI ont été divisés par trois – que les SDIS sont demandeurs de plus d’aides à l’investissement, notamment pour la mise en place du réseau ANTARES.

Les arguments présentés par le Gouvernement, selon lesquels les SDIS ne consomment pas la totalité des crédits du FAI, ne me paraissent donc pas recevables et ne sauraient justifier cette diminution. Il convient, au contraire, de modifier les règles d’utilisation des crédits du FAI afin de faire en sorte qu’ils profitent réellement aux SDIS, dans un moment où ceux-ci en ont réellement besoin.

En ce qui concerne les crédits de la mission pour 2009, si on constate une diminution de 38,4 % des autorisations d’engagement et une augmentation de 1,6 % des crédits de paiement, cela résulte d’un « retour à la normale », les autorisations d’engagement pour 2008 ayant été augmentées en vue de la passation de nouveaux marchés pluriannuels de maintenance des aéronefs en 2008. Les marchés concernant les deux derniers lots ont été passés le 31 octobre dernier, comme me l’a indiqué le directeur de la défense et de la sécurité civile.

Par ailleurs, je me félicite de la vente de l’ancien site de l’École nationale des officiers de sapeurs-pompiers à Nainville-les-Roches. Là aussi, le feuilleton s’est terminé récemment.

J’avais souligné, à l’occasion d’un contrôle sur pièces et sur place, les difficultés rencontrées dans le processus de cession de ce site eu égard aux coûts de maintenance particulièrement élevés et j’avais préconisé la vente rapide du site. Nous y sommes aujourd'hui et même si le produit de la vente – 3,5 millions d’euros – peut sembler satisfaisant, on aurait peut-être pu réaliser une meilleure vente si cette cession était intervenue plus tôt.

Madame la ministre, j’aimerais savoir dans quelle mesure cette cession pourrait contribuer à résoudre les problèmes fonciers rencontrés par l’ENSOSP à Aix-les-Milles, car de véritables questions se posent aujourd'hui pour cette école.

Je signalerai également que la programmation triennale 2009-2011 prévoit une rationalisation des flottes d’hélicoptères de la sécurité civile. Les objectifs poursuivis sont, conjointement avec la gendarmerie et la police nationales, de rationaliser leurs fonctions support et d’optimiser l’implantation des bases d’hélicoptères. C’est une très bonne chose et cette mutualisation pourrait d’ailleurs être élargie au SAMU.

Mes chers collègues, sous réserve des réponses aux questions que j’ai formulées, notamment sur les crédits du FAI, la commission des finances vous propose l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en introduction à mes propos relatifs à la mission « Sécurité civile », je voudrais rendre hommage à l’ensemble des personnels de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, à tous les secouristes, des acteurs incontournables, fortement sollicités et qui paient encore, chaque année, un tribut trop lourd dans l’exercice de leurs missions ; je pense tout particulièrement aux six sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie au cours de l’année 2008.

Madame le ministre, je ne reviendrai pas sur les éléments strictement budgétaires qui ont été très précisément exposés par l’excellent rapporteur spécial, notre collègue Claude Haut. Mon intervention portera plus particulièrement sur deux problématiques qui méritent, à mon sens, une attention toute particulière. Enfin, deux remarques compléteront mon intervention.

Le premier sujet portera sur l’encadrement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Madame le ministre, je souhaiterais attirer votre attention et celle de l’ensemble de mes collègues sur le taux d’encadrement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Mais permettez-moi au préalable de rendre hommage à cette brigade exceptionnelle à statut militaire, créée en 1811, dont l’activité en matière de secours à personnes est, à l’heure actuelle, cinq fois plus importante que celle des SDIS de première catégorie : pour la première fois, le cap des 500 000 interventions annuelles globales, toutes interventions confondues, va être dépassé.

J’en viens à la structure de l’encadrement de la brigade : elle a peu évolué depuis 1967, date à laquelle les trois départements de la petite couronne ont été intégrés dans sa zone d’intervention. Or, à l’heure où l’activité opérationnelle de la brigade « explose » et où les tâches administratives telles que l’élaboration des marchés publics mobilisent des effectifs toujours plus nombreux, son taux d’encadrement, qui compte 3,98 % d’officiers et 18,32 % de sous-officiers, semble aujourd’hui trop faible pour lui permettre d’assurer sereinement ses missions.

Si, durant de nombreuses années, ce taux d’encadrement ne posait pas trop de problèmes, les nouveaux concepts opérationnels ont fondamentalement changé la donne.

En effet, à la suite des attentats de Madrid et de Londres, le préfet de police de Paris a demandé à la brigade de quadrupler sa capacité dans les contextes d’attentats terroristes, afin d’assurer une capacité opérationnelle des secours dans l’hypothèse de quatre attentats simultanés touchant la capitale, avec une capacité supplémentaire de gérer au moins un site touché par un risque NRBC, nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique.

Si la brigade est en mesure de répondre à ces contraintes, grâce au recrutement, notamment, de spécialistes qui constitueront une compagnie NRBC spécifique, la partie commandement ne peut être assurée, faute de moyens financiers.

Compte tenu de ces éléments, madame le ministre, la problématique du taux d’encadrement de cette brigade mériterait une attention toute particulière. Assurer l’efficacité des interventions doit être notre priorité.

La seconde problématique est relative à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans la fonction publique territoriale pour les métiers soumis à des conditions d’aptitudes physiques particulières, dont les sapeurs-pompiers.

La loi du 11 février 2005 relative à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans la fonction publique territoriale instaure une différence de traitement entre les entreprises privées et publiques dans l’application de cette disposition.

Ainsi, selon l’article L.323-1 du code du travail, tout employeur occupant au moins vingt salariés est tenu d’employer, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés dans la proportion de 6 % de l’effectif total de ses salariés. Cet article est applicable aux SDIS.

Compte tenu du critère d’aptitude physique particulière exigée pour exercer les missions des sapeurs-pompiers, les SDIS ne pourront atteindre ce taux de 6 % et sont, par conséquent, assujettis au versement d’une contribution annuelle au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Or les entreprises privées peuvent, elles, bénéficier d’un régime modérateur spécifique, à savoir un coefficient de minoration au titre de certains métiers exercés au sein de leurs établissements. C’est ainsi lorsqu’elles comptent des sapeurs-pompiers dans leurs effectifs.

Exclure les SDIS de ce dispositif crée une réelle distorsion et les cotisations compensatoires grèvent lourdement le budget de nombreux SDIS.

En décembre 2006, dans une réponse à une question écrite de M. Pierre Bordier, M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, avait souligné l’opportunité de dresser un tel bilan. Deux ans après cette annonce, est-on en mesure de juger de ce bilan qui pourrait conduire, le cas échéant, à des modifications de la loi du 11 février 2005 ?

Enfin, je formulerai deux remarques.

La première portera sur l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers.

Pour avoir accompagné le rapporteur spécial, M. Claude Haut, lors d’une visite de cette école implantée sur son nouveau site à Aix-les-Milles, je ne peux que partager les inquiétudes de mon collègue sur les difficultés de l’école pour attirer des formateurs et lancer la construction de ses bâtiments de formation et d’hébergement.

Cette école mérite tous nos encouragements, car elle doit devenir incontournable dans le futur réseau européen des instituts de formation de sécurité civile qui va regrouper l’ensemble des écoles nationales de formation des acteurs des secours.

Madame le ministre, dans ce contexte, la France doit promouvoir cette école.

La seconde remarque porte sur le thème de la culture et de la sécurité civile. Pour avoir abordé ce sujet plus explicitement dans le contexte du projet de loi de finances de 2008, je m’en tiendrai, comme convenu, à une simple remarque.

La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a imposé une obligation claire de formation scolaire à la prévention des risques et aux missions des services de secours.

Madame le ministre, vous connaissez mon attachement au principe de cette formation scolaire. Je dois constater, quatre ans après le vote de la loi précitée, que l’application de l’obligation scolaire n’est toujours pas effective dans l’ensemble des établissements scolaires du territoire national.

Vous allez me dire qu’elle dépend de la bonne volonté et de l’engagement des acteurs locaux des secours et de l’éducation nationale. Pourtant, il me semble urgent, madame le ministre, de rendre effective cette obligation au plus vite, en particulier dans les établissements scolaires situés dans des bassins à risques.

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ces observations formulées, je vous indique que la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Sécurité civile » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le budget de la sécurité civile, nous sommes dans un cas d’école de délestage de l’État au détriment des collectivités locales. Ce n’est pas un fait nouveau, mais, cette année, cela prend une ampleur accrue en raison du contexte général très défavorable aux finances des collectivités territoriales.

Il y a beau temps que je dénonce les risques du double pilotage de la sécurité civile en France : l’État édicte et impose des normes ; elles ne sont pas toujours pertinentes.

Madame le rapporteur pour avis, j’ai été intéressé, lors d’une visite à vos côtés dans un établissement prestigieux de Paris, d’apprendre que les vêtements en tissu ignifugé, dont nous avons doté à grand prix nos sapeurs-pompiers, ne sont guère plus protecteurs, voire quelquefois moins – ils présentent des inconvénients soulignés par les professionnels –, que les vêtements en cuir qu’ils portaient auparavant. Si ce nouvel équipement a été imposé, c’est parce que les États-Unis l’avaient adopté, et ce sous la pression du lobby textile. M. le président de la commission était témoin.

Il y a là matière à réflexion pour notre État et pour les institutions européennes. Il y a surtout matière à trouver un moyen pour que les avis des élus soient pris en compte, notamment sur le rapport efficacité-coût des mesures proposées, en particulier des nouvelles normes.

Concernant le budget de cette année, l’augmentation de 1,66 % des crédits alloués à la mission me semble largement en trompe-l’œil. Je remarque d’abord qu’elle est nettement inférieure à l’inflation, qui est l’ordre de 3 %.

Ensuite, les exigences de nos concitoyens, notamment en termes de secours aux personnes, sont quasi-exponentielles : c’est là une évolution qui n’avait pas du tout été prévue lors de la départementalisation des SDIS et qui grève lourdement les budgets des collectivités pour une mission dont on peut difficilement dire qu’elle ne soit pas d’intérêt national.

Enfin, la modicité de la part de l’État, 420 millions d’euros sur les 4,2 milliards d’euros des dépenses des SDIS en 2007, fait que cette part est dix fois plus importante pour les SDIS que pour l’État. Il est vrai que l’on peut ajouter à la part de l’État les financements relatifs aux sapeurs-pompiers de Paris, aux marins-pompiers et les crédits d’autres ministères.

Mais le résultat est là et la part des collectivités dans ce financement a augmenté de 50 % depuis 2000.

On sait à quoi est due cette situation : la croissance incontrôlée du secours à personne, qui représente désormais 65 % des interventions.

Avec 8 % des sorties consacrées au feu, voire moins de 2 % affectés aux incendies d’immeubles, les « soldats du feu » portent de moins en moins bien leur qualificatif, et sont de plus en plus des auxiliaires de santé qui devraient être de plus en plus financés par la sécurité sociale.

Il est, de ce point de vue, tout à fait satisfaisant de constater que le travail de la commission quadripartite mise en place au début de l’année a été très positif pour fixer les responsabilités de chacun et reconnaître les services de la sécurité civile comme maillon indispensable de la chaîne sanitaire. En clair, si les SDIS n’existaient pas dans nombre de départements, les SAMU ne pourraient pas fonctionner.

Mais, dans le même temps, le montant versé par les établissements de santé au titre du défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés reste fixé à 105 euros, sans revalorisation, et est très inférieur à ce que touchent les ambulanciers privés.

Par ailleurs, l’indemnisation des SDIS par les hôpitaux pour les interventions médicales d’urgence à domicile appelle un financement adapté, qui n’est toujours pas établi. Je le répète, si l’adoption d’un référentiel de l’organisation des secours, qui permet d’assurer une sécurité accrue de nos concitoyens, est satisfaisante, l’œuvre ne sera achevée que lorsque les collectivités territoriales seront justement indemnisées pour cette tâche d’intérêt national.

Je passe sur le désengagement de l’État concernant les investissements. Certes, le montant ne décroît pas, mais, depuis deux ans, le FAI est essentiellement orienté vers les investissements du réseau de transmission ANTARES, et les montants annuels des dotations en autorisations de programme ne cessent de diminuer, pour ne plus représenter aujourd’hui que le tiers du montant initial.

Je terminerai cette courte intervention en évoquant une situation pour le moins incongrue, qui a connu des évolutions récentes et que le Gouvernement ne manquera pas de corriger dans les meilleurs délais ; je veux parler des règles applicables à l’administration comme aux entreprises pour l’emploi des travailleurs handicapés.

Dans le public comme dans le privé, obligation est faite, on le sait, d’employer 6 % de personnes handicapées. Il se trouve que les SDIS sont soumis à cette mesure, alors même que les pompiers doivent être aptes à l’exercice physique. Si l’on voulait transférer l’obligation d’emploi de ces personnes handicapées sur les seuls services administratifs et techniques, on atteindrait des pourcentages peu raisonnables, soit, pour le SDIS de mon département, près de 40 % de l’effectif desdits services.

Pour le secteur privé, un certain nombre de professions sont exclues du calcul de l’effectif assujetti : une trentaine de métiers sont concernés, tels les maçons qualifiés, les ambulanciers, les couvreurs qualifiés et les pompiers. Pourquoi les pompiers professionnels employés par les SDIS ne bénéficient-ils pas d’une telle dérogation ? Voilà une anomalie à corriger le plus rapidement possible.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je veux dire d’emblée que je m’associe aux hommages qui ont été très légitimement rendus à toutes ces femmes et tous ces hommes qui assument des missions de sécurité civile tant sur notre territoire qu’à l’extérieur.

Bien que la sécurité civile soit une mission régalienne de l’État, son budget reste modeste. Il l’est d’autant plus si on le compare avec l’ensemble de la mission « Sécurité », qui s’élève à 16,6 milliards d’euros, ou encore avec le budget des SDIS, qui est de 4,2 milliards d’euros. Il est regrettable que la présente mission occulte l’effort financier consenti par les collectivités territoriales en la matière, elles qui prennent en charge une part beaucoup plus importante que l’État dans les missions de secours, donc des dépenses qui en découlent.

Loin de le reconnaître, vous préférez stigmatiser les collectivités territoriales et les SDIS, qui dépenseraient trop par rapport à l’État, lequel serait vertueux et maîtriserait ses dépenses.

Depuis 2001, date de l’achèvement de la départementalisation, les dépenses des SDIS ont augmenté de 45,8 %, alors que le nombre de leurs interventions a crû de 8,4 %. Ainsi, le budget primitif des SDIS a dépassé 5 milliards d’euros en 2007. Ce montant représente une hausse de 20 % par rapport au compte administratif pour 2006 et une hausse cumulée de près de 40 % par rapport à celui pour 2004.

N’est-ce pas là la conséquence de la loi du 3 mai 1996 relative aux services d’incendie et de secours et de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui a entraîné une mise à niveau des SDIS, dont l’impact financier se fait ressentir depuis ?

N’est-ce pas dû au désengagement de l’État, qui se décharge de ses compétences sur les collectivités territoriales sans en assumer la compensation à un niveau suffisant ?

L’État a le devoir d’assurer ses missions régaliennes de sécurité civile sur tout le territoire et de manière équitable. Il s’agit là d’une question d’égalité des citoyens devant le service public.

Alors que le Gouvernement prône la pause dans les dépenses publiques et vante les bienfaits de la RGPP, le tout dans un contexte de crise financière et économique, les dépenses des SDIS vous apparaissent alors comme une provocation. Mais les SDIS ne comblent-ils pas les insuffisances de l’État, qui ont été relevées dans le rapport spécial de M. Ginesta ou encore dans le rapport pour avis de Mme Troendle ?

Pour réaliser des économies, vous évoquez le regroupement des casernes, des SDIS, voire des centres de formation. Mais qui dit regroupements, dit fermetures, lesquelles ne sont pas sans nous rappeler les fermetures de casernes militaires, de tribunaux ou encore d’hôpitaux de proximité, le tout bien entendu dans la perspective d’engager la réforme des territoires que le Gouvernement prépare et qui ne présage rien de bon pour l’avenir.

Si une large majorité des actions des SDIS – 65 % d’entre elles – concerne le secours à la victime et l’aide à la personne hors cas d’incendie, cette tendance est certainement plus à mettre sur le compte de l’insuffisance de la présence médicale dans certains secteurs de France, singulièrement ruraux, que sur celui d’appels abusifs. Cette situation est plus la conséquence de la réforme de la permanence des soins qui amène les populations, singulièrement en milieu rural où la démographie médicale est en chute libre, à appeler systématiquement les services de secours d’urgence. Il est à craindre que cette situation ne perdure, et ce malgré votre projet de « référentiel commun », qui vient d’être rejeté par la Conférence nationale des services d’incendie et de secours.

Concernant le Fonds d’aide à l’investissement, créé par la loi de finances de 2003 afin de soutenir les SDIS dans leurs efforts d’investissements en matière d’équipements et de matériels, il sera doté, pour 2009, de 24,4 millions d’euros en autorisations d’engagement. Prenant prétexte de la faible consommation des crédits de ce fonds, de la libération tardive des montants perçus, de l’absence de transparence et du saupoudrage des crédits, le Gouvernement diminue progressivement, année après année, l’enveloppe prévue en sa faveur.

Cette situation démontre, là encore, non seulement le désengagement de l’État en matière de sécurité civile, mais également sa volonté de reprendre ses deniers pour maîtriser la dépense publique.

Par ailleurs, au regard de la situation de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris, dont Mme Troendle, qui s’est rendue sur place, dresse un tableau assez noir dans son rapport pour avis, …

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis. Pas trop noir quand même !

Mme Éliane Assassi. … que comptez-vous faire, madame le ministre ?

Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la situation des sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent près de 80 % des effectifs de sapeurs-pompiers, mais dont le nombre ne cesse de baisser depuis 2004, alors que celui de leurs interventions augmente.

À cet égard, il conviendrait de conforter le volontariat, en poursuivant notamment les efforts sur le statut, la formation et la disponibilité.

À la lumière de ces observations, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce budget qui ne permettra toujours pas de répondre aux enjeux fixés en matière de sécurité civile ni aux attentes de la population, laquelle reste pourtant très attachée à un service public gratuit et de qualité.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme mes autres collègues, je ne dispose que de cinq minutes pour parler d’un budget dont la discussion ne doit pas occuper notre assemblée plus d’une heure. Dans ces conditions, vous me permettrez d’être direct et d’aborder les quelques sujets qui me paraissent importants à traiter pour éviter que notre système de sécurité civile ne dérape ou ne se grippe.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, l’État supporte 415 millions d’euros au titre de la mission « Sécurité civile ». Si l’on y ajoute la BSPP, le BMPM, le bataillon de marins-pompiers de Marseille– cher à notre président de séance ! –, et les crédits d’autres ministères, nous arrivons à un total de 1,365 milliard d’euros, à comparer aux 5,3 milliards d’euros dépensés par les SDIS.

Le rapport des dépenses entre la mission première « Sécurité civile » et celle des SDIS est donc de un à dix. Pourtant, l’État n’a toujours pas véritablement intégré la nécessité de reconnaître les exécutifs des SDIS comme des partenaires majeurs.

Je me permettrai de vous préciser l’état d’esprit des présidents de conseils généraux et des présidents de conseil d’administration des SDIS et d’exposer leur conception de la gouvernance de leur établissement public, qui doit reposer sur des relations de bonne intelligence entre l’État et les représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires.

Madame le ministre, vous avez dû avoir quelques échos de notre dernière conférence nationale des services d’incendie et de secours, au cours de laquelle sa composante « élus » s’est largement exprimée pour préciser avec force que la méthode utilisée devait être remise à plat.

Dans cette partition à trois mains – SDIS, État et sapeurs-pompiers –, il faut garder à l’esprit que les élus occupent une place à part entière, surtout dans un système d’essence démocratique. En tant que premiers financeurs au travers de leur collectivité de rattachement, ils doivent avoir la main pour décider ; ils n’accepteront plus de se la voir forcer.

Je puis malheureusement vous donner quelques exemples de ce qu’il ne faudra plus faire.

Il ne faudra plus lancer l’idée d’un texte réglementaire revalorisant la fonction de sapeur-pompier volontaire avec un impact financier important – 60 millions d’euros, selon les premières estimations de l’époque – sans qu’il y ait eu d’échanges prospectifs et techniques avec les élus.

Il ne faudra plus rendre, à la veille de l’été, des arbitrages confidentiels sur les contingents communaux augmentant la pression sur les finances départementales. Le Premier ministre a tranché la question sans aucune information des présidents de SDIS.

Il ne faudra plus non plus négocier des référentiels relatifs au secours à personnes sans engager le moindre échange avec ceux qui auront à en assumer le financement, lequel ne peut qu’exploser en raison de la désertification médicale et des carences des SAMU.

Il faudra stopper la prolifération des textes statutaires et des normes. À titre d’exemple, le fait de changer la norme fixée pour les gants entraîne un coût de 3 millions d’euros.

Il faudra fournir des études d’impact financier des mesures envisagées avant de mettre les arrêtés à la signature.

II ne faudra pas réfléchir dans le secret des cabinets sur la création de « généraux civils ». Si certains ont à l’esprit une telle mesure, celle-ci ne passera pas ! Nous ne connaissons que trop les glissements pyramidaux et leur impact financier. Si l’État veut nommer des généraux, qu’il les finance !

Les commissions de sécurité, totalement indépendantes du fonctionnement des SDIS, qui sont sous l’entière responsabilité de l’État pour leur gestion, mais sont financées à 100 % par les collectivités, doivent être prises en charge par l’État. Le SDIS paie et l’État dispose !

Le FAI doit devenir transparent. Actuellement, ses moyens fondent comme neige au soleil, probablement sous l’effet du réchauffement de la planète ! Le prétexte avancé par l’État d’une mauvaise utilisation de ce fonds par les collectivités n’est pas intellectuellement honnête. Nous ne pouvons appliquer la règle qui nous impose d’utiliser ces crédits sur l’année d’attribution, puisque les contraintes des marchés publics font que les achats ne peuvent se solder pendant cette même année.

Nous vivons également l’anomalie d’un service bicéphale, exception française : les élus financent et gèrent, tandis que l’État prend la main dès que les pompiers deviennent opérationnels hors de leur caserne.

Pour un esprit cartésien, à l’heure de la RGPP, le système en vertu duquel celui qui gère n’est pas celui qui utilise doit être revu.

Acceptez, madame le ministre, d’examiner au fond le problème de la dualité, afin de voir s’il est possible de le clarifier. Sur plus de 3 millions de sorties, savez-vous combien de fois les préfets ou maires ont pris la tête des opérations hors leur très rare présence en tant que spectateur ? À mon avis, ce doit être de l’ordre de un pour cent mille, voire de un pour un million.

L’État doit faire des choix !

Il doit choisir son interlocuteur direct : l’employeur ou l’employé. Actuellement, l’État s’adresse à l’employeur après avoir négocié les réformes envisagées avec les employés. Transférer ce mode opératoire dans les collectivités n’est pas imaginable. Le patron d’une collectivité est l’élu, c'est-à-dire le maire, par exemple, et non le directeur des services. L’État doit accepter que celui qui paie commande et décide.

Dans la mesure où la loi nous a confié la responsabilité des services départementaux d’incendie et de secours, nous avons besoin que l’État nous communique des expertises et des analyses de prospective susceptibles de nous permettre d’anticiper l’évolution des métiers liés à la sécurité civile.

II faut que la direction de la sécurité civile joue auprès des élus des SDIS le rôle qu’elle jouait auprès de l’État avant la départementalisation. La problématique « pompiers » doit être traitée transversalement au niveau de l’État, afin d’éviter les effets collatéraux des dispositions de portée générale, à l’instar de la NBI, la nouvelle bonification indiciaire, dont les conséquences ont été très sensibles sur nos finances.

Bien entendu, si l’État considère qu’il doit garder la main – à la limite, pourquoi pas ? –, alors que les élus ont consenti des efforts considérables pour remettre les SDIS à niveau en dix ans – les chiffres sont éloquents –, ceux-ci sont prêts à confier à l’État la responsabilité pleine et entière des SDIS : financement, gestion et mode opérationnel.

M. Éric Doligé. C’est le cas à Paris : l’État assume cette responsabilité, et dans des conditions exemplaires ! Je me permets de rappeler que les sapeurs-pompiers de Paris sont des militaires.

Comme vous pouvez le constater, madame le ministre, je vous ai indiqué très directement l’état de nos réflexions.

Quoi qu’il en soit, je voterai les crédits de la mission « Sécurité civile ». Il se peut d’ailleurs que ceux-ci soient portés à 5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010 si l’État décide de reprendre à sa charge la totalité de cette mission, que d’autres assument actuellement pour lui, sans en tenir véritablement les rennes.

M. Albéric de Montgolfier. Ce serait une bonne idée !

M. Éric Doligé. En tant que ministre chargée des collectivités territoriales, vous connaissez nos contraintes budgétaires, ainsi que l’impact des décisions de l’État sur nos finances, madame le ministre. Aussi aimerions-nous ne pas être soumis à des pressions financières insupportables au niveau des SDIS. Nous vous laissons le choix, madame le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame le rapporteur pour avis, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, les menaces qui pèsent sur la sécurité de nos concitoyens sont aujourd’hui globales, protéiformes et multiples. C’est la raison pour laquelle nous abordons en même temps les questions de la sécurité et de la protection civile.

Les forces de sécurité civile ont pour mission de protéger les Français en tout temps, en tout lieu, contre tous les risques, qu’ils soient quotidiens ou exceptionnels, naturels ou industriels.

Il est de ma responsabilité de moderniser les forces de sécurité civile pour qu’elles répondent aux nouvelles formes de menaces. C’est ma première priorité !

Le projet de budget de la mission « Sécurité civile » repose sur deux exigences : répondre aux préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et mieux coordonner les moyens de secours.

Le Livre blanc place en effet la sécurité civile au cœur de la nouvelle stratégie nationale de sécurité, exactement au même titre que la sécurité intérieure. C’est pourquoi je me réjouis de la convergence temporelle de l’examen des projets de budget de ces deux missions.

Néanmoins, vous n’êtes pas sans savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que je n’ai pas attendu le Livre blanc pour réorganiser les services du ministère de l’intérieur selon cette vision prospective. Ainsi que je vous l’avais annoncé l’an dernier, j’ai créé une délégation à la prospective et à la stratégie au sein du ministère, pour renforcer nos capacités d’anticipation et d’adaptation face à l’évolution des grands enjeux nationaux et internationaux, de l’état des menaces et des vulnérabilités.

J’ai bien compris, monsieur Doligé, que vous souhaitiez participer à la réflexion menée sur ces points. Je suis évidemment favorable à ce que les rapports de cette délégation concernant la sécurité civile puissent vous être remis. C’est une bonne façon de travailler et de réfléchir ensemble sur les besoins.

Par ailleurs, la direction de la planification de sécurité nationale, que j’ai également créée auprès du secrétaire général, aura pour mission d’élaborer, d’actualiser et de suivre les plans qui relèvent de ma responsabilité directe. Outre la planification de défense civile, la sécurité des systèmes d’information et l’intelligence économique, cette nouvelle direction animera aussi le réseau des préfets de zone dans l’exercice de leur mission de défense civile.

Les préfets de zone ne se déplacent pas, au quotidien, sur tous les incidents, mais ils jouent pleinement leur rôle dans les événements majeurs. Nous avons pu encore le constater récemment, lorsque des inondations ont frappé le sud-est de la France, ou, l’été dernier, quand une tornade a touché le département du Nord.

De plus, un centre interministériel de crise sera mis en place à la fin de l’été 2009 dans les locaux mêmes du ministère, place Beauvau. Il pourra accueillir en permanence toutes les composantes interministérielles concernées et les plus hautes autorités de l’État en cas de catastrophe nationale majeure.

Le projet de budget pour 2009 donne les moyens opérationnels et immobiliers nécessaires pour poursuivre la mission de protection des Français dans le cadre de la responsabilité de l’État.

S’agissant, en premier lieu, des moyens opérationnels, vous n’êtes pas sans connaître, mesdames, messieurs les sénateurs, le risque NRBC, qui peut provenir soit d’attentats terroristes, soit de catastrophes industrielles.

Deux avancées portent spécifiquement sur ce risque NRBC.

D’une part, des moyens de protection contre cette menace doivent être acquis et mis à la disposition des SDIS. Les capacités de décontamination seront triplées jusqu’à deux cents chaînes, de façon à répondre à un événement qui concernerait un grand nombre de personnes ou à plusieurs événements qui se produiraient simultanément en plusieurs endroits sur le territoire national. De la même façon, un parc de seize « véhicules » de détection, de prélèvement et d’identification biologique et chimique sera constitué. Il est évident que de tels investissements doivent être réalisés au niveau de l’État.

D’autre part, les équipements des services opérationnels de la direction de la sécurité civile, la DSC, – les formations militaires et le service du déminage en matière de lutte contre la menace NRBC – seront renforcés.

Face à cette menace nouvelle, à laquelle nous ne songions pas voilà encore quelques années, nous devons faire preuve d’anticipation et nous tenir prêts à agir.

Au-delà de la menace NRBC, d’autres moyens d’intervention, plus classiques, seront confortés. Ainsi, les transports héliportés d’urgence seront renforcés avec l’acquisition de deux hélicoptères EC-145 et d’un hélicoptère EC-225 pour la Martinique et La Réunion, ainsi que de deux hélicoptères Dauphin pour la Polynésie Française, de façon à accompagner l’outre-mer qui, de par son isolement, a davantage besoin de notre soutien pour accompagner le désengagement de certaines forces militaires.

En matière de lutte contre les feux de forêt, les flottes de camions-citernes de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile seront progressivement renouvelées et dimensionnées aux différents terrains d’emploi ; je pense notamment à la Corse. Il faut, à chaque fois, avoir des retours d’expérience, afin d’adapter au mieux nos moyens.

S’agissant des moyens immobiliers, les efforts de réhabilitation et de sécurisation des infrastructures immobilières de la direction de la sécurité civile seront poursuivis.

Cinq opérations de mise aux normes et de sécurisation des sites de stockage des munitions récupérées avant destruction sont prévues à Caen, Vimy, Suippes, Laon et Bordeaux. Le bâtiment d’hébergement de l’Unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile de Nogent-le-Rotrou sera, quant à lui, restructuré.

Ma seconde priorité consiste à mieux coordonner les moyens de secours relevant de la politique interministérielle de sécurité civile.

La loi de modernisation de la sécurité civile de 2004 charge l’État de garantir la cohérence de la sécurité civile sur le plan national, d’en définir la doctrine et d’en coordonner les moyens.

Il ne s’agit pas ici de nier ou de minimiser le rôle joué par les SDIS, pas plus que l’effort financier qu’ils accomplissent. Mais, que je sache, le Parlement n’a pas à se prononcer sur les budgets des SDIS !

J’ai d’ailleurs entendu un certain nombre d’inexactitudes. Madame Assassi, je n’ai jamais envisagé la fermeture de casernes de sapeurs-pompiers, d’autant que ces décisions relèvent de la compétence des conseils généraux… Quand on examine un projet de budget, il faut se concentrer sur les éléments qu’il contient ! Je vous ai également entendue dire, madame la sénatrice, que la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, la CNIS, aurait désapprouvé le rapport. C’est faux : il a été approuvé ! Un arrêté ministériel doit être soumis à la CNIS en février 2009. Vous devriez veiller à ne pas énoncer des contre-vérités.

Revenons-en aux moyens de secours relevant de la politique interministérielle. De nouvelles interventions structurantes sont prévues par le projet de budget pour 2009.

Tout d’abord, une action de modernisation de l’alerte aux populations sera menée sur cinq ans. Bien entendu, les sirènes seront conservées, mais les systèmes d’alerte seront modernisés, notamment grâce aux téléphones portables, aux ordinateurs de poche ou encore aux panneaux urbains électroniques d’information, qui constituent des moyens rapides et efficaces d’alerte en cas de crise.

De la même façon, pour la prévention et l’alerte des aléas marins, et en particulier des tsunamis – même s’il est moins important chez nous que dans d’autres régions du globe, le risque de tsunami existe également sur nos côtes –, un Centre régional d’alerte aux tsunamis pour l’atlantique nord-est et la méditerranée occidentale, le CRATANEM, sera créé et connecté au système rénové d’alerte des populations.

Enfin, la migration de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris vers l’infrastructure nationale partagée de transmission ANTARES renforcera l’interopérabilité de cette unité avec l’ensemble des SDIS de France. Ainsi, 25 % des pompiers utilisent déjà ce réseau numérique partagé avec les forces de sécurité. Son infrastructure, financée par l’État, remplace progressivement les réseaux des départements.

Madame Troendle, je partage l’attention que vous portez à la BSPP. Je souhaite rappeler que, compte tenu des fortes sollicitations que connaît cette unité, des efforts de rattrapage importants ont été consentis dans le cadre du plan de modernisation : 750 militaires ont été recrutés, dont 20 officiers et 144 sous-officiers.

Au-delà, et pour répondre à des préoccupations exprimées sur toutes les travées de cette assemblée, j’ai décidé de créer une commission « Ambition volontariat ». Le volontariat est en effet au cœur du dispositif de sécurité civile, puisque trois interventions sur cinq sont assurées par des volontaires.

Les mesures du plan d’action en faveur de la disponibilité des volontaires commencent à porter leurs fruits : 8 000 conventions ont été signées avec les employeurs des volontaires et 2 millions d’euros de crédit d’impôt ont été affectés par l’État à l’application de la loi relative au mécénat. Ces conventions sont importantes et j’ai d’ailleurs veillé à ce que le ministère de l’intérieur, à l’instar du ministère de la défense, d’autres ministères et de grands organismes publics comme La Poste, y participent également.

Cette commission conduira également une réflexion pragmatique et prospective pour encourager et consolider le volontariat dont nous avons absolument besoin.

C’est aussi une meilleure coordination qui doit nous permettre de gagner en rationalisation et en performance : des outils de pilotage ont été mis en œuvre par l’État au titre de la loi de finances pour 2007. Ils commencent aujourd’hui à porter également leurs fruits. Ainsi, les élus locaux ont pu ramener l’an dernier à 2 % la progression des budgets des SDIS. L’augmentation des dépenses devient donc plus raisonnable, d’autant que des efforts très importants ont été accomplis en la matière dans les années précédentes.

Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’État, quant à lui, assumera ses responsabilités financières, au moyen du fonds d’aide à l’investissement des SDIS, de la prestation fidélisation-reconnaissance, du régime d’indemnisation des sapeurs-pompiers et de la participation au financement de l’ENSOSP.

Au-delà du domaine financier, l’État assumera également ses responsabilités « en nature », par un certain nombre de moyens nationaux, la prise en charge des renforts interdépartementaux, qui jouent un grand rôle en cas de catastrophe exceptionnelle, les crédits des autres programmes ministériels.

Je voudrais souligner que les crédits de la mission ne traduisent que partiellement l’engagement de l’État. Si l’on intègre l’apport de la participation des autres ministères, l’engagement de l’État s’élève à plus de 972 millions d’euros. Et si l’on inclut la BSPP et la Brigade des marins-pompiers de Marseille, nous arrivons même à 1,365 milliard d’euros.

S’agissant plus particulièrement du FAI, je rappelle qu’aux crédits inscrits s’ajoutent ceux qui sont consacrés à la réalisation de l’infrastructure ANTARES.

En outre, en pérennisant les contingents communaux, comme nous venons de le faire, c’est le lien entre les SDIS et les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui se trouve réaffirmé.

Je comprends que l’évolution du financement des SDIS soit une préoccupation. Je rappelle simplement à ceux qui l’auraient oublié que l’État ne doit compenser que les seuls crédits qu’il consacrait à une mission au moment où celle-ci est décentralisée. C’est la règle constitutionnelle ! Il est vrai que, le plus souvent, des événements futurs ou la volonté de perfectionnement des départements, que je salue, font que des dépenses supplémentaires sont engagées. Mais la compensation du transfert est assurée à l’euro près.

L’État souhaite accompagner la rationalisation engagée en permettant, justement, que l’évolution du financement des SDIS ne soit pas supérieure à l’inflation.

Je veux rassurer M. Doligé, que je félicite de sa brillante réélection à la présidence de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours : l’État entend donner un nouveau souffle au dialogue, indispensable, qui a été engagé avec les élus départementaux en 2004. C’est pourquoi j’ai souhaité que tout projet réglementaire ou normatif soit étudié le plus en amont possible de son application. Cela relève d’ailleurs de la compétence de la Commission consultative d’évaluation des normes.

Mme Troendle a évoqué les difficultés que rencontrent les SDIS pour atteindre le taux d’emploi légal de 6 % de travailleurs handicapés. J’ai demandé à mon collègue chargé de la fonction publique d’examiner les conditions dans lesquelles l’exonération applicable aux entreprises privées soumises aux mêmes contraintes pourrait être étendue aux SDIS.

Par ailleurs, une réflexion globale portant sur la déclinaison du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans les trois fonctions publiques est en cours.

S’agissant de l’ENSOSP, j’indiquerai à M. Haut et à Mme Troendle que la première phase d’installation de l’école sera bien achevée à la fin de 2009, conformément au calendrier retenu. Le cadre budgétaire sera respecté, ce qui nous permettra même d’acquérir l’emprise foncière supplémentaire nécessaire à la seconde phase prévue par le contrat d’établissement.

Enfin, madame Troendle, vous estimez que la culture de sécurité civile est insuffisamment diffusée auprès des élèves. Je puis vous assurer que mes services sont pleinement mobilisés à cet égard. Outre leur rôle d’expert auprès du ministère de l’éducation nationale, ils participent à des actions de sensibilisation à l’occasion de rencontres nationales, telles que le salon Kidexpo, le salon des maires et des collectivités locales ou les journées de la sécurité intérieure, ou locales, par exemple la sensibilisation de 8 500 élèves par le SDIS du Haut-Rhin. Ces actions ont suscité un grand intérêt, notamment chez les jeunes. En outre, de nouveaux outils pédagogiques apparaîtront au premier semestre de 2009 : la revue Risques et Savoirs et un DVD ludo-pédagogique.

J’ai bien noté votre souhait que les actions de sensibilisation s’adressent plus spécifiquement aux départements ou aux localités à risques. Votre observation est tout à fait judicieuse, et je ne manquerai pas de lui faire donner une traduction concrète.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2009 vise à renforcer nos capacités de réponse à des risques toujours plus nombreux, diversifiés et globaux, et de garantir, en tout temps et en tout lieu, la qualité des secours en permettant l’intégration de tous les acteurs dans la chaîne de sécurité civile, pour une plus grande efficacité. Nous pourrons ainsi accomplir notre mission fondamentale au service des Français : protéger la vie de nos concitoyens, secourir les plus fragiles d’entre eux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame le ministre, je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées.

La crise économique et financière à laquelle nous devons faire face évoluera certainement en une crise sociale. Dans ce contexte, les budgets sont extrêmement contraints. Néanmoins, il n’est pas question de restreindre les moyens mis à la disposition des sapeurs-pompiers.

Cela étant, ainsi que me l’a confié le président du conseil d’administration d’un SDIS, les très nombreux textes réglementaires qui ont été pris ou qui le seront prochainement se traduisent tous, immanquablement, par des dépenses supplémentaires. À tout le moins, je souhaiterais que soit observée une pause en la matière, car nous ne pouvons continuer ainsi. Je me permets d’insister sur ce point, madame le ministre.

Dans cet esprit, je salue la décision que vous avez prise s’agissant du projet de décret sur lequel j’avais attiré votre attention, mais je voudrais pouvoir être certain qu’il ne ressortira pas d’un tiroir dans les prochaines semaines. Je fais confiance à la Conférence nationale des services d’incendie et de secours : prenons garde de trop réglementer ! En effet, les innovations sont incessantes. Ainsi, récemment, il était question d’imposer un nouveau type de chaussures. Je suis convaincu que les conseils d’administration des SDIS font le maximum, mais il arrive un moment où il faut savoir se modérer.

S’agissant maintenant des personnes handicapées, il n’est pas aisé d’en recruter au sein des SDIS. Cependant, il est fréquent que, parvenus à un certain âge, les sapeurs-pompiers éprouvent des difficultés à s’acquitter de leurs missions. Il convient alors de leur attribuer des fonctions plus adaptées à leur état de santé et à leur condition physique. Dès lors, ne serait-il pas possible – pour le coup, je demande un texte normatif, madame le ministre ! – de considérer qu’un certain nombre de sapeurs-pompiers « seniors » souffrent d’une forme de handicap au regard de la profession qu’ils exercent ? Les SDIS continuent à les rémunérer, mais leurs capacités physiques ne sont plus tout à fait ce qu’elles ont été.

Je voudrais qu’il en soit tenu compte. Hier, notre collègue Michel Mercier indiquait que le SDIS du Rhône, dont il préside le conseil d’administration, devait acquitter une somme de plus de 1 million d’euros, faute d’employer un nombre suffisant de salariés handicapés. Faisons là aussi preuve de modération ! J’estime qu’il faut prendre en compte, dans le calcul des cotisations appelées à ce titre, le fait qu’un certain nombre de sapeurs-pompiers éprouvent des difficultés à exercer leurs missions.

Enfin, je crains que, à l’avenir, les coûts de fonctionnement de l’ENSOSP ne se révèlent élevés. Or, immanquablement, il reviendra aux SDIS de les supporter. Là encore, madame le ministre, je forme le souhait que la gestion de cette école soit parfaitement maîtrisée. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Sécurité civile
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Solidarité, insertion et égalité des chances

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurité civile » figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Sécurité civile

447 161 749

419 920 718

Intervention des services opérationnels

261 215 803

241 184 323

Dont titre 2

127 565 180

127 565 180

Coordination des moyens de secours

185 945 946

178 736 395

Dont titre 2

23 766 248

23 766 248

M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 74, 75, 76 et 76 bis).

La parole est à M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » représentent près de 11,2 milliards d’euros, répartis en cinq programmes de poids très différents.

En effet, le plus petit programme de la mission, intitulé « Égalité entre les hommes et les femmes », mobilise 29,2 millions d’euros de crédits, alors que le programme « Handicap et dépendance » est doté de plus de 8,6 milliards d’euros.

L’architecture de cette mission a évolué entre 2008 et 2009. Deux changements doivent être relevés.

Tout d'abord, le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » est transféré vers la mission « Ville et logement ».

Ensuite, le programme « Protection maladie » se trouve désormais rattaché à la mission « Santé ».

Ainsi, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » perd largement son caractère interministériel. Elle est placée sous la responsabilité du ministre chargé du travail, même si le programme consacré à la mise en œuvre du revenu de solidarité active, ou RSA, relève du Premier ministre et du haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

Par ailleurs, le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue le support de plusieurs missions, en particulier de la mission « Santé ».

C’est un programme « à part », qui rassemble la quasi-totalité des crédits de personnel. Il mobilise plus de 1 milliard d’euros, dont moins de 119 millions d'euros toutefois concourent à des actions propres à ce programme, le reste des fonds s’apparentant à des crédits de soutien à d’autres programmes.

On constate une dynamique des dépenses très différente suivant les programmes considérés. En particulier, on observe, entre les programmes « Actions en faveur des familles vulnérables » et « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », un rééquilibrage qui s’explique par le remplacement de l’allocation de parent isolé, ou API, par le RSA.

Des priorités budgétaires apparaissent également, comme l’allocation aux adultes handicapés, ou AAH, qui fera l’objet d’une revalorisation de 25 % en cinq ans, ainsi que l’a annoncé le Président de la République. En contrepartie, nous notons une stagnation ou une diminution de crédits jugés moins essentiels.

Je voudrais enfin indiquer que les crédits budgétaires ne donnent pas une vision exhaustive de cette mission. En effet, les dépenses fiscales qui contribuent à titre principal aux actions menées dans le cadre de ces programmes sont de même ampleur que les crédits budgétaires ; elles devraient atteindre 11,8 milliards d’euros en 2009.

Mes chers collègues, je vais à présent céder la parole à M. Albéric de Montgolfier, qui analysera les différents programmes de cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je souhaiterais formuler quelques remarques concernant les différents programmes.

Le programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », tout d'abord, mobilise 582,4 millions d’euros. Il sert désormais essentiellement à financer la contribution de l’État au financement du RSA « chapeau », ainsi que notre collège Éric Doligé l’avait indiqué lors de la présentation du projet de loi généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion.

Cette contribution passe par une dotation au Fonds national des solidarités actives, qui est fixée à 555 millions d’euros en 2009. Elle est supérieure aux besoins prévus au cours de cet exercice, mais elle s’intègre dans une perspective d’équilibre pluriannuel, sur trois ans, de ce fonds.

A contrario, les crédits en faveur du Fonds d’innovation et d’expérimentation sociale sont réduits de 5 millions d’euros pour 2009, ce qui apparaît d’autant plus justifié que le projet annuel de performances reste lacunaire quant à l’intérêt des actions menées dans ce cadre.

En contrepoint, on observe une diminution des crédits du programme « Actions en faveur des familles vulnérables », qui supporte essentiellement le financement de l’allocation de parent isolé. En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, celle-ci sera remplacée à compter du 1er juin 2009 par le RSA. Je souhaite néanmoins, madame la secrétaire d'État, que vous justifiiez davantage les hypothèses d’évolution du nombre de bénéficiaires retenues pour 2009.

Par ailleurs, des besoins de financement complémentaires sont apparus en 2007 et en 2008, les crédits inscrits en loi de finances initiale s’étant révélés insuffisants.

J’observe que le projet de loi de finances rectificative prévoit l’ouverture de 36,5 millions d’euros de crédits au titre de l’API, ce qui permettra de couvrir les dettes de 2007 mais ne devrait pas suffire à satisfaire l’ensemble des besoins. Je souhaite que vous nous précisiez ce point, madame la secrétaire d'État.

En outre, le présent projet de loi de finances comporte une rationalisation de certaines dépenses, comme celles dites « de soutien à la parentalité ».

Enfin, l’entrée en vigueur de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs permettra d’alléger les dépenses supportées par l’État au titre des tutelles et curatelles, et cela de près de 55 millions d’euros par rapport à la tendance des dépenses avant la réforme. Je note que le collectif budgétaire prévoit l’ouverture de 5,5 millions d’euros de crédits au titre des tutelles et curatelles, ce qui devrait permettre d’apurer les dettes de l’État.

Le programme « Handicap et dépendance » est de loin le plus lourd de la mission, puisque l’allocation aux adultes handicapés représente, à elle seule, 5,8 milliards d’euros. Dans le cadre de ce projet de budget, un effort significatif est consenti, découlant du plan de revalorisation de 25 % de l’AAH sur cinq ans, annoncé par le Président de la République. Ce sont ainsi 114,6 millions d’euros supplémentaires qui sont inscrits pour financer les deux revalorisations prévues au cours de l’exercice 2009.

Si les crédits prévus pour 2009 semblent correctement évalués, je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, que vous précisiez les mesures concrètes permettant de réaliser certaines économies qui sont intégrées dans les prévisions de dépenses. Le projet annuel de performances indique qu’elles découleront « d’actions de meilleure gestion » de l’AAH, mais je souhaite que vous nous apportiez des informations complémentaires et chiffrées.

Cet aspect est d’autant plus important que nous avons régulièrement relevé des dérapages au cours des dernières années. L’exercice 2008 n’échappe d’ailleurs pas à ce constat, puisque les besoins complémentaires s’élèvent, selon les données transmises par vos services, à 148,5 millions d’euros.

J’observe toutefois que le projet de loi de finances rectificative pour 2008 prévoit l’ouverture de 236 millions d’euros de crédits supplémentaires au titre de l’AAH, ce qui devrait permettre, je l'espère, d’assainir la situation.

Le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » est de loin le plus faible de la mission, puisqu’il représente 29,2 millions d’euros de crédits. La commission des finances s’est souvent interrogée sur l’efficacité et la valeur ajoutée de certaines dépenses, compte tenu de la faiblesse des sommes prévues au regard non seulement des enjeux, mais également des moyens engagés par d’autres acteurs : je pense, en particulier, à la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF.

En tout état de cause, les crédits d’intervention connaîtront en 2009 une diminution qui affectera l’ensemble des actions menées, même si les principales associations d’envergure nationale verront leurs subventions maintenues.

Quant au programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », je voudrais souligner que l’année 2009 sera marquée par une baisse du plafond d’emplois allant au-delà de la simple compensation d’un départ à la retraite sur deux. Cela traduit, d'une part, le transfert d’un certain nombre d’emplois aux conseils généraux, et, d'autre part, des efforts de gestion dont il convient de se féliciter.

En conclusion, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, je souhaite saluer l’effort budgétaire qui a été réalisé en faveur des handicapés, au travers de la revalorisation de l’AAH, et des travailleurs les plus pauvres, grâce au RSA.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » a été sensiblement modifié, puisque, à la suite du transfert de deux programmes vers d’autres missions, elle ne comporte plus que cinq programmes au lieu de sept.

Cela étant, à périmètre constant, les crédits pour 2009 augmentent de 6 % par rapport à 2008, pour atteindre 11,2 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 11,8 milliards d’euros d’exonérations ou de déductions fiscales accordées aux familles modestes, aux personnes âgées ou aux handicapés.

Cette progression permettra la mise en œuvre de plusieurs réformes : la généralisation du RSA, la réforme des tutelles, la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés et le pacte national pour l’emploi des personnes handicapées.

Le principal objet du programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » est, bien sûr, la mise en œuvre du RSA, ce dernier devant être généralisé au second semestre de 2009.

En ajoutant le produit de la nouvelle taxe de 1,1 % sur les revenus du capital, celui du plafonnement des niches fiscales et la dotation de l’État au Fonds national des solidarités actives, le FNSA, ce sont plus de 2 milliards d’euros qui seront injectés dans l’économie dès le 1er juin, contribuant ainsi à la politique de relance souhaitée par le Président de la République.

Cette action s’accompagnera de la poursuite des expérimentations du RSA et de la création d’un fonds d’expérimentations en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes les plus défavorisés, doté, dès 2008, de 10 millions d’euros, puis de 4 millions d’euros en 2009 et en 2010. La commission des affaires sociales est bien sûr favorable à la création de ce fonds et aimerait connaître plus précisément le contenu des actions au profit des jeunes qu’il financera.

J’en viens aux crédits consacrés aux familles vulnérables. Ils sont en forte baisse, ce qui est logique, puisque l’allocation de parent isolé disparaîtra au profit du RSA à compter du 1er juin 2009, mais aussi parce que la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs permettra de contenir l’augmentation du nombre de mesures de protection, due au vieillissement de la population.

La commission des affaires sociales s’interroge, en revanche, sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à réduire les crédits consacrés à l’accompagnement des familles. Elle demande que les actions menées dans ce domaine soient mieux évaluées et fassent l’objet de recommandations pour 2010.

S’agissant de la politique en faveur du handicap, qui me tient particulièrement à cœur, le bilan est contrasté.

Ce projet de budget permet de tenir les engagements pris par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin dernier : revalorisation de l’AAH de 25 % en cinq ans et création de 50 000 places en établissements d’ici à 2012, ainsi que plusieurs mesures incitatives en faveur de l’activité des personnes handicapées.

La commission des affaires sociales soutient, bien évidemment, la double démarche tendant à favoriser l’emploi des personnes handicapées qui sont en mesure de travailler et à garantir la dignité de celles qui sont durablement éloignées de l’emploi.

J’éprouve néanmoins plusieurs inquiétudes ou regrets.

Je regrette que la nouvelle participation du fonds « fonction publique » au financement du réseau Cap emploi se traduise, dans le même temps, par la diminution de la contribution de l’AGEFIPH, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés. À propos de ce fonds « fonction publique », nous avons eu, monsieur le président de la commission des finances, un débat fort intéressant hier, qui doit se poursuivre au sujet de la formation professionnelle.

J’ai des inquiétudes en ce qui concerne la prestation de compensation du handicap, la PCH, dont le modeste succès me conduit à suggérer, d’une part, que la contribution versée à chaque département par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, soit modulée en fonction de la dépense constatée, certains conseils généraux ayant pratiquement épuisé leurs provisions budgétaires, et, d’autre part, que la PCH intègre une part forfaitaire pour mieux prendre en compte les aides ménagères.

Un autre sujet d’inquiétude tient aux dysfonctionnements des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.

Leurs effectifs et la formation du personnel sont insuffisants pour traiter, dans des délais raisonnables, l’ensemble des demandes. Il est, je crois, nécessaire de simplifier les procédures et d’envisager une évolution du statut de ces maisons, ainsi que de celui des personnels mis à disposition par l’État, qui bénéficient encore d’un droit d’option préjudiciable à la qualité du service.

Enfin, la commission des affaires sociales déplore que, pour la deuxième année consécutive, aucun crédit ne soit versé au fonds interministériel pour l’accessibilité aux personnes handicapées, alors que l’échéance de 2015 est désormais très proche.

J’évoquerai en quelques mots les mesures en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, dont la présentation budgétaire me paraît trop dispersée pour être facilement compréhensible. Pourquoi ne pas regrouper certains crédits dans l’action « Égalité professionnelle », ce qui serait plus lisible ?

Je souligne, au passage, les actions remarquables menées en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes, qui, grâce aux crédits prévus, pourront fort heureusement être poursuivies en 2009. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe socialiste.)

Je terminerai par le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », qui regroupe les moyens humains et matériels des administrations de la santé et du secteur médicosocial, dont l’organisation devrait être profondément bouleversée du fait de la révision générale des politiques publiques et de la prochaine mise en place des agences régionales de santé, les fameuses ARS. Je signale au passage que nous aurions aimé voir apparaître le terme « médicosocial » dans leur dénomination.

De nombreuses associations ont manifesté leur inquiétude, selon moi avec juste raison, sur les conséquences de cette restructuration pour le secteur médicosocial.

À ce titre, plusieurs points méritent notre vigilance.

Tout d’abord, les conditions d’application du principe de fongibilité asymétrique devront garantir une préservation des places en établissements sociaux et médicosociaux.

Ensuite, le passage à une logique d’appels à projets ne doit pas se traduire par des contraintes trop lourdes pour les associations qui gèrent ces établissements et qui font la richesse de ce secteur.

Par ailleurs, il faudra veiller à l’équilibre des instances chargées de piloter les ARS, qui devront inclure des représentants du secteur médicosocial.

Enfin, le principe de convergence tarifaire devra être appliqué aux établissements et services médicosociaux, ce par analogie avec les mesures qui ont été prises dans ce domaine pour les établissements de santé.

Sous réserve de ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission et aux articles 74 à 76 bis, qui lui sont rattachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, cela a déjà été dit à cette tribune, notamment par des orateurs de mon groupe, lors de l’examen des crédits d’autres missions : le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi de finances, plus spécifiquement cette mission, est marqué par une crise sociale et économique qui ne cesse de s’aggraver.

Nous devons bien garder à l’esprit que la croissance française a commencé à faiblir dès la fin de l’année 2007. Malgré cela, le Gouvernement et sa majorité ont préféré accentuer la déréglementation, la précarisation des services publics, la remise en cause des acquis sociaux et se priver de toute marge de manœuvre en finançant le bouclier fiscal plutôt qu’un indispensable bouclier social.

Le bilan de cette politique est sans appel : aggravation de la crise financière, accélération de l’inflation, forte dégradation des investissements des entreprises, déficit de la balance commerciale de plus de 6,2 milliards d’euros…

De fait, les derniers moteurs de l’activité ont été purement et simplement étouffés et, avec une dette publique qui pourrait atteindre 70 % du PIB en 2010, tout espoir d’un rebond rapide est désormais malheureusement à écarter.

M. Alain Vasselle. Vous ne parlez pas de l’effet désastreux des 35 heures ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. Ça suffit, avec les 35 heures ! C’est de la provocation, monsieur le président !

M. le président. Seule Mme Demontès a la parole, mes chers collègues !

Mme Christiane Demontès. Monsieur Vasselle, heureusement que les RTT existent ! En effet, dans le département dont je suis élue, toutes les entreprises vont fermer entre Noël et le jour de l’An : elles demandent à leurs salariés de prendre leurs jours de RTT. Alors merci aux 35 heures, monsieur Vasselle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Vasselle. Il ne faut pas s’étonner que les entreprises françaises perdent de la compétitivité ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Monsieur Vasselle, laissez Mme Demontès s’exprimer !

Mme Christiane Demontès. Vous savez bien que ce n’est pas vrai, monsieur Vasselle !

Le ralentissement de l’activité, ou plutôt son effondrement, pèse sur le marché de l’emploi. Depuis le mois de mai, le nombre de demandeurs d’emploi augmente. Au mois d’octobre, plus de 45 000 salariés ont perdu leur emploi. Pas un jour ne passe sans que soient annoncées de nouvelles fermetures d’entreprises. Aux licenciements massifs des grandes entreprises s’ajoute la cohorte impressionnante des fermetures d’entreprises, TPE ou PME. Désormais, plus de 2 millions de nos concitoyens sont à la recherche d’un emploi. Ce chiffre atteint 2,42 millions sur la base de l’ancienne définition. D’ici à la fin de l’année, le taux de chômage dépassera à nouveau 7,5 %.

M. Alain Vasselle. Grâce aux 35 heures !

Mme Christiane Demontès. Je regrette, d’ailleurs, que M.  Éric Woerth, ministre chargé du budget, ne soit pas là : il avait affirmé, lors de son audition par la commission des affaires sociales, que le chômage ne cessait de refluer et que le nombre des demandeurs d’emploi était bien inférieur à ce qu’il était voilà trois ans. Certes ! Cependant, aujourd’hui, malheureusement, la situation se dégrade.

Dans cette situation, la droite, qui, hier, vouait aux gémonies la réglementation et la puissance publique comme autant de freins à la liberté, à la croissance, à la création d’emplois, découvre que la toute-puissante logique du marché mène à la catastrophe.

Le politique redevient un acteur central, et c’est tant mieux. Dès lors, cette mission, notamment son volet relatif à l’insertion, prend encore plus d’importance. L’insertion devient, plus que jamais, un impératif de premier plan.

Concernant la forme, l’architecture de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » a été redéfinie cette année : l’insertion procède in fine d’une vision duale de la société.

En effet, deux catégories distinctes sont mises en lumière : les personnes en situation de reprendre un emploi rapidement – elles relèvent de la mission « Travail et emploi », qui a été examinée hier – et les autres.

Bien loin de permettre la mise en œuvre d’une politique d’insertion, nécessairement transversale, ce projet de budget occulte toute dimension autre que celle qui est directement liée à l’emploi.

Or, nous le savons bien, et la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions en était une parfaite illustration, œuvrer pour l’insertion nécessite le concours de divers secteurs.

Ainsi, comment parler d’insertion sans prendre en compte la question du logement, notamment social ? Comment avoir une analyse globale de l’insertion quand le programme « Accès et retour à l’emploi », qui perd plus de 300 millions d’euros de crédits cette année, se trouve rattaché à la mission « Travail et emploi » ? Il en va de même de la formation, qui, comme chacun le sait, est un facteur déterminant de l’insertion.

À ce propos, je me permets d’ouvrir une parenthèse : qu’est-il advenu du projet de loi relatif à la formation professionnelle, dont Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, nous avait annoncé en début d’année, lors du débat sur la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, qu’il serait soumis au Parlement à l’automne 2008 ? Il n’apparaît pas dans notre programme de travail pour les prochains mois.

M. Guy Fischer. Nous ne voyons rien venir !

Mme Christiane Demontès. Pour illustrer mon propos, je soulignerai que l’action 2 de la mission, intitulée « Autres expériences en matière sociale et d’économie sociale », ne représente que 1,7 % des crédits du programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales », consacrés à plus de 98 % au seul RSA.

En lieu et place d’une politique d’insertion, le Gouvernement nous propose un projet de budget centré sur le RSA. Dans ces conditions, parler d’insertion apparaît comme trompeur ou, pour le moins, restrictif.

Les crédits de paiement inscrits au titre du RSA dans le programme 304 dépassent 555 millions d’euros. Or, quand nous procédons à une lecture transversale, nous constatons que ce montant résulte de l’absorption d’autres dispositifs, notamment l’API.

Qui plus est, les crédits consacrés à la prime pour l’emploi sont ramenés à 500 millions d’euros. Si l’on ajoute qu’une économie de 150 millions d’euros est réalisée au titre de l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance télévisuelle, l’augmentation des crédits qualifiée d’« exceptionnelle » par M. le ministre du budget devient au mieux résiduelle, pour ne pas dire virtuelle.

Par ailleurs, monsieur le haut-commissaire, eu égard aux informations parues récemment dans la presse économique, qu’en est-il d’une mise en œuvre du RSA sous forme d’à-valoir dès le 1er janvier prochain ? Le cas échéant, lesquels de nos concitoyens seront concernés en priorité ? Les RMIstes, les allocataires de l’API, les bénéficiaires des allocations logement ? Tous ?

M. Guy Fischer. Les RMIstes !

Mme Christiane Demontès. Quels seront les critères retenus? Quid du financement, estimé à 300 millions d’euros et qui proviendrait d’un surplus de recettes du prélèvement opéré sur les revenus du patrimoine pour financer le RSA ? Qu’en est-il du versement d’une prime de 100 euros, qui serait, nous dit-on, allouée pendant un semestre à 2 millions ou 3 millions de nos concitoyens ?

Le 25 novembre dernier, contredisant l’annonce par vos soins de la fin des contrats aidés, le Président de la République déclarait que le champ d’application des contrats de transition professionnelle passerait de sept à vingt-cinq bassins d’emploi. Au sein de la mission, nous ne trouvons aucune traduction budgétaire d’une telle disposition, qui relève pourtant directement de la mission d’insertion. Alors, qui en assurera le financement ? La question vaut d’être posée, d’autant que les crédits de l’emploi ont été considérablement diminués.

Au-delà de ces interrogations, qui appellent, bien sûr, des réponses, il apparaît très clairement que le Gouvernement et le chef de l’État, pris de court par la violence de la crise, agissent dans la plus grande précipitation et la plus totale improvisation. Seule certitude, les crédits consacrés à l’insertion, notamment au financement du RSA, seront largement insuffisants pour faire face à la dégradation constante de la situation et au défi que représente pour nous –je sais que vous êtes très sensible à cette réalité, monsieur le haut-commissaire – le fait que 7,8 millions de personnes, dont 2 millions d’enfants, vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, nous ne sommes pas dupes ! Dans le meilleur des cas, les hausses de crédits annoncées procèdent de redéploiements budgétaires ; dans le pire, vous réalisez des coupes claires dans les budgets, qui plongeront mécaniquement une partie de notre population dans des difficultés plus grandes encore : je pense, notamment, à l’API, mais également à toutes les diminutions, voire suppressions, de subventions à des associations œuvrant dans le secteur de l’insertion. Nous verrons très rapidement les effets néfastes de ces décisions dans nos territoires.

Vous invoquez le pragmatisme pour justifier le revirement de votre politique. Les Français ne sont pas dupes. Ils savent que votre socle idéologique reste intact : désireux de diminuer le coût du travail, vous précarisez sans fin la condition salariale, vous diminuez le pouvoir d’achat des salariés et, in fine, en faites l’unique variable d’ajustement d’une politique libérale aux effets désastreux. Dans ces conditions, parler d’insertion est une supercherie, que nous dénonçons !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est un peu fort !

Mme Nadine Morano, secrétaire d’État. C’est vraiment fort !

Mme Christiane Demontès. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de budget ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », je me suis tout particulièrement intéressée au programme 137 consacré aux actions publiques en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes. Doté de 29,3 millions d’euros de crédits, il est le plus modeste de cette mission, d’autant que les crédits d’intervention connaissent une baisse par rapport à 2008.

Toutefois, madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, j’ai été éclairée, dans mon analyse des données chiffrées brutes, d’abord par le rapport public de la Cour des comptes, qui comporte notamment une étude de l’action du service des droits des femmes et de l’égalité, directement rattaché à votre secrétariat d’État, ensuite par votre audition devant la commission des affaires sociales du Sénat.

Cette analyse m’a permis de dégager deux caractéristiques capitales de ce projet de budget : le cadre interministériel et transversal de la politique en faveur des femmes ; le redéploiement des crédits vers les associations « têtes de réseau » et les grandes structures nationales.

À l’évidence, madame la secrétaire d’État, la politique relative aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes ne se résume pas aux seuls crédits du programme 137. Vous l’avez vous-même réaffirmé à maintes reprises, celle-ci repose non seulement sur plusieurs départements ministériels, chargés de la santé, du sport, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur ou de la politique de la ville, mais également sur les collectivités locales, les organismes de sécurité sociale, les partenaires sociaux, les associations et les entreprises.

À mes yeux, deux actions illustrent le caractère interministériel et transversal de la politique en faveur des femmes.

La première est la promotion d’une véritable mixité dans le choix des filières scolaires.

Une convention pour la promotion de l’égalité des chances entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif, signée pour la période 2006-2011, vise à associer les efforts de huit ministères.

Cette convention affirme, en premier lieu, la nécessité de développer une approche globale dans l’ensemble de la démarche éducative, notamment dans le cadre de l’orientation et de l’éducation à la citoyenneté.

C’est en effet à l’école, et dès le plus jeune âge, que s’apprend l’égalité entre les sexes. Cet apprentissage de l’égalité entre les garçons et les filles est une condition nécessaire pour que, progressivement, les stéréotypes s’estompent et que d’autres modèles de comportement se construisent.

Fondée sur le respect de l’autre sexe, cette éducation à l’égalité, partie intégrante de l’éducation civique, implique notamment la prévention des comportements et violences sexistes.

La convention affiche, en second lieu, l’objectif ambitieux « de sortir de tout déterminisme sexué de l’orientation ».

Malgré quelques signes d’évolution favorable, filles et garçons continuent à se conformer dans leur orientation, puis dans leur choix de métier, à des schémas socioprofessionnels archaïques : dans les filières littéraires, on compte 80 % de filles ; dans le domaine de la production, les filières sont presque exclusivement masculines.

De même, à niveau égal dans les disciplines scientifiques, les filles ne s’engagent pas autant que les garçons : 64 % des filles avec un très bon niveau en mathématiques en fin de collège sont allées en terminale S, contre 78 % des garçons ayant le même profil.

Cette prévention persistante des filles à l’égard des sciences et techniques les détourne de branches professionnelles porteuses d’emplois et prive la société de ressources indispensables à son développement.

Pour souligner clairement la nécessité d’une modification des comportements, l’un des indicateurs de performance retenu dans le cadre de la LOLF assigne à l’enseignement scolaire un objectif ambitieux : la proportion de jeunes filles dans les classes terminales des séries scientifiques générales et technologiques doit augmenter de 20 % avant 2010. À cette échéance, la proportion de filles dans ces classes doit atteindre 44,6 %. Au regard de la progression de 2,6 % enregistrée pour cet indicateur entre 1997 et 2003, on mesure le chemin qui reste à parcourir !

Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que tout sera réellement mis en œuvre pour que cette convention soit suivie d’effet ?

L’information sur la contraception est la seconde illustration que je souhaitais évoquer de la politique volontariste qu’il nous faut mener de façon transversale.

Avec 14,6 avortements pour 1 000 femmes, la France dépasse largement la moyenne européenne de 11,2 pour 1 000. Chez les jeunes filles âgées de moins de 18 ans, trois grossesses sur cinq aboutissent à une interruption. On dénombre 11 500 IVG chez les 15-17 ans, soit une hausse de 32 % en quatorze ans. Mais ce sont les femmes âgées de 20 à 24 ans qui, proportionnellement, recourent le plus aux interruptions volontaires de grossesse.

Or, nous le savons, il est possible d’apporter, au moins en partie, une réponse à ce problème en assurant une meilleure communication sur la diversité de l’offre contraceptive et en améliorant l’éducation sexuelle, en particulier celle des jeunes filles, dans le cadre scolaire.

M. Alain Vasselle. C’est vrai !

Mme Muguette Dini. Cela étant dit, madame la secrétaire d’État, vous avez annoncé la mise en place d’un document de politique transversale en la matière, qui offrira une vision globale des mesures consacrées à ce champ de l’action publique. J’espère qu’il pourra avoir un effet bénéfique. J’ai d’ailleurs bien noté que ce document déterminera des objectifs communs et partagés entre l’ensemble des ministères concernés et que des indicateurs y seront associés.

C’est une initiative que je tiens à saluer, parce qu’elle permettra aux parlementaires que nous sommes d’évaluer correctement l’effort financier global en faveur des femmes, d’une part, et de mesurer l’efficience de la politique publique d’égalité au travers de l’évolution de la situation des femmes dans les principaux domaines où des progrès doivent être accomplis, d’autre part.

Venons-en maintenant à votre décision de concentrer les crédits de ce programme sur les associations « têtes de réseau » et les grandes structures nationales. Cette décision était attendue !

Dans son rapport précité, la Cour des comptes met en exergue, comme le fit avant elle l’Inspection générale des affaires sociales, la dispersion des actions et le saupoudrage des crédits entre de multiples associations. Elle recommande, tout d’abord, la hiérarchisation des actions en fonction des évolutions sociales et la planification de leur mise en œuvre. Elle plaide, ensuite, en faveur de la définition et de l’organisation d’une politique de financement des associations intervenant dans ce domaine par le service des droits des femmes et de l’égalité.

Pour ma part, la remise en cause des subventions « historiques », accordées année après année aux mêmes acteurs, sans réelle évaluation de leur efficacité, et la généralisation de démarches d’objectifs et de moyens effectivement contrôlées me paraissent également essentielles.

Madame la secrétaire d’État, votre projet de budget semble être une réponse à toutes ces observations. Le nombre de subventions accordées pour de faibles montants est fortement réduit. Surtout, la rationalisation des crédits d’intervention, qui privilégie la relation avec les associations « têtes de réseau » et les grandes structures nationales, permet de mettre l’accent sur les priorités en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les violences faites aux femmes.

De plus, lors de vos différentes auditions, vous nous avez précisé que ces mesures s’accompagneraient d’un recours régulier à des conventions pluriannuelles d’objectifs qui, tout en donnant des garanties financières aux associations, sous réserve qu’elles réalisent les actions prévues, prévoient une évaluation de leur intervention.

Par conséquent, madame la secrétaire d'État, le groupe de l’Union centriste se réjouit de votre détermination sur toutes ces questions essentielles. Nous voterons donc les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en début de semaine dernière, un juge de proximité parisien a condamné l’association « Droit au logement », le DAL, à une peine d’amende de 12 000 euros, au motif que des objets non autorisés auraient été déposés sur la voie publique. Il s’agissait, pour être précis, de 319 tentes, de sacs de couchage et de couvertures destinés à protéger du froid des familles rassemblées pour obtenir un logement.

M. Alain Vasselle. Ce n’est pas le budget du logement !

Mme Isabelle Pasquet. Cette formidable mobilisation a contraint Mme Boutin, ministre du logement et de la ville, à signer un accord de relogement en faveur des familles concernées.

M. Alain Vasselle. Vous vous êtes trompée de mission budgétaire !

Mme Annie David. Mais non !

Mme Isabelle Pasquet. C’est pourquoi la décision de justice que j’évoquais, qui est venue sanctionner une action dont le Gouvernement lui-même reconnaît la légitimité, puisqu’elle a débouché sur un accord de relogement, s’apparente à une véritable sanction politique qui semble constituer, avec celle qui frappe une autre association, « Les enfants de Don Quichotte », une criminalisation du mouvement associatif.

Je demande donc au Gouvernement, comme l’a fait l’un de ses membres ici présents, M. Martin Hirsch, de « passer l’éponge », considérant avec lui qu’il n’était « pas normal » d’infliger une amende à l’association « Droit au logement » pour avoir installé des tentes rue de la Banque. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

Mme Annie David. Très bien !

Mme Isabelle Pasquet. Ce propos liminaire n’est pas sans lien avec l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui nous réunit aujourd’hui.

MM. Alain Gournac et Alain Vasselle. Ah bon ?

Mme Annie David. Exactement !

M. Alain Vasselle. Mme Boutin n’est pas là !

Mme Isabelle Pasquet. Je sais bien qu’il existe une mission « Ville et logement », mais personne ici ne doute que la lutte contre la pauvreté appelle une mobilisation bien plus large, qui dépasse le seul champ de ce budget.

Mme Annie David. Très bien !

Mme Isabelle Pasquet. Les associations qui viennent d’être condamnées le disent elles-mêmes, la lutte contre l’exclusion et la pauvreté passe par une politique ambitieuse en matière de santé, de travail, de logement ou encore d’éducation.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se résume en fait à trois grands axes : la généralisation du RSA, le handicap et la dépendance, l’égalité entre hommes et femmes, ce dernier programme subissant une sévère réduction de crédits, comme d’ailleurs la quasi-totalité des actions, à l’exception de la généralisation du RSA.

Ainsi, le programme 106, intitulé « Actions en faveur des familles vulnérables », connaît une diminution très importante de ses moyens, à hauteur de 32 % pour ce qui concerne l’action « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents ». Autant dire que nous sommes inquiets, particulièrement pour deux sous-actions relevant de cette dernière.

Il s’agit, d'une part, de l’aide à l’apprentissage de l’enfant lorsque les parents, en raison d’accidents de la vie ou d’une rupture conjugale, ont besoin d’un soutien, qu’ils pouvaient jusqu’alors trouver auprès des associations.

Il s’agit, d'autre part, de l’information sur l’IVG dans les établissements scolaires, rendue obligatoire par la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Quant à l’action « Protection des enfants et des familles », censée permettre de lutter contre la maltraitance des enfants, ses crédits connaissent une baisse légèrement supérieure à 12 %. Cette compétence est partagée avec le ministère de la justice et les départements. C’est à ces derniers, nous le savons, qu’il reviendra de compenser les désengagements successifs de l’État.

Mme Isabelle Pasquet. Comment ne pas faire le lien entre cette baisse des crédits et l’annonce récente, par Mme la ministre de la justice, de l’autorisation des sanctions à l’encontre des mineurs de plus de douze ans ?

Mme Annie David. Et voilà !

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

Mme Isabelle Pasquet. On sait pourtant que les violences en appellent d’autres !

En outre, vous diminuez les crédits alloués à quatre des cinq actions du programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes ».

Pourtant, vous en conviendrez, l’objectif visé au travers de ce programme, à savoir promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux postes à responsabilités tant dans le secteur privé que dans le public, est loin d’avoir été atteint.

Je regrette, par exemple, que les crédits destinés à subventionner les associations intervenant dans ce domaine diminuent. Je déplore également la réduction des crédits alloués à l’action « Égalité professionnelle », dont l’une des finalités est tout de même d’adapter l’offre de formation initiale et de sensibiliser aux situations d’inégalité au travail entre les hommes et les femmes.

Certes, les écarts tendent à se réduire,…

Mme Isabelle Pasquet. … mais la réalité est toujours la même : à travail égal, les femmes sont moins bien rémunérées que les hommes ! De véritables blocages existent même, rendant certains postes de direction inaccessibles aux femmes, soit parce que certains présupposés sexistes persistent, soit parce que l’organisation du travail et des dispositifs de garde d’enfants ne facilite pas la conjugaison de la vie professionnelle et de la vie personnelle.

C’est pourquoi, plutôt que de les restreindre, il aurait fallu au contraire renforcer les crédits de ce programme, en privilégiant la participation des associations.

Par ailleurs, je voudrais vous faire part de mon regret, partagé par mes collègues du groupe CRC-SPG, devant la disparition programmée, au nom des économies budgétaires, du service des droits des femmes et de l’égalité. De la part d’un Gouvernement qui ne compte même pas, en son sein, un secrétariat d’État aux droits des femmes, cette décision apparaît comme un très mauvais signal.

Si l’État lui-même ne montre pas l’exemple et diminue les crédits qu’il accorde à ce programme, on voit mal comment il pourrait se montrer réellement exigeant envers les entreprises publiques et privées en matière d’accession des femmes aux postes à responsabilités, ou encore envers les entreprises et les médias sur la construction d’une autre représentation des femmes, débarrassée des vieux concepts sur lesquels s’édifient les inégalités.

En outre, concernant le sort réservé au programme « Handicap et dépendance », il s’agit certes d’un des rares budgets en hausse. Toutefois, cette progression est à peine supérieure à l’inflation constatée durant l’année 2008. C’est tout à fait insuffisant, notamment pour répondre aux besoins des maisons départementales des personnes handicapées, d’autant que, lors de l’examen de la mission « Travail et emploi », vous avez ponctionné les crédits de l’AGEFIPH à hauteur de 50 millions d’euros.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. On ne va pas y revenir !

Mme Annie David. C’est la vérité !

Mme Isabelle Pasquet. Vous réduisez donc d’autant la participation financière directe de l’État à la rémunération des stagiaires en situation de handicap.

M. Guy Fischer. Et M. Paul Blanc laisse faire cela !

Mme Isabelle Pasquet. Pour conclure, j’évoquerai la principale action de cette mission : la généralisation du revenu de solidarité active. Sans elle, les crédits de la mission auraient été en très forte baisse.

En décidant de rendre incontournable le RSA, de le généraliser et d’en faire l’axe majeur de votre politique de lutte contre la pauvreté et l’exclusion, vous indiquez clairement qu’il n’y aura pas d’aide de l’État pour ceux qui ne le mériteront pas. Vous entendez en effet conditionner le versement de ces aides à la reprise d’une activité professionnelle par le bénéficiaire.

Au regard de la crise financière, de l’éclatement de la bulle spéculative et des dramatiques conséquences que cela entraîne sur l’emploi, on voit mal comment vous pouvez continuer à tenir un tel discours !

Comment conditionner l’aide de l’État à la reprise d’une activité professionnelle quand le chômage explose, quand on comptera bientôt plus de 2 millions de salariés privés d’emploi et quand le chômage partiel se répand ?

Devant cette situation, vous auriez pu inventer d’autres pistes pour garantir une réelle solidarité. Vous auriez pu supprimer le bouclier fiscal et instaurer un véritable bouclier social.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Encore !

Mme Annie David. Très bien !

Mme Isabelle Pasquet. En effet, s’il existe, depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, une forme nouvelle de solidarité, elle s’adresse à ceux qui en ont le moins besoin : les plus riches, les banques ou encore les entreprises.

M. Guy Fischer. On n’a jamais vu ça !

M. Éric Doligé. Vous n’avez jamais rien vu !

Mme Isabelle Pasquet. Les pauvres et les personnes en situation précaire, quant à eux, ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes et sur un éventuel contrat de travail à temps partiel, parfois de quelques heures, permettant de bénéficier du dispositif que vous instaurez.

Je ne recommencerai pas le débat sur le RSA et sur les raisons de notre opposition à ce mécanisme de subvention à l’emploi précaire, mais, alors que vous réduisez tous les budgets alloués à la solidarité, je ne peux que dénoncer, une nouvelle fois, son mode de financement.

Plutôt que sur les revenus issus de la spéculation, celui-ci reposera sur une taxation assise sur l’épargne, qui sera proportionnelle alors que la justice sociale aurait voulu qu’elle soit progressive afin de solliciter davantage les plus riches, qui peuvent d’ailleurs s’abriter derrière le bouclier fiscal.

Ainsi, l’effort de l’État se réduit en réalité à un seul dispositif : le RSA ! Et encore, vous faites des économies sur les droits connexes, par exemple avec la suppression de l’exonération de taxe d’habitation ou de redevance télévisuelle…

Quant au partage des compétences, il est très favorable à l’État. En effet, ce sont bien les départements qui devront assumer la majeure partie des dépenses de solidarité, l’État se bornant à prendre en charge les rares cas de RSA complémentaire.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG, considérant que la situation économique actuelle aurait dû susciter une tout autre expression de la solidarité nationale et, par voie de conséquence, un tout autre projet de budget, voteront contre les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Quelle surprise !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Les pauvres vont se révolter ! Voici le grand capital ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. J’espérais des applaudissements de la part de M. Fischer. Quelle déception… (Nouveaux sourires.)

Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, peut-être vous étonnerez-vous qu’un membre du groupe de l’UMP intervienne dans cette discussion, tant les excellentes contributions des rapporteurs auraient pu suffire à exprimer le point de vue de la majorité du Sénat.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Merci !

M. Alain Vasselle. Cependant, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur certains points de la part des membres du Gouvernement ici présents.

Monsieur le haut-commissaire, je commencerai par vous, qui « pesez », avec la généralisation du RSA, quelque 10 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien ! (Sourires.)

Pour financer cette dépense, vous avez prévu un certain nombre de recettes : 6,7 milliards d’euros devraient provenir de l’affectation d’une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et 3,2 milliards d’euros seraient apportés par l’État, via le Fonds national des solidarités actives, dont 1,5 milliard d’euros au titre de la nouvelle contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine, dont vous savez tout le bien que je pense… Le solde devrait être couvert par une dotation financée par redéploiement de la prime pour l’emploi, la PPE, et des dispositifs temporaires d’intéressement.

La question que j’ai posée en commission des affaires sociales est la suivante : le RSA semblant promis au succès, les recettes connaîtront-elles la même dynamique que les dépenses ?

M. Guy Fischer. La réponse est non !

M. Alain Vasselle. Je crois que, dans la conjoncture présente, nous pouvons nous interroger sur ce point, eu égard à la crise financière et, surtout, à l’évolution future du produit de la TIPP. En effet, M. Borloo met tout en œuvre pour faire diminuer la consommation d’énergie, donc celle de fioul et de pétrole, ce qui entraînera immanquablement une réduction du produit de la TIPP.

Par conséquent, les recettes seront-elles suffisantes ? Bien entendu, une solution de facilité serait de décider l’an prochain de relever de 1,1 % à 1,5 % ou à 2 % le taux de la contribution assise sur les revenus du patrimoine. J’aimerais, monsieur le haut-commissaire, que vous puissiez nous rassurer sur ce point et nous confirmer que vous n’envisagez nullement de procéder de la sorte.

Ma deuxième question, qui concerne les personnes handicapées, s’adresse à Mme Valérie Létard.

J’ai pris bonne note de l’effort sans précédent que consentira le Gouvernement en actualisant l’allocation aux adultes handicapés de 25 % sur cinq ans, à raison de 5 % par an. Cette décision va dans le bon sens, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cela étant rappelé, comment le reste à vivre est-il calculé ? Son montant doit représenter quelque 20 % de l’allocation, mais est-il calculé mensuellement ou annuellement ? Qui effectue ce calcul et décide éventuellement de l’atténuation du paiement du forfait journalier dans le cas où le prix de journée est financé par le conseil général ?

Je n’ai pu obtenir de réponse sur ce point en commission et je vous saurais gré, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer.

En outre, dans le calcul de ce reste à vivre, intégrez-vous l’aide personnalisée au logement, l’APL, dans les ressources ? Pour décider de l’octroi de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, on prend en compte à la fois les ressources propres du demandeur et l’APL, ce qui aboutit à priver toutes les personnes handicapées et tous les bénéficiaires des minima sociaux de cette prestation. Je voudrais donc savoir s’il en va de même pour le reste à vivre. Prend-on en compte dans le calcul la seule AAH ou y ajoute-t-on l’APL ? Je souhaiterais que vous précisiez les choses à cet égard.

Par ailleurs, s’agissant toujours des handicapés, je relève qu’il est aujourd’hui permis à une personne handicapée physique de cumuler un revenu d’activité et l’AAH, de façon temporaire et dégressive, dans la limite de 104 % du SMIC. Mais qu’en est-il d’une personne handicapée mentale hébergée dans un foyer de vie ou un foyer occupationnel et ne bénéficiant pour toutes ressources que de l’AAH et de la prestation de compensation, parce qu’elle est dans l’incapacité de travailler ? Dispose-t-elle du même pouvoir d’achat que la personne handicapée physique que j’évoquais ? Existe-t-il des études montrant qu’il y a équité de traitement entre ces deux catégories de handicapés ?

Je voudrais également vous interroger, madame Létard, sur les maisons départementales des personnes handicapées.

Il est prévu un abondement complémentaire de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, qui portera son concours annuel aux MDPH à 180 millions d’euros. Madame la secrétaire d’État, vous avez, à plusieurs reprises, dénoncé le fait que nous ne consacrions pas suffisamment de moyens à la formation des éducateurs des établissements accueillant des personnes handicapées. Or si une forme de maltraitance passive sévit aujourd’hui dans bon nombre de structures, cela est souvent dû à l’insuffisance de la formation des intervenants auprès des personnes handicapées.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas renforcer les moyens humains et la formation du personnel, plutôt que de consacrer la totalité des crédits non consommés à des opérations d’investissement ou de réhabilitation des établissements d’accueil pour personnes âgées ou pour handicapés ?

La dernière question que je vous adresserai portera sur le financement des foyers de vie et des foyers occupationnels, qui est estimé à 8 milliards d’euros, dont 7,7 milliards d’euros à la charge de l’ONDAM, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie, et 0,3 milliard d’euros à la charge de la CNSA.

À quoi correspondent ces différentes dépenses ? Quelle est leur nature ? S’agit-il de dépenses de soins ? Si l’on peut comprendre que l’assurance maladie finance des foyers médicalisés, comment justifier le financement par l’ONDAM des foyers de vie, des foyers d’hébergement ou des foyers occupationnels ? Quelles sont les parts affectées respectivement, dans ces 8 milliards d’euros, à la perte d’autonomie et au financement des établissements pour handicapés, notamment dans le cadre des programmes interdépartementaux d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie, les PRIAC ? J’aimerais obtenir des réponses aussi précises que possible sur ce point.

Enfin, je voudrais poser une question à Mme Morano.

Madame la secrétaire d’État, je vous avais interpellée, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, sur la politique du Gouvernement en faveur des adolescents.

Les contrats « petite enfance » que signent les collectivités territoriales, notamment les intercommunalités, avec les caisses d’allocations familiales sont en voie de disparition. De nouveaux contrats vont s’y substituer, couvrant un champ bien plus large que celui de la petite enfance puisqu’ils concerneront les adolescents.

À mon sens, les adolescents constituent, au sein de notre société, la population de jeunes la plus fragile, celle qui doit bénéficier de l’encadrement le plus attentif, de la part tant de la famille, bien entendu, que de l’éducation nationale ou des intervenants sociaux.

Or, hier, au cours d’une réunion de l’exécutif de la communauté de communes que j’ai l’honneur de présider, a été évoquée la signature prochaine avec la CAF de ce nouveau contrat. Il nous a été indiqué que le soutien financier de la CAF serait très nettement inférieur à celui dont bénéficiait le contrat « petite enfance ».

Cela va à l’inverse de ce qu’il faudrait faire ! En effet, il convient d’investir massivement en faveur des jeunes adolescents, afin d’éviter que ceux-ci, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui, ne tombent dans la petite délinquance, ce dont pâtissent nos collectivités.

Tels sont les quelques points, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, sur lesquels je souhaitais obtenir des éclaircissements de votre part. Bien entendu, n’ayez aucune inquiétude quant au soutien du groupe de l’UMP : il vous est acquis d’avance ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Toutefois, ce n’est pas une raison pour ne pas répondre à nos questions ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la pauvreté est un véritable fléau : un nombre de plus en plus important de familles, outre-mer et en métropole, se trouvent en situation de vulnérabilité et de précarité, et plus de 7 millions de personnes dans notre pays vivent sous le seuil de pauvreté.

La crise économique mondiale que nous traversons touche de plein fouet les plus démunis et risque de paupériser ceux qui, jusqu’à présent, ne rencontraient pas de difficultés majeures. La situation est donc difficile, avec le ralentissement sévère de la croissance, le chômage, la vie chère… Le Président de la République se veut rassurant, mais nous savons que nos concitoyens sont inquiets.

Vous avez donc, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, la lourde tâche de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans, conformément à l’annonce du Président de la République, en encourageant la réinsertion par le travail et en combattant les inégalités.

Pour donner sens et contenu à votre mission, vous n’avez pas hésité à promouvoir d’importantes mesures, notamment la généralisation du revenu de solidarité active et le pacte national pour l’emploi des personnes handicapées, dont les crédits relèvent de la présente mission.

Dans ce contexte, j’ai tenu à participer à cette discussion pour vous signifier que nombre de nos compatriotes ultramarins attendent beaucoup de l’expression de ces valeurs fortes que sont la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances.

En effet, vous le savez, l’outre-mer n’a malheureusement pas attendu la crise, tant s’en faut, pour connaître un chômage quasiment endémique et son corollaire, la pauvreté. Mais avec le tremblement de terre financier que nous vivons et le tsunami économique qui s’annonce, la situation risque de s’aggraver sérieusement.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’inscrit dans un cadre budgétaire pluriannuel. L’anticipation que cela suppose devrait nous permettre d’adopter une approche plus constructive de la politique à conduire en la matière, compte tenu des périls qui nous guettent.

Ce projet de budget, comme beaucoup d’autres, a vu son périmètre évoluer. Ainsi, sur les sept programmes qui relevaient de la mission en 2008, deux ont été transférés, vers la mission « Ville et logement » pour le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », et vers la mission « Santé » pour le programme « Protection maladie ».

Même si ces ajustements de périmètre peuvent se justifier, il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à restreindre notre vision de la globalité de l’action de l’État en matière de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances.

Quoi qu’il en soit, à première vue, les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » progresseront en 2009 de plus de 6,2 %, pour s’établir à 11,17 milliards d’euros, une prévision de croissance annuelle d’environ 4,89 % jusqu’en 2011 ayant été retenue. Cela est appréciable, mais, avec les temps qui s’annoncent, je crains qu’il ne faille très vite se donner des moyens beaucoup plus massifs – soit dit pour paraphraser quelqu’un ! – afin de répondre aux besoins réels de nos compatriotes, en métropole comme outre-mer.

Je voudrais à présent évoquer plus particulièrement le RSA (M. Alain Vasselle s’exclame), qui concerne, de manière directe et indirecte, deux des cinq programmes de la mission, à savoir « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » et « Actions en faveur des familles vulnérables ».

Le RSA regroupe deux des principaux minima sociaux : le RMI et l’allocation de parent isolé. Il est donc tout à fait judicieux que les crédits du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » soient graduellement affectés au programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales ».

Cependant, monsieur le haut-commissaire, une interrogation subsiste quant à la mise en œuvre progressive du RSA.

Vous le savez, la situation sociale est autrement plus sensible outre-mer qu’en métropole. En effet, même si le taux de chômage connaît une baisse significative depuis quelques années, il demeure deux à trois fois plus élevé qu’en métropole, s’établissant par exemple à 22,7 % en Guadeloupe, contre 8,3 % dans l’hexagone, ce qui est déjà trop. Et ce n’est pas la pire des situations outre-mer !

De même, on relève une proportion particulièrement élevée de RMIstes outre-mer, puisqu’ils y représentent 17,8 % de la population, contre 3,1 % en métropole au 31 décembre 2007.

Malheureusement, l’application du RSA n’est pas imminente outre-mer, comme c’est le cas en France hexagonale, et nous le regrettons vivement.

Je vous demande donc, monsieur le haut-commissaire, de rassurer nos compatriotes ultramarins à propos de cette réforme : quand et comment comptez-vous mettre en place le RSA outre-mer ? Devrons-nous attendre la date butoir de 2011 ? Devrons-nous acquitter les taxes prévues avant que nos territoires, déjà si affectés par la pauvreté, puissent bénéficier du dispositif ?

Par ailleurs, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, pour en revenir à l’objectif assigné, envisagez-vous de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans outre-mer aussi ? Nos compatriotes ultramarins sont particulièrement attentifs à votre engagement pour respecter cette obligation de résultat.

S’agissant du programme « Handicap et dépendance », une progression de 7 % des crédits de paiement est à enregistrer pour 2009. Nous saluons cette amélioration, tout à fait louable.

Madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, l’engagement pris par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap de juin dernier est, en principe, de nature à nous rassurer : revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés entre 2008 et 2012, création de 1 400 places dans les établissements et services d’aide par le travail, mise en place du plan pluriannuel sur cinq ans visant à créer 50 000 places dans des établissements et services spécialisés dans l’accueil des personnes handicapées.

Je voudrais savoir comment ces mesures seront mises en œuvre outre-mer, où presque tout reste à faire dans ce domaine. Combien de places, sur celles dont la création a été annoncée, seront réservées à nos territoires ultramarins ?

S’agissant du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », j’ai noté la perspective d’une réorganisation des administrations de santé et de solidarité. Pouvez-vous nous éclairer sur les formes que prendra cette réforme outre-mer ?

Enfin, on peut bien sûr regretter que les crédits du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » ne connaissent pas le même hausse que ceux des programmes précédents. Pouvez-vous nous préciser les objectifs du Gouvernement dans ce domaine, en métropole et outre-mer ?

En conclusion, ce projet de budget va être voté à un moment crucial de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Je suis persuadé que ces crédits sont en deçà de ce que vous auriez souhaité, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire. Cependant, connaissant votre engagement dans ce domaine, j’ai tout de même envie de les voter, afin de vous encourager dans votre mission. J’attends néanmoins avec impatience les réponses et les assurances que vous pourrez me donner sur les points que j’ai soulevés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Elles vous satisferont !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont les crédits s’élèvent à 29 millions d’euros seulement. Autant le dire d’emblée : ils ne sont pas à la hauteur des attentes. L’État ne se donne pas vraiment les moyens d’instaurer rapidement une réelle égalité entre les deux sexes.

Tout d’abord, concernant la prévention des violences faites aux femmes, dont les crédits figurent à l’action « Égalité en droit et en dignité » de ce programme, je rappelle que, en France, 10 % des femmes sont victimes de violences au sein du couple et qu’une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Le plan global 2008-2010 que vous avez présenté en novembre 2007, madame la secrétaire d’État, comportait des mesures intéressantes pour lutter efficacement contre ce fléau, mais sa mise en œuvre tarde sur différents points.

L’image de la femme dans les médias, par exemple, devait être davantage respectée. Or force est de constater que tel n’est toujours pas le cas. Je pense notamment au « porno chic » dans la presse « féminine » et aux mannequins présentés en couverture, qui incitent les adolescentes à l’anorexie.

Par ailleurs, le dispositif de prévention de la récidive chez les hommes violents devait être renforcé. Qu’en est-il exactement à cet égard ?

Le gouvernement espagnol a décidé de mener une politique volontariste de lutte contre la récidive en finançant l’utilisation d’un bracelet électronique doté d’un système de navigation GPS pour contrôler les déplacements des hommes faisant l’objet de mesures d’éloignement de leur compagne ou ex-compagne à la suite de mauvais traitements. La France ne pourrait-elle se donner les moyens de mettre en place un tel dispositif ?

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2008, le mouvement « Ni putes, ni soumises » a interpellé le Président de la République, afin que la lutte contre les violences faites aux femmes soit décrétée grande cause nationale de l’année 2009. Nous soutenons cet appel.

Je souhaite maintenant souligner l’importance de l’effort qu’il convient de consentir au bénéfice des associations qui œuvrent à la promotion de la contraception et au suivi des dispositions relatives à l’IVG.

Deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes qui déclarent utiliser un moyen contraceptif. Par ailleurs, les pilules dites « de troisième génération » ne sont pas remboursées, alors qu’elles sont largement utilisées. Il est important qu’une réflexion d’ensemble soit menée sur un meilleur remboursement de la contraception, pour élargir au maximum et mieux adapter son utilisation, afin d’éviter les « accidents ».

De plus, une meilleure information doit être diffusée dans les collèges et les lycées. Nous comptons sur vous pour y veiller, madame la secrétaire d’État.

La situation en matière d’accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décisions est amenée à évoluer favorablement grâce à l’adoption, lors de la dernière révision constitutionnelle, d’un amendement favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Toutefois, dans l’immédiat, nous ne pouvons que regretter que, dans le cadre des actions favorisant la connaissance et la valorisation de la place et du rôle des femmes dans la société, il ne soit pas fait référence à leur représentation dans les manuels scolaires. En effet, d’après une étude de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, réalisée de juin 2007 à mars 2008, l’image des hommes et celle des femmes continuent de faire l’objet d’un traitement différencié, l’image des femmes étant moins valorisante.

De manière générale, l’étude relève la présence de stéréotypes dans les manuels scolaires, et ce quelles que soient les disciplines enseignées, y compris l’éducation civique. Madame la secrétaire d’État, en véhiculant parmi les enfants, dès le plus jeune âge, des représentations stéréotypées de la société, ces manuels peuvent être à l’origine des discriminations dont sont victimes les femmes ; il est important de s’en préoccuper.

Concernant l’égalité professionnelle, dont le développement correspond à l’objectif 1, nous pensons que l’instauration de la parité au sein des filières de formation initiale scientifiques et techniques est essentielle pour parvenir un jour à une réelle égalité professionnelle.

Je note que si les indicateurs de performance prévoient une augmentation du nombre de filles dans ces filières à l’horizon de 2010, cette augmentation est très insuffisante. En terminale STI, la proportion de filles atteignait 9 % en 2007 ; il est prévu que ce taux s’élève à 9,2 % en 2008 et à 9,6 % en 2010 : à ce rythme, il faudra deux siècles pour arriver à 50 % de filles en terminale STI ! Mais comment pourrait-il en être autrement avec si peu de moyens ?

Par ailleurs, l’égalité salariale entre hommes et femmes est une composante essentielle de l’égalité professionnelle. On nous rappelle les termes de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et on nous propose « des incitations financières pour les actions qui contribuent à l’atteinte de cet objectif ».

De telles mesures s’inscrivent dans le droit fil de cette loi, qui présentait des objectifs louables, mais dont les dispositions demeuraient simplement incitatives.

J’avais dénoncé, à l’époque, son caractère non persuasif et l’absence voulue de sanctions dans le cas où les négociations n’aboutiraient pas à la réduction des écarts de rémunération. Du côté du Gouvernement, on préfère rester prudent, ce que nous regrettons.

Pour ce qui est de l’action « Articulation des temps de vie », elle est, avec moins de 200 000 euros de dépenses d’intervention, le parent pauvre de ce programme. Pourtant, l’enjeu est important, car les schémas traditionnels évoluent peu. Les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques, les hommes consacrant trois fois moins de temps que les femmes aux enfants.

Il s’agit de donner des droits et des devoirs égaux aux femmes et aux hommes dans la vie privée, avec notamment un partage équilibré de la prise en charge des enfants. Hier, Ségolène Royal (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP) avait ouvert la voie avec le congé de paternité. Nous pensons aujourd’hui que celui-ci peut évoluer vers un véritable congé parental alterné, comme en Suède. Bien entendu, cela ne doit pas se faire au détriment de l’ouverture de nouvelles crèches, pour laquelle un soutien financier du Gouvernement est souhaitable.

En conclusion, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, pour mener une politique volontariste en direction des femmes, il faut s’en donner les moyens.

Ces moyens sont financiers, d’une part. Or ils sont en l’occurrence insuffisants, comme nous venons de le voir en examinant les crédits de la mission.

Ces moyens sont politiques, d’autre part. En particulier, nous ne cessons de le répéter, la création d’un secrétariat d’État dédié aux droits des femmes est nécessaire. Il convient aussi de mettre en place une politique efficace à l’échelon régional. À ce propos, nous nous méfions du rattachement opéré, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, des déléguées régionales aux droits des femmes aux secrétariats généraux pour les affaires régionales. Faire des économies ne signifie pas forcément gagner en efficacité, bien au contraire.

Nous ne pourrons donc voter ce projet de budget, qui manque singulièrement d’ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Chevé.

Mme Jacqueline Chevé. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, avant d’exposer les deux volets de mon intervention sur la politique du handicap, je tenais à évoquer les interrogations, pour ne pas dire les inquiétudes, que suscite la nouvelle organisation de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

La nouvelle architecture des politiques publiques tournées vers la pauvreté laisse en effet à penser que l’emploi est le remède unique et ultime à toutes les pathologies sociales. Or celui-ci doit être un objectif accessible, mais non un impératif catégorique.

De même, le renversement de la logique de financement, lequel se fonde désormais sur les modes de ressources, et non sur les besoins des publics accompagnés, pose de sérieux problèmes en termes de gouvernance et de prise en compte de la pluralité des demandes.

Je m’inquiète, en outre, de la baisse des crédits touchant deux actions relatives aux familles vulnérables. En effet, les crédits du dispositif de conseil conjugal et familial vont baisser de 40 %, et ceux du soutien à la parentalité de près de 48 %. Cette réduction des moyens met en péril les partenariats et les dispositifs préventifs déployés par les réseaux d’appui et d’accompagnement des parents, dispositifs qui ont pourtant montré toute leur pertinence et leur efficacité au fil des années.

Il faut avoir le courage de reconnaître que la question sociale est complexe et que son traitement peut prendre du temps. En la matière, les mécanismes curatifs doivent nécessairement aller de pair avec des mesures préventives. En ne prenant pas en considération la singularité et la cohérence des différentes approches de la question sociale, les politiques menées en direction des plus démunis peuvent s’avérer inefficaces et même devenir contre-productives. En matière de politique sociale, l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » garde toute sa pertinence.

J’évoquerai maintenant le programme « Handicap et dépendance », qui représente plus des trois quarts des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Doté de 8,6 milliards d’euros, son financement est en hausse, conformément aux orientations issues de la conférence nationale du handicap du 10 juin dernier.

Ce programme comporte deux enjeux qui me semblent particulièrement cruciaux : le financement des maisons départementales des personnes handicapées et l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Créées par la loi du 11 février 2005, les MDPH sont chargées d’offrir un accès unifié aux droits et aux prestations des personnes handicapées, sur la base d’une évaluation personnalisée des besoins et des capacités des intéressés. Elles jouent donc un rôle pivot pour les politiques du handicap.

Cependant, quatre ans après leur création, leur financement pose un certain nombre de problèmes qui ne sont toujours pas réglés.

Dans mon département, les Côtes-d’Armor, la MDPH suit près de 15 000 adultes en situation de handicap. Entre 2006 et 2007, elle a enregistré une hausse de 7 % du nombre des dossiers en cours d’instruction, et cette évolution ne risque pas de ralentir puisque la structure, encore relativement jeune, gagne en notoriété d’année en année.

Dans le projet de loi de finances, les crédits ouverts pour ces structures s’établissent à 14,1 millions d’euros pour 2009. Leur montant reste inchangé par rapport à 2008, alors que cette dotation se révèle très insuffisante chaque année depuis 2005.

Toutefois, le principal problème réside dans la prise en charge des besoins de compensation des personnes en situation de handicap.

C’est le fonds départemental de compensation, également créé par la loi du 11 février 2005, qui est censé l’assurer. Or les fonds départementaux de compensation ne peuvent tenir leurs engagements, puisque leur financement repose sur le principe d’une participation facultative pour un champ d’intervention obligatoire. Il apparaît que seuls l’État et les conseils généraux les abondent régulièrement, les autres acteurs apportant leur contribution au cas par cas, selon des conditions qui leur sont propres. Les MDPH doivent ainsi solliciter les financeurs les uns après les autres.

Aussi, étant donné les lourdeurs administratives du traitement des dossiers et la complexité du dispositif de prise en charge de la compensation, les MDPH ne peuvent, en raison d’un évident manque de moyens humains, élaborer comme il se doit les plans personnalisés de compensation. Comme les contributeurs appliquent des critères de prise en charge spécifiques, le dispositif va à l’encontre de toute logique de mutualisation, d’universalité et d’égalité de traitement.

Je voudrais terminer mon propos en évoquant l’action 2 « Incitation à l’activité professionnelle ». Il s’agit d’une urgence politique et sociale alors que le taux de chômage des personnes handicapées est quatre fois supérieur à celui de la population active valide.

Cette action, dotée de 2,5 milliards d’euros, représente près de 29 % des crédits du programme. Elle s’appuie également sur les financements du programme « Accès à l’emploi » de la mission « Travail et emploi », de l’AGEFIPH et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.

Cette action s’articule autour de deux axes : le financement des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, pour un montant supérieur à 1,3 milliard d’euros, ce qui devrait permettre de financer 114 000 places d’accueil ; le financement de l’aide au poste dans le cadre de la garantie de ressources pour travailleurs handicapés, la GRTH, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

Cette garantie vise à faire en sorte que l’essentiel des ressources disponibles des travailleurs soit lié à leur activité, et non à leur taux d’incapacité. De ce fait, en conditionnant l’attribution des ressources à l’employabilité, le Gouvernement compromet l’avenir des personnes handicapées, qui souffrent souvent de leur faible niveau de qualification et des réticences des employeurs. La logique retenue me semble pour le moins contre-productive.

Le secteur protégé représente sans doute, et c’est encore plus vrai en temps de crise, le milieu optimal pour l’accès à l’emploi des personnes handicapées. En effet, le constat est alarmant : en dépit des efforts accomplis depuis vingt ans par des structures telles que l’AGEFIPH, près de 200 000 personnes handicapées restent aujourd’hui sans travail ni perspectives de formation.

Au-delà de leur vocation médicosociale, les ESAT jouent un rôle majeur dans l’insertion : ils rendent les personnes handicapées plus autonomes et responsables, et donc plus aptes à exercer une activité, par des actions de soutien personnalisées et individualisées.

Malheureusement, l’augmentation prévue de 1,5 % des crédits, inférieure à l’inflation, ne suffira pas pour financer les 1 400 places nouvelles qui seront créées en ESAT d’ici à la fin de l’année prochaine et pour atteindre les objectifs qualitatifs de professionnalisation des personnels et d’amélioration de la qualité de l’accueil.

Les ESAT seront d’autant plus fragilisés que, en 2009, il manquera plus de 130 millions d’euros pour le financement de l’aide au poste, dont l’objet est pourtant de permettre aux travailleurs handicapés de bénéficier d’une garantie de ressources. Au nom des familles qui attendent une place pour l’un des leurs, nous ne pouvons l’accepter.

Je veux, enfin, redire l’importance du développement de l’emploi en milieu ordinaire ; c’était déjà l’un des objectifs visés au travers de la loi du 11 février 2005.

Il faut poursuivre la mobilisation des partenaires sociaux autour de cet enjeu dans le cadre de la négociation collective et continuer à imposer des aménagements raisonnables des postes et du milieu de travail. L’augmentation des cotisations prélevées sur les entreprises ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés et sur les employeurs publics va donc dans le bon sens. Je regrette néanmoins que la nouvelle participation du FIPHFP au financement de ce réseau se traduise dans le même temps par la diminution de la contribution de l’AGEFIPH.

Je veux le réaffirmer ici, l’emploi des personnes handicapées a tendance à se détériorer. Je demande donc au Gouvernement d’accroître, en étroite collaboration avec la HALDE, les sanctions contre toutes les entreprises qui ne respectent pas les critères fixés par la loi. Vous le savez, la concurrence entre demandeurs d’emploi sera rude dans l’avenir, particulièrement pour les publics en difficulté.

En conclusion, je voudrais m’associer aux propos tenus par Gisèle Printz concernant l’égalité entre les hommes et les femmes. Il me paraît particulièrement important que l’État s’engage dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, et ce de manière transversale, dans toutes ses politiques. Il est plus que temps de passer, comme c’est le cas pour la région Bretagne, d’une égalité de droits à une égalité de fait. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, alors que nous pouvions espérer, pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », des crédits à la hauteur de la situation économique et sociale actuelle et des risques de détérioration de la situation des personnes et des familles vulnérables, ces crédits se résument en fait à un budget pour la généralisation du RSA.

Je ne partage pas l’idée que les politiques sociales puissent se réduire au seul retour à l’emploi. En réalité, le RSA masque l’ampleur du désengagement de l’État au titre des autres programmes qui relèvent de la présente mission.

Ainsi, l’action « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents », relevant du programme 106, voit ses crédits diminuer de 32 %.

Est-il nécessaire de rappeler l’importance des « points info famille » et des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents que finance cette ligne budgétaire ? Ils sont autant de lieux de soutien, d’aide, d’échange et d’information pour les familles.

Ces structures légères sont relativement bien réparties sur le territoire. Elles jouent un rôle essentiel, que ce soit dans les zones urbaines sensibles ou dans les zones rurales, car elles sont facilement accessibles. En agissant comme il le fait, le Gouvernement met en jeu leur pérennité. La rationalisation des dépenses opérée aurait au moins dû être précédée d’une évaluation précise des besoins.

Dans le même ordre d’idées, la protection des enfants et des familles est dotée, pour 2009, de 220,8 millions d’euros, soit une diminution de 12 % des crédits par rapport à 2008.

Le Gouvernement mise sur une baisse du coût des tutelles et curatelles avec l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007. L’économie est même estimée à 90 millions d’euros en 2011, puisque l’on table sur un ralentissement du nombre des mesures et sur les nouvelles responsabilités des départements en la matière, dont la charge financière se trouvera accrue.

Le soutien apporté par l’État à la protection de l’enfance est donc marginal. L’effort pour 2009 est de 6 millions d’euros. Pour mémoire, la loi sur la protection de l’enfance du 5 mars 2007 estimait à 150 millions d’euros le coût global des seules mesures nouvelles qu’elle instaurait. Or je déplore une fois de plus qu’aucun financement ne soit prévu à ce jour pour alimenter le fonds national de financement de la protection de l’enfance.

Certes, la prévention et la lutte contre la maltraitance des enfants, que la loi du 5 mars 2007 a réformées et renforcées, relèvent de la responsabilité partagée des départements, qui assument l’essentiel de la dépense, et de l’État. Mais le fonds national de financement de la protection de l’enfance doit compenser le coût de l’ensemble des mesures nouvelles mises à la charge des départements qui découlent de la réforme. Ses ressources sont constituées par un versement de la CNAF et une dotation annuelle de l’État.

C’est la mise en œuvre des dispositions de la loi qui est ainsi compromise. Il ne suffit pas que nous ayons légiféré, encore faut-il aller jusqu’au terme du parcours législatif en publiant les décrets et en prévoyant les financements. Sinon, nous tombons dans des situations qui ne sont plus compréhensibles ni acceptables pour nos concitoyens.

Ainsi, si je déplore l’absence d’engagement financier, je regrette plus encore l’absence de publication du décret portant création du fonds. Un projet a été soumis au comité des finances locales, qui a rendu un avis le 8 février 2008 : cela fait maintenant plus de dix mois !

Madame la secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous annoncer une bonne nouvelle, en nous précisant à quelle hauteur et quand l’État a l’intention de s’engager.

En 2007, la somme de 30 millions d’euros devait être affectée au fonds par la CNAF. Depuis, ces crédits ont été redéployés.

Contrairement à ce qu’avait affirmé Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité en 2008 dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, l’État n’est toujours pas, hélas ! au rendez-vous.

Nous n’avons que trop perdu de temps, et je vous remercie donc par avance, madame la secrétaire d'État, des réponses et des assurances que vous pourrez nous apporter cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de budget pour 2009 intervient, en ce qui concerne les personnes handicapées, dans un contexte particulier : il doit en effet donner un contenu aux mesures annoncées par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin dernier.

Plusieurs orateurs, en particulier MM. Auguste Cazalet et Paul Blanc, ont salué le respect de l’engagement relatif à la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés, laquelle représente 1,4 milliard d’euros sur cinq ans. C’est là un effort sans précédent de la solidarité nationale.

M. de Montgolfier a eu raison de relever que cette revalorisation entraîne des besoins supplémentaires. C'est pourquoi les crédits de l’AAH seront augmentés de 236 millions d’euros en loi de finances rectificative.

Cependant, revaloriser l’AAH n’est pas suffisant. Mme Demontès a souligné à juste titre qu’il n’était pas normal qu’une personne handicapée accédant à un emploi subisse une perte financière. C’est la raison pour laquelle nous améliorons le mécanisme de cumul entre allocation et salaire, afin de le rendre plus simple, plus équitable et plus incitatif.

Désormais, une personne handicapée touchant un salaire de 400 euros percevra une AAH de 573 euros, soit 118 euros de plus qu’aujourd'hui ; au SMIC à temps plein, elle conservera une AAH de 213 euros, alors qu’elle perd actuellement tous ses droits.

Nous allons également mettre en place les conditions d’un véritable accompagnement vers l’emploi des allocataires : dès 2009, ils bénéficieront systématiquement d’un bilan professionnel, et les personnes en capacité d’accéder à l’emploi seront automatiquement reconnues travailleurs handicapés.

Sur ce dernier point, je veux dissiper un malentendu, madame Chevé.

Il ne s’agit pas, à travers cette mesure, d’exclure les demandeurs qui seraient reconnus travailleurs handicapés du bénéfice de l’AAH sous prétexte qu’ils seraient employables. L’existence d’un handicap et un niveau de ressources faible resteront les seuls critères d’accès à l’AAH. Il s’agit seulement de nous donner les moyens de mieux orienter les personnes, en fonction de leur projet de vie.

Cette mesure n’est d’ailleurs qu’une première étape. Nous avons lancé une mission d’experts pour concevoir un nouvel outil d’évaluation de la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi. Cette mission aboutira à une réforme des compléments d’AAH, qui viendront désormais alimenter en priorité les revenus des personnes dans l’incapacité complète de travailler.

J’ai bien entendu, monsieur Vasselle, vos questions sur les financements apportés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

S’agissant de la formation, la section IV du budget de la CNSA permet d’aider les établissements à envoyer en formation leurs personnels. C’est un élément essentiel alors que l’on veut renforcer les qualifications de nos professionnels et améliorer l’accueil des personnes hébergées.

S’agissant du financement des établissements, l’ONDAM, renforcé par une partie des recettes de la journée de solidarité, ne finance que les soins. Foyers de vie et foyers d’hébergement restent bien à la charge des conseils généraux.

Monsieur Marsin, vous avez bien voulu saluer le plan de création de places d’hébergement pour personnes handicapées annoncé par le Président de la République le 10 juin dernier.

Je suis tout à fait attentive à sa mise en œuvre dans les départements d’outre-mer. Je me rendrai ainsi la semaine prochaine aux Antilles pour présenter un plan de rattrapage de l’offre médicosociale dans ces départements : l’annonce faite voilà quelques mois par mon collègue Xavier Bertrand se concrétisera donc dès la semaine prochaine.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur pour avis, madame Chevé, vous avez souligné la place centrale des maisons départementales des personnes handicapées dans la réforme de 2005. Je vous rejoins tout à fait : il faut à tout prix éviter que les difficultés actuelles des MDPH ne viennent jeter le doute sur leur utilité.

L’État s’est engagé à compenser financièrement les postes devenus vacants à la suite de départs à la retraite ou de mutations. Cet engagement sera tenu.

Les sommes correspondantes, soit 7,6 millions d’euros, ont été notifiées cette semaine aux MDPH. Au total, madame Chevé, ce sont plus de 380 millions d’euros qui ont été consacrés au financement des MDPH depuis leur création par l’État et la CNSA.

À plus long terme, il nous faut certainement faire évoluer le statut des MDPH et de leurs personnels pour leur permettre de remplir pleinement leurs missions. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur pour avis, d’insister sur ce point.

La solution retenue devra respecter quatre principes : confirmer le département dans son rôle de responsable de la MDPH et lui donner toute la souplesse de gestion nécessaire ; permettre à l’État de remplir son rôle de garant de l’équité territoriale et mettre fin aux difficultés liées aux mises à disposition ; préserver l’innovation que constitue la participation des associations de personnes handicapées à la gouvernance des MDPH ; poser les bases d’une évolution vers des maisons départementales de l’autonomie dans le cadre du cinquième risque.

Tous ces aspects seront envisagés lorsque nous débattrons de la création du cinquième risque. Nous définirons alors les outils permettant de faire évoluer le cadre des MDPH.

Monsieur le rapporteur pour avis, je suis tout comme vous attachée au respect des objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’accessibilité. La mise aux normes des bâtiments est une obligation qui s’impose à chacun et à chaque échelon de responsabilité institutionnelle.

Pour 2009, nous souhaitons changer de braquet et mettre l’accent sur la mise aux normes des locaux professionnels pour accompagner l’accès à l’emploi des personnes handicapées. C’est la raison pour laquelle nous allons demander au FIPHFP de cofinancer, comme le fait déjà l’AGEFIPH pour le secteur privé, les travaux d’accessibilité des employeurs publics qui s’engagent dans un plan pluriannuel de recrutement.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Y compris les collectivités territoriales !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Tout à fait.

J’ai également bien entendu vos interrogations concernant la prestation de compensation du handicap et ses évolutions possibles dans la perspective du cinquième risque.

Il s’agit d’un acquis essentiel, mais quelques-uns de ses aspects doivent certainement encore être ajustés.

Vous avez évoqué la question des aides ménagères : c’est un sujet sur lequel nous voulons engager une concertation, dans le cadre du cinquième risque, avec les associations et les conseils généraux.

Enfin, vous avez raison, monsieur le rapporteur pour avis, de souligner qu’il nous faut réfléchir à une meilleure répartition des dotations attribuées aux départements par la CNSA en fonction de l’effort qu’ils consentent.

Plusieurs intervenants se sont fait l’écho des inquiétudes du monde médicosocial quant à sa place dans les futures ARS. Je connais ces inquiétudes et je tiens à les dissiper.

Tout d’abord, je crois fermement que l’inclusion du médicosocial dans le champ d’action des ARS est une occasion unique de décloisonner les politiques.

Une approche commune est indispensable pour reconvertir à plus grande échelle les lits d’hôpital en lits médicosociaux chaque fois que nécessaire. Une des premières tâches des ARS sera d’ailleurs de mettre en œuvre le principe de fongibilité asymétrique, selon lequel les moyens vont du secteur sanitaire vers le secteur médicosocial et non l’inverse.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Tout à fait !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Par ailleurs, les ARS doivent permettre d’améliorer et d’accélérer les procédures de création de places nouvelles. La procédure actuelle est trop lourde, et le comité régional de l’organisation sociale et médicosociale, le CROSMS, ne joue pas son rôle de filtre : la grande majorité des projets recueille un avis positif, le filtre réel n’intervenant que plus tard avec l’attribution des financements.

Nous allons donc supprimer les CROSMS dans leur format actuel. À la place, nous instituerons une procédure d’appels à projets, que nous calibrerons, monsieur le rapporteur pour avis, pour que les projets innovants puissent être pris en compte.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Les associations seront naturellement associées à la définition de ces appels à projets.

Je voudrais enfin m’arrêter quelques instants sur la question du droit des femmes. Elle fera désormais l’objet d’un document de politique transversale, ce qui, vous l’avez souligné, madame Dini, est une réelle avancée.

Ce document constitue en effet l’outil qui va nous permettre de mesurer pour la première fois, dans le prochain budget, l’effort précisément consenti par chaque ministère et sa progression année après année, ainsi que de contrôler la transversalité et la cohérence de la politique en faveur du droit des femmes.

Je veux rassurer les intervenants qui m’ont interrogée sur l’avenir du SDFE, le service du droit des femmes et de l’égalité, et de ses déléguées à l’échelon local.

La meilleure preuve de notre volonté de continuer à mener une politique interministérielle ambitieuse en la matière, c’est que nous allons créer une délégation interministérielle aux droits des femmes et que les déléguées régionales aux droits des femmes seront placées directement auprès des SGAR, les secrétariats généraux pour les affaires régionales, ce qui garantira le caractère interministériel dans la proximité de la politique en faveur du droit des femmes et permettra de conserver l’approche transversale sur le plan local.

Je réponds ainsi à la question de M de Montgolfier sur la place du SDFE : sans ce service, monsieur le rapporteur spécial, il n’y aurait ni d’effet de levier grâce aux crédits qu’il gère ni de politique interministérielle digne de ce nom en faveur du droit des femmes et de l’égalité.

Une telle politique commence en effet dès l’école, par la lutte contre les stéréotypes, comme l’ont souligné Mmes Dini et Printz, mais j’insiste sur le fait que le SDFE et son réseau de déléguées régionales et départementales au droit des femmes constituent l’outil déconcentré de nos politiques nationales en assurant la transversalité et la mobilisation de l’ensemble des services pour mettre en œuvre le droit des femmes.

Doté de 29 millions d’euros, le SDFE n’a pas, c’est vrai, un budget important, mais il permet de structurer le caractère interministériel de l’action que nous devons mener auprès de la moitié de notre population. C’est pourquoi le document de politique transversale est essentiel, car, je le répète, il permettra de mesurer à quelle hauteur chaque ministère s’associe à cette mission interministérielle.

Un an après le lancement du plan contre les violences faites aux femmes, la plupart des mesures ont été mises en œuvre.

Je citerai l’installation des référents locaux, interlocuteurs uniques de proximité pour garantir l’accompagnement des femmes victimes de violences, les familles d’accueil ou l’amélioration, grâce au numéro d’appel dédié, de la prise en compte et de l’orientation des victimes.

En outre, le 2 octobre dernier, nous avons lancé, comme cela a été rappelé, la campagne de communication à destination des femmes victimes de violences, des témoins et des auteurs de tels actes et la création d’une plateforme internet.

Si la mobilisation générale de tous les niveaux institutionnels est, j’en suis convaincue, essentielle, nous avons un effort particulier à mener en matière de sensibilisation et d’information. À cet égard, un numéro d’appel constitue un excellent outil pour orienter vers les bons services et coordonner ensuite la prise en charge.

Cela étant, nous irons plus loin, madame Printz : le Premier ministre l’a annoncé le 25 novembre dernier, l’année prochaine, la lutte contre les violences faites aux femmes bénéficiera du label « campagne d’intérêt général ».

Il a également invité les associations à s’organiser en comité pour ouvrir la voie à une déclaration en tant que grande cause nationale en 2010. Une telle démarche a conduit, dans un autre domaine, à l’instauration du plan Alzheimer : elle signifie la mobilisation de tous les ministères. C’est donc un geste fort, qui montre la détermination du Gouvernement à accompagner cette politique publique.

Enfin, mesdames Pasquet et Printz, vous avez évoqué la création d’un secrétariat d’État entièrement dédié aux droits des femmes. Je comprends cette demande, mais, à une ou deux exceptions près, aucun des vingt-sept pays de l’Union européenne ne dispose d’un ministère exclusivement chargé de promouvoir ces droits.

Mme Annie David. Ce n’est pas une raison !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Ce qui nous paraît essentiel, c’est de s’assurer du caractère interministériel de notre action et de la mobilisation des moyens de chaque ministère.

Mme Gisèle Printz. Cela ne sert à rien !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il faut que tous les ministères se sentent concernés par les actions en faveur des droits des femmes.

Par exemple, en matière d’égalité dans le système éducatif, nous entendons appliquer la convention interministérielle qui a été évoquée par Mme Dini pour lutter contre les stéréotypes et encourager l’orientation des jeunes filles vers des filières scientifiques ou techniques. Les droits des femmes, sous tous leurs aspects, ne peuvent être promus que dans un cadre interministériel.

Vous l’avez compris, en dépit des difficultés économiques, ce projet de budget pour 2009 est ambitieux et volontariste. Il s’inscrit dans une véritable feuille de route pour l’accompagnement des plus fragiles de nos concitoyens et démontre que, en ces temps de crise financière et économique, cet accompagnement, loin d’être négligé, est au contraire amplifié. Il manifeste la détermination de l’ensemble des membres du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, 837,7 millions d’euros seront consacrés aux actions en faveur des familles vulnérables au titre du programme 106.

Vous avez eu raison de rappeler, monsieur le rapporteur pour avis, que cet exercice n’est pas comparable au précédent : il s’agit d’un projet de budget de transition. Vous l’avez expliqué fort justement en soulignant deux points.

Tout d’abord, nous avons décidé de ne pas nous satisfaire de la réalité quotidienne des familles vivant avec le RMI. Nous avons choisi de faire bouger les choses et de construire le RSA. Certains m’ont fait observer que mon département ministériel allait y perdre une ligne budgétaire importante, ou du moins voir ses crédits largement amputés. Mais, comme je l’ai indiqué devant la commission des affaires sociales, si l’on veut servir son pays, et notamment les plus fragiles de ses concitoyens, il convient d’accepter de telles évolutions.

En effet, une ligne budgétaire appartient non pas à un membre du Gouvernement, mais au peuple français ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Nous avons une seule mission : gérer au mieux les crédits pour que nos concitoyens constatent, dans leur quotidien, la réalité des changements.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Gisèle Printz. Quels changements ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Lorsque Martin Hirsch et moi-même avons œuvré ensemble à la création du revenu de solidarité active, nous nous sommes très vite mis d’accord : intégrer l’API dans le RSA nous semblait logique.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Exactement !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Vous l’aurez compris, notre objectif, celui du Gouvernement, celui qui a été affiché par le Président de la République, est bien de faire bouger les lignes budgétaires. C’est ce que nous vous proposons au travers de ce projet de loi de finances qui, évidemment, ne sera comparable à aucun autre en ce qui concerne mon département ministériel, puisqu’il marque une transition.

Par ailleurs, vous avez également eu raison de rappeler, monsieur le rapporteur pour avis, que la réforme des tutelles et curatelles mise en œuvre cette année implique des choix de réallocation dictés par une volonté d’efficacité dans la gestion des deniers publics et dans le déploiement des programmes.

Ce projet de budget traduit donc une ambition de renforcer l’efficacité d’actions qui nous imposent des devoirs tout particuliers, car il s’agit de la solidarité nationale.

Le programme 106 se décline en trois actions dotées chacune d’un budget propre : l’accompagnement des familles dans leur rôle de parents, auquel sont consacrés 15,5 millions d’euros ; le soutien en faveur des familles monoparentales, pour lequel sont alloués 601,5 millions d’euros de crédits ; la protection des enfants et des familles, dotée de 220,8 millions d’euros.

C’est à la Caisse nationale d’allocations familiales qu’incombe, pour l’essentiel, la mission de garantir l’aide aux familles vulnérables. Cependant, l’État a toute sa place dans le financement de mesures en faveur de la parentalité et de la protection des personnes faibles, qu’il s’agisse des enfants ou des adultes sous tutelle.

Ce projet de budget est celui d’une nouvelle dynamique en faveur des familles les plus vulnérables. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Chacun prend ses responsabilités pour garantir la pérennité des financements et l’efficacité des programmes.

Tout d’abord, 15,5 millions d’euros sont donc consacrés à accompagner les familles dans leur rôle de parents. En ce qui concerne le réajustement des crédits du réseau d’écoute et d’aide à la parentalité, le REAP, à hauteur de 7,1 millions d’euros pour 2009, je rappelle à Mmes Campion, Pasquet et Chevé la réalité incontestable suivante : depuis 2002, ces crédits étaient en moyenne sous-consommés. À cet égard, l’année 2007, au cours de laquelle 11 millions d’euros avaient été employés, avait été tout à fait exceptionnelle, les crédits ayant été presque doublés pour faire connaître les dispositions de la loi réformant la protection de l’enfance.

Il me semble donc plus judicieux et plus adapté de mieux cibler les projets. Cela étant, l’action de soutien à la parentalité demeure pour moi fondamentale. Je prends d’ailleurs devant vous l’engagement d’augmenter, si besoin est, le montant des crédits qui lui sont alloués, mais pas dans n’importe quelles conditions !

L’attribution de nouveaux crédits, en concertation avec les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, sera décidée sur la base d’une évaluation, ce qui est pour moi la meilleure manière de gérer l’argent public.

Je souligne que la prochaine convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la CNAF pour la période 2009-2012 nous donnera l’occasion de renouveler notre soutien à l’action en faveur de la parentalité.

En outre, le programme 106 n’est pas la seule source de financement des actions de soutien à la parentalité. L’État peut compter, en effet, sur la branche famille de la sécurité sociale. L’intervention des caisses d’allocations familiales à ses côtés s’est généralisée depuis plusieurs années, notamment en matière de médiation familiale et dans le cadre des REAP. L’intervention de la branche famille représente ainsi environ 4 milliards d’euros.

Enfin, monsieur Vasselle, vous m’avez interpellée sur la question des jeunes adolescents en difficulté. Je partage votre préoccupation. Nous souhaitons développer les maisons des adolescents sur l’ensemble du territoire, à raison d’une par département.

Les chiffres sont éloquents : quelque 900 000 adolescents sont en situation de souffrance psychologique, soit 15 % de cette population, sachant que, parmi eux, à peine 14 % font appel à un médecin. Des crédits d’un montant de 2 millions d’euros au bénéfice des maisons des adolescents sont inscrits dans ce projet de budget afin d’aider au démarrage des projets. Cet engagement en faveur de l’aide à la parentalité et aux familles en souffrance est indispensable.

De surcroît, le soutien aux familles en souffrance devant être constant, j’indique à Mmes Campion et Pasquet que les crédits destinés au financement de la médiation familiale permettant l’exécution des décisions judiciaires sont maintenus, à hauteur de 2,4 millions d’euros.

Par ailleurs, un peu plus de 601 millions d’euros sont consacrés aux familles monoparentales par le biais de l’allocation de parent isolé, dont bénéficiaient, au 31 décembre 2007, 218 500 personnes. MM. Cazalet et de Montgolfier se sont interrogés sur les hypothèses de progression du nombre des allocataires. Pour établir le projet de budget pour 2009, nous avions tablé sur une croissance de 1 % du nombre des allocataires, mais il va de soi que si cela est nécessaire au regard de la situation, nous saurons ajuster notre politique et nos moyens aux besoins.

L’année 2009 est bien entendu une année de transition, comme je l’ai déjà dit, puisque l’API sera supprimée en cours d’année et intégrée au RSA. Plus précisément, tous les allocataires de l’API auront droit à un RSA majoré. La création du RSA ne fera donc aucun perdant parmi les bénéficiaires actuels de l’API. Martin Hirsch et moi nous en portons garants. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Je me félicite de la mise en œuvre de cette mesure, qui correspond parfaitement à ma conception de la solidarité. Il s’agit d’une aide pour repartir, et non d’un piège où l’on s’enferre !

Enfin, 220 millions d’euros sont consacrés à la protection des enfants et des familles, madame Campion. En particulier, 3,75 millions d’euros seront consacrés en 2009 à l’aide à l’adoption. Qu’elle ait lieu sur le territoire national ou à l’étranger, mon unique objectif est qu’elle se fasse d’abord dans l’intérêt de l’enfant. L’Agence française de l’adoption, l’AFA, a précisément pour vocation d’informer et de conseiller les candidats à l’adoption dans leur démarche et de servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs étrangers de plus de quinze ans.

Si les crédits sont réajustés entre 2008 et 2009, c’est, là aussi, pour les adapter à la réalité des dépenses effectivement engagées. J’ai pleinement conscience de l’ampleur du chantier de la réforme de l’adoption. Nous la mènerons à bien, avec pragmatisme et détermination. Il s’agit là encore d’une commande du Président de la République, qui est très attentif à ce dossier. L’AFA sera également réformée et dotée de la capacité juridique de mener des actions de coopération à l’étranger, afin de renforcer son potentiel d’intervention.

Je tiens, à cet instant, à saluer tout particulièrement l’action du Conseil national d’accès aux origines personnelles, le CNAOP. Faciliter l’accès aux origines personnelles est pour nous un devoir, tant la souffrance liée au secret de l’identité des parents peut être lourd. Le CNAOP a procédé à 897 communications de l’identité de parents de naissance, pour 2 538 dossiers constitués. Je suis attachée à ce que le programme que je défends aujourd’hui puisse contribuer à son financement.

Si l’État et la solidarité nationale ont une ambition prioritaire, c’est bien celle de protéger les personnes vulnérables et les plus faibles de nos concitoyens. C’est là tout l’objet de notre action en faveur de la protection de l’enfance, que la loi du 5 mars 2007 a rénovée pour la renforcer.

On m’a interrogée sur l’état d’avancement des décrets d’application de cette loi. Je viens d’en signer un deuxième, relatif à la création des observatoires départementaux de la protection de l’enfance. Il sera très prochainement publié. Un troisième décret, relatif à la formation des intervenants, le sera courant décembre. Nous serons, je vous le dis, au rendez-vous de cette loi !

Le projet de budget que je vous présente prévoit le financement à hauteur de 2,18 millions d’euros du groupement d’intérêt public « Enfance en danger », qui soutient l’observatoire national de l’enfance en danger et assure un service téléphonique fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre et répondant, en moyenne, à plus de 4 000 appels quotidiens. Derrière ces chiffres, ce sont des vies sauvées chaque jour.

Enfin, 214 millions d’euros sont consacrés à la protection des majeurs. La loi du 5 mars 2007 permet que chaque euro dépensé soit mieux investi, avec un plus grand respect de la volonté des personnes sous tutelle, grâce à la révision du dossier tous les cinq ans, à la création d’un mandant de protection future qui permet à une personne de désigner à l’avance son curateur et à une procédure de placement désormais pleinement contradictoire.

Une plus grande attention est accordée à la diversité des situations, par la création d’une mesure d’accompagnement social personnalisé qui place sous la responsabilité des conseils généraux les personnes ayant seulement quelques difficultés à assurer la gestion de leurs ressources, sans souffrir d’altération mentale.

L’État sera pleinement aux côtés de ces personnes, envers lesquelles nous avons des devoirs tout particuliers. Nous tiendrons cet engagement aussi !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai présenté un projet de budget sincère, pragmatique, ajusté aux réalités, qui témoigne de la volonté du Gouvernement d’optimiser nos dépenses pour pérenniser un système de protection sociale plus juste et plus équitable. Le Gouvernement veillera toujours attentivement à la protection des personnes les plus faibles.

Je vous remercie de soutenir ce projet de budget consacré aux familles vulnérables, de relever avec nous ce défi d’une année de transition, d’approuver l’instauration du revenu de solidarité active. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Claire-Lise Campion. Et les 30 millions de la CNAF ?

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le programme 304, créé dans le projet de loi de finances pour 2008 pour permettre l’expérimentation du RSA, a changé d’intitulé et de dimension : en 2009, on passera de l’expérimentation à la généralisation.

Ainsi, les crédits du programme, qui étaient de 45 millions d’euros en 2008, s’élèvent à plus de 582 millions d’euros, dont 555 millions d’euros pour la généralisation du revenu de solidarité active, dans le présent projet de budget.

Comme vient de le souligner Nadine Morano, nous procédons à la fusion du RMI et de l’API dans la nouvelle prestation. Je tiens à souligner que les travaux du Sénat ont inspiré cette mesure. Je voudrais, à cet instant, rendre hommage à MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier, qui avaient fait œuvre de pionniers, voilà trois ans, en proposant cette fusion, que personne n’imaginait voir se concrétiser un jour, au motif que des divergences de vues opposeraient toujours les gestionnaires des deux budgets.

Cette fusion a permis, je le signale au passage, de protéger les parents isolés. En effet, je vous le dis sous le sceau du secret, le ministère du budget avait des visées sur l’API. Il comptait la rogner progressivement, année après année, pour l’aligner sur le RMI et supprimer, sous divers prétextes, la majoration dont bénéficient les allocataires de l’API.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Bien sûr, cela ne m’étonne pas !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous avons donc, ensemble, sauvegardé cette majoration au profit des parents isolés, qui se trouve maintenant sanctuarisée !

M. Guy Fischer. On verra !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le RMI a été instauré voilà presque vingt ans jour pour jour, le 1er décembre 1988. Hier s’est d’ailleurs tenu un débat sur ce thème, réunissant deux anciens Premiers ministres, Michel Rocard, qui a créé le RMI, et Jean-Pierre Raffarin, qui en a permis la décentralisation, ainsi que Pierre Méhaignerie, qui en a assuré l’expérimentation, et un certain nombre d’élus, en particulier du Doubs, dont je salue ici le président du conseil général, Claude Jeannerot.

Vingt ans après, le principe du revenu minimum d’insertion n’est plus contesté, mais on peut envisager de modifier le dispositif, afin que ne soient pas pénalisés celles et ceux qui reprennent du travail.

Cela ne signifie pas, madame Demontès, que nous misons tout sur le retour au travail. Vous le savez bien !

Mme Christiane Demontès. Que faites-vous d’autre ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. En effet, à l’heure actuelle, dans certains départements, 25 % des allocataires du RMI travaillent déjà, mais pour rien !

M. Guy Fischer. Il y a l’intéressement !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Oui, mais seulement pour un an ! Or je ne vois pas pourquoi, tandis que les avantages fiscaux sont pérennes, l’intéressement lié au retour à l’emploi ne durerait qu’un an ! (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est une question d’équité, il n’y a là aucune idéologie du travail ! Vous en revenez toujours aux mêmes arguments, mais je ne veux pas polémiquer : je souhaite seulement que nous allions de l’avant.

M. Paul Blanc l’a souligné, le coût global du RSA s’élève à 10 milliards d'euros, la charge étant partagée au trébuchet entre l’État et les conseils généraux, dans des conditions précisées par la loi et fortement confortées par le Sénat.

Ainsi, les départements assumeront à hauteur de 6,6 milliards d'euros le financement du dispositif, le solde, soit plus de 3 milliards d’euros, étant à la charge de l’État, à travers le Fonds national des solidarités actives. Le FNSA présente cet avantage que si diverses sources peuvent l’alimenter, il ne peut en revanche servir qu’au financement du revenu de solidarité active.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Voilà !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Cette particularité constitue une sécurité tant pour les bénéficiaires de la prestation que pour les départements.

En outre, le Fonds national des solidarités actives assumera les frais de gestion des caisses d’allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole à hauteur de 100 millions d'euros, montant évalué des charges nouvelles que ces organismes devront supporter à la suite de la mise en place du RSA.

De la même façon, le Fonds national des solidarités actives financera l’aide personnalisée au retour à l’emploi, grâce à une enveloppe de 150 millions d'euros. Cette mesure est très différente de la prime de retour à l’emploi, qui est versée au terme du quatrième mois d’activité et dont les effets pervers étaient dénoncés par tous les bénéficiaires. Le versement de la nouvelle aide pourra être déclenché par les référents en fonction des besoins des personnes concernées, le cas échéant dès le premier jour d’activité si c’est nécessaire, en tout cas au plus près des besoins.

Des inquiétudes relatives au financement du RSA et à son incidence sur les dépenses des départements ont été exprimées, notamment par M. Vasselle.

Dans la mesure où les départements financent le « socle » et l’État le « chapeau », à partir de juin prochain, dès qu’un allocataire reprendra une activité, cela engendrera une économie directe et immédiate pour les départements, alors que, dans le mécanisme actuel de l’intéressement, le retour au travail n’entraîne aucune baisse des dépenses pour ces derniers. Cette clarification ne sera possible que si vous adoptez ce projet de budget, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. le rapporteur pour avis s’est interrogé sur le Fonds d’expérimentations pour les jeunes. Celui-ci a été doté de 10 millions d'euros au titre du budget de 2008, auxquels s’ajouteront 4 millions d'euros en 2009, des crédits supplémentaires pouvant éventuellement être débloqués. En outre, d’autres acteurs seront sollicités.

Là encore, je me réfère aux débats qui ont eu lieu lors de la création du RMI, voilà vingt ans. Une question se posait alors : l’âge minimal pour bénéficier de l’allocation étant fixé à 25 ans, que proposer à ceux qui sont âgés de 18 à 25 ans ? Vingt ans après, nous avons le même débat, dans les mêmes termes, sans avoir avancé d’un pouce entre-temps ! J’espère tout de même que nous n’en serons plus au même point en 2028 !

C’est pourquoi seront lancés, dès le début de 2009, des programmes d’expérimentation, dans des départements volontaires, afin d’étudier des dispositifs d’aide aux jeunes de moins de 25 ans. Je pourrai ensuite, en fonction des résultats de cette expérimentation, revenir vous proposer des solutions, sans attendre encore vingt ans !

Par ailleurs, dans la mesure où certains jeunes très désocialisés rencontrent d’importantes difficultés, par exemple en matière de logement, et deviennent même parfois des SDF, il me semble que des programmes spécifiques devront être élaborés, en concertation avec des chercheurs et universitaires évaluateurs ainsi que des collectivités territoriales. Plusieurs propositions en ce sens nous ont déjà été adressées, et nous essaierons, d’une manière ou d’une autre, de mobiliser les crédits nécessaires.

Madame Pasquet, vous avez accusé le Gouvernement de profiter de la réforme des droits connexes nationaux pour récupérer de l’argent sur le dos des bénéficiaires de la prestation. Non, cela est faux ! Il n’est qu’à examiner en détail l’ensemble des crédits pour 2009 : aucune économie ne sera réalisée au titre des droits connexes.

Certes, un léger différentiel de 80 millions d’euros, sur un total de 1,5 milliard d’euros, apparaîtra lorsque l’on passera de droits attachés au statut à des droits liés aux ressources des bénéficiaires, mais il s’agit de basculer d’un système dont chacun s’accorde qu’il comporte des effets de seuil injustes à un dispositif mieux lissé, où aucune personne reprenant du travail ne sera perdante.

M. Guy Fischer. On en reparlera !

Mme Annie David. On verra cela à l’épreuve des faits !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. M. Vasselle, qui porte un intérêt particulier aux conditions de financement du RSA, a proposé, avec beaucoup d’éloquence, que ce dispositif soit financé par une reprise sur les allégements de charges sociales. Par ailleurs, il s’est interrogé sur l’avenir du financement en fonction des évolutions prévisibles.

On peut prévoir que le RSA rencontrera un certain succès. Cela signifie-t-il pour autant que les prévisions seront outrepassées ? Pas forcément. Pour ma part, je ne le pense pas, mais restons prudents !

Je signale d’abord que jamais le Gouvernement n’a anticipé et pris en compte dans ses calculs les économies envisagées.

Par exemple, dans le cadre des programmes expérimentaux d’application du RSA que nous avons conduits dans certains départements, nous avons observé un taux de retour à l’emploi supérieur de 30 % à ce qu’il est dans les zones témoins, et une baisse des dépenses au titre du RMI nettement plus rapide. Je parle sous le contrôle de certains présidents de conseil général ici présents.

Si nous avions extrapolé ces données à la France entière, nous aurions pu évoquer des centaines de millions d'euros d’économies. Or nous avons préféré rester prudents et n’avons pas pris en compte ces économies potentielles, dont une partie se réalisera.

Ensuite, la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion prévoit que les recettes dégagées grâce au plafonnement des niches fiscales, qui a été inscrit dans le présent projet de loi de finances, pourront venir abonder le Fonds national des solidarités actives. Lors de l’élaboration de cette loi, certains parlementaires avaient très clairement suggéré qu’il serait alors possible de réduire la taxe prévue… Mais si cela se révèle nécessaire, on pourra maintenir la taxe au taux actuel tout en mobilisant le produit du plafonnement des niches fiscales : cela nous donnera encore une marge de 200 millions d'euros.

Enfin, nous créons un droit et un fonds destiné à le financer : ce financement sera honoré. Soyez donc sans inquiétudes à cet égard.

Cela étant, si par exemple les partenaires sociaux s’accordaient subitement pour réduire la durée d’indemnisation du chômage, une telle initiative aurait des répercussions d’abord sur l’allocation de solidarité spécifique, puis sur le RSA « socle ». Cependant, cela serait dû non pas à la nature du RSA, mais au fait que le RSA « socle » est le dernier étage de l’indemnisation du chômage. Une telle évolution ne saurait être imputable au dispositif.

Cependant, les enjeux sont connus. Dans la perspective de la mise en place du RSA, nous avons alerté les départements et les partenaires sociaux sur ce risque pour qu’ils se concertent afin d’éviter que les uns ne prennent des décisions qui auraient des répercussions sur les budgets des autres. Il me paraît important de le souligner.

Je souhaite rappeler à M. Vasselle et à Mme Chevé que, au moment où nous créons le revenu de solidarité active, nous avons reconduit les crédits du Fonds de mobilisation départementale pour l’insertion à hauteur de 500 millions d'euros, alors qu’ils devaient se tarir à la fin de l’année 2008. Une telle reconduction aurait pu ne pas être décidée, mais il nous aurait semblé pour le moins difficile d’annoncer aux départements, avec lesquels les discussions ont été tout à fait loyales, que nous mettions un terme à l’existence du FMDI en même temps que nous instaurions le revenu de solidarité active !

Comme cela a été souligné, la taxe sera perçue dès le mois de janvier alors que le RSA ne sera versé qu’à compter de juillet : cet excédent de ressources conforte notre marge de sécurité pour l’année prochaine. Nous avons prévu un excédent de 360 millions d'euros à ce titre en 2009, ce qui rendra possibles certains ajustements, en particulier en vue de la fin de l’année 2010.

Je souhaiterais maintenant répondre à M. Marsin, qui a insisté sur les attentes suscitées, parmi nos concitoyens d'outre-mer, par la création du revenu de solidarité active et s’est dit prêt à voter ce projet de budget sous réserve de quelques clarifications, que je vais maintenant lui apporter.

Tout d’abord, le Gouvernement n’a pas l’intention d’attendre jusqu’au 1er janvier 2011 pour appliquer le RSA outre-mer. Il le fera dès que les départements ultramarins seront prêts. C'est la raison pour laquelle nous avons missionné le député René-Paul Victoria pour qu’il nous fasse, dans les six mois, des propositions en vue de l’adaptation à l’outre-mer du revenu de solidarité active.

Juste après l’adoption de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, nous avons tenu une réunion avec les présidents des conseils généraux d’outre-mer. Ils ont admis qu’une application directe et immédiate du RSA dans leurs territoires aurait pu entraîner des difficultés, liées notamment à des télescopages avec des dispositifs spécifiques. Par conséquent, il faut aller le plus vite possible, mais en s’assurant toutefois que la mise en place du RSA interviendra dans des conditions satisfaisantes.

Je le redis donc de la manière la plus officielle, le revenu de solidarité active pourra entrer en vigueur avant le 1er janvier 2011 dans les départements d’outre-mer.

De ce fait, la taxe de 1,1 % destinée à financer le dispositif ne sera pas prélevée outre-mer tant que le RSA n’y sera pas entré en vigueur. J’avais apporté cette précision aux présidents de conseil général ; je la réitère dans cette enceinte. Voilà qui vous permettra, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous déterminer sur ce projet de budget et de décider si vous accordez votre confiance au Gouvernement.

Madame Campion, selon vous, cette mission pourrait se résumer au seul revenu de solidarité active. Ne voyez aucune psychologie de mâle dominateur dans cette affaire ! (Sourires.) D’ailleurs, si le programme 304, avec ses 580 millions d’euros, au sein d’une mission d’un montant total de 11,2 milliards d’euros, exprimait une domination, ce serait celle paradoxalement de la minorité, comparé, par exemple, aux crédits pour le handicap, excellemment défendus par Valérie Létard, qui atteignent, eux, 8,6 milliards d’euros !

Nous essayons de répondre à toutes vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que nous avons élaboré cette réforme ensemble.

Il ne s’agit pas pour nous d’opposer le retour à l’emploi aux autres dimensions sociales de cette mission. Bien au contraire, nous essayons de concilier les deux, comme les créateurs du RMI ont tenté, voilà vingt ans, de le faire. En réalité, nous tenons à peu près le même langage. Simplement, à chaque époque ses réalités : il y a vingt ans, nous ne connaissions pas le phénomène des travailleurs pauvres. Il y a vingt ans, les premiers bénéficiaires du RMI étaient des personnes moins concernées par l’emploi et, pour tout dire, cette allocation n’était pas le troisième étage de l’indemnisation du chômage.

Il nous faut donc aujourd'hui remotiver les différents acteurs en tenant compte de ces nouveaux paramètres.

La question de savoir si le RSA risquait d’être appliqué à partir du 1er janvier 2009 m’a été posée. Afin que cette mesure puisse être correctement mise en œuvre à partir du mois de juin prochain, nous estimons préférable de bien préparer son entrée en vigueur au cours des sept mois qui restent, ce qui ne nous interdit pas de soumettre, dès le premier semestre 2009, d’autres propositions en faveur des personnes aux revenus modestes si la période se révèle trop difficile. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Solidarité, insertion et égalité des chances
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 74

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Solidarité, insertion et égalité des chances

11 171 350 526

11 150 708 184

Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales

582 468 356

582 468 356

Actions en faveur des familles vulnérables

836 273 435

836 273 435

Handicap et dépendance

8 629 134 011

8 629 134 011

Égalité entre les hommes et les femmes

29 129 707

29 129 707

Dont titre 2

11 449 514

11 449 514

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1 094 345 017

1 073 702 675

Dont titre 2

819 435 516

819 435 516

M. le président. L'amendement n° II-183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales

Actions en faveur des familles vulnérables

Handicap et dépendance

Égalité entre les hommes et les femmesDont Titre 2

Conduite et soutien des politiques sanitaires et socialesDont Titre 2

13 881 346

13 159 645

13 881 346

13 159 645

TOTAL

13 881 346

13 881 346

SOLDE

-13 881 346

-13 881 346

La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d’État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il s’agit d’un amendement de coordination lié à la poursuite de la décentralisation en matière sanitaire et sociale. Nous tirons les conséquences du transfert progressif des agents de l’État vers les départements pour assurer, notamment, la gestion du RMI ou de certaines politiques sanitaires telles que la lutte antivectorielle.

Le nombre d’agents et les montants précis n’étaient pas connus au moment de l’élaboration du projet de loi de finances compte tenu, notamment, des délais dans lesquels les agents peuvent exercer leur droit d’option.

C’est à l’occasion de la réunion de la commission consultative d’évaluation des charges du 13 novembre dernier que ces éléments ont pu être définitivement arrêtés, en accord avec les représentants des collectivités locales. Les 13,9 millions d’euros en cause sont presque totalement constitués par des crédits de personnel correspondant à 432 équivalents temps plein travaillé.

Je tiens enfin à rappeler que les conséquences financières de la décentralisation ont déjà été traduites dans l’équilibre du budget de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Tout d’abord, on peut regretter le dépôt tardif de cet amendement, qui vise à prendre en considération la compensation des transferts de compétences aux collectivités dans différents domaines.

Cet amendement tient compte, notamment, du nombre d’agents qui, par détachement vers les régions ou vers les départements, ont opté pour la fonction publique territoriale. Par coordination, le plafond d’emplois devrait être réduit de 432 équivalents temps plein travaillé.

Avant de donner l’avis de la commission, je souhaiterais obtenir du Gouvernement l’assurance que ces frais de personnel seront intégralement compensés pour les collectivités. Sur quels crédits trouve-t-on la compensation ? A-t-on prévu un prélèvement sur le produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, par exemple ?

M. le président. La parole est à Mme  Valérie Létard, secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Je peux vous assurer, monsieur le rapporteur spécial, que la compensation sera bien intégrale. C’est l’objet de l’amendement.

M. Éric Doligé. À l’euro près ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Compensation intégrale, mesdames, messieurs les sénateurs !

M. Alain Vasselle. Très bien ! Sans compensation, on ne votait pas !

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Ayant obtenu cette assurance, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-183.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

J’ai été saisi, dans le délai limite, d’une demande d’explication de vote de la part de Mme Isabelle Pasquet.

M. Alain Vasselle. Tout a été dit !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, nous vous avons entendus, mais les sénateurs du groupe CRC-SPG regrettent toujours que, pour des motifs budgétaires, la mission que nous examinons ne se limite finalement qu’à trois actions.

D’autres pistes existent ; il est indispensable de les explorer, notamment dans la période de crise que nous vivons et qui risque d’aggraver la situation des plus faibles.

Ce projet de budget est avant tout la traduction de la logique du Gouvernement : on n’a rien sans rien ! Tel est le cas avec la généralisation du RSA et l’abandon concomitant d’un certain nombre de programmes.

Mais cette logique n’est pas valable pour tout le monde. Qu’ont donné en retour les plus riches, qui bénéficient du bouclier fiscal ? Rien ! Qu’ont-ils versé comme contribution à la solidarité nationale ? Aucune !

Vous réduisez l’action de l’État dans le domaine de la solidarité à une seule compétence ou presque, écartant, de fait, certains programmes participant de manière indirecte à la lutte contre l’exclusion. Tel est le cas des réductions drastiques de la mission « Égalité entre les hommes et les femmes », alors que les vieux schémas sexistes perdurent, que l’inégalité sur le lieu de travail demeure et que les violences faites aux femmes ne diminuent pas.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Alain Vasselle. Caricature !

Mme Isabelle Pasquet. Nous aurions souhaité, au contraire, un renforcement en la matière, par exemple, une consolidation des compétences de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, qui devrait être dotée des moyens financiers nécessaires pour accomplir sa mission.

Nous ne pouvons cautionner ce qui se passe actuellement dans le secteur médico-social, mis en danger du fait de la réduction considérable de ses moyens.

Madame la secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, vous ne nous avez pas convaincus. Nous avons une tout autre conception de la solidarité nationale. Nous voterons donc contre ces crédits.

M. Alain Vasselle. C’est étonnant !

M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion l’article 74 et l’amendement portant article additionnel après l’article 74, ainsi que les articles 75, 76 et 76 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article additionnel après l'article 74

Article 74

Le deuxième alinéa de l’article L. 314-4 du code de l’action sociale et des familles est complété par une phrase ainsi rédigée :

« À cet effet, un arrêté interministériel fixe, annuellement, les tarifs plafonds ou les règles de calcul desdits tarifs plafonds pour les différentes catégories d’établissements sociaux et médico-sociaux mentionnés au premier alinéa, ainsi que les règles permettant de ramener les tarifs pratiqués au niveau des tarifs plafonds. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. En ce qui concerne les crédits du programme « Handicap et dépendance », vous comprendrez que je ne partage pas l’optimisme de M. le rapporteur spécial.

S’agissant, notamment, des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, qui, je le rappelle, se sont substitués aux centres d’aide par le travail en application de la loi du 11 février 2005, je constate que le nombre de places créées reste insuffisant au regard des besoins.

De l’aveu même de la direction générale de l’action sociale, le rythme de création de nouvelles places devrait s’établir à 2 500 par an pour pouvoir faire face aux besoins. Or le projet de budget pour 2009 ne prévoit la création que de 1 400 nouvelles places. C’est insuffisant. Par conséquent, un certain nombre de projets de création ou d’extension d’établissement ne pourront pas voir le jour, faute de crédits et de places.

Ma collègue Nicole Bricq m’a notamment signalé le cas d’un projet d’ESAT en Seine-et-Marne dont le dossier est complet depuis la fin de l’année 2006, qui a reçu toutes les autorisations nécessaires, notamment l’avis favorable du conseil régional d’organisation sociale et médico-sociale d’Île-de-France, mais qui reste bloqué faute de places affectées à l’établissement.

De telles situations existent dans de nombreux départements, ce qui porte préjudice avant tout aux personnes handicapées et à leurs familles. Il n’y a donc pas vraiment lieu de se réjouir de la « hausse » annoncée des crédits.

De surcroît, madame la secrétaire d’État, l’article 74 prévoit de fixer par arrêté un tarif plafond pour la dotation globale de fonctionnement des ESAT, entraînant une économie de 4 millions d’euros. Cette somme serait générée par un écrêtement des établissements dits « surdotés » en mettant en œuvre les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. Mais vous aurez remarqué, mes chers collègues, que cet article ne prévoit pas de mesures permettant parallèlement de relever la dotation des établissements sous-dotés ! Or ils sont légion.

Aux termes mêmes de l’article précité, ces tarifs plafonds doivent être définis par arrêté interministériel, mais nous ne disposons, pour le moment, d’aucune information sur leurs montants. Pouvez-vous nous donner des indications précises sur ce point, madame la secrétaire d’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je tiens à vous indiquer, mes chers collègues, que nous avons pris quarante-cinq minutes de retard. Compte tenu de l’importance du sujet, la présidence a été libérale, mais elle ne sera pas laxiste. Il appartient donc à chacun de respecter son temps de parole, et je vous remercie, monsieur Godefroy, de l’avoir fait.

M. Alain Gournac. Que de litanies ! Dix fois la même chose !

M. le président. L'amendement n° II-159, présenté par Mmes Pasquet et David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Madame la secrétaire d’État, monsieur le haut-commissaire, avec cet article 74, vous entendez poursuivre le mouvement que vous avez lancé voilà plusieurs années dans le domaine médical et que vous avez étendu, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, au domaine médico-social, par le biais de la tarification à l’activité couplée à l’instauration de montants plafonds.

Il s’agit pour vous, selon l’exposé des motifs présenté à l’Assemblée nationale, de rationaliser les coûts des établissements concernés, à savoir les établissements et services d’aide par le travail ou encore les centres d’hébergement et de réadaptation sociale.

En réalité, là encore, comme nous l’avions dénoncé durant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale au sujet de l’application d’une mesure identique à celle-ci mais pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, il s’agit de faire de substantielles économies au détriment du domaine médico-social.

Vous souhaitez réaliser près de 4 millions d’euros d’économies avec cette mesure. Pour se faire, vous êtes prêts à renverser toute la logique du financement de ces établissements médico-sociaux.

Comme vous le savez, jusqu’à maintenant, ce financement était calculé en fonction des charges particulières de ces établissements, en somme, à partir de leurs besoins.

Vous nous proposez actuellement, au contraire, de moduler la participation de l’État au financement de ces établissements à partir des ressources qu’ils dégagent. Vous comptez fixer des montants plafonds sans tenir compte de certaines situations très particulières. Cela conduira inévitablement, ne vous en déplaise, à contraindre les établissements en cause à opérer une sélection des publics qu’ils accompagnent.

Ainsi, vous entérinez la fin de la loi du 2 janvier 2002 qui tendait justement, à partir des situations individuelles, à apporter la réponse la mieux adaptée. Tel n’est plus le cas en l’espèce. Vous faites passer le besoin de réponse individualisée par pertes et profits.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. L’article 74 vise à instaurer des tarifs plafonds et à permettre une meilleure rationalisation des coûts dans les établissements sociaux et médico-sociaux. La commission y étant favorable, elle ne peut qu’être défavorable à l’amendement n° II–159.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Depuis plusieurs années, le Gouvernement met en place des mécanismes visant à réduire les écarts de coûts injustifiés entre les établissements médico-sociaux. Un tel dispositif existe déjà pour les établissements relevant du champ de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qu’il s’agisse des EHPAD ou des établissements pour personnes handicapées.

L’article 74 vise simplement à élargir ce mécanisme aux établissements qui relèvent d’un financement d’État, c’est-à-dire les établissements et services d’aide par le travail, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale et les centres d’accueil des demandeurs d’asile.

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’appliquer un tarif uniforme indépendamment des contraintes qui pèsent sur les différents établissements.

En ce qui concerne les ESAT, pour lesquels la disposition doit entrer en vigueur dans le courant de l’année 2009, il ne sera pas fixé un tarif plafond unique. Nous tiendrons compte de la diversité des besoins d’accompagnement selon le type de handicap des travailleurs handicapés accueillis, car cette diversité engendre des variétés de coûts parfaitement justifiées.

Nous tiendrons également compte du type d’activité des ESAT et de leur plus ou moins grande complexité, ainsi que du poids représenté par les dépenses d’entretien des bâtiments.

Une enquête va être ouverte auprès des services déconcentrés et des ESAT pour apprécier finement la composition des coûts et aider à la détermination des tarifs plafonds.

Au total, il s’agit surtout d’une mesure qui vise à permettre une meilleure harmonisation sur l’ensemble du territoire et à assurée l’égalité de traitement entre les établissements.

Enfin, pour les établissements les moins bien dotés, monsieur Godefroy, nous dégageons 4 millions d’euros dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, afin de permettre leur mise à niveau.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-159.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 74.

(L'article 74 est adopté.)

Article 74
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 75

Article additionnel après l'article 74

M. le président. L'amendement n° II-160, présenté par Mmes Pasquet et David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après le troisième alinéa de l'article L. 7232-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

bis) Les régies de quartier ;

II. Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. Les pertes de recettes pour l'État et les organismes de sécurité sociale résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Notre amendement a pour objet de permettre aux régies de quartiers de bénéficier de l’aide fiscale prévue à l’article 199 sexdecies du code général des impôts, c'est-à-dire des exonérations d’impôt sur le revenu au titre des sommes versées par un contribuable qui emploie un salarié à domicile.

La loi du 26 juillet 2005 prévoit que les associations et les entreprises qui œuvrent en direction des personnes les plus fragiles peuvent, si elles bénéficient d’un agrément, avoir droit à ces exonérations, mais aussi à un taux réduit de TVA, ou encore à des exonérations au titre de l’utilisation des chèques emploi service.

Toutefois, la loi admet certaines exceptions à cette obligation d’agrément, à l’image des associations intermédiaires, des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale, qui peuvent donc obtenir un agrément dérogatoire, puisque ces structures ne remplissent pas l’obligation qui leur est faite par la loi de 2005, de se consacrer exclusivement à l’exercice d’une ou plusieurs activités de services à la personne.

Nous entendons, avec cet amendement, autoriser les régies de quartiers à obtenir cet agrément dérogatoire.

Ces régies jouent un rôle important dans nos quartiers. Elles regroupent en une même structure les collectivités locales, les logeurs sociaux et, naturellement, les habitants. En incluant les régies de quartier et de territoire labellisées par le Comité national de liaison des régies de quartiers, le CNLRQ, dans la liste des organismes dispensés de la condition d’activité exclusive, en leur permettant d’être agréées, vous permettrez de lever un obstacle au développement des services à la personne dans des territoires qui ont particulièrement besoin de politiques prioritaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Cet amendement est intéressant puisque l’assouplissement proposé permettrait aux régies de quartier d’obtenir l’agrément même si elles mènent plusieurs activités. Elles bénéficieraient ainsi du régime applicable aux associations intermédiaires ou aux centres communaux d’action sociale.

Néanmoins, le coût de cette mesure n’étant pas évalué, la commission souhaite, avant de se prononcer, entendre l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.

En effet, les régies de quartier, même si elles sont évoquées dans le code du travail, ne sont pas définies juridiquement. L’attribution du label « régie de quartier » relève de la seule compétence du Comité national de liaison des régies de quartier : les pouvoirs publics n’ont pas les moyens de la contrôler.

Par ailleurs, si l’on devait réfléchir à l’élargissement de la dispense de la condition d’activité exclusive, il faudrait prendre en compte l’ensemble des structures relevant de l’insertion par l’activité économique, et pas seulement les régies de quartier.

D’une façon plus générale, le Gouvernement souhaite limiter les dérogations accordées aux structures d’insertion par l’activité économique afin qu’elles tendent à se rapprocher du droit commun, et ce afin de limiter les effets possibles de concurrence déloyale.

Par ailleurs, un plan II de développement de services à la personne est en préparation et le Gouvernement souhaite que les modifications éventuelles de la réglementation dans ce secteur puissent s’inscrire dans ce cadre.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Il s’agit d’un sujet essentiel et complexe qui mérite d’être traité dans un débat plus général. Lorsque l’on s’occupe de la prise en charge des personnes âgées et handicapées, c’est-à-dire de personnes très fragiles, toutes les questions de label et d’agrément doivent être examinées avec la plus grande attention afin de garantir l’aspect qualitatif de la prise en charge.

Il s’agit non pas d’occulter ce secteur d’activité, mais bien au contraire de définir, dans le cadre du débat général auquel je vous renvoie, les voies et moyens qui nous permettront d’ouvrir ce champ d’intervention à d’autres acteurs tout en préservant cet aspect qualitatif.

M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la secrétaire d’État, il existe de nombreuses similitudes entre les pratiques de certains centres communaux d’action sociale et celles de certaines régies.

En fait, il s’agit ici d’autoriser la mise à disposition de personnes salariées de régies municipales.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Non, il s’agit des régies de quartier et non pas des régies municipales.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ce sont des entreprises d’insertion !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans ces conditions, la commission des finances se range à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-160.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Article additionnel après l'article 74
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 76

Article 75

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 523-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’allocation de soutien familial est ouverte de plein droit aux bénéficiaires de l’allocation de parent isolé qui assument la charge effective et permanente d’un ou plusieurs enfants remplissant l’une des conditions précédemment mentionnées. » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 552-1, après les mots : « allocation de parent isolé, », sont insérés les mots : « de l’allocation de soutien familial versée dans les conditions prévues au cinquième alinéa de l’article L. 523-1, » ;

3° Après l’article L. 524-7, il est inséré un article L. 524-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 524-8. – Tout paiement indu d’allocation ou de la prime forfaitaire mentionnée à l’article L. 524-5 peut, sous réserve que l’allocataire n’en conteste pas le caractère indu, être récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de primes forfaitaires à échoir ou par remboursement de la dette selon les modalités fixées aux premier et troisième alinéas de l’article L. 262-41 du code de l’action sociale et des familles ainsi qu’au 2° de l’article L. 262-22 du même code.

« La créance de l’organisme peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. »

M. le président. L'amendement n° II-58 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après le 1° de cet article, insérer un 1° bis ainsi rédigé :

1° bis À compter du 1er juin 2009 et au plus tard au 1er janvier 2011 pour les départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'article L. 523-1 tel qu'il résulte du 1° ci-dessus, les mots : « de l'allocation de parent isolé » sont remplacés par les mots : « du revenu de solidarité active visés à l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, dont les ressources n'excèdent pas le montant forfaitaire majoré mentionné au même article, » ;

La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est un amendement de coordination qui tire les conséquences de l’adoption de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. Cet amendement tient en effet compte de la création du revenu de solidarité active.

À compter du 1er juin 2009, les bénéficiaires du RSA accéderont plus facilement à l’allocation de soutien familial, l’ASF. La commission ne peut qu’être favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-58 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 75, modifié.

(L'article 75 est adopté.)

Article 75
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 76 bis

Article 76

I. – Après l’article L. 821-7-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 821-7-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 821-7-3. – Une procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-2 du code du travail est engagée à l’occasion de l’instruction de toute demande d’attribution ou de renouvellement de l’allocation aux adultes handicapés. »

II. – L’article L. 5213-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 5213-2. – La qualité de travailleur handicapé est reconnue par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 241-5 du code de l’action sociale et des familles. Cette reconnaissance s’accompagne d’une orientation vers un établissement ou service d’aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle. L’orientation vers un établissement ou service d’aide par le travail, vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle vaut reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. »

III. – Le 2° de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale est abrogé. Le 3° devient le 2°.

IV. – Après l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 821-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 821-3-1. – Le montant de l’allocation aux adultes handicapés est fixé par décret.

« Le coefficient annuel de revalorisation de l’allocation est au moins égal à l’évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l’année considérée.

« Ce minimum de revalorisation est réajusté si l’évolution constatée des prix à la consommation hors tabac, mentionnée dans le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances pour l’année suivante, est différente de celle qui avait été initialement prévue.

« Le minimum de revalorisation mentionné au deuxième alinéa peut être assuré au moyen de plusieurs révisions du montant de l’allocation dans l’année. »

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, nous sommes loin de trouver aussi satisfaisants que notre rapporteur les crédits du programme « Handicap et dépendance », non seulement en termes financiers, mais également du point de vue de la philosophie qui sous-tend les mesures proposées.

L’article 76 en est une parfaite illustration sur au moins trois points.

Premièrement, si nous reconnaissons les efforts qui ont été faits pour revaloriser l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, force est de constater cependant qu’ils ne sont pas aussi importants que vous voudriez nous le faire croire.

M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, cette revalorisation est exprimée en euros courants et non en euros constants, ce qui est très différent en période de forte inflation.

Ainsi, pour l’année 2008, l’AAH a été revalorisée de 5 %. Toutefois, l’inflation qui, cette année, devrait atteindre 3 %, limite en fait cette augmentation à 2 % seulement, sans compter, et j’attire votre attention sur ce point, monsieur le rapporteur spécial, que les effets de l’inflation moyenne sont différents selon les revenus.

Comme l’ont démontré certains experts, lorsque l’on calcule l’inflation sur la consommation d’une personne ayant un revenu inférieur à 1 000 euros par mois, on atteint en fait un chiffre entre 8% et 12 %. Je rappelle que le montant de l’AAH passera de 652 euros à 682 euros par mois. Nous savons que l’effet est extrêmement négatif sur les bas revenus.

Pour 2009, les experts économiques, notamment ceux de l’OCDE, prévoient pour l’instant une inflation aux alentours de 2 %. Le secrétaire d’État chargé de la consommation, M. Luc Chatel, estime même qu’elle devrait être de 2% à 2,5%. On nous prépare !

La revalorisation réelle de l’AAH sera, en fait, moitié moins élevée que celle que l’on nous annonce aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, et c’est un sujet sur lequel nous avons longuement débattu en 2005, son montant reste toujours très en deçà du seuil de pauvreté.

Deuxièmement, nous avons de sérieux doutes sur l’orientation des mesures que vous proposez en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Comme je l’ai indiqué à l’occasion lors de l’examen de la loi généralisant le revenu de solidarité active, parier sur l’employabilité des personnes peut être positif à condition que cela ne soit pas exclusif. C’est vrai en particulier des personnes en situation de handicap. Il me semble peu pertinent de lier attribution de l’AAH et retour à l’emploi.

Troisièmement, enfin, en ce qui concerne les places en établissements, vous annoncez notamment 20 000 aides au poste et aides financières spécifiques pour les entreprises adaptées. La vérité est qu’en 2008 le nombre d’aides au poste pour les entreprises adaptées avait fortement baissé. En fait, et si j’ose dire, on revient seulement à la situation antérieure.

La vérité, et j’attire également votre attention sur ce point, est aussi que l’augmentation budgétaire apparente ne concerne pas la subvention spécifique, dont l’enveloppe est maintenue à 42 millions d’euros. Or cette subvention à pour vocation non seulement de soutenir l’accompagnement social et professionnel des travailleurs handicapés, mais également de permettre à l’entreprise adaptée de faire face aux mutations économiques en se modernisant et de développer les compétences de ses salariés par la formation.

Il aurait fallu faire un effort aussi dans ce domaine essentiel pour la pérennité des entreprises adaptées, surtout compte tenu de la crise financière actuelle qui touche énormément les PME, afin de leur donner les moyens de se moderniser pour conserver et développer leurs marchés et leurs emplois.

M. le président. Je mets aux voix l'article 76.

(L'article 76 est adopté.)

Article 76
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Outre-mer

Article 76 bis

I. – Après le 12° du I de l’article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un 13° ainsi rédigé :

« 13° Politique de l’égalité entre les femmes et les hommes. »

II. – L’article 132 de la loi des finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999) est abrogé.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dès le 17 avril dernier, j’avais interpellé le Gouvernement pour lui faire part de mon inquiétude. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, un schéma mettait en péril l’approche transversale et partenariale mise en œuvre par notre pays dans le cadre du service des droits des femmes et de l’égalité, le SDFE. Cette approche est pourtant vivement recommandée par l’Union européenne ; il est vrai que nous n’en suivons pas toujours les préconisations. J’avais considéré qu’il s’agissait d’un mauvais signe.

Je crois me rappeler que Mme Morano m’avait répondu que la promotion des droits des femmes, comme la famille, est une question essentiellement interministérielle et que l’objectif du Gouvernement était d’inscrire la politique de l’égalité au cœur de l’exercice budgétaire par l’élaboration d’un document de politique transversale lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2009. Or, en guise de présentation transversale, on organise plutôt, me semble-t-il, l’abandon du SDFE dans sa forme actuelle.

Force est en outre de constater que les craintes des personnels sont justifiées. En effet, comme dans le reste de la fonction publique, la mise en œuvre de la RGPP dans ce service s’effectue sans le moindre dialogue social. Elle n’en a pas moins suscité la mobilisation, notamment, des syndicats, relayés par le collectif « Droits des femmes en danger » auquel j’appartiens, des déléguées régionales aux droits des femmes et de l’Observatoire de la parité. Et l’on persiste à prétendre que tout va bien.

La réalité semble cependant opposer un démenti à ce discours rassurant. Dans les départements, le rattachement des chargées de mission départementales, selon les cas, aux directions départementales de la cohésion sociale ou aux directions départementales de la population et de la cohésion sociale, fait peser une menace de dilution des missions départementales « Droits des femmes et égalité » dans d’autres thématiques, sinon une menace de suppression pure et simple des postes de chargée de mission.

Le service central doit, pour sa part, être intégré sous une forme encore à définir à la future direction générale de la cohésion sociale, comme si les personnels n’avaient rien à dire sur leur mission !

Après la disparition du site internet dédié aux droits des femmes et à l’égalité et la suppression du centre de documentation du SDFE, vous nous proposez d’entériner la fin pure et simple du service central et le démantèlement de son réseau. Sans celui-ci, les différents positionnements territoriaux rendront impossibles le pilotage et la mise en œuvre d’une politique d’égalité entre les femmes et les hommes efficace et cohérente comme nous pouvions l’espérer.

Ces choix empêcheront de tenir véritablement compte de la question de l’égalité dans l’ensemble des politiques publiques que vous évoquez par ailleurs. Les missions du service seront effectivement segmentées et confinées dans des approches thématiques cloisonnées de manière étanche.

Peut-être pourrez-vous, madame la secrétaire d’État, me rassurer quelque peu, mais le constat que je dresse m’en fait douter.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais effectivement dissiper l’essentiel des inquiétudes exprimées par Mme Borvo Cohen-Seat à propos de l’avenir du SDFE et de la manière dont la politique du droit des femmes se situe dans le cadre de la RGPP.

Je vous rappellerai donc très rapidement que le Gouvernement entend créer, dans le cadre de la RGPP, une délégation interministérielle aux droits des femmes. Il s’agit de garantir la dimension interministérielle de notre approche, dimension sur laquelle se fonde ce document de politique transversale dont le principe a été introduit par l’Assemblée nationale à l’occasion de l’examen du présent projet de loi de finances. Ce document sera donc créé dès le prochain exercice budgétaire. Ainsi disposerons-nous de l’outil nécessaire pour mener une politique telle que l’Union européenne la définit. Le fait est acquis.

Je voulais également vous rassurer sur la question des territoires. Aujourd’hui, nous avons envoyé aux préfets une circulaire leur demandant de rattacher les déléguées régionales au secrétariat général des affaires régionales, le SGAR.

Mme Christiane Demontès. C’est déjà le cas !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Non, tous les territoires n’étaient pas dans la même situation. La circulaire répond à une demande exprimée sur toutes les travées de cet hémicycle. Tous les délégués régionaux aux droits des femmes seront donc bien rattachés au champ interministériel des services déconcentrés de l’État.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la RGPP, pour des raisons d’organisation technique, le niveau départemental demeure. Nous travaillons à trouver la meilleure articulation entre ce niveau et celui des déléguées. Il s’agit à la fois de tenir compte de la spécificité de chaque département et de garantir une approche interministérielle.

Voilà pour vous rassurer, madame Borvo Cohen-Seat. Sachez que nous nous préoccupons vraiment du problème que vous évoquez.

M. le président. Je mets aux voix l'article 76 bis.

(L'article 76 bis est adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Avant d’examiner les crédits de la mission « Outre-mer », je vous propose, mes chers collègues, une courte suspension de séance.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Outre-mer

Article 76 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 64 et 65).

La parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.

M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des finances exposera en deux temps les crédits de la mission « Outre-mer ».

Je ferai tout d’abord une présentation globale de l’évolution de la mission ainsi que des crédits à destination de l’outre-mer en général et de ceux du programme « Emploi outre-mer » en particulier. Notre collègue Éric Doligé, également rapporteur spécial de la mission « Outre-mer », vous présentera ensuite le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », ainsi que les deux articles rattachés.

Avec 1,97 milliard d’euros en autorisations d’engagement, la mission « Outre-mer » représente en 2009 moins de 15 % de l’effort budgétaire en faveur de l’outre-mer. Elle ne donne donc qu’une vision très parcellaire de l’effort de l’État en direction de l’outre-mer, qui, en réalité, s’élèvera au total à 13,3 milliards d’euros de crédits.

À ces 13,3 milliards d’euros, il convient par ailleurs d’ajouter 3,3 milliards d’euros de dépenses fiscales à destination de l’outre-mer, en hausse de 17 % par rapport à l’année 2008.

Au regard de cette augmentation, que l’on peut qualifier d’« incontrôlée », il nous est proposé de mettre en place de nombreuses mesures destinées à limiter le montant des dépenses fiscales consacrées à l’outre-mer. Issues de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, ces mesures sont contenues, d’une part, dans le présent projet de loi de finances et, d’autre part, dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, ou LODEOM, que notre assemblée devrait examiner au début de l’année 2009.

Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit principalement deux mesures en ce sens : la réforme du régime des exonérations de cotisations patronales et le plafonnement des réductions d’impôt sur le revenu résultant des opérations de défiscalisation outre-mer, repris à l’article 43 non rattaché.

Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, quant à lui, prévoit le recentrage sur le logement social de la défiscalisation des investissements en matière de logement. Nous nous félicitons de la volonté du Gouvernement d’axer davantage les efforts financiers de l’État sur le logement social, qui subit actuellement les conséquences de la défiscalisation dans le secteur du logement libre.

De nombreuses orientations du présent projet de loi de finances sont d’ailleurs liées aux dispositions contenues dans le projet de loi LODEOM.

Le deuxième point d’ordre général que je voudrais évoquer concerne la structure du secrétariat d’État à l’outre-mer. Celle-ci a évolué de manière satisfaisante depuis l’année dernière, puisqu’une unique délégation générale à l’outre-mer, la DGOM, a été créée au 1er septembre 2008 pour remplacer les deux directions existantes. L’objectif est de réorienter le secrétariat d’État vers des missions de coordination, d’expertise et d’évaluation de l’action de l’État outre-mer, conformément aux souhaits formulés à plusieurs reprises par la commission des finances du Sénat.

Certes, les effets de cette réorganisation ne se feront sentir qu’à moyen terme, mais la commission des finances n’en sera pas moins attentive à ce qu’ils soient réels et effectifs. Il serait notamment souhaitable que le secrétariat d’État puisse disposer d’informations plus complètes et plus fiables sur l’efficacité des nombreux dispositifs spécifiques mis en œuvre en faveur de l’outre-mer.

Pour ce qui est des crédits, je relève que la mission « Outre-mer » fait figure d’exception au sein du présent projet de loi de finances, puisque ses dotations croissent de 19 % en autorisations d’engagement et de 16 % en crédits de paiement. Cette augmentation concerne aussi bien le programme « Emploi outre-mer » que le programme « Conditions de vie outre-mer ».

Les crédits du programme « Emploi outre-mer » sont en hausse de près de 20 %, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, afin de compenser aux organismes de sécurité sociale le manque à gagner résultant des exonérations de charges sociales propres à l’outre-mer. La commission des finances avait à de nombreuses reprises constaté la sous-budgétisation de ces compensations, qui provoquait l’accumulation d’une dette de l’État à l’égard desdits organismes, principalement de leur agence centrale, l’ACOSS. Ainsi, en 2008, seuls 867 millions d’euros étaient prévus au titre de la compensation, alors que le coût global des exonérations était estimé à plus de 1,15 milliard d’euros !

Les crédits consacrés à la compensation de ces exonérations passent pour 2009 à 1,011 milliard d’euros. Cette hausse de 16,6 % correspond à un effort marqué pour mettre fin aux sous-budgétisations récurrentes évoquées.

Par ailleurs, le programme « Emploi outre-mer » comporte des mesures qui visent à accentuer la politique d’insertion des jeunes éloignés de l’emploi et se traduisent par l’augmentation des crédits consacrés à deux dispositifs spécifiques : le projet initiative jeune « création d’entreprise », ou PIJ, et la formation individualisée en mobilité, ou FIM. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, prenant la suite de notre collègue Marc Massion, je m’attacherai pour ma part à détailler le second programme de la mission, « Conditions de vie outre-mer », et les articles 64 et 65 rattachés.

Les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » bénéficient eux aussi de la hausse globale des crédits de la mission, puisqu’ils augmentent de 17 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement.

En matière de logement, le présent projet de loi de finances est mitigé. En effet, d’un côté, le montant des autorisations d’engagement connaît une forte augmentation – elle atteint 9,3 % – qui montre qu’il a été pris acte des besoins réels des collectivités territoriales d’outre-mer. Mais, de l’autre côté, l’écart entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement croît de manière inquiétante, passant de 36 millions d’euros en 2008 à 49 millions d’euros en 2009. Comme la commission le notait dans ses précédents rapports, une telle situation risque d’être à l’origine d’impayés et de l’accumulation d’une dette auprès des bailleurs sociaux. Le Gouvernement devra nous éclairer sur ce point particulier.

Par ailleurs, les crédits consacrés au financement des opérations contractualisées entre l’État et les collectivités d’outre-mer augmentent de 13 %. Cette hausse est très satisfaisante, puisque de réels problèmes de sous-budgétisation avaient été relevés les années précédentes.

Enfin, le programme « Conditions de vie outre-mer » tient compte de la mise en œuvre du fonds de continuité territoriale et du passeport mobilité. Ces nouveaux outils, prévus dans le projet de loi LODEOM, doivent permettre de remédier aux dérives de l’ancien dispositif du passeport mobilité, dont le coût a triplé entre 2003 et 2008.

On peut regretter le manque de clarté de ce programme quant à l’évolution des dotations spécifiques propres aux collectivités d’outre-mer. Ainsi, il contient peu d’informations sur des dispositifs importants, telle la dotation globale de développement économique de la Polynésie française, qui regroupe 151 millions d’euros pour 2009. À l’inverse, d’autres dotations, telle la dotation de premier numérotage de Mayotte, qui s’élève à 150 000 euros, sont manifestement insuffisantes pour atteindre leur fin.

J’en viens aux deux articles rattachés à la mission « Outre-mer ».

L’article 64 a pour objet de proroger jusqu’en 2011 deux dotations spécifiques propres à Mayotte.

La première est la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil. D’un montant de 300 000 euros par an, elle doit permettre à Mayotte de mettre en place l’état civil qui lui fait cruellement défaut. Il serait souhaitable que le Gouvernement nous apporte des éclairages sur l’avancement de ces travaux.

La seconde est la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires, qui sera abondée à hauteur de 4,5 millions d’euros en 2009 ; sa prorogation est essentielle pour permettre à Mayotte de rattraper son retard en équipements scolaires.

L’article 65, sur lequel portent un certain nombre d’amendements, vise à réformer le dispositif spécifique d’exonération de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises ultramarines.

Actuellement, ce dispositif prévoit une exonération totale des cotisations patronales dues pour l’ensemble des salariés, jusqu’à une limite qui varie entre 1,3 et 1,5 SMIC, selon le degré d’exposition du secteur à la concurrence. L’exonération n’est pas dégressive, ce qui signifie que, même pour les salariés les mieux payés, les entreprises restent exonérées d’une partie de leurs cotisations patronales.

L’article a un double objet. D’une part, il tend à harmoniser les plafonds d’exonération à 1,4 SMIC, afin de donner une plus grande lisibilité au dispositif. D’autre part, il vise à rendre l’exonération dégressive : elle sera totale jusqu’à 1,4 SMIC pour diminuer linéairement et s’annuler à 3,8 SMIC. Cette dégressivité est souhaitable, puisqu’elle concentre les aides sur les bas salaires, à l’image de l’exonération de droit commun pratiquée en métropole.

Par ailleurs, l’article 65 tend à mettre en place une exonération plus importante pour certains secteurs prioritaires.

Enfin, il subordonne le droit à exonération au paiement effectif des cotisations et à l’absence de travail illégal. Cette condition avait été supprimée en 2003 par la loi dite « Girardin » ; il semble souhaitable qu’elle soit de nouveau appliquée.

Au total, la réforme proposée à l’article 65 paraît efficace et équilibrée. En termes financiers, elle rendra possible une économie de 138 millions d’euros en année pleine qui permettra notamment de contribuer au financement des mesures prévues dans le projet de loi LODEOM.

La commission a toutefois déposé un amendement visant à subordonner l’entrée en vigueur de ce dispositif, qui faisait initialement partie du projet de loi LODEOM, à la promulgation de cette future loi.

La commission des finances vous proposera donc, mes chers collègues, d’adopter sans modification les crédits de la mission « Outre-mer » et l’article 64, ainsi que l’article 65, mais modifié.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis.

M. Georges Patient, en remplacement de M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser notre collègue Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui a dû rentrer en Martinique à la suite d’un décès dans sa famille.

Le projet de budget pour l’outre-mer dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit dans un contexte particulier, puisqu’il anticipe un certain nombre de mesures prévues dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que nous devrions examiner au début de l’année prochaine.

Ce projet de budget est, à première vue, en augmentation substantielle puisqu’il croît, à périmètre constant, de 9,2 % en crédits de paiement. Néanmoins, cette progression, dont beaucoup se félicitent, doit être relativisée. En effet, elle servira pour l’essentiel à combler les dettes que l’État a contractées auprès des organismes de sécurité sociale, dans le cadre des compensations d’exonérations de charges patronales. Ces crédits ne financeront en aucun cas des dépenses nouvelles.

Je voudrais évoquer la présentation des crédits de la mission « Outre-mer », qui est encore largement perfectible.

La commission des affaires économiques avait recommandé au Gouvernement l’établissement de deux documents : l’un aurait récapitulé l’ensemble des crédits destinés aux collectivités d’outre-mer provenant de chacun des ministères et des différents fonds d’intervention européens ; l’autre aurait présenté les crédits par collectivité destinataire. Nous n’avons à ce jour obtenu ni l’un ni l’autre, et nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous répondrez à cette demande pour les prochains budgets.

Avant d’aborder l’examen des crédits proprement dit, je tiens à souligner que les collectivités d’outre-mer sont une chance pour la France. Au-delà de la diversité culturelle et de la biodiversité d’une très grande richesse qu’elles lui apportent, elles lui offrent une présence sur quatre océans et des possibilités d’échanges, notamment économiques, avec de nombreuses régions du monde. Elles doivent toutefois relever d’importants défis pour promouvoir leur développement.

J’évoquerai tout d’abord les crédits consacrés à l’emploi.

Vous le savez, les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes d’éloignement, du dynamisme démographique, des pressions migratoires et, surtout, du différentiel de coût du travail avec les pays avoisinants.

Le décalage de développement avec la métropole se mesure d’ailleurs à l’aune du taux de chômage : il est plus de deux fois supérieur à celui de l’Hexagone, et le rapport est même de un à trois lorsque l’on concentre l’analyse sur les seuls DOM, où il s’élève en moyenne à 26 % de la population active.

Face à une telle situation, qui risque de s’aggraver sous l’effet de la crise économique, le dispositif d’exonération de cotisations patronales, mis en place dès 2000 par la loi d’orientation pour l’outre-mer et amélioré, sur certains points, par la loi Girardin de 2003, me semble essentiel en ce qu’il permet de restaurer la compétitivité du travail.

C’est pourquoi la réforme envisagée par l’article 65 du projet de loi de finances ne me paraît pas aller dans le bon sens.

Au-delà de l’alourdissement des charges pour nos entreprises, cette réforme risque de créer une « trappe à bas salaires », en incitant au recrutement de salariés rémunérés à 1,4 SMIC.

Un tel dispositif n’est pas de nature à favoriser les emplois qualifiés outre-mer, pourtant indispensables dans de nombreux secteurs d’activité, notamment à haute valeur ajoutée.

Quant aux dépenses fiscales, elles me paraissent fondamentales pour la compensation de nos handicaps de compétitivité.

Mes chers collègues, le Gouvernement s’est engagé dans une vaste révision des « niches fiscales ». Même si une actualisation peut sembler nécessaire, la réforme de la défiscalisation outre-mer envisagée par l’article 43 du projet de loi de finances touche trop brutalement nos territoires.

En effet, le niveau de plafonnement prévu risque de rendre beaucoup moins attractifs les investissements en outre-mer. La défiscalisation outre-mer n’est pas un avantage indu, c’est un outil indispensable à l’investissement, au développement et à l’emploi dans des territoires structurellement sous-capitalisés.

En ce qui concerne les crédits consacrés au programme « Conditions de vie outre-mer », je constate que la priorité est toujours accordée au logement. Et pour cause ! Dans ce domaine, nous sommes confrontés à des difficultés particulières : insuffisance de l’offre, en particulier dans le secteur du logement social ; habitat insalubre encore trop important et prolifération de l’habitat spontané ; risques sismiques et climatiques ; rareté et cherté du foncier.

Face à cette réalité, les moyens sont cette année encore très insuffisants et je regrette, en particulier, la diminution de 40 % de l’effort en faveur de l’accession à la propriété.

Je constate également que persiste l’épineux problème de la dette de l’État envers les entreprises du bâtiment et des travaux publics qui œuvrent dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction très sociale. Cette année encore, le budget fait apparaître un écart de près de 50 millions d’euros entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement consacrés au logement.

S’agissant des crédits destinés à la coopération régionale, je voudrais souligner, monsieur le secrétaire d’État, que les crédits inscrits paraissent encore modestes au regard des fortes potentialités de développement qui existent dans ce domaine.

J’en viens maintenant à la création du Fonds exceptionnel d’investissement, destiné à soutenir la dynamique de développement des infrastructures et des équipements déterminants pour la croissance de nos territoires. Vous en conviendrez, les financements prévus sont insuffisants, compte tenu des objectifs : 16 millions d’euros en crédits de paiement. Je doute que cette somme soit de nature à garantir un financement à la hauteur des besoins.

En définitive, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les besoins en matière d’emploi et de logement sont encore considérables. L’État ne doit donc pas relâcher son effort en direction des populations ultramarines. Or les réformes programmées en matière de défiscalisation ou d’exonération de charges sociales constituent de réels sujets de préoccupation.

C’est pourquoi, en l’état actuel de ce projet de loi, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques n’a pas émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer », la commission s’étant, au contraire, prononcée en faveur de leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2009 consacre un engagement financier fort de l’État en faveur de l’outre-mer. Il est d’autant plus appréciable qu’il intervient dans un contexte budgétaire particulièrement contraint. Les crédits affectés à cette mission ne représentent cependant qu’une part modeste des 13,2 milliards d’euros qui seront globalement consacrés par l’État à l’outre-mer, sans compter la dépense fiscale, évaluée pour 2009 à 3,3 milliards d’euros, soit une augmentation de 17,4 %.

Cet effort financier intervient au moment où un nouvel élan doit être donné au développement des territoires ultramarins ; malgré la croissance réelle de leurs économies, la situation reste particulièrement fragile et plus encore avec la crise mondiale, aujourd’hui confirmée.

Il faut d’abord renforcer les outils juridiques et budgétaires permettant le rattrapage de l’outre-mer par rapport à la métropole en matière d’emploi.

Il convient également de relancer la politique du logement outre-mer, tant les besoins sont nombreux et insatisfaits, malgré les multiples dispositifs mis en place.

Sur ces deux sujets, j’espère que vous pourrez nous rassurer, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que les plafonnements des avantages fiscaux prévus par ce projet de loi, qui obéissent à une volonté de moralisation légitime, ne détourneront pas les investisseurs de l’outre-mer.

Pouvez-vous nous donner des précisions sur la revalorisation du « forfait charges » dans les DOM et l’extension de l’allocation de logement foyer ?

Vous avez déclaré récemment vouloir mettre à disposition des collectivités d’outre-mer pour un euro symbolique des terrains appartenant à l’État pour la construction de logements sociaux. Pouvons-nous en savoir plus à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État ?

Il est enfin nécessaire d’accomplir de nouvelles avancées en termes de santé publique, car si la situation sanitaire en outre-mer est à certains égards très spécifique, d’autres aspects, pourtant dépourvus de particularités par rapport à la métropole, y sont moins bien pris en charge par la collectivité publique.

La commission des affaires sociale a d’ailleurs adopté trois amendements destinés à limiter l’accès au tabac outre-mer ; nous en reparlerons.

Les crédits proposés répondent de façon relativement satisfaisante à ces défis et devraient également permettre le financement d’un certain nombre de mesures figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, que nous examinerons au début de l’année prochaine.

J’observe notamment que sera mieux financée la compensation aux organismes sociaux des exonérations de charges sociales patronales. Au cours de l’année 2009, celles-ci devraient obéir à deux régimes juridiques successifs : d’abord, au dispositif introduit par la loi de programme de 2003 ; ensuite, au dispositif recentré d’exonération de charges prévu par l’article 65 de ce projet de loi de finances, qui devrait entrer en vigueur le 1er avril prochain.

Il faut évoquer aussi l’augmentation des crédits destinés à l’insertion et à la qualification professionnelle, qui financent notamment le service militaire adapté. Je voudrais mettre en exergue l’exemplarité de ce dispositif, qui réussit à qualifier des jeunes sans diplôme et à insérer près de 80 % d’entre eux dans la vie professionnelle. Ce succès doit amener à envisager son extension à un nombre plus élevé de volontaires.

Ce projet de loi de finances prévoit également une augmentation sensible de la dotation de la ligne budgétaire unique. Pourtant, j’observe qu’en matière de logement social la réalisation de l’objectif de la loi DALO, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui prévoit la construction de 37 500 logements sociaux d’ici à la fin de l’année 2009, a été reportée à 2012.

Dans ce contexte, on peut regretter l’écart, de nouveau marqué cette année, entre le montant des autorisations d’engagement et celui des crédits de paiement, soit 49 millions d’euros pour 2009. S’il devait être renouvelé lors des prochaines lois de finances, nous risquons de revenir à la situation comptable dégradée de l’année 2006.

Enfin, je regrette que la fusion des actions « Sanitaire et social » et « Culture, jeunesse et sports » du programme « Conditions de vie outre-mer » se traduise par une baisse de 2,2 millions d’euros des mesures sanitaires et sociales et, en particulier, du financement d’actions de santé dans les collectivités d’outre-mer, tant ce domaine revêt pour elles un aspect essentiel.

Comme vous l’avez constaté, mes chers collègues, la particularité de la mission « Outre-mer » est cette année qu’elle s’accompagne d’un article rattaché – l’article 65 – qui modifie le régime d’exonérations de charges sociales patronales s’appliquant dans les quatre départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon depuis 2003.

Cet article constitue la reprise de dispositifs figurant dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que le Gouvernement a souhaité insérer dans ce projet de loi de finances.

L’objectif est de concentrer le dispositif actuel d’exonérations sur les salaires pour lesquels l’impact sera le plus fort. Cette réforme va incontestablement dans le sens d’une meilleure efficacité de la dépense publique. Pour autant, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements destinés à renforcer son effet positif sur l’emploi.

Si la qualité de ce budget doit donc être saluée, les mesures proposées m’inspirent trois interrogations.

La première porte sur la réforme du dispositif de mobilité, notamment celle de son opérateur, l’Agence nationale pour la promotion et l’insertion des travailleurs d’outre-mer.

La deuxième a trait à la revalorisation des paramètres du financement du logement social outre-mer, cette question étant indissociable du montant inscrit sur la ligne budgétaire unique.

La troisième, enfin, concerne la formation des personnels médicaux outre-mer, car la Réunion est sous-médicalisée. Avec un étudiant formé pour 24 800 habitants, contre un pour 8700 en métropole, elle accuse encore le niveau le plus faible des régions françaises.

Sans doute certains de ces points seront-ils l’objet de dispositions de la future loi pour le développement économique de l’outre-mer ou de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » en ce qui concerne la formation des médecins, mais ils sont également étroitement liés aux choix budgétaires faits dans le cadre du présent projet de loi de finances. C’est pourquoi je souhaiterais connaître les orientations du Gouvernement à court terme et à moyen terme.

Ces questions ne font pas obstacle, mes chers collègues, à l’avis favorable de la commission des affaires sociales sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009, ainsi que sur l’article 65 rattaché, sous réserve de l’adoption des amendements que je vous présenterai dans la suite de la discussion. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le développement de l’outre-mer est non seulement un devoir de solidarité vis-à-vis de nos compatriotes ultramarins, mais également un investissement utile à la France tout entière.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. N’oublions pas, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État devant la commission des lois, qu’environ 95 % de la surface maritime de notre pays proviennent des zones économiques générées par l’outre-mer, ce qui nous place au deuxième rang mondial des puissances maritimes et nous permet d’être présents dans les instances internationales couvrant notamment les trois principaux océans : l’océan Atlantique, l’océan Indien et le Pacifique, sans compter l’océan Antarctique et d’autres mers du globe.

L’effort de l’État qui, en dépit d’une conjoncture difficile, fait plus que se maintenir avec une augmentation de 3,4 %, est donc pleinement justifié et doit être salué. Les crédits globaux, tous ministères confondus, sont ainsi loin d’être négligeables, atteignant environ 16,5 milliards d’euros.

Toutefois, la mission « Outre-mer » proprement dite, que nous examinons aujourd’hui, se limite à une petite partie de l’ensemble des mesures prévues pour l’outre-mer, à savoir un peu plus de 14 % de la totalité.

De plus, comme les années précédentes, on doit constater, comme si cela devait être systématique, une modification du périmètre de cette mission par rapport à l’exercice précédent, ce qui rend les analyses et les comparaisons plus difficiles. Il serait temps d’arrêter une bonne fois pour toutes le cadre de cette mission budgétaire, soit en la recentrant clairement et définitivement sur la seule coordination des politiques ultramarines, soit en changeant de cap et en se tournant, ainsi que le permet la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, vers une mission interministérielle.

Certes, les documents de politique transversale sont de mieux en mieux faits, je le reconnais, et donc de plus en plus explicites, mais, au pays de Descartes, un minimum de logique et de cohérence s’impose, d’autant plus que de nouvelles modifications du périmètre de cette mission sont annoncées pour l’avenir.

Comme je l’ai dit précédemment, l’effort de l’État pour l’outre-mer continue et s’amplifie. On peut s’en féliciter. Encore faut-il veiller à ce qu’il soit efficace, c’est-à-dire « rentable », en suscitant un développement réel et concret des économies ultramarines et du niveau social des territoires concernés.

En d’autres termes, il est essentiel de mesurer régulièrement les effets directs et indirects de chacun des instruments retenus, qu’ils le soient sous forme de subvention, de défiscalisation ou d’exonération de charges sociales.

Cet effort doit également se fonder sur une sincérité des marchés et des coûts de distribution, faute de quoi il perdrait en efficacité pour une charge financière plus élevée, génératrice, de surcroît, d’effets d’aubaine. Aussi, nous ne pouvons qu’approuver vos déclarations devant la commission des lois, monsieur le secrétaire d’État, selon lesquelles les maîtres mots de votre action dans ce domaine sont et seront : « transparence et concurrence ».

Nous savons tous qu’un grand nombre de prix outre-mer sont anormalement élevés et ne se justifient ni par le surcoût du transport dû à l’éloignement et à l’insularité, ni par l’étroitesse du marché. Il est donc essentiel de favoriser la vérité des prix pour répondre à l’attente des populations ultramarines et favoriser le développement économique et social de ces territoires.

Il en est de même pour la continuité territoriale : l’engagement important de l’État ne trouvera sa pleine signification qu’avec des tarifs compétitifs et un nombre de sièges passagers suffisant.

En effet, la transparence et la concurrence dans une approche équilibrée seront de nature à grandement améliorer la situation et nous appuyons la démarche du secrétariat d’État à l’outre-mer et donc du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

La commission des lois, comme à son habitude, mes chers collègues, a procédé, lors de l’examen de ce budget, à un tour d’horizon des différents territoires d’outre-mer pour faire le point sur leurs éventuels problèmes. Je vais rapidement résumer ses réactions.

La commission des lois regrette que l’immigration clandestine, malgré des mesures importantes, reste aussi préoccupante, notamment en Guyane, où elle aggrave l’insécurité, ou en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Mayotte.

Elle regrette également la dégradation persistante de la situation carcérale, avec des taux de surpopulation que l’on ose à peine indiquer : par exemple, 251 % à Saint-Denis de la Réunion, ou 285 % à la prison Nuutania, à Tahiti. La visite de ces établissements, que votre rapporteur pour avis a pu faire pour certains d’entre eux, est une épreuve encore plus significative, mais qui permet de comprendre que seuls le dévouement et le pragmatisme du personnel de l’administration pénitentiaire sont à même d’éviter le pire, et encore doivent-ils agir dans des conditions extrêmement difficiles.

Quant aux nouvelles constructions, elles sont souvent absorbées et dépassées, en Martinique notamment, par l’augmentation du nombre de détenus.

La commission des lois ne cache pas non plus ses préoccupations quant aux conditions qui sont celles de la justice dans les différents territoires, avec parfois un manque crucial de moyens.

La jeunesse mérite toute notre attention, et l’outil « enseignement », qui est fondamental, prend une dimension plus importante encore outre-mer. L’État en est conscient et ne ménage pas, je tiens à le souligner, son engagement en la matière, mais la démographie galopante, éventuellement liée à une immigration massive, a parfois raison des efforts entrepris en matière d’équipement et de fonctionnement.

Tel est le cas, par exemple, à Mayotte – une collectivité qui attend la suite du processus de départementalisation –, où le nombre élevé d’enfants scolarisés est sans commune mesure avec la population de la collectivité. Votre commission souhaite donc que les financements soient adaptés aux réalités du terrain.

La question du désenclavement de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui est liée à un développement important de la coopération avec le Canada, ainsi que le préconise dans son excellent rapport notre collègue Denis Detcheverry, mérite toute notre attention. Il serait temps que des mesures concrètes d’envergure voient enfin le jour.

Les deux nouvelles collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy prennent leur essor, et votre commission se félicite de constater que leurs statuts sont désormais quasiment applicables en totalité. Elle se réjouit également de la poursuite des transferts de compétences en Nouvelle-Calédonie, et ce dans le respect non seulement des accords de Nouméa, mais également des positions exprimées par l’ensemble des membres du comité des signataires. Sur des sujets aussi sensibles, seul un consensus entre toutes les parties est gage de succès.

La question des compétences et des moyens des communes de Polynésie est toujours ouverte et mérite de faire l’objet d’avancées prochaines pour que la réforme statutaire de ce territoire prenne tout son sens.

Pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, votre commission se réjouit de l’inauguration récente par M. le secrétaire d’État de la piste aérienne de Futuna, qu’elle réclamait sans relâche depuis de nombreuses années afin de désenclaver cette île qui est la plus éloignée de la métropole.

Elle s’inquiète, cependant, de la baisse démographique qui touche l’ensemble de cette collectivité, la population étant passée de 15 000 habitants à 13 500 habitants en cinq ans. Il convient de noter que le nombre de Wallisiens est bien plus important en Nouvelle-Calédonie qu’à Wallis-et-Futuna !

Alors que s’achèvera, en mars 2009, l’année polaire internationale, je me réjouis de l’entrée de l’île de Clipperton dans la Constitution aux côtés des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF.

Tous les territoires de la République sont désormais consacrés par notre loi fondamentale.

Sous ces réserves et au bénéfice de ces observations, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le temps de parole attribué aux groupes pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

En application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Adrien Giraud.

M. Adrien Giraud. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances est toujours un moment essentiel du travail législatif, qui engage des choix primordiaux pour l’avenir de notre pays. Elle nous permet également d’engager une réflexion sur le bien-fondé de nos décisions passées et de dresser un bilan de leur efficacité.

Pour nous, parlementaires de l’outre-mer français, il s’agit d’un événement fondamental, même si le budget du secrétariat d’État chargé de l’outre-mer ne représente, nous le savons tous, qu’une fraction du total des crédits publics destinés à l’outre-mer français.

Au-delà, ce débat budgétaire nous donne l’occasion – encore trop rare ! – de conduire une réflexion d’ensemble sur la situation financière de nos collectivités et sur leurs priorités.

Aujourd’hui, alors que s’achève l’année 2008, le passé et le futur de Mayotte, son bilan et ses projets, se rejoignent dans la perspective, désormais proche, de bénéficier d’un statut départemental.

La départementalisation de Mayotte a cessé d’être un vœu pieux, un appel sans réponse… Après cinquante années de combat, les Mahorais ont cette fois-ci la possibilité de voir consacrer leur volonté de rester Français, c'est-à-dire d’afficher et de revendiquer pleinement leur attachement aux institutions et aux valeurs fondamentales de notre République. De ce fait, ils veulent aussi dire leur détermination à être reconnus à part entière dans le droit européen.

Enfin, ils affirment leur espoir de voir leur collectivité s’épanouir dans un développement équilibré au sein d’un environnement paisible. On nous dit que la « départementalisation de Mayotte n’est pas une panacée ». Nous le savons mieux que personne, mais nous savons aussi qu’elle constitue, avec toutes les adaptations requises, la meilleure réponse aux multiples problèmes qui freinent aujourd’hui nos progrès. Il s’agit non pas seulement d’obtenir la départementalisation de Mayotte, mais de la réussir en franchissant toutes les étapes, en obtenant les différents concours et en faisant des efforts pour surmonter tous les obstacles que nous rencontrerons.

À l’occasion de la discussion de ce projet de loi de finances pour 2009, j’aimerais aborder ici cette question.

Mes chers collègues, la revendication mahoraise, cette longue marche qui remonte aux premiers temps de la ve République, n’a jamais été aussi proche de son aboutissement. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais, comme l’ensemble des Mahorais, connaître la question qui leur sera posée, lors de la consultation prévue en mars 2009, concernant le choix institutionnel qui leur sera proposé. Cette question devra être simple et claire, similaire à la formulation suivante que je vous propose : « Voulez-vous que la collectivité départementale de Mayotte devienne un département d’outre-mer ? »

J’ajoute que cette procédure, pleinement démocratique, est tout à fait conforme aux vœux des Mahorais.

La départementalisation de Mayotte est une revendication qui date d’un demi-siècle. Il faut en rappeler toute la portée, car ce changement statutaire ne saurait en aucun cas se résumer à un simple changement de dénomination.

À terme, Mayotte devra tout d’abord rentrer progressivement, mais pleinement, dans un processus d’application du droit commun. Cela implique d’y étendre les six domaines dans lesquels s’applique encore le principe de spécialité législative, même si nous demeurons acquis, je le répète, au principe d’une départementalisation « adaptée », ce qui ne signifie nullement dans notre esprit une départementalisation au rabais.

Surtout, il sera nécessaire de donner à Mayotte les moyens de mener à bien son développement. Trop longtemps en effet, nous nous sommes heurtés à une curieuse logique selon laquelle nous devions rattraper les autres DOM pour devenir département, alors même que les moyens de ce « rattrapage » résultent précisément du statut départemental.

Il serait également nécessaire de prévoir une dotation spéciale d’équipement, qui permettra à Mayotte de combler, au moins partiellement, ses importants retards.

C’est simplement avec une véritable politique d’investissement que Mayotte progressera de manière saine et rapide sur la voie du développement. Certes, nous avons déjà parcouru un très long chemin, mais beaucoup reste à faire !

À cet égard, je me dois de vous signaler qu’une part importante des crédits d’État prévus dans le cadre du contrat de projets de Mayotte 2008-2014 n’ont toujours pas été délégués. Il en va ainsi notamment des moyens de la politique du logement : sur les 24 millions d’euros accordés par l’État au titre des crédits publics, seuls 15 millions d’euros ont été délégués.

Ces retards pèsent lourdement sur les finances de notre « collectivité départementale » et limitent sensiblement ses pouvoirs d’initiative et d’investissement. Ainsi, cette année, nous avons été contraints une fois de plus, par manque de liquidités, d’ouvrir un lycée en préfabriqué, alors même que les besoins en constructions scolaires, qui ont été évalués depuis longtemps, se révèlent de plus en plus pressants. Comment voulez-vous que nous menions une véritable politique de « rattrapage », si les retards de paiement de l’État nous contraignent à ouvrir, dans l’urgence, des structures éphémères ? Cette situation doit être rapidement réglée, monsieur le secrétaire d'État.

Enfin, comment parler de développement sans évoquer la place et l’importance des « fonds européens » ?

Si la Guyane a pu bénéficier, entre 2000 et 2006, de 388 millions d’euros au titre des subventions, Mayotte, dont le poids démographique est comparable, n’a reçu que 15 millions d’euros entre 2004 et 2008, soit vingt-cinq fois moins ! Une telle inégalité de traitement confine à l’injustice.

Monsieur le secrétaire d'État, vous connaissez le problème aussi bien que moi ! Alors que Mayotte présente toutes les caractéristiques des « régions ultrapériphériques » de l’Union européenne, elle est classée parmi les pays et territoires d’outre-mer, les PTOM. À ce titre, à l’instar des territoires indépendants associés à l’Europe, elle ne reçoit que les aides prévues par le Fonds européen de développement, le FED.

Il est donc urgent que nous ayons accès aux fonds structurels européens. Pour ce faire, il existe une solution simple et rapide : la départementalisation.

En devenant un DOM, Mayotte accédera au statut de région ultrapériphérique et pourra enfin bénéficier de ces crédits européens ô combien nécessaires à son développement. Cette décision dépend donc exclusivement de l’État français ; il ne tient qu’au Gouvernement de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui voit l’Europe moins aider ceux qui en ont pourtant le plus besoin !

Vous le voyez, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, l’urgence du développement de Mayotte passe par le statut départemental, ce dont nous sommes convaincus depuis longtemps.

Enfin, j’aimerais évoquer un problème grave. Si la départementalisation participe à la fois de l’exigence du symbole et de l’urgence du développement, elle renvoie également aux problèmes de sécurité résultant d’une immigration étrangère encore trop mal maîtrisée.

J’ai déjà eu maintes fois l’occasion d’aborder cette question liée, chacun le sait, à l’arrivée massive, et parfois dans conditions dramatiques, comme ce fut le cas très récemment, d’immigrés d’origine comorienne, pour la plupart, qui entrent clandestinement à Mayotte. Il est capital que l’État se saisisse de ce problème avec la plus grande fermeté. Les patrouilles de la police aux frontières ont déjà été renforcées, et un radar supplémentaire a été installé. Nous nous félicitons de ces nouveaux moyens, mais ne nous leurrons pas : tant que la France n’aura pas adopté une position ferme à l’égard des autorités comoriennes, en engageant un dialogue d’État à État, et affirmé que le choix des Mahorais ne peut être remis en cause, rien de ce que nous ferons ne pourra être suffisant !

Mes chers collègues, vous l’avez compris, j’en suis sûr, 2009 devrait être, pour les Mahorais, une année essentielle : celle de l’ancrage définitif et volontaire de Mayotte au sein de la République française, celle de l’initiation d’une politique de développement économique et sociale ambitieuse et celle de la paix retrouvée dans son environnement régional.

Dans une récente allocution à l’Élysée prononcée devant les élus d’outre-mer, M. le Président de la République a affirmé qu’il respectera la parole donnée à Mayotte. Un tel engagement est, à nos yeux, essentiel, et je lui exprime, au nom de la population mahoraise, ma profonde gratitude.

Il est urgent de répondre à notre demande d’accession au statut de département français d’outre-mer. C’est dans cette perspective, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et pour vous témoigner ma confiance, que je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, la Réunion est l’un des départements qui connaissent la plus forte croissance démographique. Dans une vingtaine d’années, la population de l’île atteindra 1 million d’habitants. La Réunion est donc au carrefour des chemins.

Si rien ne change, tous les problèmes qu’elle connaît s’aggraveront. Je veux parler du taux de chômage, qui repart à la hausse pour atteindre de nouveau 30 %, des 65 000 RMIstes, des 30 000 demandeurs de logements sociaux, des 120 000 illettrés, des 300 000 personnes relevant de la CMU, la couverture maladie universelle, et, plus généralement, des 52 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Ou alors, on s’oriente vers des solutions innovantes, en rupture avec celles qui ont prévalu jusqu’à présent et qui ont inspiré tous les plans gouvernementaux, avec les résultats que l’on connaît.

C’est dans cet esprit que la majorité du conseil régional de la Réunion a élaboré un plan régional de développement durable - PR2D -, en concertation avec les partenaires sociaux et les autres collectivités locales.

Ce plan prévoit des solutions aux problèmes auxquels la Réunion est confrontée– chômage, déplacements, logement, protection de l’environnement et de la biodiversité – tout en tenant compte des grands défis mondiaux que sont le changement climatique, la crise énergétique, la mondialisation des échanges et l’évolution rapide de la technologie.

C’est ainsi qu’un programme de grands travaux a été élaboré pour une période allant jusqu’en 2014. Il porte sur plus de 3 milliards d’euros et permettra, notamment, de réaliser la route des Tamarins, le tram-train, ainsi qu’un nouveau tracé pour la route du littoral. Ce programme a fait l’objet d’un accord de principe et de financement en 2007 à Matignon. Ces grands travaux maintiendront en activité des milliers de travailleurs dans le bâtiment. De plus, ils régleront de manière durable le problème des déplacements à la Réunion, tout en respectant l’environnement grâce au tram-train.

Le plan régional de développement durable vise aussi l’autonomie énergétique du département à l’horizon 2025. La poursuite de cet objectif, en plus d’offrir une solution énergétique non polluante et renouvelable en remplacement des énergies fossiles, constitue aussi un gisement d’emplois très important. De ce point de vue, sous l’impulsion de la région, la Réunion se distingue par ses initiatives et ses réalisations.

Toutefois, la fin du chantier de la route des Tamarins, qui génère plus de 3 000 emplois directs et indirects, et l’attente du début des autres grands chantiers font craindre une période de forte récession. De plus, l’arrêt ou le report de certains travaux ainsi que les interrogations sur l’efficacité du nouveau dispositif de défiscalisation, qui remplacera le système en vigueur, nourrissent les plus vives inquiétudes.

Des milliers de travailleurs craignent pour leurs emplois pendant que des dizaines d’entreprises s’inquiètent pour leur survie. Selon certaines prévisions, on parlerait même du licenciement de quelque 3 000 à 4 500 ouvriers dès janvier prochain, lors de la reprise du travail dans le bâtiment, si ce n’est pas 9 000, comme le craignent certains.

Pour toutes ces raisons, au mois d’octobre dernier, des centaines de patrons ont, pour la première fois à la Réunion, manifesté devant la préfecture pour exprimer au représentant de l’État leur désarroi. Depuis, les articles réformant la défiscalisation ont été adoptés. Ce vote n’a pas pleinement rassuré les chefs d’entreprise, qui attendent du débat et de l’adoption de la future loi pour le développement économique de l’outre-mer davantage de garanties.

Pour tenter de maintenir le secteur du BTP à un niveau d’activité plus acceptable, le conseil régional, le conseil général, l’Association des maires et les représentants de la Réunion économique se sont réunis en « comité de suivi » afin d’inventorier les travaux en étude pour faire sortir des projets, définir les priorités et accompagner autant que possible leur réalisation. Des engagements ont été pris par l’ensemble des partenaires, ce qui devrait éviter une diminution trop importante de l’activité dans ce secteur. Le préfet de la Réunion a pris une initiative identique en y associant les banquiers.

Il reste un domaine qui n’est pas moins pourvoyeur d’emplois, celui du logement. De ce point de vue, l’engagement de l’État, compétent en la matière, constitue un élément décisif. J’aurai l’occasion d’y revenir tout à l’heure.

La crise financière et économique actuelle est venue exacerber tous ces problèmes. Il est primordial de maintenir le cap sur les objectifs du PR2D, lesquels tendent également au développement du secteur de la recherche et de l’innovation dans des domaines aussi variés que l’agriculture, la pêche et la forêt, la santé ou encore les télécommunications.

Cependant, cette crise fait ressortir plus que jamais l’impérieuse nécessité d’apporter une réponse à ceux qui sont le plus dans l’attente, c’est-à-dire les chômeurs et les demandeurs de logements sociaux.

Pour les premiers, l’entrée en vigueur du RSA doit être une opportunité à saisir de toute urgence. Nous pensons qu’il est possible à cette occasion de satisfaire les besoins de la Réunion dans des domaines très précis et de créer des dizaines de milliers d’emplois. Ces domaines concernent principalement l’environnement et les services à la personne.

S’agissant, tout d’abord, de l’environnement, la Réunion dispose encore d’une biodiversité riche et unique au monde. L’Union européenne a déjà souligné la contribution très importante de cette île au patrimoine mondial de la biodiversité et l’urgence de mener des actions de masse pour préserver la richesse de ce patrimoine, gravement menacé.

Sa sauvegarde et sa mise en valeur nécessitent la création de milliers d’emplois, notamment dans le parc national de la Réunion, qui recouvre une bonne partie du territoire de l’île, et dans le parc marin. Il en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets. C’est tout cela que j’englobe dans ce que j’appelle le secteur de l’environnement. On pourrait y ajouter d’autres activités, mais je ne prétends pas être exhaustive. Nous proposons de créer dans ce domaine un véritable service public qui mobiliserait des milliers de jeunes susceptibles d’entrer dans le champ d’application du RSA.

S’agissant, ensuite, de l’aide à la personne, un autre service public pourrait également être créé. À la Réunion, les offres d’accueil et d’encadrement pour les personnes âgées, les personnes handicapées et la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes. Il est indispensable de donner à cette population fragile les moyens nécessaires pour vivre décemment, si l’on veut assurer la cohésion sociale. Dans ce secteur aussi, les besoins en emplois se chiffrent par milliers, et seule la création d’un service public permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.

La création de ces deux grands services publics, qui pourraient générer de manière pérenne plusieurs dizaines de milliers d’emplois, suppose des actions de formation adéquates, une gestion transparente et paritaire de ces services afin d’éviter ce que le préfet de la Réunion a appelé « les emplois-magouilles ».

C’est cela, la rupture avec les pratiques jusqu’ici en vigueur.

Une telle démarche nécessite également une mobilisation de tous les outils financiers existants : ceux du RMI, des emplois aidés, des emplois verts, des crédits supplémentaires prévus pour le RSA, et je ne les cite pas tous.

À ces crédits peuvent s’ajouter, pour le service public d’aide à la personne, des contributions de la caisse d’allocations familiales, de la caisse de sécurité sociale et, éventuellement, des bénéficiaires de ce service, en fonction de leur capacité financière.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création de ces deux grands services publics est une expérience qui mérite d’être menée à la Réunion, en vertu du droit constitutionnel à l’expérimentation. Elle répond à des besoins urgents de notre population et elle peut atteindre l’objectif que se fixe le Gouvernement, à savoir une perspective d’insertion avec un revenu décent pour le plus grand nombre.

Je pense que l’on peut trouver les moyens pour la réaliser, sans qu’il soit nécessaire de demander un effort financier exorbitant à l’État, même si ce dernier doit être raisonnablement sollicité puisqu’il s’agirait surtout d’un redéploiement de fonds déjà existants.

L’état d’urgence dans lequel se trouve l’emploi à la Réunion ne nous permet pas d’attendre 2011, comme le prévoit l’article 15 de la loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Mettons en œuvre, dès maintenant, cette action expérimentale de création de ces deux services publics. Accepteriez-vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que nous introduisions cette demande lors de la discussion du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ? Il n’y a pas d’autres solutions si l’on veut limiter les dégâts de la crise actuelle et éviter la catastrophe !

En ce qui concerne le logement social, vos crédits, madame la ministre, ne permettront manifestement pas de faire face aux besoins des Réunionnais.

En 2009, la ligne budgétaire unique, ou LBU, comportera 258 millions d’euros en autorisations d’engagement et 209 millions d’euros en crédits de paiement. Ces chiffres sont supérieurs à ceux de 2008, mais inférieurs au montant moyen des crédits affectés durant la période 2005-2007, qui s’élevait à 270 millions d’euros.

Le problème réside dans les difficultés qu’éprouvent les promoteurs sociaux à utiliser ces crédits. L’augmentation des coûts de production et les nouvelles exigences réglementaires font qu’il existe un écart de l’ordre de 30 % entre les coûts réels de production et les paramètres financiers de la LBU.

Le résultat le plus tangible de cette situation, c’est qu’avec un même budget l’on finance de moins en moins de logements. À la fin des années quatre-vingt-dix, on pouvait espérer construire 4 500 à 5 000 logements sociaux par an à la Réunion. La moyenne se situe aujourd’hui à 2 800 logements par an, logements locatifs sociaux et très sociaux compris.

Nous savons que vous êtes en train de préparer de nouveaux textes pour réévaluer ces paramètres financiers. Selon les informations en notre possession, il semble que vos propositions apportent, certes, des améliorations, mais qu’elles ne répondent pas suffisamment aux attentes de la profession.

Enfin, et ce sera le dernier élément sur ce chapitre, l’État a signé avec les vingt-quatre communes réunionnaises des contrats d’objectifs fonciers qui fixent des perspectives de construction de logements sociaux. Le projet de budget pour 2009 est présenté selon de nouvelles modalités, dans le cadre d’une programmation triennale couvrant la période 2009-2011. Nous ne voyons pas, dans les chiffres annoncés, les moyens susceptibles d’atteindre les objectifs fixés dans ces contrats.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’une manière générale, ces crédits nous étant soumis avant le projet de loi LODEOM, il s’agit, en quelque sorte, d’un budget sous embargo puisque la plupart des dispositions qu’il doit financer- les fonds exceptionnels d’investissements, les aides aux intrants et aux extrants, la continuité territoriale, le nouveau système d’exonérations de charges, le nouveau dispositif de défiscalisation, pour ne citer que ceux-là. - ne seront applicables qu’une fois la loi adoptée. Autrement dit, elles entreront en vigueur avec trois, voire six mois de retard !

Au début de l’année prochaine, l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer nous donnera l’occasion de débattre plus profondément de la politique que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour nos départements et collectivités.

La discussion du projet de loi de finances pour 2009ne donne, au mieux, qu’un avant-goût de ce futur débat, auquel nous y ajouterons, notamment, les préoccupations de nos producteurs vis-à-vis de l’entrée en vigueur, l’année prochaine, des accords de partenariat économique, les APE, et celles de nos agriculteurs à propos de la fin des accords sucriers européens, en 2014.

Nous souhaitons connaître les initiatives que compte prendre le Gouvernement pour faire face à ces nouvelles menaces.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2009.

Il faut d’abord souligner que l’architecture de cette mission a évolué depuis un an.

En effet, à partir de 2009, le contenu de la mission traduit un changement de modèle de la politique gouvernementale dans nos régions. L’approche régionale s’appuie désormais sur une programmation pluriannuelle des dépenses publiques, grâce à la réorganisation de l’administration chargée de l’outre-mer, sur une logique de développement de nos régions dans les secteurs les plus dynamiques ainsi que sur une présence économique fortement affirmée dans leur environnement régional.

Ainsi, la nouvelle délégation se voit confier un rôle de synthèse, de conception et de coordination de l’action de l’État envers les collectivités d’outre-mer. L’objectif est de faire du secrétariat d’État une administration non pas de gestion mais de renforcement des actions d’expertise et d’évaluation, celles-ci étant indispensables à l’ensemble des politiques de l’État outre-mer.

Dans le projet de loi de finances, la mission « Outre-mer » est dotée pour 2009 de 1,97 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,88 milliard d’euros en crédits de paiement, ce qui traduit, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, un engagement financier fort de l’État en faveur de l’outre-mer.

L’évolution des crédits pour 2009 porte fondamentalement sur l’emploi et sur les conditions de vie outre-mer.

L’emploi en outre-mer constitue incontestablement une question récurrente. Depuis des années, pour y répondre, le budget s’efforce de contribuer à la lutte contre les handicaps structurels qui affectent nos régions.

Cette année encore, je note, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’effort qui a été accompli au travers du programme « Emploi outre-mer », avec la mise en place de deux types d’action qui visent, d’une part, à abaisser le coût du travail par des exonérations de charges sociales et, d’autre part, à instaurer et à pérenniser des dispositifs encourageant la formation professionnelle.

Le mécanisme d’exonération de charges sociales, appelé désormais « soutien aux entreprises », va permettre, en abaissant les charges de ces dernières, de favoriser la production de biens et de services et de créer des emplois.

L’action « Soutien aux entreprises » voit donc sa dotation passer de 856,7 millions d’euros en 2008 à un peu plus d’un milliard d’euros en 2009, ce qui représente une hausse incontestable. Cette augmentation résulte notamment de l’apparition d’une aide publique nouvelle destinée aux entreprises, notamment pour soutenir le fret.

La finalité du programme « Emploi outre-mer » est de faciliter la création d’emplois et l’accès au monde du travail. Ce programme s’inscrit par ailleurs dans une réalité économique des régions ultramarines marquée par un taux de chômage toujours plus élevé qu’en métropole. En Guadeloupe, ce taux oscille autour de 22 %.

À ce stade de mon intervention, j’en viens au chômage des jeunes, un thème qui justifie mon inquiétude, en Guadeloupe mais plus particulièrement dans la région de Basse-Terre, où le chômage des jeunes est provoqué par un aménagement inéquitable du territoire. Le chômage frappe, dans nos régions, tous les jeunes, qu’ils aient reçu une formation professionnelle qualifiante ou qu’ils soient en situation d’échec scolaire. L’ensemble de ces jeunes rentrent dans un processus d’assistanat très marqué dans la région de Basse-Terre, qui s’appauvrit.

Ces jeunes se marginalisent, car ils s’estiment de plus en plus exclus de toute possibilité de travail. Ils ne trouvent refuge que dans la rue, avec son cortège de dérives.

Là encore, si les effets négatifs de la délinquance sont mieux maîtrisés, si les résultats se sont améliorés, il n’en demeure pas moins que la petite délinquance reste encore très forte.

Ce qui frappe particulièrement en Guadeloupe, c’est l’apparition d’un phénomène inacceptable, je veux parler de ces jeunes désœuvrés qui déambulent par petits groupes dans les rues, qui fouillent les poubelles pour récupérer les restes de nourriture, surtout devant les supermarchés. Or le long combat qui a été mené pour obtenir la départementalisation avait justement pour finalité de faire disparaître ces situations de détresse de nos régions.

De plus, en tant que maire de la ville de Basse-Terre, je suis très préoccupée par le refus de certains jeunes de s’insérer dans notre société, en dépit des efforts que nous faisons pour eux, au nom d’un mode de vie totalement différent du nôtre.

J’espère que les crédits inscrits à l’action « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » permettront d’apporter des réponses aux problèmes que j’ai évoqués et contribueront à une véritable politique de relance de la région de Basse-Terre.

Je crois fortement à l’action efficace du service militaire adapté, …

Mme Lucette Michaux-Chevry. … qui reste un moyen indispensable pour resocialiser notre jeunesse, faciliter son insertion dans la vie sociale et, ainsi, mettre fin à des situations d’échec.

Outre le taux de chômage des jeunes, je veux insister ici plus encore sur la détérioration du territoire de la Basse-Terre.

Le fort taux de chômage que connaît la région de Basse-Terre est dû à son faible développement et à l’exode d’une grande partie de sa population vers la région pointoise.

On assiste aujourd’hui à un phénomène de recentralisation de la population autour du centre urbain formé par Pointe-à-Pitre, Les Abymes, Le Gosier et Baie-Mahault. Le regroupement de ces communes, rendu possible grâce, notamment, aux importants financements apportés par l’État à travers l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, se fait dans l’intérêt d’une seule partie du territoire et au détriment d’autres parties.

Outre l’attirance artificielle qu’exercent sur les jeunes ces pôles, même nécessaires, ce regroupement concentre les infrastructures nécessaires au développement que sont le port et l’aéroport, ainsi que l’importante zone économique de Jarry, cela au détriment de la Guadeloupe profonde, de ses zones rurales, dont la dévitalisation va s’accélérer.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je m’inquiète du devenir très préoccupant de la région de Basse-Terre, chef-lieu administratif de la Guadeloupe.

Cette ville voit disparaître des pans entiers de son économie avec la perte d’administrations qui en formaient jusqu’à présent le poumon, que ce soient les services des douanes ou de la poste, toutes transférées vers Pointe-à-Pitre, sans parler de la réduction de son espace judiciaire. S’il est indispensable que Saint-Martin et Saint Barthélemy disposent d’une administration judiciaire, pour autant la compétence administrative du tribunal de grande instance de Basse-Terre aurait pu s’étendre à d’autres communes, par exemple Petit-Bourg. Cela n’a pas été fait.

De même, aucun projet structurant n’est prévu pour prendre en compte la vitalité du port de Basse-Terre, laissé dans un état de total abandon, alors que les moyens techniques modernes auraient permis de donner un souffle nouveau à cette infrastructure.

J’en arrive à m’interroger, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État : est-il encore bien utile que je m’évertue à demander au ministère chargé des transports que le port de Basse-Terre soit membre du port autonome de la Guadeloupe ? Aucune des requêtes que j’ai adressées dans ce sens depuis 1995 n’a connu de suite favorable !

Le développement économique de l’île se concentrant à Pointe-à-Pitre, ne faudrait-il pas, dans le cadre du nouveau contrat de plan, que l’État joue son rôle d’arbitre pour imposer une autre politique patrimoniale et culturelle en faveur de la région de Basse-Terre, autour de l’emblématique Fort Delgrès ou du chevalier de Saint-Georges ?

Pointe-à-Pitre, capitale économique, Basse-Terre capitale administrative et culturelle, ville d’art et d’histoire : ce rééquilibrage du territoire prendrait en compte la réalité géographique et historique de la Guadeloupe.

J’en viens maintenant au programme « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer ».

Le logement, en particulier le logement social, bénéficie d’un effort important. Je rappelle que les besoins considérables en la matière exigent que cet effort soit soutenu. Toutefois, je souhaiterais qu’il ne soit pas uniquement financier, mais qu’il prenne en compte d’autres éléments, tels que le respect de l’architecture des constructions réalisées autrefois en Guadeloupe. Un certain modèle de construction propre aux Antilles est en train de disparaître. J’oserai donc le dire, et vous conviendrez qu’il faut un certain courage s’agissant du logement social : il en faut moins, mais de meilleure qualité !

Les logements sociaux sont en réalité des blocs sans âme, où la vie devient insupportable, où les jeunes n’ont que les escaliers pour s’amuser en raison d’aménagements extérieurs souvent médiocres, d’espaces de convivialité inexistants, d’espaces verts insuffisants. Est-ce ainsi que nous voulons continuer ? Allons-nous persister à défigurer le paysage guadeloupéen ?

En outre, monsieur le secrétaire d'État, comme je vous l’ai dit lorsque nous nous sommes rencontrés à la préfecture de Basse-Terre, la construction des logements sociaux doit prendre en compte les difficultés liées à la pénurie en eau potable et les problèmes d’assainissement. Il est tout de même inadmissible que la Guadeloupe, autrefois appelée l’île aux belles eaux, soit confrontée à une grave pénurie d’eau potable. Certes, le conseil régional aurait pu apporter son soutien financier aux investissements nécessaires, mais il ne le fait qu’en fonction de certaines considérations. (M. Serge Larcher sourit.)

Ainsi, la région de Basse-Terre, partie pluvieuse de la Guadeloupe, est complètement oubliée dans cette politique de l’eau.

Certes, le dispositif mis en place par le Gouvernement afin de faciliter l’accès à la propriété nous permettra d’apporter des réponses aux problèmes des dents creuses. Je reste néanmoins préoccupée par l’absence de tout soutien en faveur des vieilles maisons coloniales, qui perdent peu à peu ce qui faisait leur charme parce que les personnes âgées qui les occupent n’ont pas les moyens d’en assurer l’entretien.

Je tiens à souligner l’intérêt du fonds exceptionnel d’investissement prévu dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. Permettre le financement « d’opérations portant sur des équipements publics collectifs structurants » est une excellente idée qui permettra ainsi à l’État de veiller à plus d’équité.

Je note avec satisfaction qu’il est doté pour la première année de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16 millions d’euros en crédits de paiement.

En ce qui concerne le passeport mobilité, les modifications apportées au dispositif, qui ont suscité quelques secousses, mais ils étaient nécessaires, visent à introduire plus de justice et à mettre fin à une politique véritablement démagogique de certaines collectivités.

Le dossier de la défiscalisation, monsieur le secrétaire d'État, a créé de nombreuses turbulences et a suscité des interventions incompréhensibles et contradictoires de la part de certains prétendus défenseurs des plus défavorisés.

Aujourd'hui, le Gouvernement entend s’engager dans une politique de défiscalisation plus démocratique, plus territorialisée et devant répondre à l’intérêt général, c'est-à-dire orientée vers un nombre plus important de Guadeloupéens.

En effet, les malins, ceux qui savent utiliser les outils législatifs, avaient trouvé le moyen, en accumulant les mesures de défiscalisation, de se soustraire totalement à l’impôt. Est-ce ce que nous voulons ? Voulons-nous que, demain, nos enfants et nos petits-enfants ne trouvent plus de terrains pour construire leur maison, parce que des gens venus d’ailleurs investissent dans des programmes immobiliers sans même savoir où se trouve la Guadeloupe ? Est-ce cela que nous appelons une défiscalisation au profit de l’intérêt général ?

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous avez fait acte de courage, et, dans ces cas-là, les réactions sont inévitables, ici et ailleurs. Mais le Gouvernement a ainsi manifesté sa volonté de permettre à l’outre-mer de se moderniser par la recherche de l’excellence et de la performance et a invité les élus à prendre toutes leurs responsabilités pour faire face aux grands défis qui attendent notre espace régional.

Pour ma part, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ». (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le vote des crédits de la mission « Outre-mer » est l’occasion, chaque année, de rappeler que l’outre-mer est non pas un boulet pour la France, mais bien un atout précieux, en raison de sa diversité culturelle, de ses potentiels en termes de ressources naturelles, de son environnement géographique et des possibilités qu’il offre sur le plan des échanges et des relations géostratégiques.

Monsieur le secrétaire d'État, dès votre prise de fonction, vous vous êtes attelé avec efficacité aux dossiers en cours, et la tâche n’était pas aisée, notamment la préparation du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, la question du chlordécone ou encore les mesures d’urgence nécessitées par la crise financière actuelle, dont les effets pourraient être encore plus dévastateurs dans nos contrées qu’en métropole.

À périmètre constant, les autorisations d’engagement de la mission « Outre-mer », d’un montant de 1,97 milliard d’euros, progressent de 19,2 %, tandis que les crédits de paiement, d’un montant de 1,88 milliard d’euros, progressent quant à eux de 16 % par rapport à 2008. Cet effort est appréciable, même si, ici ou là, quelques interrogations subsistent.

Avant de m’intéresser plus avant aux programmes composant cette mission, je ferai quelques remarques d’ordre général.

D’une part, je suis conscient que ce budget ne représente pas l’effort financier global de l’État en faveur de l’outre-mer, mais qu’il n’en retrace qu’une petite partie. Cet effort global, qui se monte à 13,4 milliards d’euros, est considérable, même s’il a tendance à stagner.

Toutefois, si l’on prend en compte les 3,3 milliards d’euros consacrés, en 2009, aux exonérations fiscales, cet effort financier global augmente de 6 %, ce qui est appréciable dans le contexte financier actuel.

D’autre part, on ne peut que prendre acte de la volonté de rationalisation qui s’est manifestée à travers la révision générale des politiques publiques. Celle-ci a conduit à la mise en place de la délégation générale à l’outre-mer, dont on ne peut qu’espérer qu’elle ne compromettra pas l’efficacité de l’action de l’État, compte tenu des enjeux majeurs de la période qui s’ouvre.

J’en viens maintenant à la mission « Outre-mer » proprement dite.

Tout d’abord, les ajustements réguliers de périmètre, si judicieux et nécessaires soient-ils, rendent toujours plus difficiles l’étude et l’appréciation de l’évolution de l’ensemble des crédits consacrés à cette mission.

Nous espérons que ce périmètre finira par se stabiliser, ce qui facilitera la tâche des uns et des autres.

J’en viens maintenant aux détails des programmes composant la mission « Outre-mer ».

Tout d’abord, le programme « Emploi outre-mer », qui représente la plus grosse part des crédits alloués à cette mission, soit 63,40 %, connaît une hausse de 19,42 % en crédits de paiement et de 20,26 % en autorisations d’engagement. Je m’en félicite.

Il convient de noter que les crédits de l’action « Soutien aux entreprises » de ce programme enregistrent une forte hausse, de 21,1 %.

Soulignons également la nouvelle ligne de crédits destinés à soutenir le fret. Cet effort budgétaire important montre que le Gouvernement est décidé à aider les entreprises, afin que celles-ci puissent créer des emplois.

Si ces avancées sont tout à fait notables, en revanche certaines questions se posent en matière d’exonérations de charges sociales, monsieur le secrétaire d'État, notamment à cause de l’article 65 du projet de loi de finances, qui est rattaché à la mission « Outre-mer ».

Comme d’autres intervenants avant moi, je regrette que cet article soit discuté avant l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui se trouve sur le bureau du Sénat depuis le 28 juillet dernier !

C'est pourquoi je soumettrai deux amendements à notre assemblée, l’un visant à conditionner l’application des dispositions de cet article à l’entrée en vigueur de la future loi, l’autre tendant à prendre en compte l’existence de zones franches urbaines outre-mer.

Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais également vous faire part de nos interrogations sur les conséquences prévisibles que les dates butoirs et les paliers prévus par l’article 65 en matière d’exonérations de charges sociales entraîneront sur l’emploi qualifié.

Nous souhaitons tous que se développent dans nos régions des entreprises à forte valeur ajoutée, notamment dans les secteurs de l’environnement et des nouvelles technologies. Espérons donc que l’impact de cet article sur l’emploi qualifié ne sera pas négatif !

J’en viens à un sujet vital pour les petits entrepreneurs ultramarins. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner, ceux-ci bénéficiaient jusqu’à présent de la défiscalisation dite « en interne », qui leur permettait d’autofinancer leurs investissements et d’assurer leur trésorerie par le refinancement de leurs créances sur l’État.

Or, en l’état actuel du projet de loi de finances pour 2009, cette disposition semble remise en cause. Monsieur le secrétaire d'État, comptez-vous rétablir la situation antérieure, au bénéfice de ces petites entreprises ?

En ce qui concerne l’action n° 2 « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle », nous constatons également une augmentation des crédits de paiement, de l’ordre de 8,74%. Je me réjouis de cette hausse, qui sert essentiellement à financer le SMA, le service militaire adapté. En effet, ce dispositif a rencontré un véritable succès, comme le soulignait à l’instant Mme Lucette Michaux-Chevry, et il mérite d’être développé.

Pour autant, les autres aides à la qualification ou à la formation me semblent nettement en deçà des énormes besoins en la matière.

Monsieur le secrétaire d'État, je m’interrogeais tout à l’heure sur l’application du RSA outre-mer, mais votre collègue Martin Hirsch m’a rassuré, en soulignant, d'une part, que la taxe de 1,1 % ne serait pas prélevée outre-mer tant que le RSA n’y serait pas en vigueur, et, d'autre part, que le dispositif du RSA s’appliquerait outre-mer dès que les départements y seraient prêts.

J’en viens maintenant au programme « Conditions de vie outre-mer ». Celui-ci représente 39,51 % des crédits de la mission et connaît une hausse substantielle, dont il convient de se réjouir. Au sein de ce programme, mon propos va cibler trois actions en particulier.

Tout d’abord, j’évoquerai l’action « Logement ». Même si les crédits ici ont légèrement augmenté, je regrette que les dotations prévues ne puissent « éponger » entièrement la dette de l’État envers les bailleurs sociaux. Mes chers collègues, nous devons conforter la situation financière de ces derniers – j’y insiste – si nous voulons qu’ils réalisent les importants programmes de construction de logements sociaux qui leur incombent et qui induisent d’importants effets positifs sur le bâtiment et sur l’emploi.

De même, à la suite de Mme Anne-Marie Payet, j’aimerais attirer l’attention sur la nécessaire réactualisation des paramètres retenus pour le financement du logement social. Monsieur le secrétaire d'État, où en est ce dossier ? Ces paramètres étant figés depuis un certain temps, une action résolue s’impose à cet égard, me semble-t-il, afin de favoriser la réalisation de ces programmes de construction que nous attendons tous.

Ensuite, je veux insister sur l’action permettant la création du Fonds exceptionnel d’investissement. Le principe, monsieur le secrétaire d'État, en est tout à fait excellent, et je vous en félicite. Mais encore faut-il y mettre les moyens ! Seuls 16 millions d’euros en crédits de paiement et 40 millions d’euros en autorisations d’engagement sont alloués pour 2009, ce qui est bien peu.

Je me demande d'ailleurs si nous ne devrons pas procéder en cours d’année à certains arbitrages pour abonder cette ligne budgétaire, car, compte tenu des besoins énormes de l’outre-mer, la demande sera sans doute extrêmement forte. Avez-vous d'ores et déjà quelques idées sur cette question, monsieur le secrétaire d'État ?

Enfin, j’évoquerai l’action « Continuité territoriale ». Ses crédits n’ont pas évolué de façon très positive alors que, vous le savez comme moi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nos compatriotes de l’outre-mer sont très attachés au principe fondamental de la continuité territoriale, qui assure le lien entre tous les citoyens.

À l’évidence, les crédits sont insuffisants quand on sait combien le passeport mobilité et les actions menées dans le cadre du projet initiative jeune, qui rencontre d'ailleurs un grand succès, sont essentiels, pour les étudiants comme pour les jeunes en parcours d’insertion.

À propos, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous éclairer sur l’état d’avancement du dossier des tarifs aériens low cost pour les vols longs courriers, au sujet desquels, je le sais, vous menez des discussions ? Les résultats de ces négociations sont-ils favorables ? Sommes-nous proches de la fin du quasi-monopole d’Air France ?

Ne serait-il pas judicieux d’envisager la mise en place de « tarifs résidents », qui, comme ce fut le cas entre la Corse et le continent, entraîneraient une baisse substantielle des tarifs entre l’outre-mer et la métropole ?

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, quelles actions avez-vous entreprises pour traiter le problème de la pollution des sols par le chlordécone, qui est toujours d’actualité ? Vous savez combien cette question est importante pour l’image de l’outre-mer, et singulièrement de la Guadeloupe et de la Martinique.

Pour conclure, monsieur le secrétaire d'État, faire de l’outre mer un pôle d’excellence et de croissance économique est une mission difficile, mais pas impossible !

C’est en tout cas la tâche que vous vous êtes fixée, et j’ai envie de vous encourager. Pour cela, le mieux serait sans doute de voter votre budget (Sourires), qui s’inscrit dans le cadre d’une programmation pluriannuelle plutôt rassurante.

Toutefois, vous vous en doutez, avant de prendre une telle décision, j’attends, et avec beaucoup d’impatience, les réponses que vous voudrez bien apporter aux questions cruciales que je viens de poser. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Gaston Flosse.

M. Gaston Flosse. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme tous les parlementaires, j’ai été très intéressé par la présentation d’un budget en forte augmentation pour l’outre-mer.

J’apprécie la valeur du message ainsi adressé à nos populations.

Dans un contexte de très graves difficultés économiques et financières, le Gouvernement de la République veut montrer aux Français ultramarins qu’ils ne sont pas oubliés, qu’ils constituent même une véritable priorité, puisque, malgré la crise, l’effort de la nation en leur faveur augmente de plus de 9 %.

J’ai eu envie d’applaudir vigoureusement. D'ailleurs, j’aurais dû le faire immédiatement, sans réfléchir et sans lire le texte, parce que, quand on examine celui-ci avec attention, ce ne sont plus les mains qui expriment bruyamment l’enthousiasme, ce sont les dents qui grincent sourdement d’amertume et de colère impuissante.

Ce budget n’est qu’une opération de communication, monsieur le secrétaire d'État ! Il vise à masquer la réalité du recul des engagements de l’État en faveur des collectivités d’outre-mer.

Tous ceux qui ont lu comme moi le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale savent que les députés n’ont pas été dupes des artifices de présentation de ce budget. Et les sénateurs ne seront certainement pas plus naïfs.

Notre rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, malgré sa grande mansuétude, signale d’ailleurs qu’« il ne peut passer sous silence le fait que cette progression affichée ne correspond pas à la réalité. En effet, les augmentations consenties aux crédits de la mission "Outre-mer" servent à combler les dettes que l’État a contractées […] ».

Sans entrer dans des détails trop techniques, il faut d’abord rétablir la vérité : l’augmentation affichée de 9 % de ce budget n’a aucune signification ; elle peut même dissimuler une sévère diminution des crédits alloués !

Prenons-en un exemple simple. En Polynésie française, les pensions des retraités polynésiens constituent un soutien très important à l’économie. La réduction drastique de cette ressource et sa suppression progressive représentent pour nous une perte bien plus grande que les 9 % d’augmentation des crédits que l’on nous présente triomphalement !

Et qu’on ne vienne pas nous dire que cet argent sera réinvesti chez nous : c’est faux, et nous en avons déjà la preuve, avant même que la mesure ne soit appliquée ! Oui, déjà l’Assemblée nationale, sous la pression de Bercy, a adopté un amendement visant à transférer 10 millions d’euros économisés sur l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite, vers une autre ligne budgétaire.

Je n’entrerai pas dans une querelle de chiffres pour déterminer l’augmentation réelle des moyens consacrés à l’outre-mer. À quoi bon, d'ailleurs, puisque c’est la sincérité de la présentation qui est en cause !

Je me contenterai de deux exemples pour montrer que cette augmentation n’est qu’un artifice de présentation.

Premier exemple, dans ses dépenses en faveur de l’outre-mer, l’État comptabilise les ressources perdues à cause de la défiscalisation. C’est légitime, ou plutôt ce le serait si l’on prenait en considération le coût de la défiscalisation tel qu’on peut raisonnablement le prévoir en 2009, après les mesures de restriction qui seront adoptées la semaine prochaine. Malheureusement, le calcul a été réalisé à partir des sommes actuellement défiscalisées !

Or chacun sait qu’en raison même des mesures annoncées les sommes défiscalisées augmentent en ce moment très fortement et très provisoirement. C’est nous tromper que de prendre appui sur ce phénomène ponctuel pour réaliser une prévision pour 2009. Comment peut-on espérer accroître de plus de 300 millions d’euros l’incitation à l’investissement outre-mer au moment où l’on plafonne celui-ci ?

Second exemple, une part importante des dépenses affichées pour 2009 est constituée par le paiement de dettes de l’État, notamment vis-à-vis des organismes de sécurité sociale. Ce sont donc des dépenses déjà affichées dans les budgets précédents, qui n’ont pas été exécutées et que l’on nous « ressert » aujourd’hui en les faisant passer pour une augmentation de l’effort de l’État en faveur de nos collectivités !

Ces constats, qui concernent l’ensemble de l’outre-mer, suffiraient à motiver ma décision de voter contre ce budget. Toutefois, je dois également évoquer ici des problèmes propres à la collectivité que je représente.

La Polynésie française est naturellement touchée comme les autres collectivités d’outre-mer par le plafonnement de la défiscalisation ainsi que, plus que les autres, par la suppression de l’ITR.

Néanmoins, chez nous, ces régressions budgétaires s’inscrivent dans un contexte général de désengagement de l’État.

Mes chers collègues, jugez-en par vous-mêmes.

La Polynésie française n’a jamais bénéficié du RMI ni même des bourses scolaires. Elle a construit son propre système de protection sociale. Pendant quinze années, l’État a participé à l’équilibre de notre régime de solidarité envers les personnes sans ressources.

Cette aide est désormais supprimée.

L’État devait nous aider à achever et à mettre en service le nouvel hôpital que notre éloignement rend absolument nécessaire.

Cette aide nous est désormais refusée.

Le ministère de la défense, qui ne se faisait pas prier pour installer ses bases chez nous à l’époque où il organisait des essais nucléaires, nous considère aujourd’hui comme inintéressants pour la défense nationale. Partout, les effectifs sont réduits et près de 700 civils polynésiens perdent leur emploi.

Même le commandement supérieur des forces armées du Pacifique est transféré à Nouméa. Il est vrai que la Polynésie ne constitue plus un enjeu stratégique !

Et comment accepter que l’on repousse indéfiniment la reconstruction d’une prison qui détient le triste record de France pour la surpopulation carcérale ?

Comment expliquer surtout que, dans les archipels les plus éloignés des Australes et des Marquises, des gendarmeries comme celles de Raivavae, de Rimatara ou encore de Ua Pou soient fermées ? La population ne cesse d’augmenter, la délinquance est en nette progression dans ces îles éloignées, les plantations de pakalolo, autrement dit de cannabis, s’étendent dans pratiquement toutes les vallées, et l’on supprime des gendarmeries ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. C’est faux !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Tout à fait ! C’est faux !

M. Gaston Flosse. Madame la ministre, répondez-nous : allez-vous réellement fermer ces gendarmeries ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La décision n’est pas prise !

M. Gaston Flosse. Partout, financièrement, matériellement, humainement, l’État se désengage. Les faits sont là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Non, c’est faux !

M. Gaston Flosse. Pardon, je suis injuste : il est un domaine dans lequel l’État est beaucoup plus présent et s’intéresse plus que jamais à notre vie quotidienne : celui des conseils, des remontrances et des leçons.

L’État nous impose son observatoire des prix, alors qu’il s’agit d’un domaine qui relève de notre compétence.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Assumez-le !

M. Gaston Flosse. On nous explique ce que nous devons faire, dire et penser ; on nous dit pour qui et contre qui il faut voter, et, pendant que l’on nous déstabilise en réduisant nos ressources, on nous explique que nous devons tout accepter et, surtout, rechercher la stabilité.

Le plus triste, c’est que, contrairement à d’autres collectivités, nous avions les moyens institutionnels de résister à ces ingérences. Malheureusement, le président actuel de la Polynésie française est totalement soumis à la volonté du gouvernement central et donne sa bénédiction, explicite ou tacite, à tous les coups qui nous sont portés.

En tant que sénateur, je n’ai pas les moyens de m’opposer à ces dérives, mais j’ai un devoir : celui de dire la vérité aux Polynésiens. C’est ce que je ferai. Je leur dirai qu’il est inutile de mener des combats de retardement ou de gémir sur notre sort.

Nous devons désormais apprendre à nous débrouiller seuls et mobiliser toutes nos énergies pour construire ensemble une Polynésie véritablement autonome.

Nous devons nous responsabiliser.

La France a-t-elle encore conscience de ce qu’elle nous doit ?

La France a-t-elle encore conscience de ce que nous lui avons apporté tout au long des années ?

Avec nous, grâce à nous, la France est plus grande, la France est plus indépendante, la France est plus belle.

Faut-il croire que la France ne veut plus de nous tels que nous sommes ? Il est vrai que l’outre-mer n’est plus à la mode à Paris.

On nous somme de nous comporter comme de bons métropolitains ou de sortir de la République.

Nous ne pouvons pas – nous ne voulons pas – renoncer à notre langue, à notre culture, à notre art de vivre pour devenir des copies conformes des métropolitains.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Qui le demande ?

M. Gaston Flosse. Nous avons écouté avec attention les déclarations rassurantes du Président de la République, ainsi que les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, mais, en Polynésie française, le désengagement de l’État est tellement évident que de bonnes paroles ne suffisent pas à nous convaincre.

Il est possible que nous nous trompions. Si c’est le cas, tant mieux ! En effet, la majorité des Polynésiens – une majorité qui, hélas ! s’est considérablement affaiblie – reste fortement attachée à la France.

Je me suis beaucoup battu toute ma vie pour que la Polynésie reste française. J’avais la certitude que c’était le souhait de la majorité des Polynésiens, le souhait de la France.

Aujourd’hui, je doute. Je doute non pas du souhait des Polynésiens, mais de la volonté de la France : si la France ne veut plus de nous, qu’on nous le dise clairement !

Certes, le pire n’est jamais certain, mais les Polynésiens ne peuvent plus s’abstenir de se poser la question : ne doivent-ils pas se préparer à assumer seuls leur destin de peuple polynésien ?

Le pacte qui existe entre la France et nous a toujours été un pacte librement choisi : il a même été voulu.

Jamais nous ne pourrons nous résigner à l’indifférence et à l’oubli : telle n’est pas l’idée que nous nous faisons des femmes et des hommes de France.

Je mesure la gravité de cette question que je pose devant vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, et devant les Polynésiens. Je sais qu’elle me vaudra des mesures de rétorsion, mais je l’assume, parce que j’aime la Polynésie, comme j’aime la France.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris : même si ce projet de budget n’est pas la cause principale des craintes que je viens d’exprimer sur l’avenir de la Polynésie française, il les confirme, malheureusement : c’est donc sans hésitation que je voterai contre les crédits qui nous sont proposés.

M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas beaucoup d’applaudissements !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’état, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Claude Lise, qui, comme M. Georges Patient le rappelait tout à l’heure, a dû rentrer précipitamment en Martinique, en raison d’un décès survenu dans sa très proche famille. Il m’a fait l’honneur de me demander, non pas de le remplacer – il est irremplaçable ! –, mais de vous faire part des réflexions que lui inspire ce projet de budget.

Depuis quelques années, le budget de l’outre-mer présente deux caractéristiques remarquables.

La première, c’est que son périmètre varie au gré d’incessants transferts de crédits vers – ou en provenance – d’autres ministères.

La seconde, c’est qu’en dépit des dites variations il affiche toujours des taux de progression enviables, permettant d’étayer l’affirmation, reprise invariablement, selon laquelle l’outre-mer est une priorité pour la France.

En réalité, un examen attentif du document budgétaire révèle, chaque fois, que l’augmentation annoncée résulte, pour une bonne part, d’un changement de périmètre d’un budget à l’autre.

C’est le cas pour le projet de budget pour 2009. Présenté comme étant en augmentation de 16 % en crédits de paiement, il n’augmente, à périmètre constant, que de 9,2 %, un taux qui, de surcroît, doit être sérieusement relativisé.

En effet, il résulte, pour l’essentiel, de l’abondement du programme « Emploi outre-mer », destiné, en fait, pour une large part, à réduire la dette de l’État à l’égard des organismes de sécurité sociale, dette provenant d’une insuffisante compensation annuelle des exonérations de cotisations sociales patronales.

Si l’on ne tient pas compte de cette somme, sans effet sur le développement des collectivités ultramarines, le budget n’augmente, en réalité, que de 5 millions d’euros, c’est-à-dire de 0,3 % ...

Toutefois, ce qui est le plus préoccupant, c’est non pas tellement cette absence d’augmentation, mais bien le fait que l’on répande dans l’opinion publique l’idée que, dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, la France d’outre-mer est privilégiée, puisqu’elle disposerait de crédits en augmentation de 16 %.

C’est cette idée que beaucoup retiendront, alors que le budget de l’outre-mer ne représente qu’à peine plus de 14 % de l’effort global de l’ensemble des ministères et que, par ailleurs, cet effort global, en n’augmentant que d’un peu plus de 2 %, croît pratiquement dans les mêmes proportions que le budget de l’État.

Aussi préoccupant, ce budget restreint est présenté comme le support financier essentiel du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, en dehors, bien sûr, de ce qui relève des mesures fiscales.

Si tel est réellement le cas – comme le craint M. Claude Lise –, il faut reconnaître que les inquiétudes exprimées depuis des mois par l’ensemble des forces vives locales n’étaient pas sans fondement.

Certes, dans ce projet de loi de finances pour 2009 figure une prévision de dépenses fiscales en augmentation d’environ 500 millions d’euros, mais il s’agit d’une prévision dont la portée réelle dépendra largement de l’impact de la réforme du dispositif de défiscalisation déjà voté par l’Assemblée nationale.

Tout en souscrivant à l’objectif avancé d’une plus juste contribution de tous les contribuables au financement des charges publiques, je crains que cette réforme, opérée précipitamment et sans évaluation suffisante, n’altère par trop, pour les investisseurs, l’attractivité d’un dispositif d’aide à l’investissement dont le besoin est reconnu.

Bien sûr, il faut tenir compte des engagements pris lors de la présentation triennale du budget, selon lesquels les crédits de la mission « Outre-mer » devraient augmenter de 11,5 % d’ici à 2011. Je reconnais qu’il s’agit là d’un point positif.

Cependant, pour l’heure, ces engagements sont pris au conditionnel, et, surtout, ils ne peuvent avoir d’effet sur la situation que nous allons devoir affronter en 2009. Or, cette situation s’annonce particulièrement préoccupante.

La crise financière et économique qui sévit va, en effet, frapper, outre-mer, des économies qui, malgré le dynamisme dont font preuve les acteurs économiques locaux, demeurent structurellement fragiles.

À la Martinique, département dont M. Claude Lise préside le conseil général et dans lequel on panse encore les plaies du cyclone Dean et du séisme de novembre 2007, les signes inquiétants se multiplient.

On assiste, en effet, depuis le début de l’année, à un assez net fléchissement de l’activité, souligné par un recul de l’investissement et une baisse des importations de biens d’équipement.

Le secteur du BTP est particulièrement touché, mais celui du tourisme et de l’hôtellerie l’est également.

L’agriculture, quant à elle, à peine remise des événements climatiques qui l’ont durement frappée, connaît de nouvelles difficultés.

La situation de l’emploi s’en ressent, bien évidemment : d’octobre 2007 à octobre 2008, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie 1 a augmenté de 3,5 %, alors qu’il était en baisse depuis 2000.

Il y a là, déjà, de sérieuses raisons d’inquiétudes pour les mois à venir.

Il faut y ajouter la situation des collectivités territoriales de la Martinique. Celles-ci, comme d’ailleurs toutes les collectivités territoriales d’outre-mer, sont particulièrement pénalisées par la mauvaise compensation des transferts de compétences, l’inadaptation des modalités de calcul des dotations de l’État et les proportions insupportables que prennent les dettes de l’État.

Ces collectivités ne peuvent plus continuer à faire face à une demande sociale qui, elle, va continuer à croître, et elles sont contraintes de réduire fortement leurs dépenses d’investissement et, donc, leurs politiques en faveur de l’équipement et du développement de l’île.

La situation va donc – on s’en rend bien compte – très vite se dégrader, en Martinique, bien sûr, mais aussi dans la plupart des autres collectivités ultramarines.

Il va falloir y faire face, mais on ne le pourra pas sans consentir nombre d’efforts.

Tout d’abord, il faut faire en sorte que les collectivités territoriales retrouvent très rapidement leur capacité d’intervention. Malheureusement, ce projet de budget ne comporte pas les indispensables mesures de soutien qui pourraient le permettre, monsieur le secrétaire d’État.

Ensuite, il faut relancer la politique des emplois aidés. Or, les crédits destinés à les financer, actuellement gérés par le ministère du travail et de l’emploi, sont en très nette diminution : 74 % en autorisations d’engagement et 38 % en crédits de paiement.

Enfin, il faut soutenir l’activité des entreprises du BTP œuvrant dans le domaine de l’amélioration de l’habitat et de la construction sociale. Cela exigerait d’apurer les dettes de l’État à leur égard sans utiliser à cette fin les crédits destinés aux actions nouvelles.

Il y a là, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, un réel sujet d’insatisfaction pour Claude Lise, auquel s’en ajoute un autre, qui concerne, lui, le débat à venir sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

Il est en effet profondément regrettable que l’on ait pris le parti de le réduire à un débat de pure forme. En effet, force est de constater que pratiquement tout se joue lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009. C’est le signe qu’une fois de plus, Bercy n’a pas pris la mesure des enjeux.

Il est à craindre, en tout cas, que la portée d’un projet de loi qui, outre-mer, suscite évidemment énormément d’attentes, ne soit d’ores et déjà réduite et que les conséquences, demain, ne rendent bien dérisoires les économies réalisées aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens, en préambule, à remercier chaleureusement le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. En effet, au moment où la France, l’Europe, le monde traversent une grave crise financière et économique, ce dernier a eu le courage, l’audace et la volonté de présider aux destinées de l'Union européenne avec intelligence et pertinence.

Pendant cette période, mes chers collègues, il a su remettre chacun à sa place, au premier rang desquels les experts, qui se sont tous trompés et qui nous ont tous trompés. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de constater, en lisant Le Figaro ce matin, que la chancelière allemande, Mme Merkel, pourtant connue pour sa prudence habituelle, partageait la même opinion sur ces experts.

Le Président de la République a également rappelé à l’ordre les banquiers spéculateurs, les priant de faire leur métier, rien que leur métier, c’est-à-dire investir dans l’économie réelle et non virtuelle.

Je forme l’espoir que le pouvoir politique, démocratique, retrouvera, à l’occasion du prochain G20 qui se tiendra à Londres en avril 2009, la place qu’il n’aurait jamais dû perdre, celle de contrôler le respect des règles d’une mondialisation loyale et d’une économie de marché régulée.

C’est dans ce contexte, mes chers collègues, que nous sommes amenés à examiner les crédits relatifs à la mission « Outre-mer » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009, lesquels appellent deux remarques de ma part.

Ma première remarque a trait à mon expérience de parlementaire. Depuis mon élection à l’Assemblée nationale en 1986, j’ai eu l’honneur de voter nombre de budgets de l’outre-mer, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. J’ai pu le constater, et vous pourrez tous le vérifier vous-mêmes, suivant que l’on appartienne à la majorité ou à l’opposition, on regarde ces différents budgets au travers d’un prisme souvent déformant, alors qu’ils sont tous à peu près similaires ; selon que l’on est assis d’un côté ou de l’autre de l’hémicycle, on vote contre ou pour !

La France, qu’elle soit de droite, du centre ou de gauche, n’a pas à rougir de ce que nous avons fait et de ce que vous avez fait outre-mer. De même, les habitants d’outre-mer peuvent être fiers de l’utilisation démocratique qui a été faite des crédits de la solidarité nationale et européenne.

Certes, tout n’est pas encore parfait : l'outre-mer compte des poches de misère intolérables, déplore un fort taux – 30 % – d’échec scolaire, voit une grande partie de sa jeunesse désabusée et pâtit d’un manque flagrant de logements.

Pour autant, si l’on regarde l’océan de misère qui nous entoure, notamment dans les Caraïbes et dans l’océan Indien, le constat est clair : nombre de pays devenus indépendants sont en proie au désespoir, quand cela ne touche pas des continents entiers. Notre appartenance à l’ensemble national et européen nous a permis de réaliser des progrès considérables dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement et des équipements.

M. Charles Revet. C’est vrai ! Vous avez raison de le souligner !

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je tiens donc, avant tout, à remercier la France et l’Europe, qu’elle soit de droite, de gauche ou du centre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Adrien Giraud applaudit également.)

Ma deuxième remarque vous est destinée, monsieur le secrétaire d’État. Quoi qu’on en dise, dans le contexte difficile actuel, vous avez bien travaillé ! Peut-être ne devrais-je pas le dire, car vous pourriez vous endormir sur vos lauriers ! (Sourires.)

Les réformes que vous nous proposez s’articulent autour de trois axes de travail : la mission « Outre-mer », dans le cadre de la présente loi de finances ; la loi pour le développement économique de l’outre-mer, dite LODEOM, que nous examinerons dans quelques semaines ; le nouveau projet stratégique de croissance, qui, en dehors de quelques points à modifier, nous convient globalement.

C’est à partir de ces trois axes que nous voulons changer la culture de la France au regard de l’outre-mer et la culture de l’outre-mer au regard de la France.

D’abord colonies, nous sommes ensuite devenus départements en 1946. En soixante ans, nous avons accompli un chemin, certes insuffisant, mais tout de même considérable. La période de rattrapage que nous avons connue est aujourd'hui quasiment terminée. Chacun en est conscient, notamment nos anciens collègues.

Il faut donc désormais compter sur nos propres atouts, sur nos forces endogènes, ainsi que sur les capacités de la France et de l’Europe sur les plans technologique et scientifique, pour mettre en commun toutes ces ressources et franchir une nouvelle étape de croissance. Tel est bien l’objectif recherché au travers de la loi de finances pour 2009, de la LODEOM et de la nouvelle stratégie de croissance pour l’outre-mer que vous nous proposez.

Monsieur le secrétaire d'État, à vous ainsi qu’à l’ensemble du Gouvernement, j’ai envie de dire : « banco ! » Oui, nous sommes preneurs d’un nouveau projet stratégique de croissance, d’une véritable stratégie « gagnant-gagnant ». Mes chers collègues, à vous ainsi qu’à l'ensemble de la représentation nationale, j’ai envie de dire : prenez conscience de ce que représente l’outre-mer pour la communauté nationale et européenne.

L’avenir, au xxie siècle, ce sont la mer, la conquête spatiale, l’utilisation et la protection de nos forêts, ainsi que la production d’énergies renouvelables. Dans ces quatre domaines, l’outre-mer dispose d’atouts extraordinaires.

La mer, d’abord : elle nous permet de bénéficier d’un espace stratégique sur le plan militaire. En outre, l’essentiel des ressources que nous consommerons ou qui seront indispensables à l’industrialisation du pays proviendront des océans.

L’espace, ensuite : le seul endroit d’où les Européens peuvent lancer une fusée et participer ainsi à la compétition acharnée que se livrent notamment, au niveau mondial, l’Inde, la Chine, le Brésil et la Russie, c’est la Guyane.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi ce conseil : n’oubliez pas de donner une dimension européenne à votre stratégie de croissance nouvelle. Ayez de l’audace ! Le Président de la République et le Gouvernement en font preuve sur le territoire national pour réformer la France. Ils doivent, et nous avec eux, témoigner de la même volonté pour changer notre approche de l’outre-mer.

À cet égard, je prendrai deux exemples.

D'une part, rien n’empêche aujourd'hui l’Europe – j’ai bien dit l’Europe, car il convient dorénavant de changer de dimension – de créer, dans le domaine de la santé et de la médecine, un CHU tripolaire, comme l’ont proposé à juste titre mes collègues Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Patrice Gélard. Il s’agirait d’une université basée dans l’océan Indien, à la Réunion, à l’île Maurice, à Madagascar, aux Comores : non plus seulement française, mais également européenne, elle deviendrait la vitrine des capacités scientifiques de l’Europe et de la France. Sa création serait un acte de solidarité à l’égard des pays qui nous entourent et permettrait de disposer, dans cette zone, de puissants moyens de recherche.

D'autre part, nous le savons, la Russie fabrique des lanceurs de satellites moins chers que la France. Pourquoi ne pas demander à l’Europe de collaborer avec la Guyane pour faire de Kourou une zone d’activité économique dédiée à la conquête spatiale ? Ainsi un certain nombre de dispositifs spécifiques, notamment législatifs, d’incitation fiscale pourraient-ils être envisagés, pour donner à cette zone les moyens de connaître l’expansion qu’elle mérite.

Tel est, monsieur le secrétaire d’État, le contexte dans lequel nous nous situons, à la veille de l’examen de la LODEOM et de la mise en œuvre d’un nouveau projet stratégique pour l’outre-mer. Nous ne quémandons pas, nous ne tendons pas la main. Nous avons les manches retroussées. Tous les hommes et les femmes d’outre-mer sont animés par la même volonté d’exister dans la compétition mondiale. Par notre travail, notre culture, nos capacités d’apprendre, de faire et de savoir-faire, nous sommes en mesure de développer nos exportations dans de nombreux domaines, notamment l’agro-nutrition et la conquête spatiale et maritime.

Mes chers collègues, ne soyons pas frileux, surtout lorsque l’on a la chance d’appartenir à une communauté aussi puissante que l’Europe et que l’on regarde le chemin déjà parcouru. Ayons le courage de dire les vérités, de montrer au Gouvernement ce qui va et ce qui ne va pas. Mais ayons aussi la volonté de sortir ces régions d’un développement aujourd’hui replié sur lui-même et d’entrer dans la compétition mondiale par la grande porte, celle de l’exportation.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai interrogé sur l’application de la taxe de 1,1 % pour financer le RSA. J’espère que vous me répondrez. Par ailleurs, le Président de la République présentera, après-demain, le contenu du plan de relance de l’économie française. À cet égard, il est une mesure qui permettrait de sauver l’économie agricole de la Guadeloupe et de la Réunion : l’énergie électrique produite à partir de la biomasse issue de la canne doit être valorisée à son juste prix. Les professionnels concernés ont saisi M. Jean-Louis Borloo du dossier, en votre présence, me semble-t-il. Si, demain, le Président de la République fait une annonce en ce sens, si vous nous soutenez dans cette démarche, d’une pierre, vous ferez trois coups : vous lancez la production des énergies renouvelables à la Réunion ; vous sauvez la canne à sucre, et la date de 2013 n’est plus fatidique ; enfin, vous permettez à la Réunion, à la Guadeloupe et à d’autres régions d’outre-mer de traverser la crise en ayant des perspectives heureuses.

Mes chers collègues, l’outre-mer est une partie intégrante de la République française. Nous avons des atouts qui sont à la disposition de la Communauté européenne et de la nation. N’ayez pas peur en pensant aux dépenses ! Gardez plutôt à l’esprit que, investir en outre-mer, c’est préparer non seulement l’avenir de ces territoires, mais aussi celui de la France et de l’Europe. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année à pareille époque, nous devons procéder à l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ». J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à la tribune sur le projet de loi de finances pour 2009 et, à cette occasion, j’ai rappelé qu’il s’inscrivait dans un contexte de crise économique et financière dont l’ampleur des conséquences est impossible à mesurer.

Je ne me livrerai pas à des comptes d’apothicaire ni à des batailles de chiffres. Ces derniers sont, selon le dicton, « comme les gens ; si on les torture assez, on peut leur faire dire n’importe quoi » ! Je veux être constructif : je tenterai donc de relever les aspects positifs de votre projet de budget, sans omettre toutefois ses insuffisances.

J’observe que le projet de budget anticipe, en grande partie, le futur projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, dont l’examen a été maintes fois repoussé.

D’aucuns conviennent que les crédits de la mission sont en sensible augmentation. Fort bien ! Nous parlons d’un niveau de 1,88 milliard d’euros de crédits de paiement, contre 1,62 milliard d’euros en 2008...

Cela étant dit, ces crédits ne représentent qu’une part relative – 11,4 % – de l’effort global de l’État en faveur de l’outre-mer, effort estimé à 16,5 milliards d’euros en tenant compte des 3,3 milliards d’euros de dépenses fiscales prévues pour 2009.

Vous me permettrez toutefois de noter, monsieur le secrétaire d’État, que cette augmentation de crédits est essentiellement, d’une part, le fruit de transferts relatifs aux contrats de projet passés entre l’État et les collectivités territoriales ultramarines et, d’autre part, le début d’une tentative d’apurement de l’endettement auprès des organismes de sécurité sociale, au titre des exonérations de cotisations sociales.

D’ailleurs, si cette dotation présente une progression significative par rapport à 2008 – 16 % –, elle demeure insuffisante pour financer les besoins réels en matière de compensation. L’endettement augmentera malgré tout de 76 millions d’euros en 2009.

En ce qui concerne l’action « Soutien aux entreprises », une dotation de 27 millions d’euros en crédits de paiement est destinée à financer une aide aux entreprises ultramarines pour le fret. Certes, cette somme, qui est prévue dans la LODEOM, vise à abaisser le coût du transport des matières premières ou des produits quand ils entrent dans un cycle de production locale. Mais, en réalité, elle vient se substituer à un dispositif déjà existant qui est plus avantageux pour les entreprises, à savoir, vous l’avez compris, la TVA non perçue récupérée.

En outre, saluons, dans le cadre de l’action « Collectivités territoriales », la création du fonds exceptionnel d’investissement destiné à participer au financement des équipements collectifs portés par les personnes publiques dans les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer.

Mais, là encore, ce fonds n’est doté que de 16 millions d’euros en crédits de paiement et de 40 millions d’euros en autorisations d’engagement. Nous pouvons regretter l’insuffisance notoire de ces crédits, au regard des besoins massifs dus aux retards accumulés par les collectivités ultramarines en matière d’équipements publics et collectifs.

Ajoutons notre scepticisme quant au financement de cette mesure. D’après les documents budgétaires, celui-ci est assuré par le redéploiement, à hauteur de 60 % maximum, de l’économie entraînée par la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR.

Or, lors de la discussion sur la mission « Enseignement scolaire » à l’Assemblée nationale, un amendement accepté par le Gouvernement a déjà réaffecté, à l’intérieur de cette mission, 10 millions d’euros devant être économisés par la réforme de I’ITR aux financements des dépenses pédagogiques pour le programme « Enseignement scolaire public du second degré ».

Mais ce n’est pas tout ! Le 30 novembre dernier, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé aux élus guyanais, sur l’antenne de RFO, une ponction de 10 millions d’euros sur ce même fonds.

En ajoutant les 10 millions d’euros d’acquisition de logiciels pédagogiques et de manuels scolaires et les 10 millions d’euros destinés à la Guyane, nous obtenons un total de 20 millions d’euros, à prélever sur une somme disponible de 16 millions d’euros.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Quelle salade !

M. Serge Larcher. « Cela ne se peut », dirait-on en cours élémentaire ! J’attends donc avec impatience et grand intérêt les explications que vous voudrez bien nous apporter à ce sujet.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Vous en avez besoin, car vous mélangez les torchons et les serviettes !

M. Serge Larcher. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État ! Je n’ai absolument rien dit quand vous ne m’écoutiez pas ! Je vous prie de respecter les sénateurs, qu’ils soient d’outre-mer ou de France hexagonale, car tous sont les représentants du peuple français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Je vous redis ici mon inquiétude grandissante quant à la situation financière des collectivités ultramarines. J’entends avec anxiété la grogne des élus qui voient, au fil des années, se resserrer leurs marges de manœuvre budgétaires et se tarir leur source de financement. Le gel des dotations de toutes sortes, la baisse des compensations par l’État des exonérations de certains impôts prévue dans le projet de loi de finances pour 2009 et le recul de l’activité économique dû à la crise n’annoncent malheureusement aucune amélioration à terme.

Vous ne serez pas étonné, monsieur le secrétaire d’État, si j’évoque maintenant le logement. Ce secteur se trouve dans une situation très délicate – et c’est un euphémisme ! – sur l’ensemble de nos territoires ultramarins, particulièrement en Martinique après le passage du cyclone Dean et le séisme de 2007.

Cette année, le budget relatif au logement présente une progression significative –  19% – des crédits de paiement pour le logement locatif. Cette hausse, provenant pour partie de la possibilité prévue par la LODEOM de réorienter les dispositifs de défiscalisation du logement social, ce qui représente un complément budgétaire de 8,2 millions d’euros, sera malgré tout insuffisante pour couvrir la dette déjà existante.

Cette dette augmentera probablement cette année encore, les crédits de paiement restant insuffisants et l’écart avec les autorisations d’engagement s’accroissant de nouveau.

Cette « fuite en avant », dénoncée ici même depuis plusieurs années, est à l’origine de l’accumulation de la dette contractée par l’État auprès des bailleurs sociaux. Une partie des crédits de paiement ouverts cette année devra donc financer les impayés ou « dettes réelles » contractées envers les sociétés du secteur du bâtiment et des travaux publics.

Il n’y a donc pas, cette année, d’impulsion nouvelle en faveur du logement social.

Loin de moi l’idée de ne pas soutenir la défiscalisation des investissements dans le secteur du logement social ! Mais, monsieur le secrétaire d’État, vous choisissez des modalités plus que déconcertantes. Non seulement le mode de financement de ce transfert est prévu dans un texte qui n’a pas encore été débattu au Parlement – le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, une fois de plus –, mais encore cela vient au détriment des secteurs locatifs libres et intermédiaires.

Enfin, je constate avec une grande satisfaction que vous avez repris, dans ce même texte et avec un financement inclus dans ce projet de budget, une proposition que j’avais faite à plusieurs reprises : il s’agit de la création d’un groupement d’intérêt public « Indivision » dans le but de résoudre l’épineux problème de l’indivision en outre-mer, véritable frein à la construction de logements neufs en milieu diffus et à la rénovation de logements anciens dans les centres-bourgs.

Avant d’en arriver à ma conclusion, j’aimerais évoquer devant vous la situation des agriculteurs de Guadeloupe et de Martinique. Ceux-ci subissent de plein fouet les conséquences de l’application du plan d’action chlordécone, lequel fixe les limites maximales de résidus, les LMR, à 20 microgrammes par kilogramme pour les produits végétaux.

Cette décision, prise pour des raisons de santé publique et en vertu du principe de précaution, ne saurait être contestée. Mais, d’après les chiffres fournis par la direction départementale de l’agriculture et de la forêt, plus de 450 petits maraîchers et vivriers martiniquais et guadeloupéens sont aujourd’hui privés de revenus depuis le mois de juillet 2008, dont 210 en Martinique.

Le plan d’action chlordécone 2008-2010 prévoyait pourtant des solutions visant à soutenir et à accompagner ces petits agriculteurs antillais, qui, sans perspective d’avenir, sont au bord du découragement.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour user de votre force de persuasion en vue de faire appliquer les mesures incluses dans les différents plans existants et, ainsi, de remédier aux préjudices subis par ces professionnels.

Je souhaiterais évoquer rapidement la situation de l’hôpital du Carbet, actuellement au bord de l’asphyxie à la suite d’un manque de médecins pneumologues : sur cinq postes, quatre sont vacants depuis plus de trois ans en dépit de multiples démarches. Là encore, je compte sur vous pour débloquer cette situation.

Pour conclure, je souhaite rappeler ici la nécessité de renforcer les relations de coopération avec nos voisins caribéens. Très récemment, la Martinique a eu à connaître des différends avec Sainte-Lucie et la Dominique. Il y a donc une urgente nécessité à réactiver nos relations avec ces pays, notamment en matière de justice, de pêche et de protection des milieux marins. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Soibahadine Ibrahim Ramadani.

M. Soibahadine Ibrahim Ramadani. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut souligner d’emblée que l’effort de l’État en outre-mer reste globalement soutenu, malgré les contraintes qui pèsent sur les finances publiques de la nation, qu’elles soient liées au poids de la dette ou, plus récemment, à la crise financière internationale et au ralentissement de l’activité économique.

Mes prédécesseurs ont déjà souligné que l’ensemble des concours de l’État en outre-mer est en augmentation, passant de 15 milliards d’euros en 2008 à 16,5 milliards d’euros en 2009. De même, les crédits de 1,97 milliard d’euros alloués à la mission « Outre-mer », qui ne représentent que 15 % de cet ensemble, enregistrent une progression de 9,3 % en crédits de paiement par rapport à 2008.

Le programme « Emploi outre-mer », qui est doté d’une enveloppe de 1,191 milliard d’euros, soit 60% des crédits de paiement, constitue le premier poste de dépense de la mission. Quant au programme « Conditions de vie outre-mer », il bénéficie, comme cela a déjà été signalé, de la hausse globale de la mission et totalise 688 millions d’euros en crédits de paiement.

Enfin, conséquemment à la loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans une programmation pluriannuelle 2009-2011.

Qu’en est-il de Mayotte ? Mayotte participe aussi à l’effort national. Globalement, le projet de loi de finances pour 2009 que vous nous proposez pour notre île, monsieur le secrétaire d’État, se caractérise par une tendance générale à la baisse, au mieux à la stagnation. Cela inquiète fortement les Mahorais à quelques mois d’un choix décisif pour leur avenir institutionnel.

Certes, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture bénéficient de crédits en hausse, évalués à 1,3 million d’euros pour 2009. Cela permet de soutenir la relance des exportations d’essence d’ylang-ylang et de poissons d’origine aquacole et, simultanément, de réconforter les agriculteurs victimes des dégâts de la tempête Fame, pour lesquels – il faut s’en réjouir ! – une première tranche de crédits d’indemnisation vient d’être débloquée.

Cependant, il convient de rappeler que les préoccupations majeures des exploitants agricoles de Mayotte restent, entre autres, la mise en place d’une « retraite agricole » et l’extension au secteur agricole des prêts à taux bonifiés. De même sont en hausse les transferts de crédits aux collectivités territoriales, qui s’élèvent à 68,9 millions d’euros, dont 63,2 millions d’euros constituent des prélèvements sur recettes dont on aimerait connaître l’objet, car celui-ci n’est pas précisé par les documents disponibles.

Ces recettes serviront-elles, par exemple, à éponger la dette de l’État envers la collectivité départementale de Mayotte, qui s’élève à 43 millions d’euros au titre des arriérés du contrat de plan État-Mayotte 2000-2006 et de la convention de développement 2003-2007, sachant que les 28 millions d’euros inscrits en 2008 par l’État n’ont pas encore été versés ?

En revanche, dans de nombreux domaines comme l’environnement, les dotations communales, l’éducation scolaire, etc., les crédits sont en baisse. Ainsi, les crédits alloués à l’écologie, à l’aménagement et au développement durable connaissent une chute de plus de 50 % par rapport à 2008, soit 10,2 millions d’euros en 2008, contre 4,5 millions d’euros seulement pour 2009, chute contraire aux vœux du Grenelle de l’environnement, qui vise à intégrer Mayotte dans une nouvelle donne énergétique.

Dans ce contexte, est-il étonnant que le plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte ne soit toujours pas validé depuis deux ans ?

En outre, la dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte, qui s’élève à 9,2 millions d’euros en 2008, ne représente plus que 8,8 millions d’euros en 2009, alors que les besoins en équipements des communes ne cessent de croître.

En l’absence de fiscalité locale et du bénéfice des crédits de l’octroi de mer, il est urgent de compenser le manque à gagner des communes, notamment en abondant le fonds intercommunal de péréquation, dans les conditions définies par la loi n°2007-223 du 21 février 2007.

Par ailleurs, la dotation de premier numérotage des voiries communales passe de 450 000 euros en 2008 à 150 000 euros en 2009. Quant à la dotation exceptionnelle liée à la réforme de l’état civil, elle stagne à 300 000 euros par an depuis 2003.

Je partage l’avis des deux rapporteurs spéciaux de la mission « Outre-mer » : la révision à la baisse de ces diverses dotations ne se justifie absolument pas au regard des besoins immenses de Mayotte dans ces différents domaines.

J’ajoute que les deux dernières dotations que je viens de citer participent à la réalisation des outils préalables à la mise en place de la fiscalité de droit commun, à savoir l’adressage et l’évaluation, qui nécessitent du temps et des moyens.

Enfin, s’agissant de la résolution des difficultés liées à l’état civil, vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, de faire appel à des agents communaux pour recenser environ 50 000 personnes qui n’ont pas déposé de dossiers à la commission de révision de l’état civil ou qui ne sont pas en possession de documents d’identité. Quels crédits sont-ils susceptibles d’être mobilisés pour financer le travail de ces agents recenseurs et pour assurer leur formation ?

Quant à l’enseignement scolaire, qui représente plus de 50 % du budget de Mayotte, les crédits alloués pour 2009 stagnent autour de 384 millions d’euros, dont 60,5 millions d’euros sont consacrés à l’enseignement public du premier degré, en sus des crédits inscrits à la convention spécifique de l’éducation annexée au contrat de projet État-Mayotte 2008-2014 et de la dotation de construction et d’équipement des établissements scolaires du premier degré, évaluée à 4,6 millions d’euros pour 2009.

L’évolution démographique de l’île et l’immigration clandestine justifient la solidarité de l’État envers nos communes qui n’ont pas de ressources fiscales propres, notamment pour le financement de leur plan de rattrapage en matière de construction scolaire : il faut, d’une part, résorber le déficit antérieur et, en même temps, absorber la poussée démographique dans l’enseignement élémentaire et, d’autre part, généraliser l’accueil de nos enfants de quatre ans et trois ans en école maternelle, en application de l’ordonnance du 24 décembre 2007.

Finalement, le budget de Mayotte lui-même accuse une réduction de 20 millions d’euros puisqu’il passe de 655 millions d’euros à 635 millions d’euros, ce qui diminue d’autant le revenu moyen par habitant de Mayotte, qui ne représente plus que 3 405 euros en 2009, contre 3 517 euros en 2008, et, de ce fait, place le Mahorais loin derrière son compatriote de Saint-Pierre-et-Miquelon, dont le revenu moyen est de 8 000 euros, et celui de Wallis-et-Futuna, dont le revenu moyen s’élève à 6 225 euros.

Les grands chantiers actuels de Mayotte, tels le second quai de Longoni et l’extension de l’hôpital de Mamoudzou, sont en phase d’achèvement ; les prochains chantiers soit sont en phase d’étude, comme les collèges et les lycées, soit ne sont pas encore lancés, comme les opérations inscrites dans le contrat de projet 2008-2014 et dans les conventions spécifiques, et le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer ne sera adopté qu’au début de 2009 : l’année 2009 risque par conséquent d’être une année blanche sur le plan économique et social, et donc propice aux agitations de toutes natures.

Dans ces conditions, le taux de croissance de 10 % observé au premier semestre de cette année risque de baisser. Le secteur de l’emploi qui en dépend va se dégrader. Le SMIC, qui a augmenté de 12,3 % au mois de juillet, connaîtra une évolution sans doute plus modérée. Le plan de rattrapage des minima sociaux 2007-2010, doté de 10 millions d’euros en 2007 et d’aucun crédit en 2008 et en 2009, est déjà compromis, me semble-t-il, d’autant plus qu’il prévoit l’extension de l’allocation spéciale pour personnes âgées et pour adultes handicapés qui ne semble pas, dans l’immédiat, être à l’ordre du jour.

Dans ce contexte, rappelons, monsieur le secrétaire d’État, que les instituteurs de Mayotte réclament toujours le paiement rétroactif de la dotation spéciale instituteurs à compter du 1er janvier 2008 et demandent le rétablissement de l’indexation des salaires à un taux uniforme de 2,15 points compte tenu du fort taux d’inflation à Mayotte : 5,5 % par rapport à septembre 2007, contre 1,7 % en métropole.

Sous le bénéfice de ces observations et des réponses que vous voudrez bien nous apporter, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’Union centriste.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de budget que vous nous soumettez s’inscrit dans un contexte marqué par la crise financière et économique internationale, qui n’épargnera pas l’outre-mer.

À cette même tribune, j’ai déjà eu l’occasion, lors du débat sur les finances des collectivités territoriales, de m’exprimer sur les conséquences que cette crise aura sur l’investissement des collectivités. Il n’est donc pas nécessaire d’y revenir longuement.

Je dois toutefois poser la problématique du financement de la dépense, qui se révèle notamment au travers des difficultés que rencontrera le conseil général pour financer ses principales obligations sociales, c’est-à-dire l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, et le RMI. Cela m’amène à vous interroger sur la révision des bases du calcul des dotations affectées, surtout dans la perspective de l’entrée en vigueur du RSA.

Par ailleurs, comme vous le savez, la création des collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin risque de se traduire par une forte réduction des dotations du département, qu’il s’agisse de la dotation globale de fonctionnement, de la dotation globale de décentralisation ou de la dotation départementale d’équipement des collèges.

À cet égard, j’apprécierais, madame la ministre, que vous précisiez la réponse que vous m’avez apportée sur ce point lors du débat consacré aux recettes des collectivités locales.

Je me permets d’insister sur ce point, car seules les charges compensées par l’État doivent être transférées. Or, à ce jour, des prélèvements sur dotations ont été opérés à un niveau supérieur. Je vous serais reconnaissant de me confirmer que les corrections qui s’imposent interviendront effectivement, la commission d’évaluation des charges ayant désormais rendu son avis.

Concernant plus directement la mission « Outre-mer », et au-delà de la réforme structurelle qui conduit à faire du secrétariat d’État chargé de l’outre-mer une administration de coordination et non plus de gestion, vous nous présentez, monsieur Jégo, un budget dont l’augmentation affichée de 10 % doit, à mon sens, être relativisée à la lueur des réformes en cours et à venir pour l’outre-mer.

Il en va ainsi de votre politique de l’emploi qui, en dépit d’une hausse affichée de 3 % des crédits, poursuit le démantèlement des dispositifs des emplois aidés, dont le financement diminue de plus de 52 millions d’euros.

Parallèlement, au lieu de poursuivre sur la voie du renforcement de la compétitivité des entreprises par l’abaissement du coût du travail, la réforme des exonérations de cotisations patronales aura pour conséquences de créer une trappe à bas salaires tout en augmentant les charges des entreprises, qui seront également touchées par la réforme des zones franches urbaines, les ZFU.

Dans ces conditions, afin de permettre à nos entreprises de se préparer à l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, je plaide pour que les mesures Girardin, qui se révèlent plus « avantageuses », continuent de s’appliquer jusqu’à la fin de l’année 2009. En cette période de ralentissement économique, qui appelle une plus grande solidarité nationale, il conviendrait en effet de ne pas alourdir brutalement les charges sur les salaires qui sortiront du champ de l’exonération avec ce nouveau dispositif. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’article 65, dont l’inscription au projet de loi de finances me semble d’une opportunité plus que contestable.

Certes, ce projet de budget anticipe sur les dispositions de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, la LODEOM. Mais il anticipe surtout sur les économies que vous prévoyez de réaliser.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je m’interroge sur l’opportunité de ces économies budgétaires à un moment où, compte tenu de la conjoncture, nos départements, déjà structurellement fragiles, seront encore plus fragilisés.

S’il est un secteur touché par ce souci de réduction des dépenses publiques, c’est bien la politique du logement qui, au lieu de faire preuve de volontarisme, nous invite à puiser dans les crédits normalement destinés aux actions nouvelles pour régler le stock de dette.

La ligne budgétaire unique, ou LBU, augmente ainsi, cette année, de 9 millions d’euros, mais en partie grâce aux reports de crédits. Il faut en effet savoir, mes chers collègues, qu’en Guadeloupe, en 2008, à peine 10 % des crédits ont pu être consommés par les bailleurs sociaux. En effet, ces opérateurs, confrontés à une crise de trésorerie résultant des délais de paiement insupportables, des dettes exigibles de l’État et des critères de financement de la LBU qui ne prennent pas en compte le coût réel des opérations, n’ont eu d’autre choix que de cesser toute production nouvelle depuis le début de l’année, avec les conséquences que vous imaginez sur l’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics.

Au-delà de ce problème, il ne peut être passé sous silence que, cette année encore, l’écart se creuse entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement, passant de 36 millions d’euros en 2008 à 49 millions d’euros en 2009.

Du propre aveu des deux rapporteurs spéciaux, cet accroissement inquiétant risque d’entraîner des factures impayées qui viendront augmenter la dette cumulée de l’État à l’égard des opérateurs depuis 2002, dette qui culmine cette année à 660 millions d’euros.

Je tiens à souligner que, dans l’hexagone, la même situation a conduit à une programmation sur cinq ans en inscrivant des crédits de paiement supérieurs de 315 millions d’euros aux autorisations d’engagement pour résorber la dette. Force est de regretter que, en outre-mer, les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.

Face à l’immensité de nos besoins, ce projet de budget n’annonce ni plus ni moins que la fin du financement public du logement social et son remplacement par un système de défiscalisation n’apportant aucune garantie en termes de stabilité et de pérennité de la ressource.

Pourquoi, en effet, avoir choisi, dans le cadre du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, le recentrage de la défiscalisation sur le logement social pour répondre à la crise de ce secteur en outre-mer, alors qu’ailleurs ce sont le plan Borloo et la loi Boutin qui ont été retenus ?

À la lumière des nombreux rapports publics dont vous ne pouvez ignorer l’existence, et même au bénéfice du doute, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’ai du mal à penser qu’il existe une politique volontariste pour résorber la crise du logement social en outre-mer.

À ce titre, l’effort que vous nous présentez cette année devrait permettre la construction de 4 500 logements dans tout l’outre-mer. Or, je rappelle que la Guadeloupe enregistre, à elle seule, plus de 20 000 demandes non satisfaites.

Quant au plafonnement de l’aide à l’investissement prévu par l’article 43 du présent projet de loi de finances, il se traduit déjà en Guadeloupe par d’importants reports d’investissement.

Je partage, bien sûr, votre souci d’établir une plus grande justice fiscale, mais je ne peux que regretter que cette démarche contribue, en réalité, à mettre en péril un dispositif d’aide à l’investissement qui concourait à la stratégie de développement économique de nos territoires.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est encore temps de réviser les plafonds de l’avantage fiscal issu de l’investissement si l’on ne veut pas tarir une source de capital vitale pour les petites entreprises d’outre-mer.

Enfin, vous avez été bien avisés de créer un fonds exceptionnel d’investissement destiné au rattrapage du retard des départements d’outre-mer en équipements structurants. Ce fonds, les élus de la Guadeloupe, toutes sensibilités politiques confondues, l’avaient réclamé, et je vous sais gré d’avoir accédé à cette demande.

Cependant, sa faible dotation – 16 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités d’outre-mer, ce qui, même au sein de la majorité, est jugé en deçà des besoins – ne lui permettra pas d’avoir l’effet levier escompté : pour ne parler que de la Guadeloupe, 300 millions d’euros manquent au titre de la seule politique de rattrapage des équipements de traitement des déchets ménagers.

Au surplus, cet effet levier serait encore diminué, monsieur le secrétaire d'État, par votre proposition, entendue sur RFO, de ponctionner 10 millions d’euros de ce fonds pour répondre à l’urgence de la crise du prix des produits pétroliers en Guyane.

Vous comprendrez que, tout comme mes collègues de Martinique et de Guyane, je désapprouve fortement cette démarche qui remettrait durablement en question l’autonomie financière de nos collectivités en leur demandant de troquer une recette dynamique contre une recette ponctuelle et incertaine.

Pour toutes ces raisons, je ne peux, en l’état, voter les crédits consacrés à la mission « Outre-mer » et, au-delà, adhérer à la politique pour l’outre-mer portée par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme chaque année, je souhaite tout d’abord remercier l’ensemble de nos rapporteurs sur la mission « Outre-mer » pour leur excellent travail, qui nous apporte un éclairage précieux. Permettez-moi d’adresser des remerciements particuliers à notre collègue Christian Cointat, qui consacre chaque année un chapitre bien renseigné à Wallis-et-Futuna, territoire qu’il connaît bien.

Monsieur le secrétaire d’État, depuis votre nomination, vous avez visité l’ensemble de l’outre-mer, et vous avez ainsi pu appréhender, au-delà de nos points communs comme l’insularité, la diversité de nos collectivités. Voilà à peine trois semaines, vous êtes venu à Wallis et à Futuna, où votre visite a été grandement appréciée.

Nous savons bien que les ministres ou secrétaires d’État chargés de l’outre-mer ne peuvent réellement comprendre l’étendue de nos difficultés et ne sont en mesure de percevoir l’intensité des cris d’alarme que nous lançons qu’une fois qu’ils ont reçu le choc d’une visite de notre territoire. Il faut avoir vu son hôpital à peine à la hauteur d’un dispensaire de brousse, il faut avoir visité son lycée construit en dépit du bon sens ! Il faut avoir vainement cherché l’internet à haut débit, qui n’existe que dans nos rêves ! Et ce ne sont là que quelques exemples des années-lumière de qualité d’équipement qui nous séparent de la métropole !

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez mesuré notre désarroi et nos problèmes : nos îles se vident de leurs habitants, en particulier des jeunes qui quittent le territoire faute de filières de formation adéquates et de débouchés professionnels. Quel avenir pouvons-nous avoir si le renouvellement des générations n’est pas assuré sur notre archipel ?

J’en viens maintenant à quelques points particuliers sur lesquels je souhaite attirer votre attention. Tout d’abord, permettez-moi de remercier le Gouvernement pour l’effort général qui est fait en faveur de l’outre-mer : un budget en hausse dans la situation économique actuelle mérite d’être salué. Hélas ! je dois noter, tout comme les rapporteurs spéciaux, une nette diminution des crédits par habitant consacrés à Wallis-et-Futuna, qui passent de 8 500 euros en 2008 à 6 241 euros en 2009. Pour le territoire le moins avancé de l’outre-mer, cette baisse est malvenue, et la population s’interroge sur la pérennité de l’engagement de l’État. Peut-être pourrez-vous la rassurer sur ce point ?

Je poursuivrai par une remarque générale sur la répartition de certaines sommes globalisées pour plusieurs territoires. C’est ainsi qu’il est envisagé de consacrer plus de 6 millions d’euros au programme « Cadres avenir » en Nouvelle-Calédonie et au programme « 40 cadres » à Wallis-et-Futuna. Cette question ayant été évoquée lors de votre venue sur le territoire, vous savez que, sur les deux dernières années, Wallis-et-Futuna a été complètement oublié dans l’attribution des financements nécessaires pour un fonctionnement normal du programme « 40 cadres », à tel point que la situation est aujourd’hui bloquée, faute de budget suffisant.

Or, ce dispositif, s’il est bien sûr perfectible, a largement porté ses fruits. Nous souhaitons vivement son maintien, car il est vital pour le territoire. Comment veiller, monsieur le secrétaire d’État, à ce que les sommes utiles à la pérennisation du programme « 40 cadres » nous soient effectivement versées ? C’est un vrai problème.

Vous avez évoqué devant nous une modification du dispositif actuel, mais, comme cela n’apparaît évidemment pas dans les documents bleu et orange sur la mission « Outre-mer », je vous serais reconnaissant de me confirmer le processus que vous souhaitez mettre en place pour faire redémarrer le programme « 40 cadres » dans de bonnes conditions. D’une manière générale, le fait de disposer, pour chaque action des programmes 138 et 123 pour laquelle Wallis-et-Futuna est concerné, des montants destinés à notre territoire constituerait pour nous tout autant un progrès qu’une sécurité.

Par ailleurs, si nous voulons offrir un avenir à notre jeunesse et éviter ainsi notre dépeuplement, il faut évidemment trouver les possibilités de développement économique et de création d’emplois sur le territoire, et donc assurer préalablement les conditions de ce développement.

Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous remercier pour les différents efforts de l’État en faveur du désenclavement de Futuna. Ainsi, lors de votre visite, vous avez inauguré la nouvelle piste de Vele, et lancé officiellement l’utilisation du deuxième Twin Otter qui assure la liaison entre nos deux îles et qui a été loué par l’État pour cinq ans. Ce second avion, que nous appelions de nos vœux depuis longtemps tant notre vieux Twin Otter tombait en panne fréquemment, induit des frais de fonctionnement supplémentaires. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous me confirmiez que l’État assumera l’intégralité de ces derniers pour les cinq ans à venir.

J’étendrai ma réflexion à la desserte extérieure du territoire. Le monopole actuellement exercé par Air Calédonie International permet à cette compagnie de pratiquer des tarifs que vous avez vous-même qualifiés de scandaleux.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Robert Laufoaulu. En effet, c’est un frein évident au désenclavement du territoire et, par conséquent, à son développement. Air-Caraïbes, Corsair, Air France ont donné leur accord pour passer convention avec l’État sur la question de la continuité territoriale. Pourquoi ne demanderait-on pas cela à Air Calédonie International ?

Vous avez aussi évoqué la mise en place de la concurrence aérienne ; nous y adhérons avec d’autant plus d’enthousiasme que les perspectives de drainer une partie du très important flux touristique à Fidji sont réelles. Et Fidji n’est qu’à 600 kilomètres de notre territoire, comme vous l’avez également souligné ! Ainsi, si le Twin Otter était remplacé par un appareil plus gros, de type ATR 42, ce que permet la nouvelle piste de Vele, nous pourrions envisager d’établir des liaisons Wallis-Futuna-Fidji.

Le désenclavement du territoire est donc bel et bien la condition de son développement. C’est vrai pour le tourisme comme pour le commerce, celui des trocas, peut-être un jour celui du poisson si nous exploitons la pêche.

Or le transport maritime est très onéreux, et j’espère que nous pourrons repartir sur les bases du rapport de la CATRAM qui avait été fait sur le sujet voilà une dizaine d’années.

Le coût du transport maritime est-il l’une des raisons de la cherté de la vie à Wallis et Futuna ? J’espère que nous le saurons bientôt, si une enquête sur ce sujet est effectivement menée. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, m’apporter une confirmation à cet égard ?

Je regrette également que Wallis-et-Futuna ne puisse bénéficier, à l’instar de ce qui va être instauré pour les départements d’outre-mer et pour Saint-Pierre-et-Miquelon, de l’aide au fret. Ne pourrait-on envisager d’étendre cette mesure intelligente à Wallis-et-Futuna ?

Le développement, la création d’emplois passent aussi par la formation, clé de l’insertion professionnelle. À cet égard, je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, du passage du nombre de personnes formées dans le cadre du service militaire adapté, le SMA, de 3 000 à 4 000, et tout particulièrement de la volonté que vous avez marquée d’implanter une unité de SMA à Wallis-et-Futuna, conformément au vœu que je forme depuis des années. Je vous rappelle d’ailleurs l’accord déjà donné par les chefs coutumiers de Futuna pour une implantation du futur SMA.

La réflexion sur ce sujet avance-t-elle, s’agissant notamment des formations qui pourraient y être délivrées ?

Enfin, le développement passe aussi par l’arrivée de l’internet à haut débit à Wallis-et-Futuna ; j’espère que le dossier du câble sous-marin avance. L’attractivité du territoire est un élément important pour donner envie aux jeunes de vivre sur place. Ainsi, je m’inquiète, monsieur le secrétaire d’État, de savoir si Wallis-et-Futuna bénéficiera du premier bouquet TNT mis en place outre-mer courant 2010, et j’espère que vous pourrez me rassurer à cet égard.

Pour terminer, je voudrais revenir sur un point que j’évoque régulièrement lors de la discussion des budgets de l’outre-mer. Il s’agit de l’aide technique à la réalisation des projets d’infrastructures de la collectivité. Vous avez pu constater vous-même, monsieur le secrétaire d’État, les grandes difficultés que rencontrent nos services techniques, par exemple pour le warf de Leava, à Futuna.

Madame la ministre, vous avez proposé l’an dernier, pour remédier à ces problèmes, de créer une mission chargée d’étudier ce point, à l’instar de ce qui a été fait pour Mayotte. Malheureusement, le préfet aurait décliné cette offre, ce que je regrette. Ne pourrait-on pas la relancer ?

Le besoin est tellement réel que, pour les projets financés par le Fonds européen de développement, ou FED, la Commission européenne met à la disposition de la collectivité une assistance technique appréciée. Quant à l’État, il met à la disposition de la collectivité des sommes bien plus élevées que le FED, d’où, me semble-t-il, la nécessité d’une aide technique plus importante.

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les questions que je souhaitais soulever à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer », que je voterai bien entendu. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Patient.

M. Georges Patient. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, vingt centimes d’euros paralysent toute la Guyane, bloquée maintenant depuis plus de dix jours par ses habitants, toutes composantes sociales, ethniques ou politiques confondues. J’en veux pour preuve l’adhésion de vos compagnons de l’UMP, monsieur le secrétaire d’État, à ce front commun.

Contrairement à vos allégations, il ne s’agit pas d’un mouvement de contestation avec des manipulateurs de gauche ou des opposants au Gouvernement. Vingt centimes d’euros manquent encore aujourd’hui pour satisfaire la demande des consommateurs de Guyane de baisser de cinquante centimes d’euros le prix du carburant le plus cher de France : jusqu’à hier encore, il était de 1,77 euro, contre une moyenne de 0,98 euro dans les stations-service hexagonales.

Vous demandez maintenant aux collectivités de Guyane, qui sont toutes asphyxiées financièrement et dont la totalité des recettes est déjà affectée, de prendre en charge ces vingt centimes d’euro sur le produit de la taxe sur les carburants.

En échange, vous leur proposez une compensation de 10 millions d’euros à prélever sur le fonds exceptionnel d’investissement.

Monsieur le secrétaire d'État, si je salue l’apparition de ce fonds dans le budget de l’outre-mer, je ne peux m’empêcher de vous interroger sur son utilisation dans ce cas particulier.

En effet, comment allez-vous faire pour compenser techniquement la perte de recettes de fonctionnement des collectivités de Guyane par un fonds réservé au financement d’investissements ?

Que prévoyez-vous pour compenser les pertes de recettes qui, très certainement, interviendront après les trois mois de votre « opération vérité » sur les prix des carburants outre-mer ?

Comment parviendrez-vous à affecter dès cette année 10 millions d’euros sur ce fonds à la seule Guyane, quand on sait qu’il n’est pas encore créé, qu’il ne disposera que de 16 millions d’euros de crédits de paiement en 2009 et qu’il s’adresse à toutes les collectivités ultramarines ? D’ailleurs, si tous mes collègues ont salué l’apparition de ce fonds, aucun n’a manqué de relever qu’il paraissait déjà insuffisant.

Pouvez-vous donc, monsieur le secrétaire d'État, nous assurer que la procédure d’attribution des concours financiers à l’intérieur de ce fonds garantira, dans la plus grande transparence, que toutes les communes de Guyane pourront en bénéficier ?

Ne risque-t-on pas de se retrouver dans le même cas de figure que pour les prêts de restructuration annoncés pour toutes les communes de Guyane mais dont seulement quatre bénéficient pour l’heure alors que d’autres semblent en être exclues ?

Enfin, êtes-vous prêt à signer une convention avec un organisme financier qui pourrait, avec la garantie de percevoir cette somme, faire des avances à taux zéro aux différentes structures percevant le produit de la taxe sur les carburants ?

À ces questions précises, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je veux des réponses précises. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention ni aux belles promesses.

Vous refusez de prendre la réelle température de ce mouvement de grande ampleur qui est la manifestation d’un malaise grandissant au sein de la population guyanaise, malaise qu’à maintes reprises les élus que nous sommes ont porté à votre connaissance.

Il est vrai, monsieur Jégo, que vous n’avez pas daigné recevoir les quatre parlementaires et les présidents des deux collectivités venus en octobre discuter au secrétariat d’Etat du problème du carburant. Si vous nous aviez alors entendus, ce conflit aurait très certainement été évité.

De même, vous avez décliné au tout dernier moment l’invitation à vous rendre à la conférence des présidents des régions ultrapériphériques de l’Union européenne qui s’est tenue en novembre en Guyane.

Il faut néanmoins vous rendre à l’évidence : la Guyane traverse une crise profonde, et elle est à la limite de l’explosion. Aussi, cessez de voir ce département uniquement au travers du prisme de la base spatiale de Kourou ou comme un joyau en matière de biodiversité !

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, la Guyane, c’est aussi et surtout une terre de plus en plus sinistrée qui cumule tous les mauvais records, en termes de chômage, d’insécurité, de délinquance, d’immigration clandestine, d’accidents de la route, de sida, une terre où l’on continue « à lancer des fusées sur fond de bidonvilles », pour reprendre l’expression de François Mitterrand.

Dans ce département français où le taux de pauvreté est le plus élevé des départements d’outre-mer, un Guyanais sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, et le taux de chômage, supérieur à 24 %, touche majoritairement les jeunes, lesquels représentent plus de la moitié de la population. Le désarroi des jeunes est donc grand, et il s’exprime d’ailleurs actuellement à travers cette crise.

Je pourrais poursuivre en parlant des problèmes liés à la santé, au logement social, à l’éducation, à l’orpaillage clandestin, à l’énergie, à l’insécurité, mais le temps de parole qui m’est imparti est trop court.

Ce sur quoi je voudrais insister, c’est sur le fait que, en dépit de ce tableau certes noir mais réel de la situation guyanaise, nous maintenons une exigence de dignité. Nous ne quémandons pas ; nous demandons que nous soit restitué ce qui nous est dû.

Je pense par exemple aux 17 millions d’euros de dotation superficiaire qui échappent à nos communes en raison d’un plafonnement qui ne frappe qu’elles, ou encore aux 27 millions d’octroi de mer dont elles sont privées, autre fait unique dans les départements d’outre-mer, soit une perte annuelle de 44 millions d’euros.

Rétrocédez-nous cette somme et vous verrez que non seulement nos finances locales seront ajustées, mais aussi que nous saurons très rapidement enclencher un véritable processus de développement endogène, compte tenu de l’impact des dépenses publiques sur l’économie guyanaise.

Ce n’est malheureusement pas ce qui est prévu : dans votre projet de budget tel qu’il nous est présenté, je ne trouve pas les réponses à ces demandes incessantes. Bien au contraire, le document de politique transversale qui établit la réalité de l’effort budgétaire en crédits d’intervention des différents ministères se traduit comme par hasard pour la Guyane par une diminution de 9 000 euros.

Aussi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vous saurais gré de nous confirmer que les 10 millions d’euros que vous avez annoncés sur les ondes figurent bien dans votre budget au titre des crédits inscrits pour le fonds exceptionnel d’investissement, car vous enverrez ainsi un signal fort à la population guyanaise.

En l’état, je ne peux que voter contre votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Monsieur le président, des circonstances exceptionnelles m’obligent à me faire aujourd'hui le porte-parole de Jean-Etienne Antoinette, retenu en Guyane par une crise sociale d’une haute gravité. Je vous ferai donc part des propos qu’ils souhaitaient tenir à cette tribune.

Oui, en Guyane, département de la République française, la paupérisation à une vaste échelle a conduit les citoyens dans la rue. Tous les points stratégiques de circulation sont soumis à leur contrôle, certes de manière pacifique, mais avec une détermination qui demande à être entendue au plus haut niveau de l’État.

Le coût du carburant – le plus cher du monde à la pompe ! – a été le facteur déclencheur. Mais, au-delà, la Guyane, enclavée par rapport aux circuits commerciaux, subit bien plus les séquelles de son passé de colonie sous-équipée et sous-développée.

Ce sont les termes des échanges commerciaux qui sont aujourd’hui sur le banc des accusés, avec des monopoles démesurés et des denrées de base dont les prix, qui atteignent jusqu’à deux ou trois fois les prix nationaux, sont devenus insupportables pour les ménages tant ils sont élevés.

Ce sont aussi les transferts de compétences non accompagnés des moyens appropriés ou le reliquat de moyens, même conventionnés, qui n’est transféré en partie qu’après des délais intolérables, au même titre d’ailleurs que les transferts réglementaires constituant l’essentiel des recettes des collectivités.

Justement, ces recettes sont structurellement déficitaires, non seulement en raison des surcoûts du fonctionnement et des investissements des collectivités territoriales dans le contexte d’enclavement de la Guyane, mais aussi parce que le potentiel fiscal propre de cette dernière est soit non optimisé dans les secteurs spatial et environnemental, soit faible, voire inexistant, pour les petites communes, tandis que les communes de plus de 10 000 habitants reçoivent des dotations de fonctionnement inférieures à celles de la métropole.

Alors, puisqu’à situation exceptionnelle il convient d’apporter des réponses exceptionnelles, je me suis permis d’utiliser la tribune de la Haute Assemblée afin non seulement de faire entendre la voix de la Guyane, mais aussi en espérant que, dans cette situation, l’écoute et la solidarité de la nation puissent le cas échéant s’exprimer à travers une mission parlementaire capable de donner un avis autorisé et d’envisager des issues pérennes à une problématique de fond. La crise déclenchée par le prix du carburant n’est en effet que symptomatique de fractures sociales de plus en plus insoutenables pour la population de ce département; fractures que les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009 ne réduiront pas, bien au contraire !

Le Gouvernement se félicite d’une augmentation de 12 % du budget de cette mission – 9 % pour les crédits de paiement –, en la présentant comme la traduction de son intérêt tout particulier pour nos territoires dans une période de rigueur budgétaire nationale.

Vu ainsi, les ultramarins pourraient apparaître comme les enfants chéris et privilégiés de la nation, alors qu’ils ne sont demandeurs que d’une place juste et équitable au sein de la République.

Or, loin d’être la préfiguration d’une politique volontariste de développement économique ultramarin, que la future LODEOM devrait traduire, le budget pour 2009 est essentiellement un budget de régularisation comptable pour les arriérés d’impayés de l’État envers les organismes de sécurité sociale, les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux. Cela doit être dit.

Par ailleurs, si j’examine les deux programmes de la mission outre-mer à l’aune des deux finalités énoncées du budget de la nation, le bien-être social et l’efficacité économique, je continue véritablement à m’inquiéter de l’évolution prochaine de nos territoires dans un contexte de récession mondiale.

En effet, si le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » a pour finalité le bien-être social, alors ni les crédits pour le logement, simple effort de mise à jour comptable, ni le provisionnement pour l’aménagement du territoire, relevant d’obligations contractuelles pluriannuelles, ni le désengagement amorcé de l’État sur le financement de la continuité territoriale, déjà compromis, entre autres choses, par le prix du carburant, ni la baisse de plus de 6 % des crédits de l’action sanitaire et sociale, pourtant fusionnée avec la culture et le sport, ne sont à la mesure des enjeux sociaux auxquels nous devons faire face.

Et je ne parle pas des conséquences sur l’outre-mer des décisions budgétaires de droit commun à l’échelle nationale, comme la diminution des crédits de la politique de la ville ou de ceux qui sont consacrés à l’intégration des migrants, ou encore la suppression – pardon, il faut dire le « transfert » ! – des 3 000 postes d’enseignants spécialisés des RASED. Sait-on par exemple qu’en Guyane, où l’éducation devrait être une priorité fondamentale, ces équipes précieuses sont en sous-effectif chronique et ne peuvent déjà pas accueillir tous les enfants qui leur sont signalés, enfants ne parlant pas le français, enfants scolarisés tardivement sur le territoire, enfants de familles acculturées ou en détresse sociale et économique, enfants sans parents connus des autorités, pour ne citer que ces situations qui ne sont pas nécessairement les pires ?

S’agissant de l’efficacité économique, si le budget pour 2009 du programme 138 en était un exemple, les réformes proposées en matière de fiscalité et d’exonérations se seraient appuyées sur les principes élémentaires de pertinence, d’opportunité, de cohérence, d’efficacité et de transparence.

Or, qu’en est-il ? Le Gouvernement veut plafonner des avantages fiscaux destinés à booster l’investissement productif dans les territoires d’outre-mer français en plein début de récession économique. Où est la pertinence ?

Le Gouvernement nous demande de croire a priori dans l’adéquation entre l’article 65 rattaché du budget pour 2009 et la future LODEOM, dont on n’est même pas en mesure de nous dire précisément et avec certitude quand elle sera réellement examinée, mais dont on sait déjà que l’examen fera débat ! Où est la cohérence ?

Le Gouvernement a reconnu lui-même les effets positifs de la défiscalisation et des exonérations sur les économies et sur l’emploi en outre-mer toutes ces dernières années. Cependant, face aux demandes pressantes d’évaluation ex ante de ses inquiétantes réformes annoncées, il nous demande d’avoir la foi dans ses certitudes autoproclamées ! Où est le gage d’efficacité?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. A-t-on droit à deux interventions, maintenant ?

M. Georges Patient. On pourrait se demander si le Gouvernement n’a pas le désir secret de contenir le développement des territoires ultramarins tout en faisant semblant de les perfuser, ainsi qu’une volonté d’éviter tout à la fois les désastres sociaux menaçant pour la sécurité nationale, qui, hélas ! se produisent quand même, et la réelle autonomie économique de ces territoires, qu’il doit en réalité redouter mais à laquelle il se fait un malin plaisir d’exhorter les élus au nom des vertus du développement endogène.

M. le président. Concluez, mon cher collègue !

M. Georges Patient. Est-il permis d’attendre du Gouvernement un peu plus de respect pour nos territoires, nos populations et nos élus ?

Pour toutes ces raisons, je voterai contre le budget pour 2009 de la mission « Outre-mer » tel qu’il est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Lequel de vos deux collègues applaudissez-vous ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne résiste pas à l’envie de vous faire part de l’honneur immense que représente ce soir pour moi, premier sénateur de la collectivité de Saint-Barthélemy, cette première intervention à la tribune du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Je ne résiste pas davantage au désir d’exprimer ma joie de voir intervenir ce soir cette France de l’outre-mer. Mes chers collègues, nous avons à mon avis de bonnes raisons d’être fiers d’offrir à la France une telle diversité et une telle richesse.

Je ne résiste pas non plus au désir de dire à mon collègue Jean-Paul Virapoullé, dont j’ai écouté l’intervention avec un profond respect, que j’ai apprécié sa vision synthétique de ce qu’est l’idéal de l’outre-mer pour la France. À l’ère de l’économie planétaire et de la mondialisation, il n’est pas exagéré, je crois, d’affirmer que l’outre-mer est l’avenir de la France. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mes chers collègues, la question de la circonscription législative de Saint-Barthélemy a été l’objet d’une actualité brûlante, et je tiens à exprimer de nouveau toute ma confiance en la parole donnée par le Gouvernement, en dépit des assauts répétés pour modifier ce qui reste une disposition acquise dans la loi organique.

Votre soutien, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, témoigne de la prise en compte de la situation réelle et particulière de notre collectivité.

En effet, ses choix de développement économique ont permis à Saint-Barthélemy d’atteindre un équilibre, avec notamment un taux de chômage qui s’établit à 3,3 %. Bien sûr, nous en sommes fiers, mais cela ne doit pas pour autant être interprété comme la marque d’une désolidarisation du reste de l’outre-mer, non plus que d’une incompréhension de ses problématiques.

À ce titre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’examen des crédits du projet de loi de finances est en général, pour moi, un exercice particulier. En effet, vous le savez, la collectivité de Saint-Barthélemy ne perçoit aucune dotation de l’enveloppe normée destinée aux collectivités. Je prends donc acte, devant vous, du fait que cette autonomie budgétaire constitue une sorte de compensation ou de contrepartie de notre autonomie statutaire.

Les attentes de Saint-Barthélemy ne se situent pas au niveau budgétaire. La collectivité attend de l’État un accompagnement essentiellement réglementaire, ce dont je vous ai d’ailleurs déjà fait part s’agissant de la validation des projets d’actes qui vous ont été transmis.

Néanmoins, ce projet de budget qui nous est présenté par le Gouvernement mérite d’être salué à plusieurs titres : tout d’abord, il offre, de par sa présentation triennale, une visibilité certaine ; ensuite, il s’inscrit en cohérence avec la future loi de développement économique de l’outre-mer, qu’il anticipe ; enfin, il maintient une politique tenant compte des besoins propres à chacune des économies d’outre-mer.

Dans cette optique, je souhaite que les entreprises de Saint-Barthélemy puissent continuer à bénéficier du dispositif d’exonération de charges patronales instauré par la loi de programme de 2003 et réformé par l’article 65 de ce projet de loi de finances. En l’état, Saint-Barthélemy en serait exclue, ce qui porterait un tort considérable à l’économie, puisque le taux de chômage relativement faible que nous connaissons aujourd’hui s’explique en partie par ces mesures d’exonération. Surtout, si l’article 65 était adopté tel quel, les entreprises de Saint-Barthélemy seraient placées en situation de distorsion de concurrence face à celles des collectivités voisines qui, elles, en bénéficieraient.

J’aurai l’occasion d’y revenir plus longuement en présentant l’amendement que j’ai déposé, certain qu’il s’agit ni plus ni moins d’un regrettable oubli intervenu au moment de la rédaction. (M. le secrétaire d’Etat acquiesce.)

En outre, il serait opportun que la mission d’inspection chargée d’étudier la question du prix des carburants se rende également à Saint-Barthélemy. L’entrée en vigueur des normes européennes interdisant l’approvisionnement sur le marché libre à moindre coût a en effet engendré à Saint-Barthélemy une augmentation du prix du carburant, donc des charges pour certaines professions, notamment les pêcheurs. Ces derniers, fortement consommateurs de carburant, se trouvent désavantagés par rapport à leurs collègues des îles voisines. La solution consisterait dès lors à permettre à notre collectivité de pouvoir à nouveau s’approvisionner sur le marché libre.

Je ne m’étendrai pas sur le dispositif de défiscalisation, que je sais controversé. J’indiquerai simplement que, pour ma part, en adéquation avec la politique conduite par la collectivité, j’aurais préféré que la défiscalisation ne soit pas applicable à Saint-Barthélemy. Ce choix n’ayant pas été celui du Gouvernement, je vous serais reconnaissant de m’indiquer dès que possible les modalités retenues pour la consultation de notre collectivité dans le cadre des décisions portant agrément des opérations d’investissement ouvrant droit à déduction fiscale.

À ce propos, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez noté, tout comme moi, que pas un article de presse sur la question des niches fiscales ou de la défiscalisation ne manque l’occasion d’épingler Saint-Barthélemy et de l’ériger au rang de paradis fiscal. Cette tribune m’offre l’occasion d’affirmer que cette assimilation est abusive et impropre, dénotant une méconnaissance totale de notre statut et de notre politique qui visent, au contraire, à freiner l’attractivité fiscale de l’île !

En effet, Saint-Barthélemy ne souhaite en aucun cas attirer des investissements d’opportunité fiscale. La faible pression fiscale de l’île est le résultat d’une politique clairement définie et d’une gestion rigoureuse. Ce n’est donc pas un statut fiscal qui a trouvé un territoire où se développer, mais plutôt un mode de gestion qui a fini par trouver son statut.

L’appellation de paradis fiscal relève du cliché. En effet, la loi organique statutaire et bientôt la convention fiscale qui liera la collectivité à l’État prévoient expressément une clause de transmission des informations afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. En outre, pas plus le secret bancaire que le secret commercial, caractéristiques fondamentales des paradis fiscaux, ne s’appliquent à Saint-Barthélemy.

Aussi n’ai-je qu’un regret à exprimer : bien souvent, lorsque les ministres du Gouvernement sont interpellés au sujet de Saint-Barthélemy, ils se contentent d’esquiver la question en une phrase. En réalité, c’est non pas Saint-Barthélemy qu’ils ont à défendre, mais la France elle-même, notre République qui, en érigeant Saint-Barthélemy au rang de collectivité, n’a pas accepté de faire d’un de ses territoires un paradis fiscal en méconnaissance totale des principes et des conventions internationales qu’elle défend par ailleurs.

Enfin, permettez-moi d’attirer votre attention sur un point qui me tient à cœur. Dans le cadre de la réforme du dispositif de continuité territoriale, je souhaiterais qu’une attention particulière soit portée aux étudiants de Saint-Barthélemy qui, à partir de l’enseignement secondaire, doivent quitter l’île pour être scolarisés en Guadeloupe, à Saint-Martin ou en métropole. Cette organisation suppose d’évidentes contraintes financières pour les familles, ainsi que le poids de la séparation pour les étudiants. La collectivité ne souhaite pas particulièrement que la gestion du futur fonds de continuité territoriale lui soit déléguée ; elle voudrait plutôt que la mise en place de ce dernier soit l’occasion de tenir compte de l’impossibilité pour les élèves de Saint-Barthélemy d’y poursuivre leurs études au-delà d’un certain niveau, et ce afin que le bénéfice de cette mesure leur soit accordé en priorité.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit de la situation particulière de Saint-Barthélemy, je me sens concerné et, je le redis, solidaire de l’avenir de l’outre-mer. C’est donc sans réserve que je voterai les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Yves Jégo répondra dans le détail à chacune des questions que vous avez posées sur vos départements et vos collectivités. Pour ma part, je voudrais vous rappeler le sens de la politique que nous essayons de mener ensemble. Offrir une visibilité concernant nos objectifs est en effet important : il s’agit, au-delà des mesures ponctuelles, de montrer le mouvement que l’on cherche à créer.

Je tiens à saluer le travail des rapporteurs, ainsi que la qualité des interventions entendues cet après-midi et ce soir, au-delà de nos différences d’appréciation. Cette qualité reflète le sens de la responsabilité de chacun vis-à-vis de ses concitoyens et l’attachement très profond, commun aux uns et aux autres, à nos départements et à nos collectivités d’outre-mer. C’est au cœur de l’action qu’Yves Jégo et moi-même menons.

Donner un nouvel élan à l’outre-mer, valoriser les atouts spécifiques de chacun des territoires, permettre à ces derniers de mieux affronter les grands défis de l’époque – ceux d’aujourd’hui mais aussi ceux de demain – à l’heure de la mondialisation et de la concurrence exacerbée, faire en sorte que chacun des habitants de nos départements et de nos territoires se sente valorisé, sente qu’il a effectivement un rôle à jouer pour les autres et pour la France : telle est notre motivation et telle est l’ambition du budget pour 2009 de la mission « Outre-mer », qu’Yves Jégo et moi-même avons l’honneur de vous présenter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la protection des personnes et des biens outre-mer est l’une de mes priorités personnelles. Le développement économique des départements et des collectivités d’outre-mer est l’une de nos priorités essentielles.

C’était, hier, un engagement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy ; c’est aujourd’hui notre politique.

Alors même que le reste des missions budgétaires de l’État respecte des règles d’évolution particulièrement strictes – pour avoir défendu deux autres budgets dans la journée, je le sais fort bien ! –, les moyens de la mission « Outre-mer » connaissent une progression significative. Je tiens d’ailleurs à remercier MM. Cointat, Laufoaulu et Magras de l’avoir souligné.

Face aux défis du XXIe siècle, nous devons trouver non seulement des moyens mais également une stratégie adaptée. Cette nouvelle stratégie, sur laquelle l’État renforce ses concours, nécessite aussi, il ne faut pas l’oublier, une analyse totalement objective de certaines situations, parce que ce n’est pas en rêvant que l’on arrivera à faire évoluer la situation.

Il faut une stratégie pour l’outre-mer qui soit adaptée non seulement à ses besoins actuels, mais également aux perspectives futures. Personne ne peut nier – d’ailleurs, personne ne l’a fait parmi vous – les difficultés auxquelles sont confrontés nos départements et collectivités d’outre-mer : l’éloignement, la proximité avec des pays appliquant des règles sociales ou juridiques beaucoup moins contraignantes que les nôtres, l’insularité, la taille limitée des marchés domestiques qui constitue une contrainte supplémentaire ; et je n’oublie pas – cela a été indiqué à plusieurs reprises, concernant certains des territoires, et je suis tout particulièrement sensible à ce point – les trafics, les violences, les risques excessifs sur les routes et les catastrophes naturelles.

Face à l’ensemble de ces difficultés, je ne dirai pas que rien n’a été fait avant nous ! Des politiques ont été menées et ont donné certains résultats. Mais le taux de chômage demeure néanmoins plus élevé dans les départements d’outre-mer qu’ailleurs, notamment chez les jeunes, comme l’a rappelé Mme Lucette Michaux-Chevry. Le logement social est notoirement insuffisant quantitativement et qualitativement, et ce point, auquel je suis particulièrement attentive, a également été souligné par Mme Michaux-Chevry. Les prix à la consommation sont trop élevés – je l’ai peu entendu dire, sauf bien entendu concernant le carburant –, et je l’ai moi-même constaté.

Il faut tirer les conséquences de cette situation, et je remercie les rapporteurs spéciaux, MM. Masson et Doligé, ainsi que Mme Michaux-Chevry de l’avoir rappelé.

Mais, au-delà de ces constats, nos départements et nos collectivités d’outre-mer ont de vrais atouts dans la compétition mondiale, comme l’a justement souligné M. Marsin. Si leurs économies et leurs entreprises s’inscrivent dans une véritable dynamique, si leur sécurité est encore mieux assurée, il y a alors une voie pour l’avenir, une voie pour les rendre exemplaires !

Nous voulons leur donner les capacités de franchir les obstacles qui existent actuellement et d’obtenir la compétitivité nécessaire. Mieux, nous affirmons que l’outre-mer peut représenter un modèle de croissance durable, respectueuse de l’identité des territoires, comme l’a brillamment évoqué M. Virapoullé.

Cette politique, nous voulons la mettre en œuvre avec les élus et les acteurs économiques, dans une recherche de consensus. Quelles que soient nos différences, si nous voulons créer un mouvement auquel les populations puissent adhérer, il nous faut avoir la volonté de rechercher un consensus, après avoir écouté chacun.

Le dialogue, la recherche du consensus et le souci de l’intérêt général, telles sont les caractéristiques de la méthode qu’Yves Jégo et moi-même appliquons.

Je reprendrai l’exemple du carburant, que nous avons évoqué tout à l’heure. Sur le prix des carburants en Guyane, Yves Jégo a engagé le dialogue avec les pétroliers. Celui-ci a permis une baisse de trente centimes par litre. C’est beaucoup ! Et maintenant ? Maintenant, monsieur Patient, chacun doit prendre ses responsabilités, comme Yves Jégo l’a fait dans son domaine.

Parallèlement, j’ai souhaité qu’une mission d’inspection puisse étudier le système de formation des prix des carburants dans les départements d’outre-mer, notamment en Guyane. Elle devra faire des propositions concrètes pour que l’évolution des prix des carburants dans les départements d’outre-mer obéisse à des règles à la fois transparentes – c’est la moindre des choses – et économiquement justifiées.

Ce souci du dialogue et de recherche du consensus a caractérisé la préparation du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. Ainsi, les secteurs stratégiques prioritaires permettant d’obtenir un certain nombre d’aides et de soutiens au moyen de la défiscalisation ont été définis non par nous, mais par les départements, par le biais des élus et des acteurs professionnels. Il s’agit là, reconnaissez-le, d’une méthode relativement nouvelle !

Cette nouvelle stratégie, que nous voulons pour l’outre-mer, doit être à la fois réaliste et équilibrée.

L’État, en même temps qu’il renforce ses concours financiers – les chiffres en attestent –, doit aussi remettre à plat certaines situations qui le méritent.

La mission « Outre-mer », avec 1,8 milliard d’euros, est en progression de 16 %.

S’agissant des crédits au logement, qui est un domaine sensible – il y a effectivement un vrai problème à cet égard, en termes tant de nombre de logements sociaux que de qualité de ces derniers –, l’augmentation est de 9 %.

En matière de sécurité, l’année 2009 marquera un effort important au profit de l’outre-mer. J’ai conscience des difficultés qui existent et qui tiennent à la violence, à l’immigration illégale, notamment à Mayotte et en Guyane, aux accidents de la route, à l’éloignement des secours. C’est pourquoi sont prévus les premières commandes d’hélicoptères pour la gendarmerie et la sécurité civile de la Martinique, de la Guadeloupe et même de la Polynésie, le démarrage du centre d’alerte aux tsunamis, l’achèvement de l’implantation des groupes d’intervention régionale, en vue de contribuer à la lutte contre les trafics, tels les trafics de drogue et l’économie souterraine.

Proportionnellement, l’État renforce beaucoup plus la protection en outre-mer qu’en métropole. Nous sommes donc loin de la caricature qu’a dessinée M. Flosse !

En matière économique, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer se traduira par une augmentation annuelle de 200 millions d’euros des concours financiers apportés par l’État. Il s’agit donc d’efforts financiers importants.

Parallèlement, le Gouvernement remet à plat certaines situations qui handicapent l’économie locale, donc l’emploi.

Il en va ainsi de l’indemnité temporaire de retraite. Celle-ci est l’héritière d’un système vieux de plus d’un demi-siècle, qui avait toute sa pertinence quand les communications et les conditions de vie étaient différentes. Maintenue malgré tous les progrès survenus, elle a conduit à des excès, voire à des attitudes purement opportunistes.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé une réforme que la Haute Assemblée a adoptée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Il en est de même pour certaines incitations fiscales comme pour certaines exonérations de charges sociales : si elles ont apporté un certain nombre d’avancées, reconnaissons qu’elles n’ont pas toujours permis les bénéfices attendus pour l’économie locale.

Monsieur Gillot, je suis étonnée de vous voir soutenir la loi Girardin, alors que vous ne l’avez pas votée.

M. Jacques Gillot. Je n’étais pas parlementaire, madame ! (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. En tout état de cause, sans doute condamnerez-vous avec moi les détournements que certains ont opérés à leur propre profit et qui sont bien loin de l’intérêt général et économique de l'outre-mer sur le long terme !

Mesdames, messieurs les sénateurs, la responsabilité politique consiste à prendre en compte les situations qui ont changé ou les politiques qui n’ont pas atteint tous les objectifs qui leur avaient été assignés. Nous devons être capables de procéder à des évaluations, de nous remettre en cause pour trouver les meilleures solutions.

Le plafonnement des incitations fiscales – vous avez raison, madame Michaux-Chevry – correspond à une exigence de justice. La participation équitable à l’effort fiscal est nécessaire, comme tous les intervenants l’ont souligné ; il faut en tirer les conséquences. Pour autant, il ne faut pas nier la nécessité d’apporter aux économies d’outre-mer les financements nécessaires, et ce dans la durée.

La réforme des exonérations de charges sociales patronales a été recentrée sur les bas salaires et sur les salaires intermédiaires. C’est ainsi que s’enclenchera une véritable dynamique.

Je réitère devant vous l’engagement que j’ai pris devant l’Assemblée nationale : cette réforme ne sera applicable qu’après la promulgation de la loi pour le développement économique de l’outre-mer. C’est tout à fait logique.

La responsabilité politique demande également de conduire le changement en tenant compte des remarques qui nous sont adressées, y compris celles qui ne sont pas agréables. C’est la règle du jeu, lorsque l’on est membre du Gouvernement. (Sourires.)

Le Gouvernement a toujours privilégié l’écoute, l’écoute de tous les responsables d'outre-mer. J’ai demandé que soit reprise en juin dernier la concertation que nous avions engagée sur le projet de loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer. Certes, nous avions bien avancé, mais des incompréhensions demeuraient. Yves Jégo n’a cessé d’être à l’écoute de chacun d’entre vous, parcourant à cette fin des centaines de milliers de kilomètres. Ainsi, s’agissant de la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, il a adapté le texte initial, proposant un horizon de vingt ans.

De la même façon, dès le 22 septembre dernier, Yves Jégo et moi-même avons saisi le Premier ministre sur la question du plafonnement des avantages fiscaux et de leurs effets sur les économies d’outre-mer. Sur ce sujet également, vous aviez formulé un certain nombre d’observations

Aujourd’hui, le Gouvernement vous présente un projet de plafonnement qui intègre l’effet de la rétrocession, ainsi que je l’avais proposé. Ce plafond sera de 40 000 euros après rétrocession ou correspondra à 6% du revenu net.

Cette proposition répond à l’exigence d’équité fiscale, puisqu’elle évitera que les contribuables n’échappent à l’impôt, ainsi que Mme Michaux-Chevry l’a souligné. Elle répond aussi à l’exigence d’une alimentation des économies ultra-marines en ressources financières nécessaires à leurs investissements.

En outre, ainsi que je l’avais proposé, les modalités d’appel public à l’épargne seront modifiées, de manière à accroître le nombre d’investisseurs potentiels outre-mer.

Enfin, pour moi, la responsabilité politique, c’est encore le respect de la parole donnée.

Monsieur Gillot, je vous confirme les propos que j’ai tenus lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité civile » ; je le ferai même par écrit si vous le jugez nécessaire.

De la même façon, monsieur Laufoaulu, j’ai promis l’envoi d’une mission à Wallis-et-Futuna. Le préfet avait sans doute des raisons pour qu’elle n’intervienne pas immédiatement. En tout cas, elle aura lieu au cours du premier semestre 2009.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de céder la parole à Yves Jégo, qui répondra à l’ensemble des préoccupations que vous avez exprimées concernant les départements ou les collectivités que vous représentez, je veux répéter que l’ambition du Gouvernement est de donner aux économies d’outre-mer les moyens de leur développement.

Je l’ai rappelé l’année dernière, et je le répète encore cette année : je crois vraiment au talent des hommes et des femmes des départements et des collectivités d’outre-mer, à leur volonté d’agir, à leur refus de la fatalité, à leur fierté d’être des citoyens ultramarins en même temps que des citoyens français. Je crois aux atouts des économies ultramarines pour relever les défis de demain. À l’heure de la mondialisation, l’existence de ces territoires français sur l’ensemble de la planète constitue un atout incontestable. L’outre-mer est une chance pour la France comme pour l’Europe.

J’ai la conviction que nous devons agir ensemble pour l'outre-mer, car, ainsi, nous agissons pour la France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’apporter les réponses les plus précises possibles aux différentes interventions, je voudrais souligner à mon tour, après neuf mois d’exercice de cette responsabilité passionnante qui m’a été confiée au sein du Gouvernement, après vingt-deux déplacements dans les départements et les collectivités d’outre-mer, soit près de 400 000 kilomètres, à quel point j’ai conscience de la chance exceptionnelle que représente l'outre-mer pour notre pays, à l’heure de la mondialisation et des défis maritimes et écologiques.

Les ressources de ces territoires sont considérables ; leur diversité géographique et culturelle enrichit l’histoire de notre pays, fait l’honneur de la France et contribue également à son avenir. À charge pour nous d’inscrire désormais ces territoires dans cette dynamique en apportant des solutions concrètes aux problèmes qui se posent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je prends l’engagement devant la Haute Assemblée, comme je l’ai fait devant l'Assemblée nationale, que chacun d’entre vous recevra une réponse écrite ; il se peut en effet que, ce soir, j’omette de répondre ou que je ne réponde pas assez précisément aux questions qui m’ont été posées.

Je commencerai par le budget de la mission « Outre-mer ».

Si je comprends parfaitement que l’opposition s’oppose et cherche à démontrer que le verre plein est aux trois quarts vide, il est tout de même difficile de soutenir que l’engagement de l’État en faveur de l'outre-mer est en baisse, alors que le budget dévolu à cette mission est passé de 15 milliards d'euros à 16,7 milliards d'euros, soit une progression importante, telle qu’on n’en a pas connu depuis de très nombreuses années. Expliquer qu’il s’agit d’un simple rattrapage technique ou d’un rattrapage financier et budgétaire semble une tâche ardue.

Au contraire, il nous faut nous réjouir de constater que les moyens nécessaires sont déployés pour apporter des réponses aux défis économiques, sociaux et écologiques qui nous attendent.

À ce propos, je m’attarderai un instant sur la dette et sur ce terme même de « dette ». Deux aspects ont été évoqués.

Vous avez tout d’abord mentionné, certains pour mieux nous le reprocher, la dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale. Il faut savoir que la politique qui consiste à baisser les charges des entreprises, politique sur laquelle est construit ce budget,…

M. Charles Revet. Oui, c’est de bonne politique !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. ...repose sur la logique suivante : plus les entreprises embauchent, plus la compensation de l’État aux caisses de sécurité sociale est importante. Si j’ose dire, une telle dette est une bonne nouvelle !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le pire serait que les entreprises embauchent moins et que la dette de l’État soit moindre, car cela signifierait que l’économie va mal. Si le montant prévisionnel des crédits se révèle insuffisant, c’est le signe que la situation économique s’est améliorée plus rapidement que le Gouvernement ne l’avait envisagé. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Il a ensuite été question de la dette de l’État à l’égard du logement social. Je le déclare solennellement, il n’existe aucune facture en souffrance dans quelque préfecture d’outre-mer que ce soit concernant des programmes de logements sociaux. Au contraire, dans certains territoires, comme la Guadeloupe ou la Martinique, des millions d’euros de crédits n’ont pas encore été utilisés ; le Gouvernement aurait pu les mobiliser pour dégager les moyens nécessaires à la construction de logements sociaux.

Il faut rappeler certaines vérités. Au moment où je m’adresse à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, toutes les factures de l’État sont honorées, en particulier celles qui concernent le logement social. De la même façon, le Gouvernement assure le suivi des contrats de projets.

S’agissant de Mayotte, les chiffres qui ont été avancés sont faux : ce sont non pas 43 millions d'euros, mais 11 millions d'euros qui seront prochainement réglés. Il faut se méfier des dettes virtuelles ou annoncées, qui servent les discours politiques mais ne correspondent pas à la réalité ! J’invite d’ailleurs Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les services des commissions à se rendre rue Oudinot pour rencontrer les responsables en charge de ces dossiers et constater la véracité de mes propos.

Vous avez été nombreux à évoquer le problème du logement social. Je ne peux laisser dire que les crédits consacrés au logement social sont en baisse et que l’État ne dégage plus les moyens nécessaires. C’est exactement le contraire ! La ligne budgétaire unique est passée de 190 millions d'euros à 253 millions d'euros, garantis sur trois ans, ce qui répond à la demande des opérateurs.

À cette ligne budgétaire unique, qui était le seul outil de financement du logement social, s’ajouteront deux autres mesures prévues dans le projet de loi de finances pour 2009, qui seront votées lors de l’examen du projet de loi pour le développement économique de l'outre-mer.

D’une part, nous allons mettre en place un outil de défiscalisation – je suis d’ailleurs étonné d’entendre des plaintes émanant de sénateurs siégeant à la gauche de cet hémicycle – qui, pour la première fois dans l’histoire de notre République, va permettre, par l’intermédiaire des particuliers, des entreprises, de financer le logement social et d’ajouter des moyens supplémentaires aux 253 millions d’euros de la ligne budgétaire unique en année pleine. Selon nos estimations, nous pourrions lever 170 millions d’euros supplémentaires au titre de la défiscalisation.

D’autre part, le Gouvernement a pris l’engagement, en particulier dans les secteurs concernés par les restructurations militaires, de mettre immédiatement à la disposition des maires, par le biais d’une simple convention de mise à disposition, les terrains de l’État disponibles afin d’y construire des logements sociaux. En outre-mer, le foncier est fréquemment très cher. Par conséquent, la mesure proposée constitue un apport non négligeable.

Des vérités doivent être rétablies. Les moyens nécessaires à la construction de logements sociaux seront réunis. Nous devions effectivement revoir les paramètres de financement de ce secteur, car ils étaient dépassés en raison de l’augmentation des coûts de construction. Mais cette hausse n’est pas exclusivement un phénomène ultramarin. L’ensemble de notre pays doit faire face à cette situation. Le décret de révision des paramètres, actuellement en cours de signature, va être publié d’ici à quelques jours. Il permettra aux opérateurs de trouver les moyens nécessaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur le fait qu’il manque aujourd’hui 50 000 logements sociaux en outre-mer. Nous avons le devoir impératif de remédier à cette carence. L’année dernière, en Martinique, territoire comptant 400 000 habitants, 400 logements sociaux ont été construits. Évidemment, il faut donc encore développer les choses.

Monsieur Serge Larcher, le défaut de construction de logements résulte non d’une insuffisance de crédits – à cette heure, plusieurs millions d’euros figurant sur la ligne budgétaire unique de Martinique ne sont pas encore consommés –, mais du manque d’opérateurs et, parfois, de l’absence de volonté politique. N’affirmez pas que cette situation serait due au fait que le Gouvernement ne débloquerait pas les crédits nécessaires. C’est faux ! Le Gouvernement prévoit même des crédits supplémentaires. Ce sera d’ailleurs l’un des axes forts du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer qui, au début de l’année prochaine, va être soumis au Sénat, assemblée qui sera d’ailleurs saisie en premier. J’aurais moi aussi souhaité que ce projet de loi puisse être examiné dès l’automne. Mais le calendrier parlementaire…

M. Charles Revet. Pour le moins chargé !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. …a dû être bouleversé en raison de la crise budgétaire.

D’aucuns m’ont expliqué pendant plusieurs mois que ce projet de loi était mauvais. Je pensais donc que l’annonce de son examen tardif serait une bonne nouvelle pour eux. Je me réjouis aujourd'hui de constater que nombre des membres de la Haute Assemblée, siégeant notamment sur les travées de l’opposition, attendent désormais avec impatience ce texte. Cela signifie, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous l’avez mieux compris. J’espère que nous pourrons mener un débat fructueux afin de le rendre opérationnel.

S’agissant de la défiscalisation, sujet évoqué par un certain nombre d’entre vous, je partage les propos tenus par Mme Alliot-Marie.

Je suis surpris : selon les élus de l’opposition, le plafonnement de la défiscalisation tendant à soustraire les 1 200 foyers fiscaux les plus riches de notre pays au paiement de l’impôt serait une honte, une atteinte à je ne sais quel ordre moral ! Or j’avais cru comprendre que les mêmes nous accusaient voilà quelques mois de faire des cadeaux aux riches ! Qui, dans cet hémicycle, souhaite ce soir que nous continuions à en faire au titre de la défiscalisation ?

Quoi qu’il en soit, le plafonnement, tel qu’il a été élaboré en concertation avec les parlementaires, va permettre à la fois de moraliser le dispositif – nous devons être fiers que cela n’autorise plus quelques grosses fortunes à se dédouaner de l’impôt – et de lui conserver son caractère opérationnel. À cet égard, si nous avions voulu « tuer » ce dispositif, nous aurions non pas augmenté les crédits dans le projet de budget – ils passent de 550 millions d’euros à 800 millions d’euros –, mais, au contraire, diminué cette somme ! Voilà qui devrait mettre fin à toutes les campagnes de dénigrement qui ont été menées.

Je tiens à indiquer avec gravité à un certain nombre d’élus que toutes ces campagnes de dénigrement des projets n’ont qu’un résultat : la mauvaise image de l’outre-mer ! La presse, les médias évoquent alors une outre-mer en panne, qui refuserait d’aller de l’avant et craindrait toute réforme. Or, au cours de mes déplacements, j’ai constaté tout le contraire. J’ai rencontré des chefs d’entreprise, des acteurs de la vie locale qui n’avaient qu’une envie : faire preuve de dynamisme et s’inscrire dans les évolutions. Prenons donc garde à ne pas salir l’image de l’outre-mer ! Souvent, nombre de nos compatriotes en ont une vision un peu réductrice ou caricaturale. À nous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de montrer que l’outre-mer veut s’inscrire pleinement dans l’évolution de la société.

La compensation des charges dues par les entreprises a été souvent évoquée. Ce sujet sera abordé à nouveau prochainement. Le présent projet de loi de finances prévoit 1 milliard d’euros à ce titre, contre 1,150 milliard d’euros précédemment. Le manque à gagner de 150 millions d’euros sera compensé, dans la loi pour le développement économique de l’outre-mer, par plus de 300 millions d’euros correspondant à des baisses de fiscalité. Je rappelle que les entreprises bénéficieront de 80 % ou de 50 % de réduction de la taxe professionnelle, de l’impôt sur les sociétés et de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans les départements ou les secteurs les plus en difficulté, le taux appliqué sera systématiquement celui de 80 %.

Nous avons la volonté de poursuivre l’effort et de réorganiser l’action de l’État. Alors que le monde change et que les entreprises doivent sans cesse s’adapter à des évolutions brutales, comment concevoir qu’un dispositif adopté voilà huit ans soit figé à jamais ? Nous voulons réorganiser les outils de l’État pour être plus efficaces et pour répondre aux défis économiques auxquels nous sommes confrontés.

Par ailleurs, pour ce qui concerne la politique de désenclavement, de continuité territoriale, il convient de parvenir à une diminution du prix des billets d’avion. Le projet de loi de finances qui vous est présenté comporte un certain nombre de moyens globalisés qui devraient permettre d’aller dans ce sens.

Mayotte a fait l’objet de nombreuses interventions. Les moyens budgétaires affectés à ce territoire ne sont pas revus à la baisse. Je ne suis pas d’accord avec les analyses qui ont été effectuées.

Je me suis rendu à Mayotte deux fois au cours de cette année. J’ai signé un contrat de développement à hauteur de 550 millions d’euros, dont 330 millions d’euros sont pris en charge par l’État et figurent, en grande partie, dans ce projet de budget. Nous répondons ainsi aux besoins de financement, notamment dans le domaine scolaire. Nous allons investir 19 millions d’euros dans les bâtiments scolaires.

Monsieur Giraud, le lycée auquel vous avez fait référence a été construit en préfabriqué non par manque de moyens, mais parce que la commune avait mis à la disposition de l’État un terrain inadapté à la construction d’un bâtiment en dur. Aujourd’hui, nous recherchons un autre terrain adéquat. Pour ne pas priver les élèves de cours, nous avons installé des bâtiments préfabriqués de très grande qualité, climatisés, extrêmement modernes, que j’ai d’ailleurs visités.

Mayotte a la grande ambition de s’engager vers la départementalisation. Une première étape se jouera au mois de mars prochain, avec la consultation des Mahorais. Si ces derniers se prononcent dans le sens souhaité par l’immense majorité de leurs élus, le cent unième département français verra le jour, dans le cadre d’une feuille de route progressive et adaptée. D’année en année, certaines dispositions répondront aux attentes des Mahorais et les amèneront à modifier un certain nombre de leurs habitudes en matière d’impôts locaux, d’état civil – c’est un préalable –, de cadastre ; la justice religieuse devra laisser la place à la justice de la République.

Pour ma part, je considère que le chemin menant à la départementalisation sera totalement parcouru dans une vingtaine ou une trentaine d’années. Ne mentons pas aux Mahorais ! Pour autant, cela ne signifie pas que des décisions importantes ne pourront pas être adoptées dès l’année prochaine. Mais une génération sera nécessaire pour répondre aux attentes de développement de ce territoire.

J’en viens à la Guyane, qui connaît actuellement une situation préoccupante. Depuis neuf jours, la population est descendue dans la rue à l’appel d’abord des transporteurs puis des consommateurs, afin d’obtenir une baisse de cinquante centimes du prix du litre d’essence. Toute l’activité de la Guyane, qu’il s’agisse de l’activité économique, sociale ou scolaire, est bloquée.

Le Gouvernement a pris acte de cette demande. Comme Michèle Alliot-Marie l’a indiqué, nous avons envoyé une mission qui sera sur place la semaine prochaine. Cette dernière, au-delà de la Guyane, fera d’ailleurs le tour de tous les territoires afin de mettre à plat le système de formation du prix de l’essence et de régler le problème.

En attendant, nous avons essayé d’apporter des réponses à court terme. Le prix de l’essence en Guyane est le plus élevé non pas du monde, mais de France : 1,77 euro le litre d’essence au début de la crise. On comprend donc parfaitement la colère des Guyanais.

Pourquoi un tel état de fait ? Il existe trois raisons à cela.

Outre des spécificités géographiques propres à la Guyane, qui entraînent une distribution plus chère, il existe des raisons conjoncturelles : voilà un peu plus d’un an, le syndicat des concessionnaires automobiles a déposé une plainte contre les sociétés pétrolières pour que soit livrée dans ce département de l’essence aux normes européennes. Cette dernière, de qualité, convient beaucoup mieux aux voitures que l’essence jusqu’alors importée en Guyane en provenance des pays voisins. De ce fait, le prix de ce produit a augmenté de 30 %.

La troisième raison tient au fait que, outre-mer, les taxes perçues sont prélevées non pas l’État, comme en métropole, mais par le conseil régional, qui en fixe librement le taux. Or, en Guyane, le taux de ces taxes est de 30 % à 50 % plus élevé que dans le reste de la région Caraïbe.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est excessif !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Ces trois facteurs conjugués expliquent la cherté de l’essence en Guyane et les dernières manifestations des habitants.

Que faire pour apporter aux Guyanais des réponses concrètes ? Monsieur Patient, comme vous, je ne souhaite ni discours ni effets d’annonces ; je veux du concret.

Le Gouvernement s’est donc engagé auprès des compagnies pétrolières. Ce ne fut pas simple. D’ailleurs, si cela avait été facile, les élus guyanais, mobilisés depuis très longtemps sur ce sujet, auraient obtenu des baisses de prix ! S’il leur avait suffi d’aller trouver le dirigeant de la société Total pour obtenir une diminution du prix de l’essence à la pompe, pourquoi ne l’auraient-ils pas fait ?

Le Gouvernement s’est engagé sur ce sujet. Je l’ai fait personnellement. Grâce à un montage mis en place avec les sociétés pétrolières, nous avons obtenu une baisse du prix de l’essence à la pompe de trente  centimes d’euros, qui est opérationnelle depuis lundi matin. La Guyane n’a donc plus l’essence la plus chère de France, le prix du litre ayant été ramené à 1,47 euro.

Mais les Guyanais, approuvés par les élus, revendiquent une baisse totale de cinquante centimes d’euros par litre. Comment faire pour réduire de vingt centimes d’euros supplémentaires le prix ? Il reste les taxes ! Ces dernières sont en effet supérieures de vingt centimes à celles qui sont prélevées en Guadeloupe, par exemple. Leur diminution serait donc le seul moyen d’apporter immédiatement une réponse susceptible de satisfaire les personnes qui ont dressé des barrages.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. À la demande du Gouvernement, j’ai dialogué avec les élus. Ces derniers m’ont affirmé que la privation de cette recette leur poserait des difficultés pour boucler leur budget. Étant moi-même maire, je sais de quoi il s’agit. Non pour compenser, parce que c’est impossible, mais pour éviter toute tension sur les budgets des communes, du département et de la région, collectivités entre lesquelles est répartie la taxe prélevée, j’ai proposé d’affecter à ces dernières 10 millions d’euros du fonds exceptionnel d’investissement pour l’outre-mer. Les investissements en cause étant pris en totalité ou en partie en charge par l’État, les collectivités pourront réorganiser leur budget de manière à faire face à cette baisse de charges. C’est donc un geste significatif.

De plus, la perte de recettes résultant de cette baisse de vingt centimes d’euros s’élèverait non pas à 10 millions d’euros, mais à 7 ou à 8 millions d’euros. Un effort supplémentaire est donc effectué.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est un bonus !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. D’aucuns prétendent que ce fonds n’existe pas. Je suis désolé de les contredire, mais, si vous adoptez ce soir le programme 123-7, vous aurez doté ce fonds exceptionnel d’investissement de 10 millions d’euros pour la Guyane.

Je vous affirme, avec toute la force que donne la présence à la tribune de la Haute Assemblée, que, dès le mois de janvier, le secrétariat d’État à l’outre-mer honorera toutes les factures qui lui seront transmises par les collectivités, selon la clé de répartition qui nous sera proposée par les collectivités locales elles-mêmes. C’est un engagement clair. J’ai, en deux jours, adressé trois courriers au président de la région afin de lui expliquer les modalités d’application de ce dispositif. Il revient maintenant à chacun de prendre ses responsabilités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous voulez répondre aux revendications que vous soutenez depuis neuf jours, faites l’effort qu’attendent les habitants de Guyane, étant entendu que cela ne pèsera pas sur vos budgets locaux.

Le Gouvernement a adopté une attitude responsable. Désormais, la solution existe, sauf à considérer, ce que je ne veux pas croire, que d’autres pensées ou arrière-pensées sous-tendent cette affaire et que certains voudraient les transformer en arguments politiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Vous avez indiqué, monsieur Patient, que l’UMP avait apporté son soutien aux revendications des habitants. Elle considère désormais, et la presse de Guyane s’en est fait l’écho ce matin, que, dans la mesure où le Gouvernement a pris ses responsabilités, c’est maintenant à la région de faire un effort. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Il faut rappeler ces vérités.

Je reste à l’entière disposition des élus de Guyane cette nuit, demain matin, aussi longtemps qu’il le faudra pour redire, récrire et confirmer les propos que je tiens devant vous. Plus rien ne bloque. La baisse de cinquante centimes d’euro du prix du litre d’essence est possible.

J’espère que chacun saura prendre ses responsabilités et qu’on ne laissera pas perdurer une situation qui n’est pas tenable : pendant neuf jours, des enfants qui ne vont pas à l’école, des commerces qui sont fermés, des chefs d’entreprise qui m’appellent à longueur de journée pour m’expliquer que, si les choses continuent ainsi, ils vont faire faillite...

Il faut savoir terminer un conflit. En l’occurrence, on peut en sortir par le haut, c’est-à-dire donner satisfaction aux habitants sans grever les budgets des collectivités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que ma réponse vous satisfait et qu’elle vous apporte l’ensemble des éléments nécessaires à la bonne compréhension de cette question.

Monsieur Cointat, une nouvelle prison va être prochainement inaugurée à la Réunion. Nous avons noté vos observations sur l’enseignement à Mayotte. Nous devons poursuivre l’effort qui a été entrepris.

Madame Michaux-Chevry, nous sommes très attentifs au secteur de Basse-Terre. Je demanderai au nouveau préfet qui prendra ses fonctions lundi de faire de ces questions une priorité de son action. Ce secteur pourrait en effet devenir un pôle culturel régional. Nous vous accompagnerons dans cette perspective.

Monsieur Marsin, les dommages dus au chlordécone retiennent toute l’attention du Gouvernement. Un plan national de 32 millions d’euros a été mis en place, qui sera piloté par le directeur général de la santé. Nous avons par ailleurs mis en place un dispositif d’information, d’aide à la reconversion des agriculteurs, afin de mettre fin à la situation actuelle dans les meilleures conditions possibles.

Je ne répondrai pas à M. Flosse, dont les propos m’ont paru quelque peu excessifs. Je lui indiquerai simplement que l’État ne se désengage nullement de Polynésie, ni sur le plan financier ni sur le plan des moyens humains. Les forces de gendarmerie doivent certes être réorganisées, mais elles ne diminuent pas, bien au contraire. Mme le ministre de l’intérieur veille à la présence des moyens de sécurité dans ce secteur.

Monsieur Frimat, la situation des collectivités locales de Martinique appelle des actions de la part de l’État et mérite dans certains cas d’être remises à plat, j’en ai bien conscience. Nous travaillons en collaboration avec M. Claude Lise, qui est très attentif à ces questions.

Mais il existe parfois des situations très contrastées au sein d’un même territoire. Ainsi, le conseil régional de Martinique boucle ses budgets avec un excédent de 16 millions d’euros.

M. Jean-Paul Virapoullé. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je ne suis d’ailleurs pas persuadé que ce soit de bonne politique ni de bonne pratique budgétaire : il s’agit des impôts des Martiniquais, et mieux vaudrait, me semble-t-il, les utiliser pour le développement du territoire.

Monsieur Virapoullé, votre enthousiasme est sans égal lorsque vous évoquez l’outre-mer. À la suite de votre interpellation, j’ai suggéré à Mme Valérie Pécresse d’envisager la création d’une université francophone de médecine de l’océan Indien, qui formerait à la médecine et aux professions de santé les jeunes du bassin francophone de cette région.

Par ailleurs, je me rendrai prochainement à la Réunion avec le directeur d’EDF-énergies renouvelables. Je considère en effet que la bagasse doit être payée à un juste prix, et je soutiens votre combat dans ce domaine. J’espère avoir de bonnes nouvelles à vous annoncer prochainement.

En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, j’ai indiqué hier, à l’occasion des premiers états généraux du service militaire adapté, que je souhaitais une implantation d’un centre dédié au SMA à Futuna. Le général Frétille, qui travaille à mes côtés sur ce sujet, ne manquera pas de prendre contact avec vous.

Quant à la TNT, l’objectif du Gouvernement est que, dès 2010, dix chaînes gratuites soient diffusées en même temps sur tous les territoires de l’outre-mer, et que Wallis-et-Futuna puisse bénéficier de ce dispositif.

Monsieur Magras, j’ai été très heureux d’entendre un représentant de Saint-Barthélemy s’exprimer à cette tribune. Le Gouvernement considère qu’une collectivité d’outre-mer doit être représentée au Sénat et à l’Assemblée nationale. Saint-Martin et Saint-Barthélemy doivent donc avoir chacune un sénateur – c’est fait – mais aussi un député. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Gérard Larcher. Très bien !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il n’y a aucune raison pour qu’une collectivité soit représentée par une autre. Personne n’imaginerait une telle possibilité en métropole. Je ne vois donc pas pourquoi on devrait l’accepter pour l’outre-mer. Le fait pour une collectivité d’être très petite et très éloignée de la métropole ne lui donne pas moins de droits ; au contraire, elle doit lui en donner plus au titre de la représentation. Nous vous accompagnerons sur ce sujet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me suis efforcé de balayer brièvement le champ de vos interrogations. Je serai plus explicite dans les réponses écrites que je vous adresserai.

Le présent projet de budget constitue un levier de développement exceptionnel ; il permet de répondre aux attentes de la population en matière de logement et d’aide sociale ; il peut débloquer la situation en Guyane, à condition que chacun veuille bien jouer son rôle, sans transformer chaque conflit en un débat entre la droite contre la gauche ou entre le Gouvernement contre le reste de la population.

Ces perspectives demandent beaucoup de travail. Je m’y consacrerai avec enthousiasme, sachant que je peux compter sur chacune et chacun d’entre vous. Le Gouvernement est motivé pour montrer non seulement que l’outre-mer est une chance pour la France, mais aussi que la France est une chance pour les outre-mers. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Simon Loueckhote. Je demande la parole.

M. le président. Monsieur Loueckote, vous avez renoncé tout à l’heure à intervenir. Je vous autorise donc à prendre la parole quelques instants.

M. Simon Loueckhote. Je vous remercie de déroger à la règle, monsieur le président.

Je souhaite faire remarquer que, siégeant au Sénat depuis seize ans, c’est la première fois que je vois autant de sénateurs dans cet hémicycle lors de la discussion du budget de l’outre-mer, et ce en dépit de l’heure tardive ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Je tiens à en remercier tous nos collègues qui participent à ce débat

C’est aussi la première fois que je vois le président du Sénat assister à l’ensemble de la discussion sur le budget de l’outre-mer, et ce à une heure aussi avancée de la nuit. Je tenais à le souligner et à en remercier le président de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Outre-mer
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 64

M. le président. Nous nous en réjouissons avec vous, monsieur Loueckhote.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Outre-mer », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Outre-mer

1 961 204 742

1 870 808 984

Emploi outre-mer

1 191 606 438

1 191 606 438

Dont titre 2

87 403 938

87 403 938

Conditions de vie outre-mer

769 598 304

679 202 546

Je n’ai été saisi d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J’appelle en discussion les articles 64 et 65 qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Outre-mer », ainsi que les amendements portant articles additionnels également rattachés.

Outre-mer

Article 35 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 65

Article 64

Au premier alinéa des articles L. 2572-62 et L. 2572-65 du code général des collectivités territoriales, l’année : « 2008 » est remplacée par l’année : « 2011 ». – (Adopté.)

Article 64
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Articles additionnels après l'article 65 (début)

Article 65

I. – Après l’article L. 752-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 752-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 752-3-2.  I. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Saint-Martin, les employeurs, à l’exclusion des entreprises publiques et établissements publics mentionnés à l’article L. 2233-1 du code du travail, sont exonérés du paiement des cotisations à leur charge au titre de la législation de sécurité sociale à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, dans les conditions définies au présent article.

« II. – L’exonération s’applique :

« 1° Aux entreprises, employeurs et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 2211-1 du code du travail, occupant dix salariés au plus. Si l’effectif vient à dépasser le seuil de dix salariés, le bénéfice intégral de l’exonération est maintenu dans la limite des dix salariés précédemment occupés ou, en cas de départ, remplacés. Un décret fixe les conditions dans lesquelles le bénéfice de l’exonération est acquis dans le cas où l’effectif d’une entreprise passe au-dessous de onze salariés ;

« 2° Aux entreprises, quel que soit leur effectif, du secteur du bâtiment et des travaux publics, de l’industrie, de la restauration, de la presse, de la production audiovisuelle, des énergies renouvelables, des nouvelles technologies de l’information et de la communication et des centres d’appel, de la pêche, des cultures marines, de l’aquaculture, de l’agriculture, y compris les coopératives agricoles et sociétés d’intérêt collectif agricoles et leurs unions, ainsi que les coopératives maritimes et leurs unions, du tourisme, de la restauration de tourisme et de l’hôtellerie ;

« 3° Aux entreprises de transport aérien assurant :

« a) La liaison entre la métropole et la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint-Pierre-et-Miquelon ou Mayotte ;

« b) La liaison entre ces départements ou collectivités ;

« c) La desserte intérieure de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion ou de Saint-Martin.

« Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l’un de ces départements ou à Saint-Martin ;

« 4° Aux entreprises assurant la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion ou de Saint-Martin, ou la liaison entre les ports de ces départements ou collectivité ou la liaison entre les ports de La Réunion et de Mayotte.

« III. – Le montant de l’exonération est calculé chaque mois civil, pour chaque salarié, en fonction de sa rémunération telle que définie à l’article L. 242-1. Lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 40 %, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales. À partir de ce seuil, le montant de l’exonération décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 3,8 fois le salaire minimum de croissance.

« IV. – Par dérogation au III, le montant de l’exonération est égal au montant des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales lorsque la rémunération horaire est inférieure à un seuil égal au salaire minimum de croissance majoré de 60 %, puis décroît de manière linéaire à partir de ce seuil, et devient nul lorsque la rémunération horaire est égale à 4,5 fois le salaire minimum de croissance, pour les entreprises situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à La Réunion respectant les conditions suivantes :

« 1° Employer moins de deux cent cinquante salariés et avoir réalisé un chiffre d’affaires annuel inférieur à 50 millions d’euros ;

« 2° Avoir une activité principale relevant de l’un des secteurs d’activité éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts ou correspondant à l’une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises, recherche et développement ou technologies de l’information et de la communication ;

« 3° Être soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d’imposition.

« 4° À l’exception des entreprises situées en Guyane, dans les îles des Saintes, à Marie-Galante, et à la Désirade, exercer leur activité principale dans l’un des secteurs suivants :

« a) Supprimé.................................................................... ;

« b) Tourisme, environnement ou énergies renouvelables pour les entreprises situées en Martinique et en Guadeloupe ;

« c) Tourisme, agro-nutrition ou énergies renouvelables pour les entreprises situées à La Réunion ;

« 5° Ou :

« a) Avoir signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention, agréée par l’autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d’un projet de développement sur l’un de ces territoires si les dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l’entreprise au titre de l’exercice écoulé ;

« b) Avoir réalisé des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane défini aux articles 130 à 136 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, si le chiffre d’affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d’affaires de l’exploitation au titre de l’exercice écoulé.

« Les conditions prévues aux 1° et 2° s’apprécient à la clôture de chaque exercice.

« V. – Pour l’application du présent article, l’effectif pris en compte est celui qui est employé par l’entreprise dans chacune des collectivités mentionnées au I, tous établissements confondus dans le cas où l’entreprise compte plusieurs établissements dans la même collectivité. L’effectif est apprécié dans les conditions prévues par les articles L. 1111-2 et L. 1251-54 du code du travail.

« Lorsque dans une même entreprise ou un même établissement sont exercées plusieurs activités, l’exonération est applicable au titre de l’activité exercée par chacun des salariés employés.

« VI. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l’employeur, d’être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement à l’égard de l’organisme de recouvrement. La condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que l’employeur a, d’une part, souscrit et respecte un plan d’apurement des cotisations restant dues et, d’autre part, acquitte les cotisations en cours à leur date normale d’exigibilité.

« Les exonérations prévues par le présent article ne peuvent être cumulées avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exception de la déduction forfaitaire prévue à l’article L. 241-18.

« VII. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article, ainsi que de tous autres allègements et exonérations de cotisations patronales prévus par le présent code, est subordonné au fait, pour l’entreprise ou le chef d’entreprise, de ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d’œuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.

« Lorsqu’un organisme chargé du recouvrement est avisé, par la transmission du procès-verbal établi par un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1 du code du travail, de la commission d’une des infractions mentionnées à l’alinéa précédent, il suspend la mise en œuvre des exonérations prévues par le présent article jusqu’au terme de la procédure judiciaire.

« VIII. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

II. – L’article L. 752-3-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « Dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1 » sont remplacés par les mots : « À Saint-Pierre-et-Miquelon » ;

2° Au 1° du I, les références : « à l’article L. 131-2 » et « de l’article L. 421-2 » sont remplacées respectivement par les références : « au premier alinéa de l’article L. 2211-1 » et « des articles L. 1111-2 et L. 1251-54 » ;

3° Au 2° du I, au premier alinéa du 3° du I, au II et au III, la référence : « L. 131-2 » est remplacée par la référence : « L. 2211-1 » ;

4° Au deuxième alinéa du 3° du I, les mots : « dans l’un de ces départements ou de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon » sont remplacés par les mots : « à Saint-Pierre-et-Miquelon » ;

5° Le troisième alinéa du 3° du I est ainsi rédigé :

« – les entreprises de Saint-Pierre-et-Miquelon assurant la desserte maritime ou fluviale de plusieurs points des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon. » ;

5° bis  À la première phrase du dernier alinéa du I, les mots : « dans chacun des départements ou collectivités concernés » et « dans le même département » sont remplacés par les mots : « à Saint-Pierre-et-Miquelon » ;

6° Au quatrième alinéa du 3° du I, les références : « L. 421-1 » et  « L. 421-2 » sont remplacées respectivement par les références : « L. 1111-2 » et « L. 1251-54 » ;

7° Le V est ainsi rédigé :

« V. – Le bénéfice de l’exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l’entreprise ou le chef d’entreprise, de ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d’œuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail. »

III. – Le présent article est applicable aux cotisations afférentes aux salaires et rémunérations dus à compter du 1er avril 2009. Les cotisations susceptibles de faire l’objet d’un plan d’apurement mentionné au VI de l’article L. 752-3-2 sont celles qui restaient dues à la date de la publication de la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, sur l'article.

M. Jean-Paul Virapoullé. Je souhaite clarifier la position des entreprises de l’outre-mer.

Sur le fond, après de nombreux échanges, nous sommes d’accord.

Sur le timing, en revanche, nous sommes en désaccord. Comme M. le secrétaire d’État l’a indiqué du haut de la tribune, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, qui comprend le nouveau barème d’exonérations de cotisations sociales, aurait dû être discuté au mois d’octobre. Nous aurions alors voté le budget après l’adoption de ces nouvelles dispositions.

Or, nous mettons la charrue devant les bœufs : nous votons l’article 65 du projet de loi de finances pour 2009 avant de voter le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer !

Certes, à l’Assemblée nationale, comme l’atteste le compte rendu des débats, le Gouvernement, par la voix de Mme la ministre et de M. le secrétaire d’État, a précisé que cette disposition deviendra applicable dès la promulgation de la loi pour le développement économique de l’outre-mer.

Comme l’ont déjà suggéré la commission des finances et M. Daniel Marsin, il serait bon que le double engagement pris solennellement par le Gouvernement à l’Assemblée nationale figure dans la loi. À cet effet, le Gouvernement pourrait soit soutenir l’un de nos amendements, soit déposer lui-même un amendement. Une telle démarche serait de nature à apaiser les inquiétudes, à clarifier le débat et à donner satisfaction à tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Si M. le secrétaire d’État à l’outre-mer n’aime pas les débats, qu’il le dise !

Chaque fois que nous présentons des arguments, M. Jégo semble considérer que nous n’avions pas à les présenter, que nous n’avions pas à venir ici. Je suis donc sincèrement désolé de constater l’attitude de M. le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer face à nos arguments.

Monsieur le secrétaire d’État, nous, en qualité de parlementaires, et vous, au nom du Gouvernement, participons à un débat. Nous pouvons ne pas être d’accord. Si tel est le cas, dites-le nous ! Mais vous ne pouvez nous répondre que nous n’aurions pas dû poser des questions !

Nous ne sommes pas des conservateurs, monsieur le secrétaire d’État. Nous voulons que le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer soit discuté, même si, en l’état, il ne nous satisfait pas. Mais prétendre que nous ne voulions pas de ce texte et que nous l’attendons désormais avec impatience est à la limite du respect que vous devez aux élus que nous sommes.

Monsieur le président, je ne sais plus maintenant si je peux encore poser des questions…Mais en tant que parlementaire, je me dois de travailler à l’amélioration des dossiers que présente le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, nous vous avons posé une question simple. Conformément à l’une de nos propositions, un fonds exceptionnel d’investissement, doté de 16 millions de crédits de paiement pour 2009 pour l’ensemble de l’outre-mer, sera mis en place après l’adoption du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

Si vous prélevez 10 millions d’euros pour la Guyane, il ne reste que 6 millions d’euros. Nous vous demandons donc comment vous allez faire. Ce fonds a-t-il changé de destination ou doit-il toujours permettre le rattrapage des équipements structurants ? C’est tout ce que nous vous avons demandé ! Vous déclarez que vous prélevez ces 10 millions d’euros dans l’intérêt de la population guyanaise, comme si nous pouvions, nous, aller contre cet intérêt !

Nous vous demandons simplement ce qui va se passer : ce fonds sera-t-il toujours de 16 millions d’euros après le vote, avec seulement 6 millions d’euros pour les équipements structurants ?

Voilà la question que nous vous avons posée. Nous souhaitions simplement que vous y répondiez. Nous ne sommes certes pas du même bord politique, mais nous pouvons néanmoins avancer ensemble dans l’intérêt des populations de l’outre-mer.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Monsieur Gillot, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jacques Gillot. Je vous en prie.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Yves Jégo, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, je ne comprends pas votre réaction.

Effectivement, je n’ai pas pu répondre en détail à toutes les questions qui m’ont été posées dans le débat, et j’ai indiqué que je le ferais par écrit.

Je me suis réjoui de constater que vous étiez impatient de voir le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer venir en discussion et que, après avoir beaucoup critiqué ce texte, après avoir organisé avec les socioprofessionnels de votre département des manifestations de protestation, vous regrettiez aujourd’hui que son examen n’arrive pas assez vite. Vous me permettrez de relever avec plaisir que, désormais, cette loi est attendue, et vous ne me reprocherez tout de même pas de me réjouir de vos propos !

Je ne suis en aucune façon allé dans un sens contraire au respect dû à un parlementaire : j’ai été parlementaire moi-même, je connais l’ampleur du travail, et je sais parfaitement quelle est la limite des choses.

Pour en venir plus précisément à votre question, je serai encore plus clair. Le fonds qui vient d’être créé et qui doit permettre une amélioration de la situation représente, dans le budget de la mission que vous venez de voter, une ligne de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 16 millions d’euros de crédits de paiement.

Sur les 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement, 10 millions seront réservés à la Guyane, et je crois que tout le monde ne peut qu’être d’accord sur ce point. Quant aux 16 millions d’euros de crédits de paiement, ils sont destinés à honorer, sur un rythme qui dépendra du délai de réalisation des équipements, les factures correspondant aux travaux qui seront effectués au cours de l’année 2009.

Compte tenu des éléments dont nous disposons actuellement, nous pensons que les crédits de paiement dont le Sénat, par son vote, vient de doter le fonds pour 2009 seront suffisants pour répondre aux attentes non seulement de la Guyane, mais aussi de toutes les collectivités d’outre-mer. Si toutefois le fonds était très sollicité et que, au-delà des 40 millions d’autorisations de programme, les 16 millions de crédits de paiement n’étaient pas suffisants en cours d’année, nous trouverions bien évidemment les moyens de l’abonder de nouveau.

Quand, s’agissant de ce fonds, j’ai dit tout à l’heure à M. Serge Larcher qu’il mélangeait les torchons et les serviettes, c’est qu’il évoquait à la fois les dépenses de ce fonds et la façon dont il sera alimenté. Monsieur le sénateur, peu importe comment il sera alimenté : l’important, c’est qu’il le soit !

Les crédits que vous avez votés ce soir, ces 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement et ces 16 millions d’euros de crédits de paiement, sont maintenant à la disposition des collectivités d’outre-mer, dont j’attends avec intérêt et impatience qu’elles nous transmettent leurs dossiers. Les premiers, nous le savons, viendront de Guyane ; pour autant, les autres restent les bienvenus, et je suis preneur de tous les projets qui ont une vocation de développement économique, de tous les projets d’investissement qui sont prêts, il n’y a aucune ambiguïté sur ce point.

Et si le fonds rencontre un grand succès, monsieur le sénateur, je m’en réjouirai avec vous, parce que mon métier de membre du Gouvernement consiste à faire en sorte que les dossiers avancent et que tous les projets qui sont prêts soient lancés rapidement.

Ce fonds n’en est qu’à ses débuts. N’évoquons pas ce qui se passera lorsqu’il sera épuisé avant même d’avoir commencé à en dépenser le premier euro ! Je le répète, la somme prévue devrait suffire pour répondre à la demande probable. Si d’autres dossiers « sortent des tiroirs », nous pourrons abonder le fonds sans aucune difficulté.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Gillot.

M. Jacques Gillot. Vous avez répondu à ma question, monsieur le secrétaire d’État, et je vous en remercie !

J’en viens au propos que je voulais tenir sur l’article 65 du projet de loi de finances. Ce dernier pose d’abord un problème de forme. Il est en effet incohérent qu’un dispositif aussi lourd de conséquences sur l’emploi soit discuté en loi de finances par anticipation sur la LODEOM. Est-ce à dire que sa discussion sera considérée comme close lorsque ce dernier projet de loi viendra devant le Parlement ?

Je note d’ailleurs que même la commission des finances préfère que ce dispositif n’entre en vigueur qu’après la promulgation de la LODEOM et non dès le 1er avril 2009. Ce serait un moindre mal ; pour autant, la suppression pure et simple de l’article 65 paraît plus sage et plus cohérente.

Le projet de LODEOM a pour objet de définir un projet global pour l’outre-mer. Il me semble que chacune de ses mesures doit être appréciée par référence au cadre ainsi fixé, et non isolément, comme on nous le propose aujourd’hui.

L’insertion du dispositif en question dans le projet de loi de finances est d’autant plus inquiétante que la présentation du projet de LODEOM ne cesse d’être repoussée. Je rappelle que le texte est sur le bureau du Sénat depuis juillet 2008 et qu’à ce jour nous n’avons aucune certitude quant à la date de son inscription à l’ordre du jour. J’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, que ce report est dû à la crise, et j’en prends acte.

Pour ce qui est du fond, il est incontestable que le dispositif proposé atténuerait l’effet des exonérations de cotisations patronales sur les charges des entreprises. Je maintiens donc que, si le choix de la date du 1er avril 2009 pour son entrée en vigueur vise à permettre aux entreprises de s’y préparer, mieux vaut que les mesures de la loi Girardin s’appliquent jusqu’à la fin de l’année 2009. Je sais bien que l’objectif est de faire des économies ; mais, par temps de crise, les économies réalisées d’un côté risquent de se traduire par des dépenses de l’autre en raison des conséquences sociales du ralentissement économique.

De plus, je l’ai déjà indiqué tout à l’heure, le mécanisme de dégressivité créera une trappe à bas salaires alors que ce gouvernement entend favoriser le pouvoir d’achat. L’incohérence est donc double.

C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste, je propose de supprimer cet article du projet de loi de finances et d’en renvoyer la discussion à celle du projet de LODEOM. Cela nous laisserait en outre le temps d’apprécier les premiers effets de la crise sur les entreprises et d’ajuster le dispositif en conséquence.

M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. L’article 65 anticipe l’une des principales dispositions prévues dans le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, que nous devrions examiner au début de l’année prochaine. Or, l’insertion de cette mesure dans le projet de loi de finances soulève des difficultés en raison tant des conséquences qui risquent d’en découler que de la méthode utilisée.

Je détaillerai tout d’abord les conséquences.

L’article 65 vise à modifier le champ d’application du dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales et à en unifier les plafonds.

Après une phase que l’on peut qualifier d’expérimentation, dans le cadre de la loi Perben de 1994, ce dispositif avait été conçu, dans la loi d’orientation pour l’outre-mer de 2000, comme un moyen de promouvoir la compétitivité des entreprises. De fait, même si quelques effets d’aubaine ont pu être enregistrés, il s’est avéré particulièrement incitatif pour le maintien et la création d’emplois. C’est ainsi que, de 2002 à 2007, l’emploi salarié a progressé de 13 % en Martinique alors qu’il n’augmentait que de 3,9 % sur le plan national.

Actuellement, les entreprises des départements d’outre-mer sont exonérées à 100 % de ces cotisations sociales patronales, quel que soit le montant du salaire, pour la fraction de ce dernier qui est inférieure à 1,3 SMIC pour les entreprises de moins de dix salariés pour la plupart des secteurs ; à 1,4 SMIC pour les secteurs de l’industrie, des énergies renouvelables, des technologies de l’information et de la communication, de l’audiovisuel, de la pêche, de l’agriculture ; à 1,5 SMIC pour les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration.

Dans l’aménagement qui nous est proposé, le plafond d’exonération de cotisations sociales patronales sera unifié à 1,4 SMIC et porté à 1,6 SMIC pour les secteurs prioritaires. Il est cependant institué un système de dégressivité linéaire consistant à ne plus exonérer à 100 % la fraction du salaire inférieure au plafond, l’exonération devenant nulle à respectivement 3,8 SMIC et 5,6 SMIC.

Les entreprises bénéficiant du taux le plus élevé d’exonération seront celles qui entreront dans le cadre des futures zones franches globales d’activité, mises en place aux articles 1er à 4 du projet de loi pour le développement économique pour l’outre-mer.

Ce nouveau dispositif n’a pas fait l’objet d’une réelle évaluation, mais il va à coup sûr aboutir à une hausse du coût du travail pour les salariés soumis aux nouveaux plafonds. Nous sommes donc en droit de craindre son effet sur les entreprises ayant le plus grand besoin d’emplois qualifiés : ce sont précisément les secteurs que, dans une économie moderne, on veut le plus encourager qui risquent d’être touchés.

Même dans les secteurs bénéficiant du seuil de 1,6 SMIC, beaucoup verront leurs charges augmenter de façon très sensible. C’est ainsi que, en Martinique, les entreprises touristiques ont pu calculer que leurs charges augmenteraient de 12 % du fait de l’application de ce système de dégressivité.

Il faut par ailleurs savoir que, selon des statistiques fournies par le Gouvernement lui-même, environ 40 % du montant des exonérations de cotisations concernent des salaires supérieurs à 1,6 SMIC, soit le salaire médian français.

En réalité, il faut l’avouer, cette réforme est motivée par la recherche d’économies budgétaires. En l’occurrence, elle permettra à l’État, qui ne parvient pas depuis plusieurs années à compenser les exonérations de cotisations sociales patronales, de réaliser une économie de 138 millions d’euros.

Je formulerai maintenant quelques observations sur la méthode.

L’article 65 anticipe donc sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer. C’est d’ailleurs en raison de la situation juridique complexe et difficilement acceptable ainsi créée que Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, s’était engagée devant les députés à ne pas appliquer cet article avant la promulgation de la LODEOM. Pour cette même raison, la commission des finances a repoussé l’entrée en vigueur de l’article jusqu’après la mise en œuvre de la future loi.

Il me semble qu’il aurait été plus normal, de fait, de débattre de ce dispositif dans le cadre d’ensemble qu’offre la future LODEOM : avec le procédé finalement retenu, on préjuge les choix de la représentation nationale, ainsi que l’a montré notre collègue Jean-Paul Virapoullé.

Je rappelle qu’au demeurant le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, dans sa rédaction actuelle, est très loin de recueillir l’assentiment aussi bien des élus que des socioprofessionnels ! La concertation doit donc se poursuivre afin que les dispositifs soient mieux ciblés, plus affinés et inscrits dans une véritable stratégie de développement de l’outre-mer.

Aussi demanderai-je, avec mes collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés, la suppression de l’article 65.

M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no II-164, présenté par MM. Lise, S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette, Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. L’amendement est défendu.

M. le président. L’amendement no II-50 rectifié, présenté par MM. Magras et Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et M. Fleming, est ainsi libellé :

I. – Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, après les mots :

à la Réunion

insérer les mots :

, à Saint-Barthélemy

II. – Dans le premier alinéa du c du 3° du II du même texte, après les mots :

de la Réunion

insérer les mots :

, de Saint-Barthélemy

III. – Dans le dernier alinéa du 3° du II du même texte, après les mots :

ces départements

insérer les mots :

, à Saint-Barthélemy

IV. – Dans le 4° du II du même texte, après les mots :

de la Réunion

insérer les mots :

, de Saint-Barthélemy

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. En 2003, lorsque la loi Girardin a été votée, l’île de Saint-Barthélemy était une commune du département de la Guadeloupe. À ce titre, elle a bénéficié des dispositions prévues dans la loi et, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, cela n’a pas été sans conséquences puisque, aujourd’hui, elle a la fierté de connaître quasiment le plein emploi.

Or, dans le projet de LODEOM, le nom de la collectivité de Saint-Barthélemy a été oublié. S’il n’y figure pas, ce sont de 300 à 400 emplois, pour 8 000 habitants, qui seront remis en cause. Au niveau national, cela équivaudrait à 3 millions d’emplois pour 60 millions d’habitants. On peut également décrire la situation en indiquant que chaque entreprise qui embauchera un salarié payé aux alentours de 2 000 euros devra payer de 400 à 500 euros de charges supplémentaires !

Par ailleurs, la LODEOM s’appliquera à la collectivité de Saint-Martin. De ce fait, une entreprise de transport aérien, par exemple, basée à Saint-Martin pourra proposer des prix plus que concurrentiels, nettement plus bas qu’une entreprise équivalente basée à Saint-Barthélemy. De la même manière, une entreprise de Saint-Martin pourra soumissionner sur le marché de la collectivité de Saint-Barthélemy en proposant des offres nettement inférieures à celles des entreprises locales. Ces deux exemples témoignent d’une évidente distorsion de concurrence.

Telle est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose d’ajouter le nom de la collectivité de Saint-Barthélemy à la liste des collectivités bénéficiaires de cette exonération.

Je terminerai par un dernier argument : l’adoption de mon amendement ne serait pas créatrice de charges pour l’État puisque nous bénéficions actuellement de la loi Girardin et que le secrétaire d’État a lui-même indiqué tout à l’heure que la nouvelle approche qu’il défend ne devrait pas coûter plus cher à l’État.

M. le président. L’amendement no II-163, présenté par M. Marsin, est ainsi libellé :

I. – Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, après les mots :

à la Réunion et à Saint-Martin,

insérer les mots :

sauf dispositions plus favorables applicables au titre de la loi no 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville,

II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l’application des dispositions législatives plus favorables prévues par la loi no 96-987 du 14 novembre 1996 précitée sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. L’article 65 met en place un système d’exonération des charges sociales qui, apprécié ou pas, contesté ou non, viendrait, s’il était voté, se superposer à un autre dispositif, celui des zones franches urbaines.

Je rappelle que des zones franches urbaines ont été créées non seulement en métropole, mais également dans les départements d’outre-mer – il en est ainsi notamment à la Guadeloupe, en particulier dans ma commune –, et que leur existence n’est pas remise en cause.

C’est donc pour éviter un tel problème que je présente cet amendement visant à garantir l’application des dispositions les plus favorables dès lors que l’on se trouverait en situation de concurrence.

M. le président. L'amendement n° II-97 rectifié bis, présenté par M. Fleming, Mme Bout, M. Virapoullé, Mme Michaux-Chevry et MM. J.P. Fournier et Magras, est ainsi libellé :

I. - Dans le 4° du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :

ou de Saint-Martin

par les mots

, de Saint-Martin ou de Saint-Barthélemy

II. - Compléter le même 4° par un alinéa ainsi rédigé :

« Seuls sont pris en compte les personnels de ces entreprises concourant exclusivement à ces dessertes et affectés dans des établissements situés dans l'un de ces départements ou à Saint-Martin.

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour la sécurité sociale de l'extension du nouveau régime d'exonérations de cotisations patronales en faveur de l'Outre-mer est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le secrétaire d’État, j’insiste tout particulièrement pour que le Gouvernement fasse un geste d’équité à l’égard de Saint-Martin, geste d’équité qui ne coûte pas cher d’ailleurs.

On ne comprendrait pas à Saint-Martin, qui est une île vivant du tourisme, que les compagnies qui assurent le transport entre Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne puissent pas bénéficier des exonérations de charges sociales prévues à l’article 65. Vous voyez que certains réclament l’article 65 !

Si, en outre, vous poussiez la générosité jusqu’à lever le gage, nous vous en saurions gré.

M. le président. L'amendement n° II-96 rectifié bis, présenté par M. Fleming, Mme Michaux-Chevry, M. Virapoullé, Mme Bout et MM. Magras et J.P. Fournier, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :

ou à la Réunion

par les mots :

, à la Réunion ou à Saint-Martin

II. - Dans le 2° du IV du même texte, après les mots :

à l'article 199 undecies B du code général des impôts

insérer les mots :

, ou de même nature dans les cas des entreprises domiciliées à Saint-Martin,

III. - Dans le b) du 4° du IV du même texte, remplacer les mots :

et en Guadeloupe

par les mots :

en Guadeloupe et à Saint-Martin

IV. -  Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour la sécurité sociale de l'extension à Saint-Martin du nouveau régime d'exonérations de cotisations patronales en faveur de l'outre-mer est compensée à due concurrence par la création de droits additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je laisse M. Virapoullé le présenter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Mme Lucette Michaux-Chevry a pris la tête du groupe de l’outre-mer à l’UMP, je l’en remercie ; nous formons une équipe et cela nous a permis de coordonner notre travail. Voilà pourquoi je vais présenter cet amendement.

L’amendement n° II-96 rectifié bis vise à faire bénéficier Saint-Martin des avantages concernant le régime social des cotisations existant dans les autres départements.

Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez Saint-Martin mieux que moi, c’est une île en pleine expansion où la population vit du tourisme, et elle souhaiterait également, comme les autres départements d’outre-mer, mettre en œuvre une politique fondée sur les énergies renouvelables et la protection de l’environnement, qui fait partie de l’atout touristique de cette île.

Nous aimerions qu’elle puisse bénéficier du nouveau régime d’exonération de charges sociales et nous comptons sur la compréhension du Gouvernement pour répondre favorablement à cette demande de notre collègue Louis-Constant Fleming. Ce dernier ne peut pas être présent ce soir, parce qu’il participe à une conférence dans sa collectivité, mais il nous a chargés de présenter ces deux amendements.

M. le président. L'amendement n° II-106, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Remplacer les 4° et 5° du IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale par dix alinéas ainsi rédigés :

 « 4° À l'exception des entreprises situées en Guyane, dans les îles des Saintes, à Marie-Galante, et à la Désirade :

« a) Soit exercer leur activité principale dans l'un des secteurs suivants :

 « - Tourisme ;

« - Agro-nutrition ;

« - Environnement ;

« - Energies renouvelables ;

« b) Soit avoir réalisé l'une des opérations suivantes :

« - Avoir signé avec un organisme public de recherche ou une université une convention, agréée par l'autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d'un projet de développement portant sur la Guadeloupe, la Martinique ou La Réunion si les dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de l'exercice écoulé ;

« - Avoir réalisé des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane défini aux articles 130 à 136 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire si le chiffre d'affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation au titre de l'exercice écoulé.

« Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - La perte de recettes pour l'État et les organismes de sécurité sociale résultant de l'élargissement des secteurs d'activité bénéficiant de l'exonération prévue au premier alinéa du IV de l'article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à clarifier le dispositif concernant le régime d’exonération renforcé, afin de mettre en exergue le fait que la condition d’exercice d’activités dans un secteur particulier et celle qui concerne la réalisation d’un projet de développement ou des opérations de transformation sous douanes sont bien alternatives.

Il prévoit également d’élargir les secteurs d’activités pouvant donner lieu à l’application de ce régime renforcé en instituant quatre catégories d’activités qui profiteront indifféremment à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion : il s’agit du tourisme, de l’agro-nutrition, de l’environnement et des énergies renouvelables.

M. le président. L'amendement n° II-107, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Remplacer le 7° du II de cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

7° Le V est ainsi rédigé :

« V. - Le bénéfice de l'exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l'entreprise ou le chef d'entreprise, de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d’œuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.

« Lorsqu'un organisme chargé du recouvrement est avisé, par la transmission du procès-verbal établi par un des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1 du code du travail, de la commission d'une des infractions mentionnées à l'alinéa précédent, il suspend la mise en œuvre des exonérations prévues par le présent article jusqu'au terme de la procédure judiciaire. » ;

8° Après le V, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« V bis. - Le bénéfice de l'exonération prévue au présent article est subordonné au fait, pour l'employeur, d'être à jour de ses obligations déclaratives ou de paiement à l'égard de l'organisme de recouvrement. La condition de paiement est considérée comme remplie dès lors que l'employeur a, d'une part, souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations restant dues et, d'autre part, acquitte les cotisations en cours à leur date normale d'exigibilité. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à harmoniser le dispositif des exonérations actuel qui sera désormais seulement applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon sur le nouveau dispositif applicable aux départements d’outre-mer et à Saint-Martin, sur deux points : d’une part, en conditionnant le bénéfice des exonérations de charges au respect par les employeurs de leurs obligations à l’égard des organismes de recouvrement ; d’autre part, en reprenant le nouveau dispositif sanctionnant une fraude fiscale ou certaines infractions en matière de droit du travail.

Il s’agit de répondre à un simple souci de lisibilité et d’intelligibilité des mesures existantes.

M. le président. Le sous-amendement n° II-184, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le troisième alinéa de l'amendement n° II-107 :

« V. - Le bénéfice de l'exonération prévue au présent article, ainsi que de tous autres allègements et exonérations de cotisations patronales prévus par le présent code, est subordonné au fait, pour l'entreprise ou le chef d'entreprise, de ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation pénale passée en force de chose jugée soit pour fraude fiscale, soit pour travail dissimulé, marchandage ou prêt illicite de main-d'œuvre, en application des articles L. 5224-2, L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4, L. 8224-5, L. 8224-6, L. 8234-1 et L. 8234-2 du code du travail.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Ce sous-amendement vise à reprendre pour Saint-Pierre-et-Miquelon l’exacte rédaction prévue en la matière pour les départements d’outre-mer.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° II-107, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, qui viendrait se substituer au troisième alinéa.

M. le président. L'amendement n° II-8, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du III de cet article, remplacer les mots :

du 1er avril 2009

par les mots :

du mois suivant celui au cours duquel a lieu la publication de la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont le projet a été déposé au Sénat le 28 juillet 2008

La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Cet amendement vise à modifier l’article 65 pour qu’il entre en application à partir du mois suivant la publication de la loi pour le développement économique de l’outre-mer et non à partir du 1er avril 2009, ne sachant pas à quelle date cette loi sera votée.

Nous nous sommes fondés, pour présenter cet amendement, sur l’engagement solennel pris par Mme Alliot-Marie à l’Assemblée nationale, selon lequel le texte de l’article 65 n’entrerait pas en vigueur avant la publication de la LODEOM.

M. le président. L'amendement n° II-55 rectifié, présenté par M. Marsin, est ainsi libellé :

 

À la fin de la première phrase du III de cet article, remplacer les mots :

à compter du 1er avril 2009

par les mots :

à compter du premier jour du mois suivant l'entrée en vigueur de la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont le projet a été déposé sur le Bureau du Sénat le 28 juillet 2008.

La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. La formulation de cet amendement est un peu différente de celle de l’amendement précédent, mais il répond à la même préoccupation.

J’ai essayé d’être un peu plus précis car la date de publication n’est pas toujours la même que la date d’entrée en vigueur. On peut publier une loi aujourd’hui et prévoir qu’elle entrera en vigueur à compter d’une autre date.

C’est une nuance, mais elle est importante. Au demeurant, s’il était possible de sous-amender l’amendement de la commission, je pense que tout le monde serait d’accord.

M. le président. L'amendement n° II-94, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :

 

I. - À la fin de la première phrase du III de cet article, remplacer les mots :

du 1er avril 2009

par les mots :

du 1er juillet 2009 sous réserve de la publication de la loi pour le développement économique de l'outre-mer, dont le projet a été déposé au Sénat le 28 juillet 2008

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du report de l'entrée en vigueur du présent article aux salaires dus à compter du 1er juillet 2009 est compensée à due concurrence pour la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Il est défendu, monsieur le président, puisque j’ai déjà eu l’occasion d’exposer mon point de vue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. L’amendement n° II-164 tend à supprimer l’article 65. La commission pense que cette suppression serait défavorable aux départements et territoires concernés. Elle a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° II-50 rectifié est intéressant et je remercie notre collègue Michel Magras de l’avoir présenté. Ce premier amendement d’un nouveau sénateur pourra peut-être faire l’objet d’un avis favorable de la part du Gouvernement car il vise à rectifier un oubli, et cela permettrait d’équilibrer une situation, qui ne devrait pas être différente, entre Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

La commission souhaiterait entendre l’avis du Gouvernement, en espérant qu’il ira dans un sens favorable.

L’amendement n° II-163 vise à maintenir, s’ils sont plus favorables que le dispositif général proposé par l’article 65, les dispositifs d’exonérations de charges patronales applicables en outre-mer prévus par la loi relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville.

La commission estime que le dispositif d’exonération prévu à l’article 65 est plus favorable et, à ce titre, elle demande le retrait de l’amendement, mais elle souhaiterait toutefois connaître l’avis du Gouvernement.

Quant à l’amendement n° II-97 rectifié, si l’amendement n° II-50 rectifié était adopté, il serait satisfait.

L’amendement n° II-96 rectifié vise à étendre à Saint-Martin le dispositif préférentiel d’exonérations de cotisations patronales.

Nous sommes là encore dans la situation un peu particulière dans laquelle nous nous trouvons du fait de la LODEOM, qui, selon certains, aurait dû être votée avant. Cet amendement relève plutôt de cette loi et il devrait être satisfait lorsqu’elle sera votée. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement à ce sujet.

L’amendement n° II-106, outre des ajustements rédactionnels, vise à étendre le régime préférentiel d’exonérations de charges patronales.

L’article 65 prévoit un régime préférentiel d’exonérations, qui correspond au champ prévu par la LODEOM pour l’application des zones franches globales d’activité, les ZFGA.

Par ailleurs, l’extension du régime préférentiel d’exonérations risque de s’accompagner d’une extension parallèle des secteurs éligibles aux zones franches globales d’activité, ce qui n’est pas souhaitable.

Il s’agirait d’une extension dans le cadre de la LODEOM. Par conséquent, nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement.

L’amendement n° II-107 vise à étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui reste dans l’ancien système d’exonérations de charges patronales, deux dispositifs de contrôle prévus pour s’appliquer au nouveau dispositif d’exonérations. La commission émet un avis favorable.

Le sous-amendement n° II-184 apporte une précision rédactionnelle à l’amendement n° II-107. La commission y est favorable.

L’amendement n° II-55 rectifié vise à reporter la date d’entrée en vigueur de l’article 65 au premier jour du mois suivant l’entrée en vigueur de la LODEOM. Il sera satisfait si l’amendement n° II-8 est adopté.

Enfin, l’amendement n° II-94 devrait également être satisfait pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° II-164 de suppression pour une raison très simple : si nous avons décidé d’inclure dans le projet de loi de finances les mesures concernant les charges, c’est à la demande des entreprises.

Les entreprises qui préparent leur budget pour l’année prochaine ont d’ores et déjà besoin de connaître le taux de charges qui leur sera appliqué. Dans le projet de loi de finances pour 2009, nous avons souhaité ne pas piéger les entreprises et avons maintenu les dispositions de la loi Girardin. On ne saurait demander aux comptables qui auront élaboré le budget de leur entreprise de le réajuster en milieu d’année pour tenir compte des mesures que nous allons adopter aujourd'hui. C’est au nom de cette réalité que nous avons introduit cet article dans le projet de loi de finances.

Messieurs Larcher et Gillot, je tiens à revenir sur les propos que vous avez tenus sur le niveau des charges.

Le projet de budget qui est soumis ce soir à votre approbation prévoit que toutes les entreprises d’outre-mer ne paieront plus aucune charge sociale sur les salaires, et ce jusqu’à 1,4 SMIC, ce qui correspond au salaire moyen en outre-mer. Entre 1,4 SMIC et 3,8 SMIC, les charges seront rétablies de manière progressive. En métropole, je vous le rappelle, certaines entreprises sont exonérées de charges jusqu’à 1,6 SMIC ; mais, au-delà, elles ne bénéficient d’aucune exonération. Il s’agit donc bien là d’une spécificité de l’outre-mer.

En outre, des secteurs prioritaires, moteurs de l’économie, tels que le tourisme, l’environnement, l’agro-nutrition, qui sont importants à vos yeux, mesdames, messieurs les sénateurs, ne supporteront plus – écoutez bien ! – aucune charge jusqu’à 1,6 SMIC ; puis, les charges seront progressivement rétablies jusqu’à 4,5 SMIC, soit pratiquement 5 000 euros mensuels !

Je veux bien tout entendre, mais si l’on m’explique qu’il faut prévoir des exonérations de charges à hauteur de 4,5 SMIC, c’est à n’y plus rien comprendre !

La mesure prévue dans ce projet de budget, qui me semble extraordinairement raisonnable, permettra de satisfaire les attentes des acteurs économiques.

Par ailleurs, le Gouvernement a pris deux engagements, sur lesquels je reviendrai au cours de la discussion des amendements. Le premier a trait à la date d’application de ce dispositif, tandis que le second concerne la création d’un groupe de suivi avec la Fédération des entreprises d’outre-mer, qui se réunira toutes les six semaines et examinera tous les dossiers.

Lors de l’assemblée générale de la Fédération des entreprises d’outre-mer, un chef d’entreprise m’a interpellé pour me dire qu’il allait être obligé, avec ce nouveau système, de payer 40 000 euros de charges supplémentaires. Certes, mais il verra sa taxe professionnelle, qui s’élève aujourd'hui à 70 000 euros, baisser de 80 %. Au final, il sera gagnant !

Le Gouvernement s’est engagé à assurer le suivi de ce dispositif pour procéder, dans le cadre du prochain projet de loi de finances, à un réajustement s’il s’avère que tel ou tel secteur rencontre des difficultés. On ne saurait être plus raisonnable !

Si nous avons inscrit ces mesures avant l’examen de la LODEOM, c’est, je le répète, pour des raisons de prévision comptable. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° II-164.

En tant qu’ancien parlementaire, c’est avec une joie non dissimulée, monsieur Magras, que je donnerai satisfaction au premier amendement du premier parlementaire de Saint-Barthélemy. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Charles Revet. Il le mérite !

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est d’autant plus favorable à l’amendement n° II-50 rectifié qu’il vise à corriger une erreur rédactionnelle, Saint-Barthélemy ayant été oublié du dispositif.

Monsieur Marsin, je veux vous rassurer. Compte tenu des modifications intervenues dans les zones franches urbaines, les zones franches globales d’activités seront plus favorables. Cette question n’est pas conflictuelle puisque c’est le système le plus favorable qui s’appliquera.

En conséquence, l’amendement n°II-163 étant satisfait dans la réalité, le Gouvernement y est défavorable.

Quant à l’amendement n° II-97 rectifié bis, il sera satisfait par l’adoption, que j’espère, de l’amendement n° II-50 rectifié. Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Virapoullé, de bien vouloir le retirer.

L’amendement n° II-96 rectifié bis concerne, lui aussi, une question qui relève plus de la LODEOM, la définition des secteurs prioritaires étant au cœur de ce projet de loi. Nous pourrons avoir à ce moment-là une discussion plus approfondie en la matière. Je retiens vos propositions, monsieur Virapoullé, mais je vous demande aujourd'hui de bien vouloir retirer votre amendement.

De même, je demanderai à Mme le rapporteur pour avis de bien vouloir retirer l’amendement n° II-106, qui entre, lui aussi, dans le champ de la LODEOM ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Les secteurs prioritaires seront définis, dans chaque territoire, par une expression des collectivités et des forces vives. Cela m’ennuierait beaucoup de fixer, dès ce soir, ces secteurs prioritaires pour la Martinique et la Guadeloupe, alors même que l’on n’a pas entendu les forces vives de ces territoires. En revanche, je m’engage à vous donner toute satisfaction dans le cadre de la LODEOM.

Monsieur le rapporteur spécial, j’aimerais vous faire plaisir. Toutefois, l’amendement n° II-8 visant à préciser la date d’application des charges risque d’être inconstitutionnel. Or, dans le cadre de la remise à plat des charges, je ne veux pas prendre le risque de voir cette disposition annulée par le Conseil constitutionnel.

Je vous redis solennellement ici, au nom du Gouvernement, ce que j’ai dit à l'Assemblée nationale et qui figure dans le compte rendu intégral des débats publié au Journal officiel, le Gouvernement n’appliquera pas les mesures de calcul des charges avant que la loi visant à apporter des mesures compensatoires, si je puis dire, n’entre en application.

J’ai bon espoir que, dès le mois de février, peut-être même dès la fin du mois de janvier, nous nous retrouverons ici même pour examiner la LODEOM.

Sur la base de ces engagements solennels, je vous demande, monsieur le rapporteur spécial, de bien vouloir retirer votre amendement.

Il en va de même pour les amendements nos II-55 rectifié et II 94. Le Gouvernement n’a pas la volonté de substituer un dispositif à un autre. Il souhaite, au contraire, lier ces deux dispositifs pour apporter aux entreprises, par le biais des zones franches globales d’activités, une réponse largement plus favorable qu’elle ne l’est actuellement en termes de baisse de la taxe professionnelle, de l’impôt sur les sociétés ou encore des impôts fonciers.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-50 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l’unanimité. (Applaudissements

Pour un premier amendement, c’est un coup de maître, mon cher collègue ! (Sourires.)

En conséquence, l'amendement n° II-97 rectifié bis n'a plus d'objet.

Monsieur Marsin, l'amendement n° II–163 est-il maintenu ?

M. Daniel Marsin. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-163 est retiré.

Monsieur Virapoullé, l'amendement n° 96 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jean-Paul Virapoullé. M. le secrétaire d’État ayant pris l’engagement de donner satisfaction à notre collègue Louis-Constant Fleming lors de l’examen de la LODEOM, je retire l’amendement n° II-96 rectifié bis, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-96 rectifié bis est retiré.

Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° II–106 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Je ne comprends pas vraiment les déclarations contradictoires de M. le secrétaire d’État. C’est lui qui a souhaité rattacher l’article 65 à la mission « Outre-mer » et, maintenant, il veut reporter la discussion à l’examen de la LODEOM. En fait, il donne raison à nos collègues qui souhaitaient supprimer cet article.

Quoi qu’il en soit, j’accepte de retirer l’amendement n° II-106, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-106 est retiré.

Madame le rapporteur pour avis, l'amendement n° II–107 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président, et je suis favorable au sous-amendement n° II-184 du Gouvernement, qui le complète.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-184.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-107, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-8 est-il maintenu ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. M. le secrétaire d’État ne sait peut-être pas que j’étais le premier sénateur du Loiret ! À ce titre, il aurait pu émettre un avis favorable sur mon amendement ! (Sourires.)

Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-8 est retiré.

Monsieur Marsin, l'amendement n° II-55 rectifié est-il maintenu ?

M. Daniel Marsin. Compte tenu des assurances qui m’ont été apportées par M. le secrétaire d’État, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-55 rectifié est retiré.

Monsieur Virapoullé, l'amendement n° II-94 est-il maintenu ?

M. Jean-Paul Virapoullé. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-94 est retiré.

Je mets aux voix l'article 65, modifié.

(L'article 65 est adopté.)

Article 65
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Articles additionnels après l'article 65 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 65

M. le président. L'amendement n° II-108, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 568, il est créé un article 569 ainsi rédigé :

« Art. 569.- Par dérogation à l'article 568, dans les départements d'outre-mer, seuls peuvent vendre du tabac au détail les personnes ayant la qualité de commerçants, titulaires d'une licence accordée au nom du département par le président du conseil général.

« Cette licence ne peut être accordée pour la vente au détail du tabac dans un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 200 mètres carrés ou dans un magasin de vente en gros ouvert aux particuliers.

« La délivrance de cette licence est soumise au versement, au profit du département d'outre-mer concerné, d'une redevance annuelle dont le montant est fixé par délibération du conseil général.

« Les conditions d'application du présent article, notamment le nombre de licences susceptibles d'être créées dans chaque département, ainsi que les modalités de cessation d'activité, au plus tard le 1er janvier 2011, des points de vente dépourvus de licence, sont définies par décret. »

2° Dans l'article 574, la référence : « 568 » est remplacée par la référence : « 570 ».

II. - Après l'article L. 3511-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3511-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 3511-2-2.- Le représentant de l'État dans le département détermine, par arrêté, les distances auxquelles les débits de tabac, en France métropolitaine, et les commerces pourvus d'une licence de vente au détail du tabac, dans les départements d'outre-mer, ne peuvent être établis autour des édifices et établissements suivants :

« 1° Établissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse ;

« 2° Stades, piscines, terrains de sport publics ou privés.

« Ces distances sont calculées selon les règles mentionnées aux dixième et onzième alinéas de l'article L. 3335-1.

« L'existence des débits de tabac régulièrement installés ne peut être remise en cause pour des motifs tirés du présent article. »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. En métropole, la vente au détail du tabac est assurée dans le cadre d'un monopole défini à l'article 568 du code général des impôts. Lors de la départementalisation de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, le législateur n'a pas souhaité appliquer ce régime de monopole à ces territoires, et ce à titre provisoire.

Il en résulte que les ventes de tabac s'y effectuent librement par tout commerçant, sans agrément quelconque de l'administration. L'accès au tabac est donc particulièrement aisé dans les départements d'outre-mer, alors qu'il est très réglementé en métropole, ce qui est éminemment nuisible en termes de santé publique.

Ainsi, dans la rue principale de mon village, qui fait quelques centaines de mètres, il existe sept points de vente, et la plupart d’entre eux sont non pas des débits « secs », ainsi que les dénomme le rapport de Bercy, mais des débits « humides », parce qu’ils vendent aussi de l’alcool.

L’année dernière, le Gouvernement s’est engagé à expertiser les modalités d’extension du monopole d’État outre-mer. Le rapport est enfin disponible depuis quelques jours et l’amendement que je présente aujourd'hui, au nom de la commission des affaires sociales, tient compte de ses préconisations.

Ce rapport précise que l’extension du monopole n’est pas envisageable compte tenu des spécificités des économies locales. J’ai donc accepté d’atténuer la portée de cet amendement, que j’ai déjà présenté les années précédentes : il prévoit non pas une extension pure et simple du monopole, mais un encadrement plus strict de la vente au détail du tabac.

La commission vous propose ainsi, mes chers collègues, de réserver la vente au détail du tabac aux seules personnes qui bénéficieront d'une licence délivrée, contre redevance, par les conseils généraux des départements d'outre-mer. Il prévoit également l'extinction pure et simple, au plus tard le 1er janvier 2011, des points de vente dépourvus d'une telle licence.

Ces licences ne pourront toutefois être délivrées dans des zones d'exclusion fixées par arrêté préfectoral aux abords des établissements d'enseignement et des équipements sportifs, c'est-à-dire les lieux de rassemblement des jeunes. Ces zones d'exclusion s'appliqueront également en métropole, sans remettre en cause, j’y insiste, monsieur le secrétaire d'État, l'implantation existante des débits de tabacs.

C’est rassurant de se dire que le tabagisme des jeunes est moins important dans les DOM qu’en métropole et que, globalement, la proportion de fumeurs dans la population y est plus faible. Mais la Réunion, monsieur le secrétaire d’État, c’est « l’île intense ». C’est également l’île des paradoxes.

Si, effectivement, nous avons une faible proportion de fumeurs dans la population, la plupart d’entre eux sont des fumeurs excessifs. Ainsi, rien qu’à la Réunion, près de 600 décès par an sont liés directement au tabac, c’est-à-dire six fois plus que ceux causés par les accidents de la route. De surcroît, ce chiffre a progressé de 20 % entre 2001 et 2004. Le taux de mortalité dû au tabac chez les femmes a également augmenté de 13 % en quelques années seulement à la Réunion.

Nous ne pouvons rester insensibles à ces données, mes chers collègues. Les représentants de la direction générale des douanes et droits indirects sont allés à la rencontre des acteurs publics et privés du marché du tabac afin de recueillir leurs avis et observations. Cette mission a reçu l’assistance du secrétariat d’État à l’outre-mer. La concertation a été le plus large possible et je pense que nous devons aujourd’hui mettre fin à toutes ces dérives commerciales, d’autant que le système prévu par cet amendement permettra de faciliter les contrôles en matière de vente aux mineurs et de vente à l’unité.

M. le président. Le sous-amendement n° II-197, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° du I de l'amendement n° II-108 pour l'article 569 du code général des impôts, après les mots :

mètres carrés

insérer les mots :

, à l'exclusion des surfaces réservées à la distribution de carburants,

II. - Supprimer le II du même amendement.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Ce sous-amendement constitue la réponse du Gouvernement à la proposition de Mme Anne-Marie Payet. Il entend conserver une partie de son dispositif sans toutefois prendre en compte dans le calcul de la surface de vente les espaces réservés à la distribution des carburants, lorsqu'ils existent. Il vise donc à permettre aux stations-service qui possèdent moins de 200 mètres carrés de vente en magasin de solliciter une licence de vente de tabac indépendamment de leur surface extérieure réservée à la distribution de carburants.

Il tend également à supprimer l'instauration d'une distance minimale entre les débits de tabac et les édifices et établissements mentionnés à l'article L. 3511-2-1 du code de la santé publique. En effet, avant de prendre une telle mesure, qui s’appliquerait également à la métropole, il faudrait préalablement mener une concertation avec les buralistes, ce qui n’a pas été fait.

Ce sous-amendement permet donc de satisfaire partiellement la demande de Mme Anne-Marie Payet tout en évitant certains écueils.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Notre collègue Anne-Marie Payet a très clairement présenté l’amendement n° II-108.

La commission des finances constate que, s’il était adopté, cet amendement ne créerait pas de charges nouvelles pour l’État et, qu’en outre, il répondrait à un objectif de santé. En conséquence, elle a émis un avis favorable.

En revanche, la commission n’a pas eu le temps d’examiner en détail le sous-amendement. Après avoir écouté avec intérêt vos explications, monsieur le secrétaire d’État, la commission s’en remet à la légendaire sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Sur les dossiers délicats, et celui-ci en est un, il faut avancer pas à pas. Le sous-amendement présenté par le Gouvernement entend supprimer deux points qui me tiennent beaucoup à cœur, l’interdiction de vendre du tabac dans les stations-service et les zones d’exclusion aux abords des lieux de rassemblement des jeunes.

J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous fassiez, ce soir, la promesse d’engager une concertation avec les buralistes, en outre-mer comme en métropole, afin de leur expliquer la nécessité d’établir ces zones d’exclusion.

Car, à force de se cacher derrière des considérations économiques, on en arrive parfois à commettre des erreurs monumentales. Rappelez-vous ce qui s’est passé dans les Antilles quand l’utilisation de chlordécone, interdite en France métropolitaine, a été maintenue à doses massives pour protéger les plantations de bananes du charançon ; les déclarations du professeur Belpomme résonnent encore à nos oreilles.

Les considérations économiques doivent-elles faire oublier les impératifs de santé publique ? Je ne le pense pas !

Cela dit, j’aurai très certainement l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de présenter de nouveau devant notre assemblée les parties de mon amendement que vous entendez supprimer.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-197.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-108, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 65.

L'amendement n° II-109, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les troisième et quatrième alinéas du 1 de l'article 268 du code des douanes, le pourcentage : « 100 % » est remplacé par le pourcentage : « 110 % ».

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à permettre aux conseils généraux d’augmenter l’assiette qui sert à la détermination du droit de consommation sur le tabac vendu dans les départements d’outre-mer.

Actuellement, les DOM ont la possibilité de moduler cette assiette entre, au moins, 66 % et, au plus, 100 % du prix de vente au détail pour les produits qui font l’objet d’une homologation en France métropolitaine et de la moyenne pondérée de ce prix de vente pour les produits non homologués en France continentale.

Cet amendement prévoit de donner aux conseils généraux d’outre-mer une marge de manœuvre supplémentaire en fixant le seuil maximal à 110 %. Ainsi, les conseils généraux qui le souhaitent pourront, dans un but de santé publique, renchérir le prix du tabac sur leur territoire afin d’en rendre plus difficile l’accès, notamment pour les plus jeunes.

Je souligne, monsieur le secrétaire d’État, que le rapport de Bercy précité avait préconisé une mesure similaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

S’il était adopté, il permettrait notamment à la collectivité départementale de Guyane d’augmenter le taux de ce prélèvement et de trouver, ainsi, des recettes supplémentaires.

Si les élus guyanais n’avaient pas déjà quitté l’hémicycle, je leur aurais dit qu’il était possible de compenser une partie de la baisse du prix de l’essence par l’augmentation du prix du tabac. La santé des guyanais ne pourrait que s’en trouver améliorée !

M. le président. Veuillez me pardonner, monsieur le rapporteur, j’ai oublié de vous demander l’avis de la commission. Vous avez la parole pour donner cet avis.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Je voulais justement m’en remettre à l’avis du Gouvernement. Celui-ci m’ayant devancé, je n’ai donc plus qu’à le suivre : l’avis de la commission est donc favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 65.

L'amendement n° II-110, présenté par Mme Payet, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les 1° et 2° de l'article 302 F bis du code général des impôts sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les voyageurs en provenance ou à destination d'un département d'outre-mer, l'exonération ne s'applique que dans la limite de quarante cigarettes, vingt cigarillos, dix cigares et cinquante grammes de tabac à fumer ; »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour but de transposer dans les départements d'outre-mer, qui sont en dehors du territoire fiscal communautaire en ce qui concerne les droits d'accises, les dispositions de l'article 8 de la directive 2007/74/CE du 20 décembre 2007 qui abaisse les contingents de produits du tabac bénéficiant d'une franchise de TVA et de droits d'accises.

Pour des raisons de santé publique, il importe de porter les contingents applicables outre-mer au minimum autorisé par la directive, à savoir 40 cigarettes, 20 cigarillos, 10 cigares et 50 grammes de tabac à fumer.

Cet amendement est plus souple que celui que j’avais présenté lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, qui proposait de supprimer toutes les ventes de tabac en duty free.

J’aimerais saluer cette initiative de l’Europe qui, heureuse coïncidence, a été prise un 20 décembre, monsieur le secrétaire d’État, jour de fête pour les Réunionnais et date anniversaire de l’abolition de l’esclavage.

Mes chers collègues, en adoptant cet amendement, vous lutteriez, même modestement, contre une forme d’esclavage moderne qu’il est peut-être plus difficile encore d’abolir que l’esclavage combattu par Victor Schœlcher.

Par ailleurs, et même si ce n’est pas mon argument principal, je précise, à ceux qui, sur ces travées, se posent la question, que les ventes de tabac en duty free représentent une perte fiscale journalière de 17 280 euros pour le Conseil général de la Réunion, soit un peu plus de 6 millions d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Comme l’a dit notre collègue Anne-Marie Payet, il s’agit d’un amendement qui, sur le plan budgétaire, n’aura guère d’incidence. Cela nous a conduits à émettre un avis favorable. Nous aimerions néanmoins connaître la position du Gouvernement, qui diffère peut-être légèrement de la nôtre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il est défavorable, pour deux raisons.

Tout d’abord, une directive européenne est en cours de transposition sur ce sujet. Il est donc préférable que nous attendions de savoir comment la transposition va s’opérer.

Ensuite, aucune étude d’impact n’a été réalisée. Il est vrai que cet amendement est très modeste sur le plan financier. Mais il est vrai également que l’achat de cigarettes en duty free fait partie des éléments qui attirent les touristes. Si l’on veut relancer et développer le tourisme outre-mer, il n’est peut-être pas opportun de priver nos DOM de cette perspective ou de la restreindre excessivement

Je propose donc à Mme Payet de retirer cet amendement. Nous serions prêts à engager avec les professionnels la concertation que vous évoquiez tout à l’heure. Pour le reste, attendons de voir comment la directive sera transposée, afin d’être pleinement en phase avec les exigences européennes.

M. le président. Madame Payet, l'amendement n° II-110 est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. La mesure proposée par Mme Anne-Marie Payet est peut-être adaptée à la Réunion, mais elle ne l’est pas pour une région comme la mienne qui se situe à un quart d’heure de vol d’Antigua-et-Barbuda, de Trinidad, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

On compte déjà les bouteilles de rhum contenues dans les valises ; des contrôles obligatoires de sécurité s’imposent dorénavant sur les vols…S’il faut compter aussi les cigarettes, cela deviendra insupportable !

Ce serait une atteinte au tourisme, d’autant que des pays comme la République Dominicaine ou Cuba n’adopteraient pas les mêmes règles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Virapoullé. J’ai été un militant de la lutte contre le tabagisme. Au Conseil général de la Réunion, j’ai fait voter, en décembre 2000, un doublement de la taxe sur le tabac, qui a amélioré les recettes de la collectivité. À l’instant, je viens également de voter en faveur de l’amendement tendant à majorer de 100 % à 110 % le taux de l’assiette servant à déterminer le droit de consommation sur le tabac dans les DOM.

Je pense néanmoins qu’en toute chose il faut de la mesure. Le dispositif proposé par Mme Payet concernerait les DOM. Mais, autour de ces départements, il y bien d’autres aéroports et bien d’autres duty free ! Ce dispositif ne permettrait donc pas de lutter efficacement contre le tabagisme.

Outre le risque pour le tourisme qu’elle comporte, cette mesure poserait également des problèmes de conditionnement, les cigares se vendant par boîtes de 25 en moyenne !

Soyons raisonnables, mes chers collègues ! Cette question n’a pas atteint une maturité suffisante. Ainsi que vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, il convient d’attendre la transposition de la directive européenne afin de pouvoir harmoniser la réglementation sur tous les territoires concernés.

C’est pourquoi le retrait me semble judicieux. En tout état de cause, je ne pourrai pas voter en faveur de cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. D’une part, Mme Michaux-Chevry, ce n’est pas dans l’avion que l’on va compter les cigarettes ; c’est le commerçant qui va s’en charger, et il ne vous vendra pas plus de cigarettes que la loi ne le lui permet !

D’autre part, la directive européenne date du 20 décembre 2007 et elle applicable depuis hier. Votre argument n’est donc pas recevable, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-124, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le deuxième alinéa de l'article 49 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer est ainsi rédigé :

« Les ressources disponibles du fonds régional pour le développement et l'emploi sont affectées, chaque année, à une part communale et à une part intercommunale. »

II - Le cinquième alinéa (2°) du même article est ainsi rédigé :

« La part intercommunale est constituée de 20 % des ressources annuelles du fonds régional pour le développement et l'emploi. Cette ressource est affectée à la section d'investissement des budgets des syndicats mixtes ou d'établissements publics nécessaires au développement, notamment en matière de traitement des déchets. Cette ressource est répartie entre les différents établissements concernés au prorata de la population des communes membres. »

III. - 1. Les pertes de recettes résultant pour les régions du transfert de l'affectation du solde du produit de l'octroi de mer sont compensées à due concurrence par la création d'une dotation additionnelle à la dotation globale de fonctionnement.

2. Les pertes de recettes résultant pour l'État de la création d'une dotation additionnelle à la dotation globale de fonctionnement sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. La loi du 17 juillet 1992 relative à l’octroi de mer et portant mise en œuvre de la décision du conseil des ministres des Communautés européennes du 22 décembre 1989 avait créé, au profit des départements d’outre-mer, un fonds régional pour le développement et l'emploi.

Différents rapports rédigés par les services de l'État ont montré que, souvent, les fonds n’étaient pas consommés. Pour cette raison, l'article 49 de la loi 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer a déterminé un nouveau mode de répartition de ce fonds au profit des communes, qui devaient recevoir 80 %, alors que les régions ne gardaient que 20 %.

Par cet amendement, nous demandons que la part régionale soit reversée directement aux syndicats mixtes ou aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Actuellement, la répartition de ce fonds se fait sur la base qu’a indiquée Mme Michaux-Chevry. Cet amendement vise à ce que la part régionale de ce fonds, que la région pouvait utiliser librement, soit systématiquement mise à disposition des structures intercommunales ou des syndicats mixtes.

La commission, considérant qu’il est plus sage de laisser toute latitude aux collectivités pour financer leurs projets, n’estime pas souhaitable de limiter les possibilités d’utilisation de ces fonds par les régions. Aussi, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je comprends parfaitement les motivations de Mme Michaux-Chevry. Il faut effectivement faire en sorte que chacun puisse s’y retrouver et éviter que certaines collectivités ne se voient privées de recettes du fait de jeux politiques.

Il est toujours désagréable d’être dépendant du bon vouloir des autres. La République interdit à une collectivité d’exercer une tutelle sur une autre collectivité. (M. Charles Revet approuve.)

Pour autant, madame Michaux-Chevry, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement. En contrepartie, je m’engage, au nom du Gouvernement, à lancer une concertation auprès des collectivités locales avant de décider quoi que ce soit. À défaut, nous pourrions être accusés de brusquer les choses.

Ainsi, nous pourrons nous accorder sur une formule qui fera l’objet d’une disposition législative.

M. le président. Madame Michaux-Chevry, l'amendement n° II-124 est-il maintenu ?

Mme Lucette Michaux-Chevry. Non, je le retire, monsieur le président.

Je constate néanmoins que M. le secrétaire d'État reconnaît l’acuité du problème que j’ai soulevé.

M. le président. L'amendement n° II-124 est retiré.

L'amendement n° II-161, présenté par Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :

Après l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - A la première phrase du premier alinéa du D de l'article L. 4434-3 du code général des collectivités territoriales, les mots : « dépasse 50 000 habitants » sont remplacés par les mots « dépasse 30 000 habitants ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État de l'abaissement du nombre d'habitants pour bénéficier du fonds routier est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles aux tarifs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Les EPCI et les communes organisateurs des transports urbains bénéficient d'une fraction correspondant à 3 % du fonds routier dès lors qu'ils comptent plus de 50 000 habitants. De fait, les EPCI de taille moyenne en sont exclus.

Sans doute, monsieur le secrétaire d'État, me ferez-vous la même réponse que celle que vous m’avez faite à l’instant. Néanmoins, je tiens à vous faire remarquer que ce sont les habitants des départements et des collectivités d’outre-mer qui paient la taxe destinée au financement du fonds routier, que la collectivité régionale a charge de répartir. L’État, en effet, ne perçoit rien de ce fonds.

En tant qu’élue, je me dois de signaler que sa répartition n’est pas équitable. Comment le Gouvernement compte-t-il réparer cette injustice, qui permet à une collectivité de faire bénéficier certaines parties d’un territoire d’avantages financiers qu’elle refuse à d’autres ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Éric Doligé, rapporteur spécial. J’ai bien compris les arguments de Mme Michaux-Chevry, qui s’adressait plus particulièrement à M. le secrétaire d'État, dont la réponse sera probablement plus détaillée que la mienne.

À masse globale identique, je crains que la multiplication des collectivités bénéficiaires de ce fonds par un abaissement du seuil d’éligibilité ne conduise à sa dilution.

Ne disposant pas d’expertises suffisamment précises sur ce sujet, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Mme Michaux-Chevry ayant déclaré qu’elle connaissait ma réponse, elle ne sera pas surprise d’apprendre que le Gouvernement lui demande de retirer son amendement, sans quoi il émettra un avis défavorable.

Je propose que, dans le cadre de l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer, le Gouvernement dépose un amendement visant à faciliter la mise en place d’autorités uniques d’organisation des transports dans un certain nombre de territoires. À cette occasion, un vrai débat pourra s’engager.

Monsieur le président, en cet instant, le Gouvernement souhaiterait associer la Haute Assemblée à l’inquiétude et à la peine des familles de Saint-Pierre-et-Miquelon, puisque nous avons appris qu’un bateau a coulé au large de ses côtes. Quatre hommes originaires de l’île sont portés disparus et des recherches actives sont en cours pour les retrouver. Nous espérons tous qu’elles aboutiront.

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, le Sénat s’associe bien sûr pleinement à l’inquiétude des familles de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Madame Michaux-Chevry, l'amendement n° II-161 est-il maintenu ?

Mme Lucette Michaux-Chevry. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° II-161 est retiré.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Outre-mer ».

Articles additionnels après l'article 65 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Discussion générale

7

Dépôt de propositions de loi

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Paul Fournier, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Gérard Cornu, Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Sylvie Desmarescaux, M. Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Jean Faure, Alain Fouché, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Michel Houel, Mme Lucienne Malovry, MM. Alain Milon, Robert Navarro, Louis Pinton, Hugues Portelli et François Zocchetto, une proposition de loi visant à rendre permanent le principe de parité au sein du tableau des adjoints au maire des communes de 3 500 habitants et plus.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 116, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J’ai reçu de M. Alex Türk et Mme Sylvie Desmarescaux, une proposition de loi relative à l’inscription d’une initiation à l’utilisation du défibrillateur cardiaque entièrement automatique dans le déroulement de la Journée d’appel de préparation à la défense.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 117, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J’ai reçu de M. Guy Fischer, Mmes Michelle Demessine, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Michel Billout, Jean Claude Danglot, Mmes Annie David, Évelyne Didier, M. Thierry Foucaud, Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Isabelle Pasquet, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade, MM. Bernard Vera, Jean François Voguet, François Autain une proposition de loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 118, distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Initiative de l’Autriche visant à modifier l’annexe 2, inventaire A, des instructions consulaires communes en ce qui concerne les titulaires de passeports indonésiens diplomatiques et de service.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4138 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Demande de virement de crédits n° D-1/2008 à l’intérieur de la section II – Conseil – du budget général pour l’exercice 2008.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4139 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions. Deuxième analyse stratégique de la politique énergétique. Plan d’action européen en matière de sécurité et de solidarité énergétiques.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4140 et distribué.

9

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 décembre 2008, à dix heures trente, quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008 2009).

Rapport (n° 99, 2008 2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

Enseignement scolaire

MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 13) ;

M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat et Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 100, tome V).

Aide publique au développement (+ articles 59 quinquies et 59 sexies)

Compte spécial : accords monétaires internationaux

Compte spécial : prêts à des États étrangers

M. Michel Charasse, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 4) ;

M. Edmond Hervé, rapporteur spécial (Compte spécial : accords monétaires internationaux – rapport n° 99, annexe n° 4) ;

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 100, tome II) ;

MM. Christian Cambon et André Vantomme, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n° 102, tome III).

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 59 A à 59 D, 59, 59 bis, 59 ter et 59 quater)

Compte spécial : développement agricole et rural

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 3) ;

MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor et François Fortassin, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome I).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 3 décembre 2008, à une heure vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD